Destins de femmes à Eléphantine au Vè siècle avant notre ère 9782343049137, 2343049130

Au cours du VIIè siècle avant notre ère, des membres d'une communauté judéo-araméenne s'installent à Eléphanti

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French Pages [419] Year 2015

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Table of contents :
ABRÉVIATIONS
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE LIENS DE FAMILLE
CHAPITRE PREMIER DES FIANÇAILLES À L’UNION
CHAPITRE II ASPECTS ECONOMIQUES ET FINANCIERS DE L’UNION
CHAPITRE III RUPTURES
CHAPITRE IV DU DEVOIR FILIAL À L’AFFRANCHISSEMENT ET L’ADOPTION
DEUXIEME PARTIE LA VIE AU QUOTIDIEN ASPECTS ECONOMIQUES ET SOCIAUX
CHAPITRE V INSTRUMENTS D’UNE INDÉPENDANCE FINANCIÈRE
CHAPITRE VI ASPECTS DU QUOTIDIEN
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
INDEX
SOMMAIRE
TABLE DES MATIERES
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Destins de femmes à Eléphantine au Vè siècle avant notre ère
 9782343049137, 2343049130

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Collection KUBABA

Hélène NutkoWicz

Série Antiquité

DESTINS DE FEMMES A ÉLÉPHANTINE AU Ve SIÈCLE AVANT NOTRE ÈRE

DESTINS DE FEMMES A ÉLÉPHANTINE AU Ve SIÈCLE AVANT NOTRE ÈRE

Reproductions de la couverture : La déesse KUBABA de Vladimir Tchernychev ; Illustration : Une parcelle de réel, Jean-Michel Lartigaud Président de l’association : Michel Mazoyer

Comité de rédaction Trésorière : Valérie Faranton Secrétaire : Charles Guittard Comité scientifique Série Antiquité Sydney Aufrère, Sébastien Barbara, Marielle de Béchillon, Nathalie Bosson, Dominique Briquel, Sylvain Brocquet, Gérard Capdeville, Jacques Freu, Charles Guittard, Jean-Pierre Levet, Michel Mazoyer, Paul Mirault, Dennis Pardee, Eric Pirart, Jean-Michel Renaud, Nicolas Richer, Bernard Sergent, Claude Sterckx, Patrick Voisin, Paul Wathelet Ingénieur informatique Patrick Habersack ([email protected])

Avec la collaboration artistique de Jean-Michel Lartigaud et de Vladimir Tchernychev. Ce volume a été imprimé par © Association KUBABA, Paris © L’Harmattan, Paris, 2015 5-7, rue de l’École Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-343-04913-7 EAN : 9782343049137

COLLECTION KUBABA

Série Antiquité

Hélène Nutkowicz

DESTINS DE FEMMES A ÉLÉPHANTINE AU Ve SIÈCLE AVANT NOTRE ÈRE

Association KUBABA, Université de Paris I Panthéon – Sorbonne 12, place du Panthéon 75231 Paris CEDEX 05

Bibliothèque Kubaba (sélection) http://kubaba.univ-paris1.fr/

COLLECTION KUBABA Série Antiquité Sydney H. AUFRERE, Thot Hermès l’Égyptien. De l’infiniment grand à l’infiniment petit. Régis BOYER, Essai sur le héros germanique. Dominique BRIQUEL, Le Forum brûle. Jacques FREU, Histoire politique d’Ugarit. ——, Histoire du Mitanni. ——, Suppiliuliuma et la veuve du pharaon. Richard-Alain JEAN et Anne-Marie LOYRETTE, La Mère, l’enfant et le lait. Éric PIRART, L’Aphrodite iranienne. ——, L’éloge mazdéen de l’ivresse. ——, Guerriers d’Iran. ——, Georges Dumézil face aux héros iraniens. Michel MAZOYER, Télipinu, le dieu du marécage. Bernard SERGENT, L’Atlantide et la mythologie grecque. ——, Une antique migration amérendienne. Claude STERKX, Les mutilations des ennemis chez les Celtes préchrétiens. ——, Le mythe indo-européen du guerrier impie. Les Hittites et leur histoire en quatre volumes : Vol. 1 : Jacques FREU et Michel MAZOYER, en collaboration avec Isabelle KLOCKFONTANILLE, Des origines à la fin de l’Ancien Royaume Hittite. Vol. 2 : Jacques FREU et Michel MAZOYER, Les débuts du Nouvel Empire Hittite. Vol. 3 : Jacques FREU et Michel MAZOYER, L’apogée du Nouvel Empire Hittite. Vol. 4 : Jacques FREU et Michel MAZOYER, Le déclin et la chute du Nouvel Empire Hittite. Hélène VIAL, Incarnations littéraires d’une mère problématique. Michel MAZOYER (éd.), Homère et l’Anatolie. ——et Valérie FARANTON (éds.) Homère et l’Anatolie 2. Karim MANSOUR, L’enquête d’Hérodote. Une poétique du premier prosateur grec. Hélène NUTKOWICZ et Michel MAZOYER, La disparition du dieu dans la Bible et la mythologie hittite. Essai anthropologique.

À mon aïeul, Itsak ben Shimon, talmudiste.

ABRÉVIATIONS Afe AJ ASAE BA BACE BAR BASOR BdE BES BI Bib BIFAO BiOr BiNo Bibl. Nat. BSFE BZ CBQ CdE CRAIBL CRIPEL EA Enc. Jud. EVO GM HAR HTR

B. PORTEN, Archives from Elephantine, Berkeley, University of California Press, 1968. Flavius JOSÈPHE, Jewish Antiquities, Cambridge, Heinemann, 1961. Annales du Service des antiquités de l’Égypte. Biblical Archaeologist. Bulletin of the Australian Centre for Egyptology. Biblical Archaeology Review. Bulletin of the American Schools of Oriental Research. Bibliothèque d’études de l’IFAO. Bulletin of the Egyptological Seminar. Biblical Interpretation. Biblica. Bulletin de l’Institut français d’archéologie orientale. Bibliotheca orientalis. Biblische Notizen. Bibliothèque Nationale. Bulletin de la Société Française d’Egyptologie. Biblische Zeitschrift. Catholic Biblical Quarterly. Chronique d’gypte. Comptes rendus : Académie des Inscriptions et Belles Lettres. Cahiers de recherche de l’Institut de papyrologie et d’égyptologie de Lille. Les Lettres de Tell Amarna, trad. W. L. MORAN, D. COLLON et H. CAZELLES, Paris, Éd. du Cerf, 1987. Encyclopedia judaica, t. I, Jérusalem, 1971. Egitto e vicino oriente. Göttinger Miszellen. Hebrew Annual Review. Harvard Theological Review.

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HUCA IEJ ILR IURA JANES JANER JAOS JARCE JBL JEA JESHO JJS JLA JNES JNSL JSJ JRAS JSOT JSS LÄ MDAIK O. OTS P. RB RdE RIDA RHR RT SAK SJOT

Hebrew Union College Annual. Israel Exploration Journal. Israel Law Review. Rivista internazionale di diritto romano e antico. Journal of the Ancient Near Eastern Society of Columbia. Journal of Ancient Near Eastern Religions. Journal of the American Oriental Society. Journal of the American Research Center. Journal of Biblical Literature. Journal of Egyptian Archaeology. Journal of the Economic and Social History of the Orient. Journal of Jewish Studies. Journal Law Annual. Journal of Near Eastern Studies. Journal of Northwest Semitic Languages. Journal for the Study of Judaism in the Persian, Hellenistic and Roman Period. Journal of Royal Asiatic Society. Journal for the Study of the Old Testament. Journal of Semitic Studies. Lexicon der Ägyptologie, t. I-VI, Wiesbaden, Otto Harassowitz, 1975-1986. Mitteilungen der deutschen archaeologischen Instituts Abt. Kairo. Ostracon. Oudtestamentlische Studia. Papyrus. Revue Biblique. Revue d’égyptologie. Revue internationale des droits de l’Antiquité. Revue de l’histoire des religions. Recueil de travaux relatifs à la philologie et à l’archéologie égyptiennes et assyriennes. Studia zum altägyptischen Kultur. Scandinavian Journal of the Old Testament.

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TAD A, B, C, D,

TSBA UF VT ZABR ZAH ZÄS ZAW

B. PORTEN et A. YARDENI, Textbook of Aramaic Documents from Ancient Egypt, nlle éd., trad. de l’hébreu, t. I-IV, Jérusalem, 1986-1999. Transactions of the Society of Biblical Archaeology. Ugarit Forschungen. Vetus Testamentum. Zeitschrift für altorientalische und biblische Rechtgeschichte. Zeitschrift für althebraistik Untersuchengen. Zeitschrift für ägyptische Sprache. Zeitschrift für die altestamentlische Wissenschaft.

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INTRODUCTION

À l’orée du siècle dernier paraît une moisson de documents en araméen, dont la valeur est à peine présagée. Ils proviennent d’Éléphantine, île de Haute-Égypte, où s’installent, vers le milieu du VIIe siècle avant notre ère, les membres d’une communauté judéo-araméenne. Contrats, lettres, ostraca, listes et récits littéraires composent un gisement d’exception pour leur connaissance, où se dessinent des silhouettes de femmes parfois à peine entraperçues, et dont quelques fragments illuminent un court instant la vie. Quelquefois, des chroniques familiales s’esquissent autour d’une personnalité féminine, qui s’anime devant le lecteur émerveillé. Elles appartiennent tant à leur mémoire personnelle, qu’à l’histoire générale du Proche-Orient du Ier millénaire avant notre ère. Poser un regard attentionné sur leur histoire familiale, sociale et juridique, a paru un dessein nécessaire. Du quotidien à l’exceptionnel, les contrats permettent de reconstituer la trame d’un système juridique éminemment précis et complexe. Et, au-delà de l’apparente froideur de ces actes juridiques, transparaît l’aspect humain. « Les documents sur lesquels travaille l'historien peuvent sans doute renfermer tous une part d'imaginaire. Même la plus prosaïque des chartes peut, dans sa forme comme dans son contenu, être commentée en termes d'imaginaire. Parchemin, encre, écriture, sceaux, etc., expriment plus qu'une représentation, une imagination de la culture, de l'administration, du pouvoir (....)1. » Outre cet aspect, lettres et ostraca portent témoignage de leur vie quotidienne et familiale. Mais la documentation s’est faite rare. En effet, le nombre des contrats les concernant est par trop limité, ils sont souvent endommagés, voire réduits à l’état de fragments, les ostraca, le plus fréquemment en partie effacés, aucun document du VIIe siècle n’a été mis au jour et nulle représentation n’est parvenue d’Éléphantine. Ces carences nous privent d’une vision plus complète. En outre, les contrats inscrivent des limites aux informations transmises. Mais percevoir le manque et la détérioration des documents n’est pas incompatible avec l’appréciation de la documentation parvenue, qui n’a pas été perdue ou détruite dès l’Antiquité. Le tableau de ces femmes, qui laisse dans l’ombre certains aspects les concernant, tente néanmoins de

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« (...) L'imaginaire de l'écrit n'est pas le même que celui de la parole, du monument, de l'image. Les formules du protocole initial, des clauses finales, de la datation, la liste des témoins, pour ne pas parler du texte proprement dit, reflètent autant que des situations concrètes un imaginaire du pouvoir, de la société, du temps, de la justice, etc. », J. LE GOFF, 1985, p. III.

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rendre compte de leur condition et permet de reconstituer certaines coutumes et mœurs de leur temps. Les témoignages proviennent des membres de la communauté judéenne établie à Yeb, dont le nom grec parvenu jusqu’à nous est Éléphantine. Yeb, sise à l’extrémité méridionale de l’île du même nom, est située face au port fluvial de Syène, aujourd’hui Assouan, près de la première cataracte du Nil. Cette ville-garnison occupe une position stratégique essentielle, frontière méridionale de l’Égypte, face à la Nubie, qui joue un rôle tant militaire que de capitale provinciale2. Les Judéens installés en Haute-Égypte y vivent dans une relative accalmie entre le milieu du VIIe et le tout début du IVe siècle, puis disparaissent mystérieusement après une décennie d’épreuves, sans avoir laissé de trace dans la mémoire juive3. Les dates d’installation des membres de cette communauté semblent malaisées à affirmer formellement, en raison de la complexité de la situation historique dans les deux pays et du manque de documents écrits. De fait, les circonstances n’ont pas manqué, favorisant la venue de Judéens en Égypte au cours de la période qui s’étire du VIIe siècle à la période perse4. Des vagues successives d’implantation ont ainsi pu se succéder, après avoir fui le pouvoir en place, tant pour des raisons politiques que religieuses, peutêtre à partir de Manasseh en Juda et Psammétique Ier en Égypte5. Causes 2

Samarie et, indirectement, Jérusalem sont également des birta ou « villes fortes », au Levant, A. LEMAIRE et H. LOZACHMEUR, 1995, p. 76. 3 B. PORTEN, 2003a, p. 452. 4 P. GRELOT, 1972, p. 38 s. 5 Psammétique Ier installe des garnisons sur les frontières occidentale, orientale et au sud, à Éléphantine, qui sépare l’Égypte du royaume de Napata. Les troupes sont constituées de Grecs et de Cariens, de Nubiens et de Libyens, mercenaires traditionnels, et de Phéniciens, Syriens et Judéens devenus mercenaires à la suite des conquêtes assyriennes. Ces derniers remplacent peut-être les déserteurs égyptiens, qui, censés garder la frontière sud du royaume, se sont enfuis en Nubie et, malgré les promesses de Pharaon, se refusent à revenir. Par ailleurs, Manasseh a peut-être envoyé un contingent de soldats judéens à la demande du Pharaon. Parallèlement, le souverain, accusé d’avoir répandu le sang et paganisé le temple de Jérusalem, peut aussi avoir provoqué la fuite de prêtres du Temple. L’établissement de cette garnison de Judéens est à dater de 650 env. De plus, deux sources égyptiennes suggèrent que, comme les Judéens, les Araméens étaient installés en gypte avant la conquête perse, dont la première est la stèle égyptienne d’Esor sous Apriès, qui évoque, outre les Grecs et autres contingents, deux groupes d’Asiatiques : les mw et les Sttyw. Le premier peut se rattacher aux Judéens et le second aux Araméens. Et le Papyrus démotique Berlin 13615, de la fin du règne d’Amasis, rapporte une expédition en haute Nubie incluant deux ou trois groupes d’Asiatiques : rm.ṯ n Ḫr, rm.ṯ n Ỉwr et peut-être stm-mnṯ, correspondant au

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extérieures et intérieures peuvent expliquer leur venue vers l’Égypte et leur devenir de mercenaire. Établis avec leurs familles, mercenaires et prêtres ont érigé un temple, et tout indique une communauté vivante et organisée, au service du pouvoir pharaonique dès le VIIe siècle, puis de la puissance perse lorsqu’elle conquiert l’Égypte. Les garnisons d’Éléphantine, de Syène, d’Hermopolis, de Daphnae et de Migdol sont mises en place sous les rois saïtes6, et la première a pour mission de protéger la frontière méridionale du royaume. Elles se composent de contingents d’étrangers basés en permanence en Égypte. De nombreux mercenaires judéens, araméens, phéniciens, syriens, akkadiens, cariens, ciliciens, caspiens, et autres, les intègrent. Les mercenaires judéens sont versés dans des régiments divers, et aucun rb dgl (chef de régiment) n’est judéen. Ils se battent pour un salaire et non une idéologie. Selon le témoignage d’Hérodote7 (II, 168), sous la dynastie saïte, tous les guerriers jouissent de certains privilèges, dont la concession de tenures de terre personnelles. Les mercenaires judéens d’Éléphantine8 au service des précédent Sttyw, B. PORTEN, 2003a, p. 459 s. La lettre d’Aristée mentionne des Judéens envoyés comme auxiliaires dans l’armée de Psammétique contre le souverain éthiopien. Mais, tant Psammétique Ier que Psammétique II se sont battus contre le roi éthiopien, aussi est-il difficile de préciser lequel des deux est concerné, S. SAUNERON et J. YOYOTTE, 1952, p. 200 s. ; S. SAUNERON, 1952, p. 131 s. ; B. PORTEN, 1968, p. 5 s. ; E. BRESCIANI, 1992, p. 88, rappelle qu’un nombre important d’Israélites affluent en gypte entre la fin du VIIIe et le VIe siècle, à la suite des conquêtes assyrienne et babylonienne, et ajoute qu’ils peuvent également avoir émigré sous le règne de Nechao et lors de la déportation à Babylone. À l’argument de l’impossibilité d’un autre temple de YHWH qu’à Jérusalem, il importe de rappeler l’existence de plusieurs sanctuaires dès avant la période royale à Gilgal, Silo, Mipa, Ophra et Dan, lors de la période royale à Béthel. Divers textes les évoquent : 1 R 12, 26-33 ; Am 5, 5 ; 8, 14 ; Os 4, 15 ; Ez 6, 1-6 ; 7, 24 ; Jr 7, 1-20 ; 13, 27, H. NUTKOWICZ, 2011a, p. 84-85. 6 La dynastie saïte (XXVIe dynastie) dure de 664 env. jusque 527-525, date de la conquête de l’gypte par Cambyse et des débuts de la première domination perse. La XXVIIe dynastie s’étend de 527-525 à 400 env. La XXVIIIe dynastie saïte marque la fin de la première domination perse et court de 404-403 à 398-397, la suivante de 398-397 à 379-378. La XXXe dynastie est fondée en 379-378 pour finir en 342-341. Les Perses reprennent le pouvoir et la XXXIe dynastie perse commence en 340 env. pour disparaître en 332, L. DEPUYDT, 2006, p. 494-495. Selon Jr (44, 1 ; 46, 16) et Ez (29, 10 ; 30, 6), un autre site d’gypte, Migdol, aurait été tenu par des militaires judéens gardant les postes frontières. 7 Toujours selon Hérodote II, 177, le nombre de guerriers atteint le chiffre de 410 000. Cette information n’est liée à aucune date précise des périodes saïte et perse. 8 Dans l’intégralité des contrats, l’identité des personnages est systématiquement précisée selon ses origines ethniques et non religieuses, aussi semble-t-il logique et nécessaire, par extension, de traduire le terme yhwdy par « Judéen ».

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pharaons égyptiens puis perses ne dérogent pas à ces usages, qui reçoivent de l’administration civile, outre leur solde et des allocations en vivres, des terres à cultiver9. Leurs familles en ont laissé des traces écrites en araméen, lingua francae de cette période, et ces pièces à conviction, mettent leur vie sous les projecteurs. Divers et distincts, ces écrits10 mettent en lumière multiples aspects de la vie des habitants judéens de l’île. Trois séries d’archives, dont deux familiales acquises sur le marché des antiquités et une communale mise au jour lors de fouilles, composées de contrats divers et également de lettres et d’ostraca, constituent une importante documentation sur les événements tant historiques que familiaux qu’ils vont vivre lors de cette période de changements politiques. Le lot d’archives, dites « communales », de Yedanyah, fils de Gemaryah, probablement un neveu de Mipayah, dont le contenu découvre des fragments de la vie de la communauté, met en scène son dirigeant à la fin du Ve siècle, de 419-418 à 407. Dix documents composent cet ensemble. Ils lui ont été adressés, ou écrits par ses soins, et se rapportent à des événements vécus. Le premier écrit ou « Papyrus Pascal » de 419 se révèle être d’une portée exceptionnelle bien qu’à l’état fragmentaire. Il provient d’un personnage inconnu du nom d’Ḥananyah11 qui remplit ici une fonction officielle et rapporte à Yedanyah et aux autres chefs de la garnison d’Éléphantine un rescrit de Darius II à son satrape Arsamès, concernant l’observance de la fête de Pâques12. Divers courriers retracent par le détail les événements vécus par les membres de la communauté judéenne, dont les plus importants se rapportent à la destruction du temple, en 410 ou à peine plus tard, par les Égyptiens (A4.5), et la demande de reconstruction, et 9

H. LOZACHMEUR, 1995, p. 69. B. PORTEN et al., 2011, p. 77 s. 11 Selon P. GRELOT, 1972, p. 379 s., il pourrait s’agir du frère de Néhémie (Ne 1, 1 ; 7, 2) ou du commandant de la citadelle de Jérusalem (7, 2). De plus, il semblerait que les autorités religieuses de Jérusalem ont introduit une réforme cultuelle, entrant dans un plus vaste cadre, puisque le pouvoir perse vise à unifier le droit coutumier s’appliquant à tous les Juifs de l’Empire. 12 Des prescriptions conformes aux textes d’Ex 12, 15-20 et de Lv 23, 5-8, précisant la date à laquelle elle commencera, les premier et dernier jours, la durée, l’interdiction de travailler le premier et le dernier jour de la fête, et l’obligation de consommer des azymes y figurent, de même l’interdiction d’introduire du levain dans les chambres (A4.1). D’autres règles s’y ajoutent, telles la défense de consommer des boissons fermentées, l’obligation de pureté et l’autorisation de conserver le levain à l’écart. Un objet politique est peut-être sous-jacent au texte de Darius. Plus tard, une autre lettre confirmera que ce personnage s’est bien rendu en Égypte. La religion d’Éléphantine « de forme et d’esprit prédeutéronomique », se rattache au courant de Jérusalem, P. GRELOT, 1972, p. 385. 10

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relatent l’emprisonnement des chefs de la communauté, dont Yedanyah et six femmes judéennes. L’ensemble de cette correspondance tisse la trame de la tragédie qui perdure un peu plus d’une dizaine d’années. Elle dépeint la situation critique et agitée que vivent les Judéens lors de la dernière décennie du Ve siècle au moment de la reconquête du pays par les Égyptiens, des vicissitudes à la crise finale et le retour à un calme mystérieux qui voit se dissoudre la communauté organisée. Les archives de Mipayah comptent onze documents (B2.1-11), qui s’étendent du 12 septembre 471 au 10 février 410, et dont le contenu révèle des donations, renonciations à biens, contrats de mariage, un partage d’esclaves, des usufruits, un contrat de fiançailles. Ils mettent également sur le devant de la scène d’autres membres de sa famille, de manière directe ou indirecte, son père Maseyah, sa mère et ses frères, son premier mari Yezanyah, fils d’Uryah, puis son second époux l’Égyptien Esor, architecte du roi13, leurs deux fils, Maseyah et Yedanyah, et s’étendent sur trois générations, permettant de suivre l’évolution de sa situation personnelle et patrimoniale, d’être instruit des avoirs familiaux de cette famille aisée et de leur transmission, d’observer les conséquences sociales et religieuses d’une union exogame, d’avoir accès à des sources d’infractions et de justice. Sept scribes différents ont enregistré ces opérations. Le lot d’archives d’‘Ananyah renferme treize contrats qui s’étendent du 13 décembre 456 au 2-31 décembre 402, couvrant ainsi un demi-siècle. Variés, ils ont livré deux contrats de mariage, le sien avec l’esclave égyptienne Tamet et celui de leur fille, un complément de dot, des donations, des prêts, un document d’émancipation et un autre d’adoption, un contrat d’usufruit, un retrait de plainte, des contrats de vente et achat. Seuls trois scribes ont écrit ces documents (B3.1-13). Outre les actes de ces trois lots d’archives, des papyri, ostraca et lettres apportent d’autres informations sur la vie quotidienne et politique. En provenance de Juda, ces femmes emportent dans leurs bagages les pratiques de ce pays. Les récits bibliques, qui décrivent coutumes et usages, et les lois permettent d’avoir accès aux traditions apportées et de suivre leur évolution. L’analyse juridique et anthropologique comparative des documents d’léphantine avec ceux de l’Égypte et de Juda met au jour, précise et accentue la perception des liens tissés, laissant discerner de profondes empreintes des premières sur les traditions des Judéens d’léphantine connues. Il se peut que Mipayah ait été mariée une troisième fois avec un gyptien nommé Pia, mais le contrat de mariage correspondant ne nous est pas parvenu. Il serait évoqué avec peu de détails dans l’acte de retrait de biens : B2.8. Les éléments sont insuffisants pour trancher à propos de cette union. 13

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Pour Juda et Israël, aucune trace de contrat ne nous est parvenue. Seuls des récits, textes de lois et sagesses, dont les aspects rédactionnels ne seront pas discutés, et quelques traces archéologiques sont disponibles. En dépit de ces manques, les éléments qu’ils procurent contribuent le plus souvent à combler des vides sur le statut des femmes de l’ancien Israël. Une grande part des écrits substantiels sur les femmes sont attestés entre 1 Samuel et 2 Rois 1114. Les autres textes de la période royale témoignent de changements affectant tant le rôle des hommes que celui des femmes et leur apport à la société. Textes prophétiques et sagesses reflètent les réalités sociales et religieuses des périodes où ils interviennent et des lieux dont ils sont originaires. Un texte de Pr (31, 10-31), sorte d’enseignement d’une femme à sa fille, paraît l’exception, car probablement écrit par une femme qui transmet sa vision du rôle social et économique des femmes. En complément et en parallèle, d’autres textes des Proverbes, probablement également écrits par une femme, constituent l’instruction d’une femme à son fils (1 à 9). La vision d’une femme, sa conception du rôle social des membres de la famille, vient s’ancrer en contrepoint à celle de l’homme et établir une sorte d’équilibre dans la transmission des informations portées à notre connaissance. La législation figurant en Exode se soucie peu des femmes, et le Deutéronome plus tardif n’en fait pas non plus le centre de ses préoccupations. Ce dernier leur impose l’intégration dans le cadre familial sous une autorité masculine. Mais la recherche ethnographique montre la disjonction entre l’idéologie transmise par ces textes et le comportement social. Il n’est que de citer l’avertissement prodigué par E. Leach : « L’observateur doit distinguer entre ce que les personnes font et ce que les personnes disent qu’elles font ; c’est-à-dire entre les coutumes ordinaires interprétées individuellement d’une part, et la règle normative d’autre part15. » L’histoire présentée et les lois sont le fait des hommes et de leur approche philosophique, et leur aspect subjectif peut être parfois contredit par les sagesses et les réalités archéologiques. Si seules quelques lois, en Égypte, sont mises au jour dans le Code d’Hermopolis16, ou d’autres ouvrages de compilation17, le manque est 14

I. LJUNG, 1981, p. 52 s. E. LEACH, 1982, p. 130. 16 Ce manuel propose un ensemble de modèles pour l’établissement des contrats, reçus, réclamations publiques et décisions judiciaires. Le texte peut être daté de la première moitié du IIIe siècle, mais sa composition la précède d’au moins deux siècles, A. F. BOTTA, 2009, p. 72-76. G. MATTHA et G. R. HUGHES, 1975. J. MELEZE-MODRZEJEWSKI, 1995, p. 2-6, le considère comme le produit final d’une longue série de collections partielles, écrites par les prêtres égyptiens et préservées dans leurs archives. K. DONKER VAN HEEL, 1990 ; S. GRÜNERT, 1982 ; P. W. PESTMAN, 1985, p. 116-143 ; S. ALLAM, 1986a, p. 50-75. 15

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comblé par des archives, tant de femmes que d’hommes, sous forme de contrats et de lettres privées. Mettant en scène les femmes, elles sont le plus souvent constituées de documents privés et contiennent des conventions diverses, actes de mariage, de divorce et d’adoption, donations, ventes, échanges, reconnaissances de dettes, emprunts, quittances et actes de retrait, enregistrés sur des papyri et rarement sur des ostraca. Pour ce qui a trait à la question des périodes, les institutions sociales n’étant pas soumises aux changements politiques, il est loisible de penser que nombre d’informations provenant des documents décrivent des réalités qui n’ont pas ou peu subi de transformations importantes pour les périodes antérieure et postérieure18. Le choix des contrats étudiés s’est effectué en fonction de deux critères. Selon le premier, les documents mettent en lumière une femme partie au contrat, et pour le second, la date d’établissement des actes de préférence de la période perse, parfois étoffés par des documents de la période saïte et hellénistique, et si besoin est, remontent dans le temps jusqu’au Nouvel Empire. Ces archives transmettent des modèles de formulaires, les évolutions de ces actes et le sens qu’ils portent quant à la condition des femmes. En outre, contes et sagesses égyptiens enrichissent nos connaissances sur les usages, les coutumes et les représentations égyptiens, de même que leur perception masculine. L’ensemble de cette documentation éclaire la position sociale et légale des femmes, leurs activités économiques, leur rôle. Ces données qui restent rares permettent néanmoins d’en comparer le contenu avec les documents d’léphantine. Les aspects juridiques et anthropologiques étudiés dans cet ouvrage discernent réponses et limites dans le contenu des contrats et des ostraca provenant des femmes de la communauté judéenne d’léphantine. L’union et ses conséquences patrimoniales, le divorce, les questions touchant à leur patrimoine et à sa transmission, quelques opérations financières et économiques, certains aspects de leur vie quotidienne en constituent la matière, de même que les liens avec celui des femmes de Juda et d’Égypte, les influences et leurs conséquences. Leur condition y apparaît. La difficulté de traduire cependant la pensée et les usages de leur période reste néanmoins présente à l’esprit, qui permet d’affirmer que, disposant de traces écrites seules et peu nombreuses, la reconstitution reste sujette à la subjectivité. Cet ouvrage aspire à brosser le tableau le plus vivant possible du monde auquel elles appartiennent et dans lequel elles évoluent, afin de 17

D’autres manuels sont attestés durant la période ptolémaïque, de périodes plus anciennes : E. BRESCIANI, 1981 ; M. CHAUVEAU, 1991 ; W. J. TAIT, 1991 ; E. SEIDL, 1962b, p. 3-4. 18 S. ALLAM, 1981, p. 117.

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mieux saisir certains aspects du déroulement de leur mode de vie, de même que des éléments de leur statut. Elles ont vécu la paix et la violence de la guerre, et leur existence en a probablement subi les conséquences, mais ces dernières n’ont guère laissé de traces dans les écrits, si ce n’est une lettre, témoin de leur séjour en prison… Certains documents leur sont particulièrement dédiés et cet ensemble de témoignages, dans sa diversité, fait renaître et revivre ces femmes devenues si familières.

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PREMIERE PARTIE

LIENS DE FAMILLE

CHAPITRE PREMIER

DES FIANÇAILLES À L’UNION

Tissés par des événements tels que les fiançailles, le mariage, le divorce et l’adoption, les liens familiaux peuvent être perçus grâce à ces contrats divers qui en déroulent la trame et la densité, laissant néanmoins nombre de points dans l’ombre. Les fiançailles sont connues par un unique fragment. Et seuls trois contrats de mariage du Ve siècle en bon état de conservation19 donnent accès à cette institution. En outre, quelques fragments ne manquent pas d’en confirmer certaines clauses20. Un contrat écrit devant témoins, quel que soit le statut social des participants, semble un passage obligé. Une demande en mariage le précède, qui met en scène le fiancé et un membre masculin de la famille de la promise ou son représentant, susceptible de consentir à cette union. Elle est suivie d’une déclaration orale constatant le lien récemment établi, et probablement de réjouissances. Puis, le règlement des questions économiques et financières et l’entrée de l’épouse dans la maison du mari achèvent de concrétiser l’alliance. La sélection des contrats de mariage démotiques avec douaire s’appuie sur les plus anciens documents, ceux de la période achéménide et certains de la période ptolémaïque. Les documents avec versement d’argent « pour devenir une épouse » et ceux avec « document d’alimentation » sont également choisis de préférence parmi ceux de la période perse et parfois de la période suivante. Le droit matrimonial de l’ancienne Égypte, s’il est connu par des documents de la Basse poque remonte au moins à l’époque ramesside21. Et les contrats de mariage de la période tardive permettent l’étude de différents aspects de l’union et leurs conséquences sur la séparation22.

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Ils portent les références B2.6 (14 oct. 449 avant notre ère), B 3.3 (9 août 449) et B3.8 (2-30 oct. 420), TAD II. 20 Les contrats B 6.1 ; 2 ; 3 et 4 sont très incomplets. 21 S. ALLAM, 1996, p. 205. 22 P.W. PESTMAN, 1961.

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LES FIANÇAILLES Le contrat de mariage semble pouvoir être précédé d’un autre document, sorte de contrat de fiançailles dont le seul exemplaire provient des archives de Mipayah (B2.5). Cet acte, dont l’objet semble la mise par écrit de modalités concernant les accordailles et le mariage, peut aussi prévoir leur remise en cause, et l’unique clause conservée le précise. Elle rappelle que le promis s’engage, d’une part, à verser une somme initialement prévue avant l’union au futur beau-père, le mohar, « donation matrimoniale » et, d’autre part, à venir vers sa promise du nom de Mipayah afin de : lmlq lntw, « la prendre pour épouse » (B2.5 2), faute de quoi il s’oblige à ntn, « donner » une somme d’argent dont le montant n’est plus lisible sur le document23. Les deux impératifs se cumulent, et s’ils ne se concrétisent pas, la sanction consécutive à la rupture des fiançailles consiste en un dédommagement financier. Quelle que soit la décision du fiancé, il doit néanmoins abandonner un certain montant au père de sa promise (B2.5 2). Dès son engagement, tout choix entraîne des conséquences financières manifestant sa responsabilité. Il doit payer pour accepter ou renoncer. Dans le premier cas, le paiement de cette somme fait partie des formalités de l’union qui se concrétise24. Dans le second, le promis doit répondre des conséquences de l’abandon et ce montant se transforme en dommages et intérêts qui ont pour objet la réparation financière et métaphorique du préjudice causé. Les négociations, dans la perspective d’un mariage, mènent aux fiançailles. Les textes bibliques mettent en évidence cette coutume sans pour autant préciser les règles qui s’y appliquent, et le terme , « fiancée » y est assuré (Ex 22, 15 et Dt 20, 7 ; 22, 23 ; 28, 30). Peu d’informations sont disponibles permettant d’éclaircir le contenu des obligations contractuelles entre les deux familles. Seules la dot et la donation matrimoniale sortent de l’ombre, inséparables des fiançailles (2 S 3, 14 ; 1 S 18, 25). Elles ne sont pas toujours aussitôt suivies par le mariage (Gn 24, 54-55). Les textes n’évoquent pas l’établissement d’un contrat, mais il n’est pas impossible qu’un document ait été établi pour preuve des négociations et des compromis25. Aucun document de cette sorte ne semble attesté à ce jour dans l’Égypte ancienne.

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Dt 25, 5 emploie une formulation identique, où le levir « vient vers » la veuve de son frère et la « prend » pour épouse, B. PORTEN, 1989a, p. 82-85. 24 Voir ch. II, p. 75s. 25 E. NEUFELD, 1944, p. 142-144.

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L’UNION Le contrat de mariage Conséquences de l’union, ces documents ouvrent une perspective sociale, économique et juridique sur le lien du mariage, et leurs aspects civil et privé sont à relever, qui organisent en une forme juridique un corpus de règles ainsi transmises. Ils peuvent être dressés à tout moment de l’union, le jour même ou plus tardivement. Les contrats partagent points communs et particularismes. Styles objectif et subjectif s’y entrecroisent, et des répétitions scandent les avancées du texte. Permettant de saisir, au moins partiellement, le contenu économique et financier de l’union et de sa désagrégation, ils ne se contentent pas d’établir et de confirmer l’historique de l’événement en un lieu et à une date spécifique. Ces conventions ne sont aucunement des certificats de mariage. Affirmant le lien du mariage et le nouveau statut des époux, ils prévoient, outre la dot et la donation matrimoniale, le divorce et ses conséquences financières, des questions d’héritage et parfois certaines clauses particulières. Ainsi, d’autres dispositions peuvent être ajoutées, telles l’interdiction de prendre une autre épouse (B3.8 36-7), ou celle plus inhabituelle de prendre un autre mari (B3.8 33). Si le mariage est une situation juridique, les contrats constituent des actes juridiques dont le contenu les réglemente et produisent des effets de droit. Ils n’évoquent ni ne décrivent explicitement aucune pratique ou formalité religieuse. Leur contenu stipule des clauses récurrentes et d’autres correspondent aux nécessités et désirs des parties. L’ordre de leur présentation est également variable, probablement selon le message transmis, l’intention des parties et le scribe notaire. L’établissement d’un acte écrit n’est aucunement requis par la loi biblique, et aucune référence n’est faite à ces documents. Coutumes et règles familiales sont d’ordre privé et ne concernent pas les collections de lois, expliquant ainsi l’absence de dispositions s’y appliquant. Mais la possibilité que de tels écrits aient existé n’est pas à exclure26. Il semble, en effet, malaisé de considérer qu’aucun document écrit n’ait réglementé, à tout le moins, les aspects économiques de l’union, tout en sachant que des scribes sont en mesure de réaliser de tels contrats. Les peuples voisins appliquent cette coutume, aussi semble-t-il étonnant qu’elle n’ait pas atteint Juda et Israël avant l’Exil. Et, dans la mesure où les actes de divorce sont d’un usage 26

Il n’y aurait pas de preuve d’écrit de cette sorte avant le VIIe siècle, selon L. M. EPSTEIN, 1942, p. 30-31. À juste raison, les contrats de mariage seraient en usage depuis le temps de Salomon pour les classes aisées. Mais ce document n’a jamais été obligatoire, E. NEUFELD, 1944, p. 152-159.

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courant durant la période deutéronomique (Dt 24, 1-3 ; Jr 3, 8), il est plus que probable que des contrats écrits aient été partie intégrante de la procédure du mariage27. Pour autant, la plus ancienne référence à un contrat de mariage se rapporte à celui de Tobie (7, 1428). Si aucune loi ne contraint à établir un contrat, une dame égyptienne de qualité se doit d’exiger cet acte privé29, dont il est possible qu’il s’agisse du sfr évoqué par Pharaon30. Attesté à compter de la troisième période intermédiaire, il peut être établi devant témoins, et les plus anciens datent du IXe siècle (P. Berlin 3048 II 1-21). Pas toujours rédigé le jour du mariage, il peut être reporté pour des raisons particulières, souvent économiques, telles l’évolution du patrimoine ou la dissolution de l’union. Son schéma n’est pas unique et son contenu est diversifié31. Si un contrat n’est pas indispensable à la célébration de l’union, il en sert de preuve. Il peut ne jamais être établi. Certains le sont par des femmes, tels les Papyrus Berlin 3078 de 492, et Libbey de 341-332. Son contenu est essentiellement économique et prévoit la répartition des biens du mari en diverses circonstances. Aussi ne paraît-il guère utile aux personnes indigentes et son prix de revient élevé en raison du coût du matériau et de l’intervention du scribe semble dissuasif. Habituellement conservé dans les archives de la famille de l’épouse s’il n’y a pas eu séparation (P. Louvre 7846 ; P. Rylands 10), il peut également être donné en garde à un tiers ou à un temple (P. Berlin 3048 II 1-3, archives du temple d’Amon). Sa copie est parfois insérée 27

D. R. MACE, 1953, p. 175. En Tb 7, 12-24, texte plus tardif, le père de Saraï, Raguel, donne la main de sa fille à Tobie et scelle leur union par un contrat de mariage. 29 Le P. Turin 2021, de la XXe dynastie, cite Pharaon affirmant : « Donne à chaque femme son sfr. » Ce document est néanmoins l’unique occurrence de cette exigence. Bien que sa signification ne soit pas évidente et que les approches soient diverses, l’une d’elles, celle d’« écrit », est proposée par A. H. GARDINER, 1940, p. 23, confirmant l’origine étrangère de ce terme. D’autres interprétations sont attestées : « La dot de chaque femme », J. ERNY et T. E. PEET, 1927, p. 32 ; « Que chacun fasse ce qu’il désire de ses biens », A. THEODORIDES, 1970, p. 191. Il désigne le droit de la femme au tiers des acquêts ou à la totalité des biens acquis dans le mariage. Et l’orthographe de ce terme ferait penser à un mot d’origine étrangère, P.W. PESTMAN, 1961, p. 153 ; « Laissez faire chacun ce qu’il désire de son bien », F. NEVEU, 2001, p. 29. 30 Les Neuf Palabres du paysan volé, B2 128, livre l’expression : nj=k n(=j) spr.wt, « ces tiennes suppliques », A. H. GARDINER, 1923, p. 21 ; R. B. PARKINSON, 1991 ; C. LALOUETTE, 1984, p. 200. De fait, puisque, dans ce contexte, ce terme peut être traduit par « supplique », par extension et dans le cadre de l’union, il pourrait évoquer l’acte de mariage. 31 S. ALLAM, 1981, p. 118. 28

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dans un ensemble de textes, qui comporte également d’autres contrats : il s’agit d’un registre de conventions confié aux temples32. Les sept protocoles les plus anciens proviennent de Thèbes et datent du IXe siècle au 7 novembre 54833. Puis, à compter de la période satrapique jusqu’à la période ptolémaïque34, seuls quatre contrats avec douaire sont connus, dont un provenant d’léphantine, deux de Thèbes et le dernier d’Edfou35, un avec l’« argent pour devenir une épouse » de Thèbes, et un autre avec « document d’alimentation36 » d’Hawara. Si le contrat le plus ancien de cette catégorie date de 365/364, certains éléments y figurant sont déjà en usage durant la période achéménide37. Le contrat de Mipayah38 (B2.6) provient de ses archives, et ceux de Tamet (B3.3) et Yehoyima (B3.8)40 de celles d’Ananyah. Quatre autres actes, à l’état de fragments, ont été préservés, qui couvrent deux décades environ, de 446 au dernier tiers du Ve siècle. L’un d’eux a conservé 39

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P. W. PESTMAN, 1961, p. 26, 177. P. Berlin 3048 II 1-3 ; 3048 II 4-7 ; 3048 II 8-10 ; 3048 II 11-21 (IXe siècle) ; P. Caire 30907/30909 (31 déc. 668) ; P. Louvre 7849 ; 7857 A/B (3 janv. 588) ; 7846 (7 nov. 548), E. LÜDDECKENS, 1963. 34 Une typologie met en évidence trois sortes de contrats en fonction de leurs spécificités économiques et des apports effectués par le mari ou par l’épouse : les contrats de type A renferment le p, « donation matrimoniale », ceux de type B n’en comprennent pas, le mari reçoit une somme d’argent de la femme : l’« argent pour devenir une épouse » et, dans les contrats de type C, la femme transmet à son mari une somme destinée à son entretien annuel « document d’alimentation », P. W. PESTMAN, 1961, p. 167. 35 P. Berlin 13614 après 536 ; 3078 (déc. 492, Thèbes) ; P. Lonsdorfer I (1er déc. 364, Edfou) ; P. Libbey (341-332, Thèbes). 36 P. British Museum 10120A : contrat avec l’« argent pour devenir une épouse » de février 517, et P. Oriental Institute 17481/P. Chicago Hawara 1 : contrat avec « document d’alimentation » de 361. 37 Il s’agit de l’expression « argent du trésor de Ptah », introduite durant la période perse. En outre, le plus ancien document : s n snḫ attesté date de l’année 563, P.W. PESTMAN, 1961, p. 38. 38 Le 14 octobre 449, Mipayah, devenue veuve, se remarie avec Esor, fils de 33

Djeo, architecte royal (B2.6). Elle est probablement âgée d’une trentaine d’années. Tamet apparaît pour la première fois le 9 août 449. gée de seize ans environ, elle a d’ores et déjà donné naissance à son fils Pilti/Paltiel (B3.3). 40 Yehoyima, peut-être née en 434, est émancipée et adoptée en 427 à l’âge de sept ans. Le 11 juillet 420, elle reçoit l’usufruit d’une partie de la maison de son père, probablement à l’occasion de son mariage (B3.8, 2-30 oct. 420), elle est alors âgée de quatorze ans. 39

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les premières clauses (B6.1), le deuxième une partie de la modalité de la dot (B6.2), le troisième (B6.3) et le quatrième, la fin du document (B6.4). Mesurant 28 cm de large par 83, 5 cm de hauteur, le contrat de Mipayah présente 39 lignes perpendiculaires aux fibres sur le recto. Le contrat complet de Tamet (B3.3) mesure 32 cm de large et 26 cm de haut. Sur ses 17 lignes, 15 sont perpendiculaires aux fibres au recto et 2 au verso sont parallèles aux fibres41. Les dimensions du contrat de Yehoyima (B3.8) atteignent 30 cm de large par 92 cm de hauteur. Ce document, le plus long de tous, comprend 45 lignes, dont 44 au recto et une au verso. La date et le lieu Portant la date à laquelle elles ont été établies, les conventions témoignent de légères différences de présentation. Le contrat de Mipayah indique le mois et le jour selon les computs babylonien et égyptien, 24 tiri ou 6 épipi, et l’année du souverain régnant, an 16 d’Artaxerxès, le 14 oct. 449 (B2.6 1). Celui de Yehoyima transmet le mois selon les computs babylonien et égyptien, tiri et épipi en l’an 4 de Darius, soit le 2-30 oct. 420 (B3.8 1), sans préciser le jour. Un contrat très incomplet (B6.1 1) porte la date du 8 iyyar c’est-à-dire le 20e jour du mois de tybi, an 19 d’Artaxerxès, le 30 avril 446. La date du document ne précise ni n’atteste, pour autant, celle du mariage. L’acte peut être établi à tout moment, lors de l’union ou après, lorsque nécessité se fait sentir. Le contrat de Tamet et d’Ananyah est dressé le 18 av ou 30e jour du mois de pharmouti, an 16 d’Artaxerxès, le 9 août 449, après la naissance de leur fils Pilti (B3.3 13-14). La mention du lieu où se produisent les événements n’est pas systématique ni essentielle, et seul l’acte de mariage de Yehoyima présente cette clause : [dyn] byb byrt, « [Alors] à léphantine, la forteresse » (B3.8 1). Parallèlement, tout contrat égyptien précise également la date de sa rédaction, l’année du souverain régnant, la saison et le mois. La mention du jour figure dans les documents établis avant 540 ou à partir du IIe siècle. Certains ne mentionnent que le mois, la saison et l’année du pharaon : .t-sp 30 tpj ḫ.t n pr- Trjw, « L’an XXX du pharaon Darius, 1er mois de la saison akhet (inondation) » (P. Berlin 3078 1), Thèbes, déc. 492, ou encore le jour, le mois et l’année : « L’an XIII du pharaon Taharqa, 3e mois de la saison akhet42 28e jour » (P. Caire 30907/30909 1), Thèbes, 31 déc. 668 ? Rédigés le plus souvent au moment du mariage (P. Berlin 3078 1. 3), Thèbes, déc. 492, ils peuvent également l’être ultérieurement et parfois après la naissance d’enfants (P. Louvre 7846). Ce dernier document date de la 22e 41

B. PORTEN et al., 2011, p. 177, 209. Les unions se concrétiseraient durant la saison de l’inondation ou akhet, selon M. EL-AMIR, 1959, p. 144. 42

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année d’Amasis (P. Louvre 7846 9), tandis que l’union du couple s’est concrétisée la 15e année de ce pharaon, sept ans plutôt (P. Louvre 7846 143). Le choix des époux Résultant, à léphantine, des mêmes critères que ceux du monde ambiant égyptien, il révèle une société où les alliances se concrétisent pour leur grande majorité dans un même milieu social et/ou familial, et géographique44. Des exceptions sont avérées, qui voient se réaliser des unions exogames et/ou des liens tissés avec une épouse de condition servile. Les références, à Mipayah, qui épouse en premières noces un Judéen, puis s’unit à un gyptien, et Ananyah, serviteur de YHW, qui se marie avec la serve égyptienne Tamet probablement en raison de leur inclination, sont exemplaires. Leur fille convole avec Ananyah, fils d’Ḥaggai, probablement neveu de Zaccur, son frère adoptif et fils de son ancien maître et père adoptif, et leur union semble se réaliser dans un même cercle familial. Le père de Mipayah et son premier gendre exercent l’activité de mercenaires, tout comme le maître de Tamet et le mari de Yehoyima, alors que le second époux de Mipayah, égyptien, exerce celle d’architecte du roi. La plupart des Judéens d’léphantine sont des mercenaires, et leurs alliances se confinent essentiellement dans ce même environnement socioculturel. Aucun élément ne permet de préciser si les unions se déterminent de préférence selon des priorités sociales ou économiques particulières et, si les sentiments jouent un certain rôle, ils ne s’excluent pas. D’autres unions exogames apparaissent à la lecture de différents documents, dévoilées par l’onomastique. Quelque quinze personnes à léphantine et peut-être une à Syène ne portent pas de noms hébreux au contraire de leurs enfants, dont voici quelques exemples : Ater, père de Zaccur (B2.7 3) ; Esor, père de Yedanyah et de Maseyah (B2.10 3) ; Meshoullam, fils de Besas (B3.11 8) ; Mardu, père de Ḥaggai (B3.10 26). L’explication probable se trouve dans l’union de leurs pères avec des femmes judéennes. Parallèlement, parmi les douze occurrences où le père porte un nom hébreu mais pas le fils/la fille, certaines peuvent résulter également d’unions exogames et s’expliquent par la papponymie : ainsi, par exemple, Arvaratha, fils de Jehonathan (B4.4 21), et Sinkishir, fils de Shabbetai (B3.9 1045). 43

P. W. PESTMAN, 1961, p. 29. Par ailleurs, 16 % des couples environ ont des enfants avant l’établissement des contrats avec shep (douaire). 44 H. NUTKOWICZ, 2008, p. 125-139. 45 Quelques autres exemples : Azibu b. Berechiah (A4.4 3), Bethelnathan b. Jehonathan (B6.4 5), B. PORTEN, 1968, p. 148-149.

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Certaines, parmi ces alliances, peuvent mener à l’assimilation de la compagne ou du compagnon égyptien dans la communauté judéenne. L’exemple d’Esor, second époux de Miyah, met en lumière cette situation. Son évolution se perçoit à la lecture des contrats où il apparaît. Dans un document du 2-30 septembre 420 (B2.9 3. 20), contrairement à l’usage commun où le fils est uniquement identifié par le patronyme du père, l’identité de ses deux fils est rattachée à leur père tout autant qu’à leur mère : « Yedanyah et Maseyah, tous deux fils d’Esor, fils de Djeo, de Mipayah, fille de Maseyah ». Ce premier acte les associe à la communauté judéenne par leur mère. Entre-temps, leur père fait sien le nom de Nathan, révélant son attachement et son intégration à la communauté judéenne, et il n’est plus fait référence à Esor, fils de Djeo. Aussi, dans l’un des contrats du 16 décembre 416 où ils sont parties, ses deux fils portent-ils le nom : ydnyh br ntn wmsyh br ntn wh46, « Yedanyah, fils de Nathan, et Maseyah, fils de Nathan, son frère », tandis qu’une information qui insère le nom de leur mère, dont la filiation ne manque pas d’être rappelée, la relie à son père et également à son grand-père : mhm mbyh brt myh br ydnyh, « leur mère (étant) Mipayah, fille de Maseyah, fils de Yedanyah » (B2.10 3). Leur généalogie s’accroche doublement à leurs parents, comme constat d’identité et lien à la communauté judéenne, et à leur mère, afin de souligner tout à la fois leur attache organique, et peut-être aussi parce que cette dernière est directement concernée par cette opération reliée à sa succession. Cet usage est également le signe de l’influence des usages des scribes égyptiens, qui précisent tant l’identité du père que de la mère dans les conventions. Enfin, dans un accord plus tardif du 10 février 410 (B2.11 2. 17), ils portent l’appellation : br ntn, « fils de Nathan », témoignant à nouveau de l’incorporation de leur père. Tout comme celle d’Esor, l’identité de Tamet évolue. Elle entre en scène au moment de son union et, son contrat de mariage du 9 août 449 la nomme : tmt mh, « Tamet de son nom », attestant son état servile (B3.3 3), puis, dans l’acte du 30 octobre 434 par lequel son mari lui offre la propriété d’une part de sa maison, elle apparaît comme : nn tmt ntth, « Dame Tamet son épouse » (B3.5 247), alors qu’elle n’a pas encore été libérée. Dans le contrat qui l’affranchit et marque son adoption par Meshoullam, elle apparaît comme : tpmt mh, « Tapmet de son nom », qui conserve les traces de son esclavage (B3.6 2). Quelques lignes plus loin, le scribe la nomme simplement Tapmet (B3.6 11). Puis, le 13 décembre 402, le document où elle apparaît lui décerne des titres lui concédant une certaine importance : nn tpmt ntth lnh zy yhw, « Dame Tapmet son épouse servante de YHW » 46

J. A. FITZMAYER, 1979, p. 250 ; E. VOLTERRA, 1963, p. 131-173. Le terme « dame » désigne une femme partie à un contrat, une femme libre, une femme libérée ou une serve, B. PORTEN, 2003b, p. 872. 47

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(B3.12 1-2), et dans le cours du texte, l’indication : tpmt brt ptw, « Tapmet, fille de Patou », est accolée à son nom (B3.12 3). Toujours dans ce même acte, le scribe lui octroie à nouveau le nom : tpmmt brt ptw, « Tapmemet, fille de Patou » (B3.12 33). Or, les esclaves ne portent pas de patronyme, aussi est-il probable qu’elle soit d’origine libre48. Elle porte, en outre, le titre lnh, parallèle féminin à celui que porte Ananyah, ln ou « serviteur de YHW », dont aucun document ne permet de préciser le contenu, mais affirmant l’intégration de Tamet à la communauté judéenne49. Exposée dans le contrat de vente de leur maison par Tamet/Tapmet et ‘Ananyah (B3.12), et le complément de dot offert à Yehoyima (B3.11 8), la généalogie de leur gendre et époux s’étend sur quatre générations : « Ananyah, fils de Ḥaggai, fils de Meshoullam, fils de Busasa » (B3.12 2-3). Ce dernier nom inconnu de l’onomastique hébraïque désignerait un personnage entré en Égypte lors de la conquête perse50. L’exemple d’Isiweri, sœur de Mipyah, toutes deux filles de Gemaryah (B5.5 2. 13), est également paradigmatique de l’union exogame. Elle porte un nom égyptien mais n’en est pas moins nommée « judéenne d’léphantine ». S’il est probable que leur mère est égyptienne, toutes deux sont considérées comme faisant partie de la communauté judéenne, tout comme les enfants de Esor/Nathan et ceux de Tamet. Ces unions ne témoignent pas d’un cloisonnement rigoureux entre les diverses ethnies présentes à Éléphantine et Assouan, mais le nombre trop peu élevé de documents ne permet pas d’en proposer une proportion. Dès les débuts de la monarchie51, les Israélites perçoivent les aspects positifs de l’union exogame comme un moyen permettant leur 48

L’étiquette « son nom » est habituellement ajoutée au nom du subordonné, qu’il soit esclave ou serviteur du roi, et l’esclave porte une marque sur sa main droite : « appartenant à », B. PORTEN, 2003b, p. 873-874. 49 J. C. GREENFIELD, 1981, p. 118. 50 N. COHEN, 1966-67, p. 104. 51 Au temps des Patriarches, l’alliance dans le cercle familial semble avoir la préférence. Elle est largement attestée dans l’entourage immédiat, qu’il s’agisse d’un frère (Jos 15, 17), d’une demi-sœur (Gn 20, 12), d’une nièce (Gn 11, 29), d’une tante (Nb 26, 59). Les unions entre cousins paraissent définir un modèle de mariage (Gn 24, 15 ; 29, 12), tout comme entre membres d’un même clan (Ex 6, 23) ou entre tribus (Jg 19-20). Ainsi, Jacob suit les instructions de son père, conformes à ses désirs (Gn 29, 18), tandis que son frère Ésaü prend les décisions dont le résultat se révèle désastreux (Gn 26, 35 ; 27, 46), D. R. MACE, 1953, p. 166. Si, durant ces périodes, l’endogamie est érigée en principe, les exceptions abondent, dont de nombreuses références témoignent (Ex 2, 21 ; Nb 12, 1 ; Gn 38, 2 ; 46, 10 ; 41, 45). Une claire opposition est attestée en Jos 23, 11-13, où la prohibition du mariage avec les peuples voisins est soumise à la menace de l’abandon divin et de la disparition

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acceptation culturelle et politique par leur environnement, et leur nombre se multiplie. Il est généralement tenu pour acquis que l’épouse étrangère s’adapte aux coutumes culturelles et religieuses de sa nouvelle famille. Avec la seconde moitié du VIIIe siècle, la tendance se renverse. Et certains prophètes, tels Osée, Jérémie, zéchiel comparent Israël à une femme étrangère de mauvaise vie (Ez 16, 45). La littérature de sagesse (Pr 1-9) souligne également l’importance du choix de l’épouse, en termes vivants. Elle avertit du danger à s’éprendre d’une étrangère (Pr 2, 16 ; 5, 20 ; 6, 24 ; 7, 5 ; 7, 34-35), et ses textes sont comparables aux instructions d’Ani (16, 13)52, opposée à une femme de valeur (Pr 31, 10-31). Elle exhorte à épouser une femme vaillante (Pr 31, 10) et à ne pas convoler avec une femme digne d’aversion (Pr 30, 23). Mais tant les souverains que les dignitaires et le peuple persistent dans cette sorte d’union, impliquant cependant l’abandon de leurs valeurs et de leurs croyances par leurs épouses53. Quelquefois, les veuves paraissent dotées de la faculté de décider du choix de leur époux, et l’exemple d’Abigaïl en témoigne (1 S 25, 40). Elles peuvent néanmoins, parfois, être soumises à la règle du lévirat. Cette institution, définie par la loi de Deutéronome 25, 5-10, s’applique aux femmes devenues veuves sans engendrer d’héritier à leur mari défunt54, qui exige de son frère ou levir qu’il épouse la veuve et lui donne un fils, lequel sera réputé être celui du défunt. S’il disparaît, cette responsabilité est reportée sur le frère suivant. La loi tendrait à protéger la veuve55 en lui procurant la sécurité sous la forme d’un statut de femme mariée et un héritier mâle. Elle se préoccupe également de l’ordre de succession et de la transmission des biens du père défunt56. Cette réalité implique l’existence d’une structure patrilinéaire de la famille. Tandis que la femme contribue à la famille par les fils, elle est prise en charge par son père, son mari ou son fils. L’une des conditions à remplir exige que les frères vivent ensemble, ce du peuple. Cette règle, qui doit être observée tout au long de l’existence d’Israël, ne précise pas les nations avec lesquelles il est interdit de contracter mariage, G. KNOPPERS, 1994, p. 131. Enfin, le souhait des jeunes filles ne semble pas toujours avoir été occulté, ainsi, le texte insiste sur la nécessité de l’accord de Rébecca (Gn 24, 8 ; 24, 58). 52 L’influence égyptienne sur les Proverbes est soulignée par N. SHUPAK, 2011. C. LALOUETTE, 1984, p. 244. 53 A. BRENNER, 1985, p. 115-122. 54 Le premier objet de cette institution serait de donner un fils à la veuve sans enfant, E. W. DAVIES, 1981, p. 139 ; T. FRYMER-KENSKY, 1998, p. 61 ; D. R. MACE, 1953, p. 97. 55 Il s’agit du souci essentiel de cette loi, E. NEUFELD, 1944, p. 30. 56 L’héritage de la propriété sexuelle de la veuve s’y ajouterait, M. BURROWS, 1940, p. 28 ; E. W. DAVIES, 1981, p. 142.

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qui implique qu’ils n’ont pas morcelé les propriétés familiales57. La deuxième suppose que le frère défunt n’ait pas eu de fils, et la troisième, que la femme n’épouse pas un étranger mais un frère du défunt. La suite du texte (25, 1-10) évoque la possibilité du refus du frère et ses conséquences. La veuve doit porter le cas devant les Anciens et s’assurer que son beau-frère refuse de relever en Israël le nom de son frère. Convoqué, il doit officiellement déclarer son refus. La veuve accomplit alors deux actes hautement symboliques devant les Anciens : elle lui ôte sa chaussure du pied, symbolisant le renoncement et le lien rompu58, et ce geste qui l’avilit publiquement, prévoit de le dissuader de se libérer de cette obligation, puis déclare qu’ainsi est traité l’homme qui ne veut pas édifier la maison de son frère (25, 9)59, dorénavant désignée comme la « maison du déchaussé ». Ainsi, lors d’un refus, la voix de la veuve se fait entendre par sa plainte devant les Anciens, l’accusation publique de son beau-frère et la honte qu’elle fait rejaillir sur lui60. Le texte explicite clairement son objet d’offrir un héritier désigné par le nom du défunt, afin qu’il ne périsse pas en Israël61. Et de fait, être nommé par le nom de quelqu’un semble signifier en hériter, qui permet d’éviter la disparition du droit à la succession sur les terres62. Ainsi en Ruth 4, 5. 10, le nom du défunt est établi sur son héritage. Et l’importance accordée à la lignée afin de perpétuer le nom est attestée à diverses reprises (1 S 24, 22 ; 2 S 14, 4 s.63). La loi le considère si essentiel qu’elle lui donne plus de portée qu’à la paternité biologique ou aux interdits se rapportant aux relations sexuelles entre un homme et la femme de son frère. Deux narrations font référence à cette coutume, qui diffèrent chacune par certains détails du texte de Deutéronome. Le récit de Tamar (Gn 38) impose des impératifs plus stricts que ceux du texte de loi, puisque, en effet, le beau-frère ne peut se soustraire à cet impératif, puis plus tard le

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R. WESTBROOK, 1977, p. 65-87. H. GORDIS, 1974, p. 247 ; V. H. MATTHEWS, 1998, p. 103. 59 Les deux verbes employés dans la déclaration de la fermme : wrh et wnth, constituent une paire mise au jour dans d’autres textes légaux ou cultuels (Dt 26, 5 ; 27, 14-15), A. D. H. MAYES, 1981, p. 299. 60 D. E. WEISBERG, 2004, p. 411 ; C. M. CARMICHAEL, 1977, p. 321-336. 61 R. WESTBROOK, 1977, p. 72 ; M. BURROWS, 1940, p. 29 ; T. FRYMER-KENSKY, 1998, p. 61. 62 Le premier objet de cette loi est exclusivement de préserver ce qui revient au mari défunt, D. L. ELLENS, 2008, p. 267. En Gn 48, 6, les fils cadets de Joseph vont porter les noms d’Éphraïm et de Manasseh dans l’espace de leur héritage. Les textes de 2 S 14, 4 s. et Nb 27, 4 impliquent que le nom d’un homme est établi lorsque ses descendants héritent de ses terres, C. PRESSLER, 1993, p. 66-67. 63 H. NUTKOWICZ, 2006, p. 301-304, 312-323. 58

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beau-père, alors qu’il n’en est pas fait état en Deutéronome64. En Ruth, ce n’est pas le frère ni le plus proche des membres de la famille mais Boaz, un lointain membre de la famille65, qui remplit ce rôle après avoir racheté la terre de Mahlon66. Aussi ce dernier exemple expose-t-il probablement un état intermédiaire entre l’union concernant un cercle élargi et celle qui se limite à la famille proche67. L’intention de l’union léviratique, outre l’union de la femme et sa protection, reste celle de la transmission du nom, de la mémoire du mari défunt et tout spécialement de l’héritage, afin que les possessions familiales ne soient pas démembrées. D’autres lois prescrivent le mariage endogame. Ainsi, la jeune fille héritière se doit de contracter mariage avec un homme de sa tribu paternelle afin de ne pas réduire le patrimoine familial68 (Nb 36, 2-7). Cette obligation est également prévue pour le grand prêtre qui ne peut qu’épouser une vierge de son clan69 (Lv 21, 14). Une jeune fille de famille sacerdotale peut choisir son mari dans toute tribu israélite (Lv 22, 12). Par ailleurs, l’union incestueuse est interdite avec « la femme de son père », sa sœur et sa bellemère (Dt 23, 1 ; 27, 20-23 ; Lv 18, 20). Afin de combattre la tendance à l’exogamie, diverses lois sont élaborées, dont l’argument pour les justifier est continûment la pratique de l’idolâtrie. En Exode 34, 11, la liste des nations exclues n’en compte que six, celle des Girgashites est absente. La prohibition plus tardive s’applique spécialement à sept nations (Dt 7, 1-4)70. Une autre exclut en outre les Ammonites et les Moabites, « même après la dixième génération » (Dt 23, 45). Les Madianites figurent dans cette liste (Nb 31, 15-17), tout comme les Amalécites (Dt 25, 17-19). L’auteur du premier livre des Rois joint les 64

La loi deutéronomique a réformé cette coutume en limitant le nombre de personnes obligées et en offrant un moyen d’échapper à cette obligation, E. NEUFELD, 1944, p. 34. 65 D. E. WEISBERG, 2004, p. 428-429, observe l’inquiétude provoquée chez les hommes par le fait de devoir s’impliquer dans cette coutume, quand bien même les femmes et certains hommes y voient une réponse à l’absence d’enfant d’un défunt. Tant le Deutéronome que le texte de la Genèse mettent en lumière leur résistance à l’union léviratique. 66 Il ne s’agirait pas d’un exemple de lévirat mais de rachat de terre, vendue à un étranger à un moment de détresse économique. Le seul exemple d’union léviratique dans les textes bibliques serait celui de Tamar et de Juda, H. GORDIS, 1974, p. 246259. 67 Au contraire, l’exemple de Ruth serait une extension de la loi deutéronomique, P. CURVEILHIER, 1925, p. 524-546. 68 Voir ch. V, p. 272 s. 69 Voir ch. III, p. 157. 70 Le passage cite les sept peuples : hittite, ghirgashite, amorréen, cannanéen, phérézéen, hivite et jébuséen.

