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French Pages 361
Hélène Nutkowicz, chercheur associée, LESA, UMR 8167 Orient et Méditerranée, spécialiste de la Bible, a publié sur les thèmes de la mort, les rites et les symboles, et est l’auteur de : L’homme face à la mort au royaume de Juda, rites, pratiques et représentations (Cerf 2006) ; de : Destins de femmes à Éléphantine au Ve siècle avant notre ère (L’Harmattan 2015) ; et co-auteur avec M. Mazoyer de : La disparition du Dieu dans la Bible et les mythes Hittites, Essai anthropologique (L’Harmattan 2014).
En couverture : Tahis, peinture de Laurent Vasquez
ISBN : 978-2-343-22324-7
37 €
Hélène Nutkowicz
Nombreuses traces écrites et matérielles d’une portée majeure ont été mises au jour dans l’île d’Éléphantine. Elles témoignent de la présence de Judéens, d’Araméens et de leur parentèle au cours du premier millénaire avant notre ère. Ces documents, lettres, contrats, ostraca, memoranda, nous éclairent sur le mode de vie de ses habitants tout au long de la période qui va du milieu du VIIe siècle au début du IVe siècle avant notre ère, tant pour ce qui a trait à leur quotidien que lors de moments inaccoutumés. La forteresse qui les abritait était installée à la pointe méridionale de l’île et faisait face à sa cité jumelle Assouan. Cette ville-garnison occupait une situation stratégique à la frontière de la Nubie, et cumulait un rôle tant militaire et économique que politique puisque capitale provinciale. Les Judéens, mercenaires au service des pharaons qui se sont succédé, et leurs familles, se sont intégrés et ont adopté les usages et coutumes égyptiens jusque dans la mort. Ils ont vécu des périodes de calme relatif entre le milieu du VIIe siècle et les débuts du IVe siècle, au service des puissances politiques au pouvoir, puis ont disparu après une décennie de fureur, de brutalités et de troubles, n’ayant laissé que d’imperceptibles empreintes dans la mémoire juive.
Collection KUBABA S é r i e Antiquité
Hélène Nutkowicz
ÉGYPTE :
ÉLÉPHANTINE AU VE SIÈCLE AVANT NOTRE ÈRE
Fragments d’histoire et de quotidien
ÉGYPTE : ÉLÉPHANTINE AU VE SIÈCLE AVANT NOTRE ÈRE
ÉGYPTE : ÉLÉPHANTINE AU VE SIÈCLE AVANT NOTRE ÈRE
ÉGYPTE : ÉLÉPHANTINE AU VE SIÈCLE AVANT NOTRE ÈRE
Collection Kubaba Série Antiquité Mathilde SIMON et Étienne WOLFF (dir.) Operae pretium facimus, Mélanges en l’honneur de Charles Guittard Sébastien BARBARA (éd.) Meta Trôessin. Hommages à Paul Wathelet, helléniste Françoise CLIER-COLOMBANI, Martine GENEVOIS Patrimoine légendaire et culture populaire : le gai savoir de claude gaignebet Sydney H. AUFRERE Thot Hermès l’Égyptien. De l’infiniment grand à l’infiniment petit Régis BOYER Essai sur le héros germanique Dominique BRIQUEL Le Forum brûle Jacques FREU Histoire politique d’Ugarit Histoire du Mitanni Suppiliuliuma et la veuve du pharaon Anne-Marie LOYRETTE et Richard-Alain JEAN La Mère, l’enfant et le lait Éric PIRART L’Aphrodite iranienne L’éloge mazdéen de l’ivresse Guerriers d’Iran Georges Dumézil face aux héros iraniens Michel MAZOYER Télipinu, le dieu du marécage
Hélène Nutkowicz
ÉGYPTE : ÉLÉPHANTINE AU VE SIÈCLE AVANT NOTRE ÈRE Fragments d’histoire et de quotidien
Président de l’association : Michel MAZOYER Comité de rédaction Trésorier : Chirstian BANAKAS Secrétaire : Charles GUITTARD Comité scientifique : Sydney AUFRERE, Sébastien BARBARA, Marielle de BECHILLON, Nathalie BOSSON, Dominique BRIQUEL, Sylvain BROCQUET, Gérard CAPDEVILLE, Jacques FREU, Charles GUITTARD, Jean-Pierre LEVET, Michel MAZOYER, Paul MIRAULT, Dennis PARDEE, Eric PIRART, JeanMichel RENAUD, Nicolas RICHER, Bernard SERGENT, Claude STERCKX, Patrick VOISIN Logo Kubaba : La déesse KUBABA, Vladimir TCHERNYCHEV
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© L’Harmattan, 2021 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-22324-7 EAN : 9782343223247
« Je vais vous faire voir l’envers des évènements que l’histoire ne montre pas ; l’histoire n’étale que l’endroit. » F.R. de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, Livre vingt-troisième, chapitre 12.
ABRÉVIATIONS AA
Ada ant. Academiae Scient. Hungaricae.
Afe
B. Porten, Archives from Elephantine, Berkeley,
University of California, 1968. AJ
Flavius
Josèphe,
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American Journal of Semitic Languages and Literatures.
AMI
Archaeologische Mitteilungen aus Iran.
ASAE
Annales du Service des antiquités de l’ngypte.
BASOR
Bulletin of the American Schools of Oriental Research.
BdE
Bibliothèque d’études de l’IFAO.
BIFAO
Bulletin de l’Institut français d’archéologie orientale.
BO
Bibliotheca Orientalis.
BSFE
Bulletin de la Société Française d’ngyptologie.
CdE
Chronique d’ngypte.
CIS
Corpus Inscriptionum Semiticarum.
CRAIBL
Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles
Lettres. CRIPEL
Cahiers de recherche de l’Institut de papyrologie et
d’égyptologie de Lille. CS II
« Monumental Inscriptions from the Biblical World »,
dans W.W. Hallo éd., The Context of Scripture, Archival Documents from the Biblical World, vol. II, Leyde et al., Brill, 2000.
9
CS III
« Archival Documents from the Biblical World », dans
W.W. Hallo éd., The Context of Scripture, Archival Documents from the Biblical World, vol. III, Leyde et al., Brill, 2002. DHA
Dialogues d’Histoire ancienne.
EA
Les lettres de Tell Amarna, trad. W.L. Moran, D. Collon
et H. Cazelles, Paris, Le Cerf, 1987. EAO
ngypte, Afrique et Orient.
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Göttinger Miszellen.
GRAFMA
Groupe de recherche archéologique française et
internationale sur les métiers depuis l’antiquité. Hérodote
L’Enquête, Livres I à IV, éd. d’Andrée Barguet,
Gall1imard, Folio, 1990. IEJ
Israel Exploration Journal.
IFAO
Institut Français d’archéologie orientale.
JAEI
Journal of Ancient Egyptian Interconnections.
JANES
Journal of the Ancient Near Eastern Society of
Columbia. JAOS
Journal of the American Oriental Society.
JARCE
Journal of the American Research Center.
JBL
Journal of Biblical Literature.
JCS
Journal of Cuneiform Studies.
JEA
Journal of Egyptian Archaeology.
10
JEH
Journal of Egyptian History.
JESHO
Journal of the Economic and Social History of the
Orient. JNES
Journal of Near Eastern Studies.
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Journal of Royal Asiatic Studies.
JSSEA
Journal of the Society for the Study of Egyptian
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Mitteilungen der deutschen archaeologischen Institus
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d’archéologie Orientale. O.
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P.
Papyrus.
PM
Préhistoires Méditerranéennes.
RAD
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Londres, Oxford University Press, 1948. RB
Revue Biblique.
RdE
Revue d’égyptologie.
REG
Revue des ntudes Grecques.
RIDA
Revue internationale des droits de l’Antiquité.
SAK
Studia zum altägyptischen Kultur.
TAD A, B, C, D B. Porten et A. Yardeni, Textbook of Aramaic Documents from Ancient Egypt, Newly Copied, Edited and Translated
11
into Hebrew and English, vol. I-IV, Jérusalem, Magnes Press, 19861999. VT
Vetus Testamentum.
ZABR
Zeitschrift
für
altorientalische
und
biblische
Rechtgeschichte. ZfS
Zeitschrift für ägyptische Sprache.
ZAW
Zeitschrift für die alttestamentlische Wissenschaft.
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Introduction Théâtre d’évènements ayant légué de nombreuses traces écrites et matérielles d’une portée majeure, l’île d’Éléphantine témoigne de la présence de Judéens, d’Araméens et de leur parentèle au cours du premier millénaire avant notre ère. Parvenus sur cette île afin de garder la frontière méridionale de l’Égypte, ils ont vécu immergés et intégrés dans l’espace égyptien et ont adopté ses coutumes et ses usages. Ainsi, les documents en provenance de ce site nous éclairent sur le mode de vie de ses habitants tout au long des siècles qui s’étirent du VIIe au début du IVe siècle avant notre ère, tant pour ce qui a trait à leur quotidien que lors de moments inaccoutumés. Yeb, dont le nom grec d’Éléphantine est parvenu jusqu’à nous, sise au niveau de la première cataracte du Nil et face au port fluvial de Syène/Assouan, d’une longueur de 1,8 kilomètre sur 400 mètres de largeur, a abrité une communauté de mercenaires judéens dont un pharaon égyptien avait sollicité la venue auprès du souverain du royaume de Juda. La forteresse1 est installée à la pointe méridionale de l’île, qui fait face au port fluvial de la cité jumelle. Cette ville-garnison occupe une situation stratégique à la frontière de la Nubie, et cumule un rôle tant militaire, économique que politique puisque capitale provinciale. Les Judéens vont vivre des périodes de calme relatif entre le milieu du VIIe et les débuts du IVe siècle au service des puissances politiques au pouvoir, puis disparaître après une décennie de fureur et de troubles, n’ayant laissé que d’imperceptibles empreintes dans la mémoire juive. En effet, si le texte d’Isaïe 49, 12 évoque la terre de Sinnim ou terre des Syéniens (A4.10 6), cette appellation renvoie peut-être uniquement à une référence topographique (Ézéchiel 29, 10 ; 30, 6), et non avec certitude à la mémoire de la communauté judéenne2. Si la date de leur arrivée et de leur première installation n’est pas connue avec précision, la probabilité qu’ils se soient établis lors de la période pharaonique paraît assurée, puisqu’en effet une correspondance officielle émanant de responsables de la communauté rappelle que le Temple des Judéens fut érigé grâce à l’autorisation d’un pharaon égyptien, excluant ainsi les souverains de la période perse. Cette lettre des archives de la communauté judéenne (A4.7 13-14/A4.8 12-13), exprime clairement cette réalité du passé 1
A. Lemaire et H. Lozachmeur, dans « La birta en Méditerranée orientale », Semitica 43/44, 1995, pp. 75-78, rappellent que Samarie et indirectement Jérusalem sont tout autant des « villes fortes » au Levant, p. 76. 2 B. Porten, « Settlement of the Jews at Elephantine and the Arameans at Syene », dans O. Lipschits et J. Blenkinsopp éd., Judah and the Judeans in the Neo-Babylonian Period, Winona Lake, Eisenbrauns, 2003, pp. 451-470, spéc. p. 452.
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qui rappelle : « Et depuis les jours du/des roi(s) d’Égypte, nos pères avaient construit ce Temple à Éléphantine la forteresse et lorsque Cambyse est entré en Égypte – ce Temple il l’a trouvé construit. Et les temples des dieux d’Égypte, tous, ils les détruisirent, mais rien dans ce Temple n’a été endommagé. » Un bref rappel historique permet de mettre en situation la présence judéenne dans l’île. Au cours du VIIIe siècle, tandis que la menace assyrienne se fait pressante et que les royaumes d’Israël (1 Rois 17, 4s.) et de Juda (Isaïe 18, 20, 30s. ; 31, 1s. ; 36, 9) sollicitent l’aide égyptienne, les pharaons de la XXVe dynastie promettent leur appui, mais ils n’en feront rien (2 Rois 19, 9 ; Hérodote II. 241). Le royaume du Nord tombe entre les mains des Assyriens qui capturent un grand nombre d’Israélites (2 Rois 17, 1s. ; 18, 13s. ; 19, 35s.). Trois décennies de guerre provoquent probablement la fuite de certains d’entre eux vers des contrées plus calmes. Il n’est donc pas surprenant que certains se soient installés en Haute-Égypte à Pathros, et en Nubie (Isaïe 11, 11)3. Pour autant, les Judéens ne sont pas « envoyés » en Égypte avant la période saïte. La Lettre d’Aristée confirmerait que des Judéens ont été dépêchés en qualité d’auxiliaires afin de combattre dans l’armée de Psammétique, le roi des Éthiopiens4. Psammétique Ier, qui ouvre l’ère de la XXVIe dynastie, et Psammétique II, ont tous deux combattu les souverains éthiopiens, aussi, l’identité du pharaon dont il est question est-elle sujette au doute. D’autant plus que l’appel au service des mercenaires reste un usage attesté lors de toute cette période. Ainsi, des Ioniens et des Cariens, des Nubiens et des Lybiens, mercenaires traditionnels, sont loués par Psammétique Ier afin de lui permettre de libérer le pays du joug assyrien et rétablir son pouvoir sur les dynastes locaux. Des Phéniciens, des Syriens et des Judéens deviennent également mercenaires à la suite des conquêtes assyriennes. Certains d’entre eux sont installés dans des garnisons près de Daphnaé, et plus tard transférés à Memphis par Amasis. De surcroît, des Cariens, Ioniens, Phéniciens et Rhodiens participent à la campagne de Psammétique II contre la Nubie en 591
3
H.L. Ginsberg, « Gleanings in First Isaiah », M.M. Kaplan Jubilee Volume, New York, The Jewish Theological Seminary of America, 1953, pp. 245-259, spéc. pp. 248 SQQ. 4 « Déjà auparavant il en était venu beaucoup à la suite du Perse, et avant ceux-ci d’autres encore, envoyés comme auxiliaires pour combattre avec Psammétique contre le roi d’Éthiopie », rapporte la Lettre d’Aristée, Introduction, texte critique par A. Pelletier, Paris, Le Cerf, 1962.
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avant n. è., qui inscrivent leur nom sur le colosse de Ramsès II à Abou Simbel5. Les souverains saïtes6 s’intéressent à la Syrie-Palestine tandis que les rois de Juda considèrent l’Égypte selon les circonstances politiques. De sorte que ce pays, après avoir déclenché une attaque victorieuse contre son ennemi koushite7, lance l’année suivante une marche, Ḫr, sur la Syrie-Palestine8, peut-être afin d’encourager les divers États soucieux de secouer le joug de Babylone. À la question de savoir quel souverain judéen a été sollicité et lequel des deux pharaons a exigé ces troupes, une réponse sera proposée dans le chapitre premier9. 5
A. Bernand et Abd el Latif Ahmed Ali ont recopié le matériel grec entre le 18 mars et le 11 avril 1956, qui a été publié par A. Bernand et O. Masson, dans « Les inscriptions grecques d’Abou-Simbel », REG 70, 1957, pp. 1-46. Les inscriptions phéniciennes figurent dans N. Slouschz, Thesaurus of Phoenician Inscriptions, Tel Aviv, Dvir. Pub. Co.,1942, pp. 62 sqq. A. Rowe, « New Light on Objects Belonging to the Generals Potasimto and Amasis in the Egyptian Museum », ASAE 38, 1938, pp. 157-194. S. Sauneron et J. Yoyotte, « La campagne nubienne de Psammétique II et sa signification historique », BIFAO 50, 1952, pp. 157-207, spéc. p. 188. B. Porten, Afe, pp. 8 sqq. 6 La dynastie saïte ou XXVIe dynastie perdure de 664 environ jusque 527-526, date de la conquête du pays par le souverain perse Cambyse et début de la première domination perse. La XXVIIe dynastie perse s’étend de 526 à 400 environ. La dynastie suivante ou XXVIIIe dynastie égyptienne souligne la fin de la première domination perse de 404-403 à 398-397 qui est suivie par la XXIXè dynastie égyptienne de 398367 à 379-378. La XXXe dynastie, fondée en 379-378, s’éteint en 342-341 environ. Les Perses reprennent le pouvoir et la XXXI e dynastie s’ébauche en 340 environ, puis disparaît en 332, L. Depuydt, « Saite and Persian Egypt, 664-BC-332 », dans E. Hornung, R. Krauss et D.A. Warburton éd., Ancient Egyptian Chronology, Leyde, Brill, 2006, pp. 265-283. 7 S. Sauneron et J. Yoyotte, « La campagne nubienne de Psammétique II et sa signification historique », pp. 198 sqq. 8 F.K. Kienitz, Die politische Gechichte Ägyptens vom 7. Bis zum 4. Jahr-hundert vor der Zeitwende, Berlin, Akademie Verlag, 1953, p. 25. 9 Chapitre Premier pp. 35 sqq. Selon Hérodote (II. 30-31), sous le règne de Psammétique Ier (664-610), vingt-quatre myriades d’Égyptiens de la garnison d’Éléphantine après trois ans de loyaux services sans être relevés, quittent le service du souverain pour se rendre en Éthiopie. Psammétique les rejoint, les prie et les presse de ne pas abandonner patrie, femmes et enfants. Cependant, après avoir fait allégeance au roi d’Éthiopie, ils s’installent dans son pays. S. Sauneron, « Sur la politique palestinienne des rois saïtes, les auxiliaires juifs dans la lettre d’Aristeas », VT 2 ½, 1952, pp. 131-136, spéc. pp. 132-133.
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L’érection du Temple d’Éléphantine par les Judéens pourrait peut-être évoquer une date d’installation avant la promulgation du Deutéronome (12), et la limitation de certains sacrifices à Jérusalem (2 Rois 22-23 ; 2 Chroniques 34-35). En outre, des textes bibliques laissent entendre que Manasseh aurait fait parvenir des troupes en Égypte (2 Rois 13, 7 ; Deutéronome 17, 16). De fait, cette place forte égyptienne abrite non seulement des mercenaires judéens, mais également des soldats venus d’autres horizons, araméens, phéniciens, grecs, babyloniens, caspiens, assyriens. Quelques récits bibliques dévoilent brièvement la présence araméene au service de souverains étrangers au cours des siècles. Mais leur arrivée à Syène, cité jumelle d’nléphantine, n’est guère documentée. Et, les premières références aux Araméens dans les garnisons d’Éléphantine-Syène n’apparaissent pas avant le règne du pharaon Apriès (589-570), qui se relient à la destruction du royaume du Nord et de divers États araméens, suivie par la déportation de populations et en particulier celle des Samaritains à Hamath (Isaïe 11, 21), tandis que les habitants de cette cité sont établis dans la région de Samarie. Ainsi, des Araméens et des Babyloniens s’y installent (2 Rois 17, 24), apportant avec eux leurs dieux et leurs cultes (2 Rois 17, 30). Vers la fin du VIIIe siècle avant n. è., cette population de l’ancien royaume du Nord a, pour sa plus grande part, adopté l’araméen. Dans le même temps, cette lingua franca est choisie par les chancelleries et les officiels d’Assyrie et de Juda (2 Rois 18, 26 ; Isaïe 36, 11). Durant le règne d’Amasis (570-526), des Araméens sont mentionnés embarquant pour la Nubie. Pour les protagonistes figurant dans les documents comme Judéens et/ou Araméens, il semble probable qu’ils aient été dénommés de la sorte en raison de leur usage de la langue araméenne10, et non de leur origine ethnique. En outre, des divinités auxquelles un même culte est rendu dans le nord de la Syrie, dans le djebel Seman et à Syène, attestent indirectement de leur présence. Les Araméens de Syène et de Memphis descendent peut-être de réfugiés ayant fui vers l’Égypte tout comme les Israélites, ou bien de déportés d’Arpad, Hamath et d’autres cités, installés à Samarie. Deux sources égyptiennes suggèrent que des Araméens sont installés en Égypte dès avant la conquête perse. La stèle d’Esḥor, sous Apriès (589570), évoque des troupes d’Asiatiques : les tȝmw et les Sttyw, dont les premiers pourraient se rattacher aux Judéens et les seconds aux Araméens. Le P. Berlin 13615, de la fin de règne d’Amasis, rapporte une expédition en Haute-Nubie à laquelle participent deux ou trois groupes d’Asiatiques11. 10
B. Porten, Afe, pp. 10-11 sqq. B. Porten, « Settlement of the Jews at Elephantine and the Arameans at Syene », pp. 459 sqq. 11
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D’autres se sont peut-être rendus en Égypte afin d’y exercer une activité de marchands. Or, en 716, Sargon installe des Araméens sur la frontière égyptienne et perçoit un tribut du pharaon. Le Prisme de Nimrud rapporte qu’il a fait se mêler et commercer ensemble Assyriens et Égyptiens. Parmi cette population, certains étaient peut-être des Araméens12. Les lettres d’Hermopolis envoyées de Memphis à Ofi ou Louxor et Syène proviennent peut-être de commerçants ou d’artisans13. Puis, la période achéménide s’ouvre avec la conquête par Cambyse de l’Égypte en 526 avant n. è., qui correspond à la XXVIIe dynastie. Ce monarque est bien accueilli par des minorités comme la communauté judéenne d’Éléphantine ou des membres de l’aristocratie égyptienne. Les nouveaux maîtres du pays partagent la volonté d’une tradition nationale. Ainsi, les souverains perses adoptent, afin d’être le plus possible considérés comme leurs prédécesseurs égyptiens14, une titulature à l’image de celle des pharaons. Néanmoins, si le régime perse ne s’applique pas à l’Égypte, le statut de « satrapie » lui est imposé, à la tête de laquelle sont nommés des princes perses dont le premier est Aryandès. La politique de Cambyse II confirme le respect des sanctuaires et des cultes. L’administration se transforme et change de maîtres. Mais cette colonie semble acquérir une situation relativement privilégiée. De surcroît, le souverain perse aurait souhaité s’emparer de la Nubie et des Oasis et, avant de s’embarquer aurait, à en croire Hérodote, fait venir d’Éléphantine des habitants ichthyophages ou « mangeurs de poissons » (Hérodote III. 17), connaissant la langue éthiopienne15. Cambyse ne peut cependant mener à bien cette campagne, mais, il conquiert la Basse-Nubie (Hérodote III. 97). Le monarque y aurait perdu une armée entière. Après avoir pacifié l’Empire et destitué Cambyse, Darius s’installe sur le trône perse en 521. L’Égypte ayant fait partie des contrées rebelles, le nouveau souverain fait mettre à mort le satrape Aryandès remplacé par Phérendatès. Ainsi, le texte en 12
H. Tadmor, « The Campaign of Sargon II of Assur: A Chronological Historical Study », JCS 12, 1958, pp. 22-40, spéc. 34 sqq. Y. Muffs, Studies in Aramaic Legal Papyri from Elephantine, Leyde, Brill, 1968, pp. 189 sqq. 13 B. Porten considère avec justesse comme hautement improbable que les mercenaires d’Éléphantine et de Syène proviennent de lieux aussi lointains que l’État de Yatudi dans le sud de l’Anatolie dans la mesure où les divinités de ce royaume n’y apparaissent pas. Aucune référence n’est faite à Baal, El, Resheph et Rakibel. Hadad le dieu des Araméens se retrouve par deux fois seulement dans le nom de Hadadnuri et dans l’une de ces deux occurrences le personnage est désigné comme le « Babylonien », Afe, pp. 18-19, n. 66. 14 N. Grimal, Histoire de l’Égypte ancienne, Paris, Fayard, 1988, pp. 442 sqq. 15 Voir Chapitre Premier, pp. 41-42.
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araméen de la stèle de Behistoun adressé à la colonie d’Éléphantine pourrait avoir été dépêché par Darius qui s’était rendu en Égypte en 519/518 afin d’y restaurer le pouvoir perse (C2.1). Désireux de calmer les esprits, et également de tirer le meilleur profit possible du pays, il ordonne de compléter le creusement du canal de Néchao entre la branche pélusiaque du Nil et le golfe de Suez. Après avoir décidé la réorganisation des lois du pays, le souverain se préoccupe également de la frappe de la monnaie locale. Il organise son royaume en satrapies, lesquelles lui versent un tribut annuel en argent et en nature (Hérodote III. 89s. ; II. 149 ; III. 91). Les Éthiopiens sont également tenus à cette obligation d’apporter, entre autres, de l’or non raffiné, du bois d’ébène, vingt défenses d’éléphant. Aussi, les garnisons de Syène et d’Éléphantine sont-elles dotées de la tâche de superviser le territoire du sud et assurer également la répartition du tribut. Un rôle tant militaire que de capitale provinciale et économique lui incombe en raison de sa position stratégique à la frontière méridionale de l’Égypte et de la Nubie. Une révolte éclate dans le pays en 486, qui s’étend du Delta jusque l’île Éléphantine et dure près d’une année. À la mort de Darius Ier, Xerxès lui succède ; le premier document provenant des archives de MipÓaḥyah date du règne de ce souverain. Le satrape Achaiménès, frère de Xerxès, durcit l’administration du pays. Pour autant, à Éléphantine, et en dépit de la gravité de la situation, le pouvoir perse n’est pas remis en cause. Artaxerxès Ier prend le pouvoir en 465. Et, divers documents portent l’année de son règne : le second contrat des archives de MipÓaḥyah date des débuts de ce dernier. Cependant, des conventions qui inscrivent une somme « du trésor de Ptah », et non pas « du trésor royal », suggèrent une période de rébellion, mais non pas la perte du pouvoir par les Perses. Arsamès remplace Achaiménès en 454. Le calme revient pour un temps, le nouveau satrape évite toute mesure qui pourrait conduire à une révolte, et les fonctionnaires adoptent tant et plus les us et coutumes égyptiens. Darius II prend le pouvoir en 424, qui poursuit la politique de Darius Ier ; la communauté judéenne d’Éléphantine lui concède son soutien. Le petit-fils d’Amyrtée se révolte en 404 après six ans de rébellion clandestine : il prend le pouvoir l’année de la mort de Darius II et fonde la XXVIIIe dynastie. Quatre ans plus tard, il est reconnu jusque Syène et règne jusqu’en 398. Les Judéens n’ont plus guère laissé de trace écrite après cette période. La dernière phase d’indépendance du pays s’ouvre sous la houlette de ce pharaon égyptien, elle perdure jusque 343. L’usage de l’araméen dans les documents s’explique par sa spécificité de langue commune : dès avant la période perse, et sous les souverains saïtes, les rapports diplomatiques entre rois d’Égypte et de Palestine usent de l’araméen, alors considéré comme une langue de prestige. Dès l’époque
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assyrienne, tant dans le royaume d’Israël que celui de Juda ou de Syrie, l’araméen est devenu la langue vernaculaire. Les documents permettant cette étude nous sont parvenus soit lors de fouilles régulières soit lors de leur acquisition sur le marché. Contrats et missives insérés dans des archives communales, ou celles de deux particuliers, celles de MipÓaḥyah et d’tAnanyah, lettres et ostraca témoins d’opérations liées au quotidien, font ainsi l’objet de cette enquête. Pour les lettres, les premiers documents connus, les Papyri de Padoue (A3.3-4), sont acquis par G.B. Belzoni à Éléphantine entre 1815 et 1819. Le Papyrus de Turin (A5.3) fait partie de la collection Doretti (1824). Un fragment découvert par F.A. Mariette (noté en 1962), au Sérapeum de Memphis a pris place au Musée du Caire (A5.4). Les deux derniers documents ont été inclus dans le CIS, ou Corpus Inscriptionum Semiticarum, en 1893 (n° 144-151). La même année, C. Wilbour acquiert une lettre parmi d’autres papyri (A3.9). En 1898, un fragment entre à la BNU de Strasbourg (A. 4-5). Deux autres fragments mis au jour par G. Maspero en 1902, l’un à Saqqarah (A5.1), l’autre à Éléphantine (A5.5), sont offerts à l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres. La première « collection » est mise au jour par O. Rubensohn et F. Zucker, lesquels effectuent des fouilles sur l’île entre 1906 et 1908. Ils découvrent neuf lettres qui peuvent être assignées aux archives communales de Jedanyah, fils de Gemaryah et chef de la communauté judéenne à un moment donné (A4.1-4 ; A4.8-10) : six sont privées (A3.1-2 ; A3.5-8), et trois sont officielles (A5.2 ; A6.1-2). Quatre d’entre elles (A4.1 ; A4.6 ; A4.7 ; A4.9) et une partie de la cinquième (A4.4) sont conservées à Berlin ; les autres le sont au Musée du Caire. Les découvertes de l’expédition allemande sont publiées par Sachau en 1911 et A.E. Cowley publie tous les papyri connus à ce jour. Envoyée par le souverain d’Ekron du nom d’Adon et datée de la fin e du VII siècle, cett missive diplomatique est déposée au Musée du Caire en 1942. Des lettres encore jamais ouvertes ni même parvenues à leurs destinataires sont découvertes par S. Gabra à Hermopolis. Ces huit dépêches sont publiées par E. Bresciani et M. Kamil en 1966. Lors de cette période, E. Bresciani publie les courriers référencés : A3.11 du Musée archéologique de Florence, et A3.3-4. En 1947, les Papyri Wilbour sont déposés au Musée Brooklyn, qui comportent la lettre A3.9, publiée par E.G. Kraeling en 1953. En 1971, M. Sznycer publie certains documents de l’Académie française (A5.1). Outre ces lettres sur papyrus, quatorze autres et quelques fragments sont rédigés sur du cuir. Acquis par L. Borchardt en 1933 et transféré à la Bodléienne d’Oxford, l’ensemble est publié par G.R. Driver en 1954 (A6.316). Elles concernent le satrape Arsamès qui gouverne l’Égypte lors de la deuxième moitié du Ve siècle.
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Des contrats seront acquis par R. Mond et Lady W. Cecil en 1904 à Syène/Assouan, et publiés en 1906 par A.H. Sayce et A.E. Cowley dans : « Aramaic Papyri Discovered at Assuan ». Ces documents sont en parfait état de conservation lors de leur découverte : enroulés de bandelettes scellées, ils portent au dos des rouleaux la nature ou le contenu des actes. O. Rubensohn entreprend une campagne de fouilles de décembre 1906 à février 1907. Il met au jour nombre d’ostraca et surtout une collection de papyri dont certains ne sont plus qu’à l’état de fragments. Puis, F. Zucker découvre encore d’autres documents de la même période et du même milieu. Il devient alors évident que les Papyri Sayce d’Oxford font partie de ce même ensemble. À Leipzig, en 1911, E. Sachau publie les documents exhumés par O. Rubensohn et F. Zucker dans Aramaïsche Papyrus und Ostraka aus eine jüdischen Militärkolonie. Il répartit les documents selon six groupes : messages et lettres publiques et privées, listes de noms de personnes, documents légaux, documents littéraires, dont une bonne partie constitue une version araméenne de l’histoire d’Ahiqar et de l’inscription de Darius Ier à Behistoun, divers et ostraca. Les originaux ont été répartis entre Le Caire et Berlin. Les trois séries d’archives d’nléphantine se composent d’un ensemble officiel provenant des chefs de la communauté judéenne, d’une série dite « archives de MipÓaḥyah », d’une autre dite « archives d’ʽAnanyah », et de divers autres documents. En dépit de plusieurs arrivées probables, et non concomitantes, sur l’île, en qualité de mercenaires à la solde de la puissance politique du moment, et cela dès 650 environ avant n.è., les premières traces écrites provenant des Judéens datent du Ve siècle, et plus précisément entre 495 et 402. Les lettres officielles comportent des courriers datant de la période de 419/418 à 407 avant n. è : le rescrit apporté par Hananyah, et dit Papyrus de Pâques, provient soit de Jérusalem soit des autorités perses, et transmet les règles à respecter lors de cette fête ; les autres documents se rapportent aux évènements ayant précédé la destruction du Temple de YHW et leurs conséquences sur plusieurs années. Les archives de MipÓaḥyah couvrent la période qui va de 471 à 410 avant n.è., soit environ l’espace de trois générations, et comportent onze documents (B2.1-12), qui éclairent sa vie familiale par ses aspects juridiques et judiciaires : donations et usufruits, contrat de mariage, retraits de biens, et mettent en scène : son père, ses deux maris et ses enfants. Les archives d’ʽAnanyah, qui vont de 456 à 402 avant n. è., témoignent aussi de sa vie familiale et de ses aspects concrets. Ainsi notamment : son union, ses deux enfants Pilti et JehôyîÎmaʽ, et l’évolution de sa situation familiale et patrimoniale jusque sa vieillesse (B3.1-13). Une correspondance tant officielle que semi-officielle, envoyée par le satrape ou reçue par celui-ci, de même que des listes, des lettres, des contrats et des ostraca complètent ces sources araméennes.
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L’Égypte s’est ouverte au monde méditerranéen, et la garnison d’Éléphantine en conforte le reflet. Son rôle fut d’importance dans l’histoire des Judéens. La domination et le pouvoir légal perse en Égypte se sont imposés aux mercenaires judéens qui l’ont servi jusqu’à la reprise du pouvoir par un pharaon égyptien. Aussi, l’étude des rapports et des liens avec la population locale égyptienne, des différents aspects de cette vie quotidienne ne peut-elle manquer de retenir l’attention. Cette approche croisée tente d’éclairer au plus près le mode de vie quotidien des habitants de l’île, tel qu’il apparaît par le biais de l’analyse du contenu du matériel, tant écrit qu’archéologique, qui nous est parvenu, et de le mettre en perspective dans l’espace plus vaste de la vie quotidienne des Égyptiens lors de la période saïtoperse. Si les quartiers d’habitation, les temples et leur contexte ont été érodés et perturbés par les aménagements ultérieurs, parfois malaisés à lire et interpréter, les institutions sociales ne sont guère soumises aux changements politiques : de nombreux documents dépeignent des réalités ayant peu ou pas subi de transformations entre les périodes précédentes et celle qui est ici étudiée16. La vie des mercenaires et des membres de leur maisonnée en émerge, dont les particularités ressortent selon le statut, l’âge et les possessions des uns et/ou des autres, pour autant, les nuances de leur quotidien nous échappent parfois. Le rapprochement avec la documentation égyptienne s’accomplit grâce aux textes de la période saïto-perse, formulaires, missives, listes, ostraca, papyri, stèles. Les documents convoqués peuvent remonter jusqu’à la première période intermédiaire pour se rendre vers la période ptolémaïque. De même, sont évoqués des récits et des sagesses reflétant les mœurs, les coutumes, les mentalités et les représentations, reflets de la société égyptienne et de ses profondes modifications au cours du premier millénaire avant n. è.17. La rencontre de ces témoignages permet l’ouverture sur ce monde complexe et en autorise une certaine perception. Des bornes s’instaurent néanmoins en raison du nombre limité d’informations et du regard subjectif de l’Autre porté vers cette culture disparue depuis environ 2400 ans, ses symboles, ses expressions, sa langue. L’absence est notable de représentations et de récits 16
S. Allam, « Quelques aspects du mariage dans l’Égypte ancienne », JEA 67, 1981, pp. 116-135, spéc. 117. 17 D. Agut-Labordère, « L’argent est un sortilège », Penser la richesse en ngypte ancienne à travers La sagesse du Papyrus Insinger (VIe siècle av. J.-C.-1er siècle apr. J.-C.) », dans C. Barouin et C. Michel éd., Richesse et sociétés, Colloques de la MAE René-Ginouvès, Paris, de Boccard, 2013, pp. 53-65, spéc. p. 55, à leur examen, rappelle que les sagesses égyptiennes ne doivent pas être confondues avec des ouvrages de philosophie, mais sont « le fruit d’une sélection de maximes prééxistantes regroupées… dans le cadre scolaire, …objet d’un large consensus social ».
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quotidiens, qui laissent place à des missives et des messages qui révèlent beaucoup des obligations, des soucis, des hostilités et des sentiments, des drames et de la grande histoire par-delà ces textes le plus souvent personnels.
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CHAPITRE PREMIER UNE CITÉ DE MERCENAIRES Révélées par des ostraca, des listes et des contrats, les informations souvent disparates traduisent et transmettent toutefois une part de la vie des soldats de la garnison de l’île, intégrés dans l’armée égyptienne saïte, puis à la solde des Perses. De nombreuses spécificités de leur rôle dans une ville militaire, comme Éléphantine et sa cité jumelle Assouan, sont illustrées également par les documents en démotique. Pour autant, les traces inscrites s’avèrent moins nombreuses pour la période saïte que pour la période achéménide au cours du Ve siècle mieux connu. Le choix de ces lieux afin d’y établir une garnison, les particularités de ces forteresses, leur histoire et la présence des Judéens et des Araméens, leur activité, l’armement des soldats et leur rémunération, enfin la disparition des Judéens sont ainsi à décrypter. Ces cités, sises sur la frontière méridionale du pays, sont, depuis des millénaires, dédiées à sa surveillance : leurs responsabilités s’avèrent aussi multiples que celles des soldats qui y sont cantonnés.
De la garnison La forteresse d’Éléphantine et son territoire ont vu l’installation probable de Judéens au cours du VIIe siècle avant n. è., dont le rôle de mercenaires, pour la plupart, apparaît dans l’ensemble des documents émis par les membres de leur communauté où leur identité, leur origine ethnique et leur profession sont systématiquement déclinées. Syène, a vécu l’établissement d’Araméens pour leur grande majorité. Après le pouvoir saïte, le pouvoir achéménide, afin d’assurer une certaine stabilité au pays et sur ses frontières, s’appuie sur des contingents de Grecs, de Perses, de Babyloniens, de Syriens et de Judéens et les favorise. Au VIe siècle, lors de leur prise de pouvoir, les Perses décident de conserver les garnisons sur les frontières entre provinces perses.
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Réalités géopolitiques de l’île L’analyse du concept de frontière en Égypte ancienne permet d’éclairer le choix de cette île, de cette cité et de ses habitants. Il se définit en règle générale par le terme tȝÎ, lequel détermine une ligne délimitant un champ, une installation, un district ou un pays. Ce même terme était aussi employé afin de définir un territoire18. Il se rapporte encore à l’autorité d’une personne sur une contrée, qui s’applique aux champs, aux terroirs, ou aux nomes d’Égypte19. Les parcelles de terre sont marquées par une borne ou stèle-frontière. Ces limites, en termes juridiques, s’interprètent par la notion d’uti possidetis20. Le contenu du terme tȝÎ peut s’étendre à des territoires étrangers dont les souverains conservent des relations cordiales avec l’ngypte. De plus, la formule « étendre les frontières », ou swsḫ tȝÎ.w, évoque la capacité à collecter taxes et tributs à la suite de conquêtes. Un autre terme : ḏrw, désigne une frontière naturelle, un territoire, ou une région définie par une frontière naturelle ; il signifie également « fin d’un pays ». Ce terme délimite, à l’époque de la XVIIIe dynastie, les territoires bordant les frontières égyptiennes, lui attribuant une valeur géopolitique. La désignation d’Éléphantine comme frontière ne saurait être anodine. Ce site stratégique exprime une réalité géographique concrète perçue par les anciens Égyptiens. Située au niveau de la première cataracte au sud de l’île, elle joue le rôle de barrière naturelle. En outre, les gisements de minerais proches ajoutent à son intérêt. De tout temps, Éléphantine a désigné la limite méridionale du pays21. Cette île, dès l’aube de la période pharaonique, a joué le rôle de frontière méridionale, et un centre commercial y est assuré dès la période dite Nagada II d I, vers 3300 avant n. è. Elle est attestée dans une liste de forteresses22 : la première d’entre elles y est installée au cours de la première 18
L. Török, Between Two Worlds, The frontier Region between Ancient Nubia and Egypt 3700 BC-500, Leyde et al., Brill, 2004, pp. 7 sqq. 19 J.M. Galn, « The Egyptian Concept of Frontier », dans L. Milano, S. de Martino et al. éd., Landscapes, Territories, Frontiers and Horizons in the Ancient Near East, Part II ; Geography and Cultural Landscapes, Padoue, Sargon, 2000, (RAI XLIV), p. 21. 20 R. Brunet, R. Ferras et H. Théry, Les mots de la géographie. Dictionnaire critique, Paris, Documentation française, 1992, pp. 227-228, expliquent : « Votre territoire s’étend "jusqu’où vous possédez". » 21 A. Pétigny, « Des étrangers pour garder les frontières de l’ngypte aux Ve et IVe siècles av. J.-C. », dans A. E. Veïsse et S. Wachonie éd., L’armée en ngypte aux époques perse, ptolémaïque et romaine, Genève, Droz, 2014, pp. 9-43, spéc. pp. 7-8. 22 A.H. Gardiner, « An Ancient List of the Fortresses of Nubia », JEA 3, 1916, pp. 185-186.
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dynastie (environ 3000-2890 avant n. è.). Le P. British Museum 10752 (col. IV, 1. 6-12), mis au jour dans l’île du Moyen Empire, assure : « Apporté de la forter[esse d’]Éléphantine, comme (une chose) envoyée par une forter[esse à] (une autre) forteresse »23. Sous Sésostris III, Éléphantine porte l’appellation de lieu le plus méridional d’ngypte, offrant à cet espace entre l’île et Semna, à savoir toute la Basse-Nubie, une coloration de zone-tampon24. Et, si Hérodote (II. 30) mentionne trois forteresses du temps des souverains saïtes : Maréa au nord-ouest, Daphnaé au nord-est et nléphantine au sud, les Perses ne préservent pas la première pour ce rôle. Base d’expéditions vers le pays de Koush et centre commercial conséquent, nléphantine verra son rôle perdurer des millénaires.
Du rôle des mercenaires La situation politique et militaire du pays, à l’avènement de la XXVIe dynastie saïte, permet de mesurer la nécessité de soldats en nombre, tant pour assurer la reconquête que la stabilité du royaume. Les souverains de cette dynastie sont en effet confrontés à de considérables difficultés : le pays n’est plus le plus puissant État du Proche-Orient et ses rivaux sont à ses frontières. Le fondateur de cette dynastie, Psammétique Ier (664-610), se voit contraint de subir la tutelle d’Assurbanipal, le roi d’Assyrie ; et, outre ses défaites au Levant, le pharaon se heurte au pouvoir scythe et à la poussée de Babylone. Alors qu’il unifie et pacifie le pays, il doit faire face à une invasion libyenne, organisée peut-être par des rivaux enfuis du Delta et qui provoquent ces troubles. Psammétique, ne bénéficiant pas d’une armée prête à se battre, fait appel à ses responsables de nomes afin de lui fournir des troupes25. À ce moment particulier, il semblerait qu’aucune animosité, du moins officielle, ne soit assurée entre le pays de Koush et l’ngypte. Dès après quelques années de règne, le souverain installe des garnisons sur des points stratégiques afin de délimiter les frontières de l’État, puis les sécuriser. Un évènement capital se produit alors qu’il est en campagne en Syrie : une révolte éclate parmi ses troupes égyptiennes, sorte de présage des évènements qui se produiront deux
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G. Vittmann, « The Hieratic Texts », dans B. Porten et al. éd., The Elephantine Papyri in English : Three Millenia of Cross-Cultural Continuity and Change, Atlanta, SBL, 2011, A3 p. 42. 24 A. Pétigny, « Des étrangers pour garder les frontières de l’ngypte aux Ve et IVe siècles av. J.-C. », pp. 7 sqq. L. Török, Between Two Worlds, The frontier Region between Ancient Nubia and Egypt 3700 BC-500, p. 14, évoque une zone intermédiaire ou neutre entre la Ire et la IIIe cataracte. 25 A. Spalinger, « The Concept of the Monarchy during the Saite Epoch – An Essay of Synthesis », Orientalia 47/1, 1978, pp. 12-36, spéc. pp. 12-18.
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décennies plus tard à la frontière d’nléphantine sous Apriès (589-570)26. La faiblesse de l’armée égyptienne est particulièrement exposée lors de la campagne de Cyrène en 571 ; une guerre civile en résultera avec la prise du pouvoir par Amasis en 570, toujours dépendant de mercenaires étrangers. Cette armée composite permet cependant la prise de Chypre. Après sa réforme juridique, le souverain met en place un contrôle sur le commerce avec la Grèce, apportant ainsi une certaine prospérité. Le roi saïte fait appel à de nombreux étrangers comme mercenaires27. Ces soldats constituent les piliers de son infanterie28 : jouant un rôle essentiel lors de la reconquête de l’Égypte par le fondateur de la XXVIe dynastie, ils exercent une activité pour un salaire et en dehors de toute conviction politique et/ou idéologique. Des garnisons sont mises en place et abritent des contingents établis de manière permanente non seulement à Éléphantine et Syène/Assouan, mais également à Hermopolis, Memphis, Daphnaé et Migdol. De fait, les Égyptiens rejettent les mercenaires grecs : les troupes de Psammétique se révoltent en raison d’un sentiment d’injustice, conséquence du favoritisme du souverain envers les étrangers. À ce ressentiment, se serait adjoint un sentiment d’infériorité relatif à leur capacité à se battre, momindre que celle des Cariens ou des Ioniens. Aucune tentative n’est expérimentée d’intégration des mercenaires dans l’armée égyptienne. Des postes séparés sont attribués aux commandants29. Et, si les monarques se battent à la tête de leurs troupes, la caste militaire est séparée de la famille royale : les généraux et amiraux n’ont ainsi, durant cette période, pas de lien avec la royauté. De fait, la monarchie saïte (664-526) n’est pas en mesure de gouverner sans l’appui d’étrangers et son armée est trop mêlée : elle ne peut lui permettre de résister aux Perses. De plus, recourir à des mercenaires grecs a provoqué quatre crises et l’installation sur le trône de deux nouveaux pharaons : Amasis (XXVIe dynastie) et Cambyse (XXVIIe dynastie)30.
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Hérodote II. 30 ; Diodore de Sicile, The Library of History, Londres et al., Harvard University Press, 1960 : I. 67 ; Strabon, La géographie, Paris, Les Belles Lettres, 2014 : XVII.1. 2-5. J.G. Griffith, « Three Notes on Herodotus, Book II », ASAE 53, 1955, pp. 144-149. 27 G. Husson et D. Valbelle, L’État et les institutions en Égypte des premiers pharaons aux empereurs romains, Paris, A. Colin, 1992, pp. 174 sqq. 28 A. Spalinger, « The Concept of the Monarchy during the Saite Epoch », p. 20. 29. S. Sauneron et J. Yoyotte, « La campagne nubienne de Psammétique II et sa signification historique », pp.187-190. D. Agut-Labordère, « Plus que des mercenaires ! L’intégration des hommes de guerre grecs au service de la monarchie saïte », Pallas 89, 2012, pp. 293-306. 30 A. Spalinger, « The Concept of the Monarchy during the Saite Epoch », pp. 35-36.
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Après la chute de la dynastie saïte, les Achéménides doivent impérativement se reposer sur des soutiens fiables en raison d’incessantes rébellions égyptiennes ; aussi, s’appuient-ils sur des contingents de mercenaires issus de ceux déjà recrutés par les rois saïtes ou venus à une date plus récente et provenant des provinces de l’Empire : Judéens, Syriens, Mésopotamiens, Iraniens. Ces derniers sont favorisés. Deux sortes de places fortes sont connues : les postes de garde installés aux « endroits stratégiques » et les « Portes » gardées de chaque côté des limites des provinces31. Ces dernières permettent de répondre aux révoltes intérieures et conserver le pouvoir sur une province qui ne cesse de se mutiner. Elles évitent la conclusion d’alliances extérieures et de mettre en péril le système douanier. Les écrits d’Éléphantine n’apportent pas d’information spécifique sur la participation des Judéens aux campagnes menées par les souverains. Mais, d’autres sources peuvent être croisées, permettant de proposer des hypothèses sur la/les périodes de leur arrivée, leur installation, les responsabilités qui leur sont ou pas attribuées et les campagnes auxquelles ils ont pu participer. Pour la période saïte, la difficulté reste de savoir dans quelle mesure ils ont contribué aux campagnes de Psammétique Ier et/ou celles de Psammétique II, la Lettre d’Aristée ne permettant pas d’établir l’identité du souverain de Juda ayant pourvu le souverain de contingents de soldats, pas plus que l’inscription figurant sur la statue du général Djed-Ptah-iouf-Ankh n’apporte de lumière sur les « étrangers » ou auxiliaires sémitiques ayant participé aux campagnes militaires de Psammétique Ier. Plus précisément, la Lettre d’Aristée à son frère Philocrate évoque les soldats judéens envoyés auprès de Psammétique afin de combattre le roi de Koush. De fait, ce document peut se référer tant à Psammétique Ier que II, et les opinions divergent quant à l’identité du souverain concerné32. Il semble 31
P. Briant, Histoire de l’Empire perse, De Cyrus à Alexandre, Paris, Fayard, 1996, pp. 191-193 et 387-389. 32 S. Sauneron, « Sur la politique palestinienne des rois saïtes, les auxiliaires juifs dans la lettre d’Aristeas », pp. 131-136 ; H. de Meulenaere, « La statue 19 du général DjedPtah-iouf-Ankh », Le Caire JE 369492, 1965, pp. 19-32, spéc. p. 29 ; et S. Burstein, « Psamtek I and the End of Nubian Dominion in Egypt », JSSEA 14, 1984, pp. 31-34, ont fait le choix de la période de Psammétique Ier. A. Alt, « Psammetisch II in Palästina und in Elephantine », ZAW 30, 1910, pp. 288-297, spéc. pp. 295-296 ; F.K. Kienitz, Die politische Gechichte Ägyptens vom 7. bis zum 4. Jahr-hundert vor der Zeitwende, pp. 39 sqq. ; M. Greenberg, « Ezekiel 17 and the Policy of Psammeticus II », JBL 76, 1957, pp. 304-309, spéc. p. 307 ; K.S. Freedy et D.B. Redford, « The Dates in Ezekiel in Relation to Biblical Babylonian and Egyptian Sources », JAOS 90, 1979, pp. 462-485, spéc. pp. 476-477, n. 69 ; B. Malamat, « At the Twilight of Judah », dans Israel and the Biblical Period, Jérusalem, IES, 1983, pp. 242-310, spéc.
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bon de rappeler en quelques mots, d’une part l’œuvre de chacun en son temps, et d’autre part les liens de vassalité entretenus au cours de cette période entre l’ngypte et les royaumes de Juda, d’Assyrie et de Babylonie, enfin sa relation avec le royaume de Koush. L’œuvre de Psammétique Ier, quatrième représentant de la XXVIe dynastie, s’est, dans un premier temps, essentiellement concentrée sur l’unification du Delta, alors que la dynastie éthiopienne l’ayant précédée n’y était pas parvenue, que la force et/ou la diplomatie aient été employées selon les occurrences, à éteindre les velléités des chefferies libyennes y prospérant depuis la fin de la XXIIe dynastie. En quelques années, les centres du Delta passent sous le contrôle saïte et le territoire rallié s’étend jusqu’à Héracléopolis, à l’entrée du Fayoum, où l’homme le plus puissant de la région, le chef de la flotte, Samtoutefnakht, devient l’un des premiers soutiens du souverain. Le morcellement de cette région suppose qu’à la tête des cités nouvellement soumises par le pharaon saïte soient mis en place des hommes de confiance et des soldats chargés de rétablir l’ordre en cas de soulèvement. Le souverain s’appuie alors sur de nombreux politiques et militaires. La Haute-ngypte reste marquée par la domination éthiopienne, dont la cité de Thèbes, et les responsables nommés par les nthiopiens sont toujours en place : ainsi Montouemhat, le gouverneur de la cité, et le premier prophète d’Amon, Harkhébi, le petit-fils du souverain Shabaka. Psammétique Ier profite de l’incapacité des Thébains à lui opposer une résistance. Lors de sa neuvième année de règne, il envoie sa fille Nitocris à Thèbes afin d’en faire la future Adoratrice d’Amon ; avec diplomatie, il ne conteste pas la légitimité de l’Adoratrice en place, une fille de Piânkhi nommée Shepenhoupet, et admet qu’une fille de Taharqa, Aménirdis, hérite auparavant de sa fonction. L’Adoratrice d’Amon est investie d’un rôle tant religieux que politique : aussi, l’arrivée de sa fille Nitocris est-elle l’opportunité d’une démonstration de la puissance de son père, elle est accompagnée d’une flotte imposante sous le commandement des militaires les plus prestigieux, dont le général Samtoutefnakht. Dès l’adoption de Nitocris, le Sud adopte l’éponymat de Psammétique Ier, témoignage d’un certain succès. De plus, des fonctionnaires originaires du Delta s’installent dans le Sud, tel que le confirme l’exemple d’un personnage comme Nesnaisout qui, à la tête de plusieurs localités de Basse-ngypte, poursuit sa carrière dans le Sud et est nommé en charge d’Edfou. Cette illustration de la politique du pharaon n’est pas unique. Les frontières vont alors requérir toute l’attention de Psammétique Ier : les menaces se précisent et il doit envoyer des troupes en Nubie. Toutefois, la p. 275, n. 74 ; et B.-U. Schipper, Israel und Ägypten in der Königzeit : Die kulturelle Kontakte von Salomo bis zum Fall Jerusalem, Fribourg, Vanderhoeck et Ruprecht, 1999, p. 242, n. 274, font celui de Psammétique II.
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date n’en est pas connue. Un texte portant son cartouche, fragmentaire, et non daté d’Edfou, décrit une guerre en Basse-Nubie (Wawat), démontrant que les relations entre les deux pays ne sont pas pacifiées lors de son règne. Il évoque notamment le massacre provoqué par son armée33. La dédicace de la statue de l’officiel égyptien Djed-Ptah-iouf-ankh34 pourrait aussi se relier à une campagne contre Koush durant le règne de ce souverain. Les informations permettent de différencier au moins deux campagnes de ce pharaon contre le roi nubien Tanoutamon35. En l’an 11 de son règne, il s’intéresse aux franges désertiques à l’ouest de la plaine memphite. Levant une puissante force armée, il parvient à les mettre en échec. Puis, probablement en raison de son expérience, le souverain fait le choix de garantir la sécurité du pays plus systématiquement et développe sur ses frontières un réseau défensif à l’aide de mercenaires, entre autres cariens et ioniens. Le Sud menacé par la Nubie justifie l’intérêt porté à nléphantine et l’installation de mercenaires judéens dont le rôle s’avère vite essentiel36. Dans le même temps, il met en place une forteresse à Daphnaé-Tell Defenneh afin de prévenir des agressions en provenance de l’Est. Durant son règne de plus d’un demi-siècle, le souverain a mené une politique efficace de restauration de l’unité du pays, aidé en cela par des mercenaires, dont les Judéens, ayant permis un renouveau économique, religieux et artistique. Se tournant vers une autre stratégie, son successeur Néchao II (610595) met en place une politique maritime poursuivie par ses successeurs Psammétique II, Apriès et Amasis, sécurisant le commerce international. Les titres militaires se transforment, confirmant cette évolution. Responsable de la campagne militaire la mieux connue de la XXVIe dynastie, le pharaon Psammétique II, au cours de sa troisième année de règne, en octobre 59337, décide de lancer son armée contre la Nubie, une campagne
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S. Sauneron et J. Yoyotte, « La campagne nubienne de Psammétique II et sa signification historique », p. 201. L. Habachi, « Psammétique II dans la région de la première cataracte », OA 13, 1974, pp. 325-326. D. Kahn, « The Assyrian Invasion of Egypt (673-663 B.C.) and the Final Expulsion of the Kushites », SAK 34, 2006, pp. 251-267, spéc. pp. 263-267. 34 H. de Meulenaere, « La statue 19 du général Djed-Ptah-iouf-Ankh », pp. 29-30. 35 S. Sauneron, « Sur la politique palestinienne des rois saïtes, les auxiliaires juifs dans la lettre d’Aristeas », pp. 133-134. 36 O. Perdu, « Psammétique Ier, Restaurateur de l’unité nationale et initiateur du renouveau saïte », EAO 28, 2003, pp. 3-12, spéc. p. 7. 37 L. Török, T. Eide, T. Hägg et R. Holton Pierce, Fontes Historiae Nubiorum, Textual Sources for the History of the Middle Nile Region between the Eighth Century BC and the Sixth Century AD, Bergen, University of Bergen, 1994, n. 41. H. Goedicke, « The
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mentionnée dans de nombreuses sources égyptiennes et étrangères. Il ambitionne de remettre en question l’emprise des rois de Napata sur le nord de leur royaume afin de mettre en place une zone-tampon au sud de l’ngypte, mais non dans un but de conquête ou bien d’expansion38. Or, la région thébaine, sous la coupe d’une aristocratie d’origine nubienne, encore liée aux souverains napatéens, car tous descendent des élites de la XXVe dynastie dont l’influence s’étendait de part et d’autre d’nléphantine moins d’un siècle auparavant, représente le lieu de résistance le plus puissant face à l’hégémonie saïte. L’autonomie relative dont elle bénéficie est manifeste au cours du VIIe siècle : Psammétique Ier s’est contenté de l’obtention du titre de « Divine npouse d’Amon » pour sa fille Nitocris, et n’a pas exigé pour lui-même le titre de « gouverneur », ou ḥȝty-ʽ, de la ville ; de plus, le terme de rsw, « observateur », est attribué à Nesnaisout, titre correspondant à une fonction obscure de ce personnage investi par ailleurs de hautes fonctions. Psammétique Ier reconnaît ainsi implicitement la souveraineté de l’État d’Amon gouverné par Montouemhat, qui renonce à l’emploi des armes. Aussi, la traversée de la Haute-ngypte par Psammétique II et son armée, pour l’attaque du royaume de Napata, est-elle sous-tendue par un objectif bien particulier, tant géopolitique que militaire39. Cette campagne est commémorée par une stèle retrouvée à Tanis en Basse-ngypte, à Karnak en Haute-ngypte et à Shellal, localité proche de la frontière égypto-koushite40. Par ailleurs, des graffiti sur les jambes des colosses d’Abou-Simbel, laissés par des mercenaires de l’armée du pharaon, témoignent aussi d’une autre vision que celle des rapports officiels. Enfin, cette campagne est évoquée par les archives de Pétéisi dans le Papyrus Rylands 9. Hérodote la décrit aussi très rapidement (Histoires II). Si les inscriptions égyptiennes ne rapportent aucune information concernant la composition et l’organisation de l’armée, les graffiti soulignent le rôle essentiel des mercenaires dans cette force militaire. Psammétique II demeure à nléphantine lors de la première phase de sa campagne, au cours de laquelle l’armée a traversé toute la Haute-ngypte, puis s’est avancée au-delà de la première cataracte. L’Inscription d’Arkhon et Pélékos en témoigne : « Le roi Psammétique étant venu à nléphantine, gravèrent ceci ceux qui
Campaign of Psammetik II against Nubia », MDAIK 37, 1981, pp, 187-198, spéc. pp. 188-190. 38 A. Spalinger, « The Concept of the Monarchy during the Saite Epoch », p. 24. 39 D. Agut-Labordère, « Plus que des mercenaires ! », pp. 300-301. S. Sauneron et J. Yoyotte, « La campagne nubienne de Psammétique II et sa signification historique », p. 192. 40 Pour Tanis : stèle Caire JE 67095, Karnak : PM II 37, Shellal : FHN I N° 41.
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naviguèrent avec Psammétique, fils de Théoklès et allèrent vers l’amont de Kerkis, jusqu’où le fleuve (le leur) permettait. » Peut-être due à une révolte nubienne, cette campagne est officiellement attribuée aux intentions belliqueuses du souverain koushite. Cette intervention pourrait se justifier en dépit de l’absence de tensions préexistantes connues : dans la mesure où le roi de Babylone, Nabuchodonosor, constitue la menace principale pour l’ngypte, il semblerait illogique d’envoyer l’armée en Nubie plutôt que défendre la frontière orientale du pays s’il n’y avait pas nécessité. L’armée égyptienne, après s’être enfoncée en Nubie et avoir atteint la région de Pnoubs, remporte la victoire face aux troupes koushites41, parvient peut-être à Napata, ancienne capitale du royaume koushite près de la quatrième cataracte, en empruntant la route du désert de la région de la troisième cataracte42, et parvient à Kerkis, qui désigne le site de Kourgous, en aval de la cinquième cataracte, soit le point le plus méridional de la Nubie. La prise de nombreuses cités nubiennes provoque de lourdes destructions. Pour autant, l’ngypte retire rapidement ses troupes, qui ne semble pas prendre le contrôle des régions conquises dès lors que le roi Aspelta aurait régné près de vingt ans après ces évènements43. Les Koushites fondent alors la nouvelle capitale, Méroé, plus au sud et hors d’atteinte de leur ennemi44. En l’an 4 de son règne, Psammétique II se rend au Proche-Orient45, aspirant à bénéficier du retentissement de sa victoire afin de renforcer son prestige dans cette région tombée au pouvoir des Babyloniens une décennie plus tôt, et peut-être afin de soutenir les princes locaux prêts à se révolter contre leur pouvoir. L’armée de Psammétique II se compose de soldats égyptiens46, commandés par le général Amasis, et de mercenaires grecs et procheorientaux, désignés par l’expression : « ceux qui parlent une autre langue », et 41
Ch. Bonnet et D. Valbelle, Des pharaons venus d’Afrique : la cachette de Kerma, Paris, Citadelles et Mazenod, 2005, pp. 164-171. 42 Selon P. Der Manuelian, Living in the Past : Studies in Archaism of the Egyptian Twenty-Sixth Dynasty, Londres, Kegan Paul International, 1994, pp. 367, 371, n. 284, l’armée aurait fait disparaître le roi koushite dans son palais. 43 Ch. Bonnet et D. Valbelle, Des pharaons venus d’Afrique, pp. 170-171. L. Török, The Kingdom of Kush : Handbook of the Napatan-Meroitic Civilization, Leyde, New York et Cologne, Brill, 1997, pp. 365-368. 44 A. Coyette, « La campagne nubienne de Psammétique II », dans C. Karlshausen et C. Obsomer éd., De la Nubie à Qadesh, La guerre dans l’ngypte ancienne, Bruxelles, Safran, 2016, pp. 290-291. 45 Papyrus Rylands 9, 14, 1. 16-18. 46 P.-M. Chevreau, Prosopographie des cadres militaires de la Basse npoque, Antony, Cybèle, 1985, p. 313.
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placés sous le commandement d’un général égyptien du nom de Potasimto. Ils sont cariens, ioniens, doriens et phéniciens47. Si les soldats grecs sont des mercenaires, le statut des soldats phéniciens n’est pas absolument assuré. Les commandants, grecs et phéniciens, seraient des mercenaires ayant probablement résidé en ngypte depuis un long moment et portant des noms avec des éléments égyptiens48. Lors de leur retour, ces soldats incisent 38 graffiti à Abu Simbel. Pour autant, ils ne représentent qu’une infime part de ceux qui ont participé à cette campagne, ce qui peut se déduire du nombre de captifs atteignant 4200 hommes, et de morts49, mentionnés sur la stèle Shellal (II 9-10)50. Aussi, les signataires ne représentant qu’un échantillon des soldats en question, le nombre des mercenaires et leur identité ne peuvent-ils être établis avec certitude, qu’ils aient été envoyés par les souverains vassaux, tel le roi de Juda, ou d’autres. L’enchevêtrement de la situation politique des États du Proche-Orient est à explorer, qui permet de clarifier la ou les potentialités pour le royaume de Juda de faire parvenir des soldats à l’ngypte à un ou des moments plus particuliers. La possibilité d’une hypothèse concernant la venue des mercenaires judéens à nléphantine prend ainsi appui sur l’histoire du royaume de Juda, qui croise alors et encore nécessairement celle des royaumes voisins, l’Assyrie, la Babylonie et l’ngypte. La Lettre d’Aristée peut être employée comme support. L’identification du souverain de ce document avec Psammétique Ier, et l’aide que lui aurait apportée les Judéens en l’une des deux occurrences 47
O. Masson, Carian Inscriptions from North Saqqâra and Buhen, Londres, Egypt Exploration Society, 1978, pp. 50-73 ; « Remarques sur les graffites cariens d’AbouSimbel », dans J. Vercoutter éd., En hommage à la mémoire de Serge Sauneron 19271976 II, ngypte post-pharaonique, Le Caire, IFAO, 1979, pp. 35-49. O. Hansen, « On the Greek Graffiti at Abu Simbel concerning the Campaign of Psammetichus II in Ethiopia », ZÄS 111, 1984, p. 84. F. Kammerzell, Studien zu Sprache und Geschichte der Karer in Ägypten, Wiesbaden, Otto Harassowitz, 1993, pp. 16-17. M.P.J. Dillon, « A Homeric Pun from Abu Simbel », Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik 118, 1997, pp. 128-130. H. Hauben, « Das Expedionscheer Psamtiks II in Abu Simbel (593/592 v. Chr.), dans K. Geus et K. Zimmermann éd., Das Punica-LybicaPtolemaica : Festschrift für Werner Huss, Zum Geburtstag dargebracht von Schülern, Freunden und Kollegen, Louvain, Peeters, 2001, pp. 51-77. 48 S. Sauneron, « Sur la politique palestinienne des rois saïtes, les auxiliaires juifs dans la lettre d’Aristeas », p. 132. 49 E.A.K. Breyer, « Psammetik II, der alte Haudegen. Zu einer soldatensprachlischen Wendung in der Shellal-Inschrift », SAK 30, 2002, pp. 53-56. 50 D. Kahn, « Judean Auxiliaries in Egypt’s Wars against Kush », JAOS 127/4, 2007, pp. 507-516, spéc. p. 508.
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suivantes ont été proposées. La première pourrait être la campagne assyrienne contre Tanoutamon en 664, alors que le roi Manasseh (697-642) aurait été tenu d’envoyer des soldats afin d’assister Assurbanipal51 et le successeur de Néchao Ier, Psammétique Ier, lequel revient à Sais avec les Assyriens. La seconde pourrait se rapporter à l’attaque de Koush sur Memphis, repoussée, et l’expulsion des Koushites de Thèbes en 65652. Les troupes judéennes auraient assisté celles de ce pharaon afin de conquérir l’ngypte des Koushites, et y seraient demeurées afin de l’assister après le départ des Assyriens53. Une autre datation peut être proposée, qui prend en considération la situation politique des royaumes voisins. Les sources assyriennes ne mentionnent pas de forces vassales lors de la campagne contre l’ngypte de 664 avant n. è., au contraire de celle de l’an 667 où une liste de vassaux et de sujets des provinces occidentales, y compris celle de Manasseh, roi de Juda, est mentionnée54. De plus, dès lors qu’en 656, Psammétique Ier contrôle la Haute-ngypte, et qu’à ce moment le roi de Juda est un vassal de l’Assyrie, un doute peut être émis sur le fait qu’il ait eu l’audace de faire parvenir des mercenaires à Psammétique lequel s’est peutêtre d’ores et déjà libéré du joug assyrien. Toutefois, si ce n’est pas encore le cas, et que l’ngypte est encore vassale d’Assurbanipal, le combat de Manasseh contre Koush se ferait dans l’intérêt du roi assyrien, ce qui pourrait provoquer la méfiance du pharaon égyptien et pourrait exclure cette datation55. Des allusions figurent dans certains textes bibliques, qui suggèrent l’envoi de troupes par le roi de Juda, recherchant le soutien de l’ngypte lors 51
Il a été suggéré que les troupes judéennes ayant accompagné Assurbanipal auraient été stationnées dans les garnisons installées en ngypte, E.G. Kraeling, The Brooklyn Museum Aramaic Papyri, Newhaven, Yale University, 1953, pp. 42 sqq., n. 13. 52 D. Kahn, « The Assyrian Invasion of Egypt (673-663 B.C.) and the Final Expulsion of the Kushites », pp. 266-267. 53 S. Sauneron, « Sur la politique palestinienne des rois saïtes, les auxiliaires juifs dans la lettre d’Aristeas », p. 134. 54 H.U. Onasch, Die Assyrischen Eroberungen Ägyptens, Teil I, Kommentare und Ammerkungen, Wiesbaden, Otto Harrassowitz, 1994, p. 97 : Prisme E IV 13-15. 105. R. Borger, Beiträge zum Inschriften Assurbanipals, Wiesbaden, Otto. Harrassowitz, 1996, p. 212 : Prisme II 37-67 ; Prisme A I 68-74. 55 D. Kahn, « Judean Auxiliaries in Egypt’s Wars against Kush », pp. 513-514, propose de dater l’arrivée des troupes judéennes auprès de Psammétique I er, du règne du roi Josias (640-609), après la mort de Manasseh et le retrait assyrien du Levant. B. Porten « Settlement of the Jews at Elephantine and the Arameans at Syene », p. 459, admet comme concevable que le roi Josias ait fait parvenir des soldats durant la décennie qui a précédé la réforme de 622, prenant appui sur les critiques du prophète Jérémie envers le peuple envisageant une alliance avec l’ngypte.
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de sa rébellion contre l’Assyrie. Le Deutéronomiste semble penser à Manasseh (Deutéronome 17, 16) : il recommande de se garder « d’entretenir beaucoup de chevaux, et ne pas ramener le peuple en ngypte afin d’en augmenter le nombre ». De plus, interdiction est faite : « Vous ne reprendrez plus ce chemin-là désormais », supposant un commerce de mercenaires contre des chevaux56. Selon 2 Chroniques 33, 11s., une rébellion est assurée en Juda, le souverain Manasseh arrêté et emmené enchaîné à Babylone, puis rétabli sur son trône. La date de cette révolte se situerait entre les règnes d’Assurbanipal et celui de Šamaš-Šum-Ukin (652-648). En outre, découvrant des traces de la faiblesse du contrôle de l’Assyrie sur Israël, des tablettes mises au jour à Gezer57, dont l’une d’elles est datée de 651 avant n. è., révèlent que les dates éponymes assyriennes n’avaient pas encore été transmises à Gezer au mois de sivan, deux mois et demi après le commencement de l’année, et illustrent la réalité suivante : les informations administratives d’importance n’étaient pas encore parvenues dans « la périphérie assyrienne »58 en temps voulu. En 649, les pratiques administratives restaient encore assyriennes et les tablettes de l’administration datées par la référence éponyme assyrienne. Par ailleurs, sous Šamaš-ŠumUkin, la Babylonie se soulève contre l’Assyrie entre 652-648, tandis que l’ngypte est redevenue indépendante. Aussi, l’hypothèse consistant à rattacher la révolte du souverain de Juda à cet intervalle de temps ne manque-t-elle pas d’intérêt59. Car, dans la mesure où l’Assyrie est affaiblie, qui doit remettre de l’ordre chez son voisin babylonien, le souverain Manasseh peut prendre le risque de se rebeller dans cet espace-temps, et faire parvenir des troupes à l’ngypte. En effet, l’Assyrie aurait eu besoin d’une force certaine dont elle ne dispose pas à ce moment, afin de s’assurer, en plus, le contrôle du royaume judéen, mais ni les sources assyriennes ni judéennes ne l’évoquent. Une période de tension du côté égyptien, sur sa frontière méridionale avec Koush, est en outre avérée par la désertion des soldats égyptiens de la garnison d’nléphantine sous de curieux prétextes60. Par ailleurs, compte tenu de l’importance de la politique de réunification du Delta, entreprise par 56
B. Porten, Afe, pp. 12-13. I. Ephʽal, « Assyrian Dominion in Palestine », dans A. Malamat éd., World History of the Jewish People 4/1 : The Age of Monarchies : Political History, Jérusalem, Magnes Press, 1979, pp. 276-289, spéc. p. 281. 58 D. Kahn, « Judean Auxiliaries in Egypt’s Wars against Kush », p. 511. 59 J.A. Soggin, Histoire d’Israël et de Juda, Bruxelles, Lessius, 2004, p. 301. 60 Voir n. 9. Hérodote, L’enquête II, 30. H. Schäffer, « Die Auswanderung der Krieger unter Psammetich I und der Söldneraufstand in Elephantine unter Apries », Klio 4,1904, pp. 152-163, spéc. pp. 145-155. A.B. Lloyd, Herodotus Book II : Commentary I-98, Leyde, Brill,1976, pp. 126-132. 57
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Psammétique Ier aux débuts de son règne (664-610), et des nombreux soldats nécessaires afin de lui redonner une unité, la surveiller puis la conserver, le souverain fait appel à de très nombreux mercenaires qui se doivent de rester en Basse-ngypte à ce moment. Les troubles avec le royaume de Koush nécessitent également leur présence en Haute-ngypte. Aussi, peut-on proposer l’hypothèse suivante : entre 652 et 648, le souverain égyptien se trouve dans la nécessité de disposer d’une force lui permettant de combattre Koush, et ne saurait dégarnir les places fortes du Delta pour le sud du pays, sous peine probablement du retour de l’agitation : il fait appel à des forces extérieures, dont les Judéens envoyés par Manasseh. Ils mèneraient alors campagne pour Psammétique et s’installeraient à nléphantine remplaçant les soldats égyptiens en fuite. Par ailleurs, il semble possible que Josias ait pu faire parvenir des troupes au monarque égyptien avant la réforme de 622, ce dont témoignerait le prophète Jérémie (2, 18), dans sa critique de ceux des Judéens qui désirent faire alliance avec l’ngypte61. Puis, rien n’est connu, lors du règne du roi Amon, de sa politique envers ce voisin62. Citée en Isaïe 49, 1263, la région de la première cataracte évoque la réalité de la présence d’une communauté judéenne. Certains de ces Judéens, ont fui en Égypte lors de la période entre l’accession de Jehoiakim en 609, qui doit son trône à Néchao II (2 Rois 23, 33s.), après que celui-ci ait écrasé Josias, et lors les trois décennies suivantes, ont pu rejoindre Éléphantine ou d’autres forteresses au cours d’installations ultérieures (Jérémie 41-43). Le roi détrôné, Jehoahaz, y est exilé et y meurt, peut-être accompagné d’un cercle de fidèles (2 Rois 23, 34 ; 34, 2 ; 2 Chroniques 36, 4). Lors du règne de son successeur, Jehoiakim, un prophète du nom de Uryah b. Shemaiah, et qui, comme Jérémie, prophétise sur l’avenir de Juda, est recherché par le roi : ayant trouvé refuge en ngypte, il sera extradé et condamné à mort (Jérémie 26, 20s.). Elnathan b. Achbor, venu demander l’extradition du prophète est peut-être le père du commandant Koniah b. Elnathan qui se rendit en ngypte avant le siège de Lachish. Apriès (589-570), à cette occasion, fait sortir d’ngypte une force armée qui provoque la levée du siège de Jérusalem par les Babyloniens (Jérémie 37, 5s.). Et, la question se pose de savoir si des Judéens en
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J. Milgrom, « The Date of Jeremiah, Chapter 2 », JNES 14, 1955, pp. 65-69, spéc. pp. 65 sqq. 62 A. Malamat, « The Historical Background of the Assassination of Amon King of Judah », IEJ 3, 1953, pp. 26-29. 63 Cette lecture est identique à celle de 1QIsaa (Manuscrits de Qumran), M. Burrows éd., The Dead Sea Scrolls of St Mark’s Monastery, Newhaven, ASOR, 1950, I, pl. xli.
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provenance de Taḥpanhes/Daphnaé et Migdol64 font partie des mercenaires de Pharaon qui se sont mis en route vers Juda. Jérémie transmet l’oracle suivant au souverain judéen : « Cette armée de pharaon qui s’est mise en marche pour vous secourir, elle rebrousse chemin vers son pays l’ngypte. Aussi, les Chaldéens reviendront-ils pour attaquer cette ville ; ils l’emporteront de vive force et la livreront aux flammes » (Jérémie 37, 7-8). Plus tard, le prophète communique l’oracle divin de la destruction de l’ngypte par la main des Babyloniens à Taḥpanhès, à l’entrée du « palais de pharaon » (Jérémie 43, 8s.). Jérémie cite des lieux où des Judéens sont installés : à Memphis et le pays de Ptrws (Jérémie 44, 1), cette dernière désignation signale « la terre du Sud », dont nléphantine constitue la « capitale », à Migdol sur la branche pélusiaque du Nil et Taḥpanḥès/Daphnaé. La population judéenne en exil s’accroît d’un groupe de migrants conduits par Johanan b. Kareah, qui rejette les oracles délivrés par le prophète les priant de rester en Juda, et qui contraint Jérémie et son secrétaire/scribe Baruch b. Neriah à les accompagner en exil (Jérémie 43, 5s.). Les oracles, prophétisant la destruction de l’ngypte par Nabuchodonosor (Jérémie 43, 8s. ; 44, 30 ; 46, 13 ; nzéchiel 29-32), annoncent la mort violente des Judéens réfugiés en ngypte, dont seule une infime minorité reviendrait dans son pays (Jérémie 44, 27). Alors en exil à Babylone, Isaïe (49, 12) rapporte une vision du retour des divers exilés en Juda : « Du nord et de l’ouest et d’autres arrivent du pays des Syéniens ». Ce rappel de la cité sise sur la première cataracte suggère effectivement la réalité d’une communauté judéenne bien connue ; elle permet de considérer la possibilité pour des Judéens de s’être établis à nléphantine à ce moment65. À l’instar de Psammétique Ier, Néchao II (610-595), permet à l’ngypte de s’étendre à nouveau en Basse-Nubie, occupant la forteresse de Dorginati au niveau de la seconde cataracte66. Une stèle fragmentaire de ce souverain provenant d’nléphantine atteste d’une campagne menée contre Koush en remontant le courant le long du Nil. Le succès attendu ne semble pas avoir été au rendez-vous, et le pharaon s’est vu, selon Hérodote (II. 158), contraint de rassembler des troupes pour une expédition descendant la mer Rouge, peutêtre afin d’atteindre le royaume de Pount. Ce site, cité par Jérémie 44, 1 ; 46, 16 et nzéchiel 29, 10 ; 30, 6 correspond à l’un des postes-frontières de l’ngypte tenus par des militaires des unités judéennes aux côtés des mercenaires grecs à l’époque saïte et durant la période perse, D. Valbelle, « Tell el-Herr : le migdol de la Bible ? », Le Monde de la Bible, mai-juin 1993, p. 22. 65 B. Porten, Afe, pp. 13-15. 66 L.A. Heidorn, « The Saite and Persian Period Forts at Dorginati », dans W.V. Davies éd., Egypt and Africa : Nubia from Prehistory to Islam, Londres, British Museum Press, 1991, pp. 205-219. 64
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Par ailleurs, se pose aussi la question concernant la possibilité pour un souverain judéen d’envoyer des troupes au pharaon Psammétique II (595589). Jérémie 27-28 révèle, lors du cinquième mois de la quatrième année de règne du roi Zedekiah67, entre le 25 août et le 24 septembre 593, une réunion « anti-Babyloniens » se tenant à Jérusalem avec les envoyés des souverains d’Edom, de Moab, d’Ammon, de Tyr et de Sidon. Les cités-États de Philistie n’y participent pas ; peut-être ont-elles d’ores et déjà été détruites par les Babyloniens. Cette « conférence internationale » se préoccupe de la possibilité de rejeter ou non le poids du joug babylonien (Jérémie 27, 1-11). L’ngypte, selon le prophète, n’aurait pas participé à cette réunion : lors de cette rencontre, elle mène campagne contre le royaume de Koush. Si un changement d’alliance s’était mis en place avec l’ngypte, il aurait eu lieu avant cette réunion internationale contre la Babylonie. Un roi de Juda n’aurait pas envoyé des troupes au pharaon, ennemi de la Babylonie, suzeraine de Juda, s’il n’était pas convaincu du bien-fondé de ce choix68. Mais ce n’était pas le cas. En effet, la Babylonie contrôle le Levant, quand bien même l’annonce prophétique de Hanania, fils d’Azzour de Gabaon, rapportée en Jérémie 28, 1-4. 10-11, transmet cet oracle divin : « Je brise le joug du roi de Babylone. Encore deux années, et je ferai réintégrer dans cette cité tous les vases du Temple. » L’année de cette conférence voit Psammétique II guerroyer contre Koush et Zedekiah n’aurait jamais fait parvenir des troupes au pharaon contre Koush en 593 afin de venir en aide à l’ennemi de son suzerain babylonien qu’il redoute. À ce moment de la fin de l’an 593, l’ngypte semble le pouvoir le plus puissant69. De fait, Zédékiah abandonne le roi de Babylonie pour passer dans le camp égyptien un an plus tard, lors de la campagne de Pammétique II en 592 durant sa quatrième année de règne70. Et, l’an 592 paraît l’année de reconquête du Levant par le pharaon. Aussi, l’approche synthétique des évènements qui se sont produits, mais également la prise en considération de la menace babylonienne, permettent-elles d’évoquer la possibilité pour le roi de Juda de faire parvenir à ce moment des mercenaires au pharaon Psammétique II. De plus, déjà présents, des Judéens 67
H. Tadmor, « Chronology of the Last Kings of Judah », JNES 15, 1956, pp. 226230, spéc. p. 230. G. Galil, « The Babylonian Calandar and the Chronology of the Last Kings of Judah », Biblica 72, 1991, pp. 367-378. B. Malamat, « At the Twilight of Judah », p. 312. 68 M. Greenberg, « Ezekiel 17 and the Policy of Psammetichus II », JBL 76, 1957, pp. 304-309, spéc. p. 307, n. 16. Zédékiah en 594/93 se rend à Babylone afin de faire allégeance à Nabuchodonosor (Jérémie 51, 59). 69 D. Kahn, « Some Remaks on the Foreign Policy of Psammetichus II in the Levant (595-589 B.C.) », JEH 1/1, 2008, pp. 139-157, spéc. p. 148. 70 D. Kahn, « Judean Auxiliaries in Egypt’s Wars against Kush », p. 509.
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ont, de ce fait, peut-être contribué à l’expédition de Psammétique II contre Koush et conduite par les généraux Amasis et Potasimto. Les hostilités atteignent un niveau élevé lors du règne de Psammétique II71 : ce dernier efface le nom de Koush des monuments en ngypte, qui parvient jusqu’à Kerma72 et le Jebel Barkal73, détruisant les temples durant le règne d’Aspelta, roi de Koush. Sanam Abu Dom est également détruite et abandonnée74. Lors du règne d’Apriès (589-570), la garnison d’nléphantine se trouve sous l’autorité de Nesuḥor désigné par le titre de « gouverneur de la Porte des pays du Sud ». Les mercenaires ʽȝmw-asiatiques, grecs, sttyw-asiatiques, et d’autres soldats tentent de s’enfuir en Nubie comme l’avaient fait les soldats égyptiens sous Psammétique Ier, mais le gouverneur les en dissuade et les mène devant le pharaon. Les deux termes ʽȝmw et sttyw pourraient qualifier les Judéens et Araméens présents75. Mises au jour dans la région des cataractes, les inscriptions de Psammétique II, Apriès et Amasis soulignent l’importance politique et 71
D. Kahn, Ibid., pp. 146-147, à propos de la stèle de Daphnaé de la XXVIe dynastie rapportant que les forces égyptiennes ont marché vers le Sud en direction de Pount, considère justement la concordance des dates avec la campagne de Psammétique II comme n’étant pas une coïncidence. 72 Ch. Bonnet et D. Valbelle, Des pharaons venus d’Afrique, pp. 170 sqq. 73 L. Török, Between Two Worlds, pp. 361 sqq. 74 I. Vincentelli, « The Treasury and Other Buildings at Sanam », dans V. Rondot, F. Alpi et F. Villeneuve éd., La pioche et la plume : Autour du Soudan, du Liban et de la Jordanie ; Hommages archéologiques à Patrice Lenoble, Paris, Presses Université Paris Sorbonne, 2011, pp. 269-82, spéc. p. 281. 75 Hérodote (II. 30), confirme la présence de mercenaires : « Sous le règne de Psammétique [I], des garnisons étaient installées à Éléphantine en face des nthiopiens, à Daphnaé de Péluse en face des Arabes et des Assyriens et à Maréa en face de la Lybie », afin de remplacer les soldats de l’armée égyptienne passés au service de la Nubie en raison de la médiocrité de leur statut sous les rois saïtes. Voir H. Schäffer, « Die Auswanderung der Krieger unter Psammetich I, und der Söldneraufstand in Elephantine unter Apries », pp. 152 sqq. ; l’auteur présente également l’inscription de Nesuḥor. p. 145, n. 3. B. Porten rapporte sa communication orale avec le Prof. J. A. Wilson, qui préfère la lecture ʽȝmw à celle qui propose « Lybiens » choisie par J. H. Breasted dans Ancient Records of Egypt, Chicago, University of Chicago Press, 1906, IV, p. 508. L’auteur, p. 15, n. 55, précise que le destin des prétendus rebelles n’est pas connu puisque le passage de l’inscription habituellement restauré par « punition infligée » est endommagé, et que le déterminatif lisible, un bras allongé, peut renvoyer à d’autres notions que celle de punition. Quand bien même une telle idée serait exprimée, l’exagération habituelle de telles inscriptions est à nuancer.
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économique de l’île et de sa cité jumelle. Ainsi, Amasis (570-526) fait exploiter les carrières de Syène ; Hérodote (II. 175) rapporte notamment qu’il fait apporter d’nléphantine une chapelle monolithe dont le transport dure trois ans, nécessite deux mille hommes, tous de la classe des bateliers, et qui mesure vingt et une coudées de long, quatorze de large et huit de haut. Un fragment de papyrus démotique mis au jour à nléphantine et daté de la quarante et unième année d’Amasis (529) consigne un nombre d’hommes du pharaon qui voyagent vers la Basse-Nubie. Parmi ces individus soixante Palestiniens, ou rmt n Ḫr, et quinze Syriens, ou rmt n ỈÎwr. Ces deux termes suggèrent la présence des Judéens et des Araméens à Syène et nléphantine. Si la raison de cette campagne n’apparaît pas avec clarté, les individus enregistrés sur ce document composent un ensemble de soldats armés76. Leur présence perdure lors de la période perse77, dès 526 avant n. è., avec la conquête de l’ngypte par Cambyse (526-522). Ils passeront et resteront au service de la puissance perse jusqu’à la prise du pouvoir par le pharaon égyptien Amyrtée78, qui chasse alors les Perses d’Égypte. La vision d’un conquérant perse odieux se répand en particulier dans les cercles des prêtres (Hérodote III. 27s.). En outre, si l’histoire de Koush reste mal connue pour la période qui court de la campagne de Psammétique II, en 593, à l’apparition de l’Empire Perse sur ses frontières durant le règne de Cambyse (526-522), une campagne en particulier, d’importance, la campagne d’ngypte, menée en 525 avant n. è., a fait appel à de très nombreuses troupes étrangères. Deux traditions s’affrontent à cet égard. Selon la première, le roi perse aurait envahi Koush et 76
W. Erichsen, « Erwähnung eines Zuges nach Nubien unter Amasis in einem demotischen Text », KLIO 34, 1941, pp. 56-61. S. Sauneron et J. Yoyotte, « La campagne nubienne de Psammétique II et sa signification historique », p. 205. F.K. Kienitz, Die politische Gechichte Ägyptens vom 7. bis zum 4. Jahr-hundert vor der Zeitwende, pp. 129 sqq. 77 Selon E. Bresciani, « La sixième satrapie, l’Égypte perse et ses Sémites », sous la direction d’O. Abel et F. Smyth, Le livre de traverse de l’exégèse biblique à l’anthropologie, Paris, Le Cerf, 1992, pp. 87-99, spéc. pp. 88 sqq., la conquête assyrienne entre la fin du VIIIe et le VIe siècle a provoqué l’afflux d’un nombre important d’Israélites, et en 526 avant n. è., date de la conquête de l’Égypte par les Perses, ces Judéens sont d’ores et déjà implantés. 78 P. Grelot, dans les Documents araméens d’Égypte, Paris, Le Cerf, 1972, pp. 37 sqq., considère l’installation des Judéens possible soit entre 610 et 580, et plus précisément entre 609 et 601, ou bien entre 599/598, ou encore après 586. Et, A. Vincent, dans La religion des Judéo-Araméens d’Éléphantine, Paris, Geuthner, 1937, pp. 8 sqq. détermine leur arrivée en Égypte entre 630 et 621, lors de la persécution du roi Josias contre le sanctuaire de Béthel.
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serait parvenu jusqu’à Méroé renommée afin de porter le nom de sa sœur. Selon la seconde, son armée aurait péri sur le chemin, ainsi que l’affirme Hérodote (III. 17-26)79. La plus importante partie de son armée, qui se rendait au royaume de Koush, a souffert de la faim et nombre de soldats ont péri sur le chemin. Des traces de cette armée perdue près de l’oasis de Bahrin, proche de Siwa, ont, à ce qu’il semble, été mises au jour80. Darius (521-486), fils d’Hystaspe et porteur de lance de Cambyse en ngypte, pacifie l’Empire. Une inscription en perse, élamite et akkadien expose et souligne sa puissance. Des copies de la stèle de Behistoun sont envoyées dans tout l’Empire ; l’une d’elles est mise au jour à Babylone. Elle comporte 79
Selon Hérodote (III. 17), Cambyse, après avoir résolu d’envoyer des espions en nthiopie, fait venir d’nléphantine des Ichthyophages, ou « mangeurs de poissons », connaissant la langue du pays. Parmi eux se trouvent vraisemblablement des Judéens, des Araméens et des Grecs, et peut-être des mercenaires appartenant à d’autres ethnies. Le souverain perse les dépêche en ambassade afin d’apporter au souverain de ce pays des présents consistant en un vêtement de pourpre, un collier d’anneaux d’or, des bracelets, un vase d’albâtre empli de parfums et une jarre de vin de palmier. Lorsqu’ils parviennent en nthiopie, ces Ichthyophages remettent au roi les présents dont ils sont chargés, et lui transmettent le message diplomatique dont ils sont chargés : « Le roi des Perses, Cambyse, désire devenir ton ami et ton hôte ; il nous a envoyés ici avec l’ordre d’entrer en relation avec toi, et il t’adresse en présent ces objets, ceux dont il tire lui-même le plus grand plaisir » (Hérodote III. 21). Hérodote rapporte qu’à ce moment le souverain éthiopien comprend leur rôle d’espions et les accuse, tout comme Cambyse, de n’être pas justes et de convoiter un pays « qui ne lui appartient pas » (Hérodote III 21). Il offre, en présent, au roi perse, un arc qu’il accompagne d’un conseil caustique : le jour où les Perses seront capables de bander un tel arc, qu’ils attaquent les Éthiopiens avec des forces supérieures ; il commente ensuite avec mépris les présents reçus à l’exception du vin, puis critique leur alimentation leur permettant de vivre jusque quatre-vingts ans, tandis que les nthiopiens atteignent cent-vingt ans et parfois plus ! Le rapport des espions ichthyophages met le souverain perse en fureur, qui part alors en guerre contre ses voisins (Hérodote III. 25). Ordonnant à ses troupes grecques de rester sur place, il emmène toute son infanterie, et détache de son armée cinquante mille hommes. Mais la campagne d’nthiopie s’achève en catastrophe, et le monarque renonce. L. Török, dans The Kingdom of Kush, p. 377, rappelle qu’un rhyton attique, d’environ 470 avant n. è., a été mis au jour sous la pyramide sud du cimetière de Bagarawiya dans la ville de Méroé : il suggère l’envoi d’un présent diplomatique au roi de Koush et confirmerait les dires d’Hérodote. 80 D. Kahn, « The History of Kush – an Outline », dans F. Jesse et C. Vogel éd., The Power of Walls – Fortifications in Ancient Northeastern Africa, Proceedings of the International Workshop Held at the University of Cologne 4th – 7th August 2011, Cologne, Heinrich-Barth-Institut, 2013, pp. 17-31, spéc. pp. 25 sqq.
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l’ngypte parmi les nations citées comme rebelles vers la fin de l’an 522, et ne précise pas la date de pacification. Le texte araméen transmis à la colonie d’nléphantine l’a peut-être été par le roi qui se rend en ngypte en 519/518 afin de restaurer la loi perse81. Des fragments du texte originel ont été préservés dans cette copie d’nléphantine plus tardive. Le verso de ce document a été employé à l’enregistrement de listes de personnes et de biens, soulignant ainsi sa perte d’intérêt à ce moment82. Le voyage du souverain lui donne peut-être l’idée du canal qu’il ordonne de creuser et qui relie la branche pélusienne du Nil et le golfe de Suez. Il semble ainsi plus que probable que les mercenaires basés à nléphantine, lors d’arrivées et d’installations qui se sont cumulées à des dates différentes, et ce dès Psammétique Ier, aient participé aux nombreuses campagnes menées par les rois saïtes puis perses contre le royaume de Koush. Et, si, à ce jour, peu d’informations nous sont parvenues pour ce qui concerne la participation en particulier de Judéens versés dans les contingents militaires de mercenaires à ces guerres menées durant les deux siècles et demi de leur présence à nléphantine, leur concours à ces campagnes initiées par des souverains qui les employaient et les rémunéraient ne saurait être mis en doute. Outre la participation aux campagnes militaires, d’autres activités sont dévolues aux soldats basés sur cette ligne de frontière. Si la barrière naturelle de la première cataracte et de ses eaux houleuses constitue une première explication à la frontière d’nléphantine, de même la présence des gisements de minerais proches en instaure une autre. Cette île joue également le rôle de pôle d’activité commerciale. Ainsi, le P. Loeb 1 évoque une cargaison de grains/céréales provenant de pȝ dw, « la montagne », de fait la Nubie, que 81
TAD C2.1, version araméenne, B. Porten, Afe, pp. 21-22. P. Lecoq, « La stèle de Behistoun, commentaires », Les inscriptions de la Perse achéménide, Paris, Gallimard, 1997, pp. 83-96 ; 187-217. R.C. Kent, « Old Persian Texts, IV ; the Lists of Provinces », JNES 2, 1943, pp. 302-306 ; Old Persian ; Grammar, Texts, Lexicon, Newhaven, American Oriental Society, 1953, pp. 116 sqq. L.W. King et R.C. Thompson, The Sculptures and Inscriptions of Darius the Great, Londres, Forgotten Books, 1907, pp. 97 sqq. F.W. König, Relief und Inschrift des Koenigs Dareios I, Leyde, Brill, 1938. G. C. Cameron, « The Elamite Version of Behistun Inscriptions », JCS 14, 1960, pp. 59 sqq. L’analyse historique des évènements rapportés dans la stèle est proposée par A. Poebel, « Chronology of Darius, First Year of Reign », AJSL 55, 1938, pp. 142 sqq., 285 sqq. A.T. Olmstead, « Darius and his Behistun Inscriptions », AJSL 55, 1938, pp. 392-416. 82 Ed. Meyer, Papyrusfund von Elephantine. Dokumente einer jüdischen Gemeinde aus der Persezeit und das älteste erhaltene Buch der Weltliteratur, Leipzig, Hinrichs, 1912, pp. 98 sqq., analyse ces fragments.
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Khnoumakhé sous les ordres d’Osorouéris doit acheminer jusque Syène en l’an 36 de Darius Ier. Ce document évoque le danger que représentent « les rebelles », des bandits de grand chemin83, accentuant le rôle de police des mercenaires gardant la frontière. Les relations entre l’ngypte et Koush sont également construites autour d’un commerce international encouragé par Psammétique Ier et Néchao II. Le canal de la mer Rouge est destiné à faciliter les contacts commerciaux avec le pays de Pount afin d’éviter la route le long du Nil nubien. Et, Néchao dépêche une expédition en provenance d’nléphantine contre les nomades troglodytes, vivant dans le désert entre le Nil, le long de la Basse-Nubie, et la mer Rouge, témoignant des efforts afin de prendre le contrôle de la route commerciale le long du Nil. L’inscription commémorative, en raison de son état fragmentaire, ne permet pas de spécifier les aspects géographiques de cette campagne, qui révèle que des navires transportant des chevaux y ont été envoyés, lesquels n’ont pas pu se rendre plus loin que la seconde cataracte. Dans cet espace, le rôle de la diplomatie se perçoit au travers de la qualité des importations et présents diplomatiques envoyés d’ngypte, tels que de la luxueuse vaisselle de métal, ou de calcite, et des amulettes de faïence mises au jour dans les tombes de Nuri, Bagarawiya ouest et sud84. Affectés à la surveillance de la livraison des biens en provenance de Nubie et leur redistribution, les soldats chargés de garder la frontière méridionale sont dotés d’un rôle essentiel, qui sont stationnés à la limite du territoire de Koush où l’agitation s’affirme régulièrement et d’où des biens précieux proviennent. La conquête de la Basse-Nubie et son intégration au royaume Perse adopte une autre signification que sous les rois saïtes, avec un rôle de surveillance militaire et économique. Les mercenaires doivent dorénavant, assurer le calme dans la région afin de faciliter les échanges et l’apport du tribut annuel (Hérodote III. 97). L’exemple de la liste de peuples de Xerxès le confirme (486-465), qui comporte celui de Koush comme tributaire et sous-entend une menace et un risque de révolte85 s’intensifiant (à compter du IVe siècle), d’où la nécessité 83
W. Spiegelberg, Die demotischen Papyri Loeb, Munich, Beck, 1931, col. 3-7. C.J. Martin, « Demotic Texts », dans B. Porten et al. éd., The Elephantine Papyri in English. Three Millenia of Cross-Cultural Continuity and Change. Second Revised Edition, Atlanta, SBL, 2011, C4, Papyrus Loeb 1. G. R. Hughes, « The So-Called Pherendates Correspondence », dans H. Thissen et K.-T. Zauzich éd., Grammata Demotika. Festschrift für Erich Lüddeckens zum 15. Juni 1983, Würzburg, Zauzich, 1984, pp. 5-88. 84 L. Török, Between Two Worlds, pp. 360 sqq. 85 G. Posener, La première domination perse en ngypte : recueil d’inscriptions hiéroglyphiques, BdE 11, Le Caire, 1936, p. 70, n.187.
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d’une défense militaire, mais également d’une diplomatie active86. Koush aurait fait parvenir « trois défenses d’éléphant (et) une girafe » pour la construction du palais de Darius Ier87 ; sur les plaques d’argent des dépôts de fondation de l’Apadana, le souverain s’affirme roi « depuis les Saces, au-delà de la Sogdiane, jusqu’au pays de Koush »88. Parallèlement, le dynaste libyen Inaros expulse les Perses du Delta, puis assiège Memphis. Artaxerxès ne parvient à le défaire qu’en 454 avant n. è. Un autre dynaste du nom d’Amyrtée tient l’ouest du Delta jusqu’après 450. Le satrape Achéménès est assassiné lors de cette révolte, qui est remplacé par Arsamès à partir du moment où les Perses reprennent le pouvoir dans cette région. À nléphantine, le calme semble perdurer, au contraire de la Bassengypte, et l’agitation est à nouveau assurée lors du règne de Darius II. Le terme ḥayl, employé afin d’évoquer les troupes de la « garnison », n’est pas en soi particulièrement spécifique, qui semble pouvoir être utilisé à des fins également privées, « interne au domaine d’Arsamès ». L’exemple de la désobéissance d’un personnage portant le nom anatolien d’Armapiya, commandant d’une ḥayl et de ses troupes (A6.8), et qui est réprimandé par le satrape pour avoir désobéi aux instructions de son administrateur, paraît l’assurer89. Ce document mène à ne pas exclure la possibilité pour le satrape d’employer les troupes à des fins personnelles afin de protéger ses domaines. Dans le même temps, Armapiya considère peut-être que les évènements extérieurs nécessitent son intervention et celle de ses troupes plutôt que la protection des domaines satrapiques. Il apparaît que le satrape mêle intérêts privés et publics. L’intérêt de l’ngypte pour les biens provenant d’Afrique confirme le rôle de protection confié aux mercenaires affectés à la surveillance de leur livraison en provenance de Nubie, en particulier l’ivoire, et leur redistribution. La mise au jour d’objets précieux, tels que des flasques du Nouvel An dans la forteresse Gala Abu Ahmed, pourrait témoigner de cette approche90. L’île se confirme comme un espace stratégique tant militaire, politique, qu’économique de toute première importance. 86
A. Pétigny, « Des étrangers pour garder les frontières de l’ngypte aux Ve et IVe siècles av. J.-C. », p. 11. 87 P. Briant, Histoire de l’Empire perse, p. 188. 88 P. Briant, Ibid., p. 181. 89 C. Tuplin, « Xenophon and the Garrisons of the Achaemenid Empire », AMI n.f 20, 1987a, pp. 167-246, spéc. p. 191. 90 L. Török, Between Two Worlds, The frontier Region between Ancient Nubia and Egypt 3700 BC-500, p. 363. A. Lohwasser, « Die Kleinfunde von Gala Abu Ahmed (Kampagne 2008/09), Der Antike Sudan », Mitteilungen der Sudanarchäologischen Gesellschaft 20, 2004, pp. 143-167.
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Un complément d’explication à la présence de mercenaires judéens et araméens dans les deux villes jumelles, durant la période achéménide, s’entrevoit au travers d’informations transmises par des missives officielles. En effet, les troupes égyptiennes du pays représentent potentiellement une menace ou, à tout le moins, une possibilité de résistance à l’occupation perse, ce qui se confirmera avec l’arrivée du pharaon Amyrtée au pouvoir, tandis que les forces provenant de l’extérieur seraient garantes d’une certaine neutralité. Le satrape, autorité ultime après le souverain, lève des forces qui ne sont ni juges ni parties, et sont dédiées à la protection de la province et des biens royaux, qui doivent aussi lutter contre les révoltes de l’intérieur et faire face aux attaques de l’extérieur91, dont divers messages se font l’écho (A6.7 ; A6.10). L’une de ces correspondances (A6.7), adressée par le satrape à Artahant, son représentant en ngypte, vers la fin du Ve siècle, exige qu’aucun de ses treize « esclaves » ciliciens, s’étant trouvés du mauvais côté des lignes lors d’une rébellion, subisse le moindre mal, afin d’être réintégrés dans son personnel. Ce document témoigne de la réponse proposée par les forces militaires concentrées en un seul lieu : ʼḥr kzy mṣryn mrdt wḥylʼ hndyz, « après, lorsque l’ngypte s’est rebellée et les troupes étaient stationnées/en garnison » (A6.7 6), lesquelles n’agissent pas, et se contentent de garder la forteresse dans laquelle les « esclaves » dont il est question ne semblent pas pouvoir se réfugier (A6.7 7), alors qu’à ce moment, l’unique solution serait d’y chercher asile. L’ordre est ensuite restauré, mais la lettre ne livre pas d’informations sur le lieu où les évènements se produisent, ni sur la durée de cette révolte égyptienne, encore moins son importance et les moyens employés afin de la faire cesser. En outre, un doute peut être exprimé concernant ces rebelles dans la mesure où ils se sont peut-être rendus derrière les lignes volontairement. Témoignant encore de la responsabilité de hauts fonctionnaires perses chargés, durant la période de révolte et de troubles, de rétablir le calme, une autre missive expédiée par le satrape à NakhÓor, son représentant et haut fonctionnaire en Basse-ngypte, toujours vers la fin du Ve siècle, illustre des évènements antérieurs : qdmn kzy mṣryʼ mrdw, « lorsque les ngyptiens se sont rebellés » (A6.10 1), et donne comme modèle Samshek, son précédent représentant, ayant réussi à maintenir l’ordre lors d’une autre rébellion et fait en sorte de protéger les hommes, les biens et leur production, afin de leur rappeler leur rôle de maintenir l’ordre dans les domaines du satrape et/ou le ramener, exploiter la situation au mieux et la force de travail en sa faveur. Le pqydʼ ou « fonctionnaire officiel » d’Arsamès (A6.10 11), est ainsi admonesté 91
C. Tuplin, « Xenophon and the Garrisons of the Achaemenid Empire », pp 190- 191.
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pour avoir conservé une attitude attentiste, et tout particulièrement pour s’être désintéressé des intérêts du prince. De fait, cette révolte met en lumière la fragilité des ressources de défense face à une telle situation. Elle mène vers l’hypothèse d’un niveau de présence militaire locale dont on n’attend pas ou guère une parfaite efficacité dans un tel contexte de désordre. Les militaires demeurent là où ils se trouvent tout en demeurant inactifs, où bien même se rendent dans le lieu où se produisent les évènements et n’agissent pas, à moins peut-être de faire partie d’une force suffisamment puissante et avoir un impact efficace92. Face à de telles révoltes initiées par des ngyptiens, les soldats natifs du pays représentent plus une part du problème que de la solution, dont on peut penser qu’ils ne souhaitent pas intervenir en ces occurrences contre les leurs, et les mercenaires présentent peut-être le même problème dans la mesure où ils perçoivent les conséquences de telles interventions et la vengeance possible de la population autochtone. Trop d’intérêts divergents s’opposent, aussi l’attentisme semblet-il une solution adéquate... Une lettre de doléances en démotique du 5 octobre 486 avant n. è. (P. Loeb 1)93, envoyée au gouverneur d’nléphantine Farnava, par un expéditeur du nom de Khnumemakhet, dénonce un individu nommé Atrapana à propos de son attitude concernant des grains/céréales en provenance de Nubie qui doivent être consignés, et des arrangements pris pour leur stockage afin qu’ils ne soient pas dérobés. La missive précise qu’Atrapana a ordonné que les grains apportés de la montagne jusqu’aux quais soient déplacés vers la « terre », peut-être une île, et abandonnés. L’expéditeur souligne que ce choix expose la cargaison à être volée par les « brigands qui sont sur la montagne ». Aussi, l’expéditeur revendique-t-il la présence d’hommes armés afin de veiller sur le grain, peut-être sur les quais, afin que les bandits ne s’en emparent pas durant la nuit. La réponse apportée consiste à mettre hors de portée les biens en question et ne pas les laisser dans un lieu aisé d’accès, sorte de mesure de protection passive ! Cette situation ne laisse pas d’étonner, car il est loisible de penser qu’un gouverneur ne manque pas de moyens pour éradiquer les voleurs. Peut-être le fait qu’une rébellion ait éclaté à ce moment en ngypte, selon Hérodote (VII. 1 - 7), joue-t-il un rôle dans cette situation de laisseraller ou de pis-aller… Si les brigands ne sont pas des rebelles politiques, mais dans une sorte d’épreuve de force avec la puissance perse, il peut sembler 92
C. Tuplin, « From Arshama to Alexander. Reflections on Persian Responses to Attack », dans S. Gaspa et al.éd., From Sources to History Studies on Ancient Near Eastern Worlds and Beyond, Dedicated to Giovanni Battista Lanfranchi on the Occasion of His 65th Birthday on June 23, 2014, Göttingen, Ugarit Verlag, 2014, pp. 669-696, spéc. pp. 680, 692-693. 93 C.J. Martin, « Demotic Texts », C4, Papyrus Loeb 1.
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imprudent d’user d’une attitude agressive à moins d’une absolue nécessité. Les soldats concernés sont des Mâ, qui apportent les grains à terre, et des rmt ḳnḳn (lesquels sont probablement natifs du pays), qui doivent les surveiller lorsqu’ils le seront. Cette missive témoigne d’une délicate conjoncture où un gouverneur perse ne saurait exiger de soldats égyptiens qu’ils se retournent contre les leurs, et d’autre part confirme la présence d’ngyptiens dans l’armée à nléphantine, outre les Judéens et les Araméens94. Et, cette réalité est confirmée par la lettre A4.5 1, qui évoque les détachements rebelles égyptiens, vers 410 ou à peine plus tard, tandis que les Judéens ne quittent pas leur poste.
De l’identité des mercenaires L’île d’Éléphantine, tout comme Syène, est désignée par le terme byrh, ou « forteresse », qui a pour vocation d’abriter des forces armées, sorte de « légion étrangère », et leurs familles. Le mercenaire y est appelé bʼl dgl, « soldat du détachement », qui fait partie d’un ensemble cosmopolite95. La garnison96 est divisée en compagnies, détachements ou dgln97, comportant un millier de militaires et portant le nom de leur chef, divisées en centuries, ellesmêmes fractionnées en décuries.
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C. Tuplin, « From Arshama to Alexander. Reflections on Persian Responses to Attack », pp. 673-674. C. J. Martin, « Demotic Texts », C4, Papyrus Loeb 1. 95 H. Lozachmeur, « Un exemple de ville-garnison judéo-araméenne », Semitica 1995, pp. 67-74, spéc. pp. 68 sqq. 96 Le Papyrus de Padoue (A3.3) évoque la présence d’Araméens ou Judéens dans une migdol, ou « forteresse » du Ve siècle avant n. è., qui témoigne de certains dysfonctionnements. Cette lettre écrite par un père du nom d’Osée bar Pet[..] à son fils parti à nléphantine, Shelomam bar Osée, révèle un monde de fonctionnaires peu efficaces ou pis encore : « Depuis le jour où tu as quitté la Basse-ngypte, le salaire ne nous a pas été versé, et quand nous nous plaignons auprès du gouverneur à propos de ton salaire, ici, à Migdol, nous nous entendons dire ainsi : "À ce propos plaignez-vous aux employés et il vous sera versé." » 97 Le « détachement » ou dgl est connu par un lot d’ostraca provenant d’Arad et concernant des approvisionnements fournis à des hommes et des chevaux au IV e siècle avant n. è., probablement sous Artaxerxès III. Le P. Aimé-Giron 5 (Le Caire CGC 50053/C3.8) révèle les fragments d’un journal de l’arsenal de Memphis, et mentionne un dgl, N. Aimé-Giron, Textes araméens d’ngypte, Le Caire, IFAO, 1931, pp. 13-16. Le P. Segal 3 1. 6/B8.10 concerne les propriétés terriennes d’un inconnu appartenant à un dgl, le Papyrus Segal 63 (1. 3) rattache un dgl à un personnage du nom de Bagapaka, et le Papyrus Segal 113 (1. 2) cite le dgl de […], J.B. Segal, Aramaic Texts from North Saqqara with Some Fragments in Phoenician, Londres, Egypt Exploration Society, 1983, pp. 15-16, 85-86, 113.