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Sidoniens à cette énumération en raison de leur culte à Astarté. Néanmoins, deux peuples ne sont pas soumis à ces oukases, qui sont l’Iduméen et l’gyptien (Dt 23, 8-9). Ces interdits sont établis, afin de détourner le peuple de toute contamination religieuse, mais aussi et surtout en raison du risque de perte des spécificités culturelles et politiques, et également des terres par leur transmission. Ils s’appliquent tant aux hommes qu’aux femmes. Pour autant, la question n’est jamais posée de la validité d’un mariage exogame et le statut des enfants issus de ces unions semble n’être pas remis en cause. En apparence contradictoire, la loi de Deutéronome 21, 10-14 autorise le guerrier vainqueur à épouser une femme captive, envers laquelle il éprouve une vive inclination. Les modalités de leur union sont analysées dans ce texte71. Cette règle s’adresse au guerrier, qui précise le contexte de guerre dans lequel elle s’applique, évoquant son désir de s’unir à une prisonnière choisie pour sa beauté72 (Dt 21, 10-11). Cette prescription lui impose d’accomplir les rites funéraires dès son arrivée dans la maison73. Aussi est-elle tenue de se raser la tête, de se couper les ongles, de déchirer son vêtement de captive, de demeurer dans la maison et de pleurer son père et sa mère durant un mois entier74. Ce verset atteste l’unique exemple d’une femme respectant le rite funèbre consistant à se raser la tête75. Par l’application de l’ensemble de ces rites de deuil76, la captive se sépare tant concrètement que symboliquement de son peuple d’origine, se transformant en femme israélite. Sortie de son univers pour entrer dans ce nouveau monde, son origine étrangère s’est évanouie et, de même, ses liens avec d’autres divinités. À ce moment, passant du statut de captive à celui d’épouse, sa progéniture devient légitime77. Cette loi pourvoit le guerrier 71

L’autorisation par le Deutéronomiste de prendre une femme captive pour épouse lors d’une guerre est notable (Dt 21, 10-14). À ce moment, il ne fait aucune distinction entre les captives cananéennes et celles des autres tribus. De même, Moïse (Nb 31, 18) autorise à prendre les jeunes filles madianites qui « n’ont pas cohabité avec un homme » comme butin, L. M. EPSTEIN, 1942, p. 157 s. 72 Cette loi impliquerait l’interdiction de l’enlèvement sur le champ de bataille, S. R. DRIVER, 1902, p. 244 ; G. von RAD, 1966, p. 137 ; P. REMY, 1964, p. 296-299. 73 D. L. ELLENS, 2008, p. 171 s. 74 La possibilité qu’elle ait été mariée et ait eu des enfants auparavant est évoquée, aussi ne semble-t-il pas nécessaire qu’elle soit une vierge ou une jeune fille non fiancée. En outre, en dépit de l’attente du délai d’un mois, la relation ne serait pas autre chose qu’un viol, H. C. WASHINGTON, 1998, p. 204 s. 75 Ce geste serait à interpréter comme un rite de purification marquant l’entrée d’une étrangère en Israël selon G. A. SMITH, 1950, p. 254. 76 Ces rites ont été admis comme funèbres, G. von RAD, 1966, p. 137 et P. C. CRAIGIE, 1976, p. 281. Pour autant, ils peuvent être définis comme un rituel marquant le changement de statut de la jeune femme d’étrangère à israélite, A. PHILLIPS, 1973, p. 140 et G. E. WRIGHT, 1953, p. 461. 77 C. B. ANDERSON, 2004, p. 48.

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d’un moyen légal dans une situation où la procédure habituelle est impossible, puisqu’elle présuppose des arrangements entre le fiancé et les parents de la jeune fille. Seuls les sentiments, le désir et la cohabitation sont constitutifs de cette union, où aucune négociation ne peut avoir lieu, ni aucun échange économique. Pour autant, elle n’est pas illégale, car rendue possible par l’abandon de ses traditions et de ses liens originels par l’épouse. Peut-être cette loi considère-t-elle ce droit sur une femme captive comme un abus78, car l’homme y joue le premier rôle, tandis que la femme, objet de son désir, lui est acquise. Néanmoins, passée du statut de prisonnière à celui de membre de la maison, elle bénéficie d’une protection certaine, tandis que le mari se voit limité dans ses droits dès lors qu’il envisage la séparation79. Attestées sous les règnes de David80 et de Salomon, les alliances entre maisons royales font partie intégrante de leur politique étrangère. Au début de sa royauté, David épouse la fille du roi de Geshour (2 S 3, 3 ; 1 Chr 3, 2), afin de neutraliser dans un premier temps les tribus du Nord, puis ce royaume, durant le conflit entre Israël et Aram. Le souverain use également de cette institution pour son fils Salomon qu’il marie à Naamah, une princesse ammonite (1 R 14, 21. 31). La politique de ce monarque se tourne également vers de nombreuses alliances internationales. Les textes citent ses unions, avec des princesses moabites, ammonites, édomites, sidonniennes, hittites, dont la plus notable, avec une fille de Pharaon (1 R 11, 1)81. Le prestige dans l’historiographie israélite de son alliance avec une princesse égyptienne est accentué par la mention à cinq reprises de cet événement. Roboam, outre ses épouses de la maison de David, s’unit à Maacah, fille d’Abishalom. Et les successeurs de Salomon semblent être des descendants d’épouses étrangères. D’autres souverains suivent son exemple, ainsi Achab prend-il pour épouse Jézabel, s’adonnant ensuite au culte de Baal (1 R 16, 78

C. PRESSLER, 1993, p. 7-15. Le texte interdit au mari : « Tu ne la traiteras plus comme esclave, après lui avoir fait violence » (4), et cette dernière expression se rapporte à des relations illicites dégradant la femme. Elle est utilisée à douze reprises afin de suggérer les relations sexuelles : le plus souvent, elle évoque l’enlèvement (2 S 13, 12 ; Jg 19, 24) ; une fois, l’adultère avec une femme consentante (Dt 22, 24) ; par deux fois, une jeune fille non encore fiancée dont le consentement ou son absence ne sont pas mentionnés (Gn 34, 2 ; Dt 22, 29) ; une fois, les relations sexuelles avec une femme impure (Ez 22, 10) ; enfin, l’inceste ( Ez 22, 11). 80 Tamar, fille de David, résiste aux avances de son demi-frère Amnon, objectant que, s’il la demande en mariage au souverain leur père, celui-ci ne refusera pas (2 S 13, 13). À ce moment, aucun interdit ne semble s’opposer à l’union entre demifrères et sœurs, à moins qu’il ne s’agisse d’une spécificité intéressant uniquement la famille royale, et non l’ensemble de la population, H. NUTKOWICZ, 2009, p. 342. 81 Le pharaon en question serait Siamon, A. MALAMAT, 2001, p. 224 s. ; 1963, p. 8 s. 79

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31). Les diverses condamnations du lien exogame influencent peut-être la plupart des trente-neuf souverains d’Isral et de Juda, qui règnent près de trois siècles et se limitent à deux ou trois épouses étrangères82. Néanmoins, ces alliances perdurent, dont le rôle est celui d’un instrument de rayonnement et d’autorité. Lors de la période perse, Néhémie et Esdras, deux hauts fonctionnaires juifs de Mésopotamie, reviennent en Judée afin d’y procéder à d’importantes réformes. Le premier, nommé gouverneur de Judée par Artaxerxès Ier, s’y rend pour une mission dont la durée se prolonge près d’une douzaine d’années (Ne 2, 1 ; 5, 14 ; 13, 6). Après avoir rétabli matériellement la province, restauré les murailles de Jérusalem (Ne 2, 1215 ; 3 ; 6, 6-15), accordé une remise générale des dettes, allégé les impôts qui lui sont dus (Ne 6, 14-18), procédé à un recensement de la population des villes et des villages (Ne 7, 5-68), s’inquiétant de l’état religieux et social de la province et de son renouveau, il s’oppose aux unions exogames (Ne 13, 25 ; Dt 23, 4-5). La première explication en est culturelle (Ne 13, 24), qui est la perte de leur langue par les Judéens, et entraîne le dépérissement de leur identité sociale et culturelle. La seconde, usuelle, est religieuse, qui mène à l’idolâtrie (Ne 13, 26-27). Le caractère officiel de la mission d’Esdras (7, 12-24) repose sur la lettre d’Artaxerxès II. Cette charge semble n’avoir duré qu’une année, la septième du souverain, vers 398. Esdras réorganise les deux aspects essentiels du judaïsme postexilique, que sont le Temple et la Loi. Il fait jurer aux Israélites de renoncer aux unions exogames (10, 11). Le texte (9, 1-2), qui se relie aux lois de Deutéronome (7, 1-4) et d’Exode (34, 11-16), souligne l’idolâtrie inhérente à ces unions, définies tant par l’aspect religieux qu’ethnique. Le rejet de ces unions tant par Esdras que Néhémie est à envisager dans une perspective religieuse mais aussi sociale, politique et économique dans l’espace politique perse83. Le fait économique joue un rôle particulier, dans la mesure où la transmission des biens et des terres ne saurait s’effectuer en dehors de la communauté judéenne, sous peine de les voir 82

Le contenu du livre de Ruth se révèle particulièrement favorable à l’union exogame. Les louanges envers l’hérone moabite courent tout au long de l’ouvrage, qu’il s’agisse de sa personnalité, de sa loyauté envers Dieu et le peuple d’Isral, et de son respect envers sa belle-mère Noémie. La suite du récit la verra s’unir à Boaz dans le cadre du lévirat dont le principe dépasse celui de l’union endogame. Ce récit est sans doute d’origine préexilique, peut-être même prédeutéronomique. L’auteur de ce passage ne connaissait que la règle de l’endogamie, dont le fait de passer outre ne provoquait aucune tragédie, L. M. EPSTEIN, 1942, p. 151-152. 83 S. JAPHET, 2006, p. 491-508 ; T. COHEN-ESKENAZI, 2006, p. 509-529 ; J. L. BERQUIST, 2006, p. 53-66.

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disparaître au profit d’une autre communauté84. Outre ce motif, des difficultés peuvent émerger, se rapportant au fonctionnement du système perse. En effet, si la communauté ne peut maintenir une forme de cohésion, elle risque la perte de son territoire. Le mode d’allocation de régions à des populations dépendantes fonctionne aussi longtemps que le système impérial perse est en mesure de connaître ceux qui ont accès à un territoire particulier ou pas85. L’union exogame tend à apporter une confusion quant à leur délimitation, tandis que l’endogamie permet de garantir certaines prérogatives. Le sens des termes « femmes étrangères » (Esd 10, 17), et « peuples de la terre » (9, 1), reste à définir, puisque, en effet, Esdras (9, 1) ne précise pas l’identité ethnique de ces femmes86. Les mesures prises par ce dernier sont teintées de préoccupations économiques, politiques et sociales, et tout comme celles adoptées par Néhémie, leur objet est la préservation de l’identité d’Israël. Toutefois, les généalogies des Chroniques ne manquent pas de nuancer ce ferme rejet, découvrant une diversité ethnique et géographique. En effet, des non-Israélites apparaissent dans les généalogies judéennes. Ainsi, les trois premiers fils de l’ancêtre éponyme de Juda ont une mère cananéenne (1 Ch 2, 3). Diverses unions exogames sont assurées (1 Ch 4, 18 ; 4, 21-22). Nombre de personnages et de clans qui ne sont pas israélites ou dont la relation est distendue sont intégrés à l’histoire des générations87. Le Chroniste ne manque pas habituellement d’ajouter des notes et des commentaires, mais reste silencieux sur ces situations88. La diversité des origines judéennes est soulignée par ce texte qui ne la condamne pas et l’image des interdits laissée par Esdras et Néhémie se colore de nuances.

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D. L. SMITH-CHRISTOPHER, 1994, p. 244 ; H. C. WASHINGTON, 1994, p. 235. K. HOGLUNG, 1992, p. 437-442. 86 Elles peuvent être des Judéennes ou des Israélites n’ayant pas été exilées et ayant développé des pratiques différentes de celles des exilés de retour en Juda. Certaines peuvent être également moabites ou autres. Esdras ne se réfère pas à ces femmes comme à des Cananéennes ou à des Ammonites, car elles ne le sont pas, T. C. ESKENAZI et E. P. JUDD, 1994, p. 268 s., 285. K. E. SOUTHWOOD, 2012, p. 40, considère l’ethnicité comme un phénomène construit plutôt que biologique. 87 Ainsi, Caleb, fils de Yefounné, certaines fois nommé « le Kenizzéen » (Nb 32, 12), et d’autres, « frère de Kenaz » (Jos 15, 17), est considéré comme judéen, tant par l’auteur de Nb (13, 6 ; 34, 19), que par celui des Chroniques (1 Ch 4, 15). Dans cet ouvrage, la partie importante de cette tribu apparaît comme faisant partie de l’identité collective (1 Ch 4, 15). La sœur de David, Abigaïl, enfante Amassa et son père est un Ismaélite du nom de Yeter (1 Ch 2, 17), dont le livre de Samuel fait un Israélite (2 S 17, 25). 88 G. KNOPPERS, 2001, p. 20. 85

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L’union, en Égypte, se matérialise parfois dans le cadre familial, entre demi-frère et demi-sœur (P. Oriental Institute 17481/Chicago Hawara 1 ; P. Bibl. Nat. 224 /225) et oncle et nièce (P. Caire 30907/30909 5-6 ; P. Leyde 373a)89. Les alliances entre cousins auraient été nombreuses. Le plus souvent, elles se concrétisent dans un même cercle social90. Les unions entre frères et sœurs ne peuvent être prouvées91, si ce n’est dans la famille royale. Et l’unique mariage consanguin connu est à dater de la XXe dynastie, qui concerne une famille lybienne. Aussi peut-on assurer qu’il ne s’agit pas d’un usage égyptien. Parfois, un veuf, comme dans le lévirat, se remarie avec la sœur de son épouse, permettant ainsi d’éviter la désintégration des propriétés familiales92.

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Deux des frères paternels du grand prêtre Setau ont été mariés à deux de ses filles, qui sont représentés dans sa tombe, A. H. GARDINER, 1911, p. 50 s. 90 Sur les 11 contrats avec paiement du shep qui précèdent la période ptolémaïque, seuls 5 précisent la profession du mari et celle du père de l’épouse. Dans 4 des contrats (P. Caire 30907/30909 ; P. Louvre 7849 et 7857A/B et 7846 ; P. Berlin 3078), mari et père sont des choachytes, dans l’un d’eux (P. Berlin 3048 II 11-21), le mari est le serviteur d’un surveillant du Trésor du dieu et le père, père du dieu. Dans le seul contrat avec : ḏ n r m.t, l’« argent pour devenir une épouse » de la période perse (P. British Museum 10120A), le mari et le père sont tous deux des choachytes. Et dans celui avec : s n ḫ, « document d’alimentation » (P. Oriental Institute 17481/Chicago Hawara 1), ils sont tous deux « chanceliers du dieu Embaumeur ». Dans l’un des actes de divorce (P. Caire 30665) de la période perse, le mari est choachyte de même que son épouse et, dans un autre (P. Berlin 3079), le mari et le père exercent cette même profession. Sur les 59 contrats de la période ptolémaïque étudiés, 27 de ces formulaires (46 %) concernent des prêtres, 18 (30 %) des personnes associées à un temple, et 14 (14 %) se rapportent à des unions entre personnes ayant d’autres titres ou pas ; parmi ces derniers, 14 (15 % du total) ont des titres militaires, 2 un titre administratif, l’un est un marchand et l’autre est le fils d’un prêtre, J. H. JOHNSON, 1986, p. 73. Avant la célébration de l’union, les parents peuvent jouer un rôle dans la rencontre des futurs promis. La pétition de Pétéisi en est un exemple, qui évoque l’habile manœuvre d’un prêtre de haut rang, invitant un fils de prêtre à dîner en présence de sa femme et de ses filles. Lors de cette soirée, où tous boivent de la bière, le jeune homme ne manque pas de s’intéresser à l’une des jeunes filles. Il sollicite le prêtre afin de l’aider à trouver un emploi et lui accorder la jeune fille pour épouse. Pour le père, le temps n’est pas encore venu, et le jeune homme doit auparavant devenir prêtre. L’histoire rappporte la concrétisation de cette exigence lors de leur union (P. Rylands 9 8/8), K. S. B. RYHOLT, 1999. 91 En dehors des familles royales, le mariage consanguin semblerait attester une seule fois durant la XXIIe dynastie et, dans deux cas, incertains, au cours du MoyenEmpire, J. ERNY, 1954, p. 23-29. 92 G. ROBINS, 1993, p. 74.

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Les conseils ne manquent pas, mettant en garde le père qui va porter son choix sur un époux pour sa fille. Onkhsheshonqy (25 15)93 recommande de le choisir prudent, mais non riche. Et des détails sur la meilleure désignation de l’épouse sont quelquefois dépeints dans les enseignements, tandis que d’autres sont apportés par quelques ostraca. Aussi l’Enseignement d’ordjedef (section I 4) prescrit-il de choisir une : m.t nb.t ỉb, « femme maîtresse du cœur94 », aux sentiments sincères. Onkhsheshonqy établit une liste des femmes qu’il ne faut pas épouser et, parmi elles, celles dont le mari est vivant (8 2) ou qui sont impies (25 17) ! Le sage Ani (16, 1-2)95 conseille à son interlocuteur de prendre épouse alors qu’il est jeune et de lui enseigner à devenir un « humain/femme96 ». S’il ne donne pas de précision quant au meilleur choix à opérer, il prévient contre une femme étrangère, inconnue dans sa ville, et dont on ne sait rien (16, 13). Onkhsheshonqy (27, 7) assure encore que, si une femme est d’une naissance plus noble que son mari, il devra s’effacer devant elle. Et, dans le même esprit, l’O. Turin 57089 3 l’engage à ne pas épouser une femme plus puissante/riche que lui. Dans un monde idéal, tant la personnalité de la femme que son rang doivent ainsi être appréciés. Mais s’il n’est pas certain que ces instructions aient été systématiquement mises en pratique, il reste néanmoins plausible qu’elles aient reflété certaines réalités. Par ailleurs, les allusions aux sentiments sont attestées dans des chants d’amour (P. Harris 500 r° 5, 2-497), qui s’épanouissent au cours de la période ramesside. Les unions peuvent s’établir en fonction de toute la palette des sentiments98 et des arrangements consensuels99. 93

S. A. K. GLANVILLE, 1955, t. II ; H. J. THISSEN, 1984 ; M. LICHTHEIM, 1976, p. 159-184. Le sage ajoute qu’une mauvaise femme n’aura pas de mari (25 22) ; W. BRUNSCH, 1997, p. 37-49, transmet la liste des préceptes concernant les femmes. 94 C. LALOUETTE, 1984, p. 47-54 ; M. LICHTHEIM, 1975, p. 58-59, n. 1. 95 Ibid., p. 237-266. 96 A. H. GARDINER, 1935, p. 23-29 ; P. VERNUS, 2001, p. 243 ; M. LICHTHEIM, 1980, p. 135-146. 97 Papyrus Harris 500, r° 5, 2-4, C. LALOUETTE, 1987, p. 258-259. Les chants d’amour apparaissent vers le milieu du IIe millénaire, durant l’ère ramesside. Ainsi, le P. Chester Beatty, A. H. GARDINER, 1931, de même, le vase du Caire n° 1, l’O. du Musée du Caire, n° 25218, G. POSENER, 1951-1952, p. 43-44, en ont conservé la trace. D’autres textes y font également référence, tels l’O. Deir el-Medineh 1226, B. MATHIEU, 1996 ; 2001, p. 3-16. L’auteur remarque que ces textes ne découvrent pas pour autant la réalité sociale vécue par les femmes. D. SWEENEY, 2002, p. 27-50, évoque la voix des femmes dans l’écriture des poèmes d’amour. 98 Selon Hérodote (II, 27), l’endogamie est de règle dans les couches les plus pauvres de la société. J. ERNY et T. E. PEET, 1927, p. 30-39, (P. Turin 2021). L’importance des sentiments peut être affirmée avec force et officiellement dans l’ancienne Égypte. Aussi, un haut personnage de l’État énonce : « Si ce n’était pas

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Les unions exogames sont, essentiellement, le fait du pharaon et de l’entourage royal. En effet, la pratique de l’alliance diplomatique entre un souverain et une princesse étrangère de maison royale n’est pas dépourvue d’intérêts politiques. Néanmoins, au cours de la XVIIIe dynastie, seules deux alliances entre les cours thébaines et les Hyksos100 semblent avérées avant celles de Toutmosis III, qui s’allie à des princesses étrangères, filles de dynastes du Proche-Orient ; elles restent peu fréquentes101. Et, tandis qu’il semble parfaitement juste pour un souverain étranger de s’allier à un pharaon égyptien en lui donnant une sœur ou une fille, l’inverse ne semble pas absolument parallèle102. Une correspondance unique entre une souveraine une femme avec laquelle il fût marié, mais une Syrienne ou une Nubienne, qu’il l’aimât et qu’il lui léguât ses biens, qui pourrait annuler ce qu’il a fait ? », F. NEVEU, 2001, p. 29-31. 99 M. EL-AMIR, 1959, p. 143 ; L. MESKELL, 1999, p. 157 ; 2002, p. 114. L’exemple du P. Berlin 13538 d’léphantine ne manque pas de piquant, qui contient une lettre écrite par un homme considérablement critiqué parce que seul et ne parvenant pas à décider du choix de son épouse entre deux femmes, B. PORTEN et al., 2011, p. 321 s. 100 Ainsi, des objets inscrits au nom de ce souverain ou bien à celui d’Hatchepsout ont été mis au jour dans la tombe thébaine des trois princesses, qui portent le titre : m.t nsw.t, « épouse du roi » et demeurent des épouses d’un rang inférieur, A. R. SCHULMAN, 1979, p. 181 s. 101 Toutmosis IV, également souverain de la XVIIIe dynastie, contracte une union avec une princesse mitanienne, fille d’Artatama, roi du Mitanni (EA 29, 16-18 ; EA 24, 34-39). 102 Le pharaon Aménophis III en livre un exemple éclatant, qui réplique à Kadashman-Enlil sollicitant une fiancée égyptienne, que, depuis toujours, aucune fille d’un roi d’Égypte n’est donnée à un étranger, puis exige de ce dernier qu’il lui fasse parvenir l’or réclamé ; dans ces conditions, il consentira à lui accorder sa fille (EA 4, 5, 36-50). Il épouse la fille du roi du Mitanni Shuttarna II, Gilouhepa, deux princesses babyloniennes, puis une seconde princesse mitanienne, Taduhepa, sœur de la première, et, enfin, une fille du seigneur d’Arzawa, Tarkhundaradou. La plupart des sources proviennent de documents akkadiens et hittites, dont nombre sont conservés dans les lettres d’El-Amarna, les annales de Shupiliuliuma, la correspondance se rapportant au mariage ramesside, les prières de Mursili II. Les sources égyptiennes, outre les rares mentions de noms royaux, comportent les scarabées de Gilouhepa, les annales de Toutmosis III, et les textes bibliques concernant le mariage de Salomon et de la fille d’un pharaon figurent en 1 R 3, 1-8 ; 9, 16 et 2 Ch 8, 11. Deux épouses étrangères au moins sont connues à AkhenatonAménophis IV, dont la princesse Taduhepa, incorporée au harem du souverain à la mort de son père, et une princesse babylonienne, fille de Bournabouriash (EA 27, 15 ; 28, 2-4, 8-9 ; 29, 1-3). Dans ces lettres, Tushratta donne le titre « gendre » à Akhenaton et se nomme lui-même « beau-père du souverain » (EA 5, 11, 18). Le mariage d’une princesse égyptienne dont le nom est inconnu avec le roi d’Ugarit Niqmaddu II, contemporain d’Aménophis III et d’Akhenaton, est également assuré : une scène incisée sur un vase d’albâtre du milieu du XIVe siècle env. la dépeint en

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égyptienne et le souverain hittite Shuppiliuliuma, évoque une demande de la reine de lui accorder un de ses fils pour époux. Celui-ci dépêche, après une longue réflexion, un prince hittite, assassiné en chemin. En effet, aucun étranger ne peut monter sur le trône d’Égypte103. Lors de la XIXe dynastie, seules quatre unions diplomatiques sont connues, contractées par Ramsès II104. Au cours de la XXIe dynastie, elles semblent se concrétiser uniquement entre les deux maisons royales régnant en Égypte, Tanis et Thèbes105. Sheshonq, fondateur de la XXIIe dynastie, marie son fils Osorkon Ier à la fille du dernier souverain de la XXIe dynastie, afin de tenter de donner un aspect authentique à sa nouvelle dynastie106. L’union entre Salomon et la fille de Pharaon semble d’une signification politique particulière (1 R 3, 1) ; en effet, le mariage d’une princesse égyptienne avec un souverain étranger demeure inhabituel. L’identité de ce pharaon est incertaine107. Hérodote (III, 16) rapporte qu’Amasis ne peut se résoudre à consentir ou à refuser sa fille à Cambyse, roi de Perse, dont il sait qu’il n’en fera qu’une concubine. Les unions diplomatiques avec les princesses des principaux États du Procheprésence de Niqmaddu, probablement lors de leur mariage, C. DESROCHESNOBLECOURT, 1956, p. 179-220 et fig. 118, p. 165. Pour autant, il est possible qu’elle appartienne au harem royal et ne soit pas une fille de Pharaon, A. MALAMAT, 1958, p. 98. 103 J. FREU, uppiluliuma et la veuve deu Pharaon. Histoire d’un mariage manqué. Essai sur les relations égypto-hittites, Paris, L’Harmattan, 2008. 104 Celui-ci prend pour épouses deux filles d’Hattoushilli II, souverain hittite, la première lors de la 34e année de son règne, devenue l’unique « Grande Épouse royale », étrangère connue, et la seconde à peine plus tardivement, vers 1265. Il s’unit aussi à une fille du roi de Babylone et à celle d’un dynaste nord-syrien, le roi de Zulapi, K. A. KITCHEN, 1969, p. 233-257. D. LEFEVRE, 2005, p. 3-12. 105 Pinedjem Ier, roi de Thèbes, épouse deux princesses tanites, Makare et Henuttaut, apparemment toutes deux filles de Psousennes Ier, roi de Tanis. 106 A. MALAMAT, 1958, p. 98. 107 Des découvertes archéologiques apportent peut-être des indices quant à l’identité du beau-père du souverain. En effet, un bas-relief mis au jour à Tanis représente Siamon, prédécesseur de Psousennes II, dernier souverain de la XXIe dynastie, massacrant un ennemi appartenant aux Peuples de la mer. Peut-être une campagne at-elle été menée par ce pharaon contre les Philistins, au cours de laquelle il aurait assujetti Gezer, sur la frontière entre la Philistie et Israël. Cette prise est attribuée par la Bible au beau-père de Salomon, P. MONTET, 1940, p. 195 s. Quand bien même ces éléments ne constituent pas une preuve irrécusable de l’identité du beau-père de Salomon, seuls les deux derniers monarques de la XXIe dynastie peuvent lui être identifiés. En outre, bien que l’on ne sache pas avec précision la durée de règne de chacun, et même en considérant le nombre minimal estimé de vingt-huit ans de règne de ces deux souverains, Siamon doit être monté sur le trône peu de temps avant Salomon et a pu être son beau-père, A. MALAMAT, 1958, p. 98-9 ; 2001, p. 224 s.

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Orient soulignent non seulement l’exigence égyptienne à représenter la « grande puissance » de la région, mais aussi une tacite reconnaissance de ce pouvoir. Dans le cas contraire, où une princesse égyptienne est donnée en mariage à l’un de ces souverains étrangers, une telle alliance élève leur prestige, tandis qu’il abaisse celui de l’Égypte108. Des unions exogames sont également mises en scène dans la littérature. Le roman Le Prince prédestiné évoque une princesse syrienne menaçant de se laisser mourir si son père ne lui permet pas d’épouser un prince parti d’Égypte sous une fausse identité. Les mœurs dépeintes dans cette fable et son style sont égyptiens109. L’Histoire de Sinouhé, exilé en Syrie, relate qu’il y fonde une famille, puis sur la fin de sa vie rentre en Égypte, laissant ses enfants, à qui il remet ses biens, dans sa terre d’adoption110. Diverses, les raisons de l’alliance exogame à Éléphantine ne s’excluent pas. Les Judéens d’Éléphantine vivent au contact des Égyptiens, et leur nombre peu élevé éclaire cette sorte d’union. En effet, dès que le nombre de partis possibles est limité, il importe d’en trouver à l’extérieur111. Plus la taille du groupe est réduite, plus la proportion de ces mariages est avérée112. En outre, les aspects romantique et affectif ne peuvent être effacés. Et le relatif calme géopolitique sous le satrape Arama avant les tensions de la dernière décennie du Ve siècle demeure un argument supplémentaire. De fait, les réformes menées par Esdras et Néhémie peuvent difficilement être connues des Judéens d’léphantine en raison de leurs dates tardives. Elles semblent, d’autre part, s’appliquer uniquement à la population vivant en Juda et celle revenue d’exil, et aucun interdit légal préexilique n’est transmis pour ce qui concerne les unions avec les Égyptiens. Aussi, bien que seul le contrat de Yehoyima s’inscrive dans la période de législation de Néhémie, n’en relève-t-il pas.

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Pour le pharaon identifié aux divinités, l’union avec l’une de ses sœurs matérialise la mythologie divine. Conserver cette coutume, pas toujours observée, permet de sauvegarder un héritage tant divin que royal. En outre, certains souverains ont épousé leur fille, tels Amenemhat III et la princesse Neferouptah. Aménophis III convole avec ses filles Sat-Amon et Isis. Parmi les plus illustres de ces « pèresépoux », Akhénaton/Aménophis IV épouse au moins trois de ses filles : Meryt-Aton, Maket-Aton et Ankhsenpa-Iten. Ramsès II contracte mariage avec les filles aînées d’Isis-Nofert et de Nofrétari, les deux Grandes pouses royales, A. R. SCHULMAN, 1979, p. 191. 109 D. LEFEBVRE, 1988, p. 121. 110 Ibid., p. 20 s. 111 R. K. MERTON, 1941, p. 363. 112 J. MACER, 1961, p. 91.

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Si, de tout temps, les Judéens préfèrent et choisissent la règle de l’endogamie et l’union dans le cercle du groupe, cette assertion est à nuancer et de nombreux exemples attestant l’inverse ont été évoqués. Lors de la période préexilique, les raisons exposées et affirmées paraissent religieuses, qui sont les instruments d’une politique permettant de préserver des particularités culturelles et sociales, économiques et politiques113. Ce système se doit d’accroître la solidarité et maintenir la structure sociale114. La période postexilique témoigne d’inquiétudes identiques, et les textes de Néhémie et Esdras sont dotés d’un même objet115. Connue dès la première période intermédiaire en Haute-Égypte116, l’union exogame laisse généralement place à l’alliance endogame qui se matérialise le plus souvent dans un milieu social homogène, et parfois familial. À l’instar des textes bibliques, approches et réalités égyptiennes diffèrent et coexistent. Et, le choix qui s’opère, ne perd de vue ni la complexité des motivations, ni la modernité des multiples situations. Les parties au contrat L’élu et le père de la promise, son représentant (B3.8) ou bien encore sa mère (B6.4), sont seuls parties à l’acte. Aussi le contrat de mariage de Yehoyima et d’Ananyah (B3.8) est-il passé entre Zaccur, fils de Meshoullam, frère adoptif de la jeune femme émancipée et adoptée sept ans auparavant, et Ananyah, fils de aggay, son futur mari, probablement le neveu de Zaccur117. Le père de Yehoyima est absent officiellement de la négociation. Alors que Mip est veuve, l’accord est conclu entre son prétendant égyptien Esor et son père Maseyah (B2.6). Ananyah, fils d’Azaryah, fait sa demande à Meshoullam, fils de Zaccur et maître de Tamet, sa future épouse (B3.3). Les parties à la convention de mariage entre Hoshayah et Salluah sont probablement la mère et le promis, mais l’état du document ne permet pas de certitude absolue. L’identité des hommes, parties au contrat, est énoncée dans chaque document, immédiatement après l’indication de la date. Dès lors qu’ils ne sont pas égyptiens, les intéressés sont présentés par leur nom et leur patronyme, ou filiation, leur origine ethnique qui peut subir des variations, puisqu’ils sont qualifiés 113

La règle de l’union endogame et patrilinéaire, et son rôle dans l’établissement des droits d’héritage, de même que le choix des conjoints affectant la structure du lignage israélite sont mis en lumière dans les récits de Genèse, N. STEINBERG, 1991, p. 53. 114 R. K. MERTON, 1941, p. 362. 115 D. L. SMITH-CHRISTOPHER, 1994, p. 256 s. ; S. J. D. COHEN, 1983, p. 23, 36. 116 B. KASPARIAN, 2000, p. 115. 117 B. PORTEN, 1968, p. 225.

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indifféremment de Judéens ou d’Araméens selon les contrats118, et leur appartenance à un détachement militaire. Ainsi Maseyah est-il désigné comme suit : []rmy zy swn ldgl wryzt, « [A]raméen de Syène du détachement de Varyazata » (B2.6 2), ou bien Judéen d’léphantine (B2.2 ; 2.4). De même, Ananyah, époux de Yehoyima, porte-t-il l’identification suivante : br gy rmy zy yb byrt [l]dgl [dn]nbw, « Fils de aggay, Araméen d’léphantine, la forteresse [du] détachement d’[Iddin]nabu » (B3.8 1-2)119, ou cette autre : « Fils de Ḥaggai, fils de Meshoullam, Judéen du détachement de Nabukudurri » (B3.13 2120). Pour autant, si tout Judéen peut être cité comme Araméen121, la réciproque ne s’applique pas. Seul Ananyah, fils d’Azaryah, est mentionné comme « serviteur de YHW122, le dieu qui est à Éléphantine la forteresse » (B3.3 2), sa particularité ethnique n’est pas précisée et n’a pas besoin de l’être. Il peut également porter d’autres titres123. Dans ces contrats, les informations livrées sur les Égyptiens

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A. E. COWLEY, 1923, p. XVI. Les Judéens et les Araméens de ces contrats constituent deux groupes distincts. Cette séparation s’exprimerait par leurs croyances religieuses et leurs pratiques respectives. Cette théorie est postulée par E. VOLTERRA, 1963, p. 169 s. 119 Mais cette théorie ne se justifie pas. En effet, ces appellations ne s’excluent pas, tout Judéen peut être décrit comme Araméen, mais tout Araméen n’est pas nécessairement Judéen. L’indication « Judéen » peut être avérée dans des documents dans lesquels d’autres personnes ne le sont pas, ou lorsque le scribe ne l’est pas, R. YARON, 1964, p. 167-172. 120 D’autres personnages portent cette identité à géométrie variable selon les actes : Maseyah et Yedanyah, les deux fils de Mipayah, sont qualifiés de Judéens (B2.9) et d’Araméens (B2.11) ; Konayah bar Zadok est mentionné comme Araméen (B2.1) et comme Judéen dans un autre document (B2.2) ; Meshoullam Ben Zakkur est dénommé Judéen (B3.1 ; B3.6) et Araméen (B2.7 ; B3.3). 121 B. PORTEN, 1971, p. 246. 122 Cette écriture ancienne est attestée uniquement dans le document B 2.7 14, et de manière plus usuelle dans les ostraca, B. PORTEN, 2000a, p. 159, n. 30. 123 Son titre est sujet à variations. Il est nommé « serviteur de YHW, le Dieu », « serviteur de YHW à léphantine », « serviteur de YHW à léphantine », « serviteur de YHW, le Dieu, à léphantine la forteresse », « le serviteur », « serviteur de YHW », « serviteur de YHW, le Dieu », « le serviteur de YHW le Dieu », « serviteur de YHW, le Dieu, à léphantine la forteresse », « serviteur de YHW, le Dieu, qui est à léphantine, la forteresse ». Son épouse est désignée une fois par le titre « servante de YHW, le Dieu qui demeure (à) léphantine, la

forteresse », B. PORTEN, 2000a, p. 170, n. 5. En outre, le titre que porte Ananyah est le même que celui d’Azaryah qui pourrait être son père. Selon la suggestion proposée par C. C. TORREY, 1954, p. 151, le sens du terme ln pourrait être

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comprennent, outre leur nom et leur patronyme, celle de leur activité professionnelle, ainsi Esor, fils de Djeo, marié à Mipayah, est-il présenté comme : rdkl zy mlk, « Architecte du roi124 » (B2.6 2). Dans les plus anciennes conventions égyptiennes connues d’avant la période perse, et dont la dernière date de 548 (P. Louvre 7846 1-2), les parties sont le plus souvent le promis et son beau-père125, parfois l’oncle, plus rarement la mère devenue veuve (Papyrus des Adoptions). Les P. Berlin 3048 II 1-21 et Louvre 7846 en témoignent. Ils précisent l’identité du père, avec indication de son patronyme, ainsi, par exemple : d-r  n Imn-ỉ.ỉrdj-s, « Djedor fils d’Amenirdis » (P. Louvre 7846 1)126, puis vient celle du promis, précisant également son patronyme : Ir.t=w-r.r=w  n P-dj-ỉs.t, « Iretourou, fils de Peteisi » (P. Louvre 7846 2). Cette clause de la demande en mariage inscrit ensuite l’identité de la jeune fille en la rattachant à celle de son père avec l’expression : Bb [ỉt.f]=s Ḳỉỉs.t, « Beb son père est Ḳeebeisi » (P. Caire 30907/30909 3)127, et parfois, à celle de sa mère en employant la même forme : Tḫnm mw.t=s Rwrw, « Tashertankhnoum sa mère est Rourou » (Louvre 7846 2). Dans ces présentations de filiation de l’épouse, la relation d’appartenance s’exprime différemment, puisqu’elle va du père et/ou de la mère vers la fille, et non du fils vers le père comme dans les exemples précédents. Dès 536, les participants à la convention sont dorénavant les époux. Par différence, ces actes mentionnent l’identité de leurs deux parents. Ainsi, le P. Berlin 13614 1 rapporte les informations suivantes sur le mari : ỉ.ỉr-tj-s s d-r mw.t=f Tj=w-nḫt, « aperdis, fils de Djedor, sa mère est Taouankhet », et pour l’épouse : Tr-n-ỉ ta Pḫỉ.ỉr-ỉj mw.t=s T-tjspt, « Tashernyah, fille de Pankherei, sa mère est Tetiseped ». Lorsque le contrat est établi par la future épouse, la règle observée est identique (P. Berlin 3078 1, décembre 492 ; P. Libbey 1, 341-332). La filiation avec le père, exprimée sous la forme « fils de » ou « fille de », manifeste la dépendance de ses enfants, tandis que la précision de l’identité de la mère exprime le lien maternel absent de sujétion. Cette inclusion systématique de

« cantor », et Ananyah pourrait être chargé de la partie musicale du culte, E. Y. KUTSCHER, 1954, p. 234. 124 Une inscription de bois non publiée et mise au jour dans la maison araméenne M., pièce 1, adjacente à celle de Mipayah, révèle le texte suivant : l’swr br rdykl’, « appartenant à Esor fils de Djeo, l’architecte », B. PORTEN, 2000a, p. 153, n. 3. Cette inscription est conservée au musée d’Éléphantine. 125 P. W. PESTMAN, 1961, p. 168 s. 126 E. LÜDDECKENS, 1963, p. 14-15. 127 Ibid., p. 12-13.

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l’identité des deux parents rattache doublement les époux à leurs parents, et la formulation paraît combler cette nouvelle indépendance. L’activité ou l’origine du mari est toujours mentionnée, mais exceptionnellement l’une et l’autre. Ainsi, par exemple, le mari peut être originaire d’léphantine (P. Berlin 13614), exercer l’activité de choachyte (P. Caire 30907/30909 2), de pastophore (P. Libbey 1), de pilote de bateau (P. Berlin 13614 1), de serviteur du surveillant du trésor (P. Berlin 3048 II 11-21 1). L’activité du père de l’épouse figure parfois dans les contrats, ainsi est-il prêtre (P. Berlin 3048 II 1-3 1), ou choachyte (P. Caire 30907/30909 2 ; P. Louvre 7846 1). L’union avec un/une esclave Si d’évidence aucun document ne témoigne de l’union entre deux esclaves, elle est attestée entre un homme libre et une esclave, par le contrat de Tamet et d’‘Ananyah (B3. 3). Elle et sa fille seront affranchies par Meshoullam leur maître, mais l’union de Tamet est célébrée alors qu’elle est encore asservie. Son contrat de mariage, comme il apparaîtra plus loin, ne diffère en rien de celui d’une personne libre, et ses droits, en ce qui concerne la faculté de divorcer et le droit de propriété, sont identiques à ceux des femmes libres. L’établissement de son contrat de mariage, signe d’un fait culturel, pose la question de la définition de sa condition et de son contenu128. À la lecture des différents contrats où elle apparaît, son niveau d’assujettissement est à relativiser, et les restrictions auxquelles elle est soumise paraissent n’exister que dans la relation à son maître, alors qu’elle peut agir en femme libre dans l’espace de ses autres relations, dont son conjoint129. Le rapport de dépendance et de liberté restreinte avec Meshoullam n’empêche cependant pas Tamet de jouir d’une capacité juridique étendue, et l’ensemble des actes auxquels elle participe révèle sa capacité à fonder une famille, recevoir une donation, transmettre ses biens à ses enfants et contracter valablement130. Quelques éléments émergent qui se rapportent à la condition des enfants du couple, à travers la situation de Paltiel/Pilti, fils de Tamet et d’‘Ananyah, et frère de Yehoyima. Le contrat de mariage de ses parents 128

A. LOPRIENO, 1990, p. 227-266. P. W. PESTMAN et S. P. VLEEMING, 1994, p. 23. Par ailleurs, « la mobilité des statuts » et l’état temporaire de l’esclavage sont soulignés par B. MENU, 2000, p. 5979. 130 B. MENU, 1977, p. 391-401. L’esclavage en gypte est à considérer comme « un phénomène susceptible de mille nuances ». Les esclaves étrangers ne seraient pas traités comme d’autres. De nombreux degrés de sujétion sont assurés, L. MESKELL, 2002, p. 126-129. 129

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évoque la possibilité, pour le maître de Tamet, de le reprendre en cas de divorce de ses parents et relève un lien de dépendance possible. Pour autant, à ce moment, la condition de Pilti est celle d’un enfant libre, suivant celle d’Ananyah131. Yehoyima, d’ores et déjà affranchie lors de son union, est généreusement dotée par le fils de Meshoullam, son ancien maître. Certaines conditions du mariage de l’mh, femme « esclave », sont mentionnées dans un unique texte de loi figurant en Exode 21, 7-11, car ni le Deutéronome ni le Lévitique132 ne l’évoquent. Ce passage légifère sur le cas particulier d’une jeune fille vendue comme esclave par son père à la condition expresse que son maître l’épouse : wky ymkr t btw lmh l t kt hbdym, « Si un homme vend sa fille comme “esclave”, elle ne sortira pas comme sortent les esclaves hommes » (7), m rh byny dnyh r l ydh whpdh lm nkry l l lmkrh bbgdw bh, « Si elle déplaît aux yeux de son maître qui se l’était destinée, il la fera s’affranchir, il n’aura pas pouvoir de la vendre à un peuple étranger133 l’ayant trahie » (8), wm lbnw yydnh kmp hbnwt yh lh, « Et si c’est à son fils qu’il l’a destinée, il fera à son égard comme la règle des filles134 » (9), m rt yq lw rh kswth wnth l ygr, «S’il en prend pour lui une autre, sa nourriture, son habillement et son huile/onguent il ne diminuera pas » (10), wm  lh l yh lh wyh nm yn ksp, « Et s’il n’accomplit pas l’une de ces trois choses envers elle, elle sortira/se retirera gratuitement sans argent » (11). La formulation de cette réglementation est conditionnelle, où figure une proposition principale, suivie de quatre subordonnées qui en explicitent le contenu. Elles témoignent, d’une part, de la spécificité des règles s’appliquant au genre féminin135 et, d’autre part, du statut particulier de cette jeune femme, qui est affranchie si son maître et/ou mari ne respecte pas les obligations matrimoniales qu’implique cette loi. La spécificité de ce mariage par achat prend la forme d’une vente 136 d’esclave . En effet, lorsqu’un père n’a pas les moyens de procurer une dot à sa fille probablement mineure et non encore fiancée, il semble pouvoir la vendre afin qu’elle devienne l’épouse de l’acheteur ou de son fils. Pour autant, cette sorte de contrat de mariage s’oppose à un type de contrat de 131

H. L. GINSBERG, 1954, p. 156. Lv 19, 20 évoque une esclave fiancée à un homme libre. 133 Il s’agirait d’interdire sa vente à un étranger, ce qui empêcherait qu’elle soit protégée par la loi hébraïque, J. VAN SETERS, 2007, p. 174. Cette expression inclut toute personne qui n’est pas membre de la famille nucléaire, S. M. PAUL, 1969, p. 48. 134 Cette formule juridique signifie « traiter comme une femme [née] libre », ibid., p. 48. 135 B. M. LEVINSON, 2006, p. 301. 136 J. VAN SETERS, 1996, p. 542-543 ; 2003, p. 90-92. 132

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vente d’esclave plus général pour d’autres activités, dans la mesure où la contrepartie en est le mariage et l’évolution du statut de la jeune fille cédée. L’emploi du verbe d, « destiner, assigner », semble jouer un rôle juridique se rapportant à une forme d’acquisition de cet ordre. Et, dans ce contexte, il signifie acquérir une femme « esclave » pour épouse137. Ce texte complexe souligne la différence de statut de l’mh, d’avec celui d’bry, « esclave hébreu », libéré la 7e année138. En outre, cette disposition s’inscrit à la suite d’un texte qui réglemente et protège les personnes libres contraintes de se vendre pour dettes ou pauvreté (Ex 21, 2-6). Celles-ci bénéficient en effet, du moins en théorie139, de leur libération sans rançon après six ans d’esclavage. Le contraste entre la libération à la fin des six années de l’esclave hébreu et son impossibilité pour la jeune fille vendue à des fins matrimoniales est à souligner. L’auteur d’Exode considère cette sorte de mariage par achat comme soustrait à l’émancipation au bout de six ans, probablement en raison des différents aspects de cette transaction140, qui consiste à assurer à la jeune fille un statut marital141, et de la nécessité pour la femme d’être placée sous l’autorité et la protection d’un homme142 en raison d’une différence de statut entre hommes et femmes143. En effet, la jeune femme est acquise afin de remplir un rôle d’épouse et de mère. Aussi, le fait qu’elle ne soit pas concernée par la loi de manumission la 7e année la protège-t-elle des caprices d’un maître qui pourrait la renvoyer144. Pour autant, les clauses finales permettent à un maître de mauvaise volonté de priver l’mh de la protection prévue par la loi.

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E. NEUFELD, 1944, p. 69 s. Cette loi correspondrait à un type de contrat de mariage mésopotamien prenant la forme de la vente d’une fille comme esclave, dans le but du mariage, soit pour l’acheteur, soit pour son fils. Selon l’auteur, ce texte d’Exode serait plus tardif que ceux de Dt 15, 12-18 et Lv 25, 39-46, et, en conséquence, accommoderait la loi deutéronomique à cette réalité où une libération après six ans ne fonctionne pas. Il aurait pour objet de modifier celui de Dt 15, 17b afin de permettre cette exemption particulière. Il en serait de même pour Lv 25, 44 qui ne sait rien de ce mariage par achat. Exode tente de modifier ce qu’il considère comme une loi plus ancienne, à savoir celle du Deutéronome, afin de permettre cette exception, J. VAN SETERS, 2007, p. 173-174. Une femme esclave ne saurait être utilisée à des fins sexuelles, à moins que son statut n’ait changé, B. S. JACKSON, 2000, p. 193-197. 139 La réalité peut être différente et Jérémie l’atteste (34, 9-14). 140 S. M. PAUL, 1970, p. 53. J. A. WAGENAAR, 2004, p. 219 ; R. WESTBROOK, 1998, p. 214 ; N. LOHFINK, 1996, p. 156 ; G. C. CHIRICHIGNO, 1993, p. 251. 141 S. M. PAUL, 1970, p. 53 ; G.C. CHIRICHIGNO, 1993, p. 251-254. 142 C. PRESSLER, 1998 , p. 172. 143 G. C. CHIRICHIGNO, 1993, p. 244-246 ; C. PRESSLER, 1998, p. 149 s. 144 S. M. PAUL, 1970, p. 53 ; G. C. CHIRICHIGNO, 1993, p. 244 ; C. PRESSLER, 1998, p. 147. 138

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Dès lors qu’elle est mariée, l’mh jouit-elle du plein statut de femme ? Peut-être ne doit-il pas être distingué de celui de l’h ou épouse libre145 et ne lui est-il pas inférieur146 ? En outre, elle peut difficilement être à la fois esclave et épouse de son maître, les deux paraissent incompatibles147. Les deux clauses secondaires (Ex 21, 8. 10) sont relatives à une situation ne répondant pas aux désirs de l’acheteur, qui renvoie la jeune fille à son père ou bien décide de prendre une autre épouse148. Il semble que la loi énonce comme condition de renvoi et de manumission que le mariage n’ait pas été consommé149. En outre, les formalités d’annulation paraissent conditionnées par la particularité de cette union. Et pour ce qui à trait à l’interdiction de la vendre « à un peuple étranger », elle ne concerne probablement pas sa vente à un autre Israélite, mais bien à un étranger, car, dans ces circonstances, elle ne serait pas protégée par les lois d’Exode, et le contrat ne serait pas observé150. L’explication de l’interdiction se trouve dans 145

La loi lui donnerait un statut de femme secondaire. Mais il resterait difficile de proposer une logique dans des relations ne tenant pas compte des origines sociales. De fait, son statut serait quasi servile, selon B. S. JACKSON, 2006, p. 100 s. Elle serait dotée du statut complet d’une épouse et, si le statut de l’mh doit être distingué

de celui de l’h, il n’est pas nécessairement celui d’une concubine, R. KESSLER, 2002, p. 501-511. 146 Le terme : mh s’applique à une femme libre dans les textes suivants : 1 S 1, 16 et 25, 27 ; 2 S 14, 15-16 ; Rt 3, 9. Il figure également sur des sceaux appartenant à des femmes libres, dont deux sont d’origine ammonite, un troisième judéen, qui date de la fin du VIe-début du Ve siècle et renferme l’inscription suivante : lmyt mt l[n]tn, « appartenant à elomt, mt d’Elnatan », épouse du gouverneur de Juda. Il est possible qu’elles aient été des épouses de hauts fonctionnaires. Et le terme gravé sur un mur de la tombe 35 de Silwan se rapporte probablement à l’épouse libre d’un haut dignitaire, soulignant son allégeance à celui-ci, H. NUTKOWICZ, 2006, p. 294296. Le seul sceau hébreu de la période préexilique dont la lecture n’est pas nettement claire porte l’inscription suivante : mt nnyhw, « épouse de ananyaou ». Les femmes possédant leur sceau ne sont pas des esclaves, mais des femmes d’un rang élevé, M. HELTZER, 1996, p. 23-29 ; R. KESSLER, 2002, p. 509. 147 R. WESTBROOK, 1998, p. 229-230. 148 J. A. WAGENAAR, 2004, p. 224. 149 Le verbe yd, « destiner » est un terme juridique désignant ce type de mariage, et l’acheteur est responsable d’avoir brisé le contrat lorsqu’il ne remplit pas l’obligation d’épouser la jeune fille, S. M. PAUL, 1970, p. 54 et G. C. CHIRICHIGNO, 1993, p. 248. Il aurait violé les termes de l’achat, C. PRESSLER, 1998, p. 158. Si l’acheteur ne se conforme pas à l’objet de ce contrat, le droit de la libération s’applique, R. WESTBROOK, 1998, p. 219. 150 J. VAN SETERS, 2007, p. 174. Il s’agit d’une troisième partie, S. M. PAUL, 1970, p. 5. Selon G. C. CHIRICHIGNO, 1993, p. 249 et C. PRESSLER, 1998, p. 158, elle s’applique à son entourage proche.

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la manière d’agir du maître qui l’aurait trahie en ne respectant pas le contrat par lequel il s’est obligé151. Dépendante de la précédente, la clause suivante évoque le cas de la jeune fille acquise pour le fils de l’acheteur (Ex 21, 9). Dès lors qu’elle ne le satisfait pas, l’acquéreur se trouve néanmoins dans l’obligation de se conduire en père adoptif envers elle et en assumer les responsabilités. Puis, la disposition rapportée par le passage suivant (Ex 21, 10-11), précise les devoirs du mari envers cette épouse, dont le droit à la nourriture, l’habillement, et l’huile/onguent152, est ici précisément illustrés. Ce passage est le seul de la loi qui énonce ces devoirs conjugaux. Leur non-application a pour corollaire la libération de l’épouse et la séparation possible du couple. Enfin, en raison de la nature du contrat de mariage par achat, le divorce se concrétise par l’émancipation de l’épouse et son départ. Ces jeunes femmes ne sont pas traitées comme une propriété et le texte l’éclaire qui évoque le « droit des filles », signifiant qu’elles sont considérées comme des êtres libres. L’ensemble de ses stipulations tend à les protéger, à limiter les droits et à préciser les engagements de l’acheteur. Nées libres, vendues comme esclaves et traitées comme libres, elles voient leur état s’élever au même statut que celui de la jeune femme mariée par mohar et dot grâce à son mariage et à la loi. Le changement d’avis de l’acheteur ou les mauvais traitements sont considérés par celle-ci comme une rupture de contrat, dont la conséquence résulte en son affranchissement153. Témoignant de réalités comparables à celles d’léphantine et d’Israël, le mariage avec une esclave est également attesté par les documents de l’ancienne gypte, tout comme celui d’une femme libre avec un esclave. Ainsi, le Papyrus des Adoptions évoque l’union d’une esclave affranchie avec un homme libre, et un texte de la XVIIIe dynastie rapporte celle d’un

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Ce passage s’expliquerait en fonction de la polysémie du terme bgd. Aussi le passage d’Exode souligne-t-il par son emploi l’aspect objectif de la loi et son nonrespect, plutôt que l’aspect subjectif des relations. Dans ce contexte, bgd signifie donc « briser un contrat », G. C. CHIRICHIGNO, 1993, p. 249 s. 152 Voir ch. II, p. 107 s. 153 De rares textes, qui se rapportent à la période des Patriarches, mentionnent l’union de l’esclave d’une épouse avec le mari de celle-ci ; le modèle est attesté par Saraï, Rachel et Léa. Les trois femmes, en raison de leur stérilité, ont donné leur esclave à leur mari pour épouse, afin d’en obtenir un enfant. Par ailleurs, un exemple est connu d’une union entre un esclave et une femme libre (1 Ch 2, 34-41), le récit qui le restitue évoque Chêchân, fils de Yiche, qui n’a pas de fils, mais des filles ; afin de résoudre cette difficulté, il choisit de donner l’une d’elles en mariage à son esclave Yarha probablement affranchi à cette occasion, afin d’en obtenir un héritier.

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esclave appartenant au barbier du roi Sibastet avec une femme libre154. Dans le premier (P. Ashmolean Museum 1945. 96)155, Nénuphar, qui établit le contrat, retrace l’événement en quelques mots et rapporte que le chef d’étable Padiou, son frère cadet, a pris pour femme Taïmeniout, ajoutant qu’elle l’a accepté comme époux de la jeune femme. Son accord n’est peutêtre pas nécessaire, mais dans le cas d’un refus elle n’en aurait pas fait son héritier, non plus que sa femme. Le papyrus rapporte ensuite que Taïmeniout a été affranchie par sa maîtresse qui prévoit d’ores et déjà le statut d’êtres libres de leurs enfants. La mère de Taïmeniout a probablement été achetée par Nénuphar et son mari, qui n’ont pas d’enfant, afin de combler ce vide. Bien que le texte ne précise pas qui en est le père156, Nebnéfer, époux de Nénuphar, l’est probablement. En effet, lorsqu’une épouse n’est pas en mesure d’avoir un héritier légitime, son statut social et économique peut être protégé par une sorte de mère de procuration, une femme esclave acquise à cette fin. Le statut de cette femme et de ses enfants se révèle complexe. Dans ces arrangements, celui de la femme esclave est subordonné à l’épouse principale, bien que respectable et privilégié. Elle semble avoir droit au minimum matériel afin de couvrir ses besoins. Sa position et celle de ses enfants peuvent dépendre des conventions prévues, et de nombreuses possibilités semblent pouvoir se rencontrer. Le statut de ces enfants, libres ou esclaves, dépend du choix de leur père à les reconnaître. Leurs droits d’être héritiers découleNT des conventions entre le mari et la femme qui a autorisé et accepté leurs naissances157. Sibastet (Louvre E 11673), barbier du roi, propriétaire de l’esclave Amenyoui, s’est présenté devant des fonctionnaires royaux afin de les instruire de changements intervenus dans la situation de ce dernier ; il déclare qu’il lui a été attribué alors qu’il se trouvait au service du souverain, puis ajoute qu’il lui transmet la charge dont il a hérité de son père, peut-être celle de barbier du temple de Bastet. Il rapporte également l’union d’Amenyoui et de la fille de sa sœur Nebetta, du nom de Takamenet. À cette occasion, le barbier du roi partage ses biens entre sa femme, sa sœur et 154

Statuette Louvre (E 11673) éditée par J. de LINAGE, 1939, p. 217 s. et S. ALLAM, 1973, p. 265-266. 155 A. H. GARDINER, 1940, p. 23-29, pl. V-VIIa ; A. THEODORIDES, 1965, p. 88 ; S. ALLAM, 1973, n° 261 et 1990, p. 189-191 ; E. CRUZ-URIBE, 1988, p. 220-223. 156 Pour un lecteur égyptien, Nebnéfer serait à l’évidence le père, A. H. GARDINER, 1940, p. 25. Selon ce texte, l’esclave Dinihoutiry, mère de Tameniout, a donné naissance à ces trois enfants par concubinage, A. EL-MOHSEN BAKIR, 1952, p. 98. 157 Le rôle de la femme esclave et de ses enfants est caractéristique de la société égytienne. Cette situation n’a de sens que dans la mesure où l’absence d’un héritier légitime pose problème quant à la dévolution des biens, C. J. EYRE, 1992, p. 210211.

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Takamenet, lui conStituant ainsi une sorte de dot158. Lors de son union avec une femme libre, Amenyoui a probablement été affranchi159. L’ensemble de ces accords est vraisemblablement le moyen d’obtenir un héritier pour Sibastet et de pourvoir aux besoins de sa sœur et de sa nièce. La demande en mariage, forme et terminologie La demande orale dont le compte rendu figure dans le texte du contrat prélude aux diverses formalités, répondant à un cérémonial certain. Le promis s’exprime à la première personne du singulier au style subjectif, rapporte les formalités auxquelles il s’est plié et ce qui s’en est ensuivi. Il s’est rendu auprès du père (B2.6 ; B6.1), maître (B3.3) ou fils du maître de la future épousée (B3.8), et la formule le précisant diffère légèrement selon les conventions. Dans le contrat de Yehoyima, elle prend la forme suivante : nh tyt ‘ly[k bby]tk, « Je suis venu vers t[oi dans ta mai]son » (B3.8 3160), tandis que, dans celui de Mipayah, elle est simplifiée et omet « vers toi » (B2.6 3) et, dans l’acte de Tamet, elle efface la dernière partie : « dans ta maison » (B3.3 3). Puis le texte rapporte l’objet de cette venue, qu’est la demande en mariage :  l’ntw, (B3.8, 3). Sa formulation diffère selon les contrats. Ainsi, dans celui de Yehoyima (B3. 8 2), le fils de son ancien maître, Zaccur, fils de Meshoullam, reçoit la requête et non pas son père : wlt mnk lnn yhwhm mh tk lntw, « Et je t’ai demandé dame Yehoyima de son nom, ta sœur, en mariage161 » (B3.8 3). Si les termes « frère » et « sœur » n’impliquent pas nécessairement un tel lien de parenté, ils manifestent une relation affective et une égalité de statut social162. La formule peut omettre le 158

A. THEODORIDES, 1965, p. 122-126 ; A. EL-MOHSEN BAKIR, 1952, p. 83. Cette traduction : « Je lui ai donné comme épouse la fille de ma sœur Nebetta, Takamenet. Elle a partagé entre (ma) femme et aussi (avec ma) sœur » est proposée par P. W. PESTMAN, 1961, p. 8. 159 Peut-être Sibastet vient-il effectuer, devant les fonctionnaires du roi, sa déclaration de succession dans sa fonction, afin qu’ils ne molestent plus son esclave, J. de LINAGE, 1939, p. 221 ; A. EL-MOHSEN BAKIR, 1952, p. 83 ; A. THEODORIDES, 1965, p. 122-126. 160 Cette information, en apparence inutile, peut servir à relever un détail historique, à moins qu’il ne s’agisse d’une expression stéréotypée, J. A. FITZMAYER, 1979, p. 252. 161 L’usage des termes « frère » et « sœur » est étendu. Ils peuvent désigner des parents éloignés de même génération, des collègues. Ils indiquent un rapport entre deux personnes sur un modèle généalogique plutôt qu’un lien biologique précis. Il en est de même dans les contrats d’léphantine. Les époux et amants peuvent s’appeler ainsi en ajoutant « de cœur », D. LABOURY, 2007, p. 45. 162 B. MATHIEU, 2001, p. 4.

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verbe « demander » et se transformer, ainsi dans le contrat de Mipayah, elle devient : « Me donner ta fille Mipayah en mariage » (B2.6 3). L’identité des promises figure dans ces demandes, qui précisent leur lien familial ou une particularité sociale. Yehoyima et Tamet portent une appellation qui rappelle leur statut d’esclave : mh, « la nommée » (B3.3 ; B3.8163). Mipayah, est désignée comme : brtk, « ta fille » (B2.6 3), et Tamet est mentionnée comme : l’’mh, la « servante » (B3.3 3). La demande officielle, confirmée par le contrat écrit, est formulée auprès de personnes dont l’attache à la future épouse est variable, familiale ou autre, soulignant un lien de dépendance. À aucun moment, le document ne fait état d’une requête présentée directement à la future épouse. Le formalisme préside à la demande, qui est restitué par ces documents. Dans la proposition figurant dans les contrats de Mipayah (B2.6 3) et de Tamet (B3.3 3) : lmntn ly lntw, « Me donner en mariage », l’emploi du pronom personnel complément d’objet met en avant le promis et son souhait, qu’on lui remette et lui confie la jeune femme. Il exprime un désir avec force, pour autant, il reste dans l’attente, puisque seuls le père et/ou le représentant en ont le pouvoir. Un seul document, le contrat de Yehoyima (B3.8 3), précise qu’Ananyah, son futur mari, l’a simplement demandée en mariage à Zaccur et constate : wyhbth ly, « et tu me l’as donnée » (B3.8 3-4). Dans cet exemple, le futur mari, plus en retrait, est aussi dans l’attente. La décision finale ne lui appartient pas. Seul le représentant de la jeune fille paraît décider et agir. Confirmant cette approche, la terminologie du contrat de Yehoyima se limite à une simple requête, tandis que celle des conventions de Mipayah et de Tamet manifeste la possibilité de la concrétisation par l’emploi d’un verbe qui évoque le mouvement vers le futur conjoint, et également le pouvoir du père. Dans cette présentation particulière, seuls les hommes ont un rôle, peut-être réminiscence et formalisme de temps plus anciens. Pour autant, bien qu’elles figurent au second plan, peut-être ont-elles d’ores et déjà donné leur accord à cet engagement164, influencées par l’usage égyptien où la femme est dorénavant partie. Si la demande, en règle générale, met en scène le futur élu et le père de la future promise, d’autres éventualités coexistent. Ainsi, un texte (Dt 22, 28) contraint au mariage l’homme qui a déshonoré une jeune fille et lui impose de verser une compensation au père, lequel ne peut interdire cette union. Le lévirat oblige le frère cadet de l’époux défunt à épouser sa veuve165. Et l’union avec une belle captive étrangère exclut la demande (Dt 163

B. PORTEN, 2003, p. 873. J. A. FITZMAYER, 1979, p. 253 ; R. YARON, 1961, p. 46. 165 Voir ch. I, p. 32s. 164

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21, 10-14)166. David, dépêche des serviteurs chargés d’une demande en mariage auprès d’Abigaïl devenue veuve (1 S 25, 40). Pour cette demande, le texte utilise le même verbe « prendre », ajoutant ici « pour femme ». En cette occurrence, la jeune veuve consultée par les envoyés est seule à décider et à répondre par l’affirmative (1 S 25, 40). Cette situation paraît souligner une forme de liberté pour la veuve, qui n’est pas représentée par un tiers, membre de son clan. Aussi la formation du lien, exprimée par la prononciation de cette formule par le futur mari, reflète-t-elle le modèle patrilocal d’Isral167. La relation entre la veuve et le levir est définie par la terminologie usuelle. Ainsi Tamar constate qu’elle n’a pas été : ntnh lw lh, « donnée pour épouse » (Gn 38, 14). Deutéronome 25, 5, affirme que le lévir doit : wlqh lw lh, « prendre pour épouse » sa belle-sœur, déclaration concrétisée en Ruth 4, 13 : wyq bz t rwt, « Boaz prit Ruth (pour épouse)168 ». Des variations sémantiques définissent les divers modes de formation du lien du mariage. L’emploi du verbe ntn, « donner » demeure le privilège du père ou de son/ses représentants. Ainsi, après le rapt de Dina, fille de Jacob, amor le Hévéen, père de Sichem, qui l’a enlevée sollicite des frères de la jeune fille qu’ils la lui donnent pour épouse (Gn 34, 8-9). Des occurrences du verbe tn sont attestées qui ne désignent pas exactement le mariage, mais se rapportent à l’établissement de relations privilégiées en vue de sa concrétisation. Il évoque une demande ou une offre afin de contracter une union avec un/une « étranger/étrangère », en dehors de la tribu ou de la strate sociale. Ainsi, les écrits usent de ce verbe à propos de David, futur gendre de Saül (1 S 18, 21-27), attentif à la différence de statut social entre sa famille et celle du souverain (18, 23), et parce que ses ressources sont insuffisantes pour offrir un douaire satisfaisant. Bien que différent de par son appartenance sociale, cette alliance l’autorise à franchir cette distance. La relation, liée à ce terme, prend des aspects de traité négocié169. 166

Voir ch. I, p. 34s. C. L. MEYERS, 2005, p. 196. 168 H. H. ROWLEY, 1952. Ce récit concerne trois réalités : l’héritage, le rachat et le remariage d’une veuve sans enfant, D. R. G. BEATTIE, 1974, p. 251. Le langage employé afin de décrire l’union léviratique est identique à celui qui évoque le mariage, D. E. WEISBERG, 2004, p. 423. 169 Parmi les trois noms dérivés du verbe, le premier, habituellement traduit par « beau-père », pourrait désigner celui qui négocie, ou bien est partie à un accord d’union exogame, par exemple l’union de Moïse et de la fille de Jethro. Le second évoque un gendre soit fiancé, soit marié. Celui-ci est le fils d’un chef ou d’un représentant d’un peuple qui se marie au-delà des frontières ethniques, politiques, économiques, sociales et religieuses. Le troisième terme, tnt, évoque une « bellemère », A. GUENTHER, 2005, p. 390 s. 167

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Le verbe n est rarement employé au sens de « prendre pour femme » (Jg 21, 23 ; Rt 1, 4 ; Esd 9, 2 ; Ne 13, 25). Parfois coloré d’une certaine violence, il peut caractériser le rapt, l’enlèvement. Dans ces circonstances, les échanges économiques sont absents. L’union de Ruth et d’Orpah avec les fils de Noémie, est décrite par ce verbe (Rt 1, 4). Elle n’a donné lieu à aucune contrepartie économique. Le texte généalogique de 1 Chroniques 23, 22 peint Éléazar comme n’ayant laissé que des héritières. Leurs cousins, les fils de Kish, les prennent pour épouses. Un récit (2 Ch 11, 21) relate les différentes alliances contractées par Roboam. Il use du verbe lq, « prendre », lorsque le souverain s’allie à Mahalat, petite-fille de David, et à Maakha, fille d’Absalom, puis du verbe n, lorsqu’il épouse dix-huit autres femmes et soixante concubines. Son fils et héritier, Abiyya, n, « prend » quatorze épouses. Encore utilisé en Esdras (9, 2. 12 ; 10, 44) et Néhémie (13, 25), ce verbe restitue le concept d’union exogame. Par ailleurs, la forme hiphil du verbe , « faire s’installer quelqu’un », adoptée à diverses reprises en Esdras (10, 2. 10. 14. 17. 18) et en Néhémie (13, 23. 27), manifeste le fait de cohabiter ou de s’unir. Enfin, associé au concept d’autorité, le verbe l signifie « épouser » (Is 62, 4-5), « cohabiter » (Dt 24, 1) et « dominer » (Is 26, 13). Les verbes lq, « prendre » et ntn, « donner » constituent la terminologie la plus usitée de la demande en mariage. Le second souligne l’autorité du père et/ou de ses représentants, mais aussi le fait de consentir à l’union et à remettre sa fille à son futur époux, tandis que le premier marque celle du futur mari. D’autres verbes révèlent des réalités analogues et particulières. Si n signifie également « prendre pour femme », il est à replacer dans un contexte de violence et/ou de pouvoir et, indépendamment, de pauvreté. Le verbe , peu fréquent, semble se rapporter à une cohabitation/union avec une étrangère. L’union léviratique est dotée d’un terme qui la colore précisément, soulignant l’absence de choix possible tant pour la veuve que le levir, et le texte ne manque pas d’user du verbe « prendre ». Les conventions égyptiennes, dès la période perse, ne rapportent aucune information sur la demande en mariage, qui affirment le nouveau statut d’époux (P. Berlin 13614 ; P. Lonsdorfer I), au contraire des sept conventions matrimoniales précédant cette période, qui inscrivent l’entrée du promis dans la demeure de ses futurs beaux-parents170, mais ne témoignent pas du nouveau statut de la femme. La disparition de cette mention est en corrélation avec celle de la demande du promis auprès de son futur beaupère et en conformité avec le nouvel usage de la demande à la promise. 170

P. Berlin 3048 II 1-3 ; 3048 II 4-7 ; 3048 II 8-10 ; II 11-21, P. Caire 30907/30909 ; P. Louvre 7846 et 7849.

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Dans la première phrase de la première clause, au style objectif, ce rappel prend la forme suivante : hrw pn ḳ r p pr, « Ce jour, est entré dans la maison » (P. Louvre 7849 2 ; P. Caire 30907/30909). Dans ces arrangements, l’expression : ḳ r pr désigne soit une demande en mariage171, soit une négociation avant sa réalisation172. Deux papyri emploient cette formule, décrivant l’un, l’entrée d’un homme dans la maison d’une femme afin d’épouser la fille de la maison (P. Ashmolean Museum 1945.96 r° 2021), l’autre (P. Turin 2021/Genève D. 409 2 2), l’entrée d’un homme dans la maison d’une femme à laquelle il s’unit. Plus tard, le couple va vivre dans la maison de l’époux. Cette formulation signifie également « se marier » tant pour une femme, qui assure son entrée dans la maison de son mari (P. Caire 65739 1), que pour un homme173 (P. Leyde 371 1). Le promis des contrats d’léphantine demeure éloigné de la sphère de décision. Et l’absence du verbe « prendre » est à mentionner. Il est, en effet, en demande et se contente d’exprimer son souhait. Le père ou le représentant de la jeune femme peut la donner en mariage, ultime trace de l’expression d’un pouvoir, ou seulement formalisme d’un usage ancestral, constatant le désir d’accordailles des deux intéressés et de leur famille. Par ailleurs, le rappel, dans le contrat, de la venue du futur mari dans la maison de son beau-père est à mettre en parallèle avec ce même geste réalisé par le futur mari égyptien, connu par des conventions d’avant la période perse. Il reste cependant plus que probable que cet usage perdure lors des périodes satrapique et ptolémaïque. En dépit de quelques disparités, la formulation des contrats d’léphantine reste proche, tant dans le rappel de l’historique de la démarche que dans l’emploi des expressions, de celle des anciennes conventions égyptiennes. Elle est également plus complète et rappelle le contenu de la demande, au style subjectif, tandis que les documents égyptiens s’expriment au style objectif. Le vocabulaire diffère dans les textes bibliques, où le terme « prendre » est lié à l’action du futur mari, tandis que le verbe « donner » le laisse dans l’attente, l’initiative restant entre les mains de la famille de la future épousée. Avant qu’il ne la prenne, elle doit lui être donnée, et l’ordre doit être respecté, avec, en premier lieu, l’intervention de la parentèle de la jeune fille suivie de celle de l’élu. Ces deux mots résonnent singulièrement, 171

M. EL-AMIR, 1959, p. 142. Cette expression signifierait : « entrer dans la maison afin de se marier », P. W. PESTMAN, 1961, p. 10, n. 2. En outre, si ce terme signifie : « entrer dans une maison », « cohabiter » ou « entretenir des relations illicites », certains textes ne permettent pas de déterminer son sens avec précision, J. TOIVOIRIVITALA, 2001, p. 74-75. 172 J. TOIVOIRI-VITALA, 2001, p. 75, n. 451. 173 A. H. GARDINER, 1935, p. 143, 145.

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puisqu’ils paraissent renvoyer la femme à une qualité d’objet. Le verbe « donner » souligne le pouvoir de décision du père et/ou de ses représentants, et aussi le fait de disposer et d’accorder sa fille à son futur gendre, il signe son privilège. Mais il est à nuancer, puisqu’il signifie également « remettre » et « confier », investissant alors le futur mari d’une lourde responsabilité. Le terme « prendre » ou « faire sien », « s’approprier », « accueillir », souligne tant un changement d’état que géographique. Il suggère la mise en mouvement immédiate, le départ vers un autre lieu, un autre clan et une autre condition. Les textes usent des verbes « prendre » et « donner », qui constituent la phraséologie la plus usitée de l’acte du mariage. Les deux verbes évoquent un mouvement dans le même sens, toujours en direction du futur mari. Les autres termes correspondent à un mode particulier d’union, sans déterminer un statut différent de la future épouse. L’expression « entrer dans la maison » des conventions démotiques, employée avant la période perse, en dépit de sa brièveté, résume la demande en mariage et/ou le mariage. Elle s’applique aux deux genres sans exclusion, puis disparaît des contrats avec la période perse, et plus rien de la demande en mariage n’y figure dorénavant. Le nouveau statut L’annonce par le mari du nouveau statut de chacun suit la demande en mariage et adopte la forme suivante : hy ntty wnh blh mn ywm znh wd lm, « Elle est ma femme et je suis son mari de ce jour et pour toujours174 » (B3.8 4 ; B2.6 4 ; B3.3 3-4 ; B6.1 4). Cette formule est légale, qui crée et constate le nouveau lien. Elle énonce le changement entraînant une nouvelle réalité sociale, expression de liens sociaux, juridiques et économiques. Aucun sentiment n’est allégué dans cette déclaration, alors que la séparation implique l’emploi du terme « haïr », sur lequel nous reviendrons. L’usage d’un adjectif possessif tant pour l’épouse que le mari est le fait de ce dernier, qui dispose leur lien au même niveau, les unissant d’une attache identique. Cette phrase paraît fermer l’univers de leur relation.

174

Si l’aspect mutuel de cette déclaration est à noter, ses conséquences légales ne paraissent pas certaines, R. YARON, 1961, p. 47. Ces mots enregistrent l’accord formel qui constitue l’union, J. A. FITZMAYER, 1979, p. 253. Les indications de réciprocité sont nombreuses, ainsi le droit au divorce des deux époux, C. H. HUGENBERGER, 1994, p. 227. Cette formule est peut-être mieux identifiée comme formule documentaire, plutôt que comme exacte reproduction du verbia solemnia du mariage. La cérémonie du mariage incluait peut-être une déclaration mutuelle du fiancé et de la fiancée, M. A. FRIEDMAN, 1980, p. 203.

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Dans le même temps, droits et obligations, règles de vie, sont sous-entendus par ce témoignage. De fait, aucun de ces contrats n’introduit cette formule par un verbe indiquant qu’il s’agit d’une phrase énoncée oralement. Pour autant, le texte enregistré dans la convention correspond très probablement à une formule prononcée devant témoins par les deux promis, tout comme en Juda et en Égypte. Par ailleurs, la présence dans le contrat de cette modalité lui concède des conséquences légales175. L’état civil de certaines femmes après leur mariage, le plus souvent, ne change pas, qui ne cessent de porter le patronyme de leur père et non celui de leur mari, ainsi que l’attestent les contrats passés après leur union (B2.8 2 ; B2.9 3), tandis qu’aucun rattachement à la mère n’est attesté. Ainsi, l’appartenance au clan d’origine perdure officiellement dans cet usage, fixant une limite au nouveau lien de l’épouse. L’attache à la nouvelle parentèle n’est pas inscrite par ce moyen et reste symboliquement secondaire. Elle reste en effet « fille de », seule son origine perdure. Une distance est établie et la nouvelle relation apparaît comme un filet aux mailles distendues. Des exceptions sont néanmoins attestées, et certaines portent le patronyme de leur époux, telles Ramy, femme d’Hodo, Pallul, femme de Isla (A4.4 5), citées dans la liste des femmes emprisonnées. Si l’Ancien Testament n’évoque pas de formule de mariage, l’expression du divorce attestée en Osée 2, 4 : hyty wnky lyh, « Elle n’est plus ma compagne, et je ne suis plus son époux », employant les paroles rituelles inversées de l’alliance afin d’évoquer le pacte divin, a longtemps été admise comme un exemple possible de verba solemnia176. Cette assertion, ne manque pas d’être parallèle à celle figurant en Osée 1, 9 : ky tm lmy wnky l hyh lkm, « Car tu n’es pas mon peuple et je ne suis pas ton Dieu ». Ces phrases d’Osée prennent probablement pour modèle une formule de mariage semblable à celle employée dans les contrats d’léphantine177. Et, s’il en est ainsi, elle témoigne de l’emploi du verba

175

C. H. HUGENBERGER, 1994, p. 227. Cette formule a pu être prononcée oralement, mais, dans la mesure où elle figure dans un contrat de mariage, son objet est d’introduire les événements qui provoquent les obligations contractuelles de chacune des parties, H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 2001, p. 53. 176 C. H. GORDON, 1936, p. 277-280 ; R. YARON, 1957, p. 117-128 ; 1958, p. 30-31 ; U. CASSUTO, 1973, p. 120-122 ; M. FISHBANE, 1974, p. 40. Cette formulation à la 3e personne est la dernière forme de la formule de mariage et d’adoption, J. C. GREENFIELD, 1981, p. 122, n. 39 ; R. ABMA, 1999, p. 154 s., 188. Cette phrase pourrait au mieux être considérée comme une formule de mariage négative, W. RUDOLPH, 1966, p. 65. 177 M. A. FRIEDMAN, 1980, p. 203 ; S. GREENGUS, 1969, p. 522.

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solemnia dans la pratique du VIIIe siècle israélite178. En outre, serments d’union et d’adoption partagent une terminologie identique empruntée au domaine familial179. Présageant une nouvelle alliance entre Dieu et son peuple (Os 2, 16-25), le prophète les personnifie tous deux, donnant l’exemple du verba solemnia prononcé par la femme et qui la concrétise. En effet, Osée 2, 16 fait allusion à la proposition divine de remariage, et Osée 2, 17b donne la réponse d’Israël, dans le rôle de la fiancée. Le prophète sait que son auditoire connaît les formules de mariage en usage, et le point important est d’instruire Israël que la fiancée récite la réponse et doit prononcer les mots suivants : yy (th), « (Tu es) mon époux », plutôt que l’expression : bly (th). Selon le même modèle, YHWH affirme : « Tu m’appelleras yy, “mon époux”, tu ne m’appelleras plus bly, “mon Baal/maître” » (Os 2, 18180), contrastant avec l’emploi de ce dernier terme dans les contrats de mariage d’léphantine. Ce changement dans les textes bibliques inscrit probablement une évolution tant sociale qu’affective dans la relation qui les lie181. Si le terme bl évoque les notions de possession et de domination et souligne les droits du mari sur sa femme, y correspond à un lien personnel intime et complet, qui s’interprète comme époux, compagnon182. Cette évolution dans l’usage des termes souligne dorénavant la relation de symétrie entre les époux183. Pour autant, l’emploi du terme bl à léphantine n’induit pas une autre signification que la réciprocité. La déclaration formant l’union : yy, « mon mari » et sa contrepartie : ty, « ma femme » à la deuxième personne du singulier, préparent la formule prononcée en Osée 2, 25, par YHWH : my th, « Tu es mon peuple », à quoi Israël répond : lhy, « Mon Dieu184 ». La formule énoncée par Osée ne comporte pas cet ajout : « De ce jour et pour toujours » assuré dans les contrats d’léphantine, dont il se peut que son aspect ne soit que stylistique. Enfin, il semble évident que le mariage israélite se forme avec la prononciation d’un verba solemnia. Diverses formules sont admises, dont l’une est probablement prononcée par chacun des deux fiancés devant témoins, dont le premier serait la divinité185.

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C. H. HUGENBERGER, 1994, p. 231. M. WEINFELD, 1970, p. 200. 180 M. A. FRIEDMAN, 1980, p. 200 s., rejette l’analyse de M. J. GELLER, 1977, p. 146, n. 21, selon qui bly signifierait « mon amoureux ». 181 M. A. FRIEDMAN, 1980, p. 201 ; C. V. CAMP, 1985, p. 106-107. 182 J. L. MAYS, 1969, p. 48 ; G. A. YEE, 2001, p. 380 ; H. W. WOLFF, 1978, p. 49. 183 Il semble douteux, cependant, qu’Osée, dans ce passage, veuille exprimer que YHWH et Israël seront des partenaires à égalité, C. V. CAMP, 1985, p. 106-107. 184 C. H. HUGENBERGER, 1994, p. 236. 185 Ibid., p. 239. 179

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Par ailleurs, les récits attestent un usage où l’identité des femmes ne cesse de s’affirmer en lien avec leur père, ainsi Rachel, fille de Laban (Gn 29, 10), Mikhal, fille de Saül (2 S 6, 15-20), Riçpa, fille d’Ayya (2 S 21, 6), Maakha, fille d’Abishalom (1 R 15, 2) mais qui peut parfois se nuancer avec, au second plan, un objet bien précis. Ainsi, Bethsabée est dénommée « fille d’Éliam, épouse d’Urie le Hittite » (2 S 11, 3). Elle porte bien évidemment le nom de son père, mais également celui de son mari. Cette indication souligne avec force son état de femme mariée. Bethsabée est également citée comme mère de Salomon, afin de souligner leur filiation (1 R 1, 11 ; 2, 12). Les femmes étrangères sont désignées d’après leur origine ethnique, ainsi Abisag la Sunamite (1 R 1, 3) ou Naama l’Ammonite (1 R 14, 21), révélant un usage identique à celui des actes d’léphantine, où l’identité des Judéens ou d’autres personnages précise leur origine ethnique en leur qualité d’étrangers et l’omet lorsque l’identité d’Égyptiens est concernée. Si, dans les conventions précédentes, aucun libellé de cette sorte n’est attesté (P. Caire 30907/30909), une formule est mentionnée dans les contrats démotiques à compter de 536, qui affirme l’union et exprime ainsi le nouveau statut des deux époux. L’expression : ỉr=j ṱ=t (n) m.t, « Je t’ai prise pour épouse/Je t’ai faite (mon) épouse/J’ai fait de toi mon épouse » se rapporte à l’affirmation du mari (P. Lonsdorfer I 1186), et la phrase parallèle prononcée par l’épouse, lorsqu’elle est à l’origine du contrat, le confirme : ἰr=k ṱ(=j) m.t p hrw, « Tu m’as prise pour épouse/Tu m’as faite (ton) épouse ce jour » (P. Berlin 3078 3 ; P. Libbey 1187). Le terme relatif à l’union ne varie guère, qui recourt à l’emploi du même verbe « prendrefaire ». L’affirmation légale « Je t’ai faite/J’ai fait de toi mon épouse », attribuée au mari, est le corollaire de la promesse parallèle prononcée par l’épouse : « Tu m’as faite ton épouse. » Elle rapporte le contenu du serment prononcé par les parties lors de leur union. L’expression « prendre pour époux/faire pour mari188 » est attestée dans les contrats servant de preuve de divorce. L’homme recommande à son épouse divorcée : « Prends/fais (pour) toi un mari » (P. Berlin 3076 3 ; 3077 ; 3079189).

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Cette expression prouve seulement qu’un document est écrit après ou en vue de l’union, afin de régler les questions économiques et financières auxquelles le couple peut être confronté. Par ailleurs, la formule peut préciser la date de l’union lorsque le contrat n’est pas établi le même jour : « J’ai fait de toi ma femme en l’an… », P. W. PESTMAN, 1961, p. 26. 187 E. LÜDDECKENS, 1963, p. 23, 263-264 ; W. SPIEGELBERG, 1907, p. 1-7. 188 P. W. PESTMAN, 1961, p. 9, n. 8. 189 W. SPIEGELBERG, 1923, p. 6 s. ; P. W. PESTMAN, 1961, p. 72, n. 5, 6.

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Parmi les recommandations préconisées dans l’Enseignement d’Ani (16, 1) figure cette formule : « Prends/fais (pour) toi femme lorsque tu es jeune190. » Et, l’expression dont use la veuve Nénuphar, dans le Papyrus des Adoptions, alors qu’elle rappelle que son frère cadet a épousé Taïemeniout, est la suivante : « Et il a pris/a fait (de) Taïemeniout (pour/son) épouse » (20191). Dans l’acte de manumission et de mariage de son esclave par le barbier royal Sibastet (Louvre E 11673), ce dernier emploie le terme « donner », accentuant l’implication du père, qui précise que sa nièce a été confiée à son ancien esclave par ses soins : « Je lui ai donné pour épouse » (1. 14192), où le mari n’apparaît pas. Lorsque la demande en mariage d’Hérouda se concrétise, le texte atteste : dj=f n=t tj=f r.t n m.t, « il lui donna sa fille pour épouse » (P. Rylands 9 2193). Les contrats emploient le verbe « faire », afin de souligner l’implication de l’époux dans l’évolution du statut de la femme dorénavant épouse par son intervention. Elle lui doit de devenir adulte, du moins socialement, ou plus précisément d’être reconnue comme telle. Et l’absence du verbe « prendre » souligne qu’il ne se l’approprie pas mais participe à son évolution tant personnelle que sociale. Elle est le fait tant des contrats araméens que démotiques. En outre, il est également possible que cette formule des contrats reflète le serment prononcé par chacun des promis au moment de leur union194. Cette clause du contrat constate l’événement, motif des stipulations qu’il contient. En dépit de la richesse sémantique dont dispose le langage égyptien195, les documents accordent une coloration juridique à l’emploi du 190

A. H. GARDINER, 1935, p. 23-29. A. H. GARDINER, 1940, p. 24 ; A. THEODORIDES, 1965, p. 86. 192 J. de LINAGE, 1939, p. 217-234 ; P. W. PESTMAN, 1961, p. 8. 193 F. L. I. GRIFFITH, 1909, tp. 85, 231. 194 M. EL-AMIR, 1959, p. 146. 195 L’un des termes le plus proche de m.t est celui de bs.t, qui signifie « femme ». Il est attesté depuis le Moyen Empire, mais rarement employé durant cette période. Les informations permettant de définir son contenu sont parcellaires. Il correspond à un statut de partenaire dans une union reconnue, mais la nature précise du lien n’est pas toujours absolument claire : il peut concerner un couple marié dont la femme est désignée bs.t et le mari hj (P. Mayer A3 II.1-4 XXe dynastie). Le doute persiste dans certains textes, où elle est peut-être concubine (P. British Museum 10403 3 I.2 2), J. A. WILSON, 1948, p. 135 n. 42 ; P. W. PESTMAN, 1961, p. 10, n. 7. Dans la vie courante, les gyptiens considéraient peut-être ce titre comme l’équivalent de m.t, J. TOIVOIRI-VITALA, 2001, p. 38. W. A. WARD, 1986, p. 68-69 et G. VITTMAN, 1996, p. 103-109, considèrent que ce terme est devenu interchangeable avec m.t au 191

cours de la période tardive. En effet, les titres m.t, et bs.t, ne correspondent peut-

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terme m.t, seul attesté dans l’énoncé de l’affirmation de la nouvelle condition de la femme196. Il exprime, au-delà du lien familial, un statut légal197. Et, dans les contrats, il désigne ce statut que le mari fait acquérir à sa femme par leur union. La construction de l’expression est semblable à celle qui évoque l’éducation des enfants, « en faire un humain », et souligne l’évolution dans un cas comme dans l’autre, dans le cadre des relations sociales. Le terme m.t constitue aussi un moyen d’identification et définit des liens de parenté. Une épouse divorcée ne jouit plus de ce statut et ne porte plus ce titre (O. Gardiner 55). Pour autant, la séparation n’affecte pas son statut de mère des enfants du couple. Parfois, lorsque ce terme n’est pas accompagné d’un article possessif ou d’une autre construction, il reste difficile de choisir entre le sens de « femme » ou celui d’« épouse »198. Il peut être associé à : tj=f, « sa/la sienne », et m.t tj=f peut signifier « sa femme », ou « femme mariée/femme d’un homme199 ». être pas à une distinction légale particulière du statut de la femme, C. J. EYRE, 1985, p. 94. D’autres termes en désignent certains aspects. Ainsi, sn/sn.t, litt. « frèresœur », prend le sens de « mari-épouse » au cours de la XVIIIe dynastie ; il peut aussi désigner un membre de la famille. Lorsqu’il évoque une épouse, son sens est légèrement différent de celui de m.t, moins formel, moins lié au statut social. Les constructions du verbe « faire » avec un substantif ou un infinitif dénomment partenaires et compagnons, J. F. BORGHOUTS, 1982. Lorsque ce terme est employé par un homme pour une femme, il définit probablement un lien conjugal. Par ailleurs, le terme rmṯ.t signifie également « femme ». Ainsi, par exemple, une femme ayant une aventure avec un homme marié porte l’appellation : tj rmṯ(.t), « cette femme » (P. British Museum 10416), J. J. JANSSEN, 1988, p. 135 ; J .J. JANSSEN, 1991, p. 30, n. 14. L’auteur y voit un aspect négatif, mais qui ne peut être démontré. Ce terme désigne également l’épouse, P. W. PESTMAN, 1961, p. 11, n. 3. D’autres aspects de l’union sont reflétés dans le langage. Ainsi, « être avec » définit les relations réciproques et se réfère, outre au mariage, aux liens entre amis, voisins, membres de la famille. Cette formule évoque aussi les relations illicites (P. Salt, r° 2, 2-2, 3), J. J. JANSSEN, 1982, p. 127, n. 37. L’auteur suggère qu’une relation exprimée par cette expression est informelle par rapport à une union « formelle ». C. J. EYRE, 1985, p. 94, n. 17, pense, au contraire, qu’aucune distinction légale convaincante n’a été proposée, permettant d’expliquer la différence de terminologie entre l’expression : m.t n, « la femme de » et : ỉw.s m-dj, « qui est avec », en se référant au statut marital. 196 Sur 358 stèles enregistrant 490 unions, la femme est désignée 258 fois par le titre m.t=f, et 6 fois par le terme sn.t=f, J. ERNY, 1954, p. 25. L’expression : ỉw st m-dj désigne une femme vivant maritalement avec un homme, D. VALBELLE, 1985, p. 232. 197 R. TANNER, 1965, p. 63 ; D. VALBELLE, 1985, p. 232. 198 P. British Museum 10416 ; O. IFAO 303 ; J. TOIVOIRI-VITALA, 2001, p. 23 s. 199 Ibid., p. 22-23. P. Prisse 10 3 ; P. Turin 1880, r° 4 8 ; P. W. PESTMAN, 1961, p. 11, n. 3.

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Par ailleurs, l’identité des Égyptiennes, mentionnée dans les documents de mariage où elles sont parties, est reliée à leurs deux parents et à leur famille d’origine, et leur indépendance inscrit ce rattachement en parallèle à leur identité familiale d’origine. L’annonce du nouveau statut des deux époux par le mari dans les conventions araméennes diffère de la formulation des actes démotiques, puisque seule la nouvelle condition de l’épouse y est insérée. Les premiers constatent un état de fait parallèle pour les époux affirmé par le mari, les seconds instruisent du changement d’état de la femme prononcé soit par le mari, soit par l’épouse. Il paraît admissible qu’à compter, au moins, du VIIIe siècle chez les Israélites, et en Égypte depuis la XXVIe dynastie, les femmes énoncent également une formule de mariage. Cet acte témoigne du fait qu’elles ne se contentent pas d’être témoins et donnent à ce moment leur assentiment à l’union, sujets intervenant par leur parole. En outre, la prononciation du serment mentionné dans les conventions matrimoniales, tant chez les Judéens d’léphantine, les Israélites, que les Égyptiens est un usage commun qui concrétise l’union en partie. Mais la particularité du serment égyptien dépasse la simple constatation d’un fait juridique, qui renforce une représentation active du rôle de l’homme. La durée Insérée dans la clause témoignant du statut d’époux la durée de l’union s’inscrit dans : ‘wlm, « l’éternité », intensifiant et épaississant l’espace-temps, dorénavant sans limite (B2.6 3 ; B3.3 4 ; B3.8 4). La formule « de ce jour et pour toujours » est également insérée dans d’autres documents, tels une donation testamentaire (B2.3 9), une donation entre vifs (B3.11). Le temps paraît agencé jusqu’à la mort, dont l’objet est de ne pas défaire l’union, qu’elles qu’en soient les raisons, sentimentales et économiques, il reste comme suspendu. Ainsi, ‘wlm est le temps indéterminé, dont nul ne connaît la limite et qui s’inscrit dans le « non-fini ». Aussi le définitif n’est-il pas définitif. Ce temps contient toutes « les multiplicités de possibles200 ». Pour autant, la clause suivante des contrats évoque la possibilité de mettre fin à cette union à tout moment201. Osée 2, 21 évoque la durée des fiançailles d’Israël avec Dieu, « pour l’éternité » et, en Genèse 2, 24, l’union se définit par le verbe dbq, 200

E. LEVINAS, 2010, p. 265. R. YARON, 1958, p. 4 ; 1961, p. 47 ; J. A. FITZMAYER, 1979, p. 253. Cette formule signifie que ce statut les lie jusqu’à la mort de l’un d’eux, H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 2001, p. 53, n. 12 et 13. 201

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signifiant « attacher », « s’attacher », qui introduit le concept d’une alliance indissoluble. Les règles s’appliquant au divorce confirment cette réalité. En dépit d’une certaine facilité pour le mari, et exceptionnel pour l’épouse (Ex 21, 10 ; Dt 22, 13-19. 28), il ne semble pas avoir été un événement usuel. Et l’interdiction de se remarier avec son épouse divorcée, si, entre-temps, elle s’est unie à un autre homme, réduit probablement encore l’impulsivité d’une décision hâtive (Dt 24, 1-5). En outre, l’idéal d’une fidélité pour la vie envers la femme « de sa jeunesse » (Is 54, 6 ; Ml 2, 14) reflète tant l’importance et le rôle de l’affection, qu’un sens moral refusant la séparation, considérée comme une abomination. L’union est considérée comme « l’alliance de Dieu » (Pr 2, 17)202, aussi est-elle envisagée sans aucune limite. Certaines unions égyptiennes évoquent une durée limitée de sept ans. Dans le P. Louvre 7846 9 de l’année 546, le mari affirme que le contrat établi sept ans auparavant est désormais nul et non avenu et sera remplacé par le présent document. Il semble que l’épouse soit toujours la même et que le lien conjugal en tant que tel ne concerne pas le contrat. Aussi est-il admis que la femme possède bien juridiquement le statut d’épouse. Peut-être l’homme s’est-il engagé, à l’expiration de cette période, à établir les droits matrimoniaux de la femme et à fixer concrètement les droits successoraux des enfants203, à moins qu’il n’établisse un nouveau contrat plus favorable. Deux autres documents évoquent également une période de sept ans. Un ostracon (Berlin 10629) rappelle que le père d’une femme mariée accorde au ménage un revenu en céréales et ce pour une durée de sept ans204. Le P. Caire 65739205, met en scène l’épouse tenue de s’acquitter pendant sept années des travaux de ménage sans aucune aide. Il semble possible qu’il 202

La polygamie implique de ne pas se séparer d’une première épouse, pour pas l’abandonner économiquement, E. LEVINE, 2000, p. 134-136. J. J. RABINOWITZ, 1956, p. 55-56. 203 S. ALLAM, 1983, p. 28-29. Deux possibilités sont à envisager : soit ce document a été écrit pour la même femme, mais ses stipulations étaient moins favorables dans l’ancien acte, soit un autre document a pu être établi pour une autre femme, et l’ancienne union n’est plus valable puisque la première est morte. Si la nouvelle épouse prend bien soin des enfants, elle peut alors obtenir une part des biens du père si celui-ci y est disposé, E. SEIDL, 1956, p. 64. 204 O. Berlin 10629, S. ALLAM, 1973, n° 7. L’épouse, afin de faire bonne impression, met peut-être l’accent sur les sept premières années de son mariage, où elle aurait été satisfaite d’effectuer les travaux domestiques sans l’aide de serviteursesclaves, A. H. GARDINER, 1935, p. 143, n. 3. 205 Dans un ostracon de la fin de la période ptolémaïque (Strasbourg 1845), une durée d’union de neuf mois est imposée par le mari à l’épouse, P. W. PESTMAN, 1961, p. 78.

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s’agisse d’une sorte de période d’essai. Mais, après l’échéance, le mari doit probablement proposer une forme définitive à son union206. En outre, ces trois contrats proviennent de Thèbes, ce qui pourrait éclairer leurs points comparables. Or, il est si aisé de rompre l’union, que le délai imposé échappe à la compréhension. Aussi, dans ces occurrences, peut-il plus probablement s’agir de transactions à vocation purement économique et limitées dans le temps. L’interdiction de prendre une autre épouse ou un autre époux Une clause du contrat de Yehoyima et d’‘Ananyah (B3.8) ne manque pas d’attirer l’attention, qui prévoit l’interdiction de prendre un autre mari (B3.8 33-34) ou une autre femme (B3.8 36-37), sous peine de l’application de la loi de la haine207. Elle s’énonce ainsi : lhn l [ l]hblh bl rn br mn] nny, « Mais Yehoyima] n’a pas le droit [d’]acquérir208/n’a pas droit à un autre mari [qu’]‘Ananyah209». Cette prohibition figure également dans le contrat de Salluah et d’Hoshayah (B6.4 1). Il semble que cette formule dévoile par un chemin détourné un usage connu et pratiqué en gypte dès le VIe siècle210. Selon cette coutume, une clause du contrat de mariage peut établir que l’un des conjoints, tant le mari que l’épouse, renonce à l’union conjugale, permettant ainsi à son exépoux/épouse de se remarier avec une autre femme/un autre époux dont les actes précisent qu’ils la/le préfèrent, moyennant une indemnité versée par le mari à l’épouse lorsqu’il initie la séparation. Ainsi, ni la femme ni le mari ne s’opposent au remariage de leur ex-conjoint. Cet acte présuppose un divorce aisé. Aussi cette prohibition a-t-elle probablement pour objet de protéger 206

S. ALLAM, 1995a, p. 1174. Voir ch. II, p. 106. 208 Il s’agit de la seule occurrence du verbe bl au haphel, et sa nuance précise est incertaine, B. PORTEN, 2000a, p. 185, n. 50. 209 Cette stipulation interdit la bigamie, R. YARON, 1961, p. 60. Il s’agit d’une protection contre cette même institution, J. A. FITZMAYER, 1979, p. 267. L’absence prolongée d’Ananyah serait l’occasion d’avoir une relation privilégiée avec un autre homme et aurait pour conséquence le divorce. Pour ce qui concerne son mari, il aurait pris une seconde épouse en présence de sa femme, B. PORTEN, 2000a, p. 185, n. 51 et 58. Ces stipulations interdiraient à Yehoyima de prendre un autre mari et à ‘Ananyah de prendre une autre épouse, H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 2001, p. 67. Cette référence évoquerait son inconduite possible, J. J. RABINOWITZ, 1956, p. 58. Cette clause se réfère à la palingamie plutôt qu’à la polygamie ou l’adultère, C. H. HUGENBERGER, 1994, p. 228, hypothèse également favorisée par E. VOLTERRA, 1959, p. 359. 210 S. ALLAM, 1981, p. 134. 207

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‘Ananyah et Yehoyima d’une telle séparation. Le contenu de la modalité réciproque pour ‘Ananyah diffère à peine dans l’emploi des termes. Elle assure :  l[ ykhl yh y]lqnth r[h br mn yhwym] lh lntw, « De plus [‘Ananyah] n[e pourra pas] prendre une autr[e] femme [que Yehoyima] pour lui en mariage » (B3.8 36-37). La restitution de l[ ykhl yh] telle que ligne 36 pose problème211, aussi semble-t-il possible d’employer la formule appliquée à Yehoyima : « n’a pas le droit ». Dans cette dernière occurrence, une équivalence paraît s’imposer, néanmoins, il importe de noter l’emploi pour celle-ci du verbe bl et pour ‘Ananyah du verbe plus courant lq. Malgré un droit identique, les verbes diffèrent et bl s’applique à la définition du droit de la femme et lq à celui de l’homme. La plupart des contrats de mariage démotiques, en particulier ceux où le mari verse le shep, renferme une clause, évoquant la séparation du couple et les raisons alléguées pour ce faire, à mettre en parallèle avec cette même modalité des conventions araméennes. Des variations apparaissent dans les assertions prévues par le mari. L’une assure : mtw(=j) ḫn n=t k.t s.m.t m.t r.r=t, « Soit que je désire une autre femme (pour) épouse que toi » (P. Hauswaldt 4 1), une autre allègue : mtw=j ḫn k.t s.m.t r.r=t, « Soit que je désire une autre femme que toi » (P. Rylands 10), ou affirme : mtw=j ỉr n=j k.t s.m.t n m.t r.r=t, « Soit je fais/prends une autre femme que toi pour (ma) femme » (P. Lonsdorfer I). Il est tenu, en cette occurrence, de payer une indemnité prévue par la convention212. Les actes prévoient également pour l’épouse la clause suivante : mtw=j mr k.t .t r.r=k, « Soit que je désire un autre que toi » (P. Libbey 2). Ainsi, ces documents anticipent dès l’union la possibilité pour le conjoint de divorcer dès lors qu’il/elle désire épouser une autre femme/un autre homme213. Probablement connu de Yehoyima et d’‘Ananyah, le divorce pour ces causes sentimentales ne leur paraît pas approprié. Aussi, la clause d’interdiction exprime le souhait d’éviter une telle simplicité pour une possible séparation et de conserver la stabilité de leur union. La clause d’interdiction de prendre un autre époux/une autre épouse a pour objet la protection de la femme, en évitant un divorce trop facile à ses dépens, et également celle des biens. La possibilité pour les gyptiens de prévoir dans leurs contrats l’éventualité d’un divorce pour des raisons sentimentales révèle une évolution sociale et juridique dont les 211

B. PORTEN, 2000a, p. 185, n. 56. Un contrat de la période héllenistique (P. Caire 30601, de 230) démultiplie la clause de divorce où le mari s’engage, s’il se sépare de sa femme, à lui verser un certain montant et à lui payer le double, si, en outre, il désire épouser une autre femme. 213 Voir ch. III, p. 132 s. 212

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Judéens semblent ne pas souhaiter une application aisée. Cette facilité détruirait le couple et ses conséquences pourraient avoir des conséquences familiales et économiques désastreuses. Le scribe et le lieu, témoins, endos Toute convention de mariage à léphantine, après avoir été conclue oralement, est confirmée par écrit par un scribe, dont l’identité est déclinée, ainsi, par exemple : « Nathan fils d’Ananyah », et ce dernier précise qu’il a écrit le document sur l’instruction d’Esor, le futur époux (B2.6 37). Le scribe ayant dressé le contrat de Tamet et d’‘Ananyah, est le même (B3.3 14), qui n’indique cependant pas pour le compte de qui l’acte est préparé. Mauziah, fils de Nathan, qui a rédigé l’acte de mariage de Yehoyima (B3.8 42) et l’une des conventions incomplètes (B6.4), est l’un des chefs de la communauté et un scribe professionnel à qui l’on doit nombre contrats. Il énonce que ce document a été écrit sur les instructions d’Ananyah, fils de Ḥaggai, le futur époux, et de Zaccur, fils de Meshoullam, frère adoptif de Yehoyima. Il est précisé dans ces deux conventions matrimoniales, qu’ils ont été préparés à la demande du fiancé et du responsable de la promise. Par conséquent, si le donneur d’ordre est systématiquement précisé, le futur mari intervient dans la rédaction de l’acte, et le reste du contenu de cette clause demeure variable tant en fonction du scribe que des parties. Des témoins assistent à l’acte et y apposent leur signature. Le contrat de Mipayah et d’Esor a conservé la trace de quatre témoins dont l’identité est en partie perdue (B2.6 38). D’autres étaient peut-être présents à l’acte. L’un d’eux, Menaem, fils de Zaccur, figure également dans le contrat de Tamet et d’‘Ananyah. Leur rôle est d’attester la réalité des faits, auxquels ils donnent publicité. Le contrat de Tamet inclut une liste de trois témoins (B3.3 15), et celui de Yehoyima de six témoins et peut-être huit214, dont un a disparu. Dans l’un des contrats anonymes, huit témoins ont apposé leur signature, dont cinq noms perdus (B6.3 13-14), tandis qu’un autre livre celui de quatre témoins (B6.4 9-10). Mais ces différents écrits sont détériorés et il manque des noms aux listes. Chaque document d’léphantine, sauf exception, porte au verso un endos définissant le contenu de l’acte et précisant sa destination et l’état civil des parties215. Ces dernières, dans les contrats de mariage, ne sont pas le mari et le père, mais le conjoint et l’épouse à laquelle il est destiné. Ainsi les contrats de Tamet comme celui de Yehoyima livrent une étiquette définissant clairement la nature de l’acte écrit destiné à la future épouse sous 214 215

H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 2001, p. 75. B. PORTEN, 1983a, p. 536.

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la responsabilité du mari. Dans ce premier acte, elle prend la forme suivante : « Acte de mariage qu’a écrit ‘Ananyah pour Tamet » (B3.3 17), où l’absence de l’identité du père d’Ananyah la distingue de la seconde : spr ntw zy ktb ‘nnyh br mlm lyhwym, « Acte de mariage qu’a écrit ‘Ananyah, fils de Meshoullam, pour Yehoyima » (B3.8 45). L’étiquette du contrat de Mipayah manque. L’endos désigne systématiquement la promise/épouse comme bénéficiaire du document. Les contrats égyptiens renferment également une formule désignant le nom du scribe avant celui des témoins, par exemple : s r-mḫrw s Ns-ḫnsw, « écrit par ermakherou, fils de Neskhonsou » (P. Lonsdorfer I 4). Ils précisent également, au verso de l’acte, le nom des témoins, dont le nombre varie de trois (P. Louvre 7846) à trente-six (P. Oriental Institute 17481/Chicago Hawara 1). Plus le statut du père et du futur mari est élevé, plus leur nombre augmente. Leur rôle est identique à celui des témoins d’léphantine. Aucune femme ne semble appelée à jouer le rôle de témoin, ni celui de scribe, tant dans les contrats démotiques que judéens. Les conventions démotiques ne comprennent pas d’endos, éclairant la nature de la convention. Pour autant, l’expression : s n m.t, « écrit pour la femme » est attestée par ailleurs216. Établis à l’occasion de l’union ou ultérieurement, les contrats de mariage semblent dressés de manière usuelle chez les Judéens d’léphantine, au moins au cours du Ve siècle, quel que soit le statut des époux, ainsi que l’atteste celui de Tamet encore esclave, probablement en raison de leurs moyens financiers et économiques, effets de leur rôle au service du pouvoir. Conséquence de l’union dont ils enregistrent les effets patrimoniaux, l’objet de ces documents rappelle cet état de fait. L’absence de règles écrites se rapportant au mariage dans l’ancienne gypte est résolue par des contrats néanmoins peu nombreux, dont le plus ancien attesté date du IXe siècle, et qui sont réglementés par la coutume. L’établissement d’une convention matrimoniale lors de l’union ou plus tardivement ne semble pas systématique, et les unions de personnes modestes n’y donnent pas lieu en raison de son coût. Dès la période perse, la femme est libre de la faire établir, son père n’est plus partie (P. Berlin 3078). Les contrats mettent en lumière des variations à l’intérieur d’un même type de document. Leurs spécificités sont liées tant au lieu où elles sont établies, qu’à l’époque et aux usages des écoles scribales217. Certaines stipulations apparaissent et se précisent avec le temps. Néanmoins, tant chez les gyptiens que les udéens d’léphantine, certaines coutumes n’y figurent probablement pas, et nombre de 216 217

Voir ch. II, p. 96. P. W. PESTMAN, 1961, p. 179.

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composantes du mariage échappent à notre connaissance. Les clauses ne sont souvent que la confirmation de droits et/ou d’obligations, légaux et coutumiers de la vie privée. Stipulant nombre de modalités, dont certaines se répètent, tandis que d’autres apparaissent selon les choix et les nécessités de chacun des couples, ces documents mettent en lumière le statut des femmes dans ce cadre, certains de leurs droits, l’espace de leur liberté lors d’une séparation possible, leurs avantages économiques, leurs obligations conjugales mutuelles et des conventions successorales. Les stipulations des contrats araméens d’léphantine et démotiques, à compter de 536, adoptent un ordre identique et le plus souvent un contenu parallèle auquel peuvent s’ajouter une ou des dispositions particulières. Leur structure renferme après l’indication de la date l’identité des parties au style objectif et introduit la partie opératoire par le rappel de la demande en mariage, disposition qui disparaît néanmoins des contrats en démotique dès 536, suivie de l’affirmation du nouveau statut des époux. Après les modalités économiques qui en constituent la matière primordiale et l’objet essentiel de leur rédaction, les conventions matrimoniales précisent enfin le nom du scribe et la liste des témoins, à nouveau au style objectif. Dans ces contrats judéens et démotiques, style objectif et subjectif s’enchevêtrent, selon les besoins et les usages scribaux. Nuances et particularités des contrats araméens sont ainsi à imputer à l’école de scribes judéo-araméens qui a établi les contrats des membres de la communauté judéenne, en adoptant et en adaptant les clauses des conventions démotiques. Puis, à l’énoncé de leur contenu, un certain formalisme apparaît, qui concerne la demande en mariage chez les Judéens d’léphantine où la future épouse n’intervient pas et se doit d’être représentée par son père ou un autre personnage masculin. Donnée pour épouse à son futur mari, sa voix n’est pas mêlée à cette décision, du moins en apparence. Cet usage semblerait reproduire les coutumes judéennes. Mais elle exprime probablement son point de vue. En effet, dans l’gypte de la période perse, la demande en mariage peut s’adresser directement à la jeune fille, et cette nouvelle coutume influence inévitablement les Judéens d’Éléphantine. Néanmoins, le poids de l’intervention parentale et ses diverses motivations familiales, sociales et économiques ne sauraient être négligés. La future épouse bénéficierait d’une liberté relative. Jusqu’au VIe siècle, les contrats égyptiens mettent également en présence le père de la future épouse ou son représentant, sa mère ou un autre membre de sa famille et son futur mari. Mais, dès ce moment, la décision peut lui appartenir. À la liberté de son choix répond sa responsabilité. Elle est considérée comme adulte et indépendante, avant même son union. Dans le même temps, cette assertion est à nuancer, et l’importance des réalités

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affectives, familiales, sociales et économiques, de même que l’âge de la promise, le plus souvent entre douze ans et quatorze ans218, sont à prendre en compte, qui pèsent probablement sur le choix. La liberté de choix de la femme n’induit pas la disparition de la responsabilité de l’homme qui lui donne son statut d’épouse et symboliquement celui d’adulte, expliquant ainsi le formalisme du serment. Aucun témoignage n’est assuré, évoquant une cérémonie à caractère religieux. Une fête familiale est probablement célébrée au cours de laquelle les époux reçoivent des présents. Celle-ci est dépeinte dans les récits bibliques (Gn 29, 22 ; Jg 14, 10). L’union égyptienne s’accompagne peutêtre de célébrations solennelles et/ou publiques219 ; en effet, ses aspects légaux, économiques et sociaux, influent non seulement sur les conjoints, mais aussi sur leurs familles respectives, et probablement encore à une échelle plus large. Elle est vraisemblablement accompagnée de présents, mais peu d’occurrences sont connues. Ainsi, le conte de Setné les dépeint à l’occasion du mariage d’Ahouri et de Naneferkaptah, qui voit Pharaon offrir à la jeune épousée un présent d’argent et d’or, et les gens de la maison royale faire de même220. Un texte (P. Berlin 12406 r° 1-2) évoque la liste des présents offerts par une fille à l’occasion de l’union d’un père et de sa nouvelle épouse, sur une durée de diverses fêtes221. Relatant, tout comme les actes démotiques jusque 536, le récit de la demande en mariage et la venue du promis afin de présenter sa requête au père ou au représentant de la promise, ces deux sortes de conventions reproduisent aussi le serment prononcé par les parties, ou l’une de ses formes, qui concrétise en partie, l’union. La formule égyptienne souligne le changement du statut de la femme, que cette assertion soit mise dans la bouche de l’homme ou dans la sienne, de même que les formules des contrats d’léphantine. En outre, l’établissement du contrat au nom de l’épouse énonce encore l’évolution de son statut. Parmi les actes liés à l’union, l’entrée de l’épouse dans la maison recèle, outre son aspect concret, une portée métaphorique. En effet, ce geste cumule deux réalités : la première, celle d’une séparation puisque la nouvelle 218

E. STROUHAL, 1992, p. 52. Le P. Deir el-Medineh 27 2-3 énonce l’affirmation suivante : « Je portais des provisions chez P. et j’épousai sa fille », D. VALBELLE, 1985, p. 233. Dans le P. Turin 2070 v°, colonne 2, l’un des personnages mange quelque chose, dont l’auteur démontre qu’il s’agit de sel. Aussi suggère-t-il qu’il puisse s’agir d’une cérémonie de mariage, J. J. JANSSEN, 1974, p. 25-28. Ce même texte est considéré comme incertain et n’évoque pas de cérémonie de mariage pour S. ALLAM, 1974, p. 9-11. J. TOIVOIRI-VITALA, 2001, p. 72. 220 C. LALOUETTE, 1987, p. 191. 221 TJ. OIVOIRI-VITALA, 2001, p. 62. 219

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épousée quitte sa maison, sa famille, rompant avec le temps et l’espace d’avant ; la seconde est celle de l’intégration à un nouvel espace tant géographique que temporel et social. Le changement d’espace, définit la frontière entre l’extérieur et l’intérieur, et la nouvelle appartenance familiale et sociale. La cohabitation constitue un élément essentiel de l’union. Les femmes d’léphantine illustrent cet usage. Chez les Israélites, le jeune couple s’installe dans la maison du père de l’époux pour y vivre. Seules quelqueS exCeptions sont assurées (Rt 1, 8 ; Ct 3, 4). En gypte, la règle habituelle du mariage patrilocal veut que l’épouse vienne vivre dans la maison de son mari. Papyri et ostraca qui traitent de la dot et de son devenir en cas de divorce mettent en lumière cet usage (P. Lonsdorfer I 3222). Mais il peut également se produire qu’il lui rende visite lorsqu’elle ne vit pas avec lui, ou bien, plus rarement, qu’il s’installe chez son épouse223. La cohabitation, alors qu’elle s’est matérialisée, s’exprime par l’expression suivante : « s’asseoir/vivre224 (ensemble avec) ». Mais la nature de cette cohabitation reste nécessairement imprécise, qui peut être permanente ou limitée, fonction du consentement de chacun. Divers ostraca l’évoquent (O. Nash 6 ; O. Prague 1826225). La jeune fille qui intègre un nouveau clan, une nouvelle famille, demeure cependant rattachée par son nom à sa lignée d’origine, tout en s’agrégeant à celle de son mari par son alliance. Dans le même temps, cet usage suppose une protection due par ces deux clans et qui perdure dans son nouveau cadre de vie. Fondée sur le consentement qui prend la forme d’un serment, la cohabitation et les échanges économiques, l’union constitue à la fois un acte juridique et une situation juridique et sociale226, dont l’objet est d’engendrer des descendants afin de faire perdurer le nom et la mémoire familiale,

Mtw=t ḫpr n pj=j .wj ỉw=t mtw=j n m.t, « Tu seras dans ma maison aussi longtemps que tu seras avec moi comme épouse » (O. Strasbourg 1845 II. 7-8), P. W. PESTMAN, 1961, p. 79. W. F. EDGERTON, 1931, p. 10-18. 223 Le P. Deir el-Medina 27 r° 1-3, met en scène une union où la femme continue de vivre chez son père. Il pourrait s’agir soit d’une union uxorilocale, comme l’atteste l’O. Nash 6, ou virilocale, alors que l’épouse passe les premières années de son mariage chez son père et son époux vient la visiter régulièrement, J. TOIVOIRI, 1998, p. 1157-1160. 224 P. W. PESTMAN, 1961, p. 10, n. 3 ; S. ALLAM, 1994a, p. 3. D’autres expressions la complètent. Ainsi, les formules « être avec » et « manger avec » définissent certains aspects de la relation entre une femme et un homme, J. TOIVOIRI-VITALA, 2001, p. 76-80. 225 J. TOIVOIRI-VITALA, 2002, p. 617. 226 A. THEODORIDES, 1976, p. 22. 222

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conserver les propriétés et les biens dans le patrimoine, tant en Juda, qu’en gypte et chez les Judéens d’léphantine227. La création de chaque nouvelle cellule familiale est réglementée par la coutume, dont les contrats sont les témoins et les acteurs, qui corroborent les droits et obligations des époux et font preuve des particularités économiques et juridiques des accords passés. À leur lecture, apparaissent ainsi nombre d’aspects du droit matrimonial. En effet, le mariage crée le lien familial, et ses effets228 sont partiellement mis au jour dans les diverses clauses qui les composent. Ces documents générateurs de droit donnent à en connaître la substance. L’union repose sur des rites culturels et symboliques, à valeur juridique, qui engendrent un changement de statut et sont parfaitement codifiés. Cet ensemble de pratiques est partagé par les Judéens d’léphantine, les gyptiens et les Israélites, si ce n’est pour la demande en mariage auquel les femmes égyptiennes peuvent s’associer, et qui répond à une organisation sociale très structurée à laquelle les esclaves participent également.

227

Le sage (16, 1-3) Ani affirme qu’un homme est respecté à proportion de ses enfants, P. VERNUS, p. 243. 228 Le mariage ne serait pas une situation juridique mais un acte social, dont l’essentiel réside dans la cohabitation selon ALLAM, 1981, p. 116.