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Les commandants d’nléphantine et de Syène sont des Perses ; ils transmettent parfois leurs titres qui peuvent être héréditaires. L’exemple de Vidranga, commandant des troupes de Syène et portant le titre : « Gardien des Sept » (B2.9 4-5 ; B3.9 2-3 ; A4.7 5-7), l’assure. Le premier « chef de la garnison » connu, ou rab ḥayl, est le Perse Ravaka en 495 avant n. è., sous les ordres du frataraka, ou « gouverneur », lui-même soumis au satrape. Deux papyri démotiques d’nléphantine mentionnent un étranger du nom de Rwgy (P. Berlin 23584 et 23594), dont la fonction n’est pas formulée ; il pourrait cependant s’agir de Ravaka, commandant de la garnison de Syène/Assouan98. Aucun rab dgl, ou « chef de régiment » judéen, n’est connu. Les informations restent parcellaires pour ce qui a trait aux chefs militaires dont les titres ne permettent pas toujours de connaître le contenu de leur fonction. Un officier perse, ou pȝ ḥry (n) pȝ mÎʽ, « général », installé à Memphis est cité dans une missive en démotique99. Un personnage nommé Ahmose, fils de Paiouenhor, est chargé par Darius de la surveillance de l’inhumation d’un taureau Apis dans le Serapeum100. Son titre de ḥry mÎʽ, dans l’organisation militaire, reste imprécis et bien qu’il ait été identifié avec un général de ce nom aux ordres d’Aryandès, il se pourrait qu’il soit le modeste chef de la milice locale chargée de la surveillance des abords du Serapeum de Memphis101. Par ailleurs, Hermopolis est sous les ordres d’un officier égyptien102, tandis que le nome d’Hérakléopolis est gouverné au civil par un personnage du nom d’Ariston, probablement un Grec au service des Perses ; le commandant de la garnison militaire est un ngyptien nommé Ankhouahibré103. Sous la puissance perse, deux personnages, également proches du monarque, se partagent le commandement, dont un général, ou mr mÎʽ, pas toujours perse. M. Chauveau, « Titres et fonctions en ngypte perse d’après les sources égyptiennes », dans P. Briant et M. Chauveau éd., Organisation des pouvoirs et contacts culturels dans les pays de l’empire achéménide, Paris, de Boccard, 2009, pp. 123-131, spéc. p. 125. 99 H. S. Smith et C. J. Martin, « Demotic Papyri from the Sacred Animal Necropolis of North Saqqara », dans P. Briant et M. Chauveau éd., Organisation des pouvoirs et contacts culturels dans les pays de l’empire achéménide, Paris, de Boccard, 2009, pp. 23-78, spéc. p. 49, n. 10. 100 G. Posener, La première domination perse en ngypte, pp. 41-46, n. 6. 101 M. Chauveau, « Titres et fonctions en ngypte perse d’après les sources égyptiennes », p. 126. 102 M. Chauveau, « Administration centrale et autorités locales d’Amasis à Darius », dans B. Menu éd., ngypte pharaonique : déconcentration, cosmopolitisme, Méditerranées 24, Paris, L’Harmattan, 2000, pp. 105-106. 103 M. Chauveau, Ibid., pp. 105-106. 98
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Les mercenaires qui composent le dgl sont d’origines ethniques diverses : judéenne, araméenne, grecque, phénicienne, akkadienne, cilicienne, khorezmienne, perse, mède, caspienne104. Une majorité de Judéens semble constituer les troupes d’nléphantine et, de même, une majorité d’Araméens, les troupes de Syène. Le gouverneur réside à nléphantine et le rab ḥayl, ou « commandant de la garnison », à Syène (B2.9 4-5 ; A 4.7 5. 7). Chacune de ces compagnies porte le nom de son commandant, dont certains sont perses et d’autres babyloniens. L’unicité de Memphis et nléphantine est à souligner, qui semblent les seules cités dans l’Empire Perse témoignant d’une certaine prolifération de noms perses associés aux garnisons dans les documents de la période achéménide. On ne sait pas si des Judéens et des Araméens ont réussi à bénéficier de certains de ces postes de hauts gradés. Les charges militaires tendent à devenir héréditaires et l’exemple du Perse Vidranga en est le paradigme, qui transmet sa charge de chef de garnison à son fils Nafaïna. D’autres mercenaires, enfin, sont connus par les documents ; néanmoins, leur lien au pouvoir perse n’est pas précisé. De fait, durant la période saïte, un système de clientélisme est organisé dès le pharaon Psammétique Ier, qui est dépendant du pouvoir et lui est dévoué. Il perdure lors de la période achéménide par l’octroi de certains avantages105. L’onomastique révélée par les lettres, tant privées que rédigées par les responsables de la communauté judéenne d’nléphantine ou d’autres, les contrats et les ostraca, reflète également ces réalités. L’identité des correspondants et des parties aux contrats rattachent les soldats à leur origine ethnique et à leur détachement106, qu’il s’agisse de Syène ou nléphantine107. Ce cosmopolitisme est avéré par ailleurs dans l’Empire Perse : ainsi
104
B. Porten, Afe, p. 29. P. Grelot, Documents araméens d’Égypte, p. 46. 106 Le « détachement » ou degel, est connu des textes bibliques, qui signifie « bannière »/« drapeau »/« étendard », il est employé de concert avec l’expression : « avec ses légions ». Nombres 2 en use à foison, qui précise que chacun des membres des tribus doit se ranger sous une bannière distincte (Nombres 2, 1 ; 2, 3 ; 2, 10 ; 2, 18 ; 2, 25). À Qumran (I QM 3 : 6 ; 4 : 10), ce terme définit une unité de combat de mille hommes. 107 G. Vittmann, dans « Arameans in Egypt », dans A. Berlejung, A.M. Maeir et A. Schüle éd., Arameans outside Syria, Textual and Arachaeological Perspectives, Wiesbaden, Otto Harrassowitz, 2017, pp. 229-279, spéc. pp. 229-268, se penche en détails sur l’identité et la présence des Araméens à nléphantine. Il confirme que la désignation de Judéens de Syène est inconnue. 105
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notamment, en Asie Mineure où ngyptiens, Assyriens, Hyrcaniens, Bactriens font partie des garnisons108. Provenant des archives d’nléphantine, les formules s’y rapportant diffèrent selon les scribes qui réitèrent leurs propres formulations. Parmi les nombreux exemples parvenus à ce jour et les personnalités les plus souvent évoquées, celle, particulièrement paradigmatique, de Maḥseyah, fils de Jedanyah, et définie comme : « Araméen de Syène/Assouan du détachement de Varyazata » (B2.1 2, datant du 12 septembre 471), ou bien comme : « Maḥseyah, fils de Jedanyah, un Judéen qui est dans la forteresse d’Éléphantine, du détachement de Varyazata » (B2.2 3-4, datant du 2 janvier 464). Un contrat du 1er décembre 459 lui accorde un autre titre, celui de : « Maḥseyah, fils de Jedanyah, un Judéen, propriétaire héréditaire à Éléphantine la forteresse, du détachement d’Haumadata » (B2.3 2). Le contrat B2.4 l’inscrit également dans ce même détachement du Perse Haumadata. Puis, il est à nouveau versé dans celui de Varyazata, selon les informations contenues dans les contrats B2.6 : [u]rmy zy swn ldgl wryzt, « [A]raméen de Syène du détachement de Varyazata » (B2.6 2), et B2.8. D’autres exemples sont illustrés par les documents, tel celui de Meshoullam, fils de Zaccur : « un Judéen d’Éléphantine la forteresse » (B3.1 3), dont l’affectation militaire ne figure pas dans ce document, alors que le contrat de manumission testamentaire (B3.6 2), préparé par celui-ci en faveur de Tamet et de sa fille, précise qu’il s’agit d’un : « Judéen d’Éléphantine la forteresse, du détachement d’Iddinnabu ». tAnanyah, fils d’Haggai, est présenté comme : « un Araméen d’Éléphantine la forteresse [du] détachement d’[Iddin]nabu » et Zaccur, fils de Meshoullam, est également connu comme : « un Araméen de Syène du même détachement » (B3.8 2). Un mercenaire iranien du nom de Dargamana, fils de Khvarshaina, appartenant au régiment d’Artabanu (B2.2 2), un Caspien nommé Bagazushta, fils de Bazu, du détachement de Namasava (B3.4 2), époux de Dame Wbyl, fille de Shatibara, Caspien de Syène du détachement de Namasava également, un Araméen de Syène Pakhnum, fils de Besa, appartenant au détachement de Nabukudurri, et qui porte un nom égyptien, témoignent encore et toujours du cosmopolitisme des contingents d’nléphantine et de Syène. Des variations s’affirment systématiquement dans les contrats. Selon les conventions, les Judéens peuvent être qualifiés d’Araméens ou de Judéens 108
Quelques rares documents permettent d’envisager une garnison dans l’île au cours du IVe siècle, tels les P. de la Maison P, datés de Nectanébo II (360-343), ou les archives familiales : P. Caire JE 98 503, Caire JE 98 508, Caire JE 98 509, A. Farid, « Ein demotisches Familienarchiv aus Elephantine », MDAIK 46, 1990, pp. 251-261. Une garnison égyptienne allogène ne semblerait pas attestée avant la période ptolémaïque.
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indifféremment, mais la réciproque n’est pas assurée109. Quelle que soit l’opération sur laquelle porte la convention, l’identité ethnique des hommes est précisée, tandis que le détachement auquel ils sont rattachés, et qui peut varier au cours de leur service, peut l’être ou pas. En outre, les enfants des mercenaires adoptent à leur tour ce métier, et les différentes générations présentes, qui se composent en partie de soldats, l’attestent. Ainsi, le père de MipÓayah et son premier gendre, Jezanyah, exercent l’activité de mercenaires ; tout comme les deux fils de MipÓaḥyah et Esḥor, qui appartiennent au détachement d’Iddinabu en 420. Meshoullam, le maître de Tamet, et le mari de JehôyîÎmat sont aussi mercenaires, tandis que le second mari de MipÓayah, égyptien, pratique l’activité d’architecte du roi. La garnison, ou ḥylʼ, prend en considération tant les soldats que leur famille (A4.1 1. 10)110. Les mercenaires peuvent être mutés et changer de garnison au cours de leur carrière et Maḥseyah montre l’exemple qui, en janvier 464 avant n. è., est rattaché au détachement de Varyazata et, en décembre 459, appartient à celui d’Haumadata. Par ailleurs, si la question ne peut être résolue de manière certaine quant à savoir si quatre degel représentent l’ensemble de la garnison sur l’île en règle générale, un indice provient d’informations contenues dans le retrait de terres préparé le 2 janvier 464 (B2.2) par Dargamana, fils de Khvarshaina, et où figurent les patronymes de trois personnages appartenant chacun, à ce moment précis, à un régiment différent : Dargamana fait partie de celui d’Artabanu, Maḥseyah à celui de Varyazata et leur voisin Konayah, fils de Zadak, à celui d’Atrofarnah. Cet acte révèle la présence d’au moins trois détachements dans le même temps sur l’île. Des noms de chefs de détachements ressortent des documents : Artabanu, (B2.2 2), Atrofarnah (B2.2 9), Haumadata (B2.3 2) et Varyazata (B2.1 2 ; 2.2 4. 10), qui sont attestés lors de la période qui va de 464 à 460/459. Le dernier est assuré durant les plus de trente années d’activité de Maḥseyah. Lors de la période qui court de 446 à 420, quatre officiers sont également connus par les actes araméens, Varyazata (B2.7 2), Iddinnabu (B2.9 2 ; B3.6 2), Namasava (B3.4 2) et Arpaḥu (B5.6 1). Puis, lors de la période 411-410, deux ou peut-être trois gradés sont cités, tels Var[yaza]ta ((B2.11 2) et
109
H. Nutkowicz, Destins de femmes à Éléphantine au Ve siècle avant notre ère, Paris, L’Harmattan, 2015, p. 45, n. 119. 109 B. Porten, Afe, pp. 29 sqq. En outre, si trois cohortes de Romains sont plus tard stationnées à Syène et que chacune varie de 600 à 1000 hommes, soit 1800 à 3000 hommes, il est loisible de penser que les garnisons perses de l’île et d’Assouan atteignent environ ce nombre.
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Nabukudurri (B4.5 2 ; B3.12 3 ; B3.13 2 ; B7.2 3), le troisième laissant planer des doutes quant à l’orthographe de son nom Md/ry[.] (B7.2 3)111. Autre précision, les noms de plusieurs centurions apparaissent dans quelques documents : ainsi, mʼth bytʼltqm, ou centurie de Betheltaqum (B4.4 6), et Nabushaliv (B4.4 8), du temps de Xerxès. Les noms de Nabuakab et Sinnidin apparaissent dans la liste de donateurs de deux shekeln à YHW, et datant de la fin du Ve siècle (C3.15 colonne 1 recto 19. 20). Le nombre d’individus associés avec chacune des trois premières centuries s’élève à onze (Betheltaqum : B4.4 6 ; Nabushaliv : B4.4 6-8 ; Nabuakab : C3.15 20), et douze pour celle de Sinnidin (C3.15 6-18). Leur nombre ne peut cependant pas correspondre à celui d’une centurie, aussi s’agit-il d’une subdivision d’une centurie, ou décurie, soit un groupe de dix personnes. Des listes de noms enregistrent peut-être ceux des individus faisant partie d’escouades en partie ou en totalité. Si elles sont admises comme complètes, elles peuvent concerner sept (D12.1), huit112, neuf (C4.4 1-10 ; C4.8), ou encore quinze personnes (C4.6 liste incomplète qui comportait vingt-sept noms)113. Ces soldats judéens ou araméens, devenus des résidents permanents bénéficient d’un temple qui signe leur intégration dans l’armée et le pays. Sous le pouvoir saïte, les commandements sont aux mains des officiers Mâ proches du souverain. La statue de Djed-Ptah-iouf-ankh, personnage officiel ayant vécu au début de la XXVIe dynastie, et établi à Thèbes à un moment de sa vie, livre ainsi quelques informations sur l’organisation de l’armée saïte. Ce général, dans le proscynème partant du côté droit et se terminant sur la face antérieure de la sculpture, rapporte certains de ses titres : « conducteur du corps des archers, chef des détachements (étrangers) », qui se complètent par une grande inscription de huit lignes : « confident du roi à la tête de son armée, bouche de Sa Majesté au sein du contingent des Asiatiques, conduisant leurs troupes…, commandant de l’armée, conducteur des contingents étrangers, chef des troupes », « qui conduisit leurs troupes lorsqu’il fut envoyé par le roi pour repousser les barbares »114. Sur son sarcophage (Caire JdE 31566), sont inscrits les titres de : « responsable des étrangers » et « responsable des haou-nebou », ce dernier terme désignant les ngéens, et par extension les Grecs.
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B. Porten, Afe, pp. 30 sqq. CIS 2/1, 154, planche 20, B. Porten, Afe, p. 32, n. 20. 113 Il a été suggéré que les quatorze noms perses sur la liste C4.7 sont ceux des centurions ou d’autres chefs, B. Porten, Afe, p. 32, n. 22. H. Anneler, Zur Geschichte der Juden von Elephantine, Berne, M. Drechsel, 1912, p. 57, propose de voir en eux des commandants de degel. 114 H. de Meulenaere, « La statue 19 du général Djed-Ptah-iouf-Ankh », pp. 22 sqq. 112
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Les graffiti phéniciens, déjà évoqués, ne mentionnent qu’Amasis. Et les trois autres inscriptions phéniciennes font de même. Amasis, responsable de la campagne en l’absence du souverain, prenait vraisemblablement les décisions. Ce qui expliquerait son titre de : « Celui qui fait ce que souhaite Sa Majesté en Nubie »115. Si certaines fonctions administratives sont maintenues par la puissance achéménide, d’autres semblent disparaître, tel le titre saïte de « chef de la flotte royale » qui n’est plus attesté. Un « chef de la navigation », Pétéisis, est néanmoins connu. Les soldats grecs sont ainsi particulièrement présents. Leur qualification permet d’en percevoir deux catégories, les uns sont des étrangers et les autres sont des résidents en ngypte depuis deux ou plusieurs générations. L’exemple d’un personnage du nom de Psammétique, fils de Théoklès, Grec d’ngypte116, militaire d’origine étrangère et mentionné dans l’inscription d’Arkhon et Pélékos, représente le modèle du « résident » grec, auquel d’importantes responsabilités sont confiées au sein de l’armée117, tandis que les soldats grecs réunis dans un régiment et qui ne parlent pas l’égyptien sont considérés comme des « hommes de passage », qui sont enrôlés pour une opération militaire spécifique et une durée limitée118, avec à leur tête, un « chef des étrangers ». Les inscriptions d’Abou Simbel témoignent de l’origine des mercenaires grecs et des régions dont ils sont originaires, dont par exemple deux proviennent de l’île d’Ialysos, au nord de Rhodes, deux des îles ionniennes de Téos et Colophon confirmant la Grèce comme leur lieu de naissance et d’autres sont originaires d’Anatolie. Durant la période saïte, il semble qu’un général d’origine grecque puisse diriger « la légion étrangère », et/ou porter des titres militaires tels que : « chef des étrangers », ou mr ḫȝsty.w, « chef des ngéens », ou me Ḥȝw-nbw, « général d’infanterie », ou mr mnft. Potasimto, général d’infanterie en second, dirige la « légion étrangère »119.Ces titres sont assurés qui concernent uniquement les mercenaires grecs120 ; aussi, la question reste-t-elle posée de l’hypothèse possible d’un « chef des étrangers » d’une autre origine.
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A. Rowe, « New Light on Objects Belonging to the Generals Potasimto and Amasis in the Egyptian Museum », p. 193. 116 F. K. Kienitz, Die politische Gechichte Ägyptens vom 7. Bis zum 4. Jahr-hundert vor der Zeitwende, p. 41. 117 A. Coyette, « La campagne nubienne de Psammétique II », p. 280. 118 D. Agut-Labordère, « Plus que des mercenaires ! », p. 300. A. Bresson, « Rhodes, l’Hellénion et le statut de Naucratis », DHA 6, 1980, pp. 291-349 ; La cité marchande, Bordeaux, de Boccard, 2000, p. 64. 119 D. Agut-Labordère, « Plus que des mercenaires ! », p. 295. 120 D. Agut-Labordère, Ibid., p. 298.
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Si les Judéens semblent cantonnés dans des postes subalternes de l’armée, rien n’interdit de suggérer l’hypothèse de quelques-uns d’entre eux présents depuis plusieurs générations, parlant l’égyptien et ayant peut-être eu accès à des grades, même peu élevés, dans cette armée. Les documents ne transmettent cependant pas d’informations sur cette possibilité pour les mercenaires judéens et araméens d’Éléphantine. Ils feraient partie de l’infanterie, et seraient versés dans des régiments divers, dont aucun rb dgl, ou « chef de régiment », n’est connu, qui porterait un nom judéen. S’il est vrai que des générations de Judéens et d’autres ethnies se sont succédé dans l’île, leur familiarité avec la société égyptienne permet de concevoir parmi eux la présence de gradés.
L’ultime révolte La destruction du Temple d’nléphantine et ses interminables conséquences ne sont que le faîte d’une sombre période pour les Judéens. L’agitation souterraine en ngypte, dès le soulèvement de 456 avant n. è., n’a jamais cessé, expliquant les évènements et le déchaînement de violence à ce moment. En outre, le soutien de la ligue grecque de Délos aux ngyptiens a transformé le conflit dès la moitié du Ve siècle. Cette rébellion s’avère prendre la forme d’un contrôle sur l’Est méditerranéen, et joue également un rôle. En dépit de la mort d’Inaros et de la défaite grecque, la tension secrète ou ouverte en ngypte n’a cessé de perdurer, expliquant complots et destructions des biens du roi perse. Un premier récit en a été transmis qui fait état de : dgln zy mṣryʼ mrdw, « détachements d’ngyptiens (qui) se sont rebellés » (A4.5 1-2), et des Judéens n’ayant pas quitté leur poste, assurant les Perses de leur loyauté. Cette missive rapporte la révolte des prêtres de Khnoum durant la dernière décennie du Ve siècle, ainsi qu’en informe également l’un des courriers des responsables de la communauté : « En l’an 14 du roi Darius, lorsque notre Seigneur Arsamès était parti chez le roi, voici l’acte mauvais que les prêtres de Khnub le dieu [ont fa]it à nléphantine la forteresse en accord avec Vidranga… Il y a une partie du Trésor du Roi/Maison royale de grains qui est à … ils (l)’ont démolie et [ils ont] construit un mur [dans] le milieu de la forteresse d’nléphantine » (A4.5 2-5)121. Le texte ajoute : « Et maintenant ce mur est construit au milieu de la forteresse » (A4.5 6). Ils ont, en outre, obstrué le puits permettant de 121
J-C. Goyon et al., La construction Pharaonique du Moyen Empire à l’époque gréco-romaine, contextes et principes technologiques, Paris, Picard, 2004, p. 117, présentent une description technique de ces enceintes. Les remparts sont pourvus de tours ou de bastions qui comportent, à l’intérieur du mur, une armature de pièces de bois qui en augmente la solidité. Les forteresses de Buhen et d’Uronarti en Nubie en proposent des exemples.
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désaltérer la garnison lorsque les troupes sont convoquées. On ne sait si la cause en est due aux travaux de l’érection du mur de séparation avec le domaine de Khnoum ou s’il s’agit d’un acte malveillant envers la garnison judéenne, mais il est à penser que cette deuxième hypothèse soit la plus juste à ce moment du conflit, ce qui est confirmée par les missives officielles des chefs de la communauté judéenne. Alors qu’Arsamès s’est absenté d’ngypte, les prêtres de Khnoum corrompent Vidranga alors gouverneur régional et, de plein accord, décident la destruction du Temple judéen. Les troupes le démantèlent jusque ses fondations (A4.7/A4.8). En 410 avant n. è., il est ravagé avec la plus extrême violence et onze ans plus tard, en 399, une ultime missive est assurée qui provient d’un membre de la communauté (A3.9). Cette lettre envoyée par Sheva, fils de Zakaryah, à son ami Ysla, lui annonce l’avènement du pharaon Népheritès qui reprend le pouvoir, à ce moment, à Amyrtée. Dans cet espacetemps, le quotidien des Judéens n’a cessé de prendre une dimension plus dramatique. Des courriers échangés entre certains des membres de la communauté et ses responsables, des missives fragmentaires dont trois datent de la fin du Ve siècle, deux copies d’une pétition envoyée au gouverneur de Juda et aux deux fils de Sanballat gouverneur de Samarie, des correspondances émanant du satrape Arsamès ou lui étant parvenues et quelques autres missives mettent au jour cette conjoncture troublée. Le déroulement de la tragédie et ses conséquences, le rôle des prêtres de Khnoum dont le domaine jouxte le Temple des Judéens et celui des responsables perses sont révélés par ces correspondances. Messages et lettres officielles émanant des responsables de la communauté évoquent des intrigues et des manifestations hostiles aux Judéens de même que le séjour en prison de quelques-uns d’entre eux. Quand bien même les Judéens ont obtenu l’autorisation de reconstruction du Temple, la présence judéenne ne semble plus la bienvenue avec la reconquête du pays par un pharaon égyptien. Après cette longue crise, peut-être certains d’entre eux ont-ils choisi de demeurer en ngypte. Une missive (A3.11) endommagée et mise au jour à nléphantine, envoyée à un personnage nommé Jashobyah et datant du milieu du IVe siècle pourrait soutenir cette hypothèse. Provenant d’El-Hibeh, et ayant conservé la formule de salutations, elle se rapporte à des chevaux. Aussi, la présence de Judéens à nléphantine à ce moment s’avère certaine, mais l’existence d’une communauté organisée plus que douteuse. Après plus de deux siècles de présence sur cette île, comme mercenaires à la solde des pharaons puis de la
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puissance perse, la trace de la communauté judéene d’nléphantine semble se désagréger définitivement122.
Des installations militaires Les fortifications de la période achéménide n’ont pas laissé de marques distinctives. Trois groupes ont attestés, dont l’un se rapporte aux sites urbains comportant une enceinte, un autre, une citadelle ou encore les deux. Les forteresses sont composées d’espaces de différentes tailles dont les fonctions sont spécifiques, et dotées d’installations de défense entretenues par l’administration satrapique ou provinciale. Les casemates de Daphnaé et Naucratis de la période saïte en transmettent l’exemple et le plan des fondations en briques crues du fortin de Daphnaé du temps de Psammétique Ier, de même que celui de Naucratis, attestent de cette pratique (fig. 2/1 ; 2/2)123.
H. Nutkowicz, « nléphantine, ultime tragédie », Transeuphratène 40, 2011, pp. 185-198. 123 A. J. Spencer, « Casemate Foundations once again », dans A. Leahy et J. Tait éd., Studies on Ancient Egypt in Honor of H.S. Smith, Londres, Egypt Exploration Society, 1999, pp. 197-300. 122
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Casemate de Naucratis, Fig. 2/1
Casemate de Psammétique II, Tell Daphnaé, Fig. 2/2
À Tell el-Herr, ont été mises au jour des fortifications imposantes de 140 mètres de côté et entièrement constituées de briques crues de forme cylindrique, n’ayant à ce jour pas été repérées sur un autre site au Sinaï ni en ngypte ou au Proche-Orient124. De plus, aucun signe ne démontre que les Perses ont exporté un modèle de constructions de garnisons-forteresses standardisées125. La réalité d’un fortin tant sur l’île qu’à Syène ne semble guère à questionner, néanmoins aucun mur d’enceinte de forteresse ne semble avoir été documenté à nléphantine jusqu’à l’érection d’un tel mur « au milieu de la forteresse » par les prêtres de Khnoum (A4.5 5-6), tandis qu’une enceinte a été mise au jour à Syène126. En outre, sous Psammétique Ier, des zones de cantonnement, au Nord-Ouest du pays, ont été aménagées afin de permettre aux soldats de s’exercer au combat : des stèles, réparties le long d’un terrain d’entraînement, l’assurent127. Il est loisible de penser que d’autres zones y D. Valbelle, « Tell el-Herr : le migdol de la Bible ? », p. 22, voir la photo des casernements du Bas-Empire. 125 C. Tuplin, « Xenophon and the Garrisons of the Achaemenid Empire », pp. 200- 204. 126 Voir chapitre deux, pages 90 sqq. 127 O. Perdu, « Psammétique Ier, Restaurateur de l’unité nationale et initiateur du renouveau saïte », p. 7. 124
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étaient destinées, y compris à nléphantine et Syène, ou proches de l’une ou des deux cités. Les constructions de Balamun, Daphnaé et Naucratis semblent avoir cumulé des fonctions tant défensives qu’administratives. Éléphantine, en sa qualité de capitale du nome, a pu jouer ce double rôle, abritant les divers officiels présents dans l’île afin d’y exercer leur activité.
De l’équipement et de l’exercice du combat Selon Hérodote (VII. 61-88) et Xénophon128, chaque unité porte un uniforme distinctif et un équipement pour se battre, fonctions de ses origines ethniques. Les Perses sont vêtus de tuniques recouvertes de cuirasses protégées de lamelles de fer, armés de boucliers et portent des carquois, des lances, des arcs, des flèches. Si aucune description de l’équipement des Judéens et des Araméens n’est connue à ce jour, il semble possible qu’il ait été proche de celui des Syriens eux-mêmes équipés comme les Paphlagoniens, lesquels portaient des casques et étaient armés de boucliers et de lances de longueur médiocre, d’arcs et de flèches, de javelots et de poignards, et chaussés de bottes (Hérodote VII. 72). Judéens et Araméens sont peut-être revêtus d’armures légères composées de plusieurs centaines d’écailles de fer ou de bronze comportant un ou plusieurs trous permettant de les fixer sur un support de cuir ou de tissu puis assemblées. Les armes sont de fabrication locale129 : la maison M d’Éléphantine, qui comporte une pièce identifiée comme un atelier en raison de la présence d’un matériel composé de quelques céramiques près desquelles se trouvaient deux stèles non encore inscrites, d’outils de métal et des armes, pointes de flèches et pointes de lances (M1), le confirme130. Les ressources militaires sont, outre l’infanterie, la charrerie et les cavaliers. De surcroît, tant les Saïtes que les Perses développent une flotte égyptienne dont la nature militaire est discutée. Hérodote rapporte les trirèmes construites par Néchao II – certaines pour la mer Méditerranée et d’autres pour la mer Rouge – et rappelle la bataille navale engagée par Apriès contre Tyr et la conquête de Chypre par Amasis. Il évoque également la flotte perse et l’invasion de la Grèce en 480 avant n. è., qui comporte 1207 navires dont 200 égyptiens, 300 phéniciens et 150 chypriotes. Puis, à l’époque des XXVIIIe, XXIXe et XXXe dynasties, les ngyptiens bâtissent une flotte destinée à
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Xénophon, L’Anabase, Paris, Hachette Bnf, 2017 : I. 8 9. C. Tuplin, « Xenophon and the Garrisons of the Achaemenid Empire », pp. 204- 205. 130 A. Krekeler, « Bauten ab der 27. Dynastie », dans W. Kaiser et al, Stadt und Tempel von Elephantine 15./16. Grabungsbericht, MDAIK 44, 1988, pp. 172-174. 129
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combattre les Perses131. Les Perses, tout comme les ngyptiens lors de la période saïte, utilisent le char comme arme de guerre et pratiquent le combat à partir de cette position dominante. Les Perses se servent de chars munis de lames destinées à terrifier leurs ennemis132. Par ailleurs, parmi les lettres d’Arsamès, l’une concerne un sculpteur contraint de façonner une représentation de cavalier, probablement, afin de célébrer les exploits des Perses (A.6 12 2) : « Et qu’il exécute des statues d’un cavalier… Comme il l’a déjà fait pour moi. » En outre, le satrape est peut-être doté de ses propres forces militaires, ou « cavaleries de la cour », peu nombreuses, et il ne semble pas qu’il y ait une stricte séparation entre ses troupes et celles de la garnison de l’île133. Le rôle des animaux, dont certains de bât, dans l’organisation matérielle et probablement le ravitaillement, n’est pas à négliger. Un document de la première moitié du Ve siècle en témoigne (A3.1), qui se rapporte à un échange de lettres concernant dix ânes et requiert : « Si tu as dix ânes qu’ils les relâchent. » Cet échange semble s’inscrire dans le cadre de l’armée dans la mesure où la lettre évoque le chef de la garnison : « Maintenant… J’ai dix ânes… ceux que j’ai envoyés… Nabunathan à Abydos… devant le commandant de la garnison… » (A3.1 3-6). En outre, les chevaux sont évoqués dans la lettre citée plus haut d’Arsamès à Nakhtḥor, Kenzarzima et ses collègues. Ordre est donné afin que le sculpteur Ḥinzan/pi reçoive des rations, de même que son personnel, qui sont les ptkrn, ou « artistes », du satrape, et qu’il sculpte la représentation d’un cheval avec son cavalier. L’expéditeur précise, sur un ton comminatoire, que les statues sont à produire sans perdre de temps (A6.12 2-3) !
Des rémunérations Listes et conventions en révèlent le contenu. Les soldats touchent des allocations en nature et des soldes en argent versées par les Magasins du Roi et/ou le Trésor du Roi. Ces distributions royales portent des appellations
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B. Muhs, The Ancient Egyptian Economy 3000-300 BCE, Cambridge, Cambridge University Press, 2016, pp. 195-196. 132 A. Moreau, « La symbolique du char dans l’œuvre d’Eschyle », dans ntudes rassemblées par Pierre Sauzeau et Thierry van Compernolle, Les armes dans l’Antiquité, de la technique à l’imaginaire, Montpellier, Presses Universitaires de la Méditerranée, 2007, pp. 269-270. 133 C. Tuplin, « Xenophon and the Garrisons of the Achaemenid Empire », pp. 228, 231.
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différentes selon qu’il s’agisse de ration de ptpʼ, ration d’« orge », ou de prsʼ, ration de « blé »134. Ainsi, parmi les exemples présentés et portant la référence C3.14 de la fin du mois de mai en l’an 400 avant n. è., une liste comporte des informations concernant la distribution d’orge à la garnison de Syène. Au recto, la colonne 1 comporte dix-huit noms, dont certains sont illisibles, et l’attribution de rations (certaines d’une ardabe et d’autres d’une ardabe et deux quarts). Selon la colonne 2 du recto, cinquante-quatre « âmes » ont fait partie des personnes ayant perçu ces rations, et le total des ardabes distribuées atteint le chiffre de cent, dont trente « âmes » ont bénéficié de deux ardabes deux quarts. Le document complète, colonne 3, le total des dépenses pour la garnison de Syène sur une durée annuelle qui va du « 23/13 iyyar c’est-à-dire le 29/19 de mechir en l’an 4 jusqu’au 24 de iyyar c’est-à-dire le 20 de mechir l’an 5 » (C3.14 32-33). Ces grains proviennent de la province de Thèbes pour se trouver entre les mains de Wennofret, et les rations de la province de Tshetres sont transmises à la garnison par deux bateaux [+…] (colonne 3, lignes 39-45)135. La liste C3.13 verso colonne 3 (34-43), de 417 avant n. è., révèle une distribution de grains dispensée à des femmes, de 1 à 4 peras. Celles-ci bénéficient tout autant que les hommes de ces distributions de grains, soit en qualité de membre de la famille d’un mercenaire, soit parce qu’elles accomplissent des tâches pour le pouvoir. Un compte fragmentaire rapporte des distributions de grains différentes – de 1 peras et 3 seahs à 2 peras, et qui concernent de l’orge et du blé (C3.16 recto 1-6). Apportant une autre lumière sur les répartitions de grains à des femmes, la liste fragmentaire C3.18 1-10 recto-verso présente un décompte de blé et d’huile. Seules quelques identités incomplètes y figurent, dont celles de trois femmes. Les quantités de grains 134
A. H. Gardiner, « Ramesside Texts Relating to the Taxation and Transport of Grain », JEA 27, 1941, pp. 19-73, spéc. p. 57, mentionne le P. Louvre 3171 colonne 2 ligne 5, où un gradé militaire peut réquisitionner une partie de la taxe sur la récolte s’élevant à 200 sacs. 135 A. Schütze, « The Standard of Living of the Judean Military Colony at Elephantine in Persian Period Egypt », JAEI 12, 2016, pp. 41-49, spéc. pp. 42-43, propose une répartition des rations converties en distributions journalières de blé, les relie aux valeurs caloriques du blé et de l’orge et au poids de chaque céréale en litres par rapport à une artabe. Leur valeur diffère : ainsi, un litre d’orge est équivalent à 0,8 litre de blé en termes de valeur calorique. En outre, un litre d’orge correspond à 0,62 kg ; et, sachant qu’un kg correspond à 3320 kcal, la valeur calorique de chaque ration par jour est de 2058,4 kg/jour pour 30 litres/mois, 3087, 6 kg pour 45 litres et 5146 pour 75 litres, ce qui semble insuffisant pour une famille de quatre personnes. (Voir n. 483 Newton et al.).
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diffèrent selon les individus, l’ensemble étant évalué par le scribe à quarantedeux ardabes de grains (C3.18 18). La distribution de ces deux produits exprime qu’ils sont exclusifs l’un de l’autre. Fragmentaire, la liste C3.26 dévoile une distribution de grains et/ou de lentilles, ou prsʼ, à des ngyptiens et des Araméens, effectuée au cours du mois de pachons. Femmes et hommes en bénéficient et les quantités distribuées varient. Datant du 15 payni, en l’an 4 ou 5 de Darius, Artaxerxès ou Amyrtée, un document établi à nléphantine révèle un accord entre deux sœurs (B5.5). Cet acte écrit au nom de MipÓaḥyah, fille de Gemaryah, Judéenne de la forteresse de l’île, s’adressant à sa sœur, Isiweri, témoigne de cette prise en charge institutionnelle. Isiweri mentionne en réponse : « La ration qui est la mienne de la Maison du Roi… », puis réitère : « De la ration qui était à moi de la Maison du Roi » (B5.5 6-8). Des champs sont également mis à leur disposition. Ainsi, durant la période perse, les officiers se voient accorder des terres d’une dimension de cinq aroures et les soldats des champs de trois aroures, en récompense de services rendus136. Cet usage semble généralisé dès le règne de Ramsès II, ainsi que le rapporte Hérodote (II. 109). Ces terres et leur production leur permettent d’obtenir des compléments à échanger ou à consommer, dont une partie est gagnée sur des sols auparavant arides. Des documents en araméen en témoignent, dont une missive très parcellaire de la fin du Ve siècle qualifiée d’officielle ou semi-officielle (A5.5). La ligne 9 de cette lettre rappelle que la troupe évoquée en bénéficiait : ḥylʼ znh hww mḥsnn, « cette garnison avait une tenure héréditaire ». Un ordre du satrape envoyé à un haut fonctionnaire nommé Marduk et d’autres encore, entre la Perse et l’ngypte, les prie de prévoir les rations nécessaires provenant de ses domaines dans chacune des provinces traversées pour son envoyé NakhÓor et haut-fonctionnaire également (A6.9). Il impose par le détail les quantités de rations par jour pour son serviteur : deux poignées de farine blanche, trois de farine inférieure, du vin ou de la bière. Il n’oublie pas les dix serviteurs de NakhÓor, ces derniers bénéficiant cependant de quantités moindres, puisque n’ayant droit qu’à une poignée de farine par jour et du fourrage selon le nombre des chevaux. Il exige la livraison de rations à deux Ciliciens et un artisan, qui sont aussi ses serviteurs et ont droit à une poignée de farine par jour. Le satrape s’avère particulièrement parcimonieux (A6.9 6), qui interdit qu’aucune ration supplémentaire ne soit livrée pour le 136
Une aroure correspond à 2735 mètres carrés et produit environ 750 litres de grains lors d’une récolte. L’aroure représente 5300 calories pour chaque jour de l’année. Si la moitié est absorbée par les impôts et les nuisibles, et si une quantité est conservée pour les semences, la quantité restante permet de nourrir un adulte pendant un an, L. Meskell, Vies privées des Égyptiens, Paris, Autrement, 2002, p. 42.
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cas où NakhÓor et sa petite troupe resteraient plus d’une journée dans un même lieu ! Au sujet de l’origine des ressources dédiées aux armées durant la période saïto-perse, un texte provenant de Saqqarah, et datant de la moitié du Ve siècle, suggère une référence à une taxe collectée afin d’entretenir une garnison impériale, et met au jour l’emploi de l’expression : mndt ḥylʼ, signifiant « taxe de la garnison »137. Cette information conforte celle transmise par Xénophon rapportant que, dans l’empire achéménide, les territoires sujets étaient tenus d’entretenir les garnisons impériales dans leur région138. Cette turbulente période de la moitié du Ve siècle mène le pouvoir perse à prévoir d’importantes réserves de grains pour les mercenaires et l’armée perse en cas d’éclatement de la révolte souterraine et, son écrasement ou pas. Aussi, les grains sont-ils collectés, transportés, puis redistribués. Un contrat d’nléphantine, B4.4, atteste une livraison de grains au Magasin du Roi. Cette transaction, dont un double est également parvenu jusqu’à nous, en révèle l’importance par la phénoménale pénalité de 1000 shekeln à verser en cas de non-livraison et d’autre part par l’engagement pris dans ce contrat par les deux personnages chargés de cette mission. Greniers et Trésors du Roi reçoivent et enregistrent les décomptes des revenus de l’État, tandis que diverses institutions et des fonctionnaires les distribuent, qui sont employés afin de subvenir aux besoins des fonctionnaires des provinces, des soldats et des mercenaires, de la police, de même qu’aux équipes qui transportent ces biens. Les temples ne manquent pas de gérer leurs réseaux de redistribution et usent pour ce faire de leurs propres sources de revenus. Tant les réseaux de l’État que ceux des temples demeurent les moyens préférés de distribution sur de longues distances, qui deviennent de plus en plus compétitifs. Les Magasins et Trésors du Roi jouent au cours de la période saïto-perse un rôle essentiel, qui sont probablement dotés d’un réseau dispersé de greniers royaux, lesquels collectent et suivent la trace des taxes sur les moissons en nature (céréales), apportées et déposées dans des succursales locales afin que les surplus soient transportés et distribués lorsque nécessité se fait sentir. Ce système de stockage dispersé diminue les risques et minimise le besoin de transport. Les diverses références au Magasin du Roi de la garnison d’nléphantine, sis proche de la maison d’ʽAnanyah et et anéanti lors de la révolte que mentionnent divers documents officiels, attestent de ce système. Ce réseau était chargé de recouvrer, puis de transporter des taxes en
137 138
J.B. Segal, Aramaic Texts from North Saqqara, pp. 39-40. Xénophon, La Cyropédie, Paris, Hachette Bnf, 2012, 7.5.69.
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argent et en nature, tels les droits de douane ou les taxes provenant des temples139.
Synthèse Expression du système impérial, cette organisation militaire a pour objet premier le contrôle, pour partie, des ressources économiques et humaines, afin de conserver le pouvoir sur la province, et son efficacité réside dans son adaptabilité devant les coutumes locales. Le paiement des obligations au système impérial s’effectue en termes de volumes de grains140, permettant d’éviter la famine et ainsi de rémunérer soldats et mercenaires. Le rôle particulièrement prégnant des provinces dans l’espace de cette obligation est à souligner. Ainsi, l’exemple fourni par le site de Tell el-Ḥési et tout particulièrement par la couche archéologique de la moitié du Ve siècle de la cité le souligne avec la mise au jour de nombreuses aires de stockage pour les grains141. De même, à Tell Jemmeh, un complexe de stockage de grains a été assigné aux efforts achéménides afin de préparer une force militaire d’importance et dont l’objet est d’envahir le pays durant la révolte égyptienne142. De la sorte, les Magasins du Roi, assurés dans les documents d’Éléphantine, voient leur rôle éclairé plus précisément : permettre l’entretien des membres de la garnison et leur famille143. Leur rôle reconnu s’explique par des raisons d’ordre militaire, économique et politique ; des combattants doivent garder les frontières avec Koush et leurs obligations de simple police ne sauraient être oubliées. De plus, réalité d’importance : intervenir et faire face lors de possibles révoltes des populations indigènes fait partie des obligations auxquelles sont soumis les membres de ces garnisons qui subissent leur ire et leur vengeance au travers de complots et de destructions violentes, tant des biens appartenant à la puissance perse que des installations primordiales pour l’ensemble de la population. Ces garnisons doivent assurer à la province et à l’ensemble de l’empire une stabilité. Cependant, les mercenaires ne constituent qu’une minorité exogène qui marque la limite de leur action. En outre, si les Égyptiens 139
B. Muhs, The Ancient Egyptian Economy 3000-300 BCE, pp. 193-194. C. Tuplin, « The Administration of the Achaemenid Empire », dans I. Carradice éd., Coinage and Administration in the Athenian and Persian Empires, Oxford, BAR Publishng, 1987, pp. 109-166, spéc. pp. 141-142. 141 E. Stern, Material Culture of the Land of the Bible in the Persian Period 538-322 BC., Jérusalem, IES, 1982, pp. 20-21. 142 E. Stern, Ibid., pp. 22-24, précise que les divers greniers mis au jour pouvaient contenir de la nourriture pour 70000 hommes. 143 K.G. Hoglung, Achaemenid Imperial Administration in Syrian Palestine and the Missions of Ezra and Nehemiah, Atlanta, Scholars Press, 1992, pp. 207-240. 140
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sont mécontents des avantages accordés aux mercenaires durant la période saïte, la situation ne manque pas de s’altérer lorsque des étrangers comme les Perses s’emparent du pouvoir. Les mercenaires sont rejetés, et l’exemple du Temple d’Éléphantine et de sa brutale destruction en constitue le symbole. Ainsi, perdra-t-on la trace de la communauté judéenne organisée de l’île… Sans cet équilibre, la remise en cause du pouvoir perse ne peut que mener vers sa dissolution. La révolte d’Amyrtée en apporte la démonstration, qui annonce la perte de contrôle de cette puissance d’ores et déjà sur le déclin sur le territoire égyptien.
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CHAPITRE DEUX LA VIE DANS LA CITÉ Outre les habitants de diverses origines ethniques exerçant l’activité de mercenaire et qu’accompagnent les membres de leur famille, d’autres résidents pratiquent des activités professionnelles telles celles de scribes, de bateliers, de porteurs d’eau, de commerçants (A4.3 4), d’artisans de toutes sortes (A6.10 6-7), d’artistes (A6.12), et de nombreux petits métiers, qui cultivent également leurs champs, leurs vergers, gardent leurs petits troupeaux, et vivent dans des demeures dont les contrats, les ostraca et l’archéologie révèlent les particularismes de même que ceux de l’urbanisme. Ils peuvent aussi exercer d’autres fonctions telles celles de prêtres ou de cantor, comme ʽAnanyah, qui participent ainsi à la vie quotidienne religieuse. Ils vivent en famille, et leurs foyers se composent essentiellement des parents et des enfants. Si à nléphantine, les informations se font bien rares pour la période saïte, elles s’avèrent plus abondantes pour la période perse à propos de ce thème, de même que pour les institutions civiles et militaires et leurs représentants. Ces derniers sont ainsi mêlés aux évènements exceptionnels et aux contestations diverses, de même qu’ils s’intéressent tout particulièrement aux soins à apporter aux biens royaux et à leurs propres biens ; mais, dans l’espace du quotidien et des questions personnelles, cette administration interfère plus rarement à moins d’être sollicitée dans un espace judiciaire. De nombreux documents en araméen, et également en démotique, nous informent (contrats, lettres, listes, mémoranda et ostraca).
Des institutions civiles et militaires Les cités d’Éléphantine et de Syène s’illustrent par leur rôle militaire, économique et politique144. Elles transmettent l’image d’une forme de Au cours du Moyen-Empire le titre tnḫ n njwt, « celui qui est vivant dans la ville », sous-tend l’acception de militaire. Au cours de la XVIII e dynastie un personnage du nom de Ahmose, fils de Abana, rapporte qu’il a, tout comme les autres militaires, été récompensé pour ses services par l’attribution de parcelles de terres dans sa ville. La formule autobiographique veut souligner combien il était aimé et apprécié dans sa ville et son district, et à quel point il désire la faveur du dieu de sa cité. À cet égard, les Instructions d’Onkhsheshonqy (15, 15) préviennent contre l’union d’un fils avec une femme d’une autre cité, qui comportent d’autres prescriptions sur ce même thème : 11, 16 ; 18, 3 ; 21, 24-25 ; 27, 13, M. Lichtheim, Ancient Egyptian Literature, vol. II, Berkeley et Londres, University of California Press, 1976. Le P. Insinger met en lumière la base locale de la position sociale, 22e instruction, M. Lichtheim, Ancient 144
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stabilité et de permanence des structures traditionnelles, néanmoins de grands changements vont les affecter lors de la période perse. Auparavant, durant la période saïte, des personnages proches du pharaon exercent un pouvoir lié à l’administration civile et religieuse145, dont les services sont inégalement connus. L’évolution des situations met parfois en scène des individus pourvus de titres ayant peu de rapport avec le contenu de leurs missions. Quant aux chefs des Mâ, responsables régionaux, ils sont désignés le plus souvent par le titre : « maire/seigneur » de la cité principale de leur fief. La participation de l’ngypte à des échanges internationaux aura mené à une réorganisation économique à un échelon particulièrement élevé afin d’encadrer la gestion des biens tant divins que privés et d’améliorer la perception des impôts. À la suite de la réunification du pays, les rois saïtes font face à une pléthore de hauts fonctionnaires, héritage des diverses principautés : s’ils leur permettent de conserver leur poste, ces derniers ne seront pas remplacés146. La charge de vizir de Haute-ngypte disparaît, puis plus tard celle de Basse-ngypte. À la fin de la période saïte, le sentỉ les a substituées. L’innovation principale, mise en place sous les rois saïtes, consiste en effet en la création d’une charge de « planificateur » -sentỉ, « sorte de ministre de l’économie qui coiffait les autres fonctions de direction relatives à ce secteur »147. La Pétition de Pétéisé, qui s’étend sur près d’un siècle et demi environ, permet de suivre l’activité de certains hauts fonctionnaires. Les subordonnés du sentỉ apparaissent dans ce récit, qui incarnent un rôle d’importance, tandis qu’il demeure anonyme. Peut-être s’agit-il d’un Egyptian Literature, vol. II. Et, le P. Rylands 9 de la période saïte exprime la haine des prêtres locaux envers un prêtre de l’extérieur et sa famille, M. Chauveau, « Violence et répression dans la "Chronique de Pétéisé" », Méditerranées 6/7, Paris, L’Harmattan, 1996, pp. 233-246. 145 La statue d’un haut personnage proche de Psammétique II, nommé Nekhthorheb, témoigne de par ses inscriptions des rapports privilégiés qu’il entretient avec le souverain et son rôle dans l’administration. Nommé : « le premier après lui » et son « grand dignitaire », il reçoit les louanges du roi « parce qu’il agit conformément à ce qui est dans son cœur ». Néanmoins, ces titres n’éclairent guère précisément ses activités. Ce « gouverneur du palais » devait communiquer ses directives aux fonctionnaires et courtisans. Outre son rôle dans l’administration civile, il était doté d’un pouvoir certain dans la hiérarchie sacerdotale, H. de Meulenaere, « La statue d’un haut fonctionnaire saïte », Museum of Mediterranean and Near Eastern Antiquities 3, Medelhausmuseet 31, 1998, pp. 13-21. 146 B. Muhs, The Ancient Egyptian Economy 3000-300 BCE, pp. 175 sqq. 147 J. Yoyotte, « Le nom égyptien du ministre de l’économie, de Saïs à Méroé », CRAIBL janvier-mars 1989, vol. 133/1, 1989, pp. 73-90, spéc. pp. 79-82.
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personnage nommé Horoudja, fils de Tesnakht, seul sentỉ dont l’identité soit connue et contemporain de Darius Ier. À en croire ce récit, ce haut personnage installé à Memphis est entouré d’une « cour de magistrats », ou rmt-ʽȝy.w, et, s’il s’avère compétent pour juger du cas de Pétéisé comme ultime recours judiciaire, il ne peut aucunement le protéger de la revanche des prêtres (P. Rylands 9 1.1-5.14)148. Le sentỉ en question intervient dans la gestion des temples, nomme un de ses subordonnés comme grand prêtre du dieu local et semble chargé de la rémunération des prêtres (P. Rylands 9 1.3)149. Le personnage portant le titre de ḥry-ỉdb, fonctionnaire chargé de la gestion temporelle des temples, dans la lettre de Phérendatès (P. Berlin 13536), de l’an 30 de Darius Ier doit faire ratifier l’élection du lesionis par le satrape. Ces deux fonctions sont dissociées à compter de Darius Ier entre l’an 9 et l’an 24. Le titre de « chef des champs », ou mr-ȝḥ, est associé à celui de sentỉ dans les mêmes titulatures et plus particulièrement celle d’Horoudja. L’un d’eux, dans la Pétition de Pétéisé, en l’an 15 d’Amasis (545 avant n. è.), procède à des confiscations de terre indûment occupées par des prêtres et leur réclame les redevances dues pour l’exploitation des champs en question, mais il peut aussi leur attribuer d’autres terres. Il semble avoir le pouvoir sur la répartition des terres agricoles entre exploitants et bénéficiaires. De plus, la période entre l’an 15 d’Amasis et l’an 9 de Darius Ier a vu la concentration des pouvoirs entre les mains de ce personnage et celle du sentỉ. Un autre fonctionnaire des services centraux de l’État, ou « chef de l’Antichambre », ou mr-rwy.t, apparaît dans ce récit comme l’un des plus hauts dirigeants des bureaux de la capitale après l’an 15 d’Amasis, et supervise un personnel nombreux dont des scribes-comptables qu’il peut envoyer dans des chefs-lieux de province. Il peut également donner des ordres à des gouverneurs de nomes (Hérakléopolis). En outre, peut-être cumule-t-il plusieurs fonctions. Des gouverneurs provinciaux et des généraux représentent le souverain et sont dotés de responsabilités dans le système judiciaire criminel. 148
Tous mes plus vifs remerciements vont à D. Agut-Labordère pour cette communication personnelle, de même que l’ensemble de celles transmises pour cet ouvrage. 149 M. Chauveau, « Titres et fonctions en ngypte perse d’après les sources égyptiennes », pp. 127-128. L’auteur rappelle que le fonctionnaire portant le titre ḥryỉdb s’occupe entre autres de l’inspection des leisonis, prêtres élus chaque année par leurs pairs afin de gérer le domaine temporel du dieu. Dans une lettre datée de Darius, il est en tournée d’inspection en Haute-ngypte et, parvenu à Edfou, il convoque les responsables du temple d’nléphantine afin de vérifier leur comptabilité des trois dernières années ; cependant, ceux-ci ne s’étant pas présentés en temps voulu, ils sont à nouveau convoqués dans une cité sise plus au nord.
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Ils reçoivent les plaintes, les répartissent auprès des juridictions adaptées, gèrent les délits mineurs et les dommages concernant les personnes. En Basseet Moyenne-ngypte, les rois saïtes leur restituent leur rôle dans l’organisation judiciaire, qui sont sous l’autorité du souverain et appointés par ses soins. Avec l’intégration de l’ngypte dans l’Empire Perse et sa transformation en satrapie ou province, le système institutionnel se modifie en profondeur. Des représentants des institutions de l’administration perse de la première période (526-404) sont connus par les nombreux textes émis, qu’il s’agisse de memoranda, de rapports, de comptes et de missives en araméen lingua franca impériale. Et, le maintien du démotique comme écriture royale administrative témoigne du cumul de deux niveaux, l’un perse et l’autre égyptien. L’administration perse conserve une partie de l’administration saïte et de son personnel, qui transmet des papyri et des ostraca lesquels enregistrent des opérations journalières tant des institutions que des personnes privées. Parmi les exemples de transformations et évolutions de l’administration, le titre et la fonction de « directeur/surveillant des scribes du conseil » attribués à un personnage directeur du bureau général de comptabilité perdurent durant cette période, tandis que disparaissent, avec la fin de la dynastie saïte, ceux de « directeur de l’antichambre »150. Par ailleurs, le découpage administratif en nomes est repris tant par les Saïtes que les Perses. Deux districts administratifs apparaissent dans les textes d’nléphantine, dont les limites ne sont cependant pas mentionnées, la province de Thèbes (A4.2 6) et celle de Tshetres dont nléphantine est devenue la capitale (A4.5 9)151. La puissance perse va imposer des modifications politiques et administratives radicales. Le souverain perse met en place un satrape152, ou gouverneur153, à la tête de la province d’ngypte, qui est établi à Memphis et M. Chauveau, « Titres et fonctions en ngypte perse d’après les sources égyptiennes », p. 129. 151 P. Berlin 13582 2-3. 152 La translittération du titre en vieux perse de : xÎaçapvan, ou « satrape », apparaît après la conquête d’Alexandre, M. Chauveau, « Titres et fonctions en ngypte perse d’après les sources égyptiennes », p. 126. 153 Le premier satrape, Aryandès, nommé par Cambyse, est remplacé par Pherendatès, puis Achaimenès sous le règne de Xerxès (Hérodote VII. 7). Après la révolte d’Inaros, un personnage du nom de Sarsama est nommé à la tête du pays. Il est possible qu’il s’agisse d’Arsamès, satrape attesté par des textes allant de l’an 36 d’Artaxerxès ou 429 avant n. è. à l’an 17 de Darius II en 407, G. Vittmann, « Rupture and Continuity. On priests and Officials in Egypt during the Persian Period », dans P. Briant et M. Chauveau éd., Organisation des pouvoirs et contacts culturels dans les pays de l’empire achéménide, Paris, de Boccard, 2009, pp. 89-121, spéc. pp. 102-104. 150
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doté de pouvoirs civils et militaires. Pherendatès et Arsamès sont connus tous deux par la documentation d’nléphantine. Le premier apparaît dans deux missives en démotique datant de 492 avant n. è., et le second, Arsamès, prince royal et satrape, durant une partie de la seconde moitié du Ve siècle, entre 429 et 407, est connu, entre autres, par des archives composées de diverses lettres dites « officielles » (A6.1-16) : les missives officielles de la communauté judéenne, et des fragments de documents en démotique. De surcroît, le chef du sentỉ serait probablement le satrape154, que des paraphrases dénomment : « celui à qui l’ngypte est confiée » (P. Berlin 13540 et 13539)155, ou « maître de l’ngypte » (P. Rylands 9 2.17)156. Son rôle premier, selon Hérodote, consiste à s’assurer que le tribut se composant de sept cents talents et de 120 000 boisseaux de grains destinés aux troupes stationnées à Memphis soient bien collectés et livrés à l’un des Trésors du Roi (Hérodote II. 149 ; III. 91). Le souverain bénéficie également du produit de la pêche du lac Moeris (Hérodote III. 91). Chargé de l’administration des propriétés royales, le satrape n’omet pas cependant de se préoccuper de ses biens propres. De surcroît, s’il se doit avant tout de protéger le territoire sous sa responsabilité, son autorité couvre de nombreux domaines : politique, économique, administratif et social, juridique et religieux, qu’il s’agisse par exemple du conflit entre les Judéens et les prêtres de Khnoum, de questions de rébellion ou de demandes spécifiques. Avec l’empire achéménide, le pouvoir royal pèse plus lourdement sur les temples égyptiens. L’exemple de la lettre si sévère envoyée par le satrape Phérendatès aux prêtres de Khnoum, à nléphantine en avril 493 avant n. è., en témoigne : il rappelle à l’assemblée des prêtres ouâb l’obligation de respecter la procédure lors de la nomination d’un nouveau lesionis, le « chef du temple », ou l’administrateur. Les prêtres proposent un candidat, pour autant le satrape doit donner son accord157. Une série de lettres, dont douze émises par Arsamès et une missive qui lui est parvenue, révèlent par de nombreux détails la teneur des préoccupations et des responsabilités qui lui incombent de même que le rôle
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G. Vittmann, « Rupture and Continuity. On priests and Officials in Egypt during the Persian Period », pp. 102-103. 155 A. Kuhrt, The Persian Empire : A Corpus of Sources from the Achaemenid Empire, Londres et al., Routledge, 2007, p. 852, n° 30 i et 853, n° 30 ii. 156 G. Vittmann, Der demotische Papyrus Rylands 9, vol. I, Wiesbaden, Otto Harrassowitz, 1998, p. 103. 157 A. Kuhrt, The Persian Empire. A Corpus of Sources from the Achaemenid Empire, p. 853, n. 30 ii.
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de ses agents158. Pour ce faire, deux de ses « serviteurs » ou hauts fonctionnaires le représentent, qui sont chargés en son absence de la bonne administration militaire et civile. Ces missives confirment, en outre, le rôle de divers fonctionnaires de justice, de police, et de l’administration civile évoqués plus haut. La dépêche fragmentaire de l’hiver 427 avant n. è. (A6.1) lui est adressée par différents fonctionnaires accompagnés de leurs collègues, Achéménès et ses collègues les hérauts, Bagadana juge perse et ses collègues, Pétéisi et ses collègues les scribes de la province de Pamunpara, Ḥarudj et ses collègues les scribes de la provin[ce de…]159, attestant d’une bureaucratie perse au rôle prégnant, et ce afin de résoudre en cette occurrence spécifique une question de parts. Parmi les courriers expédiés par le satrape, l’un se rapporte à l’inspection d’un navire à réparer et à l’autorisation de régler les débours dus à un chef des charpentiers égyptien concernant une douzaine de sortes de fournitures nécessaires aux réparations (A6.2). Autre exemple du rôle de ce prince : il intercède et intervient dans les affaires religieuses des Judéens (A4.1) et des ngyptiens. Propriétaire de terres en Basse- et Hautengypte, il s’intéresse largement à leur rendement (A6.4 ; A6.7 ; A6.9 ; A6.10). De fait, ces missives prennent en considération les réalités du monde égyptien, qui révèlent une centralisation autoritaire sous la houlette d’une « ethnoclasse » dirigeante iranienne dominant la population indigène160. Cités dans les écrits d’nléphantine et la correspondance du satrape, d’autres fonctionnaires attestent de leurs nombreuses attributions dans ce système. Par ailleurs, les missives d’Arsamès s’adressant à ses correspondants perses en Haute-ngypte se rapportent souvent à des aspects pratiques de la gestion de ses domaines et des évènements politiques, comme les rébellions récurrentes évoquées dans les correspondances. Ainsi, les titres d’officier, fonctionnaire officiel, chef de la chancellerie, ou pqyd, sont mentionnés dans les missives A6.4 et A6.8-15 ; ils sont chargés de la gestion de ses domaines, et peuvent être Perses, Araméens, Babyloniens et ngyptiens.
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Ces lettres écrites sur du cuir sont inscrites sur le recto, et le verso mentionne le nom de l’expéditeur et parfois celui du destinataire. 159 A. Lemaire et M. Chauveau, « Nouveaux textes démotiques et araméens trouvés à Saqqarah (note d’informations) », CRAIBL 152/1, 2008, pp. 141-156, (P. dém.-aram. LSA 03/143a). 160 C. Tuplin, « Arshama : Prince and Satrap », dans The Arshama Letters from the Bodleian Library, J. Ma, C. Tuplin et L. Allen, décembre 2012, vol. 1 Introduction, pp. 5 sqq., présente le dossier d’Arsamès en ngypte, et évoque également le rôle et les biens détenus par ce personnage en Babylonie. (site : arshama.bodleian.ox.ac. uk/publication, 4 volumes). L’auteur évoque l’ensemble des responsabilités dont est chargé le satrape, et l’ensemble des domaines où il intervient.
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Un papyrus démotique fragmentaire mis au jour à Saqqarah, dans la Nécropole des animaux sacrés (S.H5-DP 434 [2355]), dévoile dans ses colonnes recto et verso des textes officiels rapportant des ordres émis par Arsamès. Son nom y est mentionné par cinq fois (recto colonne 1 ligne 1 ; colonne 1 ligne 12 ; verso colonne 2 lignes 1-5 ; verso colonne 2 lignes 7-10). Au recto, Arsamès donne ordre d’amener devant les frastv-officiels certaines personnes inconnues ayant retardé leur réponse. Il précise qu’ils doivent agir « en accord avec ce que celui qui est avec eux souhaite ». Au verso, le satrape réitère cette instruction et ordonne qu’une lettre soit envoyée se rapportant à cette défaillance aux frastv-officiels. Peut-être ce même problème a-t-il été évoqué devant le satrape par deux fois. Au verso, colonne 2 lignes 7-10, le texte rapporte qu’Arsamès aurait pris langue avec un certain Misapata et ses collègues en présence (?) des juges, et aurait émis un ordre afin qu’ils soient amenés peut-être par force dans un certain lieu nommé hemudjen où se seraient produits ces évènements161. La présence de personnages à la cour du satrape, ou à nléphantine, selon les besoins, portant les titres araméens de pḥt, « préfet » (B2.3 ; B3.10 ; B3.12), de mrʼ, « seigneur » (B3.2 ; B4.6 ; A5.2), de sgn, « administrateur civil et gouverneur » (B2.3 ; B5.4), de prtrkʼ, « chef » (A4.7/A4.8), enfin de rÎbr, « plénipotentiaire » (A6.5), et qui sont soit des Perses soit des Babyloniens, confirme une administration fortement hiérarchisée. L’interprétation de ces titres prend appui sur la ou les fonctions exercées dans le contexte de ces contrats et missives en limitant peut-être leur signification. Le rôle d’Hananyah, le bʽl Óʽm, ou « Scribe Chancelier », Judéen de la cour du satrape, reste un important témoignage sur la possibilité pour des Judéens d’avoir accès à un poste élevé dans l’administration perse, qui approuve la transaction concernant les réparations d’un navire en 411 avant n. è. (A6.2). Cet exemple reste rare cependant, et les hauts fonctionnaires de cette catégorie et mentionnés dans les papyri portent en règle générale des noms perses162. De fait, ces intermédiaires avec le pouvoir central sont sollicités lorsque des problèmes, conflits et querelles surgissent. Des mrkryʼ, « scribes/comptables du trésor » (A6.2 22), au rôle d’administrateurs sont également cités, qui dans cette situation transmettent leur estimation des dépenses à accorder pour la réparation du navire. Leur rôle dans l’espace du quotidien tel que transmis par les documents est peu attesté. Le ʼzdkrʼ ou 161
H.S. Smith et C.J. Martin, « Demotic Papyri from the Sacred Animal Necropolis of North Saqqara », p. 38, n. 4. Les auteurs posent la question de savoir si la présence de documents en araméen et en démotique implique deux procédures administratives séparées ou bien si ces enregistrements sont conservés dans les deux langues, p. 69. 162 G. Vittmann, « Rupture and Continuity. On priests and Officials in Egypt during the Persian Period », p. 102.
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« héraut » (A6.1 5), semble être rattaché aux serviteurs sous l’autorité directe du satrape, en l’occurrence à Achemenès. Des titres de policiers sont transmis, tels les ptyprs, « enquêteurs » (A4.2 3. 12), les ʼzd kryʼ, « informateurs », les typtyʼ, « policiers » (A4.5 9), les gwÎkyʼ, « oreilles du roi/agents secrets » ou « police secrète royale » (A4.5 9) ; ces deux dernières catégories de fonctionnaires sont attestées dans la province de Tshetres, qui signalent des fonctionnaires de police à la solde des Perses. Les inspecteurs, ou pṱprs, sont également mentionnés dans des actes démotiques163. Outre les autorités déjà évoquées plus haut, d’autres fonctionnaires de la haute administration sont mentionnés par diverses sortes de documents araméens. Par exemple, l’officiel supérieur, ou prtrkʼ, le « chef », stationné à nléphantine, et le commandant des troupes établies à Syène (A4.7 5-7/A4.8), perses tous les deux, sont investis de pouvoirs tant civils, judiciaires que militaires. La bureaucratie des cités fait apparaître un commandement bicéphale partagé entre le gouverneur civil et le gouverneur militaire ou général ; leur égalité hiérarchique constitue un principe164. Légère entorse à cet usage, le gouverneur civil est installé à nléphantine et le gouverneur militaire à Syène. Par delà les questions de justice, leurs missions sont complexes, administratives, militaires ou de simple police. Cette même séparation des pouvoirs est attestée dans le nome Herakléopolis, où une plainte concernant l’ibis sacré est adressée tant au général, ou mr mÎʽ, du nom de Ankhouaibre, qu’à un autre personnage, nommé Arsekhen et probablement gouverneur civil165.
Des divers résidents De par son organisation, la communauté judéenne, composée de citoyens d’nléphantine (A4.8 22/A4.7 22), est pourvue de dirigeants constitués en un conseil collégial : ils apparaissent dans les missives des archives communales, lesquelles dévoilent un rôle subtil de représentation et de rouage diplomatique tant dans les relations avec les Perses et les ngyptiens, qu’avec les représentants du pouvoir politique et religieux de Jérusalem et Samarie. Ils se doivent de tenter de résoudre les difficultés en temps de crise, gérer les relations avec le pouvoir et les difficultés entre les membres de la communauté. Différentes formules intéressant leur identité sont révélées par 163
H.S. Smith et C.J. Martin, « Demotic Papyri from the Sacred Animal Necropolis of North Saqqara », pp. 24-28 et 73. 164 D. Agut-Labordère, « Plus que des mercenaires ! », p. 298. 165 M. Chauveau, « Administration centrale et autorités locales d’Amasis à Darius », pp. 105-106.
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les en-têtes de ces courriers de la fin du Ve siècle avant n. è. Par exemple : « À mes frères… et ses collègues » (A4.1 1). Une autre individualise trois de ces chefs (A4.2 1) : Jedanyah, Mauzyah, scribe, et Uryah, prêtre, tandis qu’une autre encore témoigne de la présence de plus nombreux personnages : Jedanyah, Uryah et les prêtres de YHW le Dieu, Mattan, fils de Jashobyah, (et) Berechyah, fils de… (A4.31). Toutes les décisions et les actions concernant la communauté sont-elles prises par quelques-uns ou une majorité d’entre eux ? D’autre part, comment sont-ils choisis ? Aucune réponse ne peut être apportée à ce jour. Quoi qu’il en soit, les textes révèlent combien les scribes et les prêtres y jouent un rôle d’importance : nécessitant la maîtrise de l’écriture et du savoir, ces charges leur accordent des prérogatives et entraînent des devoirs. Les scribes, et tout particulièrement trois scribes notaires dont le rôle est d’importance compte tenu des obligations administratives et juridiques, sont attestés fréquemment qui exercent leur art à Éléphantine et à Syène, travaillent indifféremment pour les uns ou les autres, tel Mauzyah, fils de Nathan, qui établit des actes pour ʽAnanyah et Maḥseyah, et emploient le même matériel que les scribes égyptiens (fig. 3)
Palette de scribe d’nléphantine, 404-343 avant notre ère, Fonds E. Wilbour, Fig. 3
Les signatures des témoins sur les actes et documents qu’ils préparent en araméen semblent témoigner d’un certain niveau d’éducation de la
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population de l’île et de Syène166. Un même scribe peut exercer son activité à Éléphantine et à Syène. La banalisation de celle-ci s’affirme dans les sagesses démotiques, lesquelles mettent en lumière leur nouveau statut : en effet, les lettrés de la deuxième partie du Ier millénaire avant n. è. ne sont plus des fonctionnaires soumis à leurs supérieurs (Enseignement de Ptahotep P441-456). Leur sceau apposé sur le lien ligaturant le contrat confirme cette réalité. Toutefois, leur indépendance implique qu’ils doivent compter sur euxmêmes afin de se doter d’une situation honorable ; rémunérés par les contractants, ils partagent la vie incertaine de la classe moyenne égyptienne167. Cette profession permet cependant un revenu plus régulier qu’une activité aux résultats incertains encore. En outre, leurs qualifications leur permettent sans doute de jouer également le rôle d’écrivain public168. Des scribes d’une autre origine ethnique ont également laissé les traces de leur savoir-faire, tel l’Araméen Itu, fils d’Aba, et dont l’acte juridique B2.2 est établi à Syène, lieu de la résidence des scribes araméens, bien que l’acte se réfère à une opération passée à nléphantine et dont l’une des parties est iranienne. Le scribe Attarshuri, fils de Nabuzeribni, et qui prépare l’acte de donation de maison à MibÓaḥyah par son père Maḥseyah (B3.2), celui d’usufruit pour son gendre (B2.4), à Syène, porte un prénom araméen et un patronyme babylonien. Le retrait de biens (B2.8) en faveur de Peu est dressé par Peteesi, fils de Nabunathan, à Syène, sur le lieu du litige : ce scribe araméen porte un prénom égyptien. Cette spécificité onomastique mixte égypto-araméenne est connue tout autant par les lettres de Makkibanit adressées à Syène et Louxor (A2.1-7) que par les inscriptions funéraires de Saqqarah (CS II.61-62). La répartition de serviteurs ayant appartenu à MibÓaḥyah (B2.11) est établie en 410 par le scribe Nabutukulti, fils de Ainsi, un personnage du nom de Nathan, fils de tAnanyah, est-il mentionné comme témoin sur deux actes datés de 460, et dans le même temps, un scribe portant ce nom rédige plusieurs actes en 458 (B2.6), 456 (B3.1), en 449 (B3.3), en 446 (B2.7), en 434 (B3.5), en 420 (B2.9 ; B3.8), en 416 (B2.10), et écrit des lettres lors des années 412407. Un autre scribe notaire apparaît entre 437 et 401. paggay, fils de ematyah, dresse la moitié des actes de la collection de Brooklyn, en 437 (B3.4), en 427 (B3.6), en 404 (B3.10), en 402 (B3.11 et B3.12), et en 400 (B4.6). L’ensemble des documents préparés par ce scribe le sont à Éléphantine, tandis qu’il émarge dans les comptes de la garnison de Syène. D’autre scribes ont aussi rédigé des documents, comme Peletyah, fils de Ahyo, dont un unique contrat est parvenu jusqu’à nous (B2.1), peutêtre le frère du scribe Gemaryah, fils de Ahyo (B4.2), quatrième témoin du contrat B2.2, et le père du témoin Ahyo, fils de Peletyah (B3.1). 167 D. Agut-Labordère, « L’argent est un sortilège », Penser la richesse en ngypte ancienne », p. 63. 168 P. Grelot, Documents araméens d’Égypte, pp. 50 sqq. 166
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Nabuzeribni, à nléphantine ; ce dernier porte un prénom et un patronyme akkadien : il est le petit-fils d’Attarshuri (fils de Nabuzeribni), lequel a préparé les deux contrats pour Maḥseyah. Bunni, fils de Mannuki, rédige l’acte de retrait de 451 : si son prénom est d’origine ouest-sémitique, qui était porté par une (ou deux) famille(s) lévitique(s) à Jérusalem (Néhémie 9, 4 ; 10, 16 ; 11, 15), son patronyme s’avère akkadien169. Certains des Judéens de l’île sont dénommés : « propriétaires héréditaires ». Maḥseyah porte dans le contrat B2.3, le titre de Judéen, « propriétaire héréditaire » à Éléphantine, du détachement de Haumadata. Et, ʽAnanyah acquiert la propriété de Ynbwly, fils de Masday(a), auprès de Bagazushta (fils de Friyana /Palliya), un « Caspien qui à nléphantine est propriétaire héréditaire » (B3.12 3-5). Ynbwly bénéficie du même statut et porte le même titre de mhsn, que Maseyah dans l’acte de donation successorale à sa fille lors de son union avec Jedanyah (B2.3). Bien certainement, des artisans : boulangers, maçons, charpentiers, tailleurs, artistes, commerçants (A4.3), porteurs d’eau, potiers et nombre d’autres, de même que des « médecins » peuplent également la ville. Leurs compétences paraissent nécessaires, quand bien même les besoins des habitants sont en partie comblés par des productions familiales et réduites170. Essentielle parmi d’autres activités, celle de batelier, toujours égyptien et dit « des eaux houleuses », est connue par les contrats et missives ; les bateliers vivent parmi les Judéens, les Araméens et les autres groupes de populations. Ainsi, Espemet, fils PefÓuauneit, habite une maison sise au nord d’une parcelle de terrain revendiquée par un Iranien nommé Dargamana, fils de Khvarshaina, et mercenaire du détachement d’Artabanu. Jezanyah, fils d’Uryah, et Judéen du détachement de Varyazata possède une maison au sud de cette parcelle ; celle de Konayah, fils de Zadak et membre du détachement d’Atrofarnah, est sise à l’ouest, et celle de Dargamana, à l’est (B2.2 8-11, 2 janvier 464). Une donation de maison à rénover, effectuée par le Judéen Maḥseyah, fils de Jedanyah, et membre du détachement d’Haumadata, à sa fille MibÓaḥyah (B2.3, 1er décembre 459), confirme cette réalité : ainsi, au nord se situe la maison de Dargamana, au sud celle de Konayah, fils de Zadak, à l’est celle des Judéens Jezan, fils d’Uryah et son mari, et de Zecharyah, fils de Nathan, et, à l’ouest celle d’Espemet toujours défini comme : mlḥ zy myʼ qÎyʼ, « batelier des eaux houleuses » (B2.3 5-8). Parfois, le texte omet la deuxième 169
B. Porten, CS III, p. 171, n. 19. L’acte d’adoption de Jedanyah par Uryah est rédigé en 416 par Raushkhana, fils de Nergal(u)shezib, dont le nom est perse et le patronyme est akkadien ou araméen (B3.9). Il n’est assuré que par ce document. En 402, Shaweram, fils de Eshemram, fils de Eshemshezib, Araméen, prépare la convention d’emprunt de grains à Syène. 170 Voir Chapitre Quatre, pp. 273.
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partie et se contente d’indiquer : mlḥʼ, « batelier » (B2.1 13), ou mlḥn zy myʼ, « batelier des eaux (houleuses) (B3.12 20). D’autres marins et des pêcheurs participent au quotidien. Par ailleurs, le second mari de MibÓaḥyah, ngyptien, exerce l’activité d’« architecte du roi » et apparaît pour la première fois dans leur contrat de mariage : ʼsḥwr br ṣḥʼ ʼrdkl zy mlkʼ, « Esḥor, fils de Dje[ḥo], architecte du roi » (B2.6 2). Cette profession est à nouveau citée dans l’acte B2.8 2 : ʼrdykl lswn byrtʼ, qui s’applique à un autre ngyptien, Peu, fils de Paḥi : « architecte de Syène la forteresse ». Des géomètres/arpenteurs sont également attestés, et les dimensions transmises par les actes qui les rapportent sont calculées par ces professionnels, l’expression « à la verge d’arpentage » l’assurant y figure à diverses reprises (B2.3 5 ; B3.5 8 ; B3.10 6-7 ; B3.12 8. 16 ; D2.10 7). Les représentants religieux ne manquent pas chez les Judéens, tels les khnyʼ zy YHW, « prêtres de YHW » (A 4.3 1), concernés non seulement par la vie religieuse, mais également la vie sociale et les évènements politiques (plus particulièrement ceux qui touchent la communauté judéenne lors des évènements de la fin du Ve siècle), et dont certains font peut-être partie du Conseil des Anciens de la communauté (A4.3). ʽAnanyah, mari de Tamet, lḥn ou « serviteur de YHW »171, est peut-être le cantor du Temple, qui cumule des activités d’entretien du Temple, des vêtements et du matériel religieux, et Tamet porte le titre de « Servante de YHW, le Dieu qui demeure (à) nléphantine la forteresse ».
De l’urbanisme de la cité Quelques informations, trop rares, sont à glaner, qui prennent leurs sources tant dans les textes que les traces archéologiques. Sis à la pointe sud de l’île, l’espace se partage entre le temple de Khnoum et ses possessions à son est, et le Temple des Judéens et ses habitations à son ouest. À l’ouest de la route qui longe le temple égyptien est érigé le sanctuaire des Judéens, et le quartier où ils s’installent se situe et s’organise à l’ouest et au nord de leur Temple, tandis qu’à l’est de ce sanctuaire le temple du dieu bélier Khnoum 171
La liste des nombreuses nuances apportées à son titre est à voir dans H. Nutkowicz, Destins de femmes à Éléphantine p. 45, n. 123. J.C. Torrey, « More Elephantine Papyri », JNES 13/3, 1954, pp. 149-153, spéc. p. 151 propose de traduire son titre par celui de cantor. Et pour E.Y. Kutscher, « New Aramaic Texts », JAOS 74, 1954, pp. 233-248, spéc. p. 234, ʽAnanyah pourrait être chargé de la partie musicale de la liturgie. B. Porten, CS III, p. 170, n. 5, rapproche le titre araméen de son équivalent néo-assyrien qui l’a précédé : laḫḫinu, responsable de l’entretien du Temple, des ustensiles, des vêtements et des objets précieux. Ce titre est relié aux dieux suivants : Ashur, Nabu, Ishtar d’Arbel, Sin d’Harran. Le père d’ʽAnanyah portait, en outre, le titre de nāgîd, chef, B. Porten, Afe, pp. 200-201.
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inscrit et répartit son territoire. L’avenue du Roi, ou voie qui longe l’ouest et le nord du Temple des Judéens, donne accès aux habitations du quartier judéen qui s’étalent en continuité également à son nord-ouest. Ses rues, ou Îwq, ses avenues telle l’« Avenue du Roi », ou ʼrḥ mlkʼ, et la « Chaussée du Roi/Chaussée de Khnoum », sont connues par les lettres et les contrats, qui ont été mises au jour par les fouilles, et qui paraissent conçues selon un plan orthogonal. Ainsi, la reconstitution, s’approchant du plan du quartier judéen et sa proximité avec le temple de Khnoum permet de constater que la Chaussée du roi/de Khnoum partage l’espace dédié à ce temple et le quartier attribué aux Judéens. Les maisons paraissent relativement alignées sur deux rangées ou plus, à l’ouest le long de la route du Roi qui sépare le côté ouest du Temple de ces habitats. Souvent mitoyennes, le long d’un, deux ou trois côtés, elles s’ouvrent sur des venelles menant aux rues et avenues. Paradigmatique de cet habitat, la maison dite de MipÓaḥyah (MA) est ainsi mitoyenne à son est avec la maison de Jezanyah, et l’est en partie à son ouest avec l’habitat d’Espemet, le batelier égyptien. Les habitats d’Hosea et Dargamana sont également mitoyens. La Chaussée du Roi sépare le Temple à son ouest de la maison de Gaddul, séparée par une venelle de celles de Maḥseyah et Harwoodj172. Le Magasin du Roi se situe au nord des maisons d’ʽAnanyah et Ḥor, elles-même au nord du Temple des Judéens, qui en est séparé par une portion de la route du Roi ; une chapelle du dieu mitoyenne à l’ouest de la maison d’ʽAnanyah a été érigée, contiguë à celle du serviteur Parnu. Le mur de soutènement est érigé en continuité du Magasin du Roi à son ouest. Et, la cité de Khnoum occupe l’est de cet ensemble173. Les traces matérielles mises en lumière par les fouilles témoignent de l’érection d’un nouveau quartier au début du Ve siècle sur une durée relativement courte, différent du schéma précédent, et qui s’est densifié. Si les textes expriment cette réalité, la découverte de céramiques inscrites en araméen, et également des ostraca, la confirment. D’étroites ruelles desservent ces habitats174. 172
C. von Pilgrim, « Textzeugnis und archäologisches Befund: Zur Topographie Elephantines in der 27. Dynastie », dans Stationen, Beiträge zur Kulturgeschichte Ägyptens, Mayence, Philippe von Zabern, 1998, pp. 490-497, spéc. p. 491, Abb. 3, propose la reconstitution d’une partie de ce quartier. Elle sera précisée lors de la publication à venir des nouvelles fouilles effectuées, expliquant l’absence dans cet ouvrage de représentations s’y rapportant. 173 C. von Pilgrim, Ibid., pp. 490-497. 174 A. Krekeler, « Stadtgrabungen am Westkom von Elephantine/Wohnbauten des 1. Jahrtausends v. Chr. », dans M. Bietak éd., Haus und Palast im Alten Ägypten, House and Palace in Ancient Egypt, International Symposium in Cairo, April 8. To 11.1992,
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En outre, le Temple judéen semble pouvoir être localisé avec certitude dans l’espace situé à proximité sud-est du mur du temenos romain, cependant profondément perturbé lors de la reconstruction du temple de Khnoum sous la XXXe dynastie. Des découvertes, effectuées lors de la 29e campagne de fouilles dédiée à la recherche, du côté oriental, du mur d’enceinte du Temple judéen, ont permis de confirmer la mise en place d’un mur de séparation érigé par les prêtres du temple de Khnoum, et tel qu’évoqué par les missives communales et quelques documents des archives d’ʽAnanyah, qui transforme radicalement l’urbanisme de l’île et les relations entre voisins, et ferme à ce moment l’accès au quartier judéen dès après la destruction du Temple en 410. Par ailleurs, près d’une section de mur d’enceinte du temple égyptien a été mise au jour dans un espace d’à peine 50 centimètres : la plus profonde fondation d’un mur qui s’étire (M 500) sur un mètre d’épaisseur. Son appareil de briques et la technique de construction correspondent au type de construction du mur oriental du Temple judéen175. Une section de ce mur est visible dans la couche où s’entremêlent les restes de ce temple et ceux du mur d’enceinte, au nord du temple de Khnoum, plus tardif de la XXXe dynastie. Ce mur s’étire bien au-delà de l’enceinte du Temple judéen. Le mur du district/quartier sis à l’ouest du mur d’enceinte qui s’étend dans le district du Temple judéen a pu être reconstruit après la destruction du Temple en 410. Les fouilles en confirment la dévastation ; de même que l’érection d’un nouveau mur partageant le quartier entre la cité de Khnoum et le quartier judéen et le fait que le temple de Khnoum ait augmenté son territoire aux dépens du Temple judéen à ce moment particulier. Le prolongement du mur permet de supposer que non loin s’étendait une partie de la ville. Le mur du quartier judéen, documenté archéologiquement et qui s’étend dans la direction nord-sud, et le mur « de soutènement », figurant dans les documents araméens et lequel court dans la direction ouest-est, dont la fonction est identique et qui ont été construits dans le même temps, assurent la reconstruction ultérieure du Temple mitoyenne avec le domaine de Khnoum176. Vienne, }sterreichische Akademie Wissenschaften, 1996, pp. 107-115, spéc. pp. 108- 111. 175 C. von Pilgrim, « Stadt und Temple von Elephantine 25./26./27. Grabungberricht », MDAIK 55, 1999, pp. 142-145 ; « Stadt und Tempel von Elephantine 28/29/30. Grabungsbericht », MDAIK 58, 2002, pp 157-225, spéc. pp. 192 sqq. ; « Temple des Jahu und « Straße des Königs » - Ein Konflikt in der Späten Persezeit auf Elephantine », dans S. Meyer éd., Temple of the Whole World, Ägypten – Temple der gesammter Welt, Studies in Honor of J. Assmann, Leyde, Brill, 2002, pp. 303-317, spéc. pp. 305-306. 176 C. von Pilgrim, « Temple des Jahu und Straße des Königs », pp. 307-309.
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Les bâtiments destinés à des institutions royales administratives sont régulièrement évoqués dans différentes conventions, tels le bt mlkʼ, « Magasin du Roi », et un « Trésor du Roi », ʼwṣr ou gnz. Des architectes du Roi, tel Esḥor, le mari de MipÓaḥyah, ainsi que l’exprime son titre, et peut-être Peu, architecte à Syène, participent plus que certainement à leur édification. Les sanctuaires, le Temple de YHW, la chapelle du dieu et celui de Khnoum Seigneur du lieu sont intégrés à l’urbanisme de la cité. Un quartier de maisons, soit construites, soit constructibles les jouxte. Aucun mur d’enceinte n’est attesté avant la révolte des prêtres de Khnoum, qui sera érigé ultérieurement à l’intérieur de la forteresse. Confirmant le cosmopolitisme de ce quartier de l’île, des conventions où figurent les limites de terrains et/ou de maisons mettent en lumière la proximité de l’habitat judéen avec celui de prêtres et/ou serviteurs de Khnoum. Ainsi, un document d’usufruit (B3.7 6-8) désigne les propriétaires des maisons alentour : au sud celle d’ʽAnanyah, fils d’Azaryah, au nord le Trésor du Roi, à l’ouest la maison de Shatibara et à l’est celle de Ḥor, serviteur du dieu Kknoum. Une donation du 9 mars 402, faite à Jehôyišmat par ʽAnanyah, signale au nord la Maison du dieu avec un mur mitoyen (B3.11 5). L’acte de donation par Maḥseyah à sa fille d’une maison, en échange de biens fournis par celle-ci à son père, mentionne à l’ouest de la maison un voisin nommé Ḥaewodj, fils de PalÓu et prêtre de K[…] le dieu (B2.7 15).
De l’habitat À la question de savoir quelle sorte d’habitat héberge les mercenaires et les autres habitants, et comment se présente l’organisation du ou des quartiers où ils sont installés, des traces écrites et archéologiques répondent avec une précision relative. Un nouveau quartier a été érigé lors de la Troisième Période Intermédiaire et durant les périodes kouchites et saïtes au nord-ouest du domaine de Khnoum. Les restes mis au jour atteignent environ 1,50 mètre de hauteur, et les caractéristiques typologiques des maisons s’approchent de celles de Tell el-Amarna, Medinet Abu et Deir el-Medinah. Un certain nombre d’installations ont été dégagées (de broyage, de stockage et des fours). Un trésor, caché dans trois sacs de lin, y a été découvert et atteint un poids de 39,45 grammes177. Puis, révélant des informations se rapportant essentiellement aux traces laissées par l’habitat du Ve siècle avant n. è. durant la première période achéménide, l’archéologie éclaire les particularités du quartier judéen et également celles des maisons et du mode de vie dans ces espaces familiaux.
177
A. Krekeler, « Stadtgrabungen am Westkom von Elephantine/Wohnbauten des 1. Jahrtausends v. Chr. », p. 109.
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Elle permet de constater et confirmer un aspect compact en îlots178, tel que décrit par les conventions, et deux phases de construction au cours de cette période : la première signale des habitats en rez-de-chaussée souvent dotés d’une cour et parfois d’un étage ; la seconde témoigne de maisons à étage érigées soit sur des restes d’anciennes constructions mises à niveau, soit conséquences de la division de maisons et dont les toits sont toujours en terrasse, ou bien encore de constructions sans étage au plan tripartite. Il semblerait que ce quartier judéen ait été érigé aux débuts du Ve siècle afin d’y abriter les mercenaires, ce qui n’exclut pas que d’autres espaces leur aient été précédemment destinés. Ce choix a probablement été effectué en n’installant pas les soldats sur les terres arables de l’île et en vertu du proverbe : « N’établis pas une maison sur une terre arable »179. Pour leurs constructions, les habitants tirent profit des ressources naturelles à leur disposition, dont le limon du Nil constitue l’élément de base argileux le plus couramment utilisé. Cette terre tassée, homogène et compacte, abondante et économique, constitue le matériau de base des maisons, enclos et clôtures. Lors de la fabrication des briques, la boue pétrie est mélangée à du sable ou des tessons concassés et de la paille hachée d’orge et de froment servant de dégraissant180. Les brins de paille et les tiges d’autres plantes sont peu importants dans ce mélange ; les briques sont alors liées par un mortier de terre sur les contacts horizontaux. Elles constituent un bon isolant tant du chaud que du froid. L’emploi d’un format de briques rectangulaires et l’apparition sporadique de marques sur certaines d’entre elles dans divers bâtiments sont à souligner, qui sont préparées probablement sur place. Par ailleurs, certains des aménagements, tant à nléphantine qu’à Syène, sont réalisés dans ce matériau rare qu’est le bois d’oeuvre, ainsi les poutres, les escaliers et les seuils. Le bois d’acacias permet, seul, de fournir des poutres 178
A. Schütze, « The Standard of Living of the Judean Military Colony at Elephantine in Persian Period Egypt », p. 46. 179 D. Agut-Labordère, « Les maisons du marais. Aspects de l’habitat ordinaire des ngyptiens au Ier millénaire av. J.-C. », Cécile Michel éd., De la maison à la ville dans l’Orient ancien : la maison et son mobilier, Cahiers des thèmes transversaux ArScAn vol. XII, 2013, 2014, Paris, 2015, pp. 381-388 ; D. Agut-Labordère et M. Chauveau, Héros, magiciens et sages oubliés de l’ngypte ancienne, Paris, Les Belles Lettres, 2011, P. British Museum 10508 14.x + 22, p. 291. 180 U. Willerding et G. Wolf, « Paläo-ethnobotanische Untersuchungen von Pflanzenresten aus dem 1. Jahr-tausend v. Chr. von Elephantine », MDAIK 46, p. 264. Selon J-C. Goyon et al., La construction Pharaonique du Moyen Empire à l’époque gréco-romaine, pp. 104 sqq., la composition idéale serait la suivante : 1m3 de boue pour 1/3m3 de sable et 20 kg de paille. Puis, le mélange est tassé en quantité égale, auquel une forme identique est donnée.
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dont la longueur atteint tout au plus trois mètres, expliquant notamment la forme rectangulaire des maisons. Les habitants pouvaient pallier ce manque par des poutres d’importation de Cilicie181 et de Phénicie. Les fouilles dans le quartier ont permis la mise au jour de la maison G, à proximité immédiate des habitats M et J le long de la Chaussée du Roi face au sanctuaire (fig. 1). D’autres constructions ont alors pu être reconnues (O, Z, GA et OA), dont les trois dernières GA, OA et Z sont construites à l’ouest en une autre succession. Érigées en alignement, les maisons référencées M, J, O et G se succèdent à l’ouest de la Chaussée du Roi sur un même niveau face au Temple sis de l’autre côté de la rue. Dans une première phase, le corps de bâtiment de la maison M182 se compose de deux pièces couvertes (Ma et Mb) et d’une cour découverte. Cette construction s’est trouvée endommagée une première fois par l’érection d’un mur dont l’épaisseur atteint 1,40 mètre et dont la fonction n’est pas encore précisée, puis une seconde fois en raison de l’agrandissement du domaine de Khnoum. Cependant, ses restes paraissent bien conservés. Le niveau des maisons J et Z n’a pu être déterminé, et seuls quelques restes des constructions OA et GA ont été conservés. La partie occidentale des maisons G et O a été également conservée tandis que la part orientale a été perdue à la suite des travaux d’agrandissement du domaine de Khnoum. Le mur extérieur de la maison O, ainsi que l’entrée, la rue sise entre cette maison et la maison J, de même qu’une partie de la maison Z, ont été identifiés183, qui sont situés, pour la maison Q et Z, à l’ouest de la maison M, et pour les autres à son est. Le quartier au cours de son développement s’est concentré : dans les maisons O et M ont été érigés, au cours du Vè siècle, des murs d’unités supplémentaires, découvrant de nouvelles formes d’habitations et une nouvelle organisation du quartier, puisque des rues ont été recouvertes par des constructions. Ainsi, dans un second temps, la maison M a été divisée, chaque partie dotée d’un étage. Et, l’étroite pièce ou antichambre M3, s’est installée sur l’ancienne rue, qui clôt la maison ouest se composant de trois pièces (M1, M2, M7).
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D. Agut-Labordère, « Les maisons du marais. Aspects de l’habitat ordinaire des Égyptiens au Ier millénaire av. J.-C. », p. 383. R. Galle et al., « Wood », dans P.T. Nicholson et I. Shaw éd., Ancient Egyptian Materials and Technology, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, pp. 334-370. 182 A. Krekeler, « Bauten ab der 27. Dynastie », pp. 172-174. 183 J. Krekeler, « Sadtgebiet nordwestlich des späten Chnumtempels : spätes Neues Reich bis Spätzeit », Stadt und Tempel von Elephantine 19./20. Grabungsbericht, MDAIK 49, 1993, pp. 177-179, XXVIIe dynastie.
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La construction de cet espace/quartier a-t-elle été organisée par l’autorité centrale dès les débuts de la période perse ? La réponse qui peut être proposée se trouve probablement dans les évolutions externes et internes des maisons et qui sont déterminées par les transmissions privées diverses évoquées plus loin. Celles qui ont été acquises, souvent à l’état de ruines, en raison de leur moindre prix dès le premier quart du Ve siècle, ont vu les nouveaux propriétaires y faire effectuer des travaux afin de les rendre habitables184. Il est plus que probable que dès les débuts de la période perse, il en ait été de même. En effet, ʽAnanyah a acquis, auprès d’un couple de Caspiens, sa maison, ou plutôt une ruine (B3.4), dans ce quartier au cours de la période perse en 437 avant n. è. : aussi, est-il loisible de penser qu’il était installé ailleurs ; et, durant toute la période où il sera propriétaire, il ne cessera de l’améliorer et de procéder à des travaux. Enfin, il en fera présent aux membres de sa famille. Maḥseyah, ayant acquis une maison en ruines en 464 (B2.2) avant n. è., l’offre en 459 à sa fille (B2.3 ; B2.4), et en transmet l’usufruit à son gendre à la condition expresse d’y accomplir des améliorations afin de la rendre habitable, car il n’en reste que des vestiges. En 471, il avait autorisé un de ses voisins, un homme nommé Konayah, à construire un mur mitoyen le long de sa propriété. Reconstructions, travaux et transformations ne cessent pas, qui sont pris en charge par les propriétaires. Aucune information ne permet de penser que la puissance perse intervient dans ces opérations privées passées par les Judéens ou d’autres. La seule hypothèse à propos de l’intervention perse pourrait concerner l’attribution de l’espace du quartier lors de leur prise de pouvoir à compter de 526 avant n. è., de même que l’organisation des routes et des rues et les constructions institutionnelles. L’espace de l’habitat de la famille nucléaire égyptienne est attesté par des sites peu nombreux, tels Deir el-Medinah, el-Amarna, Lahun. Si le quadrillage orthogonal de l’organisation de ces cités apparaît d’emblée, leur étude, plus particulièrement pour ce qui concerne ce dernier site, témoigne du fait que des maisons prévues pour des familles nucléaires ont été sensiblement
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A.G. Mc Dowell, Village Life in Ancient Egypt, Laundry Lists and Love Songs, Oxford, Clarendon Press, 1999, rapporte un exemple de coût de réparation de maison à Deir el-Medinah. Paneb, chef d’équipe de sinistre mémoire, verse une somme à un dessinateur/architecte afin de construire, à l’arrière de la maison, un atelier ou une pièce de stockage et un autre mur de division : « En l’an 3 troisième mois d’été, 16e jour, ce que le chef d’équipe Paneb a donné au dessinateur/architecte […] … pour le travail de construction qu’il a réalisé dans ma maison : un atelier et un autre mur qui font : 1 sac ½ (de grains). »
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modifiées par leurs habitants et adaptées aux besoins de familles plus étendues185. Ce schéma perdure, qui est ainsi attesté à nléphantine. Des liens et des parallèles peuvent être établis avec certains aspects de l’organisation de l’espace et de l’habitat de la cité voisine. Car, si Syène n’a guère livré d’éléments significatifs sur la période ayant précédé l’arrivée perse, quelques vestiges demeurent des débuts de la XXVIIe dynastie. Ainsi, le niveau J concerne l’occupation par une garnison lors de cette période. Des éléments dissemblables, révélant une transformation, permettent également de déterminer la fin de cette période, qui consistent en une réorganisation de l’espace, la construction de maisons et le remplacement d’un mur ouest par un nouveau mur dit « symbolique »186. Les rues se coupent à angle droit ; un périmètre, notamment déterminé par ce mur, forme un angle avec le mur nord de l’enceinte, permettant deux hypothèses : soit il protégeait l’enceinte jusqu’à la rue est-ouest, soit une sorte de grille avait été mise en place avec le mur se poursuivant vers le nord de la rue est-ouest. Pour autant, cette aire très perturbée n’a laissé que l’angle intérieur. La partie ouest de l’enceinte correspond au bâtiment numéro 9 et se compose de différentes unités. L’espace le plus ancien de ce bâtiment comporte les salles R5 à R12, qui s’est bien plus étendu vers l’est que les ajouts nord et sud, et cette avancée a réduit la largeur de la ruelle nord-sud d’un mètre à soixante centimètres et enfin à cinquante centimètres pour le transformer en venelle. La partie nord (R1, R2, R3) de cette construction s’est étendue vers la route est-ouest et sa limite sud correspond plus ou moins avec la partie sud de l’aire en question où un mur de briques crues coïncide avec plusieurs phases de ce bâtiment doté d’une fondation de grès. Pour ce qui concerne les murs de la partie sud, ils ont été édifiés durant la même période que le bâtiment 9. Avec le projet de mise en place de la rue, il a semblé nécessaire d’ajouter trois espaces (R1, R2 et R3) afin de créer un ensemble avec la partie est. D’autres pièces (R4, R13, R19 et R14) constituent un passage entre la construction centrale et le mur d’enceinte. Une large porte du passage nord-sud en permettait l’accès. Par ailleurs, il semble possible que la pente observée de R19 à R14 ait constitué une sorte de rempart afin d’atteindre le haut du mur de périmètre. La construction 9 de forme légèrement irrégulière et rectangulaire mesure 13,5 mètres par 11 mètres. Les matériaux employés sont identiques pour l’ensemble des constructions et aménagements de cette couche J : le grès pour 185
K. Kóthay, « Houses and Households at Kahun : Bureaucratic and Domestic Aspects of Social Organization during the Middle Kingdom », dans H. Györy éd., « Le lotus qui sort de terre », Mélanges offerts à Edith Varga, Budapest, Szmuveszeti Muzeum, 2001, pp. 349-368. 186 W. Müller, The Town of Syene, Report on the 5th and 6th Season in Aswan, MDAIK 64, 2008, pp. 315-317, spéc. pp. 314 sqq.
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les fondations et les assises, et des briques pour les parties hautes, recouvertes d’une épaisse couche de plâtre afin de les protéger. La base de ces murs est sensiblement plus large que les parties plus hautes, qui vont de 2,5/3 briques à 2 briques. Les assises sont également enduites de plâtre. Le sol de fondation se compose d’un mélange de grès et de granit. Les blocs de grès constituant la base du mur sont posés avec soin sur les façades, de manière plus irrégulière au centre. Le mur intérieur est composé d’éclats et de pierres brisées, de débris. Les pierres renforcent la base des murs de brique crue. Toutes les structures sont bâties selon un même modèle, dont seul le bâtiment 9 a perduré qui a constitué la première étape de construction. L’ensemble livré se divise en un bâtiment principal de quatre pièces, un massif escalier d’angle et des pièces destinées à la cuisine et au stockage. Cependant, la plupart de ces salles et espaces ouverts ne transmettent guère de précisions quant à leur fonction et la circulation. L’accès à la salle R5 s’effectuait par une porte située dans la partie nord-ouest du mur nord de la salle R4. D’autres ouvertures offraient un accès aux espaces R6 et R8. Cet ensemble, constituant une sorte de conglomérat complexe, révèle des habitats étroitement imbriqués dont seules quelques pièces ont permis d’identifier leur fonction. Il est aujourd’hui admis qu’il s’agit probablement d’un quartier militaire et administratif appartenant à la garnison de Syène. Tant Syène qu’nléphantine ont été considérées comme des cités jumelles et des parties spécialisées d’une seule et même identité. La fonction de garnison militaire a probablement perduré jusqu’à la XXXe dynastie. Tandis qu’un plan d’ensemble d’installation sur l’île n’a pas permis de déterminer les structures telles qu’elles ont pu l’être à Syène, les maisons individuelles, comme la partie centrale du bâtiment 9 de Syène, et la maison O d’nléphantine sont du même type et de dimensions similaires. La maison P, plus tardive (deuxième période perse), constitue l’un des rares exemples de maisons dont l’utilisation a perduré tout au long de la période perse et jusqu’à la période hellénistique187.
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C. von Pilgrim, The Town of Syene, Report on the 5th and 6th Season in Aswan, MDAIK 64, 2008, pp. 315-327, spéc. pp. 326-327.
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De l’organisation de l’espace et des aménagements intérieurs Intimement liés et interdépendants, ils entrouvrent une fenêtre sur la vie au quotidien dans l’espace privatif. Selon les rapports archéologiques, trois types de maisons peuvent être distingués au cours du Vè siècle : les unes consistant en un seul ensemble, et les autres, plus tardives et conséquences de la division des précédentes, scindées par un mur de partage intérieur et devenues mitoyennes, qui sont érigées le long d’étroites ruelles et bénéficient parfois d’un étage. Ces maisons diffèrent des anciens habitats sans étage, qui permettent une plus dense occupation de l’espace, confirmant les descriptions des conventions connues. La fouille des maisons M, Q, et Z a permis d’apporter des précisions quant à cet habitat consistant en une simple maison de deux/trois pièces et qui s’étend sur une surface moyenne d’environ 30 m2 au sol. Elles présentent une entrée/cour avec un escalier, des aménagements variables. Lors de la seconde phase de construction, les maisons se sont transformées et ont été divisées par l’ajout de murs intérieurs et d’escaliers, autorisant la création de nouveaux espaces de vie dorénavant plus étroits, cumulant néanmoins partie privée et professionnelle. La maison M (fig. 1), paradigme de l’habitat du quartier et de son évolution au cours du Ve siècle, se compose à l’origine de deux espaces/pièces couverts et d’une cour découverte188. Lors de son évolution, elle se divise en maison dites est et ouest (MA et MB). Parmi les transformations, l’accès à l’habitat est, qui comporte trois pièces, s’effectue dorénavant par l’ouverture d’un mur sur la pièce M5, ou cour, où se trouve une installation de broyage ; l’escalier construit au nordouest est identique à celui de l’habitat ouest M2. L’accès à la pièce M4 s’effectue par une ouverture entre les pièces M5 et M4 et est dotée de petits foyers et d’une niche à lampe dans le mur est. Des figurines de terracotta y ont été découvertes. Le mur est de la pièce s’est trouvé considérablement réduit en raison de transformations ultérirures liées au domaine de Khnoum. L’unité ouest de la seconde phase de construction de la maison M se caractérise par une entrée/vestibule (M3), pourvue d’une installation de broyage (M3), une pièce étroite (M2), d’où s’élève un escalier (M2). Elle relie le corridor M3 à la pièce M1 et dessert l’étage. La salle M7, transversale par rapport aux pièces M1 et M2 a conservé son sol d’origine189. Elle comporte également une pièce pouvant être admise comme un atelier et dans laquelle deux stèles inachevées et des armes ont été mises au jour (M1). Une pièce désignée M7 et située à l’est des salles M1 et M2, a livré environ quarante188 189
A. Krekeler, « Bauten ab der 27. Dynastie », pp. 172-174. A. Krekeler, Ibid., pp. 172-174.
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quatre céramiques presque complètes, dont certaines proches de la maison dite « araméenne », ou maison G. Sans doute, jouait-elle également un rôle d’entrepôt. Les deux habitats après la division de la maison M présentent respectivement des pièces disposées différemment, soulignant des fonctions différentes, et qui bénéficient d’un étage. De surcroît, la comparaison des quatre petits habitats complets des maisons M, Q, et Z met en lumière diverses versions des constructions. Certaines des maisons se composent en toutes occurrences de trois salles, dont la superficie s’étend sur environ 30 m2. Ainsi, la maison Z est constituée d’un groupe de trois pièces, dont une principale et des locaux de dimension réduite. Et, la maison Q comporte trois salles en enfilade et peut-être une quatrième au nord, pas encore fouillée190. Elles pourraient rappeler les maisons tripartites de type III de Tell el-Herr191. Par ailleurs, le deuxième type de maisons assuré est composé de bâtiments de deux pièces avec étage et précédés d’une cour d’où l’escalier s’étire (M1-3. 7 ; M4-6). Les maisons O et G constituent des ensembles disposant d’une cour et pourvus d’un étage et d’une terrasse accessibles par un escalier. En dépit de constructions qui se sont superposées sur la moitié sud de la maison O, des similitudes sont avérées entre les deux bâtiments O et G192. Entre ces deux habitats, de même qu’entre les deux maisons voisines GA et OA, un bâti s’élevant sur une hauteur de 50 à 150 centimètres et nécessaire à l’aération et la lumière des pièces intérieures est attesté. Néanmoins, les ouvertures de fenêtres ne sont pas préservées comme dans la maison J. Les deux plans témoignent de murs construits de biais. Ces deux constructions mettent en lumière, du côté nord, une grande pièce (G6, O1), dont le passage d’entrée, dans la pièce du sud-est (G1, O2), figure au même endroit. Elles partagent des points communs, tant pour le plan que pour les matériaux employés, l’épaisseur des murs, le format des briques (parfois marquées) et les finitions intérieures. Qu’elles aient été conçues par un même maître d’ouvrage apparaît ici une hypothèse. La pièce G1 a livré quinze fragments de récipients, trentehuit bouchons de cruches portant la même empreinte et des inscriptions
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Aucun éclaircissement n’est apporté par les fouilles sur la période qui a précédé la XXVIIe dynastie, qui concorde avec la lettre émise par les chefs de la communauté judéenne rappelant que le Temple de YHW existait avant la venue des souverains perses et datait du milieu du VIIe siècle. A. Krekeler, Ibid., pp. 177-183. 191 S. Marchi, L’habitat dans les forteresses de Migdol (Tell el-Herr) durant les Ve et IVe siècles avant J.-C., étude archéologique, Paris, PUPS, 2014, pp. 198-199. 192 W. Kaiser et al., « Stadt und Temple von Elephantine. 17./18. Grabungsbericht », MDAIK 46, 1990, pp. 214-217.