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CHAPITRE II

ASPECTS ECONOMIQUES ET FINANCIERS DE L’UNION

Les contrats de mariage révèlent l’importance des préoccupations concrètes des protagonistes qui y participent. L’union s’accompagne en effet d’échanges économiques entre les familles des promis, et les conventions matrimoniales mettent en lumière leur diversité. Attestés dans les contrats égyptiens, judéens d’léphantine et les textes bibliques, ils témoignent de réalités souvent proches, expressions lumineuses du statut des femmes. La donation matrimoniale Ce don229 en argent apporté par le promis au père ou au représentant de la fiancée participe à la concrétisation de l’union. Les contrats en témoignent, et ce présent fait l’objet d’une clause où le mari rappelle lui avoir offert comme mohar pour sa fille une certaine somme d’argent. Ainsi, Esor apporte 5 sicles à Maseyah pour s’unir à Mip et déclare (B2.6 4-5) : yhbt lk mhr brtk mpyh [ksp] qln 5 bbny mlk[, « Je t’ai donné (comme) mohar pour ta fille Mip [de l’argent] 5 sicles à l’étalon du ro[i] ». Zaccur, fils de Meshoullam, reçoit 10 sicles d’Ananyah, fils de Ḥaggai, pour Yehoyima (B3.8 4)230. De même, un futur mari ayant fait établir un contrat parvenu incomplet jusqu’à nous (B6.1 4-5), et dont les identités ont disparu, perçoit ce même montant. Cette somme retournée par le père à sa fille s’ajoute à sa dot et peut être admise comme sa propriété durant l’union et après231. Des exceptions sont toujours attestées, puisque Ananyah, fils d’Azaryah, ne verse rien à Meshoullam pour Tamet, peut-être en raison de son statut232 (B3.3). La différence de 229

Cette prestation ne saurait être réduite à son seul aspect économique, car les femmes sont un « bien inestimable », elles transforment cet échange, lui ajoutent une plus-value, F. ZONABEND, 1986, p. 43. 230 La convention adoptée est la suivante : les monnaies araméennes : karsh, sicle et allur deviennent au pluriel : karshs, sicles, allurs. Les monnaies égyptiennes kite et deben deviennent au pluriel : kites, debens 231 J. A. FITZMAYER, 1979, p. 248 ; H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 2001, p. 54. 232 Diverses raisons permettent de penser qu’un paiement dont le montant n’est pas connu a été versé au maître de Tamet, bien qu’il ne s’agisse pas du mohar. Après que ce document a été scellé, le maître a peut-être retourné l’argent au couple, comme en atteste l’usage pour les couples libres, ainsi la dot de Tamet a pu atteindre 15 sicles, R. YARON, 1961, p. 57. Le mohar est un élément essentiel du contrat de la

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vocabulaire est notable, qui souligne que le verbe yhb, « donner » s’applique au mohar, et aux autres biens matériels, tandis que le choix du verbe ntn est affecté aux personnes. Immédiatement après la constatation du paiement du douaire, le contrat affiche une stipulation dont la première partie constate que le père ou le représentant de la promise a bien été mis en possession de ce montant. Son contenu est le suivant : lyk, « Tu l’as reçu », et cette formule vaut reçu (B2.6 5 ; B3.8 5 ; B6.1 5). Il semble, en outre, que le montant du mohar ne soit pas lié à la fortune du futur mari, puisque son contenu n’est guère notable, mais plutôt symbolique. Bien que réduit, ce présent exprime et concrétise l’accord du promis ou de son représentant à la transaction matrimoniale scellant l’alliance. Répandue dans tout le Proche-Orient, cette coutume diffère cependant, quant à son contenu, selon les lieux et les périodes. Si textes de lois et récits en restituent le contenu, le terme correspondant est attesté trois fois seulement dans l’Ancien Testament (Gn 34, 12 ; Ex 22, 15 ; 1 S 18, 25). Ainsi, Sichem, fils de amor, aspire à épouser Dina, fille de Léa et de Jacob, et s’adressant aux frères de la jeune fille, il sollicite (Gn 34, 12) : « Imposezmoi le douaire et les dons les plus considérables, je donnerai ce que vous me direz, donnez-moi seulement la jeune fille pour épouse. » Par ailleurs, deux lois, dont l’objet principal ne la concerne pas directement, la rappellent (Ex 22, 15-16 ; Dt 22, 28-29). Si un homme séduit une vierge233 non encore fiancée et cohabite avec elle, il doit la prendre pour épouse, affirme la première234. Et, quand bien même son père refuse de la lui accorder, il est tenu de lui verser la somme fixée selon le douaire des vierges (Ex 22, 15-16). La prescription du Deutéronome évoque le même thème avec des nuances : si un homme rencontre une jeune vierge non fiancée, en abuse et qu’ils soient pris sur le fait, il paiera au père de la jeune fille 50 sicles d’argent, l’épousera parce qu’il l’a violée et ne pourra jamais en divorcer (Dt 22, 28-29). La loi ne fait pas de différence entre celui qui séduit ou celui qui surprend la jeune fille vierge non fiancée, au statut clairement femme libre, A. VERGER, 1965, p. 178. Ananyah n’aurait pas versé le douaire car il prend l’engagement de l’entretien de Tamet, qui joue le rôle de compensation, B. PORTEN, 1968, p. 208. 233 Btwlh, dans ces lois, signifie « jeune fille en âge de se marier », plutôt que vierge. Il en serait de même en Lv 21, 2-3, G. J. WENHAM, 1972, p. 326-348. Il s’agirait d’une « vierge au moment du mariage », D. L. ELLENS, 2008, p. 209. Ce terme se réfère à une jeune adolescente pour T. FRYMER-KENSKY, 1998, p. 57. 234 Le père n’est ni pire ni meilleur que lorsqu’il organise l’union de sa fille selon les usages, et l’harmonie est alors restaurée dans la communauté, A. PHILLIPS, 1973, p. 351.

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identifié, et exige le paiement du mohar235. Une condition est inscrite dans la loi, qui requiert des témoins236. Cette somme dont le montant est particulièrement élevé, outre son aspect concret, symbolise partiellement la réparation du préjudice causé. En effet, une autre conséquence du viol est l’obligation du mariage en Deutéronome ou sa possibilité en Exode. Par la première, les parents se voient dénier le droit de dispenser leur accord ou pas, tandis que le mari se voit refuser la possibilité du divorce. Cette disposition cherche à s’assurer qu’elle sera mariée et préservée d’une décision parentale qui l’unirait à un autre et permettrait au père de recevoir un autre mohar237, lui évitant de subvenir à ses besoins238. Elle est également prémunie du rejet par son mari. Au-delà de l’aspect de dédommagement pour sa virginité, ce paiement fait au père prend également l’apparence de la donation matrimoniale usuelle apportée par l’époux. En versant le mohar et en épousant la jeune fille, la seule transgression du séducteur consiste à avoir profité de manière prématurée d’un droit dont il devient bénéficiaire lors des épousailles239. En Exode 22, 16, la loi prévoit le refus du père d’unir sa fille au séducteur, qui se voit dans l’obligation de verser le douaire comme compensation240, mais dont le montant n’est pas précisé. Le mohar est versé au père de la jeune fille, qui reçoit la compensation (Gn 34, 12 ; 1 S 18, 25)241. Cette somme de 50 sicles donne un prix à la virginité et à la honte du père, qu’elle rachète242, mais réduit son autorité. Une explication quant à la différence de ces lois est peut-être à chercher dans le degré d’acceptation de la jeune fille. Le texte d’Exode considère la situation sous son aspect de séduction de la jeune fille non fiancée, tandis que le Deutéronome l’envisage sous la forme de la surprise et 235

Les lois qui traitent des vierges non fiancées considèrent la perte de la virginité comme étant essentiellement une affaire d’argent selon A. ROFE, 2002, p. 174. 236 D. L. ELLENS, 2008, p. 230 ; D.R. MACE, 1953, p. 247. 237 Le texte de Dt 22, 28-29 est peut-être prévu afin d’éviter la possibilité des conséquences de Dt 22, 13-21 concernant le mariage avec une jeune fille non vierge, C. M. CARMICHAEL, 1985, p. 220. 238 Le premier souci de cette loi se rapporte à l’exclusivité des droits du mari sur son épouse, et au droit du père à l’argent et à l’honneur liés à la virginité de sa fille, D. L. ELLENS, 2008, p. 212-213. 239 La jeune fille posséderait une valeur financière potentielle aussi longtemps qu’elle conserve sa virginité, et cette valeur se réalise grâce au paiement du mohar au moment du mariage. En violant la jeune fille, le violeur la détruit, E. NEUFELD, 1944, p. 101. 240 La loi d’Exode protège les intérêts du père. Qu’il donne sa fille en mariage ou pas, il reçoit le mohar, Y. ZAKOWITCH, 1991, p. 28-46. 241 Le père reçoit une compensation aux dépens de sa fille, C. PRESSLER, 1993, p. 29. 242 H. NUTKOWICZ, 2009, p. 339-342.

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de la violence. Cette dernière disposition, bien que très similaire à celle plus ancienne d’Exode, ne se préoccupe plus de garantir les droits du père, mais le séducteur, dans les deux cas, doit payer pour se racheter243. Les récits rapportant les relations prémaritales entre Dinah et Sheshem (Gn 34), et entre Tamar et Amnon (2 Samuel 13) exonèrent justement ces jeunes femmes, en mettant l’accent sur la nature puissante de leur séducteur. Ils laissent entendre qu’il est préférable de régulariser la situation par un mariage. Dinah choisit de rester dans la maison de Sheshem, qui souhaite verser le douaire, pendant les négociations, et Tamar assure à son demi-frère Amnon qui l’a violée : « Ce méfait de me renvoyer est plus grave encore que celui dont tu t’es rendu coupable » (2 S 13, 16). Ce rejet met en lumière les mauvaises intentions d’Amnon, et son choix de ne pas épouser sa demi-sœur244. Le mohar peut cependant révéler un autre contenu, et être offert dans des circonstances distinctes, qu’il s’agisse de biens matériels, de prestations, ou bien encore d’une réponse à une demande bien particulière. Ainsi, David doit remettre cent prépuces de Philistins à Sal afin d’épouser Mikhal, une des deux filles du souverain : wymr wl kh tmrw ldwd yn  lmlk bmhr ky bmh rlwt pltym lhnqm byby hmlk wwl b lhpyl t dwd byd pltym, « Et Sal dit : vous direz à David : le roi n’exige d’autre douaire que cent prépuces de Philistins pour se venger de ces ennemis du roi et Sal avait pour but de faire tomber David aux mains des Philistins » (1 S 18, 25). L’objet d’une telle exigence est lié au dessein machiavélique du souverain. Mais ce projet ne réussit pas. Le héros se met en campagne et « Il frappe deux cents Philistins et David rapporte leur prépuce qu’on livre intégralement au roi, afin d’être son gendre, et Sal lui donne sa fille Mikhal pour épouse » (1 S 18, 27). Un autre exemple à peine incertain serait attesté en Pr 31, 10 : t yl my ym wrq mpnynym mkrh, « Qui trouvera une femme vertueuse ? Son prix est plus grand que celui des perles », signifiant que les qualités d’une pareille femme dépassent la valeur d’un tel mohar245. Rachel et Léa s’écrient à propos de leur père : hlw nkrywt nbnw lw ky mkrnw wykl gm kwl t kspnh, « N’avons-nous pas été considérées par lui comme des étrangères, puisqu’il nous a vendues ? Et il mange et mange bien notre argent » (Gn 31, 15), qui soutiennent qu’elles ont été mariées à un 243

Si les lois de la famille en Dt 22, 13 s. constituent une partie de la collection de lois incluses originellement dans le livre d’Exode, Ex 22, 15-16 serait une survivance de cette collection supposée, Y. ZAKOWITCH, 1991, p. 30. Ces deux textes, qui seraient des transformations de la même loi, concernent la séduction et non le viol, M. WEINFELD, 1982, p. 284-287. 244 C. H. HUGENBERGER, 1994, p. 260-261. 245 Le terme mkrh est à traduire par « sa valeur », qui se rapporte également à sa valeur en tant qu’être humain, W. PLAUTZ, 1964, p. 313-314.

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homme pour le prix de son travail. Effectivement, le mohar payé par Jacob est celui d’un labeur de deux fois sept années, un douaire bien particulier, celui de berger pour le compte de Laban. Ses filles lui reprochent de l’avoir dénaturé. De fait, la substitution de Rachel par Léa a pour seul objet de faire travailler Jacob sept ans de plus pour Laban, qui ne se préoccupe pas de ses responsabilités de père et encore moins de la dot de ses filles246. Celui-ci rompt sa parole, jusqu’à la crise finale et sa résolution (Gn 31, 50), le mariage de ses filles est alors formalisé247. Cette transaction apparaît comme une exigence liée à la nouvelle alliance d’Israël, dont le contenu diffère des habituels accords matrimoniaux, qu’ils soient financiers ou matériels. Parfois, des récits détaillent les présents offerts par le promis lors des fiançailles et qui ne sont pas le mohar, mais le mtn, tels ceux d’argent, d’or et les parures offertes par le serviteur d’Abram à Rébecca (Gn 24, 53) : « Le serviteur sortit des bijoux d’argent, des bijoux d’or, des parures. Il les donna à Rebecca. Il donna des objets précieux à son frère et à sa mère. » Le mtn est le présent offert pour les fiançailles par le futur mari ou son représentant, mais les textes ne permettent pas de savoir s’il est systématique, tandis que le mohar répond aux engagements du mariage. Le paiement du douaire fait partie des formalités financières et concrètes du mariage248, dont les modalités ont été définies lors de négociations par les responsables des deux familles et qui permettent de sceller l’accord249. Le terme définissant la donation matrimoniale dans les conventions égyptiennes porte l’appellation :   .., « donation pour la 246

La compensation du douaire serait la dot qui n’a pas encore été versée à Jacob. Néanmoins, elle le sera plus tard, R. DUSSAUD, 1935, p. 149. 247 M. A. MORRISON, 1964, p. 163. 248 Diverses théories ont tenté d’expliquer cette coutume. Le douaire a été considéré comme un cadeau de compensation, imposant le prestige du mari et créant une alliance entre les deux familles, M. BURROWS, 1938, p. 53 S. Le mohar ne correspond pas à un prix d’achat, mais permet de resserrer les liens entre les deux familles. Un don résulte d’une relation authentique et crée ou renforce une relation ; aussi, lorsqu’elle le nécessite, le présent devient un devoir qui, dans le même temps, entraîne des obligations, J. PEDERSEN, 1954, p. 68. Le mohar serait un présent qui compense la perte subie par la famille de la jeune fille en raison du mariage, et ne correspond aucunement à son achat, W. PLAUTZ, 1964, p. 315 s. Il a peut-être pour objet de compenser la perte du travail de la fiancée, C. L. MEYERS, 2005, p. 197. 249 Le mohar serait fondateur des fiançailles, J. C. HUGENBERGER, 1994, p. 278 ; D. R. MACE, 1953, p. 172. Lorsqu’il est équivalent à la dot, une parité économique entre les deux maisons est avérée, et lorsque l’un ou l’autre lui est supérieur, ce choix est déterminé par le dessein d’améliorer le statut social de la maison qui fait ce choix, par l’union, V. H. MATTHEWS et D. C. BENJAMIN, 1993, p. 128.

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femme », ou :  rnwt ..t, « donation pour la vierge250 ». Elle est tendue au père, puis, dès la période perse, à la promise, à l’occasion de l’union251. Lorsque le promis verse cette somme, le contrat de mariage précise : dj=j n=t ḏ kt 5 r sttr 2.t½ r ḏ ḳt 5 n n pj=t p n s.m.t, « Je t’ai donné 5 kites d’argent équivalent à 2½ statères, qui font 5 kites d’argent comme donation matrimoniale » (P. Lonsdorfer I 1252). Lorsque l’épouse établit le contrat, elle constate et assure à son mari : dj=k n=j ḏ ḳt 1 pr-ḏ Pt wt n pj=j p s.m.t, « Tu m’as donné 1 kite d’argent du trésor de Ptah, complet, comme donation matrimoniale » (P. Berlin 3078 3253). Plus tard, son paiement devenu fictif, il doit être versé lors de la dissolution de l’union. Le douaire évolue au cours du temps. Durant les XXVe et XXVIe dynasties (715-525 env.), la plus ancienne période où les informations sont connues sur le shep, celui-ci représente une valeur réelle, aussi son montant peut-il atteindre jusqu’à 10 debens d’argent (P. Berlin 3048 II 11-21) et, le plus souvent, 2 debens d’argent (P. Louvre 7849 et 7857A/B). Des quantités de céréales y sont toujours ajoutées, et le shep peut comporter 1 000 artabes de céréales (P. Berlin 3048 II 11-21). Puis, il varie entre 0, 1 et 0, 5 deben d’argent pour la période de 550 env. à 330 (P. Louvre 7846 3 : 2 debens et 50 artabes de céréales), et de 0, 017 à 0, 21 deben d’argent sous les Ptolémées, où il se réduit encore et ne représente plus alors qu’une fraction de deben d’argent254. La clause de reçu n’est pas attestée dans les conventions égyptiennes, peu nombreuses, parvenues jusqu’à nous. Partie des négociations financières, le versement du douaire manifeste l’accord des parties255. Au cours de la période perse, le shep est un versement tant matériel que symbolique, qui a pour objet de concrétiser

250

P. W. PESTMAN, avec la collaboration de J. QUAEGEBEUR et R. L. VOS, 1977, trad., p. 69. 251 Cette pratique est attestée en particulier par le P. Deir el-Medina 27 r° 1-3, où le surveillant d’un ouvrier rapporte la manière dont il a « apporté des provisions » chez un personnage nommé Payom, ouvrier ordinaire de la nécropole, puis a fait de sa fille son épouse. En outre, l’O. Berlin P 12406 confirme la coutume du présent au père en relation avec l’union. Le promis apporte de la nourriture, mais on ne sait s’il s’agit du contenu habituel de ce présent, J. TOIVOIRI, 1998, p. 1157-1160. 252 E. LÜDDECKENS, 1963, n° 8. 253 L’O. Strasbourg 1845, de la fin de la période ptolémaïque, mentionne un don de 4 debens d’argent du mari à l’épouse, probablement le shep. L’épouse en bénéficiera à la fin de l’union limitée dans le temps. Cette somme est entre les mains d’un tiers, et si l’épouse met fin à l’union, elle la perd, E. SEIDL, 1933, p. 77, n. 2 et E. LÜDDECKENS, 1963, n° 7, p. 257. 254 P. W. PESTMAN, 1961, p. 14 s., 110 ; S. ALLAM, 1981, p. 118 s. 255 Ibid., p. 19.

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l’alliance et aider à l’installation du jeune couple256. Il figure systématiquement dans des contrats établis tant par les hommes que les femmes et s’adjoint aux biens de la femme, qui peut les administrer et en disposer257. Rien ne démontre, en effet, dans les clauses des documents, que leur gestion soit différente de celles de ses biens personnels258. Le mari ne le verse plus à compter de 230 env., bien qu’il ne cesse pas d’affirmer son versement dans le contrat (P. Louvre 2433). Aussi, en cas de divorce, l’épouse reçoit-elle cette assistance. Pour autant, le paiement du she n’est pas systématique dans le cadre des accords liés à l’engagement matrimonial. Des apports effectués uniquement par la femme mettent en lumière des unions fondées sur d’autres principes financiers et économiques259. Alors que les contrats d’léphantine ne comprennent pas de don en nature, les actes démotiques constatent un don de céréales dans les contrats antérieurs à 493-492, de 10 à 50 artabes, et une exception de 1 000, peut-être, puis dans les contrats suivants, il ne figure pas. À mettre en parallèle avec les documents araméens de 459, 446 et 420, et démotiques de 364 et 337, l’équivalence est notable d’une même valeur de 5 sicles/kites entre l’un des actes araméens et les actes démotiques, tandis que deux contrats araméens mettent en lumière un apport deux fois supérieur260. De fait, le montant du douaire semble correspondre aux moyens du promis et au résultat des négociations préalables. Une phraséologie commune aux contrats démotiques et araméens s’applique à l’apport de la donation matrimoniale, qui est introduit par la 256

L’exemple de dame Naunakhte est à rappeler, qui a donné à ses enfants, filles et garçons, le nécessaire afin de monter leur ménage, précisant qu’elle a ainsi suivi l’usage. Ainsi, leur mère fournit à ses fils et à ses filles les meubles et les ustensiles nécessaires à la vie domestique (P. Ashmolean Museum 1945.97). En outre, le fiancé offre des cadeaux ou ses services à la famille de sa fiancée ; on ne sait cependant comment s’effectue le choix de leur montant. Il semble que le jeune couple reçoive des provisions journalières des parents, J. TOIVOIRI-VITALA, 2002, p. 616 s. 257 Le P. Louvre 2433, de 253, constitue le seul exemple comportant la mise en garantie de la totalité des biens présents et futurs du mari pour toutes les stipulations du document. 258 P. W. PESTMAN, 1961, p. 110. 259 Ils seront évoqués plus loin dans le paragraphe dédié à la dot, p. 104s. 260 Le montant du douaire des contrats araméens s’étend de 5 sicles, équivalents à 2,5 debens pour l’un d’entre eux, à 10 sicles pour deux de ces contrats, correspondant à 5 debens, et celui des actes démotiques de 879 à 535 varie de 2 debens, soit l’équivalent de 4 sicles, avec une exception notable de 10 debens, équivalent à 20 sicles, et les trois derniers de la période, de 493-492 à 337, se déploient de 1 kite/0,5 deben à 5 kites/2,5 debens.

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phrase : « Je t’ai donné comme mohar/shep pour ». Néanmoins, le mohar est offert au père ou au représentant légal, tandis que le shep l’est à la femme à compter de la période perse. La clause de reçu et de quittance du mohar ne figure que dans les documents araméens. Si le douaire est considéré comme un présent matrimonial à léphantine 261, en raison du peu d’importance de la somme versée, sa valeur est un signe symbolique avant d’être économique. Il semble avoir pour objet essentiel de concrétiser l’engagement du fiancé lié par une promesse d’union. L’abandon lui coûte tout autant. Le fiancé paie pour s’engager et/ou se libérer. Ce montant équivalent dans les deux occurrences concède une valeur identique aux deux décisions. Elles figurent sur un même plan de gravité relative, comme expression d’une parole donnée et/ou reprise. Dans la mesure où cette somme est versée au père ou au représentant, celui-ci, protecteur de la promise, est garant de cette parole. Pour autant, lorsque l’union se concrétise, le douaire est reversé à la femme qui l’administre et en dispose, tout comme la femme égyptienne. Lorsqu’elle constitue l’indemnité économique prévue par les textes de lois bibliques, son aspect représente la contrepartie de la virginité de la jeune fille séduite et/ou violée. Mais comme l’union peut en être la conséquence, elle se transforme alors en présent matrimonial. Par ailleurs, elle se concrétise diversement, peut faire partie d’une stratégie sociale et/ou politique et, dans le même temps, renferme l’engagement pour l’union262. En gypte, sa valeur souligne, outre son contenu économique, un contenu symbolique également. Commun aux usages d’léphantine, d’gypte et d’Israël, le douaire n’est jamais la contrepartie de la dot et recèle un aspect tant allégorique que contractuel de la promesse de l’union. La dot Lors de la conclusion de l’union, une somme d’argent et des biens en nature sont apportés par la femme, et qui lui appartiennent. Les documents d’Éléphantine en décrivent minutieusement le contenu dans une clause qui suit le mohar. Un inventaire est dressé, faisant état de chaque objet, le décrivant plus ou moins brièvement et livrant l’estimation de sa valeur. L’araméen ne dispose pas d’un terme nommant la dot, aussi le verbe employé est-il ll, « entrer » (B2.6 6-7). La première place est affectée à l’apport de trésorerie. Et l’expression affirmée par Esor dans son contrat de mariage avec Mipayah l’atteste : hnlt ly [brtk] mpyh bydh ksp tkwnh 261

A. VAN GENNEP, 1981, p. 181. Cet usage aurait un aspect interessé, car la femme aurait une valeur financière en rapport avec l’importance de sa dot, R. WESTBROOK, 1991b, p. 147.

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kr 1 qln 2 bbny mlk, « [Ta fille] Mipayah m’a apporté dans sa main en argent 1 karsh 2 sicles à l’étalon royal » (B2.6 6). La clause du contrat de Tamet est à peine différente : hnlt tmt lnny bydh ksp kr 1 qln 5, « Tamet a apporté à Ananyah dans sa main en argent, 1 karsh 5 sicles » (B3.3 16). Cette modalité, addition à la clause de la dot et inscrite au verso du document, a été ajoutée après qu’il a été intégralement rédigé, mais avant qu’il fut noué puis scellé (B3.3 4263). Le contrat de Yehoyima use d’une formule à peine distincte : hnlt ly yhwy tk lbyty tkwnh zy ksp krn tryn qln 2 lrn, «Yehoyima ta sœur m’a apporté dans ma maison en argent 2 karshs 2 sicles 5 allurs » (B3.8 5). Les contrats de Mipayah et de Yehoyima insèrent le montant versé à titre de mohar dans la valeur de la dot, qui leur est ainsi attribuée264. Outre l’argent, la future épouse apporte ses vêtements et ses bijoux, des objets nécessaires à la vie quotidienne, de la vaisselle, des meubles et des substances d’origine animale et végétale. Le catalogue complet décrit vêtements et objets, en ordre décroissant selon leur valeur. La plupart du temps, les contrats inscrivent les dimensions des vêtements, au contraire des conventions égyptiennes qui ne confient pas ces détails. La répétition de la formule constatant l’apport est également attestée dans la convention de Mipayah introduisant le détail de son trousseau (B2.6 7). Ses trois vêtements paraissent de valeur, qui sont estimés à 43 sicles, somme considérable. Elle possède une : lb 1 zy mr dt b b ydyn hwh rk mn 8 b 5 wh ksp krn 2 qln 8, « robe de laine neuve bicolore grand teint265, d’une longueur de 8 coudées par 5 de largeur estimée 2 karshs 8 sicles », lb rn zy mr n hwh rk mn 6 b 4 wh ksp qln 7, « une autre, de laine finement tissée d’une longueur de 6 coudées par 4, estimée à 7 sicles » et un : by 1 dt hwh rk mn 8 b 5 wh ksp qln 8 bbny mlk, « châle neuf d’une longueur de 8 coudées par 5 de largeur, estimé 8 sicles à l’étalon royal » (B2.6 7-11266). La liste de ses toilettes inclut également une paire de sandales (B2.6 16267). Yehoyima dispose de deux robes de laine neuves, dont la première mesure 7 coudées 3 palmes sur une largeur de 4 coudées 2 palmes d’une valeur de 1 karsh 2 sicles, la seconde mesurant 6 coudées sur 4, bicolore grand teint (B3.8 7-8), sur 1 palme de chaque côté d’une valeur de 1 karsh. Elle est également pourvue d’une : lb 1 mdr dt [l]mn 6 b 4 dmy 263

B. PORTEN et al., 2011, p. 212, n. 32. Le mohar serait l’argent du divorce selon H. L. GINSBERG, 1954, p. 156. 265 HERODOTE II, 81. A. LUCAS, 1962, p. 146-147. La traduction suivante a été proposée : « teinte sur les deux bords », J. A. FITZMAYER, 1979, p. 256-257. 266 Un kite/sicle d’argent est équivalent à 0,5 deben. 267 Les sandales peuvent être de cuir ou de roseaux de papyrus, B. PORTEN, 1968, p. 91 n. 145 et 147. 264

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ksp qln 7, « robe à franges neuve de 6 coudées par 4, estimée 7 sicles »268. La liste de ses toilettes ne s’arrête pas là et s’ajoutent un châle de laine neuf de 6 coudées par 5 coudées 2 palmes, bicolore grand teint valant 8 sicles, et « une rob[e] usagée », valant 1 sicle 20 allurs. Cette liste s’allonge d’une : n, « tunique, ou robe de lin neuve », d’une longueur de 6 coudées sur 4 de largeur, valant 1 sicle (B3.8 11), deux robes de lin, l’une neuve, d’une longueur de 6 coudées sur 3 de large, et une tenue usagée d’une valeur identique. Le terme n figure dans le P. Lonsdorfer I 3, et désigne peut-être une robe de lin269. La clause qui dépeint la garde-robe de cette Judéenne aisée d’Éléphantine, seule à posséder des toilettes de lin, précise qu’elle apporte un ensemble de huit vêtements, dont la valeur totale atteint la somme de 41, 5 sicles (B3.8 6-13). Tamet, dont le dénuement lors de son union paraît évident (B3.3 4-7), possède une seule robe de laine évaluée à 7 sicles, et dont les dimensions ont été omises270. Une autre liste incomplète décrit les dimensions et spécificités de trois robes de laine dont la valeur a disparu du contrat (B6.1 6-9). Une des conventions décrit uniquement un fragment de dot dont la valeur est estimée à 38, 125 sicles (B6.2 1-7), avec trois robes de laine neuves, dont l’une est estimée à 20 sicles, une autre 8, deux autres vêtements neufs dont l’un mesure 5 coudées 4 palmes par 3 coudées 4 palmes et d’une valeur de 3 sicles »s, un châle neuf de 7 coudées par 4 et un autre vêtement de laine. Ces vêtements se situent dans la moyenne, ainsi le châle dont les dimensions sont inférieures à celui de Mipayah et plus larges que celui de Yehoyima, tandis que la valeur des derniers est de 8 sicles et celui de l’inconnue ne coûte que 4 sicles et 20 allurs. L’un de ses vêtements mesure 5 coudées 2/3 par 3 coudées 2/3 alors que la plupart des autres tenues des épouses mesure en moyenne 6 coudées par 4 et leur valeur va de 1 à 10 sicles271. Les conventions ne manquent pas de préciser l’état des vêtements neufs ou usagés et ce détail semble d’une certaine importance272. Outre la définition de la toilette, elles ajoutent des descriptions et les dimensions. La garde-robe de ces jeunes femmes conserve néanmoins certains de ses secrets puisqu’aucune représentation n’en a été mise au jour.

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Ces sortes de robes avec franges sont attestées dans les représentations tombales égyptiennes (tombe thébaine TT, n° 290, 372 [6] et 373 [7]). Les franges pendent de chaque côté sur le devant, J. J. JANSSEN, 1977, p. 252. 269 E. LÜDDECKENS, 1963, n° 8 ; B. PORTEN, 1968, p. 89 ; B. COURROYER, 1954, p. 559 ; B. PORTEN, 1992, p. 259, n. 2. 270 Le scribe a initialement évalué cette robe à 5 sicles, puis augmeté le montant peu de temps après, probablement sur l’insistance de Meshoullam, selon B. PORTEN, 2000a, p. 172, n. 11. 271 B. PORTEN, 1989a, p. 91-94. 272 B. PORTEN, 1971, p. 251-253.

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La somme presque totale de la valeur des vêtements et objets personnels est également inscrite. Le motif de tant de précisions dans les descriptions est lié à la protection de la femme. Celle-ci reprend la totalité de ses biens lors d’un divorce éventuel, et ces informations transcrites dans un document juridique qu’elle conserve font preuve si besoin est. Quand bien même certaines de ces possessions auraient disparu, leur liste précise oblige le mari à rendre des biens dont la valeur est équivalente. Tant la dot de Yehoyima (B3.8 6-17) que celle de Mipayah (B2.6 7-16) incluent les mêmes cinq objets de bronze spécialement nécessaires à la vie domestique, dont la valeur diffère à peine : un mzy, miroir (B3.8 13 : 1 sicle ; B2.6 11-12 : 1 sicle 2 quarts), un tms, bol (B2.6 12 : 1 sicle 2 quarts ; B3.8 13 : 1 sicle 10 allurs273), deux ks, coupes (B2.6 12-13 : 2 sicle ; B3.8 14 : 1 sicle 30 allurs) et une : zlw, cruche (B2.6 13 : 2 quarts ; B3.8 15 : 20 allurs). Parfois, d’autres biens mobiliers, tels un : wy, lit dont la valeur n’est pas indiquée (B2.6 15), des plateaux, coffrets à bijoux, coffres et autres objets (B3.8 17-21 où 17 objets ne sont pas évalués). La dot anonyme se compose d’une coupe, de deux cruches de bronze dont certaines valeurs manquent (B6.2 1-7). Quelques objets de peu de valeur, outre son unique robe, composent la dot de Tamet : un miroir d’une valeur de 7,5 allurs, une paire de sandales, une : m bm plg pn, « demi-chopine d’huile balsamique » (B3.3 5-6), 6 chopines d’huile de tqm (ricin274) et un plateau non estimés (B3.3 5-6). La dot de Yehoyima prévoit 4 sortes d’huile, dont deux : m[ p]nn, « [cho]pines [d’hui]le » ordinaire, destinée à de nombreux usages, tels la préparation de la cuisine, les lampes à huile ; 5 d’huile de ricin, quatre de : m zyt, « huile d’olive » et une de : m m[b]ym, « huile parfumée », sans indication de valeur (B3.8 20-21). Mipayah apporte avec elle 5 chopines d’huile de ricin aux usages multiples également, médicinal ou huile de lampe (B2.6 16)275. La contenance de l’unité de mesure ou pn peut être mise en parallèle avec celle dont usent les clauses d’entretien des contrats de 273

1 sicle est équvalent à 40 allurs, J. A. FITZMAYER, 1979, p. 258.

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Les femmes d’léphantine utilisent l’huile de ricin comme huile de lampe. L’auteur remarque que la même mesure de capacité est employée pour les liquides et les matières sèches, P. GRELOT, 1964, p. 63-70. Le mot tqm est attesté dans trois ostraca très mutilés, qui n’expliquent pas son sens, A. DUPONT-SOMMER, 1964, p. 71-72. La signification du terme tqm ne doit pas être restreinte à l’huile de ricin, et pourrait désigner la plante, ses fruits, ses extraits et probablement les ricineraies où elle est cultivée, . FARZAT, 1967, p. 77-80. Pour ce qui conccerne l’huile balsamique du contrat de Tamet, elle était initialement mesurée pour une « chopine », mais l’indication de cette quantité a été arasée et remplacée par une « demi-chopine », B. PORTEN, 2000a, p. 172. 275 A. LUCAS, 1962, p. 336 et 384-385.

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mariage égyptiens où le mari s’oblige à verser annuellement une certaine quantité d’huile d’une ou de deux sortes différentes à son épouse pour son entretien, dont l’unité est le hin. Il est probable que la mesure identifiée pn est identique au hin, dont la quantité oscille entre 0,46 litre env.276 et 0,48277. Les quantités d’huile de ricin, d’olive, parfumée ou balsamique278, ne sont jamais estimées financièrement, non plus que dans les contrats démotiques279. Une modalité stipule que Zaccur, fils de Meshoullam, s’interdit de dire à Yehoyima : nks[y] lh brmn yhbt kn byt ’hnl hmw, « Ces bie[n]s, je te les ai donnés par affection, maintenant je les désire, je vais les réclamer » (B3.8 41-42), et le texte précise que, dans ces circonstances : hn ymr kwt l ytm lh yb hw, « S’il dit cela, il ne sera pas entendu, il est obligé » (B3.8 42280), expression manifestant le souhait d’éviter les conséquences d’une plainte de la donataire devant le tribunal à la suite d’une telle exigence. Cette clause est également insérée dans le contrat de Salluah (B6.4 7-8), pour les mêmes raisons. La formule de protection : « Qu’on ne lui prête aucune oreille » à laquelle s’ajoute parfois « dans aucun bureau du roi », ou ses variations diverses sont également attestées dans différents textes et contrats égyptiens et la préoccupation est identique, qui souhaite mettre la donataire à l’abri de plaintes possibles281. Un seul des trois contrats complets livre à la suite de la description de la dot une attestation de reçu par le mari : l ly, « Je l’ai reçue » (B2.6 15), dont le texte est proche de celle des contrats démotiques qui affirment après l’énumération des objets composant la dot : « Je les ai reçus de ta main » (P. British Museum 10394 2 ; P. Karara I). Le montant dotal des conventions de Yehoyima et de Mipayah intègre la valeur du mohar mis à sa disposition dans l’union, qui assure une garantie en cas de séparation. Si la dot reste la propriété des épouses, le mari

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R. A. PARKER, 1940, p. 91. S. ALLAM, 1982, p. 380. 278 Les huiles sont employées à des fins diverses : la préparation de la nourriture et la lumière, les libations, comme base pour des parfums, comme médicaments et excipients pour les médicaments, et pour de nombreux autres usages. Elles peuvent être importées, A. LUCAS, 1962, p. 336. 279 Ct 1, 3 évoque l’usage des huiles parfumées en Juda. 280 A. F. BOTTA, 2013, p. 32, souligne l’aspect juridique de cette formule. 281 Stèle Caire 52453 II 9-10 ; Papyrus des Adoptions, r° I 6, v° I 3 ; P. Leyde F 1942/5.15, 727 env., Thèbes ; P. Vatican 10571 = 2038c, 726 env., Thèbes ; P. Turin 2118, 635 env., Thèbes ; P ; Turin 2120, 620 env., Thèbes, P. Turin 2021 3.13 ; P. Louvre E 3168, 675 env., Thèbes ; P. Louvre E 3228d I.6 ; P. Louvre E 3228e, 707 env., Thèbes ; P. Louvre E 3228c I. 21 s. ; P. Rylands 17…, B. MENU, 1988, p. 178-179 ; P. W. PESTMAN, 1961, p. 132 ; A. THEODORIDES, 1965, p. 83, n. 21. 277

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en possède probablement l’usage282. Par ailleurs, la liste apportée se limite à des biens mobiliers nécessaires à la vie quotidienne et, en règle générale, n’inclut pas le patrimoine immobilier, demeurant propriété personnelle de chacun283. Une dot accompagne également la fiancée des récits bibliques pour son mariage. En dépit de son usage répandu, le terme qui nomme cette coutume, ym, est attesté deux fois. Le texte de 1 Rois 9, 16 évoque le don de la ville de Gezer à Salomon par Pharaon : prh mlk mrym lh wylkd t gzr… wytnh wym lbtw t lmh, « Pharaon, roi d’gypte, monte et s’empare de Gezer… et la donne en dot à sa fille épouse de Salomon284 ». Il est assuré également dans la prophétie de Michée 1, 14 : lkn ttny ym l mwrt gt, « C’est pourquoi tu donneras des dots pour Moréshet-Gath ». Divers textes décrivent le contenu de cet usage. Ainsi, Laban, lors du 282

Selon R. YARON, 1961, p. 51, si le langage des contrats n’est pas décisif, il serait préférable d’admettre que le mari devient le propriétaire. Cette réalité pourrait avoir été onéreuse en cas de destruction ou de détérioration et ne pas comporter le droit d’aliéner ou même de priver la femme de l’emploi de ses biens mobiliers. La déclaration du fiancé affirmant que la promise lui a apporté certains biens, ou bien qu’elle les a apportés à sa maison en ferait preuve. L’expression « mon cœur est satisfait » en serait la reconnaissance. Cette phrase est attestée comme reçu de sommes d’argent où un prix d’achat est versé. Si de l’argent est versé au fiancé et s’il peut le dépenser, il est loisible de penser qu’il est devenu sa propriété. Une différence existe entre les objets figurant dans la liste du contrat de mariage, devenant propriété du conjoint, et ceux qui restent en dehors de cet arrangement. La gestion de ces derniers serait peut-être entre les mains du mari. 283 A. AZZONI, 2013b, p. 8. 284 A. LEMAIRE, 2006, p. 699-700. Plutôt que de donner à sa fille une part du territoire égyptien pour son mariage avec Salomon, il met à sac la cité cananéenne de Gezer, située le long de la frontière du royaume de Salomon, afin qu’elle reçoive une dot digne d’elle, R. WESTBROOK, 1991b, p. 148. Une autre hypothèse admet que le don de Gezer à Salomon est en fait une manière de sauver la face pour Pharaon, et si Salomon reçoit cette ville, c’est en raison de sa force militaire supérieure. Si tel est le cas, cela signifierait que l’Égypte est à ce moment de son histoire un État faible tant politiquement que militairement, A. R. SCHULMAN, 1979, p. 188. Cette alliance est de l’intérêt des deux souverains, K. A. KITCHEN, 1998, p. 281, n. 227. Il ne serait pas crédible que l’armée égyptienne ait entrepris une opération militaire dans le seul but de prendre une cité pour le roi d’Israël ; n’est-il pas plus raisonnable de penser que l’annexion de cette cité et des autres régions philistines sont une concession de l’Égypte à Israël ? L’avance égyptienne vers la Philistie a dû bouleverser l’équilibre politique en Palestine et la prise de Gezer constituer une menace pour le royaume d’Isral. Salomon y aurait répondu vigoureusement et le pharaon se serait vu obligé d’accepter un arrangement par lequel il aurait transmis une partie de ses conquêtes à Israël. Ce traité aurait été confirmé par une alliance matrimoniale, A. MALAMAT, 2001, p. 232, et 1963, p. 10 s.

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mariage de ses filles Léa et Rachel, donne à chacune une servante, et il n’est pas malaisé de considérer ces présents comme une dot285 (Gn 29, 25. 29). Peut-être en est-il de même en ce qui concerne la servante de Saraï (Gn 16, 2-3), celles de Rebecca (Gn 24, 61) et sa nourrice (Gn 25, 59). Un texte d’Ézéchiel décrit les somptueuses toilettes et les joyaux offerts à l’occasion d’une union métaphorique entre Dieu et la cité de Jérusalem : w rqmh wlk t w bsk my wdy wtnh mydym l ydyk wrbyd l grwnk wtn nzm l pk wgylym l znyk wrt tprt brk, « Je t’ai vêtue de broderies et je t’ai chaussée de sandales en peau de Tachas, je t’ai ceinte de lin et je t’ai couverte de soie. Je t’ai ornée de parures, je t’ai mis des bracelets aux mains et un collier autour de ton cou. Je t’ai mis un anneau au nez, des boucles aux oreilles et une couronne magnifique sur ta tête » (16, 10-12). Caleb (Jos 15, 18-19 = Jg 1, 13-15) donne sa fille Akhsa pour épouse à son frère Othoniel et, en guise de dot, celle-ci obtient une terre et des sources d’eau. En règle générale, le père de la promise se charge de la dot, et par exception le mari (Ez 16, 10-12), qui est versée au moment de la conclusion de l’union286. Nombres 27, 1-11 et 36, 1-12, sous-entendent l’apport de propriétés immobilières acquises par héritage par les femmes dans le mariage, et qui peuvent être considérées comme leur dot. Elles en restent propriétaires et en usent à leur convenance287.

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Le rôle de la dot est de permettre au jeune couple de s’installer, mais, dans le cas de Jacob qui vit avec ses épouses chez Laban, il semble peu pertinent de partager les biens du père, qui paraît déterminé à économiser sur son montant, R. WESTBROOK, 1991b, p. 142-143, 150 s. 286 Selon G. DEL OLMO LETE, 1970, p. 414-416, en Ex 18, 2, le terme ym pourrait être traduit : « avec sa dot », et il semblerait logique que Jethro apporte la dot avec sa femme et ses enfants. Cette hypothèse est rejetée en raison précisément du contexte par B. S. CHILDS, 1974, p. 320. Un lien d’évidence serait assuré dans l’association de la dot et le départ de la fiancée de la maison paternelle selon Ex 11, 1. En effet, il est dit à Mose que Pharaon : ytkm mzh kw klh, traduit ainsi par J. COPPENS, 1947, p. 178-179 : « Il te renverra d’ici comme le renvoi d’une fiancée » ; mais cette phrase est habituellement interprétée comme suit : « il vous renverra entièrement », en raison d’un contexte qui n’a rien à voir avec une fiancée. Pour autant, l’auteur, en raison des vers suivants (Ex 3, 22), où il est indiqué : « Chaque femme demandera à sa voisine, à l’habitante de sa maison, des vases d’or, des vases d’argent, des parures ; vous en couvrirez vos fils et vos filles, et vous dépouillerez l’gypte », considère que les objets qui doivent être pris et la participation des femmes dans ce processus indiquent une dot, R. WESTBROOK, 1991b, p. 151 s. 287 La dot contribuerait à l’inégalité et perpétue l’asymétrie entre les classes et les familles constate T. M. LEMOS, 2010, p. 233.

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La dot des femmes égyptiennes, tout comme celle des femmes d’léphantine, constitue un élément du contrat, qui semble assorti de nuances. L’épouse apporte avec elle ses biens personnels ou trousseau, et non la totalité de ses biens, les nkt.w n s.m.t, « biens/objets d’une femme288 ». La formule : p wn n nj=t nkt.w s.m.t r.ἰn=t r pj=j .wj ἰrm=t, « L’inventaire de tes biens de la femme que tu as apportés avec toi dans ma maison » (P. British Museum 10394 5289), introduit l’énumération de chaque objet et de sa valeur unitaire, jamais sa description. Dans un seul contrat, le mari omet l’expression « la liste des biens » (P. Hauswaldt 14 2-3). Parfois, il néglige de préciser qu’il s’agit des biens « d’une femme » (P. Lonsdorfer I ; P. British Museum 10593). L’expression : ἰrm=t, « avec toi » peut varier et l’emploi de cette autre expression : dr.t=t, « dans ta main » est attesté avec le même sens. L’énoncé de cette clause présente une analogie certaine dans les termes et la place de la phrase présentant la dot avec celles des conventions d’léphantine. La liste290 détaillée des biens et leur valeur figurent parfois mais jamais systématiquement sur le contrat291. Le contenu de l’inventaire est exposé en détail pour la première fois dans un document de 364 (P. Lonsdorfer I). La valeur des biens figure à la suite de leur désignation, puis le total parfois erroné est consigné à la fin de la liste292. Le plus souvent, l’ordre adopté est le suivant : objets de cuivre, puis d’argent et d’or par ordre de valeur. Le trousseau se compose de bijoux : une .wj hrḳ, paire d’anneaux (P. Lonsdorfer I 3 : 2 kites), une glṱ, bague (P. Lonsdorfer I 3 : 1 kite), d’effets personnels, tels une : hrg, perruque (P. Lonsdorfer I 2 : 4 kites), un nt, vêtement (P. British Museum 10394 5 : 1 deben), une bs, robe (P. Berlin 13593 5 : 20 debens), un prg, manteau (P. British Museum 10394 5 : 2,5 kites) et d’étoffes dont la plus précieuse, parfois, est une sorte de châle, 288

Cette expression est traduite par Frauensachen, « biens de femmes » par E. SEIDL, 1956, p. 62 et E. LÜDECKKENS, 1963, p. 288. Il s’agit de la liste des paraphernaux pour M. EL-AMIR, 1959, p. 163. Néanmoins, un terme lié à un autre système légal peut avoir un autre sens juridique, aussi le terme égyptien ou sa traduction littérale semblent-ils préférables, P. W. PESTMAN, 1961, p. 91, n. 2. L’expression « objets de femmes » est proposée par P. W. PESTMAN avec la collaboration de J. QUAEGEBEUR et R. L. VOS, 1977, t. I, p. 68. 289 Ibid., p. 62. 290 Cette liste est inscrite sur les contrats : P. Lonsdorfer I ; P. Lille 28 ; P. Hauswaldt 4 ; P. British Museum 10394 ; P. Hauswaldt 6… 291 S. ALLAM, 1981, p. 118 s. Ainsi, par exemple, les contrats suivants : P. Lonsdorfer I ; P. Lille 28… 292 Souvent des erreurs sont commises dans l’addition, P. W. PESTMAN, 1961, p. 95, n. 6, et aussi dans les documents commerciaux, A. H. GARDINER, 1935, p. 144, n. 13.

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l’ỉnn, dont la valeur est comprise entre 1, 6 et 0, 15 debens jusqu’en 221293. Il peut mesurer 5,5 coudées de longueur (P. Lonsdorfer I 2 : 1,5 kite). Si les conventions araméennes ne fournissent pas la liste des bijoux, celle de Yehoyima adjoint un coffret à bijoux, probablement d’une certaine utilité, et l’absence de perruque est notable. La valeur des tenues décrites dans ces contrats s’étend de ¼ deben/½ sicle à 14 debens/28 sicles, qui est malaisée à mettre en parallèle avec celle des garde-robes des actes démotiques en raison de l’absence de descriptions des tissus de plus ou moins bonne qualité, des formes, de l’indication de l’état neuf ou usagé, où les dimensions sont rarement insérées, et de liste incomplètes de vêtements dont certaines n’inscrivent ni robe ni tunique, ou autre élément de garderobe294. Les châles des Judéennes atteignent une valeur de 4 debens/8 sicles, ceux des gyptiennes paraissent moins coûteux jusque 221. Outre les erreurs commises dans les additions, les scribes des contrats démotiques omettent certains vêtements, ceux des contrats araméens oublient les bijoux, et probablement d’autres objets. Aussi les inventaires apparaissent-ils imprécis et incomplets. La dot inclut également des objets mobiliers295 : un nḫ, « miroir » (P. Lonsdorder I 3 : 1 kite d’argent), un grg, « lit » (P. British Museum 10394 5 : 2 kites), des ustensiles de ménage nécessaires à l’entretien de la maison, tels le :, « four » (P. Berlin 13593 5 : 30 debens) et les récipients, parfois un instrument de musique, par exemple un : , « sistre » (P. Rylands 16 6 : 100 debens) et plus rarement un âne ou un :.t, « ânon » (P. Rylands 293

Ce vêtement, parfois le plus coûteux (P. Lonsdorfer I), qui figure sur la liste est susceptible, plus tardivement, du paiement d’une taxe par la femme mariée (O. Berlin 6253 ; 9497). Peut-être s’agit-il du voile de la mariée, mais aucune indication n’est disponible qui pourrait le confirmer, P. W. PESTMAN, 1961, p. 94 s. Deux ostraca (nOS 208 et 209), de 254-253, sont des reçus de taxes versées par des propriétaires de ce châle, toujours des femmes, G. MATTHA, 1945, p. 163-164. Ce terme définirait un voile ou le voile de la mariée, E. LÜDDECKENS, 1963, p. 201 ; W. ERICHSEN, 1954, p. 35. Ce châle n’appartient pas spécifiquement à une mariée et n’a pas seulement à voir avec la tête, G. R. HUGHES, 1957, p. 57. Cet objet serait un châle, F. L. I. GRIFFITH, 1939, (P. Adler 14 et 21). Il s’agirait d’un voile de perruque « en tissu délicat rehaussé de matières précieuses, peut-être le voile de la mariée », B. MENU, 2001, p. 22. 294 La liste du P. British Museum 10593 3 (19 janv. 172) inclut un manteau d’une valeur de 10 debens, un châle de 50 debens, mais ne mentionne ni robe ni tunique. 295 Des écrits plus anciens font également référence à ces échanges économiques. Ainsi, le testament de dame Naunakhte rappelle que, à l’occasion de l’union de chacun de ses enfants, elle a pourvu à leur établissement. Le texte emploie à cet égard l’expression : grg pr, « monter un ménage ». Cette expression désigne par conséquent le trousseau, la dot, les équipements et les meubles dont tous ses enfants ont bénéficié, tant fils que filles, sans différence de genre, J. ČERNY, 1945, p. 37-38 ; S. ALLAM, 1973, n° 261 ; P. W. PESTMAN, 1982, et 1961, p. 162-164.

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37 2 : 300 debens296) ! Dots judéennes et égyptiennes comportent toujours un miroir dont la valeur varie de 0, 19 à 1 kite et 1,5 sicle, de la vaisselle et des ustensiles de cuisine, des meubles dont des lits, et certains ne sont pas estimés dans les premières. Ces protocoles démotiques ne renferment pas d’apports en numéraire par l’épouse. Des ostraca renferment l’énumération des nkt.w n s.m.t seules ou « biens de la femme ». L’O. Strasbourg 110 introduit la liste ainsi : twj=s p wn (n) n nkt.w m.t, « Voici la liste de ces biens (d’une) femme297 ». Un autre ostracon (Berlin 1109) simplifie encore la formule, tandis qu’elle est absente des deux ostraca Uppsala 603 et Medinet Habu 136. Ces quatre documents du IIe siècle jouent probablement le rôle d’aide-mémoire. Par ailleurs, l’une des conventions, le P. Hauswaldt 14, présente une particularité à cet égard : scellé de telle manière que son contenu soit à l’intérieur et la copie de la liste à l’extérieur, elle peut ainsi être consultée afin de vérifier les apports effectués par la femme et, lors d’un problème éventuel, le sceau peut être brisé et l’original consulté298. Puis l’emploi de la formule : ἰrm=t p=j st (n) dr.ṱ=t w=w m ṱ sp [nb], « Je les ai reçus de ta main alors qu’ils sont complets sans solde », en constitue le reçu, qui figure dans des documents plus tardifs, à compter d’août-septembre 226 » (P. British Museum 10394 6). Quelquefois, le texte varie et affirme : « Je les ai reçus de toi, ils sont complets sans solde » (P. Berlin 13593 7). Parfois, une stipulation ajoute : bn ἰw=t rḫ dj.t nḫ m-s=t r dj.t ἰr=t s ḏb nj=t nkt.w n s.m.t ntj s rj d bn-pw=t ἰn.ṱ=w r pj=j .wj ἰrm=t mtw=t ntj nt n.ἰm=w, « Je ne pourrai pas t’imposer, dans le but de te le faire prêter, un serment concernant tes biens d’une femme décrits cidessus, disant : tu ne les as pas apportés avec toi dans ma maison » (P. British Museum 10394 7299). De nombreuses conventions présentent cette formule300. Une variante en est assurée, qui est la suivante : p .wj wpj.t, « au tribunal », précisant le lieu où l’on prête serment (P. Hauswaldt 14 5). Elle a pour objet la protection de l’épouse devant le poids d’une telle action légale, lui donnant la certitude qu’elle retrouvera ses biens sans entraves301. 296

Une liste quasiment exhaustive est proposée par E. LÜDDECKENS, 1963, p. 290 s. et P. W. PESTMAN, 1961, p. 94. 297 P. W. PESTMAN, 1961, p. 91, n. 7. 298 Le contrat P. Lonsdorfer I est également reproduit en partie, mais les sceaux ont disparu, P. W. PESTMAN, ibid., p. 97. 299 P. W. PESTMAN, avec la collaboration de J. QUAEGEBEUR et R. L. VOS, 1977, p. 68. 300 Cette formule n’apparaît pas sur certains contrats : P. Lonsdorfer I ; P. Berlin 13593 ; P. Bibl. Nat. 236 ; P. Turin 6076… 301 P. W. PESTMAN, 1961, p. 98.

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Lors de leur arrivée dans le collège des prêtresses d’Amon à Karnak, les épouses d’Amon, liées par un « mariage sacré » à la divinité et vouées au célibat terrestre, reçoivent une dot. Les plus notables d’entre elles perçoivent une dotation foncière. Ainsi l’entrée de la princesse Nitocris, fille de Psammétique Ier, fondateur de la XXVIe dynastie, dans ce collège s’est elle accompagnée de présents somptuaires provenant de Shepénoupet II, « Grande pouse d’Amon » de la famille de Montouemat, et du clergé d’Amon. L’inventaire de sa dot figure sur une stèle de granit incomplète302. Elle comporte un legs de terres de 1 900 aroures dans 7 nômes différents de Haute-gypte et 1 400 aroures dans 4 de Basse-gypte. Elle compte également des contributions journalières, pour sa maison, en nature de 190 pains fournis par des temples d’une quinzaine de localités du delta, plus de 5 litres de vin, des gâteaux et des légumes, des contributions mensuelles de 5 oies, 3 bœufs, 20 jarres de bière, les produits des champs d’une centaine d’aroures à verser par des Thébains éminents303. Pour autant, si la plupart des « chanteuses de l’intérieur d’Amon » se voient également assigner des terres, néanmoins en moindre quantité, ainsi la fille du roitelet Peftaoubast bénéficie de 50 aroures, toutes ne possèdent pas du bien304. Cette institution s’est dissipée vers 525, à la fin de la XXVIe dynastie305. Si la femme conserve la propriété de sa dot dans le mariage306, le mari peut néanmoins l’administrer et en disposer307 et, lors de la séparation, n’est pas tenu de remettre les mêmes objets. Le contenu de la clause concernant la gestion des nkt.w n s.m.t, « biens de la femme » est la suivante : mtw=t pj=w j ἰnk pj=w sḫf, dont voici la traduction possible : « leur j t’appartient, leur sḫf m’appartient ». Le terme j soulignerait que l’épouse est l’ayant droit à ces biens et le terme sḫf évoquerait le pouvoir de les gérer et de les aliéner, puisque, en effet, le mari peut, lors d’un divorce, lui remettre des objets similaires ou la somme correspondante308. La formule 302

G. LEGRAIN, 1897, p. 16-19 ; A. ERMAN, 1897, p. 26-28. R. C. CAMINOS, 1964, p. 71-100. 304 Cette institution est contemporaine du temps où les Divines pouses étaient des vierges consacrées. Elle disparaît lorsque la conquête perse met fin à leur dynastie. Les chanteuses consacrées sont impliquées dans des ventes de terrains, des prêts, des donations et des procès devant la juridiction oraculaire d’Amon, J. YOYOTTE, 1961, p. 50. 305 Si les Perses ne conservent pas cette institution, elle renaît à l’époque ptolémaïque, où quelques « adoratrices du dieu » seront attestées, M. YOYOTTE, 2009/2010, p. 9-13. 306 P. W. PESTMAN, 1961, p. 96-100. Cette clause permet de donner à la femme un moyen juridique pour se défendre. 307 S. GRÜNERT, 1978, p. 116. 308 P. W. PESTMAN, avec la collaboration de J. QUAEGEBEUR et R. L. VOS, 1977, p. 71, n. r. La dot appartient à la femme, M. EL-AMIR, 1959, p. 143. 303

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suivante clôt la présentation de la dot : ἰw=t ἰw=w n ἰrm=t ἰw=t bnr ἰw=w bnr ἰrm=t, « Si tu es à l’intérieur (de ma maison) elles (tes affaires) sont à l’intérieur avec toi. Si tu es à l’extérieur (de ma maison) elles (tes affaires) sont à l’extérieur avec toi » (P. Lonsdorfer I 3). Cette promesse rappelle que le mari s’engage à rendre la dot à son épouse lors d’une séparation éventuelle. En outre, le douaire qu’il a versé devient la propriété de la femme et s’ajoute à sa dot309. Cet usage est adopté par les Judéens d’léphantine (B2.6 ; B3.8). Quand bien même aucun contrat n’a été établi, ni même une liste, la femme peut posséder un trousseau. Et si son détail ne figure pas explicitement sur le contrat ou qu’aucun contrat n’a été établi, ce n’est pas pour autant qu’elle n’en possède pas. Des causes ou coutumes particulières peuvent expliquer leur absence, qui peuvent être personnelles, la conséquence de coutumes locales ou d’usages scribaux. Le contenu des clauses concernant la dot est essentiellement destiné à protéger la femme tant dans le mariage que lors de sa rupture possible. Et le fait qu’elle la recouvre en cas de séparation est une entrave à un divorce précipité. Pour autant, si son aspect économique n’est pas à négliger, sa portée concrète et symbolique ne l’est pas non plus. En effet, les meubles, ustensiles divers et objets personnels signent sa présence et son appropriation de l’espace. Les apports d’entretien Outre l’apport de ses propres biens, l’épouse peut, selon certains contrats, tendre au mari une somme destinée à son entretien :  n r m.t, l’« argent pour devenir une épouse310 », dont le titre définit la fonction ; et, parfois, la convention spécifie que l’apport est en nature et non en argent (P. British Museum 10593). Le premier de ces contrats, connu à ce jour, date de 517 et la somme acquittée s’élève à 3 deben (P. British Museum 10120 A311). Son chiffre est supérieur au shep versé par le mari. Puis le montant est ignoré jusque 221. Les circonstances qui conduisent à ce choix ne sont pas connues312. Cette sorte de convention ne précise pas de modalité concernant la dot, pour autant les « biens de la femme » sont probablement apportés par l’épouse dans l’union. Le  n r m.t reste sa propriété, et son mari l’administre.

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P. W. PESTMAN, 1961, p. 112. Une seule convention matrimoniale de cette sorte précise également le paiement d’un douaire (P. British Museum 10593). 311 1 deben d’argent équivaut à 90 grammes d’argent. L’indication « X d’argent [du] trésor de Ptah » est habituelle durant le règne de Darius Ier. 312 La famille de la promise serait plus aisée, H. S. SMITH, 1995, p. 46-57. 310

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Ainsi que dans tous les contrats, la date est la première information. Puis le verbe ḏd (a dit) introduit l’identité des parties. Le mari accuse réception313 de l’argent et/ou des biens de son épouse314 et affirme : dj=t n=j ḏ 3 n pr-ḏ Pt n ḫr r ḏ 2 ḳd.t 9 2/3 1/6 1/10 1/20 1/60 n pr-ḏ Pt r ḏ n pr-ḏ Pt n ḫr n, « Tu m’as donné 3 (debens) d’argent-ḫr (du) trésor de Ptah, soit 2 (debens) d’argent et 9 (40 + 10 + 6 + 3 + 1)/60 kites du trésor de Ptah, soit 3 (debens) d’argent-ḫr du trésor (de) Ptah, à nouveau » (P. British Museum 10120A 2, Thèbes, février 517315). La conversion a pour objet de prévenir les erreurs lors de la lecture des chiffres et éviter leur falsification316. Il n’est cependant pas certain que cet argent ait toujours été intégralement versé lors de la conclusion du mariage317, et la stipulation peut prévoir qu’elle sera acquittée selon la date choisie par l’épouse (P. British Museum 10607318). Le doute s’inscrit quelquefois quant à savoir si le mari a bien reçu le solde ou même le premier versement. En effet, le contrat appuie sur le fait que le mari a réellement reçu les biens ou l’argent en son entier, qu’il ne peut engager une action en justice ou demander à sa femme de prêter un serment par lequel elle se verrait tenue de jurer qu’elle a vraiment donné l’argent ou les biens à son mari319, à moins qu’il ne s’agisse d’une précaution. Dans ces circonstances, les conventions présentent les mêmes formules que les documents avec paiement du shep : p=j st n-t.ṱ=t ἰw=w m ἰwṱ sp nb, « Je les ai reçus de ta main alors qu’ils complets et sans solde » (P. Louvre 2429 2320). La formule de réception et de quittance y est le plus souvent attestée : .ṱ=j mtr.w n ἰm= w, « mon cœur en est satisfait (P. Louvre 2429 2 ; P. Caire 50129 5 ; P. British Museum 10607 3 et 10609 313

L’aspect peut-être fictif de ce versement, en raison de l’emphase apportée à l’affirmation du mari, est à questionner. Celui-ci s’engage, en effet, à ne pas aller en justice pour ce qui a trait à cette question et à ne pas exiger un serment de sa femme. Cet excès instille le doute. Il est possible que ces dispositions aient pour objet d’éviter à l’épouse des poursuites judiciaires ou l’obligation de prêter serment à tout propos, P. W. PESTMAN, 1961, p. 102 s. 314 L’apport de biens est attesté dans les P. British Museum 10593 et Tebtunis 386. 315 P. W. PESTMAN et S. P. VLEEMING, 1994, n° 3 ; e; E. LÜDDECKENS, 1963, n° 6. 316 W. SPIEGELBERG et H. LEWALD, 1923, p. 29-30, n. 5. Le contrat est confié à la personne ayant droit aux versements. Il se produit souvent que la conversion soit inexacte. 317 S. ALLAM, 1981, p. 118. L’un des contrats (P. British Museum. 10607, de 186) mentionne clairement le paiement partiel, suivi de plusieurs autres débours. 318 Le texte de la stipulation est le suivant : [wn mtw=t n ḏ.w ntj ỉ]w=t dj. t st n=j dj=t st n=j, « À toi appartient l’argent que tu me donneras ou que tu m’as donné » (P. British Museum 10607), W. ERICHSEN et C. F. NIMS, 1957, p. 123-125. 319 P. W. PESTMAN, 1961, p. 103. 320 Cette formule est attestée dans les contrats : P. British Museum 10609 et 10607, P. Leyde 373a, P. Caire 50129, P. British Museum 10229.

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3), en dépit d’exceptions (P. British Museum 10120A). La réception de la somme versée donne lieu à une modalité identique dans les formulaires de transmission de biens avec paiement comme les ventes321. Le texte peut aussi préciser : mn mtw=j ntj nb md.t nb p t ἰ.ἰr-n=t rn=w ṯj p hrw r rj, « Je n’ai rien, pas la moindre réclamation au monde à te faire pour ce motif, de ce jour et après » (P. Caire 50129 5322). Cette garantie personnelle par laquelle le mari s’interdit toute contestation est également assurée dans les actes de vente323, dont la fonction est plus complexe et qui voit le vendeur renoncer à ses droits sur la chose vendue. Une clause, pas toujours attestée, ajoute : bn ἰw=j rḫ [dj.t] nḫ m-s=t m-b ntr Pr- ṯj p hrw r rj, « Je ne peux pas t’imposer un serment devant un dieu ou devant (le) pharaon de ce jour et après » (P. Caire 50129 5-6). Le mari renonce à obliger son épouse à un serment par lequel elle serait tenue de jurer qu’elle a réellement versé la totalité de la somme en question. Puis, vient l’une des plus essentielles modalités, la reconnaissance de l’engagement d’entretien pris par l’époux : mtw=t r .wj=j, « Tu y as droit, à ma charge » (P. Caire 50129 6). Il se voit alors tenu de lui verser chaque année, en contrepartie, le montant prévu pour son entretien annuel et la durée de leur union, et les contrats précisent ensuite le contenu de cette promesse qui peut consister soit en céréales et/ou vêtements, et/ou argent de poche définis par l’expression : ḳ bs, « nourriture et habillement ». Une formule affirme encore, lorsque le mari ne s’est pas acquitté de ses obligations, l’obligation de paiement d’arriérés (P. British Museum 10609 4). Le déroulement de la convention confirme les obligations qui s’ensuivent. L’épouse peut dorénavant en réclamer la rétrocession lors d’une rupture possible et le mari soutient qu’il les lui restituera, dans les trente jours, faute de quoi il ne pourra cesser de l’entretenir dans les mêmes conditions, jusqu’au remboursement (P. British Museum 10607 4). Il peut, en outre, mettre ses biens actuels et à venir en garantie du paiement. Puis il reconnaît le droit à sa femme de le poursuivre en justice si besoin est. En outre, il affirme que la convention en possession de son épouse fait preuve de l’apport d’argent mentionné dans l’acte et constitue une garantie aussi longtemps qu’elle la détient (P. British Museum 10609 4-5). L’acte doit, en

321 B. MENU, 1988, p. 173 : P. Leyde F 1942/5.15 ; P. Vatican 10574 ; P. Louvre E 3228e, E 3228d et E 3168 ; P. Vienne D 12002 ; P. Turin 2118 et 2120. 322 Elle figure dans les contrats P. British Museum 10609 et 10607 ; P. Caire 50129 ; W. ERICHSEN et C. F. NIMS, 1957, p. 120-123. 323 B. MENU, 1988, p. 178 : P. Louvre E 3168 ; P. British Museum 10117 ; P. Bibl. Nat. 223 ; P. Turin 2123 ; P. Louvre E 7128 et E 9294.

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effet, lui être remis après remboursement, tout comme les conventions de prêts et de reconnaissances de dettes324. Une autre sorte de convention matrimoniale, le s n ḫ ou « document d’alimentation325 », établi par le mari en faveur de son épouse, fait état d’un montant tendu par l’épouse et destiné à son entretien annuel. Le texte du Code d’Hermopolis, dont la copie préservée est datée de la période ptolémaïque et la précède de deux siècles au moins326, s’en préoccupe, qui concerne les recours légaux dans des situations où le mari est en retard de paiement. Il transmet un modèle : .t, de ces « documents d’alimentation » (IV 7-8) et en prévoit l’établissement pour une personne et le compte d’une autre. L’aspect inhabituel de cette approche peut être expliqué par comparaison avec le s.w n m.t ou « écrit pour la femme », en particulier ceux dressés du IXe au milieu du VIe siècle, où le fiancé s’accorde avec le père de sa promise et donne en garantie ses biens à ce dernier327. La première convention attestée date du 2e mois de la saison akhet en 365-364 (P. Oriental Institute 17481/Chicago Hawara 1328), bien qu’un ḫ soit déjà mentionné au VIe siècle329. Ces documents peuvent être dressés 324

Voir ch. VI, p. 310s, pour les reconnaissances de dettes, et p. 323s, pour les prêts-emprunts. 325 L’expression signifie précisément « permettre de vivre ». 326 La compilation aurait eu lieu sous Bochoris, à la fin du VIIIe siècle selon P. W. PESTMAN, 1983, p. 16. Par ailleurs, J. H. JOHNSON, 1994b, p. 157, considère la compilation de ce code comme le fait de Darius, comme le présente la Chronique Démotique (colonne c, lignes 6-16). 327 Outre le P. Bibl. Nat. 219a qui suit le modèle du code, où la femme bénéficiaire est décrite comme « ta fille », cette explication correspond à la situation qui entoure les s n ḫ, ou documents mentionnés dans les P. Caire 50059 et P. British Museum 10792. De plus, tous les autres documents ou s n ḫ connus sont dressés par un homme en faveur d’une femme. Et, réciproquement, aucun homme n’est le bénéficiaire d’un acte de cette sorte, suggérant qu’il s’agit d’une pratique liée au mariage, JOHNSON, 1994a, p. 114 s. 328 C. F. NIMS, 1958, p. 237-246. G. R. HUGHES , R. JASNOW et J. G. KEENAN, 1997. 329 Des textes s’y rapportent, qui font partie d’un même lot et datent de 563. Un personnage du nom d’or I rédige un acte s n snḫ au nom de sa belle-fille NesḤor, au cours de la 7e année d’Amasis, afin de lui garantir une annuité. Le mari de cette femme, anticipant un héritage plus important de son père, fait écrire par son père ce document, aussi celui-ci donne-t-il son accord afin de garantir le contrat d’annuité par son fils. Un parallèle est attesté dans le contrat d’annuité du P. Oriental Institute 17481. En outre, Nes-or transfère les contrats d’annuité à son frère, probablement afin de conserver les annuités dans sa famille, loin de son ex-époux remarié. Ils confirment que les contrats s n sn sont toujours en relation avec une union (P. Caire 50058 et 50059 ; P. British Museum 10792). Il en est de même pour

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après la célébration de l’union, ainsi celui rédigé durant l’année de la disparition du mari, à l’occasion de la répartition de son héritage entre ses enfants (P. British Museum 10591 VI 21). Le contrat P. British Museum 10594 en présente un autre exemple, qui est dressé par les mêmes parties que P. British Museum 10593 avec l’« argent pour devenir une épouse330 ». Il semble que le s n ḫ soit élaboré entre les deux époux après la célébration et comme conséquence patrimoniale de leur union, aussi des enfants peuvent-ils leur être déjà nés au moment de son établissement331. Après avoir précisé la date de l’acte et décliné l’identité des parties, une clause de satisfaction est introduite par le verbe : ḏd, « a dit » (P. Oriental Institute 17481 1/Chicago Hawara 1), qui affirme ensuite : dj=t mtr .ṱ=j, « Tu as contenté mon cœur ». Dans la suite de cette modalité, le mari accuse réception de la somme apportée et en donne quittance. Dans les exemples connus, son montant est précisé avec soin332 : n ḏ 30 n n dj.t ntj n pr-ḏ n Pt n wt r ḏ 29 ḳt.t 9 2/3 1/6 1.10 1/30 1/60 1/60 r ḏ 30 n n dj.t ntj n pr-ḏ n Pt n wt n n pj=t snḫ, « Avec 30 (debens) de pur argent du trésor de Ptah, (ils sont) complets, (qui font) 29 debens (et) 9 (40 +10 + 6 + 2 + 1 + 1)/60 kites (qui font) 30 (debens) de pur argent du trésor de Ptah, (ils sont) complets à nouveau, comme ton snḫ » (P. Oriental Institute 17481/Chicago Hawara 1). Pour autant, l’intégralité du montant n’est pas toujours versée lors de l’établissement du contrat. La somme figurant dans l’attestation faite par le mari peut être différente de celle du ḫ333. Parfois même, l’épouse n’a rien payé, et ce chiffre correspond alors à un paiement fictif334. Elle peut également verser le ḫ sous la forme des nkt.w n s.m.t, qui portent alors l’appellation grk.t. Chaque année, le mari est tenu de verser à sa femme un montant en argent et des avantages en nature spécifiés par leurs accords335. les P. Loeb 612, P. Turin 13, P. British Museum 10591, J. H. JOHNSON, 1994a, p. 115-126. Dans certaines occurrences, ce document ne serait pas un contrat se rapportant aux questions matrimoniales, P. W. PESTMAN, 1961, p. 43 ; A. F. SHORE, 1988, p. 201, n. 8. 330 C. F. NIMS, 1938, p. 76, n. 6. 331 C. F. NIMS, 1958, p. 245. 332 Les sommes varient selon les contrats, qui peuvent se monter à 50 debens (P. British Museum 10591), 30 debens (P. Chicago Hawara 1), 21 debens (P. Michigan 4526 ; P. Caire 30608 ; P. British Museum 10594), 10 debens (P. Chicago Hawara 2, 3, 6). 333 Ainsi, le contrat P. Karara II (15 sept. 130) informe que le ḫ s’élève à 51 debens d’argent, tandis que le mari accuse réception de 200, W. SPIEGELBERG, 1923, p. 205 s. Cette somme ne serait ni réelle ou fictive, mais nominale, C.F. NIMS, 1938, p. 76. 334 P. W. PESTMAN, 1961, p. 106. 335 Voir ch. II, p. 145 s.

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Bien que cette somme continue d’appartenir à l’épouse, le mari l’administre à sa guise, étant uniquement tenu de lui rembourser une somme équivalente. Il met la totalité des biens qu’il possède et pourra acquérir, en garantie du paiement de ses engagements (P. Oriental Institute 17481 2-3/ Chicago Hawara 1 3 ; P. Caire 30608 3), rendant impossible leur vente à un tiers sans son accord. Cette garantie peut prendre la forme d’une vente de la totalité de son patrimoine à l’épouse, et la somme versée pour cet achat est le montant du ḫ. Néanmoins, le titre de propriété n’est pas transféré et reste entre les mains du mari. La vente n’est pas complète. En cas de divorce, s’il ne remplit pas ses obligations, le mari est tenu de remplir un s n wj, qui transmettra le titre de propriété à son épouse. Puis, une stipulation assure que le mari ne pourra décider unilatéralement le remboursement des apports, seule la femme bénéficie de ce droit : bn ἰw=j rḫ d n=t sp pj=t snḫ ntj rj pj=t sw wḫ=f ἰw=j r dj.t s n=t, « Je ne pourrai pas te dire : reçois ton ḫ en retour qui est (inscrit) plus haut. (Cependant) quel que soit le jour où tu voudras le recevoir, je te le rendrai » (P. Oriental Institute 17481 3/Chicago Hawara 1). Comme pour les contrats avec l’« argent pour devenir une épouse », ce document demeure entre les mains de la femme aussi longtemps qu’elle n’est pas remboursée. L’émergence possible d’un conflit et son mode de résolution sont parfois prévus : bn ἰw=j rḫ dj.t nḫ m.s=t n p mtr n p s p bnr n p .wj ntj ἰw n wpṱj.w n.ἰm=f, « Je ne pourrai pas te demander un serment ni témoin au document si ce n’est dans la maison dans laquelle sont les juges » (P. Oriental Institute 17481). L’identité du scribe est toujours indiquée à la fin du contrat. Des témoins à l’acte signent le document, qui peuvent être nombreux et atteindre le chiffre de 36 (P. Oriental Institute 17481 v°). Les biens des parents : ḫ.t ἰt=f mw.t=j, « mes biens de père et mère » (P. Louvre 7849 8336), peu attestés, se rapportent soit aux biens de l’époux apportés dans le mariage, soit aux biens héréditaires échus lors de l’union. Ils ne sont pas évoqués dans les quelques documents établis par la femme337. Partie des formalités économiques et financières qui matérialisent l’union, la dot est destinée au foyer conjugal et à l’entretien de la femme, et n’impose aucune obligation économique au mari lorsqu’il a remis le douaire dont la fonction est identique.

336

Le P. Louvre 7846 7 prévoit une part des biens du père. Le P. Berlin 13614 2 organise l’héritage des enfants du couple qui comprend les biens acquis durant l’union et les biens du père et de la mère, et le P. Berlin 13593 3 fait de même pour tous les enfants du mari. 337 S. ALLAM, 1973, p. 321, n. 26.

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Les contrats avec l’« argent pour devenir une épouse » et l’« argent de l’alimentation » déterminent leur fonction par leur appellation. Ils enregistrent une importante participation de l’épouse et imposent de lourdes règles financières et économiques au mari durant l’union, qui protègent la femme. Outre leurs similarités, comme le don tendu au mari, les clauses d’entretien et de garantie à l’épouse, ces deux types de conventions diffèrent par certains aspects. En effet, des nuances dans les stipulations intéressent le paiement de l’entretien et la clause de succession est absente des conventions matrimoniales avec l’« argent pour devenir une épouse », alors que les contrats avec snḫ font clairement des enfants de cette épouse les héritiers du mari. Par ce choix, le mari exclut d’autres enfants de son héritage338, alors que les contrats avec l’« argent pour devenir une épouse » permettent aux enfants d’autres unions d’y participer. Néanmoins, le mari peut transformer cette situation en établissant un s n ḫ. Les particularités économiques de ces deux régimes matrimoniaux se distinguent de celles où le mari apporte le shep à sa femme, et dont le montant est largement inférieur. Lorsque le mari verse ce présent matrimonial à sa femme, il agit ainsi afin d’en faire son épouse. Il en est de même lorsque la femme verse l’« argent pour devenir une épouse » et la situation inversée souligne l’équivalence des statuts. Dans le mariage avec versement du shep dont le montant devient symbolique avec le temps, le mari prend matériellement en charge son épouse. Dans les conventions avec l’« argent pour devenir une épouse » et « argent de l’alimentation », le mari s’oblige à reverser l’argent et les avantages en nature à sa femme chaque année avec l’argent déjà reçu. La défense de ses intérêts est d’autant plus remarquable qu’elle n’a pas nécessairement payé le montant porté sur le contrat. Dans les documents araméens, la dot est introduite par l’affirmation : « Ta fille/ta sœur… m’a apporté dans ma maison », et dans les actes démotiques par la formule : « Voici la liste des biens de la femme que tu as apportés dans ma maison », puisqu’elle s’adresse à l’épouse. Le détail des biens appportés suivi de leur valeur unitaire, puis totale, fait partie des informations de ces contrats araméens et figure dans les contrats en démotique connus depuis 364. Elle est suivie de l’assertion suivante : « Mon cœur est satisfait », formule de quittance, dans les contrats araméens et démotiques, et, pour ces derniers, attestée à compter d’août-septembre 226. La description des biens apportés, en dépit de la précision guère mathématique de leur valeur, anticipe une rupture éventuelle et organise la protection financière de la femme. L’homme, informé avec un tel luxe de détails, ne peut contester les apports et se voit tenu de les lui restituer ou de 338

Des exceptions sont toujours attestées, dans la mesure où l’enfant d’une union précédente est inscrit sur le contrat comme participant à la succession.

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lui remettre des biens d’une valeur équivalente. En effet, le transfert de ces biens dans le giron du mari n’est aucunement définitif, et leur retour dans la famille d’origine est prévu en cas de séparation. La précision des apports et leur limite définissent des régimes de séparation de biens, tant chez les gyptiens que les Judéens d’léphantine. La clause de satisfaction « être satisfait selon son cœur » La formule insérée immédiatement après le rappel de la réception de la donation matrimoniale énonce : wb lbbk bgw, « Et ton cœur est satisfait en cela339 », qui vaut quittance et assentiment à l’opération (B2.6 5 ; B3.8 5 ; B6.1 5340). Elle est prononcée par le promis. La dot peut donner lieu à un libellé parallèle, tel le contrat de Mipayah qui seul l’assure : wyb lbby bgw, « Et mon cœur est satisfait en cela » (B2.6 15), également énoncé par le futur époux. Ainsi, Esor constate qu’il a été mis en possession de l’argent et des biens composant la dot, donnant ainsi quittance. Cette affirmation souligne, d’une part, l’aspect concret lié à cette reconnaissance et, d’autre part, l’agrément donné à cet engagement par le père ou le représentant de la jeune fille, satisfait de la future alliance. De même pour la formule se rapportant à la dot, qui, outre la quittance, manifeste l’agrément du promis devant la concrétisation de l’union. Cette clause parallèle portant sur la dot n’est pas systématique, au contraire du douaire. La quittance du douaire est absente des contrats en démotique. Mais les conventions où figure la liste des nkt.w n s.m.t ou « biens de la femme » apportés comme dot insèrent une formule proche341. Cette clause de satisfaction apparaît après leur description, qui affirme : .ṱ=j mtrj.w

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Cette clause serait une reconnaissance du fait que la valeur indiquée, totale et particulière, est exacte et n’aurait rien à voir avec l’obligation de retour de la dot en cas de divorce, R. WESTBROOK, 1991a, p. 223. 340 En dépit de la liberté de la femme à léphantine, l’expression yb lbby et la déclaration de quittance par le père sembleraient indiquer quelque reste de « propriété », car, si le père ne « possède » pas réellement sa fille, il exercerait un droit de contrôle sur elle en vertu du patria potestas selon Y. MUFFS, 2003, p. 52-56. 341 Divers documents introduisent le terme : r, « cœur » : ainsi, le P. Kahun II I, qui se rapporte à un litige, de la XIIe dynastie, 2000-1788, le P. Berlin 9784 de la XVIIIe dynastie, sous Aménophis IV, concernant un service lié à la location d’un esclave, et la stèle d’Euerot de 914, où figure l’expression : n=ἰb=r, « avec un cœur satisfait ». Pour autant, aucun des termes de satisfaction employés dans ces textes ne peut être considéré comme le modèle de l’expression araméenne : yb lbby, selon Y. MUFFS, 2003, p. 143 s.

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n.ἰm=w, « Mon cœur est satisfait avec eux » (P. Hauswaldt 6 4342). Elle est assurée dans tous les contrats avec shep qui mentionnent les nkt.w, et ce à compter du P. British Museum 10394 d’août-septembre 226, avec pour seule nuance l’omission de l’expression « sans solde », dans ce dernier contrat et P. Hauswaldt 6. Les contrats mentionnant le : ἰrm.t, l’« argent pour devenir une épouse » introduisent également la clause de quittance, et l’affirmation par le mari de la formule : .ṱ=j mtr.w n.ἰm=w, « Mon cœur est satisfait avec eux » (P. British Museum 10607) peut être précédée de la déclaration : « Je l’ai reçu de ta main », dans une rédaction néanmoins tardive (P. Caire 50129). Une autre formulation est attestée : dj=t mtr .ṱ=j p, « Tu as contenté mon cœur avec » (P. Leyde 373a ; P. British Museum 10229343). Dans les conventions avec versement du sḫ, « argent de l’alimentation », le mari accuse également réception de cet argent par l’emploi de la formule : dj=t mtr .ṱ=j, « Tu as contenté mon cœur » (P. Oriental Institute 17481/Chicago Hawara 1344). Tandis que ces derniers documents recourent à la forme active, les contrats avec shep citant les nkt.w et ceux avec versement de l’« argent pour devenir une épouse » usent de la forme passive. Pour autant, cette formulation, probablement liée à des usages scribaux, ne semble pas entraîner de conséquences particulières. La formule « Tu m’as contenté le cœur avec » est connue et utilisée dès les actes de vente que sont la stèle Louvre C 101 de 657 env. et celle de Florence 1659 (2507) provenant de Memphis de 661 (ou 586), et l’expression « Tu m’as donné l’argent… Je l’ai reçu de ta main. Mon cœur

342

Cette formule est identique à celle utilisée par le vendeur d’un bien qui en donne reçu et reconnaît en avoir reçu le prix de vente intégralement, B. MENU, 1988, p. 173 ; P. W. PESTMAN, 1961, p. 96. 343 Ibid, p. 93 et 96. 344 La présence de cette clause dans les contrats égyptiens a pu être attribuée à l’influence des règles connues par les contrats d’léphantine du Ve siècle, ou même à celles de la loi grecque. De fait, il est plus probable qu’un certain type de contrats égyptiens a mené naturellement à ce développement, réformant leur contenu juridique et prévoyant de plus nombreuses circonstances, P. W. PESTMAN, 1961, p. 101. L’auteur admet la possibilité d’une dérivation de l’araméen, sans qu’elle puisse être prouvée, et réfute la moindre influence grecque. Aussi peut-on considérer que cette pratique correspond plus probablement à une évolution interne du droit égyptien, qui s’accorde avec une tentative d’amélioration juridique du document, insérant dans chaque contrat une stipulation pour toutes les circonstances concevables. Si cette amélioration s’accroît durant la période tardive et la période ptolémaïque, il n’en résulte pas un changement de l’objet du contrat, Y. MUFFS, 2003, p. 165.

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en est satisfait » l’est également dans le P. Berlin 13571 de 591 et provenant d’léphantine345. Présente dans des actes égyptiens dès la première moitié du VIIe siècle, la formule de quittance « mon cœur est satisfait » et ses variations346 sont probablement empruntées par les Judéens d’léphantine, qui l’intègrent à leurs conventions matrimoniales347. La polysémie du terme « cœur » dans les pensées égyptienne et judéenne met au jour une notable similarité348, qui joue le rôle de conscience, exprime l’état d’esprit et la pensée, et expose, tant dans les contrats d’léphantine qu’égyptiens, la satisfaction devant l’accomplissement des échanges financiers et de leur motif. La formulation subjective à la première personne employée dans les documents en araméen et en démotique partage la notion de quittance, de même que l’expression de l’acceptation de la concrétisation de l’union. Les apports de l’épouse égyptienne donnent lieu à cette affirmation prononcée par le mari dans les contrats et la réception du shep n’est jamais attestée par l’épouse. Peut-être n’a-t-elle pas la même importance, ni conséquence. Dans les conventions d’léphantine, les hommes énoncent cette formule après versement du douaire et de la dot, qui sont seules parties à ces contrats et non la promise. Pour les documents démotiques, la présence de cette modalité est probablement la nécessité d’une certitude acceptée par le mari lors d’une possible séparation, et la protection de la femme dont il n’est pas possible alors de contester ses apports au moment de les lui rendre. Pour les documents d’léphantine, la phrase prononcée après l’indication du paiement du douaire manifeste l’accord parental pour l’union, et celle

345

B. MENU, 1988, p. 173-174. La clause de satisfaction joue le rôle de reçu-quittance, K. SETHE et J. PARTSCH, 1920, p. 262. E. SEIDL, 1956, p. 49 et E. CRUZ-URIBE, 1985, p. 44-45, voient dans cette modalité l’expression de la confirmation de l’accord oral. 347 Les formules légales d’léphantine peuvent être analysées comme composites, B. A. LEVINE, 1975, p. 46. 348 Siège de l’intelligence, de la pensée, de la compréhension et du jugement (Pr 19, 8), instrument de l’étude (Eccl 1, 16-17 ; 2, 15) et de la connaissance (Pr 17, 16), le cœur est également associé à la méditation, la moralité, l’esprit. Il contrôle la mémoire (Pr 4, 21) et peut être relié à des aspects négatifs (Pr 17, 16 ; Za 7, 9-10 ; Jr 5, 23-24 ; 5, 28-29). Son rôle paraît clairement lié à la raison, l’éthique, la capacité de juger et celle de gouverner (Pr 8, 5 ; 16, 23 ; 19, 8 ; 1 R 3, 9. 12), R. NORTH, 1993, p. 592 ; 2000, p. 69. N. SHUPAK, 1995, p. 297-311. M. O’ROURKE BOYLE, 2001, p. 401-427. En gypte, le cœur est considéré comme l’organe central, le siège de tous les sentiments et facultés, celui de la mémoire, de la raison dont il peut être synonyme, de la sagesse, de l’instruction et de l’intelligence. Il sait, pense, prévoit et exécute. L’activité intellectuelle en dépend, A. PIANKOFF, 1930, p. 52. L’auteur propose également un index des expressions formées avec le mot « cœur ». 346

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figurant après la description de la dot renferme le même objet de protection que dans les actes démotiques349. Les stipulations économiques et financières, le principe de garantie Affirmant qu’Esor n’est pas autorisé à détourner librement ses biens et propriétés de Mibayah, sous peine d’une indemnité de 20 karshs, une autre stipulation de leur convention garantit : wl kl [hn]tr nksy wqnyny mn mpyh whn hdt hmw mnh [lqbl spr (znh) lhn] ntn lmpyh [ks]p krn 20 bbny mlk, « Et je ne pourrai pas sous[traire] mes biens et mes propriétés de Mipayah. Et si je les soustrais d’elle [selon (ce) document] je donnerai à Mipayah [de l’argen]t 20 karshs à l’étalon du roi » (B2.6 35-36). L’épouse doit donc, dans le mariage, participer à l’aliénation des biens de son mari quels qu’ils soient350. Et si son désaccord n’annule pas l’opération, la lourdeur de la pénalité imposée doit jouer le rôle de protection. Cette exigence trouve un parallèle dans les contrats égyptiens avec l’« argent pour devenir une épouse » et le « document d’alimentation », où le mari met la totalité de ses biens en garantie de l’entretien annuel de la femme. Cette interdiction prohibant de soustraire unilatéralement ses biens constitue probablement une sorte de mise en garantie de ses avoirs par Esor pour l’entretien de son épouse, qui entraîne l’impossibilité de les céder sans son accord et le paiement d’une lourde indemnité dissuasive. Certains des contrats démotiques le prévoient, puisque, en effet, le mari peut mettre en garantie une partie ou la totalité de ses biens afin d’assurer ses obligations économiques envers son épouse, dépendant de son accord pour disposer de ses biens. Concernant les personnes intéressées par la mise en garantie de ses biens par l’époux, tant pour la subsistance de son épouse que pour prévoir l’obligation de lui rendre ses biens en cas de séparation, cet engagement est constaté dans un unique contrat avec shep, dans les conventions matrimoniales avec l’« argent pour devenir une épouse », et celles avec « document d’alimentation351 ». Dans le premier (P. Louvre 2433 3), la stipulation affirme : ntj nb nkt nb ntj mtw=j n n ntj ἰw=j r dj.t ḫpr=w n t ἰw.t n md nb ntj nb ntj rj -tw=-j ἰr n=t r .ṱ=w, « Tout et chaque chose que je possède et que j’acquerrai est une garantie pour chaque stipulation cidessus jusqu’à ce que je prenne des mesures en ta faveur selon elles ». Dans les contrats avec l’« argent pour devenir une épouse », elle prend la forme suivante : n ntj nb mtw=j n ntj ἰw=j (r) dj.t ḫpr=w t ἰw.t n md nb n p 349

Y. MUFFS, 2003, p. 147. R. YARON, 1961, p. 52. 351 E. LÜDDECKENS, 1963, p. 321-323. 350

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s ntj rj, « Tout ce que possède et que j’acquerrai est une garantie pour tous les mots (le droit qui émane) du document ci-dessus » (P. Leyde 373a). Dans les conventions avec snḫ, son contenu précise : ntj nb ntj mtw=j n n ntj ἰw=j r dj.t ḫpr=w n t ἰw.t n pj=t snḫ ntj rj, « Tout ce que je possède et que j’acquerrai est une garantie pour (le remboursement de) ton snḫ cidessus (mentionné)352 » (P. Oriental Institute 17481 2-3/Chicago Hawara 1)353. Le contenu de ces stipulations reste très proche, et la divergence s’inscrit dans l’objet défini par le contrat. Un engagement complémentaire envers l’épouse peut être avalisé par le père du promis : sp p ḫtmw-ntr wjt nḫ … pj rj  mw.t=f T.nt-Imn ntj rj r dj.t ἰr=f n=t p s snḫ ntj rj mtw=f ἰr.t n=t pj=f hp, « Reçois le Chancelier divin embaumeur mentionné ci-dessus Onkh-… mon fils aîné sa mère est Taamun, qu’il puisse accomplir le document d’alimentation cidessus mentionné pour toi et qu’il puisse remplir ses obligations pour toi » (P. Oriental Institute 17481/Hawara 1) et ajoute : « Fais tout ce qui est mentionné ci-dessus, mon cœur en est satisfait ». Une telle affirmation est assurée dans d’autres « contrats d’alimentation » (P. British Museum 10591), où le père confirme l’assurance de sa garantie354. En outre, dans le cadre des conventions avec « document d’alimentation », un acte de paiement, le : s (n) db d, peut être inséré dans le même papyrus ou dans un autre, qui inscrit une date355, des témoins et le nom du scribe. Dans cet écrit, le mari déclare à sa femme qu’il lui a vendu la totalité de ses biens, en garantie, sans que le transfert de propriété ait lieu : « Tu as satisfait mon cœur avec l’argent pour tout et chaque chose que je possède et que j’acquerrai…, t’appartient, de ce jour ci-dessus (mentionné) » 352

Dans le P. British Museum 10594, le mari donne également en garantie ses propriétés pour l’entretien de la femme : ntj nb ntj mtw=j n n ntj ἰw=j dj.t ḫpr=w

t ἰw.t nj=t ḏ.w pj=t ḳ bs ntj rj n.w -tw=j m=t n.ἰm=w, « Tout et chaque chose que je possède et que j’acquerrai est une garantie pour ton argent et ton entretien et vêtements, qui sont (écrits) ci-dessus, jusqu’à ce que je t’ai payée intégralement ». 353 Cette formulation est attestée dans les contrats P. Michigan 4526A I ; P. Louvre 2347 ; P. British Museum 10591 IV 21… 354 J. H. JOHNSON, 1994a, p. 123, n. 44. 355 Cet acte peut être écrit le même jour que le contrat : P. Setne et Setne ; P. Michigan 4526A I et 4526A II ; P. Karara I et Karara II. Il peut être écrit un autre jour : P. Leyde 381. D’autres ne sont pas connus : P. Oriental Institute 17481/Chicago Hawara 1 ; P. Bibl. Nat. 219. Les deux sont fusionnés dans le P. Michigan 347. Le P. Louvre 2429b serait un : s (n) db d, appartenant à un : s n snḫ. Dans cet acte, le mari reconnaît avoir reçu l’argent de l’achat de la totalité de ses avoirs, aucun snḫ n’est mentionné, mais seule figure la stipulation par laquelle la femme s’engage à prendre soin de son mari durant sa vie et après sa mort.

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(P. Bibl. Nat. 224). Puis, il s’engage à dresser tous les actes habituellement rédigés à propos des biens en question356 et à écarter toute personne qui voudrait, à leur propos, ester en justice contre elle. La propriété des biens mis en garantie reste entre les mains du mari qui peut les administrer, mais non en disposer. Par principe, lorsqu’il s’est ainsi engagé, l’aval de son épouse est nécessaire pour en disposer357, quand bien même le droit de propriété ne lui est pas transmis. Aussi, dès la XXVIe dynastie, divers contrats font-ils apparaître une troisième partie, laquelle en général possède des liens de famille avec le débiteur. Soit elle affirme qu’elle n’est dotée d’aucun droit sur les biens évoqués, soit elle assure garantir les obligations du débiteur. L’accord peut comprendre un acte qui porte l’appellation : s n wj, « écrit d’éloignement » ou bien une garantie ou déclaration d’adhésion insérée dans le contrat358. Le garant est désigné par le terme : p dr.t359. Ce membre de la famille affirme qu’il est « loin » de la chose en question, et qu’il ne s’ensuivra aucun litige concernant un titre ou une plainte possible (P. Rylands 2), renonçant ainsi à ses droits360. Celui, 356

Tous les documents ayant appartenu aux précédents propriétaires sont joints afin de faire preuve et transmis à l’acquéreur du titre, ainsi, par exemple, les P. Philadelphie I-III, VII, XIII, XVI, XIX, XXIII. 357 S. ALLAM, 1977, p. 92 s. ; P. W. PESTMAN, 1961, p. 134. 358 Dans le P. Rylands 2 (284), le mari transmet l’intégralité de ses biens à son épouse afin qu’elle prenne soin de lui avant et après sa mort. Quelques mois après, il se trouve obligé de donner sa maison en garantie pour un emprunt à son créancier. Cette maison fait partie des biens offerts à l’épouse. Celle-ci assiste à l’accord donné, et sa déclaration est insérée dans dans le contrat. Elle renonce à ses droits sur la maison par un document de non-titre. Par ailleurs, le P. British Museum 10075 transmet un exemple de garantie. Trois frères et une sœur vendent la propriété de leur mère. Son époux, en donnant son accord, accepte les mêmes obligations en tant que débiteur, et le créancier peut réclamer à ces cinq personnes le montant de la dette. Tant le débiteur que celui qui donne son consentement seraient responsables du tout, P. W. PESTMAN, 1961, p. 129 s. Il ne s’agit pas d’une garantie, mais d’un accord se rapportant à un futur contrat sur sa propriété. Cet accord serait nécessaire puisque ce bien lui aurait appartenu auparavant et qu’il y aurait encore quelque intérêt de propriétaire selon E. A. E. JELINKOVA, 1957, p. 45-55 et 61-74. 359 W. ERICHSEN, 1954, p. 500 et 643. Celui qui donne son consentement est appelé « caution » dans le P. Leyde 370 (de 127), A. F. BOTTA, 2009, p. 145 s. Dans le P. Rylands 1 et le P. Louvre 10935, le fils du vendeur d’une charge de prêtre officie en qualité de scribe de l’acte établi à cette occasion. Aussi, implicitement perd-il ses droits, P. W. PESTMAN, 1961, p. 131. 360 Quatre documents, de 275, évoquent ces deux modes. Une dame vend sa maison et, à cette occasion, ses deux fils doivent donner leur accord. L’un d’eux déclare son adhésion sur l’acte et le second sur l’« acte d’éloignement » (P. Louvre 2437, et 2434). Puis, ils changent d’avis et contestent le droit de l’acheteuse. Après avoir esté en justice, cette dernière obtient, à ce qu’il semble, gain de cause (P. Louvre 2424 de 267 ; P. British Museum 10026 de 265), S. ALLAM, 1977, p. 94-95.

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ou celle, qui l’abandonne renonce également au même droit pour les membres de sa famille. Si l’époux vend ses biens en garantie ou les aliène d’une autre façon sans le consentement de ceux qui bénéficient d’un droit sur ce/ces avoirs et si ces derniers contestent cette vente, l’acheteur ne peut acquérir le bien361. S’ils donnent leur accord, l’opération est valide, mais s’ils n’ont pas renoncé, ils sont dotés d’un droit de veto, et l’acte peut être annulé à leur demande. Par ailleurs, une garantie dont l’objet diffère est assurée dans un contrat avec shep, où un mari s’engage à transférer son patrimoine à sa femme s’il en divorce (P. Louvre 7846), et établir un nouvel acte en remplacement du précédent, peut-être en raison de la naissance d’enfants. Les obligations conjugales Les documents d’léphantine n’en font guère mention. Mais, parmi les contrats de mariage, celui de Yehoyima et d’Ananyah (B3.8) prévoit une clause particulière dont le contenu apparaît dès l’abord mystérieux. Elle nous apprend que le mari s’engage ainsi : w’p l’ ykhl nnyh wl’ ybd dyn [dh] wtrtyn mn ny knwth ly[h]wym ntth whn l ybd kwt nh [hy ] yhbd lh dyn nh, « Et de plus Ananyah ne pourra pas ne pas accomplir la loi d’[une] ou deux de ses “consœurs” épouses envers Ye[ho]yima sa femme, et s’il ne le fait pas [c’est] la loi de la haine » (B3.8 37-38), sous peine de divorce. La même règle s’impose à son épouse : w’p [l]’ tkhl yhwy wl’ tbd dyn d w[t]ryn lnnyh blh whn l tbd lh nhy, « Et de plus Yehoyima ne pourra [p]as ne pas accomplir envers Ananyah son mari, la loi d’un ou [d]eux (des maris de ses compagnes), et si elle ne le fait pas pour lui, (c’est) la loi de la haine » (B3.8 39-40), signifiant ainsi qu’il se doit de la traiter comme il est de coutume et réciproquement362. La

361

À la question de savoir comment l’acheteur peut être informé que le vendeur est marié et s’il a donné ses biens en garantie, ou bien s’il y a des ayants droit, le plus souvent, ces actes ont lieu dans une petite communauté, parfois même dans le cadre de la famille. Il peut, en outre, demander au vendeur une attestation attestant qu’il est libre de céder sa maison, ou bien encore demander aux personnes qui pourraient avoir un titre d’assurer qu’elles n’en possèdent pas et ce, afin d’exclure tout risque, P. W. PESTMAN, 1961, p. 141. 362 R. YARON, 1961, p. 61. Cette clause se référerait au refus des droits conjugaux, H. L. GINSBERG, 1954, p. 159. Il s’agit du refus du devoir conjugal selon H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 2001, p. 71. Cet euphémisme se rapporte à la cohabitation, J. J. RABINOWITZ, 1956, p. 58. Par ailleurs, le scribe emploie un modèle tripartite connu des textes bibliques, qui présente l’acte, puis sa définition et, enfin, ses conséquences, dont les textes de Nombres et de Lévitique sont les témoins (Lv 20, 14), R. YARON, 1961, p. 110-113.

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double négation a été généralement comprise comme une obligation363. Si on peut voir un rappel du devoir conjugal dans cette disposition, peut-être estelle plus complexe. Cette modalité, qui adopte un contenu exprimé différemment dans les contrats démotiques, pourrait, en outre, évoquer une obligation d’assistance mutuelle, de fidélité et d’entretien entre les époux dans le cadre de leur mariage, dont le parallèle est attesté en gypte et en Juda364. Les obligations du mari isarélite sont essentiellement connues par le texte d’Exode 21, 10-11, qui prescrit de ne pas priver l’épouse de nourriture, d’habillement et d’huile/onguent365, et celui d’Osée 2, 7 qui en propose une liste à peine plus complète et prévoit le pain et l’eau, la laine et le lin, l’huile et les liqueurs. En parallèle, le contenu des Proverbes, le plus ancien des textes de sagesse, propose, dans son dernier poème, une image noble de la femme-mère, son modèle (Pr 31, 10-31) et dépeint les qualités morales de sagesse, de bonté et de générosité de l’épouse parfaite, plus précieuse que les perles, qui travaille au bonheur de son mari, en qui il a toute confiance, et son rôle, car elle conduit la maison afin de la rendre prospère366. Cet enseignement d’une mère à sa fille l’instruit de son rôle de sage épouse qui construit sa maison et, ce faisant, devient le centre nécessaire aux commandes de la famille367. Femmes et enfants dépendent matériellement et socialement du chef de famille, mais divers récits confirment l’activité du tissage et une possibilité de prise en charge 363

Ibid, p. 108. R. YARON, 1960a, p. 70 ; B. PORTEN, 1968, p. 224 ; P. GRELOT, 1972, p. 237. 364 B. MENU, 2001, p. 22 ; S. ALLAM, 1996, p. 204-206. 365 Il s’agirait du logement selon J. A. WAGENAAR, 2004, p. 229. Les « droits conjugaux » ne sont jamais mentionnés dans aucun document du Proche-Orient ancien. En outre, le sens du terme nth, « huile », découle, d’une part, de son attestation dans les formules cunéiformes traditionnelles (lois d’Eshnuna 32, Code d’Hammourabi §178…) et, d’autre part, dans des passages bibliques tels Os 2, 7 et Eccl 9, 8. En outre, dans le TB Ketouboth 47-48a, plusieurs rabbins confèrent afin d’interpréter autrement cette expression, S. M. PAUL, 1969, p. 50-52. Il serait possible que ce troisième terme signifie « huile », puisqu’elle sert à de nombreux usages (médecine, onguents, parfums, repas, lumière) et joue un rôle important dans la vie économique. D’autres alternatives de sens sont possibles, qui évoqueraient l’habitat, un onguent, une réponse. Mais, bien qu’il soit un hapax legomenon, le mot nh, largement attesté, signifierait « ouvert » et se rapporterait aux relations sexuelles selon E. LEVINE, 2000, p. 104-127. 366 Elle représente la personnification de la sagesse. En outre, Pr 4, 5-9 serait à interpréter comme une image des relations dans l’union, C. V. CAMP, 1985, p. 9394. 367 A. BRENNER et A. F. VAN DIJK-HEMMES, 1993, p. 129.

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matérielle par certaines femmes (Ex 35, 25 ; 1 S 28, 24). La figure féminine de Proverbe 31 n’est pas que le portrait idéalisé d’un rêve, mais, par le biais de la vision de ces qualités, elle semble représenter un type de sagesse universel. Possédant l’esprit clair dont l’efficacité dans l’organisation de sa maison, elle démontre son intelligence et légitime son rôle d’inspiratrice. Cette image ne définit pas seulement la maison mais révèle également l’identité et la marque du monde extérieur, qui s’y enracine368. Cette vision est influencée par la perception d’Israël de la femme conseillère dont l’image est personnifiée par des héroïnes comme Abigaïl, la reine mère Jezabel (1 R 21), Athalie (2 Ch 22, 2-3) ou Rebecca (Gn 27). D’autres proverbes décrivent ses qualités et ses imperfections dans le cadre de la vie du couple et de la famille : ainsi, Proverbe 12, 4 affirme qu’une femme vertueuse est la couronne de son mari, tandis que Proverbes 21, 9. 19 et 27, 15 font redouter la vie avec une femme acariâtre. Ces textes populaires qui mettent en valeur les attentes d’un mari n’évoquent pas cependant celles de la femme369. Le texte d’Osée 1-3, apporte quelques rares compléments à ces visions tant féminine que masculine de la femme. Le prophète y célèbre sa représentation de l’union idéale, dans laquelle la femme doit se soumettre à son mari et lui rester fidèle afin d’éviter la naissance d’enfants étrangers370. Et Proverbe 5, 15-20 exhorte l’homme à la nécessaire réciprocité de la fidélité. La femme n’est pas seulement celle qui maintient la maison et la vie familiale, elle est aussi la source de son identité. L’épouse égyptienne bénéficie du droit à l’entretien par son mari pour la durée de leur union. Cette règle est attestée dès la XIIe dynastie (P. Prisse 15. 6). Dans certains actes de mariage, l’obligation en est affirmée, désignée par l’expression : k bs, « nourriture et habillement ». Dans les conventions matrimoniales avec douaire, elle est mise en lumière à compter de 315 jusque 169, à concurrence de 11 documents sur 20, dans celles avec l’« argent pour devenir une épouse » à compter de 260, et dans les « documents d’alimentation » à partir de 361. Mais, quand bien même cette règle ne figure pas au contrat, le mari y est obligé. Les conventions avec shep comprennent une clause en précisant le contenu. Les plus anciennes prévoient un entretien journalier comportant du blé, une certaine somme allouée pour les vêtements par an et de l’huile chaque mois371. Plus tardivement, la modalité évolue et adopte le contenu suivant : mtw=j dj.t n=t bt 72 t hn 40 r ἰt 48 t hn 40 bt 72 t hn 40 n ḏ 2 368

C. V. CAMP, 1985, p. 92-93. I. LJUNG, 1981, p. 45. 370 A. BRENNER et A. F. VAN DIJK-HEMMES, 1993, p. 168. 371 P. Rylands 10 de 315 ; P. Philadelphie XXIX (de 264) ; P. Louvre 2433 (de janv.févr. 252). 369

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ḳt 4 r sttr 12 r ḏ 2 ḳt 4 n n hn 24 tgm hn 24 r mw 48 r dj.t pj=t ḳ bs r rnp.t nb, « Et je te donnerai du blé (amidonnier ou épeautre)372 : 72 artabes (en jarres) de 40 hin, équivalent à 48 artabes (en jarres) de 40 hin d’orge, qui font : blé : 72 artabes (en jarres) de 40 hin à nouveau, et 2 (debens) et 4 kites d’argent, équivalent à 12 statères, qui font 2 (debens) et 4 kites d’argent à nouveau, et de l’huile n : 24 hin, de l’huile tgm ou ricin : 24 hin, qui font 48 (hin) de liquide373 afin de te donner ta nourriture et tes vêtements374, chaque année » (P. Caire 30601 2 de mars/avril 230)375. La conversion doit permettre d’éviter erreurs et falsifications. L’entretien inclut une certaine quantité de grains mesurés en artabes376, de l’huile n et de l’huile tgm, ricin, soit les deux377, par exemple 24 hin de chaque sorte (P. Berlin 3109378), et de l’argent. Le P. Louvre 2433 2 présente une variante, qui ajoute : ḳ bs pj=t ḏ n ἰr hj, « Ton alimentation, ton habillement et ton argent pour couvrir les dépenses » et confirme encore : mtw=j dj.t s n=t r rnp.t nb, « Et je te les donnerai chaque année ». Cette stipulation précisant le contenu de l’entretien annuel est suivie d’une clause où le mari s’engage à nouveau et répète : « Et je te les donnerai » (P. Louvre 2433 2-3). L’argent de poche peut être ajouté plus loin dans le document (P. Philadelphie XIV). L’argent versé peut être divisé en deux groupes, dont l’un est le ḏ et l’autre le ḏ n ἰr hj, « argent pour couvrir les dépenses » (P. Louvre 2433 2). Une autre clause peut préciser que la dotation prévue sera portée dans la maison choisie par 372

Cette sorte de grains n’est plus employée durant la période ptolémaïque, mais l’appellation perdure dans les conventions matrimoniales, P. W. PESTMAN, 1961, p. 148. Par ailleurs, la conversion utilise la proportion : bdt ou boti : ỉt = 3 : 2. 373 Dans les contrats : P. Caire 30601 ; P. Berlin 3109 ; P. Piladelphie XXV ; P. Berlin 3075 ; P. Berlin 3145 ; P. Turin 2129 ; P. Bibl. Nat. 236, deux sortes d’huile sont fournies et leur quantité calculée sous l’appellation : liquide ou mw. 374 Cette expression figure dans les contrats : P. Rylands 10 ; P. Philadelphie XIV ; P. Louvre 2433 ; P. Berlin 3109 ; P. Philadelphie XXV ; P. Berlin 3075 ; P.Berlin 3145 ; P. Turin 2129. 375 Cette clause est attestée dans les contrats : P. Philadelphie XIV ; P. Louvre 2433 ; P. Caire 30601 ; P. Berlin 3109 ; P. Philadelphie XXV ; P. Berlin 3075 ; P ; Berlin 3145 ; P. Turin 2129 ; P. Bibl. Nat. 236. 376 Par ailleurs, la conversion de blé en orge n’est pas toujours exacte, ainsi le P. British Museum 10591 VI 21 indique-t-il : « 125 bdt = 831/2 ỉt », P. W. PESTMAN, 1961, p. 33, n. 5. Dans deux contrats, le P. Turin 2129 et P. Bibl .Nat. 236, le sw (blé) remplace le boti ou quelque chose de cuit donné par jour par quantité de 3, 4 ou 6. La valeur d’une artabe de bdt équivaut à 2 drachmes, ou 0,1 deben d’argent, et 1 artabe de sw équivaut à 0,21 deben d’argent. 377 L’huile n servait d’onguent et l’huile tgm était destinée aux activités culinaires, P. W. PESTMAN, 1961, p. 147. 378 Ibid., p. 147. Le hin varie de 0,4028 à 0,534 litre. La moyenne adoptée est donc de 0,46 litre, R. A. PARKER, 1940, p. 85-9. Une autre moyenne est également proposée, équivalente à 0,48 litre, S. ALLAM, 1972, p. 380.

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l’épouse : mtw=j dj.t st n=t r p .wj ntj ἰw mr=t s, « Et je te les donnerai dans la maison qu’il te plaira » (P. Caire 30601 2). Cet engagement économique et financier peut être confirmé par une formule plus générale : mtw=t ntj nṱ r t wḏ.t n pj=t ḳ bs pj=t ḏ n ἰr hj ntj ἰw=s r ḫpr r .wj=j mtw=j dj.t s n=t, « Tu es celle qui a droit concernant l’obligation de ton alimentation, ton habillement et ton argent, pour couvrir les dépenses qui seront à ma charge. Et je te les donnerai » (P. Louvre 2433 2-3). Parmi les contrats avec versement de l’« argent pour devenir une épouse », certains inscrivent également la fourniture par le mari de quantités de grains de blé379 en artabes de hin convertis en orge et parfois une somme d’argent pour son entretien annuel. Un contrat, lacunaire, enregistre 18 hin des deux sortes d’huile  et tgm, et promet les toilettes annuelles dont les mesures sont précisées : 36 t hn r ἰt 24 bt 36 t hn n bs… 3 tn m 6 r ḳj 4 wsḫ, « [orge] : 36 (artabes) (en jarres) de (40) hin, équivalent à 24 artabes d’épeautre, 36 (artabes) (en jarres) de (40) hin à nouveau , 3… robes d’une longueur de 6 coudées sur 4 de largeur (P. Bryce 3) . La convention peut prévoir deux versements d’argent à l’épouse, dont le premier est défini comme son argent de poche, et le second est destiné à payer ses vêtements (P. Leyde 373a 5). Le montant versé est inférieur à celui des contrats avec shep, et sa valeur va de 0, 25 à 1, 2 deben d’argent. L’entretien est aussi prévu dans les « contrats d’alimentation » et comporte de 35 à 72 artabes de blé de 40 hin380, de 1, 2 à 3, 8 debens d’argent et de l’huile. Ainsi le P. British Museum 10594 prévoit-il 52,5 artabes de blé (amidonnier ou épeautre) et 1 deben, 24 hin d’huile n, tandis que le P. Oriental Institute 17481/Chicago Hawara 1 ne prévoit que 36 artabes (en jarres) de 40 hin, 1 deben et 2 kites, sans huile. Son importance et son contenu varient selon les contrats et les moyens du mari et de l’épouse. Néanmoins, la valeur de l’entretien est souvent supérieure à celle des autres catégories de documents. Une stipulation peut affirmer que l’épouse a droit aux arriérés en cas de retard de paiement : mtw=t ntj nṱ r t w.t n pj=t ḳ bs ntj ἰw=s r ḫpr .wj=j r ἰbt nb r rnp.t nb, « Tu as droit aux arriérés de ton alimentation et ton habillement qui viendront à ma charge mensuellement et annuellement » (P. Caire 30601 2)). Impératif pour la durée de l’union dans les contrats avec shep381, l’entretien l’est également jusque sa dissolution ou après 30 jours si le mari

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P. W. PESTMAN, 1961, p. 148. Le P. British Museum 10591 VI 21 prévoit un entretien plus important de 125 artabes de boti et 5 debens d’argent. 381 Les contenus diffèrent selon chaque document ; ainsi, le P. Turin 2129 ne mentionne pas d’argent, le P. Bibl. Nat. 236 en spécifie : 350 debens et 1/3 + 1/8 d’unité d’or. Le premier comprend un engagement pour une quantité de blé de 24 380

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n’a pas remboursé à l’épouse l’« argent pour devenir une épouse », et dans les « contrats d’alimentation » jusqu’au moment où le mari s’est acquitté du règlement de la somme versée à ce titre. Quand bien même ces obligations ne sont pas stipulées dans une convention, le mari y est tenu. Les contrats avec shep renferment la clause d’entretien uniquement durant un siècle et demi et exclusivement à Thèbes, témoignant ainsi combien son contenu est dépendant de coutumes locales. Au-delà des obligations matérielles imposées dans les contrats, peu sont connues qui se rapportent aux droits et engagements réciproques des époux. Toutefois, des informations concernant leur observation ou les conséquences du contraire sont transmises par certains documents. Ainsi, les grandes lignes du comportement quasiment idéal d’un conjoint envers son épouse sont largement exposées dans la longue missive d’un époux à sa femme défunte (P. Leyde 371 24, XIXe dynastie). Lui remémorant qu’il l’a épousée jeune et ne l’a pas abandonnée alors que sa situation sociale évoluait, il souligne combien il a pris soin de ne pas l’affliger et n’a pas eu de relations extra-maritales. Il ajoute encore qu’il n’a pas permis que leurs acquêts soient dérobés, lui a fourni son huile, son pain et ses vêtements, ne l’a pas déçue, l’a faite soigner alors qu’elle était souffrante, assurant qu’elle ignore les bienfaits dont il l’a comblée382 ! D’autres informations sont transmises dans la suite du courrier qui menace l’épouse d’un jugement devant les dieux si elle ne cesse de le tourmenter ! Certaines des exigences se rapportant à la conduite de l’époux sont également exposées dans deux ostraca rapportant un serment (O. Bodleian 253 de la XXe dynastie ; O. Varille 30 des XVIIIe-XXe dynastie). Dans le premier, le mari est menacé de 100 coups de bâton et de la perte de sa part des acquêts s’il traite à nouveau son épouse injustement383. La réciprocité de artabes, le second de 18 artabes. Le P. Turin ne mentionne aucun entretien, P. W. PESTMAN, 1961, p. 150, 193. 382 P. W. PESTMAN, 1961, p. 54-55 ; A. H. GARDINER et K. SETHE, 1928, p. 8-9 ; S. SCHOTT, 1950, p. 150-151. A. H. GARDINER, 1930, p. 19-22, livre dans « A New Letter to the Dead » le contenu d’une missive, qui constitue un appel à son père défunt par celui qui l’a écrite, afin d’obtenir une descendance mâle. Un autre courrier évoque l’appel à l’aide d’une mère, du nom de Merti, à son fils disparu, lui demandant d’intercéder et de porter plainte devant un tribunal divin, alors que son accusateur l’a menacée de même. Une telle action provoquerait la colère divine sur Merti et ses enfants. La lettre est une mesure préventive, A. PIANKOFF et J. J. CLERE, 1934, p. 157-169. 383 Le texte du serment est le suivant : « Par la vie d’Amon et par la vie du souverain, si je me dédis pour injurier dorénavant la fille de Tinermontou, je serai passible de 100 coups, en étant privé de tous les acquêts que j’aurai réalisés avec elle », J. ERNY, 1937-1938, p. 47. Ce verbe nṯ pourrait signifier « quitter », « abandonner », et non pas « injurier », et, dans ce cas, il signifierait « dénoncer un

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l’entretien semble attestée par un courrier (O. Prague 1826), envoyé par une jeune femme à sa sœur, lequel évoque les menaces de divorce de son mari à moins que le couple ne reçoive plus d’aide matérielle de sa famille. On ne sait si les assertions de l’époux rapportées dans ce document affirmant que chacun reçoit de la bière et du poisson journellement sont exactes, et il semble étonnant qu’un artisan de Deir el-Medineh dépende de la sœur de son épouse pour son entretien384. Les diverses sagesses commentent également l’union et ses divers aspects. L’Enseignement de Ptahotep (Maxime 18, 21) ne manque pas de recommandations décrivant l’idéal conjugal, dont la première est, pour le mari, d’aimer son épouse ainsi qu’il se doit et de la rendre heureuse tout au long de sa vie. Le texte instruit contre l’adultère (Maxime 18) et la séparation. L’Enseignement d’Ani (16, 13-17) le considère comme un crime passible de la peine capitale. Et Onkhsheshonqy385 (23, 7) menace l’homme coupable d’être assassiné sur le seuil de la maison de la femme. Pour autant, il semble donner à entendre que, si une femme est adultère, son mari est également à blâmer en raison de son attitude ou de sa personnalité (20, 19 ; 28, 5). La norme littéraire implique la peine de mort pour l’adultère386. Mais une distance sépare textes de sagesse, récits et affaires légales présentées au tribunal. En pratique, il résulte de ce désordre social une réaction de l’opinion publique387, un divorce. Les contrats de mariage prévoient parfois qu’en cas de « grand péché » de la part de la femme, celle-ci perd certains de ses droits financiers. Aussi la femme prête-t-elle un serment par lequel elle

contrat de mariage ». Le père ferait ainsi promettre par serment à son gendre de ne pas divorcer de sa fille, W. A. WARD, 1963, p. 430-432 ; S. ALLAM, 1973, n° 18 et 257. 384 S. ALLAM, 1973, n° 249 ; A. G. MCDOWELL, 1999, n° 16. 385 S. A. K. GLANVILLE, 1955 ; H. J. THISSEN, 1984 ; M. LICHTHEIM, 1980. 386 Une fable rapporte que le Pharaon ordonne que la femme adultère soit brûlée et ses cendres jetées dans la rivière, tandis que son amant est la proie d’un crocodile (P. Westcar 1, 17-4, 17). Le Conte des deux frères rapporte la mort de la femme d’Anubis jetée aux chiens, qui a tenté de séduire son frère et l’a accusé faussement, C. J. EYRE, 1976, p. 103-114. 387 Une lettre rapporte la relation adultère d’un homme marié durant huit mois avec une femme dont le nom n’est pas transmis. Des personnes de son entourage, indignées, s’apprêtent à la frapper mais sont arrêtées par un intendant. Dans un message, il exprime ses doutes concernant la conduite de la femme et presse l’homme d’aller en justice avec sa propre épouse, soit afin d’obtenir le divorce, soit pour parvenir à un accord. S’il n’agit pas ainsi, ce sera à ses risques et périls, car l’intendant n’arrêtera plus la foule, J. J. JANSSEN, 1988, p. 134-137.

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affirme qu’elle n’a pas eu de relation avec un autre homme durant le mariage388. L’huile partagée par les deux époux est également citée dans le Chant du harpiste389 (1 10). Si les sagesses enseignent que l’homme doit amour et soins à son épouse, il doit aussi se montrer ferme envers elle390. Aussi Ptahotep insiste-t-il sur la nécessité de la maintenir dans la maison et de l’écarter du pouvoir de décision. D’autres préceptes définissent le comportement à adopter envers la femme dans le cadre de la maison. La conduite idéale consiste à ne pas la contrôler et/ou la commander (Enseignement d’Ani 22, 5-6391), à ne pas la surveiller alors que son efficacité est connue (22, 1), ni à la tracasser (22, 7), mais à apprécier sa présence, et le bonheur qui en est le corollaire ! L’organisation et la gestion de la maison sont laissées à l’appréciation de la femme tandis que le mari est tenu de se préoccuper de sa carrière (Enseignement d’Ani 22, 7-10). Ainsi, la femme égyptienne, lorsqu’elle s’est mariée, est désignée par le titre le plus usuel, attesté de l’Ancien Empire à la période ptolémaïque, celui de : nbt pr, « maîtresse de la maison392 ». Il exprime son rôle et sa domination journalière sur la maison dont elle a la charge393, et le statut correspondant ne fait pas référence à un homme. La conséquence du rejet de cette obligation, dans les contrats des Judéens d’léphantine, qu’est l’application de la loi « de la haine » ou divorce souligne l’aspect fondamental de ces règles entre époux. Ce devoir, à la charge de chacun des deux époux et qui nécessite de lui venir en aide par des soins, un appui matériel et moral, une fidélité réciproque, définit le fonctionnement du couple. L’inscription de cette clause immédiatement 388

Il se peut que le « mari enragé » assassine l’homme adultère. Mais il ne peut attendre de compensation matérielle par un recours auprès d’une cour de jutice locale, C. J. EYRE, 1985, p. 96 s. 389 C. LALOUETTE, 1984, p. 227s. 390 M. LICHTHEIM, 1983, p. 48-54. 391 P. VERNUS, 2001p. 253. 392 Ce titre est déjà attesté sous l’Ancien Empire, son emploi perdure jusque la période ptolémaïque. Au Nouvel Empire, toute femme de la famille le porte. Il désigne aussi la femme mariée d’une union légale, une femme âgée dans un foyer indépendant, un titre générique et peut-être un statut élevé. Pour autant, il figure essentiellement dans des contextes monumentaux et littéraires. Par ailleurs, l’expression « être une femme » mentionne un état de fait. Employée dans des textes de nature légale, elle est un moyen d’identification et, par conséquent, permet de faire reconnaître les droits et/ou les réclamations (P. Salt 124, r° 2, 2 ; O. Nash 1, v° 9-10). La femme est identifiée comme la m.t d’un homme nommé, J. TOIVOIRIVITALA, 2001, p. 15-18, p. 72-74. 393 Ce titre est porté par les femmes de toutes positions selon A. W. WARD, 1986, p. 24 ; P. W. PESTMAN, 1961, p. 54.