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phéniciennes et araméennes provenant de la région syro-palestinienne193. Il s’agit sans doute d’un entrepôt attestant d’importations de cette région194. Lors de la seconde phase de construction, la multiplication et la réorganisation des pièces tiennent tant de l’augmentation du nombre des membres de la famille, et plus précisément le partage et l’attribution à certains d’entre eux d’une partie de la maison dorénavant divisée et mitoyenne, que de l’évolution des activités195. Les escaliers, créés à partir de cette phase, donnent accès à l’étage nouvellement construit et au toit-terrasse. Les contrats des archives d’ʽAnanyah confirment ces évolutions, transformations et réalisations. Sur la base des dimensions transmises par l’acte B2.3 d’une part, et d’autre part en fonction des réalités archéologiques, la mise en corrélation de la maison MA et celle de Maḥseyah offerte à sa fille, semble plus que vraisemblable. Puis, l’unité de la maison M 1. 2. 7, a été attribuée à Dargamana et l’unité de la maison M4-6 à Hosea, tandis qu’à l’ouest de l’habitat MA, la maison MB a été assignée au batelier Espemet, la maison G à Gaddul, la maison O 1.2 à Maḥseyah et l’habitat O 4.5 à Harwoodj (fig. 1)196. Apportant quelques précisions à ces ensembles, tant pour nléphantine que pour Syène, les fouilles et les textes témoignent plus précisément de certains aspects de la construction de ces bâtiments, de l’organisation et de l’aménagement de cet espace. Les dimensions de certaines de ces maisons ont pu être déterminées197, telles l’emprise au sol de la maison Q, s’élevant à 33
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O. Rubensohn, Elephantine Papyri, Berlin, Weidman, 1907, pp. 25 sqq. Voir Chapitre Quatre, p. 271, n. 508. 195 Le site de Tell el-Herr/Migdol livre des informations sur l’organisation de l’espace des maisons témoignant de certaines différences, dont une surface plus réduite. Celles de type III ont livré un plan tripartite dont l’emprise au sol s’avère de 25 mètres carrés environ. La porte d’entrée donne accès à une première pièce occupant plus du quart de la surface et qui distribue un espace perpendiculaire à la rue d’une surface de la moitié de l’unité. L’accès à la troisième pièce s’effectue par cette pièce principale. Une trentaine d’unités tripartites de ce type ont été observées. Les habitats de type IV, de plan rectangulaire, comportent trois ou quatre pièces et disposent d’une entrée et d’une pièce principale. Les constructions de type V sont dotées d’une cour ouverte ou couverte accessible depuis la rue et distribuant le corps de bâtiment. Les plans ne sont pas standardisés, S. Marchi, L’habitat dans les forteresses de Migdol (Tell el-Herr) durant les Ve et IVe siècles avant J.-C., pp. 40-41. 196 C. von Pilgrim, « Textzeugnis und archäologisches Befund : Zur Topographie Elephantines in der 27. Dynastie », p. 491. 197 A. Krekeler, « Bauten ab der 27. Dynastie », pp. 177-179. 194
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m2 au sol, et celle de la maison Z à 36,49 m2. La superficie de la maison M atteint 54 m2, et celles des maisons J et P 65 m2. Formelles, puisque calculées par des géomètres selon l’expression : « à la verge de l’arpentage », mais pas absolument certaines, puisque les scribes parfois arrondissent les chiffres, les élevant ou les réduisant, les dimensions sont livrées par les conventions, qui varient jusqu’à 79,275 mètres2 environ. La maison offerte en nue-propriété le 1er décembre 459 (B2.3) par Maḥseyah à sa fille, MipÓaḥyah, s’étend, pour sa longueur, sur 13 coudées et une palme, soit 6,9 mètres, et, sur sa largeur, sur 11 coudées, ou 5,78 mètres, soit 39,88 mètres carrés. S’adressant à Jedanyah, l’acte d’usufruit sur cette même maison inscrit à nouveau ses dimensions déjà connues par la convention B2.3 et, calculées « à la verge d’arpentage », correspondant à la même superficie (B2.4 5-6). En remerciement pour des biens offerts par sa fille et qu’il n’a pas été en mesure de lui rembourser, Maḥseyah lui fait donation d’une autre maison (B2.7). L’acte en question n’en mentionne pas les dimensions ni l’organisation. Dans la mesure où celui-ci l’a acquise auprès de Meshoullam, il est à penser qu’elles figuraient sur l’acte de cession ; aussi, le scribe n’a-t-il pas cru utile de reprendre cette information. Et, Maḥseyah a peut-être soit conservé les documents précédents s’y rapportant, soit les a transmis à sa fille. Le plan de la maison d’tAnanyah se déduit des informations contenues dans le contrat du 30 octobre 434 (B3.5) par lequel il offre à son épouse Tamet une partie de leur habitation : la moitié de la « grande pièce » et sa chambre, peut être à l’occasion de la naissance de leur fille. L’acte de donation en confie les mesures ; la moitié de la grande salle s’étend de onze coudées par sept coudées une palme, ou 7 1/3 coudées, coïncidant à un total de 80 2/3 arrondies à 81 coudées, soit 42,525 mètres carrés (B3.5). La description précise que le rez-de-chaussée est reconstruit à neuf (B3.5 8). Des compléments s’y joignent, révélés par les donations à sa fille, Yehôyišmat. tAnanyah, par une convention d’usufruit du 11 juillet 420 en l’an 3 de Darius (B3.7), lui offre : « une maison/pièce » mesurant 7 coudées par 6 (?), soit 36,75 mètres carrés (B3.7 4). Il ajoute à l’usufruit : « la moitié de la cour et la moitié de l’escalier » (B3.7 6). La cour est partagée entre son fils, Peletyah, et sa fille (B3.7 10-13). Il est à douter que cette pièce n’ait pas comporté de fenêtres quand bien même l’information n’est pas transmise. La donation testamentaire du 25 novembre 404 à Yehôyišmat apporte d’autres détails sur l’organisation de la maison. Par cet acte, son père confirme qu’il s’agit bien d’une partie de sa maison ((B3.10 3), et précise encore : « c’est-à-dire la pièce au sud, à l’est de ma grande pièce, et la moitié de la cour » (B3.10 4). Les mesures deviennent plus précises : « de dessous à dessus, 8 coudées et demie et, de l’ouest à l’est, 7 coudées à la verge d’arpentage », soit 59,5 coudées équivalentes à 31 mètres carrés environ
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« dans l’aire de 98 coudées à la verge d’arpentage comportant la moitié de la cour et la moitié de l’escalier » (B3.10 6-7), dont 38,5 coudées pour la moitié de la cour et la moitié de l’escalier. Le texte précise que la partie basse est rénovée, laquelle est dotée, détail d’importance, d’une porte qui s’ouvre et se ferme (B3.10 12-13) ! Le document autorise dorénavant la propriétaire à effectuer des travaux sur sa part (B3.10 14). Le scribe ne manque pas d’ajouter : « Cette maison dont les mesures et les limites sont écrites dans ce document » (B3.10 11-12), puis réitère cette formule avec d’infimes changements et ajouts : « Cette maison dont les limites et les mesures sont écrites et dont les termes sont écrits dans ce document » (B3.10 15-16), dans un ensemble de répétitions qui se parent de l’apparence d’ultimes précautions. Le 13 décembre 402, Tamet et son époux cèdent à leur gendre, et mari de Jehôyišmat, la partie restante de leur maison rénovée : la grande salle du rez-de-chaussée et ses ouvertures mesurées avec une légère variation ; les mesures de l’aire dans sa totalité passent à 151 coudées une palme, ou 1/3, dont la valeur est estimée à 13 shekeln (B3.12 12-16). Les mesures sont décrites ainsi : « D’est à l’ouest, longueur, 16 coudées deux palmes et, de dessous à dessus, 5 coudées deux palmes », soit 94 4/9 coudées. La différence avec les 150 coudées annoncées par la convention, et transformées quelques lignes plus tard en 151 coudées, est due à la plus grande largeur de l’appartement de Tamet (7 1/3 de coudées), impliquant d’ajouter le montant de 18 1/3 de coudées pour la seconde moitié de la cour et de l’escalier quand bien même ils ne sont pas mentionnés198. Aussi, la dimension s’élève-t-elle à 78,75 mètres ou 79,275 mètres. La précision absolue ne semble guère la priorité des scribes et des géomètres, qui admettent quelques variations ! Descriptions contractuelles et rares traces matérielles confirment les spécificités de l’accès aux maisons. Ainsi, le seuil, reliant les sphères privée et « publique », soit l’intérieur et l’extérieur, transmet une image variable selon les constructions. À Syène, l’espace (R4) probablement non couvert permet l’accès à un autre espace en longueur (R19) par un seuil de blocs de grès. Au sud de celui-ci, deux marches étroites s’ouvrent sur deux espaces surélevés (R13 et R14), séparés par un petit muret de fondation de grès probablement un seuil. Les portes, tant extérieures qu’intérieures, ont livré quelques rares vestiges. Une seule porte d’accès au bâtiment est assurée. La porte de la maison M, pourvue de traverses en pierre, autorisait l’accès à une salle à l’ouest et, au nord, mitoyenne avec les pièces voisines. Syène en a aussi livré des traces. Les espaces (R17 et R18) ont été divisés et dotés d’une étroite porte dont le seuil est de bois. L’accès à l’une des petites pièces intérieures (R10)
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B. Porten, CS III, p. 194, n. 20.
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s’effectue également par une porte199. Les huisseries, vantaux et verrous ont disparu des deux sites. Certaines des conventions comportent l’autorisation d’en user. L’acte d’autorisation de construction d’un mur mitoyen entre Konayah et Maḥseyah le dit bien : « Et tu as le droit d’ouvrir la grille/porte et de sortir dans la rue qui est entre nous (et PefÓuauneit) » (B2.1 14), tandis que l’acte d’usufruit offert par ʽAnanyah se contente de la formule lapidaire : « Tu [as le droit] … de sortir dehors » (B3.7 14). La donation testamentaire, qui le suit en 404, donne lieu à une formule peu attestée et plus sèche qui affirme : ʼp ÎlyÓʼ ʼnt lmnpq btry zy tḥyt hw trbṣʼ, « De plus, tu as le droit de sortir par la grille/porte du ḥyt c’est-à-dire la cour » (B3.10 14-15). Elle avait fait précéder dans sa description un commentaire qui tend à faire sourire : dÎ ḥd bh ʼḥd wptḥ, « Il y a une porte qui se ferme et s’ouvre » soulignant de fait son bon état de fonctionnement (B3.10 13), et manifestant pour la donataire son droit d’emprunter une partie et une porte commune (B3.10 14-15). Le complément de dot offert à JehôyîÎma dévoile « trois portes » dans la partie basse de la maison et cite « la grille (par laquelle il est possible) de sortir » (B3.11 3). La maison que cèdent Tamet et son époux à leur gendre comporte deux portes restantes confirmant les données précédentes, une porte s’ouvrant sur la maison et une autre sur la cour, précisant encore : « Et sa grille est ouverte vers la Chaussée du Roi, de là tu peux sortir et entrer » (B3.12 21-22). Des nuances colorent de leur style fleuri les formules qui restent au choix du scribe. Des actes démotiques évoquent ces sortes de précisions également. Ainsi, le P. Hawara 5 rapporte l’objet de l’acte de vente d’un dix-huitième de maison, lequel comporte une porte, et confère l’autorisation de sortir par l’entrée principale et emprunter le chemin qui mène du sud à la rue : mtw=t pr-ḫn bnr [n tȝ] ḫy[t, « Et tu peux entrer et sortir (par) l’entrée » (P. Hawara 5 6-7)200. Les maisons sont dotées de cours, et l’unité est de la maison M (5), de même que l’unité ouest de la maison M (3) d’nléphantine en offrent chacune un exemple (fig. 1). 199
Migdol/Tell el-Herr a livré, dans le secteur sud-est, quinze embrasures de portes conservées du sol au linteau et dont les hauteurs varient de 0,90 à 1,30 mètre de hauteur et de 0,45 à 0,90 de largeur. Les autres zones n’ont conservé que la partie basse des jambages ; les seuils de briques, souvent reforcés de pièces de bois, témoignent du lieu de passage. Situées à plus d’un mètre des angles, les portes munies d’un vantail sont marquées par une rupture de la maçonnerie. Huisseries, vantaux et verrous ne sont pas conservés, S. Marchi, L’habitat dans les forteresses de Migdol (Tell el-Herr) durant les Ve et IVe siècles avant J.-C., pp. 49-50. 200 Le choix a été fait de respecter les translittérations du démotique proposées par les auteurs.
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L’acte d’usufruit conféré à JehôyîÎma affirme : « Et tu as droit… Et la moitié de la cour, qu’ils appellent en égyptien le ḥyt » (B3.7 4-5), reprend dans une première clause d’investiture : « Et cette cour qui est entre elles…la moitié à Peletyah et la moitié à JehôyîÎma » (B3.7 12), et réitère une troisième fois : « Moi… je t’ai donné la moitié de la cour » (B3.7 13). L’acte suivant reprend cette même information (B3.10 4) Des conventions démotiques les évoquent aussi. L’exemple du P. Philadelphie XVI l’atteste : en effet, la moitié de la cour qui est à la porte fait partie de l’ensemble cédé, qui consiste en une moitié de maison201. Le P. Louvre 2424 de 267 avant n. è. se rapporte à la vente d’une moitié de maison « construite et couverte », et « la moitié de sa cour à l’est et une moitié à l’ouest ». Tandis que cette moitié de cour semble correspondre à la moitié de la maison, il n’en est pas de même pour les donations diverses faites aux enfants d’ʽAnanyah, qui ne bénéficient pas d’une demi-maison. Ainsi, les proportions ne vont pas nécessairement de concert, et varient selon les accords des parties. Permettant l’accès au toit où des activités sont organisées, où les récoltes sont séchées et où l’on peut dormir en été, les escaliers mis au jour, et évoqués dans la plupart des contrats araméens se rapportant à des opérations immobilières, sont construits de bois, sont droits et s’appuient de chaque côté sur un mur servant de soutènement (fig. 4).
201
M. El-Amir, A Family Archive from Thebes, Demotic Papyri in the Philadelphia and Cairo Museums from the Ptolemaic Period, Le Caire, Imprimerie du gouvernement, 1959, N° X et XVI.
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Escalier de la maison e, Fig. 4 Dans sa seconde phase de construction, la maison M d’nléphantine dévoile une volée de marches donnant accès à chacun des deux habitats. Dans l’unité ouest de la maison, un escalier M2 donne accès à un étage et une surface d’habitation complémentaire, et également au toit-terrasse. Dans l’unité est, un escalier court dans le coin nord-est de la pièce M3, semblable dans sa conception à celui de la pièce M2. La volée inférieure des marches est en bon état de conservation. À Syène, une porte s’ouvre sur une pièce (R10) et sur d’autres salles (R11 et R12) par un escalier doté d’une fondation massive en grès, dont les marches sont en partie construites de bois, et identique à ceux d’nléphantine202. Leur usage et répartition sont exprimés 202
A. Krekeler, « Stadtgrabungen am Westkom von Elephantine/Wohnbauten des 1. Jahrtausends v. Chr. », pp. 107-115, spéc. p. 112. À Migdol, la distribution verticale s’effectue par des escaliers donnant accès à l’étage ou au toit en terrasse ; les mieux préservés sont maçonnés en briques et enduits de limon, qui peuvent être droits ou 2/4 tournant. Ils peuvent être appuyés sur une paroi de la pièce et soutenus d’un autre côté par un mur d’échiffre, ou bien les maçonneries latérales servent de murs de
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dans les conventions. Ainsi, tAnanyah, dans l’acte d’usufruit d’une partie de sa maison, offre à sa fille l’usage de : « La moitié de l’escalier » (B3.7 6), et précise dans la clause d’investiture : « Et, tu as le droit de monter et descendre par cet escalier de ma maison » (B3.7 10). Puis, le scribe répète : « Moi, ʽAnanyah, je t’ai donné … la moitié de l’escalier, et tu as droit de monter dessus et descendre » (B3.7 13-14). Dans l’acte suivant (B3.10), ʽAnanyah lui offre la moitié de cet escalier de sa maison (B3.10 4) et réitère l’autorisation de monter et descendre (B3.10 15). La description des limites du bien détaille encore : « Au-dessous se trouve le mur de l’escalier et la maison de por, fils de Peteese, un jardinier de Khnoum le dieu, est mitoyenne de l’escalier, à l’ouest se trouve le mur de la grande pièce » (B3.10 8-11). Peut-être s’agit-il d’un nouvel escalier construit en même temps que les changements structurels des immeubles adjacents203. Enfin, le dernier acte de donation ou « complément de dot » à JehôyîÎmaʽ indique simplement, dans la description de la maison, que son escalier est construit (B3.11 3). Des actes démotiques dévoilent des clauses parallèles. Témoignant d’un partage, le P. Turin 2125 évoque une transmission dont bénéficie Tsenḥor par la volonté de son frère et qui apporte des éclaircissements quant à l’usage partagé de l’escalier : ỉw pȝ trṱ ỉwṱ=n, « Alors que l’escalier nous appartient en commun. » Détail d’importance du P. Rendell : l’acte autorise le nouveau propriétaire à monter et descendre du toit par l’escalier. Datant du règne de Ptolémée II Philadelphe (285-246), une vente d’un dix-huitième de part de maison à une dame nommée Ankhet (P. Hawara 5 1)204, confère à la nouvelle propriétaire l’autorisation de monter et de descendre du toit par l’escalier. Les retraits de parties de maisons révèlent aussi l’intérêt des parties quant à cet aménagement et son droit. Ainsi, le P. British Museum 10446 répète l’autorisation accordée : Mtw=t šm r ḥry pȝ trt r ḏȝḏȝ nȝy=t mȝt.w nty ḥry, « Et tu as le droit de monter par les marches au-dessus de tes propriétés susmentionnées »205. soutènement. Les marches et contremarches sont souvent protégées par des planches ou des rondins de bois, S. Marchi, L’habitat dans les forteresses de Migdol (Tell elHerr) durant les Ve et IVe siècles avant J.-C., pp. 45-46. 203 B. Porten, CS III, p. 189, n. 22. 204 G.R. Hughes et R. Jasnow avec la contribution de J.G. Keenan, Oriental Institute Hawara Papyri Demotic and Greek Texts from an Egyptian Family Archive in the Fayoum, Chicago, The Oriental Institute of the University of Chicago, 1997, P. Hawara 5, pp. 27 sqq. 205 Cette formule évoquant le droit d’utiliser les escaliers se retrouve dans les P. Louvre 2424 ligne 2 (267 avant n. è.), British Museum 10026 (265-264 avant n. è.), Louvre 2443 ligne 4 (249 avant n. è.), Louvre 2431 lignes 3 et 4 (243 avant n. è.), K.T. Zauzich, Die ägyptische Schreibertradition in Aufbau, Sprache und Schrift der
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Permettant l’accès à l’étage, ils permettent une augmentation de la surface habitable. Lors des fouilles d’nléphantine, toujours en raison de l’état des lieux, les tracés et l’organisation des étages n’ont cependant pu être précisés. Et, les détails quant aux autorisations de monter et descendre par les escaliers relèvent du goût des scribes pour le formalisme et une rigueur définissant les droits attachés au bien immobilier transmis qui ne peuvent plus faire l’objet d’une contestation. Si les poutres qui soutenaient les toits ont disparu matériellement, elles ont cependant laissé des traces dans les actes concernant encore et toujours les opérations immobilières et témoignant de leur bon état par opposition aux ruines. Par exemple, ʽAnanyah est devenu propriétaire d’une maison en ruines qui ne comporte pas de poutre (B3.4 5)206 ; mais, il y fait réaliser des travaux et lorsqu’il offre sa part à son épouse (B3.5 8), elles sont dorénavant installées207. Puis, par une convention d’usufruit (B3.7 4), il offre à sa fille : « Une maison/pièce construite comportant des poutres. » Sa donation testamentaire reprend cette même description déjà connue (B3.10 13), de même que le complément de dot (B3.11 2). La cession au gendre de Tamet et tAnanyah du reste de leur maison répète inlassablement ces informations (B3.12 13). Des poutres sont également citées dans des actes démotiques ; le P. Hawara 5 n’y manque pas. La raison pour laquelle les contrats citent, dans les clauses de descriptions, des biens faisant l’objet d’opérations diverses, qu’il s’agisse des portes, grilles, fenêtres, poutres, escaliers et cour, est simple : affirmer et démontrer que la maison dont il est question n’est pas, ou plus, en ruines, et est bien « construite et couverte ». En somme, une sorte de représentation de son état et la transmission d’une information qu’il serait malaisé de contester, par opposition aux transmissions de maisons en ruines, qui ne sont pas construites et ne comportent ni poutres ni toit (B3.45), ou semblent arasées (B2.3 ; B2.4 5-6). La donation à Tamet clarifie cette réalité, qui affirme : « (La) maison basse est construite, neuve, qui comporte des poutres et des
demotischen Kaufverträge aus ptolemaïscher Zeit, t. I, Wiesbaden, Otto Harrassowitz, 1968. 206 L’acte portant la référence D2.10 9 se rapporte à un transfert effectué par une dame dont le nom a disparu. Les mesures et les limites sont lisibles, de même deux clauses de transfert et une modalité de garantie sont parvenues jusqu’à nous. La maison dont il s’agit semble en ruines en raison de l’emploi du terme « la terre de cette maison ». 207 B. Porten et H.Z. Szubin, « Abandonned Property in Elephantine, A New Interpretation of Kraeling 3 », JNES 41, 1982, pp. 123-131, constatent qu’tAnanyah, trois années à peine après son acquisition, a déjà commencé les travaux d’amélioration, au point d’offrir à son épouse un bien nouvellement (re)construit.
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fenêtres » (B3.5 8). Les autres aménagements ne figurent pas dans les conventions, puisqu’ils ne concernent pas l’état du gros oeuvre de la maison. Quand les contrats ne précisent pas que les maisons possèdent un toit, les poutres citées à diverses reprises sous-entendent sa présence. La maison M, modèle de l’habitat du quartier judéen et de son évolution au cours du Ve siècle, se compose à l’origine de deux espaces/pièces couvertes. Mis au jour lors des fouilles, des restes de montants de bois d’environ 15 centimètres d’épaisseur, près de la montée de l’escalier, dans l’entrée, témoignent du renforcement de la porte s’ouvrant sur la salle M4 (deuxième période), qui ont aussi pour rôle le soutènement du toit ; dans le remplissage de cette pièce, des morceaux de poutres du toit ont également été découverts. Certains papyri démotiques, usant d’une autre formulation, décrivent les maisons comme « construites et couvertes » (P. Philadelphie II, III, IV, VII ; P. Louvre 2424, 2439, 2440 ; P. Rylands 11). Par ailleurs, l’orientation et l’étroitesse des rues et des venelles, dans le sens est-ouest et nord-sud, et tant à nléphantine qu’à Syène, doivent permettre de profiter des vents du nord et de l’ouest. Cette exiguïté des rues dispense une atmosphère tiède à l’abri des vents chauds208. Ainsi, les fenêtres sont considérées comme un aménagement essentiel, au point que les scribes n’omettent pas de les signaler et d’en préciser parfois le nombre et la (ou les) pièce(s) où elles sont installées (fig. 5)
. Commande de fenêtres, 1244-1212 avant notre ère, Louvre N° E. 23554, Fig.5 208
A. Badawy, « Architectural Provision against Heat in the Orient », JNES 17/1, 1958, pp. 122-128, spéc. p. 124.
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La maison de Jezanyah est décrite, dans l’acte de renonciation à biens en faveur des enfants de MipÓaḥyah, de la sorte : « Sur le côté, en dessous, et au-dessus, des fenêtres sont ouvertes ici » (B2.10 6)209. D’autres clauses de conventions araméennes les évoquent dans des contextes spécifiques. Lorsqu’ʽAnanyah acquiert sa maison, le scribe rapporte qu’elle est dotée de fenêtres en dépit de son état extrême de délabrement (B3.4 5), soulignant cet aménagement prégnant et reliant sphère privée et sphère publique. La donation à Tamet d’une partie de sa maison par ʽAnanyah rappelle qu’elle comporte des fenêtres dans sa partie basse (B3.5 8). La clause de description de la partie de maison offerte à leur fille dans une donation testamentaire affirme que ce rez-de-chaussée comporte trois fenêtres (B3.10 13). L’acte ultime de vente par Tamet et ʽAnanyah de leur part de maison ne mentionne pas leur nombre (B3.12 13). Plus généralement, leurs ouvertures ou fenêtres ont rarement pu être mises au jour lors des fouilles dans les restes des murs des maisons d’nléphantine, en raison des nombreuses destructions, puis occupations ultérieures. Pour autant, les traces d’une fenêtre apparaissent dans un mur de la maison J d’nléphantine. De surcroît, une niche murale de la maison M (pièce M1)210, encadrée d’un rebord de terre, s’expose dans le mur est près de l’angle nord-est ; elle mesure 33 centimètres de profondeur et 25 par 25 centimètres de largeur et hauteur211. Sa fonction paraît malaisée à spécifier, qu’il s’agisse d’un possible aspect utilitaire de rangement ou d’une potentielle fonction rituelle. De plus, une niche à lampe, creusée dans un mur de la pièce M4, constitue le témoignage d’une forme de confort. Par ailleurs, des aménagements sanitaires ont été mis au jour à Syène, dont il est loisible de penser que les mêmes étaient en usage à nléphantine, qu’il s’agisse de commodités ou d’espaces dédiés à la toilette212. De petites 209
B. Porten, CS III, p. 164, n. 12, précise que les fenêtres étaient apparemment installées du côté bas « au sud ? » de la maison de Jezanyah. 210 A. Krekeler, « Bauten ab der 27. Dynastie », p. 173. 211 Cinq niches ont été mises au jour à Migdol, parfois préservées sur quelques dizaines de centimètres datant de la période du second quart du Ve siècle au début du IVe siècle ; trois sont intactes. Elles diffèrent sur le plan de leur structure : demi-cercle avec arc en plein cintre, trapézoïdale ou rectangulaire avec linteau plat. Leur profondeur mesure de 30 à 40 centimètres de profondeur, leur hauteur de 30 à 40 centimètres et leur largeur de 40 à 70 centimètres. Peut-être ont-elles une fonction utilitaire de rangement ou sont-elles dédiées au culte domestique, S. Marchi, L’habitat dans les forteresses de Migdol (Tell el-Herr) durant les Ve et IVe siècles avant J.-C., p. 58. 212 Selon A. Krekeler, « Stadtgrabungen am Westkom von Elephantine/Wohnbauten des 1. Jahrtausends v. Chr. », p. 115, ces sortes d’installations n’ont pas été découvertes à nléphantine à ce jour.
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pièces (R6 à R10), sises au centre du bâtiment, sont divisées par des murets érigés en même temps que les premiers murs du bâtiment. Elles paraissent correspondre à l’organisation usuelle des pièces destinées à la toilette et aux commodités, tel qu’elles sont habituellement implantées dans l’espace domestique. La propreté et la pureté sont des concepts fondamentaux tant pour les anciens ngyptiens, que pour les Judéens. Ainsi, le Papyrus Pascal, apporté par Hananyah (A4.1 5), ordonne fermement à cette occasion : dkyn hww wʼzdhrw, « Soyez purs et prenez garde. » Si leur origine est religieuse et par conséquent sacrée, elles s’ouvrent sur des aspects tant moraux que concrets. Ainsi, la Satire des métiers met en scène le discours d’un père à son fils, il vante les mérites du métier de scribe, lequel, au contraire des professions manuelles, n’est pas salissant. Les pratiques d’hygiène sont individuelles et les scènes de purification transmettent la technique permettant de se laver. On ne s’immerge pas, on s’asperge d’eau, version antique de la douche d’aujourd’hui. Des salles d’eau sont ainsi conçues ! Pour autant, ces pratiques ne sont probablement pas quotidiennes : elles impliquent des dépenses et doivent être fermement rappelées par les règles religieuses. L’île est dotée d’un puits213 qui subira les exactions rapportées par les missives des responsables de la communauté d’nléphantine et dont l’utilité, tant pour les ablutions que pour la cuisine et la boisson ou la lessive, s’avère vitale. Des porteurs d’eau doivent probablement officier dans l’île et à Syène, afin de fournir aux maisons des particuliers l’eau dont ils ont besoin. Peut-être même utilisent-ils des ânes afin de porter des récipients et approvisionner les habitants. Les aménagements sanitaires sont installés dans la partie dite « privée » de la maison, qui comporte une salle et une chambre et des pièces annexes. La salle d’eau et les commodités peuvent être disposées dans deux pièces indépendantes ou une seule214. Bien qu’nléphantine n’ait pas, à ce jour, livré de telles installations, il est à penser qu’elles ont bien existé, tout comme dans d’autres sites. Dans les maisons égyptiennes, cet espace couvre de cinq à dix mètres carrés, dont l’organisation varie. L’accès s’effectue par la chambre ou un 213
D. Driaux, « Le grand puits de Deir al-Medîna et la question de l’eau : nouvelles perspectives », BIFAO 111, 2011, pp. 129-137, rappelle que le Grand Puits du village était creusé jusqu’à 52 mètres de profondeur, et le considère comme un puits à étage. Il a été aménagé dans le sol sans cuveler les parois, mais une rampe ou un escalier permettait d’atteindre la nappe phréatique. Il semble qu’il ait été la solution aux besoins des habitants du village. Pour autant, la présence de canaux et d’autres puits à distance raisonnable est à envisager. 214 D. Driaux, « Les aménagements sanitaires, un "luxe" de la maison égyptienne », EAO 66, Juillet, août, septembre 2012, pp. 49-58, spéc. p. 52.
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vestibule. Une petite cloison sépare parfois salle d’eau et toilettes, elle est construite en briques crues et peut atteindre de 1,60 mètre à 2 mètres de hauteur. Lorsque la salle d’eau est reliée à la chambre à coucher, aucun mur ne sert d’écran. Les installations comportent le plus souvent une dalle monolithe de calcaire et de forme carrée ou oblongue en forme de cuve peu profonde à rebord (fig. 6).
Aménagement sanitaire de la maison égyptienne : un luxe, Fig. 6 Vraisemblablement, l’eau était apportée dans de petites jarres, et les eaux usées évacuées par une rigole ou un conduit percé dans le mur servant d’écran ou encore dans le mur extérieur. Elles parviennent dans un récipient encastré dans le sol, lequel doit être vidé à l’aide d’une écuelle. Pour autant, toutes les maisons ne sont pas pourvues de ces installations, à la fois coûteuses et nécessitant un certain espace : les habitats les plus pauvres n’en étaient, probablement, pas dotés (ce qui toutefois n’empêchait en rien ceux qui ne pouvaient y prétendre de faire leur toilette). Ainsi, à nléphantine, MipÓaḥyah et ʽAnanyah possédaient peut-être ce confort dans leur maison, qui demandait de grandes quantités d’eau. En ce qui concerne les toilettes, ces dernières sont également attestées. De la sorte, il semble possible que l’espace sis sous l’escalier de la maison d’ʽAnanyah (B3.10 8) n’ait pas été destiné au stockage uniquement, mais également aux toilettes. De même, un passage extrêmement étroit de l’ensemble fouillé à Syène permet l’entrée vers un espace particulier (R12), probablement des toilettes installées sous les escaliers. L’archéologie a apporté quelques autres exemples, dont les plus anciens datent de la IIe dynastie à Saqqarah. Les toilettes peuvent notamment se présenter comme un
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siège percé maçonné ; des variations peuvent cependant être distinguées. Un espace entre deux murets parallèles, toujours de briques crues et recouverts d’enduit blanc, comporte un récipient rempli de sable, et parfois il peut supporter une planche de bois ou une plaque de calcaire percée d’un trou en son milieu. D’autres solutions coexistent, tels des tabourets de bois percé215, qui sont mobiles. Hérodote (II 35), ne manque pas d’évoquer cet aspect : « Ils satisfont leurs besoins naturels dans les maisons, mais ils mangent dans la rue, ce qu’ils expliquent en disant que si les nécessités honteuses du corps doivent être dérobées à la vue, les autres doivent se faire en public ». Ces pratiques d’hygiène soulignent aussi une certaine pudeur. Outre les pièces d’eau, d’autres aménagements satisfont les besoins des habitants, tant pour l’espace privé que pour des activités professionnelles. Ainsi, les pièces situées au sud du bâtiment principal 9 de Syène semblent correspondre à diverses fonctions de l’ensemble. Plusieurs phases ont notamment été discernées dans la salle référencée R17, leur nombre étant relié aux ateliers. Également parmi les aménagements intérieurs du bâtiment 9, une pièce à son sud-est (R18) est dotée d’un espace comportant des installations de cuisson avec une plate-forme pour le foyer, formé d’une dalle de grès et de briques crues et un évier dans le sol. L’une des salles situées au sud (R15) comportait l’espace le plus important de toute la couche J dédié à la cuisine, qui a permis la mise au jour de quatre fours, dont deux le long des deux murs ouest et est, tout en laissant l’espace indispensable à la porte ouvrant sur une autre pièce (R16). Leur forme correspond à celle des fours à pain, tels ceux retrouvés à nléphantine et en d’autres lieux durant cette période216. Ils adoptent une forme cylindrique et la base de leur diamètre atteint 55 à 60 centimètres. Ces fours n’ont cependant été conservés que sur une hauteur de 10 centimètres. L’air y circulait par une ouverture de 10 à 15 centimètres à leur base et était régulé par une dalle de pierre permettant de contrôler la température. Le cylindre pouvait être ouvert par le dessus et fermé par un large couvercle d’argile afin d’en maintenir la température217. 215
Tombe de Khâ (TT 8), à Deir el-Medinah, et tombe de Khnoumose (TT 253), à Gourna, D. Driaux, « Les aménagements sanitaires, un "luxe" de la maison égyptienne », p. 53. 216 A. Krekeler, « Stadtgrabung am Westkom von Elephantine », KoldewaeyGesellschaft Bericht über die 37. Tagung für Ausgrabungswissenschaft und Bauforschung vom 27. Bis 31. Mai 1992 in Duderstadt, Hanovre et Bonn, Habelt, 1994, p. 32. Les installations nécessaires à la cuisine paraissent plus élaborées que dans l’aire numéro 15, car près des fours sont installés des supports pour moudre du blé et stocker de la farine. 217 F. Rizqallah et K. Rizqallah, La préparation du pain dans un village du Delta égyptien, (Province de Charqia), Le Caire, IFAO 76, 1978, pp. 40-41, présentent un
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Le sud de l’ensemble 9 comportait deux aires destinées à la production alimentaire ; la préparation du pain s’effectuait dans la salle des quatre fours (R15) et les salles au sud-est étaient affectées aux repas, sorte de restaurant avant l’heure ! (R18 ou R17). Toujours à Syène, la pièce (R10) comporte un petit foyer plus ou moins permanent et simplement construit et adossé contre son mur est. D’autres foyers étaient peut-être installés selon les besoins afin de préparer de petites quantités de nourriture lors des périodes d’entretien du bâtiment. Une autre pièce, R11, a subi de nombreuses reconstructions avec des sols à divers niveaux ayant livré des foyers de petite taille. Elle s’ouvrait sur une salle (R9), laquelle était peut-être accessible par la salle R17 auparavant. À nléphantine, la principale caractéristique de la salle M4, de l’unité est, consiste en un petit foyer ; la maison O livre également un four et la maison Z dispose d’un foyer et de plusieurs fours à pain. Les installations de broyage sont attestées dans les deux cités. De nombreuses maisons en disposent dans l’entrée ou le vestibule, tout comme à Migdol/Tell el-Herr218 : ainsi, l’installation de broyage sur le sol de la pièce M1. Dans l’unité est, devant le mur sud (M5), comme dans la pièce M3, de l’unité ouest, une meule/installation de broyage a été mise au jour. La maison Z comporte également un dispositif de broyage. Destiné à la production de farine et, peut-être, à la panification, dont les maisons M apportent une trace concrète, il tendrait à faire penser que la panification pourrait être effectuée dans de nombreux habitats. La technique employée implique que, broyeur en main, le meunier agenouillé applique un mouvement de friction d’avant en arrière sur la meule dite « dormante » ; puis, la farine est récupérée dans le compartiment devant la plate-forme219. Les installations de broyage et de fours ne font pas systématiquement partie des équipements individuels de maison. Seule la maison Z présente plusieurs batteries de fours à pain et une installation de broyage. Aussi, ces équipements ont-ils pu profiter aux habitants n’en bénéficiant pas : leur l’usage a pu être partagé entre voisins d’un même quartier. schéma de circulation de la chaleur dans un four actuel et exposent la technique d’allumage et de chauffage du foyer. Après s’être rendue sur le toit où sont les combustibles, la femme qui est chargée de ces tâches jette dans la salle des arbustes de cotonnier, des tiges de maïs et des galettes. Les tiges sont brisées, puis arrosées d’eau afin de réduire la fumée lorsqu’elles brûleront dans le four ; le foyer est ensuite alimenté par les arbustes de cotonnier, qui sont intégralement consumés avant la cuisson. Puis, le pain est cuit et séché ou grillé. 218 Par exception certains équipements ont été installés à l’extérieur dans une impasse, S. Marchi, L’habitat dans les forteresses de Migdol (Tell el-Herr) durant les Ve et IVe siècles avant J.-C., p. 63. 219 S. Marchi, Ibid., pp. 62-63.
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De plus, à nléphantine, la maison dispose à l’origine, dans sa cour découverte (Mc), d’une auge/abreuvoir attestant soit d’un élevage à petite échelle, soit de la présence d’animaux (peut-être de trait, bovins, ovins et/ou caprins) (fig. 1). Division de la maison M en maison M ouest et maison M est, Fig. 1
Enfin, la maison M ouest est dotée d’une pièce M1 qui peut être identifiée comme un atelier en raison de la présence d’un matériel comportant quelques céramiques, près desquelles deux stèles non encore inscrites, des outils de métal et des armes ont été mis au jour (M1) permettant de proposer une identification de la fonction de la pièce en question et confirmant la fabrication d’armes sur place. À Syène, quatre pièces correspondent à des ateliers (R15 à R18). Corréler certaines des traces matérielles et le contenu des conventions juridiques s’est avéré possible, mettant ainsi en rapport la petite maison de Maḥseyah/MipÓaḥyah à remettre en état et mesurant 39,88 mètres carrés avec les traces de la maison dite MA220. Dans un second temps, il a été possible d’identifier les deux unités de la maison M avec les habitats de Dargamana et Hosea. La seconde maison offerte à sa fille par Maḥseyah, à la suite d’un prêt d’argent qu’il n’avait pu rembourser, en 446 (B2.7), est à identifier avec la partie nord-est de la maison O, à l’opposé de l’habitat G. Les maisons de MipÓaḥyah et ʽAnanyah ont fait l’objet de transformations rapportées dans les actes juridiques et que rappellent les découvertes. Ces maisons aux petites 220
C. von Pilgrim, « Textzeugnis und archäologisches Befund : Zur Topographie Elephantines in der 27. Dynastie », pp. 485-497.
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dimensions sont adaptées à la surface de l’île et aux contingences liées à l’espace et aux techniques. Les divisions de maisons et l’apparition d’un étage sont à attribuer aux évolutions familiales : naissances, mariages et donations diverses. Les archives d’ʽAnanyah tout comme celles de MipÓaḥayh témoignent de cet aspect de l’évolution et des créations de plus petits habitats qui en sont résultées. Héritage d’une philosophie familiale, leur organisation n’a pas manqué d’en être bouleversée et le paysage urbain s’en est trouvé métamorphosé.
Les opérations juridiques concernant l’habitat Dans l’espace de la forteresse d’nléphantine, la question de l’habitat apparaît très documentée sous son aspect juridique grâce aux divers contrats araméens. Les habitants, à ce qu’il semble, sont souvent propriétaires de leur maison, et parfois de plusieurs, qu’ils transmettent à leurs héritiers ; diverses conventions mettent en lumière cette réalité. La transmission de l’identité des voisins y est illustrée. Judéens et groupes d’autres origines ethniques s’y côtoient comme dans leurs régiments, tandis qu’une identité de mode d’habitat se confirme. Transmettant l’image d’un assemblage de maisons regroupées et dont les murs sont parfois contigus, la mitoyenneté est mise en lumière par les détails apportés. Outre des maisons construites, d’autres sont dépeintes à l’état de ruines ou sont abandonnées, ou encore cédées en partie, qui transmettent une éclatante représentation des usages en vigueur alors. Les conventions établies à l’occasion de donations entre vifs, de donations testamentaires, de ventes et d’usufruits, de partage, transmettent leur description, leurs dimensions, leur emplacement dans une rue de la cité, et leurs limites en fonction des propriétés des voisins. Ces opérations se déroulent à l’occasion d’évènements familiaux, tels : le mariage ou la naissance d’enfants, ou afin d’exprimer les dernières volontés du donateur ou d’autres encore. Hommes et femmes y participent et en bénéficient. Les archives de MipÓaḥyah et celles d’ʽAnanyah ne livrent aucun acte de vente d’une maison dans son entier et en bon état. Seules des cessions de ruines ou de parties de maisons sont attestées. Pour autant, le père de MipÓaḥyah offre à sa fille une maison en bon état en remerciement de l’aide apportée lors des difficultés qu’il a rencontrées. Aucune information n’est transmise qui permette de savoir en quel état il l’a acquise. Les archives parvenues jusqu’à nous, en dépit de leur richesse, dessinent ainsi leurs limites. Témoignant de nombreux points en commun, les actes démotiques proviennent également de séries d’archives, telles celles de Tsenḥor (556-487 avant n. è.), et de contrats en hiératique. Une discontinuité est parfois à observer dans la mesure où certaines archives datent de la fin de la seconde période perse et des débuts de l’ère ptolémaïque ; aussi, la nécessité s’est-elle
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fait sentir de présenter également des documents de cette période qui attestent d’une forme juridique ayant légèrement évolué et s’étant complexifiée. Sur le fonds cependant, les motivations restent identiques. Le schéma général des opérations nombreuses et diversifiées s’impose systématiquement en dépit de multiples variations et de précisions, permettant de définir le type de contrat. Son contenu comporte les clauses objectives récurrentes, tels la date, le lieu, et la présentation de l’état civil des parties. Il laisse ensuite place à la partie opératoire des documents, avec les dispositions subjectives, lorsque les acteurs se réapproprient l’opération de transmission du bien. Puis, les modalités de transfert du bien offert sont exposées, précisant quel est l’objet de la transaction, son origine, sa description, les mesures du bien et ses limites. Elles sont suivies de clauses affirmant la remise de la chose donnée et le transfert de propriété, et d’autres assurant une garantie personnelle du donateur, de ses ayants droit et des tiers, parfois le transfert du document originel ou des modalités particulières. Pour finir, viennent le retour des stipulations objectives avec le nom du scribe, du ou des donneurs d’ordre, la liste des témoins, enfin l’endos spécifiant la nature du document. Ce schéma n’est pas soumis à une uniformité absolue et subit systématiquement les modifications indispensables aux besoins des parties, qui sont aussi fonction de la personnalité du scribe et de l’évolution dans le temps.
Les ventes de parties de maisons Seule une convention complète répond à cette définition, elle provenient des archives d’ʽAnanyah. Après les diverses donations sur cette même maison à leur fille, Tamet et son époux, déjà âgés, décident de céder la partie de leur maison leur appartenant encore à leur gendre (B3.12), le 12 de thot en l’an 4 du roi Artaxerxès ou le 13 décembre 402 avant n. è. Tamet qui porte dans cet acte le titre de Dame Tamet participe à cette cession avec son mari ʽAnanyah, à ʽAnanyah le mari de leur fille JehôyîÎmaʽ. Aussi, le couple formé par JehôyîÎma et son époux deviendra-t-il copropriétaire de la maison dans son entier, mais chacun possédera sa part en propre, sous forme de séparation de biens. Peut-être Tamet et son mari seront-il hébergés dans leur maison. Cette convention, dont une partie est réécrite par le scribe présente les vendeurs : Dame Tamet et son mari serviteur de YHW le Dieu, qui « tous deux (ont parlé) d’une seule voix » ; l’acheteur et la clause de transfert et de transmission suivent leur présentation : « Nous t’avons vendu et nous t’avons donné notre maison » (B3.12 11-12). L’origine de l’acquisition du bien par ʽAnanyah est rappelée à nouveau, telle une forme de sécurité. La description du bien met en exergue ses spécificités : « Une maison basse rénovée, comportant des poutres, des fenêtres et deux portes. » Cette présentation diffère de celles mentionnées par les conventions démotiques avec des
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nuances : par exemple, certains papyri démotiques décrivent les maisons comme « construites et couvertes » (P. Philadelphie II, III, IV, VII ; P. Louvre 2424, 2439, 2440 ; P. Rylands 11). Puis, l’acte détaille : « (La) maison basse est rénovée, c’est-à-dire la grande salle qui m’appartient » (B3.12 12-13). Si ces descriptions restent imprécises à nos yeux, elles semblent suffisantes pour les parties qui les connaissent parfaitement. La clause du prix est répétée par deux fois. La première affirme : « Et tu nous as donné le prix de notre maison (en) argent, un c’est-à-dire un karsh, trois c’est-à-dire trois shekeln, (en) argent ionien six statères un shekel221 » (B3.12 5-6). La seconde simplifie la formule : wyhbt ln dmwhy ksp krÎ d Îqln 3 ksp ywn bmnyn sttry 6 Îql 1 : « Et tu nous as donné son prix (en) argent un karsh trois shekeln (en) argent ionien du montant de six statères un shekel » (B3.12 13-14) ; ici, apparaît pour la première fois l’équivalence avec le statère222. La clause dite de « satisfaction » : « Et notre cœur a été satisfait avec le prix que tu nous as donné » (14-15), donne quittance et reconnaît le paiement de la somme. Le vocabulaire utilisé met en lumière l’emploi des deux verbes zbn, « vendre » et yhb, « donner » matérialisant la remise de la chose vendue. Le sens légal du verbe ÎlyÓ, « avoir droit », exprime la transmission du contrôle sur le bien acquis par le nouveau propriétaire. Les mesures de la maison sont introduites par la formule : « Voici les mesures de la maison que nous t’avons vendue et donnée », et qui réitère le transfert. De fait, l’exigence de précision absolue semble absente de ces actes ; les limites viennent compléter des éléments concrets. Cependant, l’affirmation de transfert et de transmission figure encore dans cette modalité : « Que je t’ai vendue et donnée » (17). Leur détail ne manque pas d’intérêt : il désigne les voisins et précise qu’à l’ouest sont situés le Temple de YHW et la Rue du Roi qui les séparent, qu’au nord se trouve la maison mitoyenne de Parnu, fils de Ziliya, et Mrdava, son frère, et qu’au sud est située la maison de Paḥe/Pakhoi et Pamet, son frère, bateliers des eaux (houleuses) et fils de Tawe (18-21). Ainsi, ʽAnanyah, serviteur de YHW, demeure en face du Temple auquel il est attaché. Détaillant encore la description de la maison, le texte évoque à nouveau : « Et sa fenêtre est ouverte sur la grande salle. Et son portail est ouvert sur l’Allée du Roi d’où tu peux sortir et entrer » (B3.12 21-22). Une modalité d’investiture affirme également : « Toi, ʽAnanyah, tu y as droit de ce jour et pour toujours et tes enfants y ont droit après toi et toute personne à qui
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Le statère équivaut à 2 shekeln. La formule de vente par les Caspiens au mari de Tamet choisit le zuz qui vaut undemi shekel, c’est-à-dire deux quarts : « Et tu nous as donné son paiement (en) argent, un karsh, quatre shekeln à l’étalon royal en argent à un zuz pour la pièce de dix » (B3.4 5-6). 222
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tu le donneras par affection ou à qui tu le vendras pour de l’argent » (B3.12 23-24). Le scribe Haggai, fils de Shemayah, précise que ce document a été écrit à nléphantine la forteresse selon les instructions de ʽAnanyah, le serviteur de YHW le Dieu, et Tapamet, sa femme et fille de Patou, et réaffirme l’accord des époux pour cette vente : « tous deux (parlant) d’une seule bouche » (B3. 12 32-33). Quatre témoins sont présents, dont trois sont Judéens et l’un porte un patronyme babylonien, selon l’usage pour les ventes. L’endos livre cette formule : spr by zbn ʽnny br ʽzryh wtpmt ʼntth, « Document d’une maison que ʽAnanyah, fils d’Azaryah, et Tapmet, sa femme, ont vendue » (verso). Certaines des ventes de maisons figurant dans les contrats araméens comportent des indications spécifiques, parfois grâce à des clauses indirectes. L’origine de propriété de la maison de Tamet et de son mari rappelle, en termes clairs, son acquisition « pour de l’argent », bien que la somme ne soit pas rapportée : zy zbn bksp mn bgzÎt br plyn kspyu hw byth zy ynbwly br msdy kspy zy byb hw mhsn, « Que nous avons achetée pour de l’argent de Bagazushta, fils de Friyana /Palliya le Caspien, qui est la maison de Ynbwly, fils de Misday(a), un Caspien, qui à nléphantine est propriétaire héréditaire » (B3.12 3-5). Ce dernier porte le même titre de mhsn que Maseyah dans l’acte de donation successorale à sa fille, lors de son union avec Jedanyah (B2.3) ; un terme à vocation légale définissant un statut et valant titre223. La seconde clause, précisant l’origine de propriété, se limite à ces quelques mots : « Que nous avons achetée de Bagazushta, fils de Friyana/Pallliya le Caspien » (B3.12 12). L’emploi du pronom « nous » rappelle l’achat par tAnanyah et la donation faite à Tamet, transformant et simplifiant l’historique des modalités d’acquisition, et ce sans conséquence juridique à priori. Le montant de la vente de la partie de la maison remise en état s’élève à treize shekeln 2/3 ; elle avait été achetée en ruines le 14 septembre 437 avant n. è., pour une somme quatorze shekeln (B3.4 6) (fig. 7).
B. Porten et H.Z. Szubin, « The Legal Significance of the Term MHpSN », JAOS 1982, pp. 4-9.
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Contrat d’achat du 14 septembre 437 avant notre ère (TAD B 3.4), Fig. 7 Constituant l’avant-dernier acte des archives d’ʽAnanyah, cette convention est la dernière attestation écrite des opérations effectuées sur ce bien. Son acquisition par ʽAnanyah, sa donation d’une part de la maison à son épouse Tamet lors de la naissance de leur premier enfant, puis les donations diverses à sa fille JehôyîÎma prennent fin après trente-cinq ans d’améliorations et de modifications. De fait, cette maison, par l’ensemble des opérations dont elle a été l’objet au cours des ans, rejoint dans son intégralité le giron de la fille du couple et de son mari dans un système de séparation de biens déjà mis au jour par les contrats de mariage, afin d’éviter des conflits d’intérêts. L’aspect familial de ces diverses opérations vise à la protection du
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bien et le souhait qu’il demeure dans la famille. Généralement, les liens familiaux inscrivent leur durée au travers de ces réalités patrimoniales. Provenant de Thèbes, les P. Louvre E 9204 et British Museum 10450, de l’an 31 du roi Darius Ier ou 491 avant n. è., témoignent d’une vente de parts d’héritage, dont des maisons. Une femme, du nom de Tamenkhawaset, s’y adresse à un choachyte de la Vallée nommé Pharbes, qui lui cède ses parts sur ses « maisons », dans un ensemble qui comporte également des champs, des terrains à construire, des serviteurs et d’autres biens224. Les formules usuelles de la partie opératoire y sont inscrites ; celle de satisfaction, particulièrement développée, est suivie de la modalité de transmission et transfert, qui exprime la remise de la chose vendue : « Je te les ai données. Elles sont à toi (les parts). » Parmi les actes de maisons cédées en leur entier, figure le P. Louvre 2439, plus explicite que le précédent225. La formule habituelle de satisfaction suit la présentation des parties à l’acte, le vendeur Padiherparou et l’acheteuse Nesḥerpaheret : « Tu as fait que mon cœur soit satisfait avec cet argent pour ma maison » (1). La rapide description, se résumant par l’expression conventionnelle : « qui est construite et couverte », s’apparente à celle de nombreuses conventions de vente (1), puis elle précise le lieu où elle se situe : « Dans le district nord de Thèbes à l’ouest du Mur du temple de Mout le Seigneur de Thèbes » (1). La liste des voisins révèle, ainsi qu’à l’habitude, les limites de cette maison (1-2). Puis, vient la clause de transfert et de transmission qui affirme avec autorité : « Je te l’ai donnée, c’est à toi, c’est ta maison, toutes ces choses sont à toi » (2). D’autres conventions de ventes adoptent les mêmes spécificités. Par exemple, le Papyrus Louvre 2440 comporte aussi la vente, par un pastophore à une femme, d’une maison « construite et couverte » et située dans le quartier de la Vache, et également à l’ouest du mur du temple de Mout. La formule usuelle de satisfaction figure après la présentation des parties. Le P. Louvre 2424, daté de 267 avant n. è., l’a conservée, de même que les termes de la description. Par ailleurs, divers actes démotiques des débuts de la Période Ptolémaïque se rapportent à des cessions de parties de maisons. Le P. Philadelphie X, de 282 avant n. è., découvre une cession des 2/3 tiers d’une maison, « qui est construite et couverte ». La venderesse cède cette partie à un pastophore. Le document mentionne la situation de la maison : « Dans le district nord de Thèbes dans (le quartier) de la maison de la Vache », et détermine, selon les usages scribaux, les limites du bien en question en détaillant l’identité des propriétaires des maisons mitoyennes du sud au nord, 224
E. Cruz-Uribe, « A Sale of Inherited Property from the Reign of Darius I », JEA 66, 1980, pp. 120-126, spéc. pp. 121 sqq. 225 K.T. Zauzich, Die ägyptische Schreibertradition, p. 10 sqq.
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et de l’est à l’ouest. En outre, leur activité est mentionnée tout comme certaines autres précisions, telles les maisons en possession des enfants. Par ailleurs, datant du règne de Ptolémée II Philadelphe (285-246), une vente d’un dix-huitième de part de maison à une dame nommée Ankhet, le P. Hawara 5 1, mentionne la formule de satisfaction habituelle : tỉ=t mtre ḥȝ.t=y n pȝ ḥd n tÓy=y tnỉ.t 1/18 n pȝy ʽ.wy, « Tu as satisfait mon cœur avec l’argent pour ma part d’un dix-huitième de cette maison ». Elle dépeint ensuite les particularités habituelles avec des nuances de différences : « [Qui est construite (et) comporte] poutre et porte, qui mesure 25 coudées divines du sud au nord mesurant 24 coudées divines de l’ouest (à) l’est sur sa part sud, dessous et dessus226 », puis précise le lieu où elle est localisée, à savoir dans le temple de Sobek-Ré227. L’autorisation, outre celle de sortir par l’entrée principale, d’emprunter le chemin qui mène du sud à la rue, et le droit d’effectuer tous travaux avec ses ouvriers et ses matériaux, mais en proportion du dix-huitième de part de ce jour et pour toujours, sont inscrits précisément par le scribe (7). L’ensemble de ces actes détaille l’identité des propriétaires des maisons mitoyennes en accordant la première place au sud, puis au nord, à l’est puis à l’ouest, afin d’en déterminer les limites. Outre l’identité des voisins, leur activité est mentionnée ; de même, certains autres détails sont apportés. Des nuances et des différences affectent ces écrits, qui sont fonction des lieux, des périodes et des usages scribaux, où les garanties tiennent une place essentielle et où un formalisme règle l’ensemble des modalités. Leur contenu définit clairement les droits transmis à l’occasion de ces opérations et leurs limites.
Les ventes/achats de ruines Des maisons à l’état de ruines font l’objet de transactions, tant chez les Judéens que les ngyptiens. Elles peuvent être remises en état par des aménagements que mentionnent les divers actes se rapportant à une même maison. Parmi les exemples d’acquisitions de ruines, peut être évoqué celui d’tAnanyah, fils d’Azaryah, lequel devient propriétaire le 7 elul, ou le 9 du mois de payni en l’an 28 du roi Artaxerxès, soit le 14 septembre 437 avant n. è., et pour un montant de quatorze shekeln, d’un bien auprès d’un couple de Caspiens : zy ʼgrwh qymn wtrbṣh ʼrt hy wlʼ bnyh, « Dont les murs tiennent 226
G.R. Hughes et R. Jasnow avec la contribution de J.G. Keenan, Oriental Institute Hawara Papyri Demotic and Greek Texts from an Egyptian Family Archive in the Fayoum, p. 30, n. D, précise que l’expression : « dessous et dessus », semble se rapporter au sol et au-dessus. 227 G.R. Hughes et R. Jasnow avec la contribution de J.G. Keenan, Ibid., P. Hawara 5, pp. 27 sqq.
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debout, mais [do]nt la cour est (une) terre (aride) et non construite » (B3.4 45). Les dimensions ne sont pas inscrites sur ce document. Lors de cette acquisition, le couple de Caspiens inscrivent la formule de transfert : ʼnḥn zbn wyhkn lk byth zy ʼpwly br msdy zy byb brtʼ, « Nous t’avons vendu et donné la maison de ʼpwly, fils de Misdaya, qui est (sise) à Éléphantine la forteresse » (B3.4 3-4). L’emploi consécutif des verbes « vendre » et « donner » témoigne de la formulation usuelle des opérations, la vente ne pouvant être concrétisée que par le transfert du bien. Après avoir réitéré la clause de transfert : « Nous te l’avons vendue », ils constatent le paiement d’1 karsh 4 shekeln (B3.4 5-6). La formule usuelle de quittance et de satisfaction tant pour l’opération que sa valeur : « Et notre cœur est satisfait avec le paiement que tu nous as donné » (B3.4 6-7), suit la clause précédente. Les limites inscrivent la situation de la maison : au nord, celle de Shatibara, au sud, la Chaussée de Khnoum et la Route du Roi, à l’est, le Trésor du Roi, et, à l’ouest, le Temple de YHW et la Route du Roi sont « entre eux » (B3.4 7-10). Les vendeurs renouvellent pour la troisième fois la clause de transfert de propriété probablement en raison de son origine incertaine, car le couple de Caspiens en avait la possession, mais non la propriété, puisqu’il l’occupait seulement, probablement aidé en cela par Shatibara, le père de l’épouse dont la maison était située au sud de celle-ci. Puis, le couple affirme à trois reprises la transmission. Le texte de la première expose : ʼnt tnnyh br tzryh šlyÓ bbytʼ zk wbnyk mn ʼḥryk wlmn dy ṣbyt lmntn, « Toi, tAnanyah, fils d’Azaryah, tu as droit/contrôle sur cette maison et (de même) tes enfants après toi et toute personne à qui tu désires la donner » (B3.4 11-12). Le verbe ÎlyÓ, « avoir droit/contrôle », évoque usuellement la transmission du bien, le contrôle de sa propriété et les droits attachés. Cette modalité de transmission est répétée une première fois avec des nuances : wbytʼ zylk ʼm wzy bnyk mn ʼḥryk wlmn zy ṣbyt lmntn, « Et la maison est de même à toi et à tes enfants après toi et à toute personne à qui tu désires la donner » (B3.4 16), puis une seconde fois (B3.4 19). Les deux expressions : « tu as droit/contrôle » et « la maison est de même à toi », expriment la transmission de droits de propriété complets et identiques, qui sont originaires de traditions scribales différentes228. En outre, la première et la seconde clause se rapportent au droit d’aliénation de ce bien dans un cercle
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A.F. Botta pointe avec justesse vers l’origine égyptienne de la clause araméenne avec l’emploi du verbe ÎlyÓ. En effet, le verbe sḫm, « avoir contrôle » est assuré dès la Ve dynastie, The Aramaic and Egyptian Legal Tradition at Elephantine, New York, T & T Clark, 2009, pp. 89-95 ; « The Legal Function and Egyptian Background of the שליטClause, A Reevaluation », Maarav 13/2, 2006, pp. 193-209.
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plus ouvert que l’espace familial, tandis que la troisième limite les droits d’aliénation aux héritiers229. Le contenu juridique affirme sa complexité, qui implique d’enregistrer le transfert de propriété, le retrait ou renoncement des vendeurs, et la transmission à l’acheteur. Les termes sont précis, qui s’appliquent à une même situation. Certaines de ces informations sont reprises et des ajouts les clarifient, qui se superposent autour du même thème, tant par mesure de sécurité qu’en fonction de l’école scribale. Des conventions égyptiennes mettent également au jour des cessions/achats d’habitats à l’état de ruines. Par exemple, le P. Bruxelles 8253 décrit la vente d’un bien, ou plus exactement d’une maison, entre le 7 juin et 6 juillet 313 avant n. è., par la dame Taïbis, fille de Thotomous, à l’orfèvre Phibis, fils de Thotroisis. Il la dépeint comme suit : pȝy(= y) t.wy nty n wrḥ nty ḫrḫr tw nȝy=f ȝḏy tḥt, « Ma maison, qui est sise dans une parcelle, qui est détruite tandis que ses murs sont droits/debout… » (1)230. Le contrat insère les précisions habituelles, telle sa situation dans le quartier nord de Thèbes, dénommé la Maison de la Vache, les dimensions de la parcelle : « trois cents coudées carrées », l’identité des voisins et leur profession en fonction des points cardinaux, enfin les spécificités de leur maison, dont cinq sont construites, surmontées d’un toit, et entourées d’une parcelle. Suit la clause de transfert et de transmission : dy=y s n=k mtw=k s pȝy=k t.wy pȝy, « Je te l’ai donnée ; c’est à toi ; c’est ta maison », qui confirme la remise de la chose vendue entre les mains de l’acheteur et le transfert de propriété, employant pour ce faire le verbe « donner ». L’expression : « Tu as fait que mon cœur soit satisfait avec l’argent pour elle, excepté pour les 1/10 (pour) les scribes qui représentent Thèbes », ne spécifie pas s’il s’agit d’un pourcentage versé au titre d’impôts au moment de la transaction – ce qui semble très probable – et dont le montant n’est pas transmis. En effet, le coût financier ne figure plus sur les actes de vente démotiques depuis environ 620 avant n. è. (P. Turin 2120, vente d’un terrain), où les notions juridiques et non plus contractuelles prennent la première place231. Dans la mesure où les transactions donnent lieu à imposition, cette clause est peut-être à mettre en parallèle avec la taxe de 10 % à reverser au titre d’opérations de ventes sur des terres dont attestent les P. Turin 246 ; 2118 ; 2120 et British Museum 10117. 229
H. Z. Szubin et B. Porten, « A Dowry Addendum (Kraeling 10) », JAOS 107/2, 1987, pp. 231-238, spéc. p. 235. 230 M. Depauw, The Archive of Teos and Thabis from Early Ptolemaic Period, Bruxelles, Brepols, 2000, pp. 110 sqq. 231 B. Menu, « Les actes de vente en Égypte ancienne, particulièrement sous les rois kouchites et saïtes », JEA 74, 1988, pp. 165-181, spéc. pp. 170 sqq.
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La clause de contrôle figure également sur l’acte, qui est le signe de propriété et d’autorité : « Personne au monde, ni moi-même, ne pourra exercer de contrôle sur elle, si ce n’est toi à compter de ce jour et dorénavant » (P. Bruxelles 8253). La venderesse affirme les droits de l’acheteur sur le bien vendu. L’expression : « personne au monde » concerne probablement tant la vendeuse que ses ayants droit, qui n’a pas un sens universel232.
Les donations de maisons et de parties de maisons Elles adoptent des formes juridiques nuancées, qui vont de la propriété à la nue-propriété, l’usufruit, la donation testamentaire, le « complément de dot » et constituent une proportion d’importance dans les archives. Comme tous les contrats, les actes de donation araméens d’nléphantine comportent la date et le lieu, suivis de l’identité des parties. Parfois, ils précisent la double date, tant babylonienne qu’égyptienne. Ainsi, le 2 kislev, ou 10 du mois de mesore en l’an 19 d’Artaxèrxes, soit le 17/19 novembre 446, Maseyah offre une maison à sa fille MipÓayah (B2.7), qui sont tous les deux parties au contrat. Le document précise l’origine du bien acquis par achat : zy yhb ly mÎlm br zkwr br uÓr urmy zy swn bdmwhy wspr ktb ly tly, « Que Meshoullam, fils de Zaccur, fils d’Ater, un Araméen de Syène, m’a donné pour sa valeur et pour lequel il a écrit un document pour moi » (B2.7 3). Le motif de la donation est mentionné une première fois : lp nksyh zy yhbt ly kzy hndz hwyt bbyrt uklt hmw wlu hÎkt ksp wnksn lÎlmh lky, « En échange des biens qu’elle m’a donnés, alors que j’étais en garnison dans la forteresse ; je les ai consommés/mangés, mais je n’ai pas trouvé d’argent ou de biens pour te payer » (B2.7 4-5). Il est ensuite renouvelé, apportant d’autres détails : lp nksyk ulk dmy ksp krÎn 5, « En échange de ceux-là, tes biens d’une valeur (de) 5 karshen » (B2.7 6). Mentionné après la première clause de transfert, l’objet de la donation offerte à MipÓayah, lbytu , « la maison » (B2.7 2), voit ses limites définies à la presque fin du document : « En outre, voici les limites de cette maison : audessus d’elle, la maison de Yaush, fils de Penulyah, en dessous, le Temple de YHW (le) dieu, à l’est, la maison de Gaddul, fils d’Osée, et la rue est entre elles, à l’ouest, la maison de parwodj, fils de PalÓu, prêtre de p.[.] le dieu » (B2.7 13-15). Aucune description ni mesure du bien ne figure sur l’acte. Les clauses principales des contrats de donation concernent la remise de la chose offerte sans contrepartie. Ainsi, par la modalité de transfert, le donateur remet le bien donné et se dessaisit de ses droits en faveur de la donataire, et, par celle de transmission, il admet qu’elle est la seule propriétaire dorénavant du bien transmis. Par l’affirmation de renonciation, le donateur confirme l’abandon de son droit de propriétaire. 232
B. Menu, Ibid., p. 170.
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Dans les actes araméens, la modalité de transfert peut se multiplier deux, trois, quatre ou cinq fois, adoptant, lors de chaque répétition, un contenu différent et complémentaire autour du verbe « donner », qui en est l’axe. La donation à MipÓayah, exemplaire, en comporte cinq. La première est inscrite après la présentation des parties : unh yhbt lky lbytu, « Je t’ai donné la maison » (B2.7 2). La deuxième précise : wyhbth lmpÓyh brty, « Et je l’ai donnée à ma fille MipÓayah » (B2.7 4). La troisième ajoute : ur unh yhbt lky lbytu znh, « Après, je t’ai donné cette maison » (B2.7 5). L’avant-dernière répète : bytu yhbth lky, « Cette maison, je te l’ai donnée » (B2.7 6), et insère la première affirmation du retrait : wrqt mnh, « et j’y ai renoncé » (B2.7 7). Enfin, la cinquième réitère le transfert et le retrait/éloignement par le donateur : zk bytu yhbth lk wrq mnh, « Cette maison, je te l’ai donnée et m’en suis éloigné » (B2.7 15). Les modalités de transmission sont également multipliées, apportant régulièrement de nouveaux éléments autour de l’expression : « C’est à toi. » La première clause qui figure dans la donation à MipÓayah affirme, après le retrait : dylky hw wlbnyky mn uryky wlmn zy rmty, « C’est à toi, et à tes enfants après toi et tu peux la donner à celui que tu aimes/préfères » (B2.7 78). Renouvelée après la stipulation de pénalité : wbyt um dylky, « et (la) maison de plus, est à toi » (B2.7 11), elle l’est encore une troisième fois : dylky hw td tlm wlmn zy tÑbyn hbhy, « C'est à toi pour toujours et à qui tu souhaites/préfères donne-la » (B2.7 16). Dans ce même document, deux formules de disposition du bien trouvent place, dont la première semble limiter les droits d’aliénation aux héritiers, tandis que la seconde se rapporte au droit de transmettre ce bien dans un cercle plus ouvert que l’espace familial, laissant toute liberté à MipÓayah d’en disposer à sa guise233, peut-être afin d’indiquer les préférences du donateur, à savoir conserver les biens dans le patrimoine familial et si nécessaire absolument permettre la cession. Chaque modalité de chaque convention s’exprime avec des nuances différentes. Le transfert du bien est exprimé au passé, qui souligne que la donation est d’ores et déjà réalisée ; l’affirmation de la transmission s’énonce au présent et confirme la réalisation de l’acte avec la remise de la chose. L’expression : « J’y ai renoncé » affirme et confirme que le donateur a abandonné ses droits de propriété. La multiplication234 et la différentiation de
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H. Z. Szubin et B. Porten, « A Dowry Addendum (Kraeling 10) », p. 235. B. Porten, « Elephantine Aramaic Contracts and the Priestly Literature », dans M. Brettler et M. Fishbane, Minah le-Nahum, Biblical and Other Studies Presented to Nahum M. Sarna in Honor of his 70th Birthday, Sheffield, JSOT Press, 1993, pp. 257271, spéc. pp. 260-261. 234
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chaque clause, qui ne se répète pas à l’identique, trouvent leur source dans le choix de cette forme de composition adoptée par les scribes d’nléphantine235. L’usage semble courant de transmettre des parties de maisons qui font l’objet de donations testamentaires, et/ou de partages ; une pratique que confirment tant les actes araméens que démotiques. Parmi les donations effectuées par tAnanyah tout au long de sa vie, l’une d’elles est offerte à sa femme Tamet quinze ans après leur union (B3.5), peut-être à l’occasion de la naissance de leur fille JehôyîÎmat. Une clause précise l’origine de ce bien acquis par le donateur auprès de uWbyl, fille de Shatibara et Bagazushta, Caspiens d’nléphantine (B3.5 3). Tamet reçoit, le 25 tishri, ou le 25 du mois d’epiphi en l’an 31 d’Artaxerxès, la moitié de la large pièce de la maison et sa chambre (B 3.5 3). Trois clauses de donations ou transfert figurent dans cet acte. La première affirme simplement : « Je t’ai donné » (B3.5 2). La seconde ajoute le motif brmn, « par amour » (B3.5 4). La troisième est plus complexe ; elle détaille les particularités du bien offert : znh lq bytu zy mÎt ktybn wtwmwhy unh tnnyh yhbth lky brmn, « Cette part de la maison dont les mesures sont écrites et dont les limites (sont écrites ci-dessus), moi, tAnanyah, je te l’ai donnée par amour » (B3.5 11-12). La première clause de transmission du contrat de Tamet comporte également l’affirmation d’inaliénabilité : « C’est à toi de ce jour et pour toujours, et à tes enfants que tu m’as donnés après toi » (B3.5 4-5). Elle est réitérée dans une formule compacte s’adressant à Tamet : « Et la maison de même est à toi » (B3.5 16). Enfin, une troisième clause, en faveur des enfants, répète : « Et ma maison de même est à eux » (B3.5 22). Le scribe a choisi l’expression : « c’est à toi », et non le verbe ÎlyÓ , « avoir droit/contrôle sur ». L’usufruit de la partie de maison dont a bénéficié JehôyîÎmat est modifié en donation successorale, puis en donation entre vifs ou « complément de dot » (B3.11). Cette information est transmise par l’acte de vente de leur maison par son père et sa mère en 402. tAnanyah, s’adressant à son gendre, lui confirme : byth zy yhbt lk psÎrt, « La maison que je t’ai donnée (comme) un cadeau complémentaire/complément de dot » (B3.12 9). La suite de l’acte est arasée et réécrite plus loin : bytk unt tnny br gy zy yhbn lyhwyÎmt brtn psÎrt tl spr untwth, « Ta maison, toi, tAnanyah, fils d’Haggai, que nous avons donnée à JehôyîÎmat, notre fille, (comme) un cadeau complémentaire à son contrat de mariage » (B3.12 17-18). Tandis que JehôyîÎmat est dotée du
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Certains actes des VII-VIe siècles comportent également la répétition des clauses principales et annexes. Ainsi, le P. Turin 246 de Thèbes, et daté de 634, de vente de terrain, et le P. Louvre E. 3168 de Thèbes, et daté de 674, de vente de fil à tisser…
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titre sur sa maison, elle partage son droit d’usage avec son mari236 ; un droit qui n’aurait plus lieu d’être en cas de divorce237. Lorsque tAnanyah transforme la donation testamentaire faite à sa fille en donation entre vifs/complément dotal (B3.11)238, elle bénéficie immédiatement de sa propriété dès le 20 d’adar, le 8 choiak de la troisième année d’Artaxèrxes, soit le 9 mars 402. L’origine du bien ne figure pas dans le contrat, car elle est connue par la donation testamentaire du 25 novembre 404. Le motif en est exprimé par deux propositions complémentaires. La première le mentionne comme : psÎrt, « complément dotal » (B3.11 7) ; la seconde le précise : brmn psÎrt, « par amour (comme) complément dotal » (B3.11 9). JehôyîÎmat bénéficie dorénavant d’une porte sur la rue, et se voit accorder autorité sur la totalité de la cour, dont auparavant elle n’avait que la moitié. Et, la référence à la cour comme limite confirme son droit de propriété239. Pilti, son frère, possède peut-être d’ores et déjà une maison qui lui permet d’abandonner ses précédents droits sur ce bien. Les deux modalités de transfert apportent de nouveaux éclaircissements dans cette donation (B3.11). La première figure comme à l’habitude après l’indication des parties : yhbt lky by d mbny, « Je t’ai donné une construction » (B3.11 2). La suivante est mentionnée après celle des limites : « Moi, tAnanyah, fils d’Azariah, je te l’ai donnée (comme) un complément dotal ([à ton] contr[at] de mariage), puisqu’il n’est pas écrit sur ton contrat de mariage avec tAnanyah, fils de Haggai, fils de Meshoullam, fils de Busasa » (B3.11 7-8). Ponctuant la donation à JehôyîÎmat la première modalité de transmission certifie : unty yhwyÎmt brty ÎlyÓh bh mn ywmu znh znh td tlm wbnyky ÎlyÓn uryky, « Toi, JehôyîÎmat ma fille, tu y as droit de (ce) jour et pour toujours et tes enfants (y) ont droit après toi » (B3.11 8-9). L’expression « de ce jour » affirme que cet acte prend effet immédiatement, soulignant la différence avec la donation successorale précédente. La seconde précise : wunty um ÎlyÓh bbytu znh zy twmwhy ktbn mntl byy wbmwty, « Et, de plus, tu as le droit à cette maison dont les limites sont écrites ci-dessus, pendant ma vie et à ma mort » (B3.11 11). Cette dernière formule est inhabituelle, qui trouve généralement sa place dans un acte testamentaire en une phrase identique. Elle s’inscrit dans ce cadre afin que cette décision ne puisse 236
H. Z. Szubin et B. Porten, « A Dowry Addendum (Kraeling 10) », p. 234. H. Z. Szubin et B. Porten, Ibid., p. 237. 238 H.L. Ginsberg, « The Brooklyn Museum Aramaic Papyri », JAOS 74, 1954, pp. 153-162, spéc. p. 158, a constaté, le premier, que l’objet de cette donation est le même que celui de l’usufruit, puis de la donation successorale. 239 H. Z. Szubin et B. Porten, « A Dowry Addendum (Kraeling 10) », pp. 231-238 ; B. Porten, CS III, p. 191, n. 12. 237
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être contestée lors de sa disparition (B2.3 3). La dernière modalité de transmission, inscrite entre la stipulation de pénalité et celle de validité du document, réaffirme : wunty um ÎlyÓh bbytu znh zy twmwhy ktbn bspru znh, « Et, de plus, tu as droit à cette maison dont les limites sont écrites dans ce document » (B3.11 14-15). Le principe de répétition du verbe ÎlyÓ, « avoir droit », permet de fixer méthodiquement de nouvelles précisions dans ces modalités. Aucune affirmation de retrait n’est intégrée à ce document. Enfin, en désignant les héritiers de ces biens, ces contrats affirment l’inaliénabilité du patrimoine transmis. tAnanyah, qui pour la durée de l’union de sa fille accorde un droit d’usage à son gendre sur la partie de maison appartenant dorénavant à sa fille, limite la transmission aux héritiers de JehôyîÎmat, considérant ce bien comme une demeure familiale, tout comme Maḥseyah avec sa fille MipÓaḥyah. tAnanyah réserve les droits sur la quote-part de sa fille quelque six mois avant de vendre la part restante de la maison afin de la protéger. Ces stipulations éclairent les motifs de l’acte, et ses formulations sont modifiées dans chaque document. L’expression : « j’y ai renoncé » confirme que le donateur a renoncé à ses droits sur la chose donnée. La multiplication240 et la différentiation de chaque clause trouvent leur source dans la liberté de cette forme de composition dont bénéficient les scribes d’nléphantine241. La particularité des actes de donation s’exprime par la remise de la chose offerte sans aucune contrepartie. Le donateur remet le bien donné, se dessaisit de ses droits en faveur de la donataire, et accepte celle-ci comme seule propriétaire du bien transmis. Par l’affirmation de sa renonciation, il confirme l’abandon de son droit de propriétaire. Cette sorte d’opération trouve des parallèles dans les actes démotiques. Ainsi notamment, d’une donation de parts sur des parties de maisons d’un père à son fils, le P. Hawara 4242, datée du premier mois de la saison peret en l’an 13 du pharaon Ptolémée, soit le 4 mars-avril 292 avant n. è. Après une présentation de la date et des parties, le prêtre embaumeur Ankhmerour, fils de Padinaneterou, déclare à son fils, Padiousir, également prêtre embaumeur : pȝy=y Îr tỉ=y n=k pȝ 2/3 (n) tȝy=y tnỉ.t (n) nȝy=y ʽ.wy.w nt qt ỉw=w grg (n) sy sbȝ, « Mon fils, je t’ai donné les deux tiers (de) ma part 240
B. Porten, « Elephantine Aramaic Contracts and the Priestly Literature », pp. 260- 261. 241 Certains actes démotiques des VII-VIe siècles comportent également ces clauses principales et annexes : le P. Turin 246 de Thèbes, et daté de 634, de vente de terrain, et le P. Louvre E. 3168 de Thèbes, et daté de 674, de vente de fil à tisser… 242 G.R. Hughes et R. Jasnow avec la contribution de J.G. Keenan, Oriental Institute Hawara Papyri Demotic and Greek Texts from an Egyptian Family Archive in the Fayoum, pp. 23 sqq.
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de mes, mais[ons] qui sont construites (et) comportent poutres et porte » (1). L’emploi de la stipulation : « je t’ai donné », suivie de la mention de la quotepart offerte, exprime le transfert du bien des actes démotiques. Cette modalité souligne la remise de la chose offerte sans contrepartie, et confirme que le donataire en devient le seul propriétaire. La formule de description (1)243 témoigne du bon état de la construction, qui se répète dans de nombreux actes, tant araméens que démotiques. Le P. Hawara 4 clarifie, en outre, le lieu où est sise la maison : « Mes parts de (?) cette maison qui est (dans) le temple de Sobek. » Assez explicite, il avise des mesures de la maison en question : « 21 coudées divines du sud au nord et 22 coudées (de) l’ouest (à) l’est », et complète sa donation par celle des deux tiers de sa maison « qui est dans la ville de Sobek, Hawara, qui mesure 18 coudées divines du sud au nord et 19 coudées divines (de) l’ouest (à) l’est », « et aussi les deux tiers des maisons qui sont à moi (?), et la moitié des maisons que j’acquerrai à compter d’aujourd’hui » (P. Hawara 4 2). L’absence de l’indication des limites est notable. Tandis que le Papyrus Rendell établi en faveur du frère du bénéficiaire les développe. La clause de contrôle confirme la transmission des droits de propriété et reconnaît le donataire comme seule propriétaire. Encadrant cette modalité de contrôle, la clause affirme : mtw=k st t pȝ hrw r-ḥry, « Elles sont à toi à compter de ce jour » (P. Hawara 4 3) ; sa répétition avec une information supplémentaire : mtw=k st ḥnʽ pȝy=w hp, « Elles sont à toi et le droit légal qui s’y rattache » (4) marque encore la transmission des parts portant sur ces biens. Deux ans plus tard, en l’an 15, au cours du troisième mois de la saison chemou, ou le 16 août-14 septembre 232 du pharaon Ptolémée III, le même personnage procède à une donation en faveur de son plus jeune fils. Il annonce : « Je t’ai donné la moitié de la maison, part de cette maison », emploie la même expression de description : « qui est construite, et comporte poutres et porte », et énonce : « qui mesure 25 coudées divines du sud au nord, tandis qu’elle mesure 17 coudées divines de l’ouest à l’est » (P. Rendell 2)244. 243
Le papyrus N° 17 de donation de maison retient cette formule : « comporte poutre et porte », F.L.I. Griffith, Catalogue of the Demotic Papyri in the John Rylands Library, with Fac-Similes and Complete Translations, t. III, traduction, commentaires et index, Manchester et Londres, Sherratt-Hughes, 1909. 244 G.R. Hughes et R. Jasnow avec la contribution de J.G. Keenan, Oriental Institute Hawara Papyri Demotic and Greek Texts from an Egyptian Family Archive in the Fayoum, P. Rendell. De Thèbes, le P. Philadelphie I dévoile une donation effectuée le 10 mars 317 avant n. è., concernant une demi-maison dont l’autre moitié appartient à la sœur de la donataire. Le contrat précise : « Elle est construite et possède un toit », ajoutant le lieu où elle se situe, au sud-est du district de Jeme. Les limites sont
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Cette convention complète la part de maison : « (avec la moitié) du chemin/passage qui en est à l’est (?), qui mesure 21 coudées divines du sud au nord, tandis qu’il mesure 2 coudées divines (de) l’ouest (à) l’est, avec la moitié de la cour qui est à son nord-est, qui mesure 9 coudées divines du sud au nord, tandis qu’il mesure 8 coudées divines de l’ouest (à) l’est, avec la moitié du banc qui est à leur ouest, sur leur partie sud, dessous et dessus qui sont à Hawara dans le district d’Arsinoé » (P. Rendell 2-4). Et, Ankhmerour rappelle qu’il en possède la moitié au nord (P. Rendell 4). La mère intervient à l’acte et donne son accord explicite en employant la formule : « mon cœur est satisfait » (P. Rendell 2. 11-12). La formule est réitérée par un autre membre de la famille, peut-être la tante ou un autre membre du clan (11-12), afin que nul ne conteste cette transmission et ne vienne la réclamer. L’expression : « mon cœur est satisfait » est habituellement employée après paiement d’une opération, qui indique subtilement et symboliquement l’accord des membres de la famille ne bénéficiant pas de ces donations sur lesquelles ils ne peuvent pas revenir, et paraît le témoin d’une précaution, d’une prévoyance et d’une méfiance à propos de contestations toujours possibles. Seize témoins sont présents à l’acte y apportant l’ultime garantie formelle, et rendant, peut-être, incontestable le contenu de la donation.
Les donations successorales Assurées parmi les actes araméens, elles limitent la transmission des droits intégraux de propriété jusqu’à la disparition du donateur. Dans les deux séries d’archives araméennes, les femmes en bénéficient, car les épouses n’héritent pas de leur mari et les filles sont parfois défavorisées. Ces opérations permettent d’équilibrer la répartition du patrimoine du vivant du précisées dans le détail, du sud au nord et d’ouest en est. La formule : « Je te l’ai donnée, c’est à toi, ta maison qui est construite et possède un toit, dont les limites sont mentionnées ci-dessus », rapporte ainsi la remise de la maison offerte par le père à sa fille et sa transmission. Les clauses de garantie, à commencer par la renonciation à réclamation, introduisent la liste de toutes les personnes susceptibles de venir réclamer le bien et incluent le donateur. La modalité ne précise pas à nouveau de quel objet il s’agit. Puis, une garantie personnelle est ajoutée par le donateur, lequel s’engage par une formule d’éloignement et de libération. L’expression : « celui qui viendra contre toi à son sujet » exprime de manière sous-jacente l’engagement et la garantie apportée par le donateur contre les tiers. Garantie supplémentaire, l’affirmation rappelle : « À toi sont ses anciens titres et ses nouveaux titres en tout lieu où ils se trouvent, tout écrit qui a été fait pour moi le concernant, ils sont à toi de même avec leur droit », M. El-Amir, A Family Archive from Thebes, Demotic Papyri in the Philadelphia and Cairo Museums from the Ptolemaic Period, N° I.
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donateur. Deux donations successorales sont attestées, l’une offerte à sa fille par Maseyah et la seconde portant sur une partie de maison, offerte également à sa fille par ʽAnanyah. Maseyah offre à MipÓD\DK une maison délabrée sur une parcelle de terrain lui appartenant et située parmi des propriétés de voisins bien établis (B2.3). La provenance de ce bien figure dans la stipulation de transmission des contrats antérieurs. Le contrat ne précise pas le motif de cette donation, qui apparaît d’évidence. En effet, Maḥseyah offre cette maison à sa fille dans la corbeille de mariage sous la forme d’une donation en nue-propriété, afin d’y vivre quotidiennement après avoir effectué les travaux de réparation, et qui dresse un tableau d’une maison à l’état de ruines (B2. 3). Le 1er décembre 459 avant n. è., correspondant au 21 kislev, ou 21 de mesore en l’an 6 du roi Artaxerxès, Maḥseyah transmet ce bien sous forme d’une donation successorale avec possession, titre et jouissance immédiate. La convention mentionne la donation d’une : « maison, terre à moi » (B2.3 3), et précise ses mesures (B2.3 3-5). Cette parcelle bénéficie d’un portail/porte comme mentionné dans le contrat B2.1, transféré à Konayah, fils de Zadak, afin qu’il puisse y construire un mur (B2.1 3-4). Pour autant, ce voisin reconnaît que ce mur est celui de Maḥseyah, « qui sera contigu au côté de la maison de Konayah, du sol au toit et du coin de ma maison au-dessus de la maison de Zecharyah » (B2.1 4-5)245. Cet acte de propriété livre ainsi qu’à l’habitude les noms des voisins et la situation de leur maison selon les points cardinaux et rappelle qu’au nord se trouve celle de Dargamana, dont un mur est mitoyen avec celle de Maḥseyah (B2.3 5-8), au sud la maison de Konayah, à l’est celle de Jezzan/Jezanyah, fils d’Uryah, époux de MipÓaḥyah, et celle de Zecharyah, fils de Nathan, à l’ouest Espmet, fils du batelier PefÓuauneit. Les limites ne sont guère systématiquement présentées dans le même ordre et chaque scribe conserve ses usages stylistiques où le terme suivant dénomme le nord : tlyh, « extrémité haute/au-dessus », et où : tḥtyh/ʼ, « extrémité basse/au-dessous » désigne le sud246. Lorsque l’un des voisins est d’importance, il occupe le premier rang, 245
B. Porten, CS III, p. 142, n. 9. Divers auteurs ont apporté leurs interprétations. Ainsi, A.H. Sayce et A.E. Cowley, dans Aramaic Papyri Discovered at Assuan, Londres, Moring, 1906, p. 36, considèrent que tlyh renvoie à : « l’extrémité sud », et tḥtyh à : « l’extrémité nord ». Selon E.G. Kraeling, The Brooklyn Museum Aramaic Papyri, p. 81, le terme « audessus » se rapporte au nord, et le terme « au-dessous » au sud. B. Couroyer, dans « Le temple de Yahô et l’orientation dans les papyri araméens d’Éléphantine », RB 68, 1961, pp. 525-540 et « Le temple de Yahô et l’orientation dans les papyrus d’Éléphantine », RB 75, 1968, pp. 80-85, rappelle que les points cardinaux en Égypte sont cités dans un ordre inaugurant le sud suivi par le nord. B. Porten, « Boundary Descriptions in the Bible and in Conveyances from Egypt and the Judaen Desert », 246
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quelle que soit la situation de sa maison, lorsqu’il est partie au contrat (B2.2). Aucun autre aspect de la maison offerte à MipÓaḥyah, à l’occasion de son union, n’est décrit. Ni cour, escalier, fenêtres, ou poutres ne sont évoqués dans l’acte, tandis qu’une cour fait partie de la masure acquise par tAnanyah. Elle sera citée dans plusieurs actes ultérieurs s’y rapportant. Deux modalités de transfert et trois de transmission sont attestées dans la donation à MipÓayah dont la formule : byy wbmwty, « de mon vivant et à ma mort » permet de définir la spécificité de la donation successorale. La première affirme clairement : unh yhbt lky byy wbmwty, « Je t’ai donné de mon vivant et à ma mort » (B2.3 3), et la seconde apporte un complément d’information : bytu znk urq unh yhbth lky byy wbmwty, « Cette maison, terrain, je te l’ai donnée de mon vivant et à ma mort » (B2.3 8). Préoccupé par la nécessité de conserver le bien dans le patrimoine familial, Maḥseyah précise les droits d’aliénation accordés. Aussi, la première modalité de transmission autorise-t-elle : unty ÎlyÓh bh mn ywmu znh wtd tlm wbnyky uryky lmn zy rmty tntnn lu uyty ly br wbrh urnn u wuh wunth wuyÎ urn ÎlyÓ burqu zk lhn unty wbnyky td tlm, « Tu y as droit de ce jour et pour toujours ainsi que tes enfants après toi. À celui que tu voudras, tu (la) donneras. Je n’ai pas d’autres fils ou fille, frère ou sœur, ou femme ou personne d’autre, qui ait droit sur ce terrain, sinon toi et tes enfants pour toujours » (B2.3 9-11). L’emploi des formules : « tu y as droit de ce jour et pour toujours » et : « de mon vivant et à ma mort », souligne l’effet immédiat de la donation. MipÓayah se voit, en cette occurrence, investie de droits de propriété du vivant du donateur247, cependant limités à leur nue-propriété en raison de l’usufruit dont son mari jouit sur le même bien. Ses droits sont à nouveau affirmés dans la seconde clause de transmission : urqu zk zylyky bny whby lmn zy rmty, « Ce terrain qui t’appartient : bâtis (le) et donne (le) à celui que tu aimes » (B2.3 19). La troisième, enfin, rappelle : wbytu bytky upm, « Et la maison est ta maison de même » (B2.3 22). Après avoir donné une partie de sa maison en usufruit à sa fille, JehôyîÎmat, tAnanyah transforme cet acte en donation successorale (B3.10), le 25 novembre 404, soit 16 ans après. Le contrat spécifie la première raison de sa décision par trois fois : brmn, « par amour » (B3.10 5. 12). L’objet de la donation à JehôyîÎmat est dépeint avec plus de précisions que le document dans L.H. Schifman éd., The Dead Sea Scrolls, Fifty Years after Their Discovery 1947-1997, Jérusalem, IES et Israel Museum, 2000, pp. 852-861, redit que l’expression : « au-dessus », correspondant au nord, est admise par C. von Pilgrim, dans « Textzeugnis und archäologisches Befund : Zur Topographie Elephantines in der 27. Dynastie », pp. 485-497. 247 H.Z. Szubin et B. Porten, « Testamentary Succession at Elephantine », BASOR 252, 1983, pp. 35-46, spéc. p. 39.
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évoqué précédemment. Deux stipulations sont mentionnées. La première rapporte : qÑt mn byty, « Part de ma maison » (B3.10 3). La seconde précise : dryrsy hw mwth ÎmÎ mn try rbtu zyly wplg trbÑu hw plg ttyt mÑryt wplg drgu wtt mnh byt prsu hw, « C’est la pièce au sud à l’est de ma grande salle, et la moitié de la cour, c’est-à-dire la moitié du porche (en) égyptien, et la moitié de l’escalier en dessous duquel est le peras 248 » (B3.10 3-4). Les mesures sont mentionnées immédiatement après, et la phrase les introduisant : « Voici les mesures de la maison que j’ai donnée à JehôyîÎmat, ma fille, par amour » (B3.10 5), se voit répétée une seconde fois avec une omission, l’expression du motif, et un ajout, le nom d’tAnanyah. Quatre modalités de transfert et trois de transmission sont assurées dans l’acte dressé pour JehôyîÎmat (B3.10). La première rappelle : « J’ai pensé à toi de mon vivant et t’ai donné » (B3.10 2-3) ; la seconde est simplifiée : « Je te l’ai donnée » (B3.10 3) ; la troisième, plus étoffée, affirme : « Cette maison dont les mesures et limites sont inscrites dans ce document, moi, tAnanayh, fils d’Azaryah, je te l’ai donnée par amour » (B3.10 11-12) ; la quatrième, et ultime, en précise de nombreux aspects et en décrit le second motif et la justification : « Cette maison dont les limites et les mesures sont inscrites et ces mots sont inscrits dans ce document, moi, tAnanyah, je l’ai donnée à JehôyîÎmat, ma fille, à ma mort, par amour. Comme elle m’a soutenu alors que j’étais âgé, …, aussi je (la) lui ai donnée à ma mort » (B3.10 1518)249. Pas moins de huit répétitions du terme : yhb, « donner », renferment des compléments d’information plus exhaustives. La première modalité de transmission affirme : zylk hy unty ÎlyÓh, « C’est à toi : tu y as droit » (B3.10 11). La seconde mentionne le contenu des droits accordés par le donateur à l’occasion de la transformation de l’usufruit en donation successorale. Le texte en transmet la liste : up ÎlyÓu unty btyt hw trbÑu ÎlyÓu lmsmk dh wmrÎh bplgu dylk up ÎlyÓuunt lmnpq btrt zy tyt hw trbÑu up ÎlyÓu unty bglg drgu lmslq wmnt, « De plus, tu as droit au ®yt, c’est-à-dire la cour, le droit de consolider (ce qui) est détérioré et sa poutre dans ta moitié. De plus, tu as droit de sortir par la porte du porche du ®yt, c’est-à-dire la cour. De plus, tu as droit à la moitié de l’escalier, monter et descendre » (B3.10 1315). Cette formule rappelle et reprend le contenu de l’autorisation faite dans le contrat d’usufruit qui l’autorisait à monter, descendre et sortir (B3.7 248
À Syène, dans la maison R12, des commodités installées sous un escalier ont été mises au jour. Aussi, est-il loisible de penser que ce même espace était dédié à la même fonction dans cette maison, de même qu’un espace de stockage devait prendre place également sous l’escalier. 249 Cette question est développée dans le chapitre IV traitant du devoir filial, dans H. Nutkowicz, Destins de femme à nléphantine, pp. 163 sqq.
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13-14), et trouve son parallèle dans les contrats démotiques avec l’expression : rj ®rj, « monter descendre ». Le P. Hawara 5250 révèle ces
droits parallèles : « Tu peux monter et descendre (du) toit (?) par l’escalier de la maison ci-dessus mentionnée et tu peux entrer et sortir (de) la salle de devant (par) l’entrée principale de [la] maison [ci-dessus men]tionnée et son chemin de la maison(?) qui va du sud vers la rue et (tu) peux faire toute modification sur elle avec [tes] (ou-)vriers et tes matériaux en proportion de ta part d’un 1/18e, de ce jour à compter de ce jour pour toujours » (6-7). La nouvelle propriétaire du P. Hawara 5 se voit accorder le droit d’apporter des améliorations à la maison dont elle vient d’acquérir un dix-huitième, tandis que JehôyîÎmat, dans la donation successorale offerte par son père, peut : lmsmk dh, « consolider ce qui est détérioré » (B3.10 14). La première se voit autorisée à : rj ®rj, « monter et descendre » par l’escalier (6) ; de même, la seconde peut : lmslq wmnt, « monter et descendre » (B3.15). Enfin, toutes deux sont dotées de la même concession leur permettant de sortir par le portail d’entrée251. La troisième modalité s’adjoint une clause d’inaliénabilité : « Et toi, JehôyîÎmat, de même tu y as droit et tes enfants y ont droit après toi et tu peux (la) donner à celui que tu aimes » (B3.10 20-21). L’emploi du terme : rmty, « tu aimes », renferme la donation dans l’espace privé et est symétrique à l’un des motifs de la donation : brmn, « par amour » (B3.10 5. 12. 17). Cette donation ne transmet pas la totalité des droits de propriété à la donataire, qui prend effet à la disparition de son père. De plus, le droit de disposition se voit limité pour le futur, puisque la transmission doit se matérialiser dans le cercle familial. Les précautions formelles, rapportées avec des variations, impriment avec d’autant plus de force les droits et les obligations transmis, lesquels ne peuvent laisser aucun doute, s’imposant aux tiers et aux parties aux contrats. Elles sont témoin de l’évolution des droits transmis sur les biens décrits, exprimant la volonté des donateurs d’imposer certaines limites liées à des questions de confiance et afin que les biens demeurent dans le patrimoine familial.
250
G.R. Hughes et R. Jasnow avec la contribution de J.G. Keenan, Oriental Institute Hawara Papyri Demotic and Greek Texts from an Egyptian Family Archive in the Fayoum. 251 Le P. Rendell accorde également au donataire les droits suivants : « Tu peux monter et descendre … et tu peux entrer et sortir de la salle de devant par la porte principale et les portes de sortie de ces endroits, et tu peux effectuer toutes modifications sur elles avec tes ouvriers et tes matériaux de ce jour pour toujours » (10), G.R. Hughes et R. Jasnow avec la contribution de J.G. Keenan, Ibid.
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Les opérations exceptionnelles D’autres opérations sont également connues entre voisins. Auparavant, Maḥseyah, comme évoqué plus haut, avait été approché par l’un de ses voisins afin de lui accorder l’autorisation de construire un mur et lui transmettre le portail/la porte pour ce faire (B2.1). Konayah, Araméen de Syène, également du détachement de Varyazata, s’adresse donc à lui et confirme : ʼnh ʼtyt tlyk wyhbt ly trt bytʼ zylk lbmnh ʼgr 1 tmh, « Je suis venu vers toi et tu m’as donné le portail de ta maison afin d’y construire un mur là » (B2.1 3-4). Il reconnaît que le mur appartient à Maḥseyah (B2.1 4-5). L’accord, daté du 18 elul ou 28 pachons, en l’an 15 du roi Artaxerxès, le 12 septembre 471 avant n. è., stipule que Konayah garantit à Maḥseyah le droit de construire sur ce mur : « Demain ou un autre jour, je ne pourrai pas t’empêcher de construire sur ce mur qui t’appartient » (B2.1 6). En dépit de son évidence, cette modalité semble logique qui constitue une forme de sécurité. Une pénalité de cinq karshen est prévue en cas de non-respect de cette clause (B2.1 7). La convention ajoute qu’aucun membre de sa famille, fils ou fille, frère ou sœur, proche ou lointain, membre du détachement, ou de la ville ne pourra restreindre Maḥsah, ou l’un de ses fils, de construire sur ce mur (B2.1 8-10).
L’usufruit Seules deux conventions d’usufruit d’nléphantine sont parvenues jusqu’à nous : l’une, des archives de MipÓaḥyah, l’autre, de celles d’ʽAnanyah ; l’une, en faveur de son mari (B2.4), l’autre, de sa fille (B3.7). Elles sont établies à l’occasion de l’union des deux jeunes femmes. Leur père offre un bien immobilier à chacune, en fonction de ses moyens et de ses choix. Le père de MipÓD\DK, Maseyah, après avoir accordé à sa fille la donation testamentaire d’une maison, en octroie l’usufruit à son gendre, afin de l’astreindre à y procéder à des travaux et l’entretenir, évitant ainsi à sa fille ces lourdes obligations, en contrepartie de son droit d’usufruit. tAnanyah, procède autrement, qui l’offre à sa fille sur une partie de la seule maison qu’il possède. Par cet acte juridique, le gendre de Maseyah et la fille d’‘Ananyah se voient conférer un droit d’usufruit, alors que le droit de disposition est conservé par les donateurs. Le droit d’usage est aussi parfois connu par quelques stipulations mentionnées dans des contrats dont l’objet principal diffère, en particulier les contrats de mariage, qui transmettent ce droit. Ainsi, la mise à disposition d’une maison en faveur de l’épouse du contractant en dépit de leur séparation est prévue tant dans les contrats araméens (B3.8 3031), que démotiques. Ce démembrement du droit de propriété inscrit des droits limités aux parties.
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La maison à l’état de ruines qui a déjà fait l’objet de deux accords, dont l’un plus houleux que l’autre avec des voisins, est transmise à MipÓaḥyah et, le même jour, Maḥseyah en donne à son gendre Jedanyah, fils d’Uryah, l’usufruit sous condition (B2.4). S’adressant à celui-ci, après avoir décrit le lieu où elle se situe : « à l’ouest de ta maison », et inscrit une partie de ses dimensions, déjà connues par la convention B2.3 3, il impose ses exigences la concernant : ktn ʼnh mḥsyh ʼmrt lk ʼrqʼ zk bny wttd/r bhmyth wtb bgw ʽm ʼnttk, « Maintenant, moi, Maḥseyah, je te dis : cette terre construis-la et améliore-la (prépare-la pour en faire ta maison), et installe-toi là avec ta femme » (B2.4 5-6). En contrepartie, Jedanyah a droit à la moitié de la maison en échange : « Des (amélioration)s que tu as construites dans cette maison » (B2.4 11-12). Des conditions se greffent à cette exigence : « Mais cette maison, tu n’as pas le droit de la vendre ou de (la) donner par affection à d’autres, mais ce sont tes enfants avec MipÓaḥyah, ma fille, (qui) y ont droit après vous (deux) » (B2.4 6-7). Cette convention d’usufruit prévoit précisément le futur de leur habitation qui, en dépit des petits arrangements, devra demeurer dans le patrimoine familial et être transmise aux enfants du couple. MipÓaḥyah se voit interdire de réclamer la part de son mari (B2.4 6-7). Et l’engagement de Maḥseyah, s’il n’est pas respecté, lui coûtera dix karshen de pénalité. Pendant son union, MipÓayah bénéficie de droits de propriété sur la maison et ses droits de transmission sont limités à ses enfants ; Jezanyah jouit d’une donation de « droits de construction »252. Dans le même temps, cette masure devenue habitable reste dans l’ensemble des propriétés de la famille qui se doivent d’être transmises de génération en génération. Cette parcelle est entourée de voisins qui ont eux-mêmes hérité de leur père. Maḥseyah prévoit que la ruine en question est destinée à sa fille. Aussi, l’offre-t-il douze ans après son acquisition et sous condition. De la sorte, les mêmes familles continuent de vivre dans les mêmes maisons probablement aussi longtemps qu’elles perdurent, et quelle que soit leur origine. L’usufruit offert à JehôyîÎma prend effet à la date indiquée sur le document. Il rappelle l’usufruit, dont bénéficie son frère, Peletyah/Pilti (B3.7 11-12), mais se rapporte essentiellement au droit transmis à la jeune fille d’utiliser la partie de la maison décrite dans le document. Peletyah/Pilti s’est probablement trouvé en possession d’un acte identique (B3.7). tAnanyah inscrit l’équilibre entre ses deux enfants dans la mesure où il a d’ores et déjà concédé à son fils un droit d’usufruit. Le motif de cet acte, précisé dans le cours du contrat, est identique à celui attesté dans la donation entre vifs faite
252
H.Z. Szubin et B. Porten, « A Life Estate of Usufruct : A New Interpretation of Kraeling 6 », BASOR 269, 1988, pp. 29-45, spéc. p. 41.
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à Tamet (B3.5 4. 12) : brmh, « par affection » (B3.7 14), et non brmn : « par amour », terme plus usuel (B3.11 9 ; D2.21 4). Clauses de transfert et de transmission sont multipliées à l’envi, qui agrémentent les actes et clarifient les données. Reprise par quatre fois dans le contrat préparé par ‘Ananyah, la clause de transfert se transforme. La première énonce la donnée essentielle : unh tnny y[hb]t lky by, « Moi, ‘Ananayh, je t’ai d[onn]é une maison » (B3.7 3). La deuxième la rappelle : [unh yhbth lk]y, « [Je te l’ai donn]ée » (B3.7 8). La troisième complète les deux premières en ce qu’elle précise l’objet mis à disposition en usufruit : unh tnny [yh]bt lky bytu znh wplg tyt wplg drg[u , « Moi, ‘Ananyah, je t’ai [don]né cette maiso[n] et la moitié de la cour et la moitié de l’esca[lier] (B3.7 12-13). La dernière stipulation en exprime le motif : unh tnny yhbt lk btyu ulh brmh, « Moi, ‘Ananyah, je t’ai donné ces maisons par affection » (B3.7 14). L’expression plurielle de « maisons » évoque, dans ce cas particulier, une pièce, la moitié de la cour et l’escalier253. Une première disposition de transmission illustre la formule « avoir droit », conséquence des clauses de transfert et en spécifie le contenu : unt yhwyÎmt brty ÎlyÓ bbytu znh, « Toi JehôyîÎmat, ma fille, tu as droit à [cette] maiso[n » (B3.7 9), « dont] les limites sont écrites dans [ce] document, dessous et d[es]sus. Et t[u] as le droit [de] monter et descendre par c[et] escalier [de] ma [m]aison. Et, [cette] cour [qui est] ent[t]re eux, le bas et cel[ui au-]dessus, entre Peletiah, mon fils, et [Jehôyî]Îmat, ma fille, [la moitié] pour Pelet[ia]h et la moitié pour [Je]h[ôyîÎmat…» (B3.7 8-12). L’expression : mn tt wmn t]l, « de dessous et de d[es]sus » (B3.7 9)254, se rapporte au droit d’usage sur le toit-terrasse et le sol, qui est également mentionnée dans divers contrats démotiques (P. Hawara 5, 7, 9 ; P. Rendell), sous la forme : ®rj rj, « dessous et dessus »255. La seconde modalité de transmission précise et confirme un droit supplémentaire : « [Et] tu [as] le [droit] de monter au-dessus et de descendre et de sortir dehors » (B3.7 13-14). Certains actes démotiques partagent des formules proches : « Tu peux monter et descendre – rj ®rj – (du) toit par l’escalier des dits endroit et tu peux entrer et sortir de la cour (par)
253
H.Z. Szubin et B. Porten, Ibid., p. 37. Cette expression est attestée dans le contrat de vente de leur maison par tAnanyah et Tamet (B3.12 6-8). 255 G.R. Hughes et R. Jasnow avec la contribution de J.G. Keenan, Oriental Institute Hawara Papyri Demotic and Greek Texts from an Egyptian Family Archive in the Fayoum. H.Z. Szubin et B. Porten, « A Life Estate of Usufruct: A New Interpretation of Kraeling 6 », p. 41. Cette formule figure également dans le P. Rylands 17, F.L.I. Griffith, Catalogue of the Demotic Papyri in the John Rylands Library, with FacSimiles and Complete Translations. 254
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la porte principale et les portes de sortie des dits endroits » (P. Rendell 10)256. L’ensemble des droits transmis par l’usufruit est dépeint avec le plus de détails possibles afin d’éviter toute contestation, non pas entre la fille et le père, mais peut-être entre le frère et la sœur. L’absence de la formule : wbnyk uryk, « et tes fils après toi », permet de définir l’acte qui n’est pas une donation et énonce l’extinction des droits à la disparition de JehôyîÎmat. tAnanyah n’accorde pas à sa fille le droit de transfert et d’aliénation, il lui concède un droit d’usage réduit à son strict minimum. La répétition, selon le modèle des scribes d’nléphantine, des verbes yhb, « donner », dans les clauses de transfert, et ÎlyÓ , « avoir droit », dans celles de transmission, introduit la description du bien transmis et son droit d’usage. Les droits dont Pilti est le bénéficiaire, et qui se rapportent à la moitié de la cour partagée entre eux et à l’escalier distribué entre tAnanyah, sa fille et son fils, sont rappelés opportunément afin de ne pas provoquer de querelle ou créer un sentiment d’injustice entre frère et soeur257. Ces dispositions divergent dans le contrat d’usufruit dressé à l’attention de Jezanyah par son beau-père pour sa durée de vie également. Le principe de transmission dans un cercle familial limité y est clairement inscrit, qui interdit clairement à ce dernier de vendre la maison ou de la donner : lhn bytu znk lu ÎO\Óunt lzbnh wlmntn rmt lurnn lhn bnyk mn mbÓyh brty hmw ÎO\Ón bh urykm hn, « Mais cette maison tu n’as pas le droit de la vendre ou de la donner affectueusement à d’autres, mais ce sont tes enfants de MipÓayah, ma fille, qui y auront droit après vous » (B2.4 6-8). L’introduction de cette stipulation par lhn, « mais », renforce encore la restriction258. La seconde modalité de transmission suit la clause du divorce possible et rappelle le travail de restauration de la maison par Jezanyah : lhn bnyk mn mbÓyh hmw ÎO\Ón bh lp tbydtu zy unt tbdt, « Mais ce sont tes enfants de MipÓD\DK (qui) y ont droit en échange du travail que tu as fourni » (B2.4 9-10). Une autre stipulation évoque la possibilité pour MipÓayah de divorcer de Jezanyah, et ses conséquences : hn thnÑl mnk plg bytu >y@K>Z@h lh lmlq wplgu uUQuunt ÎO\Ó bh lp bnwyu zy unt bnyt bbytu zk wtwb plgu hw bnyk mn mbÓyh hmw ÎO\Ón bh uryk hn, « Si elle te réclame la moitié de la maison >V@H>UD@ sienne, mais l’autre moitié tu y as droit en échange des améliorations que tu as construites
256
G.R. Hughes et R. Jasnow avec la contribution de J.G. Keenan, Oriental Institute Hawara Papyri Demotic and Greek Texts from an Egyptian Family Archive in the Fayoum. 257 H.Z. Szubin et B. Porten, « A Life Estate of Usufruct : A New Interpretation of Kraeling 6 », p. 41. 258 B. Porten, « Elephantine Aramaic Contracts and the Priestly Literature », pp. 265- 266.