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après l’interdiction de prendre un autre mari ou une autre femme, qui renvoie à la prohibition du divorce par consentement mutuel, prend alors encore plus de sens. Elles encadrent le couple d’un ensemble juridique pour lui transmettre force et durée. Tant la femme que l’homme jouissent des mêmes protections. Pour autant, tous les contrats ne renferment pas cette clause, aussi son contenu est-il peut-être sous-entendu, de même que ses conséquences. Le contenu d’Exode 21, 10 et de Proverbe 31, 10-31 semble complémentaire. Le premier, expression de la loi, définit l’impératif économique minimal du mari envers son épouse, qui est l’équivalent de l’engagement matériel auquel est tenu le mari égyptien dans les conventions matrimoniales. Néanmoins, par le truchement de Proverbe 31, 10-31, qui dépeint le rôle et la responsabilité de la femme, une sorte d’obligation réciproque d’entraide est affirmée. L’époux égyptien se voit imposer une obligation d’entretien qui ne semble pas toujours mutuelle394, et les recommandations ne manquent pas, qui dépeignent avec soin l’art de bien traiter son épouse. Celle-ci est dotée d’une pleine capacité juridique et en cas d’empêchement du conjoint, elle peut administrer ses biens, ceux de son mari et de la communauté. La loi de la haine Quelques clauses des conventions araméennes évoquent l’application de la : dn 395, « loi de la haine ». Elle apparaît dans un rôle de menace. Les modalités suivies de cet avertissement sont attestées dans le contrat de Yehoyima. La première se rapporte à la conséquence d’un accord entre les époux permettant de favoriser leur divorce afin que l’un d’eux se remarie aisément (B3.8 34. 37). L’application de cette loi en est le corollaire. La deuxième concerne la disposition évoquant le refus des droits conjugaux auquel s’ajoute l’obligation d’assistance et de fidélité (B3.8 3740). La « loi de la haine » peut se définir comme la conséquence s’appliquant à la non-observation des obligations établies dans le contrat et menant au divorce. Elle circonscrit le mariage par l’indication de limites clairement définies et sous-entend l’application des mêmes modalités que celles de la séparation et ses conséquences. Mais on ne sait si elle stipule le paiement d’une lourde indemnité, comme pour d’autres clauses. La stipulation du contrat s’appliquant à Yehoyima énonce l’affirmation suivante : ybdwn lh[ dyn ]nh, « ils lui feront [la loi de la hai]ne » (B3.8 394

B. MENU, 2001, p. 24. La formule : bd dyn, « faire selon la loi » est à mettre en parallèle, J. J. RABINOWITZ, 1957, p. 269-274. 395

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34), tandis que celle s’appliquant à ‘Ananyah est la suivante : y][d ]lh[ dy]n[ ]nh, « Il lui [fer]a [la l]oi de la [ha]ine » (B3.8 37). La tonalité est d’importance. Si ‘Ananyah est laissé devant sa responsabilité et son obligation, Yehoyima ne l’est pas. Visiblement, plusieurs personnes semblent concernées par cette action, dont probablement son mari et la concrétisation de la séparation fait intervenir des tiers sans plus de précision. La portée économique et financière de l’union s’impose comme fondement de l’établissement du contrat. Il résulte d’arrangements entre deux familles, dont il rapporte la mise en place. Ces dons, codifiés, signent l’agrément à l’alliance et la reconnaissance de nouveaux liens de famille. À léphantine, la donation matrimoniale vient répondre au contenu de la dot qui se compose d’argent et des biens personnels de la promise. Les échanges financiers liés à la concrétisation de l’union se limitent à la dot et au douaire. Les réalités financières et économiques sont également prégnantes dans les familles égyptiennes. La diversité des solutions apparaît dans les conventions matrimoniales et les familles peuvent choisir entre trois sortes de régimes matrimoniaux. Leur différence s’inscrit dans les apports de l’homme assurés dans un seul régime et ceux de la femme. Ils témoignent d’une certaine complexité dont le dessein recherche la protection de la femme et souffrent de nuances dans leur application pour la durée de l’union, et lors de la séparation. Leur spécificité consiste également à prévoir le sort des biens acquis dans et pendant le mariage et leur répartition usuelle entre les deux époux dont la femme bénéficie, en règle générale, à concurrence d’un tiers, quels que soient ses apports dans l’union. Le montant peu élevé du douaire dans les actes araméens et démotiques se révèle être tant expression concrète que symbolique de l’accord intervenu entre les deux parties pour la matérialisation de l’union. L’usage du douaire et de la dot est partagé par le monde biblique, et leur détail transmis également en diverses occurrences. Quel que soit le régime matrimonial prévu, la promise apporte sa dot. Le détail précis de ses apports dans les contrats égyptiens est mentionné pour la première fois en 364, mais, en raison du nombre peu élevé de contrats parvenus jusqu’à nous pour la période perse, on ne peut en déduire l’antériorité absolue de l’usage de l’énumération des biens apportés, dans les contrats araméens. S’affirmant comme le plus ancien connu, le régime avec paiement du douaire n’est pas systématique et sa valeur reste relative. Dans ce cas, l’épouse égyptienne reste intégralement à la charge de son mari pour son entretien. Portant leur propre définition, les apports de l’« argent pour devenir une épouse » et du « document d’alimentation » se voient attribuer

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une destination précise, et leur non-observation peut entraîner une action en justice. Dans ces deux régimes, spécifiques à l’gypte, témoins d’une certaine aisance du couple, les moyens matériels et la responsabilité de l’entretien sont transmis à l’époux et diverses garanties en limitent les dangers. Cet acte renvoie à l’image du rôle de l’homme dans le couple, sur qui pèse cette responsabilité. Si ces points prennent une part considérable dans la conclusion des accords araméens et démotiques, leur contenu varie en fonction des ressources des familles et/ou des personnes. Une certaine diversité de leurs moyens apparaît au regard du contenu des clauses économiques et du détail des biens apportés. Les apports matrimoniaux sont également représentatifs de leur statut et de leur rang396. Limités, les apports mis en lumière par les conventions matrimoniales soulignent d’autant l’absence d’autres biens, immobiliers ou pas, et qui demeurent la propriété personnelle du mari et/ou de l’épouse. Les références ne manquent pas tant chez les Judéens d’léphantine que chez les gyptiens. Chez les premiers, divers exemples l’attestent. Lors de l’union de sa fille, et lorsque la famille vit dans une certaine prospérité, le père peut offrir une demeure à sa fille (B2.3 ; B2.4 ; B3.7), qui n’est pas déposée dans la corbeille de mariage. Les biens immobiliers détenus par la femme n’entrent pas dans la communauté et demeurent sa propriété qu’elle administre seule. En outre, les biens apportés lors de l’union ne cessent pas de lui appartenir quand bien même son époux peut en disposer pour la durée de l’union. Ce même régime matrimonial de séparation de biens est attesté par les documents égyptiens, où seuls figurent la liste de la dot, le douaire ou les apports destinés à l’entretien de la femme, et où chacun conserve ses avoirs. Lorsque, à l’occasion de l’union de sa fille, le père lui offre une maison, ce bien demeure dans son giron (P. Rylands 9 9.15). Ces dons rituels que sont la donation matrimoniale et la dot scellent et symbolisent l’alliance dont ils sont le moteur. Initiaux ou pas, ils expriment par leur concrétisation le choix et la volonté de cette union, et la sollicitation de la participation de l’autre à cette réalité. Aucune équivalence entre les échanges n’est assurée, qui tissent symboliquement des liens sociaux, pour lesquels ils sont la norme. En outre, le rôle de la confiance est

396

L’O. Berlin P. 12406 (r° 1-2) fournit un exemple des biens apportés par un ouvrier de Deir el-Medineh. Il décrit le contenu de la liste des biens offerts par le fiancé au père de la fiancée à l’occasion de son mariage. Elle comprend des produits d’alimentation, du pain, de la bière, parfois des grains, de la graisse. Ils seront remis sur une longue période à l’occasion de diverses fêtes, J. TOIVOIRI-VITALA, 2001, p. 62. Ces apports sont loin de ceux indiqués dans les contrats de mariage évoqués plus haut et probablement liés au statut social et à la richesse des contractants.

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indissociable pour matérialiser le nouveau lien397. Aussi l’alliance se concrétise-t-elle ainsi par un ensemble de rites sociaux à valeur symbolique et matérielle, que sont les accordailles, la prestation du serment, les échanges financiers et économiques et la cohabitation, qui fondent une unité juridique. Par ailleurs, dans l’union, la femme d’léphantine peut conserver, outre un droit de regard sur la gestion des biens communs, ceux apportés dans l’union, un droit sur les biens du mari. Elle peut donc, dans le mariage, participer à l’aliénation de tout bien de son mari398. Et si son désaccord n’annule pas l’opération, la pénalité imposée doit jouer le rôle de protection. Tout au long de son union, l’épouse égyptienne est également pourvue de ce même droit sur les biens patrimoniaux, permettant d’assurer les bases matérielles de l’union et de remplir les obligations lors d’une séparation éventuelle. Le mari peut ainsi mettre en garantie la totalité de sa fortune personnelle présente et future en qualité de sûreté pour la subsistance de sa femme. Parfois, ses parents, se portent garants de ses obligations. Tant àléphantine qu’en gypte, l’alliance entre un homme libre et une esclave ne semble pas différer dans ses principes de l’union d’un couple libre et les mêmes règles s’appliquent. L’apport de la dot, fût-elle modique, est également une règle à laquelle il n’est pas dérogé, quand bien même le paiement de la donation matrimoniale n’est pas attesté dans l’unique contrat parvenu. Et en dépit de la condition servile de l’épouse, le principe du régime matrimonial de séparation de biens s’applique. L’obligation conjugale affirme des principes réciproques d’assistance et de fidélité conformes également au contenu de l’exigence égyptienne et/ou biblique et le principe d’équilibre s’applique. Assurances et garanties des conventions organisent leur entretien et leur protection.

397 398

A. CAILLE, 2000, p. 19, 58, 198. R. YARON, 1961, p. 52.

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CHAPITRE III

RUPTURES

Elles peuvent adopter deux formes, dont la première se rapporte au veuvage peu documenté et la seconde au divorce, largement évoqué dans les conventions matrimoniales qui en prévoient le déroulement. L’ensemble des procédures à accomplir y est décrit et met en scène cet événement tant pour les femmes que pour les hommes. Les formalités juridiques et les obligations financières et économiques y jouent un rôle essentiel et sont organisées dès l’union. Si aucun acte de divorce de Judéens d’léphantine n’est parvenu jusqu’à nous, il est cependant probable qu’ils aient été établis afin de clarifier la situation juridique et sociale des époux. VEUVAGE Les informations relatives à cette situation proviennent essentiellement des contrats de mariage qui en retracent certains aspects économiques, et par la pétition adressée par Yedanyah et les prêtres d’Éléphantine à Bagohi, gouverneur de Judée, sollicitant l’autorisation de reconstruire le temple détruit, qui en décrit les rites funèbres (A4.7 20). Les clauses de veuvage des contrats intéressent la répartition des biens lors de la disparition du mari ou de l’épouse dans un couple sans enfant. Elles seront développées dans le chapitre sur leur transmission. Des nuances gèrent habilement ces situations pas toujours réciproques entre le mari et l’épouse. DIVORCE Initiateurs et causes de rupture L’un ou l’autre des époux peut en décider, et les contrats l’attestent, qui renferment deux clauses de divorce, dont l’une est consacrée au mari et l’autre à son épouse (B2.6 17-25). Le divorce est unilatéral quand bien même il est lié au désir des deux conjoints399. L’ordre de présentation de ces stipulations dans le document est variable et, dans certains, la modalité restituant la demande possible en divorce par la femme figure avant celle du mari (B2.6). Si l’ensemble de ces documents, y compris le contrat 399

R. YARON,1961, p. 56.

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d’usufruit (B2.4 8-9), évoque la « haine » comme raison subjective pour la séparation (B2.6 ; B3.3400), l’un d’entre eux (B3.8) ne manque pas d’ajouter des causes objectives, telles l’absence d’affection, d’assistance et de fidélité tant de la part du mari que de l’épouse (B3.8 37-40), ou le divorce par consentement mutuel prévu à l’avance (B3.8 33-34. 36-37401). Institution connue des textes bibliques, le divorce est évoqué dans diverses lois (Dt 22, 13-21. 28-29 ; Nb 30, 10 ; Lv 21, 4. 7). En deux occurrences particulières, la femme est protégée d’un divorce rendu irréalisable par la loi. La première est prescrite en Deutéronome 22, 13-18. Cette règle n’autorise pas le mari à divorcer tant qu’il vit, lorsqu’il accuse faussement sa femme de n’avoir pas été chaste lors de leur union402, sur des :lylt dbrym, « prétextes d’accusation403 », affirmant qu’il n’a pas trouvé en elle le signe de virginité, btwlym. Les parents de la jeune femme, probablement les plaignants, sont alors tenus de se rendre devant les Anciens à la porte de la cité afin d’apporter la preuve de l’innocence de la jeune femme404. Ces derniers ne jouent pas un rôle de juges mais de témoins. Si la preuve est apportée que le mari a conçu de fausses accusations, il est soumis au paiement d’une amende de 100 sicles au père, contrepartie de l’honneur familial terni405, elle reste sa femme et il ne peut désormais divorcer406. Si les accusations sont légitimées et que la jeune femme, alors qu’elle était sous l’autorité de son père, a entretenu des relations illicites, soulignant ainsi l’importance de la surveillance et du contrôle des jeunes filles, la loi prévoit sa condamnation (Dt 22, 20-21). En effet, cette offense, définie par la formule : nblh byrl, « infamie en Israël », est réputée être une atteinte à la communauté et à l’ordre social. Néanmoins, il est probable que l’épouse ait

400

J. A. FITZMAYER, 1979, p. 263. Les O.CGC 175/J8 évoquent peut-être la stérilité d’une femme comme cause de séparation et le refus de l’époux de prendre une autre femme : « T’a rendue stérile/t’a liée (mais) j’ai refusé Setariah, et j’ai refusé toute (autre) femme », H. LOZACHMEUR, 2006. 402 Pour le peuple, la chasteté de la fiancée n’est pas d’une importance extrême. Aussi conclut-il qu’il ne s’agit pas, dans cette loi, de la chasteté prémaritale, mais de relations sexuelles avec un tiers alors qu’elle était d’ores et déjà fiancée ou mariée, G. J. WENHAM, 1972, p. 337. 403 C. PRESSLER, 1993, p. 23, suggère de traduire cette expression par « actes licencieux » ; J. WENHAM, 1972, p. 337. 404 W. W. HALLO, 1964, p. 102. 405 Cette punition correspond au principe du paiement du double pour tout abus de confiance ou malversation (Ex 22, 7), A. ROFE, 2002, p. 174. 406 Le mari peut avoir diffamé son épouse afin de réclamer frauduleusement l’argent déjà versé pour elle, A. D. H. MAYES, 1981, p. 309. 401

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été traitée avec une certaine clémence407, seule la rupture devenant inévitable. L’épouse n’est jamais questionnée, seule l’évidence concrète joue un rôle déterminant408. Aucune autre loi ne requiert cette preuve matérielle. S’il semble que l’obligation pour la jeune femme diffamée de rester unie à un tel mari ressemble à une punition, elle semble bien avoir un objet préventif. De plus, le mari doit prendre en charge financièrement son épouse pour la durée de son existence. La loi ignore les désirs de la jeune femme d’une union plus agréable, car elle veut s’assurer que les hommes ne peuvent aisément se débarrasser d’une épouse dont ils ne veulent plus. Elle renforce également le droit de surveillance des pères sur leurs filles dont la virginité doit être préservée jusqu’à leur mariage, afin de protéger l’honneur de la famille409 et d’assurer sa stabilité. Enfin, le texte met en évidence que la simple insatisfaction ne saurait être une cause de divorce410. Tant les hommes que les femmes sont soumis à la loi411. La seconde, déjà évoquée, contraint l’homme ayant abusé d’une jeune fille à payer un douaire à son père et à l’épouser sans possibilité de divorcer (Dt 22, 28-29). Néanmoins, d’autres textes l’autorisent. dictée en Deutéronome 24, 1-4, la prescription ne précise cependant pas distinctement dans quelles conditions un homme peut divorcer et quels sont les droits de chacune des parties. En effet, le texte suggère le motif suivant : whyh m l tm n bynyw ky m bh rwt dbr, « Et il vient à se produire qu’elle ne trouve pas grâce à ses yeux parce qu’il a trouvé quelque chose de malséant en elle » dont le contenu subjectif apparaît lié au bon-vouloir de l’époux (Dt 24, 1). Le sens de l’expression : rwt dbr, « quelque chose de malséant » reste à clarifier. Une autre de ses occurrences est attestée en Deutéronome 23, 15, qui concerne l’obligation de pureté du camp et correspond à une « mauvaise action » (Dt 23, 10). La pollution de la terre est également évoquée en Lévitique 18, 6 dans un contexte de souillure sexuelle. De fait, dans l’ensemble des lois maritales, il apparaît comme plus que probable que cette formule est un euphémisme se rapportant à l’adultère412. Le divorce dû à cette cause semble être une fréquente solution, ainsi qu’en témoignent Osée 2, 4 et Jérémie 3, 8. La clause introduite par : ky, « parce que » limite le droit au divorce aux cas d’adultère ou de licence413.

407

M. J. BUSS, 1977, p. 56. V. H. MATTHEWS et D. C. BENJAMIN, 1993, p. 129. 409 T. FRYMER-KENSKY, 1998, p. 94-95 ; C. PRESSLER, 1993, p. 31. 410 V. H. MATTHEWS, 1998, p. 111. 411 D. L. ELLENS, 2008, p. 192. 412 A. TOEG, 1970, p. 7. Il ne s’agit pas de l’adultère, A. PHILLIPS, 1973b, p. 355. 413 A. TOEG, 1970, p. 18. 408

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Le texte du Deutéronome se poursuit qui interdit le remariage de cet homme avec sa première épouse si, entre-temps, celle-ci a contracté une nouvelle union, et que son second mari en a divorcé en raison de la « haine » qu’il éprouve envers elle414, à moins qu’il n’ait disparu. Ainsi le divorce sans cause objective fondé sur la haine est-il attesté dans l’Ancien Testament415, mais par le mari uniquement. Et la restauration de l’union est prohibée416, car il s’agit d’une : twbh, « abomination ». Tant la première que la seconde union ont été contractées et ont pris fin légalement. Aucun droit n’a été violé. Aussi pourquoi exiger cette prohibition de remariage ? Trois clauses motivent cette loi. La première :, « après qu’elle a été souillée/ou déclarée souillée » (Dt 24, 4), l’explique. Certains exemples affirment l’impureté comme conséquence de relations sexuelles illicites, qu’il s’agisse d’adultère (Nb 5), de prostitution (Os 5, 3), d’inceste (Ez 22, 10-11) ou d’enlèvement (Gn 34, 27). Cette affirmation serait à interpréter en termes de souillure sexuelle. La seconde clause :  twbh hw lpny yhwh, « car c’est une abomination devant YHWH » (Dt 24, 4), reprend une affirmation figurant dans deux sortes de textes de lois. Les unes se rapportent aux pratiques religieuses des nations telles l’idolâtrie qui menaçent la pureté du yahwisme. Le terme twbh est également relié à d’autres lois qui concernent certaines obligations légales (Dt 14, 3 ; 17, 1 ; 22, 5 ; 23, 19). Toutes les règles l’adoptant ont affaire au concept de pureté, d’une part, celle de YHWH et d’autre part celle de la vie et du culte d’Israël. Et si, de fait, le terme « abomination » est parfois usité pour désigner un manque de morale se rapportant aux questions financières, aux vœux (Dt 25, 16 ; Ez 18, 13 ; Pr 20, 10. 23), dans le contexte de Deutéronome 24, 4, il se rapporterait à l’immoralité sexuelle. La dernière stipulation : wl ty t hr yhwh lhyk ntn lk nlh, « Or tu ne dois pas déshonorer le pays que le Seigneur ton Dieu te donne en héritage », confirme un interdit lié à la souillure et permet d’admettre que ce texte se rattache par conséquent également à la pureté d’Israël. Ce concept du péché polluant la terre et menant à la catastrophe est attesté par ailleurs. Cette dernière stipulation suppose que la restauration de l’union prend l’aspect d’une offense à la pureté sexuelle et qui pollue la terre417. Les trois motifs mettent ainsi en lumière ce concept. Le texte ne 414

B. S. JACKSON, 2004, p. 202. R. WESTBROOK, 1986, p. 400. L’exemple d’Agar est à souligner, dont le divorce ne repose sur aucune cause objective, Y ? ZAKOVITCH, 1991, p. 34. 416 La différence entre les deux divorces proviendrait du fait que le premier se fonde sur une cause valable : « quelque chose de malséant », tandis que le second est la conséquence de l’aversion, R. WESTBROOK, 1986, p. 387-405. 417 C. PRESSLER, 1993, p. 45-62. 415

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précise cependant pas pourquoi. Il semble possible de l’interpréter comme une relation analogue à l’adultère, en dépit de sa légalité. En effet, Deutéronome 22, 13-29 la considère comme la violation des droits exclusifs de possession du mari sur sa femme. Elle enfreint l’autorité du mari et menace son besoin de certitude que ses enfants sont bien les siens. Aussi la menace de pollution et le souci de pureté limitent-ils le droit au remariage du premier mari. Cette prohibition qui peut être suivie d’un péril touchant la communauté en son entier a transformé en tabou418 un simple remariage avec le premier mari après deux unions et séparations légales419. La fonction essentielle de cet interdit consiste à imposer un système, face au chaos provoqué par une situation réputée créer le désordre420. Cette règle relative à la morale sexuelle et qui trace la limite entre ordre et désordre sépare le mari et sa première épouse probablement en raison du parallèle avec l’adultère qui frappe la femme ayant cohabité avec un second mari, sans se soucier de protéger l’un ou l’autre. Complexe, cette construction prend probablement sa source dans le souhait du législateur d’inciter le mari à ne pas prendre cette décision à la légère dans un moment de courroux et pour des raisons de convenance, puis à la regretter. S’il sait que son épouse est perdue définitivement, il ne peut manquer de reconsidérer son choix. En effet, la description du premier divorce diffère de celle du second, où le langage n’admet pas le moindre doute sur le désir de séparation du second époux. Dans l’expression du premier ne figure aucune description des sentiments du mari, qui paraissent perdurer envers son épouse, motivant ses regrets et le menant à souhaiter renouer leurs liens. Aussi, le législateur, afin d’éviter cette situation insoluble, exige-t-il du mari la conscience des conséquences d’un tel acte et de la séparation définitive qui s’ensuit421. 418

S. FREUD, 1994, p. 49. Cette loi a aussi pour objet de protéger la structure familiale patrilinéaire, C. PRESSLER, 1993, p. 61-62. 420 M. DOUGLAS, 2001, p. 26-71 s. 421 C. M. CARMICHAEL, 1979, p. 12-14. Cet interdit est lié à une question économique. Le premier mari ne donnerait aucune compensation financière à sa femme lors de leur divorce, au contraire du second. Ainsi, le premier mari ne peut se remarier avec sa première épouse et ne peut donc bénéficier de cet avantage financier, R. WESTBROOK, 1986, p. 387-405. Cette loi renforcerait l’autorité maritale et masculine, obligeant l’épouse à réaliser que toute infidélité empêche définitivement ses exigences économiques envers le premier mari, B. S. JACKSON, 2004, p. 203. La femme adultère divorcée n’est pas protégée par la loi, Y. ZAKOVITCH, 1991, p. 32 ; J. J. RABINOWITZ, 1959, p. 73. Ce texte contraste avec les autres lois du Proche-Orient. Cette interdiction permettrait à l’épouse de rester mariée à son second époux ; elle aurait également pour objet de décourager un divorce rapide, et la femme divorcée se remarierait plus aisément, D. INSTONE419

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Reprenant ce thème du Deutéronome 24, 1-4422 sous une forme métaphorique Jérémie (3, 1-5) évoque les relations divines avec Juda. Le texte prend l’aspect d’un questionnement. Un homme ayant répudié sa femme alors devenue l’épouse d’un autre peut-il l’épouser à nouveau, et par conséquent la terre n’en sera-t-elle pas polluée ? L’oracle démontre combien il est impossible pour YHWH de reprendre Juda dont les amants ont été si nombreux et qui pleure maintenant afin qu’Il la reprenne423. Le texte du prophète considère clairement la restauration de l’union comme un crime dont la pollution est la conséquence, rejoignant ainsi le contenu de Deutéronome 24. Les prophètes le confirment, qui usent des métaphores de l’union et du divorce lorsqu’ils s’adressent au peuple (Os 2, 4 ; Is 60, 15). Ainsi, Osée évoquant les Israélites ayant trahi Dieu et choisi les idoles puis souhaitant le retrouver, les compare à une femme adultère divorcée qui

BREWER, 2002, p. 32. Trois sortes d’explication sont proposées par R. YARON, 1966, p. 1-11, afin d’expliquer ce texte de loi : selon la première, il a pour objet d’empêcher un divorce précipité. Mais peu de personnes semblent pouvoir conserver leur calme dans un moment de courroux ; une deuxième approche relie cette situation à l’adultère ; enfin, l’idée de répulsion naturelle expliquerait l’impossibilité de reprendre une femme ayant cohabité avec un autre homme. Selon cette hypothèse, cette loi se préoccupe de protéger la seconde union et de prévenir la possibilité que le premier mari, regrettant d’avoir divorcé de son épouse, ne cherche à détruire ce second mariage, afin de reconquérir son épouse. Le second mari peut aussi tourmenter son épouse, faisant de sa vie un enfer. Prévoir et prévenir une telle situation est alors possible, en la définissant comme une abomination. Pour autant, l’auteur ne prend pas en compte la possibilité que le remariage soit prohibé, quand bien même le second époux meurt. Selon G. J. WENHAM, 1979, p. 36-40, le mariage constitue une relation de sang entre les époux. Cette relation perdurerait au-delà de l’union selon le Lévitique. Aussi, épouser à nouveau son épouse divorcée reviendrait à épouser le membre le plus proche de sa famille, ce qui constituerait une union incestueuse. B. S. JACKSON, 2011, p. 221-251, considère que l’interdiction de remariage raffermit l’autorité traditionnelle du mari, et la nécessité pour l’épouse de comprendre que son infidélité ne lui autorise plus la moindre réclamation d’ordre financier sur son premier mari. 422 M. FISHBANE, 1985, p. 307-312. 423 Deux différences de taille sont à souligner, puisque le sujet est l’homme qui revient et non la femme, et, d’autre part, si en Deutéronome un seul partenaire est concerné, dans le texte de Jérémie les partenaires sont nombreux, R. ABMA, 1999, p. 248-249.

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souhaite retourner chez son premier mari, car elle était alors plus heureuse424. Enfin, Malachie (2, 16) critique ceux qui haïssent et divorcent425. Outre ces causes de séparation, l’une d’elles n’est pas évoquée par la loi, mais répond à l’une des plus sérieuses inquiétudes des Israélites, le besoin de descendants pour la mémoire du nom et la transmission des biens. La stérilité est ainsi probablement l’un des motifs du divorce426. Pour autant, l’idéal attesté dans la société israélite reste celui d’une fidélité tout au long de la vie, que confirment des textes plus tardifs (Ez 54, 6 ; Ml 2, 14), assurant qu’un homme ne saurait quitter la femme vieillissante de sa jeunesse. Si Deutéronome 24, 1-4 témoigne de la liberté d’initiative accordée à l’homme427, la femme semble bénéficier également d’une latitude certaine de rupture428. Elle lui semble permise dans certaines occurrences, et les trois exemples de Moïse, Samson, David et Michal, suggèrent que lorsque l’épouse craint d’être abandonnée par son mari, elle ou son père peuvent décider de la fin de l’union et l’épouse retourner chez son père429. Selon Exode 18, 2-5, lorsque Jethro accompagné de Séphora et de ses deux fils vient visiter son gendre Moïse, il souhaite faire disparaître toute ambiguïté en ce qui concerne leur union, puisque Moïse a renvoyé Séphora chez elle430. Ce récit paraît étrange du fait de l’absence de mention d’un divorce, bien au contraire et, selon Exode 4, 20-26, l’épouse de Moïse et ses fils le rejoignent lorsqu’il revient d’gypte. Mais l’emploi de l’expression : yh, « il la lui avait renvoyée » (Ex 18, 2), parallèle au verbe l, « renvoyer » (Dt 24, 1) le sous-entend. Lors de l’abandon d’une femme, elle et/ou son père semblent autorisés à considérer l’alliance comme abrogée. En 424

La loi de Deutéronome ne serait pas connue dans la description des relations d’Osée avec sa femme (1-3). En dépit de leur séparation et de ses relations avec d’autres hommes, aucune interdiction n’est connue qui concerne leur remariage en raison du fait qu’elle ne s’est pas mariée à un autre homme dans l’intervalle, Y. ZAKOVITCH, 1991, p. 41. 425 J. C. HUGENBERGER, 1994, p. 51-83. 426 A. PHILLIPS, 1973b, p. 351. 427 H. NUTKOWICZ, 2007, p. 218. 428 Le droit au divorce pour la femme n’est pas inconu au Proche-Orient ancien, en particulier dans l’aire de la loi cunéiforme. À la question de l’influence égyptienne ou d’un possible développement interne au judasme, le fait d’un hiatus dans la documentation n’est pas une raison suffisante pour croire que la formulation du Talmud palestinien n’est pas la continuation d’une tradition, dont la pratique d’léphantine est issue, J. C. GREENFIELD, 1981, p. 123-124. Il serait hasardeux d’assurer que la femme n’a pas droit au divorce dans l’Ancien Testament, B. PORTEN, 1968, p. 261 s. 429 Y. ZAKOVITCH, 1991, p. 34. 430 B. S. JACKSON, 2004, p. 206.

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Juges 14, 19-20-15, 1-2, le beau-père de Samson interprète son départ comme l’abandon de sa fille, aussi décide-t-il de la remarier. L’épouse de Samson, vivant toujours après son union sous le toit de son père, celui-ci conserve le droit de décider d’une nouvelle union. Bien qu’elle soit philistine, le récit biblique reflète les coutumes israélites. Enfin, l’histoire de Michal (1 S 25, 44), remariée à Palti, fils de Layich, après le départ de David, serait à l’évidence, l’assurance pour une femme de la possibilité de divorcer en cas d’abandon. Pour autant, le récit rapporte que David reprendra plus tard sa femme (2 S 3, 3-16). Cet acte paraît contraire à la règle édictée en Deutéronome 24, mais David n’a pas divorcé de Michal et le souverain semble doté de droits régaliens. En outre, les lois du Deutéronome n’ont pas encore été promulguées. Un exemple clair d’abandon par la femme est restitué par le récit de la concubine-épouse de Bethléem en Juda (Jg 19), dont les relations avec son maître sont décrites dans la chronique biblique en termes d’union, et le père porte l’appellation : tn, « beau-père ». Elle quitte son mari pour revenir chez son père. Son époux la rejoint et elle l’accueille. L’emploi du verbe : znh, « être infidèle » évoque le fait qu’elle ait osé le quitter. Par ailleurs, Exode 21, 7-11 assure que si un homme prend une femme esclave et la prive de ses besoins élémentaires, que sont la nourriture, l’habillement et l’huile431, elle est autorisée à partir libre432. Aussi, les droits d’une femme libre ne sauraient être inférieurs, qui dans des circonstances similaires peut quitter le foyer conjugal. Pour autant, il n’est pas certain qu’elle en use aisément. Enfin, la métaphore d’Osée semble refléter la pratique possible de la séparation initiée par la femme433. Le droit au divorce est assuré tant pour les femmes que pour les hommes égyptiens. Ses premières mentions proviennent de textes littéraires. Ainsi, le héros du récit Les Neuf Palabres du paysan volé, antérieur à la XIIIe dynastie434, l’évoque dans sa première supplique au Grand Intendant, comparé au frère de la femme répudiée, et l’Enseignement de Ptahhotep (Maxime 37, 499-506435), de la XVIIe dynastie, exhorte l’époux à ne pas répudier une épouse de nature gaie, connue par les habitants de sa ville, mais bien plutôt d’assurer sa subsistance. En outre, des références sont mises au jour dans divers documents et l’un d’eux, de Deir el-Médineh, renferme une

431

E. LEVINE, 2000, p. 134. Y. ZAKOVITCH, 1991, p. 36 s. 433 B. S. JACKSON, 2004, p. 206. 434 Ce texte du Moyen Empire rapporte les mésaventures d’un paysan qui verra son droit reconnu grâce à son talent d’orateur, C. LALOUETTE, 1984, p. 200. 435 P. VERNUS, 2001, p. 105. 432

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liste fragmentaire de divorces (O. Gardiner 19436). Dès le IXe siècle, certains contrats de mariage avec douaire renferment une clause anticipant sa possibilité, tant pour l’homme que la femme et parfois les deux (P. Berlin 3078 ; P. Lonsdorfer I ; P. Libbey). Pour autant, dans les documents comportant l’« argent pour devenir une épouse », où si aucune clause ne se rapportant à la séparation n’est mise en lumière, un lien de cause à effet s’affirme entre la demande de remboursement de cette somme et le divorce. En effet, le devoir d’entretien de l’épouse prend fin à ce moment. Pour les conventions avec « document d’alimentation », elle peut en demander le remboursement et ne l’obtient qu’après la séparation. Ainsi, peu importe que la clause de séparation soit prévue au contrat ou non, tant les hommes que les femmes peuvent divorcer437. Diverses, les sources évoquent différentes causes de divorce. Connues par les contrats de mariage, les causes objectives, telles l’adultère commis par le mari et/ou par l’épouse438 dénommé : ḫn, « grand péché » (P. Louvre 7846 5 ; P. Berlin 3048 II 11-21 18)439, ou subjectives, ainsi le désir de divorcer (P. Louvre 7846) et/ou le sentiment de haine attribué à l’homme et/ou à la femme (P. Berlin 3078), le souhait d’épouser une autre femme (P. Caire 30907/30909 6 ; P. Lonsdorfer I 1) ou un autre mari (P. Berlin 3078 4) peuvent mener à la désunion. Parfois, les textes littéraires évoquent d’autres causes de séparation, telles la stérilité, ainsi Onkhsheshonqy chapitre son fils, exigeant de lui qu’il ne répudie pas une femme de sa maison, si elle ne parvient pas à donner naissance à des enfants440. Dans une lettre écrite à son épouse défunte, le mari témoigne qu’il a toujours été un bon époux et lui rappelle qu’il ne l’a pas répudiée alors que, devenu plus âgé, sa carrière évoluait, 436

J. TOIVOIRI-Vitala, 2001, p. 91. P. W. PESTMAN, 1961, p. 66 s. 438 L’expression « grand péché » au sens d’adultère figure dans quatre contrats de mariage égyptiens dont l’un date de 850 env. Dans les textes bibliques, cette formule est employée à cinq reprises, dont l’une se rapporte au même concept, tandis que les quatre autres évoquent l’idolâtrie (Ex 32, 21), souvent comparée à l’adultère, J. J. RABINOWITZ, 1959, p. 73. 439 Si les sujets de discorde sont nombreux à Deir el-Medineh, tous ne mènent pas à la séparation. Lorsque l’épouse adultère est découverte par son mari qui soutient : « J’ai trouvé l’ouvrier de l’Équipe mrj-sḫmt couché avec ma femme » (P. Deir elMedineh 27, 5-7), le tort paraît retomber sur le séducteur, qui doit prêter serment de ne plus approcher la femme sous peine d’avoir le nez et les oreilles coupés, et d’être déporté en Nubie, et son père se voit tenu au même serment au risque d’être envoyé dans les carrières d’Assouan, S. ALLAM, 1973, p. 301-302 ; D. VALBELLE, 1985, p. 236-238. 440 S. A. K. GLANVILLE, 1955, t. II ; H. J. THISSEN, 1984 ; M. LICHTEIM, 1980. 437

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cause de divorce coutumière à ce qu’il semble (P. Leyde 371 daté de la XIXe dynastie)441. Un autre courrier de la XXIe dynastie (P. Bibl. Nat. 198 II I. 7s) prend pour prétexte la cécité de l’épouse comme cause de séparation442 ! Aussi les textes mettent-ils en lumière tout motif subjectif de divorce. Allégué dans les clauses des contrats de mariage, le sentiment de haine apparaît comme cause subjective de divorce, mais aucune information n’est donnée, qui le relierait à des formalités juridiques. Dès 500, tant les hommes que les femmes possèdent un droit au divorce sans cause objective et n’hésitent pas à en anticiper l’éventualité dans leur convention matrimoniale. La clause de divorce dans les contrats de mariage Prévue dans les conventions matrimoniales d’léphantine et de l’gypte ancienne, des particularités, tant dans la forme que le fond, la définissent précisément. Elle s’intéresse méthodiquement aux conséquences économiques de la désunion. Chaque acte de mariage d’léphantine renferme deux clauses, l’une relative à la femme et la seconde au mari, qui anticipent la concrétisation du divorce et ses diverses formalités. La première à accomplir consiste à prononcer une déclaration dont le contenu est rapporté précisément. Elle peut être énoncée dès le lendemain du mariage et, contrastant avec la durée éternelle prévue, la disposition : mr w ywm rn, « demain ou un autre jour » se répète à plusieurs reprises dans le même contrat de mariage (B2.6 17. 20. 22. 26 ; B3.3 7. 9. 10-11. 12. 13 ; B3.8 21), qui introduit des événements cruciaux comme la mort et la séparation, le destin d’un enfant. Le réalisme ne perd jamais ses droits et prévoit qu’à tout moment les liens du mariage peuvent être brisés. La durée s’inscrit dans un temps fini et aucun délai n’est requis. galement présente dans les clauses de désistement de divers contrats (B2.1 6. 8 ; B2.3 18. 20. 26 ; B2.4 8. 13), cette formule est attestée dans des documents égyptiens à compter de la première

Voir ch. II, p. 208s. Cette lettre de la XXIe dynastie évoque la situation d’une femme aveugle d’un œil et mariée depuis vingt ans. Son mari désire en épouser une autre, aussi prend-il le prétexte de s’en apercevoir à ce moment pour en divorcer. 441 442

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moitié du XIVe siècle443, ainsi, par exemple, dans le Papyrus des Adoptions (7444). Le serment prononcé doit respecter un certain formalisme, et le texte de la stipulation précise que le conjoint doit : qwm, « se présenter/se lever » devant une assemblée l’dh, afin de l’énoncer. L’emploi de ce verbe est lourd de sens, qui suggère l’opposition d’un adversaire dans un litige445 et fait allusion à la discorde entre le déclarant et le conjoint. Son parallèle atteste un usage identique dans les textes et les contrats égyptiens446. Cette annonce peut comprendre deux propositions, dont la première est l’affirmation de la haine du conjoint, et la seconde pas toujours attestée, celle de la perte de la qualité d’époux ou d’épouse. Selon le contrat, le mari doit, par exemple, proclamer : nt ltmt ntty, exprimant son désir de séparation447 et dont la traduction littérale est la suivante : « Je hais/divorce de Tamet, ma femme » (B3.3 7) ou bien : nyt lntty yhwym l thwh ly ntt, « Je hais/divorce de ma femme Yehoyima, elle ne sera pas ma femme » (B3.8 21-22) ou encore : « Je hais/divorce [de ma fem]me Mip » (B2.6 27). L’épouse doit également prononcer la formule de haine exprimant ce même souhait : t lbly nny, « Je hais/divorce de mon mari ‘Ananyah » (B3.3 9), ou bien : nytk lhwh lk ntt, « Je te hais/divorce, je ne serai pas ta femme » (B3.8 25), « Je hais/divorce d’Esor mon mari » (B2.6 23). Une formulation indirecte est attestée dans le document d’usufruit établi par Maseyah pour son gendre : r brty tnk, « Puis (si) ma fille te hait/divorce » (B2.4 8). Mais peut-être se peut-il que la formule orale diffère de celle inscrite dans les contrats. Néanmoins, la proposition d’affirmation de haine/divorce semble toujours indispensable et son texte varie à peine, dont la valeur est juridique. Seules les déclarations du couple Yehoyima et ‘Ananyah (B3.8) doivent comporter la seconde affirmation de changement de statut, dont la forme diverge. Tant l’emploi de l’adjectif possessif à la première personne du singulier que du pronom personnel féminin sujet « elle » par ‘Ananyah exprime une nuance de possession, puis 443

Cette expression est attestée à compter de la XVIIIe dynastie sous Aménophis IV, A. THEODORIDES, 1965, p. 93. 444 Cette expression signifie « dans le futur », A. H. GARDINER, 1940, p. 24. Cette autre est également proposée : « demain ou le jour d’après », J. J. RABINOWITZ, 1958, p. 145. 445 J. J. RABINOWITZ, 1958, p. 146. 446 L’expression :, « être, se tenir debout » appartiendrait « au vieux fond de la croyance égyptienne relative au jugement des morts » et n’est pas soumise à l’influence sémitique selon J. J. RABINOWITZ, 1958, p. 146. Le Papyrus des Adoptions en fournit un exemple : « (de mes frères et sœurs) qui se lèverait pour faire opposition ? » (6), A. THEODORIDES, 1965, p. 93-94. 447 Une autre traduction propose « je divorce », J. A. FITZMAYER, 1979, p. 263.

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de rejet448. L’adjectif possessif à la deuxième personne du singulier par Yehoyima dévoile, outre sa volonté de séparation, le renoncement à son statut d’épouse. Sa décision puis son affirmation, qui ne s’adresse pas à son mari, constatent cette perte. Tandis que ce dernier exprime le rejet de son épouse et aussi la perte de son statut. Si cette déclaration est le signe d’une extrême liberté pour Yehoyima pour ce qui a trait au fond, sa forme exprime une nuance de sujétion. En outre, Tamet, bien qu’esclave lors de son union, est une femme libre de divorcer449. Les autres contrats de mariage, incomplets, ne donnent pas d’information complémentaire sur la séparation et ses modalités. Le texte prophétique d’Osée 2, 4, déjà évoqué, semble dévoiler l’énoncé de la formule de divorce. Ainsi, la phrase : ky hynky lyh, « Car elle n’est plus ma femme, et je ne suis plus son mari » la révèle peut-être450. L’objet de cette métaphore est relatif à l’alliance entre Dieu et Israël, à la suite de leur séparation451. Les versets d’Osée 2, 3-4 retracent les relations entre Dieu et son peuple sous la forme de l’allégorie de l’épouse du prophète, libre de quitter son mari. Cette formule, figurée et littérale, attestée dans ce texte du VIIIe siècle et dans l’un des contrats d’Éléphantine (B3.8), 448

H. NUTKOWICZ, 2007, p. 167. E. KRAELING, 1953, p. 140 ; B. PORTEN, 1968, p. 212. 450 Le divorce demeure une affaire privée, en dehors de la communauté. Le texte décrit un mari qui ne désire pas divorcer de sa femme, A. PHILLIPS, 1973b, p. 352. Le contexte d’Os 2 serait juridique, mais il ne s’agirait pas d’une formule de divorce, J.-L. MAYS, 1969, p. 200 s. Cette formule ne serait pas celle du divorce et les vers qui suivent Os 2, 15 présupposent la continuité de l’union entre YHWH et son peuple, raison pour laquelle Israël continue d’être accusé d’adultère. Par conséquent, il serait possible que le texte d’Os 2, 4 soit considéré comme une reconnaissance privée par YHWH de la dissolution de l’union en raison de l’adultère et de la désertion de sa femme. Mais comme cette phrase n’a pas d’effet légal, l’union n’est pas dissoute et perdure, F. I. ANDERSEN et D. N. FREEDMAN, 1980, p. 200 s. ; H. GORDIS, 1954, p. 20 s. ; H. H. ROWLEY, 1963, p. 92 ; J. A. FITZMAYER, 1979, p. 150. Ces trois derniers auteurs ont discuté l’identification de cette formule de rupture. W. D. WHIT, 1992, p. 35, fait le parallèle entre le contrat de mariage B3.8, lignes 21-22, et la formule figurant en Os 2, 4. La seconde partie de la formule d’léphantine démontrerait que la phrase d’Osée est le serment de divorce. Cette affirmation ne serait pas celle du divorce, mais plutôt une expression de mariage négative, W. RUDOLPH, 1966, p. 65. 451 Le texte d’Os 2, 4 constituerait une menace de rupture sans effet immédiat. Les vers suivants présupposeraient la continuité de l’union entre YHWH et son peuple, et c’est pourquoi Israël continuerait d’être accusé d’adultère. Néanmoins, la menace se réalise à la fin du vers 15, J. C. HUGENBERGER, 1994, p. 232 s. Os 2, 4 serait à considérer comme une menace de divorce en raison d’un contexte non juridique, H. MCKEATING, 1971, p. 83. 449

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bien qu’à peine différente, est absente des formules des clauses des conventions matrimoniales et des documents de divorce démotiques. Une autre sentence, parallèle à la formule divine de répudiation de son épouse symbole de son peuple infidèle : « Car vous n’êtes plus mon peuple et moi je ne serai plus à vous » (Os 1, 9), apparaît dans le contexte des noms oraculaires des enfants du prophète. La formule : ty wnky llk, « Tu n’es plus ma femme et je ne suis plus ton mari » est également plausible452. À comparer le contenu des formules d’léphantine et celui d’Osée 2, 4, des variations apparaissent dans l’emploi du pronom personnel sujet de la première personne du singulier par les femmes et du pronom personnel de la deuxième personne du singulier par les hommes, tandis que le texte prophétique utilise un pronom personnel féminin sujet de la troisième personne du singulier, comme s’il n’était pas concevable de s’adresser directement à l’autre, dorénavant exclu. De fait, lorsque les femmes d’léphantine prononcent cette phrase, elle devient alors parallèle à la deuxième partie du verset d’Osée 1, 9. Mais en Osée 1, 9 et 2, 4, elle s’est transformée en une formule de réciprocité. Cette différence n’exclut cependant pas la possibilité que le verset d’Osée 1, 9 soit l’une des formules prononcées lors de la rupture. Si l’union implique que chacun des promis prononce une formule séparément, signe d’un accord mutuel, dans le divorce, unilatéral, il n’est pas certain que celui qui en décide énonce, seul, la double formule453, affirmant la nouvelle condition de chacun. La dissolution de l’union est déjà envisagée dans les contrats égyptiens avec douaire dès le IXe siècle, et une ou deux dispositions peuvent en anticiper certains aspects. Aussi, l’une des plus anciennes stipulations, insérée dans des actes de la première partie du VIe siècle et prévoyant la décision de la séparation par le mari, emploie la formule suivante, ornée d’ajouts : ỉw=(j) ḫ s.m.t… mw.t=s… tj=j sn.t ntj ỉnk s, « Si je quitte/divorce (de la) femme…, sa mère est…., ma sœur, qui m’appartient » (P. Louvre 7849 5 ; 7846 4454). À compter de 500 env., des documents établis par l’épouse révèlent également sa faculté de prendre l’initiative de la rupture, qui insèrent la formule suivante : ỉw=j ḫ=k n hj, « Si je te quitte/divorce comme mari » (P. Libbey 2). Cette formulation qui introduit la possibilité de la séparation et ses conséquences n’est pas employée dans les contrats d’léphantine, qui mettent en scène la forme et l’énoncé de la séparation. 452

M. A. FRIEDMAN, 1980, p. 199. Dans le divorce unilatéral, le mari énoncerait seul la double formule, M. A. FRIEDMAN, 1980, p. 202. 454 Un serment quasiment identique est attestée dans les contrats P. Berlin 3048 II 11-21 ; P. Caire 30907/30909 ; P. Louvre 7846. 453

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Les conventions matrimoniales peuvent renfermer une seule phrase prévoyant la séparation du fait de chacun des deux époux : p ssw n ḫ=t m.t ntj ỉw=j ỉr=f gr mr=t m n=t =t, « [Le] jour où je quitte/divorce (de toi) comme épouse ou soit que tu veuilles partir de toimême » (P. Hauswaldt 6 5), ou comprendre deux formules, la première où le mari affirme : « si je te quitte/divorce de toi comme épouse », puis la seconde où il énonce à sa femme : mtw=t ỉw.ỉr m n=t ỉw=t ḫ(=j) n hj, « Si tu veux partir et que tu me quittes/divorces (de moi) comme mari455 » et où il évoque la possibilité pour la femme de prendre l’initiative (P. Lonsdorfer I 3-4). Le verbe ḫ apparaît fréquemment à partir du Nouvel Empire et peut être employé par les deux époux. S’il signifie « quitter », « abandonner », « jeter », « abattre », dans les contrats, il adopte le sens juridique de « divorcer ». Dans cinq contrats s’échelonnant sur deux siècles et demi à compter de 364456, le mari affirme cette formule où s’expriment tant la liberté de la femme que la possibilité de son souhait de mettre fin à l’union. Ces documents témoignent, en dépit des variations dans la forme sur ce thème, de l’éventualité pour l’épouse de partir volontairement. Causes et conséquences de rupture prévues dans les contrats égyptiens mettent en lumière des analogies avec les contrats d’léphantine. Ils témoignent, en effet, de l’emploi des verbes : ḫ, « quitter, divorcer », mst, « haïr457 » et mr, « aimer, désirer, préférer458 », terme remplacé plus tard, au cours de la période ptolémaque, par ḫn dont le sens reste identique459. Ainsi, une formule attestée de 536 à 116, introduit l’argument de la haine : ỉw=j ḫ.ṱ=t m.t mtw=j mst.ṱ=t mtw=j ḫn n=t k.t s.m.t m.t r.r=t, « Si je te quitte/divorce (de toi) (comme) épouse soit que je te hais460, 455

Des contrats tardifs du dernier siècle avant notre ère, ajoutent : r tm ḫpr (n-) mtw=j m.t, « afin de ne plus être avec moi comme (mon) épouse »), P. Adler 21 ; P. Rylands 28 ; P. Rylands 30. Les P. Rylands 20, 22 et 38 et P. Adler 14, remplacent : (n-)mtw=j par ỉw=t mtw=j ; les P. Rylands 16 et 37 par ỉw mtw=j ; et les P. Lille 28 et Strasbourg 56 par n=j. 456 Il s’agit des documents suivants : P. Lonsdorfer I ; P. Bibl. Nat. 236 ; P. Turin 6076 et 6111 ; P. Strasbourg 56. 457 E. MEEKS, 1998, p. 173, 175. 458 Les contrats P. Berlin 3048 II 11-21 ; P. Caire 30907/30909 ; P. Louvre 7849, 7857A/B et 7846 ; P. Berlin 3078 ; P. Libbey, du IXe siècle à 341-332, emploient le verbe : mr, « aimer, désirer, préférer ». 459 Les deux verbes sont proches, W. F. EDGERTON, 1929, p. 61-62. 460 Contrats avec paiement du shep par le mari : P. Rylands 10 ; P. Philadelphie XIV ; P. Louvre 2433 ; P. Hauswaldt 4… Le contrat de Tsenor, daté de 517 (British Museum 10120A) et établi alors que celle-ci est enceinte, insère également les verbes « quitter » et « haïr », à la ligne 3 : ỉn ỉw(=j) ḫ=t n bs mtw(=j) mst=t ỉnk ỉ.ỉr(=j), « Si je te quitte/divorce de toi comme épouse si je te hais (P. British Museum 10120A 4), P. W. PESTMAN et S. P. VLEEMING, 1994, n° 3.

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soit que je désire/préfère une autre femme que toi pour épouse » (P. Hauswaldt 4 1461). Une phrase comparable, où la femme met cette fois en cause le mari, est également assurée : ỉw=j ḫ=k n hj mtw=j mst=k mtw=j mr k.t .t r.r=k, « Si je te quitte/divorce (de toi) comme mari, soit que je te hais, soit que je désire/préfère un autre que toi » (P. Libbey 2462), expression d’une extrême modernité. Dans ces contrats, une alternative s’impose qui résume les causes de divorce au nombre de deux, la haine et/ou le désir d’un éventuel remariage463. L’adultère est également évoqué clairement comme cause de séparation dans les plus anciens contrats : ỉw(=j) ḫ s.m.t T-r.t-n-nm mw.t=t=s Rwrw tj=j sn.t ntj ỉnk s m-dj dj.t ṯj=s pj ḫn tns mr ḫ=s m.rpw mr k.t s.m.t r.r=s p bnr n p bt  ntj ỉw=w gm=f n s.m.t, « Si je quitte/divorce (de la) femme Tashertankhnoum sa mère est Rourou, ma sœur, qui m’appartient, et je fais que le lourd destin la frappe, (parce que) je désire la quitter/divorcer ou (parce que) j’aime/désire/préfère une autre femme qu’elle, excepté en raison du grand péché que l’on trouve dans une femme » (P. Louvre 7846 4-6464). Les contrats avec l’« argent pour devenir une épouse » ne prévoient pas explicitement de modalité de séparation, mais seulement la possibilité de la réclamation par la femme de son apport (P. Leyde 373a). Le rapport entre la demande et le divorce est assuré. Les conventions avec « document d’alimentation » ne prévoient pas non plus de clause de séparation, seule la stipulation concernant le remboursement du snḫ est mentionnée, liée au divorce465. Les expressions « soit que je te haïsse » et « soit que je désire/préfère un autre homme ou une autre femme », qui définissent l’origine de la dissolution de l’union, possèdent également une valeur juridique. Réalistes, elles sont reliées à l’expression des sentiments et au rejet de l’autre. En outre, la seconde se rapporte au divorce par consentement

461

Une variante de cette phrase est attestée dans le P. Lonsdorfer I 1 : mtw=j ỉr n=j k.t s.m.t n m.t r.r=t, « Et je prends/fais pour moi une autre femme que toi comme (mon) épouse ». 462 Le P. Berlin 3078 3 livre une formule proche : m(tw=j) ḫ=k hj mtw((=j) mst.ṱ=k mtw(=j) mr n=j k. t .t r. r=k, « Si je te quitte (comme) mari et que (je) te hasse et que [je] préfère/désire un autre que toi ». 463 P. W. PESTMAN, avec la collaboration de J. QUAEGEBEUR et R. L. VOS, 1977, p. 70. 464 Les contrats P. Berlin 3048 II 11-21 (IXe siècle) ; P. Caire 30907/30909 (31 déc. 667) ; P. Louvre 7849 et 7857A/B (3 janv. 558) transmettent un texte quasiment identique. 465 P. W. PESTMAN, 1961, p. 70.

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mutuel comme évoqué plus haut466. Leur conséquence juridique et sociale provoque la séparation tant concrète que symbolique, puis le remariage de l’un des époux, à tout moment. Si, dans les clauses d’léphantine, seule la mise en scène de la séparation est immédiatement exposée, dans les contrats égyptiens, le contenu des modalités de séparation évoque l’hypothèse du divorce et ses motifs possibles et juxtaposés, le rejet et l’action par le mari et/ou la femme. La forme et le contenu de la déclaration de divorce n’y figurent pas et réciproquement l’hypothèse du divorce et ses fondements ne sont pas exposés dans les contrats dléphantine, ils sont sous-entendus et se rendent sans détour vers la réalisation de leur objet. Le choix s’est fait, dans l’adaptation des dispositions, de la simplification de l’exposé des faits. La terminologie L’emploi du verbe ’ dans les contrats d’léphantine peut paraître troublant. Se rapporte-t-il uniquement au contenu affectif, motif de divorce, et/ou recèle-t-il un aspect juridique ? Et le fait de prononcer cette déclaration de « haine » est-il nécessaire et suffisant pour provoquer l’effet légal du divorce ? Pour tenter d’y répondre, l’analyse des sources bibliques s’impose. Signifiant toujours « haïr », « prendre en aversion », cette racine évoque la haine entre frères (Gn 37, 4), le rejet de l’épouse (Dt 22, 13) et désigne une femme négligée ou moins aimée (Gn 29, 31 ; Dt 21, 15-17), sans pour autant qu’il en résulte un divorce. En outre, ce terme apparaît dans plus d’une trentaine de textes en parallèle avec le verbe :, « aimer », (Ex 20, 5 ; Lv 19, 17 ; Jg 14, 16 ; 2 S 13, 15). La transformation de l’amour en haine s’expose également (2 S 13, 15 ; Am 5, 15 et Os 9, 15). Ainsi,  est, à ce qu’il semble, toujours lié à l’expression d’un sentiment d’animosité et d’hostilité, tandis qu’h évoque l’amour, l’amitié et l’alliance (1 R 5, 15 ; Os 8, 9 ; Jr 24, 6). Dans ce dernier exemple, il est probable que le fond affectif soit toujours présent. Son emploi en 1 Samuel 18, 20. 28 est l’unique double occurrence de l’affirmation de son amour par une femme, tandis que dans le Cantique, il est répété à cinq reprises (1, 7 ; 3, 1-5). Ce verbe s’applique aux relations internationales (1 R 5, 15), où le souverain Hiram de Tyr, ami du roi David, est aussi son partenaire politique. Leur amitié débouche sur une alliance diplomatique et commerciale entre leurs deux pays. En 1 Samuel 18, 16, l’amour du peuple envers David doit être considéré comme un sentiment de reconnaissance, de gratitude, mais aussi et

466

Voir ch. premier, p. 66 s.

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surtout d’allégeance467. Si, pour ce qui a trait au verbe « aimer », les sentiments et l’alliance sont liés, il peut en être de même pour le verbe « haïr ». Le contexte de , dans certains textes (Dt 22, 1 ; 24, 3 ; Jg 15, 2 ; Is 60, 15), révèle des sentiments et des émotions susceptibles de mener au divorce468. Confirmant cette approche, , dans l’Ancien Testament, désigne une femme dont le mari souhaiterait peut-être divorcer (Gn 29, 31 ; Dt 21, 15). Par ailleurs, la règle édictée par Deutéronome 24, 1-4, prohibant le remariage avec le premier mari après une union intermédiaire, mentionne le divorce fondé sur la haine (Dt 24, 3). Au-delà du sentiment de haine, le verbe  se rapporte à la réalité juridique du divorce469. Ainsi, le récit de Juges 15, 2 rappelle la raison ayant poussé le beau-père de Samson à remarier sa fille. Celui-ci, en raison de l’absence de Samson retiré chez ses parents à la suite de la trahison de sa femme, la donne en mariage à l’un de ses compagnons et explique ainsi sa décision : wymr h mr mrty ky n nth, « Son père lui dit : “Dire que j’ai dit que tu la hassais, tu la hassais” », et cette affirmation sous-entend que le héros en aurait divorcé. Aussi, outre l’affirmation d’aversion, le verbe  peut-il signifier désirer « briser l’alliance » et adopter alors un contenu juridique. galement attesté en Malachie 2, 10-16, l’emploi du verbe haïr est lié à la question du divorce, et son sens reste controversé. Ici, la voix du prophète se fait entendre, tandis que l’ensemble du livre de Malachie est l’expression directe de la parole divine. L’interprétation de ce passage malaisé paraît signifier : ky n, « Car je hais le divorce »470. Aussi l’infidélité mentionnée par le prophète est-elle une situation où la haine constitue une source suffisante de divorce471. La présence de ce verbe dans les contrats d’Éléphantine ressort d’une conception et d’une réalité différentes des textes bibliques, où le 467

Dans les textes de Mari des XVIIIe et XVIIe siècle, le verbe « aimer » s’applique à la loyauté et à l’amitié entre rois indépendants, W. S. MORAN, 1964, p. 78-79. Dans le traité d’Assarhadon, le vassal doit jurer qu’il « aimera » Assourbanipal, son fils et prince héritier (col. 4, ligne 266), D. J. WISEMAN, 1958, p. 49-50. 468 R. YARON, 1961, p. 101. 469 Selon S. E. HOLTZ, 2001, p. 241-258, le verbe ’ doit signifier « divorce » parce que l’emploi d’une phrase si particulière suggère qu’il s’agit d’une clause de divorce. Mais l’auteur ne prend pas ses différents aspects en compte. Cette terminologie serait soumise à l’influence proche-orientale, R. YARON, 1961, p. 102. 470 M. A. SHIELDS, 1999, p. 68-86, propose la traduction suivante : « qui hait et divorce ». 471 Ibid., p. 85. Malachie condamne le divorce fondé sur la haine, J. C. HUGENBERGER, 1994, p. 83.

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divorce est, le plus souvent, lié à la puissance et à la décision masculine (Dt 22, 13-19 ; 22, 28-29 ; 24, 1-4). À Éléphantine, s’il est une cause de divorce tant pour les hommes que les femmes, il fait également partie de l’ensemble des procédures qui aboutit à la séparation472. Il se rapporte à la première démarche du divorce qu’est la « déclaration de haine » ou serment, suivie d’autres formalités473. En tant que cause de séparation, son contenu ne manque pas d’être affectif, et lorsqu’il est intégré à la déclaration de haine, il renferme alors un double aspect, affectif et juridique474, brisant doublement le lien du mariage475. Apparu pour la première fois vers 536, le verbe : mst, « haïr476 » est attesté dans presque toutes les conventions matrimoniales égyptiennes avec shep jusque 116477. Dans cette version des contrats, le verbe : ḫ, À léphantine, ce terme ne pourrait signifier « divorce ». Il s’agirait d’une expression technique représentant une institution légale non reconnue qui prévaut dans la loi proche-orientale. Au Proche-Orient, il désignerait la répudiation et la rétrogradation à un statut secondaire. Comme le verbe ’ signifierait « répudiation » et « rétrogradation » du statut dans les textes bibliques, babyloniens et égyptiens, ce même sens s’appliquerait aux documents d’léphantine, H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 2001, p. 55 s. 473 E. KRAELING, 1953, p. 143 ; A. E. COWLEY, 1923, n° 15 ; R. YARON, 1961, p. 55. Le divorce serait réalisé par la prononciation de la « déclaration de haine », R. YARON, 1958, p. 34 ; B. S. JACKSON, 2004, p. 201-219. Tous deux omettent l’ensemble des ingrédients nécessaires à sa concrétisation. Le divorce nécessite la déclaration de haine et le paiement d’argent selon R. BRODY, 1999, p. 231. 474 Le verbe śn’ ne peut que signifier « divorce » selon A. F. BOTTA, 2001, p. 125. 475 Dès le Code d’Hammourabi (§ 142. 60), une femme qui « hait », i-zi-ir, son mari peut, après une enquête, reprendre sa dot et retourner dans la maison de son père. Néanmoins, si cette clause n’est pas inscrite au contrat, la femme ne peut divorcer, à moins de se rendre devant le tribunal, ce qui reste plus que rare. D’autres documents du XVe siècle et provenant d’Alalakh (tablette 92 6-14) témoignent de la possibilité du divorce pour chacun des deux conjoints et la femme peut partir si elle hait son mari. Provenant de Sippar (6 26a), un contrat emploie ce verbe, qui affirme : « Si H divorce… si W le hait seule, et elle partira avec l’autorisation de la cour et le consentement de nos maîtres, les sages ». L’ensemble de ces documents atteste à la fois des causes affectives liées au verbe « haïr » et également des conséquences affectives, juridiques, économiques et sociales, que sont la séparation puis le divorce, H. NUTKOWICZ, 2007, p. 211-225 ; 2004a, p. 165-173. 476 R. YARON, 1961, p. 102, préfère une influence proche-orientale de cette terminologie adoptée par les gyptiens. 477 Ce verbe est utilisé dans les contrats : P. Berlin 3078 ; P. Lonsdorfer I ; P. Libbey ; P. Rylands 10 ; P. Philadelphie XIV ; P. Louvre 2433 ; P. Hauswaldt 4 ; P. British Museum 10394 ; P. Berlin 3109… Il n’apparaît pas dans les conventions P. Caire 31177 et 30601 ; P. Berlin 13593 ; P. Marseille 96 ; P. Strasbourg 56 ; 472

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« quitter/divorcer », répété dans la version ancienne n’est désormais employé qu’une fois478. Et dorénavant mst est toujours précédé du verbe ḫ et suivi du verbe ḫ dont le sens apparaît clairement : « préférer, vouloir, désirer une autre femme479 ». La formule adopte cette forme : « Si je te quitte/divorce (de toi comme mon) épouse soit parce que je te hais, soit que je désire une autre femme que toi » (P. Rylands 10). Il remplace le verbe mr, « vouloir, désirer, préférer », dont l’emploi est attesté jusqu’en 341-332, avec le P. Libbey. Le terme ḫ met l’accent sur un souhait et une volonté de changement, liés à la désaffection, au détachement du mari de son épouse, et réciproquement. Le lien de cause à effet entre la première, la deuxième et la troisième proposition semble s’imposer d’évidence. Haïr, remplaçant l’ancienne disposition, est mentionné dans ces documents comme l’une des causes de la séparation, avec pour conséquence de principe le divorce. La formulation soulignant le désir du mari se transforme, pour mettre en valeur une cause éclairante de nature affective. Elle inscrit une évolution dans la forme, quand bien même le fond ne se modifie pas. Et l’expression « une autre que toi » exprime le souhait du mari de dissoudre son union et de se remarier, et aucunement un désir de polygamie. L’emploi des verbes mst et n, à valeur affective et juridique, est partagé par les contrats des Judéens d’léphantine et les conventions égyptiennes. Adopté par les Judéens d’léphantine comme argument, forme et fond du serment de divorce, le sentiment de haine et son expression sont probablement liés à l’influence égyptienne. En effet, à ce jour, le premier contrat de mariage égyptien stipulant cette clause, daté de 536, précède de près de quatre-vingts ans la première convention matrimoniale judéoaraméenne connue. Et si la cause de la haine est connue dans les textes bibliques, seuls les hommes peuvent s’en prévaloir. Pour le contenu de la déclaration de haine, il pourrait se calquer sur le serment prêté par les époux égyptiens devant le tribunal lors du divorce. Quant à l’affirmation de la perte du statut d’épouse et/ou d’époux, elle reproduit les usages partagés tant par les gyptiens que par les Judéens. Expression de rejet, le verbe n’ se traduit sous une forme affective et se déploie sous une forme juridique. Il évoque la rupture de l’alliance et du contrat. Employé dans la déclaration de haine, il introduit la séparation sans concrétiser le divorce, sorte de préalable à l’ensemble des autres formalités. En outre, lorsqu’il figure dans le contrat, les clauses qui l’évoquent garantissent la possibilité pour les deux genres de l’initiative de la P. Caire 50149, de même que dans celles précédant 536 et, après 116, il est attesté rarement. 478 L’acte de divorcer à l’époque ramesside s’exprime par l’assurance : ḫ r bnr, S. ALLAM, 1973, n° 23, 56, 70. 479 P. W. PESTMAN, 1961, p. 62.

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séparation. Il est le signe de l’indépendance de la femme, qui peut exprimer sa détermination et affirmer ses sentiments à travers cette réalité juridique. L’dh Impératif exprimé dans les conventions d’léphantine, la « déclaration de haine » doit être effectuée devant l’dh, assemblée dont aucun document ne précise la forme et le rôle, outre le fait d’entendre les époux annoncer leur séparation et probablement la mettre par écrit. Il est à rappeler que le mariage est un acte civil, et qu’aucune cérémonie religieuse ne paraît liée à cet événement. Aussi, aucune juridiction sacerdotale ne paraît être compétente devant cette annonce de rupture dans le cadre d’une institution laïque. De plus, il n’y a pas trace d’un « tribunal juif autonome480 ». En effet, à aucun moment, le zqny, ou « conseil des Anciens481 » ou tribunal populaire, n’est attesté dans ces documents. Institution évoquée à diverses reprises dans les textes bibliques, l’dh, « assemblée du peuple » d’Israël se charge de juger les criminels au regard de la loi et d’infliger les peines aux infractions correspondantes, réglant les questions pénales482. S’il n’y a pas de procureur, l’inculpation par des particuliers est décidée au nom de la communauté. L’assemblée est juge et applique les peines résolues (Nb 14, 10 ; 15, 36 ; 35, 24 ; Jos 7, 23-25 ; 20, 6483). Dans certaines circonstances, le peuple est représenté par les Anciens qui n’agissent pas comme des juges mais surveillent le procès. Deutéronome 22, 13-21 décrit une procédure effectuée devant eux, mais ne leur assigne pas un rôle discrétionnaire. Leur rôle est administratif, lorsqu’une union léviratique est rejetée (Dt 25, 5-10). Ils peuvent agir en qualité de témoins lors du transfert de droits de rachat et de devoirs, ainsi qu’en témoigne le récit figurant en Ruth 4, 1-12484. 480

R. YARON, 1961, p. 27. Les Anciens siègent à la porte de la ville en qualité de juridiction communale en charge des affaires civiles (Gn 23, 10 ; Am 5, 10 ; Dt 19, 12 ; 21, 3. 8. 19 ; 22, 15). 482 Selon Dt 19, 12, les Anciens ordonnent le retour de l’assassin réfugié dans les villes d’asile afin qu’il soit châtié. Ils représentent le peuple lors de rituels nécessaires à la purification de la communauté, en raison de la culpabiblité d’un meurtre non résolu (Dt 21, 1-9), ou pour un péché commis par inadvertance par la communauté en son entier (Lv 4, 15). 483 M. J. BUSS, 1977, p. 53. La mort de la concubine du lévite à Ghibea est également jugée et châtiée par l’ensemble de la communauté israélite (Jg 20, 1-2). 484 La fonction judiciaire est principalement exercée par un personnage régnant (un souverain ou un officier militaire), par un prêtre (lévite ou prophète), ou peut-être par quelqu’un qui n’a pas d’autre activité. Un oracle, ou serment « devant Dieu », doit être régi par les prêtres. Il joue un rôle essentiel pour ce qui concerne la défense 481

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Les textes d’Osée mettent en lumière la déclaration orale de divorce chez les Israélites. Mais nulle information ne permet de savoir si des formalités particulières l’accompagnent et si elle doit être prononcée devant une institution, quelle qu’elle soit, qui l’enregistre. L’implantation de communautés étrangères de plus en plus nombreuses en gypte dès le Nouvel Empire s’est poursuivie durant les XXVe et XXVIe dynasties. Fonctionnaires et dignitaires d’origine libyenne, syrienne, accèdent à des postes élevés485. Les étrangers s’installent librement, et leur intégration passe par le travail et le mariage. De fait, les premières alliances exogames connues datent de l’Ancien Empire, qui sont attestées en Haute-gypte. Dans tous les domaines de la vie sociale, les étrangers doivent se conformer aux principes et coutumes juridiques égyptiens. Mipayah, prêtant serment sur la divinité égyptienne Sati, en est un exemple (B2.8). Tant les documents écrits que l’iconographie persuadent d’une adhésion au système culturel égyptien486 et d’un droit de la famille qui paraît avoir conservé son caractère particulier. Les opérations économiques, financières et juridiques sont courantes entre membres des diverses communautés. Quels que soient les domaines de la vie sociale, et plus particulièrement du droit, ils sont tenus d’observer des principes différents de ceux de leur pays d’origine. Aussi, en raison des conditions décrites plus haut du mouvement de pénétration par de nombreux étrangers et des impératifs d’absorption et d’adoption des règles et des coutumes égyptiennes, semble-t-il difficilement concevable d’imposer à des gyptiens, dans le cadre d’une union exogame, l’application de cette règle particulière dans le cadre de la séparation, que serait le fait de procéder à cette formalité devant une cour ou une institution autre qu’égyptienne. En outre, la question se pose de savoir si les juges du roi évoqués parfois dans les papyri d’léphantine, quelquefois simultanément avec le commandant de la garnison, sont susceptibles d’entendre une déclaration concernant le droit de la famille et s’ils peuvent recevoir précisément la « déclaration de haine ». Aucun d’eux n’est cité dans les contrats de mariage, comme ils peuvent l’être dans d’autres documents et si le terme dh, figure dans les clauses de divorce, il n’est pas attesté dans d’autres contrats. Aussi, comme les juges du roi, le commandant de la garnison, l’autorité sacerdotale dans les cas de droit civil. Les juges se voient aussi dotés d’une fonction auxiliaire dans les situations supervisées par les Anciens et/ou les prêtres (Dt 19, 18 ; 21, 2) et exécutent les jugements si besoin est. Les occurrences majeures et/ou malaisées sont présentées devant l’autorité centrale, ainsi l’autorité civile suprême fusionne-t-elle avec celle exercée dans les jugements pénaux. 485 P. TALLET, 2000, p. 135-144. 486 B. KASPARIAN, 2000, p. 125-130.

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sont absents des stipulations de divorce, seule une juridiction communale, sorte de collège ou conseil local égyptien, semble pouvoir entendre le serment de haine. Ce collège ou ḳnb.t487 est doté d’une vaste compétence locale notariale, administrative et judiciaire. Il peut acter, authentifier et enregistrer des conventions conclues devant lui488. Aussi paraît-il probable que les époux judéens et/ou égyptiens désirant se séparer prononcent ce serment devant cette instance qui l’enregistre et le certifie489. Les époux égyptiens peuvent également mettre fin à leur union par la prononciation d’une formule490 qui prend l’apparence d’un serment devant la ḳnb.t, composée d’un groupe de témoins. Ainsi, une missive écrite à un homme adultère, lui recommande de se rendre devant la cour avec son épouse afin de prononcer un serment, l’une des formalités du divorce491. L’emploi, dans cette phrase, du verbe  au sens de « jurer/renoncer », est également attesté dans de rares documents rapportant cette déclaration. Il est introduit dans un texte où le mari énonce ce serment : [ỉỉ ḳỉ r s m t ḳnb.t t wt, « [J’ai ju]ré/renoncé concernant devant la cour du temple » (P. Turin 2021 2, 1-2492). Le verbe  signifie donc également 487

S. GABRA, 1929, p. 2 ; H. NUTKOWICZ, 2004b, p. 181-185 ; A. THEODORIDES, 1969, p. 102-188 et 1979, p. 31-85. Ce conseil, également attesté à léphantine, est doté de nombreuses attributions : civile, religieuse, judiciaire, administrative. Selon l’organisation égyptienne et selon les lieux, il peut y avoir une ḳnb.t de temple, de cité, de district, ou bien encore locale. À Deir-el Medineh, il s’agit d’une ḳnb.t d’ouvriers. Sa composition subit des modifications journalières. Leurs archives sont copiées et centralisées, A. THEODORIDES, 1980, p. 11-46. Le ressort d’un conseil à l’échelon communal, plus particulièrement à Deir el-Medineh, est plus vaste que celui de rendre la justice : il statue sur les délits et faits illicites contre l’ordre public, les conflits entre habitants, gère les problèmes administratifs et toutes les affaires locales, S. ALLAM 1995b, p. 62 s. En dépit de l’émergence de termes nouveaux au cours de la période ptolémaïque, l’institution judiciaire fonctionne, sous les Ptolémées, de la même manière qu’auparavant, et la population égyptienne continue à chercher justice devant ses propres cours, S. ALLAM, 1991, p. 119 s. ; A. G. MCDOWELL, 1990, p. 148-179. 488 A. THÉODORIDES, 1968, p. 179, (P. Berlin 9785). 489 R. YARON, 1958, p. 18, la définit comme une assemblée. 490 P. W. PESTMAN, 1961, p. 78. « Tous les actes se font en Égypte par une déclaration, suivant certaines formes requises, devant un collège compétent qui l’authentifie et l’enregistre », rappelle A. THEODORIDES, 1976, p. 15-55. 491 La formule de recommandation prend la forme suivante : ỉnn ỉb n pj rmṯ r=t ỉmỉ ḳ[=f] r t ḳnb. t ỉrm tj=f m.t mtw=f rḳ=[f], « Si le cœur de cet homme est après toi, qu’il aille devant la cour avec sa femme et jure », J. TOIVOIRI-VITALA 2001, p. 93 ; J. J. JANSSEN, 1988, p. 135 ; J. TOIVOIRI, 1998, p. 1161. 492 A. G. MCDOWELL, 1990, p. 35.

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« divorcer » dans cette sorte d’occurrences493. Pour autant, les formules de serment ne sont aucunement rigides et varient de la plus simple à la plus complexe494. L’aspect public de la déclaration des deux parties judéenne et égyptienne devant cette cour est essentiel, qui porte témoignage devant les tiers, la rend certaine et met en lumière un rôle de publicité au sens juridique du terme495. Cette comparution ne joue pas de rôle judiciaire dans ces circonstances. Les procès-verbaux de serments-déclarations de divorce sont enregistrés et conservés dans une pièce de la ḳnb.t496. Le règlement des questions économiques et financières Leur importance est signalée par la part considérable qu’elles occupent dans les contrats de mariage. Diverses clauses les évoquent, dont la coloration diffère. Une sorte de compensation identique par son montant est à verser par le ou la responsable de la séparation qui porte l’appellation « argent de la haine ». Les époux doivent, en outre, régler les autres aspects financiers et économiques de leur divorce. L’argent de la haine La prononciation de la « déclaration de haine » provoque d’immédiates conséquences financières. La première implique le paiement d’une indemnité portant l’appellation : ksp , « argent de la haine » par celui ou celle, mari ou femme, qui entreprend les formalités du divorce. En effet, la clause de séparation précise à la suite de la déclaration de haine : ksp h, ttb l mwzn wttql lswr ksp qln 6 [+1] r 2, « L’argent de la haine est sur sa tête, elle placera sur le plateau de la balance et pèsera pour Esor de l’argent : 7 sicles 2 quarts » (B2.6 23). L’expression « sur sa tête » 493

J. TOIVOIRI-VITALA, 2002, p. 618. L’O. Gardiner 189 rapporte que, à l’occasion d’une dispute entre un homme et une femme devant le conseil local, l’homme semble promettre de ne pas divorcer de la femme, qui affirme : [ỉw]=f r d bn ỉ ỉ r

rḳ r, « Il dit : je ne jurerai pas à propos », J. TOIVOIRI-VITALA, 2001, p. 93. A. G. MCDOWELL, 1990, p. 35 s. 495 R. YARON, 1961, p. 55. Les textes de l’Orient Ancien enregistrent la comparution des parties ou de témoins devant une cour, J. C. GREENFIELD, 1981, p. 121. Les documents ne précisent pas si cette institution se préoccupe du fond examinant les causes du divorce, ou bien si elle doit inclure un nombre spécifique de personnes pour que le divorce soit valide, J. A. FITZMAYER, 1979, p. 263. 496 À Deir el-Medineh, les procès-verbaux sont conservés dans une pièce réservée à cet effet. Mais seules des « expéditions » incomplètes des documents dressés devant la ḳnb.t du village sont attestées, A. THEODORIDES, 1969, p. 106. 494

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est assurée dans des documents démotiques, en particulier les emprunts, qui se rapporte à la responsabilité du débiteur/de la débitrice497. Bien que cette pénalité semble s’appliquer automatiquement puisque assurée dans les autres conventions matrimoniales, le contrat de Mipayah et d’Esor (B2.6 23) précise que seule celle-ci doit verser l’« argent de la haine ». L’obligation se rapportant à Esor semble avoir été omise par le scribe peut-être par inadvertance, à moins qu’il ne s’agisse d’une ellipse498. Son montant s’élève à 7 sicles et 2 quarts, qui est identique dans les divers documents connus. Cette somme ne semble pas très élevée, cependant supérieure au mohar versé par Esor, mais inférieure à celle acquittée par Ananyah, sorte de valeur moyenne. La seconde partie de la proposition évoque et met en lumière la responsabilité de celui qui a choisi le divorce et sa conséquence financière499. Le contrat de Yehoyima (B3.8 22. 25), renferme une double mention de cette obligation financière, et si la somme de 7 sicles 2 quarts est précisée pour celle-ci, le montant à verser par Ananyah ne l’est pas, mais il est probable que la somme soit identique. Dans leur convention (B3.3 8-9), l’expression « argent de la haine » concerne les deux époux Tamet et ‘Ananyah, et la somme à acquitter est précisée pour chacun d’eux. L’indemnité versée par la partie responsable de la séparation dédommage le conjoint abandonné. Elle permet de payer pour se séparer, de se racheter afin de réparer symboliquement la violence de cet acte. Son montant reste peu élevé et ne peut aisément empêcher le divorce. Ce dédommagement semble répondre à l’indemnité payée par le fiancé qui brise sa parole. Il n’est pas attesté dans les textes bibliques. De plus, le règlement des autres questions financières vient le compléter. Les autres questions financières et économiques Leur portée est telle que toute séparation donne lieu à une liquidation financière et économique, sorte de règlement des comptes et de compte, paiement tangible et symbolique, séparant les comptes et les êtres. Les contrats d’léphantine après paiement de l’« argent de la haine » évoquent parfois la question du mohar acquitté par le mari lors du règlement des formalités financières de l’union. Le contrat de Yehoyima et d’‘Ananyah (B3.8 23. 27) renferme des stipulations parallèles dont le 497

Cette expression figure dans divers actes démotiques, tel l’O. Manâwir 788, qui concerne un prêt et date d’août 407. Elle est prononcée par le débiteur : « Ce document ainsi que ses intérêts qui sont portés, échoira sur ma tête, sur la tête de mes enfants, sur la tête de … », B. MENU, 1998, p. 396-397. Elle est également assurée dans le P. Marseille 297 5, B. MENU, 1972, p. 126. 498 B. PORTEN, 2000a, p. 156, n. 53. 499 J. A. FITZMAYER, 1979, p. 263-264.

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contenu est cependant distinct. Des ajouts et des précisions y figurent. Ainsi, dans chacune d’elles, se rapportant aux deux époux, le texte rappelle l’apport d’argent et de biens à reverser. Et le montant précisé dans les clauses de divorce diffère, selon que l’initiative appartienne au mari ou à sa femme. Ainsi, cette convention (B3.8 25), prévoit, si Yehoyima prend l’initiative de la séparation, qu’elle ne le perçoive pas à nouveau : mhrh ybd, « Son mohar sera perdu », et si ‘Ananyah en est le responsable, il est à nouveau versé à sa femme puisque compris dans la somme totale à restituer dont le coût s’élève à 7 karshs 8 sicles et 5 allurs, alors qu’elle n’a apporté que 6 karshs 8 sicles et 5 allurs (B3.8 23). En outre, le scribe n’a pas précisé le contenu de ses autres biens en ajoutant après l’indication des sommes, l’expression suivante : wrt nksy zy ktybn, « Et le reste de ses biens inscrits ci-dessus » (B3.8 23. 27). Le contrat de Mipayah et d’Esor (B2.6 27) permet de constater qu’en cas de séparation initiée par celle-ci, elle ne percevra pas à nouveau le montant du douaire versé pour leur union, et pas même lorsque la séparation a lieu sur l’initiative du mari (B2.6 27). Ainsi, lorsque le mari est responsable du divorce, il perd le douaire versé lors de l’union et peut également, si le contrat le prévoit, acquitter une seconde fois son montant lors de la séparation. Cette pénalité imposée à ‘Ananyah semble contractuelle, puisqu’elle est absente du contrat de Mipayah. La même clause prévoit que les femmes d’léphantine reprennent leur dot, dont la valeur est parfois énoncée à nouveau dans la modalité de séparation. Elles recouvrent argent et biens apportés dans l’union. La modalité se rapportant au choix de Mipayah organise d’avance les conditions de recouvrement : wkl zy hnlt bydh thnpq mn m d w, « Et tout ce qu’elle a apporté dans sa main elle le remportera d’un copeau à un fil » (B2.6 24-25500), obligeant le mari à restituer la totalité des biens décrits dans sa dot, y compris l’argent. L’expression « d’un copeau à un fil » est également citée dans le contrat de Tamet, mais pas dans celui de Yehoyima. Une autre formule oblige précisément Esor et ‘Ananyah à acquitter leurs obligations financières : bywm  bkp dh, « En un jour en une fois » (B2.6 28 ; B3.8 24. 28). L’usage ne souffre aucun délai, exigeant une simultanéité absolue entre les formalités juridiques et financières, soulignant ainsi l’aspect définitif de la cassure. La durée est exclue, qui empêcherait le départ de l’épouse et la concrétisation de la séparation. Cette coutume, de ne pas permettre au mari de gagner du temps et de laisser se dissoudre cette obligation dans le temps, fait partie des règles de protection de la femme. Pour autant, il semble que des exceptions puissent se produire, comme l’attesteraient peut-être l’acte de reconnaissance de dette d’un mari à la suite d’un divorce et son incapacité à rembourser la totalité des sommes 500

A. FITZMAYER, 1979, p. 264.

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dues à son épouse à ce moment particulier (B4.6), et l’acte de renonciation à biens en faveur de Mipayah (B2.8). Puis, chacune de ces deux affirmations peut être suivie de la formule suivante : wl ydyn wl dbb, « sans poursuite ni procès » (B2.6 2526. 29). Son parallèle est attesté dans des clauses économiques de séparation des contrats égyptiens. Les autres conventions araméennes ne la renferment pas. Outre ces diverses obligations, la répartition exceptionnelle d’un bien partagé peut être attestée. Ainsi, le contrat d’usufruit établi à l’intention de Yezanyah, époux de Mip (B2.4 8-10), évoque une situation particulière en cas de séparation décidée par cette dernière. Si, en règle générale, les époux n’apportent pas leurs biens personnels dans l’union, les conditions imposées par Maseyah, père de Mip, lors de la donation de la nue-propriété d’une maison à sa fille et de son usufruit à son gendre à l’occasion de leur mariage créent un lien de dépendance économique spécifique et font rentrer cette maison dans le patrimoine commun selon des règles spécifiées dans le contrat. Cette liberté prise au regard du régime matrimonial usuel démontre la créativité des parties en fonction des besoins. Une obligation transparaît, qui restreint le droit de Mip à disposer de la maison en cas de divorce. Celle-ci doit demeurer dans le patrimoine familial. Yezanyah, son époux, se voit imposer la même restriction. Une modalité suit, qui précise la nouvelle répartition des droits de propriété après réalisation des travaux exigés par le père de Mip et affirme que, si cette dernière, en raison de leur divorce, réclame la maison à son mari, seule une moitié peut lui être transmise, tandis que l’autre moitié sera attribuée à Yezanyah, comme droit d’usage, en dépit de leur séparation, en échange des travaux réalisés : hn thnl mnk plg byt [y]h[w]h lh lmlq wplg rn nt ly bh lp bnwy zy nt bnyt bbyt, « Si elle te réclame, la moitié de la maison [s]e[ra] sienne, mais l’autre moitié tu y as droit en échange des (améliorations) de construction, que tu as apportées dans cette maison » (B2.4 10-12). En dépit du fait que Mip soit nue-propriétaire de la maison, Maseyah limite ses droits en cas de séparation. Par ailleurs, le sort des biens du mari lors du divorce semble ressortir d’une disposition des deux conventions de Mip et de Yehoyima. Ainsi, la modalité interdisant à quiconque de soustraire les possessions d’Esor à Mip (B2.6 29-31) et celles d’‘Ananyah à Yehoyima (B3.8 30-32), sous peine d’une pénalité considérable de 20 karshs, identique à celle figurant dans le contrat P. Berlin 13593, semble leur garantir un droit à leur part sur les possessions de leur conjoint : w[z]y yqwm l mpyh ltrkwth mn… wnkswhy wqnynh yntn lh ksp krn 20 wybd lh dyn spr znh, « Et quiconque se lèvera contre Mip afin de l’expulser de… et de ses biens (d’Esor) et de ses possessions, lui donnera de l’argent : 20

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karshs et lui appliquera la loi de ce document » (B2.6 29-31). Cette stipulation concerne peut-être le droit acquis par Mip dès que cet acte est dressé, tout comme pour les femmes égyptiennes, sur une quote-part des biens de son mari, et qui se concrétise lors de la séparation501. Ainsi, si les acquêts ne sont pas évoqués, à ce qu’il semble, Mip et Yehoyima paraissent conserver un droit sur les biens du conjoint, garanti par cette clause et une pénalité. L’ensemble des sommes à payer par le mari, l’obligation de rendre la dot et d’octroyer parfois à l’épouse une quote-part de ses biens par le paiement, possible, d’une pénalité identique au montant du douaire atteint une valeur telle qu’il doit empêcher une décision inconsidérée502. L’impossibilité du moindre délai restreint encore cette éventualité. Les textes bibliques ne nous informent pas des droits de la femme divorcée, mais ce silence ne saurait permettre de conclure qu’elle n’en avait pas. Seule la femme adultère n’en avait aucun. Le règlement financier et économique de la séparation en Égypte est au cœur du contrat de mariage et du régime matrimonial. Dans le cadre de l’union avec versement de la « donation matrimoniale », le texte des contrats qui mentionnent les « biens de la femme » établit l’obligation pour le mari de rendre la dot à son épouse, car elle lui appartient, ainsi que le précise, par exemple, cette clause : ỉw=t bnr ỉw=w bnr ỉrm=t, « Si tu es à l’extérieur (de ma maison), ils sont à l’extérieur avec toi » (P. Lonsdorfer I 3503). Il peut avoir le choix entre lui rendre les biens détaillés dans la clause du contrat lorsqu’il s’y est engagé, ou rembourser la valeur estimée des biens apportés par son épouse : ỉw=j dj.t n=t nj=t nkt.w n s.m.t ntj rj gr swn=w (n) ḏ r  p ntj s rj, « Je te donnerai tes biens de la femme, ci-dessus (mentionnés), ou leur valeur en argent conformément à ce qui est écrit cidessus » (P. British Museum 10394 2504). Il peut encore promettre la fourniture de biens similaires quant à leur nature à ceux qu’elle avait apportés lors de leur union, et dont il a disposé librement, ou bien en 501

Le texte de cette clause est le suivant : « Quiconque au monde t’éloignera de ma maison et te soustraira mes possessions, il appliquera pour toi la loi de cet écrit pour la femme, ci-dessus mentionné » (P. Berlin 13593 7), P. W. PESTMAN, 1961, p. 157, n. 11. Voir p. 147. 502 R. YARON, 1961, p. 59. 503 Une autre formule est attestée, qui diffère à peine : ỉw=t (n) n ỉw=t (n) n ỉrm=w ỉw=t (n) bnr ỉw=t (n) bnr ỉrm=w, « Si tu es à l’intérieur (de ma maison), tu seras à l’intérieur avec eux ; si tu es à l’extérieur (de ma maison), tu seras à l’extérieur avec eux ». Elle figure dans tous les contrats à partir du P. Turin 2129. 504 Les contrats P. Lonsdorfer I, P. Bibl. Nat. 236, P. Turin 6076 et 6111, P. Strasbourg 56, prévoient ces deux possibilités.

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rembourser la valeur telle qu’elle figure dans la convention matrimoniale : mtw=j dj.t n=t p smt (n) nj=t nkt.w n s.m.t r.ỉn=t r pj=j .wj ỉrm=t gr swn.ṱ=w ḏ r  p  r ntj s r.r=w, « Soit je te donnerai des choses similaires à tes biens de la femme que tu as apportés dans ma maison avec toi, ou bien leur valeur en argent conformément au prix qui est inscrit les concernant » (P. Hauswaldt 6 5505). L’épouse et le mari ne devraient ainsi faire ni gain ni perte506. Lorsque la femme verse l’« argent pour devenir une épouse », le mari doit, lors de la séparation, restituer le même montant sans que le contrat ne précise la somme : pj=t sw w[ḫ n] j=t .w ntj rj dj=t st n=j mtw=j ntj ỉw.ỉr=t ỉr=f ỉw=j dj.t st n=t ỉm=f w hrw n hrw 30 n p sw wḫ=w mtw=j ntj ỉw.ỉr=t ỉr=f, « À tout moment où tu voudras de moi l’argent cidessus que tu m’as donné, comme tu le demanderas, je te le rendrai alors un jour dans les trente jours où tu me l’as réclamé, comme tu le demanderas » (P. British Museum 10607 4507). Des actes plus tardifs précisent ce détail, ainsi cette convention datée de 172 : mtw=j dj.t st n=t p ssw n wḫ=w mtw=j ntj ỉw.ỉr=t ỉr=f w hrw n hrw 30 p ssw wḫ p ḏ 110 ntj ry, « Soit je te le rendrai le jour où tu me le demanderas en retour de moi, (ou) un jour dans les 30 jours (après) le jour où tu me l’as réclamé, l’argent 110 debens ci-dessus (mentionné) » (P. British Museum 10593 4508). Mais s’il ne le rembourse pas dans les 30 jours, il se trouve dans l’obligation de continuer à entretenir son épouse selon les prescriptions de la modalité prévue au contrat, jusqu’au jour du remboursement : « Si je ne te rends pas les 500 (debens) ci-dessus (mentionnés), de (ma) main, dans les 30 jours, (je te) donnerais ta nourriture et ton habillement, conformément à la nourriture et à l’habillement, comme précisé ci-dessus : le (même) boti et l’argent de cuivre, ci-dessus décrits, jusqu’à ce que je te rende l’argent ci-dessus, 500 (debens) » (P. Caire 50129 8-9509), ou bien de lui verser une amende : n hrw 30 n wḫ=w mtw=j ntj ỉw.ỉr=t ỉr=f ỉw=j dj.t n= t ḏ []l ḏ 5 n n dnj.w n pr-ḏ Pt, « (Si je ne te les rends pas un jour) dans les 30 jours à compter 505

Des enregistrements sont établis par certains villageois de Deir el-Medineh, des objets apportés dans leur union, ce qui leur permet de conserver la mémoire des biens de chacun, J. TOIVOIRI-VITALA, 2002, p. 619. 506 P. W. PESTMAN, 1961, p. 65, 99 s. 507 P. British Museum 10609 emploie la même formule. 508 Le contrat peut révéler une variante : ỉ j r dj. t n=t ḏ 750 ntj rj n w hrw n hrw

30 n p ssw n ḫ.ṱ=t m.t ntj ỉw=j ỉr=f n p ssw m n=t n-mj.t.t p ntj ỉw.ỉr=t ỉr=f : « Je te donnerai les 750 (debens) ci-dessus (mentionnés), un jour dans les 30 jours après le jour où je divorcerai de toi comme épouse, ou le jour où tu partiras de toi-même » (P. Leyde 373a). 509 L’entretien est décrit dans les contrats : P. Bryce ; P. British Museum 10593 ; P. Leyde 373a ; P. British Museum 10229.

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(du jour) où tu me le demanderas, alors je te donnerai une indemnité de 5 (debens) en pièces du trésor de Ptah » (P. Louvre 2429 3). Dans certains contrats, il est précisé que si l’épouse ne réclame pas le remboursement, elle n’a droit ni à l’argent ni à l’entretien. Dans d’autres, le mari prend sur lui de rembourser l’argent (P. Leyde 373a). Lorsque l’épouse le réclame, la durée de 30 jours commence à courir. Cette revendication n’est effectuée que dans le cadre de la dissolution de l’union. Si le mari ne souhaite pas ou ne peut pas s’acquitter de cet impératif, son devoir d’entretien renaît. Les dépenses nécessaires sont plus élevées que l’apport initial510. En outre, cette dette peut être garantie par la totalité des biens du mari. Aussi, les intérêts de l’épouse sont sauvegardés. Dès que la somme est acquittée, la femme doit rendre le contrat de mariage à son mari. Elle peut néanmoins le conserver après remboursement, si la reconnaissance de dette est invalidée par annulation (P.Caire 50129), ou bien si une disposition spécifiant que le mari s’est bien acquitté de ses obligations envers elle, ou bien les deux, est ajoutée au bas du document (P. British Museum 10606). Dans les unions comportant le paiement du « document d’alimentation », l’épouse doit en réclamer le montant figurant dans la stipulation s’y rapportant, quand bien même il n’a pas été versé. Le divorce précède le paiement que l’époux doit lui reverser le jour où elle le lui réclame (P. British Museum 10591 VI 21). En décidant de ne pas le rembourser, le mari s’oblige à ne pas dissoudre l’union unilatéralement. Il doit également verser l’argent nécessaire à l’entretien jusqu’au jour de la restitution, de même après la dissolution de l’union, et tant que l’épouse ne la lui a pas réclamée, condition nécessaire pour le reversement. Aussi, après le divorce, la femme conserve-t-elle la possibilité de pencher entre l’entretien et le remboursement du snḫ. L’intérêt du mari après la demande est de s’acquitter du montant mentionné dans le « document d’alimentation » le plus rapidement possible en raison de la disproportion entre sa valeur et celle de l’entretien alloué. Mais il ne peut obliger son épouse à l’accepter et ne doit lui restituer que lorsqu’elle le requiert, aussi affirme-t-il : bn ἰw=j rḫ d p pj=t snḫ ntj rj pj=t ssw wḫ=f ἰw=j dj.t s n=t, « Je ne pourrai pas te dire : reçois ta dotation qui est (inscrite) ci-dessus. Le jour où tu me le demanderas en retour, je te la rendrai » (P. Caire 30608 3511). Après 510

Dans le P. British Museum 10609, l’apport de la femme est de 100 debens et l’entretien annuel de 20 debens. Il en est de même dans les autres contrats, P. W. PESTMAN, 1961, p. 69. 511 C. F. NIMS, 1938, p. 74-77. Des variations sont assurées, ainsi dans le P. Hawara 1 3 : bn ἰw=j rḫ ḏ n=t p pj=t snḫ nt rj pj=t sw n wḫ=f ἰw=j dj.t s n=t, « je ne pourrai pas te dire : prends ta dotation inscrite ci-dessus, (mais) quel que soit le jour où tu la désires je te la rendrai », G. R. HUGHES, R. JASNOW et J. G. KEENAN, 1997, p. 9-12.

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reversement, le contrat doit être également remis au mari par l’épouse, prouvant ainsi que l’union est dissoute ; néanmoins, elle peut le conserver lorsqu’il est annulé (P. Caire 30607). Lors du divorce sur l’initiative du mari, celui-ci doit dédommager son épouse et lui verser une indemnité, et lorsqu’il divorce en raison de son souhait d’épouser une autre femme, une compensation supplémentaire s’ajoute : ἰw = j ḫ.ṱ=t m.t ἰw = j dj.t n = t ḏ 10 r sttr 50 r ḏ 10 n bt 400 t hn 40 ἰw = j ḫn k.t s.m.t r.r = t ἰw = j dj.t n = t [ḏ] 10 r sttr 50 r ḏ 10 n bt 400 t hn 40 r m ḏ 20 r sttr 100 r ḏ 20 n bt 800 t hn 40 [r ἰ 53]31/3 bt 800 t hn 40 n, « Si je divorce de toi comme épouse, je te donnerais 10 (debens) d’argent, équivalents à 50 statères, qui font 10 (debens) d’argent à nouveau (et) 400 artabes (en jarres) de 40 hin de blé (amidonnier ou épeautre) ; si je désire une autre femme que toi, je te donnerais (en outre) 10 (deben d’argent), équivalents à 50 statères, qui font 10 (debens) d’argent à nouveau, (et) 400 artabes (en jarres) de 40 hin de blé (amidonnier ou épeautre), au total 20 (debens) d’argent à nouveau, équivalents à 100 statères, qui font 20 (debens) d’argent à nouveau (et) 800 artabes (en jarres) de 40 hin de blé (amidonnier ou épeautre), équivalents à [53]3 1/3 ((artabes) (d’orge qui font) 800 artabes (en jarres) de 40 hin de blé à nouveau » (P. Caire 30601 2-3). Ce dédommagement pour divorce apparaît uniquement dans les conventions avec douaire, et presque sans exception. Diversifiée selon les contrats, cette somme peut lui être équivalente (P. Lonsdorfer I), et parfois atteindre cinq fois son montant (P. Rylands 10 ; P. Philadelphie XIV)512 . Dans les accords connus et passés avant le P. Caire 30601 de 230, aucune compensation n’est évoquée au motif du désir d’épouser une autre femme, mais le mari se voit uniquement tenu de verser l’équivalent du douaire (P.Louvre 7849 7). Dans les cas d’adultère, aucune indemnité n’est à verser513. Lorsque l’épouse décide la séparation, elle doit restituer à son mari la moitié du shep perçu, sorte de paiement d’une réparation : ἰw=j dj.t n=k ḏ ḳt 2½ r ḏ r sttr 1.t ¼ r ḏ ḳt 2½ n m-n pj ḏ ḳt 5 r sttr 2.t ½ r ḏ ḳt 5 n r.dj=k n=j pj=j p n s.mt, « Je te donnerais 2, 5 kites d’argent équivalents à 1 statère ¼, qui font 2,5 kites à nouveau, de ces 5 kites

512

La proportion atteint 2 fois son montant dans les P. British Museum 10394 ; P. Hauswaldt 15 ; P. Berlin 13593. Elle est de 20 fois son montant dans le P. Louvre 2433, et de 10 fois son montant dans les P. Turin 2129, 6076 ; P. Caire 30800 et P. Strasbourg 56. 513 P. Berlin 3048 II 11-21 18-19 ; P. Caire 30907/30909 7-8 ; P. Louvre 7849 + 7857A/B 6-7, 7846 5-6.

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d’argent, qui font 2,5 statères, (de ces) 5 kites d’argent, qui tu m’as donnés comme shep de la femme » (P. Libbey 2514). Tout ce que le mari acquiert durant son union est considéré comme acquis avec sa femme et l’usage veut que les acquêts soient partagés à concurrence de 2/3 pour le mari et 1/3 pour la femme515 : mtw=j dj.t n=t p 1/3 n ntj nb nkt nb ntj ἰw=j dj.t ḫpr=w ἰwṱ=j ἰrm=t, « Et je te donnerai 1/3 de tout et toutes choses que j’acquerrai entre toi et moi » (P. Lonsdorfer I 2516). Le mari peut également s’astreindre à verser le tiers de ses biens présents et à venir : « Et je te donnerai le tiers de tout, de chaque chose qui m’appartient ainsi que ceux que j’acquerrai » (P. British Museum 10394 4). L’usage du versement du tiers est usuel lors de la dissolution de l’union, mais les époux sont libres de prévoir d’autres avantages pour l’épouse517. Ainsi, le contrat peut mentionner le paiement à celle-ci de la moitié des biens présents et à venir du mari : mtw=j dj.t n=t t p n ntj nb nkt nb ntj mtw=j n n ntj ἰw=j dj.t ḫpr=w ἰrm=t tj p hrw r rj ἰwṱ, « Et je te donnerai la moitié de tout et de chaque chose qui m’appartient et de ce que j’acquerrai, entre toi et moi, de ce jour et après » (P. Philadelphie 875B 3). La convention peut ajouter : d ḳnb.t nb mt nb n p t, « Sans quelque procès sur aucune chose au monde à intenter contre toi » (P. Philadelphie 875B 3). Une modalité peut être insérée qui garantit à l’épouse le titre afférent à sa part sur ses autres possessions. Le P. Berlin 13593 7-8 comporte cette stipulation : p rmṯ nb p t ntj… mtw=f lg pj=j nkt ἰw.ἰr.r=t ἰw=f ἰr n=t p hp n pj s nm.t ntj rj r.ἰr=j n = t n tr ἰwṱ mn ἰwṱ sḫ nb, « Quiconque au monde… te retirera mes biens, il appliquera pour toi le droit de cet “écrit pour la femme” ci-dessus mentionné, que j’ai établi pour toi précisément sans persistance et sans malveillance518 ». Cette clause constitue une garantie contre les tiers en faveur du droit de l’épouse à la part qu’elle acquiert sur les possessions de son mari, lors de la séparation.

514

E. LÜDDECKENS, 1963, n° 9 ; W. SPIEGELBERG, 1907, p. 1-7. P. W. PESTMAN, 1961, p. 126, 139, 157. Divers exemples mentionnent cette proportion. Le « Testament de Naunakhte » évoque la répartition de ses biens avec son mari, à savoir 1/3 pour elle et 2/3 pour lui. L’O. Gardiner 55 confirme la proportion des 2/3. Le P. Turin 2021 3.1 rapporte le récit de la donation faite à la seconde épouse des 2/3 en plus de son 1/3. L’exemple du P. British Museum 10416 est à rappeler, où cet usage apparaît par deux fois, A. G. MCDOWELL, 1990, p. 3536. 516 Le P. Hauswaldt 6 2 propose une formule légèrement différente : mtw=j dj.t n=t p 1/3 ntj nb nkt nb ntj ỉw=w ḫpr ỉwṱ=j ỉrm=t n tj p hrw r rj, « Et je te donnerai 1/3 de tout et chaque chose qui sera entre moi et toi de ce jour et après ». 517 Dans le P. Louvre 7849 8, le mari promet à son épouse la totalité de ce qu’ils acquérront. 518 Voir ch. V, p. 283. 515

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D’autres documents que les contrats de mariage témoignent de cette répartition des acquêts selon la règle usuelle du tiers pour la femme et des deux tiers pour le mari. Ainsi, lors du règlement de sa succession par le prêtre Amenkhâou en faveur de sa nouvelle épouse, le vizir interroge les enfants de sa première union, leur posant la question suivante concernant les neuf serviteurs qu’ils ont reçus : « Qu’il vous les a remis comme représentant les deux tiers [qui ont résulté] du partage d’avec votre mère » (P. Turin 2021 III 7-8519). Dans l’O. Gardiner 55, un homme marié explique l’origine des deux tiers des biens qui lui sont revenus par le divorce de son père : « Quant aux objets qu’il [mon père] a donnés, ce sont les deux tiers qui m’ont été donnés lorsqu’il les eut partagés… avec leur mère. Sa part à elle [son tiers] étant en sa propre possession520 » (V 1-4). Si l’épouse part de sa propre volonté, elle renonce à ce droit : ἰw=j wj.ṱ r.r=k p 1/3 ntj nb nkt nb ntj ἰw=j r dj.t ḫpr=w ἰrm=k, « Et je suis loin de toi (du) 1/3 de tout et de chaque chose de ce que j’acquerrai avec toi » (P. Libbey 2-3). Le document peut ajouter la formule mentionnée plus haut : « sans quelque procès au monde à intenter » (P. Berlin 3078 6). Si elle a commis un adultère, elle peut également perdre ce droit. Parfois, les contrats précisent qu’il faudra acquitter l’intégralité des possessions du père et de la mère du mari (P. Louvre 7849 8), ou bien une partie seulement : dnj.t ḫ.t ἰt=f, « une part des biens de mon père » (P. Louvre 7846 7). Les contrats distinguent toujours entre les possessions actuelles du mari et celles à venir. Lorsque les « biens de père et mère » sont mentionnés, le sens de cette expression se rapporte à ce qu’il possède d’ores et déjà et à ce qu’il obtiendra par succession. Ces stipulations, qui suivent immédiatement la clause de divorce, en sont la simple continuité et sont valides lorsque le mari prend la responsabilité de la séparation. La dot de la femme est systématiquement reversée lors de la séparation chez les Judéens d’léphantine et les gyptiens. Jusque 364, les hommes égyptiens acquittent une compensation équivalente au shep, précisée dans la convention matrimoniale, et les maris judéens d’léphantine versent aussi une somme identique au mohar, sauf exception, et la pénalité de 7 sicles 2 quarts. La pénalité supplémentaire pesant sur l’époux égyptien désirant se remarier exprime probablement la désapprobation d’un tel choix. Les femmes égyptiennes, responsables de la séparation, paient une somme fixée dans le contrat avec douaire, et dont le montant s’élève à la moitié de J. ERNY et T. E. PEET, 1927, p. 32 ; J. ERNY, 1937-38, p. 42 ; A. THÉODORIDÈS, 1964, p. 60. 520 J. ERNY et T. E. PEET, 1927, p. 38-39 ; J. ERNY, 1937-38, p. 46-47 ; A. THÉODORIDÈS, 1964, p. 60. 519

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sa valeur, et les Judéennes d’léphantine, qui ont adopté l’usage égyptien, doivent régler un montant fixé à 7 sicles 2 quarts, dans les contrats connus. Le paiement d’une indemnité à la charge du conjoint l’ayant choisie, souligne un équilibre entre les deux genres. Le paiement correspond à la contrepartie de leur responsabilité et du choix dont elles supportent les conséquences. La femme doit ainsi s’acquitter d’une amende pour avoir fait le choix d’une rupture. Elle achète sa liberté et en paie symboliquement et matériellement le prix. La part des acquêts, destinée à la femme égyptienne, lui assure une certaine sécurité, et la garantie sur les biens du mari oblige ce dernier à réaliser matériellement ses obligations. Mais ce gage ne pèse sur le conjoint que si celui-ci en a donné le moyen à la femme, par l’établissement d’une clause le prévoyant dans un contrat avec shep, l’« argent pour devenir une épouse » ou « document d’alimentation ». Tant la femme égyptienne que la femme judéenne d’léphantine, obtiennent des avantages financiers considérables lorsque leur mari décide de la séparation, puisque ce dernier se voit tenu de reverser soit une part, soit la totalité de ses biens. Ces nombreuses et notables obligations financières ont pour dessein d’empêcher une séparation hâtive et irraisonnée. Les documents égyptiens doivent revenir au mari après divorce faisant ainsi preuve du paiement de leurs engagements financiers. Dans la mesure où les contrats judéens sont conservés dans les archives de Mipayah et les autres dans celles d’Ananyah, il paraît probable que leurs propriétaires n’ont pas divorcé. En outre, formalité complémentaire, l’invalidation du contrat confirme le paiement des obligations financières, quel que soit le régime matrimonial, qui peut alors être conservé par la femme ou le mari. Elle certifie également que le terme des devoirs du mari est atteint. Les contrats judéens n’apportent aucune information sur cette question. Le certificat de divorce Si aucune information n’est apportée par les documents d’léphantine, les textes bibliques évoquent un document de divorce dont le contenu n’est pas transmis, et l’gypte en a livré quelques-uns. Néanmoins, en dépit de l’absence d’écrit, il est possible d’admettre qu’un document de divorce existait à léphantine proche des contrats égyptiens et/ou de ceux de Juda, mais dont l’usage n’était pas systématique, ni obligatoire. Son contenu pourrait au moins se composer d’une clause dans laquelle le mari constate la séparation, renonce à sa relation maritale et l’autorise à se remarier521. 521

M. J. GELLER, 1977, p. 148.

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Le centre de gravité de la dissolution du mariage dans les textes bibliques repose sur l’homme et le : sfr krtt, « acte de divorce522 ». Ce document est mentionné en Deutéronome 24, 1. 3, dans les prophéties de Jérémie (3, 8), qui renoue avec la règle de Deutéronome, où il apparaît dans la description du divorce entre Dieu et Israël, et en Isaïe 50, 10. L’« acte de divorce » est probablement plus ancien que son apparition dans le Deutéronome qui admet son existence connue mais ne l’explique pas523. Trois phases mettent en scène la spécificité de cet acte. Ce « libelle de divorce » doit être écrit par le mari, puis tendu à la femme divorcée qui part de la maison. Il sert de preuve légale de sa liberté à la femme divorcée et lui permet de se remarier524. Sans cet écrit, l’ex-mari pourrait changer d’avis et prétendre que sa femme et lui sont toujours unis. Une fraction de son contenu est peut-être transmise par le texte d’Osée 2, 4, qui affirme le changement de statut de chacun. Le contenu du « libelle de divorce » n’étant pas connu, ses aspects sociaux et juridiques échappent nécessairement. Il est possible qu’il ait inséré une clause affirmant une autorisation de remariage525, ainsi que les contrats égyptiens. Une série de protocoles de l’ancienne Égypte, datés de 542 à 100, dont quatre de la période perse, livre la teneur des certificats de divorce526. Le plus ancien de ces documents est rédigé six ans après le dernier contrat de mariage avec douaire passé entre le mari et son beau-père. Deux, parmi ces actes de divorce, appartiennent à la même femme divorcée deux fois (P. Berlin 3076 et 3079), deux autres à la même famille (P. Philadelphie XI ; P. British Museum 10074), et les femmes nommées dans trois autres actes ont des liens de famille (P. Heidelberg 779a, 762, 770, 774 ; 754c). Ces 522

Salomé, sœur du roi, fait parvenir un acte de divorce à son mari, ce qui est contraire à la loi juive (AJ 15. 7. 9 ; 10. 253-260). 523 Pour autant, le terme krt, « couper » n’est pas utilisé dans l’Ancien Testament en lien avec le divorce et il n’en est pas fait mention à léphantine, R. YARON, 1957, p. 127. 524 D. INSTONE-BREWER, 1998, p. 235. L’acte de divorce de Massada, de 72, exprime clairement ce fait, qui autorise la femme divorcée à partir et à épouser tout Juif qu’elle désire, R. de VAUX, J. T. MILIK et P. BENOIT, 1961, p. 104-109. 525 Le contenu du certificat de divorce serait semblable à celui des certificats de divorce rabbinique, qui affirment : « Tu peux épouser tout homme que tu désires », D. INSTONE-BREWER, 2002, p. 29. 526 Les actes de la période perse sont les suivants : P. Caire 30665 (déc. 542) ; P. Berlin 3076 (oct. 513) ; P. Berlin 3079 (juill. 489) ; P. Berlin 3077 (sept. 488). Avec le P. Philadelphie XI (mars 281) commence la série des contrats de la période ptolémaïque : P. British Museum 10074 (avr. 230) ; P. Heidelberg 779a (25 mars 123) ; P. Turin 6094 (29 déc. 114) ; P. Heidelberg 762, 770, 774 (18 sept. 100) ; P. Heidelberg 754c (100 env.).

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documents rédigés par le mari le jour du divorce ou après sont tendus à l’épouse527 et conservés par cette dernière dans les archives familiales. Leur contenu diffère légèrement dans la forme et le fond. Des affirmations précisent les particularités de la séparation. Après l’indication de la date, du jour, du mois et de la saison de l’acte sont insérées des précisions se rapportant aux parties en présence. La profession du mari est toujours mentionnée, plus rarement celle du père de la femme528. La première phrase adopte le style objectif, qui introduit le propos du mari. Immédiatement après, le document use du style subjectif pour la partie opératoire. Le contrat ne reprend pas l’argument de la haine, demeuré cause de séparation. Aussi, dès la première clause, cet acte constate la séparation : ḫ=j ṱ=t m.t n p hrw, « Je t’ai quittée/j’ai divorcé (de toi) comme épouse aujourd’hui » (P. Caire 30665 1529). Ce dernier terme n’est cependant pas toujours assuré (P. Berlin 3076 1-2 ; 3079 4 ; Turin 6094530). Certains contrats emploient le terme bs.t et non m.t (P. Berlin 3079 1 ; 3077 1). La formule parallèle à celle du mariage éclaire le motif de l’établissement de l’acte en question. Puis, dans ces conventions, le mari déclare qu’il n’a plus aucun droit sur son ancienne épouse : dj=j wj.ṱ=t r.r=t n hp n m.t, « Je suis loin de toi, en ce qui concerne (le) droit de la femme » (P. Philadelphie XI 2531). Le hp n m.t ou « droit de la femme » est assuré dans les contrats de la période ptolémaïque. Les actes de la période satrapique n’insèrent pas cette deuxième proposition (P. Berlin 3077). Le verbe wj, « être loin », employé dans cette expression, traduit la distance inscrite entre les deux époux, la cassure du lien, sa limite. Si le terme hp, « droit » peut mener à l’idée que le mari possède des droits sur sa femme, peut-être conjugaux532, par son emploi, ce dernier souligne que ses droits et obligations à son égard 527

Un certain nombre des actes de divorce attestés est conservs dans ses archives : P. Berlin 3076, 3079 ; P. Philadelphie II…, P. W. PESTMAN, 1961, p. 84. 528 Dans deux des contrats (P. Caire 30665 et P. Berlin 3079), le mari et le père de l’épouse sont des choachytes, et dans le P. Heidelberg 779a, le mari est vétéran et le père de la femme cavalier. 529 W. SPIEGELBERG, 1923, p. 5. 530 La formule est simplifiée : ḫ=j=t n m.t, « je t’ai quittée/j’ai divorcé (de toi) comme épouse » (P. Turin 6094 14), G. BOTTI, 1967, texte, n° 16. 531 C. J. MARTIN, 1995, p. 70 ; N. J. REICH, 1933, p. 135-139 ; M. EL-AMIR, 1959. D’autres documents renferment cette même formule : P. British Museum 10074, P. Heidelberg 779a, P. Turin 6094, P. Heidelberg 762, 770, 774, P. Heidelberg 754c. P. Heidelberg 762, 770, 774 et 754c ajoutent : (n) rn (n), « pour le compte de », la formule devient alors : (n) rn (n) hp n m.t, W. SPIEGELBERG, 1923. 532 P. W. PESTMAN, 1961, p. 17. Il s’agit du droit conjugal considéré comme parallèle au « droit de propriété », avec le sens de droit de possession, C. F. NIMS, 1948, p. 255 s.

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sont éteints. Par ailleurs, des contrats de mariage anciens avec shep emploient l’expression « qui m’appartient », se rapportant à l’épouse (P. Louvre 7846 ; 7849 et 7857A/B). Aussi cette formule, qui semble faire écho à l’expression figurant dans l’acte de divorce, marque-t-elle la continuité de l’emploi de formules identiques par les scribes tout au long des siècles. Pour autant, bien que le contenu de ce concept reste assez flou, cette formule décrit vraisemblablement un lien familial et affectif, et non un droit de propriété ou de possession sur l’épouse533. Avec la clause légale suivante, le mari ajoute et confirme qu’il n’a dorénavant aucune prétention fondée sur le fait qu’elle était son épouse : mn mtw=j md nb n p t r .wj=t rn m.t ṯj p hrw r rj n tr ἰwṱ mn ἰwṱ sḫ nb, « Je n’ai pas de réclamation au monde contre toi534 en vertu (du fait que tu es ma) femme de ce jour et après, définitivement, sans délai et sans violence » (P. Philadelphie XI 3535). Ces derniers mots semblent aborder l’aspect financier de la séparation, peut-être son aspect concret, afin d’éviter tout conflit et/ou plainte. Dans l’ensemble des contrats de divorce, le mari assure l’épouse de sa nouvelle liberté et de son droit au remariage, sans qu’il puisse l’empêcher, à compter du jour du divorce : ἰnk ἰ.ἰr d n=t ἰ.ἰrj n=t hj bn ἰw(=j) rḫ  r .ṱ=t n .wj nb ntj ἰw.ἰr=t m r.r=w ἰw ἰr n=t hj n.ἰm=w, « Je suis celui qui t’a dit : “Prends-toi/fais pour toi un mari” je ne peux pas me tenir sur ton chemin dans tout lieu où tu veux te rendre pour te prendre là un mari » (P. Berlin 3079 5536). Si les actes de mariage se réfèrent à des questions économiques, les actes de divorce n’en font pas mention. Les aspects économiques et 533

Le terme hp se rapporte à un droit de propriété. Tous les emplois renvoient à l’idée de possession des droits du mari sur sa femme, aussi « être loin » signifie n’avoir aucun droit de propriété. Le droit du mari serait juridiquement construit comme un droit de propriété. Lorsque le mari paye le shep, il acquiert certains droits sur sa femme afin qu’elle se conduise en bonne épouse, P. W. PESTMAN, 1961, p. 18 s. Cette expression est néanmoins impossible à définir, E. SEIDL, 1956, p. 40 s. 534 Cette formule est attestée dans les contrats de transmission à titre gratuit et onéreux. Voir les clauses de garantie des ch. V et VI. 535 La formule : mn mtw=j md nb p t ỉ.ỉr n=t, « Je n’ai aucune réclamation au monde contre toi », est insérée dans les contrats P. British Museum 10074 ; P. Heidelberg 779a, 762, 770, 774, W. SPIEGELBERG, 1923. Les P. Berlin 3076, 3079 et P. Philadelphie X remplacent les derniers mots de la précédente formule par : r .wj=t, « à faire peser ». 536 Les documents livrant l’affirmation qui précède la recommandation de prendre un mari : ỉnk p ntj ḏd n=t, « je suis celui qui t’a dit », sont les suivants : P. British Museum 10074 ; P. Heidelberg 779a, 762, 770, 774, 754c. Les P. Berlin 3079 et Philadelphie XI livrent la formule : ἰnk ἰ.ἰr ḏd n=t. Le P. Turin 6094 affirme : ἰnk p nt ḏd n=t, « Je suis celui qui t’a dit » (15-16).

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financiers sont en effet intégralement prévus par et dans les contrats de mariage, jouant ainsi leur rôle d’assurances. Leur nature est par essence différente. Seul le statut de la femme est concerné par ces écrits. En effet, l’intérêt d’un tel acte est personnel, qui permet à la femme divorcée de prouver sa liberté afin de se remarier. L’indication « de ce jour » date à laquelle le contrat est rédigé, signifie qu’à compter de cet instant le mari ne peut s’y opposer (P. Caire 30665 ; P. Berlin 3079). Bien que cet acte soit parfois écrit le jour du divorce (P. Caire 30665), il ne concrétise pas la séparation. Elle le précède, ainsi que l’illustre l’affirmation de la première modalité, expliquant ainsi le pourquoi d’un tel document. Par ailleurs, un tel acte n’a probablement pas été nécessaire lors de chaque divorce537. Des témoins sont présents à l’acte, dont le nombre varie de quatre (P. Berlin 3076) à seize (P. British Museum 10074). Le certificat de divorce est conservé dans les archives de la femme divorcée. Dans l’Ancien Israël comme en Égypte538, cet acte de divorce est tendu à la femme, geste éminemment symbolique et courant, employé lorsqu’il s’agit de remettre un contrat à la partie adverse. Il permet de transférer la preuve concrète de la séparation détenue par le mari à son épouse. Porté en avant et transmis à la femme, ce signe certifie la matérialisation de la rupture, l’absence de droit du mari sur son ex-épouse et le droit de celle-ci à se remarier. Le départ, signe de la séparation définitive, terminologie Il se concrétise à la suite des formalités d’ores et déjà dépeintes. L’une des attestations de la formule du départ est mentionnée dans un contrat d’usufruit (B2. 4 8-9) à l’attention d’un gendre, qui est la suivante : « Si ma fille te hait et sort ». La phrase assemble deux propositions distinctes, le motif et la formule de divorce contenus dans le verbe har suivie d’une action, le départ. Le verbe employé npq539 signifie « sortir », « franchir l’espace intérieur vers l’extérieur ». La femme sort de l’espace domestique, perd l’appartenance familiale, et le verbe de mouvement donne un aspect définitif à cet acte. Le fait de « sortir » est le plus souvent 537

Seule une dizaine de ces documents sont parvenus jusqu’à nous, tous en provenance de Thèbes ou de ses environs, tandis que, sur les 53 actes préparés en vue du mariage, 11 (plus de 20 %) d’entre eux proviennent d’autres lieux d’Égypte. En outre, la plupart des documents de divorce relèvent des membres de quelques familles. Sept documents ne regardent pas plus de trois familles. Deux contrats concernent la même femme ayant divorcé par deux fois, deux autres intéressent deux membres de la même famille, trois contrats se rapportent à des femmes proches parentes, P. W. PESTMAN, 1961, p. 73. 538 Ibid., p. 176. 539 Dn 3, 26 ; 2, 13.

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nécessaire afin d’achever la concrétisation de la séparation. Pour réaliser le divorce s’y ajoutent le serment devant l’dh, le règlement des questions financières, qu’il s’agisse de l’argent de la haine, de la dot et du mohar qui doivent être restitués selon les responsabilités de chacun. Le verbe hlk, « aller » est adopté dans le contrat de Yehoyima et d’‘Ananyah (B3.8 24. 28), de concert avec npq qui s’applique aux objets (B3.8 26), tout comme dans les conventions de Tamet et de Mipayah. Il évoque une mise en mouvement540, afin de quitter un lieu, s’en éloigner, évocation légère d’un départ. Une de ses mentions figure dans la clause se rapportant au divorce décidé par le mari de Yehoyima et ajoute : w]thk[ lh mnh] n[ zy by]t, « Et] elle ira [où] elle [le souhai]te » (B3.8 24541), qui affirme la liberté de l’épouse tant par rapport à l’autorité parentale qu’au lien marital542. Dans la modalité évoquant le divorce par celle-ci, le texte précise : wthk lbyt bwh, « Et elle ira chez son père » (B3.8 28). Il s’applique encore et toujours à l’épouse qui devra partir, non pas où bon lui semble mais, dans ce cas, limite et précise dans ce même contrat l’obligation de retour543. Puis, aux lignes 25 et 28 du contrat de Mipayah, dans les deux clauses de divorce s’appliquant au mari et à la femme, le verbe employé est encore hlk et la phrase est complétée avec la même formule l’autorisant à choisir sa nouvelle demeure (B2.6). En outre, le verbe npq s’applique, une fois encore, au fait de sortir les biens repris (B2.6 25. 28 ; 3.3 8. 10 ; 3.8 22). Pour autant, une clause de chacun des contrats de Yehoyima et de Mipayah prévoit : wzy yqwm l[ yhwym ]ltrkwth mn byth [zy, « Et quiconque se lèvera contre [Yehoyima] afin de l’expulser de la maison d’… » (B3.8 30-31 ; B2.6 29-31), sous peine d’une amende de 20 karshs, qui est comparable à la modalité attestée dans la convention matrimoniale égyptienne (P. Berlin 13593) ou à celle du P. Kahun (I, I II. 13-14) du Moyen Empire, dans laquelle le mari garantit à sa femme la possibilité de vivre au domicile conjugal de manière illimitée dans le temps, et cette autorisation paraît perdurer en cas de divorce. Aussi cette stipulation des contrats araméens semble permettre à Yehoyima et à Mipayah de rester au domicile conjugal, sans limite de temps, en dépit d’une séparation

540

2 S 15, 20 De fait, si cette formule n’est pas transmise par le contrat de Tamet, elle n’est pas obligée de quitter le domicile conjugal, B. PORTEN et al., 2011, p. 201, n. 20. A. AZZONI, 2012, p. 5, propose : « Elle sortira… où elle le souhaite », mais note que la seule destination possible reste la maison de son père. 542 J. J. RABINOWITZ, 1956, p. 30. 543 H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 2001, p. 64-65. 541

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possible544. Dévoilant un usage particulier de protection, ces diverses alternatives ne s’excluent pas, qui rendent la séparation définitive. Le départ de la femme faisant suite à la séparation ou au divorce est largement attesté dans les textes bibliques (Dt 24, 1. 3 ; 2 S 13, 16 ; Is 60, 1 ; Jr 3, 8 ; Ml 2, 16) qui s’en font l’écho, par l’emploi de l’expression : mbytw, « renvoyer de sa maison ». Attestée en Deutéronome 24, 1, elle n’est pas renouvelée au verset suivant livrant une formule distincte : yh mbytw, «elle sort de la maison conjugale ». La première occurrence a pour sujet le mari et le complément d’objet la femme, tandis que la seconde la traite en sujet, pour s’ouvrir sur son remariage. La présence dans ce même verset du verbe : whlkh, « elle va » correspond également à l’expression de l’acte féminin (Dt 24, 2). Le terme lym apparaît une seule fois, en Exode 18, 2 et se rapporte à l’action de renvoyer/divorcer545 . D’autres termes se rapportent à cet événement. Le verbe gr, « divorcer, renvoyer, partir » est employé en Genèse 21, 10, Deutéronome 22, 19, Nombres 30, 10, et Michée 2, 9546, et le participe passif grh, « divorcée » en Lévitique 21, 7 ; 22, 13, Nombres 30, 10 et zéchiel 44, 22. Le champ sémantique de tous ces verbes s’étend de leur sens premier, familial et social, à leur signification juridique, qui signifient « divorcer547 ». Le verbe hwy, « renvoyer » est attesté par deux fois (Esd 10, 13 et 10, 19) et zb, « abandonner, délaisser » l’est en Isaïe 54, 6 ; 62, 12 ; et Jérémie 9, 1 ; 12, 7. Ce dernier terme souligne une différence de taille, puisque le mari qui, habituellement, renvoie sa femme, ici, la quitte. Lorsqu’elle part, la femme emmène ses enfants avec elle (Esd 10, 3 ; Gn 21, 10 ; Ex 18) et retourne dans la maison de son père, si elle en a un (Jg 19). Ce dernier prend soin d’elle et pourvoit à ses besoins, tente de la faire revenir chez son mari ou la remarie. Ainsi en témoignent le récit de Michal remariée par son père Saül à Pali (1 S 25, 44), ou celui de la femme de Samson unie à un autre homme par son père (Jg 15, 2. 6). La belle captive bénéficie également du droit de partir libre lorsque son mari s’en désintéresse (Dt 21, 10-14). Pour autant, la femme haïe peut rester au domicile conjugal (Gn 29, 31 ; Dt 21, 15-17)548.