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dans cette maison. Et de plus, cette moitié ce sont tes enfants de MipÓayah (qui) y ont droit après toi » (B2.4 10-13). La ligne de transmission décidée par Maseyah et la dévolution du bien sont clairement affirmées. Seuls les enfants de Jezanyah et MipÓayah en seront les héritiers. La répétition de l’inaliénabilité du bien enregistre l’obligation de transmission du patrimoine dans le cercle familial, prévoyant toutes les circonstances possibles. Ainsi, dès l’établissement de ce document, les droits des enfants du couple sur ce bien sont préservés. La différence de cette convention avec celle destinée à JehôyîÎmat s’inscrit dans l’impossibilité pour celle-ci de transmettre le bien puisqu’en cas de disparition, il reviendra à son père. Les dispositions de transfert de l’usufruit dont bénéficie JehôyîÎmat sont semblables à celles des donations entre vifs par l’emploi d’une même terminologie et un contenu parallèle : l’usage du verbe « donner » et des éclaircissements qui l’accompagnent ; de même, les formules légales de transfert : « je t’ai donné » et de transmission : « tu y as droit », qui cependant ne s’appliquent qu’à elle et sont limitées. L’usufruit dans les contrats araméens correspond à la détention d’un droit réel démembré, d’où sont absents les droits de disposition et de transmission. Il peut s’agrémenter d’une durée illimitée ou relative prévue dans l’acte qui le met en place. Le donateur est libre de définir les droits transmis et le droit de jouissance peut être soumis à une contrepartie. Une extrême liberté juridique l’entoure en l’absence de normes absolues et exigeantes. Pour autant, il permet la mise à disposition d’un bien immobilier comme espace personnel aux personnes souhaitées et le fait de limiter leurs droits n’influe pas sur cet avantage s’ouvrant progressivement sur des paliers de propriété qui peuvent s’avérer plus généreux.
Les partages Bien qu’absent du corpus d’nléphantine à ce jour, ce mode de transmission est connu par les actes démotiques. Témoignant ainsi d’un partage, le P. Turin 2125, daté de mai-juin 506 avant n. è., soit de l’an 16 du deuxième mois de la saison peret sous le pharaon Darius, découvre une transmission dont bénéficie Tsenḥor par la volonté de son frère, lequel lui offre une partie d’un bâtiment hérité de leur père avec deux autres héritiers. En effet, le choachyte de la vallée Nesamenhotep, fils de Padimin, agissant en qualité de fils aîné, assigne à Tsenḥor, héritière : dj(=j) n=t s.t wsḫ pȝ pr n NsM pȝ(j)=n ỉt, « Je t’ai donné un endroit large du bâtiment de Nesmin, notre père ». Le document, où figure le nom de Nesmin, variante de Padimin, mentionne ensuite les limites nord-sud, est, ouest, et précise : ỉw (tȝ) wsḫ(.t) ỉwṱ=n ʽn, « Alors que la salle large nous appartient en commun aussi » (3-4). Le frère de Tsenḥor complète le partage dont elle bénéficie : « Je t’ai donné le magasin qui se trouve dans la cour, alors que le magasin, qui se trouve à
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l’intérieur du magasin que je t’ai donné, appartient tout de même en commun à nous quatre » (4-5)259. Les quatre frères et sœur conservent l’usage commun de l’escalier, d’une salle large et d’un magasin. Au verso, seuls trois témoins sont présents. Aucune clause de garantie d’aucune sorte n’est ajoutée, ni transmission de contrats antérieurs, ou affirmation des droits de propriété, sans doute parce qu’ils ne sont pas considérés comme nécessaires. Les seules clauses fondamentales de cet acte se rapportent aux précisions concernant le contenu de la donation et celui de l’indivision qui perdure au moment où ce document est établi. De fait, cette formule juridique permet à certains membres de la famille de bénéficier personnellement d’une partie des biens familiaux, tandis que certaines autres parties des biens restent en indivision afin de fractionner le moins possible les propriétés patrimoniales et les conserver dans un même ensemble, dans la mesure où la division semble un appauvrissement à éviter le plus possible.
Les échanges À nléphantine, un échange de biens hérités s’effectue entre deux sœurs et une troisième femme (B5.1). Ce document comporte uniquement la date égyptienne : « Le deuxième jour du mois d’epiphi en l’an 27 du roi Darius » (1), ou 22 octobre 495. L’identité des parties est introduite par le verbe :umrt slwuh brt qnyh wytwmh uth lyhhuwr brt Îlwmn, « Ont dit Salluah fille de Kenayah et Jethoma, sa sœur, à Jehour, fille de Sheloman » (B5.1 12). L’expression : kl 2, « ensemble, 2 », qui signifie que les deux parties parlent d’une voix égale, est absente (B3.12 11). Aussi, n’est-il pas impossible que Salluah soit la partie principale260. Le texte fait apparaître Nehebet, peutêtre la sœur de Jehour, comme le suggère l’acte de répartition des « serviteurs » entre les deux fils de MipÓayah (B2.11), qui use de cette même expression à diverses reprises. En outre, la description des biens, leurs limites et leur origine ne figurent pas dans l’acte. L’objet de l’échange consiste en : plg mn[t]uzy yhbw lk dyny mlku wrwk rbylu lk plg mntu zy mÓtky tm nuhbt, « La moitié de la part que les juges du roi et Rauka le commandant de la garnison nous ont donnée en échange de la moitié de la part qui te revient avec Nehebet » (B5.1 2-4). Le texte reste muet sur la nature des parts échangées, aussi est-il probable qu’elles soient de 259
P.W. Pestman et S.P. Vleeming, Les Papyrus démotiques de Tsenḥor (P. Tsenḥor), Les archives privées d’une femme égyptienne du temps de Darius Ier, t. I, transcriptions hiéroglyphiques et paléographiques, Peeters, Louvain, 1994, N° 12. 260 Le nom de Jethoma signifiant : « l’orpheline », elle est peut-être née récemment et donc mineure, et sa sœur administre peut-être leurs biens, H.Z. Szubin et B. Porten, « Exchange of Inherited Property at Elephantine (Cowley 1) », JAOS 102/4, 1982, pp. 651-654.
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nature immobilière et proviennent de l’héritage des deux sœurs261. L’usage du terme mÓu, « venir/revenir », est probablement un terme juridique qui relie la propriété attribuée à un héritier comme sa part du patrimoine. Son équivalent est assuré en démotique par le terme p (Code d’Hermopolis IX 33). L’acte renferme un échange volontaire entre deux parties de la moitié de leur part respective provenant de leur héritage. Adoptant une forme simplifiée le transfert affirme : unn yhbn lky, « Nous t’avons donné » (B5.1 2), et de même pour la modalité de transmission : wmntky zylky twb, « Et ta part est de plus à toi » (7). La mention du verbe yhb, « donner », souligne qu’il n’y a pas eu d’action en justice. Les juges du roi et Rauka le commandant se contentent sans doute de conforter officiellement cette opération. En effet, le rôle de la cour consiste à attribuer les parts dans le cadre de l’homologation d’un testament, et qui peut avoir pour origine une demande ou un procès par d’autres héritiers, des frères et sœurs plus jeunes. Le Code d’Hermopolis (VIII 32-IX 4), en donne un parallèle, qui stipule comme principe général que si un homme meurt ab intestat son fils aîné bénéficie de l’intégralité de son héritage. Si les autres frères et sœurs intentent un procès, le tribunal assigne les parts selon des préséances prévues. Le terme employé est alors : dj, « donner »262. Un acte de la Période Ptolémaïque (15 avril 175 avant n. è.) illustre un échange de biens immobiliers. Les deux frères du P. British Museum 10589 ont ainsi transmis une maison à une dame nommée Ewe en échange de terrains incultes. Le quartier dans lequel elle est située se trouve dans le district sudouest du village de P-ḫir à AsyuÓ, et de même les limites de la maison sont précisées du sud au nord et d’est en ouest. La clause de transfert de cet acte démotique affirme : « Nous t’avons donné la maison ci-dessus mentionnée et tout ce qui lui appartient en échange des terrains incultes, dont les fondations sont posées, qui sont dans le district nord de P-ḫjt à Assouan » (P. British Museum 10589). Elle peut être réitérée afin de clarifier l’opération d’échange : Quatre raisons expliquent que mntu se réfère à un bien immobilier. Il semble tout d’abord difficile de diviser un bien mobilier, l’échanger et le protéger par une clause de pénalité jusqu’à la génération suivante. Ensuite, les documents concernant des biens mobiliers sont signés par quatre témoins alors que ce document l’est par huit, à l’exception des documents de vente B3.4 et B3.12, et de la donation B3.5. Le terme mntu est également attesté dans le Talmud comme bien immobilier dans un contexte de vente et désigne une part provenant d’un héritage. Enfin, dans le Demotic Legal Code of Hermopolis West (VIII 30-IX 26), le terme dnj.t se rapporte à une part d’héritier qu’il s’agisse de bien mobiliers ou immobiliers, H.Z. Szubin et B. Porten, Ibid., pp. 651-654. 262 The Demotic Legal Code of Hermopolis West, éd. G. Mattha, préface, notes additionnelles et glossaire, G.R. Hughes, Le Caire, IFAO 45, 1975. 261
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« Nous acceptons, tous deux, de te donner la maison ci-dessus mentionnée avec tout ce qui lui appartient en échange de tes terrains incultes dont les fondations sont posées déjà, que tu nous as donnés »263. La convention rappelle qu’Ewe a d’ores et déjà écrit et transmis un acte aux deux frères et s’oblige à ne pas faire obstacle à cette opération.
Les locations Bien que les archives araméennes n’en aient pas livré, des documents démotiques attestent de cette pratique, qui existait probablement à nléphantine. Le contrat P. Philadelphie XII témoigne d’une opération de location passée entre deux sœurs, le premier du 27 juin 277 avant n. è. Il révèle la formule du bail : « je t’ai loué », puis spécifie le quartier où la maison est située et, ainsi qu’à l’habitude, définit l’identité des voisins. Le bail est prévu pour une durée limitée et précisée dans le détail : « Et j’occuperai la maison … de l’an 9, le premier jour de pachons, jusqu’à l’an 10, le dernier jour de pharmouti, c’est-à-dire douze mois et 1/6, c’est-à-dire une année, douze mois et 1/6 à nouveau…, et le bois…, et la porte … Je ne pourrai pas dire : cette location doit être renouvelée pour une année… Je quitterai la maison ci-dessus mentionnée en ta présence… ». Le montant de la location n’est pas indiqué, il fait partie des accords oraux entre les deux sœurs. Pour autant, cette sorte d’acte semble rester rare, eu égard au nombre de cessions et de donations de maisons.
Les donations de terrains à bâtir Seuls des contrats démotiques de cette sorte sont parvenus jusqu’à nous. Découvrant une donation successorale de terrains à bâtir le P. Rendell complète la transmission de certains de ses biens par un prêtre embaumeur à son second fils, qui consiste en : « La moitié de terrains à bâtir qui sont parmi eux, qui mesurent 20 coudées royales du sud au nord, tandis qu’ils mesurent 36 coudées royales de l’ouest (à) l’est qui sont à Hawara ». Les limites sont ensuite précisées (5). Puis, l’acte récapitule l’ensemble des donations et, ainsi qu’à l’habitude, apporte une précision complémentaire, à savoir que cette moitié de terrains à bâtir fait partie de l’ensemble que constituent la maison et ses annexes (7). Une clause de retrait apporte la garantie nécessaire (9). Le P. Turin 2123 rapporte la donation de la moitié d’un terrain à son épouse Tsenḥor par le choachyte Psenèse. S’adressant à celle-ci dans et par un contrat, il rappelle dans les différentes clauses du document le contenu de la donation : « Je t’ai donné la moitié de ce terrain » (2.4), destiné à une 263
A.F. Shore et H.S. Smith, « Two Unpublished Demotic Documents from the AsyuÓ Archive », JEA 45, 1956, pp. 53-60.
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construction avec son mari et non pas à l’exploitation agricole. Parmi les modèles de contrat de donation de terrains à bâtir se découvre également le P. Hauswaldt 13 (P. Berlin 11335) de 243-222, provenant des archives d’un personnage du nom de Pabous264. Le document souligne la relation familiale entre les parties, et le père, du nom de Pareou, fils de Pataouiet de Tashertmejit, gardien de troupeau, serviteur d’Horus à Edfou s’adresse à sa fille, Tareou : tȝ j=j Îr.t, « ma fille ». La donation faite par Pareou à sa fille, précise « ma parcelle vide à bâtir265, qui mesure 30 coudées divines et est située « dans le champ (nommé) la haute terre Pȝj-wrm, dans la région266 sud du nome d’Edfou » (P. Hauswaldt 13 1-2). Dans ces actes, la donation sous toutes ses formes s’exprime par une simple formule de transmission sans contrepartie : « je t’ai donné », qui est partagée tant par les actes araméens que démotiques, et s’inscrit dans un contexte familial et social. Cette attribution des biens conservés dans le giron familial exprime le souhait qu’ils ne puissent pas en sortir. Les donateurs expriment cette volonté avec force, qui prévoient la possibilité que leur disparition provoque éventuellement des querelles entre héritiers ou bien avec d’autres, et désirent éviter le morcellement de leur patrimoine ou pire encore sa transmission à des tiers. Si les actes démotiques précisent toujours le quartier où se situe le bien, objet de la donation, cette information reste absente des contrats araméens, peut-être parce que les Judéens de l’île demeurent probablement cantonnés dans un quartier spécifique de celle-ci et que cette information n’est guère secrète. Leur contenu est diversifié, qui se rapporte à des maisons entières, des quotes-parts de maisons, des chemins en permettant l’accès, des magasins. La description des choses transmises rapporte les mêmes informations concernant leurs dimensions, leur orientation, leurs limites, éventuellement le détail se rapportant aux pièces transmises ou pas, qu’il s’agisse par exemple d’une grande salle, d’une cour ou d’un passage d’accès.
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J. G. Manning, The Hauswaldt Papyri, A Third Century BC Family Dossier from Edfu, Transcription, Translation, Commentary, Sommerhausen, Gisela Zauzig Verlag, 1997, pp. 117 sqq. 265 Le terme wr ou ỉwr peut désigner un « terrain à bâtir », comme dans le cas présent, ou un « terrain en friche », P.W. Pestman et S.P. Vleeming, Les Papyrus démotiques de Tsenḥor (P. Tsenḥor), p. 70. 266 Le terme t.wj.w se traduit par « localité » et également par « place », « lieu », « maison », S. P. Vleeming, The Gooseherds of Hou, Louvain, Peeters, 1991, pp. 3637. Son emploi dans le P. Hawara 4 se rapporte à une « maison », G.R. Hughes et R. Jasnow avec la contribution de J.G. Keenan, Oriental Institute Hawara Papyri Demotic and Greek Texts from an Egyptian Family Archive in the Fayoum, pp. 23- 24.
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Ces descriptions restent cependant sommaires, d’où la précision photographique est absente ! Les motifs de donation des conventions araméennes y figurent clairement, au contraire des actes démotiques. Ils expriment une générosité récurrente et une prévoyance certaine, quel que soit le degré de fortune de ceux qui agissent ainsi, qui touchent ceux qui possèdent des biens de cette sorte, qu’il s’agisse des Judéens et des ngyptiens. Ils permettent également de ne pas léser certains des descendants. Une clause d’inaliénabilité, attestée dans les contrats araméens de donations diverses, l’est aussi dans de nombreux documents égyptiens. La protection du patrimoine familial le justifie. Le droit égyptien admet ainsi que la propriété puisse manquer de cet élément qu’est le droit d’abusus, et les contrats araméens adoptent ce principe. Parfois, précaution ultime, une clause de succession est insérée dans ces contrats. Les nouveaux/nouvelles propriétaires de quotes-parts de maison bénéficient de droits enregistrés par les conventions qui font preuve, tel celui d’utiliser la cour et l’escalier, de même que la porte d’entrée et le chemin qui y mène, et grâce auxquels il leur est aussi permis parfois d’effectuer des travaux de rénovation à leur convenance, révélant des règles de vie familiale. Ces usages de politique patrimoniale définissent en quelque sorte les bases d’une entente au moins cordiale si ce n’est plus et d’une vie de famille dans un espace partagé défini comme une maison familiale où sont spécifiées les limites et les libertés et où apparaissent clairement les préoccupations familiales dont la plus évidente et la plus symbolique s’impose, à savoir le désir de perdurer au travers des réalités matérielles du clan. Le plus souvent, les contrats permettent de discerner l’organisation de l’habitat, quand bien même les éléments de descriptions transmis ne s’avèrent guère minutieux. Ces maisons permettent d’accueillir les membres composant la maisonnée et dont le nombre dépasse rarement quatre « âmes ». Une grille donne accès à la cour, et les maisons s’organisent autour de cette cour, qui sont souvent mitoyennes et attestent d’arrangements entre voisins, telle l’autorisation de construire un mur, obtenue par Konayah auprès de Maḥseyah et qui lui transmet l’accès à son portail (B2.1). Choix paradigmatique, l’acquisition de maisons en ruines améliorées et modifiées au cours du temps témoigne de l’évolution des situations familiales et, par voie de conséquence, patrimoniales. La particularité de l’organisation du quartier et de ses maisons sises autour du Temple judéen, au nord et à l’ouest, et qui laisse place à l’est au domaine de Khnoum, témoigne à la fois d’une occupation par les Judéens, pour une grande majorité, et également par des familles d’autres origines ethniques, réaffirmant le cosmopolitisme de la cité. Les exemples développés illustrent les perpétuelles évolutions et transformations dont sont l’objet les maisons, qui peuvent être détournées de leurs fonctions initiales, agrandies,
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détruites et reconstruites, cloisonnées et partagées selon des besoins familiaux, domestiques, peut-être financiers et autres.
Les membres du foyer De par leur organisation et le nombre des pièces qui les composent, ces maisons d’nléphantine confirment la réalité des familles réduites, composées le plus souvent de quatre – voire cinq personnes parfois –, vivant dans une même maisonnée, ainsi que l’attestent des listes de distribution de rations267. Les documents illustrent une situation où le couple se situe au cœur de la famille et auquel s’ajoutent les enfants non encore mariés et vivant dans la maison de leurs parents. Les exemples des familles dʽAnanyah et MipÓaḥyah le prouvent amplement, celles-ci se définissant comme élémentaires ou nucléaires268 et se composant des parents et des enfants vivant au foyer269. Ainsi, MipÓaḥyah et son mari, Jedanyah, vivent dans leur maison rénovée (B2.4). Et, Tamet, ʽAnanyah, et leurs deux enfants, Pilti et JehôyîÎmaʽ, sont installés dans la même maison acquise par leur mari et père, et améliorée au cours des ans (B3.7). Des liens plus subtils se découvrent à la lecture des actes. Par exemple, le contrat de mariage de JehôyîÎmaʽ (B3.8 24) fait, sans doute aucun, preuve de son adoption, de même que celle de sa mère par Meshoullam, leur ancien maître (B3.6 11-12), dont le fils, Zaccur, reçoit la demande en mariage en qualité de « frère » de la jeune épousée. Il est également à rappeler que sa mère et elle ont été libérées de leur statut de servantes270 avant d’être adoptées. Le fiancé de JehôyîÎmaʽ s’adresse, dans le contrat de mariage, à Zaccur, confirmant et reconnaissant ce nouveau lien de famille : « Et je t’ai donné (comme) mohar (pour) ta sœur JehôyîÎmaʽ » (B3.8 4. 5). Des listes fragmentaires d’unités familiales confortent cette réalité sociale, qui précisent le nom des membres de la famille, leur statut familial et leur nombre. Quatre npš, « âmes » ou « personnes », sont notamment assurées 267
H. Nutkowicz, « Some Aspects of Family Bonds in the Judean Community of Elephantine », à paraître. F. Zonabend, « De la famille. Regard ethnologique sur la parenté et la famille », sous la direction d’A Burguière, C. Klapish-Zuber, M. Segalen et F. Zonabend, dans Histoire de la famille, Paris, Armand Colin, 1986, pp. 19-96, spéc. p. 77. 268 C. Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, Paris, Plon, 1985, p. 71. 208 C. Lévi-Strauss, Ibid., p. 70. 270 Tamet, avant sa libération, porte son nom auquel s’ajoute la précision : tmt Îmh, « Tamet de son nom », et cet usage se confirme à la lecture du fragment de Saqqarah : Îmh (P. dém.-aram LSA 03/143b), qui suit le nom pour les serviteurs, A. Lemaire et M. Chauveau, « Nouveaux textes démotiques et araméens trouvés à Saqqarah (note d’informations) », p. 151.
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par le document C3.9 6 recto colonne 1 : à savoir, deux grandes dames, un homme et une fille. Dans ce foyer où deux grandes dames sont citées et nommées « sa femme », l’une est peut-être la première épouse stérile gardée au foyer par l’époux, usage connu de l’ancienne ngypte alors que le mari s’est d’ores et déjà remarié271. D’autres listes transmettent des informations complémentaires, telle la liste C3.9 12 qui, recto colonne 2 découvre un homme, une grande dame et deux fils, ou verso colonne 4 comporte également quatre « âmes » ; d’autres listes témoignent de foyers de deux personnes : un homme et une grande dame (C3.9 15 recto colonne 2). Le texte figurant sur le fragment a 1-3 précise : Ḥwr br x brt[ kl n]pÎ 2 [bgw, « Ḥor, fils de X, Y, fille de X [tous deux âmes] ». Ces listes se rapportent à tous les groupes ethniques vivant sur l’île. Des détails transmis par certains contrats constatent cette même réalité de foyers nucléaires également. Maḥseyah en témoigne, lorsqu’il demande à son gendre, lors sa transmission d’usufruit de maison, d’y effectuer des travaux afin de la rendre habitable pour sa fille, lui et ses enfants. Et, ʽAnanyah vit avec son épouse Tamet dans la maison qu’il a acquise et où sont aussi installés leurs deux enfants, Paltiel et JehôyîÎma. Et, les donations successives transforment l’occupation de l’habitat. Ainsi, l’ensemble de ces listes transmet une image de familles biologiques élémentaires réduites aux parents et aux enfants, reflet du système social272. Leur cycle dépend de l’âge du couple, de la venue au monde de leurs enfants, et des unions et désunions. De même, les maisons correspondent, de par leur plan et surface, aux besoins de leurs habitants. L’union d’une fille peut s’accompagner de la donation d’une maison afin d’y créer un foyer élémentaire également. MipÓaḥyah en illustre le paradigme, qui se mariera deux fois, peut-être trois, et vivra avec son premier époux dans la ruine offerte par son père et améliorée, puis avec son second mari qui lui donnera deux enfants. Listes et contrats révèlent la présence d’un à deux ou trois enfants dans le foyer, jamais plus, probablement en raison de la mortalité infantile. Certains habitants possèdent des « serviteurs », telle MipÓaḥyah, lesquels font partie de la maisonnée. Ils apparaissent dans l’acte de répartition de son héritage entre ses fils (B2.11). Chacun en possédera un, quand leur mère et son enfant, encore mineur, resteront en indivision tout au long de sa minorité.
271
F. de Cenival, Papyrus démotiques de Lille (III), Le Caire, IFAO 110, 1984, p. 53, rapporte l’exemple livré par le contrat 101 colonne IV, 30, d’un soldat possédant son habitation où il vit avec trois femmes dont deux sont nommées : « ses épouses ». Aussi, propose-t-elle cette hypothèse : l’une des deux serait peut-être sa première épouse stérile. 272 C. Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, p. 67.
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Un exemple clair d’adoption est à mettre en exergue (B3.9), qui complète cette représentation. Par un contrat de l’an 8 du roi Darius, ou du 22 septembre, ou 22 octobre 416 avant n.è., Uryah, fils de Maḥseyah, prononce devant Vidranga, le « Gardien des Sept » et commandant des troupes de Syène, une formule d’adoption concernant son « serviteur » Jedanyah fils de Taḥe/Taakhoi, qu’il libère dans le même acte : bry yhwh, « il sera mon fils » (B3.9 5), ajoutant dans le même temps que ni fils, fille, frère ou sœur, ou « homme (à lui) » ne pourra se lever et contester cette décision afin de le réduire à l’état de serviteur et le marquer pour ce faire. Une pénalité de 30 karshen en serait la conséquence. Le contrat affirme une seconde fois avec force : « Et, ce Jedanyah, il sera mon fils de même. Et, aucune personne n’a le droit de le marquer ou d’en faire un serviteur, mais il sera mon fils » (B3.9 8-9). Outre une déclaration officielle devant le plus haut fonctionnaire de Syène, huit témoins signent ce document lui transmettant une valeur juridique certaine. Ainsi, le foyer d’Uryah, fils de Maḥseyah, voit la famille s’accroître d’un serviteur devenu membre à part entière de sa famille. La moyenne des personnes faisant partie de la maisonnée en ngypte est de 6, avec une variation de cinq à huit individus273. La liste fragmentaire C3.9 16-20 recto colonne 3 transmet le nom des cinq « âmes » vivant dans ce foyer égyptien : pḥnwm br[, Pakhnoum, fils de X, le père, tÓḥrwr br[t, TeÓeḥarwer, fille de Y, la mère et leurs trois enfants : ttp brth, Tatep, sa fille, Ḥwr brh, Ḥor, son fils, tḥy brth, Taḥe, sa fille. Et, si la composition de la maisonnée dépend du statut social et de la fortune, le nombre des personnes vivant dans des maisons de petites et moyennes dimensions s’élève à deux ou trois enfants et leurs parents. Durant la Période Ptolémaïque, le foyer compte en moyenne deux adultes et deux enfants274.
L’entraide et la coexistence Si de nombreux documents transmettent une image apaisée de ces relations de voisinage, quelle que soit leur origine ethnique et/ou leurs croyances, qui peuvent être familiales, professionnelles, immobilières ou autres, les évènements vécus par les Judéens dès après l’arrivée d’Hananyah, officiel venu de Jérusalem afin de transmettre le rescrit du roi perse sur les modalités de la fête de Pâques, en livrent une image plus mitigée et une 273
A. Koltsida, Social Aspects of Ancient Egypt Domestic Architecture, Oxford, Oxford Tempus Reparatum, 2007. 274 D.J. Thompson, « Families in Early Ptolemaic Egypt », dans D. Ogden éd., The Hellenistic World : New Perspectives, Swansea, Classical Press of Wales, 2002, pp. 137-156. W. Clarysse et D.J. Thompson, Counting the People in Hellenistic Egypt, vol. II : Historical Studies, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, pp. 216-317.
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évolution colorée de certains de ses sombres aspects, souvent ambivalents, apparaît. En apparence, ces relations de voisinage semblent relativement sereines et pacifiques, dont diverses opérations, déjà dépeintes et qui sont tant immobilières, juridiques, que commerciales, attestent. En outre, des unions exogames sont connues entre Judéens et ngyptiens : ainsi, MipÓaḥyah épouse en secondes noces l’architecte égyptien Esḥor, qui adopte plus tard le nom de Nathan, et ʽAnanyah se marie avec l’ngyptienne Tamet275. D’autres unions de cette sorte sont confirmées par les nombreux prénoms et patronymes figurant sur les contrats, lettres et ostraca. Environ une quinzaine de personnes à nléphantine, et peut-être une à Syène, ne portent pas de noms hébreux, au contraire de leurs enfants. En voici quelques exemples : Ater, père de Zaccur (B2.7 3), Esor, père de Jedanyah et de Maseyah (B2.10 3), Meshoullam, fils de Besas (B3.11 8), Mardu, père de Haggai (B3.10 26). L’explication probable se trouve dans l’union de leurs pères avec des femmes judéennes. Parallèlement, parmi les douze occurrences où le père porte un nom hébreu, mais pas le fils/la fille, certaines peuvent résulter également d’unions exogames, et s’expliquent par la papponymie. Par exemple : Arvaratha, fils de Jehonathan (B4.4 21), Isiweri, fille de Gemaryah (B5.5 2), Sinkishir, fils de Shabbetai (B3.9 10)276. L’entraide est connue par divers actes araméens mettant en scène la sollicitude réciproque entre parents et enfants, entre sœurs, ou entre maîtres et serviteurs. La seconde donation de maison à MipÓaḥyah par son père la dévoile : « En échange de ses biens qu’elle m’a donnés » (B2.7 4-5). 4). Cette même explication est réitérée : « En échange de ces biens (venant) de toi » (B 2.7 6). Le contrat ne spécifie pas de quels biens il s’agit, ni à quelle occasion MipÓDyah les a octroyés à son père. Leur estimation atteint la somme de cinquante shekeln (B2.7 6), tandis que celle de la maison offerte en remboursement est omise. D’autres aspects apparaissent à la lecture des conventions. La donation mortis causa à JehôyîÎma, en 404, en exprime également le motif, qui en est distinct : zy sbltny wunh ymyn sb lu khl hwyt bydy wsbltny, « Car elle a pris soin de moi étant âgé. J’étais incapable (de me servir) de mes mains (ou d’exister par mes propres moyens) et elle a pris soin de moi » (B3.10 16-17). La contrepartie affective de ces soins s’exprime par l’affirmation répétée par H. Nutkowicz, « Les mariages mixtes à nléphantine », Transeuphratène 36, 2008, pp. 125-139 ; « Les formulaires d’nléphantine : contrats de mariage et donations sucessorales », dans Textes réunis par S. Demare-Laffont et A. Lemaire, Trois millénaires de formulaires juridiques, Genève, Droz, 2010, pp. 225-259. 276 Quelques autres exemples sont les suivants : Azibu b. Berechiah (A4.4 3), Bethelnathan b. Jehonathan (B6.4 5), B. Porten, Afe, pp.148-9. 275
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‘Ananyah et motivant cette donation : brmn, « par amour » (B3.10 5. 17). L’acte du dernier quart du Ve siècle, établi par Miptayah, fille de Gemaryah, en faveur de sa sœur, Isiweri (B5.5 4), apporte une explication quasi identique à ce remboursement d’argent : lqbl sbwl [zy sbltny], « En raison du soin [avec lequel tu as pris soin de moi] ». Ainsi, Isiweri rappelle qu’elle a fait présent à sa sœur de sa ration du Magasin du Roi et que celle-ci, en contrepartie, lui a donné six shekeln (B5.5 4). Ces formulations expriment la gratitude des donataires pour les attentions dont ils ont été les objets, sans jamais oublier une contrepartie ou sorte de compensation. Le contrat dit de manumission de Tamet et sa fille évoque indistinctement les soins qu’un fils ou une fille est tenu d’apporter à son père : « Nous te servirons (com)me un fils ou une fille prend soin de son père durant ta vie et à ta mort nous prendrons soin de Zaccur, ton fils unique, q[ui], comme un fils, prend soin de son père, ainsi que nous l’avons fait pour toi durant ta vie » (B3.6 11-13). Aucune précision n’éclaircit la substance de ces soins, qu’il s’agisse d’un appui matériel ou moral. Dans ces documents, hommes et femmes, parents ou sœurs, fortunés ou pas, font l’objet de ces attentions matérielles et affectives et les compensations s’effectuent pour des raisons identiques. Ces usages incombent tant aux hommes qu’aux femmes. Une demande d’aide à un berger est inscrite sur l’ostracon D7.1. Un fils fait appel à sa mère, après les bénédictions d’usage, afin qu’elle prenne soin de Npn le « berger de moutons » de Sekhmere lorsqu’il parviendra à Syène pour vendre ses moutons. La formule s’avère piquante : « Si tu fais [pour lui (du) b]ien à Syène, [i]l fera [aussi] (du bien) pour moi. Voilà, demain je dois me rendre demain [à] ma maison, alors qu’il te donne un bouc avant que je te rejoigne » (D7.1 7-10). La demande ne s’arrête pas là et s’humanise encore : « Maintenant, vois (ce) qui est une bonne (chose) à faire pour lui. Voilà, ils ont faim. Don[ne]-lui du pain et de la farine et demande-lui, disant : Que cherches-tu/De quoi as-tu besoin ? ». Ce comportement généreux et impeccable implique une réciprocité de celui qui reçoit (C1.1 52), ou du dieu (A2.3 7). Les enfants sont aussi l’objet de ces préoccupations. Ainsi, l’ostracon D7.6 comporte des instructions envoyées à Hoshayah, qui exige : « Maintenant, seul, prend soin des enfants jusqu’au retour d’Aḥutab277. Ne les confie pas à d’autres ». L’expression : ḥzy ʽt, « prendre soin », figure dans des 277
B. Porten, CS III, p. 208 n. 6, remarque que ce nom, s’il n’est pas assuré dans les papyri, est usuel durant la monarchie unifiée (1 Samuel 14, 3 ; 2 Samuel 8, 17). Il est le plus souvent mentionné dans les ostraca. Huit textes lui sont adressés, et elle est citée dans cinq autres. Trois ostraca anonymes lui ont été écrits, et un envoyé par Micayah. Parmi les trois autres ostraca la mentionnant, l’un était adressé à Uryah, puis à elle, et un second à Jedanyah.
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textes en rapport avec des membres d’une famille (A2.3 11), et plus particulièrement des enfants (A2.7 3 ; A3.5 6 ; A3.6 3). Le texte ajoute sur la partie convexe : « Si leur pain est moulu, pétris pour eux 1 qab avant que leur mère ne rentre ». Cela signifie qu’il importe de le mélanger à de l’eau et du sel dans un bol afin d’en faire une pâte (à pain)278. Une ultime requête sollicite : « Envoie-moi des nouvelles de l’enfant » (D7.6 10-11), qui témoigne d’une certaine inquiétude. Le quotidien révèle ainsi une capacité d’amour, d’attention et de générosité envers les enfants et les autres adultes, qui autorise néanmoins à en espérer un bienfait en échange. Au contraire, la brutalité fait parfois irruption dans le quotidien, qui a laissé quelques traces dans un contrat d’nléphantine révélant un sérieux désordre. Une obligation de procéder à une déclaration en justice et datant du 18 paophi en l’an 4 d’Artaxerxès rapporte dans une de ses clauses la plainte suivante : ʼnt [ʽl]t [bbyty] kḥsn wktÎt lʼntty wnksn kḥsn hnpqt mn byty wlqḥt lnpÎk ʽbdt, « Tu es ent[ré dans ma maison] par force et a frappé ma femme et pris des biens de ma maison par force et (tu les as) pris (et) (en a) fait ta propriété » (B7.2 4-6). L’accusé nie de toutes ses forces et se refuse à reconnaître une telle attitude de sa part. Il semble possible que celui-ci après un échange commercial avec son accusateur n’ait pas été remboursé comme il lui convenait ; aussi, aura-t-il commis ces actes de brutalité, à moins qu’il ne s’agisse d’un vol pur et simple. Deux explosions de violence, à plus d’un siècle d’intervalle, ressortent du récit de la « Chronique de Pétéisé » : un double assassinat et une tentative de meurtre sur six prêtres, suivie d’un incendie volontaire. En l’an 31 de Psammétique Ier, soit en 634 avant n. è., les deux petits-fils du premier Pétéisé de la dynastie sont attaqués, puis tués à coups de bâtons. Leurs corps sont jetés dans une crypte sous le temple d’Amon, alors qu’ils s’étaient rendus sur place afin de réclamer la part de la récolte céréalière du domaine du temple de leur grand-père, le grand prêtre. Lorsque leur père est prévenu, il s’empresse de saisir l’autorité militaire locale, ou chef des Mâ du district, lequel fait appel à ses hommes. Équipés de lances et de boucliers, ils se contentent de garder la maison de leur mère. Les responsables qui partagent un même statut social que les enfants assassinés sont punis, qui y laissent leur vie. Si le gouverneur souhaite appliquer une punition radicale, Pétéisé (père) l’en prévient et l’affaire prend fin. Plus tard, Pétéisé, son petit-fils, sera dépossédé de ses bénéfices par les petit-enfants des prêtres ayant commis l’assassinat… Pour autant, cette tuerie a probablement eu lieu lors d’une manifestation violente d’animosité non organisée. La haine des ennemis de la famille ne s’éteint pas, s’exprimant à nouveau sous Darius. Pétéisé III rédige un rapport concernant la situation 278
B. Porten Ibid., p. 208, n. 10, (Exode 7, 28 ; 12, 34 ; Deutéronome 28, 5. 17).
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financière du temple et destiné au sentỉ, qui ne lui parvient pas, car intercepté par un personnage qui se rend à Téoudjoï afin de faire arrêter Pétéisé, son fils et quatre compagnons. Leur vie ne tient qu’à un fil : toutefois, ils sont sauvés de justesse et Pétéisé sans fortune ni appui tente d’approcher le sentỉ afin de se faire rendre justice. Sa maison est brûlée et il obtient pour seule réparation un serment du prêtre lesionis de prendre la défense de ses intérêts. La représentation des fonctionnaires transmise par le texte en fait des personnages corrompus et immoraux. Quant au sentỉ, responsable devant la puissance perse de la bonne administration, il ne peut admettre l’indiscipline et se doit d’éviter toute cause d’agitation279. Par ailleurs, des étrangers se sont de tout temps installés en ngypte, « serviteurs » ou libres, individuellement ou en groupes dans les centres militaires ou artisanaux sans rejet de principe280. Cependant, si la méfiance devant un étranger est attestée dans les diverses Sagesses, une certaine ambivalence s’y exprime. Certains textes recommandent : « Garde-toi de la femme étrangère que personne ne connaît dans sa ville » (Any III, 13), et : « Ne consulte pas sur une affaire quelqu’un que tu ne connais pas », (Onkhsheshonqy XVI, 19-20). Pour autant, l’empathie est également conseillée : « Ne refuse pas ta jarre d’huile à un étranger. Double-là devant tes frères » (Amenemopé XXVI, 11-12). De surcroît, des missives émises ou reçues par des membres responsables de la communauté judéenne de la fin du Ve siècle mettent à mal l’idée d’une apparente quiétude, et des correspondances émanant du satrape Arsamès, ou lui étant parvenues, confirment une conjecture troublée dans laquelle les Judéens subissent des brutalités, contrecoup d’une situation houleuse en ngypte, et notamment à nléphantine. Messages et lettres officielles évoquent un monde corrompu, des complots, des manifestations hostiles et le séjour en prison de quelques-uns d’entre eux. Certains de ces documents, parfois, endommagés, posent des problèmes d’interprétation, mais si la plupart des dates ont disparu, et quand bien même il est malaisé de les classer chronologiquement, elles peuvent être datées de la dernière décade du Ve siècle. Leur ensemble permet d’esquisser l’enchaînement des épisodes qui mènent à la destruction du Temple des Judéens. La plupart des évènements décrits se produisent lors de l’absence prolongée du satrape Arsamès, parti
279
M. Chauveau, « Violence et répression dans la "Chronique de Pétéisé" », pp. 233- 246. 280 D. Devauchelle, « À propos de l’étranger et de ses dieux dans l’univers des anciens ngyptiens », dans J. Waardenburg éd., Scholarly Approaches to Religion, Interrreligious Perceptions and Islam, Paris et al., Verlag Peter Lang, 1995, pp. 181202, spéc. p. 186.
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rejoindre le souverain perse Darius II afin de le soutenir face à son concurrent Xerxès II. Une première lettre (A4.2), incomplète, envoyée à Jedanyah281, Mauzyah282, Uryah283 et la troupe, et qui semble ainsi s’adresser à l’ensemble des Judéens présents sur l’île, rapporte qu’au cours de la dernière décennie, avant le départ du satrape, un de leurs émissaires envoyés à Memphis, résidence du satrape, afin de remplir une mission officielle, va vivre de pénibles péripéties dont seuls certains aspects sont communiqués. Un différent entre Judéens et ngyptiens y est évoqué. Ces derniers ont, à ce qu’il semble, soudoyé certains personnages dont l’identité n’est pas transmise – peut-être s'agit-il d’enquêteurs –, et agi comme des malfaiteurs. Deux Judéens ont disparu, et ceux qui sont restés vivants font savoir qu’ils sont dans la crainte. On ne sait si les deux Judéens en question ont disparu définitivement ou sont détenus en prison. Pour autant, la missive rappelle qu’un personnage rendra compte devant Arsamès, et un autre protagoniste, du nom de Paysna, joue le rôle de conciliateur. En outre, l'émissaire demande aux responsables de la communauté de lui faire parvenir divers biens, tels que du miel, destiné à la cuisine et à la médecine, de l’huile de ricin, des nattes, des cordes tissées de fibres de palmier-dattier, très présent dans la région des cataractes284, des peaux de cuir, des planches, afin de compenser la corruption dont les ngyptiens se sont rendus responsables et calmer l’ire des inconnus. Le texte précise qu’un personnage nommé Pasou, fils de Mannuki, portant un prénom égyptien et un patronyme akkadien venu à Memphis lui a donné douze statères équivalent à 24 shekeln. La fin de la missive n’est guère compréhensible, si ce n’est son évocation du dommage causé à Arsamès et la compensation due, peut-être, à Djeḥo et Ḥori. Un second épisode des malheurs des Judéens évoque le séjour en prison du scribe Mauzyah, un des responsables de la communauté (A4.3). Dès son arrivée à Abydos, Vidranga, chef de la garnison d’nléphantine, le fait 281
Jedanyah, fils de Gamaryah, est le chef de la communauté à la fin du siècle, probablement cousin de Jedanyah, fils de MipÓaḥyah, fille de Maḥseyah, et peut-être prêtre (A4.7 1, 4/A4.8 1, 3). Les formules diffèrent. À la ligne 1 de la missive A4.8, Jedanyah est présenté comme : ʽbdyk ydny]h khn’, « ton serviteur Jedanyah [le] prê[tre], et sur la lettre A4.7 1, la formule sous-entend son activité qui précise : ʽbdyk ydnyh wknwth khnyʼ, « tes serviteurs Jedanyah et ses collègues les prêtres ». 282 Ce responsable de la communauté et scribe est le fils de Nathan. 283 Ce personnage serait peut-être un prêtre, tel que la lettre A4.3 1. 12 le sous-entend, B. Porten, CS III, p. 118, n. 3. 284 U. Willerding et G. Wolf, « Paläo-ethnobotanische Untersuchungen von Pflanzenresten », p. 264, ont étudié des tresses et des fragments de corde de la graminée imperata cylindrica.
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emprisonner soit pour complicité, soit pour négligence dans le vol d’une pierre précieuse découverte entre les mains de marchands. Ce document comporte la mention de rklyʼ ou « commerçants ». Le rôle joué par Mauzyah n’est guère plus explicite et la question s’est posée de savoir s’il gardait une caravane et s’il était accusé de complicité. Aussi, écrit-il aux responsables de la communauté : Jedanyah, Uryah et les prêtres de YHW le Dieu, Mattan, fils de Jashobyah, et Berechyah, emprisonné plus tard à nléphantine, une missive, car il tient à témoigner concrètement et matériellement de sa reconnaissance envers ceux qui ont agi en sa faveur et l’ont fait libérer. Il doit en effet sa délivrance aux efforts accomplis par deux fonctionnaires égyptiens du nom de Djeo et por, serviteurs d’Hananyah, lui-même haut fonctionnaire judéen et personnage si connu que la lettre omet de préciser son patronyme, peut-être le scribe et chancelier de la satrapie285. Comme ils regagnent nléphantine, Mauzyah donne pour instructions aux responsables de la communauté d’accorder à ces deux fonctionnaires égyptiens toute leur attention, de mettre à leur disposition tous les biens possibles et rembourser la somme qu’ils ont avancée afin de le faire libérer. Encore une fois, des ngyptiens apportent de l’aide aux Judéens afin de les tirer d’un fort mauvais pas, mais avec une sérieuse contrepartie témoignant d’une forme d’ambivalence et/ou d’équivalence des relations. Et, si Mauzyah n’omet pas de rappeler la protection également apportée par YHW le Dieu du Ciel, il demande avec énergie et finesse à la communauté cet effort, car un sentiment de défiance ressort de cette requête : « Tout ce qu’ils désirent… que Djeḥo (et) Ḥor chercheront de vous, vous les servirez afin qu’aucune mauvaise chose ne soit trouvée contre vous. Il vous est connu que Khnoum est contre nous depuis que Hananyah est venu en ngypte jusqu’à maintenant. Et quoi que vous fassiez pour Ḥor, pour vous [… v]ous faites. Vous prodiguez des biens de vos maisons. Tout ce que vos mains trouvent, donnez-lui. Ce n’est pas une perte pour vous. Pour cette (raison) je vous envoie (ce mot). Il m’a dit : "Envoie une lettre avant moi." […] S’il y a beaucoup de pertes, il y a une contrepartie pour elle dans la maison d’Hananyah. Tout ce que vous ferez pour lui ne sera pas celé à Hananyah ». À ce qu’il semble, tout se paye fort cher dans un système de don et contredon ! Et, peut-être y a-t-il eu une intervention en amont de ce haut personnage, qui expliquerait l’attitude de Ḥor. Les mésaventures ne cessent cependant pas. Envoyé à un personnage du nom de Yedonyah, un message provenant d’une prison figure sur un ostracon en mauvais état (D7.10), dont le texte est par trop lacunaire pour en obtenir quelque autre information. Puis, un autre récit effectué par Islaḥ, fils de Nathan, toujours de la fin du Ve siècle, rapporte l'incarcération à 285
Il s’agit peut-être de ce scribe et chancelier figurant dans la lettre A6.2 23.
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nléphantine d’hommes, dont seules les identités de Berechyah, Hosea et Pakhnoum apparaissent, la détention de six femmes et également d’autres personnes dont le chef de la communauté à Thèbes (A4.4). Les six femmes en question ont été « trouvées à la porte de Thèbes » et emprisonnées sans qu’aucune explication ne soit transmise par le courrier. Les autres hommes emprisonnés, dont seul le nom de cinq d’entre eux est transmis sont les suivants : Jedanyah, fils de Gemaryah, chef de la communauté ; Hosea, fils de Jathom ; Hosea, fils de Nattun ; Haggai, son frère ; et, Ahio, frère de Micah. Ils auraient été mêlés à une incursion dans une propriété privée et à un vol de biens. Tenus de quitter la propriété en question, ils auraient restitué les biens volés et promis d’acquitter une amende démesurée de 1200 shekeln. Aucune autre répercussion de ces épisodes n’est attestée et aucune information n’explique l’emprisonnement de ces cinq hommes. Cet évènement pose la question de savoir qui sont les vrais responsables du pillage. Dans le contexte d’agitation politique, il semble possible et même probable qu’il soit la conséquence d’un complot tramé par des ngyptiens. Et, peut-être cette mésaventure est-elle encore et toujours liée au conflit avec les prêtres de Khnoum. Deux autres lettres témoignent aussi de l’agitation qui règne après le printemps 410 avant n. è. Le premier message, en mauvaise condition, fait état d’ngyptiens jetés en prison pour avoir sans doute participé à la rébellion contre le pouvoir en place (A4.6). La seconde missive, datée de la fin du Ve et dite semi-officielle (A5.5), l’évoque également. Envoyée par un officier de Thèbes, elle évoque des troupes et des massacres. Les Judéens n’y semblent guère mêlés. Une autre dépêche du satrape rapporte la désobéissance d’un personnage du nom d’Armapiya et de ses troupes (A6.8). Et, évoquant à nouveau la révolte égyptienne, une troisième lettre de la même période envoyée à un certain Nakhtor officiel, de Basse-ngypte, rapporte, qu’à ce moment, un nommé Samshek, lui-même précédent officiel, a conservé tous les biens du satrape (A6.10). Le satrape ajoute qu’il apprend que les officiels de Basse-ngypte ont été diligents durant les troubles, surveillant le personnel et les biens de leurs maîtres. Il introduit une recommandation à peine voilée de menaces, lui demande de faire de même afin qu’ils ne diminuent pas, et lui fait savoir qu’en ce cas de lourdes conséquences pèseraient sur lui. Le plus dramatique évènement se produit en 410 avant n. è., avec la funeste destruction du Temple des Judéens et ses multiples retentissements, puisque la crise ne se résout qu’après trois longues années avec comme conclusion l’autorisation de reconstruction. Des questions se posent, à savoir comment interpréter le choix du Perse Vidranga d’appuyer les exigences de destruction des prêtres de Khnoum et de mêler son fils à cette flambée de violence en sachant les risques qu’ils encourent. La situation en ngypte à ce
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moment particulier, et les raisons ayant poussé les prêtres égyptiens à agir de la sorte sont tout autant à examiner. De l’aspect politique, économique, du rejet de l’autre, car étrangers, ou d’une combinaison de ces trois motifs, quel est celui ou ceux qui expliquent le mieux cette éruption de violence ? Ces diverses causes se superposent et s’interpénètrent qui permettent d'éclaircir la tragédie ayant frappé les Judéens. Elles cheminent du projet des prêtres de Khnoum à l’évolution des relations entre ces derniers et les Judéens à la fin du Ve siècle avant n. è., qui s'insèrent dans une ère de changements politiques pendant et au moment de la reconquête de l’ngypte par un pharaon égyptien. Les faits ont lieu à un moment d’agitation nationaliste particulière. Lorsque Darius II prend le pouvoir en 424 avant n. è., il calque sa politique de conciliation sur celle de Darius Ier. Mais le feu couve sous la cendre et, en 404 avant n. è., Amyrtée se révolte (après six ans d’opposition souterraine, depuis 411-410), prend le pouvoir, se fait couronner l’année de la mort de Darius II et fonde la XXVIIIe dynastie. Les troubles dont fait état la correspondance du satrape Arsamès en 411-410 se produisent au même moment ; de même, la destruction du Temple des Judéens. La période est faste pour les prêtres de Khnoum. En moins de quatre ans, le pouvoir d’Amyrtée est assuré jusqu’à Assouan. Ce dernier règnera jusqu’en 398. La réussite de son entreprise est due en grande partie à la faiblesse du pouvoir perse en pleine guerre de succession fratricide entre Artaxerxès et Cyrus II et à la disparition de Darius II. Néphéritès Ier lui succède à l’automne 399 avant n. è., les conditions du changement de dynastie sont mal connues. Un courrier araméen l’évoque, toutefois à ce moment les Judéens d’nléphantine ne sont plus au service du pouvoir. En raison de l’absence de dates sur les divers courriers, il reste impossible de savoir si les prêtres de Khnoum ont profité du séjour en prison des membres de la communauté judéenne pour dévaster le Temple de YHW, et si les ngyptiens ont préparé un complot visant à les faire mettre en prison afin de réaliser leur projet d’anéantissement dans de meilleures conditions. Quoi qu’il en soit, l’absence concomitante d’Arsamès s’est avérée favorable aux prêtres de Khnoum. De plus, mettant en cause la collusion entre Vidranga, le commandant perse, et les prêtres de Khnoum, la première requête de reconstruction du Temple des Judéens, du mois de tammouz en l’an 14 du roi Darius (A4. 5), rappelle : « Voici l’acte mauvais que les prêtres de Khnoum ont [fa]it à nléphantine, la forteresse en accord avec Vidranga qui était le chef ici : ils lui ont donné de l’argent et des biens » (A4.5 3-4). Les conditions sont réunies, qui permettent l’ensemble des destructions causées. Les prêtres de Khnoum n’ont pas hésité à détruire l’Entrepôt du Roi. Ce bâtiment est connu également sous le nom de « Maison du Roi », ou bien « Trésor du Roi », et sa particularité se relie à sa situation géographique, car il est situé dans la continuité de la maison d’ʽAnanyah, toujours le long de la
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même voie, tandis que la « Route du Roi » fait face à la propriété des prêtres de Khnoum. Ces derniers ne craignent pas de détruire un bâtiment royal perse, de boucher le puits destiné aux troupes et de détruire le Temple judéen, puis de construire une voie qui passe par ce bâtiment royal, dans leur intérêt économique et leur rejet politique, social et religieux. Leur projet s’inscrit dans leurs actes, de conquérir des terres le long de leur propriété afin de l'étendre et se débarrasser des intrus. Il est, en outre, à rappeler que les prêtres du domaine de Khnoum, quelque temps après 420 avant n. è., s’étaient emparés de la maison de Shatibara, Caspien, père de l’épouse du vendeur de la maison acquise par ʽAnanyah (B3.4), et l’avaient transformée en un sanctuaire adjacent286, mettant en lumière les violences touchant l’ensemble des populations non indigènes déjà à ce moment. De fait, cet épisode287 prend place lors d’une période d’agitation propice aux projets des prêtres de Khnoum et au rejet de l’occupant perse. L’hostilité des ngyptiens envers les Judéens, au service des Perses, lors de la reconquête égyptienne ne semble pas cesser avec sa concrétisation. Il semble que les liens de toutes natures entre ngyptiens et Judéens se soient à ce moment effacés. Les mercenaires judéens ont servi les pharaons égyptiens puis les Perses, mais dès les premières années de la reconquête leur sort est scellé. La conjonction de la montée de l’idéologie politique égyptienne, le rejet des occupants perses et de leurs alliés, l’avènement de souverains égyptiens, l’antagonisme possible des cultes et la volonté des prêtres de Khnoum d'enrichir leur domaine ont formé un creuset de rejet tel que les Judéens n’ont pas été en mesure d’y résister. Aussi, les Judéens souffrent parce qu’ils sont les alliés des Perses et une minorité, et non parce qu’ils sont juifs288. Une lettre de 399 avant n. è., envoyée par Sheva, fils de Zakaryah, à son ami Ysla lui annonce l’avènement du pharaon Népheritès, qui reprend le pouvoir à ce moment à Amyrtée (A3.9). Après cette dernière correspondance, rappelant la reconquête du pouvoir par les ngyptiens, la trace de la communauté judéenne d’nléphantine semble s’évanouir. L’aspect de la sociabilité dans les villages et les cités peut également être questionné, quand bien même il semble annexe en cette occurrence où tant d’efforts sont accomplis afin de reprendre le pouvoir aux Perses. Peutêtre s’est-il cumulé à ces réalités politiques et économiques. Des murailles sont érigées à compter de la Troisième Période Intermédiaire et durant la Basse-npoque afin de les protéger : elles expriment la méfiance de la 286
B. Porten, CS III, p. 189, n. 21. J. Mélèze-Modrzejewski, Les Juifs d’ngypte de Ramsès II à Hadrien, Paris, PUF, 1997, p. 198. Cependant, évoquer un antisémitisme commun aux Perses et aux ngyptiens paraît anachronique et injustifié. 288 H. Nutkowicz, « nléphantine, ultime tragédie », pp.185-198. 287
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communauté des habitants de ces espaces vis-à-vis du monde extérieur et marquent son autonomie. Les notables, tenus de protéger le village contre l’extérieur, jouent le rôle de juges. Lieu de la solidarité et du consensus, le village est aussi celui de la résidence de la parenté. Pour autant, la violence est acceptée et même favorisée dès lors qu’il s’agit de groupes étrangers, qui apporte encore plus de cohésion : « Celui qui combat aux côtés de son village, il se réjouira avec eux » (P. British Museum 10508 18.x+10). Cette mentalité éclaire la violence envers les habitants de villages voisins égyptiens289. De fait, si l’étranger n’est pas toujours accepté, cette spécificité paraît inhérente à ce type de société290. Aussi, en dépit de l’aspect cosmopolite d’nléphantine, les ngyptiens de l’île ressentent-ils, peut-être, cette nécessité du rejet de l’autre qui va s’appuyer sur le rejet des Perses et de leurs alliés et l’ambition des prêtres de Khnoum. Ces causes ne s’excluent nullement, elles se renforcent, et leur cumul explique la violence contre des voisins présents depuis deux siècles, pour le moins, et l’emploi de méthodes extrêmes, de complots et de mensonges, de malversations, de vols et de destructions allant crescendo jour après jour. Il aura cependant fallu l’appui de responsables perses suffisamment irresponsables et corrompus pour parvenir à cet état de fait.
Synthèse Cité cosmopolite où vivent des mercenaires de nombreuses origines, nléphantine semble perdurer au rythme d’une certaine coexistence. Vivant côte à côte, et ce pendant des générations, leurs différences paraissent gommées tant en ce qui concerne leur habitat, leurs coutumes et leur mode de vie, leurs relations et leurs unions parfois exogames. Seuls transparaissent des conflits et des heurts dans un espace politique particulier et à un moment spécifique de rejet de la puissance perse. La vie des mercenaires se mêle à celle des membres de leur famille et de leur voisinage dans l’espace de ce quotidien. Traces archéologiques et juridiques se font écho, se mêlent et s’accordent, qui en dévoilent la teneur. Et, si à l’accoutumée, peut-être, les « étrangers » ne sont guère appréciés, ici la réalité s’est assouplie, du moins en apparence, pour néanmoins se briser à la fin du Ve siècle.
289
D. Agut-Labordère, « Les "petites citadelles", La sociabilité du tmy "ville", "village" à travers la sagesse démotique », dans Cahiers de l’atelier Aigyptos I réunis par G. Gorre et P. Kosmann, Espaces et territoires de l’ngypte gréco-romaine, Actes des journées d’études, 23 juin 2007 et 21 juin 2008, Genève, Droz, 2001, pp. 107-114, spéc. p. 114. 290 D. Agut-Labordère, Ibid., p. 114.
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CHAPITRE TROIS UNE JUSTICE OMNIPRÉSENTE De nombreux conflits ayant trait à diverses sortes d’opérations sont connus par une abondante documentation. Ces querelles semblent se résoudre devant des tribunaux et/ou des juges. Des antagonismes concernant des maisons ou parties de maisons ou pièces, des biens mobiliers, et des animaux, et ayant donné lieu à procès ont laissé des traces juridiques tant chez les Judéens que chez les Égyptiens. Après que les tribunaux aient tranché, un document après jugement doit être systématiquement établi afin que la partie perdante reconnaisse, officialise et constate par écrit la décision des juges. Cette trace écrite permet de retracer l’histoire du bien contesté, qui est transmise lors de chaque cession ou autre évènement au nouveau propriétaire. Parfois la conséquence du conflit, le retrait de biens s’effectue sans qu’aucun procès ne soit attesté. Des actes retracent ces querelles et leurs conséquences. Parmi d’autres, les archives de MipÓaḥyah et de tAnanyah en dévoilent plusieurs.
Les garanties Tous les contrats araméens sans exception comportent des clauses de garanties censées éviter de se rendre en justice afin de déposer plainte et/ou faire un procès, qu’il s’agisse d’opérations immobilières et/ou mobilières. Leurs particularités sont fonction des problématiques familiales et des usages scribaux. La plus simple de ces garanties implique la transmission des contrats antérieurs. Elle fait preuve de l’origine des droits correspondants aux biens faisant l’objet des opérations en question, qui ne sont cependant pas toujours disponibles, justifiant le doute quant à l’origine de propriété. Une modalité de ces actes prévoit d’affirmer que seul le document en question est valable. Une autre sorte de garantie consiste en une renonciation à plainte et/ou procès avec pour conséquence une pénalité. Parfois une obligation d’éloignement, ou une autre, prévoyant de « nettoyer » la plainte d’un tiers, de même que des pénalités figurent dans ces contrats. De nombreuses variations sur ce thème, sont mises en évidence par les actes araméens.
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Les ventes Deux actes de vente/achat proviennent des archives d’ʽAnanyah. Le premier se rapporte à l’achat de sa maison en ruines. Des garanties, dont le contenu est tout particulièrement développé, lui sont procurées par le couple de vendeurs, en raison de l’origine douteuse du bien qu’il acquiert. Une formule d’éloignement en constitue la promesse : wrḥqn mnh mn ywmʼ znh wtd tlmn, « Et (nous nous) sommes retirés/éloignés/nous avons renoncé à elle (la maison) de ce jour et pour toujours » (B3.4 11)291. La garantie usuelle qu’est la renonciation à plainte et/ou procès et pénalités est répétée avec des nuances et quelques ajouts. Dans la première, les vendeurs s’engagent et précisent dans le détail : ʼnḥn lʼ nkl ngrnk dyn wdbb bšm bytʼ znh zy ʼnḥn zbn wyhbn lk wrḥqn mnh wlʼ nkhl ngrh lbr lk wbrh wlmn zy ṣbyt lmntn, « Nous ne pourrons déposer plainte ou (instituer un) procès au nom de cette maison que nous t’avons vendue et donnée et de laquelle nous nous sommes éloignés. Et nous ne pourrons pas déposer plainte ou (instituer un) procès contre un fils à toi ou une fille ou à toute personne à qui tu désires (la) donner » (B3.4 12-14). L’emploi du verbe « donner », dans cette disposition, souligne et confirme la transmission de propriété. Et, celui du terme « s’éloigner/être loin de » assure la séparation tant concrète des protagonistes, à propos de leur opération, que symbolique, qui reconnaissent y avoir renoncé. Ainsi, cette garantie d’éloignement et de libération constate l’obligation pour les vendeurs de l’affirmer, afin de s’interdire d’empêcher l’autre partie d’exercer ses prérogatives sur la ou les choses ayant fait l’objet de l’opération. En cas de non-respect de cet engagement, une pénalité est prévue : « Si nous instituons contre toi plainte ou procès ou instituons (plainte) contre un fils à toi ou fille à toi à qui tu désires (la) donner, nous te donnerons de l’argent, vingt karshen à un zuz pour la pièce de dix » (B3.4 14-16). La troisième modalité de renonciation à plainte transmet la garantie du fait des ayants droit du couple de vendeurs et prévoit une même pénalité de vingt karshen (B3.4 16-18). Une autre clause transmet une garantie du fait des tiers particulièrement développée et protectrice tant pour l’acquéreur que ses descendants : « Si une autre personne institue (une plainte) contre toi ou institue (une plainte) contre un fils ou une fille à toi, nous nous lèverons et nous (la) nettoierons et nous te (la) donnerons dans les trente jours. Et, si nous ne (la) nettoyons pas, nous ou nos enfants te donnerons une maison semblable à ta maison et ses mesures, à moins qu’un enfant garçon ou fille d’ʼApwly, ou 291
Cette formule figure tout particulièrement dans les actes de retrait, B2.2 ; 2.8 ; 2.9 ; 2.10 ; 3.2, R. Yaron, « Aramaic Deeds of Conveyance », Biblica 41, 1960, pp. 248274, spéc. p. 256. Et, ce même terme : wj, « s’éloigner », est également assuré dans les actes démotiques, par exemple, le P. Caire 50058, A.F. Botta, The Aramaic and Egyptian Legal Tradition at Elephantine, pp. 117, 148 sqq., 169.
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une de ses filles, ne vienne et que nous ne puissions la nettoyer. (Alors) nous te donnerons de l’argent, un karsh quatre shekeln et (la valeur des) (améliorations) de la construction que tu y auras construites et toutes les décorations qui auront été effectuées dans cette maison » (B3.4 19-23). Un risque majeur ressort de cette modalité : la possibilité, pour un tiers, de récupérer la maison à la suite d’une plainte ou d’un procès en justice qu’il pourrait gagner. Par conséquent, par cette garantie du fait des tiers, les vendeurs s’engagent à protéger et défendre du mieux possible les intérêts d’tAnanyah (« nettoyer ») et, s’ils n’y parviennent pas, promettent une maison semblable. La possibilité de « nettoyer » la maison, en cas de plainte par les héritiers des anciens propriétaires, dépend de ce que ces héritiers aient protesté publiquement selon les lois égyptiennes, à moins qu’ils n’aient autorisé à « nettoyer » la situation, se rapportant à l’obligation d’éloigner les personnes qui pourraient l’empêcher d’exercer pleinement ses prérogatives. S’ils n’y parviennent pas, ils devront verser une pénalité de 1 karsh et 4 shekeln et (la valeur) des améliorations que fera tAnanyah (B3.4 19-23). Il semble probable que les vendeurs aient occupé cette maison abandonnée par le Caspien ʼPwly, proche voisin du père de Wybl, car ils n’étaient pas en possession des titres leur conférant la propriété ; aussi, devaient-ils prévoir cette clause292. L’acte se clôt sur l’identité de quatre témoins caspiens et iraniens. Le second acte de vente concerne la partie non encore transmise de cette même maison appartenant à ʽAnanyah et Tamet (B3.1). Le transfert de documents figure dans l’acte final de cession de leur maison par le couple, afin que l’origine de propriété du bien soit établie le plus clairement possible. Ce geste fait partie des actes de garantie, qui transmet le nom des précédents propriétaires et ne permet pas la contestation de l’origine de l’acquisition. tAnanyah et Tamet, s’adressant à leur gendre, rapportent l’historique de la situation juridique : « De plus, nous t’avons donné l’ancien document que Bagazushta a écrit pour nous, le document d’achat/vente (de la maison) qu’il nous a vendue et (pour laquelle) nous lui avons donné son paiement (en) argent » (B3.12 31-32). La clause de pénalité prévoit : « ou toute personne qui présentera un nouveau ou un ancien document au nom de cette maison… sera obligée et te donnera, ou a tes enfants, une pénalité d’argent, vingt karshen… » (B3.12 29-30). Cette vente comporte une modalité de garantie d’une certaine amplitude. S’adressant à leur gendre/acheteur, ʽAnanyah et Tamet s’obligent envers celui-ci à ne pas instituer plainte ou procès, ajoutant une garantie supplémentaire : « De plus, nous ne pourrons déposer plainte ou (procès) 292
B. Porten et H.Z. Szubin, « Abandonned Property in Elephantine, A New Interpretation of Kraeling 3 », pp. 123-131.
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contre tes fils ou tes filles ou (quiconque) à qui tu la donnes pour de l’argent ou par affection. De plus, un fils à nous, ou une fille, un frère ou une sœur à nous, associé en bétail ou copropriétaire de terres ou garant ne pourra faire de procès » (B3.12 24-27). Comme tous les autres actes, celui-ci ne manque pas de prévoir l’hypothèse d’un dépôt de plainte et/ou procès, contre les fils de l’acquéreur ou une personne à laquelle il l’aurait transmise, devant le préfet ou le juge, ou celle de toute personne qui tendrait un nouveau ou ancien document au nom de cette maison, auxquels cas ces personnes devraient verser une pénalité à l’acheteur ou ses enfants d’un montant de vingt karshen à l’étalon du roi (27-30). La pénalité prévue s’embarrasse tout autant de détails, qui prévoit plainte et/ou procès devant « un préfet, un seigneur ou un juge » (B3.12 -29). Des clauses de garantie se succèdent également dans les conventions démotiques. Assurée parfois, la modalité de renonciation à réclamation par laquelle le vendeur renonce explicitement à ses droits sur le bien cédé, affirme, dans les P. Louvre 2439 3 ; 2440 3 ; 2424 3 ; Dublin 1659 6 ; Louvre E 9204 et British Museum 10450 : [mn] mtw(=j) md nb n pȝ tȝ rt.wj=w, « Je n’ai pas de réclamation au monde à leur sujet » (5). Elle peut varier légèrement, ainsi que l’atteste le P. Bruxelles 8253 : mn mtw(=j) md nb n pÓ tȝ ỉ.ỉr.n=k rn=f, « Je n’ai absolument rien contre toi à leur sujet » (3)293. La modalité de contrôle suit ces informations ; un signe de propriété et d’autorité connu par d’autres contrats démotiques, tels les P. Bruxelles 8253 et Hawara 5 4-5, et qui constitue une garantie du fait des ayants droit. Elle peut être suivie par la formule prévoyant l’action des tiers, ou modalité d’éloignement associée aux précédentes : « Personne au monde, y compris moi, ne pourra exercer de contrôle de ce jour et pour toujours. Celui qui pourrait venir contre toi en mon nom ou de toute personne, je le ferai s’éloigner de toi » (P. Louvre 2439 3-4 ; 2440 4 ; 2424 3). Cette formule assure l’intervention personnelle du vendeur, qui n’est pas systématique (P. Hauswaldt 13). Par cette clause, il donne sa garantie personnelle renonçant à ses droits, qui s’engage à repousser l’action en revendication d’héritiers présomptifs, de même leur action en contestation, et à les « éloigner » de l’acheteur294. La garantie envers l’action des tiers peut prévoir une clause d’éloignement plus puissante : « Si je ne le fais pas s’éloigner de toi, je le ferai s’éloigner de toi (par la force) »295.
293
« Je n’ai aucune réclamation au monde à leur sujet contre toi en son nom » (P. Dublin 1659 6), P.W. Pestman, en collaboration avec J. Quaegebeur et R.L. Vos, Recueil de textes démotiques et bilingues, vol. II, Traductions, Leyde, Brill, N° 8. 294 H. Nutkowicz, Destins de femmes à Éléphantine, p. 295. 295 P. Louvre E. 2430 ; P. Berlin 15831 et 15832 ; P. Caire 50160 ; P. IFAO 901.
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En outre, cette modalité d’éloignement peut être associée à une formule de libération : « Quant à celui qui pourrait venir contre toi à son sujet je le ferai s’éloigner de toi. Si je ne le fais pas s’éloigner de toi, je le ferai s’éloigner de (toi) et je le purgerai pour toi de tout document valant titre ou toute chose au monde » (P. Hawara 5 5). Des nuances peuvent s’affirmer dans le texte, qui sont fonction de la situation des vendeurs, des acquéreurs, du lieu et du scribe : « Quant à quiconque viendrait contre toi à son sujet en mon nom (ou) au nom de toute personne au monde, je le ferai s’éloigner de toi, et je justifierai pour toi de tout document (et) toute chose à tout moment » (P. Bruxelles 8253). La transmission des titres de propriété interdit une possible autre cession du même bien par les mêmes vendeurs et la formule suivante met en place cet interdit : « À toi appartiennent leurs titres (en) tout lieu où ils se trouvent. Tout document qui a été établi le concernant, et tout document qui a été établi pour moi le concernant, et tout document par lequel j’y ai droit en ce qui le concerne, ils t’appartiennent de même que les droits qu’ils confèrent. Ils t’appartiennent en vertu de quoi j’y ai droit à leur sujet » (P. Bruxelles 8253 ; P. Dublin 1659 7). Des variations et des compléments sont souvent consignés. Ainsi, la remise du contrat P. Bruxelles 8253 à l’acquéreur est enregistrée, et le propre fils de la venderesse peut être mentionné dans la clause d’assentiment : « Reçois cet acte de la susmentionnée Taïbis, fille de Thotomous ; sa mère est Esereshti, ma mère susmentionnée. Acte en accord avec tout ce qui est mentionné ci-dessus, mon cœur est satisfait avec » (P. Bruxelles 8253). Cette clause permet d’apporter une garantie supplémentaire à l’acheteur, fils d’une autre union du mari (défunt ?) de la venderesse, prenant acte du retrait de son fils qui ne pourra rien exiger, complément de renonciation à réclamation. Puis, figure l’identité du scribe Thotortaios, fils du divin père Thotmenis ; celle de seize témoins à l’acte le clôture, inscrivant l’ultime garantie formelle. Le P. Hawara 5, livre une information concernant une tierce partie, la dame Tatiousir, qui intervient et donne son accord à cette convention Elle explique et prévient qu’elle a bien une réclamation sur le vendeur du nom d’Imenhemat par le truchement du droit légal d’un document d’annuité et le droit d’un document de paiement, deux contrats établis par le vendeur en sa faveur. Elle énonce : « ncris ! Fais tout ce qui est mentionné ci-dessus. Je donne mon accord, j’ai une réclamation sur le prêtre embaumeur… au travers du droit légal du document d’annuité et le droit du document de paiement, ce qui fait deux documents en tout (qu’) il a établis pour moi pour exécuter les obligations légales conférées par eux. J’abandonne à la femme citée cidessus… le dix-huitième… » (P. Hawara 5 7-9). Cette modalité de garantie semble laisser transparaître la possibilité d’un lien d’union entre le vendeur et Tatiousir, et la forme d’un contrat, le sḫ n sʽnḫ, ou « document de
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l’alimentation », qui impose au mari le paiement d’une rente annuelle à son épouse après que celle-ci lui ait tendu un montant d’argent lors du contrat ou de l’union296. Aussi, cette modalité a-t-elle peut-être pour objet d’inscrire une garantie pour Tatiousir. Une autre hypothèse est à envisager, puisque les documents d’annuité et de vente n’ont pas été conservés dans les archives : cette part de maison a peut-être fait partie de la garantie pour un prêt effectué par Tatiousir à Imenhemat297. Ces formules de garantie permettent de clore les clauses opératoires. Plusieurs peuvent être évoquées : celle de non-réclamation (P. Philadelphie X et XVI), de contrôle (P. Hawara 5 4 ; Philadelphie XVI), de retrait (P. Hawara 5 5 ; Philadelphie X et XVI), celle de la garantie envers les tiers (P. Hawara 5 5). Enfin, l’engagement du vendeur/de la venderesse de tenir ses obligations. L’obligation de serment comme garantie supplémentaire est
également attestée (P. Hawara 5 6 ; P. Louvre 2439 4), cependant pas systématiquement.
Les donations de maisons et parties de maisons Parfois, le document de donation araméen enregistre la transmission au donataire du contrat justifiant l’origine de la propriété, tout comme dans les actes de vente. Cette clause est attestée dans la donation à MipÓayah par son père : wyhbt lky spru ttyqu zy ktb ly mÎlm zk urwhy, « Et je t’ai donné le document ancien que Meshoullam a écrit pour moi la concernant » (B2.7 67). Ce contrat comporte également la formule de renonciation : « j’y ai renoncé/je m’en suis éloigné » (B2.7 15-16), jouant le rôle de garantie personnelle du père de MipÓaḥyah. Il est aussi d’usage, que lors de la rédaction d’un contrat de mutation démotique, les actes antérieurs soient produits et transmis au nouveau propriétaire. Leur forme varie, et parfois le fond également. Par exemple, le P. Turin 2123 7 mentionne cette formule : « À toi est la moitié de ses titres, en tout endroit où il se trouve »298. Les contrats de donation des P. Louvre E 296
H. Nutkowicz, Destins de femmes à Éléphantine pp. 96 sqq. G.R. Hughes et R. Jasnow avec la contribution de J.G. Keenan, Oriental Institute Hawara Papyri Demotic and Greek Texts from an Egyptian Family Archive in the Fayoum, P. Hawara 5, p. 31, n. X. Les auteurs considèrent qu’il peut s’agir du même type d’opération que celle enregistrée par les P. Hawara 3 et 9, où Ankhmerour s’est engagé dans un contrat d’annuité avec Ḥerankh et lui a préparé un document de vente pour une part d’un tiers de la maison. 298 Le P. Louvre E 7128 provenant des mêmes archives, qui concerne l’achat par Psenese d’un terrain voisin de celui qui lui appartient avec Tsenḥor, comporte une formule identique : « À toi sont ces titres en tout endroit où ils se trouvent », et dont le scribe est le même. 297
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3231 a et Hawara 13 ne comportent pas cette modalité. Les P. Philadelphie I-III, VII, XIII, XVI, XIX, XXIII comportent cette autre formule : « Ses titres sont à toi, dans tout endroit où ils se trouvent. Chaque écrit, qui a été fait et qui le concerne, et chaque écrit, qui a été fait pour moi le concernant, sont à toi, avec les droits qu’ils confèrent »299. Des clauses de validité du contrat s’ajoutent parfois à la précédente garantie. Ainsi, l’affirmation que le document établi est le seul valable conforte l’ensemble des précautions protégeant la bénéficiaire, et la clause de la donation offerte à MipÓaḥyah énonce :up lu ykl gbr urn yhnpq tlyky spr dt wttq lhn znh spru zy unh ktbt wyhbt lk zy ynpq tlyky sp lu unh kt[bth], « De plus, personne d’autre ne pourra produire contre toi un nouveau ou un ancien document, mais (seulement) ce document que j’ai écrit et t’ai donné. Quiconque produira contre toi un doc(ument), je ne l’ai pas écr(it) » (B2.7 1112). Le contrat de donation à JehôyîÎmat comporte également une disposition plus précise s’y rapportant : « Et s’il va en justice, il n’aura pas gain de cause. De plus, ils ne pourront pas produire contre toi un nouveau ou un ancien document au sujet de cette maison dont les limites sont ci-dessus écrites dans ce document. (Ce document) qu’il produira est un faux. C’est ce document, que moi, tAnanyah, j’ai écrit pour toi (qui) fait foi » (B3.11 15-17). Ces affirmations ne laissent aucun doute sur l’origine de propriété de la partie de maison offerte. Ayant pour objet de décourager toute querelle à propos de l’acte passé, la modalité de renonciation à réclamation varie en fonction de la transaction, des parties en présence et des circonstances. Dans la donation faite à JehôyîÎmat, son père renonce à toute révocation de cet acte moyennant un lourd dédommagement : unh tnny br tzryh lḥnu lu ukhl umr yhbt lk brmn psÎrt tl spr untwtky td urn hn umr uhnÑl mnk uwb wuntn lyhwyÎmt ubygrn ksp krÎn 30 ksp Ñrp bubny mlku , « Moi, tAnanyah, fils d’Azaryah, le serviteur du temple, je ne pourrai pas te dire : "Je te l’ai donnée par amour (comme) complément de dot sur ton contrat de mariage jusqu’à plus tard." Si je dis : "je te (le) réclame", je serai obligé et je donnerai à JehôyîÎmat une indemnité d’argent d’importance, trente karshen d’argent pur à l’étalon royal » (B3.11 9-11)300. La donation incomplète (B5.4) prévoit une modalité simplifiée : « De plus, je ne pourrai pas te dire : "j[e (te) le réclame pour le donner à d’autres]" » (B5.4 3). Le contrat en faveur de MipÓayah ne comporte pas cette clause. Ajoutée aux précédentes clauses de garantie, une clause de renonciation à plainte et/ou procès est mentionnée sur chaque contrat de 299
M. El-Amir, A Family Archive from Thebes, Demotic Papyri in the Philadelphia and Cairo Museums from the Ptolemaic Period. 300 La donation successorale qui a précédé cet acte en faveur de JehôyîÎmat comporte une pénalité identique de trente karshen.
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donation, une indemnité la sanctionne. Dans la donation à MipÓayah, son père s’engage : « Je ne pourrai pas, moi ni mes enfants, ni un de mes descendants, ou une autre personne, intenter contre toi ni poursuite ni procès au sujet de cette maison que je t’ai donnée et au sujet de laquelle j’ai écrit ce document pour toi. Qui t’intenterait une plainte ou un procès, moi, ou un frère ou une sœur, proche ou éloigné, un membre du détachement ou un civil, te donnera une somme de dix karshen » (B2.7 8-11). La pénalité est de peu d’importance, mais l’interdiction s’adresse à un large ensemble au-delà du cercle familial et où tous les individus concernés sont mis sur le même niveau. Peut-être cette somme plus modique signifie-t-elle que la maison en question est d’une moindre valeur, ou, à tout le moins, qu’elle est en mauvais état. Protecteur, et daté d’octobre 434, l’acte de donation d’ʽAnanyah à Tamet comporte cette stipulation où il s’engage : lu ukhl unh tnnyh urÎnky tldbrh dyn up lu ykhl br ly wbrh u wuh ygrnky bÎm bytu zk whn unh grytky dyn bÎm bytu zk unh uwb wuntn lky ksp krÎn 5 hw mÎh bubny mlku ksp r 2 lkrÎ 1 wlu dyn whn gbr urn ygrnk dyn yntn lky ksp krÎn 20, « Je ne pourrai pas, moi, tAnanyah, intenter (un procès) contre toi à son sujet. De plus, un fils à moi ou une fille, un frère ou une sœur ne pourront pas intenter (un procès) contre toi au sujet de cette maison. Et, si je t’intente un procès au nom de cette maison, je serai obligé et je te donnerai une somme de cinq karshen, qui font cinq, à l’étalon royal, en argent à deux q(uarts) pour un karsh sans procès. Et, si une autre personne t’intente un procès, il te donnera une somme de vingt karshen » (B3.5 12-16). Toute autre personne hors du cercle familial se voit menacée d’une pénalité financière quatre fois supérieure, considérant que les enfants du couple et les autres proches ne doivent pas être trop pénalisés dans une sorte de protection familiale. Outre cette garantie, le donateur prévoit jusqu’aux conséquences de la disparition de son épouse et la sienne. S’adressant à Tamet, il annonce et prévoit : lhn : « Mais », « si tu meurs à l’âge de 100 ans, ce sont mes enfants que tu m’as donnés qui y ont droit après ta mort. Et de plus, si moi, tAnanyah, je meurs à l’âge de 100 ans, c’est Pilti et JehôyiÎmat, tous deux mes enfants, (qui) ont droit à l’autre partie, moi, tAnanyah » (B3.5 19). Une liste des personnes qui n’ont à priori pas droit sur le bien en question précise : « Une autre personne, ma mère ou mon père, frère ou sœur, ou un autre homme, n’aura pas droit à la totalité de la maison, mais (seulement) mes enfants que tu m’as donnés » (B3.5 16-20). Une pénalité de dix karshen s’appliquerait à celui ou celle qui réclamerait ce bien. Une modalité de réaffirmation clôt ces intentions. Des nuances affectent la donation de mars 402 à JehôyîÎmat (B3.11). Une plus onéreuse pénalité et une énumération de personnes qui pourraient intervenir, et dont le spectre s’élargit le plus possible, ont un rôle de protection : « De plus, ni un fils ni une fille à moi, frère ou sœur, ni un allié ni
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un compatriote ou un garant ne pourra (intenter un procès). Quiconque intenterait contre toi une poursuite, ou un procès, ou une plainte contre toi, ou contre tes enfants, devant un gouverneur, ou un seigneur, pour t’enlever cette maison de mon vivant et à ma mort, sera obligé et te donnera, ou à tes enfants, une indemnité d’argent de trente karshen à l’étalon royal » (B3.11 11-14). Une stipulation proche de cette dernière, et toujours différente, est assurée dans la donation incomplète, qui prévoit également une pénalité, dont le montant est perdu (B5.4 1-2, 4-7). Des actes démotiques peuvent introduire des clauses concernant la garantie personnelle du donateur contre l’action des tiers. Une formule d’éloignement peut s’associer à une clause de libération. Son contenu est variable et peut adopter diverses formes. Le P. Rendell en apporte le témoignage : « Quant à celui qui pourrait venir contre toi les concernant en mon nom ou au nom de mon père ou de ma mère, je le ferai s’éloigner de toi nécessairement sans délai, sans procès ou rien au monde » (P. Rendell 9). Cette obligation engage le donateur à éloigner toute personne qui empêcherait le donataire d’exercer pleinement ses droits sur le bien offert301, mais aucun dédommagement n’est évoqué. Néanmoins, parfois le paiement d’une indemnité peut en être la conséquence. L’exemple du P. Rylands 17 en apporte confirmation : « Le fils, petit-fils, frère, sœur ou cousin, qui viendrait contre toi au sujet de cette maison, il te donnera 15 deben d’argent en métal des pièces du trésor de Ptah à l’étalon royal, aux sacrifices royaux, et tu pourras lui réclamer qu’il fasse selon chaque mot (employé) ci-dessus » (P. Rylands 17 5). Les conventions peuvent diversifier et adapter les clauses à chaque cas particulier302. Dans les actes araméens, la responsabilité du donateur envers le donataire s’établit clairement, qui se paye symboliquement et concrètement. Ces contrats font usage des deux termes : hnÑl, « réclamer »303, et brmn, « par 301
B. Menu, « Les actes de vente en Égypte ancienne », p. 171. Ainsi, une unique clause de garantie prévoit une lourde amende, qui rappelle que tout fils du prêtre qui viendrait contre le bénéficiaire devrait verser une amende de 500 statères, soit 100 deben d’argent en statères dans les 10 jours et sans délai (P. Hawara 4 4). Le donateur prend toute précaution afin qu’aucun frère du donataire ne puisse contester l’acte qu’il vient de faire rédiger et qui soulève la spécificité de la situation familiale ancrée dans le réel. Douze témoins à l’acte sont assurés, dont le nombre est inférieur à celui du P. Rendell, lequel semble poser plus de problèmes de répartition des biens. 303 A.E. Cowley, Aramaic Papyri of the Fifth Century B.C., Oxford, Oxford University Press, 1923, traduit ce terme par « reprendre » (8, 18; 18, 3). E.G. Kraeling, The Brooklyn Museum Aramaic Papyri, propose des traductions qui diffèrent selon les contextes, « reprendre » (2, 13 ; 6, 15 ; 10, 10), « enlever » (4, 20), « recouvrer » 302
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amour », qui peuvent constituer un ensemble. Le donateur se l’interdit et à toute autre personne. Mais cette clause de réclamation peut être omise et celle du procès également. L’une des deux est toujours assurée et parfois les deux. Le verbe md, « réclamer », ou l’expression r.r r, « venir contre », sont également attestés dans les documents démotiques, et la clause de réclamation peut être délaissée ou condensée. Le paiement d’une pénalité peut être prévu dans les deux sortes de contrats. La phraséologie de la formule légale de réclamation des clauses des contrats d’nléphantine s’exprime comme un interdit pour le futur et celle des contrats démotiques pour le présent, et l’interdit de contrôle le confirme. La modalité de renonciation à procès est absente des actes démotiques. Il s’avère remarquable que le donateur offre non seulement une partie de maison dont il se défait, mais également qu’il s’engage à verser une pénalité pour le cas où il changerait d’avis. Cette promesse s’avère rassurante, qui implique qu’il ne reviendra pas sur son acte de générosité. La prudence ressort de ces conventions, dont le rôle de protection est exprimé avec force.
Les donations successorales Si elle ne s’avère pas systématique, la transmission des actes antérieurs confirmant l’origine de propriété est bien affirmée dans l’acte de donation à MipÓaḥyah. Cette transmission paraît logique dans la mesure où ni Dargamana ni Maḥseyah, les précédents propriétaires, n’ont été en mesure de fournir un acte de propriété. Le serment en justice prêté par ce dernier et sa famille a fait preuve. Néanmoins, il semble bien qu’un cumul de précautions soit souhaitable. Aussi, une clause précise-t-elle que le père de MipÓaḥyah lui transmet à ce moment l’acte de retrait préparé par Dargamana : « Ce document, je te l’ai donné. Toi, garde-le comme héritière. Si demain ou un autre jour, Dargamana, ou l’un de ses fils, te fait (un procès) à propos de cette maison, sort ce document et, en fonction, engage un procès » (B2.3 23-27). Cette clause de précaution et de garantie est développée en raison d’une certaine méfiance envers ce personnage. Ne figurant pas à l’acte de transmission pour JehôyîÎmaʽ, cette clause n’a guère besoin de s’y trouver. Les deux actes testamentaires ont prévu la clause de validité de la convention, qui affirme pour JehôyîÎmaʽ : « De plus, ils ne pourront pas présenter contre toi un nouveau ou un ancien document, mais c’est ce document que j’ai établi pour toi (qui) est valide » (B3.10 21-22). La formule du contrat de MipÓaḥyah affirme plus de précautions et détaille : « Et, ils ne pourront pas présenter contre toi un nouveau ou un ancien document en mon (7, 42). Y. Muffs, Studies in Aramaic Legal Papyri from Elephantine, p. 42, le traduit aussi par « reprendre », et P. Grelot, Documents araméens d’Égypte, pp. 85, 179, 83, 238, 249 sqq., propose également le terme « enlever », p. 215.
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nom et concernant cette terre pour (la) donner à un autre homme. Ce document qu’ils présenteront contre toi sera faux. Je ne l’ai pas écrit et il ne pourra pas être présenté en justice tandis que ce document est dans ta main » (B2.3 1518). Le donateur s’engage encore : « Et, si j’intente un procès, je ne pourrai pas le gagner tandis que ce document est entre tes mains » (B2.3 22). Le cumul de clauses de garanties conforte l’esprit de ces donations. Maḥseyah (B2.3) s’interdit de réclamer le bien déposé dans la corbeille de mariage de sa fille, qui soutient : « Et, de plus, moi Maḥseyah, demain ou un autre jour, je ne (la) réclamerai pas de toi pour la donner à d’autres » (B2.3 18-19). Une confirmation s’inscrit quant à cet engagement personnel et garantit : « Si demain, ou un autre jour, j’intente une plainte, ou un procès, contre toi et dis : "Je ne te (l)’ai pas donnée", je te donnerai dix karshen dix, à l’étalon royal, en argent à deux q(uarts) pour la pièce de dix, sans procès ni poursuite » (B2.3 11-14). Une modalité prévoit la possibilité pour certains tiers d’intenter un procès ou déposer une plainte. La liste de ces personnes est précisée : « Fils ou fille à toi, homme à toi au nom de cette terre que je t’ai donnée… ou déposera plainte contre toi (devant) un préfet ou un juge, te donnera ou à tes enfants de l’argent, dix karshen » (B2.3 11-14). Comportant également cette garantie contre l’action des tiers, la donation successorale dont bénéficie JehôyîÎmaʽ révèle la liste suivante : « Un fils à moi ou fille à moi, associé/copropriétaire en terre ou garant, qui est mien, ne pourra pas lui intenter une plainte, ou un procès, ou déposer une plainte contre tes enfants après toi, ou déposer plainte contre toi devant un préfet, ou un Seigneur, ou contre tes enfants après toi » (B3.10 18-19). La liste s’est ici élargie et semble comprendre une partie des relations d’ʽAnanyah, qui sousentend que si ce dernier a des problèmes financiers cette donation ne peut être annulée au profit de ces tiers, lui concédant un aspect irrévocable.
L’usufruit L’habituelle clause de renonciation à réclamation figurant dans le contrat d’usufruit de juillet 420 à JehôyîÎmat garantit : lu ukhl unh tnny uhnÑl mnky wlu ukhl umr npÎy Ñbyt uhnÑl mnky wlu ukhl umr npÎy Ñbyt uhnÑl mnky, « Moi, Ananyah, je ne pourrai pas te (les) réclamer et je ne pourrai pas dire : "Mon âme (les) désire. Je vais (les) réclamer" » (B3.7 15). Cette formulation diffère de la forme usuelle figurant dans le contrat de mariage de JehôyîÎmat : Ñbyt uhnÑl, « je désire les réclamer » (B3.8 41-42), et préserverait peut-être la formule complète304.
304
H.Z. Szubin et B. Porten, « A Life Estate of Usufruct : A New Interpretation of Kraeling 6 », p. 36.
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La clause de réclamation de l’usufruit transmis par Maḥseyah à son gendre prévoit une revendication possible de sa fille auprès de son mari et adopte un aspect original : hn thnÑl mnk plg bytu [y]h[w]h lh lmlq , « Si elle te réclame, la moitié [s]e[r]a à elle à prendre » (B2.4 10-11), mais Jedanyah conserve l’autre moitié (B2.4 11). Cet acte en faveur de Jezanyah, prévoit la possibilité pour Maseyah d’intenter un procès, ou une poursuite, qui comporte la formule des contrats de mariage introduisant la disposition se rapportant au divorce. Une pénalité est prévue qui menace Maseyah : unh untn lk ksp krÎn 10 bubny mlku ksp r 2 ltÎrtu wlu dyn wlu dbb, « Je te donnerai de l’argent, dix karshen à l’étalon royal, en argent à deux q(uarts) pour la pièce de dix, sans procès ni poursuite » (B2.4 14-15). Par cette formule, Maseyah, donne sa garantie personnelle. Des garanties contre les tiers sont données dans le document dressé en faveur de JehôyîÎmat. Une clause d’expulsion menace quiconque voudrait écarter JehôyîÎmat de « ses maisons/pièces » : zy yqwm tlyky ltrktky mn btu zy ktbt wyh[bt lky yntn lyhwyÎmt] brty ubygrn ksp krÎn 10 [bubny mlku ksp r 2 ltÎrtu wlu dyn], « Quiconque se lèvera contre toi pour t’écarter des maisons que je t’ai écrites et don[nées, donnera à JehôyîÎmat], ma fille, une pénalité d’argent de dix karshen [à l’étalon royal, en argent à deux q(uarts) pour la pièce de dix/un karsh, sans procès » (B3.7 16-17). De surcroît, la clause d’expulsion inscrite dans son contrat de mariage condamne à une lourde amende quiconque voudrait la chasser de la maison : wzy yqwm tl[ yhwyÎmt ltrkwth mn byth [zy t]nn[yh …[ yn]tn l[h u]bygrnu zy ksp krÎn tšrn bubny [mlku] ksp r 2 l 10 wytbd[ lh ]dyn spru znu wlu dyn, « Et, qui se lèvera contre JehôyîÎmat afin de l’expulser de la maison [d’tA]nan[yah … [lui d]onnera [la pé]nalité d’argent, vingt karshen à l’étalon royal, en argent à 2 q(uarts) pour 10, et il fera [pour elle] le droit de ce document, sans procès » (B3.8 30-32). MipÓD\DK bénéficie de cette même protection et le montant de la pénalité à verser s’élève à 20 karshen soit 200 shekeln (B2.6 30-31 ; B6.3 9-11). Cette clause a pour objet la protection de la femme, en cas de divorce ou de veuvage. Ayant chacune pour objet l’attribution d’un droit d’usage, les clauses de réclamation des conventions d’nléphantine se démarquent cependant. L’acte en faveur de JehôyîÎmaʽ présente une clause de réclamation dont les notes paraissent bien personnelles, puisqu’en effet l’emploi de la formule : « mon âme (les) désire », n’est guère dotée d’une particularité juridique. Elle rejoint, de par sa formulation qui n’est pas plus stéréotypée, l’expression du motif : « par affection/amour ». Cette modalité de réclamation souligne délicatement les liens si humains et affectueux entre le père et sa fille. La clause de réclamation de l’usufruit octroyé à Jezanyah s’avère inhabituelle dans la mesure où elle limite les droits concédés à son épouse après réalisation des travaux d’amélioration et où chacun bénéficiera alors de
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la propriété de la moitié de la maison. Dans le même temps, elle rétablit une sorte d’égalité entre MipÓaḥyah et son mari dans ce rapport. Mais, une exigence récurrente traverse cette convention : conserver le bien dans le patrimoine familial et prévoir sa transmission aux seuls héritiers du couple (B2.4 12-13).
Les échanges L’acte d’échange entre Salluah et sa sœur Jethoma et l’autre partie, du nom de Jehour, fille de Shelomam, comporte une modalité de garantie et la liste des tiers y adopte une forme qui prend en considération un large spectre de personnes résumé en peu de mots : mr ywm urn lu nkl ngrky bmntu zky [l]umr lu unn yhbnh lky lu ykl u wuh br wbrh qrb wryq ygrwnky, « Demain ou un autre jour, nous ne pourrons pas intenter (de procès) contre toi au (sujet) de cette part, [d]isant : nous ne te l’avons pas donnée. Frère ou sœur, fils ou fille, proche ou lointain ne pourra intenter (de procès) contre toi » (B5.1 4-6). Elle prévoit une pénalité de moindre importance, puisque dans l’échange la perte est moindre que dans les autres sortes de conventions : wzy ygrnky bmntu zky zy yhbn lky yntn lky ksp krÎn 5, « Et, quiconque intentera (un procès) contre toi au (sujet de) cette part que nous t’avons donnée te donnera de l’argent : cinq shekeln » (B5.1 6-7). Parfois, des modalités singulières sont inscrites dans les conventions démotiques, où les parties s’engagent les unes envers les autres. Le contrat d’échange entre deux frères et leur fille et nièce, Ewe, comporte une première clause de garantie inscrite immédiatement après l’identité des parties, et où les premiers s’engagent (P. British Museum 10589) : « Nous te promettons de ne pas te causer des embarras ou de ne pas te faire causer des embarras, ni de nous tenir devant toi ni de faire qu’un homme à nous se tienne devant toi le jour où tu voudras construire ou démolir ta maison, dont les fondations sont construites avec sa cour qui est sise à son sud, et les terres incultes qui l’entourent et tout ce qui lui appartient ». Puis, la convention rapporte une clause réciproque qui réitère une partie du texte de la première clause de garantie et où les deux frères s’engagent à verser une lourde pénalité : « Si nous te causons ou faisons en sorte que tu subisses des embarras au sujet de la maison ci-dessus mentionnée et que nous t’avons donnée en échange de ta maison (?), de ce jour à partir de dorénavant pour toujours, nous te donnerons de l’argent, trois cents (deben), dont la moitié fait cent cinquante (deben), c’est-à-dire l’argent, trois cents (deben) à nouveau, en argent à vingt-quatre (oboles) pour deux (kite), dans les dix jours du mois en question. » Des précautions ultimes s’ajoutent qui sont réciproques, en raison des possibilités pour les parties ou un tiers d’empêcher
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la construction ou reconstruction de ces maisons en ruines et/ou terrains305. Seize témoins sont présents à l’acte, ajoutant la garantie formelle usuelle.
Les locations de maisons Si aucune convention de location en araméen n’est parvenue à ce jour, cette réalité est attestée en démotique. Aussi, dans le P. Philadelphie XII établi entre deux soeurs, une garantie prévoit-elle : « Si je manque à… je te paierai deux pièces d’argent, c’est-à-dire dix statères… ». Les répétitions sont rédigées afin qu’aucune contestation ne puisse émerger. Douze témoins à l’acte ont signé au verso. Pour clore cet acte, des formules de garantie et de sécurité impliquent une amende d’importance, qui se désintéresse du lien de famille, mais place en première position l’intérêt financier.
Les donations de terrain à bâtir Tsenḥor apparaît à nouveau dans l’acte de donation de terrain par son mari, qui est destiné à la construction de leur maison, et diverses garanties sont mises en place s’adaptant à la situation du donateur et de la donataire. En premier lieu, est mentionnée la transmission des titres antérieurs : « À toi est la moitié de ses titres, en tout endroit où il (ils) se trouve(nt) » (P. Turin 2123 7). Puis, une première garantie du fait du donateur trouve sa place dans l’acte, qui affirme : « Je n’ai aucune réclamation au monde au sujet de la moitié de ce terrain susmentionné et de la moitié de tout enclos qui s’y trouve, à moi en est l’autre moitié », et rappelle que le donateur est le propriétaire de l’autre moitié de terrain. La suite concerne les tiers : « Personne au monde, et moi pareillement, ne pourra exercer de pouvoir sur celle-ci en dehors de toi, dorénavant et à jamais ». Il est ensuite affirmé, dans une même formule de libération et d’éloignement : « Quant à celui qui viendra contre toi à cause de celle-ci en mon nom, ou au nom de toute (autre) personne au monde, je ferai en sorte qu’il s’éloigne de toi, je ferai en sorte qu’elle soit exempte pour toi de tout titre et de toute réclamation au monde » (P. Turin 2123 6-7)306. Après avoir donné sa prévoyante garantie, le donateur s’engage à repousser toute réclamation sur le bien offert, qui s’implique personnellement afin de repousser les opposants, car il en subirait les conséquences également. Nombreux et diversifiés, les contrats portant sur les opérations concernant les terres agricoles, les animaux de traits, tels les ânes et les vaches, n’ont pas manqué de livrer des modalités de garanties ! Seules quelques-unes 305
A.F. Shore et H.S. Smith, « Two Unpublished Demotic Documents from the AsyuÓ Archive », p. 59. 306 Cette clause est assurée dans les P. British Museum 10117 ; Bibliothèque Nationale 223 ; Louvre E 7128.
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d’entre elles sont exposées dans ce cadre et révèlent leur importance exceptionnelle dans le quotidien.
Les donations de terrains agricoles La donation faite à Rourou, fille de Tsenḥor, d’un champ de quatre aroures et de ses arbres (P. Louvre E 3231 a), comporte la plus simple formule de garantie qui soit concernant le donateur : « Je n’ai aucune réclamation au monde à leur sujet ». Elle exprime et marque l’abandon par le vendeur de ses droits sur la chose vendue et dont la formule figure parfois dans certains actes. Le donateur transmet ainsi sa garantie personnelle de ne pas la réclamer. La clause de contrôle inscrit la propriété et ses droits, de même que l’autorité sur la chose acquise par l’acheteur. Son modèle est le suivant : « Personne au monde, et moi pareillement, ne pourra exercer le pouvoir sur lui en dehors de toi, dorénavant et à jamais. » Néanmoins, l’expression figurant dans la formule : « personne au monde », se rapporte probablement aux ayants droit du vendeur, à moins que son champ d’application soit à peine plus vaste307. Ainsi, dans les P. Louvre E 9204 et British Museum 10450, ces derniers concernant des cessions de parts sur des champs, la modalité de renonciation à réclamation est suivie de la clause de contrôle qui réaffirme les droits de propriété et l’autorité sur les biens en question : « Personne au monde, y compris moi, ne pourra exercer de contrôle sur eux excepté toi de ce jour pour toujours ». Le contrat se clôt sur la modalité d’éloignement la plus ouverte possible en apparence : « Quant à celui qui viendra contre toi à cause d’eux en mon nom, ou au nom de toute autre personne au monde, je ferai en sorte de l’éloigner ».
Les autres opérations Le contrat d’association B1.1 voit le propriétaire d’un terrain agricole s’engager à donner une garantie du fait des tiers qui affirme : « Et, j’empêcherai quiconque de s’immiscer contre toi. Je me lèverai et je nettoierai et (te) [le] donnerai » (B1.1 10). Cet engagement signale l’obligation d’éloigner toute personne qui pourrait l’empêcher d’exercer ses prérogatives avec une pénalité pour conséquence. Cette promesse constitue un engagement juridique strict308. Le texte ajoute : « Et, [si] je ne me lève pas, et (ne le) nettoie (pas), et (ne te) (le) donne pas, je te le donnerai d(e] ma part "du roi" (qui
307
B. Menu, « Les actes de vente en Égypte ancienne », p. 170. J.J. Rabinowitz, Jewish Law, New York, Bloch Publishers, 1956, pp. 121, 145. R. Yaron, « Aramaic Marriage Contracts from Elephantine », JSS 3/1, 1958, pp. 1-39, spéc. pp. 18-19. 308
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appartient) au roi » (B1.1 11)309. Cette formule se relie au titre de propriété et à l’impossibilité hypothétique de le « nettoyer » de ce qui pourrait affecter le droit de cultiver le champ, obligeant alors Padi à fournir à son associé un champ en remplacement doté des mêmes spécificités. La clause se conclut par l’expression : mn bltdy mlt mlk, « excepté pour un mot du roi » (B5.1 11-12), renvoyant au pouvoir ultime du souverain qui pourrait s’y opposer. Les emprunts de grains ou d’argent impliquent également que des garanties soient prises en faveur des créanciers. Ainsi, pour ce qui a trait à l’emprunt de grains par ʽAnanyah, fils de Haggai et gendre d’ʽAnanyah, de lourdes prescriptions l’obligent (B3.13 8-9). L’une d’elles porte la responsabilité du paiement sur les enfants ou les garants du contractant qui s’engage, et engage ses héritiers : « Et, si je meurs et que je ne t’ai pas payé ton argent qui est inscrit ci-dessus, après mes enfants ou mes garants te paieront ton argent qui est inscrit ci-dessus » (B3.13 8-9). En outre, une prescription de sécurité ou gage général précise et inscrit la liste des biens sur lesquels le créancier pourra se rembourser, qu’il s’agisse d’un emprunt de grains, d’argent ou autre chose. Si les héritiers et/ou garants ne s’acquittent pas de cette dette, le créancier peut : « Saisir (parmi) une maison de briques lui appartenant, un serviteur, des objets de bronze ou de fer, qu’il trouvera à Éléphantine, à Assouan ou dans la province, vêtements ou grains, jusqu’à paiement de la somme due » (B3.13 9-12). Le rôle du garant apparaît dans quelques documents araméens où le contexte permet de clarifier tant son rôle que ses propres garanties : B3.11, B3.13, A2.3. Les deux contrats évoquent la responsabilité du garant qui va prendre la place du débiteur insolvable et payer en ses lieux et place ; la missive cite un garant qui doit être envoyé auprès de Tapamet (A2.3 9). En contrepartie, il est censé être remboursé par les héritiers du débiteur, parfois mineurs. Son implication peut s’avérer lourde de conséquences, tant pour lui que pour les débiteurs310 ! Le contrat d’emprunt d’une somme d’argent par Jehoḥen, fille de Meshoullach, une dame d’Éléphantine, auprès de Meshoullam, fils de Zaccur, Judéen d’Éléphantine (B3.1), exige également des enfants de la débitrice : « Et, si je meurs et que je ne t’ai pas payé cet ar(gent et son intérêt), ce seront mes enfants (qui) paieraient cet argent et son intérêt » (B3.1 14-15). Le fragment de contrat D2.18 d’emprunt d’argent ou se rapportant à un autre 309
H.Z. Szubin et B. Porten, « An Aramaic Joint-Venture Agreement : A New Interpretation of the Bauer-Meissner Papyrus », BASOR 128, 1992, pp. 67-84, spéc. p. 78, évoquent la possibilité que cet acte, consistant à « nettoyer », pourrait être effectué en justice. 310 B. Porten et J. Greenfield, « The Guarantor at Elephantine-Syene », JAOS 89/1, 1969, pp. 153-157.
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accord prévoit aussi : « Ce seront mes enfants (ou mes garants) (qui) te paieront cet argent et son intérêt » (D2.18 1). Cette convention exige une même garantie de sécurité exprimée par deux fois dans ce même document d’emprunt. La première rapporte le sévère engagement de la jeune femme vis-à-vis du créancier : « Et … et, si je ne t’ai pas payé ton argent et son intérêt, qui est écrit dans ce document, toi, Meshoullam, ou tes enfants aurez le droit de prendre pour vous-mêmes toute sécurité que vous trouverez m’(appartenant) : maison de briques, argent ou or, bronze ou fer, serviteurs ou servantes, orge, blé, ou toute nourriture que vous trouverez m’(appartenant) jusqu’à paiement complet de ton argent et son intérêt » (B3.1 7-11). Une seconde affirmation de cette sécurité prend place dans cet acte qui se réfère aux obligations imposées aux enfants de la débitrice : « Et, s’ils ne paient pas cet argent et son intérêt, toi, Meshoullam, aura le droit de prendre pour toi toute nourriture ou sécurité que tu trouveras leur (appartenant) jusqu’à ce que tu aies le (paiement) complet de ton argent et son intérêt » (B3.1 15-18). Une condition parallèle de sécurité est aussi reproduite dans l’acte de reconnaissance de dette portant la référence B4.6 : [bkl trbn z]y yÎtk[ by zy ]lbn[n][tbd wumh mun ] n[Î] wpr[z]l Îtrn [w]k[nt]n [Î]l[yÓ]h l[mud] [td ttmluy bksp]ky[ ksp] Îqln 3, « [Et, toi, Salluah, tu aura droit] à toute garantie q[ui est] trouvé[ée] : maison de bri[ques, serviteurs ou servantes], [ustensiles] de bron[ze] ou f[e]r, orge [ou] b[l]é ; [tu aura le] [d]r[oi]t de [(les) [saisir] jusqu’à ce que tu aies (le paiement) complet de ton [argent], 3 shekeln » (B4.6 11-13). La clause de sécurité de l’acte D2.18 2 prévoit la possibilité de saisir : « Toute pièce, objets de bronze ou de fer… (jusqu’à paiement complet) ». Le papyrus démotique Loeb 48 + 49 A livre une formule de garantie presque identique aux formules araméennes, et qui comporte également un gage général sur les biens du débiteur : [I.ỉr nȝ]y (?) ḥḏ ntỉ ḥry [ḥ]nʽ nȝy.w ms.t [r ʽḫpr ỉ]-ḏȝḏȝ(=y) ỉ-ḏȝḏȝ nȝy(.y)hrṱ.w ḥnʽ nȝ ỉwy.w ntỉ ỉw.k r mr[.ṱ=w mtw.(=y) nb nb, n-tȝy pr.w ȝḥ bȝk bȝk.t ỉḥ] ʽȝ tp-n-ỉȝ[w] nb yt bd.t ḥḏ ḥmt ḥbs ntỉ nb n nk.t mtw.ktȝy.ṱ=w[n]=k r-ḏbȝ.ṱ=w Îʽ.[tw.kmḥ=w n nȝy ḥḏ ntỉ ḥry ḥnʽ nȝy.w ms.t] [Bn ỉw(.y) rḫ ḏd], Dỉ(.y)n=k ḥḏ ms[.t] nỉm=w, ỉw pȝy sh m-ḏr.ṱ=k,« Cet argent qui est (mentionné) ci-dessus et leurs intérêts arriveront sur moi (et) sur mes enfants et aussi (sur) les garanties que tu voudras [de moi, tout, tout (comme) maisons, serviteurs, servantes, vaches], ânes, tout bétail, l’orge, le blé, l’argent, le bronze, les vêtements, tous les biens meubles, et tu les prendras (pour toi) à cause d’eux, jusqu’à [ce que tu les aies complétés avec l’argent ci-dessus et leurs intérêts] ; [je ne pourrai pas dire] : "Je t’ai donné de l’argent (ou) l’intérêt parmi eux" tandis que ce document est entre tes mains ». Quatre témoins sont présents à l’acte comme garantie testimoniale. Une autre formule est assurée dans un acte araméen d’obligation portant sur une livraison de grains à la Maison du Roi (B4.4). Elle adopte le
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contenu suivant : « Et tu as droit à notre allocation du (Trésor) du Roi [et (à) une maison de briques que tu trouveras] (nous appartenant), tu as le droit de (les) prendre jusqu’à (paiement) complet pour [ce] grain (qui est écrit plus haut) ». Si la garantie exigée paraît moindre que dans les autres contrats, peutêtre est-ce en raison de l’importance extrême de la pénalité qui s’abattrait sur les deux contractants non respectueux de leurs engagements : « Et, si (nous ne distribuons pas) pour toi le montant au Magasin du Roi et devant les scribes du T[résor ce grain] nous vous devrons de l’argent, 100 karshen… » (B4.4 13- 16). Le P. Louvre 9293 4-7, évoquant un prêt de grains, prévoit également de sévères garanties, affirmées par le débiteur : « Si je ne te les rends pas avec les intérêts, on pourra exiger de moi les garanties que tu voudras – la totalité des biens (?), (inclusivement) – céréales, champ, serviteurs, servantes, fils, filles […] …, bœufs, ânes, […], toute chose au monde (m’appartenant). Prends-les en compensation. Je ne pourrai pas dire : "Je t’ai donné le blé et les intérêts s’y rapportant", tant que cet [écrit] se trouvera entre tes mains ». Le signe du remboursement de l’emprunt s’affirme par l’acte rendu au débiteur. Le scribe inscrit son identité, puis huit témoins signent l’acte. Si les créanciers ayant prêté soit de l’argent soit des céréales tentent de se prémunir contre l’insolvabilité éventuelle de leurs débiteurs, la déconfiture s’inscrit en cas de non-remboursement. Elle pèse sur la seconde génération, puisque tous les biens sans exception qu’ils soient immobiliers et mobiliers, y compris ceux de première nécessité à savoir la nourriture et les objets dédiés à la vie quotidienne peuvent être perdus. Les emprunts de grains et/ou d’argent sont assortis d’exigences de garanties extrêmes évoquant le risque de non-remboursement et la nécessité d’instiller l’inquiétude chez le débiteur. Ces obligations non remplies peuvent, de même, mener à la « vente » comme « domestique/serviteur » du débiteur et de ses ayants droit, ce qui pourrait avoir été le cas de Tamet, l’épouse d’ʽAnanyah. Outre la possibilité du serment, le gage général du créancier sur les biens du débiteur constitue une mesure préventive assortie d’une peine pénale et de sûretés. Les garanties ont pour objet d’encourager le débiteur à rembourser en respectant le terme prévu et en prévoyant l’obligation de compenser la non-exécution des termes de son contrat par la concession de droits sur ses biens. De plus, les enfants semblent solidairement responsables des dettes contractées par leur père ; aussi, la question reste-t-elle posée de savoir si des journées de travail leur étaient imposées, fournissant une compensation à la dette. La distinction est à exprimer entre leur présence dans la liste des biens en gage et leur responsabilité solidaire devant la dette de leur père311.
311
B. Menu, « Le prêt », CRIPEL 1, Lille, 1973, pp. 118 sqq.
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La coupe Louvre E 706, datée de 592 avant n. è., dévoile un exemple de garantie d’engagement pour dettes, qui affirme : « Celui qui viendrait (pour faire une réclamation) envers toi à mon sujet, qui que ce soit au monde, en disant : "Ce n’est pas ta servante", te donnera tout argent ou tout grain qui plairaient à ton cœur, étant donné que je suis à toi comme servante, (je le répète) encore, avec mes enfants. Tu pourras me poursuivre en tout lieu où tu me trouveras ». Puis, la servante prête serment sur Amon affirmant qu’elle ne s’enfuira pas312. Ainsi, les opérations figurant sur un contrat comportent une ou des garanties ; les exceptions sont rares, y compris l’engagement d’un être humain comme servante. D’extrême portée dans la vie quotidienne, les animaux de trait tels : les vaches, veaux et/ou génisses, ânes ou ânons font l’objet de nombreuses transactions enregistrées. Les ventes l’assurent, de même que les échanges. Et, les modalités de garanties présentes sur les contrats soulignent leur valeur aux yeux des contractants, lesquels, ainsi qu’à l’habitude, tentent de prévoir le plus grand nombre de situations conflictuelles possibles. Les bovins sont largement concernés, mais aucun contrat en araméen sur ce thème n’est connu. Ainsi, dans l’acte de vente P. Berlin 13571, la garantie envers l’action des tiers concède un avantage très spécial, qui implique la formule d’éloignement usuelle associée à une clause d’échange par laquelle le vendeur s’engage à remplacer l’animal pour le cas où le contrat aurait été violé : « Je te donnerai une vache rousse, gravide, de labour selon sa ressemblance, en échange pour elle le jour où quelqu’un te la prendrait … ». (P. Berlin 13571 8). Cet engagement est également mis en lumière dans le contrat dévoilé par le P. Michigan 3525 B : le contractant exige un animal identique, sans préciser sa couleur, sa spécificité d’animal de labour ou son état gravide ou pas (5). Le P. British Museum 10846 A de vente de veau prévoit son remplacement éventuel par un animal de même couleur noire (5). Le P. Rylands 8, daté de la 8e année du pharaon Amasis, et qui ne décrit aucunement l’animal, comporte des obligations de garantie plus prégnantes et largement développées. De la sorte, la modalité de contrôle, signe de propriété et d’autorité du nouveau propriétaire sur la chose vendue, affirme : « Personne au monde ne pourra exercer de contrôle sur elle si ce n’est toi, y compris toute personne au monde, y compris moi » (P. Rylands 8 4). Elle mentionne un ensemble de garanties complexes, obligeant le vendeur au paiement d’une pénalité en nature ou en argent, selon les circonstances : « Et, pour celui qui viendrait la concernant afin de te la prendre disant : "Ce n’est pas ta vache", je suis celui qui la nettoiera pour toi ». Cette formule exprime une obligation d’éloignement envers quiconque empêcherait l’acquéreur d’exercer ses prérogatives. Une garantie complémentaire est adjointe par 312
B. Menu, « Cessions de services et engagements pour dettes », p. 82.
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l’acte, qui engage le vendeur et exige de lui : « Si je ne parviens pas à la nettoyer pour toi, je te donnerai une vache identique. Si je ne parviens pas à te donner une vache identique, je te donnerai 1 deben et 5 kite d’argent à sa place, à côté de tout veau qu’elle porterait, car ton homme est celui qui y a droit les concernant et je te les donnerai. Si elle est saisie/capturée tandis qu’un taurillon la suit, je te donnerai un taurillon à sa ressemblance. Si quelqu’un la capture tandis qu’une vachette la suit je te donnerai une vachette à sa ressemblance. Si quelqu’un la capture alors qu’un taureau la suit, je te donnerai un taureau à sa ressemblance, sans citer aucun document au monde contre toi » (P. Rylands 8 6-10). Cette dernière formule constitue une formule de libération rattachée à une clause de dédommagement en nature. Ces garanties adoptent la forme la plus complète possible et font endosser au vendeur des responsabilités concrètes et lourdes. Vente de parts portant sur une demi-vache, le P. Louvre E 9292 rapporte que le vendeur renonce à ses droits sur la chose vendue : mn mtw(.y) mt nb n pȝ tȝ r-ʽ.wy tȝy.s pÎ(.t) ḥnʽ ms nb bḥs.t nb nt ỉw.s r ms.ṱ.w n pȝy.n ỉhy wt n.n n p3 s2,« Je n’ai aucune réclamation au monde concernant sa moitié y compris (de) tout taurillon ou vachette qu’elle portera dans notre corral entre nous deux » (P. Louvre E 9292 4-5). Après cette renonciation à réclamation, une garantie complémentaire de contrôle concernant les tiers s’ajoute : « Personne au monde, y compris moi, ne pourra prendre le contrôle sur la moitié de la vache mentionnée plus haut » (P. Louvre E 9292 5). Des précisions s’adjoignent afin de prévenir toute action des tiers : « Quant à celui qui viendra contre toi à son sujet, c’est-à-dire sa moitié mentionnée plus haut, je le ferai s’éloigner de toi concernant toute plainte ou procès au monde. Si je ne le fais pas s’éloigner de toi, je te donnerai une vache femelle à sa ressemblance. Si je ne parviens pas à te donner une vache femelle à sa ressemblance, je te donnerai deux kite et demi d’argent du trésor de Ptah, puisque sa moitié t’appartient (avec la moitié de) tout taurillon ou génisse qui sera nettoyée pour toi concernant tout sujet au monde de ce jour pour toujours » (P. Louvre E 9292 6-8). Des échanges portant sur ces animaux comportent aussi des clauses de garanties. Le P. Turin 2124 transmet la garantie personnelle du gardien de bestiaux en son nom contre l’action des tiers, adoptant la spécificité suivante et prévoyant une pénalité précise : « Quant à celui qui viendrait contre toi à cause d’elle, en mon nom, ou au nom de toute (autre) personne au monde, je ferai en sorte qu’il s’éloigne de toi. Si je ne fais pas en sorte qu’il s’éloigne de toi, je te donnerai 1 (deben) d’argent fondu de la trésorerie de Ptah en compensation d’elle » (4-5)313. 313
P.W. Pestman et S.P. Vleeming, Les Papyrus démotiques de Tsenḥor (P. Tsenḥor), N° 11.
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Dans le P. Turin 2128, la garantie est bien présente contre l’action de tiers, associée à une formule de libération ou d’éloignement, qui s’appuie aussi sur une pénalité : « Quant à celui qui viendrait contre toi à cause d’elle en disant : "Ce n’est pas ta vache", je ferai en sorte qu’il s’éloigne de toi. Si je ne fais pas en sorte qu’il s’éloigne, je te donnerai 1 (deben) d’argent fondu de la trésorerie de Ptah, sans invoquer aucun titre au monde contre toi » (3-4). L’emploi du verbe wj, « éloigner » se rapporte aux personnes qui empêcheraient l’acheteur d’exercer ses droits sur la chose314. Elle est, dans ce contexte comme dans le précédent, associée à une clause de dédommagement d’un deben. Les actes de copropriété de bovins se dotent également de ces clauses de garantie. Ainsi, après la constatation du transfert et de la remise de la vache noire vendue et acquise par un couple, une modalité de contrôle et de transmission des droits trouve sa place dans le P. Michigan 3525 A. La clause d’éloignement est inscrite et prévoit si nécessaire son remplacement par un animal identique, sinon un dédommagement de cinq kite d’argent du trésor de Ptah (8-9). Par ailleurs, une clause de contrôle assez développée et figurant sur le P. Loeb 41 emploie une forme adaptée à la copropriété : « Personne au monde ni (mon) père, ni (ma) mère, ni (mon) frère, ni (mon) fils, ni (ma) fille, ni moi-même ne pourra exercer de contrôle sur sa moitié ni sur la moitié (des) veaux qu’elle porterait si ce n’est toi ». Quatre témoins ont signé l’acte au verso (P. Loeb 41). Les clauses de non-réclamation et de contrôle, dont peu de variétés sont attestées, figurent dans ces actes. Celles de garanties et de pénalités démontrent des approches variables qui impliquent toujours la responsabilité du cédant et vont de l’engagement d’éloignement des tiers à celui du remplacement de l’animal ou au versement d’une somme d’argent315. Ces conventions n’omettent pas de citer la possibilité de la présentation de documents précédant cette opération, et affirment par précaution que les cédants s’engagent à faire le nécessaire à cet égard. La complexité des actes juridiques tend à apporter le plus d’assurances possible à l’acquéreur et obliger le vendeur. Ces nombreuses modalités de garantie ont pour objet la protection de l’acheteur et de la chose acquise, qui soulignent encore l’intérêt considérable porté à ces animaux et la valeur qui leur est attribuée.
314
B. Menu, « Les actes de vente en Égypte ancienne », p. 171. A.F. Botta, The Aramaic and Egyptian Legal Tradition at Elephantine, pp. 137 sqq. 315 E. Cruz-Uribe, dans Saite and Persian Demotic Cattle Documents. A Study in Legal Forms and Principles in Ancient Egypt, Chicago, Scholars Press, 1985, pp. 62 sqq. analyse dans le détail les formules de garanties, d’éloignement, de « nettoyage », et de pénalités des actes de cette période et portant sur le bétail.
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Les ânes et les ânons font tout autant l’objet d’opérations commerciales. Les P. Loeb 44 + 49 de 489 avant n. è. en constituent un exemple, où les garanties usuelles sont présentes. La première formule de contrôle ne manque pas d’affirmer : « Personne au [monde] ne pourra exercer de contrôle sur [lui] si ce n’est toi ». Elle est suivie par celle de retrait : « Quant à celui qui viendrait contre toi en mon nom, ou au nom de toute autre personne au monde, disant : "Ceci n’est pas ton âne", je le ferai s’éloigner de toi en ce qui le concerne ». Ces modalités sont complétées par plusieurs affirmations du vendeur : « Si je ne parviens pas à le faire s’éloigner de toi, je te donnerai un âne semblable. Si je ne parviens pas à te donner un âne semblable, je te donnerai 5 kite d’argent du Trésor de Ptah (d’argent) fondu, sans invoquer aucun titre au monde contre toi » (P. Loeb 44+ 49 3-7). Les clauses de garantie et de sécurité sont identiques à celles que comportent les actes de toutes les catégories sur les biens immobiliers et mobiliers316. Une même phraséologie se répète dans les divers contrats avec des nuances, qui mentionnent des garanties les plus étendues possible. Le vendeur tout comme le donateur renoncent à leurs droits sur le bien vendu ou offert, et les actes l’expriment. Leur responsabilité se voit aussi engagée vis-à-vis des tiers, qu’il s’agisse des membres proches ou plus lointains de la famille du vendeur ou du donateur et de leurs ayants droit, de tiers associés et/ou de garants, avec une pénalité d’importance si une contestation émerge. Quelques termes sont à clarifier, tels : ʼyÎ ʼḥrn, « autre homme », qui renvoie à la notion d’un possible bénéficiaire, et non pas un étranger, mais un éventuel successeur ; ʼyÎ zyly, « homme à moi » qui diffère du précédent en ce qu’il concerne les parties protégées ; nkry, « étranger » qui indique une plus grande distance que zr, « étranger ». Par ailleurs, le scribe procède parfois, dans ces documents, par « ellipses intentionnelles » lorsqu’il omet un ensemble, tel « frère ou sœur », ou l’un des termes, tel « sœurs ». Parfois aussi, ces raccourcis adoptent une autre forme : certaines des parties figurent dans la modalité promissoire, et les autres dans la clause de pénalité317. La diversité des formules témoigne des besoins spécifiques des parties, de l’évolution dans le temps des formulaires et des usages scribaux. Par exemple, cinq actes établis par un même scribe, Haggai b. Shemayah, entre 427 et 402 avant n. è., suggèrent, par l’évolution de leur terminologie, une innovation personnelle afin de l’affiner et préciser le plus possible les différentes catégories de potentiels plaideurs318.
316
S. P. Vleeming, The Gooseherds of Hou, N° 6. B. Porten et H.Z. Szubin, « Litigants in the Elephantine Contracts ; the Development of Legal Terminology », Maarav 4/1, 1987, pp. 45-67, spéc. pp. 46 sqq. 318 B. Porten et H.Z. Szubin, Ibid., pp. 66-67. 317
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Des garanties formelles, telles : la présence des témoins à l’acte, la remise des titres antérieurs de propriété et des pièces de procédure, et la remise de l’acte entre les mains du bénéficiaire, s’ajoutent aux autres garanties319. La principale propriété de ces clauses de protection se trouve dans la nécessité de permettre au nouveau propriétaire ou au donataire la « jouissance paisible du bien »320. Aucun droit d’un ancien propriétaire, ou d’un tiers ne peut être pris en considération, impliquant leur éloignement. Mises en place afin d’éviter le recours à la justice, ces garanties restent essentielles pour assurer le bon fonctionnement des accords. L’empreinte si particulière des actes araméens, où juridique et affectif se côtoient souvent, et où sont écrits, en toutes lettres, les liens familiaux et leur aspect de générosité réciproque, et pas uniquement comme conséquence d’un désir de perdurer au travers du patrimoine, est à souligner. Les précautions se greffent les unes aux autres afin de protéger les donataires et les acquéreurs le plus possible. Répétitions et nuances parsèment ces conventions afin d’y parvenir et de ne pas omettre le moindre détail. La méfiance s’y reflète, tout comme elle réfléchit la société et ses mœurs.
Le système judiciaire En dépit de toutes les précautions prises par les contractants, des querelles peuvent survenir et l’appel à la justice s’avère fréquent afin d’y mettre fin dans un espace officialisé. Aussi, paraît-il nécessaire de présenter son organisation durant la Période Saïto-Perse.
Les lois égyptiennes Une réorganisation des lois égyptiennes est entreprise sous le roi Darius Ier. En effet, l’emploi du terme « codification », souvent usité afin de définir ce travail, ne paraît pas justifié dans la mesure où l’ngypte saïte dispose déjà d’un système juridique élaboré et d’une méthode achevée de classification des archives321. En l’an 519, le monarque ordonne au satrape de lui envoyer les sages de l’ngypte ; leurs travaux débouchent sur Le livre des ordonnances. Ce document recueille et réunit des textes des origines à la mort d’Amasis, et un addendum le complète avec les actes pris sous Cambyse. Cet ensemble semble être complété vers 503 et les sages s’en retournent en 319
B. Menu, « Les actes de vente en Égypte ancienne », p. 181. B. Menu, Ibid., p. 171. Cette présentation de l’ensemble des contrats de la période transmet la totalité des formules de garanties et leurs nuances. 321 D.B. Redford, « The So-Called Codification of Egyptian Law under Darius I », dans J.W. Watts éd., Persia and Torah. The Theory of Imperial Authorization of the Pentateuch, Atlanta, SBL, 2001, pp. 135-159. 320
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ngypte322. En 495, d’autres textes ont été ajoutés au recueil précédent. La Chronique démotique323 est enfin achevée, qui est écrite tant en araméen qu’en démotique. Cependant ce travail n’est pas une simple traduction en araméen des lois égyptiennes, car son élaboration s’est accompagnée d’une oeuvre de sélection et de réécriture, qui va résulter en une refonte du droit égyptien324. Son influence sur l’espace juridique et administratif s’affirme, 322
P. Briant, Histoire de l’Empire perse, pp. 489-490. Ce texte oraculaire regarde l’histoire égyptienne entre les deux dominations perses, S.L. Lippert, « Komplexe Wortspiele in der Demotischen Chronik und im Mythus von Sonnenauge », Enchoria 27, 2001, pp. 88-100. À cet égard, D. Agut-Labordère rappelle le changement de régime des donations de la couronne aux temples par Cambyse, dans « Le sens du Décret de Cambyse », Transeuphratène 29, 2005, pp. 9- 15. 324 D. Agut-Labordère, « Darius législateur et les Sages de l’ngypte : un addendum au Livre des Ordonnances », dans J.C. Moreno-Garcia éd., nlites et pouvoir en ngypte ancienne, CRIPEL 28, Lille, 2009-2010, pp. 353-358. En outre, une imposante bibliographie s’intéresse à ce thème, dont seulement certains travaux sont cités dans cet espace. W. Spiegelberg, Die sogennante Demotische Chronik der Papyrus 215 der Bibliotheque Nationale zu Paris nebst den auf der Rückseite des Papyrus stehenden Texten (Dem. Stud. 7), Leipzig, Hinrichs, 1914, p. 25. Cette édition constitue l’édition de référence du P. BN 215. N.J. Reich, « The Codification of the Egyptian Laws by Darius and the Origin of the Demotic Chronicle », Mizraim 1, 1953, pp. 178 sqq. E. Bresciani, « La satrapia d’Egitto », dans Studia Classici e Orientali VII, 1958, pp. 132-188, spéc. pp. 153-156 ; « Egypt, Persian Satrapy », dans Cambridge History of Judaism, Cambridge, Cambridge University Press, 1984, pp. 358-371 ; « The Persian Occupation of Egypt », dans Cambridge History of Iran II, Cambridge, Cambridge University Press, 1985, pp. 502-528. P. Briant, « Ethnoclasse dominante et populations soumises : le cas de l’ngypte », dans Achaemenid History III, Method and Theory, Leyde, Peeters, 1985, pp. 137-173. R.A. Parker, « Darius and his Egyptian Campaign », AJSL 58, 1941, pp. 373 sqq. A.F. Botta, The Aramaic and Egyptian Legal Tradition at Elephantine, pp. 72-76, définit ce document comme un ensemble de modèles de contrats, de reçus, de réclamations publiques et de décisions judiciaires. The Demotic Legal Code of Hermopolis West, éd. G. Mattha. J. MélèzeMordrzejewski, « Law and Justice in Ptolemaic Egypt », dans M. J. Geller et H. Maehler éd., avec la collaboration de A. D. E. Lewis, Legal Documents of the Hellenistic World, Papers from a Seminar Arranged by the Institute of Classical studies, The Institute of Jewish Studies and the Warburg Institute, University of London February to May 1986, The Warburg Institute, Londres, University of London, 1995, pp. 1-19, spéc. pp. 2-6, y voit le produit final d’une série de collections partielles préservées dans les archives des prêtres. K. Donker van Heel, The Legal Manual of Hermopolis, Leyde, Leyde Papyrological Institute, 1990. S. Grünert, Der 323
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alors que le pouvoir de Darius s’est affermi ; l’intégration de cet addendum témoigne d’un changement dans son attitude envers les temples, qui prend, après une période de protection, l’aspect d’une surveillance plus étendue et d’un durcissement de la politique perse. Il se compose entre autres d’éléments de formulaires destinés à la rédaction d’actes, de directives à suivre dans certaines situations, de procédures à observer pour défendre les intérêts d’une partie ou pour juger des litiges325. Kodex Hermopolis und ausgewählte private Rechtsurkunden aus dem ptolemaïschen Ägypten, Leipzig, Philipp Reclam, 1982. P.W. Pestman, « Le manuel de droit d’Hermopolis. Les passages transmis en démotique et en grec », Textes et études de papyrologie grecque, démotique et copte, Leyde, Brill, 1985, pp. 116-143. S. Allam, « Réflexions sur le Code légal d’Hermopolis dans l’ngypte ancienne », CdE 51, 1986, pp. 50-75. F. Hoffmann et J.F. Quack, dans Anthologie der demotischen Literatur, Münster, Lit-Verlag, 2007, présentent une traduction et une bibliographie plus récentes. D. Devauchelle, dans « Les prophéties en ngypte ancienne », Supplément aux cahiers nvangiles 89 : Prophètes et oracles II en ngypte et en Grèce, Paris, Le Cerf, 1994, pp. 6-31, en propose une traduction en français. D. AgutLabordère, dans « L’oracle et l’hoplite : les élites sacerdotales et l’effort de guerre sous les dynasties égyptiennes indigènes », JESHO 54, 2001, pp. 627-645, spéc. p. 628 précise : « Des gloses du chapitre 10, sont relatives aux pharaons "indigènes" des XXVIIIe et XXIXe dynasties ayant régné entre les deux dominations perses, dont la seconde est citée ; aussi, la rédaction de ce chapitre ne peut-elle être antérieure à 343/342 avant n. è., et date de la reconquête du pays par Artaxerxès III ». 325 J. Mélèze-Modrzejewski dans son article « Livres sacrés et justice lagide » des Mélanges C. Kunderewicz, Folia Juridica 21, Lodz, Acta Universitatis Lodziensis, 1986, pp. 11-44, l’analyse comme un « coutumier sacerdotal » (des coutumes indigènes ayant fait l’objet d’une rédaction par écrit), en raison de l’origine sacerdotale du document, dont la forme exclut sa définition comme « code ». Selon l’auteur, les prêtres égyptiens, devant l’influence étrangère, désirent conserver le droit ancestral et en assurer l’application dans la pratique judiciaire. Son utilité arait été pratique. Néanmoins, la question se pose de savoir pourquoi légiférer sur ce qui est coutumier, puisque ces lois ne disparaissent pas en si peu de temps, et que l’influence hellénistique n’empêche pas les indigènes de vivre selon leurs usages. Pour ce qui concerne le droit royal, il s’applique à des mesures administratives et fiscales. Aussi, les règles indigènes de nature coutumière, jurisprudentielle ou législative, anciennes et encore en vigueur, ne risquaient-elles pas d’être écartées, S. Allam, « Réflexions sur le Code légal d’Hermopolis dans l’ngypte ancienne », pp. 50-75, spéc. p. 60, n. 3. L’auteur propose une bibliographie complémentaire page 53, n. 1. Pour P.W. Pestman, l’impression se dégage d’un ensemble de cas spéciaux et « peu ou pas de règles à portée générale », mais qui offre au scribe des directives détaillées, parfois des formules complètes pour rédiger des conventions, et, en cas de différend, des
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Les tribunaux de la période saïto-perse À cette époque, l’organisation des cours ou tribunaux adopte une coloration spécifique. En effet, une nouvelle formule apparaît dès le règne de Psammétique Ier, qui pourrait définir une véritable cour de justice : « la maison de jugement », ʽwỉ n wpyt, dont les attributions juridiques seraient identiques à celles de la ḳnb.t qui les a précédées. De même, le terme : « les juges », nȝ wp.w/wpty.w, qui correspond à un collège de juges, apparaît dans les documents démotiques indiquant leur professionnalisation. La comparaison entre la documentation pharaonique et hellénistique révèle que cette dernière affirme la pérennité de la première et tout particulièrement à un niveau local lorsque le contact avec les ngyptiens s’affirmait nécessaire326. La Grande ḳnb.t figure dans un document écrit en hiératique et qui date de l’an 6 de Taharqa de la XXVe dynastie en 685 avant n. è. Le plaignant déclare : « (Je suis venu) avec toi (l’accusé) en justice devant les supérieurs de la Grande ḳnb.t de la ville (Thèbes) et (devant) le chef des scribes… » Aussi, apparaît-il que cette cour suprême n’est déjà plus sous la houlette du vizir, mais du chef des scribes. Ce texte préfère l’emploi du terme « supérieurs », wrw, plutôt qu’« officiels », srw, terme usité dans la langue vernaculaire du Nouvel Empire. La Grande ḳnb.t aurait subi des changements, mais pour autant, et quelle que soit leur nature et leur appellation, les cours locales ont perduré dans tout le pays327. La documentation plus tardive suggère que ce terme serait tombé en désuétude et aurait cessé d’être utilisé au quotidien avec la signification de « conseil/cour ». Il reste probable que les questions administratives et autres que juridiques seraient l’apanage des conseils appelés djadjat328. Paradigme de cette réalité, le P. Rylands 9, daté de 513, au cours du règne de Darius, rapporte des évènements s’étant produits depuis le règne de Psammétique Ier. Ce document fait plusieurs fois référence à la « maison de jugement » parfois en rapport avec « un juge/des juges »329. Dans un des serments litis décisoires. Aussi, ce texte pourrait-il être considéré comme « un manuel de droit » destiné à la pratique, « L’origine et l’extension d’un manuel de droit égyptien, Quelques réflexions à propos du soi-disant Code de Hermopolis », JESHO XXVI, 1983, pp. 14-21. 326 S. Allam, « Egyptian Law Courts in Pharaonic and Hellenistic Times », JEA 77, 1991, pp. 109-127, spéc. pp. 109 et 127. 327 B. Muhs, The Ancient Egyptian Economy 3000-300 BCE, pp. 173 sqq. 328 S. Allam, « Egyptian Law Courts in Pharaonic and Hellenistic Times, p. 116. 329 E. Revillout, dans « Le tribunal égyptien de Thèbes », Revue ngyptologique 3, 1886, pp. 1-16, dépeint l’administration de la justice civile confiée au tribunal des trente juges, évoqué par Diodore de Sicile et ajoute : « Les ngyptiens apportaient un soin tout particulier aux jugements, pensant que les décisions prises dans le tribunal
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épisodes, un homme apporte un document préparé par son associé à cette « maison de jugement » et un « juge » lui certifie qu’il a été invalidé. Le Code dit « d’Hermopolis » peut, par l’emploi de l’expression : « les juges », évoquer un collège de juges ou la cour de justice. Les actions en justice des parties s’effectuent devant cette institution. L’opinion des juges doit être respectée dont un jugement est l’expression, et la partie perdante doit écrire un document en faveur de la partie gagnante. Parfois, un serment doit être prêté « devant les juges » ou dans la « maison où sont les juges ». Ils peuvent ordonner au chef de la police d’intervenir en certaines circonstances. L’ensemble des occurrences du terme « juge/juges » s’accorde avec l’usage se reflétant dans les affaires journalières juridiques. Les « juges » n’ont, à ce qu’il semble, pas d’activité administrative. Les actes araméens illustrent cette institution des « juges » devant lesquels sont déposées les plaintes ou demandes de procès. Par exemple, le retrait de terre portant la référence B2.2 6 rapporte cette formule : « devant Damidata et ses collègues les juges ». La seconde partie de cet intitulé est assuré dans un fragment de Saqqarah : whnwth dynyʼ (P. dém.-aram. LSA 03/143a)330. Les « collègues » accompagnent, en certaines occurrences et pour les questions judiciaires, les officiels de tous niveaux, tant parmi les Judéens (A4.1 1. 10), que parmi les Perses (A6.1 1. 5-7 ; 6.2 8 ; B8.5 16 ; A5.4 2)331. Parfois, l’expression paraît plus complexe. Ainsi, dans un acte se rapportant à un échange de parts d’héritage : dyny mlkʼ wrwk rbḥylʼ, « juges du roi et Rauka le commandant de la garnison » (B5.1 3). Cette convention rappelle que le collège de juges et le commandant ont attribué une part à Salluah et Jethoma, sa sœur, en échange d’une autre à Jehour et Nehebet. Par ailleurs, l’acte d’obligation de livraison de grains (B4.4 9-10) évoque le : rb [dg]lʼ/[ḥy]lʼ, « le chef de ce [détach]ement/[garni]son » de Syène chargé de réceptionner la marchandise, en l’occurrence une tâche administrative d’importance. La formule : dyny mdyntʼ, « juges de la province », est assurée dans une lettre de pétition datant d’après 434-433 avant n. è., afin de corriger une injustice (A5.2 4, 7). Cette même missive rapporte qu’un personnage nommé Nattun a été interrogé devant : « Tarwu[ḥ et] le juge » ; l’expéditeur introduit sa requête par la formule : « Et, j’ai dit devant (le) juge. » Il précise dans sa ont, sous un double rapport, la plus grande importance dans la vie sociale. » Les trente juges réunis en un seul collège devaient choisir un grand juge. 330 Il s’agit d’un texte officiel, et plus précisément soit de la correspondance de l’administration satrapale soit d’une décision de justice, A. Lemaire et M. Chauveau, « Nouveaux textes démotiques et araméens trouvés à Saqqarah (note d’informations) », p. 145. 331 B. Porten, CS III, p. 145, n. 13.
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supplique que Bagapharna et Mannuki, les juges, et Naphaina, commandant de Syène, sont entrés à Syène et ont pr[is…]. Il met en cause : « Ces juges [de la province…] », lesquels ont commis une injustice, et en demande réparation auprès d’un Seigneur : kʽÎq ʼl ytʽbd ly b[, « Qu’une injustice ne me soit vraiment pas faite » (A5.2 9). Il requiert que ce dernier interroge Tarwuḥ et le juge, soulignant la possibilité de remettre en cause le premier jugement dont il est la victime, à ce qu’il explique. Le Seigneur ou satrape, personnage officiel332, joue peut-être ainsi le rôle de dernier recours, tel un appel. Il est l’autorité supérieure de ces juges dont la compétence se limite, à ce qu’il semble, à la province de Syène. Outre les juges, le plus souvent perses, lorsque leur identité est transmise, d’autres titres sont assurés, tel celui de préfet (B2.3 13) ou Seigneur/maître (B4.6 14 ; 7.1 3). Par exemple, une plainte de npʼ, terme irrésolu à ce jour333, a été déposée devant le « gouverneur »/chef Ramnadaina, autorité suprême, ou frataraka, à Syène et nléphantine, et Vidranga commandant des troupes (B2.9). Le premier, stationné à nléphantine, tout comme le second, cumule pouvoirs militaires et judiciaires (B1.7). Il semble concevable qu’en cette occurrence, les parties, mercenaires en activité, s’adressent à leurs supérieurs en cas de plainte ou de procès (B2.9 2-4). En 416, le 16 décembre, Jedanyah, fils d’Hoshayah et neveu du premier mari de MipÓaḥyah, procède devant Vidranga, commandant des troupes de Syène, à une déclaration officielle concernant un retrait de maison, pouvant faire partie d’une procédure plus complexe et qui l’aurait précédée, mais n’est pas décrite dans l’acte (B2.10). Encore une fois, dans cet acte de retrait, l’action est portée devant le chef militaire, doté en cette occurrence d’attributions judiciaires. La mention de Vidranga figure par deux fois dans cet acte : la première, après le nom de la partie qui se retire, et la seconde, après celle en faveur de laquelle l’acte est établi. La simple déclaration de retrait ne paraît pas nécessiter la présence de l’autorité suprême d’nléphantine qui a déjà tranché le cas (B2.9 4-5). La présence du gouverneur/chef d’nléphantine et/ou du commandant des troupes implique sans doute une répartition des compétences. Le « préfet » doté d’attributions administratives pourrait entendre tout aussi bien que le juge les plaintes et/ou procès et les instruire. Dans la donation de maison (B2.3) de Maḥseyah à sa fille MipÓaḥyah, la formule de pénalité 332
B. Porten, Afe, pp. 47-48. B. Porten, CS III, p. 162, n. 8, rappelle que ce terme reste un crux qui est attesté dans la formule : « Tu as déposé plainte contre moi devant le/la npʼ » du document portant la référence B7.2 4, se rapportant à une obligation d’effectuer une déclaration en justice à la suite de la plainte d’un personnage perse accusant Malchyah, fils de Jashobyah et propriétaire héréditaire à nléphantine, d’avoir employé la force afin d’entrer dans sa maison et d’avoir violenté son épouse, puis volé certains biens.
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met en équivalence : sgn wdyn, « préfet ou juge » (B2.3 13). Cette même formule figure dans la clause de validité du contrat de prêt B3.1 13. 18. Parfois dans divers contrats, et plus précisément dans la/les clauses de renonciation à plainte et/ou procès et de pénalités, figure l’indication des juges devant lesquels une plainte pourrait être déposée ou un procès intenté. Mica, fils d’Ahio, dans une clause de pénalité, évoque le « juge ou Seigneur » (B3.2 56) ; la donation testamentaire faite à JehôyîÎma prévoit, dans la clause de renonciation à plainte : le « préfet ou Seigneur » (B3.10 19) ; et, la vente d’appartement au gendre de Tamet et ʽAnanyah mentionne : « le préfet, le Seigneur ou juge » (B3.12 28). Enfin, un fragment de donation de maison cite le : « préfet ou Seigneur » (B5.4 5), dans la clause de pénalité. L’acte d’obligation de remboursement d’emprunt B4.6 met également en parallèle l’impossibilité pour l’emprunteur de déposer plainte devant : « un préfet, ou Seigneur/maître, (ou) juge » (B4.6 14). Le fragment d’acte de donation de maison B5.4 2, 5 reprend cette affirmation un peu différente dans une clause d’impossibilité de dépôt de plainte devant : sgn wm[rʼ, « un préfet ou un Seigneur/maître ». Une légère différence est assurée avec l’emploi de l’expression : lsgn wmrʼ, « devant le préfet ou un Seigneur/maître » (B3.10 19). Le terme « Seigneur/maître » pourrait se rapporter au satrape et ses divers collaborateurs, perses ou non. Cette même phraséologie figure dans la clause de pénalité des actes B3.11 13 et B3.12 2. Des attributions très larges, en particulier judiciaires, paraissent ainsi confiées à des responsables politiques, administratifs et militaires.
L’enquête : le serment et l’interrogatoire Parmi les méthodes judiciaires employées, les juges utilisent le mwmʼh, ou « serment », et l’interrogatoire des accusés (B2.9 8 ; A5.2 3 ; 5.4 5 ; B.1 3 ; B7.2 6 ; B8.7 2. 9 ; B8.8 5. 8 ; B8.10 6). Le serment est rapporté dans des documents de renonciation, et celui évoqué, dans le retrait de terre (B2.2 4-6), par Dargamana, fils Khvarshaina, le 2 janvier 464 avant n. è. paraît paradigmatique, qui déclare à son adversaire : ymʼt ly byhw ʼlhʼ byb byrtʼ ʼnt wʼnttk wbrk kl 3 ʽl ʼrqʼ zyly zy qblt ʽlyk ʼldbrh qdm dmydt wknwth dynyʼ wÓʽnwk ly mwmʼh lmwmʼ bywh ʽldbr ʼrqʼ zk kzy lʼ hwt ʼrq ldrgmn zyly hʼ ʼnh, « Tu m’as juré, par YHW le Dieu à nléphantine la forteresse, toi et ta femme et ton fils, tous trois concernant cette mienne terre à propos de laquelle j’ai fait un procès contre toi devant Damidata et ses collègues les juges, et ils t’ont imposé pour moi un serment à jurer sur YHW à propos de cette terre qu’il ne s’agit pas de la terre de Dargamana, la mienne, vois-moi » (B2.2 4-7). Puis, le scribe rappelle : ymht ly byhw whwÓbt lbby ʽl ʼrqʼ zk, « Tu m’as juré par YHW et satisfait mon cœur à propos de cette terre » (B2.2 11). Trois membres de la famille sont appelés à témoigner par le biais du serment, soulignant leur égale valeur en justice, qui refuse de se limiter à la seule personne appelée et apporte
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une forme d’assurance. Le choix de Maḥseyah de YHW le Dieu ne pose pas question à Damidata, qui correspond à une forme complémentaire d’assurance, puisque la peur est instillée au premier et à sa famille en cas de parjure. Ce document ne transcrit pas la totalité des débats et de la procédure, mais apporte néanmoins quelques lumières sur les procédures. MibÓaḥyah, fille de Maḥseyah, et l’architecte égyptien dénommé Peu, fils de Paḥe/Pakhoi, se rendent en justice à Syène à l’occasion d’un litige concernant de l’argent, des grains, des vêtements, du bronze et du fer et d’un document de mariage. Un acte de retrait de biens en résulte qui est établi le 26 août 440 avant n. è., et par lequel MibÓaḥyah, après avoir prêté serment, obtient satisfaction tout autant que Peu. La convention rapporte l’historique des évènements : à la suite de ce conflit, MibÓaḥyah s’est vue dans l’obligation de prêter serment. Elle s’est prêtée à cette règle et Peu le rapporte dans l’acte. Pour ce faire, elle a prononcé un serment sur la déesse égyptienne Sati (B2.8). S’il est évoqué, son contenu précis n’est cependant pas rapporté : udyn mwmuh mÓuh tlyky wymuty ly tlyhm bsty ulhth wÓyb lbby bmwmuh dkʼ zy tbdty ly tl nksyu ulk, « Puis, le serment est venu sur toi et tu as juré pour moi à leur sujet sur Sati, la déesse. Et, mon cœur a été satisfait avec ce serment que tu as fait pour moi au sujet de ces biens » (B2.8 4-6). Prononcé par MipÓayah, dans une cour de justice et devant la déesse d’nléphantine Sati, il devient un instrument de la loi et lui apporte une sanction judiciaire334, puisque le parjure est puni de lourdes sanctions. La question reste néanmoins de savoir pourquoi ce serment est sur Sati, la déesse d’Éléphantine, et non le Dieu des Judéens YHW, et alors que le père, la mère et le frère de MibÓaḥyah ont prêté serment auparavant sur ce dernier. Il semble que MibÓaḥyah se conforme à la demande des autorités judiciaires officielles afin de démontrer sa bonne foi. Cet acte est admis comme décisif335 et confirme la sincérité de la déclaration336. Soumis à l’autorité de la déesse Sati, déesse d’Éléphantine, ce serment exigé devant les juges, qui s’inscrit, outre dans la sphère juridique, dans l’espace « magicoreligieux »337, confirme les déclarations de l’accusée et leur confère une valeur 334
J.A. Wilson, « The oath in Ancient Egypt », JNES 7/3, 1948, pp. 129-156, particulièrement pp. 129-130, 156. 335 H.Z. Szubin et B. Porten, « Litigation Concerning Abandonned Property at Elephantine », JNES 42, 1983, pp. 279-284, spéc. p. 283. 336 J.A. Wilson, « The oath in Ancient Egypt », pp. 129-156, spéc. p. 129, définit la prestation de serment comme : « Appel solennel à l’autorité divine, un dieu, des dieux, ou le pharaon qui était lui-même un dieu. » Il ajoute qu’il est : « assertoire, confirmant une constatation ou une déclaration, ou promissoire en garantie de l’inviolabilité d’une promesse ou d’un engagement ». 337 B. Menu, « Le serment dans les actes juridiques de l’ancienne Égypte », dans Le serment, Signes et fonctions, vol. I, Paris, Raymond Verdier, 1991, pp. 329-344, spéc.
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incontestable. Ensuite, Peu affirme : « Et, mon cœur a été satisfait avec ce serment que tu as prêté pour moi concernant ces biens » (B2.8 5-6). Dans le cas présent, il permet de confirmer sa déclaration. Pour autant, Maseyah, sa femme et son fils, lors du procès intenté par Dargamana, fils de Khvarshaina, prêtent serment devant YHW, le Dieu des Judéens. Or, MipÓayah prête serment devant une déesse égyptienne liée au dieu bélier Khnoum et non devant la divinité judéenne YHW ; peut-être parce que le demandeur est égyptien. Un contenu de serment à propos d’une ânesse est transmis par l’acte portant la référence B7.3. Imposé à Menaḥem, fils de Shallum, celui-ci doit prêter serment à Meshullam, fils de Nathan, sur Ḥerem, le dieu en la place de prostration, et sur Anat YHW (B7.3 1-3). Le texte prononcé/à prononcer témoigne : ʼtnʼ zy byd p[msy br p]mt zy ʼnt rÎh ly ʽ[lyh lm] plgh zyly hw ṣdyq ʼ[nh l]hḥsnth pmys ʼbwk lʼ yhb ly ḥmr ḥlp plgh w[l]ʼ [yh]b ly ksp wdmy ksp ḥlp p[lgh], « L’ânesse, qui est entre les mains de Pa[misi, fils de Pe]met, et à [propos de laquelle tu as fait contre moi un (procès), [disant] : "Sa moitié m’appartient", j’[ai] le droit de l’accorder à Pamisi. Ton père ne m’a pas donné d’âne en échange de sa moitié et [il ne m’a pas] [don]né l’argent ou la valeur en argent en échange de sa m[oitié] ». La fin du texte est perdue, mais le défendeur explique clairement sa position et l’état des lieux. Tout comme dans les actes démotiques, il exprime et rappelle l’obligation, en l’absence de la transmission d’un autre animal, de concéder de l’argent en contrepartie. De surcroît, le serment que doit prêter Menaḥem s’appuie en cette occurrence sur deux divinités, instillant d’autant plus le sentiment d’inquiétude afin de tenter d’obtenir une information authentique. Outre les serments que rapportent ces actes divers, et qui sont exigés par les juges ayant d’ores et déjà les informations qui leur paraissent nécessaires afin de juger les affaires, l’interrogatoire est usité lors d’une phase précédente afin que les juges puissent obtenir des informations permettant de clarifier la situation. Les exemples prouvent amplement le recours à la justice, le système des interrogatoires et l’impératif de serment. Les documents araméens sont incomplets, qui découvrent des parties s’engageant à prêter serment après leur interrogatoire et déniant toute accusation. L’acte, plus que fragmentaire, D2.30 révèle un interrogatoire dont le contenu n’est pas livré. Par ailleurs, une obligation de serment de l’an 11 du roi Darius au mois de payni, et se rapportant à une accusation de vol de poisson et, par voie de conséquence, un dépôt de plainte, est mentionnée par l’acte B7.1. Tant l’accusé que l’accusateur sont des Judéens/Araméens. La missive incomplète p. 332. L’auteur conclut que « le serment n’est plus utilisé dans les conventions privées, avec les réformes du roi saïte Psammétique Ier. Il réapparaît avec la domination lagide », p. 344.
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A5.4 se rapporte à l’interrogatoire de plusieurs personnes. Après son interrogatoire, par et devant un collège de juges, le prévenu doit prêter serment sur YHW (B7.1 4). L’accusé rappelle à Maḥseyah : « [Tu as déposé une plainte contre moi] à propos de poissons, disant : ḥmṣt mny, "Tu me (les) a volés" » (B7.1 3). L’accusé rapporte alors les évènements qui ont suivi, et rappelle son interrogatoire par : « X et ses collègues les juges », dont l’identité n’est pas transmise ; cependant, X pourrait être le commandant, le préfet ou le gouverneur, lesquels : [wÓtynt mwmʼ]h lk byhw ʼlhʼ kzy nwnn lʼ ḥmṣ[t mnk], « [m’ont imposé de te prêter sermen]t, par YHW le Dieu que [je] ne [t]’ai pas vo[lé] les poissons » (B7.1 4). S’il refuse, ou s’il ne respecte pas son serment, ou bien s’il ne verse pas une certaine quantité de grains en contrepartie de leur valeur, il s’engage à remettre tous les poissons ou payer leur valeur. Une originalité apparaît, puisque l’accusé exige un contre-serment du plaignant : « Je te donne]rai tout (le) poisson, ou leur valeur [à propos de laquelle] tu [me] prêteras serment dans les (x) jours, je te (les) donnerai » (B7.1 6-7) ». Une extrême méfiance réciproque ressort de ces exigences sous la houlette de la justice. Une pénalité est prévue pour le cas où le serment ne serait pas respecté : « Si je ne te donne pas dans les (x) jour[s (les) poissons ou leur valeur je te donnerai] la [pénalité] d’orge, un qab pour chaque peras tous les mois et les années » (B7.1 8), à savoir 3 1/3 par mois338. Enfin, bien que le contrat ait été établi à Syène, le serment devait être prêté au temple de YHW à Éléphantine, où les deux parties devaient se rendre avec le document. De fait, cette convention par laquelle l’accusé rappelle l’obligation qui lui est faite de prêter serment en justice n’est pas un document de retrait/renonciation établi après la prestation de serment, mais il semble représenter une sorte d’acte intermédiaire par lequel il s’engage, et qui ne constate pas la résolution du conflit, mais nécessite un contre-serment. L’importance donnée à ce larcin poursuivi en justice permet de constater l’importance de l’objet de la plainte d’une part et d’autre part la part laissée à l’exigence réciproque dans cet échange. Une douzaine de documents mal préservés, dont les dates sont en partie effacées et vont de 467/6 au 24 février/6 mars 331, enregistrent des décisions de tribunaux (B8.1). Les documents B8.2 et B8.3 se rapportent à des « esclaves/serviteurs ». D’autres actes concernent des plaintes et l’acte B8.4 rapporte le mauvais traitement infligé au plaignant par les juges, qui fait appel de leur décision, tandis que l’acte B8.6 décrit les mauvais traitements subis par un personnage dont le nom est perdu et fils de Hubara de la part de deux Araméens. L’enregistrement d’un interrogatoire à propos d’« esclaves/serviteurs » figure sur l’acte B8.7. Un autre interrogatoire 338
B. Porten, « An Aramaic Oath Contract, A New Interpretation (Cowley 45) », RB 90, 1983, pp. 563-571, spéc. p. 569.
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(B8.10) est attesté dans un conflit se rapportant à des documents et des champs. Des décisions judiciaires sont enregistrées, qui ne sont qu’à l’état très fragmentaire (B8.6 ; B8.11 ; B8.12). La technique de l’interrogatoire est également attestée par un retrait de biens du 2-30 septembre 420 avant n. è. (B2.9). À la suite d’une plainte déposée par Menahem et ʽAnanyah, petits-fils de Shelomam, mettant en cause les deux fils d’Esḥor, Jedanyah et Maḥseyah, qui auraient hérité de biens que leur père se serait attribué en possession, mais appartenant à Shelomam, ils sont questionnés et le rapportent dans l’acte (B2.9 8) : ʼḥr Îʼyltm, « Après, vous avez été interrogés ». Dans le contexte juridique, l’emploi du verbe Îʼl adopte la signification d’interroger339. De nombreux contrats évoquent cette méthode dont ils ne précisent pas le contenu. La convention rapporte la conclusion positive dans sa clause de satisfaction : wʼnt ydnyh wmḥsyh bny ʼsḥwr hwÓbtm lbbn bʼlk nksyʼ wÓyb bgw mn y[w]mʼ znh ʽd ʽlm, « Et vous, Jedanyah et Maḥseyah, fils de Esḥor, avez satisfait notre cœur avec ces biens, et notre cœur a été satisfait sur ce point de ce [j]our et pour toujours » (B2.9 8-9). Parfois, l’interrogatoire et le serment sont employés consécutivement par les juges apportant une possibilité supplémentaire de certitude. L’acte incomplet d’obligation de déclaration judiciaire (B7.2 6) du 18 paophi, en l’an 4 d’Artaxerxès, révèle la formule suivante : « j’ai été interrogé », puis ajoute : « et la déclaration sur le dieu est venue (a été imposée) sur moi lors du procès ». Le texte transmet le contenu du serment à prononcer : ʼnh mlkyh ʼqrʼ lk ʽl ḥrmbytʼl ʼlhʼ byn [ m]qmn 4 lʼ[mr ] kḥsn bbtyk [lʼ] ʽlt wlʼnttʼ zylk lʼ ktÎt wnksn mn bytk kḥsn lʼ lqḥt, « Moi, Malchyah te déclare devant Ḥerembethel, le dieu, parmi quatre officiels disant : « Je ne suis [pas] entré de force dans ta maison et je n’ai pas frappé (cette) ta femme et je n’ai pas pris de biens/marchandises de ta maison par la force » (B7.2 7-9). Une menace dont le contenu s’est perdu, puisque le document faisant suite au serment est en mauvais état. L’acte de retrait B2.8 livre une information concernant l’interrogatoire des deux frères Menahem et ʽAnanyah. L’emploi du verbe Îʼl, « interroger », est ainsi utilisé dans un contexte judiciaire (A5.2 3 ; 5.4 5 ; B7.2 6 ; 8.7 2. 9 ; 8.8 5. 10). Cet acte livre l’une des méthodes employées par les juges. Le commandant des troupes de Syène, Vidranga, et « Gardien des Sept », peut également être le témoin officiel d’une déclaration qui n’est pas liée à une querelle. L’acte d’adoption de Jedanyah, fils de Taḥe/Takhoi, par Uryah, fils de Maḥseyah, tel qu’établit le 22 septembre-22 octobre 416 avant n. è., l’assure. 339
B. Porten, CS III, p. 162, n. 22.
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Dans certains actes démotiques, un serment devant le tribunal en cas de contestation est parfois prévu, qui adjoint une sûreté supplémentaire. Ainsi, dans le P. Louvre E 3228 b une formule de serment est révélée par le contrat : « [Il dit : "Aussi vrai qu’Amon vit que le roi vit, qu’il est en bonne santé (et) qu’Amon lui accorde la victoire !" Je ne pourrai renier le document » (6). Le serment joue le rôle de garantie sur les biens du débiteur. En effet, sa prononciation, évoquant le dieu Amon, transmet un aspect légal et quasi absolu à celui-ci. Par ailleurs, cette dernière n’est pas, dans ce cadre, effectuée devant une juridiction, mais peut être utilisée à tout moment en justice comme instrument de la loi340. La convention n’est pas explicite à propos des intérêts imposés. Enfin, huit témoins réitèrent la clause d’emprunt341. Une convention démotique peut prévoir la prestation de serment en cas de contestation, qui se rapporte à une vente de maison en ruines : « Le serment, (ou) la preuve, qui sera imposé sur toi devant la cour et en rapport 340
J.A. Wilson, « The oath in Ancient Egypt », pp. 129-156. Plus tardif, un papyrus démotique d’emprunt de grains du 2 septembre 127 livre une stipulation particulière puisqu’il met en scène trois personnages (P. Leyde 376) : le débiteur du nom de Patemis, la créancière Sachperis et Senphagonis, garante pour le débiteur, P.W. Pestman, The Archive of the Theban Choachytes (Second Century B.C.), A Survey of the Demotic and Greek Papyri Contained in the Archive, Louvain, Peeters, 1993, N° 20. K. Sethe et J. Partsch, Demotische Urkunden zum ägyptische Bürgschafstrecht vor züglich der Ptolemäerzeit, Leipzig, B.G. Teubner,1920, N°10. Pour autant, la présence d’un/une garant/garante n’est pas systématique. En effet, bien qu’étant une reconnaissance de dettes, P. DP Hd 734c n’en comporte pas, V. Kaplony-Heckel, Demotischen Gebelen-Urkunden der Heidelberger PapyrusSammlung, Heidelberg, Carl Winter, 1964, pp. 65-66, N° 32. Le débiteur reconnaît : mtw=t rtb sw 4½ … ḏ 200 … ỉw pȝj=w w ®n=w … ỉ.ỉr-n=j n rn nȝ ḏ.w nȝ pr.w r.tw=t n=j, « À toi appartiennent (sont à toi) quatre artabes ½ de blé … et deux cents (deben) d’argent, leur augmentation y étant incluse, à mon débit, au nom de l’argent et du grain que tu m’as donné » (11-14). La clause de règlement prévoit deux dates de remboursement, l’une pour le blé : le quatrième mois ou mois de pharmouti de la saison peret de l’an 44 ou avril-mai 126, la seconde pour l’argent : le deuxième mois ou payni de la saison chemou de l’an 44 ou juin-juillet 126, qui doivent être payées à la maison de la créancière (18). Si le débiteur ne rembourse pas le blé à temps, le montant à payer s’élèvera à 300 deben/6000 drachmes pour chaque artabe, soit 150% de leur valeur. Le P. DP Hd 734c prévoit une pénalité de 10% dès le moindre retard. Cette convention prévoit la garantie suivante par l’emprunteur : « Je ne pourrai pas dire… je t’ai rendu le grain… sans une quittance » (P. Leyde 376 23-24). Et, la garante déclare : « S’il ne te les rend [pas] je [te] les donnerai à la date échue ci-dessus mentionnée » (27). La responsabilité du paiement se transmet à la garante et aux héritiers : « Le droit de cet écrit ci-dessus sera sur nous et nos enfants » (28-29). 341
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avec le droit conféré par le document susmentionné que j’ai préparé pour toi, afin de m’imposer de le jurer, je le jurerai » (P. Bruxelles 8253 de vente d’une maison en ruines). Néanmoins, quand bien même cette clause ne figure pas dans la convention, le vendeur/la venderesse peut être mis en cause devant le tribunal ; cependant, la présence de cette clause dans le contrat souligne sa bonne foi. Paradigmatique, un texte de serment clôt l’ensemble des clauses de l’opération de vente de terres du P. Turin 246 (30-33) : « Aussi vrai qu’Amon vit et que le Roi vit ! Qu’il est en bonne santé et qu’Amon lui accorde la victoire ! Nous ne pourrons pas renier les paroles inscrites ci-dessus. Nous n’avons pas de fils, fille, frère, sœur, père, mère (ou) toute (autre) personne au monde entier qui pourraient faire une contestation à leur sujet, dorénavant. Quant à celui qui ferait une contestation à leur sujet, sa déposition ne serait entendue dans aucune des archives ». Parmi les méthodes permettant l’administration de la justice, le serment est attesté à de nombreuses reprises. Ses formulations varient, d’une certaine précision à l’annonce elliptique342 ; et, lorsque le roi y est évoqué, il s’agit du roi régnant. En outre, la descente sur les lieux en fait également partie ; de même que l’enquête, l’interrogatoire des parties et l’écoute des témoins.
L’ʽdh Une institution juridique attestée essentiellement dans les contrats de mariage araméens, et portant l’appellation d’ʽdh, semble laisser planer le doute quant à ses attributions et ses particularités. Les documents B2.6 ; B3.3 et B3.8 incluent une modalité prévoyant que la déclaration dite de « haine », et constituant l’une des formalités imposées permettant de concrétiser le divorce doit être prononcée devant cette « cour ». La déclaration se colore de nuances, mais elle reprend les mêmes éléments de base. Par exemple, MipÓaḥyah devra assurer : « Je hais Esḥor, mon mari » ; et, celui-ci devra prononcer la formule fatidique : « Je hais ma femme MipÓaḥyah ». L’usage exige que cette déclaration soit effectuée debout devant cette cour. 342
Le texte le plus complet transmis affirme : ỉry A ʽnḫ n nb r-ḏd (ou m-ḏd) wȝḥ Imn wȝḥ pȝ ḥḳȝ, « A a prêté serment sur le dieu disant : "Aussi vrai qu’Amon vit et que le roi vit." » Une affirmation suivie par l’intégralité du texte du serment. Néanmoins, ce dernier peut se réduire à la formule : « Il a prêté serment sur le roi. » Le terme « serment » peut être omis dont seul le contenu est transmis, A.G. Mc Dowell, Jurisdiction in the Workmen’s Community of Deir el-Medinah, Leyde, Nederlands Instituut voor tet Napige Oosten, 1990, p. 36. J.A. Wilson, « The oath in Ancient Egypt », p. 153, propose de les considérer comme des memoranda abrégés plutôt que comme la transcription complète de la procédure.
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Elle est, à ce qu’il semble, enregistrée par cette instance qui ne paraît pas intervenir dans cette décision. La question est celle de savoir à quelle sorte de tribunal correspond cette ʽdh. L’absence flagrante des différents titres de juges évoqués plus haut dans ces actes permet de déduire que la déclaration ne s’effectue pas devant eux. Le mariage des Judéens est établi par le truchement d’un contrat civil et d’une déclaration orale ; aussi, aucune autorité sacerdotale n’est-elle concernée. Aucun tribunal populaire, ou Conseil des Anciens, n’est évoqué dans ces conventions, « aucun tribunal juif autonome » n’apparaît343. De surcroît, des unions exogames sont assurées avec des ngyptiens/ngyptiennes, ou des personnes d’autres origines ethniques. Il semble malaisé de concevoir que les autorités politiques aient pu permettre un tribunal spécifique aux Judéens puisqu’en ce cas il aurait été nécessaire d’autoriser un tribunal pour chaque origine ethnique. Imposer une différence de cette sorte à la population indigène ne paraît pas pertinent et ne transparaît pas des informations à notre disposition344. Partant, il semble logique de considérer que ce tribunal est en fait le tribunal d’instance local et civil égyptien, la djadjat, ou anciennement la ḳnb.t, laquelle se voit, dans cet espace, limitée au simple rôle d’enregistrement de la déclaration orale.
Les retraits/renonciations à biens Divers, les actes de retrait à la suite d’un dépôt de plainte ou d’un procès révèlent le rôle prégnant tant de l’institution judiciaire que des réglementations qui prennent leur source dans un ensemble de lois dont certaines sont parvenues jusqu’à nous. Toute difficulté avec un tiers peut donner lieu à une plainte ou un procès et les nombreux actes l’attestent. Divers contrats araméens et démotiques établis après en passage devant la justice sont assurés qui en évoquent les contenus. Les P. Rylands 9, en démotique archaïque (XXVIIe dynastie), et P. Louvre E 3228 c, en hiératique anormal (XXVe dynastie), en illustrent notamment certains aspects345. Conséquences des plaintes et procès en justice, des actes portant l’appellation « retrait de biens », « retrait de terre », retrait de maison » témoignent et résultent des plaintes et/ou des procès et des jugements qui en ont été la cause, puis la conséquence. ntablis systématiquement par la partie ayant reconnu son tort en justice et renonçant à ses exigences, certains d’entre eux proviennent des 343
R. Yaron, Introduction to the Law of the Aramaic Papyri, Oxford, Clarendon Press, 1961, p. 27. 344 H. Nutkowicz, « Note sur une institution juridique à nléphantine, ʽdh, la « cour », Transeuphratène 27, 2004, pp. 181-185. 345 M. Malinine, « Un jugement rendu à Thèbes sous la XXVe dynastie, (Pap. Louvre E 3228 c) », Revue d’ngyptologie 6, 1951, pp. 157-178, pl. iv, v, vi.
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archives de MipÓaḥyah ; d’autres, de celles d’ʽAnanyah, mentionnent les clauses habituelles. Parmi les archives de la première, un retrait de terre évoqué plus haut (B2.2), et datant du 2 janvier 464, le 18 kislev, le 17 du mois de thot en l’an 21 du roi Xerxès et au commencement du règne d’Artaxerxès, met en lumière la déclaration de Dargamana, fils de Khvarshaina, à Maḥseyah, fils de Jedanyah, Judéen de la forteresse d’Éléphantine du détachement de Varyazata. Il rappelle la plainte déposée devant Damidata et les Juges, de même que le serment prêté tant par Maḥseyah que sa femme et son fils et ayant permis d’éteindre le conflit. La convention de retrait de terre établie après le jugement rendu par Damidata et ses collègues, les juges, à la suite du serment prêté par Maḥseyah sur YHW à propos de « cette terre, qui n’est pas la terre de Dargamana, la mienne, voyez », en livre le contenu (B2.2 6-7). En effet, Dargamana, du détachement d’Artabanu, l’un des voisins de Maḥseyah, a déposé plainte contre lui, assurant que son voisin s’était emparé de sa propriété. Les juges imposent donc à Maḥseyah, sa femme et son fils de prêter serment. La partie ayant succombé au procès reconnaît que cette terre ne lui appartient pas. En outre, l’identité des voisins est précisée sur l’acte, qui permet de déterminer les limites du terrain ayant donné lieu au litige. Une clause de satisfaction suit le rappel de cet évènement ; elle est prononcée par le rédacteur de l’acte : whw Óbt lbby tl ʼrqʼ zk, « et (tu as) satisfait mon cœur concernant cette terre » (B2.2 11-12). Cette modalité, ainsi qu’à l’accoutumée, emporte agrément à l’acte par la partie perdante. Dargamana renonce à toute possibilité de procès, sous peine d’une amende de vingt karshen. Enfin, il reconnaît et transmet l’information essentielle : wʼrqʼ zk ʼpm zylk wʼnt rḥyq mn kl dyn zy yqblwn tlyk tldbr ʼrt ʼ zk, « Et de plus, cette terre est à toi et tu es loin de toute poursuite (dans) laquelle ils déposeraient plainte contre toi au sujet de cette terre » (B2. 2 15-16). Ce document sera dorénavant l’équivalent d’un acte de propriété. Huit personnes sont témoins à l’acte qui porte l’appellation de : spr mrḥq zy ktb [drgm]n br ḥršyn l mḥsyh, « Acte de retrait que [Dargama]na, fils de Khvarshaina, écrit pour Maḥseyah » (B2.2 22)346.
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Parmi les actes démotiques de la période ptolémaïque, un retrait de terre après jugement figure dans le P. British Museum 10437 (224-223 avant notre ère) ; seuls quelques fragments nous sont parvenus. Il met en scène une femme du nom de Sentaes, fille de Hakoris, qui reconnaît et rappelle pour ce qui a trait à cette terre de [150] coudées carrées [mesurant I 1/2 coudées de terre à nouveau, qui est sise dans le quartier nord-ouest de Hermonthis : r.ḏd=y ḳnb.t ỉrm=k ḏbȝ.t=f, « à propos de laquelle j’ai été en conflit avec toi » (ligne 4), C.A.R. Andrews, Catalogue of the Demotic Papyri in the British Museum, vol. IV, Londres, British Museum Publications, 1990, p. 85.
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Les archives de MipÓaḥyah livrent le texte d’un autre retrait de maison du 16 décembre 416 avant notre ère (B2.10). Daté du 3 Kislev en l’an 8, le 12 de Thot en l’an 9 de Darius, ou le 16 décembre 416 avant n.è., cet acte est écrit sous la houlette de Jedanyah, fils de Hoshayah, fils de Uryah, pour Jedanyah et Maḥseyah, tous deux fils de Nathan et de MibÓaḥyah, fille de Maḥseyah, fils de Jedanyah. Ce document est établi en présence de Vidranga, commandant des troupes de Syène à Éléphantine. La formule employée par Jedanyah : rḥqt mnkm mn byt yznyh br ʼwryh, « je me suis éloigné de vous/je suis loin de toi/j’ai renoncé (concernant) la maison de Jezanyah, fils d’Uryah » (B2.10 4), n’évoque ni ne rappelle à aucun moment une plainte ou un procès. L’emploi de cette terminologie inscrit la séparation des protagonistes dans l’espace de leur accord. Ainsi, cette modalité implique le renoncement à toute prérogative sur la maison de Jedanyah. Et, le terme rḥq, « s’éloigner », se rapporte à l’objet/bien/propriété347. La clause d’investiture affirme : « Cette maison… est à vous. Vous, Jedanyah et Maḥseyah, (tous deux) fils de Nathan, pour toujours et vos enfants après vous ; et, vous pouvez la donner à qui vous aimez » (B2.10 8-9). Le contractant s’engage à ne pas déposer plainte ni intenter un procès à aucun membre de la famille, ou aucune tierce personne l’ayant acquise, ou à toute personne bénéficiant d’une donation. Une pénalité de 10 karshen est prévue en cas de non-respect des accords conclus. Huit personnes sont témoins à l’acte. Le contrat est défini comme : « Document de retrait… » au verso. Ce contrat révèle certains aspects des transmissions entre membres d’une même famille. En effet, Jedanyah, un neveu de Jezanyah et le premier époux de MipÓaḥyah, se retire de la maison de Jezanyah en faveur des deux enfants de celle-ci avec son second mari Esḥor/Nathan (B2.10 2-9). À la mort de Jezanyah, sa maison est transmise à sa femme. Et, en 416, alors qu’elle vient de disparaître, sa propriété doit être officiellement transmise à ses enfants, expliquant cette procédure devant le commandant des troupes, Vidranga. Aussi, le retrait établi officialise-t-il les héritiers en question et les protège-til d’actions d’éventuels ayants droit. D’autres actes, dont un retrait d'hyrʼ, sont attestés à l’état de fragments ; ce dernier provient des archives d’tAnanyah (B3.2)348. Le terme d'hyrʼ semble se rapporter à une parcelle de propriété abandonnée349 sur laquelle aucune des parties présentes au contrat n’est, à ce qu’il semble, dotée
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A.F. Botta, The Aramaic and Egyptian Legal Tradition at Elephantine, pp. 186190. H. Nutkowicz, Destins de femmes à Éléphantine, pp. 238-239. 348 L’ostracon D1.26 fragment b évoque également le paiement d’un hyrʼ. 349 H.Z. Szubin et B. Porten, « Litigation Concerning Abandonned Property at Elephantine », p. 284.
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de droits héréditaires350. En effet, le 25 de pharmouti, le 20 sivan en l’an 14 d’Artaxerxès, le 6 juillet 451 avant notre ère, Micah, fils d’Ahio, s’adresse à tAnanyah, un « serviteur de YHW » à Éléphantine, et reconnaît : yhbt ly ksp šqln 5 bdmy hyrʼ zylk zy qblt tly bgw, « Tu m’as donné de l’argent, cinq shekeln comme paiement de ton hyrʼ (à propos) duquel tu as déposé plainte contre moi » (B3.2 5-6)351. Micah exprime sa satisfaction en employant l’habituelle formule : wtb lbby bdmwh[y, « Et mon cœur a été satisfait avec so[n] paiement » (B3.2 4). Il s’interdit, par une clause de garantie qui prévient toute nouvelle action possible, tout procès et/ou plainte à propos de cette parcelle qui pourrait donner lieu à une pénalité de cinq shekeln. La clause usuelle de pénalité et de rappel d’éloignement révèle que les deux parties ont déposé plainte, puisque Micah reconnaît : « Si je dépose plainte contre toi (devant) un juge ou un Seigneur/maître, au nom de [c]e hyrʼ – (à propos) de laquelle j’ai déposé plainte contre toi, tu m’a[s] donné son paiement, l’argent [4 +1 (=5) shekeln et je me suis éloigné de toi – je te donnerai 5 karshen » (B3.2 5-8). Une autre clause de garantie, du fait de certains tiers, inscrit la responsabilité de Micah : « Si un frère ou une sœur, proche ou éloigné, dépose une plainte au nom de ce hyrʼ, je (le) nettoierai et te (le) donnerai » (B3.2 8-9). Son engagement est devenu une obligation d’éloigner (d’empêcher) les personnes dont la liste est transmise et qui pourraient empêcher tAnanyah d’exercer pleinement ses prérogatives sur la parcelle achetée. Cette garantie n’inclut pas les héritiers de Micah et les autres membres de sa famille dans la promesse de ne pas déposer plainte, qui omet ses fils et filles contrairement à l’usage courant. En outre, elle ne protège qu’tAnanyah et non ses héritiers, tels son fils et sa fille, afin de protéger Micah le plus possible qui a cependant fait preuve d’une certaine bonne volonté en se retirant moyennant cinq shekeln352.Son originalité repose sur le fait qu’une double plainte ait été déposée : toutefois un accord est intervenu et tAnanyah a versé un montant qui pourrait être considéré soit comme un achat, soit comme une forme d’indemnité versée à Micah, qui n’a pas obtenu la parcelle, afin de clore cette opération. Des retraits de parties de maisons sont également assurés par des actes démotiques. Ainsi, le P. British Museum 10446 enregistre un texte composé de quatre feuillets et assez précis353. Daté du Ier de pachons, en l’an 17 de Ptolémée 3 Evergète, soit le 17 juin 230, il restitue la déclaration d’un prêtre, 350
B. Porten, CS III, p. 170, n. 7. B. Porten Ibid., p. 145, n. 11. 352 H.Z. Szubin et B. Porten, « Litigation Concerning Abandonned Property at Elephantine », p. 282. 353 C.A.R. Andrews, Catalogue of the Demotic Papyri in the British Museum, pp. 66- 67. 351
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lecteur de la nécropole de Djemé et portant le nom de Djufakhy, fils d’Amenothès, à une femme dont le nom est effacé et rapporte l’historique des évènements : ḏd=y ḳnb ỉrm =t ỉw.ỉr-ḥr nȝ wpy.w n nȝ wtb.w ʼImn, « J’ai été en conflit avec toi devant les juges constitués par les prêtres d’Amon ». Puis, le texte ajoute : « concernant ta pièce à l’est et ta pièce de stockage qui lui appartient et la moitié de la salle de devant, ta demi-part des quartiers des femmes » (2). L’autorisation de monter par l’escalier y est affirmée. Puis, cette autre permission est accordée : mtw=t ỉr hy n nȝ stbḥ.w n pȝ t.wy rn=f, « Et, tu peux travailler avec l’équipement de la maison en question » (2 et 4)354. Les limites sont ensuite précisées, qui découvrent le nom des voisins et leur profession selon les points cardinaux. La formule précédant les limites est répétée et s’y ajoute l’autorisation suivante : « Tu peux sortir par la porte au milieu de la maison en question sur la Route de pharaon ». Cette dernière expression désigne une chaussée publique par opposition aux sentiers et routes privés355. Cette clause trouve des parallèles dans les actes en araméen, et le document de donation d’un mur construit (B2.1) comporte l’autorisation d’ouvrir la grille/porte et de sortir dans la rue (B2.1 14) ; de même, la donation testamentaire d’tAnanyah en faveur de sa fille Yehôyîšmat (B3.10 14), et l’acte d’usufruit ayant précédé cette donation le proposent dans une formulation plus austère (B3.7 13-14). Les clauses adoptent des expressions dont les nuances diffèrent légèrement selon les actes et les scribes. Le déclarant confirme encore : « Les juges ont rendu leur jugement en ta faveur contre moi pour ce qui les concerne » (P. British Museum 10446 4). La clause d’éloignement est largement développée ensuite. Ainsi, cet acte confirme un conflit porté devant le tribunal, puis sa résolution par une cession de propriété après la décision judiciaire. Des actes de retrait de biens proviennent des archives de MipÓaḥyah. Le document en faveur de MipÓayah et daté du 26 août 440 (B2.8) rapporte qu’un personnage nommé Peu, architecte de Syène, lui a intenté un procès concernant divers biens dont la liste est précisée dans l’acte : tl dynu zy tbdn bswn nprt tl ksp wtbwr wlbwÎ wnÎ wprzl kl nksn wqnyn wspr untw, « Au sujet du procès que nous avons fait à Syène, un litige au sujet d’argent et de grains et de vêtements et de bronze et de fer, tous biens et propriété, et (le) contrat de mariage » (B2.8 3-4)356.
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Cette clause est transmise par les P. Louvre 2424, ligne 2, British Museum 10026, Louvre 2443 ligne 3, Louvre 2431 ligne 4. 355 C.A.R. Andrews, Catalogue of the Demotic Papyri in the British Museum, p. 67, n. 19. 356 Un fragment d’acte de retrait, de l’an 2 du règne d’Artaxerxès, a été établi en faveur d’une femme, fille de Gemaryah, et porte la référence D2.5.
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Après la prestation de serment de l’accusée, la clause de satisfaction, comme à l’accoutumée, emporte agrément à l’acte par Peu qui a perdu le procès. Elle est suivie de l’affirmation de retrait : wrqt mnky mn ywmu znh wtd tlm, « Et, je m’éloigne de toi de ce jour et pour toujours » (B2.8 5-6). Cette modalité est reproduite dans une forme distincte : wunh ryq mn kl dyn wdbb, « Et, je me suis éloigné de toute plainte ou procès » (B2.8 11). Le perdant au procès abandonne ses griefs : lu ukhl ugrnky dyn wdbb unty wbr wbrh lky bÎm nksyu ulky zy ymuty ly tlyhm, « Je ne pourrai pas intenter plainte ou procès (contre) toi, ou ton fils, ou ta fille, au nom de ces biens au sujet desquels tu m’as prété serment » (B2.8 7-8). Une pénalité est cependant prévue : hn grytky dyn wdbb wgrky br ly wbrh ky bÎm mwmuh dky unh pyu wbny untn lmpÓyh ksp krÎn 5 bubny mlku wlu dyn wlu dbb, « Si j’intente contre toi plainte ou procès, ou qu’un fils à moi, ou une fille à moi, porte plainte contre toi au nom de ce serment, moi Peu, ou mes enfants, je donnerai à MipÓayah de l’argent : cinq karshen à l’étalon royal sans poursuite ni procès » (B2.8 8-10). Une clause de retrait s’ajoute à ces constatations : « Et, je me suis éloigné de toi de ce jour et pour toujours ». Peu s’interdit de déposer une plainte ou de faire un procès à propos de ces biens (B2.8 7-8). Et, ainsi qu’à l’habitude, la convention prévoit une pénalité de cinq karshen dans le cas contraire et qui concerne aussi ses enfants. Une clause réaffirme le retrait de l’architecte : « Et, je suis éloigné de toute plainte et/ou procès ». Le scribe Peteese, fils de Nabunathan, prépare cet acte à Syène devant quatre témoins. L’obligation de serment peut, de la sorte, s’imposer à une femme comme à un homme sans différentiation juridique. Un autre retrait de biens du 2/30 septembre 420 avant n. è. (B2.9) rapporte le procès intenté par Menahem et ʽAnanyah, petits-fils de Shelomam, contre Jedanyah et Maḥseyah, fils de MipÓaḥyah et Esḥor, à propos de biens dont la liste comprend des vêtements de laine et de lin, des ustensiles de bronze et de fer, de bois et de feuilles de palmier, des grains et d’autres objets non précisés et placés en dépôt auprès d’Esḥor, lequel se les serait appropriés et ne les aurait pas retournés à leur propriétaire. Aussi, l’acte rapporte-t-il les particularités qui ont entouré cette situation. La plainte se fait plus précise dans ce retrait : « Il y [a] ce(s) biens, des vêtements de laine et de lin, des ustensiles de bronze et de fer, des ustensiles de bois et de feuilles de palmier, du grain et d’autres (choses) » (B2.9 4-6). Elle ajoute : « Des biens que Esḥor votre père a pris de Shelomam, fils d’Azaryah. De plus, il dit : "Ce sont (ces biens) qui ont été mis en dépôt" ». Mais, il en a pris la propriété héréditaire et ne les lui a pas rendus » (B2.9 6-7). Puis, après ces explications, les plaignants concluent : « Et, par conséquent, nous avons déposé (plainte) de npʼ contre vous ». Le procès s’est tenu devant le chef Ramnadaina, autorité suprême d’Éléphantine et de Syène, doté des fonctions judiciaires et militaires, et Vidranga, le commandant militaire, et les deux frères Menahem et ʽAnanyah
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ont été interrogés. Le terme npʼ reste un crux non résolu à ce jour. Ensuite, les inculpés rendent les biens à leurs légitimes propriétaires et la formule de satisfaction et de reçu est mentionnée : « Et vous, Jedanyah et Maḥseyah, fils de Esḥor, avez satisfait notre cœur avec ces biens et notre cœur a été satisfait avec ceci à compter de ce j[o]ur et pour toujours » (B2.9 8-9). La formule de retrait constate l’abandon des poursuites après le remboursement : « Nous sommes éloignés de vous à compter de ce jour et pour toujours » (B2.9 9-10). Les deux frères s’engagent à ne pas renouveler de plainte ou procès et la liste est étendue aux membres de leur famille, aux membres de leur détachement ou de la cité. Elle concerne les enfants de Jedanyah et Maḥseyah, fils de Esḥor, leurs frères, un « homme à eux » ou leur représentant (B2.9 10-12). Une pénalité de dix karshen est censée les en dissuader. Quatre témoins figurent à l’acte. Le document de retrait de biens témoigne que l’usage du serment n’est pas systématique. Des différences s’affirment avec l’acte de retrait concernant MipÓaḥyah, dans la forme et le fond. Ainsi, aucune prestation de serment n’est exigée des fils d’Esḥor, mais les parties responsables sont interrogées en justice (B7.2 6 ; B8.7 2 9 ; B8.8 5 8 ; B8.10 6). Une clause de satisfaction du document reconnaît alors : « Et vous, Jedanyah et Maḥseyah, fils d’Esḥor, avez satisfait notre cœur avec ces biens et notre cœur a été satisfait ainsi de ce j[ou]r pour toujours » (B2.9 8-9). La dernière partie de cette formule : « de ce jour et pour toujours » est exceptionnelle, qui affirme dans cet acte juridique qu’il ne sera plus question de ce litige357. L’expression : « mon cœur est satisfait » est présente dans l’acte de renonciation de MibÓaḥyah mais qui se rapporte au serment prêté par celle-ci et non au retour de marchandises. La clause de satisfaction implique le retour des biens ayant donné lieu à litige, ce qui n’est pas le cas dans l’exemple précédent. La formule souligne que la partie ayant porté la chose devant les juges donne son assentiment à la solution du serment imposée par les juges ou bien celle du retour des biens. Dans ces actes de retrait ou de renonciation, elle clôt le procès et les griefs exposés, et souligne que la plainte n’a plus de raison d’être et ne sera dorénavant plus exposée devant aucune juridiction. L’acte B2.9 se poursuit par une affirmation de retrait : « Menahem et Ananyah, nous sommes éloignés de vous de ce jour pour toujours ». La formule met en exergue le renoncement à toute plainte ultérieure. Conformément aux usages juridiques, le document apporte les précisions jugées utiles quant à de nouveaux plainte et/ou procès provenant des membres de la famille, du détachement ou de la ville que les plaignants s’engagent à ne plus présenter, ni convoquer les enfants, les membres éloignés de la famille en justice à propos des biens en question : « biens et argent, grains et autres 357
B. Porten, CS III, p. 162, n. 25.
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choses ayant appartenu à Shelomam, fils d’Azaryah » (B2.9 11-12), le père des plaignants. Une pénalité de 10 karshen en est le contrepoids. L’acte de renonciation réaffirme que les plaignants sont éloignés de ces biens. Les précisions et répétitions ont pour objet de protéger les parties ayant été jugées afin d’éteindre définitivement les plaintes, et en informer les tiers qui ne peuvent pas aller en justice pour cette cause. Le scribe est judéen qui est Mauzyah, fils de Nathan. Quatre témoins sont présents à l’acte lui donnant publicité. Le titre de l’acte figure au verso : « Document de [retrait/renonciation] que Menahem et Ananyah, tous deux fils de Menahem, fils de Shelomam, ont écrit [pour Jedanya]h et Maḥseyah, tous deux, fils de Esḥor, fils de Djeḥo ». Le P. Loeb 43 enregistre un acte de retrait/renonciation à propos d’une 358 ânesse de couleur noire, marquée au nom de son propriétaire, de l’an 2 du pharaon Psammétique IV lors du troisième mois de la saison hathyr en 485 (?), et transmet essentiellement des modalités de garantie la concernant après avoir inscrit la renonciation du propriétaire : « Je suis loin du droit à l’ânesse noire qui est marquée… et à cause de laquelle je suis venu vers toi disant : "Je l’ai acquise pour de l’argent" » (P. Loeb 43 2). L’acte donne lieu à une clause de transfert précise : « [C’est à toi,] c’est ton ânesse [de] ce jour pour toujours » ; puis, s’inscrit une modalité de contrôle, signe de propriété et d’autorité, suivie par une clause de retrait. Par ailleurs, le P. Loeb 43 prévoit pour le cas où le vendeur ne parviendrait pas à éloigner le ou les importuns, qu’il concède néanmoins à l’acheteur le droit de propriété sur l’animal et ses ânons et ceux qu’elle portera « de ce jour et pour toujours ». Quatre personnes sont témoins à cet acte. Aucune information ne permet cependant de déterminer si cet acte est la conséquence d’accords entre les parties devant une cour de justice359. Un acte probablement de retrait/renonciation à biens, inscrit sur le P. démotique Bruxelles 8256 c, livre peu d’informations, mais rappelle une action en justice et un jugement ayant précédé sa mise par écrit. Préparé le 25 pachons de l’an 11 d’Alexandre IV (le 30 juillet 306 ?), il décline l’identité de la personne ayant déposé plainte en justice concernant des biens dont la liste n’est pas précisée. Cette dame, du nom de Taos, fille de Horos, s’adresse à Teos, fils d’Ioufaou. Après avoir rapporté qu’elle s’est rendue en justice au sujet des biens mentionnés, mais non précisés, elle reconnaît : dy=y wy.w rr=k pȝ hp nȝ nkt.w r-ỉw=y r-r=k r-ḏbȝ=w, « Je suis loin de toi (pour ce qui concerne) le droit à ces choses pour lesquelles je suis allée contre toi ». Aucun serment ne figure à l’acte ; seulement le rappel : ỉr=k n=y pȝy=w hp, « Tu as fait pour moi leur droit », qui signifie que la partie adverse a prouvé son bon 358 359
S. P. Vleeming, The Gooseherds of Hou, N° 8. S. P. Vleeming, Ibid., N° 8.
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droit. Une formule usuelle et essentielle d’éloignement ou de garantie conforte ce rappel : pȝ nty ỉw=f r ỉy r-r=k r-ḏbȝ.ṯ=w rn=y ỉw=y dy.t wy=f r.r=k, « Quant à quiconque viendrait contre toi à leur sujet en mon nom, je le ferais s’éloigner de toi ». Le nom du scribe est suivi par ceux de quatre témoins. Ce document témoigne de l’obligation faite à la partie ayant perdu son procès de reconnaître, par un acte écrit, que son adversaire a gagné en justice en raison de la justesse de sa position et outre son acceptation de sa garantie360. Et, la formule d’éloignement des actes démotiques fait partie des modalités qui protègent contre l’action des tiers par l’intervention personnelle du cédant. Unique solution considérée par les personnes, hommes ou femmes, se considérant comme spoliées, le recours à la justice, soit par le dépôt d’une plainte, soit par le fait d’intenter un procès, s’avère prégnant. À la suite de ce recours, les juges tranchent le conflit et leur décision donne naissance à une nouvelle situation et une autre répartition des biens qui doit être inscrite sur une nouvelle convention par la partie perdante reconnaissant son acceptation. Documents de renonciation ou de retraits affirment ainsi la résolution de conflits par le système judiciaire se rapportant à des biens tant immobiliers que mobiliers. Leur spécificité consiste en une reconnaissance officielle des faits et de leurs conséquences par l’affirmation de la formule d’acceptation du nouvel état de choses dans ce cadre : « tu as satisfait mon cœur » (B2.2 1112 ; B2.8 5-6 ; B2.9 8), et de formules de retrait : « je suis loin de/nous sommes loin de » (B2.2 15-16 ; B2.8 11 ; B2.9 15). Pour autant, des précautions ultimes prévoient la possible émergence d’oppositions concernant les « choses » en question et la partie rédigeant l’acte s’engage à ne pas intenter de nouveau procès ou déposer plainte moyennant de lourdes pénalités allant de cinq à dix karshen. La proportion des actes de retraits dans les archives de MipÓaḥyah s’élève à quatre sur onze documents, et celle dans les archives d’ʽAnanyah à un sur treize documents, qui souligne la prégnance de contestations diverses entre Judéens et/ou d’autres ethnies et leur résolution devant et par l’autorité judiciaire. Les actes démotiques établis en des circonstances parallèles transmettent des informations proches rappelant l’historique de la situation actuelle et le recours à la justice, puis une clause d’éloignement engage la partie perdante. L’usage du serment imposé par les Juges et la technique de l’interrogatoire s’appliquent. Ces coutumes prennent leur source en des temps anciens, la période ramesside et peut-être plus tôt encore, qui se sont
360
S. Allam, « The Agreement after Judgement », Acts of the Fifth International Conference for Demotists, Pisa4th-8th September 1993, Egitto e Vicino Oriente 17, 1994, pp. 19-28, spéc. p. 23.
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développées au cours des siècles et sont attestées par les actes démotiques et coptes361. Aussi, le texte de la convention peut-il rapporter l’historique de la plainte devant les juges et le commandant de la place, puis soutenir la cause (B2.2 ; B3.2) et les solutions apportées. Pour autant, ces actes de retrait et/ou renonciation ne mentionnent pas nécessairement le rappel de la plainte (B2.10). Doté d’une signification définitive, le serment fait peser la menace inquiétante de la punition magico-juridique en cas de mensonge ou de falsification du réel362 (B2.2 sur YHW), et affirme la vérité de la déclaration. Parmi les exemples, la donation d’une maison ayant fait préalablement l’objet d’un retrait rappelle, dans sa partie opératoire, que le père transmet simultanément l’acte de retrait confirmant alors l’origine de propriété (B2.3 23-27). Si deux actes font état de ce choix (B2.2 ; B2.8), les autres procédures préfèrent d’autres solutions. La plus simple d’entre elles consiste à rendre les biens à leur propriétaire (B2.9), la maison à ses héritiers (B2.10), ou bien encore à accepter un accord moyennant un versement (B3.2). La formule de satisfaction : « mon cœur est satisfait », ou bien : « tu as satisfait mon cœur concernant… », est assurée dans les contrats suivants : B2.2 ; B2.8 ; B2.9 ; B3.2, mais est absente de l’acte B2.10. Elle vaut assentiment à l’opération. Et, le terme « cœur », qui exprime la conscience et évoque l’état d’esprit et la pensée, expose la satisfaction devant la solution apportée363. Des garanties émaillent toujours le texte des actes établis, qui diffèrent cependant selon les compromis. Deux catégories de formules de garantie peuvent être intégrées, dont les premières impliquent la renonciation/le retrait 361
S. Allam, « The Agreement after Judgement », pp. 19-28. B. Menu, « Le serment dans les actes juridiques de l’ancienne Égypte », p. 332. 363 H. Nutkowicz, Destins de femmes à Éléphantine, p. 102, n. 348. Siège de l’intelligence, de la pensée, de la compréhension et du jugement (Proverbes 19, 8), instrument de l’étude (Ecclésiaste 1, 16-17 ; 2, 15) et de la connaissance (Proverbe 17, 16), le cœur est également associé à la méditation, la moralité, l’esprit. Il contrôle la mémoire (Proverbe 4, 21) et peut être relié à des aspects négatifs (Proverbe 17, 16 ; Zacharie 7, 9-10 ; Jérémie 5, 23-24 ; 5, 28-29). Son rôle paraît clairement lié à la raison, l’éthique, la capacité de juger et celle de gouverner (Proverbe 8, 5 ; 16, 23 ; 19, 8 ; 1 Rois 3, 9. 12), R. North, « Brain and Nerve in the Biblical Outlook », Biblica 74, 1993, pp. 577-597, spéc. p. 592 ; « Did Ancient Israelite Have a Heart ? », Medicine in the Biblical Background, Rome, Pontificio Istituto biblico, 2000, pp. 6972, spéc. p. 69. N. Shupak, Where Can Wisdom Be Found, The Sage’s Language in the Bible and in the Ancient Egyptian Literature, Fribourg, Vanderhoeck & Ruprecht, 1995, pp. 297-311. M. O’Rourke Boyle, « The Law of the Heart : the Death of a Fool », JBL 120/3, 2001, pp. 401-427. 362
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et les secondes concernent les limitations de plaintes et/ou procès. Ni les unes ni les autres ne sont systématiquement inscrites dans les formulaires araméens et/ou démotiques. En règle générale, elles impliquent la responsabilité des parties, des membres de leur famille, proches et/ou éloignés, envers la partie adverse et les membres de sa famille dont la liste se modifie également. La première sorte de garantie livre ainsi une formule de retrait concernant l’objet de la plainte ou de l’action en justice : « je suis éloigné/nous sommes éloignés » (B2.8 6-7 ; B2.9 9-10 ; B2.10 4), qui peut adopter d’autres formes et n’emploie pas le terme « s’éloigner », tel que dans le cas suivant : « Et, que ce n’est pas la terre de Dargamana, la mienne, voyezmoi » (B2.2 7). Cette dernière interjection reste unique dans les contrats araméens364. Les secondes dévoilent une promesse de ne pas se rendre à nouveau en justice et prévoient une compensation pécuniaire (B2.2 12-14-15 ; B2.8 7-10 ; B2.9 10-12 ; B2.10 12-16 ; B3.2 4-8). Ces conventions peuvent comporter le « retrait » de toute plainte et/ou procès. Une formule de réaffirmation de cet engagement peut encore figurer sur l’acte, adoptant cette forme : « Et, je suis éloigné de toute plainte ou procès » (B2.8 11), qui peut s’étoffer : « Et, il est de même éloigné de ces biens à propos desquels nous avons déposé (une plainte) sans plainte et sans procès » (B2.9 15-16). Le retrait de plainte de Micah prévoit une formule particulièrement limitée quant au contenu de ses engagements qui se limite à lui-même (B3.10 4-5). La formule peut devenir passive : « Et, cette terre… et tu es désisté de toute action en justice qu’ils intenteraient contre toi … » (B2.2 15-1). Des garanties à propos de plaintes et/ou procès du fait des ayants droit de la partie perdante ou de tiers figurent dans les contrats, dont le paradigme est le suivant : « Je ne pourrai pas déposer plainte ou faire un procès contre toi, moi, un fils à moi, ou une fille à moi, concernant cette terre, frère à moi, ou sœur à moi, proche ou lointain, (contre) toi, ou un fils à toi, ou une fille à toi, frère ou sœur à toi, proche ou lointain » (B2.2 12-13). Le retrait limité de Micah n’empêche aucunement sa garantie particulière : « Si un frère ou une sœur, proche ou éloi(g)né(e) dépose (plainte) contre toi, au sujet de ce hyrʼ, je (la) nettoierai et (te) la donnerai » (B3.2 7-9). Elle se rapporte à obligation d’éloigner les personnes qui pourraient empêcher tAnanyah d’exercer pleinement ses prérogatives. Des pénalités sont prévues pour le cas où cet engagement ne serait pas tenu, tant par la partie perdante que ses enfants ou ses proches (B2.8 9-10). Leur montant s’élève de dix karshen (B2.10 15-16) à vingt karshen (B2.2 14-15), mais également à cinq karshen pour des biens mobiliers (B2.8 10) ou dix karshen (B2.9 15). Et, une formule d’investiture
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B. Porten, CS III, p. 146, n. 17.
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peut réaffirmer que la propriété appartient dorénavant à la partie ayant gagné en justice (B2.2 15-16 ; B2.10 8-9). L’emploi du verbe qbl, « déposer plainte, faire un procès », est dédié aux plaintes devant un juge ou un officiel (B2.2 5. 16 ; B2.3 13 ; B3.1 18. 12 ; B3.2 4-6 ; B3.10 19-20 ; B3.11 12 ; B3.12 28 ; B5.4 2-4 ; B4.6 14), ou bien concerne une plainte en cas de crime ((B7.2 4) ou de vol (B8.2 22). Il est également employé dans le dépôt de plaintes sous forme de lettres, devant le satrape ou d’autres officiels, en matière de salaires, de propriété et d’administration (A2.2 10 ; A3.3 3-4 ; A4.2 3 ; A6.3 1 ; A.14 1)365. Certaines sortes de plaintes diffèrent des « plaintes » et « procès » ; il peut se produire que le scribe utilise les deux (B3.2 4-6) et emploie alors l’expression équivalente : « Tu as pris sur moi une caution/gage/garantie » (B3.1 13). Les « juges » apparaissent de manière usuelle dans ces actes, puisque les parties se présentent devant eux afin de déposer et enregistrer une plainte ou bien de faire un procès. Parfois apparaissent d’autres personnages : les « préfets » (B3.2 3 13 ; B3.1 13), « Seigneur/maître » (B3.2 6), mais également les « juges de la province » (A5.2 4. 7) ainsi que ceux du souverain. Les clauses de retrait/renonciation et de pénalité posent avec sagesse une limite à ces actions qui sont ainsi définitivement éteintes, néanmoins sous la menace d’une condamnation. Les statistiques des archives de MipÓaḥyah soulignent le sérieux de ce comportement dévoilant dans le même temps la nature humaine telle qu’elle se révèle dans Les plaideurs de Racine !
Synthèse En dépit des précautions enregistrées sur les diverses sortes de contrats, araméens et démotiques, ces garanties ne paraissent pas toujours satisfaisantes aux parties. Aussi, de nombreux documents enregistrent-ils des plaintes et des procès en justice à divers propos : biens de consommation, poissons, grains et autres et biens immobiliers. Ils témoignent des solutions apportées à des conflits par les juges, et parfois en appel, qui, dorénavant, ne pourront plus être contestées, quand bien même elles peuvent être contestables. Après s’être rendue en justice, la partie condamnée doit faire établir à ses frais un acte mentionnant le rappel des évènements et des causes du conflit, qui développe la solution apportée, et reconnaît le bien-fondé du droit de la partie ayant gagné le procès. La pénétration, dans les esprits et les mœurs, d’une pensée et d’usages en mesure de se plier à un ensemble de règles et de lois révèle un niveau de rigueur certain. Le choix de se rendre en justice, d’en accepter l’augure et le jugement témoigne d’une société éclairée, révélant une perception de
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B. Porten, CS III, p. 145, n. 11.
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l’importance des institutions juridiques et judiciaires, si souvent sollicitées, et ce malgré leur perfectibilité.
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CHAPITRE QUATRE ASPECTS ÉCONOMIQUES DU QUOTIDIEN Diversifiés, les aspects économiques du quotidien accordent le rôletitre à l’agriculture, puisqu’en effet l’économie égyptienne, et par conséquent celle d’Éléphantine, reposent sur sa production et sa distribution. Les terres cultivables font l’objet de multiples sortes d’opérations découvrant la complexité de son système juridique. Leur transmission se réalise selon des formes très variables. Aussi, divers droits apparaissent-ils, qui vont du droit de propriété à celui d’exploitation bénéficiale, perception et partage de revenus, gérance, tenure, baux à long et court terme, baux héréditaires, associations… Ils s’affirment au travers de contrats, d’ostraca, de listes et de lettres parvenus jusqu’à nous, et les habitants de l’île n’échappent pas à ce système qui mène parfois les contractants en justice. Nourriture, stockage, vêture se découvrent à leur étude. À la suite, les échanges à petite, moyenne et grande échelle en sont les corollaires, et les moyens mis en œuvre s’appuient sur les transports de marchandises, dont les importations et les exportations, et la navigation fluviale. Des navires de diverses sortes sillonnent le Nil, ses affluents, et les canaux, afin de distribuer et échanger les biens. Pour ce qui concerne la gestion administrative du village, dès avant le Nouvel Empire l’emprise de l’État sur l’administration agricole s’affirme lors de l’unification du pays, avec la création et la rentabilisation d’un réseau d’irrigation, puisqu’en effet l’économie repose essentiellement sur l’agriculture laissant une place relative à l’initiative individuelle. La « planification » s’intéresse au cadastre, à l’évaluation des récoltes et la perception d’impôts. Et, lors de la période perse, des hmdkryʼ zy gnz, ou « inspecteurs du trésor », sont connus. Le système s’allège dans le temps, dans la mesure où l’usage s’instaure qui voit le souverain allouer des lopins de terre aux vétérans, quel que soit leur rang. Outre les militaires, les régisseurs et les cultivateurs en bénéficient. Le « maire », ou ḥȝty-t et ḥqȝ-ḥw.t, joue un rôle d’intermédiaire entre l’État et le ramassage de la production agricole. Des agents de l’État, ou rwdw, supervisent les créances en grains, qui sont des notables, la plupart des fonctionnaires locaux et également de simples fermiers. L’espace du village/de la cité comme unité taxable et lieu de conscription s’affirme. Les registres de terres demeurent cependant imprécis. Ainsi, la liste C3.6 de la première moitié du Ve siècle reste très approximative, et les fragments de registres C3.20-24, de la fin du Ve siècle, sont incomplets, qui parfois transmettent une quantité d’aroures, des lieux, ou encore l’indication qu’il s’agit d’un ḥql, « champ » (C3.24 1-3). De telles demandes d’informations,
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qui peuvent être source de pouvoir, provoquent une forme de résistance dans les villages. L’équilibre entre les tentatives du gouvernement de contrôler la taxation des terres par le menu et sa volonté de l’abandonner à des intermédiaires locaux paraît une question récurrente. En outre, la gestion d’une grande partie des terres et de la production agricole par les temples et les potentats transmet un modèle d’administration rurale, qui s’entremêle à celle de l’État. L’effort de l’administration centrale, gérée par une « élite » politique et sociale, se préoccupe des membres provenant de classes plus humbles, tels les militaires, les prêtres, les membres de la « bureaucratie » et certains artisans. L’aspect privé également attesté de l’économie agricole a laissé de nombreuses traces écrites. Et, Éléphantine, ville/village où sont installés les mercenaires et leurs familles, mêle économie centralisée autour de la couronne et économie « privée », où les familles produisent des biens agricoles et artisanaux qui s’échangent au gré des besoins et de la surproduction de certaines denrées. Tandis que le Trésor Royal subvient aux besoins premiers des mercenaires en leur allouant des quantités mensuelles de grains, d’huile et d’argent et mettant à leur disposition des terres agricoles, l’économie privée comble les besoins, par une production de produits agricoles, de denrées artisanales, de produits travaillés et finis dont les lettres, les contrats et les ostraca témoignent largement.
L’agriculture « privée » Les terres cultivables font l’objet de multiples sortes d’opérations parfois complexes. Leur transmission s’effectue selon des formes très variables. Les trois particularités connues que sont l’usus, ou droit de jouissance, le fructus, ou droit de percevoir les fruits, et l’abusus, ou droit d’aliéner, ne sont guère attestées conjointement et restent l’apanage du souverain et de ses proches. Aussi, divers droits apparaissent-ils, relativement complexes. Une politique agraire est attestée très tôt dans l’histoire de l’Égypte. L’économie « privée » prend appui sur les champs attribués par l’état en tenures héréditaires, ou pas, au profit de mercenaires étrangers, militaires gradés, soldats et autres professionnels liés aux armées, et qui ne sont pas des propriétés privées, et les parcelles privées et cultivées par les particuliers, transmises soit par vente, soit par donation ou bien encore par succession. Ainsi, des garnisons et des détachements reçoivent des donations de terres pour une durée limitée, pour la vie, ou à perpétuité. Des documents mettent en lumière nombre de ses aspects. Un registre de domaines l’atteste, qui établit
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la liste des individus auxquels ils ont été accordés, qu’ils soient Égyptiens, Araméens ou Judéens366.
Les différentes formes de transmission des terres Les donations officielles, irrévocables et révocables La cour achéménide traite les terres gagnées par ses conquêtes comme un territoire ou un domaine impérial, et en dispose à l’avantage de ses courtisans et des divers fonctionnaires367, faisant de l’accès à la terre une réalité de dépendance à la bonne volonté impériale pouvant être remise en cause aisément. Les domaines royaux se composent de champs, de troupeaux, d’équipements de transport, d’ânes et de bateaux, d’entrepôts et d’espaces naturels comme les lacs. Aussi, apparaît-il que les populations égyptiennes ne peuvent manquer d’envisager ce système d’un regard critique. Des spécificités en sont dévoilées dans des missives officielles. De ce fait, personnage situé au haut de la hiérarchie, le satrape Arsamès y joue un rôle principal, auprès duquel sont formulées certaines réclamations et dont des lettres officielles et/ou semi-officielles en réponse nous sont parvenues. Par le biais de ces courriers, le satrape peut accorder des donations de tenures héréditaires. Celle d’un domaine figure dans l’une des missives de la fin du Ve siècle, adressée par celui-ci, absent d’ngypte, à son correspondant Nakhtor, et évoque une demande effectuée par l’un de ses serviteurs nommé PeÓosiri (A6.11). Ce dernier rapporte la disparition de son père Pamun durant la période d’agitation qui a secoué l’ngypte et, ajoute que le domaine, d’une capacité de trente ardabes de semence, a été abandonné depuis que tout le personnel n’est plus. Aussi, requiert-il l’autorisation de lui succéder en qualité d’héritier. La lettre rapporte la réponse du satrape à sa requête, qui rappelle, au style subjectif, le contenu de la réclamation et, après avoir projeté la lumière sur la cause de la demande et retracé les évènements politiques à son origine, lui accorde ce qu’il demande. Ce rappel, en début de lettre, se rapporte à une plainte justifiée légalement. Lorsque PéÓosiri présente sa supplique au satrape, il résume la situation en termes clairs et simples : ly bgh zy pmwn uby, « Le domaine de Pamun mon père [ne] m’a [pas été donné] » (A6.11 3). Il ajoute : yttÐt ly yntnw ly uhsn, « Que l’on pense à moi. Qu’ils me (le) donnent. Que je (le) détienne comme héritier » (A6.11 3). Le satrape, après avoir repris l’argumentaire de PeÓosiri, et précisé qu’il n’a pas transféré ces terres à ses domaines, pas plus qu’il ne les a pas données à un autre serviteur, répond : ur unh bgh zy pmwn zk yhbt lpÓswry untm hwwhy yhsn whlku lqbl zy qdmn pmwn ubwhy hwh Îl 366 367
J.B. Segal, Aramaic Texts from North Saqqara, p. 47 : 2-8. K.G. Hoglung, Achaemenid Imperial Administration in Syrian Palestine, p. 238.
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yÎl tl bytu, « Alors, je donne le domaine de ce Pamun à PeÓosiri. Toi, notifielui. Qu’il (le) possède comme héritier et paye à mes domaines la taxe sur la terre ainsi que son père la payait précédemment » (A6.11 5-6)368. Par sa réponse, le satrape lui donne, yhbt, le domaine, reconnaissant ses droits héréditaires sur les biens de son père par l’affirmation : hwwhy yhsn, « qu’il le possède comme héritier »369. Le terme opératif hḥsn, répété par trois fois, signifie « posséder en tenure héréditaire/posséder une propriété comme héritier »370, et son emploi, de même que celui du verbe « donner », témoigne de la valeur légale de cette missive371. De surcroît, PeÓosiri argumente et présente la cause de force majeure ayant motivé sa requête. Pour autant, le satrape exige la vérification des allégations de PeÓosiri. Une étiquette en démotique clôt le texte de la lettre de donation du satrape Arsamès : « À propos des champs de Pamun que j’ai donnés à PeÓosiri », reconnaissant ses droits (A6.11 8). Au contraire des contrats, ces documents de donations ne transmettent pas d’information sur la délimitation des terres concernées, ni sur les lieux où elles sont situées. L’accord du satrape transmet une valeur juridique telle, qu’il n’a pas besoin, à ce qu’il semble, d’adopter la forme d’un contrat. Un autre courrier de la fin du Ve siècle (A6.4), provenant du satrape Arsamès et adressé à Artavant, se rapporte à une donation et sa transmission. Ce document n’est parvenu qu’à l’état très fragmentaire, mais, outre la formule de salutation, il rapporte la réclamation effectuée par Psamshek, fils d’Aḥḥapi. Il est, à ce jour, l’officiel fonctionnaire ayant remplacé son père dans ses domaines et, il sollicite le satrape afin que la donation faite à son père lui soit transmise. Il semble que Psamshek remplace son père toujours vivant dans ses fonctions d’intendant du domaine d’Arsamès. Après une formule de salutation d’usage, et dès l’entrée en matière, Arsamès rappelle : « [Et, maintenant, la dšna, "donation"] a été effectuée par le roi et [p]ar moi à Aḥḥapi, mon serviteur, qui était un fonction[naire]/intendant dans mes domaines qui sont en Ha[ute- et Basse-(Égypte) » ; « Maintenant, Ps]amshek, le fils d’Aḥḥapi, qui a été nommé à sa place fonctionnaire/intendant dans mes domaines qui sont en Haute- [et Basse- (Égypte), a demandé à perpétuer] cette donation qu[i a été do]nnée par le roi et par moi à Aḥḥapi ». Aussi, la formule employée par le satrape qui agrée à la demande est-elle la suivante : « Si les 368
H.Z. Szubin et B. Porten, « Royal Grants in Egypt : A New Interpretation of Driver », JNES 46, 1987, pp. 39-48, spéc. p. 44. 369 H.Z. Szubin et B. Porten, Ibid., p. 44. 370 B. Porten et H.Z. Szubin, « Hereditary Leases in Aramaic Letters », Bibliotheca Orientalis XLII, N° ¾, mai-juillet 1985, pp. 283-288, spéc. p. 284 rappellent que cette pratique est attestée dans la loi hellénistique, byzantine et talmudique. 371 H.Z. Szubin et B. Porten, « Royal Grants in Egypt », p. 44.
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choses sont telles qu’elles sont rapportées, alors… » (A6.4 4). Elle implique l’examen des dires du quémandeur. Si ses affirmations s’avèrent exactes, le satrape ferait droit à la demande : psmÎk brh ÎlyÓ yhwy lmnÎh dÎnu zky mh bm[Ñ]ryn, « Qu’il soit permis à Psamshek, son fils, de conserver cette donation ici en ngypte » (A6.4 4). La situation semble mentionner l’usage consistant à transmettre le bien, ou dÎnʼ, au fils. Si ce transfert reflète un usage courant, Psamshek ne succède pas à son père en qualité d’héritier et le terme qui l’aurait défini comme hḥsn est absent du courrier. Cependant, il ne s’agit pas d’une continuité successorale, mais bien de la transmission de droits acquis ; le contrat utilise les termes šlyÓ, « avoir droit »372, qui souligne l’aspect révocable de la donation royale, et dšna, qui accorde une sorte de forme de droit d’usage. La donation royale se conclut sur la définition du contenu du document : « [D]e Arsamès, [le] prince, à [Artavant, qui est en Égypte] : ʽl dÎnʼ, "concernant la donation" à Aḥḥapi, le fonctionnaire qui… » (A6.4 6). Ce document révèle que pour bénéficier de la transmission héréditaire la nécessité s’impose de déposer une demande officielle auprès du satrape dont la réponse n’est pas automatiquement positive373. En outre, le fils vient « à la place » du père, mais non pas comme héritier, et aucune justification n’est apportée à la demande comme dans la lettre A6.11. Arsamès attribue au fils la donation confiée au père, alors qu’il n’a, semble-t-il, pas de droit légal. Dans le même temps, ce document révèle la révocabilité de la donation qui dépend du donateur374, et cette constatation trouve son affirmation dans la missive référence A6.3, rapportant la plainte auprès du satrape de Psamshek qui, ayant voyagé avec huit des « serviteurs » de son père, s’est fait voler ses biens par ces derniers qui se sont enfuis. Psamshek, après les avoir retrouvés, demande l’autorisation de les présenter à Artavant afin qu’ils soient punis. S’il avait bénéficié de leur propriété, il n’aurait pas eu la nécessité de faire appel à Arsamès pour les châtier. Cela signifie qu’ils sont, comme la dÎnʼ, considérés comme donation d’Arsamès et par conséquent révocables. Significative et en provenance d’nléphantine, une pétition très fragmentaire envoyée au satrape Arsamès, et ayant pour objet de lui signaler une injustice, figure dans la missive portant la référence A 5.2. Elle rapporte la réclamation de Nattun et rappelle que son dgl, ou détachement, possède « ce champ » comme mḥsnn, ou à bail héréditaire, de l’an 24 à l’an 31 d’Artaxerxès. L’expéditeur, victime de cette partialité, en demande réparation, qui découvre une location de terres héréditaire : ḥ] qlʼ [dg/zyln mhḥsn, « Notre 372
. B. Porten et H.Z. Szubin, « Hereditary Leases in Aramaic Letters », pp. 287-288. H.Z. Szubin et B. Porten, « Royal Grants in Egypt », p. 43. 374 Le concept de pardšna évoque une donation de nature irrévocable, H.Z. Szubin et B. Porten, Ibid., pp. 44-45. 373
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[détache]ment possédait (ce) [ch]amp en location héréditaire » (A5.2 2). Ce document démontre que le détachement, outre son aspect militaire, comporte un volet socio-économique. Datant d’après 434/33 avant n. è., elle lui rappelle que le champ en question a bénéficié de ce statut sur une durée de sept ans, entre l’an 24 et l’an 31 du souverain Artaxerxès. L’expéditeur précise et se justifie : ḥq]lʼ rdyt w[..] .w mnhn l[ʼ] lqḥt, « J’ai labouré ce champ, mais je n’ai pas pris "d’eux" » (A5.2 4), qui se considère victime d’une injustice. Cette situation a donné lieu à diverses interrogations par des juges nombreux et peutêtre un peu acharnés contre le personnage en question. Bagapharna, Naphaïna, commandant de la garnison de Syène, et Mannuki se sont saisis d’objets que la lettre ne précise pas. Il semble que ce message se rapporte à des moissons dont une partie devait peut-être être reversée ou bien à un impôt non payé. Ce document rappelle que les détachements de mercenaires se voient attribuer des terres au statut juridique particulier. Particulièrement altéré, un fragment de lettre de la fin du Ve siècle atteste l’emploi du terme hḥsn, sans que pour autant le sens du texte ne s’éclaire vraiment (A5.5). Il rapporte les termes d’une rébellion, d’un détachement et de chefs de centuries peut-être détruits (A5.5 1-8). Le contexte en reste incertain. Le texte informe que cette troupe bénéficiait d’un mḥsnn, ou affermage héréditaire (A5.5 9), qui comporte une instruction de Mithradates aux juges, afin de rendre ses droits héréditaires au personnage concerné et dont l’identité est perdue. En outre, le modèle de cette lettre est parallèle à celui des autres courriers A6.11 et A6.6. La ligne 9 confirme cette même réalité : ḥylʼ znh hww mḥsnn, « Cette troupe avait une tenure héréditaire. » Mais ce document ne permet pas de décider s’il concerne des droits de bail ou de propriété héréditaires375. La durée des tenures héréditaires reste variable376. Cependant, cette institution définit certains droits de succession sur des terres et la préservation de leur maintien dans un même ensemble patrimonial familial. La durée de ces baux héréditaires diffère selon les accords pris, longs ou courts et peut se poursuivre sur plusieurs générations, mais leur spécificité se rapporte au fait qu’ils peuvent être transmis aux héritiers sans qu’aucune contestation ne soit possible. Ils s’inscrivent dans divers espaces sociaux, qui bénéficient tant au bailleur qu’au tenancier. L’aspect d’unité socio-économique du degel, ou garnison, s’affirme qui se préoccupe de fournir le nécessaire pour l’ensemble des membres d’une même famille et d’une même garnison377.
375
H.Z. Szubin et B. Porten, « Royal Grants in Egypt », pp. 287-288. H.Z. Szubin et B. Porten, Ibid., pp. 287-288. 377 H.Z. Szubin et B. Porten, Ibid., p. 286. 375
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Les ventes de terres à cultiver, transferts et héritages Si aucune cession de terre des Judéens d’nléphantine ne nous est parvenue à ce jour, des opérations de cette sorte ont probablement été réalisées sur des terres à cultiver. Ainsi, des parcelles de terre à diviser équitablement (D1.17) et leur transfert (D2.10) sont connus par des ostraca. Et, une liste de champs mesurant d’une à deux aroures de superficie est transmise par le document D8.3. La formule : lmtnʼ, « pour le cadeau », figure sur presque toutes les lignes, où douze noms égyptiens et un nom hébreu sont inscrits. Des conventions égyptiennes, témoignant de la cession de terres hors de l’économie étatique, sont assurées pour la période saïto-perse. Des terrains destinés à être cultivés font l’objet de transactions où les parties peuvent être des membres d’une même famille et des femmes. Comme épouses ou veuves, elles peuvent avoir hérité de terres attribuées aux militaires, ou même leurs descendants, et les cultiver, voire, en l’absence d’un mari en service, les exploiter. Elles peuvent être propriétaires et ne pas exploiter elles-mêmes leurs terres, qui peuvent l’être par un ou des membres de leur famille, des « serviteurs » ou un fermier378. De fait, les femmes figurent dans les registres de taxes durant la période pharaonique. Aussi, leur indépendance économique ne peut-elle être sous-estimée379. Quelques exemples en démotiques témoignent de ces ventes. De la période saïte, le P. Turin 246, daté du 5 pharmouti de l’an 30 sous Psammétique Ier, ou en 634 avant n. è., et provenant de Thèbes, se rapporte à la cession d’une terre par un frère, Nemenkhephré, et sa sœur, Esenkhebe, fils et fille de Ankhefkhons : « En tout 2 personnes (parlant) d’accord à l’artisan (?) du Temple d’Amon Harouoz, fils de Nemenkhamen ». La formule de la vente témoigne : dj.n n.k tȝj 10 stȝ.t ȝ(ḥ) nmḥw ḥr pr-Imn, « Nous t’avons donné ces 10 aroures de champs-(sharaki) privés, situés dans le Domaine d’Amon (…) », « de (la Province de) Tchetresniout dans les terres élevées d’Hermonthis (notamment) dans les terres élevées (du village) Tmetpebêk et qui font partie des champs appartenant à Ankhefkhons, notre père » (4-8). Les champs en question font partie d’une propriété familiale démembrée à l’occasion de partages sur plusieurs générations. Le document précise par conséquent que l’ensemble d’une superficie de vingt aroures appartenait au
378
B. Menu, « Women and Business in the First Millenium B.C. », dans B.L. Lasko éd., Women’s Earliest Records from Ancient Egypt and Western Asia, Atlanta, Scholars Press, 1989, pp. 193-207, spéc. pp. 204-205. 379 J.C. Eyre, « The Market Women of Pharaonic Egypt », dans N. Grimal et B. Menu éd., Le commerce en Égypte ancienne, BdE 121, Le Caire, IFAO, 1998, pp. 173-89, spéc. p. 185.
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père et à l’oncle des deux vendeurs380. Après le récit de l’origine des champs cédés, les limites du terrain sont définies, à commencer par le sud, et les champs appartenant à Idy, fils de Ankhfkhons I, puis, au nord, ceux de Paherisotem, à l’ouest, ceux de la femme Amenchepentow, fille d’Idy, et, à l’est, la digue. De nouveau, le contrat reprend. Et, parmi les clauses opératoires, affirme : « Nous te les avons vendus… » (12). Puis, il ajoute : Îp.n n.k tȝj ḳd.t 3 ḥd Pr-ḥd Ḥrj-Îf ỉ-dbȝ.t.w n pȝj.w ḥd m-ỉb-hr.n, « Nous avons reçu de toi 3 kite d’argent de la trésorerie d’Harsaphès pour eux, comme argent (équivalent à) leur (prix), de notre plein gré (13) ». Cette formule constitue l’accusé de réception du montant perçu et sa quittance. Le reste de la valeur de la terre est peut-être destiné à acquitter une dette de leur père à l’égard d’Harouoz. De nombreuses répétitions émaillent le texte de l’acte, tel le paiement de la terre et de la taxe. Les vendeurs témoignent aussi de la nullité des actes précédents. Le contrat prévoit le paiement d’une taxe : « Le dixième (de ladite somme à verser) aux Scribes de… du Temple d’Amon, 1/5 (+) 1/10 kite d’argent (15) ». Cette somme, versée lors de la vente de n’importe quel terrain dépendant (?) du Temple, diffère de l’impôt sur les terres cultivées et dont le montant est exprimé en fonction de la superficie du terrain exploité et payé en quantités de grains (P. Louvre E 7833 a et b ; E 7836 et E 7839)381. Psenèse, choachyte de la vallée et époux de Tsenḥor, acquiert le 19 février 510, ou le deuxième mois de la saison akhet en l’an 12 du pharaon Darius, un terrain non bâti auprès du directeur de la nécropole, dans l’ouest de Thèbes (Papyrus Louvre E 7128)382. Cette parcelle avoisine le terrain à bâtir dont il est copropriétaire avec son épouse. La partie opératoire de l’acte s’ouvre sur la formule : dj=k mtr ḥȝ.t (=j) n pȝ ḥd n pȝj pr ntj n iwrḥ, « Tu as satisfait mon cœur avec l’argent de ce terrain qui est non bâti ». Cette clause de satisfaction figure sur les contrats de vente démotiques et varie selon le scribe qui établit l’acte383. Cette formule est attestée dans les formulaires de ventes dès la première moitié du VIIe siècle avec la stèle de Florence de 661 environ.
380
M. Malinine, Choix de textes juridiques en hiératique « anormal » et en démotique (XXVe-XXVIe dynasties), Paris, Champion, 1953, 1re partie, pp. 56 sqq. 381 M. Malinine, Choix de textes juridiques, p. 70, n. 16. Voir taxes/rentes sur les actes de locations de terres, pp. 000. 382 P.W. Pestman et S.P. Vleeming, Les Papyrus démotiques de Tsenḥor (P. Tsenḥor), N° 10. 383 Cette formule se retrouve dans l’acte de vente de terrain P. British Museum 10117, de 542 environ (Coptos), tout comme dans le document P. Louvre E 7128 de 510 (Thèbes).
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La clause suivante mentionne le lieu où il se situe : « Dans la tombe du pharaon Osorkon dans l’ouest de Thèbes » (1-2). Le contrat précise sa situation plus clairement et sa surface : « Dans l’endroit détruit et qui mesure 5 coudées de sol soit 500 coudées carrées » (2). Ensuite viennent les limites précises, mais peu détaillées : au sud, le dromos d’Amon ; au nord, le reste de ce terrain ; à l’ouest, le terrain du choachyte de la vallée ; et, à l’est, le kiosque funéraire d’Iretourou (3). S’exprimant par la formule : dj(=j) n=k, « je t’ai donné », le transfert du bien introduit l’objet de la vente et sa remise. Pour autant, la constatation de la transmission ne figure pas dans l’acte. Cette opération donne lieu au paiement d’une taxe de 10% du prix d’achat pour la « Divine Offrande » d’Amon (3). Ce montant d’un dixième est mentionné dans trois autres textes de cette période, les P. Turin 2118, Turin 2120, British Museum 10117, des contrats de vente portant sur des champs. Cette taxe est prélevée sur le prix d’achat qui concerne des champs et ne s’applique ni aux donations ni aux ventes de « serviteurs », et concerne des champs situés dans le domaine d’Amon. Dans ces trois occurrences, cette taxe est versée aux administrateurs du domaine ; dans le P. Louvre E 7128, elle est payée aux agents de la ville de Thèbes qui la reversent à l’administration du temple. Ainsi, le gouvernement par leur intermédiaire contrôle les revenus du temple, qui peut se permettre d’en retenir une partie ou sa totalité384. Puis, l’acte enregistre, en garantie, la transmission des actes antérieurs se rapportant à la chose vendue à l’acheteur : « À toi sont ses titres en tout endroit où ils se trouvent » (5). Le scribe notaire du temple de Montou Ip, fils de Djeder, décline ses titres de père divin de Montou seigneur de Thèbes et chef des prêtres du temple de Montou seigneur de Thèbes dans la 4e phylé. Huit témoins sont présents à l’acte ; le deuxième est un neveu de Tsenḥor. Paradigmatiques, et provenant de Thèbes, les P. Louvre E 9204 et British Museum 10450 datent de 491 avant notre ère, soit la 31e année de règne de Darius 1er. Ils attestent le transfert de propriétés héritées, dont la liste est transmise, et qui sont situées dans le domaine du temple et la ville. Il s’agit principalement de champs385. Une femme du nom de Tamenkhawase, fille du « ravitailleur » du temple d’Amon et de Rourou, transfère à un choachyte de la Vallée, Pherbes, fils de Nesamenhotpe et d’Iretourou, un ensemble de biens hérités de sa mère. L’acte ne précise aucunement les raisons ayant poussé la venderesse à ce transfert d’un ensemble complexe. Il s’agit de : « Mes parts dans la campagne, le temple et la ville… place à la montagne… sycomores, 384
P.W. Pestman et S.P. Vleeming, Les Papyrus démotiques de Tsenḥor (P. Tsenḥor), contrat N° 10, n. V. 385 E. Cruz-Uribe, « A Sale of Inherited Property from the Reign of Darius I », pp. 120-126.
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champs ». Pour ce faire, il a versé l’argent exigé, dont le montant n’est pas transmis, et elle formule son acceptation de l’opération en affirmant : « Tu as satisfait mon cœur … ». Les clauses usuelles figurent dans l’acte. La plus essentielle : « je te les ai donnés » constate le transfert de l’ensemble de ces biens et précise : « Ils t’appartiennent, ce sont tes parts ». Clé de voûte de ces diverses conventions, la formule : « je t’ai donné », et ses déclinaisons, se complètent par des clauses usuelles de satisfaction, de transfert, de renonciation de la part du vendeur à réclamation, qui réaffirment les droits de propriété et l’autorité sur la chose vendue, de contrôle, garantie du fait du vendeur et de ses ayants droit. Attestant d’opérations courantes dans la vie quotidienne, les contrats confortent encore et toujours le rôle des femmes.
L’exploitation des terres en association Le plus souvent annuelle, cette formule d’association entre un propriétaire privé et un fermier est attestée dans les documents araméens d’nléphantine. Ainsi, en l’an 7 de Darius, le 6 du mois de mechir, le 3 juin 515, une convention, B1.1, provenant de Krb/Korobis, est signée entre le (Philistin ?) Padi, fils de Daganmelech, propriétaire d’un champ, et l’Égyptien Aḥa, fils de Ḥapio. Elle dévoile une entreprise à risques partagés, et ce pour une durée limitée à un an selon l’usage en vigueur. Le texte situe le champ qui doit être ensemencé et divisé dans la ville de Korobis386. Après l’indication de la date et la présentation des parties, Padi rapporte l’objet du contrat qu’il a fait préparer et entre dans le détail des prestations qui doivent être accomplies par le fermier Aḥa.
L’exploitation des terres satrapiques Le satrape, auquel de nombreuses terres sont attribuées, en confie la gestion à un fonctionnaire officiel, et du personnel, dont des « serviteurs », travaille pour son compte. Ainsi, un ordre d’Arsamès de la fin du Ve siècle et adressé à Nakhtḥor exige la préservation et l’entretien de ses propriétés (A6.10). Rappelant pour l’exemple que les fonctionnaires de Basse-ngypte ont fait le nécessaire, lors de la période de troubles, afin de maintenir l’ordre et pour conserver les biens de leurs maîtres et les développer, Arsamès 386
Des champs sont détenus par des Araméens à Korobis sur la rive ouest du dixneuvième nome, qui seraient installés dans le seizième nome au sud de Tehne, et une autre installation possible serait attestée au nord d’El-Hibeh, dans le dix-huitième nome. Et, si le lieu où ce document a été mis au jour correspond à une installation, la distance géographique entre les deux représenterait vingt-cinq miles, H.Z. Szubin et B. Porten, « An Aramaic Joint-Venture Agreement », p. 73.
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reproche à son correspondant de ne pas s’impliquer ni de faire les mêmes efforts. Il avait auparavant rappelé à Nakhtḥor que le précédent intendant chargé de ses propriétés avait pris soin de ses biens et de son personnel afin de ne provoquer aucune perte. La critique du satrape devient acerbe, il rappelle qu’il l’avait déjà sommé d’être diligent, sans résultat ; aussi, lui impose-t-il de rechercher des artisans de toutes sortes en nombre suffisant, de les amener à sa cour, de les marquer et de les assigner à ses propriétés. Une menace, néanmoins imprécise, clôt cette lettre pour le cas où ces dernières ne seraient pas gérées au mieux des intérêts satrapiques (A6.10 8-10). Une autre lettre, A6.15, met en cause ce même personnage qui s’est emparé en totalité (A6.15 6) du vin de Papremis (?) et des céréales des terres, et s’est approprié des biens appartenant au fonctionnaire Masapata. Il est mis en demeure de rendre tout ce qui a fait l’objet de ses détournements et de payer des dommages !
Les terres données à bail Privées, princières et institutionnelles, des traces écrites évoquent quelques-uns de leurs aspects. Ainsi, Arsamès donne à bail certaines de ses terres, dont les missives A6.13 et A6.14 se font l’écho. Un autre prince, du nom de Varuvahya, proteste auprès du satrape, car les terres qui lui ont été attribuées ne lui rapportent aucun loyer et la missive d’Arsamès envoyée à son intendant, Nakhtḥor, lui présente la réclamation par ce prince, représenté par le satrape (A6.13). Après la présentation habituelle des faits et des causes l’amenant à rédiger ce courrier, à savoir la donation d’un domaine offert par Arsamès en ngypte, il sollicite : « Ils ne m’apportent rien de là. S’il plaît à mon Seigneur qu’une lettre soit envoyée par mon Seigneur à Nakhtḥor, l’intendant officiel, et aux comptables, qu’ils préparent une instruction ». De fait, il revendique le déblocage des loyers sur ses terres, conservés par son intendant, Ḥatubasti, afin que Nakhtḥor les lui rapporte en totalité, auxquels s’ajoutera une augmentation. Se rapportant au même thème, la lettre A6.14 du prince Varuvahya exige de ce même Nakhtḥor qu’il confie le loyer de ses domaines à Aḥatubasti son fonctionnaire, ou à son frère ou son fils, et de le lui porter à Babylone afin de lui être agréable. Par ailleurs, des baux, datant de la période saïto-perse mettent en lumière des types de tenures dont les aspects se rapprochent du document d’association araméen B1.1. En principe, effectuées en été et pour une seule année, ces locations de terres adaptent les contenus de l’accord concernant la répartition de la récolte, la fourniture des semences et le labour par des bœufs. Deux exemples de ces contrats de location de terres institutionnelles, portant les références P. Louvre E 7836 et P. Louvre E 7833 a (Thèbes), révèlent différents traits saillants juridiques et économiques de cette situation dans les actes démotiques. Le premier, du mois d’epiphi en l’an 35 du pharaon Amasis, ou le 31 octobre-29 novembre 535 avant n. è., met en lumière le
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gardien de troupeaux du domaine de Mont, Petemon, fils de Puahamon, et le choachyte Ieturod, fils de Djechy387. Celui-là confirme, par écrit, les accords oraux des deux parties. Il reconnaît : sḥn.k n.y pȝy.k, « Tu m’as loué », et précise que le prêtre lui a loué sa terre de fondation, laquelle lui a été donnée pour le prophète d’Amon-Ra Inaros, fils de Taischons. Elle est sise dans la montagne sur le terrain de « l’étable du pot de lait d’Amon », et est appelée « Teseby ». Rien d’autre n’est précisé concernant ces associés comme étant parties au contrat. Document plus complexe, le contrat Louvre E 7833 a de Thèbes, daté du mois de pachons en l’an 36 du pharaon Amasis, en 534 avant n. è., est passé entre le prêtre père du dieu Udjahor, fils de Teamonauchons, et le gardien de troupeaux du domaine de Mont Petemont, fils de Puahamon388. Ce dernier devra en être le fermier, « pour toutes les terres qu’il cultivera parmi les terres du prêtre père du dieu » dans le domaine d’Amon. Concernant les terres agricoles et données à bail, ces documents représentent un important ensemble parmi les contrats démotiques389. Les contrats saïtes prévoient des dommages causés, notamment, conséquences de la négligence et/ou des erreurs du ou des fermiers. Dans les actes ptolémaïques, cette clause d’accusation suit la stipulation définissant les obligations du fermier : irriguer la terre, la cultiver, fournir les bœufs, la semence, le personnel et tous les instruments nécessaires lors des périodes de semences et de récoltes. La clause démotique ne définit pas les dommages en question, elle contraint cependant le fermier à assumer des responsabilités imprévisibles. Probablement, des règles non écrites devaient être sousentendues, qui prévoyaient les erreurs et négligences à éviter et l’état convenable des terres après moisson lorsqu’elles ne figuraient pas dans les actes. Le fermier se voyait chargé de compenser la perte générée sur la moisson. En outre, ces opérations donnent toujours lieu au versement de taxes
387
G.R. Hughes, Saite Demotic Land Leases, Chicago, University of Chicago Press, 1952, p. 48, remarque que ce personnage est cité dans différents documents liés à l’agriculture, parfois avec son frère Ithoroys. Outre le reçu pour la taxe sur la moisson de l’an 35, seuls des reçus similaires pour les années 31, 34 et 35 sont attestés. Il a également loué une autre terre en l’an 37. 388 G.R. Hughes, Ibid., p. 55. 389 G.R. Hughes, Ibid., p. 46, précise que les contrats portant sur des questions agricoles d’une sorte ou d’une autre sont au moins égaux en nombre à l’ensemble des autres sortes de contrats, en l’absence de statistiques. Les personnes portant des titres séculaires et d’autres des titres sacerdotaux de toutes sortes sont, à un moment ou à un autre, concernées par des questions portant sur des terres agricoles et l’exploitation agricole et, parmi eux, les prêtres prédominent.
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évoquées dans ces documents afin de désigner la partie qui en aura la charge390. De la période perse, un papyrus de location de terres à l’état de fragments (P. Loeb 45), datant du troisième mois de la saison chemou, de l’an 25 sous Darius, soit 497 avant n. è., présente quelques difficultés. Il a été préparé par deux « commissionnaires agricoles » au bénéfice d’un troisième personnage du nom de Peteharresen et dont le titre n’est pas transmis. Les bailleurs faisaient probablement partie de l’administration de pharaon et les champs donnés à bail étaient des champs « appartenant à l’État ». L’acte ne permet pas de déterminer si les bailleurs disposaient de ces champs en qualité de « bénéfices » afférents à leur fonction ou bien si louer ces champs « appartenant à l’État » faisait partie intégrante de leur fonction ; la démarcation entre les deux n’était peut-être pas si claire391. La formule de location s’inscrit immédiatement après l’identité des parties : « Nous t’avons confié nos champs « bénéfices » qui sont sis au sud de la haute terre de Tsenharsiêse ». Elle ajoute : « afin de les cultiver pour partager [leur récolte ? …] grain […] pour eux ». Le contrat prévoit l’intervention des scribes du pharaon qui doivent mesurer ces champs au nom des bailleurs et huit personnes sont témoins à l’acte. Un ostracon de la région des Oasis (O. Manâwir 4316) illustre un contrat d’association du printemps 430, concernant une culture de ricin liée à un cadre institutionnel. Deux hommes organisent les conditions dans lesquelles ils vont prélever « le quart de ricin » sur les cultivateurs du village qui louent des terres appartenant au temple d’Osiris-iou et pour le compte de cette institution. Leur nom figure sur une série de reçus se rapportant à des versements de ricin392. Des contrats de la période gréco-romaine témoignent aussi de la diversité des formes adoptées par les locations de terres, l’entreprise familiale autosuffisante de baux et de locations, le partage des récoltes avec le cultivateur à bail dont l’unique ressource est le travail, le propriétaire qui loue ses terres à un taux avantageux, les femmes et les mineurs louant des parcelles qu’ils ne peuvent cultiver eux-mêmes. Lorsque les parties ressentent la 390
Selon G.R. Hughes, Ibid., p. 58, le fermier serait garant du paiement de la taxe sur la moisson directement à l’État, ainsi que l’atteste la plus grande partie des contrats de location de la période ptolémaïque. Aussi, les fonctionnaires officiels devaient-ils décharge du reliquat au fermier. 391 S. P. Vleeming, The Gooseherds of Hou, pp. 72-73 et N° 5. 392 D. Agut-Labordère et C. Newton, « L’économie végétale à ʼAyn-Manâwir à l’époque perse : archéobotanique et sources démotiques », Arta 2013.005 (en ligne), 49 p. disponible en ligne ; http//www. Achemenet.com/document/ARTA_2013.005. Agut-Newton pp. 1-49, et spéc. p. 14.
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nécessité d’une forme de sécurité, elles préparent un document écrit rapportant l’ensemble des accords oraux pris auparavant. Ce système témoigne de la capacité d’adaptation année après année, et saison après saison des bailleurs et des fermiers, de même que l’imbrication des opérations liées aux terres privées et institutionnelles393. Et de fait, la location de longue durée d’une même parcelle ne signifie pas nécessairement s’assurer des revenus agricoles réguliers en raison de périodes de sécheresse ou d’autres calamités. Aussi, s’avère-t-il d’importance pour le fermier de louer une ou des parcelles proches de sources d’eau et/ou de bassins d’inondation. Des contrats portant sur des baux à long terme sont rares, néanmoins un même fermier peut travailler la même terre durant de longues années en accord avec le même bailleur. L’avantage de ce système permet à des fermiers l’accès à la terre et aux biens agricoles bien que d’une manière limitée394.
Les transmissions héréditaires de terres ou héritages Enregistrant une décision de justice, un texte confirme la propriété de domaines agricoles se rapportant à des champs faisant partie d’un héritage (B8.10). En dépit de son caractère fragmentaire, il renferme une information évoquant la notion de valeur de ḥqlt, « ces champs » revendiqués par les héritiers d’un personnage prénommé Nathan et qui auraient été échangés par celui-ci avec un autre individu nommé Mannuki. À ce qu’il semble, les parties sont des mercenaires et la ligne 6 de cet acte porte l’indication : ]ḥyl dgl[ʼ, « garnison, notre détachement ». Des actes démotiques testamentaires prévoient aussi l’attribution de champs en héritage parmi d’autres biens (P. Hawara 1 et 2 ; P. British Museum 10120 B).
393
Les contrats agricoles témoignent de la transformation de l’organisation sociale de l’agriculture tout comme de celle du statut de la main-d’œuvre rurale, J.C. MorenoGarcia, « L’évolution des statuts de la main-d’œuvre rurale en ngypte de la fin du Nouvel Empire à l’époque saïte (c. 1150-525 a. c.) », dans Textes réunis par J. Zurbach, La main d’œuvre agricole en Méditérranée archaïque, statuts et dynamiques économiques, actes des journées « travail de la terre et statut de la maind’œuvre en Grèce et en Méditérranée archaïques », Athènes, 15 et 16 décembre 2008, Bordeaux-Athènes, de Boccard, 2015, pp. 15-48, spéc. p. 19. 394 C.J. Eyre, « The Village Economy in Pharaonic Times » dans E. Bowman et E. Rogan éd., Agriculture in Egypt : from Pharaonic to Modern Times, Oxford, Oxford University Press, 1999, pp. 33-60.
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Les donations de terres agricoles privées Des parcelles de terre font partie de donations enregistrées durant la période saïto-perse sur des stèles de donation et/ou des papyri. Parmi les contrats en rapportant le contenu, le P. Louvre E 3231 a du 21 septembre20 octobre 497, ou l’an 25 de Darius le deuxième mois de la saison chemou395 évoque un personnage du nom d’Ankhefenkhonsou, fils de Nespaioutaoui, père divin et serviteur divin d’Amonrasonter, qui concède un champ à Rourou, femme-choachyte âgée de vingt ans : dj(=j) n=t tȝ stȝ(.t) 4 ȝḥ, « Je t’ai donné quatre aroures de champs ». Il comporte la situation du champ : [ntj] n ®.t n pȝj(=j) ȝ ntj [(n) tȝ ḳȝj pȝ] ἰh(j) pȝ mhn Imn, « se trouvant à l’intérieur de mes champs et sur le terrain élevé de "l’étable du pot de lait d’Amon" » (P. Louvre E 3231 a 1-2)396. L’explication de cet acte figure à la suite : « Comme fondation pour la femme T. ». Le don de cette parcelle de terre est destiné à produire un revenu affecté au culte funéraire de cette femme397. Les limites du champ sont précisées, du sud au nord à l’ouest et à l’est. Une clause de réaffirmation répète et ajoute : « À toi appartiennent les 4 aroures de champs susmentionnés et leurs arbres ». Cet acte est ainsi doté d’une vocation funéraire s’appuyant sur Rourou. Les terres peuvent être transmises par héritage. Ainsi, datant de la trente et unième année de Darius Ier, le deuxième mois de chemou, ou de 491, les contrats de vente P. Louvre E 9204 et P. British Museum 10450, et dont le second est probablement la copie du premier, puisque ceux-ci sont quasiment identiques, si ce n’est pour la liste des biens cédés, renferment une cession de propriété provenant d’un héritage. Le P. Louvre E 9204, qui énumère une liste des biens vendus, mentionne : « Mes parts dans la campagne, le temple et la ville : rations d’Osiris, place à la montagne… sycomore, champ(s), et toute chose au monde qui me revient comme part au nom de la femme Rourou fille du choachyte de la vallée à l’ouest de Thèbes Chaousenmout, ma mère » (2). Celle du P. British Museum 10450 est également réduite à ces quelques éléments ; cependant, l’ordre diffère du P. Louvre E 9204 : « champ(s)… » (2)398.
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P.W. Pestman et S.P. Vleeming, Les Papyrus démotiques de Tsenḥor (P. Tsenḥor), N° 14. 396 Le P. Moscou 135 révèle l’activité de « mesureur des champs du temple d’Éléphantine », ou géomètre, B. Porten et al., The Elephantine Papyri, Three Millenia of Cross-Cultural Continuity and Change, Atlanta, SBL, 2011, C 30. 397 P.W. Pestman et S.P. Vleeming, Les Papyrus démotiques de Tsenḥor (P. Tsenḥor), N° 14. 398 E. Cruz-Uribe, « A Sale of Inherited Property from the Reign of Darius I », pp. 120-126.
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Les transmissions de champs par le système des donations laissent percevoir des différences de taille selon que leur origine est royale, satrapique, institutionnelle ou privée. Tandis que les donations royales sont révocables, les donations entre particuliers paraissent quasiment irrévocables. La forme des contrats entre particuliers prévoit dans le détail les spécificités de la donation alors que ces informations restent absentes des lettres du satrape. La transmission des donations d’origine royale dépend de l’administration, du satrape et du souverain. Par principe révocables, elles peuvent être remises en cause à un moment particulier par ces derniers selon leur bon vouloir, alors que les donations de particuliers sont en principe irrévocables à moins que le propriétaire ne change d’avis. Les donations offertes par le satrape ou le souverain restent aléatoires et dépendent de réalités politiques et/ou sociales. En outre, le flou des lettres d’attribution de terres est peut-être compensé par le pouvoir du signataire de ces missives et le peu de probabilités d’un procès ou d’une contestation devant la justice. Cette imprécision contraste fortement avec la minutie des contrats privés et leurs nombreuses clauses et répétitions par précaution et besoin de certitudes. Ces systèmes laissent paraître d’ores et déjà la complexité juridique du système de transmission de terres. La structure agricole du pays souligne l’importance de l’unité familiale. Les grandes propriétés sont en partie données à bail en tenures et en partie travaillées par du personnel libre ou pas. Le partage de la moisson entre les fermiers et les bailleurs caractérise en partie le système. Pour autant, le fermier recherche la production de surplus afin de l’échanger contre des biens de première nécessité ou dont il peut estimer le besoin.
Les aspects institutionnels Terres de la couronne, des potentats et terres des domaines des temples s’inscrivent dans un mode complexe d’organisation agricole dont nombre de secrets n’ont pas été pénétrés. L’agriculture met en relation secteurs institutionnels et privés : ainsi, l’exploitation des terres institutionnelles, qui constituent une grande majorité des terres cultivables, met en lumière le rôle des administrateurs, des travailleurs et/ou intermédiaires entre les institutions et les paysans. Cette complexité apparaît tant au niveau local, en raison des liens existant entre paysans, potentats ruraux, administrateurs de l’État, responsables des temples et dignitaires, qu’au niveau étatique, en raison des relations de pouvoir entre les élites dans la structure de l’État et les responsables locaux399. Les situations restent 399
J.-C. Moreno-Garcia, « Introduction. Nouvelles recherches sur l’agriculture institutionnelle et domestique », dans J.-C. Moreno-Garcia éd., L’agriculture institutionnelle en ngypte ancienne, état de la question et perspectives interdisciplinaires, CRIPEL 25, Lille, 2006, pp. 11-78, spéc. pp. 66 sqq.
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diversifiées selon que l’exploitation des ressources locales est organisée autour des domaines des institutions, des communautés paysannes et du degré d’autonomie des élites locales. Des intermédiaires ruraux apparaissent à la lecture des documents, qui permettent d’assurer l’exploitation des terres et n’appartiennent pas aux cadres de l’administration, les nmḥw et les sȝḥw. Les premiers, libres ou indépendants400, peuvent être les détenteurs de terrains aux dimensions d’importance, comme l’atteste la stèle de l’Apanage401, et les seconds sont considérés comme les possesseurs des champs d’un temple, ainsi que l’assure le texte de dotation du temple de Médamoud402. Ces intermédiaires s’occupent de la mise en valeur de parcelles de terre d’un temple. Les moyens par lesquels ils accèdent à ces terres sont peut-être semblables à ceux dont témoignent les contrats de location de terres de la période saïte, à savoir des accords avec les responsables d’un temple pour cultiver les champs d’un sanctuaire moyennant le versement d’une taxe ou Îmw, « rente »403. Il s’agirait alors des intermédiaires agricoles appartenant aux classes les plus aisées possédant des ressources en travail et en outillage nécessaires pour louer et cultiver les terres en question, et exploitées tant par les membres du personnel du temple que par des personnes extérieures à l’administration des temples, et dotées d’assez de moyens pour prendre à bail leurs terres404.
400
J. C. Moreno-Garcia, « Temples and Agricultural Labour in Egypt, from the Late New Kingdom to the Saite Period », dans J.C. Moreno-Garcia éd., Dynamics of Production in the Ancient Near East, 1300-500 BC, Oxford et Philadelphie, Oxbow Books, 2016, pp. 223-256, spéc. pp. 232 sqq. 401 B. Menu, « La stèle dite de l’Apanage », dans M.-M. Mactoux et E. Geny éd., Mélanges Pierre Lévêque, vol. II, Besançon, Université de Franche-Comté, 1989, pp. 337-357. 402 D.R. Redford, « Textual Sources for the Hyksos Period », dans E.D. Oren éd., The Hyksos : New Historical and Archaeological Perspectives, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1997, pp. 1-44, spéc. p. 8, n° 49. 403 M. Malinine, Choix de textes juridiques, pp. 89-101. G.R. Hughes, Saite Demotic Land Leases ; « Notes on Demotic Egyptian Leases Property », JNES 32, 1973, pp. 152-160. K. Donker van Heel, « Papyrus Louvre E 7856 Verso and Recto: Leasing Land in the Reign of Taharka », RdE 49, 1998, pp. 91-105 ; « Papyrus Louvre E 7851 Recto and Verso: Two More Land Leases from the Reign of Taharka », RdE 50, 1999, pp. 135-147 ; « Kushite Abnormal Hieratic Land Leases », dans C.J. Eyre éd., Proceedings of the Seventh International Congress of Egyptologists, Louvain, Peeters, 1998, pp. 339-343. 404 J.-C. Moreno-Garcia, « Introduction : Nouvelles recherches sur l’agriculture institutionnelle et domestique », pp. 70 sqq.
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Ce système de « sous-traitance » permet d’évoquer le rôle des jḥwtjw dans l’exploitation des terres, qui sont cependant peu assurés pour la période saïto-perse et disparaissent progressivement au cours de la seconde moitié du Ier millénaire avant n. è.405. Dans le P. Loeb 45 1-2, de 497 avant n. è., deux sḥn jḥwtj(w), ou contrôleurs/commissionnaires agricoles de jḥwtj(w), louent leurs terres à un fermier, qui appartiennent probablement à l’administration pharaonique. Néanmoins, si leur rôle consiste à gérer des terres royales, le contrat ne permet pas de préciser si ces champs sont institutionnels, ou bien s’ils leur ont été confiés à titre de récompense406. La vente d’une vache, en 501/500 avant n. è., à un jḥwtj(w) d’Horus d’Efdfou, ou cultivateur, témoigne de l’emploi de ce terme (P. Michigan 3525 A 2)407. Et, le P. Michigan 3523 se rapporte au vol du taureau d’un particulier par les jḥwtj(w) d’Horus d’Edfou408. Le P. Rylands 5 voit un jḥwtj(w) se vendre comme « serviteur »409 et recommencer à plusieurs reprises. L’abandon progressif de ce modèle de fonctionnement laisse place à de nouvelles catégories de main-d’œuvre rurale, que sont les mnḥw ou les nmḥw, et au recours à des systèmes indirects d’exploitation et au travail des « serviteurs »410. Quatre systèmes d’exploitation des terres institutionnelles apparaissent. Le premier fait appel aux jḥwtj(w) cultivant des terres ʽḥt et livrant des quotas standards de céréales pour l’institution qui les emploie. Un jḥwtj(w) est en charge d’un terrain de vingt aroures ou plus, aidé de plusieurs personnes. Des exploitations ʽḥt sont cédées à des particuliers, des soldats, des prêtres, des femmes, mais également des jḥwtj(w) comme rémunération qui peuvent ensuite être louées contre une rente ou cultivées par des jḥwtj(w) de condition modeste. Un troisième système fait appel aux corvées. Enfin, des terres sont accordées à des dignitaires ou louées à des particuliers qui assurent leur exploitation et permettent aux temples d’éviter l’entretien permanent des cultivateurs nécessaires411. Les jḥwtj(w) cultivent les terres institutionnelles dédiées en 405
J.-C. Moreno-Garcia, « Les jḥwtjw et leur rôle socio-économique du IIIe au Ier millénaire avant J.-C. », CRIPEL 28, Lille, 2009-2010, pp. 321-351, spéc. p. 351. 406 S. P. Vleeming, The Gooseherds of Hou, p. 75. 407 E. Cruz-Uribe, Saite and Persian Demotic Cattle Documents, pp. 17-19. 408 E. Cruz-Uribe, Ibid., pp. 7-9. 409 F.L.I. Griffith, Catalogue of the Demotic Papyri in the John Rylands Library, with Fac-Similes and Complete Translations, t. III, traduction, commentaires et index, Manchester et Londres, Sherratt-Hughes, 1909, pp. 53-54. 410 J.-C. Moreno-Garcia, « Les jḥwtjw et leur rôle socio-économique du IIIe au Ier millénaire avant J.-C. », pp. 343-344 ; « Temples and Agricultural Labour in Egypt, from the Late New Kingdom to the Saite Period », pp. 228 sqq. 411 C.J. Eyre, « Feudal Tenure and Absentee Landlords » dans S. Allam éd., Grund und Boden in Altägypten, Tübingen, Compte d’auteur, 1994, pp. 107-133. J.-C.
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partie aux céréales avec des attelages ; des modalités de travail leur imposent des livraisons de quotas de production. Les autres domaines institutionnels sont confiés aux nmḥw, mnḥw, sȝḥw, membres de l’élite locale, et aux jḥwtj(w) aisés possédant leurs moyens de production et leur fournissant des recettes. Les corvées peuvent aussi fournir occasionnellement des travailleurs agricoles selon les besoins. Et, par ailleurs, si les domaines ʽḥt et les jḥwtj(w) représentent la base de la production céréalière, leur disparition s’avère progressive au cours du Ier millénaire, dont l’extension des contrats de fermage portant sur l’agriculture institutionnelle, la généralisation des salaires et une économie plus monétarisée expliquent ce changement. Les « serviteurs », grâce au régime hydrologique du Nil, n’ont pas besoin d’être employés en permanence, et leur rôle dans les institutions ou pour les particuliers est identique à celui des « corvéables ». Employés dans l’agriculture et la transformation de produits agricoles, ils semblent composer une population semi-libre412. Les mnḥw semblent jouer le rôle de tenanciers aisés dont les terres vont de 1 à 7 aroures, voire jusqu’à 15, tandis que d’autres possèdent des terres plus vastes qui vont de 30 à 71 aroures. Attestés dans la stèle de l’Apanage, ces titulaires de champs bénéficient d’une certaine autonomie, qui possèdent des champs ȝḥ nmḥ et peuvent détenir les terres collectivement. Leur apparition semble concomitante avec le déclin du système d’exploitation des terres grâce aux jḥwtj(w) et le recours aux corvées413. Les temples sont dotés d’un rôle essentiel dans cette organisation dans la mesure où ils peuvent représenter une des bases du pouvoir, témoins Moreno-Garcia, « Les jḥwtjw et leur rôle socio-économique du IIIe au Ier millénaire avant J.-C. », pp. 345-346, précise que l’emploi des terres ʽḥt afin de rémunérer des fonctionnaires ou le personnel des temples explique pourquoi une même personne peut être désignée par son titre et par celui de jḥwtj. Ces mêmes personnes, dignitaires et particuliers aisés, prennent en outre des terres de temples à bail. Et, cet état de chose explique que certains des jḥwtjw versent d’imposantes quantités de grains qui dépassent les deux cents sacs exigés des exploitations standards de vingt aroures. Par ailleurs, ce terme est doté d’une signification technique et recouvre des situations diverses, de celles de dignitaires chargés de la gestion et de la surveillance des domaines institutionnels ʽḥt, à celles de cultivateurs de base, de même que celles d’« entrepreneur agricole » chargé de l’exploitation de vastes terres et qui versent des quotas de céréales en échange de bénéfices divers, lesquels peuvent comporter des terres imposables. 412 J.-C. Moreno-Garcia, « Les jḥwtjw et leur rôle socio-économique du IIIè au Ier millénaire avant J.-C. », pp. 349-350. 413 J. Moreno-Garcia, « Les mnḥw : société et transformations agraires en ngypte entre la fin du IIè et le début du Ier millénaire », RdE 62, 2001, pp. 105-114.
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d’alliances entre la couronne et les élites locales. Peut-être que les donations royales de terres aux temples avaient un objet politique : incorporer les élites locales aux appareils de l’État en les associant à l’administration des ressources et aux affaires locales, autrement dit « en légitimant leur position sociale et en les incorporant dans l’administration »414. Les potentats locaux, dont les moyens permettent la livraison d’importantes quantités de céréales au fisc royal et qui peuvent également exploiter des champs de vastes dimensions, ouvrent la possibilité d’un accès aux terres de la couronne et des temples ; une situation qui concourt au développement d’un grand nombre d’intermédiaires chargés de la gestion, de l’exploitation et de la collecte des impôts. De fait, les donations ne sont pas toujours des actes de piété, mais souvent le moyen d’intégrer des réseaux de clientélisme, d’obtenir le soutien d’une institution locale puissante et/ou de mettre en place des échanges de faveurs entre donateurs et l’institution. L’existence de dynasties de prêtres ou de chefs des temples, de même que les conflits générés par des répartitions de revenus considérées comme injustes415 confirment encore leur rôle de pôles économiques, sociaux et politiques. Mais, de fait, cette agriculture institutionnelle ne permet de dépeindre qu’une partie de l’agriculture de l’ngypte ancienne416. 414
J.-C. Moreno-Garcia, « Introduction : Nouvelles recherches sur l’agriculture institutionnelle et domestique », p. 77. 415 G. Vittmann, Der demotische Papyrus Rylands 9, pp. 47-49, 149-151. 416 S.L.D. Katary, « Land-Tenure in the New Kingdom : The Role of Women Smallholders and the Military », dans A.K. Bowman et E. Rogan éd., Agriculture in Egypt from Pharaonic to Modern Times, Oxford, Oxford University Press, 1999, pp. 60-82, spéc. pp. 66-68, 75-76 remarque que le P. Wilbour atteste, dans ses listes, de nombreuses femmes « petites cultivatrices » identifiées par le terme : tnḫ(t) n(t) nỉwt, « Dame ». Elles représentent 10,8% du nombre total des parcelles réparties dans les quatre zones géographiques et la plupart des aires mesurées, les cinq groupes institutionnels, la plupart des institutions propriétaires et administratrices, aussi bien des parcelles mesurées en aroures et en coudées. En outre, nombreux sont les « maîtres de l’écurie » (ḥry ỉḥw ; 22,3%), les militaires de différents grades dont certains sont des fantassins (wtw ; 12%), les prêtres (wtb ; 11,8%), les citoyennes (10,8%), et les « cultivateurs » (ỉḥwty ; 9%) ; certains, encore, sont des artisans (potiers, chaudronniers, tisserands), des scribes, des fonctionnaires, des serviteurs. Les militaires représentent une composante importante des propriétaires terriens, en continuité avec la coutume bien ancrée datant de la XVIII e dynastie, consistant à leur donner des terres cultivables en récompense de leurs services. Un village de soldats (tȝ wḥyt) (A35, 45 ; 36, 12) est attesté dans le texte A416. Certaines des femmes figurant dans le texte A comme « petites cultivatrices » sont veuves (ḫȝrt ou hȝrt), bien qu’elles ne soient pas identifiées de la sorte. De fait, il semble plus que probable que ces
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Points d’eau et système d’irrigation Ils sont d’autant plus indispensables que la crue du Nil peut s’avérer insuffisante. Un puits est attesté à nléphantine dans une lettre datée de la dernière décade du Ve siècle, pétition pour la reconstruction du Temple (A4.5 6-8). La missive rapporte que les prêtres de Khnoum, après avoir détruit en partie la « Maison du Roi » ou « Trésor du Roi », ont construit un mur au milieu de la forteresse. Puis, pour ce qui est du « puits qui est construit dans la forteresse », et dont l’eau ne manquait pas afin de désaltérer les troupes lorsqu’elles se trouvaient en garnison dans l’île, les prêtres de Khnoum sont accusés de l’avoir bouché (A4.5 8). Le doute subsiste quant aux motivations de ces derniers : l’ont-ils bouché volontairement par antagonisme envers les Judéens et les autres mercenaires au service des Perses, ou bien cet acte a-t-il été concrétisé pour les besoins de la construction du temple de Khnoum417 ? Le puits est exploité sans doute pour la consommation d’eau pure et pour les besoins agricoles. Provenant des archives d’un temple des Oasis, des contrats se rapportant à la répartition de l’eau d’irrigation apportent un éclairage sur la portée de la gestion de l’eau. Jaillie des puits artésiens ou drainée par les qanât-s, elle est distribuée par un réseau de canalisations418. Un système de bassins de répartition et de vannes permet le contrôle de l’approvisionnement femmes, ou tnḫ(t) n(t) nỉwt, soit mariées, soit veuves, et dont la première activité est celle de « maîtresse de maison », soient libres d’être propriétaires, de transférer et/ou transmettre les droits ou obligations, tout comme les hommes identifiés dans les entrées réparties et attribuées. Certaines aires mesurées peuvent être considérées comme des installations militaires, et la distribution spécifique des parcelles attribuées aux femmes dans les 185 aires mesurées du texte A, dont un nombre particulièrement important de militaires et activités associées bénéficient, permet de suggérer que ces petites cultivatrices sont des veuves de militaires. Les aires mesurées soulignent la variété des activités exercées par les petits cultivateurs, qui à l’origine appartenaient peut-être à des militaires. Le mode d’attribution des parcelles témoigne d’un système organisé de distribution de leur superficie. Sept cent cinquante-deux parcelles, à savoir 51,8%, témoignent d’un modèle de cinq aroures, et trois cent trente-neuf de parcelles de trois aroures soit 23,4% de l’ensemble. Ces dernières parcelles sont associées aux wtw ou militaires et aux petites cultivatrices, qui bénéficient plus que rarement de parcelles d’une surface supérieure à trois ou cinq aroures. De fait, ce papyrus est d’importance qui documente la transformation agraire en ngypte, J.C. MorenoGarcia, « L’évolution des statuts de la main-d’œuvre rurale en ngypte de la fin du Nouvel Empire à l’époque saïte (c. 1150-525 a. c.) », p. 38. 417 B. Porten, CS III, p. 124, n. 34. 418 M. Chauveau, « Les archives d’un temple des oasis au temps des Perses », BSFE 137, oct. 1996, pp. 32-47, spéc. pp. 41 sqq.
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de chaque parcelle. Une partie de ces qanât-s et des puits seraient la propriété de particuliers qui en concèdent la jouissance aux paysans. Des contrats de vente ou d’affermage de nombre de jours ou fractions de jours d’approvisionnement en eau sont attestés. Ainsi, en l’an 14 de Darius II, Harsiésé, fils d’Ounamenheb, afferme l’emploi de l’eau d’un qanât – durant sept jours et demi par mois sur une période de dix ans – à un personnage du nom d'Hor, fils de Horoudja, qui devra en contrepartie lui livrer le sixième des récoltes de toutes les cultures irriguées et le tiers du bois des arbres qui pousseront en bordure de ces champs. Pour autant, l’entretien du système d’eau incombe au bailleur419. L’ostracon complet du musée de Moscou, provenant de la ville de Hibis de l’Oasis de Kharga et datant de 374 avant n. è., pourrait concerner un hydreuma, ou point d’eau, pendant une durée de dix jours par mois. Les Égyptiens ont conçu cette opération comme une vente de dix jours d’eau420. Il pourrait s’agir cependant d’une location adoptant la forme d’une vente421. Des ostraca provenant d’ʽAyn Manâwir complètent ce tableau. Exemples parmi d’autres, l’ostracon 3560 se rapporte au paiement de trente jours d’irrigation où figure l’expression : « notre [cœur] (est satisfait) avec l’argent » ; et, l’ostracon 3928 du 30/10-28/11 de l’an 410 apporte plus d’éléments d’informations qui consiste en sept jours et demi d’irrigation d’eau par mois pour 10 ans, et dont la rémunération se monte à 1/6e de l’intégralité de la production, la moitié des fruits et des palmiers auxquels s’ajoute le tiers du bois422.
419
D. Devauchelle, « Un contrat de vente de journées d’exploitation de l’eau d’un hydreuma », dans B. Menu éd., Les problèmes institutionnels de l’eau en ngypte ancienne (Colloque AIDEA Vogüé), BdE 110, Le Caire, IFAO, 1994, pp. 153-156, évoque le seul autre contrat de cette sorte daté de Nectanebo Ier (374 avant n. è.), qui provient de l’oasis de Kharga. 420 D. Devauchelle, Ibid., pp. 153-156. 421 S. Allam, « Affaires et opérations commerciales », dans N. Grimal et B. Menu éd., « Le commerce en ngypte ancienne », BdE 121, Le Caire, IFAO, 1998, pp. 138-156, spéc. p. 138. 422 M. Chauveau et D. Agut-Labordère, « Les ostraca d’ʽAyn Manâwir », Arta 2014, disponible en ligne : http//www.achemenet.com/document/ARTA_2014-ChauveauAgut.Pdf.
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Moyens de production : les animaux de trait Objets de vente, de copropriétés, de locations et d’échanges, les animaux – essentiellement les bovins – démontrent leur nécessaire présence dans l’agriculture et le quotidien. Actes juridiques et ostraca en sont les témoins privilégiés. Ils découvrent le monde des bailleurs, fermiers, preneurs à bail et gardiens de bestiaux, grâce aux opérations auxquelles ils sont consacrés. Des actes concernant les bovins et les ânes de la période saïte et perse, et dont les particularités ne manquent pas, sont ainsi à exposer. Leur complexité est semblable à celle des actes portant sur des biens immobiliers et souligne la valeur accordée à ces animaux, qui sont dotés d’un nom et, par conséquent, d’une sorte d’identité, et aux opérations les concernant. Les contrats araméens n’ont fourni que peu d’exemples de ces diverses opérations, dont ils laissent poindre quelques aspects seulement. En effet, le terme hngyt, « associé en bétail/copropriétaire en bétail », figure dans les clauses de garantie de certaines de ces conventions ; elles mettent sur un même plan les membres de la famille et ces personnes, afin de spécifier les interdictions de réclamations, de plainte et/ou de procès (B3.12 25-27 ; B3.6 5 ; B3.10 18 ; B3.11 12 ; B5.5 9). La présence d’auges dans des habitats permet de penser comme possible et même probable la présence de certains de ces animaux, les habitants de l’île usent probablement des mêmes procédés que les ngyptiens, qui possèdent bovins, ovins et autres animaux. Parmi divers exemples, le P. Berlin 13571, enregistré au cours du mois de paophi en l’an 5 du pharaon Psammétique, ou en 588 avant n. è.423, concerne la cession d’une vache rousse gravide dénommée Ta-pȝ-wtn. Après la déclinaison de l’identité des parties, lesquelles ne semblent pas exercer d’activité agricole, puisque le vendeur exerce l’activité de maçon serviteur de Pharaon et l’acheteur celui de forgeron, la partie opératoire s’ouvre sur la formule : « Tu as satisfait mon cœur avec l’argent pour ma vache rousse de labour gravide qui est marquée avec la marque d’Isis et qui est appelée du nom de vache Ta-pȝ-wtn… » (2-3). Le P. Rylands 8 datant de 562 avant n. è., également de vente d’une vache, la décrit comme : « rousse, de labour et gravide » (2), et comporte la même modalité de satisfaction : « Tu as satisfait mon cœur avec l’argent pour… » (2). Le P. Michigan 3525 A peint l’objet de sa vente comme : « engraissée, avec des taches blanches, noire » (3). La chose vendue et son origine sont décrites assez précisément par le scribe du P. Berlin 13571, lequel ajoute qu’il s’agit de la progéniture de sa vache non hypothéquée et née dans son corral. Ces animaux sont dotés d’un nom et, par ce fait, d’une forme de personnalité. Le vendeur rappelle d’abord, dans la modalité de transfert : tỉ.y s n.k r-bnr r-dbȝ ḥd, « Je te l’ai vendue pour de 423
E. Cruz-Uribe, Saite and Persian Demotic Cattle Documents. A Study in Legal Forms and Principles in Ancient Egypt, pp. 3-5.
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l’argent » (formule attestée dans les P. Berlin 15831/P. Caire 50160 et P. Berlin 15832), puis la formule du reçu : « Tu m’as donné son argent. Je l’ai reçu de ta main » (4). Pour autant, la convention ne transmet aucunement le montant versé. Il réitère la formule de satisfaction et quittance : « Mon cœur est satisfait avec » (5). Et, si la formule : « je te l’ai donnée » est absente de l’acte, cette autre, qui constate la concrétisation de la remise de la chose vendue, y est assurée et développée : mtw.k s tȝy.k ỉḥ(.t) sḥm.t tȝy (n)-t pȝ hrw r ḥry ḥnʽ nȝy.s hrṱ.w nt ỉw.s r ms.ṱ.w n pȝy.k ỉhy, « Elle est à toi. C’est ta vache à compter de ce jour avec son veau qu’elle portera dans ton corral » (5). Cette formule figure très exactement dans le P. Rylands 8. La clause de contrôle, déterminant la propriété et l’autorité de l’acquéreur, est particulièrement détaillée : « Personne au monde ni père, mère, frère, sœur, fils, fille, moi y compris, ne pourra exercer de contrôle si ce n’est toi » (P. Berlin 13571). Des ventes en copropriété portant sur ces animaux sont également attestées. Le P. Louvre E 9292 présente la vente d’une demi-vache et ses spécificités. Ce document, peut-être de l’an 501 avant n. è., du mois de mechir en l’an 19 (?) du pharaon Darius, se rapporte à la cession d’une demi-génisse de couleur noire marquée de la marque d’Amon de Djemé, du nom de Setairetben, et acquise auprès du gardien de troupeaux prénommé Ḥr. Le vendeur rapporte : « Je t’ai donné (vendu) sa moitié mentionnée plus haut aujourd’hui » (4). L’emploi du verbe dj confirme la vente, qui exprime le transfert de propriété sur le bien. La formule de satisfaction et de reçu : « tu as satisfait mon cœur avec l’argent » tient la première place de la partie opératoire de l’acte (2). Un acte de vente d’une vache cédée en copropriété à deux personnes est assuré dans le P. Michigan 3525 A424. Datant de 501-500 avant n. è., du mois d’epiphi en l’an 20 du pharaon Darius, cet acte voit le cédant s’adresser à un homme et une femme, lesquels acquièrent une vache noire à taches blanches. Aussi, la convention affirme-t-elle : « Elle est à vous. Elle est votre vache ensemble avec tout veau qu’elle portera dans votre corral » (4). Le P. Michigan 3525 B425 livre une information se rapportant au nom de l’animal vendu : Stȝ-ỉrt-bn. Des ventes de veau avec leur mère sont également assurées. Par exemple, le P. Caire 50146 de la fin de la période perse porte sur une vache rousse, et marquée du faucon sur l’épaule, et son veau roux âgé d’un an. Les modalités usuelles de transfert, transmission et garanties clôturent l’acte dont une partie est manquante cependant.
424
E. Cruz-Uribe, Saite and Persian Demotic Cattle Documents. A Study in Legal Forms and Principles in Ancient Egypt, pp. 17 sqq. 425 E. Cruz-Uribe, Ibid., pp. 19 sqq.
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Dévoilant une association portant sur une vache rousse, le P. Loeb 41426 de 485 avant n. è., emploie la formule suivante : « Tu es mon ḫbr ["associé"] pour moitié pour la vache rousse qui est marquée de l’obélisque et du pot à lait et que nous avons achetée contre de l’argent en commun, tous les deux. À toi revient la moitié de celle-ci, ainsi que la moitié de ses veaux qui naîtront à compter de ce jour ». Le contrat ajoute : ỉ.ỉr pȝy=s ḥw gwy r ḫpr ỉwt=n n pȝ s 2, « C’est entre nous, tous les deux, que se feront les gains et les pertes ». Quatre témoins ont signé l’acte au verso. La mise en commun d’un capital privé afin d’acquérir un bien privé se différencie des acquisitions en simple copropriété, témoignant d’une forme de « société d’investissement »427. En outre, si les deux associés sont liés à une institution au service de l’État ou du temple d’Amon, leur société en est indépendante. Elle est, et reste, privée et les actes qu’elle accomplit le sont également. Leur position leur assure un revenu, cependant insuffisant pour permettre à chacun d’eux d’investir seul pour acquérir cet animal ; aussi, doivent-ils s’associer. Dans la mesure où l’emploi de cet animal pour la traction est réservé à l’élite locale, sa possession par les calaisiries leur offre une amélioration de leur statut pour atteindre celui de « laboureur », notable agricole, symbole de leur réussite sociale428. Dorénavant, être « fermier, le premier de tous les métiers » (« L’éloge du fermier », P. Brooklyn 47.218.135 [6, 17-18]), remplace le scribe à la première place de ces derniers, avec pour objectif de s’élever socialement et bénéficier de profits429. Rapportant un échange de vaches, les P. Turin 2124 et 2128 proviennent des archives de Tsenḥor. Le premier est établi lors du quatrième mois de la saison peret en l’an 15 du Pharaon Darius, soit le 26 juillet-24 août
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S.P. Vleeming, The Gooseherds of Hou, N° 7. D. Agut-Labordère, « La vache et les policiers » : pratique de l’investissement dans l’ngypte tardive », dans B. Legras éd., Les transferts culturels et droits dans le monde grec et hellénistique, Paris, PUF, 2011, pp. 269-2281, spéc. pp. 272 sqq. 428 D. Agut-Labordère, Ibid., pp. 275 sqq. 429 Deux autres contrats témoignent de ces « contrats de société » : le P. Louvre E. 7843 de l’an 35 d’Amasis, où deux choachytes sont copropriétaires de deux tombes dans la région thébaine dont ils assurent le service funéraire et partagent les revenus, D. Agut-Labordère, « La vache et les policiers », p. 272 ; le P. Loeb 47, datant de l’an 34 de Darius Ier, ou 488, qui concerne deux gardiens d’oies du domaine d’Amon, dans le district de Gébélen, partageant l’usufruit de dix oies, S. P. Vleeming, The Gooseherds of Hou, pp. 19-45, P. Hou 1. Des sociétés sont connues par des reçus fiscaux : le P. Louvre 7841, 7847, le P. Loeb 46, et le P. Lille, d’autres par des actes de ventes ou de location : les P. Louvre 7836, 9292 et IFAO 901 et 902. Une société figure dans une missive privée, le P. Bruxelles 8225 d. 427
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507 avant n. è.430. Le personnage clé de l’opération, du nom de Paouḥamon, ʽȝm, « gardien de bestiaux » du temple de Montou-Seigneur-de-Thèbes, s’adresse au choachyte de la vallée Bourekhef en employant la formule usuelle : « tu as satisfait mon cœur ». Une formule, à laquelle il apporte quelques précisions : « Avec l’objet échangé pour ma vache femelle de labour, de couleur rousse et appelée par le nom de Tȝ… que je t’avais donnée pour labourer avec elle de l’an 14 à l’an 15 » (2-3). Dans cet acte, l’absence de l’expression usuelle « je t’ai donné » est notable et l’emploi de la formule : n tȝ Îb, « objet échangé », lui est substitué. Le bailleur précise également le rôle de l’animal en question : ỉḥ s.ḥm(.t ) skȝ tÎr.t, « vache femelle de labour » (3), et rappelle que l’animal avait d’ores et déjà fait l’objet d’un bail de l’an 14 à l’an 15 « pour labourer » (r skȝ). La formule de satisfaction, « mon cœur est satisfait de l’objet échangé pour celle-ci », est réitérée. Enfin viennent les clauses habituelles de protection de l’acquéreur, la renonciation à réclamation, et la modalité de garantie. L’identité du scribe et des quatre témoins clôt l’acte. La seconde convention d’échange431, ou P. Turin 2128, est établie lors du troisième mois de la saison peret en l’an 35 du pharaon Darius, soit le second du 21 juin-20 juillet 487 avant n. è., et porte sur deux vaches rousses432. Le gardien de bestiaux Iretouret s’y adresse au choachyte de la nécropole de Djémé Iretourou, qui emploie l’expression usuelle définissant le transfert : dj(=j) n=k, « je t’ai donné ». Puis, il ajoute : tȝj ỉḥ tÎr ntj ỉȝb n pȝ sḫ n dʽr ḥr pȝj=s ḫpÎ n tȝ Îb n tȝj=k ỉḥ s.ḥm.t tÎr ntj ỉȝb n pȝ mhn r.dj=k n=j, « Cette vache rousse marquée de trois coups de dʽr sur sa patte antérieure, en échange de ta vache femelle rousse marquée du "pot de lait" que tu m’as donnée » (2). Le verbe « donner » s’applique tant au gardien de bestiaux qu’au choachyte, explicitant clairement l’échange par ces deux phrases : « je t’ai donné » et « tu m’as donnée », indiquant la remise de la chose vendue. L’emploi du démonstratif « cette » désigne une chose sur laquelle les parties se sont d’ores et déjà mises d’accord. La clause de transmission ajoute ensuite : mtw=k s tȝj=k ỉḥ tȝj, « elle est à toi, c’est ta vache » (2-3). La clause de contrôle n’est pas insérée dans la convention, qui n’est jamais systématique, pas plus que celle de satisfaction. L’identité du scribe est suivie 430
P.W. Pestman et S.P. Vleeming, Les Papyrus démotiques de Tsenḥor (P. Tsenḥor), N° 11. 431 G. Botti, dans L’archivio demotico da Deir El-Medineh, Florence, Felice le Monnier, 1967, présente un document d’échange portant sur une vache et une ânesse pleine contre une ânesse, datant du 6 mars 112 avant n. è., ou le 18 du mois de mechir en l’an 6, N° 18. Seize témoins sont présents à l’acte, qui soulignent, une fois de plus, leur rôle. 432 P.W. Pestman et S.P. Vleeming, Les Papyrus démotiques de Tsenḥor (P. Tsenḥor), N° 17.
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de celle des quatre témoins à l’acte. Chacune des parties s’est probablement vu remettre un contrat symétrique, faisant preuve en cas de besoin. D’intérêt majeur pour être établis par des scribes professionnels, ces actes coûteux font preuve pour les parties des opérations menées oralement, puis confirmées de la sorte. Les différences et nuances sont liées aux besoins des parties, aux scribes qui les établissent, aux lieux et aux périodes également. Ils soulignent aussi l’importance de ces animaux qui représentent une part non négligeable des biens et des moyens de production. Les bovins sont également transmis par héritage. Ainsi, les testaments P. Bibliothèque Nationale 216 et 217, datés du 29 février/29 mars 517, affirment : « À toi est la moitié de ce qui m’appartient… boeuf(s) »433. Une clause de contrat de mariage, prévoyant la transmission des biens de l’époux, peut les intégrer dans leur liste. En cette dernière occurrence, le P. Chicago Hawara 2, du 10 octobre-8 novembre 331, dévoile cette formule inscrite par le futur père : « Voici ce qui appartient aux enfants [que tu me donne]ras, tout de toutes mes propriétés que je possède et que j’acquerrai en… vache…tout animal… et toute chose d’un homme libre, quelle qu’elle soit, à moi » (1-2). Les P. Chicago Hawara 3 et 6 sont quasiment identiques. La seule variation est la suivante : « Voici ce qui appartient aux enfants que tu me donneras, tout et chaque chose que je possède… » (2)434. Le P. Rylands 10 3, daté de janvier 315, prévoit aussi, dans cette même clause, la transmission du « gros bétail »435.
Instruments agraires : les attelages et les araires Si, parfois, dans des contrats de fermage, le joug apparaît en relation avec la mise à disposition de bœufs destinés au labourage des champs, les contrats ne sont guère diserts sur ce thème. Pour autant, leur attestation dans ce type de contrats sous-entend l’usage de l’araire. En l’an 17 d’Amasis, le P. Louvre E 7844 8 rapporte notamment la répartition de la récolte dont les 2/3 resteront entre les mains des deux choachytes ayant loué les terres afin de rémunérer les bœufs, les hommes et les semences. Le P. Louvre E 7837 4, portant sur un bail annuel, évoque : « Trois jougs [de bœufs], c’est-à-dire six 433
E. Cruz-Uribe, « A Transfer of Property during the Reign of Darius I, (P. Bibl. Nat. 216 and 217) », Enchoria IX, 1979, pp. 33-44. P.W. Pestman et S.P. Vleeming, Les Papyrus démotiques de Tsenḥor (P. Tsenḥor), N° 5 et 6. 434 G.R. Hughes et R. Jasnow avec la contribution de J.G. Keenan, Oriental Institute Hawara Papyri Demotic and Greek Texts from an Egyptian Family Archive in the Fayoum. 435 F.L.I. Griffith, Catalogue of the Demotic Papyri in the John Rylands Library, with Fac-Similes and Complete Translations, t. III, traduction, commentaires et index, Manchester et Londres, Sherratt-Hughes, 1909.
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bœufs », où le bailleur met à disposition du fermier un bœuf, tandis que celuici et ses associés doivent ajouter les cinq autres436. Le joug auquel sont attelés les bœufs afin de labourer les terres est mis à disposition du fermier tandis que les bœufs appartiennent à Rery, frère du père du dieu (P. Louvre E 7833 a). Aussi, ces actes confirment-ils le prêt, par les bailleurs, de bœufs, dont l’achat et l’entretien restent à leur charge et n’impliquent pas pour les fermiers la nécessité d’en posséder. L’araire, qui n’est pas évoquée dans ces actes, appartient par conséquent au fermier, lequel, sans cela, n’aurait guère l’usage des bovins en question437. La présence d’une auge à nléphantine dans la Maison Mc pourrait confirmer la propriété d’un ou de plusieurs animaux de trait destinés notamment à l’agriculture et l’usage et la propriété de l’araire438. Or, si la traction animale est réservée à une certaine élite, institutions et notables, le fait de posséder ces animaux reste le signe de l’évolution du système social et la possibilité pour une partie de la classe moyenne de s’élever et s’enrichir439 ; une situation qui s’applique sans doute aux Judéens d’nléphantine.
Les semences Elles sont parfois prévues dans les baux de terres, lorsque le fermier loue une terre année après année et que le bailleur lui en laisse la quantité estimée comme nécessaire. Cependant, des exemples mentionnent également des différences, qui impliquent que le fermier gère parfois cette obligation.
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P.W. Pestman et S.P. Vleeming, Les Papyrus démotiques de Tsenḥor (P. Tsenḥor), N° VI. 437 J.C. Moreno-Garcia, dans « Quelques observations sur l’emploi de l’araire en nypte ancienne », GRAFMA 9-10, 2008-9, pp. 53-60, évoque l’un des problèmes posés par l’emploi de l’araire, à savoir son inutilité dans les conditions de l’agriculture céréalière de décrue pratiquée dans la vallée du Nil, et des particularités du sol. En Haute-ngypte, dans la mesure où les terres restent longtemps sous l’eau, le sol serait prêt après l’inondation, et un labour avant les semailles de céréales ou légumineuses serait superflu. Selon l’auteur, la fonction première de cet outil n’est pas la préparation du sol avant semis, et l’emploi de la traction animale serait réservée à une élite concentrant les ressources. Selon F. Sigaut, dans « L’homme et la charrue, quarante ans après », dans Ph. Mignot et G. Repsaet éd., Le sol et l’araire dans l’Antiquité, Bruxelles et Rochefort, Université libre de Bruxelles, 1998, p. 10, l’araire n’est aucunement un instrument de labour mais sa fonction unique consiste à enfouir les semis. 438 Aucune faucille, hache ou couteau n’a été mise au jour sur l’île, probablement en raison de leur mauvais état de conservation. 439 D. Agut-Labordère, « La vache et les policiers », p. 276.
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Le Code d’Hermopolis (colonne II, 10-1), traitant du partage de la récolte entre fermier et bailleur, prévoit, lorsqu’un fermier conclut un bail et que le bailleur lui donne la semence – au cas où la terre ne reçoive pas d’eau la même année pour cause de sécheresse –, « que l’on ne fasse pas en sorte qu’il (lui) donne une redevance, (mais) que l’on fasse en sorte qu’il (lui) rende (seulement) la semence ». Ces paragraphes ne prennent pas en compte le système monétaire en usage440. Parmi les contrats araméens, l’association (B1.1) entre Padi, fils de Daganmelech, et Aḥa, fils de Ḥapio, prévoit que le fermier sème ses propres semences, en l’an 7 du roi Darius (B1.1 4) : tzrʽnh bzrʽ npÎk bÎnn 7, « Tu le sèmeras (le champ) avec tes propres semences en l’an 7 ». Autre exemple : le P. Louvre 3171, datant de la XVIIIe dynastie, transmet le décompte de la récolte d’un cultivateur. Les deux colonnes publiées de ce document enregistrent une livraison de grains par un unique cultivateur, et dont les quantités s’élèvent à 1000 et 1421 khar. Cette sorte de grains šmw pourrait, en raison des quantités livrées, provenir d’un domaine non réparti. Elle était due au grenier de Memphis, dont une partie a été recouvrée par le quartier-maître de l’armée, et une autre quantité a été laissée au cultivateur comme semence441 : sur le montant total de 1421 khar de grains, 80 sont destinés au fermier au titre de semences pour l’année suivante. De la période saïte, le P. Louvre E 7833 a, daté de l’an 36 d’Amasis442, prévoit que lors du partage des récoltes, Udjaḥor, le bailleur, recevra 5/6 de la récolte pour la terre, les semences et le bétail443. Il semble que le montant prêté était d’environ 1/8 à 1/10e de la récolte. Le P. Louvre 7844, de l’an 16 d’Amasis, prévoit que le fermier soit rémunéré par les deux tiers de la récolte de l’an 17 pour (le paiement) des bœufs, des semences et des hommes fournis. Selon le P. British Museum 10432 les preneurs à bail sèment une terre louée de lin.
Les taxes Le versement de ces taxes ou impôts en nature semble le plus souvent à la charge des bailleurs, mais des exceptions sont attestées. Certains des contrats saïto-perses, tels les P. Louvre E 7833 a, E 7837, E 7845 A, confirment cette obligation. Le bailleur de ce dernier contrat apporte sa garantie au fermier : « Je suis celui qui fera s’éloigner les scribes du domaine d’Amon pour ce qui concerne la taxe sur la récolte du domaine d’Amon ». S. Allam, « Réflexions sur le Code légal d’Hermopolis dans l’ngypte ancienne », p. 67. The Demotic Legal Code of Hermopolis West, éd. G. Mattha. 441 A.H. Gardiner, « Ramesside Texts Relating to the Taxation and Transport of Grain », pp. 19-73, pp. 56-57 sqq. 442 G.R. Hughes, Saite Demotic Land Leases, pp. 52 sqq. 443 K. Baer, « The Low Price of Land in Ancient Egypt », JARCE 1, 1962, pp. 25-45, spéc. pp. 30-31. 440
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D’autres n’évoquent pas cette obligation : ainsi, le P. British Museum 10432. Les deux personnages parties au contrat P. Louvre E 7836 prévoient le paiement partagé de la taxe sur la moisson du domaine d’Amon. Le P. Louvre E 7844 nuance le propos, puisque les deux choachytes ayant pris à bail les terres se doivent de donner un tiers de la récolte au bailleur responsable des offrandes divines d’Amon444. Le P. Loeb 45 prévoit l’intervention des scribes du pharaon qui se doivent de mesurer ces champs au nom des bailleurs, afin de déterminer le montant de la taxe et le remboursement, par les bailleurs au « fermier », de la taxe que celui-ci doit avancer445. Certains de ces actes prévoient qu’un géomètre viendra mesurer les terres permettant ainsi de calculer le montant de la récolte et la proportion de la taxe à verser446. Les 444
G.R. Hughes, Saite Demotic Land Leases, N° II. S. P. Vleeming, The Gooseherds of Hou, N° 5. 446 Le P. Wilbour, daté de l’an 4 de Ramsès V (1142 avant n. è), et établi pour des raisons fiscales, car le mesurage des terres est effectué afin de déterminer le montant des impôts à verser sur les terres cultivées, reflète au moins en partie le système de la propriété institutionnelle, des fermes et des petits cultivateurs. Il révèle des informations cruciales sur l’organisation fiscale, rapportant que les agents du fisc mesurent les champs afin de déterminer la quote-part à verser. Ce mesurage qui s’effectue le plus souvent au mois d’avril constate également que des terres peuvent être : « terrain cultivé trouvé sec » (5, x-7 ; 34, 9). L’agent est désigné à l’aide d’un signe conventionnel. Son titre et son nom sont indiqués dans l’en-tête, et il dépend d’un office ayant à sa tête un : pȝ tȝ n št, « Grand maître de l’impôt ». Toujours dans ce document, les « rentrées » varient selon qu’elles s’appliquent aux domaines non répartis et cultivés collectivement ou aux harems dont il semble qu’ils n’aient pas été imposables. Le taux d’imposition par aroure varie selon la qualité de la terre entre 5, 71/2 et 10 sacs et la somme est calculée en accord avec le montant de la récolte évaluée. Une partie de cet impôt en nature peut être transférée par l’institution propriétaire à une autre. En outre, les parcelles des domaines répartis ne sont imposées que sur une partie de leur superficie. Les agents des impôts avaient pour tâche, en divisant les lotissements, de déterminer la partie imposable des parcelles. Aussi, le terme pš, « divisé » se rapporte-t-il à cette opération fiscale et non à la répartition de ces parcelles entre les « possesseurs » privés. Certaines de ces terres sont exemptes d’impôt et ne se retrouvent pas dans les « rentrées ». Les terres sont imposées selon leur qualité : les terres fraîches, ou nḫb ; les terres fatiguées, ou tnj ; et, la qualité la plus courante, ou terre arable : kȝyt. Seules les données permettant de calculer les impositions se retrouvent dans les « rentrées » concernant les lotissements dont la surface est exprimée en aroures et leur partie imposable. Les impositions sur les terres imposables conservent un taux d’imposition invariable : 1½ ; le document comporte également l’indication de la partie imposable qui est représentée par ¼, ½, ou une aroure, à raison de 1 ½ sac de grains, S.L.D. Katary, « Land-Tenure in the New 445
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mesures des champs sont vérifiées ou prises sur place, et les scribes établissent le lieu, la liste des terres en enregistrant la surface réelle, puis corrigée pour des raisons fiscales, leur orientation, le nom de la localité la plus proche, sa superficie en aroures, parfois quelques précisions sur le statut du terrain, l’état des sols : à savoir leur état de fertilité.
Les récoltes et leur répartition Les terres sont le plus souvent louées pour une année de date à date, et des contrats de bail anticipent la répartition de la récolte et le paiement de la taxe, et parfois d’autres modalités les complètent. L’acte araméen d’association B1.1 organise le détail de la répartition de la récolte attendue pour l’an 8 du roi Darius. Pour autant, il ne précise pas le type de récolte, mais les termes spécifiques de l’objet de cette sorte de contrat qui indiquait le nombre d’aroures du champ, lequel a disparu du document : tzrtnh bzrt npšk bšnn 7 wtplg tmy bšnn 8 ḥmr qbl ḥmr pr[s qbl ]prs Óbʼ wlḥyʼ nplg kḥdh šwywy [….] ph y/w zy r/dštwʼ mn npšk wḥqlʼ wtḥṣd npš[k…] šnby nḥ/wdt zy yh(w)h bḥqly mn š[…] .[mnʼ ʼm/rs bmlʼtʼ, « Et, tu diviseras pour moi en l’an 8 : ḥomer pour ḥomer, pera[s pour] peras. Nous diviserons le bon et le mauvais comme l’un, à égalité… de ce qui t’appartient et le champ tu feras la moisson [toi]même… sera dans mon champ de … […] en totalité » (B1.1 4-9). Obligations et droits sont affirmés en une forme égalitaire qui permet de déterminer qu’il s’agit bien d’un contrat d’association où chacun est responsable447 et prend des risques. L’expression kḥdh, « comme l’un », exprime la notion de parité et d’obligation solidaire, et le terme šwywy, « également », surenchérit sur la répartition égale de la moisson, qui doit être effectuée par le fermier. Des clauses de garanties complètent le cœur de la convention. L’expression « pm[Ón] », terme inconnu, est suivie de l’affirmation : « deux sh(ekels), un shekel perdu et un shekel remboursable » (B1.1 12-13). Pour autant, cette somme ne serait pas un paiement, mais un dépôt versé en garantie par le cultivateur afin d’aller au bout de ses engagements ; et, le terme ʼbd pourrait signifier qu’il s’agit d’un « dédit »448. La formule souligne que le cultivateur, dès lors qu’il ne respecte pas ses engagements, perd la somme versée, qui reste en dépôt chez le propriétaire. Kingdom: The Role of Women Smallholders and the Military », pp. 65-66 sqq. Le P. Wilbour informe des revenus nets après déduction des coûts de production. Le texte A différencie trois sortes de parcelles : celles qui sont cultivées collectivement, celles qui le sont par de petits cultivateurs et celles qui sont reliées au « harem », l’ensemble se trouvant sous l’administration de temples et d’institutions profanes. 447 H.Z. Szubin et B. Porten, « An Aramaic Joint-Venture Agreement : A New Interpretation of the Bauer-Meissner Papyrus », p. 77. 448 H.Z. Szubin et B. Porten, Ibid., p. 80.
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Puis, une clause se préoccupe de la question du transport de la récolte, à effectuer par l’âne du fermier et non par un âne de location ! Enfin, le propriétaire s’engage (B1.1 14-15) : « Je ne pourrai pas te réclamer mon champ ». Cette formule constitue également une protection du fermier en contrepartie : ainsi, une double garantie protège les deux parties. Onze témoins participent à cet acte qualifié : spr ḥwb ḥql zy k[t]b pd[y] lʼḥʼ, et la formule : « Document d’obligation/d’entreprise (concernant) un champ que Pad[i] a écr[it] pour Aḥa » (B1.1 19) clôture l’acte. Ces témoins présents à l’acte, de diverses origines ethniques, araméens, égyptiens et autres, confirment encore et toujours une composition plurielle de la population. La répartition des récoltes est toujours organisée au moment de la mise à disposition des terres en location et des contrats de la période saïte en proposent divers exemples. Le vocabulaire des clauses de contrats démotiques révèle l’emploi des verbes « prendre » et « donner » à propos des pourcentages de répartition. L’une d’elles, P. Louvre E 7833 a 6, attribuée au propriétaire, affirme : « Je prendrai le tiers de tout le grain »449. Une autre s’adresse au bailleur : « Tu prendras le quart du lin » (P. British Museum 10432 11)450 ; ou, au fermier : « Tu donneras le tiers de tout le grain » (P. Louvre E 7844 6)451 et « Tu me donneras le quart de tout le grain (et) tout le lin » (P. Louvre E 7845A 7)452. Les formules peuvent employer les verbes ty, « prendre », et dy, donner. Ainsi, les bailleurs et le « fermier » du P. Loeb 45 prévoient que la répartition de la récolte pour l’année 26 implique la division en deux parts : « À nous est une part, à toi est [une part] »453. Les divers actes de la période saïte l’inscrivent également. Dans le P. British Museum 10432, les quinze fermiers s’engagent envers le prophète d’Amon, qui leur a donné à bail la terre, à lui laisser le quart de la récolte de lin. Les parties présentes au P. Louvre E 7844 prévoient que le tiers de la récolte sera distribué au bailleur au titre des offrandes divines d’Amon, et le P. Louvre E 7845 A mentionne l’exigence du bailleur de se faire donner « un quart de tout le grain et le lin ». Ces actes peuvent anticiper des dommages du fait du « fermier » et le paiement compensatoire d’un montant équivalent sur la récolte (P. Louvre E 7845 A). Après avoir précisé le lieu du terrain loué, le P. Louvre E 7836 indique précisément les termes de la répartition : ỉn-ỉw Îmm ḫpr n ḥȝ.t-sp 36 ỉw.n ỉr prt nb sm nb nty ỉw.w r ḫpr ḥr h.t.f n dny .t … mtw.k dny.t 1 Ànk dnyt 1 ỉrm nȝy(.y) ḫbr.w, « Lorsque la moisson aura eu lieu en l’an 36, nous ferons 449
G.R. Hughes, Saite Demotic Land Leases, pp. 51-52. G.R. Hughes, Ibid., pp. 9-10. 451 G.R. Hughes, Ibid., pp. 18-19. 452 G.R. Hughes, Ibid., pp. 28-29. 453 S. P. Vleeming, The Gooseherds of Hou, N° 5. 450
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tout le grain et le fourrage qu’il donnera en deux parts : à savoir, pour toi une part, (et) pour moi une part ensemble avec mes associés » (5-7). Puis, il précise encore : « Gain (ou) perte devra être (partagé) entre nous, les deux personnes » (8-9)454. Cette dernière affirmation, attestée par les P. Louvre E 7836 8 et E 7833 a 16, constitue un parallèle à celle du contrat en araméen B1.1 et souligne l’égale responsabilité entre bailleur et fermier dans les contrats précités455. Le contrat P. Louvre E 7833 a prévoit que le père du dieu ne se réserve qu’un tiers de la récolte et trois quarts des 2/3 restant comme paiement pour les bœufs et la semence. Le propriétaire, qui s’attribue une portion supplémentaire, outre la location de la terre, pour la semence, indique qu’il la fournit, ce qui sous-entend que le silence des autres actes de location sous Amasis implique que le fermier doit ordinairement fournir la semence et les bœufs. Par exemple, Udjahor doit prendre une part supplémentaire concernant les bœufs, au nom de son frère Rery qui les possède, en compensation. De plus, le fermier doit payer tout dommage causé à la terre et aux animaux de trait. Prévoyant une autre répartition encore, le P. Louvre E 7837 exige le versement du tiers de tout le grain et tout le fourrage au nom de la part du propriétaire ; le reste sera divisé en six parts, cinq parts pour les associés et une part pour l’intermédiaire bailleur au nom de son boeuf456. Le bailleur s’engage également, pour le cas où il ferait obstacle au fermier en l’empêchant de cultiver la terre en question, à lui verser un deben.
L’élevage Un élevage, peut-être de petites dimensions, est assuré par une allusion à l’activité de hrwʽh ṣʼn, « berger de moutons », dans les documents araméens. L’ostracon D7.1 3 rapporte des instructions concernant l’un d’eux, qui se rend à Syène afin d’y vendre des moutons. Cependant, le message ne précise pas s’il s’agit d’un jour de marché, ou bien si cette vente s’effectue dans un autre cadre. L’expéditeur de cette missive explique à sa mère, nommée Kavilyah, que ce personnage doit se rendre à sa maison ; aussi, seraitil bon, précise-t-il : « qu’ils lui donnent une chèvre/un bouc ». Une autre imprécision du texte, n’indique pas de qui il s’agit, avant qu’il ne la rejoigne (D7.1 10-11). Une chèvre, envoyée par l’expéditeur, mais dont l’identité est perdue, à un tiers, est citée dans la lettre D7.57 5. Un ostracon datant du premier quart du Ve siècle comporte des instructions afin de tondre un mouton ; l’expéditeur qui l’exige précise qu’il s’agit du : tʼtʼ zy lk, « gros mouton qui t’appartient » (une précision qui entrouvre une fenêtre sur un 454
G.R. Hughes, Saite Demotic Land Leases, pp. 45 sqq. G.R. Hughes, Ibid., pp. 45, 51. 456 G.R. Hughes, Ibid., pp. 68 sqq. 455
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élevage (D7.8 2). La tonte de l’animal paraît d’importance et l’expéditeur précise qu’elle aura lieu lorsque le propriétaire de l’animal l’aura lavé. Néanmoins, il se propose, pour le cas où ce dernier ne sortirait pas, de le faire en ses lieux et place, car sa ʽmrʼ, « laine », est attendue afin d’être filée. Partant, l’élevage de moutons et de chèvres est à présumer, dont on ne saurait préciser l’importance. En effet, les habitants de l’île portent des vêtements de laine, parmi d’autres de lin ; les dots de MipÓaḥyah (B2.5 7-11 ; B3.3 4 ; B3.8 6-10) l’attestent. Une auge/abreuvoir, mise au jour dans la maison Mc, et plus précisément dans sa cour découverte, atteste probablement d’un petit élevage de caprinés fournissant du lait et du fromage, dont la consommation est évoquée dans l’ostracon J2457, de la viande, et peut-être aussi de leur emploi dans l’agriculture. L’élevage de la volaille n’a pas laissé de traces. Peut-être peut-on évoquer des échanges avec les voisins. La nourriture de ces animaux semble assurée par les découvertes matérielles, telle la paille d’orge. En outre, la découverte de restes de déjections animales dans des contextes d’habitat, en particulier pour le chauffage, témoigne encore de la proximité des animaux dans les unités d’habitation. L’élevage, dans l’ancienne Égypte, est assuré dans les représentations de tombes qui en dépeignent divers aspects (par exemple : la tombe de Sennedjem). Ainsi, les bovins et les ovins peuvent être figurés sur les murs de sépulcres et les ostraca. Moutons, chèvres et bovidés fournissent la viande et les laitages pour les dieux et les vivants, tandis que les morts en reçoivent l’offrande. Les bovidés participent à l’agriculture. Des scènes de labour, de funérailles, des processions et des offrandes, présentant des taureaux à demi sauvages, des bœufs gras et des vaches, composent un thème privilégié des ostraca, de même que des bouviers les menant aux champs458. La littérature les évoque également. Aussi, le conte des deux frères décrit-il l’un des personnages, nommé Bata, menant ses vaches aux champs : « Et, tandis qu’il marchait derrière ses vaches, elles lui disaient : "L’herbe est bonne en tel endroit." Il écoutait tout ce qu’elles disaient et il les conduisait au bon endroit de l’herbe dont elles avaient envie » (P. d’Orbiney)459.
457
H. Lozachmeur, La collection Clermont-Ganneau, Ostraca, Épigraphes sur jarres, Étiquettes de bois, avec la contribution de P. Ballet, J. Menier, A. Schmitt, L. Tsacas, C. de Vartanian et le concours de M. Gorea, M. Pezin, M. Schneider, vol. I, Paris, de Boccard, 2006, p. 442. 458 A. Minault-Gout, Carnets de pierre, L’art des ostraca dans l’Égypte ancienne, Paris, Hazan, 2002, O. n° 100 et 101. 459 P. d’Orbiney (P. British Museum 10183), traduction de G. Lefebvre, Romans et contes de l’époque pharaonique, Paris, Maisonneuve éd., 1949, p. 143.
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De surcroît, des conventions de la période perse traitent d’opérations se rapportant à des oies, qu’il s’agisse d’une association ou de reçus. Le P. Loeb 47, daté du mois d’epiphi de 488 avant n. è., met en scène deux gardiens d’oies du Domaine d’Amon : Inarou et Chonsortais. Ces deux gardiens sont ḫbr, ou « associés », concernant une dizaine d’oies cendrées destinées aux offrandes du Dieu, et dont deux autres gardiens d’oies s’occupent par moitié460. L’expression : « Tu es mon partenaire/associé » le confirme. Déjà rencontrée, la formule : « Le gain et la perte sera entre nous deux » (P. Loeb 47 5-6) est quasiment identique à celle du P. Loeb 41. Cependant, l’information sur une possible mise en commun d’un capital privé pour effectuer cette opération n’apparaît pas dans l’acte. Très fragmentaire, le P. Loeb 46461, enregistre un nombre d’oies apportées comme offrandes au Domaine d’Amon. L’explication de ce reçu n’est pas connue : il pourrait, par exemple, s’agir d’un paiement concernant les dix oies cendrées évoquées plus haut. Datée du 6 août 487 avant n. è. du quatrième mois de la saison peret, cette convention enregistre une livraison « entrées comme reçues » de dix oies cendrées au Domaine d’Amon. La formule de reçu confirme la réception par un fonctionnaire du temple : « Mon cœur est satisfait avec elles [les oies] » (P. Loeb 46 7-8). Autres reçus d’oies, le P. Strasbourg 5, de 487 avant n. è., et le P. Strasbourg 2, de 485 avant n. è., et dont les spécificités diffèrent, constatent la livraison d’oies comme offrandes au Domaine d’Amon avec une formule semblable : « Entrées comme reçues ». Le premier comporte notamment la promesse de payer trois oies en acompte par le gardien d’oies Petemestou. La seconde partie du texte constitue de fait le reçu que ce dernier obtient comme preuve de paiement des trois volatiles ; un reçu qui apparaît le paiement d’une taxe sur la récolte pour le « surplus de terre ». Le P. Strasbourg 2462, pour sa part, comporte une particularité, qui enregistre une livraison de vingt et une oies par trois gardiens d’oies du Domaine d’Amon d’un collègue. La formule : « Notre cœur est satisfait avec elles, elles sont complètes sans reste » conclut le document avec l’indication du nom du scribe. La stèle Michigan Kelsey Museum 25803, datée du IIIe siècle, permet de conclure à un élevage de moutons spécifique et conséquent, sans pour autant permettre d’en fixer les quantités, dont des fermiers sont responsables463. Et, cet élevage de moutons provenant d’Asie Mineure permet
460
S. P. Vleeming, The Gooseherds of Hou, Papyrus 1. S. P. Vleeming, Ibid., Papyrus 2. 462 S. P. Vleeming, Ibid., N° 3 et 4. 463 D. Agut-Labordère, « The Wool of Naucratis. About the Stele Michigan Kelsey Museum 25803 », pp. 1-14, rappelle la préférence des élites pour les vêtements de lin. 461
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de produire de la laine de la meilleure qualité. Cette stèle illustre le savoirfaire et l’art des bergers qui en ont la responsabilité, et veillent sur ces troupeaux du temple d’Amon de Baded. Parmi les six points résumant leurs obligations, figurent celles de les transférer dans leurs pâtures et de se procurer du natron afin de nettoyer les résidus de la laine ! Peut-être ce savoir-faire était-il déjà acquis avant les demandes grecques.
Une nourriture de subsistance L’Égypte considérée comme un « don du Nil » se caractérise par sa culture fluviale. Après la crue, le Nil dépose une couche de limon sur les champs proches du fleuve. Et, lorsque les eaux se retirent, les plantations s’effectuent en octobre-novembre et les semences mûrissent entre janvier et avril. Les changements climatiques, au cours des cinq derniers millénaires, semblent mineurs ; aussi, cette activité permet-elle à la société égyptienne de prospérer en lui fournissant une base économique stable464. Céréales, légumes et fruits constituent quasiment l’essentiel de l’alimentation journalière, auxquels s’ajoutent les produits de la pêche et la viande de bovins, de caprinés et de volailles. Les lettres, les ostraca, les contrats et les restes archéobotaniques le confirment et transmettent le contenu des besoins. Blé et orge y occupent la première place, sous leurs formes diverses : de la semence, aux grains, à la farine et à la fabrication du pain. Des restes organiques ont été mis au jour, qui précisent encore leurs spécificités. Ces restes, soit brûlés soit déshydratés, proviennent de contextes domestiques, de remplissage de fours et/ou de foyers, de pithoi, de réceptacles, de dépôts, de déchets, telles les briques du quartier judéo-araméen465. Il semble qu’aucun contexte ne corresponde à un dépôt primaire, tel le stockage de denrées alimentaires. Le nombre des végétaux, relativement limités, éclaire cependant la consommation domestique.
Les céréales, la farine et le pain La céréaliculture est mise en lumière par la présence de blé amidonnier (Triticum dicoccon Schrank) et d’orge (Hordeum vulgare L.), assurés à nléphantine dans le quartier « judéo-araméen », de même que le « blé tendre » (Triticum aestivo-compactum)466. Ces aliments tiennent le La production de cette laine par les temples égyptiens de Naucratis semble avoir été ajustée à la demande grecque liée à la présence des Grecs de la cité. 464 L. Meskell, Vies privées des Égyptiens, pp. 39 sqq. 465 U. Willerding et G. Wolf, « Paläo-ethnobotanische Untersuchungen von Pflanzenresten », p. 267. 466 U. Willerding et G. Wolf, Ibid., p. 266
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premier rôle dans l’alimentation : cette information est transmise par divers documents en araméen et en démotique, et est confirmée par les analyses archéobotaniques. Souvent, des lettres se rapportant à une demande ou transmettant une information particulière sont complétées par des instructions et/ou des rapports concernant du pain et/ou des quantités de farine. Ainsi, un ostracon dédié à la période de tonte d’une brebis semble, en sa fin, répondre à une question concernant « ce pain ». Il ajoute que l’expéditeur et ses compagnons ont du pain en quantité suffisante jusqu’au lendemain soir, puis précise qu’il reste encore une ardabe de farine. Cependant, cette dernière partie est incertaine (D7.8 13-15). Une lettre envoyée à un personnage nommé Hoshayah (D7.6 6-8), présente une instruction concernant des enfants, et requiert qu’une certaine quantité de grains soit broyée et pétrie afin d’en faire du pain. Un message comporte des instructions témoignant d’une situation particulièrement alarmante, car la famille concernée est affamée (D7.2 12-13), et la mère de l’expéditeur est priée par son fils de donner au berger qui vient la voir ce jour à Syène du pain et de la farine. Dans cet autre ostracon (D7.2 6-7), l’expéditeur réclame du sel : en effet, il n’en possède pas pour mettre bqmḥ, « dans la farine ». Rapportant un rêve sur sa partie concave, un courrier rapporte les instructions d’un mari à sa femme ; ce dernier lui demande de vendre son « ballot de grains » pour de l’argent, ce qui lui permettra d’acheter de la nourriture pour leurs jeunes enfants467 (D7.17). Cette lettre souligne le rôle des céréales, peut-être un surplus ou peut-être une ration du Magasin du Roi, qui permet d’acquérir d’autres denrées. L’ostracon ne précise pas où les grains sont vendus, peut-être sur un marché, un quai ou un débarcadère, ou parmi les membres du voisinage. La farine est encore citée dans l’ostracon D7.49 3, lequel, bien qu’endommagé, laisse paraître le terme qmḥ dans son contenu. D’autres documents, dont plus d’une dizaine d’ostraca, soulignent l’importance du blé dans l’alimentation des habitants d’Éléphantine (D1.20 ; D1.33 ; D1.34 ; D2.11 ; D3.1 ; D6.8 ; D7.12 ; D7.16 ; D7.38 ; D7.45), et évoquent les grains (D8.8) et l’orge. Le contrat B4.3 = B4.4 de réception et de livraison de grains confirme encore cette réalité. Cette préoccupation ne cesse de se répéter, quels que soient les motifs premiers des dépêches envoyées. À propos d’une livraison de pain, une instruction bien particulière est enregistrée par l’ostracon D7.44. L’expéditeur y écrit à son correspondant : « Ne m’envoie pas de pain sans qu’il soit scellé », car : lḥmʼ zy hwÎ[rt] ly ʼtml Ó[mʼ], « Le pain que [tu] m’a distribu[é] aujourd’hui est im[pur] ». La dernière partie laisse paraître une réitération de l’interdit : « Maintenant, ne m’[envoie] pas […] de p[ain] ». Dans la continuité de l’ostracon D7.44, le papyrus de Pessaḥ, peut-être un palimpseste, livre une information d’importance, qui 467
B. Porten, CS III, p. 218.
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spécifie avec force l’interdiction du pain levé pour la période de Pâques (A4.1 6-7) : « Et, tout pain levé, que tu n’en manges pas ». Le texte du papyrus prohibe encore : « Et, qu’on ne le voit pas dans vos maisons du 14 nisan au coucher du soleil jusqu’au 21 nisan au coucher du soleil », et ajoute : « Et, tout pain levé que vous avez dans vos maisons, apportez le dans vos chambres et scellez (les) durant (ces) jours »468. Un autre courrier (D7.48) requiert au contraire : « Envoie-moi un petit pain aujourd’hui. » L’ostracon D7.19 4-5, bien que sérieusement endommagé, évoque l’envoi de dix miches de pain qui permettront à cinq « âmes » de manger à leur faim. La profession de boulanger est assurée par la liste D8.9, quand bien même le pain est souvent préparé dans le foyer familial, au sein duquel des fours et du matériel de broyage, mis au jour tant à nléphantine qu’à Syène, étaient destinés à cet effet469. Également essentiel dans l’alimentation journalière chez les Égyptiens, le pain, qui est produit dans le foyer familial ou des « boulangeries », est cité dans des ostraca et des listes ; la profession de boulangers est évoquée par le P. Anastasi II470. Plusieurs sortes de grains peuvent être employés et du sel y est ajouté. Il peut être vendu ou échangé. Le terme tq se rapporte tant au pain qu’aux rations distribuées et le glissement sémantique met en phase la réalité du pain distribué comme ration alimentaire471. La ration peut aussi être « consommée »472. Les formes que les pains adoptent varient, qui sont plats, sphériques, triangulaires et parfois prennent des formes imagées d’amulettes ou d’animaux.
468
B. Becking, « Yehudite Identity in Elephantine », dans O. Lipschits, J. Blenkinsopp éd., Judah and the Judeans in the Achaemenid Period, Winona Lake, Eisenbrauns, 2011, pp. 403-419, spéc. p. 406, évoque la nécessité d’un calendrier religieux. 469 Voir chapitre deux, fours pp. 107 sqq, matériel de broyage pp. 108 sqq. 470 A.H. Gardiner, Late-Egyptian Miscellanies (LEM), BAe 7, Bruxelles, 1937, pp. 16 sqq. R.C. Caminos, Late-Egyptian Miscellanies, Londres, Oxford University Press, 1954, pp. 50 sqq. 471 U. Kaplony-Heckel, « Das Tägliche Brot, tq « Brot, Ration », auf demotischen Erment-Ostraka », dans N. Grimal et B. Menu éd., Le commerce en Égypte ancienne, BdE 121, Le Caire, IFAO, 1998, pp. 207-231. La série d’ostraca date de la période ptolémaïque. Ces documents sont des listes d’enregistrement de distribution de rations où figurent les noms des bénéficiaires, les quantités distribuées et les jours correspondant. Le pain ktkt y apparaît, dont on ne sait pas exactement à quelle sorte il se réfère (pp. 228-229). 472 U. Kaplony-Heckel, Ibid., pp. 216-217, recto ligne 12.
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Les emprunts de grains Blé et orge sont essentiels dans la nourriture journalière ; des contrats témoignent notamment d’emprunts de ces céréales. Ainsi, ‘Ananyah, fils de Ḥaggai, fils de Meshoullam, et connu par divers documents provenant des archives de son beau-père, tAnanyah, se voit dans l’obligation d’emprunter du blé et cet emprunt représente une double ration mensuelle (B3.13)473. Cet évènement se produit après qu’il ait racheté leur part de maison à Tamet et son époux. Peut-être doit-il faire face à une difficulté temporaire à la suite de cet achat, à moins qu’une autre cause justifie cet acte, peut-être un problème de production agricole. Par cette convention du mois de thot, ou mi-décembre, en l’an 4 d’Artaxerxès, et passée à Syène la forteresse, tAnanyah, l’emprunteur qui fait établir le contrat d’emprunt, prend l’engagement de rembourser cette quantité de grains sur la ration qu’il attend et recevra du Magasin du Roi à Pakhnoum, fils de Besa, Araméen d’Assouan et qui appartient au même détachement, celui de Nabukudurri474. Le contrat rappelle : « Je suis venu chez toi, dans ta maison à Syène la forteresse, et je t’ai emprunté et tu m’as donné du blé, 2 peras 3 séahs »475. Elle est suivie d’une condition de remboursement : « Après, moi, tAnanyah, fils de Ḥaggai, je paierai et je te donnerai ce blé, b(lé), 2 p(eras), 3 séahs de la ration qui me sera donnée du Trésor du Roi » (B3.13 3-4). Le document transmet l’identité du scribe araméen Shaweram, fils Eshemram, fils de Eshemshezib, à Syène, lequel l’a écrit sur instruction de l’emprunteur. Quatre témoins portant des noms judéens sont présents à cet acte établi par ‘Ananyah en faveur de son créancier (B3.13 13-14). Au verso, l’endos précise : « Document de grains… » et ne définit pas le document comme emprunt. Si aucun intérêt n’est exigé de l’emprunteur, une clause de pénalité s’inscrit ensuite dans le contrat assumé légalement s’il ne rembourse pas à ce moment particulier : « Et si je ne paye pas et que je ne te donne pas ce blé inscrit ci-dessus lorsque ma ration me sera donnée par le (Magasin) du Roi, après moi, tAnanyah, je serai obligé et je te donnerai de l’argent, une pénalité de : un, 1 karsh, en pur argent ». La convention spécifie en outre que le délai accordé pour le paiement de la pénalité atteint vingt jours, et ajoute : « sans procès » (B3. 13 5 - 8).
473
B. Porten, CS III, p. 197, n. 12. Il s’agit de l’un des trois détachements assurés lors de la dernière décade du V e siècle ; les deux autres sont ceux de Marya (D2.12 ; B7.2) et celui de Var[yaza]ta (B3.11). 475 Un peras, dont la valeur est incertaine, serait équivalent à quatre séahs (C13.37), et une ardabe à 3 séahs. 474
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Par ailleurs, un acte d’obligation de livraison de grains et de lentilles évoque un chargement pour Syène destinés aux détachements, au chef de la garnison et à la Maison du Roi. Les garanties s’avèrent plus que lourdes et s’élèvent à cent karshen (B4.3 = B4.4). Des parallèles égyptiens sont attestés sous la dynastie perse. Un contrat de prêt daté de 499 avant notre ère et préparé en l’an 24, lors du mois de choiak sous Darius Ier, découvre des clauses parallèles476. La convention, après la présentation des parties au contrat, donne la parole à l’emprunteur, le portier du Temple d’Amon à Djémé (Médinet Habou) du nom de Ietouroz, fils de Khaous(en)min et de Rerou, sa mère, qui s’adresse à son créancier Iefôw, fils d’Amenhotep et chef du mystère : « Tu m’as donné 1 artabe de 40 choinices de blé-wbr. Je te rendrai 1 ½ artabe de 40 choinices de blé-wbr, portées à ta maison de Thèbes au terme de l’an 24 mois de tybi ». La pénalité qui est prévue au contrat (Louvre E 9293 4-7) s’avère explicite : « Si je ne te les rends pas en l’an 24 du mois de tybi, je te donnerai 1 artabe de blé pour 10 par mois à partir de l’an 24 du mois de mechir, durant tout mois et toute année qu’ils resteront chez moi à additionner (également) les intérêts des intérêts jusqu’à ce qu’ils parviennent à l’égaler (le capital ?), entièrement. Je te les rendrais avec les intérêts ». Et le P. Strasbourg 4, provenant de Gébélên en Haute-Égypte, dévoile également un formulaire d’emprunt de céréales, daté de l’an 35 du mois de pharmouti sous le roi Darius Ier en l’an 487477. Le gardien d’oies du Domaine d’Amon, du nom de Ptahertais, fils de Pétémestou, s’adresse à son créancier du nom de Teptahefônkh, fils d'Hôr : « Tu peux exiger de moi/À toi appartiennent/Tu as contre moi/Tu possèdes sur moi 27 artabes de 40 hin de blé (de l’espèce) wbr, soit 40 ½ (sacs) d’ỉt ou orge, soit encore 27 sacs de blé (se trouvant ?) dans ma maison, au terme que tu voudras me fixer pour les reprendre. Je te les rendrai au complet, sans aucun (reliquat) » (2-4). Ce prêt de grains478 prévoit que le débiteur devra rembourser 27 sacs de blé, à savoir le montant emprunté de 18 sacs plus un intérêt de 50%, soit 9 sacs, et ce au moment où le créancier l’exigera. Quatre témoins signent le document. Le scribe n’omet pas d’insérer une équivalence, « soit 40 ½ (sacs) de blé… », afin qu’aucune contestation ne soit possible. La répétition des montants a pour objet d’éviter ou rendre malaisée leur falsification. L’emprunteur peut à ce qu’il semble rembourser son emprunt en choisissant entre deux espèces de céréales mises en équivalence. Le scribe décline son identité : « A écrit Wennofré, fils de Zetothefônkh », puis quatre témoins à l’acte signent au 476
M. Malinine, Choix de textes juridiques, pp. 20-24. M. Malinine, « Un prêt de céréales à l’époque de Darius I (Pap. Dém. Strasbourg N° 4) », Kêmi 11, 1950, pp. 1-23. 478 S. P. Vleeming, The Gooseherds of Hou, pp. 178-179, N° 13. 477
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verso. Ce contrat n’impose pas de clause de sécurité à l’emprunteur, ce qui semble exceptionnel. Divers emprunts de grains de la période perse sont connus par les ostraca de ʽAyn Manâwir. Par exemple, un contrat de grains de « belle orge », ou ỉt nfr, du 16 epiphi sous Darius II, soit le 29 septembre-28 octobre 408, est enregistré sur l’ostracon référencé 3424, qui dévoile un emprunt de « neuf artabes de blé, ce qui fait six artabes de belle orge ». En cas de non-restitution à la date prévue, l’emprunteur devrait rembourser neuf artabes de « belle orge » en l’an 17 (du) mois de tybi au mois de [mechir]. Et, s’il tarde encore, le montant à rembourser s’élèvera à 13 ½ artabes de « belle orge »479. Un prêt de blé se dévoile dans une convention du 25 athyr en l’an 13 et dont l’indication du règne reste imprécise, peut-être 703 avant n. è. (P. Louvre E 3228 b)480. L’emprunteur, le choachyte Petoubaste, fils de Peteamenope, déclare à son créancier, le père divin d’Amon, scribe de la correspondance du roi : ỉnk dj.t n.k pȝ 22 gs .. bd.t (n) tȝ (j.k) ỉp.t-n-p (n) ḥȝ.tsp XIII ỉbd 4 sḫ.t trḳ, « Je te donnerai 22 ½ (artabes) de blé, mesurées avec (ta propre) mesure-ỉp.t-n-pr, en l’an 13, mois de choiak, jour 30… ỉw.w ..[..ỉr ỉw.w h] ws ỉ pȝ (j.ỉ) ssw ỉw ḫprj.s msj n tȝj ḥȝ.t-sp XIII r-ḥrj ỉw bn ỉrw.wtḥt(n) ms n tȝ ỉp.t-n-pr dj(.ỉ) st n.k ỉw mn-dj md tnb.t (ỉ.)ḏd.tj.s(ỉ)rm, [Si] (ma) date [n’est pas] respectée, elles commenceraient à porter intérêts, à partir de l’an 13 sans interruption en (mêmes) mesures ỉp.t-n-pr. Je te les donnerai sans entrer en contestation avec toi ». Des différences sont notables qui se rapportent à la présence d’intérêts à verser ou pas, de clauses de garantie ou pas, de la mise en responsabilité des héritiers ou pas, du lieu de remboursement qui peut être ou pas précisé, de la définition du type de convention, de la présence ou l’absence du lieu de la convention, la constatation de la dette. Les intérêts s’avèrent particulièrement élevés. Lorsqu’une garantie est inscrite dans l’acte, elle prévoit, en cas de nonremboursement, la perte de la totalité des biens de l’emprunteur, qui se voit ruiné et parfois doit se vendre comme serviteur, fût-ce pour une durée déterminée. Le document est toujours écrit par le débiteur qui s’adresse à l’emprunteur en une sorte de dialogue témoignant d’accords, en premier lieu pris oralement, puis confirmés par un écrit devant des témoins. Par ailleurs, une vente de céréales est connue par la lettre écrite sur l’ostracon portant la référence D7.56 et daté de la fin du IIIe siècle. Ce document remet en cause la vente. En effet, le père et le fils qui souhaitaient les acquérir ne les désirent plus, mais l’annulation de cette opération exige qu’un écrit de leur part soit envoyé aux personnes auprès desquelles cette livraison devait s’effectuer afin de libérer le vendeur et lui donner le droit de 479 480
M. Chauveau et D. Agut-Labordère, « Les ostraca d’ʽAyn Manâwir ». M. Malinine, Choix de textes juridiques, pp. 3-14.
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céder cette marchandise à quelque autre client. Seul un écrit fera foi afin de conclure légalement cette opération. Et l’envoyeur ne manque pas de conclure par ces mots inquiets et touchants : « Je compte sur toi. » Quelques écrits rapportent également des échanges de céréales destinées à la panification et la brasserie. Et les gages sont payés en partie par des quantités de blé et d’orge. Une lettre, peut- être un reçu ou une annulation de dette, livre un texte de réclamation se rapportant entre autres à du blé et de l’orge (B4.1). Parfois, un conflit peut éclater à propos de biens de consommation, dont des céréales. Une plainte est alors déposée devant un collège de juges et un serment peut être exigé afin de faire preuve de leur origine et éteindre la querelle. Ainsi, un document dit « de retrait » est établi par la partie ayant été satisfaite par une prestation de serment (B2.8 3-4).
Produits du potager et du verger Des restes de légumes, de fruits et d’épices ont été mis au jour ; des ostraca les mentionnent, de même que diverses opérations s’y rapportant. Leur culture dans les jardins et potagers constitue une part également importante de l’alimentation. Ils font donc également l’objet de diverses lettres et sont mentionnés dans les contrats. Ainsi, des légumes envoyés par bateau et dont le détail n’est pas précisé, doivent également faire l’objet d’un échange dès le lendemain (D7.16 2). Cet envoi de légumes évoqué dans une lettre d’instructions doit être réceptionné le jour du shabbat (D.7 16 5-6). L’expéditeur, anonyme et qui les a fait parvenir à Islaḥ, probablement un personnage féminin481, exige sur un ton impérieux qu’elle procède à un échange pour de l’orge. L’importance de cette opération semble s’appuyer sur une menace de mort en cas de perte des denrées échangées. Un avertissement témoignant, pour l’expéditeur, d’une gravité peut-être liée à une question de survie, repose sur le serment : « Par la vie de YHH » (D7.16 3)482. Le qÓyn, ou « concombre », participe à cette alimentation (D7.17 13). De même, ses graines font l’objet d’instructions (D7.3 2)483. L’expéditeur d’une lettre (A2.2) 481
H. Lozachmeur, La collection Clermont-Ganneau, p. 304, propose d’y voir le terme de : cruche et non pas de légumes. 482 H. Nutkowicz, « Quelques aspects des échanges économiques à nléphantine durant la période saïto-perse », Transeuphratène 49, 2017, pp. 187-202. 483 Les travaux de C. Newton et al., ont mis en évidence des particularités de l’agriculture oasienne lors de la période perse, qui sont très proches de celles de l’île. Ainsi, les tableaux figurant dans « L’agriculture oasienne à l’époque perse dans le sud de l’oasis de Kharga (ngypte, Ve-IVe s. AEC) », Revue d’ethnoécologie 4, 2013, pp. 120, présentent les quantités de restes et occurrences des types de végétaux conservés sous forme désséchée et carbonisée, et mettent en lumière les plantes cultivées dans le sud de l’oasis de Kharga et dans les contextes archéologiques de la Basse-npoque
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exige d’un personnage qu’il se procure des haricots, et le message A2.4 se préoccupe d’un échange d’orge et de haricots. Les lentilles sont citées dans le contrat B4.3 = B4.4. Cette convention dont une copie également fragmentaire se rapporte à une livraison d’orge et de lentilles et dont l’une complète l’autre. Dans ce contrat du 28 paophi en l’an 3 de Xerxès, ou le 17 février 484, les deux protagonistes : Hosea, fils d’Hovadyah, et Ahiag, fils de Gemaryah, Judéens d’Éléphantine et propriétaires héréditaires, s’adressent à un personnage égyptien du nom d’Espemet et de la région de Taḥpanes (B4.4 2), et accusent réception de grains de deux sortes, à livrer aux détachements de Bethetakum et Nabushaliv. Dans cette clause, néanmoins incomplète, ils affirment à leur interlocuteur : « Tu as donné entre nos mains », quelque cinquante-quatre [+ ?] ardabes. La suite de cette même clause prévoit la répartition de deux ardabes de grains d’orge et une certaine quantité de lentilles. Les deux contractants s’engagent à livrer la marchandise à Syène au chef du détachement de la garnison, au Magasin du Roi et devant les scribes du Trésor du Roi enregistrant la transaction (B4.4 9-13). La pénalité prévue de 100 karshen ou 1000 shekeln, particulièrement élevée, souligne à quel point les souverains se préoccupent de fournir l’essentiel à leurs troupes. Elle évite peut-être également le vol et/ou la disparition des marchandises. Une formule met en garantie l’allocation à laquelle les contractants ont droit et une maison de briques leur appartenant pour le cas où ils ne respecteraient pas leurs engagements. La convention en question témoigne une fois encore de ce qui constitue la nourriture journalière. De plus, si des lentilles ont été découvertes, les restes en sont insuffisants qui n’ont pu être étudiés (Lens culinaris) La consommation de laitues (Lactuca sativa L.) n’est pas à démontrer, mais les différentes espèces de légumes à feuilles n’ont cependant pu être différenciées484. Le pourpier (Portulaca oleracea) et le cresson (Lepidium sativum) font également partie de l’alimentation485. L’analyse des résidus à l’époque ptolémaïque, qu’il s’agisse de palmiers argoun, doum et dattier ; de fruitiers pérennes, tels le caroubier, le sébastier, le figuier commun, le figuier sycomore, le perséa, la vigne, l’olivier ; d’autres cultures, tels le carthame, le lin et le ricin ; de fruits du potager, tels la pastèque, le melon/concombre, le melon, la bette, la carotte, le pourpier, la lentille, les pois ; d’aromates, tels l’aneth, la coriandre et le fenouil ; et de céréales, tels l’orge et le blé amidonnier (tableau 7 période du milieu du Ve-milieu du IVe siècle). Voir n. 135 (Schütze). 484 Les laitues sont souvent représentées dans les scènes d’offrandes funéraires. Elles constituent l’offrande du dieu Min, ithyphallique, en relation avec la fertilité et la fécondité. 485 U. Willerding et G. Wolf, « Paläo-ethnobotanische Untersuchungen von Pflanzenresten », pp. 266.
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organiques a permis de confirmer l’emploi de diverses épices, tels le coriandre (Coriandrum sativum) et l’aneth (Anethum graveolens), mais seule une graine de sésame a été retrouvée à ce jour. Les légumes et les salades proviennent des jardins de particuliers et sont cultivés dans des champs, entre autres, mis à disposition des mercenaires. Certains ne sont pas cultivés, mais souvent cueillis comme verdures « sauvages »486. Potagers, vergers et champs mis à disposition des mercenaires et échanges informels entre voisins permettent de percevoir une économie agricole, cependant pas totalement autosuffisante. Cultivés dans les vergers ou non, les arbres donnent des fruits très souvent consommés et aux usages divers. Les palmiers sont largement attestés, et des graines de palmiers-dattiers (Phoenixdactylifera L.) ont été conservées ; de même, des noix de palmiers-doum ont été mises au jour (Hyphaene thebaica Mart.), qui aujourd’hui encore font partie du paysage de la région d’nléphantine et de Syène. Les palmiers dattiers poussent comme aujourd’hui dans les jardins, les cours des maisons et les berges de rivières et leurs échanges restent l’apanage des personnes privées. Un fruit de palmierdattier desséché a été mis au jour. Des pains de dattes et des gâteaux de figues sont également connus par le message D1.11. Les melons d’eau, ou pastèques, sont très souvent consommés (Citrellus lanatus)487. La vigne est également assurée, dont les graines sont courtes et trapues. Le figuier (Ficus caricaL.) est rarement attesté. Et, comme le prouvent les découvertes à nléphantine, les feuilles de figuier sont employées comme couvercles sous les bouchons de céramiques en pâte du Nil (cruches). Les fruits du figuier sycomore sont également présents, ainsi que ceux du jujubier (Ziziphus spina-Christi Willd), particulièrement savoureux et dont des restes ont été découverts lors de fouilles. Ils étaient volontiers consommés à nléphantine. De fait, le jujubier constitue une espèce endémique de la région des cataractes et de l’île, probablement non cultivée, mais cueillie. Le miel est évoqué dans une lettre officielle (A4.2 10). Le P. Louvre E 3226 apporte le témoignage de la consommation d’importance des dattes488. Le texte B Recto fournit une liste innombrable de fournisseurs de dattes en quantités variables, jour après jour et mois après mois. Un échange de grains contre des dattes effectué par des
486
D. Agut-Labordère et C. Newton, « L’économie végétale à ʼAyn-Manâwir à l’époque perse », p. 9. 487 U. Willerding et G. Wolf, « Paläo-ethnobotanische Untersuchungen von Pflanzenresten », pp. 266. 488 J.J. Janssen, « Prolegomena to the Study of Egypt’s Economic History during the New Kingdom », SAK 13, 1975, pp. 127-185, spéc. pp. 151, 165. M. Megally, Études sur le Papyrus E 3226 du Louvre, 3 vols., vol. II, Paris, IFAO 49 et 53, 1969.
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« commerçants » appartenant à un département du grenier royal est attesté par ce document489.
Autres usages des plantes et des arbres La paille et la balle d’orge et d’amidonnier font également partie de l’alimentation du bétail attesté sur l’île. Les restes provenant des fours d’nléphantine mettent en lumière l’emploi du bois de l’acacia (Acacia sp.), du palmier-dattier (Phoenix dactylifera L.), du palmier-doum (Hyphaene thebaica Mart), du tamaris comme source d’énergie et de chauffage (Tamarix sp.) ; de même, les déjections animales sont employées à ce même usage. L’île a livré de grandes quantités de restes de fruits de palmiers-doum, dont un exemplaire carbonisé. Les acacias et palmiers sont également destinés au bois d’œuvre, pour la construction et la fabrication d’outils et d’ustensiles. L’absence de palmier-argoun semble notable490. Le palmier-dattier permet d’autres emplois encore, outre sa vocation alimentaire et celle de combustible. Ses fibres permettent de tresser des cordes et des tapis. Ainsi, deux balles de ses fibres/rafia permettant le nettoyage de la vaisselle, tout comme aujourd’hui, ont été mises au jour ; un balai composé de fibres491 aussi. Cordons et cordes/câbles sont tressés avec les fibres de l’imperata cylindrique, des fibres de palmiers, et d’autres fibres indéterminées. L’imperata est également usitée dans l’adobe des murs afin de les renforcer ; de fait, cette plante endémique sur l’île est encore à ce jour employée à ce même usage. Seules des graines de lin et des capsules, de même que des fragments de tiges (Linum usitatissimum), ont été découverts, qui étaient usités dans la fabrication de tissus. Le silène de lin (Silene linicola), une mauvaise herbe, permet de fabriquer de l’huile492. Des plantes consacrées à la teinture ont été détectées qui proviennent du gommier rouge (Acacia nilotica DELILE), et du « safran des teinturiers » (Carthamus tinctorius L.). L’ensemble de ces usages, dont certains sont connus par des missives, par ailleurs officielles, pour certaines, et des ostraca, peut être relié à la sphère domestique et donne peut-être lieu à des échanges informels. Assurée à nléphantine, la coloquinte (Citrullus colocynthis Schrad.), au goût particulièrement acide, est employée à des fins médicinales, tout
489
M. Megally, Études sur le Papyrus E 3226 du Louvre, pp. 384 sqq. Le palmier argoun est typique des oasis du désert occidental, D. Agut-Labordère, « Du vin, du ricin et des poissons (?) : circulations de produits entre le bassin sud de l’Oasis de Kharga et la vallée du Nil à l’époque perse », pp. 1-12, p. 2. 491 U. Willerding et G. Wolf, « Paläo-ethnobotanische Untersuchungen von Pflanzenresten », p. 264. 492 U. Willerding et G. Wolf, Ibid., p. 264. 490
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comme le ricin commun (Ricinus communis L.) (Hérodote II. 94)493. L’huile de ricin, voit son intérêt cosmétique se renforcer par son emploi médicinal, et celui de l’éclairage. Deux lettres envoyées par Makkibanit, l’une à Tashi (A2.2) et l’autre à Psami (A2.4), l’évoquent à propos d’un usage quotidien. Dans la première lettre, Makkibanit exige que cinq chopines d’huile de ricin soient expédiées (A2.2 13-14) ; dans la seconde, il requiert que cinq chopines d’huile de ricin lui soient adressées par Psami (A3.4 12). Connues également par leur présence dans les trois contrats de mariage d’nléphantine, des huiles de diverses sortes sont assurées. La dot de JehôyîÎmaten comporte quatre sortes, dont : mÎ[ p]nn 2, « deux chopines d’huile » ordinaire, cinq d’huile de ricin, quatre de mÎ zyt, « huile d’olive », et une de mÎ m[b]Îym, « huile parfumée » (B3.8 20-21). MipÓayah apporte avec elle cinq chopines d’huile de ricin (B2.6 16) et Tamet une demi chopine d’huile balsamique et six chopines d’huile de tqm, ou ricin (B3.3 5-6). La contenance de l’unité de mesure ou pnu peut être mise en parallèle avec celle dont usent les clauses d’entretien des contrats de mariage égyptiens. En effet, le mari s’y oblige à verser, annuellement, une certaine quantité d’huile d’une ou de deux sortes différentes, à son épouse pour son entretien, et dont l’unité est le hin. Il est probable que la mesure identifiée par un pnu est identique à celle du hin, dont la quantité oscille entre 0,46 litre environ494 et 0,48 litre495. Les conventions avec shep comportent une clause en précisant le contenu. Les plus anciennes prévoient un entretien journalier comportant du blé, une certaine somme allouée pour les vêtements par an et de l’huile chaque mois496.
493
U. Willerding et G. Wolf, Ibid., p. 265. R.A. Parker, « A Late Demotic Gardening Agreement », JEA 26, 1940, pp. 84-113, spéc. p. 91. 495 S. Allam, « La vente dans l’ngypte ancienne (particulièrement à l’époque du Nouvel Empire, XVIe-XIe avant notre ère », Revue Historique de droit français et étranger 60, 1982, pp. 377-393, spéc. p. 380. 496 P. Rylands 10 de 315 ; P. Philadelphie XXIX de 264 ; P. Louvre 2433 de janvier/février 252. 494
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Produits de la pêche Parties intégrantes du régime alimentaire, diverses sortes de poissons497 dont les techniques de pêche font appel au filet, aux hameçons498, aux harpons et au panier (fig. 8).
Ostracon aux poissons, 1295-1069 avant notre ère, Louvre E. 14307, Fig. 8
Outre la pêche fluviale, cette activité est aussi attestée dans les marécages qui sont représentés dans les tombeaux499. Ainsi, les instructions 497
D. Agut-Labordère, dans « Pêcher, conserver et transporter les poissons du Nil : sources et problèmes », Groupe Fleuves et territoires GT2.3 Environnement, usages et constructions plurielles de l’espace, Dirigé par François de Polignac et Francis Joannès, contrôle et maîtrise des fleuves, 1 er décembre 2014, Communication personnelle, propose un tableau de référence de diététique en énergie et macronutriments : nnergie : 8400 kj ou 2000 kcal, matières grasses totales 70g, acides gras saturés 20g, glucides 260g, sucres 90g, protéines 50g et sel 6g. 498 Des hameçons de bronze, longs de deux centimètres environ, à pointe recourbée, et pouvant être associés à de simples lignes ou aux lignes traînantes, et des plombs de pêche ont été mis au jour à Tell el Herr, S. Marchi, L’habitat dans les forteresses de Migdol (Tell el-Herr) durant les Ve et IVe siècles avant J.-C., p. 74. 499 M.M. Abd el-Maguid, « La batellerie nilotique à l’époque pharaonique », dans P. Pomey éd., La batellerie égyptienne, Archéologie, histoire et ethnographie, Alexandrie, Centre d’études Alexandrines, 2015, pp. 15-34, spéc. p. 21. Le motif de la pêche est attesté dans les tombeaux de Mérérouka et de Mersy-Ankh III de l’Ancien
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envoyées à un personnage nommé Nathan par un intermédiaire mentionnent un sbk, ou « filet » (D7.4 6). Des textes font état de divers navires dont les missions diffèrent et/ou se recoupent. Des bateaux de pêche, tant privés qu’appartenant à des institutions, sont cités à diverses reprises dans les fragments de journal de l’arsenal de Memphis (C3.8 ; 473-471 avant n. è.) afin de faire procéder aux réparations nécessaires. Ils apparaissent dès le verso du rouleau I ligne 10 : [d]wgyt, « [ba]teau de pêche », à la date du 20 tishri ou le 22 epiphi en l’an 13, soit le 2-6 novembre 473 avant n. è. ; le recto du rouleau II lignes 6 et 7 (18 janvier-16 février 471). Le rouleau III recto ligne 3 cite « le bateau de pêche qu’ils ont retiré… » et ligne 11 : bbyt hspynh, « le chantier naval », qui est évoqué à nouveau sur le rouleau III recto colonne 2 ligne 16, où un personnage s’est rendu. Les fragments C3.8 rouleau IIIB recto colonne 2 lignes 18, 19 et 24 et C3.8 rouleau IV du 18-29 avril 471 verso ligne 5, du 30 avril-1er mai 471, restent très incomplets. Le fragment C3.8 a recto 1-10 enregistre un échange de bateau de pêche : ḥlp hḥlyp dwgyty, « au lieu de mon bateau de pêche ». Enfin, les ostraca d’nléphantine témoignent du rôle des pêcheurs et de leur pêche (D7.35). Les produits de la pêche constituent la principale source de protéines dans l’alimentation journalière500. Un message conservé sur la partie convexe d’un ostracon du premier quart du Ve siècle (D7.35) révèle un envoi de poissons par l’intermédiaire d’un dénommé Meshoullam (D7.35 8) : byd mÎlm nwnn 3, « par la main de Meshoullam trois poissons ». L’identité de l’expéditeur n’est pas transmise. Et, seules les deux dernières lettres du nom du destinataire nous sont parvenues : yh. Cependant, à en croire la formule de salutations, tous deux sont Judéens : « Que YHH Dieu des Cieux te protège de tout temps » (D7.35 1-2 partie concave). Un document d’obligation de serment en justice fait mention d’un vol de poissons et une obligation de payer y est évoquée (B7.1). Cet acte est fragmentaire¸ qui date du mois de payni en Empire à Saqqarah et Gia, celui de Khnoum-Hotep II du Moyen Empire à Beni Hassan, celui de Huya du Nouvel Empire à El-Amarna. Le thème des activités nautiques ludiques figure dans le tombeau d’Akhet-Hotep. Celui des cortèges funéraires se révèle dans le tombeau de Nefer-Hotep du Nouvel Empire à Saqqarah ; les processions religieuses figurent dans le temple de Khonsou, et les scènes de bataille navale à Medinet Habou dans le temple de Ramsès III ; les récits d’expéditions comme celle d’Hatchepsout au pays de Pount complètent ce tableau. 500 J.J. Janssen, « Prolegomena to the Study of Egypt’s Economic History during the New Kingdom », pp. 165 sqq. L’auteur rapporte qu’à Deir el-Medinah les artisans reçoivent pour eux et leur famille : 8,4 kilos de poisson par mois ce qui représente 250 grammes par jour de poisson. Il constate que la nourriture journalière de la population ne peut être déduite de ces éléments d’informations puisque ces artisans sont des privilégiés.
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l’an 11 du roi Darius, et a été établi à Syène la forteresse. L’accusé, dont le nom a disparu et qui peut-être un Judéen ou un Araméen d’Éléphantine/Syène du détachement d’Iddinnabu, s’y adresse à un autre personnage nommé Maḥseyah, fils de Shibah, un Araméen de Syène qui l’incrimine501. Outre la pêche, et les opérations d’échanges, le commerce à grande échelle de poissons est assuré. L’exemple du navire évoqué dans le P. Turin 2008 + 2016, parti de Thèbes, reparti d’Héliopolis deux mois plus tard, puis qui se rend à Memphis où il change plusieurs fois d’amarrage, révèle qu’il procède à diverses transactions portant sur des poissons, dont la cargaison initiale en comportait cinq mille. Les pêcheurs sont dépeints dans « La satire des métiers » comme exerçant « le plus mauvais des métiers » : « Vois, il n’existe pas de travail sur le fleuve où l’on soit ainsi mêlé aux crocodiles. Lorsque vient le moment de régler les comptes, ce sont des lamentations ; il n’osera pas dire que c’était un crocodile qui était là et qui en surgissant de l’eau en crue, l’a aveuglé de crainte, il dira : "C’est la puissance de Dieu" »502.
Autres produits de consommation La viande reste un produit rare et peu attesté dans les écrits. Sont probablement consommés : les bovidés, moutons et chèvres, qui font partie des élevages, soit familiaux, soit de plus grandes dimensions ; des oiseaux capturés et/ou élevés et consommés en quantité, tels les pigeons, canards, et oies déjà évoquées dans les P. Loeb 46 et 47503 ; les oiseaux sauvages et les volailles, citées par exemple dans les P. Turin 2008 + 2016.
Les boissons Par ailleurs, en plus de son aspect de boisson du quotidien, l’orge transformée en bière est dotée d’un aspect cultuel, révélé par la missive D7.9 ; le vin (D3.19 vin/ânes ?, D6.7 fragment e, D7.55 2, D8.9 colonnes 1 et 2, J2)504 est également assuré à diverses reprises. Le miel est employé dans sa fabrication. Si la présence de vignes permet d’évoquer la probabilité de la 501
Voir Chapitre Trois, pp. 196-197. Textes sacrés et textes profanes de l’Ancienne ngypte, Des pharaons et des hommes, I, Traductions et commentaires par Claire Lalouette, Paris, Gallimard, 1984, pp. 195-196. Ils figurent aussi dans ces listes des Onomastica (n° 209), E.W. Castle, « Shipping and Trade in Ramesside Egypt », JESHO 35, 1992, pp. 240-274, pp. 249- 250. 503 S. P. Vleeming, The Gooseherds of Hou ; les oiseaux peuvent être conditionnés pour être conservés ou bien consommés immédiatement. 504 H. Lozachmeur, La collection Clermont-Ganneau, p. 442. 502
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préparation de vin dans l’île, la proportion de cette dernière est inconnue. Une liste de la fin du VIIe siècle transmet un décompte de quantités de vin (C3.1). Toutefois, cette production du vin pour la consommation et le culte paraît insuffisante : aussi, un complément est-il importé des pourtours de la Méditerranée et du Proche-Orient comme l’attestent les diverses listes d’importation. De plus, l’orge, les dattes et les fruits du palmier-doum peuvent être employés pour la préparation des boissons505.
Conservation et assaisonnement des aliments : le sel Ajoutant une information sur l’un des constituants essentiels de cette alimentation, l’expéditeur d’une missive recommande (D7.2) à son correspondant de lui faire parvenir du mlḥ, ou « sel », le jour même, et, s’il n’en dispose pas dans la maison, d’en acquérir (zbnw). L’expéditeur justifie sa demande en précisant qu’il n’en dispose pas afin de préparer le pain. D’autres ostraca font mention de cette substance destinée à l’assaisonnement et la conservation des aliments. Un personnage dont l’identité n’est pas révélée requiert de son correspondant un envoi de 2 qabs de gros sel et de sel fin à recouvrir avec un panier (D7.7). Une autre instruction envoyée à Nathan lui demande une ardabe de sel (D7.28 2) ; l’ostracon D7.35 formule également une demande de sel à livrer avant le shabbat. Le document D8.13, du 23 mars 252 avant n. è., se révèle être un reçu de taxe sur le sel.
Les moyens de conditionnement, la vaisselle et autres objets du quotidien Paniers de vannerie, qph (D7.12 3 ; D7.7 4 ; D7.39 3), ou mÎtl (D7.5 9), et jarres sont employés pour le transport des aliments et leur conservation, qui sont systématiquement réutilisés. Les fibres du palmier-dattier sont employées pour la fabrication des paniers. Les feuilles du palmier-argoun, réputées plus résistantes et flexibles que celles du doum ou du dattier et utilisées vertes, servent à la confection de vanneries dont certaines proviennent des oasis, production attestée dès l’Ancien Empire ; le rôle de ce palmier pourrait être lié à cet usage artisanal506. Les calebasses (Lagenaria siceraria STANDL) sont employées comme récipient, dont des fragments ont
505
U. Willerding et G. Wolf, « Paläo-ethnobotanische Untersuchungen von Pflanzenresten », p. 266. 506 C. Newton et al., « L’agriculture oasienne à l’époque perse dans le sud de l’oasis de Kharga (ngypte, Ve-IVe s. AEC), p. 12.
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été découverts, alors que la partie supérieure du fruit pouvait être consommée comme boisson507. La liste C3.7 regorge d’exemples sur l’emploi des jarres. Par exemple, des jarres vides, au nombre de 30 et déposées, seront à nouveau employées (C3.7 planche A recto colonne 2 10. 18 ; colonne 3 18 ; planche B colonne 1 5 ; colonne 3 15 ; planche L colonne 1 8). Les traces archéologiques confirment les informations textuelles. Ainsi, la vaisselle de céramique provient des maisons G, GA, J, M, O, OA, qui sont datées des Ve-IVe siècle avant n. è., et de nombreux parallèles proviennent de Basse- et Haute-ngypte. Les bols, les plats, les marmites, les gobelets, les bouteilles et les plateaux sont d’usage courant à nléphantine508. Outre la vaisselle diversifiée de la pièce G1 de la maison G, deux ensembles de vaisselles de stockage importées en ressortent (l’un inscrit en araméen et l’autre en phénicien) et suggèrent que la maison G était dotée d’une fonction « officielle », sorte de magasin, plutôt que domestique509. Parmi les objets utilitaires, apparaissent dans les dots d’nléphantine, et plus particulièrement celle de JehôyîÎmaʽ, des plateaux de slq, deux cruches, un coffre de vannerie (B3.8 18), cinq louches pour l’huile (deux de céramique, deux de bois et une de pierre), et un coffret destiné à ses bijoux (B3.8 19). Dans la dot de MipÓaḥyah, sont assurés : un lit de roseaux de 507
L’ostracon D7.57, daté de la fin du III e siècle, mentionne une amphore dont le col n’est pas fermé par un bouchon, une autre encore scellée, deux cuvettes, quatre jarres, un plat, un récipient et un ustensile dans un panier scellé. 508 Des bols, des plats, des marmites, des gobelets et des bouteilles, des plateaux à la base en saillie ou annulaire sont d’usage courant à nléphantine (n° 1934), tout comme d’autres à quatre anses (n° 1969), des plats à la base ronde, arrondie ou plate (n° 19231925), dont certains sont de petites dimensions. Certains, incomplets, peuvent avoir servi de couvercles qui sont de facture maladroite (n°1994 maison O). Des gobelets (n° 1937-1945), des bouteilles (n° 1996 maison M, n°1997 maison W), des marmites (n° 1958), plateaux (n° 2009), un pot miniature (n° 2023) ont également été mis au jour, D.A. Aston, Elephantine XIX, Patterns from the Late New Kingdom to the Early Ptolemaic Period, Mayence, P. von Zabern, 1999, pp. 213-214 sqq. 509 Des jarres de diverses sortes sont attestées, de stockage (n°1999 maison Q, n°2007), globulaire (n° 1995 maison O, n° 2043), petites jarres cependant incomplètes (n° 2023), des jarres de stockage phéniciennes y ont aussi été mises au jour (n° 2049-2059 ; 1947-1959), pithos (n° 1970). La pièce G1 de la maison G a permis de découvrir des vaisselles diversifiées ayant pu être restaurées qui comportent des plats de petites dimensions (n°2047, n°2048), des jarres de stockage phéniciennes (n° 2049 à 2061), des jarres de stockage (n° 2065), une gourde de pèlerin (n° 2076), un gobelet (n° 2075), un mortier (n° 2082), des tonnelets incomplets (n° 2089), D.A. Aston, Ibid., pp. 213 sqq.
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papyrus avec des incrustations de pierre, deux louches, un plateau et une boîte de feuilles de palmiers (vannerie) (B2.6 14-16). Il est hautement probable que cet ameublement comporte également des sièges, des tabourets (fig. 9), des coffres et des coffrets (fig. 10), des corbeilles et des appuis-tête.
XVIIIè dynastie, Louvre E. 14438 ; E. 20506, Fig 9
1479-1425 avant notre ère, Louvre E. 22301, Fig. 10
Objets de bronze (fig. 11) et de fer sont mentionnés dans les dots (B2.6 ; B3.3 ; B3.8) et les autres conventions, dans les listes d’objets mis en garantie. L’acte de mariage de MipÓaḥyah dévoile parmi les objets de sa dot : un bol de bronze d’un shekel 2 quarts (fig. 11), deux tasses valant deux shekeln, une cruche (B2.6 12-13). Celui de JehôyîÎmaʽ, révèle qu’elle apporte également : un bol d’un shekel un hallur, une tasse d’un shekel 10 hallurin,
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une tasse de 20 hallurin et une cruche de 20 hallurin (B3.8 13-15). Un contrat de mariage incomplet comporte dans la description de la dot : une tasse valant 15 hallurin et une cruche de 2 shekeln (B6.2 6). Des objets de bronze, ou nḥš, sont ainsi cités dans des contrats de retrait de biens (B2.9 5) ou dans des clauses de garantie (B3.1 10 ; B3.13 11 ; B8.6 6 ; B2.8 4).
Bol de bronze, première période perse, Fonds Wllbour, Fig. 11
La vêture Ses traces sont nombreuses, et la profession d’artisan, ou bʽl qryʼ, connue. Ainsi, la production de laine et de lin, mais également leurs produits finis, s’affirment dans les contrats, et diverses lettres font état d’opérations portant sur ces matériaux. Les femmes et les hommes filent et produisent de la laine. Deux termes définissent ce matériau : soit qmr qui figure dans des fragments qui n’en expliquent pas la teneur (D3.14 5 ; 4.25 2) ; soit ʽmr (D7.7 9 ; 7.8 4). Hommes et femmes confectionnent des vêtements dont ils font le commerce/les échanges. Ainsi, l’ostracon D7.8, se rapportant à la période de tonte d’une brebis, permet d’évoquer la possibilité d’une production familiale et peut-être d’un surplus tissé afin d’en échanger le produit. Une lettre, A2.2, datée de la fin du VIe-début du Ve siècle, développe quelques informations dédiées à des achats, des envois de laine, et un achat de tunique. Une personne du nom de Tabi doit distribuer de la laine pour la valeur d’un shekel. L’expéditeur ajoute : « Si on te donne un agneau et sa laine, fais-le-moi savoir. Et, si on te donne la laine possédée par Makki, fais-le-moi savoir. Et, si (rien) ne t’est donné, fais-le-moi savoir et je me plaindrais contre eux ici » (A2.2 7-
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10). Dès avant la formule de salutations finale, il ajoute : « Et si le berger (ou Reia) te donne de la laine, fais-le-moi savoir » (A2.2 16). Tandis qu’un autre courrier exige de sa correspondante d’asquérir toute la quantité de laine possible, afin de l’envoyer à Syène, et assure indirectement de la fabrication de tissu et, peut-être, de produits finis destinés à des échanges (A2.6 5-6), d’autres fragments de lettres évoquent ces produits finis : ktny, ou « ma tunique » (D7.55 2), ou exige : « envoie-moi ma tunique » (D7.14 1-2). La missive D7.21 se rapporte à une offre sous forme de rappel et faite à un personnage nommé Micayah. Après les bénédictions d’usage, le messager le prie de lui faire parvenir le vêtement/le tissu afin de pouvoir le coudre ou peut-être le recoudre. Des lettres se rapportent à ces travaux de couture ; néanmoins, les objets nécessaires à la couture, au filage, et au tissage de la laine ont disparu du site510. Dans l’un des messages (A2.1), l’expéditeur mentionne deux tuniques qui lui ont été envoyées. L’une lui déplaît et l’autre, apportée à Syène par le destinataire, lui convient, aussi, la porte-t-il. Un expéditeur informe son destinataire de son achat d’une tunique pour un personnage nommé Yake (A2.2 11). La lettre se conclut par l’exigence de faire savoir à l’expéditeur si le berger donne de la laine à son correspondant. Un ostracon (D7.22 3) cite la « laine usagée ». Une interdiction d’acheter des vêtements est clairement établie par une autre missive (A2.3 10). Dans un courrier distinct, l’expéditeur, qui a acheté du tissu (A2.4 10), réclame de son destinataire qu’il lui expédie des peaux en quantité suffisante afin de confectionner un vêtement (A2.4 7-8). Un personnage nommé Hosea, dans sa lettre à Ḥaggus, le prie de se rendre chez un troisième personnage du nom de Bethelhaden, lequel doit lui livrer une tunique, un vêtement-wʼsh, une tunique de laine, une srḥlṣ teinte, … une tunique usagée (A3.8 8 10). Hosea ajoute : « Et, lorsqu’il te les donne, envoie-moi "un mot" ». Portant la référence A3.3, une lettre apporte, au verso, une réponse à une réclamation concernant une tunique et un vêtement dont l’expéditeur affirme : « Ta tunique et ton vêtement sont confectionnés [… …], pour ta mère j’ai fait. Ne sois pas empli de colère parce que je ne te les ai pas apportés à Memphis… Maintenant, je me suis acheté pour moi une tunique de lin. Maintenant, … et un vêtement jusqu’à ce que tu viennes » (A3.3 verso 1-7). Un vêtement de lin et une paire de sandales sont évoqués dans un message très fragmentaire (A3.2 2-5). Une missive de réclamation à propos d’une livraison erronée de biens, à savoir une tunique et deux peaux de couleur pourpre, autorise le correspondant à commenter cette réception par cette formule : « Mais, [je n’ai] pas été réjoui » (A6.16 3-4) ; cette phrase est répétée afin de 510
Quelques rares aiguilles, alènes, crochets, fusaïoles et lissoirs proviennent de Tell el-Herr, S. Marchi, L’habitat dans les forteresses de Migdol (Tell el-Herr) durant les Ve et IVe siècles avant J.-C., pp. 101 sqq.
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souligner son désappointement. Une lettre portant la référence A4.2 1, adressée aux trois chefs de la communauté judéenne que sont Jedanyah, Mauzyah et Uryah, et datée de la fin du Ve siècle avant notre ère, provient d’un personnage les informant de procédures à leur encontre provoquées par un complot ourdi contre eux par les Égyptiens à la cour d’Arsamès à Memphis. S’il déconseille leur venue, il propose une liste de biens à offrir, dont des peaux de cuir font partie, afin d’apaiser les tensions (A4.2 8-11). Parmi l’énumération des biens à procurer en témoignage de cette volonté d’apaisement, figurent de la ficelle et des cordes provenant des fibres de palmiers-dattiers, de même que des peaux de cuir. Un fragment (D4.4 4) mentionne un [vêt]ement de cuir. Les contrats de mariage découvrent par le menu les trousseaux apportés par les épouses : ils comportent des vêtements de lin et de laine, neufs ou usagés, rayés ou pas, ainsi que l’estimation de leur valeur. MipÓaḥyah, jeune femme dotée de moyens, apporte dans sa corbeille de mariage une paire de sandales (B2.6 16) et trois tenues d’une valeur de 43 shekeln : deux robes de laine, l’une bicolore et l’autre de laine finement tissée, valant 7 shekeln, et un châle neuf (B2.6 7-11). La dot de Yehôyišmat décrit deux robes de laine neuves estimées à vingt-deux shekeln, une robe à franges évaluée à 7 shekeln et un châle de laine neuf de 8 shekeln (B3.8 7-11). D’autres toilettes figurent dans la liste : une tunique ou robe de lin neuve cotée 1 shekel, deux robes de lin, dont l’une est usagée. L’ensemble est estimé à 41,5 shekeln (B3.8 6-13). Enfin, Tamet, lors de son union, n’est dotée que d’une seule robe de laine de 7 shekeln. Une autre convention, dont seul un fragment nous est parvenu, affirme l’apport de trois robes de laine neuves (l’une est évaluée à vingt shekeln) et de deux autres vêtements neufs de trois shekeln : un châle neuf et un autre vêtement de laine (B6.2 1-7). Une autre liste, B6.1 6-9, évoque trois robes de laine. La valeur de ces effets est toujours estimée, puisqu’en raison d’une éventuelle séparation, l’époux doit rembourser très exactement les apports de la dot s’il n’est pas en mesure de les restituer. Un vêtement de laine et un autre de lin sont mentionnés dans un document d’enregistrement judiciaire en mauvais état (B8.2), et un autre fragment inscrit le présent d’une robe neuve (D4.22 3). Le tissu peut aussi faire l’objet d’un dépôt de plainte. Les deux fils de Meshoullam, fils de Shelomam, déposent plainte contre les deux fils de Esḥor et MipÓaḥyah au sujet de vêtements de laine et de lin, ainsi que d’autres biens, devant Ramnadaina, (le) chef de la garnison, et Vidranga, commandant de la garnison, affirmant que Esḥor a pris ces objets en possession héréditaire et ne les a pas rendus. Cette démarche donne lieu à un acte de retrait de biens.
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Confirmant les documents écrits, et plus particulièrement les contrats de mariage : B2.6 16 ; B3.3 5 ; B3.8 20 ; D3.16 10, des sandales de peaux irrégulièrement tannées ont été mises au jour dans le quartier privé à l’ouest du mur du téménos de Khnoum dans la niche du mur d’une maison (DA) datant de la période perse511. Diverses semelles, souvent à l’état de fragments, parfois complètes, comportent plusieurs couches (trois ou quatre). La partie avant peut être renforcée par une quatrième couche. Elles peuvent avoir été réparées, recousues, teintes à la surface ; parfois les trous provoqués par les points comportent des restes de fil et des cordonnets sont tirés au travers de fentes (fig. 12/1 ; 12/2).
Sandales provenant d’nléphantine,
Fig. 12/1 et 12/2 Ainsi, la vêture s’affirme comme notable, comme l’expriment les valeurs accordées aux tenues des femmes qui, lorsqu’elles sont mises en comparaison avec le prix des ventes de maisons, témoignent de la moindre valeur de ces dernières. Par exemple, la vente de la propriété abandonnée à tAnanyah, par un couple de Caspiens, s’effectue pour un montant de 1 karsh 511
A.J. Veldmeijer with the Contribution by F. Arnod et C. von Pilgrim, « Persian Finds », dans Leatherwork from Elephantine (Aswan, Egypt), Analysis and Catalogue of the Ancient Egyptian and Persian Leather Finds, Leyde, Sidestone Press, 2016, pp. 102-133.
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et 4 shekeln. Les attestations d’opérations se rapportant aux tissus et aux vêtements512, qu’elles soient de couture, d’achats et d’échanges, de produits finis, d’envois et de services, ne manquent pas. Pour autant, aucun contrat n’est dressé en raison de leur coût disproportionné pour ce qui regarde leur valeur. En outre, il semble probable qu’aucun caractère juridique n’ait été admis pour ces opérations de la vie quotidienne. Les paiements s’effectuent par des échanges, moyennant un étalon513, ou avec de l’argent. Représentations et textes égyptiens témoignent également de cet artisanat et d’opérations rattachées. La tombe dite des « Deux frères », à Saqqarah, dévoile un homme mesurant une pièce de tissu, tandis qu’au second plan un homme corpulent, à savoir âgé, en commente le prix et la qualité514. Des vêtements de laine515 ont été mis au jour et des textes les évoquent, tels le P. Bologne 1094 1 1, et la stèle d’Ahmose-Nofretari 9. Les lettres d’Hekanakhte, datant du Moyen Empire, ne manquent pas d’intérêt pour le calcul effectué par cette personne qui, grâce à la vente d’un tissu filé et tissé, lui permet un investissement dans une terre à louer516. Le tissu fabriqué dans l’espace domestique constitue une forme de « capital ». Ce système de producteurs indépendants ou semi-indépendants existe en parallèle avec un système institutionnel d’ateliers où travaillent hommes et femmes et qui produisent des tissus de la plus grande qualité517. Le P. Brooklyn 35. 1453B comporte une liste de femmes en retard sur la production de fil de l’année précédente. Le texte exprime clairement que le fil constitue le travail/le tribut ou le quota de travail de ces femmes518. Le tissage 512
Le site de Tell el-Herr a livré douze fusaïoles, dont quatre dans les niveaux perses, employées pour le filage et dotées d’une perforation centrale où des traces d’usure sont visibles. Servant de contrepoids et assurant l’inertie du fuseau, elles peuvent être également utilisées comme bague d’arrêt afin de maintenir la bobine de fil en place, S. Marchi, L’habitat dans les forteresses de Migdol (Tell el-Herr) durant les Ve et IVe siècles avant J.-C., pp. 101-102. 513 J.J. Janssen, Commodity Prices from the Ramesside Period, Leyde, Brill, 1975, p. 545. 514 C.J. Eyre, « The Market Women of Pharaonic Egypt », pp. 178-179. 515 A. Lucas, Ancient Egyptian Materials and Industries, Londres, Arnold, 1962, pp. 146 sqq. 516 T.H.G. James, The Hekanakhte Papers and Other Early Middle Kingdom Documents, New York, Metropolitan Museum of Arts, 1962, lettre I, pl. I, lignes 4-6, et lettre II pl. 7 verso 2. 517 R. Hall, Egyptian Textiles, Princes Risborough, Shire, 1986, chapitre 3. J. Haeringen, « The So-Called Boy Spinners of Beni-Hassan », GM 126, 1992, pp. 95- 96. 518 C.J. Eyre, « The Market Women of Pharaonic Egypt », pp. 181-182.
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serait concentré dans les temples égyptiens et d’autres ateliers. Un document témoigne de la « vente/échange » de vêtements (P. Turin 2008 + 2016), par un temple dont ils feraient partie de la production. Des ateliers royaux existent519, mais rien n’est connu de leur importance, leurs sites de production, les coûts, le personnel et sa rémunération. Une convention du 16 du mois de pachons en l’an 16 de Taharqa, ou 674 avant notre ère, en provenance de Thèbes, rapporte une vente de fil à tisser passée entre une dame nommée Benatenho(en)amen et le choachyte, wrḥ-mw, Ietchere, fils de Nebsta (?) (P. Louvre E 3168)520. La première déclare et accuse réception du paiement effectué par le second par l’emploi de la formule : šp(.ỉ) n.k), « J’ai reçu de toi ces 2 kedet ¼ d’argent de la trésorerie de Harsaphès (comme) argent (équivalent au prix) des fils que je t’ai donnés, destinés au tissage et qui sont préparés (pour cet usage) ». Une seconde formule prononcée par la contractante constitue le reçu : « J’ai reçu de toi ces 2 kedet ¼ d’argent de la trésorerie de Harsaphès (comme) argent (équivalent à) leur (prix) et une mesure ½ de grains (?), de (mon) plein gré », ỉ mḥ pȝj.w.bȝk, "pour payer leur travail", alors que je les ai reçus ». Puis, la clause de transfert par la dame Benatenho(en)amen affirme : dj ? (.ỉ) s n-k, « Je te les ai donnés ». La convention précise que le fil est payé en argent, tandis que le travail de main-d’œuvre, afin de réaliser le tissu, l’est en nature. Aucun délai n’est, semble-t-il, imposé à la contractante. La clause de renonciation à réclamation s’inscrit ensuite, qui affirme : « Je n’ai aucune personne appartenant à ma famille (?), et ils ne … pas faire une contestation contre toi. Je n’ai aucune contestation (à faire) contre toi ». Le nom du scribe figure enfin sur l’acte et de vagues traces testimoniales subsistent, dont l’identité d’un témoin. Cet acte adopte la forme d’un contrat de vente et non d’une simple missive attestant de l’opération et des accords conclus entre les parties. Les clauses sont cependant réduites en nombre, puisque seules : la présentation des parties, les clauses de transfert et de reçu, puis de renonciation à réclamation s’appliquant tant à la famille qu’à la contractante y figurent. Compte tenu du coût d’un tel acte, l’accord en question se voit ainsi transmettre une implication et une puissance juridique, soulignant l’engagement prégnant de la dame Benatenho(en)amen et l’attente du choachyte de recevoir le tissu en question. De fait, cet acte est sans doute la mise en évidence d’une activité artisanale indépendante. 519
J.J. Janssen, « Prolegomena to the Study of Egypt’s Economic History during the New Kingdom », p. 160. 520 M. Malinine et J. Pirenne, Documents juridiques égyptiens, Deuxième série, AHDO 5, Paris, 1950/1951, pp. 54 sqq.
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À prendre en considération également, les divers contrats et missives, la population, quelle que soit son origine ethnique, porte des vêtements qui peuvent être de laine (A2.2 7), de cuir (A2.4 8 ; D4.4 4) ou de lin, ce dernier matériau étant largement préféré par les personnes ayant des moyens. Des peaux de cuir doivent être offertes aux ngyptiens ayant pris la défense de Judéens en mauvaise posture (A4.2). Les importations de laine connues par le registre C3.7 soulignent encore son emploi. Toujours soucieuses de leur beauté, les femmes d’nléphantine emploient des huiles pour le corps et le visage, ainsi que l’assurent les évocations de la mÎ m[b]Îym, « huile parfumée » (B3.8 20 ; D3.16 8)521. S’il est certain qu’elles usent de produits de maquillage, tout comme les femmes égyptiennes, leurs nécessaires ne nous ne sont pas parvenus à ce jour. Les seuls objets dédiés à leur beauté et leurs soins, et ayant été évoqués dans les textes, sont les miroirs de bronze ; une sorte de miroir dont même Tamet est propriétaire et qu’elle apporte lors de son union avec ʽAnanyah (B3.3 5), tout comme MipÓaḥyah (B2.6 11-12) et JehôyîÎmaʽ (B3.8 13) (fig. 13). Celle-ci possède également des bijoux dont atteste son coffret destiné à les accueillir.
521
Des récipients à parfums, à onguent, ou à huile parfumée, de fabrication égyptienne, ont été exportés durant la période perse jusqu’en Mésopotamie et Anatolie. Par ailleurs, des contenants destinés au broyage de pigments, mortiers et palettes ontrarement été mis au jour à Tell el-Herr. Les bâtons à khol aux extrémités arrondies sont rares également. Les bijoux et amulettes sont constitués de perles de formes variées et quelques colliers, bagues, fibules et épingles ont été découverts, S. Marchi, L’habitat dans les forteresses de Migdol (Tell el-Herr) durant les Vè et IVè siècles avant J.-C., pp. 81 sqq.
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Miroir de Dame Madja, 1479-1425 avant notre ère, Louvre E. 14465, Fig. 13 Bien qu’ils soient souvent cités dans les documents d’Éléphantine, ces articles d’artisanat ne font pas l’objet de descriptions et les aspects techniques ne sont pas non plus transmis, pas plus que les réalités économiques qui s’y rattachent. Pour autant, il n’est pas à douter de la vitalité de l’artisanat de qualité tant dans les villes que dans l’espace rural. Nombreux, les artisans travaillent aussi comme paysans, qui produisent pour leurs voisins et le marché urbain. Certains sont indépendants et ne vivent pas dans des quartiers spécialisés. Les femmes participent à cette économie en travaillant dans la
maison. Un système de commandes et de collaboration des artisans leur permettait sans doute une production de qualité ; aussi, cette organisation rendait-elle possible l’accumulation de richesses522.
522
J.-C. Moreno-Garcia, « Introduction : Nouvelles recherches sur l’agriculture institutionnelle et domestique », pp. 71 sqq.
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Les échanges Produits en excédent dans les unités familiales, les biens peuvent être échangés et/ou vendus en fonction des besoins et des choix subjectifs de nécessité ou de surplus. La composition des foyers et sa conséquence sur la production dans les villes et villages et leur population s’affirme d’évidence. Si des biens peuvent être échangés et/ou vendus dans l’espace du voisinage et/ou du village en fonction des nécessités journalières – par exemple, un échange de blé et de légumes –, d’autres modes d’échanges sont connus. Des lettres révèlent notamment ce système d’échanges en nature et/ou par des paiements en argent. Nombreux, les exemples parsèment contrats, lettres, ostraca et fragments de documents, qui se rapportent à des biens mobiliers et immobiliers. Ainsi, l’expéditeur d’un courrier, A3.3, informe son correspondant qu’il a acquis une tunique de lin (A3.3 11). Des ostraca rapportent des achats de sel, une missive mentionne une opération, peut-être de vente, qui affirme : « Donne-le pour de l’or » (A3.7 4), mais dont la contrepartie reste inconnue. La missive A3.10 livre des informations se rapportant à des paiements de grains : l’un, pour huit shekeln, concerne l’expéditeur de la lettre ; l’autre, pour 1 karsh, en faveur d’une autre personne du nom de Jathma. Les grains n’ont pas encore été livrés et le paiement a été effectué en avance. Le fragment D7.12 (partie concave), exige du/de la destinataire de remplir d’orge le panier d’un personnage nommé Jedanyah. Opérations occasionnelles ou courantes, ventes et achats, services, sont ainsi mis en lumière par les nombreux messages enregistrés se rapportant aux produits de la vie quotidienne destinés à la nourriture, la vêture, les objets meublants, les matières premières et les produits finis. D’autre part, il est à rappeler brièvement des opérations déjà développées. Certaines, portant sur le bétail (D7.1), les ânes (B7.3 ; B1.1 ; D3.19 2 ; D2.30 2) ou d’autres animaux, ont lieu régulièrement et ont déjà été évoquées. Des investissements se rapportant à des biens immobiliers (B2.2 ; B2.3 ; B2.4 ; B2.7 ; B2.10, B3.4 ; B3.5 ; B3.7 ; B3.10 ; B3.11 ; B3.12) et des travaux à faire réaliser dans ces maisons sont également rappelés par les contrats. Des actes et des missives dédiés à la production agricole sont également connus (B1.1 ; D1.17 ; D2.10). Révélés par des actes de retraits de biens et/ou des contrats de mariage, des documents mentionnent des « serviteurs et des « servantes » (B2.11 ; B3.1 ; B3.13), des biens de fer (B2.8 ; B3.1 ; B3.13), de bronze (B2.6 ; B2.8 ; B2.9 ; B3.1 ; B3.8 ; B3.13), de bois (B2.9 ; B3.8), de pierre (B3.8), de feuilles de palmiers (B2.6 ; B2.9 ; B3.8), enfin d’or et d’argent (B3.1). Diverses, des opérations d’échanges sont assurées par des documents démotiques. Elles concernent, comme les actes araméens, des opérations portant sur des biens immobiliers, des terres, des serviteurs et des servantes,
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du bétail, et des prébendes. Des actes sont préparés afin d’enregistrer les opérations portant sur des biens considérés comme de grand intérêt et qui sont aussi d’origine privée. Le réseau de redistribution, tant de l’État que des temples, y joue un rôle. Pour autant, les opérations portant sur des biens de faible valeur sont moins documentées en raison du coût de leur possible rédaction, telles les ventes de sel sur les bateaux larges. Paradigmatiques, les P. Louvre E 9204 et British Museum 10450, datés de 491 avant n.è., révèlent un condensé des échanges portant sur des biens considérables : les « parts dans le champ, dans le domaine du temple et à la ville : rations d’Osiris, place dans la montagne, maisons, terrains à bâtir, serviteurs, sycomores, champs ». Parmi divers actes, d’autres documents, telles les archives des gardiens d’oies de Hou, complètent cette image avec des actes portant sur des oies (P. Loeb 47), des ânes (P. Loeb 43 ; P. Loeb 44 + 49), des bovins (P. Loeb 41), des locations de terre (P. Loeb 45), des prêts de grains (P. Strasbourg 4). Les archives de Tsenḥor parachèvent cette représentation : le P. Turin 2125 enregistre le transfert d’une partie de bâtiment, le P. Turin 2123 la donation d’un demiterrain à Tsenḥor, le P. Louvre E 7128 celle d’un terrain non bâti, le P. Turin 2128 un échange de vaches, et le P. Louvre E 3231 a la donation d’un champ. Des contrats de location de terres de la période saïte mettent en lumière l’activité indépendante de fermiers (P. Louvre E 7836 ; P. Louvre E 7833 a [Thèbes]). Ses archives l’assurent : le satrape Arsamès attend notamment le paiement d’un loyer provenant du rendement de ses terres. Et, l’économie d’échanges repose également sur les importations et les exportations (C3.7). L’État y participe par le prélèvement de taxes sur la plupart de ces opérations, tant en nature qu’en argent, lesquelles sont documentées par les contrats et d’autres documents.
Lieux d’échanges : les marchés et les embarcadères / débarcadères Si la majorité des transactions a lieu entre membres de maisonnées d’un même village ou par des intermédiaires que sont les commerçants, un certain nombre d’entre elles peuvent avoir lieu dans le cadre des places de marchés523, soit dans le village, la cité, ou le long du fleuve dans les embarcadères sur les quais du Nil et/ou des canaux. Une liste réduite de rstkh, ou « marchés », est mentionnée dans l’ostracon daté de la fin du Ve siècle : C3.21. Le premier marché (C3.21 2) se trouve à : bmyt qry[tʼ, Myt, la ville ; le second, dans un lieu non précisé (C3.21 8). D’autres ostraca araméens témoignent de cette activité d’achats/ventes, et l’ostracon D7.2 5 le confirme. Ainsi, le sel s’acquiert auprès de « bateaux de grains » ou « bateaux larges » qui mouillent par 523
A.G. Mc Dowell, Village Life in Ancient Egypt, pp.84-85.
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exemple à Éléphantine et proviennent de Basse-ngypte. Des navires font du cabotage, qui sont chargés de biens et de victuailles et naviguent le long du Nil afin d’échanger leurs marchandises dont l’huile, le vin524 et le sel constituent l’essentiel. Évoqué plus haut, le registre douanier C3.7 permet d’envisager l’hypothèse suivante : dès lors que les navires important leurs marchandises ont versé les droits de douane à l’administration, ils peuvent remonter le long du Nil jusqu’aux cités de Naucratis et de Memphis, où l’importance des marchés, en particulier dans cette dernière lors de la période achéménide, leur permet d’écouler leurs marchandises (vins, huile, fer, bois et autres biens). Une fois qu’elles sont vendues, les navires repartent chargés de marchandises locales, dont le natron qu’ils peuvent charger dans divers ports525. Ils passent à nouveau à Thônis où ils s’acquittent de la taxe sur cette marchandise526. De nombreux sites d’embarcadères/débarcadères le long du Nil et d’îles sont dévoilés par les listes du P. Baldwyn527. Des meryt, ou « marchés », y sont parfois cités en parallèle avec des ports, qui sont assurés dans des cités et non dans les villages528. Le P. Amiens transmet l’énumération d’un ensemble de sites, ports ou embarcadères où mouillent les navires qui viennent et repartent après les livraisons de grains ou d’autres produits529. À Deir elMedinah, le marché est situé au bord du fleuve et un ostracon l’évoque incidemment, où une femme demande à un proche de vendre une ceinture lui appartenant : « Propose-le au meryt au bord du fleuve. » Cette formule indique le lieu où se tient le marché530. Des activités d’échanges peuvent aussi s’effectuer à partir de bateaux de charge, qui transportent des grains et d’autres
524
J. Quaegebeur, « Les rois saïtes amateurs de vin », Ancient Society volume 21, 1990, pp. 241-271. 525 . La liste complète des sorties de navires en l’an 475 avant n. è. est présentée mois par mois et indique les sorties de natron, TAD 3, p. 285. 526 P. Briant et et R. Descat, « Un registre douanier de la satrapie d’ngypte à l’époque achéménide », dans N. Grimal et B. Menu éd., Le commerce dans l’ngypte ancienne, BdE 121, Le Caire, IFAO, 1998, pp. 59-104, spéc. pp. 91-92. 527 J.J. Janssen, Grain Transport in the Ramesside Period, Papyrus Baldwyn B.M. EA 10061 and P. Amiens, Londres, British Museum, 2004, pp. 32, 66. 528 J.J. Janssen Ibid., p. 66, n. 12. 529 J.J. Janssen Ibid., pp. 32 sqq. 530 A.G. Mc Dowell, Laundry Lists and Love Songs, p. 84, n° 18, O. Brooklyn Acc n° 37.1880 E’ 1-7.
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sortes de biens consommables ou pas531. Un commerce d’étoffes semble se tenir à partir d’un navire, selon le P. Turin 2008 + 2016532. Les femmes apportent vraisemblablement les surplus de leur production agricole sur des marchés533, elles peuvent acheter, vendre et échanger534. De fait, la production domestique a joué un rôle dans les échanges, sorte de simple extension de l’activité des femmes dans le cadre de leur maison535. Néanmoins, les preuves n’en sont guère nombreuses. Il s’agit bien évidemment d’une activité commerciale à une échelle réduite permettant non seulement de se procurer des biens nécessaires en contrepartie du surplus produit, mais peut-être aussi d’accumuler des biens, parfois mêmes immobiliers. Ainsi, elles vendent et achètent tout ce que l’ntat ne leur transmet pas536. Si l’évidence se fait rare, des attestations sont néanmoins transmises par des représentations funéraires, dépeignant des scènes d’échanges. Par exemple, la tombe de Qenamoun dépeint des commerçants syriens installés sur un quai probablement sis à Thèbes. À tout le moins, trois commerçants égyptiens sont installés et assis sur le quai ; l’un est une femme. Peut-être exercent-ils une activité privée537. Les deux hommes tiennent une sorte de balance : soit pour peser certains biens dans ces transactions538, soit pour peser 531
Dans le tombeau d’un personnage du nom de Pȝ-rn-nfr, premier prophète d’Amon (du temps du règne de Toutankhamon), une représentation dépeint une intense navigation et plusieurs navires transportant, entre autres, quelques chevaux et chars, F. Kamp et K.J. Seyfried, Antike Welt – Zeitschrift für Archäologie und Kulturgeschichte, Mayence, Zabern Verlag, 1995, Heft 5, p. 339. 532 J.J. Janssen, Two Ancient Egyptian Ship’s Logs Papyrus Leiden I 350 and Papyrus 2008 + 2016, Leyde, Brill, 1961, p. 105. 533 D. Warburton, « Le marché en ngypte ancienne (À l’âge du Bronze, 2500-1200 av. J.-C.) », dans G. Bensimon éd., Histoire des représentations du Marché, Paris, Michel Houdiard, 2005, pp. 631-651, spéc. p. 641 remarque que toute personne rattachée à une institution porte un titre : or, ces femmes du marché n’en sont pas dotées, ce qui confirme leur indépendance. 534 J. Toivoiri-Vitala, Women et Deir el-Medina, Leyde, Nederlands Instituut voor het Nabige Oostar, 2001, p. 233, évoque l’ostracon O. CGC 25677 où une femme détient une sorte d’échoppe ou de lieu de stockage de toutes sortes de biens à vendre. 535 J.C. Eyre, « The Market Women of Pharaonic Egypt », p. 173. 536 D. Warburton, « Le marché en ngypte ancienne (À l’âge du Bronze, 2500-1200 av. J.-C.) », p. 646. 537 B.J. Kemp, Ancient Egypt Anatomy of a Civilization, Londres, Routledge, 1989, p. 255. 538 Selon ce même auteur, p. 253, la présence de cet objet indiquerait que les métaux feraient partie de la transaction.
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la quantité de métal précieux, or ou argent, ou de cuivre, divisée en deben (91 grammes environ), en dixièmes, ou kité, ou en douzième539, ou šnʼtỉ, pour le paiement. La transaction discernable dans cette représentation met en scène un Syrien offrant une large jarre, probablement emplie d’huile, ou peut-être de vin, tandis que le commerçant négocie et use de sa balance540. En cette occurrence, le produit objet de ces négociations pourrait s’avérer précieux et onéreux : une huile coûteuse ou une boisson importée. Aucun acte juridique n’est dressé lorsque l’opération concerne un échange sur des objets ou des biens de peu de valeur. Lorsqu’il ne s’agit pas d’une opération d’importance mais qui se poursuit dans le temps, une convention serait peut-être dressée. Une sorte d’auberge schématisée figure encore sur la représentation de la tombe d’Ipouy de Deir el-Medinah541. Les femmes, installées sur la rive ou un embarcadère du fleuve, offrent des poissons et peut-être des fruits (?) ; l’une d’elles est assise devant une baraque de marché où sont entreposées des jarres de vin/de bière sur un casier. Ainsi, le fait de préparer et proposer de la nourriture aux marins, aux fonctionnaires et aux commerçants éloignés de chez eux, en contrepartie d’autres biens et/ou d’argent, constitue une activité rémunératrice. La tombe de Khaemhet542 représente une semblable activité sur le quai où seuls des hommes exercent ce commerce avec les bateaux. Ces représentations situent la scène de marché sur le quai du fleuve ou du canal543. Le récit d’un voyage entrepris à Thèbes, probablement pour le compte du domaine d’Amon, est rapporté par les P. Turin 2008 + 2016. Deux mois plus tard, le navire part d’Héliopolis pour se rendre à Memphis. Il change plusieurs fois d’amarrage dans l’attente d’une livraison qui se concrétise au bout de neuf jours et 5000 poissons sont chargés à bord sous la surveillance d’un gardien et d’un batelier. Divers échanges commerciaux sont réalisés. Puis, après six jours d’attente, le « chef du navire », ou ḥry wsḫ, part à la recherche du scribe attendu censé se trouver à Héliopolis avec trois matelots. Plus tard, d’autres personnages partent en quête du scribe en question, le gardien-sȝw, trois bateliers-nfw et un matelot jmy wsḫ. Lorsqu’il parvient à bord, la liste de la cargaison est établie sous l’autorité d’un scribe du trésor et du gardien. Le chargement comporte de l’huile, du vin, des semences, des 539
S. Allam, « Affaires et opérations commerciales », p. 136 n.15. T.G.H. James, Pharao’s People, Oxford, Oxford University Press, 1985, p. 256. 541 TT 217, N. de G. Davies, Two Ramesside Tombs at Thebes, New York, Metropolitan Museum of Arts, 1927, pls XXX et XXXIV. 542 TT 57 : LD III, 76, W. Wreszinski, Atlas zur altägyptische Kulturgeschichte, I, Leipzig, Hinrichs, 1923, pp. 199-200. 543 L’O. Brooklyn Acc N° 37.1880 E 1-7, A.G. Mc Dowell, Laundry Lists and Love Songs, n.18, pp. 84 et 250. 540
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rouleaux de papyrus, du sel, des joncs et des volailles. Des joncs et des cordes sont délivrés par le « batelier de l’équipage » toujours sous la houlette d’un scribe. L’équipage semble se composer de « personnel du temple » (smdt ḥwt ntr). Il est probable que lors de chaque nouvel amarrage des membres de ces équipages complètent leur ration/alimentation auprès de l’un de ces multiples petits comptoirs leur proposant des plats chauds et des boissons. Aussi, semble-t-il possible de proposer une hypothèse reprenant ces informations, et de les appliquer aux habitants d’Éléphantine qui participent probablement à ces activités de marché et de commerce de vente de nourriture et de boissons aux marins, fonctionnaires, et autres intermédiaires accostant sur les quais de l’île et ceux de Syène, et préparées dans l’espace domestique ou des ateliers destinés à cet effet.
Les commerçants L’activité de négociant, indépendant ou dépendant d’une institution, est assurée tant chez les Judéens que les ngyptiens. Cependant, la seule et unique fois où il est fait allusion à des marchands dans la documentation araméenne est assurée dans la missive référencée A4.3 4. De de la fin du Ve siècle, elle se rapporte à une recommandation d’avoir à rembourser largement deux bienfaiteurs nommés Djeḥo et Ḥor lors de leur arrivée sur l’île en raison de l’aide accordée au scribe Mauzyah, lequel fait aussi partie des officiels de la communauté judéenne. Mauzyah, fils de Nathan et arrêté à Abydos par Vidraga, le commandant d’nléphantine, au prétexte de complicité ou de négligence à propos du vol d’une pierre précieuse, a ainsi été libéré grâce à l’intervention énergique des deux serviteurs d’Hananyah et à « l’aide divine ». Alors que ces deux serviteurs se rendent à nléphantine, il fait parvenir un message à Jedanyah et ses collègues les priant de leur témoigner le plus de sollicitude possible. Il ajoute, avec un sens aigu de la finesse politique, que cette bonne action et ses dépenses ne sauraient être considérées comme une perte puisque la Maison d’Hananyah les prendra en charge, puis rapporte que cette pierre volée a été découverte (A4.3 4) : byd rklyʼ, « dans la main des marchands ». Le nom d’Hananyah est-il celui porté par le chancelier qui signe l’ordre de réparation du navire ordonné par le satrape (A6.2 23) ? Le récit ne le précise pas. Par ailleurs, la missive n’explicite pas clairement les raisons invoquées pour mettre Mauzyah en prison. Peut-être est-il accusé de connivence avec les voleurs marchands, à moins qu’il n’ait eu des obligations dans une caravane qu’il devait garder544. Deux sortes de commerce ont coexisté : l’un dépendant des grandes institutions et de l’État ; l’autre lié aux échanges entre voisins du même village, d’une même cité ou d’un même quartier ou effectués sur les marchés 544
B. Porten, CS III, p. 120, n. 15.
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et/ou les embarcadères et les ports. Le négoce à grande échelle, déjà évoqué plus haut, est le fait des temples et de leurs domaines, de riches propriétaires et de l’État. Ainsi, le récit d’Ounamon évoque le rôle du commerce du Delta où les vingt navires du souverain Smendes, qui trafiquent avec Byblos, semblent fort modestes eu égard aux cinquante navires d’un marchand asiatique du Delta nommé Werekter, lequel commerce avec Sidon545. Cette activité requiert d’importantes quantités de biens. Des transporteurs, bateliers, négociants et surveillants interviennent dans cette organisation. Le statut des commerçants s’inscrit dans des frontières imprécises. Le terme Îwt/Îwṱ apparaît dès les textes de la XVIIIe dynastie comme substantif et l’expression ỉr Îwt, « faire du commerce », est assurée ensuite en démotique546. En règle générale, son image apparaît comme négative. Et, les textes de la Basse-npoque affirment l’amoralité de la profession. Le P. Lansing 4, 9-10 dépeint ainsi leur activité : « Les šwtjw descendent et remontent le fleuve ; ils sont fermement occupés à transporter des choses (marchandises) d’une ville à l’autre. Ils approvisionnent (même) celui qui n’a rien ; et cela alors que les collecteurs de taxes emportent de l’or, le plus précieux des minéraux »547. La « Satire des métiers », au Nouvel Empire, les reconnaît comme une catégorie professionnelle d’intermédiaires qui ne fabrique pas les produits à vendre et se doit de payer des impôts à l’administration fiscale : elle les oppose aux percepteurs d’impôts dont la cargaison est infiniment plus précieuse. L’objet de cette présentation est d’inciter les apprentis scribes à poursuivre leurs études et entrer dans l’administration fiscale548. Certains doivent se rendre à l’étranger. Des narrations ne manquent pas sur ce thème : ainsi, la Chronique du voyage d’Ounamon, sorte de roman historique, rapporte les mésaventures du héros lors de son voyage, initié afin d’effectuer des échanges (1. 40-1. 44 ; 1.55- 2. 9 ; 2. 15-2. 17) (jrj jrj šwt). Trois cents hommes, et un nombre identique de bœufs, sont chargés d’abattre les arbres qu’Ounamon est venu chercher (2. 40 s.)549. Un autre récit du début du IIe millénaire, Le conte de l’Oasien ou Le paysan éloquent, met en scène J.C. Moreno-Garcia, « L’évolution des statuts de la main-d’œuvre rurale en ngypte de la fin du Nouvel Empire à l’époque saïte (c. 1150-525 a. c.) », p. 17. 546 W. Erichsen, Demotisches Glossar, Copenhague, E. Munksgaard, 1954, pp. 495- 496. 547 A.H. Gardiner, Late-Egyptian Miscellanies (LEM), p. 103. R.C. Caminos, LateEgyptian Miscellanies, p. 384. 548 D. Agut-Labordère, « Initiation à la littérature sapientiale égyptienne », Annaire EPHE, SHP, 140e année (2007-2008), pp. 5-7. 549 G. Lefebvre, Romans et contes de l’époque pharaonique, Paris, Maisonneuve éd., 1949, pp. 204-220. 545
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un personnage, peut-être un de ces petits marchands désignés par le terme sḫty, qui dénomme un habitant d’une oasis ; et, en l’occurrence, provenant de l’Oasis du Sel. Khnounanoup se met en route vers la capitale, en MoyenneÉgypte, après avoir chargé un troupeau d’ânes de diverses variétés de plantes, de roseaux, et de bois, de peaux de panthères et de fourrures de loups, de natron et de sel, d’oiseaux, de pierres semi-précieuses et de graines de toutes sortes : « Une quantité de bons produits de toute espèce de l’oasis du Sel ». Puis, Khnounanoup d’affirmer à son épouse avant son départ : « Je vais descendre en Égypte pour en rapporter de la nourriture pour mes enfants »550. Cette formule rappelle celle employée dans un ostracon d’Éléphantine, rapportant les instructions d’un mari à sa femme et lui demandant de vendre son « ballot de grains » pour de l’argent, afin de pouvoir procurer de la nourriture à leurs jeunes enfants (D7.17). L’enseignement d’Onkhsheshonqy, daté de la période hellénistique, transmet quelques conseils qui semblent d’importance : « Ne bois (même) pas de l’eau dans la maison d’un šwty : il t’accablerait (après) en te demandant de l’argent » (Onkhsheshonqy 16. 5). Le texte de sagesse ajoute : « Si mille domestiques se trouvent dans la maison d’un šwty, (celui-ci) n’est qu’un d’entre eux » (Onkhsheshonqy 19. 18)551! Outre les bateliers, des gardiens et des mškbw chargés de la sécurité de la cargaison des navires, mais également des šmtjw, ou sortes d’« agents commerciaux », sont responsables de l’organisation et de la gestion des transactions, qui savent évaluer les denrées et probablement estimer leur valeur en métal précieux. Ils jouent le rôle d’intermédiaires entre producteurs et consommateurs institutionnels552, sont le plus souvent employés d’institutions et se déplacent en fonction des demandes. Deux aspects de leur activité sont connus : l’acheteur, ou mḫr, et le vendeur, ou mkrj553, termes d’origine sémitico-asiatique, témoignant notamment de leurs liens avec le Proche-Orient. Ainsi, missives et littérature exposent leur présence et leur rôle 550
P. d’Orbiney (P. British Museum 10183), traduction de G. Lefebvre, Romans et contes de l’époque pharaonique, pp. 47-69. 551 P. British Museum 10508, M. Lichtheim, Ancient Egyptian Literature, vol. III, Berkeley, University of California Press, 1980, pp. 159 sqq. 552 Selon P. Grandet, Le papyrus Harris I, IFAO 109/2 vol. II, Le Caire, 1994, pp. 168-169, ils ne sont aucunement des marchands, puisqu’ils ne bénéficient ni de liberté d’initiative ni d’indépendance économique, mais des courtiers, sortes d’intermédiaires économiques entre producteurs et consommateurs institutionnels, établissant un rapport économique direct dans le sens de l’offre et de la demande, et, à partir du Nouvel Empire, ils joueraient ce rôle entre institutions et personnes privées. 553 A.H. Gardiner, Ancient Egyptian Onomastica I, Oxford, Oxford University Press, 1947.
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dans les échanges « internationaux ». Leur activité peut s’étendre aux exportations et importations. Et, au moins un šwtj est présent sur les navires qui se rendent vers les ports du Proche-Orient afin d’échanger le blé égyptien contre du bois et des minerais. Parallèlement, des navires se rendent en Égypte afin d’y échanger leurs marchandises554. La lettre EA 40, du souverain de Chypre Alašiya à Akhenaton, transmet une liste de biens et requiert une exemption de taxes : « Et, que personne ne s’approche d’eux pour exiger quelque chose en ton nom » (25-26). Par ailleurs, le P. Boulaq 11, document comptable, enregistre des denrées comestibles (du pain, du vin et de la viande) et transmises à deux équipes, dont l’une comporte trois šwtyw, qui les reçoivent en importante quantité sur une durée de quatorze jours afin de les négocier. Ils doivent en contrepartie verser un montant calculé selon l’étalon šttỉ (parfois en or, parfois en argent). Pour autant, le détail de leur activité n’est pas précisé, pas plus que leurs liens avec le ou les fournisseurs555. Enregistrant des ventes en petites quantités, entre autres de bœuf et de vin, payées avec de petites quantités d’or, ce document556, livre les noms de divers commerçants inscrits en regard de la transaction rapportée. L’une d’elles mentionne un commerçant payant ses achats avec de l’or : ȝbd 2-nw ȝḫt sw 25 šsp m-t šwty Bȝki nbw štt 2 ½ r swnt ỉwf, « Second mois de l’inondation, jour 25, reçu du commerçant Baki : or 2 ½ štt en paiement pour la viande »557. Cette information témoigne sans doute de l’existence de revendeurs qui acquièrent les marchandises auprès d’un « grossiste ». Le moyen de paiement évoqué suggère peut-être un statut privé558. L’un d’entre eux, du nom de Minnakht, reçoit pendant plusieurs jours
554
W.L. Moran, Les lettres d’El-Amarna, trad. W.L. Moran, D. Collon et H. Cazelles, Paris, Le Cerf, 1987, p. 208, EA 39, 14-20 ; EA 40, pp. 209-210. Dans la lettre EA 39, le souverain d’Alašiya fait parvenir la requête suivante au pharaon : « Laisse aller mes messagers sans délai… Ces hommes sont mes marchands. Mon frère, laisse-les aller sûrement et sans [dé]lai. Que personne ne s’approche de mes marchands ou de mon navire pour exiger quelque chose en ton nom. » La lettre suivante, EA 40, apporte des compléments d’information. 555 T.E. Peet, « The Unit of Value štty in P. Bulaq II », Mélanges Maspero 1/1, MIFAO 66/1, 1934, pp. 188-191, pp. 185 sqq. 556 T.E. Peet, Ibid., pp. 185 sqq. 557 P. Boulaq 11 3, 6-7, E. Peet, Ibid., pp. 185 sqq. 558 Selon J.J. Janssen, « Two Variant Accounts », Varia Aegyptiana I, 1985, p. 109, les deux P. Brooklyn 35.1453 A et B, ressembleraient au P. Boulaq 11, dans lequel une institution, probablement un temple, établit ses comptes avec des commerçants détaillants. Peut-être ces textes concernent-ils des affaires privées, mais aucune certitude ne peut être assurée.
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une certaine quantité de vivres, viande et vin, moyennant une somme d’or559. La valeur des biens y est exprimée en or également ; aussi, n’y a-t-il aucune raison d’exclure l’emploi de ce métal pour des échanges domestiques560. Peutêtre ce personnage exerce-t-il son activité à un comptoir sur un marché, sur le parvis d’un temple ou dans un port. Le document ne permet pas de savoir si ces commerçants travaillent pour le compte d’une institution ou pour leur compte561. Le titre porté par certains d’entre eux, ḥry šwtyw, apparaît relié aux commerçants appartenant aux temples, lesquels permettaient éventuellement d’obtenir certains produits fabriqués dans les ateliers de ces derniers562. Ces commerçants spécialisés sont peut-être assez nombreux sur les marchés locaux et leurs activités ne semblent pas requérir de document écrit. À la Basse-npoque, la richesse caractérise leur statut et le P. Insinger 6 10 constate : « (L’) accumulation de richesses [est] la rétribution du travail de tous les marchands ». L’emploi du terme sḳ, « amasser », laisse paraître une critique sous-jacente. Cependant, le P. British Museum 10508 28. X + 4, recommande : « Ne t’associe pas avec un marchand, il vit [uniquement] pour prendre (sa) part ! ». Une affirmation qui transmet une image de personnages roués ! Quand bien même ils seraient attachés à une institution, ils bénéficient probablement d’un niveau d’indépendance et de liberté qui leur permet de s’enrichir563. Tant l’Enseignement de Ptahotep (maxime 19) que la Sagesse du Papyrus Insinger (chapitre 15) dénoncent la cupidité et l’avidité. Le second texte insiste particulièrement sur leurs conséquences néfastes sur la sphère familiale, puisque le cupide se voit rejeter à la marge de la société564 : « Les biens s’emparent de leur possesseur. C’est le maître de la vache qui court (après elle) » (Instructions d’Onkhsheshonqy 9.x + 22). Ces commerçants font aussi partie de l’équipage de grands navires, qui y vivent parfois durant de longues périodes. Le P. Lansing 4, 10-5.2 critique cette activité et en livre une émouvante représentation : « Les équipages des bateaux de chaque institution ; ils ont reçu leurs équipements de voyage ; ils quittent l’ngypte pour Djahy ; le dieu de chaque homme l’accompagne ; (mais) il n’y en a pas un parmi eux qui peut dire : [je] reverrai l’ngypte ».
T.E. Peet, « The Unit of Value štty in P. Bulaq II », pp. 188-191. E.W. Castle, « Shipping and Trade in Ramesside Egypt », p. 258. 561 E.W. Castle, Ibid., p. 258. 562 J.J. Janssen, Two Ancient Egyptian Ship’s Logs, p. 101. 563 T.G.H. James, Pharao’s People, p. 249. 564 D. Agut-Labordère, « L’argent est un sortilège », pp. 55-56. 559 560
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Un šwtj peut demeurer sur le navire d’un autre šwtj565 (P. British Museum 10053 r° 7 18). Seize commerçants cités dans ce texte sont les destinataires de biens volés dans des tombes. Trois, et peut-être quatre d’entre eux, sont décrits comme appartenant au commandant de l’armée et chef des troupes twhr, Amon-nufer (P. British Museum 10068 r° 4, 4). Parmi les autres commerçants cités dans ce papyrus quatre sont la propriété de ce même personnage, l’un d’eux d’un capitaine du temple de Ra, et deux d’une chanteuse du temple de Sobek à Crocodilopolis et fille du commandant déjà cité. Un, enfin, appartient à un autre officier des troupes twhr et deux aux temples. Si leur statut n’est pas clair, l’un d’entre eux possède un serviteur et le P. British Museum 10068 r° 4, 2 se réfère aux « commerçants de chaque maison ». Le P. British Museum 10052 concerne un serviteur appartenant à l’un des commerçants évoqués plus haut. Cela suggère un certain degré d’indépendance, des activités privées et des gains en permettant l’acquisition. Le paiement est effectué par le truchement d’un échange de biens. Leur mobilité permet, en outre, de concevoir que les échanges ne se concrétisent pas seulement entre relations et voisins566. Leur compétence leur permet de prendre le commandement d’un navire si besoin est. Ainsi, le P. Turin 1887, qui concerne des vols commis à Éléphantine, évoque un vaisseau apportant chaque année 700 khars de blé au grenier de Khnoum ; mais, après la disparition du chef du navire, un prêtre du temple demande à un commerçant de le remplacer, de se rendre dans le district du Nord afin de rapporter du blé par bateau. Néanmoins, le document semble mettre en cause ledit personnage pour un détournement de blé dont la valeur est estimée à sept deben d’or567. Leur activité paraît s’inscrire dans l’espace institutionnel de l’État et des temples, et une place leur est aussi accordée dans des échanges privés, de moindre importance. Responsables d’importantes cargaisons de blé, et payés en partie en nature, avec ce même blé, ils peuvent en récupérer de petites quantités, en disposer et les faire fructifier. Ces pratiques ne paraissent pas avoir été considérées comme de la corruption568. Quelques-uns bénéficient de moyens importants et possèdent leur serviteur, dont certains peuvent être 565
T.E. Peet, The Great Tomb-Robberies of the Twentieth Egyptian Dynasty, Being A Critical Study with Translation and Commentaries of the Papyri in which these are Recorded I, Oxford, Martino Pub, 1930, p. 109. 566 B.J. Kemp, Ancient Egypt Anatomy of a Civilization, Londres, Routledge, p. 257. 567 P. Turin 1887, verso 1, 8-11, A.H. Gardiner, RAD p. 79 ; traduction T.E. Peet, « Historical Documents of the Ramesside Age », JEA 10, 1924, p. 123. 568 S. Bickel, « Commerçants et bateliers au Nouvel Empire », dans N. Grimal et B. Menu éd., Le commerce en ngypte ancienne, BdE 121, Le Caire, IFAO, 1998, pp. 157-171, spéc. pp. 163 sqq.
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étrangers, ou tȝmw569. D’autres sont mêlés à des opérations concernant des serviteurs dont les acquisitions provoquent des litiges (P. Caire 65739 r° 8, 2)570. Ce document évoque une dame de haut rang ayant acquis une servante palestinienne auprès d’un šwtj en échange de plusieurs sortes de tissus, de récipients en métal et d’un pot de miel pour un montant de quatre deben, un qedet d’argent571. Dans ce même acte, un autre commerçant échange un serviteur contre une tombe, signe de cette préoccupation se rapportant à la dernière demeure. Une missive livre un récit dans lequel un constructeur du domaine d’Amon-Rê, devant s’absenter de la cité, confie à un commerçant attaché au même domaine une servante et son enfant achetés à un tisserand en chef. Le commerçant, ayant également l’obligation de quitter la ville, les confie à un pêcheur et à un envoyé-šmsw qui s’associent au tisserand pour les détourner. Le constructeur écrit au commerçant afin que celui-ci les lui amène au sud lorsqu’il s’y rendra. Par ailleurs, des papyri mettent en cause seize šwtjw impliqués dans des pillages de tombes : huit d’entre eux proviennent d’un village du Fayoum ; un autre est affecté au temple de Khnoum à Éléphantine. Leur activité, dans le cadre des institutions, semble leur laisser une certaine autonomie afin de « blanchir » leur butin avec profit (P. British Museum 10053)572. Ces documents mettent en lumière une activité « privée », un marché libre où les échanges se concrétisent qui concernent tant les marchandises courantes que les objets de luxe. Les ports jouent un rôle prégnant et privilégié dans ces échanges, et l’un des accusés reconnaît que les voleurs vendent le butin dans un certain navire dans le port de Thèbes (P. British Museum 10054)573. Des personnages exerçant d’autres professions participent également au pillage et à la revente des biens mal acquis : deux bateliers-nfw, deux chefs de navire, quatre gardiens-qȝw, cinq scribes, deux pêcheurs et une dizaine de tisserands. Le procès-verbal de l’enquête enregistré sur le P. British Museum 10053 r° cite au moins quinze individus accusés d’être des recéleurs, puisque de nombreux objets volés ont été retrouvés à leur domicile. Neuf de ces individus proviennent d’une localité du nom de Mr-wr et un de ces šwty dépend du temple de Khnoum, à Éléphantine. En cette occurrence, ces personnages venus de loin avaient le projet de contribuer au pillage. Ils sont les employés de trois commandants de troupes militaires ; deux travaillent pour le compte d’une femme chanteuse du Dieu Sobek ; deux 569
T.E. Peet, The Great Tomb-Robberies, pp. 132-133 ; II, pl. 23. A.H. Gardiner, « A Lawsuit Arising from the Purchase of Two Slaves », JEA 21, 1935, pp. 140-146, spéc. pp. 140 sqq. 571 A.H. Gardiner, Ibid., pp. 140-146. 572 T.E. Peet, The Great Tomb-Robberies, pp. 104-109. 573 T.E. Peet, Ibid., r° 3, 5, p. 62, pl. 6. 570
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sont sous l’autorité d’un prêtre-sm, dépendant du temple de Sobek, à Crocodilopolis ; un, enfin, est soumis à un prêtre-sm du temple de Ptah. Ces šwtyw sont soumis à un maître, un temple, une institution ou un domaine seigneurial. De fait, sept d’entre eux travaillent sous l’autorité d’un même personnage, commandant de troupes étrangères et nommé Imn-nfr. Les autres sont des hommes libres (P. British Museum 10053), qui peuvent être des « hommes d’affaires », tel cet officier ayant sept d’entre eux à son service.
Moyens de paiements Mentionnés dans des actes de la communauté araméenne, tel le contrat de vente de leur part de maison par Tamet et ʽAnanyah, les statères ont valeur d’équivalence (B3.12 5-6. 13-14). Un don de douze statères est notamment mentionné dans la missive officielle A4.2 12 : cette monnaie, assurée vers la fin du Ve siècle, rappelle que les habitants de l’île sont intégrés à une ou des filières d’échanges avec le monde grec574. Ils l’emploient donc parfois dans certaines opérations attestant de plusieurs systèmes monétaires coexistant en parallèle. Au cours de la période saïte, les poids d’argent sont employés comme moyens d’échange et lors de la période perse des textes égyptiens mettent en équivalence les poids étrangers avec les poids égyptiens. Dans les trésors, les pièces importées sont coupées et traitées comme des espèces jusqu’à et même après l’introduction de monnaies frappées localement au cours du IVe siècle. L’argent semble être plus disponible, permettant à l’État et aux temples de récolter des taxes sur les ventes et d’autres opérations plus aisément. La mesure de valeur mentionnée dans les textes est celle de poids 574
M. Chauveau, « La première mention du statère enngypte », Transeuphratène 20, 2000, pp. 137-143. D. Agut-Labordère, « Oil and Wine for Silver ? The Economic Agency of the Egyptian Peasant Communities in the Great Oasis during the Persian Period », dans Juan Carlos Moreno Garcia éd., Dynamics of Production in the Ancient Near East 130-500 BC, pp. 41-52. S. Ladstätter, « Greek Pottery from Syene », in A. Jimenez-Serrano et C. von Pilgrim éd., From the Delta to the Cataract, Studies Dedicated to M. el-Bialy, Leyde, Brill, 2015, pp. 132-149, spéc. pp. 143 sqq., à l’étude de la céramique attique note que ces importations sont peu consistantes au cours du Ve siècle, qui augmentent à la fin de ce siècle et au début du IV e siècle, en particulier la céramique à figures rouges, de même que des lécythes portant des empreintes et des amphores. Pour autant, cette quantité reste limitée et ne peut pas être considérée comme la trace d’un commerce régulier entre la Haute-ngypte et la Méditerranée. Il s’agirait de ventes et d’une circulation limitée aux mercenaires grecs stationnés au niveau de la première cataracte. D. Agut-Labordère, dans « L’orge et l’argent. Les usages monétaires à ʼAyn Manâwir à l’époque perse », Annales. Histoire, Sciences Sociales 69, Paris 2014/1, pp. 75-90, évoque également la monnaie marchandise fondée sur l’orge et le système-argent et le système-orge.
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d’argent575. Les textes araméens se réfèrent au karsh équivalent à dix shekeln et le shekel est équivalent à deux zuz ou quarante hallurin. Trois textes araméens mettent en équivalence deux shekeln avec un statère. Si habituellement les textes démotiques expriment le paiement en poids d’argent, ils peuvent aussi parfois servir comme biens dont la valeur est celle du poids d’argent. Ainsi, le P. CG 50060, daté de l’an 5 de Cambyse, en 525, constitue le reçu pour de l’argent versé par le Surveillant de la Nécropole au mr-În, et dont le paiement est formulé comme équivalent à des biens valant des poids d’argent. Durant la période saïte, les documents se réfèrent aux paiements de poids d’argent du trésor de Thèbes, et, lors de la période perse, du trésor de Ptah. Les actes araméens se réfèrent aux paiements en argent, qui adoptent diverses variantes : « à l’étalon royal, en argent à deux quarts pour la pièce de 10 » (B3.9 7-8), « à l’étalon royal, en argent à un zuz pour la pièce de dix » (B3.4 5-6), « à l’étalon royal » (B 2.6 6), « à l’étalon royal, en argent à deux q(uarts) pour un karsh » (B3.5 12-16), « à l’étalon royal, en argent à deux q(uarts) pour la pièce de dix » (B2.4 14-15), « à l’étalon royal, en argent à deux q(uarts) pour la pièce de dix/un karsh, sans procès » (B3.7 16-17). Les documents démotiques usent de l’expression « trésor de Ptah » (P. Berlin 3078 ; P. British Museum 10120 B ; P. Vienne D 10150). Des « trésors » illustrent l’usage de l’argent comme moyen d’accumuler des richesses ou d’échange, qui peuvent consister en lingots, bijoux et fragments d’argent, ou bien en pièces, ou encore les deux. Parmi ces « trésors », l’un, provenant d’Arthribis, se compose de cinquante kilos d’argent. Durant la période classique, de 480 à 332 avant n. è., vingt-huit trésors de pièces sont connus, comportant 8827 pièces au moins, dont certaines sont coupées ou fragmentées.
575
Les poids d’argent sont presque toujours identiques, soit le deben de 91 grammes, le kite de 9,1 grammes, B. Muhs, The Ancient Egyptian Economy 3000-300 BCE, pp. 189 sqq. L’auteur rappelle que les pièces apparaissent en ngypte au cours de la période saïte ; les premières références concernent les statères ioniens qui émergent des textes araméens. Les premières pièces frappées en ngypte imitent les tétradrachmes d’Athènes. Le roi Artaxerxès III (343-338), après la reconquête par les Perses, fait frapper ces tétradrachmes. En outre, de grossières copies de tétradrachmes auraient été façonnées sous Nectanebo Ier et Nectanebo II, « côtoyant des statères en or égyptiens et de petites pièces hybrides en argent », D. Fabre, « Thônis Héracleion, poste douanier et emporion », dans F. Goddio et D. Fabre éd., Trésors engloutis d’ngypte, catalogue de l’exposition présentée au Grand Palais du 9 décembre 2006 au 16 mars 2007, Paris, Seuil, 2006, pp. 194-203 ; disponible en ligne sur ieasm.org, pp. 1-14, spéc. p. 6.
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Prêts/emprunts Des prêts d’argent sont assurés qui proviennent des actes araméens et dont l’objet est d’importance, tels des travaux à faire réaliser afin d’améliorer l’habitat ; d’autres sont destinés à des opérations d’investissements divers, dont certaines concernent des activités commerciales. Deux contrats de prêts/emprunts d’argent toujours préparés par les débiteurs proviennent d’nléphantine, dont l’un l’est par une femme (B3.1) et l’autre par un homme (B4.2). Selon ces actes, outre la restitution du principal, le débiteur/la débitrice doit verser des intérêts dont le taux par mois est spécifié dans le contrat. Le non-paiement d’une seule mensualité provoque l’application d’un système d’intérêts composés. Datant du 13 décembre 456, l’acte B3.1, le prêt consenti par Meshullam, fils de Zaccur, à Jehoen, s’élève à quatre shekeln. Il est assorti d’une obligation de paiement d’un intérêt de 5% par mois. L’emprunteuse enregistre la somme prêtée et son acceptation des conditions financières : yhbt ly zpt ksp Îqln 4 hw urbth bubny mlkʼ bmrbyth yrbh tly ksp lrn 2 ltql 1 lyr 1 hwh ksp lrn 8 lyr d hn mÓt mrbytʼ lrÎʼ yrbh mrbytʼ krÎʼ d kd, « Tu m’as donné un prêt pour une somme de quatre c’est-à-dire quatre shekeln à l’étalon royal, à son intérêt. (Les intérêts) vont courir de moi (au taux d’)argent de deux hallurin par shekel par mois, ce qui représente une somme de huit hallurin par mois. Si l’intérêt (de)vient capital, l’intérêt va courir comme le capital, l’un comme l’autre » (B3.1 3-7). Cette formule affirme la capitalisation des intérêts. Par conséquent, la débitrice doit verser un paiement mensuel : s’il n’est pas respecté, la capitalisation des intérêts interviendrait ; et, lorsqu’elle est prévue sur plusieurs mois ou une année, elle est calculée selon la formule des intérêts composés576. Dans le second acte d’emprunt, Gemaryah emprunte trois shekeln deux quarts. L’intérêt est de 5% par mois également : à intérêts composés en l’absence de paiement, il représente sept hallurin par mois (B4.2 2-4). Ce contrat prévoit le remboursement sur son allocation mensuelle : « Et, je te paierai chaque mois de mon attribution qu’ils me donneront du trésor », mais également le reçu des sommes versées : « Et, tu m’écriras un reçu pour tout l’argent et les intérêts que je te paierai » (B4. 2 5-7). Pour autant, ce contrat prévoit d’autres modalités de remboursement que celui de Jehoen : whn lu Îlmt lk kl kspk wmrbyth td yr twt Înt 36 ytqp kspk wmrbyth zy yÎt ud tly wyhwh rbh tly yr lyr td ywm zy uÎulmnhy lk, « Et, si je ne paie pas tout ton argent et ses intérêts au mois de thot en 36, ton argent et son intérêt qui reste de moi doublera et ira courir mois par mois jusqu’au jour où je te paierai » (B4.2 7-10). B. Menu, ngypte pharaonique, Nouvelles recherches sur l’histoire juridique, économique, et sociale de l’ancienne ngypte, Paris, l’Harmattan, 2004, p. 392.
576
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Certains contrats de prêts démotiques, dont le délai de remboursement est variable, de même que les intérêts, sont également consentis à compter de la XXVe dynastie. De nature unilatérale, leurs conditions paraissent drastiques. Parfois, le capital est doublé par application d’un intérêt de 100% par an en cas d’inexécution à l’échéance ; parfois des aménagements assouplissent les principes et aucun intérêt ne semble prévu. Le système des intérêts composés peut s’appliquer également577 et l’accord peut prévoir des pénalités de retard. Si le taux des contrats araméens s’élève à 5% et peut paraître raisonnable, celui des contrats égyptiens paraît plus usuraire. Quelques rares documents, dont les spécificités diffèrent, sont connus de la période saïto-perse. Ainsi, le P. British Museum 10113, daté de 570 avant n. è., et dont le montant à rembourser s’élève à 1 deben d’argent sur 7 mois, équivalent à la somme empruntée, ne précise pas le montant des intérêts. Le P. Berlin 3110, daté de 487, emprunt de 5 kite d’argent, doit être remboursé dans un délai de dix jours et les intérêts ne sont pas connus. L’emprunt du P. Loeb 48 + 49 A a été contracté le deuxième mois de la saison chemou sous Darius Ier, en 487, par un gardien d’oies du Domaine d’Amon, nommé Petetashotmef, auprès de l’un de ses collègues dont le nom n’a pas été préservé. Le montant emprunté de trois ou quatre kite d’argent s’augmente dans les deux occurrences, jusqu’à six kite d’argent à rembourser dans les huit mois. Si l’emprunt s’élève à quatre kite, l’intérêt se monte à 50%, et s’il se monte à trois kite, le taux d’intérêt atteint 100%, à verser en l’an 36 le premier mois de la saison peret578. De sévères garanties s’inscrivent en faveur du créancier et s’appuient sur le gage général des biens des débiteurs y compris ses enfants. Ainsi, le doublement de la dette par le système des intérêts composés se cumule avec l’intérêt du prêt, ce qui permet d’exiger un montant du triple de la somme prêtée. Le taux des intérêts moratoires s’élève le plus souvent à 1/10e pour une unité et par mois. Cette réalité provoque souvent l’obligation d’un nouvel emprunt, dont les conséquences peuvent entraîner le naufrage social du débiteur.
Importations et exportations Des compléments à l’économie végétale de la région de l’île sont assurés par l’importation de biens d’autres régions d’ngypte : ainsi, des céramiques oasiennes, bien attestées dans la région d’nléphantine, proviennent de l’oasis de Kharga (Douch/ʽAyn Manâwir), et ces échanges s’organisent dans un cadre privé. Des importations proviennent d’autres pays, telles la Grèce, la Syrie-Palestine ou la Phénicie : vin, huiles ou d’autres biens, 577 578
B. Menu, « Le prêt », pp. 61-118. S. P. Vleeming, The Gooseherds of Hou, N° 12.
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tels le bronze, le fer et la laine dont atteste la liste C3.7. Ce registre d’un poste douanier royal enregistre mois par mois l’entrée et la sortie de 42 navires pendant la onzième année d’un souverain perse, de même que les taxes prélevées lors de ces passages. Ce même document consigne également des prélèvements de l’an 10. Dix-huit dates d’arrivée et vingt-sept de départ sont conservées. L’année de son enregistrement ne semble pas exclure le règne d’Artaxerxès Ier. Quatre sortes de bateaux y apparaissent, ainsi que le nom du capitaine, avec une dominante grecque, et l’origine ethnique. Les navires grecs portent l’appellation spynh et rbh, « gros bateaux » ou « bateaux larges », et les dix-sept autres, qui paient des taxes moins élevées, sont aussi désignés ʽaswt kḥmwÎ , peut-être « bateaux du cinquième », et versent des taxes d’un montant de 1/5 des taxes versées par l’autre catégorie. Les produits importés, tel le vin, le sont dans des knd, ou amphores vinaires, et des sp, dans lesquels est transportée l’huile579 et dont des exemplaires, ou spn ryqnn, sont transportés vides sur les navires. Ces sp pourraient être des sortes d’amphores. Le nombre de ces vases importés pourrait s’élever de 20 à 80 par navire. La régularité du trafic est à mettre en exergue : les navires kzr transportent les mêmes produits que l’année précédente, de même les bateaux grecs. Les habitudes commerciales marchandes perdurent, témoignant d’une certaine stabilité économique. Les marchandises importées sont taxées dès l’entrée des navires, qui présentent quelques variations. Deux sortes de taxes semblent assurées : une principale, dont les appellations diffèrent, et une autre complémentaire, ou ksp gbryʼ, « l’argent des hommes ». Un paiement en argent et en nature est à verser pour les grands vaisseaux de chaque nationalité, et un versement en nature uniquement pour les petits bateaux kzr. Seuls les plus petits bâtiments grecs ne paient pas l’« argent des hommes ». Le paiement principal, ou mndt, comprend une quantité d’or et d’argent variable. Les grands navires grecs doivent s’acquitter d’une part, ou mnt, de la cargaison d’huile, mÎḥ, et les bateaux-kzr versent une dîme, ou mʽÎr, soit 1/10 des produits transportés580.
579
P. Briant et R. Descat, « Un registre douanier de la satrapie d’ngypte à l’époque achéménide », pp. 70-71. Selon les auteurs deux hypothèses sont à proposer : soit il s’agirait d’huile d’olive, soit ces contenants transporteraient de l’huile de valeur, peutêtre de l’huile parfumée de la Grèce de l’Est, spécialité des régions de Rhodes à la Lycie. 580 Les quantités d’or et d’argent comportent des fractions : taxe en or des grands bateaux grecs, 1 karsh, 6 hallurin ; taxe en or des petits bateaux grecs, 8 shekeln, 15 hallurin ; taxe en argent des grands bateaux grecs, 50 karshen, 12 hallurin ½ ; taxe en argent des petits bateaux grecs, 10 karshen, 2 hallurin ½ ; « argent des hommes » des grands bateaux grecs, 5 shekeln, 15 hallurin ½ ; « argent des hommes » des grands
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Ces navires pourraient verser les droits de douane aux ports d’entrée, et à plusieurs postes de douane sur les différentes entrées du Delta. La durée de séjour de ces navires se prolonge de 7 à 26 jours. Ce délai varie selon les mois de l’année. Le nombre des arrivées évolue également au cours de cette dernière : 3 par mois entre mars (ou mi-février) et mi-juin, 4 ou 5 entre la mi-juin et la mi-août, 5 entre la mi-août et la mi-septembre, 6 entre la mi-octobre et la mi-décembre et aucune arrivée n’est attestée en janvier et lors de la première moitié de février selon les conditions de la navigation dans les bouches du Nil et sur le fleuve. La présentation de ces importations se limitera à quelques exemples extraits de ces listes. La liste C3.12, datée du mois de paophi, peut-être en 420 ou 411, et dont l’état est fragmentaire, ne manque pas d’intérêt, qui enregistre des sorties de vin d’un cellier, et révèle une consommation, lors de repas, de yyn ṣydwn, vin de Sidon, d’une part (C3.12 recto colonne 2 7. 15, verso colonne 2 28), et de vin d’ngypte, d’autre part (C3.12 recto colonne 2 9.1114.17). La région des Oasis du désert occidental pourrait s’avérer le lieu d’origine de ce vin consommé dans l’île581. En effet, des céramiques abandonnées et provenant d’ʽAyn Manâwir ont été mises au jour dans la région d’nléphantine, attestant d’un réseau d’échanges locaux. Le vin manâwirite, dont la renommée est assurée dès la seconde moitié du IIe millénaire582, était transporté dans des amphores de forme allongée bouchonnées au moyen d’un goulot de terre crue, ou sigas, permettant de le conserver à la bonne température583. En provenance d'Ionie, le vin est largement évoqué dans la liste C3.7, datée de 475 avant n. è. Comportant 24 colonnes au recto et 16 au verso, elle enregistre des importations et des exportations effectuées par des navires « larges ». Parmi les diverses occurrences, la livraison de 21 ½ jarres de vin est inscrite planche A recto colonne 2 7. 14 ; d’autres sont assurées au mois de choiak pour une même quantité (planche B colonne 3 12. 21). Des arrivées d’importance sont mentionnées sur ce document, telles celle de la planche K colonne 4 15 qui atteint 1100 jarres, celle de la planche GG colonne 2 18 qui
bateaux-kzr, 3 karshen, 6 shekeln, 12 hallurin, P. Briant et et R. Descat, « Un registre douanier de la satrapie d’ngypte à l’époque achéménide », pp. 74-75. 581 C. Defernez, « Sur les traces des conteneurs égyptiens d’époque perse dans le Delta », dans C. Zivie-Coche et I. Guermeur éd., Parcourir l’éternité. Hommages à Jean Yoyotte, Turnhout, Brepols, 2012, pp. 387-406, spéc. p. 394, n. 31. 582 S. Marchand et P. Tallet, « Ayn Asil et l’oasis de Dakhla au Nouvel Empire », BIFAO 98, 1999, pp. 307-352. 583 D. Agut-Labordère, « Du vin, du ricin et des poissons (?) », pp. 4-5, communication personnelle.
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mentionne 630 jarres de « vin de l’année », ou encore celle de planche F colonne 2 15 qui évoque 27 jarres 1/3. Entre autres exemples, le navire « large » en provenance d’Ionie, et parvenu en ngypte au mois d’athyr, en 475, livre 50 jarres d’huile Îmn (C3.7 planche A recto colonne 1 22). Neuf jarres ½ d’huile (planche A recto colonne 2 8), ou une portion guère précise (planche A recto colonne 2 4), proviennent d’un autre navire. La planche B colonne 1 18 rapporte une importation de 50 jarres d’huile ; la colonne 3 13, 9 jarres ½ et colonne 3 22, 9 jarres 2/3. De nombreuses autres attestations sont mentionnées dans ce document C3.7. L’huile est produite dans la vallée, mais en quantité insuffisante : aussi, des compléments d’huiles de ricin sont-ils probablement importés afin de répondre aux besoins, dont une partie en provenance des Oasis dans de petites gourdes lenticulaires destinées à leur transport. Devenue un produit de consommation courante, l’huile de ricin pouvait être extraite grâce à un mortier584. Parmi d’autres biens, sont également importés du bronze (C3.7 planche GG colonne 2 19) pour une quantité de 5000 karshen, ou une autre de 1100 karshen (planche F colonne 1 13), ou encore de 2100 karshen (planche G colonne 2 13). Ce même document révèle, par exemple, l’importation du bois sous différentes formes, poutres, planches, rames (planche F colonne 1 19) pour une quantité de 85 pièces, (planche F colonne 2 20), pour une quantité de 900 karshen, cinq poutres de bois de cèdre (planche F colonne 2 25 ; planche G colonne 2 21), 50 planches de bois de cèdre (planche F colonne 2 26), 53 rames (planche G colonne 2 31 ), 31 rames (planche F colonne 2 27) ou 51 rames (planche G colonne 2 22), et du fer (planche F colonne 19) pour une quantité de 2100 karshen. À mettre en parallèle divers contrats et leurs clauses de garantie, des objets de nḥš ou « bronze » (B2.6 ; B2.9 ; B3.1 ; B3.8 ; B3.13 ; B6.2 ; B8.6 ; B2.8 ; 8.4), et de przl ou « fer » (B2.8 4 ; B2.9 5 ; B3.1 10 ; B3.13 11 ; B4.6 12), figurent dans les listes de biens détenus par les habitants de l’île, qui peuvent être mis en garantie lors d’opérations commerciales et financières ou d’acquisitions immobilières. Parmi les importations, de l’ʽpṣ ou « étain », qui semble exceptionnel. Un matériau, le Óyn dont 504 kg sont assurés est admis comme de l’ « argile » dont les usages sont nombreux, de la médecine au textile, et sont parfois associés au natron sur la terre de Samos.
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L’ostracon ptolémaïque (O. Daba I) rapporte la commande par un apothicaire d’une huile de qualité commerciale (wʼ nḥḥ Îwṱ, 1.3), permettant de produire une sorte de henné, M. Chauveau, « Résumé des conférences. Démotique. Programme de l’année 2007-2008 », Annuaire de l’ncole pratique des hautes études, section des sciences historique et philologiques 2009, pp. 3-4 (http://ashp.revues.org/609?file=1).
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La laine peut être importées par certains de ces navires en quantité importante, comme le démontrent ces diverses lignes du document C3.7 planche GG colonne 2 21 d’une quantité de 7150 karshen, planche F colonne 2 22 de 715 karshen, pour 2100 karshen + 715 (planche G colonne 2 15-16). Des stocks de natron utilisés à diverses fins, ainsi que d’autres produits locaux, et présents dans de nombreux ports entre Memphis et Thônis, sont exportés dans des cargaisons de retour des navires étrangers, qui figurent dans ce même registre C3.7. Lorsque ces navires repassent par Thônis, ils s’acquittent de la taxe sur le natron. S’il parvient en grande partie en Grèce, où ses emplois sont nombreux, telles : la salaison des aliments et des poissons ou la fabrication d’objets de faïence et de verre, une autre partie est redistribuée en Babylonie585, en provenance des ports phéniciens. Rassemblant des poteries et d’autres objets, des sites ont fourni des traces de commerce international avec le pays de Koush, outre la Grèce et le Levant. Ainsi, attestant des exportations de l’ngypte vers d’autres destinations, les forteresses de Dorginati, sise au niveau de la seconde cataracte et de Gala Abu Ahmed, dans le bas Wadi Howar, ont livré des assemblages de poterie et d’autres objets produits en ngypte saïte. Peut-être, ces découvertes signifient-elles que l’ngypte contrôlait la route commerciale le long du Nil bien au-delà de la troisième cataracte, au moins aussi loin que Gala Abu Ahmed. Les flasques de Nouvel An, en faïence et provenant de ce dernier site, appartiennent à un type d’objets faisant partie d’un commerce de luxe ou de présents de luxe ou d’échanges entre élites. Outre ces deux sites, des flasques ou des fragments ont été mis au jour à Kawa, qui proviennent de l’inventaire d’un temple, et à Missiminia, dans une tombe586. Le contrôle de la route du commerce, au nord et au sud de la seconde cataracte, a pu priver les habitants de Basse-ngypte du bénéfice du commerce sur une longue distance. Pour autant, les biens provenant du sud et parvenant en ngypte dans le cadre d’une organisation à un niveau étatique, tout comme l’exportation de biens égyptiens de luxe vers Koush, semblent pour l’essentiel avoir fait partie de présents diplomatiques plutôt que d’échanges commerciaux587, ainsi qu’en témoigne l’amphore provenant de la tombe du souverain Analma’aye.
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P. Briant et R. Descat, « Un registre douanier de la satrapie d’ngypte à l’époque achéménide », pp. 95-99, posent la question de savoir si le choix de la cargaison n’était pas au moins en partie imposé par l’administration. 586 A. Lohwasser, « Die Kleinfunde von Gala Abu Ahmed (Kampagne 2008/09), Der Antike Sudan », p. 156, transmet une liste. 587 L. Török, Between Two Worlds, The frontier Region between Ancient Nubia and Egypt 3700 BC-500, pp. 362-363.
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Transports de biens et de personnes Essentiellement dépendants du Nil, de ses affluents et des canaux, les transports permettent de concrétiser les échanges. Pour autant, le rôle des ânes n’est pas non plus à négliger : ils apparaissent dans des contrats de diverses sortes, dont des réclamations. Largement attestés dans l’ancienne ngypte jusqu’à nos jours pour le transport de charges, ces animaux de somme, également utilisés à des fins agricoles, restent peu employés pour le transport des personnes. Ils sont gardés, loués et achetés. Leurs propriétaires en prennent soin le plus souvent : toutefois, il peut se produire qu’ils soient maltraités et en meurent (O. AG 1 ; O. Ashmolean Museum 53). Ils transportent des charges volumineuses et encombrantes, parfois les offrandes à une déesse, portent l’eau et le bois, des grains, de la paille et la fenaison. S’ils sont parfois cités dans des fragments araméens, ces documents ne sont guère diserts. L’un, D3.19 2, mentionne un âne, et l’autre, D2.30 2, cite des gardiens d’ânes et d’ânesses. Ils constituent une propriété notable pouvant mener leur propriétaire devant le tribunal. Contrats et ostraca en apportent le témoignage : sachant combien cette sorte de document peut être onéreuse, cette réalité juridique atteste d’autant plus de leur valeur, qu’elle s’accroche au quotidien. Serments et décisions de cours de justice sont parvenus jusqu’à nous qui éclairent la rouerie et parfois les mystifications auxquelles se livrent certaines des parties. Deux contrats portant les références B7.3 et B1.1 révèlent l’un, un procès, et l’autre, l’usage d’un âne dans une « entreprise » concernant une location de champs et la moisson afférente. Les textes précisent le genre de l’animal qui peut être possédé en copropriété, échangé, ou loué. L’entreprise à risques partagés (B1.1) de l’an 7 du roi Darius, passée entre Padi, fils de Daga[n]melech et Aḥa, fils de Ḥapio, avec mise à disposition d’un champ dans la ville de Korobis et partage de la moisson par moitié, découvre les obligations réciproques des parties. Le fermier doit notamment s’engager à faire transporter le grain par son âne dont le genre est spécifié : un mâle qui, en aucun cas, ne saurait être un âne de location (B.1 1 13-14) : wtÎʼ [..] r/dy ʼdr bḥmr npÎk wlʼ lʼgr ḥmr, « Et, tu porteras (le)… de l’aire de battage avec ton propre âne (mâle) et (tu) ne loueras pas d’âne (mâle) ». Un texte de serment en justice, se rapportant à la copropriété de la moitié d’un âne par deux parties, souligne encore à quel point toute situation peut donner lieu à une plainte (B7.3). Dans cet acte, si la date et le lieu ont disparu, l’identité des parties, mais non leur activité, et le serment sont transmis par le reste du texte. Le défendeur conteste la plainte déposée et le contenu de son serment l’explicite clairement. Il se défend, arguant qu’aucune contrepartie ne lui a été donnée, que sa demi-part n’a pas été payée, et qu’aucun animal ne lui a été transmis en contrepartie de cette moitié. Aussi,
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en conclut-il qu’il a le droit de partager la propriété de la moitié de l’ânesse. Dans ce texte évoquant une sorte de « contrat de société », l’accusé prête serment pour affirmer son bon droit, sans reconnaître aucunement la valeur des griefs de son accusateur et copropriétaire, voire même les rejeter. Souvent objet d’une location, r bȝkw.f588, les ânes le sont pour une durée que précisent parfois les documents égyptiens. La période en question peut être exprimée en quantité de grains m mnt, « par jour ». Des promesses et des serments découvrent l’expression : m dwȝ r-sȝ dwȝ, signifiant littéralement : « demain après demain », et pouvant se traduire par : « dans le futur » ou « à l’avenir ». Une troisième expression : ȝbd n hrw, « mois de jours » ou « un mois complet », est attestée par trois fois dans l’ostracon O. Ashmolean Museum 1933.810 6-7, 9 et verso 8. Enfin, une quatrième formule : ḫpr, mentionnée dans des textes de promesses et/ou de serments, implique un paiement avant une date limite particulière qui figure, par exemple, dans les ostraca O. De M 58 et 59 et peut être traduite par : « Avant que se produise… ». Les montants des locations varient selon les documents589 et les périodes peuvent être précisées ou bien peuvent être déduites du jour de la location à celui au cours duquel il doit être rapporté. Certains actes précisent les deux, ou, au contraire, n’indiquent ni le premier ni le dernier jour de location. Des périodes courtes, de moins de dix jours sont assurées, tout comme des durées moyennes allant d'une à deux décades et des locations longues durées de deux à quatre mois. Ces animaux peuvent aussi donner lieu à une cession. Le P. Loeb 44 + 49 expose les modalités d’une vente d’ânon passée, en 489 avant n. è., entre un gardien d’oies du domaine d’Amon et une autre partie dont l’identité a disparu, et pour laquelle quatre témoins sont appelés en garantie. La formule de satisfaction se rapportant à l’échange financier ne dévoile pas le montant 588
J.J. Janssen, Donkeys at Deir el-Medîna, Leyde, Nederlands Instituut Voor Het Nabije Oosten, 2005, p. 82. 589 J.J. Janssen, Ibid., pp. 82 sqq. Le prix de location d’ânes à Deir el-Medinah, exprimé en grains, varie. Par exemple dans trois ostraca, il s’élève à ¼ d’oipé et dans deux autres à ½ oipé. Il peut être exprimé en deben par mois ; et, puisqu’un deben est équivalent à 2 oipé, le coût atteint 10 oipé par mois ou 1/3 d’oipé par jour. D’autres locations sont estimées à 19 jours pour 12/4 khar, ou 2 2/4 khar pour 25 jours. D’autres variations encore sont attestées. L’O. Strasbourg H 182 précise que la location est de 100 jours qui représentent 5 1/4 khar ou 21 ½ oipé, ce qui équivaut à entre ¼ et 1/5 d’oipé par jour. Les ostraca O. Petrie 4 et 34 s’avèrent complexes. Dans le premier, l’animal est loué pour 81 jours, mais l’emprunteur ne procède qu’à un paiement partiel avec une chèvre évaluée 3 deben. Aussi, est-il condamné à verser 20 deben, le double de ses arriérés : le prix réel aurait été de 13 deben ou 26 oipé, à savoir 1/3 d’oipé par jour.
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versé. L’acte décrit l’animal portant une marque dont les particularités restent imprécises. La modalité de transmission « c’est à toi » trouve sa place dans une formule plus complète : « C’est ton âne de ce jour et pour toujours. » Elle est complétée par des clauses de garantie usuelles témoignant de l’importance et de la valeur de l’objet de l’acte. De même, un âne ou un ânon peut être apporté dans une corbeille de mariage (P. Rylands 37 2)590, et le contrat de mariage peut prévoir la transmission des biens dont il fait partie (P. Rylands 10 3 de janvier 315 ; Hawara 2, 3 et 6)591. Par ailleurs, peu de temps après le premier acte de dévolution en faveur de sa fille, Rourou, par Psenèse, son épouse établit deux testaments, datés du 29 février/29 mars 517592 et portant les références : P. Bibliothèque Nationale 216 et 217, et par lesquels elle institue ses deux enfants déjà nés, demi-frère et demi-soeur, héritiers de son patrimoine présent et à venir. Chacun d’eux aura ainsi droit à la propriété d’un demi-âne ! Les individus louant ces animaux sont pour leur plus grand nombre des porteurs d’eau, suivis par les bûcherons, puis les blanchisseurs et les chaudronniers. D’autres : ouvriers, scribes, policiers, gardiens et femmes, peuvent aussi en obtenir593. Des intermédiaires, qui ne sont ni propriétaires ni ceux qui en obtiennent la location, sont rarement assurés, et les textes sèment le doute. Ainsi, le P. Turin 1976 en témoigne, qui rappelle que les serviteurs des magistrats de la cité tentent de saisir l’âne que le propriétaire avait confié à un individu, mais ce dernier, plus puissant, le récupère. Il retourne ensuite l’animal par « la main » du scribe Seramun. Il semble trop spécifique de le considérer comme un intermédiaire. Un personnage du nom de Tjaʽo se voit donner 27 deben de cuivre en marchandises par un nommé Menna, censé lui apporter pour cette somme un âne. Par deux fois, il s’en retourne avec un animal qui ne satisfait pas l’acheteur : aussi, Menna exige-t-il soit le remboursement, soit un âne de bonne qualité594. Son emploi se confirme régulièrement. Les opérations concernant ces animaux sont assurées, qui vont de la copropriété de l’animal à sa location, et 590
F.L.I. Griffith, Catalogue of the Demotic Papyri in the John Rylands Library, with Fac-Similes and Complete Translations, t. III, traduction, commentaires et index, Manchester et Londres, Sherratt-Hughes, 1909. 591 G.R. Hughes et R. Jasnow avec la contribution de J.G. Keenan, Oriental Institute Hawara Papyri Demotic and Greek Texts from an Egyptian Family Archive in the Fayoum. 592 E. Cruz-Uribe, « A Transfer of Property during the Reign of Darius I, (P. Bibl. Nat. 216 and 217) », pp. 33-44. P.W. Pestman et S.P. Vleeming, Les Papyrus démotiques de Tsenḥor (P. Tsenḥor), N° 5 et 6. 593 J.J. Janssen, Donkeys at Deir el-Medîna, p. 101, tableau VI et VII. 594 J.J. Janssen, Ibid., p. 105, il s’agit d’un intermédiaire.
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dont les modalités sont variées, répondant ainsi aux nécessités des parties, ou encore à sa vente, son achat ou son échange. Cette situation peut donner lieu à des abus lorsque les spécimens sont possédés en copropriété. Et, les plaintes en justice colorent les comportements de ceux qui les louent et n’en prennent guère soin ou effectuent des opérations sans pour autant respecter leurs engagements. Leur utilité ne s’est jamais démentie jusqu’à ce jour : objets de contrats, leur valeur est manifeste.
Navigation et distribution : bateliers et pêcheurs La navigation sur le Nil, ses branches et ses canaux s’avère essentielle, ces derniers jouant le rôle de « routes » du pays. La crue annuelle du grand fleuve, inondant la vallée et le Delta, rend nécessaire l’usage de la navigation : la batellerie s’est ainsi imposée, et ce depuis les temps préhistoriques. De nombreuses attestations nous en sont parvenues, qui figurent dans les scènes du quotidien et de l’ensemble des activités nautiques. L’iconographie des tombes et des temples, de même que les nombreux modèles, s’en font l’écho. Des scènes de construction navale, mais également de navigation avec ou sans voile595, sont connues qui courent de l’Ancien Empire à la Basse Époque. Elles dévoilent le transport de personnes, d’animaux596, de marchandises597, ou encore le grand commerce d’importations et d’exportations déjà évoqué598. Outre l’iconographie, des textes évoquent les navires et la navigation. Ainsi notamment, des Textes des Pyramides (Ancien Empire) et des Textes 595
M.M. Abd el-Maguid, « La batellerie nilotique à l’époque pharaonique », p. 20, fait allusion aux scènes de construction navale, figurant dans des scènes du tombeau de Ti à Saqqarah à l’Ancien Empire, de Khnoum-Hotep II à Beni Hassan au Moyen Empire, de Kaha à Deir el-Medineh au Nouvel-Empire, le tombeau d’Aba à Thèbes à la Basse npoque. La navigation avec ou sans voile est attestée comme thème essentiel dans le tombeau de Ti et le temple d’Userkaf de l’Ancien Empire à Saqqarah, le tombeau de Khnoum-Hotep II du Moyen Empire à Beni-Hassan tombeaux TT40 et TT96 du Nouvel Empire, le temple de Mut de la Basse npoque. 596 M.M. Abd el-Maguid, Ibid., p. 21, rappelle qu’ils sont figurés dans le tombeau de Khnoum-Hotep à Beni-Hassan du Moyen Empire, celui d’Akhet-Hotep-Her de l’Ancien Empire à Saqqarah, de Paheri du Nouvel Empire à El-Kab. 597 M.M. Abd el-Maguid, Ibid., p. 21, rapporte leur représentation dans le tombeau de Ptah-Hotep de l’Ancien Empire à Saqqarah, le tombeau d’Ipy du Nouvel Empire à Thèbes, et sur des monuments et éléments architectoniques : transport des colonnes papyriformes de la chaussée d’Ounas à l’Ancien Empire, transport d’obélisques au temple d’Hatchepsout au Nouvel Empire. 598 M.M. Abd el-Maguid, Ibid., pp. 21-22, évoque les navires du temple funéraire de Sahouré de l’Ancien Empire à Abousir, et ceux du tombeau de Kenamon du Nouvel Empire à Thèbes.
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des sarcophages (Moyen Empire), ou encore, du Texte de Hiq Ata de Syène, du Livre des morts, du Papyrus d’Ani (Nouvel Empire), ou de textes à caractère historique ou administratif avec la Pierre de Palerme (Nouvel Empire). Datant du Moyen Empire, la stèle d’Intefoker, à Wadi Gawasis, concerne également la construction navale. De même, des expéditions à Ayn Soukhna et au Wadi Hammamat, un inventaire et une lettre de charpentier, ont laissé des traces dans des textes. Cet ensemble transmet des indications sur la construction des navires, à voile et/ou à rames et leur appareil de gouverne. De papyrus ou de bois, les navires se sont diversifiés au cours du temps afin de s’adapter aux besoins. Si les essences provenant d’ngypte ne sont pas d’une qualité exceptionnelle, elles sont néanmoins employées pour la batellerie en raison de la facilité d’approvisionnement et de leur coût peu élevé. Par exemple, le sycomore, le tamaris et l’acacia sont attestés dans la construction en batellerie, et des essences comme le cèdre, le chêne et le cyprès, importées de Chypre ou de la Phénicie, sont sélectionnées pour la construction des navires royaux et cérémoniaux, et ceux destinés à la navigation sur mer. Ces matériaux sont à mettre en relation avec les informations transmises par le registre douanier C3.7, qui révèle de nombreuses importations de bois sous des formes diverses599. Ces essences précieuses ne manquent pas d’être réutilisées. Et l’emploi de variétés de bois locaux témoigne de l’utilisation de pièces courtes, évoquées par Hérodote (II. 96) : « Ils le débitent en planches longues de deux coudées, qu’ils assemblent comme des briques », et « fixent ces planches par de longues chevilles très rapprochées ». Puis, ils calfatent les joints intérieurs avec du papyrus. Ces constructions navales sont dotées de particularités techniques permettant leur démontage600 : elles peuvent ainsi être transportées à travers le désert depuis le Nil jusqu’à la mer. Avec la période perse, ses spécificités sont progressivement abandonnées au profit des techniques méditerranéennes. Pour autant, le type nilotique prédomine et évolue au cours du temps en fonction des usages, qui se distingue des navires de mer. Les navires de guerre diffèrent également des bateaux de commerce. Enfin, l’emploi des voiles ou des rames dépend des conditions de navigation : celle qui va du nord vers le sud s’effectue à contre-courant et bénéficie des vents dominants qui permettent l’utilisation de la voile ; au contraire, celle qui va du sud vers le nord peut s’effectuer à gré d’eau et l’usage des rames s’avère 599
Voir p. 302. M.M. Abd el-Maguid, Ibid., p. 25, cite ces particularités reposant sur des assemblages par ligatures transversales, puis sur un système d’assemblages par ligatures ponctuelles, associé à un réseau de tenons et de mortaises contrairement à la construction navale méditerranéenne (Ayn Soukhna, El-Licht), qui permettent le démontage des navires. La très forte épaisseur des bordages de la coque atteint de 10 à 20 centimètres d’épaisseur.
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parfois nécessaire. Si construction privée et d’État coexistent, ce dernier impose ses normes qui contribue à assurer le développement technique. Le réseau des canaux de communication, puis des canalisations permettant l’irrigation des champs, s’est développé de tout temps. Or, le cours du Nil peut être divisé en quatre régions, qui court du sud au nord et va de la Nubie égyptienne à la Vallée, au Fayoum puis au Delta, dont la géographie s’avère spécifique, et, le long du Nil et de ses affluents, des ports au rôle essentiel se sont installés. Parmi les canaux, celui reliant le Nil à la mer Rouge est réalisé sous les auspices de Darius Ier. Le rôle du transport par les navires apparaît nécessaire dans l’économie et les échanges, qui collectent les biens agricoles et artisanaux, les livrant d’un point à un autre. Il permet aussi le déplacement des personnes, dont certaines doivent surveiller leurs affaires ou participent à des fêtes religieuses. La navigation est ainsi largement attestée chez les Judéens d’Éléphantine qui envoient, échangent ou acquièrent des marchandises grâce à ce trafic maritime, qui concerne tant les activités privées qu’institutionnelles, et/ou se déplacent par ce moyen. Quelques informations nous sont parvenues sur l’identité de bateliers vivant à Éléphantine. Ils sont cités dans divers documents témoignant de leur origine égyptienne. Les contrats B2.1 ou B3.5 9. 13 citent le batelier égyptien PefÓuauneit, spécialiste des cataractes et dont le fils, Espmet, qui reprend son activité, est mentionné dans les contrats B2.2 10-11 et B2.3 8 comme mlḥ zy myʼ qÎyʼ, « un batelier des eaux houleuses ». Ce titre est porté par des bateliers particulièrement doués naviguant sur les rapides de la première cataracte. Il semble correspondre à celui de : nf (pȝ) mw bjn, « pilote de bateau/batelier des eaux houleuses » des papyri égyptiens (P. Berlin 13614 1, contrat de mariage de l’an 34 d’Amasis)601. Le document B.3 12 20 mentionne également deux frères « bateliers des eaux houleuses » du nom de Pḥe/Pakhoi et Pamet, fils de Tawe. Des listes, préparées afin « d’instruire l’ignorant et de connaître tout ce qui existe », témoignent notamment de la présence de deux sortes de spécialistes chez les bateliers : « celui qui est à la proue », le jry ḥ t, et « celui qui est à la poupe », le jrw ḥmy602. Certains de ces bateliers semblent s’enrichir, puisqu’ils possèdent des serviteurs et des biens funéraires. Ceux d’Éléphantine possèdent une maison dans le village parmi celles des mercenaires et de leurs familles (B2.2) ; l’un d’eux est partie dans un acte de prêt de grains (D2.11 3-4). Les institutions : temples, potentats et État possèdent des navirescargos de fort tonnage portant l’appellation wsḫ, « bateaux larges », et chargés de procéder à la distribution de biens. Des registres journaliers, tenus sur ces bateaux, livrent des informations sur cette organisation complexe et plus 601 602
B. Porten, CS III, p. 146, n. 27. A.H. Gardiner, Ancient Egyptian Onomastica, n° 206 et 207.
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particulièrement sur les équipes en présence qui se composent des navigateurs, ou nfw, d’un responsable du navire, ou ḥry wsḫ, de surveillants, ou sȝw, d’escorteurs, ou mškbw, de subalternes et de spécialistes des transactions, ou šwtjw. Connue dès l’ère ramesside, cette organisation apparaît dans le P. Leyde 1350 (période de Ramsès II), qui transmet des informations sur le personnel à bord d’un navire amarré à Pi-Ramsès et dont le propriétaire serait un prêtre-sm de Ptah de Memphis du nom de Khaemwas et l’un des fils de Ramsès II, en correspondance journalière avec son navire grâce aux envoyésšmsw. Des entrées et sorties de biens et de denrées sont enregistrées journellement. Parmi les membres de l’équipage, un ḥry mškb, ou chef603, des bateliers-nfw et, pendant cinq jours, des nfw n sm rattachés au prêtre-sm de Ptah. Le journal de bord de ce navire témoigne d’un équipage de 35 à 38 personnes auxquelles une ration (généralement de pain) est distribuée chaque jour604. Des mškbw recevraient, à un moment, une cruche de vin en gratification. Considérés comme des pilotes, des techniciens de la navigation, les bateliers-nfw bénéficient d’un statut élevé605. Cette activité se perpétue de père en fils, ainsi que l’assure une stèle de Saqqarah du Nouvel Empire. Le registre central représente les filles et les fils du couple formé par Suty, lequel porte le titre de ḥry nfw n Mȝʽt, « nfw en chef ou capitaine de Maât », et son épouse, Tawerethetepti. L’un d’eux, dénommé Panakhtemniwt, porte le titre de « batelier de la barque de Ptah », ou « nfw de Ptah » (JE 8781)606 ; son beau-fils, Khay, est attaché à la barque de Ptah comme nfw. De fait, le terme nfw se rapporte à deux fonctions : capitaine de navire ou batelier. Peut-être Suty était-il capitaine de navire ou chef des capitaines. Un chef des capitaines d’une institution commanderait sa flotte de navires607. Ainsi, pour Suty, une 603
J.J. Janssen, Two Ancient Egyptian Ship’s Logs, P. Leyde 1350 Ve, pp. 1-52. S. Bickel, « Commerçants et bateliers au Nouvel Empire », pp. 157 sqq. 604 J.J. Janssen, Two Ancient Egyptian Ship’s Logs, P. Leyde 1350 v°, pp. 1-52. 605 T.O. Säve-Soderbergh, The Navy of the Eighteenth Egyptian Dynasty, Uppsala et al., O. Harassowitz, 1946, pp. 86 sqq. Des objets funéraires leur ayant appartenu ont été mis au jour, tout particulièrement un pectoral comportant le chapitre 30B du Livre des Morts, G. Kueny et J. Yoyotte, Grenoble, musée des Beaux-Arts, Paris, 1979, pp. 123-124. De même, une série de stèles, H.M. Steward, Egyptian Stelae, Reliefs and Paintings, II, Warminster 1979, pl. 32, 2. À la Basse Époque, un batelier-nfw attaché au domaine d’Amon s’est fait confectionner un sarcophage au décor très élégant, G. Kueny et J. Yoyotte, Grenoble, musée des Beaux-Arts, p. 102. 606 G.A. Gaballa, « False-door Stelae of Some Memphite Personnel », SAK 7, 1979, pp. 41-52, spéc. pp. .42-44 et 50-51, Stèle Le Caire JE 8781. 607 T.O. Säve-Soderbergh, The Navy of the Eighteenth Egyptian Dynasty, rappelle les paroles du vizir Rekhmiré décrivant les devoirs du nfw responsable d’un bateau ou capitaine du navire.
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telle fonction comporterait l’une ou deux de ces activités. L’une consisterait à commander la flottille de navires chargés d’apporter la moisson de grains du temple de Maat annuellement608. Et l’autre se rapporterait à la surveillance des navires remorquant la barque sacrée de la déesse les jours de fête. L’évocation de l’arsenal sis à Memphis se relie à l’autorisation envoyée par le satrape Arsamès à un personnage nommé Waḥpremaḥi afin de faire procéder au diagnostic quant à l’état d’un navire, ou spyntʼ (A6.2 3), le 13 tebeth en l’an 12 du roi Darius, soit le 12 janvier 411 avant n. è. Cette lettre livre de précieuses informations sur l’organisation du transport par bateau et également sur le système administratif institutionnel et ses complexités. Elle rapporte qu’un autre individu, appelé Mithridate, l’informe et requiert, puisque le temps est venu pour le navire, donné à bail héréditaire, que ce dernier soit enfin réparé (A6.2). Le rôle et le pouvoir du satrape y apparaissent clairement : il doit être informé dans le détail afin de prendre une décision. Aussi, celui-ci exige-t-il que le bâtiment soit mis en cale sèche et que des instructions parviennent aux comptables du Trésor, qui seuls, après une solide inspection, sont en mesure de préparer un décompte/budget des dépenses à prévoir pour les réparations afin que les autorités fassent parvenir les matériaux nécessaires. Les comptables ont ainsi préparé un long rapport en trois parties, par lequel ils confirment l’inspection à laquelle ils ont procédé. Ils reconnaissent d’abord la nécessité des réparations à effectuer : « le temps est venu de faire les réparations » (A6.2 8-9). Puis, ils dressent un état des besoins qui comportent une douzaine de matériaux, composés de quatre sortes de bois mesurés en coudées. En fonction de ce rapport, les comptables demandent au satrape d’autoriser les débours (A6.2 4-6) prévus en présence d’un chef charpentier, censé procéder immédiatement aux réparations. Partant, Arsamès écrit à Waḥpremaḥi, probablement en charge des magasins, et lui demande d’accéder à ces demandes en fonction de la description des réalités comptables et des nécessités matérielles609. Ce courrier souligne l’étroite surveillance des dépenses à effectuer et les longues et minutieuses procédures administratives menant aux réparations. Des précisions techniques indiquent quelles sortes de bois doivent être employées : du nouveau bois de cèdre, du bois dur de vieux cèdre, etc., et divers autres matériaux : clous de bronze ou de fer, étançons, poteau d’amarrage, des tissus de lin pour 180 karshen, du placage pour 250 karshen, de l’arsenic pour 100 karshen, du soufre pour 10 karshen. D’autres précisions mentionnent les proportions des pièces de placage. Le message exige enfin que ces matériaux soient remis entre les mains d’un personnage du nom de 608
G.A. Gaballa, « False-door Stelae of Some Memphite Personnel », p. 51. B. Porten, « Elephantine », dans R. Westbrook éd., History of Ancient Near Eastern Law, Leyde, Brill, 2003, pp. 863-881, spéc. p. 866. 609
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Shammou, fils de Kanufi et le chef charpentier et « blanchisseur », afin d’agir au plus vite dès lors qu’un ordre aura été émis. Ce qui se concrétise immédiatement. Le scribe chancelier judéen Hananyah transmet son accord et le scribe Nabuaqab son identité (A6.2 23. 28). Le terme qu’emploie le texte afin de spécifier la catégorie du bateau, qui n’est ni un bateau de pêche ni un bateau plat, semble renvoyer indifféremment à un navire de transport de personnes et de marchandises. Par ailleurs, des propriétaires privés de bateaux sont attestés dès l’époque ramesside. Outre leur objet premier, les bateaux de pêche sont parfois loués pour le transport de grains, d’autres marchandises et/ou de personnes. Aussi, semble-t-il plus que plausible que des marins, et/ou des pêcheurs, assurent des services de livraison et de déplacement probablement réguliers entre l’île d’Éléphantine et Syène en fonction des besoins610, et conformes aux messages inscrits sur les ostraca, qui exigent que des déplacements soient effectués d’urgence le jour même d’Éléphantine à Syène et réciproquement. D’autres sortes de navires sont connues, dont la missive D.7.4, concernant des instructions imprécises transmises à Aḥutab à propos de Nathan, afin qu’il ne se rende pas à Syène à bord du spynh, ou « bateau », nous informe. Les bateaux plats, qui font le transport des marchandises, semblent porter une appellation spécifique : ʼlpy (D7.2 4). Un courrier envoyé à sa mère par un personnage dont l’identité ne nous est pas transmise l’informe de l’arrivée du « berger de moutons » nommé Sekhmiré à Syène ce jour (D7.1). Une location de bateau, de même que le partage du prix de la location entre ses divers propriétaires est évoquée dans une même lettre (A3.10 2-3). Un voyage bʼlpʼ, « en bateau », est mentionné dans la missive A3.10 7-8. Une enquête est diligentée afin de retrouver un envoi par bateau manquant et divers propriétaires interrogés (D7.13 ; premier quart du Ve siècle). Un ostracon (D7.15 3) cite le mry ʼlpʼ, « maître du bateau », et un autre atteste d’une sorte de service postal de transport de lettres (D7.24 1). Un message, A2.6, informe le destinataire à Louxor de ne pas s’inquiéter à propos d’un enfant au sujet duquel l’expéditeur précise : « Nous recherchons un bateau afin qu’ils puissent vous l’amener ». Un envoi/une livraison en vue d’une donation, ḥnt, de 70/61 pièces (troncs de bois), destinées à l’autel du Temple, est effectué par bateau sous l’égide de l’Égyptien PeÓekhnum (D7.36). D’autres messages mettent en lumière certaines de ces situations, tels l’annonce de l’arrivée d’un homme qui se rend à Syène avec un mouton à vendre (D7.1), ou l’échange de légumes et d’orge envoyés par bateau (D7.16) ; l’ostracon D7.9 évoque « la rivière ». Les P. Turin 1895 + 2006 et Papyri Turin 2008 + 2016 ont enregistré cette activité des pêcheurs transportant diverses marchandises, dont les 610
B. Porten, CS III, p. 207.
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grains611. Le pêcheur y est rémunéré par un sac de grains. Ces bateaux de pêche peuvent aussi être utilisés pour le transport des personnes (Papyri Turin 2008 + 2016)612, ou bien encore être réquisitionnés613. Le texte consigne l’utilisation par un scribe de la nécropole de deux bateaux dont l’un appartient à un pêcheur et l’autre à un patron/capitaine de navire. Le premier se voit accorder un sac de grains pour rations et le second vingt sacs pour ses services. Pour autant, les montants inscrits ne sont pas nécessairement le reflet de la réalité, puisque le scribe les a, à ce qu’il semble, falsifiés614. Ce même document consigne la location d’un navire pour un voyage d’un lieu dénommé « La nouvelle terre des Pylônes de la Maison d’Osiris » à Héliopolis et dont la rémunération s’élève à trois sacs de grains. Le P. Genève D191 13 mentionne l’utilisation d’un bateau-tqȝy appartenant à un pêcheur toujours pour du transport de grains. Les trois hommes en rapport avec cette embarcation se permettent de profiter de l’absence du mari et se faire rémunérer avec prodigalité par l’épouse d’un montant de deux sacs et demi par personne615. Ces embarcations trouvent ainsi un emploi supplémentaire dans le fret de marchandises et le transport de personnes ; les institutions, lorsque besoin se fait sentir, en font également usage, et parfois les réquisitionnent616. Des navires privés sont engagés dans le commerce extérieur. Le P. Anastasi IV 3, 10 s’en fait le témoin : pȝy.k mnšw ỉỉ ḥr Ḫȝr ȝtpw m ḫt nb nfr, « Ton navire est venu de Syrie chargé de toutes sortes de bonnes choses. »617 Le propriétaire du bateau n’est pas rattaché à une administration et aucune activité ne lui est attribuée. Aussi, apparaît-il comme le paradigme de l’indépendance économique et du développement de la richesse individuelle. Et, un bateau appartenant à un šwty est évoqué dans le P. British Museum 10053 r° 7 18. D’autres vaisseaux, dits « bateaux larges » ou barges, sont destinés à collecter et distribuer et/ou échanger des denrées tout le long du fleuve. Ils transportent produits agricoles et matériaux divers le long du fleuve et des
611
A.H. Gardiner, RAD, p. 35 ; « Ramesside Texts Relating to the Taxation and Transport of Grain », pp. 22 sqq. 612 J.J. Janssen, Two Ancient Egyptian Ship’s Logs, P. Turin 2008 + 2016, p. 78. 613 E.W. Castle, « Shipping and Trade in Ramesside Egypt », pp. 248-250. 614 A.H. Gardiner, « Ramesside Texts Relating to the Taxation and Transport of Grain », pp. 30 sqq. 615 J. Černy, Late Ramesside Letters, SAOC 33, Bruxelles, Fondation égyptologique Reine Elisabeth, 1939, p. 57. 616 E.W. Castle, « Shipping and Trade in Ramesside Egypt », pp. 249-250. 617 A.H. Gardiner, Late-Egyptian Miscellanies (LEM), 36, 4.
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canaux. L’activité la plus intense est assurée au moment des récoltes lorsque les grains doivent être transportés des champs aux entrepôts. Ainsi, une flottille de vingt et un navires appartenant au grand temple d’Amon est assurée par le Papyrus Amiens 1618. Les bâtiments sont destinés au transport de grains qu’ils collectent et livrent. Leur capacité atteint 900 sacs de grains, chacun équivalent à environ 43 tonnes de cubage, et leur longueur, d’environ 65,5 mètres, souligne l’importance de leur taille. Les navires de la flottille citée dans ce document seraient déchargés « en masse » afin que le grain, provenant de divers domaines provinciaux, soit distribué aux institutions y ayant droit619. Le verso de cet écrit documente les mouvements de deux navires naviguant de port en port afin de collecter de petites quantités de grains auprès des domaines d’Amon. Ces dernières sont livrées au temple d’Amon, à Karnak, et à ses dépendances620. Les navires transportent des cargaisons diverses afin de ne pas voyager en partie vide ; le P. Amiens r° 2, 4-6 en témoigne, qui transmet la liste des biens transportés par le vaisseau du capitaine Minseankh, fils de Bakamun, de la Maison d’Amon : le nombre de sacs de grains déposés sur le bateau en divers lieux621, attestant d’accords entre plusieurs institutions, semble démontrer que le temple de SétyMerenptah et celui de Ramsès II auraient des arrangements réciproques afin de transporter les marchandises avec le plus d’efficacité possible. Enregistrant le ramassage d’importantes quantités de grains par le scribe de la nécropole Dhutimose, assisté de gardes, le P. Turin 1895 + 2006 (RAD 35-44), daté de la douzième année de Ramsès XI, en spécifie également l’origine : elles proviennent des champs du pharaon dits khato. Les grains sont collectés dans des cités au sud de Thèbes et dans la capitale, puis envoyés par bateaux sur la rive ouest de Thèbes ; enfin, ils sont livrés pour partie au grenier supervisé par le maire de Thèbes ouest et pour partie à la nécropole. Le verso, daté de l’an 14, enregistre entre autres la réception de petites quantités de grains livrées par des étrangers. Le P. British Museum 10447, de l’an 54-55 de Ramsès II, consigne la livraison de grains à une statue du souverain d’un lieu voisin de Nefrusi. Celle-ci est effectuée par deux ỉḥwtyw, ou cultivateurs, d’un petit domaine, chacun d’eux devant fournir 200 khar par an622. En outre, 618
A.H. Gardiner, RAD, 1-13. A.H. Gardiner, « Ramesside Texts Relating to the Taxation and Transport of Grain », p. 41. 620 J.J. Janssen, « Prolegomena to the Study of Egypt’s Economic History during the New Kingdom », p. 147. 621 E.W. Castle, « Shipping and Trade in Ramesside Egypt », pp. 241-242. 622 J.J. Janssen, « Prolegomena to the Study of Egypt’s Economic History during the New Kingdom », p. 148, n. 89, considère que cette quantité représente les revenus des champs. La même quantité est attestée dans le P. Bologne 1086 25. 619
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témoignant de la diversité des cargaisons, le P. Turin 2008 + 2016, déjà évoqué, mentionne une cargaison de cinq mille poissons, d’huile, de vin, de semences, de rouleaux de papyrus, de sel, de joncs, de cordes, et de volailles623. Les P. Turin 1882 vs 1, 2 et Leyde 348 vs 9, 1, concernent des reçus de transport de grains. Le premier transmet cette information : l’envoi de grains appartenant au temple d’Amon-Ré est placé sous l’autorité du maître des écuries de la Résidence, témoignant de la coopération entre le temple et la Couronne. Celle-ci possède également une flotte de navires. Le verso du P. Sallier IV 9, 1 concerne des grains chargés sur un navire appartenant au grenier de Pharaon et sous l’autorité d’un scribe royal et surveillant du grenier, lui-même sous l’autorité d’un adjoint au commandant de l’armée. Ce document est rédigé par un scribe royal et intendant du temple funéraire de Merenptah, à Thèbes, « dans la maison d’Amon »624. La relation entre le temple et la Couronne s’affirme encore625. Le Décret de Nauri interdit expressément aux commandants d’une forteresse construite par Séti Ier de prendre des biens sur des bateaux appartenant au temple d’Osiris au retour de Nubie. Cette inscription, de même que celle de Rekhmire, comporte une liste de taxes payées par des fonctionnaires. Ceux-ci pouvaient imposer un montant fixe payé en taxes à la Couronne et ce qu’ils étaient en mesure d’extorquer en plus constituait leur revenu personnel. Pour autant, le taux de « prélèvement » reste inconnu626. Lors de la période saïto-perse, l’État possède des navires dédiés à la collation et la distribution d’un certain nombre de matières premières, dont le commerce du sel semble paradigmatique : il s’acquiert auprès de « bateaux de grains » ou « bateaux larges » qui mouillent par exemple à Éléphantine (D7.2 5). L’ostracon araméen D7.2 évoque les « bateaux à grains » qui transportent 623
S. Bickel, « Commerçants et bateliers au Nouvel Empire », p. 158. J.-M. Kruchten, Le décret d’Horemheb, Bruxelles, éd. de l’Université de Bruxelles, 1981, p. 45. 625 Selon E.W. Castle, « Shipping and Trade in Ramesside Egypt », p. 245, les exemptions de taxes de transit peuvent être admises comme désavantageuses, non pour les intérêts royaux mais pour les responsables chargés de les collecter. Elles auraient pour objet de rembourser les temples pour leur soutien logistique et financier durant les périodes de guerre extrêmement coûteuses. Les temples possédaient des réserves financières importantes, de nombreux vaisseaux pour le transport des troupes et du matériel lors des campagnes militaires. Des butins considérables, envoyés aux trésors d’Amon après ces campagnes, seraient admis comme un remboursement. 626 M. Lichtheim, « The Naucratis Stela Once Again », dans J.H. Johnson et E.F. Wente éd., Studies in Honor of George H. Hughes. Studies in Ancient Oriental Civilisations 39, Chicago, University of Chicago Press, 1977, pp. 139-147. 624
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du sel et en vendent aux particuliers : « S’il n’y a pas de sel dans la maison, achètes(-en) aux ʼlpy ʽbwrʼ, "bateaux à grains", qui sont à Éléphantine » (D7.2 3-5 partie concave). Un document qui révèle la présence de ces barges amarrées le long des berges de l’île. Les textes ne transmettent pas la durée de ces amarrages. En effet, le sel, en provenance de Basse-Égypte et transporté par les navires, ne fait pas partie des rations transmises par le gouvernement et est acheté en dehors des allocations versées par le magasin du roi627. Le journal de bord d’un navire destiné aux échanges commerciaux d’une certaine envergure et probablement pour le compte du domaine d’Amon, révèle que sa cargaison comporte entre autres du sel distribué lors de ses différents amarrages628.
Jours de bateaux Notion juridique particulière, la « journée de bateau » est connue par des documents tels les décrets de Nauri et d’Horemheb, le P. Caire 58056, qui correspond à une journée de travail sur un navire, répandu comme moyen de transport. Le Décret de Nauri (II.47-50) prévoit un terrible châtiment corporel et financier pour tout officiel, ou personne envoyée en mission à Koush, qui « retiendrait tout bateau » du temple d’Abydos, fondation funéraire de Séthi Ier, ou « tout bateau de toute autorité du susdit domaine, et qui l’immobiliserait ne fût-ce qu’un seul jour, en (se) disant : "Je vais le prendre à titre de réquisition pour (effectuer) n’importe quelle mission de Pharaon grâce à lui" »629.. Outre la punition corporelle, la ou les journées de bateau, « pendant tout jour qu’il passera amarré », sont confisquées et restituées au temple d’Abydos. Parmi la liste des officiels, figurent entre autres : « tout vice-roi, tout chef d’archers, tout maire, toute autorité, tout officiel ». Saisir « le travail » d’un bateau amarré n’est guère concevable : aussi, la confiscation porte-t-elle sur la valeur forfaitaire d’usage d’un homme ou d’une embarcation estimée en « journées ». Ces « journées » correspondaient à des hrw n bȝk, ou « journées de serviteurs ». Il s’agirait alors de journées « fictives », objets de transactions juridiques ou de détournement630. Le Décret d’Horemheb (II. 1323) se préoccupe également du détournement, par des agents royaux, de maind’œuvre et de bateaux appartenant à des nmḥyw, ou particuliers ayant fabriqué eux-mêmes leur bateau, ou bien de bateaux de particuliers qui le louent ou l’empruntent, ou encore de bateaux de particuliers propriétaires de ḥm, 627
B. Porten, CS III, p. 215, n. 6. P. Turin 2008 + 2016 de la XXe dynastie, S. Bickel, « Commerçants et bateliers au Nouvel Empire », p. 158. 629 KRI I, 53, 10-16. 630 J.-M. Kruchten, « Une notion juridique égyptienne : celle de « journée de bateau », CdE 70, 1995, pp. 65-71, spéc. pp. 65-67. 628
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serviteurs, ou ḥm.t, servantes. Ce texte explore les conséquences de cet abus, car le détenteur « se retrouve (à la fois) sans son bien et privé de ses multiples services » (II. 14). Mais, lorsqu’il s’agit d’un bateau loué ou emprunté, le texte ne concerne que la perte des « services » de ce bateau (I. 18). Il différencie la perte de l’objet et celle de son usage631. Une clause d’indemnisation de la victime semble prévue. Le P. Caire 58056, daté du règne de Ramsès II632, et concernant un navire de transport (kȝr) spécialisé dans le transport des céréales, mentionne le pȝ hrw n bȝkw.f, « jour de son travail ». L’expéditeur de cette lettre exige de son destinataire, Akhpet, l’envoi du bateau qu’il s’était engagé à mettre à sa disposition, et met l’accent sur le fait que : « c’est le jour de son travail » à savoir le « jour de travail » de ce navire. Il menace d’exiger le remboursement d’une dette plus ancienne et importante d’un montant de quatre-vingt deben de cuivre ou quatre-vingts khar d’épeautre. L’expéditeur de la missive rappelle la promesse de son destinataire de lui « amener le bateau » à son arrivée. Il emploie l’expression : « C’est (en effet) son jour de travail », message qui doit être envoyé au soldat Pasanésou censé lui remettre le bateau : dỉ.ỉ bȝk(.f) pȝy, « que je (le) fasse travailler ». Cette expression s’applique au bateau. Ce qui semble pouvoir être analysé comme une
location est considéré par les Égyptiens comme vente de « journées de travail »633.
Travail dépendant ? Outre le travail libre et attesté dans des écrits d’Éléphantine, les rapports de dépendance de certains serviteurs jouent probablement un rôle non négligeable tant dans les activités domestiques que pour le travail de la terre. Si Tamet et sa fille JehôyîÎmaʽ sont libérées par leur maître Meshoullam, moyennant des conditions drastiques (B3.6), le document de manumission ne signifie pas pour autant qu’elles ne jouissent pas d’une capacité juridique équivalente à celle d’autres personnes libres. De fait, il est à penser que Tamet joue un rôle dans l’espace domestique chez Meshoullam, ce qui ne l’empêche aucunement de s’unir à ʽAnanyah, de fonder une famille et devenir propriétaire d’une partie de la maison familiale. Peut-être peut-on évoquer un statut « semi-libre ». Le satrape fait appel au travail de dépendance et, dans l’une de ses missives, exige de son intendant qu’il « marque » ses serviteurs. À la 631
J.-M. Kruchten, Le décret d’Horemheb, pp. 72-73. A. Bakir, Egyptian Epistolography from the Eighteenth to the Twenty-First Dynasty, Le Caire, IFAO 48, 1970, pl. 4-5 ; VII. J.-M. Kruchten, « Une notion juridique égyptienne : celle de « journée de bateau », pp. 68-71. 633 J.-M. Kruchten, « Une notion juridique égyptienne : celle de « journée de bateau », p. 71. 632
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recherche d’artistes et d’artisans, il requiert, en dépit de leurs talents, qu’ils soient marqués, ce qui exprime une forme de dépendance. La notion de marque se doit d’être nuancée à l’observation d’un relief du temple de Ramsès III à Médinet Habou, et célébrant la victoire du souverain sur les Peuples-dela-mer : il représente des captifs debout et libérés, et marqués sur l’épaule droite au moyen d’une tige longue pareille à un calame, puis enregistrés634. Ainsi, juridiquement, ce sont des hommes libres ou semi-libres qui peuvent fonder un foyer, contracter et payer l’impôt. La terminologie transmet deux termes synonymes, hem et bȝk, signifiant « les personnes qui travaillent »635, lesquelles jouissent d’une capacité juridique assez étendue, peuvent posséder des terres et paient l’impôt, ont une famille et transmettent leurs biens à leurs enfants. Ils peuvent contracter valablement. Aussi, le P. Berlin 13571 8, daté de l’an 5 de Psammétique II et évoqué plus haut, met-il en lumière cette réalité, où une vente de vache se concrétise entre un bȝk, maçon du pharaon, et un forgeron. Et, le P. Bibliothèque Nationale 223 9 comporte l’accord d’un bȝk à son transfert dans une autre maison. De fait, certains contrats les concernant peuvent être admis comme des contrats de louage ou de transactions sur des services ; les « ventes de soimême » sont en règle générale des engagements pour dettes. L’ensemble des P. Rylands 3-7 ne manque pas d’intérêt, qui met en scène un homme du nom de Peftouâoukhonsou et les contrats qui le concernent. Chacun de ces documents rapporte ses changements de situation636. L’acte d’engagement de cet homme (P. Rylands 3) est cédé à un autre prêtre nommé Nessemteu (P. Rylands 4). L’acte précédent, entre Peftouâoukhonsou et le grand prêtre, avait pour objet de régulariser la situation. La même année, lorsqu’il se met au service de Nessemteu, ce personnage apparaît comme un jḥwtj, ou cultivateur responsable : il s’engage afin d’éteindre une dette de soins et de frais médicaux. L’année suivante, en l’an 3 d’Amasis, ce même personnage renouvelle son engagement contre de l’argent. Puis, en l’an 8 du même souverain, il rédige un nouveau contrat moyennant « 120 mesures de blé en argent de Teudjoï et 100 mesures d’orge sec ». Ces engagements sont renouvelables chaque année et rémunérés. La formule Îȝʽ ḏt, « pour toujours », signifie « au long du temps » ou « continuellement », qui précise que Peftouâoukhonsou ne peut, pendant ces périodes, aller louer ses services
634
B. Menu, « La question de l’esclavage dans l’ngypte pharaonique », Droits et cultures 39, 2000, pp. 59-79, spéc. 60-61. 635 Ces deux termes sont interchangeables, B. Menu, Ibid., p. 67. 636 E. Cruz-Uribe, « Slavery in Egypt during the Saite and Persian Period », RIDA 29, 1982, pp. 47-77.
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ailleurs637. Six contrats démotiques de la période saïto-perse se rapportent à cette sorte de situation. Cet état d’engagement se caractérise par un choix volontaire où peut se reconnaître une forme de clientélisme638. L’esclavage privé ne semble pas pouvoir être décelé aisément dans l’ngypte pharaonique, et l’esclavage public correspondrait à un système de travail obligatoire qui, concernant tant les ngyptiens que les étrangers, ne serait qu’un état temporaire639. Ainsi, l’absence, dans la Satire des métiers, d’une mention de la condition de l’esclave s’avère peut-être la conséquence de l’absence de considération de l’esclavage comme une condition humaine définie, un état propre à un groupe social ; Hérodote (II. 164) ne mentionne pas l’esclave parmi les « sept classes d’ngyptiens ». L’usage de prêts de journées de serviteurs, hrw m ḥm /bȝkỉ, ou « jour du travail de serviteurs », correspond à une sorte d’opération commerciale avec en contrepartie un paiement. Les documents reflètent une vente de biens incorporels ou un droit accordé concernant le travail de serviteurs, qu’un particulier pouvait recevoir, puis céder. Plusieurs bénéficiaires peuvent se partager des journées spécifiées et renouvelables. Composé de quatre documents, le dossier Pétoubasti témoigne de cet usage. Ce choachyte centralise, en vue des funérailles de ses clients, une partie du personnel du temple d’Amon. Par le P. Louvre E 3228 c de l’an 10 de Chabaka, le choachyte engage Monthertaïs, le Kḏwḏ du Nord, et verse 2 deben et 2 ½ kite à la dame Tefiouniou, fille de Pétekhons. En l’an 3 de Taharqa, Pasmenamoum, fils de Setamegaou, et Tabès, sa sœur, cèdent, pour les funérailles de leurs parents, 2 deben et 4 kite à la chanteuse-recluse d’Amon Teêshbse, fille d’Ietouroz, l’« homme du Nord » Oudjahor (P. Louvre 3228 d). Puis, en l’an 5 de Taharqa, Pétekhnoumis, fils de Tabès et petit-fils de Setamengaou et Hetepêse, solde ses comptes avec Pétoubastis ; il se déclare satisfait des dépenses en argent et en services pour l’inhumation de ses grands-parents. Enfin, en l’an 6 du même pharaon, Pétekhnoumis, fils de Tabès, et sa première épouse sont les adversaires de Pétoubastis lors d’un procès à propos d’un litige concernant le paiement d’une redevance pour le transfert d’un cultivateur : un « homme du Nord » du nom d’Ietouroz. Pétoubastis, le choachyte, a acquis les services d’Ietouroz pour 6 deben d’argent (P. Louvre E 3228 c). Diverses
637
B. Menu, « La question de l’esclavage dans l’ngypte pharaonique », pp. 75 sqq. A. Loprieno, « L’esclave » dans L’homme égyptien, sous la direction de S. Donadoni, Paris, Seuil, 1990, p. 261. 639 B. Menu, « Cessions de services et engagements pour dettes », pp. 358 sqq. ; B. Menu, « Les rapports de dépendance en ngypte à l’époque saïte et perse », Revue Historique de Droit Français et ntranger 55, 1977, pp. 391-401. 638
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familles de choachytes et de chanteuses-recluses se prêtent ainsi des services moyennant un paiement d’une sorte de droit de mutation640. Transmis par le texte de la Coupe Louvre E 706, un exemple d’engagement personnel pour dette et datant de l’an 4 de Psammétique II, soit 592 avant n. è., met en lumière ses spécificités. La dame Djetouerisonkh, fille de Nesemhat, a déclaré à Amenpoua : « Tu m’as contenté le cœur avec l’argent pour lequel je deviens ta servante. Je suis ta servante. Aucun homme au monde ne pourra me revendiquer/exercer l’autorité sur moi, sauf toi. » Elle précise la raison de cet engagement : « Je ne pourrai plus me considérer comme une personne privée indépendante vis-à-vis de toi, jusqu’à (ce que je t’ai remboursé ?) tout argent, tout grain, toute (autre) chose au monde, avec les enfants qui naîtront de moi, avec tout ce qui m’appartient et tout ce que je vais produire, avec les vêtements que je porte sur le dos, à partir de l’an 4, deuxième mois de la saison chemou, dorénavant et à jamais »641. Ainsi, cette dame devient « dépendante » afin, semble-t-il, de rembourser ses dettes et le service pour lequel elle a été rémunérée. Des exemples de copropriété de serviteurs sont assurés. Certains jours de travail de ces serviteurs sont attribués à un citoyen en particulier. L’ostracon Gardiner 123 signale qu’une citadine, tnḫ-nỉwt, aurait reçu des étoffes, du mobilier et d’autres biens, mesurés en šwttỉ d’argent ; en paiement, elle aurait concédé à un ouvrier 480 jours de travail en une seule fois642. L’ostracon Glasgow 1925. 83 livre le message d’un individu à propos d’une opération commerciale relative à six hommes et une femme avec ses quatre enfants643. Cette missive évoque une part, psš.t, au profit du frère, et une part au profit d’un autre individu. Six de ces serviteurs apparaissent dans un autre document (O. Gardiner 90) : il y est question de la cession de quotes-parts des mêmes personnages par succession ; un père transmet à son fils les jours de sept d’entre eux qui appartenaient à sa mère. Les parts évoquées ici représentent la « propriété » des membres d’une même famille. Ce système de copropriété permet l’achat et la vente partiels du travail, calculés en journées par mois, de même que leur transmission par héritage. Ces diverses informations permettent de conclure à un statut « semi-libre » de personnes
640
B. Menu, « Cessions de services et engagements pour dettes », pp. 78-81. B. Menu, Ibid., pp. 81-82. 642 Selon S. Allam, « Affaires et opérations commerciales », pp. 138-156, puisque le coefficient s’élève à dix jours par mois et donc à 120 jours dans l’année, cette dame devait posséder des quotes-parts de copropriété sur quatre « domestiques/esclaves », dont chacun est mis à disposition pour un tiers de son travail. 643 A. Mc Dowell, Hieratic Ostraca in the Hunterian Museum Glasgow, Oxford, Griffith Institute et Ashmolean Museum, 1993, pp. 22 sqq. et pl. 25.
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qui peuvent agir juridiquement afin de « vendre leur travail » et non leur personne.
Synthèse En dépit d’une documentation matérielle et écrite paraissant d’importance, de nombreux aspects échappent à l’analyse. Les textes et l’archéologie concordent, mais ce qui a trait à la sphère familiale et privée reste pour partie dans l’ombre. Les textes concernent certains aspects juridiques, et des évènements qui s’intéressent à une réalité spécifique à un moment donné. Si l’agriculture semble prendre le pas sur l’ensemble de l’économie, l’image d’un État tout-puissant et intervenant à tous les niveaux de production et de distribution est à nuancer. En effet, de nombreux aspects privés de l’économie ont été mis au jour grâce aux contrats et missives évoqués. Certes, l’interpénétration des rapports entre agriculture institutionnelle et privée, si enchevêtrés, s’inscrit en faveur de la première. La fiscalité n’est certes pas à négliger, pas plus que les prélèvements des impôts en nature ou non. Et, de fait, le système de rations et de prestations en travail relie l’État à ses sujets, qui permet l’entretien des militaires et des mercenaires par ce système de distributions, tant lors de la période saïte que perse, et limite de la sorte le volume des échanges. La mise à disposition, révocable, de champs appartenant à des sanctuaires, ou à des domaines de la couronne, à des particuliers qui les exploitent et peuvent aussi les recevoir comme récompense ou donation, mais également leur acquisition, donation, échange, partage, transmission testamentaire ou à titre onéreux par des personnes privées, permettent la création de surplus et d’échanges, fonction de l’intérêt économique et financier des parties, mais n’ont pas laissé de nombreuses traces documentaires. Aussi, l’expression : « marchés silencieux », désigne-telle ces opérations, dans la mesure où l’État tout-puissant ne contrôle pas l’ensemble des échanges, mais oriente la production selon ses critères. En outre, les institutions, en permettant aux particuliers de participer à l’exploitation des terres, et en les faisant entrer dans leurs patrimoines, qu’il s’agisse de parcelles d’une surface réduite ou de domaines importants moyennant une taxe/rente définie et pouvant être vendus, achetés ou cédés, a ouvert d’autant ce système « privé » source d’enrichissement. Bien enraciné, il est documenté par des séries d’archives dont celles de la Dame Tsenḥor, celles de MipÓaḥyah ou d’ʽAnanyah et met en lumière la présence de petits notables644. Ainsi, Tsenḥor s’est constitué un capital comportant un esclave/serviteur, un terrain à construire, une part d’héritage sur un bien 644
J.C. Moreno-Garcia, « Une affaire singulière : la possession privée de la terre en ngypte pharaonique », études foncières 142, novembre-décembre 2009, pp. 2-6.
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immobilier, une vache, un champ de onze aroures et des revenus comme choachyte645. MipÓaÓyah, en plus de sa dot, a acquis par le biais des donations la propriété de deux maisons et peut-être des terres, des esclaves/serviteurs ; ses enfants en bénéficieront, de même qu’une troisième maison provenant du premier mari de leur mère (B2.1-11). Pour autant, des difficultés peuvent surgir dans certains foyers qui mènent à la vente de leurs membres comme serviteurs, comme tel a peut-être été le cas pour Tamet, épouse d’ʽAnanyah, et son père. Des emprunts aux conditions drastiques peuvent mener à la ruine les emprunteurs et les garants, tout comme de mauvaises récoltes peuvent mener à la faillite. Des niveaux de richesse très différents et des inégalités économiques s’affirment qui n’empêchent aucunement une évolution positive pour certains de leur patrimoine. L’économie « privée » est attestée, mais n’implique pas une économie de marché à grande échelle : l’État et les institutions conservent la mainmise sur une partie des terres, les transports de céréales et d’autres marchandises de première nécessité qui participent également à cette économie privée646. Ils sont présents et prégnants, mais n’excluent nullement les échanges entre particuliers, artisans et cultivateurs. Les transports de particuliers et de marchandises en quantité réduite restent également libres de contraintes. De surcroît, la vitalité des échanges commerçants et culturels au travers de circuits complexes entre l’Asie Mineure, Chypre, la Syrie-Palestine et l’ngypte647, de même qu’en divers lieux indigènes, est éclairée par la réalité archéologique et le registre douanier C3.7 entre autres, qui permettent de mesurer le poids de l’interdépendance d’une élite marchande et du monde égyptien à ses divers niveaux. L’enrichissement relatif de certains l’atteste et les Judéens d’Éléphantine en sont les témoins et les acteurs. Pour autant, ils restent soumis aux aléas politiques et économiques de même qu’aux changements qui peuvent, en conséquence, affecter l’organisation économique et politique du pays.
645
P.W. Pestman et S.P. Vleeming, Les Papyrus démotiques de Tsenḥor (P. Tsenḥor). Voir K. Donker Van Heel, Mrs Tsenḥor, A Female Entrepreneur in Ancient Egypt, Le Caire et al., Cairo Press, 2014. 646 B. Menu, « Le système économique de l’ngypte ancienne », dans N. Grimal et B. Menu éd., Le commerce en ngypte ancienne, BdE 121, Le Caire, IFAO, 1998, pp. 71-97, spéc. p. 89. 647 D. Fabre, « Thônis Héracleion, poste douanier et emporion », p. 7.
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CHAPITRE CINQ DE L’ESPACE DU RELIGIEUX AU MONDE DE L’AU-DELÀ Le religieux s’invite dans le quotidien et l’exceptionnel, qu’il s’agisse de ses manifestations matérielles, financières et sociales. Ainsi, le Temple est évoqué dans diverses lettres se rapportant à son érection, sa destruction puis sa reconstruction. La fête de Pessaḥ figure dans un rescrit officiel, des dons offerts à YHH/YHW et à sa parèdre sont inscrits sur une longue liste, tandis que le marzēaḥ laisse planer un certain mystère. Témoins du syncrétisme judéen de cette période, des documents, dont des serments sur un dieu égyptien ou autre, apportent un éclairage d’importance sur la religiosité des Judéo-Araméens.
Le Temple de YHW à Éléphantine Les Judéens vouent un culte à « YHW qui est à nléphantine »648, « Notre Dieu » (A.4 8), ou ʼlh Îmyʼ, le « Dieu du Ciel » (A3.6 1). AhuraMazda, porte le même titre de « dieu du ciel » dans l’Empire Perse. Datée de la première moitié du Ve siècle, une prescription évoque le Temple (D1.6 recto) ; dans une même perspective, un fragment, également de cette période, mentionne la Mai]son de YHW (D4.9 1). Un ostracon du premier quart du Ve siècle envoyé à Micayah (D7.21), dévoile un peu plus du syncrétisme ambiant des Judéens. La formule de salutation d’un Judéen à un autre Judéen l’exprime en toute simplicité après les salutations d’usage : « Je te bénis par YHW et Khnoum »649. Des réalités parallèles se dévoilent entre Judéens et Araméens. Ainsi, la lettre D7.30, envoyée au Judéen Ḥaggai, révèle, dans la formule de salutation et de bénédiction employée par Jarḥu, son expéditeur, une référence aux dieux Bel, Nabu, Shamash et Nergal. Il est à rappeler que Bel, et peutêtre Shamash, sont évoqués dans le P. Amherst ; de plus, des noms théophores sont construits sur les racines des noms de ces divinités, qui sont attestés en 648
Son titre est sujet à de nombreuses variations : « YHW le Dieu », « YHW à nléphantine », « YH à nléphantine », « YHW le Dieu à nléphantine la forteresse », « YHW », « YHW le Dieu », « YHH le Dieu qui est à nléphantine la forteresse », « YHW le Dieu qui demeure (à) nléphantine la forteresse », B. Porten, CS III, p. 170, n. 5. 649 A. Dupont-Sommer, « Le syncrétisme religieux des Juifs d’nléphantine d’après un ostracon araméen inédit », Revue de l’histoire des religions CXXX, 1945, pp. 17-28.
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ngypte : ainsi notamment de Belhabeh (D22.13 1), de Shamashnuri (B4.2 12 ; D18.16 1), et peut-être de mÎlk (A6.2 8) et de Shimshai (D11.7 1) ; du Babylonien Nergaliddin (D1.33), du Babylonien/Araméen Nergalshezib/Nergalushezib (B3.9 9), et peut-être de Nargi (B3.1 16-17), auxquels s’ajoutent les divers noms construits sur Nabu. Ce culte se confirme syncrétique à la lecture des différents contrats, missives, ostraca et mémoranda parvenus jusqu’à nous. Les serments prêtés sur la déesse égyptienne Satis et les dieux Bethel, Ḥerembethel (B7.2 7), Ḥerem (?) et Anath YHW (B7.3 3) en constituent l’une des facettes. Une longue liste datant de l’an 400 avant n. è. rapporte les dons offerts par de nombreux contributeurs au Temple de YHW, et qui, d’un montant de deux shekeln, comportent trois sommes : une pour YHW, une pour Eshem-Bethel et une pour Anat-Bethel (C3.15), peut-être la Reine des Cieux (A2.1 1). Ces contributeurs sont tout autant des hommes que des femmes. De fait, si YHW est le Dieu « unique », il est ici accompagné par les divinités Anat-Bethel et Eshem-Bethel : Anat serait sa parèdre, qui porte aussi l’appellation d’Anat YHW (B7.3 3), et Eshem-Bethel jouerait le rôle du dieu-fils. Il semblerait donc que les Judéens d’nléphantine aient adopté le système égyptien de la triade650. Assuré par les descriptions des diverses suppliques émises par les responsables de la communauté, et dont la première date du 25 novembre 407 avant n. è., ce Temple, ou ʼgwr, ou maison d’autel byt mdbḥʼ, ou byt yhw651, est érigé vers le milieu du VIIe siècle avant n. è. (A4.7 13-14/A4.8 12-13). Les versets d’Isaïe 19, 19-20, dans un oracle contre l’ngypte, rapportent : « En ce jour, un autel sera consacré à YHWH en plein pays d’ngypte et, sur sa frontière, se dressera un pilier en l’honneur de YHWH ». Ils évoquent probablement le sanctuaire d’nléphantine652. Alors que le roi Manasseh a 650
A. Dupont-Sommer, « Les dieux et les hommes en l’île d’nléphantine, près d’Assouan, au temps de l’empire des Perses », Académie des Inscriptions et des Belles-Lettres, 1978, pp. 3-19, spéc. p. 12. 651 Le document d’acceptation du renoncement aux sacrifices d’animaux emploie le terme « Temple », ou ʼgwr, alors que le mémorandum emploie celui de maison d’autel, probablement par compromis diplomatique afin d’obtenir le droit à sa reconstruction, H. Nutkowicz, « D’nléphantine à Jérusalem : liens religieux et politiques », dans A. Lemaire et C. Behar éd., Mélanges en l’honneur d’Ernest-Marie Laperrousaz, Paris et Louvain, Peeters, 2011, pp. 75-89, spéc. p. 87. 652 B. Porten, dans « Settlement of the Jews at Elephantine and the Arameans at Syene », pp. 458-459, propose un parallèle des éléments identiques concernant l’érection et l’établissement des temples d’nléphantine et d’Onias IV qui s’enfuit en ngypte sous Ptolémée VI : un appui prophétique pour un temple situé sur une frontière, un prêtre mécontent et désirant établir un tel temple, un souverain égyptien
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instauré des rites païens dans le Temple de Jérusalem, des autels dédiés à la milice céleste, à Baal, et institué une Ashérah (2 Rois 21, 5-7), qu’il est accusé d’avoir fait couler le sang en abondance (2 Rois 21, 16), ces mesures n’ont peut-être pas été du goût de tous les prêtres. Certains ont pu être assassinés et d’autres ont éventuellement fui en ngypte à nléphantine se souvenant de l’oracle d’Isaïe. Avec l’approbation du souverain égyptien, les Judéens font venir du bois de cèdre du Liban (A4.7 11 ; 4.8 10), érigent un Temple faisant
face au royaume de Juda et dont les dimensions s’harmonisent avec celles du Temple qu’ils ont laissé derrière eux.
Splendide construction érigée au temps des pharaons, certaines de ses caractéristiques sont dépeintes dans des correspondances provenant des officiels de la communauté (A4.7 13-14). La demande de reconstruction du 25 novembre 407, ou le 20 marcheshvan en l’an 17 du roi Darius, dépeint ses particularités architecturales et sa décoration (A4.7). Construit le long de la Chaussée du Roi, sis à l’est des maisons du quartier où vivent de nombreux Judéens, il s’orne de : « colonnes de pierre », et de : « ses cinq portiques construits en pierre de taille ». Ses vantaux de bronze se rehaussent de gonds, et sa toiture est construite de bois de cèdre importé du Liban. Un don d’une réelle importance – 70/61 pièces de bois destinées à l’autel de ce Temple et provenant de Syène – est assuré dans l’ostracon D7.36. L’expéditeur y précise : « J’ai expédié par la main /avec PeÓekhnoum comme cadeau trois chargements dans lesquels (il y a du) bois, 70/61 pièces ». Son mobilier cultuel comporte des bassins d’or et d’argent ainsi que d’autres d’objets. Un fragment de mémorandum, C3.13 verso colonne 1 7, d’après 411 avant n. è., révèle un des objets dédiés aux rites religieux. Ainsi, Hanan livre à Jedanyah, un des responsables de la communauté, sept zlwḥ[n, « aspersoirs », lmnsk, pour « libations », et Menaḥem en reçoit la même quantité (C3.13 verso colonne 1 17). L’ostracon D7.9 1 évoque le présent offert par un personnage nommé Uryah « pour la libation ». Les fouilles ont permis la découverte d’un calice provenant de la maison O653, attestant peutêtre d’espaces dédiés au sacré dans les maisons. Des bols à libations, découverts à Tell el-Mashkuta et datant de la première moitié du Ve siècle avant n. è., présentent peut-être le modèle utilisé lors de l’accomplissement des rituels du temple d’nléphantine. L’ensemble sera détruit et/ou volé par les ngyptiens. Alors qu’Arsamès s’est absenté d’ngypte, les prêtres de Khnoum corrompent consentant à appuyer l’érection d’un tel temple, un sanctuaire permettant une unification des juifs égyptiens apportant son appui au souverain, un temple dont les dimensions seraient identiques à celles du Temple de Jérusalem et dédicacé à ce roi égyptien, et un temple faisant partie d’une colonie militaire. 653 D.A. Aston, Elephantine XIX, pp. 213 sqq.
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Vidranga, alors gouverneur régional, et, de plein accord, décident la destruction du Temple judéen. Celui-ci fait parvenir un courrier à son fils et chef de garnison à Syène, Nafaïna, le sommant de faire abattre le sanctuaire. Conduisant les ngyptiens et d’autres militaires, Nafaïna parvient à nléphantine : ils entrent dans le lieu sacré, le démantèlent jusqu’au sol et en fracassent les deux piliers de pierre. Ses cinq portails de pierre sont détruits, et les portes et leurs pivots de bronze, mais également le toit de bois de cèdre, l’autel et les boiseries, sont brûlés (A4.7 10-11). Le mobilier cultuel, bassins d’or et d’argent, et les autres objets précieux du temple sont dérobés par les Égyptiens qui se les approprient. À la question de savoir pourquoi le Perse Nafaïna, poussé par son père Vidranga, décide de ravager le Temple des Judéens, plusieurs hypothèses peuvent être proposées. La requête de reconstruction (A4.7) rapporte qu’en l’absence d’Arsamès Vidranga, ayant pris le risque d'accorder aux ngyptiens ce qu’ils requéraient, fait parvenir une lettre à son fils, Nafaïna, afin de lancer sa campagne de destruction. Or, il sait les dangers encourus à prendre le parti des ngyptiens contre les alliés des Perses et livrer à leurs ennemis le sanctuaire des Judéens. La lettre envoyée à Bagôhî et qui rapporte sa punition l’atteste. La question reste cependant ouverte de savoir s’il est à l’origine de ces ravages ou non. D’autant qu’il est quasiment certain qu’il n’a pas pu prévoir et consentir à la dévastation du Grenier du Roi et qu’il n’aurait pas admis que le puits soit bouché. De plus, aucune raison logique ne peut pousser ce responsable perse à faire détruire le Temple des mercenaires alliés ; mais, peut-être qu’ayant souhaité conserver une sorte d’apaisement plus que relatif, il a soutenu les ngyptiens en espérant le retour au calme après ces violences, trace alors d’un calcul absurde et d’une incompréhension totale de leur logique politique. Les Judéens jouent le rôle de bouc émissaire, dans une conjoncture politique complexe où les ngyptiens manipulent les Perses dont il n’est pas certain qu’ils soient à l’origine de ces destructions contre leurs intérêts et ceux des Judéens. Si les responsables de la communauté sont en prison au moment des évènements, ils ne savent que par la rumeur que Vidranga a donné cette instruction à Nafaïna. Il est par conséquent possible qu’ils se contentent d’informations tronquées, dont les ngyptiens sont à l’origine et qu’ils ne peuvent vérifier, affirmant que les Perses sont à l’origine de la destruction du Temple. Les ngyptiens sont parvenus à dresser les alliés judéens et perses les uns contre les autres, et ce à leur profit. Les Judéens se sont involontairement mués en ennemis des Perses et réciproquement. Arsamès, absent de sa satrapie ne peut intervenir. En outre, il n’est pas au courant des évènements qui se sont produits654. 654
H. Nutkowicz, « nléphantine, ultime tragédie », pp. 185-198.
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Afin d’expliquer les possibles ambitions des prêtres de Khnoum, il est à préciser le lieu où les temples sont érigés. Le choix des lieux détruits et de la construction du nouveau mur ne sont pas neutres, qui sont situés le long de la Chaussée du Roi et, leur faisant face, le domaine de Khnoum. Dès 437 et 434 avant n. è., la Chaussée du dieu Khnoum, ou voie processionnelle conduisant au temple, passe près du Temple judéen. Puis, une chapelle du Dieu apparaît près de la maison d’tAnanyah, de même que la maison d’un serviteur du dieu. La tentation des prêtres de Khnoum est grande, qui convoitent ces terres afin d'accroître leur domaine et accumuler des biens, comme l’ensemble des temples égyptiens tout au long de leur histoire, dans la mesure où il s’agit essentiellement d’unités économiques et religieuses puissantes. Le temple de Khnoum ne fait pas exception à la règle. Le P. Indictment est à rappeler, qui fait état de prêtres de Khnoum à nléphantine reconnus coupables de détournement d’or et de céréales. La période de crise traversée par la région rend la réalité plus propice à la réalisation de leurs projets. Par ailleurs, l’idéologie nationaliste qui anime le monde égyptien à ce moment les incite et les stimule. Si les conditions politiques leur sont propices, leur visée économique et religieuse peut en bénéficier : peu importe donc que les Judéens et/ou d’autres occupent cet espace, les prêtres du temple de Khnoum ont probablement pour ambition de le conquérir. Le Temple, une fois détruit, ne peut manquer de laisser place à un espace qui leur reviendra, expliquant les déprédations. Leur intérêt est très immédiat, et le choix de la destruction du sanctuaire et du Grenier du Roi, sis de l’autre côté de la rue, paraît clair. D’autre part, la construction du mur « protecteur » par les prêtres de Khnoum, évoquée dans la missive référencée A 4.5, peut-être le long du mur est de la maison d’‘Ananyah lors de l’épisode de la destruction du Temple judéen, le long de la voie du dieu, et qui avait été tout d’abord construit le long du mur nord de sa maison, ne manquerait pas de confirmer le projet mené par ces derniers, dans la mesure où tous les actes de destruction et de construction ont le même objet : préparer des jalons afin de réaliser leur dessein d’aggrandissement de leur domaine. L’hypothèse d’un rejet, à ce moment particulier, du culte de YHW par les prêtres de Khnoum, peut être évoquée, qui ne manquerait peut-être pas d’apporter une explication supplémentaire à l’attitude des prêtres de Khnoum. Elle trouve sa source dans le courrier A4.3, rapportant l’emprisonnement de Mauzyah sous des prétextes peu intelligibles, et dans lequel celui-ci ne manque pas de rappeler aux chefs de la communauté (A4.3 7) que Khnoum est contre la communauté judéenne depuis la visite d’Hananyah, lequel, appuyé par le souverain perse Darius, est venu confirmer leurs droits traditionnels.
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Outre cette possible incompatibilité, « La chronique Démotique », qui comporte des traits anti-Perses désignés à plusieurs reprises comme des ḫȝstyw, « étrangers », apporte des compléments relatifs au sentiment antiPerse, et met en lumière la lourde imposition des temples du temps de Cambyse (525-522). Seuls trois de ces temples ont échappé à ces exigences655. Et, le vol des statues et des objets sacrés, rappelés dans divers documents, a probablement ajouté, à ce sentiment et à la violence contre les Perses en particulier. La lettre A4.7/A4.8 rappelle ces destructions et complète cette image du déchaînement de fureur. S’ajoutent à ces réalités le fait que dans l’ancienne ngypte, la ville/le village est associé(e) à son temple. Le temple est redevable de l’impôt, au même titre que le village, ou peut l’être par le biais de ses notables. La fiscalité rapproche le temple local et le village pour ce qui a trait aux bénéfices sacerdotaux. Et le dieu local, maître des destinées individuelles est ainsi perçu : « C’est à la parole du dieu du village que (sont liées) la mort et la vie de son peuple. L’impie qui s’exile, il les remettra (donc) aux mains du démonséshèr » (P. Insinger 28.4-5)656. Le dieu du village/de la ville joue le rôle de D. Devauchelle, « Le sentiment anti-perse chez les anciens ngyptiens », Transeuphratène 9, 1995, pp. 67-80, mentionne également le vol par les Perses des statues et objets sacrés rapportés par les Grecs lors d’expéditions militaires en Syrie. Il est évoqué à plusieurs reprises dans les documents égyptiens. La stèle du Satrape 1. 3-4, datée de 310, indique : « Il a rapporté les statues des dieux trouvées en Syrie, ainsi que tous les objets, tous les ouvrages des temples de Haute- et de Basse-ngypte (4) et il les a remis à leur place. » ; la stèle de Pithom 1. 10-11 (an 6 de Ptolémée II pour ce passage = début 279) et I. 13 (an 6 de Ptolémée II, quatrième ? mois de peret, jour 2 soit le 31 mai 279), rappelle que le retour des statues de Pithom est effectif dans leur cité. L’inscription grecque, dite d’Adoulis mentionne : « Il franchit le fleuve Euphrate et ayant soumis la Babylonie, la Suziane, la Perse, la Médie et tout le reste jusqu’à la Bactriane, ayant recherché tous les objets sacrés emportés d’ngypte par les Perses et les lui ayant rapportés en ngypte avec tous les autres trésors provenant de ces lieux… » ; le Décret de Canope, du 7 mars 238, évoque pour sa part : « Les images divines que les vils Perses avaient emportées hors d’ngypte, après que Sa Majesté a marché contre le pays asiatique, il les sauva, les rapporta en ngypte et les mit à leur place dans les temples d’où elles avaient été déplacées auparavant. » Le décret de Raphia, daté du 15 novembre 217, déclare : « Il donna tous les soins aux images emportées hors d’ngypte vers les terres de Syrie et de Phénicie au temps où les Perses endommagèrent les temples d’ngypte. Il ordonna de les rechercher avec soin. Celles qui furent retrouvées en plus de celles que son père avait rapportées en ngypte, il les fit rapporter en ngypte, célébrant des fêtes, offrant des sacrifices devant (elles). Il les fit conduire aux temples d’où elles avaient été emportées jadis. » 656 D. Agut-Labordère, « Les « petites citadelles », pp. 16-117. 655
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garant de l’ordre communautaire. Dans cette problématique, le dieu Khnoum et les habitants égyptiens de l’île constituent un ensemble qui fonctionne dans une sorte de soutien réciproque et dont la puissance s’accroît d’autant. Si les prêtres de Khnoum désirent augmenter leur territoire et leur richesse économique aux dépens de l’espace occupé par les Judéens et leur Dieu, leurs complots et leur volonté d’éradiquer la présence judéenne associée à l’ennemi perse paraissent compréhensibles. L’ensemble de ces réalités s’interpénètrent. Aucun aspect en particulier ne saurait en être exclut, dont cet épisode n’est que la cime.
La reconstruction du Temple Peu de temps après ce désastre, des demandes de reconstruction émanant des membres de la communauté ne tardent pas, qui parviennent aux différents responsables politiques et religieux, tant perses que judéens. Un premier courrier officiel, expédié à Delayah et à Shelemyah, fils de Sanballat et gouverneur de Samarie, reste sans réponse (A4.7 29). Une autre correspondance est adressée à Jehohanan, le grand-Prêtre, ses collègues, les prêtres de Jérusalem, et Avastana, le frère d’Anani, ainsi qu’aux « Nobles de Juda », sans succès là encore. La missive suivante date du 25 novembre 407 avant n. è. : deux versions en sont attestées, A4.7 et A4.8, et une troisième copie est dépêchée à Jérusalem qui relate657 la tragédie, n’omettant aucun détail. Destinée à Bagôhî, pḥt yhwd ou gouverneur de Juda, et préparée par Jedanyah et « ses collègues les prêtres qui sont à nléphantine la forteresse » (A.4.7 1), cette missive ne manque pas aux salutations d’usage sous la forme d’un texte de bénédictions à la coloration tant religieuse que politique et destinées au gouverneur : Îlm mrʼn ʼlh Îmyʼ yÎʼl Îgyʼ bkl ʽdn wlrḥmn yÎy mnk qdm drywhwÎ mlkʼ wbny bytʼ mn kʽn ḥd ʼlp wḥyn ʼryk, yntn lk wḥdh wÎryr hwy bkl ʽdn ,« Que le Dieu du Ciel recherche le bien-être de notre Seigneur avec abondance de tout temps et vous assure de tout temps la faveur du roi Darius et des princes mille fois plus que maintenant, vous accorde une longue vie et puissiez-vous être heureux et fort de tout temps » (A4.7 1-3). Après cette classique introduction, après les salutations, les souhaits de faveur auprès du souverain perse et les bénédictions d’usage de longévité, de bonheur et de vigueur (A4.7 2-3), la correspondance dépeint les détails de cette page d’histoire et en dénonce les instigateurs et les assaillants. Elle n’omet pas de rappeler que les pharaons égyptiens ont autorisé l’érection du 657
B. Porten, CS III, p. 125, n. 7, constate que ce nom est perse, mais que l’individu qui le porte et a succédé à Néhémie, est peut-être Judéen. En cette occurrence, il ne saurait s’agir de Bagoas satrape d’Artaxerxes II, qui imposa une amende durant sept ans sur le culte sacrificiel après que le grand-prêtre ait assassiné son frère Jeshua (F. Josèphe, Jewish Antiquities XL 7. 1).
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Temple et que les Perses ne l’ont pas abattu (A4.7 13-14/A4.8 12-13). Après avoir retracé les conséquences sur les Judéens d’un tel évènement – ils sont en deuil –, elle expose les châtiments qui se sont abattus sur les coupables, dont Vidranga, qui se voit retirer tous ses biens, mais dont le sort ultime n’est pas transmis ; les autres participants ont tous été punis de mort (A4.7 16-17). Le culte n’est plus observé et la supplique prie Bagôhî : « S’il est bon pour notre Seigneur, réfléchis à la (re)construction de ce Temple, car ils ne nous laissent pas le (re)construire. Considère tes obligés et tes amis qui sont ici en ngypte. Puisse une lettre de toi leur être envoyée concernant le Temple de YHW le Dieu afin de le (re)construire à nléphantine la forteresse comme il l’était auparavant » (A4.7 23-25). Des bénédictions s’ajoutent à nouveau afin de clôturer dans les règles cette supplique ; en témoignage de reconnaissance, les Judéens s’engagent envers Bagôhî à offrir en son nom des oblations, encensements et holocaustes, et prier pour lui de tout temps. La date du 17 marcheshvan, en l’an 17 de Darius, clôt cette correspondance. Aucune réponse officielle ne nous est parvenue. Seul l’aide-mémoire d’un messager, d’après 407 avant n. è., rapporte la réponse verbale et laconique de Bagôhî et de Delayah : ces derniers se contentent d’accuser Vidranga de la destruction du Temple en l’an 14 de Darius, requièrent du satrape Arsamès la reconstruction du sanctuaire érigé à nléphantine avant Cambyse, à l’identique et en ses lieux et place, et évoquent les oblations et les encensements qui seront offerts comme précédemment. Le mémorandum se termine sur cette autorisation. Il omet les holocaustes, signe de leur interdiction non dite (A4.9). L’archéologie confirme, en outre, la reconstruction du Temple. Elle apporte un élément d’importance révélant que, dans la section du quartier du Temple judéen, le mur érigé par les prêtres de Khnoum a été détruit658. L’hypothèse peut être envisagée que les murs extérieurs ont été reconstruits sur les mêmes fondations. Cette réalité pose à nouveau la question des relations entre Judéens et ngyptiens : elle offre l’apparence d’un calme trompeur et de relations à nouveau exemptes de fureur. Elle témoigne également du pouvoir repris par les Perses qui soutiennent leurs alliés.
Le personnel religieux Le rôle de khn, ou « prêtre », paraît essentiellement dévolu à la présentation des sacrifices et des prières (A4.3 1 ; A4.7 1). En effet, seuls les sacrifices et les offrandes sont cités dans les écrits des responsables communautaires. Mais, si antérieurement à la destruction du Temple les prêtres judéens peuvent sacrifier moutons, béliers, boucs et bœufs, à compter 658
C. von Pilgrim, « Temple des Jahu und « Straße des Königs » - Ein Konflikt in der späten Persezeit auf Elephantine », pp. 316-317.
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de l’autorisation de sa reconstruction, ils ne pratiquent dorénavant qu’oblations et encensements (A4.9 9). Ils jouent aussi leur rôle lors des fêtes. En outre, ils prennent probablement l’initiative de la quête pour des dons, dont la liste nous est parvenue (C3.15), et interviennent lors des demandes de reconstruction du Temple. Par ailleurs, le « desservant », ou lḥn (B3.2 2 ; B3.3 2 ; B3.4 3…), ainsi que son épouse, lḥnʼ (B3.5 23 ; B3.10 23. 27 ; B3.11 9.17 ; B3.12 33), sont évoqués sans que les écrits ne transmettent précisément le contenu de leurs activités. Le titre de lḥn, porté par ʽAnanyah, correspond peut-être au rôle de chantre, chargé également de l’entretien du temple et de son mobilier. Sa femme, Tamet, porte celui de lḥnh, dont on ne sait pas s’il correspond à une activité particulière dans ce cadre ou bien à sa qualité d’épouse. Enfin, celui de kmr, prêtre, est associé au culte des autres dieux.
Les sacrifices et les offrandes Jusqu’à la destruction du Temple, des offrandes animales sont offertes, mais, après qu’il ait été dévasté, divers courriers seront échangés qui informent du renoncement de la communauté judéenne aux sacrifices animaux. Auparavant, la demande de reconstruction du 25 novembre 407 avant n. è. confirme, à ce moment, leur impossibilité : « De ce jour et jusqu’à (ce) jour, en l’an 17 du roi Darius, des offrandes, des libations d’encens et des holocaustes, ils n’en ont pas effectué dans ce temple » (A4.7 21-22). Dans cette première missive au gouverneur de Juda, Bagôhî, les expéditeurs s’engagent pour l’ensemble des Judéens de l’île : « Et les offrandes et l’encens et les holocaustes, ils les offriront sur l’autel de YHW le Dieu en votre nom, et nous prierons pour vous de tout temps. Nous et nos femmes et nos enfants et les Judéens, tous (ceux) qui sont ici » (A4.7 25-26). Ils ajoutent que si le Temple est reconstruit, cet acte sera considéré comme un « mérite » devant YHW le Dieu du Ciel, bien plus « que celui d’une personne qui offrira des offrandes et des holocaustes, dont la valeur s’élèverait à un millier de talents et de l’or » (A4.7 28). Dans leur réponse, les responsables judéens Bagôhî et Delayah évoquent uniquement les offrandes et l’encens. En outre, la lettre A4.2 10 mentionne une liste de biens, dont le miel, employés dans les rituels du temple. Ils ont dorénavant abandonné la coutume des holocaustes (A4.9). Un dernier courrier, émis par les cinq dirigeants de la communauté, consiste en une offre de paiement de reconstruction du Temple : A4. 10. Il rappelle, à ce moment, leur renoncement explicite aux holocaustes : « Et les holocaustes de mouton, de bœuf et de bouc ne sont pas effectués ici, mais (seulement) l’encens et les offrandes (sont offerts ici) (A4.10 10-11). Ils garantissent un don d’argent personnel, auquel s’ajoute du blé (A4.10 12-14), s’il leur est accordé de reconstruire le Temple : « Et, si notre Seigneur faisait une déclaration, nous donnerions à la Maison du Seigneur de l’argent et du
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blé, une centaine d’ardabes ». Cette déclaration souligne l’acceptation du renoncement aux sacrifices et le rôle des avantages en nature et en argent promis. Ainsi, tout succès politique et religieux se paye, contrepartie nécessaire et évidente. Le Temple sera enfin reconstruit, tout comme l’assurent d’une part l’acte de vente de leur maison par ʽAnanyah et Tamet (B3.12 18-19) et d’autre part les traces matérielles659. La description des rituels de deuil observés par les Judéens, tant que leur Temple ne sera reconstruit, relate en partie les rites religieux qui s’entremêlent en cette occurrence. Elle figure dans le texte de la requête : « Et lorsque cela (nous) a été fait, nous avec nos femmes et nos enfants avons porté le sac et nous avons jeûné et prié YHW le dieu des Cieux… ». Puis, le texte de la supplique précise et répète : « De plus, depuis le mois de tammouz en l’an 14 du roi Darius, et jusqu’à ce jour, nous portons le sac et nous jeûnons, nos femmes sont semblables à des veuves660, nous n’avons pas été oints (d’)huile et nous n’avons pas bu de vin » (A4.9 16). Ces deux derniers rituels se rattachent tout particulièrement au religieux. Le culte a cessé, et son importance se voit mise en exergue par cette répétition : « De plus, du (temps) et jusqu’à (ce) jour en l’an 17 du roi Darius, les offrandes et l’encens et les holocaustes ils ne les ont pas offerts dans ce Temple » (A4.9 19-22). Si l’ensemble des rites funèbres n’est pas décrit, mais seuls deux d’entre eux, probablement est-ce en raison d’une impossibilité liée au quotidien, afin d’assumer les obligations journalières durant ces quelques années. La perte de ce lieu consacré au culte et l’impossibilité de sa liturgie affirment symboliquement et matériellement un deuil prégnant, conséquence de la perte d’un lieu lié au sacré. Jusqu’à la destruction du Temple, des offrandes animales sont offertes ; mais, après qu’il ait été dévasté, divers courriers sont échangés qui informent du renoncement de la communauté judéenne aux sacrifices animaux. La demande de reconstruction du 25 novembre 407 avant n. è. le confirme : « De ce jour et jusqu’à (ce) jour, en l’an 17 du roi Darius, des offrandes, des libations d’encens et des holocaustes, ils n’en ont pas effectué dans ce temple » (A4.7 21-22).
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C. von Pilgrim, « Temple des Jahu und « Straße des Königs » - Ein Konflikt in der Späten Persezeit auf Elephantine », pp. 142-145. 660 H. Nutkowicz, L’homme face à la mort au royaume de Juda, rites, pratiques et représentations », Paris, Le Cerf, 2006, pp. 41-47. Diodore de Sicile, The Library of History : I. 72. La durée du jeûne est variable ; il peut être observé jusqu’au coucher du soleil (2 Samuel 3, 35), ou durer jusqu’à trois ans et quatre mois avec des exceptions pour les fêtes et shabbat (Judith 8, 6).
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La fête de Pessaḥ Rompant avec le quotidien, des périodes de fêtes s’organisent. Le Papyrus de Pessaḥ (A4.1 6-7) en assume le témoignage. Ce rescrit royal, qu’apporte un haut serviteur nommé Hananyah arrivant de Jérusalem, met en lumière les règles imposées pour la fête de Pâques. La durée de cette fête et ses particularités sont à mettre en parallèle avec les textes d’Exode et du Deutéronome. Faisant partie des archives de Jedanyah, la lettre A4.1, datée de l’an 5 de Darius, ou 419/418 avant n. è.661, est remise au chef de la communauté et à ses collègues par cet émissaire. Peut-être celui-ci était-il envoyé par les autorités religieuses de Jérusalem ou de la cour perse ou bien encore à la suite d’une demande des Judéens d’Éléphantine. Ce document officiel rappelle (A4.1 2) que le souverain Darius a fait parvenir au satrape Arsamès un rescrit à ce propos, puis informe Jedanyah, fils de Gemaryah, des règles religieuses s’y appliquant. La date, la durée, les interdits y figurent clairement. Il précise l’obligation de cesser toute activité le premier et le dernier jour de Pâques : yʼ kʽt ʼntm kn mnw ʼrb[ʽt ʽÎr] ywmn lnysn wb 14 byn ÎmÎyʼ psḥʼ ʽb[dw wmn ywm 15 ʽd ywm 21 l[nysn ḥgʼ] [zy pÓyryʼ ʽbdw Îbʽt ywmn pÓyrn ʼklw kʽt ] dkyn hww wʼzdhrw ʽbydh ʼ[l tʽbdw][bywm 15 wbywm 21 lnsyn kl Îkr ] ʼl tÎtw wkl mndʽm zy hmyr ʼl [tʼklw],« Maintenant, vous comptez qua[torze jours en nisan et le quatorzième au crépuscule ob]servez [la Pâques] et du quinzième jour jusqu’au vingt et unième jour de [nisan observez la fête du Pain non levé. Durant sept jours, consommez du pain non levé. Maintenant], soyez purs et prenez garde. [Ne travaillez pas] le quinzième jour et le vingt et unième jour de nisan]. Ne buvez [aucune boisson fermentée, et ne [mangez pas] quoi que ce soit de fermenté » (A4.1 2-6). Puis, le verso du document ajoute : « [et, qu’il ne soit pas vu dans vos maisons à compter du quatorzième jour de nisan au coucher de soleil jusqu’au vingt et unième jour de nisa[n au coucher du soleil. Et a]pportez dans vos chambres [tout le levain que vous avez dans vos maisons] et scellez [les] durant [ces] jours » (A4.1 79). Si ce texte reprend les règles à observer durant les sept jours de Pâques, celles-ci adoptent, dans ce cadre, une coloration différente des textes bibliques. Ainsi, quand le Deutéronome (16, 4-8) rappelle la raison de l’obligation de consommer du pain non levé relié à la sortie d’ngypte, le rescrit l’omet. Il confirme l’interdiction de travailler le premier et le septième jour,
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Ce papyrus fait partie d’un ensemble de dix documents découverts par O. Rubensohn et F. Zucker en 1907-1908 et publiés pour la première fois par E. Sachau, dans l’ouvrage : Aramaïsche Papyrus und Ostraka aus einer jüdischen militär-kolonie zu Elephantine, altorientalische Sprachdenkmäler des 5. Jahrunderts vor Chr., J.C., Leipzig, Hinrichs, 1911.
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et ce dernier jour une fête solennelle doit être célébrée. Le rescrit ne mentionne pas non plus les sacrifices à accomplir. Le texte de Nombres 9, 2-14, diverge par certains aspects, qui n’évoque pas la fête à célébrer le septième jour, mais rappelle le sacrifice à effectuer. Et, le Lévitique 23, 5-8, s’il évoque l’obligation de consommer du pain non levé durant sept jours et l’interdiction de travailler le premier et le septième jour, mentionne l’obligation d’offrir un sacrifice durant ces sept jours. La ou les causes de l’arrivée d’Hananyah apportant cet acte officiel, lequel ne mentionne à aucun moment l’autorisation et/ou l’obligation d’un sacrifice à cette occasion, restent mystérieuses. Pour autant, cette autorisation officielle permet deux jours chômés en cette occurrence. Les sacrifices ne semblent par ailleurs pas avoir été interdits sur l’île avant l’autorisation de reconstruction du Temple ; aussi, s’ils ne sont pas mentionnés, cela signifie qu’ils n’ont pas pu être offerts. Par ailleurs, quelle raison pousse les responsables religieux de Jérusalem à faire parvenir ce texte aux Judéens d’Éléphantine ? Peut-être considèrent-ils que, vivant loin de la capitale, ils seront enclins à oublier les règles de l’une des fêtes les plus essentielles et, par contamination syncrétique, qu’ils ne l’observent pas comme il convient avec tous ses symboles, l’oublient même peut-être ou bien encore la transforment et ne l’adressent pas au seul dieu auquel elle doit être dédiée. Par ailleurs, les responsables de la communauté rapportent que, depuis la visite de ce grand personnage, les ngyptiens ne leur sont plus guère favorables. La missive A4.3 révèle : « Vous savez que Khnoum est contre nous depuis qu’Hananyah est venu en ngypte jusqu’à maintenant » (A4.3 7). Cette visite, à un premier niveau, simplement religieuse, s’avère également politique, exprimant le soutien du pouvoir étranger à ses mercenaires sous cette forme. Soutenus par le souverain perse, les Judéens s’avèrent encore plus, et très officiellement, à compter de cette démarche, les soutiens réciproques des Perses. Ce qui ne manque pas de provoquer l’ire égyptienne. Dans le même temps, les troubles secouant le pays se manifestent plus que probablement contre les diverses communautés de mercenaires et pas seulement les Judéens.
Le marz¥aḥ Seul document mentionnant cette institution à nléphantine, un ostracon, adressé à Ḥaggai, renferme des prescriptions restant mystérieuses en raison de son état lacunaire (D7.29). Son expéditeur informe Ḥaggai qu’il a pris langue avec un Araméen nommé Ashian à propos de l’argent du marz¥aḥ ; celui-ci lui a répondu : lʼyty, « Il n’y en a pas » (D7.29 4), mais il s’engage à en avancer les fonds, qu’il donnera à l’expéditeur, ou Igdal. Une instruction incomplète s’ajoute à cette information : « Va vers lui, afin qu’il puisse te donner ». Connue dans l’ensemble du Proche-Orient et dans le
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Bassin méditerranéen, cette coutume se relie au repas funéraire consommé après une inhumation (Ézéchiel 24, 17 ; 2 Samuel 3, 35 ; Jérémie 16, 5-9), expression symbolique du retour à la vie, et également, à en croire le prophète Amos (6, 4-7), à un banquet fastueux dans ce cadre662. Peut-être ce texte concerne-t-il un banquet funéraire lors de deuils ou un simple banquet auquel participent régulièrement les membres de la communauté, dans le besoin ou pas.
Les temples et les dieux araméens de Syène Témoignant de pérégrinations de populations et d’enchevêtrements religieux, les cultes de divers dieux, et les noms théophores apparaissent dans quelques textes, attestant de la présence araméenne dans les deux cités jumelles. Deux temples, dont l’un est dédié à Béthel et l’autre à Nabu, sont assurés par les documents (D21.1) ; par ailleurs, un prêtre de Nabu est inhumé à Saqqarah (D18.1 1). Mais, dans un texte araméen en démotique dont 22 colonnes sont parvenues jusqu’à nous663, et dont le narrateur rapporte un rêve dans lequel il se perçoit jeune dans le pays de Rash (X.8-13), apparaît également le dieu Mar dans des prières de salut personnel (VI.1-12), pour la pluie (IX.1-13), la montée du Nil (X.1-6) et la justice sociale (IX.7-20). Il se lamente sur la destruction du pays (V.1-11) et prie pour la destruction de ses ennemis, les Kassites et les nlamites (X.16-20 ; XV.13-17). Sa parèdre, Marah de Rash, est identifiée à Nanai (XIII.1-9). La contrée de Rash, ou Arash, est identifiée au pays de Rahu/Arashu, région montagneuse à l’est de D¥ru, et peut-être au sud d’Ilm, sur la frontière babylonienne, qui est soumise lors d’une campagne par Assurbanipal en 647 avant n. è., et la destruction de Suze. Celui-ci exile les habitants de Suze vers la Samarie (Esdras 4, 9-10) et fait probablement de même avec les habitants de Rash (CS, 1.99 ; 310)664. Le même texte rapporte une migration : « Je viens de Juda, mon frère a été amené de Samarie et maintenant un homme fait monter ma sœur de Jérusalem » (XVI.1-6). En dépit du fait qu’aucune précision temporelle et/ou topographique ne soit transmise, nombre de données constituent des indices sur l’installation araméenne à Syène. Parmi les dieux les plus souvent mentionnés figurent : Nabu (VII. 17 [Nabu de Borsippa], (VII.7-19 ; XIV.4-6 ; XV.1-9), Bethel (VII.7-19 ; VIII.8-10) [Résident de Hamath et aussi VIII.3-8], VIII.10-11 et XI.11-19 [Seigneur de Béthel], IX.1-13, Mar [dans la prière pour la pluie], XVI.7-19 662
H. Nutkowicz, L’homme face à la mort au royaume de Juda, pp. 283-288. J. Greenfield, « The Marzeaḥ as a Social Institution », AA 22, 1974, pp. 453, relie cet oracle d’Amos à un contexte funéraire. 663 CS 1.99, R.C. Steiner, dans CS II. 664 R.C. Steiner, Ibid.
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[Horus-Béthel] et Nanai (Iva.6, VII.1-7 [Nanai de Ayakku], XIII-XIV, XVI.719). En outre, Nabu et Béthel apparaissent le plus souvent comme composants des noms théophores dans les documents en araméen d’ngypte. Et, certains des noms comportant Nabu sont accadiens sur le plan linguistique et ethniquement babyloniens – tels Iddinabu, Nabukudurri, Nabuzeribni –, mais au moins une douzaine sont araméens : par exemple, Akabnabu, Nabukab, Nabunathan, Nabushillem. La totalité des onze noms théophores avec Béthel sont araméens comme ceux de Béthezabad, Béthelnuri, Béthelnathan, Béthelnadar665. Nanai est attestée dans trois noms : Naniḥa, peut-être accadien (A2.1 1, 15 ; 2.2 4), Nanaishuri, araméen (B4.7 1) et Nanai (B1.1 16). Au cours du VIII siècle, un prêtre exilé de Samarie est ramené à Béthel afin d’instruire les étrangers nouvellement installés dans le culte du dieu israélite YHWH. Ils avaient emporté avec eux leurs dieux : Succoth-Benoth (Banit), Nergal, Ashima et d’autres (2 Rois 17, 24-41). Un temple de Banit est assuré à Syène (A2.2 1 ; 2.4 1) et l’élément théophore apparaît dans le nom araméen de Makkibanit (B1.1 17) et les noms accadiens de Banitsar (A2.2 5 ; A2.6 3. 8), de Banitsrl (A2.3 2), Baniteresh (B2.1 19) et Banit (D20.1 1. 3). L’épithète accolée à Banit de Hamath rappelle les exilés de Hamath installés à Samarie et vénérant Ashima (2 Rois 17, 30), souvent reliée à Eshem, assurée comme épithète divine dans le nom accadien Eshemkudurri (C4.8 6) et au moins trois noms araméens (Eshemzabad, Eshemram, Eshemshezib). Le nom porté par Bethelzabad b. Eshemram (D18.7a ; D19.2 1), Eshemram b. Nabunur[i]/ Nabunad[in] (C4.8 8) et Nabushillem b. Bethelrai (B3.9 11) découvre les relations de ces divers dieux666. Des éléments du Psaume 20 (XI.11-19) ont été insérés dans leur liturgie. Lorsque le Temple d’nléphantine est détruit, les Judéens font appel aux gouverneurs de Juda et Samarie (A4.7 1. 29/A4.8 1. 28). Et, dans le document Amherst, l’homme de Juda et celui de Samarie sont frères (XVI.1-6). Le dieu Eshembethel est l’un des deux dieux araméens avec la déesse Anathbethel (C3.15 128), qui bénéficient avec YHW de la contribution de deux shekeln, enregistrée dans la liste des dons (C3.15 127). Le P. Amherst rapporte un sacrifice offert en l’honneur d’Anath (VII.7-19), et à nléphantine Menaḥem prête serment pour Meshoullam sur AnatYHW (B7.3 3). Un personnage porte le nom d’Anathi, le grand-père de Menaḥemet, fille de Jedanyah (C3.15 11), et un autre portant le même nom est cité dans une lettre envoyée de Syène (A2.1 3). Le syncrétisme s’affirme d’évidence. 665
B. Porten et J.A. Lund, Aramaic Documents from Egypt : A Key-Word-in-Context Concordance, Comprehensive Aramaic Lexicon Project : Texts and Studies 1., Winona Lake, University of Chicago Press, 2002. 666 B. Porten, « Settlement of the Jews at Elephantine and the Arameans at Syene », pp. 462-463.
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Une liste de dons Mystérieux, et daté du 3 pharmouti en l’an 5, soit le 1er juin 400 avant n. è., un inventaire (C3.15), livre l’identité de donateurs, hommes et femmes, et se présente sous la forme de huit colonnes. Après mention de la date, le contenu du document est résumé : « Ceci est (Ce sont) les noms de la garnison judéenne qui ont offert de l’argent à YHW le Dieu, chaque personne, [2] sh(ekeln) ». Ce texte d’exception comptabilise les dons offerts, dont le montant s’élève pour chacun à deux shekeln, et qui sont affectés à trois divinités. La première colonne totalise les dons de seize personnes, dont huit femmes. Parmi les vingt donateurs de la colonne deux, aucune femme ne figure. La troisième colonne transmet les noms de vingt-deux contributeurs tous masculins. La colonne quatre comporte vingt-deux noms, dont certains de femmes. La cinquième colonne présente l’identité de dix-huit femmes uniquement. La colonne six, de dix-neuf personnes, dont onze femmes, et deux dont l’identité reste douteuse. La septième colonne ajoute le nom de cinq hommes et deux femmes. Enfin, la colonne huit présente trois noms d’hommes. Cent vingt-huit personnes contribuent à ces donations667. Le mémorandum, colonne 7, annonce le montant total des contributions, soit trois cent dix-huit shekeln répartis ainsi : pour YHW, douze karshen et six shekeln ; pour Eshembethel, sept karshen ; et, pour Anatbethel, douze karshen, correspondant à trois cent seize shekeln. En outre, l’apport des contributeurs ne correspond pas à ce montant, lequel lui est supérieur de soixante-deux shekeln. Trois dieux sont concernés, qui concèdent à l’ensemble de ces dons une sorte de connotation sacrée. Puis, le texte précise : « L’argent qui ce jour est entre les mains de Jedanyah, fils de Gemaryah, au mois de pharmouti » (colonne 7 123-124). Se révèle ainsi, dans ce remarquable document, l’un des rôles du représentant de la communauté judéenne déjà apparu à de nombreuses reprises dans des circonstances plus douloureuses. À quel objet est destinée cette somme ? Une hypothèse peut être proposée668 : dès lors que le Temple a été reconstruit, vers 407 avant n. è., son état ne nécessite probablement pas de travaux de rénovation. Or, le mémorandum rapporte un évènement s’étant produit en 400 alors qu’Amyrtée a d’ores et déjà repris le pouvoir et que la XXVIIIe dynastie est instaurée. Il n’est pas certain que le nouveau souverain égyptien souhaite recourir aux services des mercenaires judéens et araméens à la solde du B. Becking, dans « Temple, marz¥aḥ, and Power at Elephantine », Transeuphratène 29, 2005, pp. 37-47, voit dans ces donateurs une classe supérieure de cette communauté et l’ensemble de ces dons serait destiné au marz¥aḥ. 668 B. Porten, dans Afe, pp. 126-128, propose, en raison de la date du document qui correspond avec le mois de sivan, qu’il soit relié à la fête des Semaines qui a lieu sept semaines après Pâques. Les dons seraient offerts à cette occasion. 667
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pouvoir perse dont il doit se méfier, et encore moins leur donner une rémunération. Aussi, est-il concevable que face à l’appauvrissement de certains – en particulier des femmes, des enfants et des vieillards – provoqué par cette situation, les membres les plus fortunés apportent leur écot afin de secourir les plus nécessiteux. Jedanyah se voit ainsi encore responsabilisé dans cette répartition, laquelle concerne tout autant les Judéens et les Araméens présents dans l’île, et démontre l’interpénétration ethnique du religieux et du social dans cette donation669.
Au-delà de la mort, des marques du chagrin à l’inhumation nvoquées pour partie dans le courrier A4.7 20, les expressions du déchirement face à la mort, déterminées et organisées, s’imposent à l’individu et au groupe, tel le port obligé du Ðaq, ce vêtement de crin ou de poils rude et piquant (2 Samuel 3, 31) qui, dépouillé d’ornement et attribut de deuil porté après que les vêtements aient été déchirés ou arrachés, s’accompagne de l’absence de soins du corps, et témoigne d’une situation en marge, hors de la vie. Le jeûne, tout autant signe de non-vie, est observé selon des durées variables de sept jours à trois ans et quatre mois (1 Samuel 31, 13 ; Judith 8, 6), expliquant son application à nléphantine lors de la destruction du Temple jusqu’à sa reconstruction. Son sens symbolique en cette occurrence se relie à la perte, au deuil du sacré et peut-être au sentiment de l’absence divine. Les textes d’Ézéchiel 24, 16-17 et des Lamentations 2, 10 énumèrent les rites funèbres, accompagnés d’autres coutumes : ainsi, mettre en pièces ses vêtements, rite d’entrée dans le deuil et reflétant le déchirement intérieur, ou encore répandre de la poussière et/ou des cendres sur la tête, symbolisent le partage de son état avec le défunt par l’endeuillé transformant la perception de l’ici-bas devenu comparable à l’au-delà. Ce rite précède le port du Ðaq. Diodore de Sicile I. 72 dépeint la tenue des hommes et femmes d’ngypte endeuillés, qui portent leurs robes nouées en guise de ceinture au-dessous du sein670. Et, Hérodote II. 95 évoque les femmes « ayant attaché leur habillement avec une ceinture ». Outre les différentes formes d’affliction, qui vont des larmes au silence absolu (Lévitique 10, 3), le rôle de professionnels, tant hommes que femmes, est assuré lors des funérailles des Judéens, et des pleureuses égyptiennes, incarnant Isis et Nephtys, exhalent les plaintes rituelles, réminiscences du mythe d’Osiris671. Des lamentations et des élégies accompagnent ces rites (1 Rois 13, 30). 669
H. Nutkowicz, Destins de femmes à Éléphantine, pp. 332-333. Diodore de Sicile, The Library of History. 671 M. Werbrouck, Les pleureuses dans l’ngypte ancienne, Bruxelles, Fondation reine nlisabeth, 1938, pp. 132, 156. 670
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Le passage de ce monde à l’autre se ponctue de rituels symboliques qui, tant que le disparu n’est pas encore agrégé à la société des défunts, permettent d’organiser ce moment particulier afin de supporter l’intolérable et préparer le retour à la vie sociale pour les vivants. L’ensemble des gestes accomplis se voit doté d’une fonction cathartique, qui rendent possible le dépassement de l’angoisse générée face à la perte. La situation est théâtralisée et assure la cohésion du groupe et sa pérennité. Une inscription funéraire, (D21.4) datée de la fin du IIIe siècle avant n. è. environ, et peinte en caractères rouges sur trois lignes, est limitée à un nom : « Akabyah, fils de Elioenai. » Mise au jour dans la nécropole d’elIbrahimyia, elle fait partie d’un ensemble de trois pierres tombales portant des inscriptions araméennes. Celle citée plus haut renvoie au nom de l’un des derniers Davidides, Akkub, fils d’Elioenai (1 Chroniques 3, 24). Il se pourrait que ce nom se rapporte à un descendant d’un personnage biblique. Les individus inhumés dans ces trois tombes seraient peut-être des mercenaires672. La pierre tombale, ou maṣṣebah, à vocation funéraire, est assurée par les textes bibliques (2 Samuel 18, 18) ; de même, le ṣiyyun (2 Rois 23, 7), dont la vocation est d’éviter la dispersion du nom et la disparition673. Par ailleurs, peut-être déposées en un lieu public, des offrandes régulières ou exceptionnelles sont faites au dieu, dont les défunts s’attribuent une part. Ainsi, une table d’offrandes provenant du sérapeum de Memphis, et datée des débuts du Ve siècle, est attestée (D20.1). L’inscription en araméen, copiant un prototype égyptien674, précise qu’il s’agit d’une table d’offrandes pour Banit, une déesse de Mésopotamie, et offerte par Abitab, fils de Banit, afin qu’il « soit devant Osi