544

Le contrat 101, colonne IV, 30, évoque un soldat propriétaire de sa maison et y logeant avec deux femmes nommées chacune sa : rmṯ.t, signifiant sa « concitoyenne », que l’on traduit par « femme ». Une de ces deux femmes est-elle sa première épouse stérile qu’il a gardée à la maison, ce qui se rencontre en gypte moderne et copte ?, F. de CENIVAL, 1984, p. 53. 545 R. YARON, 1957, p. 119. 546 Ce verbe définit tant le divorce que le départ, P. A. KRUGER, 1995, p. 69-81. 547 R. YARON, 1957, p. 121. 548 P. BORTEN et al., 2011, p. 210.

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Une législation particulière concerne la fille du prêtre et prévoit qu’elle peut revenir chez son père comme en sa jeunesse si elle est veuve ou divorcée et sans postérité (Lv 22, 13). Le grand prêtre n’est pas autorisé à épouser une veuve ou une divorcée (Lv 21, 14), pas plus qu’un prêtre (Ez 44, 22). Le mari prend la décision du départ de son épouse, qui concrétise la rupture. De fait, il initie presque tous les événements familiaux549, et le père de la femme joue également un rôle important dans certains d’entre eux550. Afin de concrétiser le divorce, la femme égyptienne doit également quitter la maison familiale, à moins que la maison lui appartienne. Elle peut renoncer de son propre chef ou y être obligée. Le verbe m, « partir » est effectivement employé uniquement pour l’épouse551. Il peut être usité dans la clause des contrats de mariage se préoccupant du divorce (P. Lonsdorfer I 3). Parfois, le droit de rester dans les lieux sans limite de temps lui est autorisé (P. Kahun I, I II. 13-14)552. Dans l’O. Petrie 61, un beau-père assure à sa belle-fille qu’elle peut venir habiter dans sa maison après un divorce éventuel, et personne ne peut lui demander de la quitter553. Une clause du P. Berlin 13593 7-8 garantit également à l’épouse le droit de vivre au domicile conjugal pour une durée illimitée, lors d’un éventuel divorce : « Quiconque au monde t’éloignera de ma maison, il fera pour toi le droit de ce s n m.t ci-dessus mentionné, que j’ai établi pour toi précisément ». Pour ce faire, il importe d’enregistrer cette clause dans un contrat. Si nécessaire, la famille, parents, frère, fils, accueille l’épouse divorcée, à moins qu’elle se remarie554. 549

Il provoque les fiançailles (2 S 3, 14), prend une épouse (Gn 19, 14), épouse une femme (Rt 1, 4), en est le maître (Ex 21, 3), et une femme esclave mariée appartient au maître (Gn 21, 3). Le père donne sa fille (Jg 15, 16), ou la vend (Ex 21, 7), Y. ZAKOVITCH, 1991, p. 35 s. 550 Les femmes divorcées et les veuves sont des figures d’impuissance et d’abandon sans époux. Divers textes affirment leur vulnérabilité (Is 1, 23 ; 10, 1-2 ; Jb, 24, 3 ; Ps 94, 6-7), aussi Dieu en prend-il soin (Dt 10, 17-18 ; 14, 28-29 ; 24, 17-22 ; Os 14, 3 ; Jr 49, 11 ; Pr 15, 25 ; Ml 3, 5), J. HAVEA, 2003, p. 157 s. 551 Dans l’O. Gardiner 19, le terme employé pour évoquer le divorce est « jeter dehors », lorsque le mari en est l’initiateur, et le terme « quitter » est usité lorque la décision vient de l’épouse, J. TOIVOIRI-VITALA, 2002, p. 618. 552 A. THEODORIDES, 1967, p. 35 : « en défendant qu’elle soit délogée par quiconque ». 553 S. ALLAM, 1973, n° 243, de la XIXe dynastie, et 1969, p. 157. 554 A. G. MCDOWELL, 1999, p. 43, n. 43. Mais sa situation matérielle est loin d’être aisée. Un ostracon évoque une jeune femme divorcée vivant de la charité. Durant trois ans après sa séparation, elle reçoit une petite quantité de grains mensuellement et son donateur lui achète une de ses ceintures pour six fois son prix. Cette jeune femme du nom d’El est connue par le P. Salt 124 pour avoir été mariée à deux reprises et avoir déçu ses deux époux avec le célèbre Paneb. Il n’est pas impossible

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Une partie de la sémantique de séparation est commune aux contrats d’léphantine et aux textes bibliques, qui se limite aux verbes « sortir » et « aller ». Les verbes égyptiens témoignent aussi de la mise en mouvement, dont l’un ne s’applique qu’à la femme. Au rite d’entrée dans la maison répond le rite inversé du départ. L’épouse passe le seuil de l’intérieur vers l’extérieur et change d’espace, achevant de concrétiser ainsi l’ensemble des rites de séparation. La désunion est définitivement accomplie. Par cet acte élémentaire, simple en apparence seulement mais lourd symboliquement, la rupture de l’appartenance est matérialisée, le lien coupé. Comme à l’inverse du rite d’entrée lors de l’union, celui-ci marque la rupture à la fois spatiale et géographique, temporelle et sociale. La femme ne vit plus chez son mari, perdant son statut social d’épouse. Et ne plus occuper le même lieu symbolise le passage à un autre temps, un autre moment de sa vie. La rupture de l’union adopte deux formes, le veuvage et le divorce. Ce dernier semble d’un accès aisé à en croire les conventions matrimoniales qui en précisent le contour, mais dont il apparaît néanmoins qu’ils tentent d’en limiter les possibilités. Mentionnée dans les contrats de mariage d’léphantine, l’éventualité du divorce s’enracine dans les usages égyptiens et bibliques, tant pour les hommes que pour les femmes. Une nuance d’importance les différencie cependant. En effet, si femmes et hommes paraissent libres d’en user tant pour les Judéens d’léphantine que pour les gyptiens, pour des causes objectives et/ou subjectives, il n’en est pas de même chez les Israélites, où seuls les hommes peuvent se prévaloir de motifs subjectifs et les femmes de causes objectives. Ainsi, les Judéens d’Éléphantine n’ont pas résisté à l’égyptianisation après une présence de plusieurs générations et des unions exogames. Une certaine acculturation joue son œuvre, et ils ne manquent pas d’adopter les coutumes et usages de leurs voisins555. Des clauses des conventions matrimoniales araméennes et démotiques prévoient la séparation du couple, tant du fait de l’homme que de la femme, ses conséquences financières pour l’un et l’autre, et le départ ou le droit de rester dans la maison familiale. Si une dizaine de documents de divorce égyptiens sont assurés à ce jour, aucun acte de la communauté judéenne n’est connu, mais il est possible qu’ils aient été établis.

que cet incident ait provoqué le divorce, d’autant que Paneb avait menacé de mort le père bien-aimé de son second mari, J. ERNY, 1929, p. 243-258. 555 B. KASPARIAN, 2000, p. 24, 30. Une origine sémitique serait à favoriser plutôt qu’une influence égyptienne sur le droit au divorce de la femme selon E. LIPINSKI, 1981, p. 22, et 1991, p. 69.

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Israélites, Judéens d’léphantine et Égyptiens sont tenus de prononcer un serment, qui prélude aux autres formalités, sans distinction de genre. Formulé oralement, il témoigne d’une organisation de la parole dans la forme et le fond, en dépit d’infimes variations. Chez les Israélites, le contenu de la formule à énoncer constate un état de fait juridique. Pour les Judéens d’léphantine, affirmer sa haine/divorcer recèle tout à la fois un contenu affectif de rejet probablement à son origine et un contenu juridique dont les conséquences sont définitives, qui sont sociales, économiques et juridiques. Le contenu du serment égyptien n’est pas connu, mais il est probablement très proche. La seconde partie figurant dans la clause des contrats araméens rappelle la conséquence de cette séparation, le changement de statut du mari et de son épouse, qui vient s’affirmer comme l’inverse de l’expression du nouveau statut des époux et figure également dans le contrat de mariage. La modalité de séparation des conventions matrimoniales souligne l’extrême autonomie dont semblent jouir les Judéens d’léphantine et les gyptiens des deux genres556, qui met en lumière l’égalité de leur statut et l’évolution des premiers. Les différences de forme révèlent, outre les caractéristiques de l’adaptation des formules égyptiennes par les Judéens, un désir de concret pour les Judéens, et la formulation d’une hypothèse possible chez les gyptiens. À léphantine, le verbe , « haïr » se déplace de la cause subjective, à laquelle il est attribué également dans les textes bibliques, vers le contenu de la formule de haine, allant du fond vers la forme, avec un résultat identique. Sa présence parmi les clauses de séparation des contrats égyptiens joue le même rôle. L’argument de la haine s’est transformé afin de devenir partie d’une formule officielle. Tant dans les textes bibliques que dans ceux d’léphantine, sa qualité est affective et juridique, et ses conséquences sont identiques. La prononciation du serment provoque un changement de condition et d’appartenance familiale, éclairant la disparition d’un lien juridique et social. D’autres formalités sont à accomplir, afin de régler les questions financières et économiques. La répartition financière est prévue et organisée dès l’uNion. Les Judéens d’léphantine imposent aux hommes et aux femmes une pénalité de 7 sicles 2 quarts, dont le montant guère élevé semble jouer un rôle symbolique, qui consiste à payer pour se séparer, donnant ainsi un prix à la désunion. Elle n’est pas connue des textes bibliques. La mise en place de cette pénalité est parallèle aux usages égyptiens, qui accordent ainsi une valeur monétaire au divorce sans cause et destructeur. Outre la pénalité de demande de divorce, le règlement des questions économiques et financières prend place dans l’ensemble des formalités constituant le divorce. Si la femme reprend toujours sa dot et les 556

Ce droit serait lié à l’environnement égyptien, R. YARON, 1961, p. 53.

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biens qu’elle a apportés dans l’union, les contrats peuvent toujours prévoir des clauses particulières quant à la répartition des biens lors de cette circonstance. Le mari judéen ou égyptien est soumis à de lourdes obligations. Tous deux sont pénalisés par les garanties accordées et les délais rapides que leur imposent les conventions. Avant de quitter la maison familiale, l’acte de divorce est tendu à la femme ainsi qu’il en est de tous les actes juridiques, en Juda et/ou en gypte, afin d’établir sa nouvelle liberté et son corollaire, l’éventualité de se remarier. Il peut être conservé après annulation dans les archives de la femme ou celles de l’homme. Dans les clauses de rupture des actes égyptiens, le mari affirme la fin de ses « droits » sur sa femme et l’autorise à se remarier, évoquant la fin de son statut d’épouse. L’éloignement de la femme clôture l’ensemble des formalités, qui doivent nécessairement inclure les diverses procédures évoquées plus haut. Le retour dans sa famille en est la conséquence la plus usuelle, à moins qu’elle ne demeure dans la maison conjugale. La séparation, tant sociale, avec son changement de statut, que juridique et économique est consacrée par le passage du seuil, qui concrétise une perte définitive, le passage d’un état à un autre, d’un statut à un autre, à l’inverse de l’union. Ce dernier rite marque définitivement la désagrégation du couple. Les rites de l’union et de la séparation sont inversement parallèles : la prononciation d’un serment provoque un changement d’état, les questions financières et économiques en sont le corollaire, le contrat de mariage équilibre l’acte de divorce, l’entrée ou la sortie de la maison familiale matérialisent le passage quels que soient son sens et le changement de statut. L’organisation rituelle, symbolique, économique et juridique, parallèle inversé de celle de l’union, signe une pensée et une pratique parfaitement structurées. La concrétisation de la séparation reste cependant ardue, son aspect financier alourdit et réduit volontairement ses possibilités. Le divorce semble avoir été le fait des hommes bien plus que celui des femmes, aussi les règles relatives aux questions pécuniaires ont-elles pour dessein de l’éviter afin de les protéger d’une situation dont les conséquences peuvent être sérieuses, sinon dramatiques. Mais aucune empreinte sociale négative n’entache cette situation, et les femmes se remarient tout comme les hommes.

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CHAPITRE IV

DU DEVOIR FILIAL À L’AFFRANCHISSEMENT ET L’ADOPTION

Si elles accordent leur sollicitude à leurs parents qui ne manquent pas de reconnaissance à leur égard, les femmes donnent aussi bien leur temps et leur argent aux autres membres de leur famille. Des donations et/ou des donations successorales en sont souvent la contrepartie, qui l’attestent par l’exposé des motifs qui en sont la cause. Affranchissement et adoption vont souvent de pair, et si le premier se prolonge par la seconde, l’application du devoir filial en est le corollaire. C’est la raison pour laquelle ils sont traités dans ce même chapitre. La coloration de ces motifs se teinte d’une lumière tant affective que juridique, sociale et économique. Et leurs effets deviennent circulaires, qui peuvent entraîner, en contrepartie, une obligation de soin et une participation à la transmission des biens. LE DEVOIR FILIAL S’appliquant dans des circonstances qui ne varient guère, il se rapporte aux soins dont les parents déjà âgés doivent faire l’objet de la part de leurs enfants. Le contenu de la notion « être âgé » semble à spécifier plutôt en fonction des besoins divers des ascendants à un moment particulier, que de leur âge. Attestée tant chez les Judéens d’léphantine que chez les gyptiens et dans les textes bibliques, l’application de ce devoir moral dont ils sont dépositaires est le plus souvent récompensée par des dons de diverses sortes : biens mobiliers et/ou immobiliers, offerts dans l’immédiat ou à recevoir et précisés dans les testaments ou autres actes. Les documents témoignant de cette préoccupation diffèrent et peuvent prévoir l’obligation de soin et une pénalité en cas de non-application, ou la constater et la rétribuer. Une clause particulière l’exprime dans le contrat de manumission de Tamet et de sa fille, qui prend place après la réaffirmation de leur libération dans la dernière partie du contrat et qui est suivie d’une disposition de pénalité s’y rapportant (B3.6 11-15). Elle rapporte : wmrt tpmt wyhy brth n yplnk zy ysbl br wbrh lbwhy byyk wd mwtk nsbl lzkwr brk 1 kbr zy ysbl lbwh kzy hwyn bdn lk byyk, « Et Tapamet et Yehoyima sa fille dirent : Nous te servirons comme un fils ou une fille soutient son père, durant ta vie. Et à ta mort, nous appuierons Zaccur, ton fils unique, comme

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nous l’aurons fait pour toi durant ta vie » (B3.6 11-13). Deux verbes y figurent qui définissent le contenu de l’obligation de devoir filial auquel Tamet et Yehoyima sont dorénavant tenues, le premier, pl, signifie « servir », et le second, sbl, dont le sens premier « porter » s’est enrichi pour devenir « prendre soin de557 ». L’emploi de ce second terme répété cinq fois dans leur contrat (B3.6 11. 12. 13) évoque les conséquences de cette expression obligée de dévouement envers leur maître Meshoullam558, en raison de leur libération à sa mort par ce dernier, et envers son fils Zaccur. Une lourde clause de pénalité est prévue au contrat : hn qm n hn qmn lmr l nsblnk kzy ysbl br lbwhy wlzkwr brk ry mwtk n nwb lk wlzkwr brk bgrn kp krn 50, « Nous, si nous nous levons559 en disant : nous ne te soutiendrons pas comme un fils soutient son père, ni Zaccur, ton fils, après ta mort, nous serons tenues de payer à toi et à Zaccur, ton fils, une pénalité d’argent de 50 karshs », wl dyn wl dbb, « sans plainte ni procès » (B3.6 13-15). Deux aspects modèlent cette stipulation, d’une part, l’obligation du devoir filial et, d’autre part, celle de payer en cas de nonrespect de cette astreinte. La répétition du verbe sbl (soutenir) introduit, de nouvelles informations. La première s’applique à la promesse faite à Meshoullam (B3.11 11), la deuxième à celle faite à Zaccur, son fils, (B3.11 12), la troisième à l’explication générale évoquant le devoir filial d’un fils envers son père (B3.11 12). La quatrième évoque le refus possible de l’application du devoir filial (B3.11 13), et la cinquième reprend la règle du devoir filial (B3.11 13). Le principe de répétition d’un même terme autour duquel s’organisent les diverses informations, fait partie des usages de l’école des scribes d’léphantine. La somme considérable de 50 karshs ou 500 sicles ne peut que les inciter à respecter leurs engagements. Et, dans le même temps, leur acceptation d’une telle responsabilité tend à signifier qu’elle leur est incontestable en raison de leur adoption qui crée des liens filiaux et impose cette contrepartie coutumière. Un autre exemple est connu, qui intéresse Yehoyima. Celle-ci reçoit de son père, en 404560, un bien immobilier en gage de reconnaissance de sa sollicitude dans des circonstances difficiles (B3.10 17). ‘Ananyah, par le biais de cette donation mortis causa, lui lègue une part de sa maison, expliquant ainsi la raison de son acte : zy sbltny wnh ymyn sb l khl hwyt 557

J. J. RABINOWITZ, 1956, p. 27. L’âge probable de Meshoullam au moment de ce contrat serait de cinquante-neuf ans, B. PORTEN et A. YARDENI, 1989, p. 53. 559 L’expression renvoie au même geste lors de la déclaration de divorce, qui introduit le fait « d’apparaître comme un adversaire dans un litige », et elle est assurée dans le Papyrus des Adoptions, J. J. RABINOWITZ, 1958, p. 145. 560 ‘Ananyah serait alors âgé de soixante-sept ans, B. PORTEN et A. YARDENI, 1989, p. 53. 558

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bydy wsbltny, « Car elle a pris soin de moi étant âgé. J’étais incapable (de me servir) de mes mains (ou d’exister par mes (propres) moyens) et elle a pris soin de moi ». Employé à deux reprises, qui apportent des éclaircissements distincts, le verbe sbl introduit la première explication liée à l’âge d’Ananyah, et la seconde en précise la conséquence, son incapacité à se prendre en charge. La contrepartie affective de ces soins s’exprime par l’affirmation répétée par ‘Ananyah et motivant cette donation : brmn, « par affection » (B3.10 5. 17). Le terme sbl est encore attesté dans un acte du dernier quart du e V siècle, établi par Miptayah, fille de Gemaryah, en faveur de sa sœur Isiweri (B5.5 4), et ce pour un motif identique : lqbl sbwl (zy sbltny), « en raison du soin (avec lequel tu as pris soin de moi) ». La répétition sied à ces affirmations. Outre l’aspect stylistique, ses variations expriment d’autant mieux la gratitude des donataires pour les attentions dont ils ont été l’objet. Cette sollicitude apparaît sous un autre jour, dans la donation d’une maison par son père à Mipyah, à l’occasion d’un échange de biens que celle-ci lui a alloués lorsque nécessité s’est faite sentir : lp nksyh zy yhbt ly, « en échange de ses biens qu’elle m’a donnés » (B2.7 4). Ce même thème est repris sous une forme autre : « en échange de ces biens (venant) de toi » (B 2.7 6). Le contrat ne spécifie pas de quels biens il s’agit, ni à quelle occasion, Mipyah les a octroyés à son père. Leur valeur est cependant précisée, qui atteint la somme substantielle de 50 sicles (B2.7 6), tandis que celle de la maison offerte en remboursement est omise, peut-être du fait d’une valeur inférieure561. Aucune clause particulière de ces derniers documents ne s’y réfère, mais seul le rappel de la reconnaissance des donateurs. Pas une précision n’éclaircit précisément la substance des soins évoqués dans les contrats, dont il apparaît qu’il peut s’agir d’un appui matériel, mais pas uniquement, en cas de besoin. Dans ces documents, hommes et femmes, parents ou sœurs, fortunés ou pas, font l’objet de ces attentions matérielles et affectives. Le contrat de manumission de Tamet et de sa fille évoque indistinctement les soins qu’un fils ou une fille prodigue à son père et les prend pour modèles. Ainsi, ces impératifs incombent tant aux hommes qu’aux femmes, qui, ayant force de loi dans le monde biblique et égyptien, s’imposent aux Judéens d’léphantine. Cette institution est largement attestée dans les textes bibliques par des lois et des récits. Les deux verbes kwl et kbd en renferment le contenu, qui y figure indifféremment. Leur champ sémantique en précise les confins. Les acceptions du premier sont les suivantes : « soutenir » ou « nourrir » (Gn 45, 11 ; Ps 55, 23), « soutenir » ou « supporter » (Jr 6, 11 ; 20, 9), 561

B. PORTEN, 2000a, p. 158, n. 7.

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« mesurer » (Ps 112, 5), « être nourri » (1 R 20, 27), « contenir » ou « supporter » (1 R 7, 26 ; Ez 23, 32). Ainsi vont-elles du soutien matériel et concret limité aux vivres et permettant de survivre à l’appui face aux épreuves, aux malheurs et aux souffrances. Le verbe kbd, dont la polysémie s’enrichit également de diverses significations, se traduit par « être lourd, pesant, accablant », « peser » (1 S 5, 11 ; 2 S 13, 25 ; Ne 5, 18), « être fort, vif » (Gn 18, 20) ou « nombreux », « puissant » (Ez 27, 25), « endurcir » (1 S 6, 6), « honorer », « glorifier » (Jg 13, 17 ; 1 S 2, 30), « être honoré » (Gn 34, 19 ; Is 58, 13), « honorer », « fortifier », « augmenter » (Jr 30, 19), « se multiplier » (Na 3, 15), « nombreux », « respecté » (Jb 14, 21). Il se déploie dans un espace qui s’ouvre sur la notion d’effort devant un fardeau lourd à porter, nécessitant de se fortifier et d’acquérir une capacité à résister, puis s’étend à son objet et son dénouement : considérer et traiter avec égards ses ascendants, obligation qui honore celui qui en a la charge. Le contenu de cet impératif d’obéissance et de respect couvre les divers aspects de la vie quotidienne, mis au jour par les lois et la littérature de sagesse, ainsi, par exemple, l’attention aux leçons et aux remontrances du père et les instructions de la mère (Pr 1, 8 ; 15, 5562). Les livres du Deutéronome et d’Exode se sont penchés sur cet aspect des relations familiales, qui a soucié leurs rédacteurs au point de lui réserver la cinquième place parmi les Dix Commandements. La forme diffère, la préoccupation demeure. Ainsi, le cinquième commandement (Dt 5, 16) ordonne : kbd t byk wt mk kr wk yhwh lhyk lmn yrykn ymyk wlmn yyw lk l hdmh r yhwh lhyk ntn lk, « Honore ton père et ta mère comme YHWH ton Dieu te l’a ordonné afin de prolonger tes jours et afin de vivre heureux sur la terre que YHWH ton Dieu te donnera563 ». Plusieurs arguments pèsent d’un poids substantiel sur cette loi de nature transcendante. En effet, le texte évoque l’ordre divin et prend appui sur Son commandement affirmant l’aspect obligé de son application. Celle-ci renferme une double promesse dont la signification doit être nuancée. L’expression « prolonger tes jours » ne doit pas seulement être entendue au sens littéral d’une longue vie564, comme celle d’Abraham qui meurt âgé de cent soixante-quinze ans, mais évoque également la continuité de la lignée familiale liant, tant en amont qu’en aval, les générations. Car rien n’est autant redouté que la stérilité et l’absence de descendance. Cette loi inscrit l’idée de permanence avec une seule exigence. Cohésion et solidarité familiale permettent, seules, d’envisager un avenir. En outre, la longévité promise, contrepartie d’un comportement moral et de l’observation des lois divines, est une récompense 562

Y. AVISHUR, 1986, p. 55-56. Le seul autre verset promettant une récompense identique est celui figurant en Dt 22, 6-7. 564 Elle peut être considérée comme une récompense, M. WEINFELD, 1982, p. 312. 563

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divine565. La seconde promesse, « vivre heureux », qui emploie le terme wb, évoque dans cette situation l’éventualité d’être heureux, mais sous condition566, elle est de l’ordre du possible et non de la certitude. Dans le même temps, seul le don peut apporter cette contrepartie définie comme « vivre heureux », dont le texte ne précise pas le contenu, dans l’obéissance à la loi divine567. En Exode 20, 12, toujours dans le cinquième commandement dont la rédaction se différencie en partie du texte précédent, l’impératif s’assure identique : kbd t byk wt mk lmn yrkwn ymyk l hdmh r yhwh lhyk ntn lk, « Honore ton père et ta mère afin que tes jours se prolongent sur la terre que YHWH ton Dieu te donnera568 ». Cette loi évoque également le respect et la soumission à l’autorité de chacun des deux parents, les soins à leur prodiguer lorsqu’ils atteignent la vieillesse, l’obligation de ne pas les maltraiter ni les chasser de chez eux, et de les inhumer selon l’usage, les enserrant ainsi dans une sorte de confort et de réconfort absolus et légaux569. Par différence avec le texte de Deutéronome, seul l’argument de la longévité est évoqué dans ce texte, unique contrepartie aux égards envers la parentèle. Cette règle ne rappelle pas l’origine divine de cet ordre et omet également l’argument du bonheur possible. La promesse d’une longue vie, semble suffisante et nécessaire. Pour autant, cette expression n’est pas seulement à prendre au pied de la lettre, comme indiqué plus haut, elle se rapporte encore et toujours à l’une des préoccupations essentielles des Israélites, qu’est la nécessité d’une descendance et l’enchaînement des générations. Les rétributions sont positives quoique plus limitées en Exode 20, 12570. Et une bonne action est stimulée par une récompense. L’aspect moral est développé, qui se rapporte à la relation fondamentale et équivalente au père et à la mère, et la récompense promise qui en est la réciprocité joue le rôle d’une sorte d’espoir. Le détail ajouté dans ces deux lois qui se rapporte à la terre que Dieu concédera signifie peut-être qu’honorer les parents contribue à la longévité dans la terre promise par Dieu, tandis que le manque correspond à une fin difficile de ces jours571. 565

La longévité peut s’exprimer par l’enregistrement des générations de descendants nés durant la durée de vie. L’idée de quatre générations comme longueur maximale semble la règle. Un laps de temps de 70 à 80 ans semble y correspondre, A. MALAMAT, 2001, p. 391-395. 566 M.-A. OUAKNIN, 2001, p. 252-253. 567 D. L. CHRISTENSEN, 2001, p. 121 s. 568 Ces recommandations sont faites aux héritiers même lorsqu’ils deviennent adultes. L’emploi du verbe « honorer » et non « obéir » exprime la même réponse humaine envers Dieu et les êtres humains, C. L. MEYERS, 2005, p. 173-174. 569 E. BELLEFONTAINE, 1979, p. 15. 570 A. PHILLIPS, 1970, p. 80. 571 J. I. DURHAM, 1987, p. 292.

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Le cinquième commandement inscrit dans Deutéronome et Exode est inséré dans la première partie des tables de la Loi se rapportant aux devoirs envers Dieu, et non autrui. Et, les deux lois écrites présentent une différence de taille dans la mesure où la première s’impose de manière impérative, puisque Dieu en est nommément le législateur. En cette première occurrence, la promesse divine est conditionnelle, dans le second, elle l’est également mais, face à la même exigence, la rétribution est moindre, le « bonheur » ne fait pas partie des possibles. De fait, ces dispositions proposent une récompense morale et concrète pour le présent et l’avenir de la lignée. Par ailleurs, la présence d’une législation n’implique cependant pas de conséquences juridiques. Aucune sanction n’est appliquée en cas de violation du contenu de ces lois, promulguées sous l’égide divine, qui constituent une source de conscience morale, d’éthique, une autorité qui s’impose et prescrit ses interdits. Ces dispositions légales prennent ainsi l’aspect d’obligations religieuses et partant sociales, bases de la vie en société. Outre ces deux textes de loi fondamentaux soulignant les comportements et les attentions dont les ascendants doivent faire l’objet, d’autres imposent des interdits qui ne sauraient être outrepassés, et précisent et complètent les règles déjà évoquées. La sévérité dont font preuve les deux textes qui vont suivre éclaire le sérieux accordé à ces impératifs moraux. Elles s’inscrivent dans un ensemble plus vaste de lois en Exode 21, 12-17. Leur particularité consiste à réserver une peine définitive à diverses offenses. Ainsi la règle d’Exode 21, 15 menace : wmkh byw wmw mwt ywmt, « Et qui frappera son père et sa mère sera mis à mort ». Il semble malaisé de définir précisément le contenu du verbe mkh, « frapper » dans cette loi. En effet, il évoque le fait de frapper dans l’intention de tuer (Ex 21, 12 ; 1 S 20, 33), de blesser (1 R 20, 37 ; Ps 3, 8), ou sans dessein de blesser (Dt 25, 2). Les moyens employés ne sont pas spécifiés non plus, puisque le texte ne clarifie pas ce détail. Cette loi s’applique à toutes les occurrences où les parents sont frappés, puisque, le contenu d’Exode 21, 12 prévoit le fait de tuer un parent et ses conséquences572. La question reste posée de savoir si la blessure occasionnée l’est sur le corps, ou si elle se rapporte à toute attaque physique, quand bien même elle ne laisse aucune trace. De fait, cette loi a pour objet de protéger les parents d’une attaque possible par leurs enfants573. Elle souligne la gravité d’un tel geste et, de façon détournée, l’importance accordée à la famille.

572

S. R. DRIVER, 1918, p. 218 ; B. S. CHILDS, 1974, p. 470 ; U. CASSUTO, 1967, p. 270. 573 . Son objet essentiel serait de protéger les parents âgés de mauvais traitement, J. FLEISHMAN, 1992a, p. 11.

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Le texte d’Exode 21, 17 interdit et avertit : wmqll byw wmw mwt ywmt, « Et celui qui maudit son père et sa mère il mourra ». Le verbe qll, dans sa première acception, signifie « être petit », « sans importance », qui s’oppose radicalement au sens de kbd, « être lourd, fort ». De fait, aucun texte biblique ne précise le contenu de l’attitude criminelle envers les parents qu’indique le verbe qll. Quelques exemples de malédiction envers Dieu et le souverain permettent cependant d’en éclairer le sens. L’un d’eux figure en 1 Samuel 2, 12-3, 21, rapportant que les fils d’Eli ont maudit Dieu. Le récit de 2 Samuel 16, 5-13, raconte comment Shimei a maudit David, refusant son autorité. De fait, il semble que l’emploi de ce verbe témoigne de la violation du devoir filial et de l’incapacité à accepter l’autorité légitime des parents574. Il relève le déni du statut légal des parents et les obligations qui en sont le corollaire. La gravité des crimes évoqués en Exode 21, 15 et 21, 17 inscrit le désordre familial et par contre-coup le trouble dans la société. Pour autant, la sanction prévue dans ces textes, mwt ywmt, « il mourra », est à nuancer, qui évoque la menace de mort mais n’y oblige pas. Il est loin d’être certain que ce châtiment est systématiquement appliqué, il n’est qu’une possibilité575. L’application de cette peine comporte un aspect privé puisque seuls certains membres de la famille sont affectés et peuvent venir s’en plaindre sans pour autant souhaiter la mort de leur enfant. Aucune intervention divine n’est annoncée, la société prend en charge cette situation576. Lévitique 20, 10 reprend cette législation en justifiant la peine de mort, mais sans pour autant, non plus, qu’elle soit systématiquement appliquée. Prononcée envers celui qui traite avec mépris son père ou sa mère, une malédiction complète et précise la loi divine figurant en Deutéronome : dwr mqlh byw wmw, « Maudit soit qui traite avec mépris son père et sa mère » (Dt 27, 16). Deutéronome 21, 18-21 se rapporte de nouveau à la détérioration des liens familiaux, qui met en scène la relation entre un fils : swrr wmwrh, « dévoyé et rebelle » et ses parents sous l’aspect de la personnalité du premier et de ses violents effets. Ceux-ci le mènent vers les Anciens. Face à de mauvais penchants définis et décrits par le texte et qui mettraient en danger la famille et la société en son entier, celle-ci intervient afin de faire disparaître la cause du mal. L’emploi des termes swrr et mwrh

574

J. FLEISHMAN, 1992a, p. 19. Le sens légal de cette interdiction de maudire les parents est également traité par H. BRICHTO, 1968, p. 132-137, 170 ; S. GEVIRTZ, 1961, p. 137-158. 575 M. J. BUSS, 1977, p. 55-56 ; A. LEMAIRE, 1986, p. 119. 576 Le respect dû aux parents est si grand que les frapper équivaut à les tuer, J. I. DURHAM, 1987, p. 323. L’autorité des parents obtient une sanction divine dans la seule législation biblique, expliquant ainsi sa sévérité, S. M. PAUL, 1970, p. 64 ; O. ECKART, 1995, p. 83-110.

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définit l’insoumission et exprime l’idée d’une désobéissance continue577. Mais, ici encore, l’application de la peine de mort n’est aucunement certaine. Il est aussi à souligner que cette offense faite aux parents l’est aussi à Dieu. En effet, le terme swrr se réfère toujours à la rébellion d’Israël ou de ses princes contre Dieu, et plus précisément au rejet des désirs divins qui équivaut au déni de l’autorité divine. Le terme mwrh renvoie à l’opposition à un autre être humain (Jos 1, 18) et, le plus souvent, à Dieu. La réunion des deux verbes se rapporte au rejet continu de l’autorité des parents et à la rupture de leur relation. Elle est ainsi à l’opposé du contenu du verbe kbd, comportement attendu par les parents. Une première question se pose de savoir pourquoi les parents affirment que leur fils est un glouton et un ivrogne (Dt 18, 20). Peut-être s’agit-il d’une proposition indépendante témoignant d’un comportement audelà des normes sociales acceptables et mettant en péril le fils, la famille et la société en raison de la colère divine. La seconde est de comprendre pourquoi les parents sont tenus de dénoncer leur fils. En effet, cette loi affirme l’autorité du père tout autant que celle de la mère. De fait, lorsque le fils commet des crimes qui concernent la famille et la communauté, celle-ci se doit de réagir. Aussi s’agit-il probablement de mesures préventives. La littérature sapientiale évoque quelques parallèles, dont Proverbe 23, 20 qui prévient le jeune homme d’une telle compagnie qui mène vers la pauvreté, et Proverbe 28, 7 affirmant qu’un glouton fait honte à son père. Pour autant, cette littérature n’est jamais qu’un ensemble de recommandations d’où la menace est absente. Deutéronome 21, 18-21 est en lien avec le commandement d’Exode 20, 12 exigeant d’honorer ses parents en reconnaissant et en préservant une juste relation entre parents et enfants578. Dans le même temps, le châtiment doit servir de leçon à l’ensemble d’Israël, sa valeur est paradigmatique, le clan n’est pas seul concerné. La morale et les règles de vie naissent avec l’attitude envers les parents, pour s’étendre à la société en son entier. Leur porter atteinte risque de détruire l’ordre social. Le respect filial ne souffre pas d’être remis en cause par des travers définis par les règles de la société, et toute grave offense envers les parents constitue, en outre, une violation religieuse. L’obligation de respect est à nouveau répétée en Lévitique 19, 3 : mw wbyw tyrw, « Révérez (craignez) chacun votre mère et votre père ». L’emploi du verbe yr apporte à cette affirmation une dimension religieuse et sociale, et l’accent est mis sur le devoir d’obéissance. En effet, l’impératif d’éducation et la reconnaissance de l’autorité des parents mènent aux vertus d’abnégation. Puis, la suite du verset affirme : wt btty tmrw ny 577 578

O. ECKART, 1995, p. 94. E. BELLEFONTAINE, 1979, p. 19.

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yhwh lhykm, « Et gardez mes shabbats, je suis YHWH votre Dieu ». L’ensemble reflète le comportement d’un individu envers Dieu et ses parents. Ainsi, le parallèle entre l’observance du shabbat et le respect des parents inscrit la limite à l’obéissance envers ces derniers. Celle due à Dieu ne peut que la dépasser. Dans ce texte, la mère qui donne la vie se voit offrir la préséance sur le père579, afin de souligner que l’affection filiale que lui vouent naturellement ses enfants ne suffit pas, qui sont tenus envers elle à ce principe. En Lévitique ne figure aucune promesse, qui s’imposerait comme contrepartie des contraintes imposées. Expression de la parole divine, la règle s’impose de manière absolue. La solidarité obligée n’admet pas d’exception. En outre, le principe de la majorité semble s’appliquer, qui pourrait considérer les seules personnes majeures comme responsables et condamnables. Aussi, à compter de sa troisième décade, l’individu serait-il jugé doté de capacité légale580. L’âge de vingt ans inscrirait la majorité et la responsabilité. Le récit de Nombres 14 en constitue la référence581. Deutéronome 1, 39 semble confirmer cet âge de maturité, qui différencie ceux qui ne savent pas distinguer le bien du mal et les autres. Il ne précise cependant pas leur âge, mais en définit les limites et souligne leur manque spirituel et intellectuel, comblé à l’âge de vingt ans. Le texte de 1 Rois 3, 7-9 reprend cette même définition et Salomon demande à Dieu une pensée capable de reconnaître le bien et le mal. Quand bien même le souverain ne demande qu’une sagesse légale, celle-ci reste le prélude à une connaissance juste plus générale des choses. Isaïe 7, 14-17 témoigne de l’importance de la capacité intellectuelle dans l’exercice de la politique. La différence entre majorité et minorité repose sur la capacité à choisir le bon chemin582. Le contenu sémantique de ce qui est wb, « bon/bien » évoque ce qui est plaisant, agréable, le bien, le bonheur. Tandis que celui de r, « mauvais » 579

Cette préséance serait à interpréter en raison du rôle de la mère qui élève les enfants, J. E. HARTLEY, 1992, p. 312-313. 580 J. FLEISHMAN, 1992b, p. 35-48. 581 Après l’intervention de Moïse, Dieu décrète que ceux dont l’âge a atteint cette limite de vingt ans mourront dans le désert (Nb 14, 29). Ils sont seuls soumis à l’obligation de loyauté envers Dieu, et par conséquent punis. Ceux qui n’ont pas atteint cet âge, appelés p, « enfants », ne sont pas châtiés. Le texte n’apporte pas d’explication à ce choix 582 Elle serait liée à la maturité sexuelle et non intellectuelle. En outre, cette phrase serait employée comme métaphore du désir sexuel en 2 S 19, 36. L’auteur fonde son argumentation sur deux points. D’une part, l’homme serait semblable à Dieu par son pouvoir de procréation, contrepartie de la création divine, et, d’autre part, les divinités auraient des appétits sexuels, H. GORDIS, 1957, p. 136. Cette approche est réfutée. En effet, si d’autres divinités peuvent être considérées comme des êtres sexuels, YHWH n’est pas d’une telle nature, H. S. STERN, 1958, p. 405-418.

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renvoie à des actions négatives et à des situations dangereuses, destructrices, pernicieuses, au malheur. Ces deux termes sont employés afin de décrire le comportement approprié ou pas dans les traités politiques et dans les pactes avec Dieu (Os 3, 5 ; 8, 3 ; Jr 33, 9 ; 12, 6583). En outre, les racines yd et byn forment un ensemble584, exprimant la capacité intellectuelle permettant les bonnes décisions. La première est également le terme technique exprimant la reconnaissance de l’autorité du suzerain585. Son sens dans l’expression « connaître/comprendre le bien et le mal » évoque la capacité à différencier ces deux notions opposées et à faire les bons choix, ce par quoi l’adulte et le mineur se distinguent. De fait, le sens du verbe « savoir » n’induit pas nécessairement la connaissance à priori des opposés586 et « choisir » implique la connaissance des alternatives. Aussi son acquisition est-elle une condition nécessaire. Ce savoir offrirait la conscience du mal et se confondrait avec une sorte de sagesse et sa conséquence, une possibilité de choix étendue. La présence ou l’absence de connaissance est un critère permettant de déterminer qui viole la loi intentionnellement ou pas (Dt 4, 42 ; 19, 4 ; Jos 20, 3). Lorsque l’acte est réalisé avec intention, celui qui en est responsable, à savoir celui qui a atteint sa majorité, peut être puni par une cour587. Seuls deux textes (Nb 14 et Dt 1, 39) précisent cet âge de vingt ans. Une difficulté émerge si l’on accepte cet âge pour ce qui se rapporte à la nature des relations légales entre parents et enfants dans le cadre de la maison familiale. Dans la famille patrilinéaire, le père est doté d’une certaine autorité sur ses enfants, et la solidarité familiale constitue un des éléments essentiels de la structure sociale. Aussi peut-on penser que, si des crimes mettant en danger la cellule familiale et la société sont commis par les enfants avant l’âge de vingt ans, ils sont néanmoins punis car tenus de respecter les obligations légales envers leurs parents588. Les collections de lois sont le produit de certaines périodes, lieux et idéologies. Les différences qui s’affirment entre elles, y compris pour celles ayant un même objet, en sont la nécessaire conséquence. Leurs effets tant négatifs que positifs définissent explicitement l’attitude à adopter envers les anciens de la famille. Seules les lois prescriptives proposent une compensation. Promesse subtile s’il en est, puisqu’à l’obligation imposée 583

M. FOX, 1973, p. 41-42. I. AVISHUR, 1984, p. 366-367 ; J. A. EMERTON, 1970, p. 145-180. 585 H. B. HUFFMON, 1966a, p. 31-37 ; H. B. HUFFMON et S. B. PARKER, 1966b, p. 36-38 ; D. J. MCCARTHY, 1978, p. 167, n. 22. Les imprécations mises au jour dans les traités ont des parallèles en Dt 28 et Lv 28, D. R. HILLERS, 1964, p. 30-53 s. 586 H. S. STERN, 1958, p. 409 s. 587 D. DAUBE, 1961, p. 246-269. 588 J. FLEISHMAN, 1992b, p. 44. 584

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répond en contrepartie la même exigence liée à chaque génération. Aussi, point n’est besoin d’un engagement ou d’un châtiment. Prévenant les excès possibles par la menace d’une réponse employant la violence absolue qu’est la mort, certaines règles ordonnent respect et soins avec, en contrepartie, une promesse qui n’est que le reflet de son obligation. D’autres portent en elles leur propre châtiment, car à l’absence de soins répondra le même manque en raison de l’absence de descendants. Pour ce qui concerne les mauvais traitements infligés aux parents, la loi n’impose pas de contrepartie identique, seule une peine exemplaire répond à la menace. La pérennité du clan est en jeu. La loi s’est mise au service d’une conception morale et sociale de la famille élargie, et nombreux sont les garde-fous développés dans ces textes. Apportant un complément légal: mpny ybh tqwm whdrt pny zqn wyrt mlhyk ny yhwh, « Lève-toi devant une tête blanche et honore la personne du vieillard : crains ton Dieu, je suis l’Éternel » (Lv 19, 32), cette règle divine ne se limite pas aux ascendants, mais se généralise à toute personne âgée et à Dieu. Et, si elle n’édicte aucune punition précise, l’autorité et la menace divines s’y expriment. À l’exposé de ces devoirs et de ces interdits répétés et imposés maintes fois par la législation, l’interrogation perdure d’une telle insistance, si ce n’est pour s’assurer de leur application. Les précautions sont multiples, qui semblent nécessaires. Les Proverbes ne manquent pas de renforcer et de préciser ces prescriptions, sans pour autant avoir force de loi, ni à leur disposition un arsenal de punitions. Ainsi est-il conseillé de suivre les conseils du père et les instructions de la mère (Pr 1, 8-9), confirmés en Proverbe 6, 21. Il est affirmé que si un fils sage fait la joie de son père, le sot est le tourment de sa mère (Pr 10, 1), et à contratrio, assuré qu’un fils sans vergogne et sans pudeur : mdd, « désole » son père et ybry, « fait fuir » sa mère (Pr 19, 26). Proverbe 28, 24 rapporte que voler père et mère et affirmer qu’il ne s’agit pas d’un crime serait être compagnon de vandales. Les termes employés décrivent des actes de violence contre les parents qui peuvent être définis comme parallèles à celui de frapper589. Par ailleurs, trois récits mettent en scène l’application de ces règles, dont celui de Ruth apparaît comme le plus explicite. Les différents aspects du rôle envers la parenté y sont éclaircis et éclairés. Alors qu’elle 589

Certains considèrent que ces deux verbes sont synonymes et ont pour acception « éloigner de force », c’est-à-dire traiter les parents avec dédain, W. VAN DER WEIDEN, 1970, p. 131. Pour d’autres, ils ne le sont pas, même s’ils considèrent également que le verbe ybryh renvoie au fait de pousser la mère à partir de la maison contre son gré. Mais la signification du verbe mdd serait « frapper la bouche », afin de réduire au silence celui qui est en train de parler. Aussi, le fait de pousser la mère hors de chez elle serait relié à la violence, W. MCKANE, 1970, p. 531-532.

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vient de mettre au monde un fils, les femmes disent alors à sa belle-mère Noémie : brwk yhwh r lbyt lk gl hywm wyqrmw byl whyh lk lmyb np wlklkl t ybtk ky kltk r hbtk yldtw r hy wbh lk mh bnym, « Loué soit YHWH qui en ce jour ne te laisse plus manquer d’un défenseur ! Que son nom soit illustre en Israël ! Qu’il soit le consolateur de ton âme, l’appui de ta vieillesse puisque c’est ta bru qui l’a mis au monde, elle qui t’aime tant et qui est meilleure pour toi que sept fils » (Rt 4, 14-15). La complexité des obligations tant matérielles, attestées par l’emploi du verbe kwl, que morales et affectives envers les ascendants, se résume presque intégralement dans ces deux phrases590. Le livre de Tobie, qui rapporte l’histoire d’un Israélite exilé à Ninive et de son fils Tobias, évoque certaines des obligations d’un homme envers ses parents, dessinant le contenu de l’expression « honorer ses parents ». Tobie, dans le testament oral qu’il transmet à son fils, en requiert de l’ensevelir à sa mort (4, 3-4) et ajoute des instructions concernant sa mère, en exige de l’honorer tous les jours de sa vie, de faire le bien à ses yeux et de ne pas l’attrister. Le père rappelle à son fils combien de dangers celle-ci a courus alors qu’elle était dans l’attente de sa maternité et lui demande de l’inhumer dans le même sépulcre. Le personnage de Tobias est paradigmatique de l’application en apparence naturelle de ces préceptes, qui prend soin de ses parents, puis meurt à l’âge de cent vingt-sept ans, longévité symbolique en raison de ses vertus. Au gîte et au couvert s’ajoute l’éthique disposant d’une place équivalente591. À mettre en parallèle textes de lois et contenus des récits, le devoir filial concerne tout autant les vivants que les défunts, envers lesquels les obligations funéraires, inhumation, lamentations, prières et rituels, sont la règle (Am 6, 10). Et le rôle des membres d’un même lignage envers leurs ascendants s’applique sans différence de genre. Hérodote rapporte qu’en gypte les filles doivent prendre soin de leurs parents âgés, mais les fils ne sont pas tenus de nourrir leurs parents, s’ils ne le souhaitent pas (II, 35592.) Si l’âge de cent dix ans est considéré 590

Gn 45, 11 évoque Joseph envoyant un message à Jacob, son père, afin de lui demander de le rejoindre, qui souligne combien le fils se soucie du père : wklklty tk

m, « Là je te fournirai des vivres ». Dans cette situation particulière, l’emploi du verbe kwl se rapporte à la nourriture puisqu’il précise : ky wd  nym rb, « car il

y aura encore cinq années de famine ». Joseph s’en explique ensuite : pn twrth wbytk wkl r lk, « de peur que tu ne sois réduit à la misère, toi, ta maison et tout ce qui est à toi ». 591 J. C. GREENFIELD, 2001, p. 912s. 592 L’apogée de la vie se situerait vers soixante ans, selon le P. Insiger.

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comme idéal, les espérances de vie réelles ne l’atteignent guère593. Plus le statut social est élevé, plus les chances de vivre longtemps augmentent594. L’assertion d’Hérodote est largement à nuancer, coutumes et documents l’assurent. Les liens familiaux importent plus que les questions de genre595. Les parents pourvoient aux besoins de leurs enfants et en attendent une contrepartie. Les usages différencient le traitement dont bénéficie la mère de celui du père596. Si un grand respect est témoigné envers les personnes âgées597, nombre de questions restent ouvertes quant aux moyens de subsistance des femmes dans le cadre de la vie quotidienne598. Les veuves dépendent, tant pour leur entretien que pour leur appui, de leur famille599,

593

Parmi les familles de fonctionnaires de la fin du Nouvel Empire étudiées par M. L. BIERBRIER, 1975, p. 115-116, deux personnes ont vécu plus de quatre-vingtdix ans, cinq sont mortes dans leur quatre-vingtième année, onze ont atteint soixante-dix ans, et au moins quinze ont atteint soixante ans. Par ailleurs, une étude de la collection de squelettes de Gebelein et d’Assiout (période dynastique) montre que les adultes de sexe féminin jusqu’à l’âge de trente ans ont un taux de mortalité plus important que celui des hommes ; le ratio s’inverse ensuite : la majorité des quelques personnes qui vivent jusqu’à soixante-dix ans sont des femmes. Dès cet âge, qui représente un très petit pourcentage de cette population, la situation s’inverse. Cette étude prend appui sur 749 squelettes, dont 326 sont ceux de femmes, 358 ceux d’hommes, 40 rejetés car incomplets et 20 non diagnostiqués. De fait, les études menées sur les périodes ptolémaïque et romaine confirment que l’espérance de vie des gens du peuple s’étend de vingt à vingt-trois ans, J. TOIVOIRI-VITALA, 2001, p. 205-206, n. 15-18. Une recherche sur les stèles funéraires de Kom AbuBillo (Terenouthis), en Basse-gypte, de la période romaine, montre une importante mortalité des enfants jusque l’âge de dix ans, tandis que la majeure partie des adultes disparaît entre dix et quarante ans, et la majorité des personnes qui atteint quarante ans sont des hommes. Sur les 314 personnes, 170 sont des hommes et 144 des femmes, F. DUNAND, 1998. 594 Les habitants de Deir el-Medineh peuvent atteindre un âge relativement élevé, ainsi, par exemple, l’étude des momies de Kha et de sa femme Meryt démontrent qu’ils étaient assez âgés au moment de leur disparition, et une autre villageoise semble avoir atteint soixante-quinze ans, J. TOIVOIRI-VITALA, 2001, p. 206-207. 595 R. M. JANSSEN et J. J. JANSSEN, 1996, p. 97. 596 L’aspect économique est largement évoqué dans l’article de A. G. MCDOWELL, 1998. 597 La lettre LRL 15 (r° 13-16) l’atteste, qui s’adresse à un vieux scribe : « Je me tiens devant Aménophis chaque jour, étant pur, lui disant de te ramener à la vie prospérant et en bonne santé », E. F. WENTE, 1967, p. 48. 598 Il a été suggéré qu’une oipe de grains par mois suffirait à une femme âgée, J. TOIVOIRI-VITALA, 2001, p. 209, n. 57. 599 Le P. Kahun I 3-5, qui fournit une liste de foyers, transmet le détail des personnes qui vivent dans la maison du soldat Kherỉ : sa femme, son fils, sa mère, ses quatre sœurs. Au verso du document, figure l’identité des membres de sa maisonnée :

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elles sont protégées par la pression sociale600. Par ailleurs, elles peuvent rejoindre la maison de leurs enfants pour y être prises en charge ou continuer à vivre dans la maison familiale en raison de leur place privilégiée et de l’honneur qui leur est dû par leur fils aîné. Le vizir Rekhmire, dans l’autobiographie de sa tombe, rappelle ses bonnes actions dont celles d’avoir assisté des femmes âgées601. Lorsqu’une femme n’est pas très âgée, son remariage semble préférable le rôle d’épouse paraissant plus favorable économiquement. Certaines veuves peuvent confortablement vivre de leurs avoirs jusqu’à la fin de leur vie, mais cette situation demeure rare néanmoins et leur position économique semble vulnérable602. L’O. Zouche H.2 r°, qui rapporte que les rations de grains d’un ouvrier défunt ont été soustraites à sa veuve, paraît en faire preuve, mais les particularités de sa situation ne sont pas transmises, qui est attestée une seule fois603. En outre, des femmes seules et dotées de moyens substantiels peuvent avoir besoin du soutien et de la sécurité offerts par une famille ou un autre compagnon. Veuves et divorcées bénéficient parfois d’une certaine prise en charge, dont on ne sait cependant si elles sont âgées. Quelques textes ont enregistré cette réalité, provenant de Deir el-Medineh. Un document consigne les rations fournies à une femme pour une durée de onze mois. Alors qu’aucun nom ne permet d’identifier donateur et donataire, le premier donne à la seconde huit sacs d’orge durant cette période604. Une longue liste de produits alimentaires figure à la suite, qui lui ont été livrés « de la main de » diverses personnes les jours de fêtes ainsi qu’une part de mkw (récompenses), comportant de l’huile et de la graisse. L’une des personnes ayant remis les produits alimentaires est un beau-fils de Naunakhte, mais aucune indication sur ses relations à la donataire n’est proposée, et son état de femme âgée, veuve ou divorcée, n’est pas précisé605. Kheri, sa femme et son fils. Dans celle de son fils, du nom de Snefrou, se trouvent, parmi d’autres, sa mère, sa grand-mère paternelle et ses deux tantes paternelles. 600 C. J. EYRE, 1992, p. 219. 601 R. M. JANSSEN et J. J. JANSSEN, 1996, p. 92. 602 L’O. Berlin B 10629 met en scène une veuve qui possède des biens et crée des troubles parmi ses enfants en donnant des objets à l’une de ses filles, puis en lui reprenant, J. TOIVOIRI-VITALA, 2001, p. 211, n. 76 ; S. ALLAM, 1973, n° 7. 603 J. TOIVOIRI-VITALA, 2001, p. 212. 604 P. Deir el-Medineh 2, J. ERNY, 1978. 605 P. W. PESTMAN, 1982a, p. 174. Par ailleurs, l’exemple d’Hel, femme divorcée, met en lumière la prise en charge d’une femme dans une pénible situation de dénuement. Hel et son mari, qui ont eu deux filles et un fils, divorcent probablement en raison de l’adultère de la première. Aussi n’a-t-elle pas droit à son tiers des biens matrimoniaux et se trouve-t-elle dans une situation précaire, mais quelqu’un s’occupe d’elle, peut-être son fils, qui note que, depuis trois ans à compter du divorce, il l’a entretenue avec une petite ration de grains d’un quart de sac, qui ne lui

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Des listes enregistrent la remise de produits alimentaires livrés à une personne les jours de fêtes, offerts « de la main de » différentes personnes, dont la bénéficiaire est presque toujours une femme et le donateur généralement un homme606, et une fois une femme607. Un ostracon (Hunterian D. 1925.66) précise que ces dons sont faits « pour une année608 ». Ces documents ne présentent ni date ni nom de témoin, mais il semble qu’il ait été utile de conserver une trace de l’entretien de personnes âgées et de proches nécessiteux609. La transcription de ces dons tend à montrer qu’ils ne sont pas toujours dus à une pure générosité, mais répondent à un devoir social et économique impératif610. Paradigme du devoir filial qu’une mère est en droit d’attendre de ses enfants, le Testament de Naunakhte, écrit sous le règne de Ramsès V vers 1158 (XXe dynastie), met en lumière ces impératifs s’imposant tant aux filles qu’aux fils. Naunakhte, lors d’une déposition orale devant une cour se composant de quatorze personnes, fait établir un testament destiné à déshériter quatre de ses huit enfants. Elle justifie ces dispositions par l’argument suivant : « J’ai élevé ces huit enfants (serviteurs)… Mais, voyez, je suis devenue vieille, et voyez ils ne s’occupent pas de moi à leur tour » (26611). Or, la situation matérielle de Naunakhte n’est pas ce à quoi elle fait allusion et aspire, puisqu’en effet, elle ne semble pas manquer de moyens, et ses quatre autres enfants lui procurent mensuellement ainsi qu’à son mari un quart de sac de grains et un hin d’huile. Mais s’ils ne lui ont pas causé de tort, elle en espère de l’affection, de l’attention et du dévouement612. La piété permet pas de survivre, mais ce soutien l’aide de diverses manières. Ainsi, il accepte de vendre un vêtement pour son compte, mais n’y parvenant pas, elle le lui offre et, en contrepartie, il lui laisse un sac d’orge. Plus tard, il ajoute un demi-sac, le tout par charité (O. University College Londres 19614), A. G. MCDOWELL, 1998, p. 213. 606 O. Caire 25598, J. ERNY, 1937. L’O. 31, 1/Queen’s College Oxford N 1115 consiste en une énumération de produits alimentaires fournis certains jours de fêtes, J. ERNY et A. H. GARDINER, 1957. JANSSEN, 1982, p. 253-258. 607 L’O. 85 1/British Museum 29560, contient une liste de victuailles fournies par une femme à une autre, certains mois, J. ERNY et A. H. GARDINER, 1957. 608 L’O. Glasgow D. 1925.66 recèle une liste de produits alimentaires offerts sur une année en faveur d’une habitante dans le besoin de Deir el-Medineh par un homme qui peut être un beau-fils, un frère ou un autre membre de sa famille. Une allocation de grains y était peut-être associée, qui n’est pas mentionnée, A. G. MCDOWELL, 1993, p. 3-4. 609 A. G. MCDOWELL, 1998, p. 213 s. 610 Il s’agirait d’aide-mémoires, J. J. JANSSEN, 1982, p. 256-258. 611 J. ČERNY, 1945, p. 29-53, pl. 8-12 ; A. THEODORIDES, 1966, p. 64-65 ; P. GRANDET, 2002, p. 19-30 ; P. W. PESTMAN, 1982a, p. 173-181, et 1982b, p. 155172 ; S. ALLAM, 1973, n° 261. 612 A. THEODORIDES, 1966, p. 64-65.

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filiale implique cette forte obligation morale613 de sollicitude et de soins. Naunakhte déshérite trois de ses filles et l’un de ses fils, démontrant ainsi que tous les enfants ont la même responsabilité filiale envers les parents614. Parfois, des actes d’adoption se relient au devoir filial comme explication de ce choix. Aussi, afin de faire enregistrer des dispositions testamentaires en faveur de sa jeune et seconde épouse, le père divin Amenkhâou comparaît-il devant le vizir (P. Turin 2021). Les arguments mentionnés afin de justifier sa décision le reflètent : « Elle m’a fait du bien », « Elle s’est adaptée à mon caractère », « Et elle a fait pour moi ce qu’aurait fait » un fils ou une fille. L’épouse est considérée juridiquement comme une enfant615, justifiant les avantages que lui concède Amenkhâou. Daté de l’an XVIII de Ramsès XI à la fin de la XXe dynastie, plus précisément du début du XIe siècle, le Papyrus des Adoptions (Ashmolean Museum 1945.96) met également cette institution en lumière616. Ce document provincial provient de la cité de Spermérou et, si son langage n’est guère châtié, son sens apparaît clairement617. Il rapporte comment Nénuphar, adoptée par son mari Nebnéfer dix-huit ans auparavant, décide de faire de même avec les trois enfants d’une esclave achetée par le couple. Exposant 613

B. G. TRIGGER, B. J. KEMP, D. O’CONNOR et A. B. LLOYD, 1987, p. 313. Parmi les rares documents témoignant de l’application du devoir filial, la stèle juridique d’Amarah, de l’extrême fin du Nouvel Empire, révèle deux déclarations officielles et authentifiées, dont elle reproduit des extraits. Son contenu met en scène quatre personnages : le directeur du grenier Paser, sa femme Tamehyt et leurs deux enfants, ori, second prophète, et Irytekh, sa sœur. Peut-être déposée dans le temple d’Amon-Rê par le fils qui l’a faite ériger, alors que le père avait probablement disparu, elle rappelle les choix respectifs de sa mère et de son frère en sa faveur. La première, après avoir constaté l’attitude de sa fille à son égard durant sa vieillesse, a jugé nécessaire de prendre des dispositions qui la favorisent et lui transmet les acquêts constitués pour elle par son mari en expliquant : « Quant à tous les acquêts…, qu’ils soient transmis à Irytekh, cette (mienne) fille car c’est elle qui a agi pour moi [m’a fait du bien] dans ma vieillesse » (B 5 6-7). La date de la transmission des biens n’est pas précisée. Selon l’éditeur, elle rappelle un accord entre la mère et le fils par lequel ils renonçent aux biens du père en faveur de la fille, à la condition expresse qu’elle prenne soin de sa mère dans sa vieillesse, H.W. FAIRMAN, 1938, p. 155-156 ; R. M. JANSSEN et J. J. JANSSEN, 1996, p. 94 ; A. THEODORIDES, 1964, p. 58. L’inscription de la statuette stéléphore du Caire évoque l’exemple d’un prophète d’Amon ayant décidé de favoriser l’une de ses filles et qui justifie cette préférence en affirmant qu’elle lui a été ḫ, « utile », signifiant ainsi qu’elle lui a accordé ses soins et rempli son devoir filial, E. OTTO, 1954, statuette Caire 42.208, 10, p. 140. 615 A. THEODORIDES, 1970, p. 190 ; J. ČERNY et T. E. PEET, 1927, p. 30-39. 616 S. ALLAM, 1973, n° 261, et 1990, p. 189-191 ; E. CRUZ-URIBE, 1988, p. 220-223. 617 Les deux déclarations de Nénuphar et de Nebnéfer seraient des testaments, selon A. H. GARDINER, 1940, p. 23-29. 614

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les motifs de ce choix, elle relate les égards dont elle les a entourés : « Je les recueillis, je les nourris, je les élevai, et j’ai atteint ce jour avec eux », et dont ils l’ont comblée : « Qu’ils ne m’ont pas causé de mal, et qu’ils m’ont fait du bien618 » (B 19), « [à moi] qui n’[ai] pas de fils ni de fille ». Dans les dernières lignes du document, Nénuphar, afin de justifier pourquoi elle confie la gestion de ses biens à son frère et fils adoptif Padiou, énonce la même explication : « À Padiou ce mien fils qui m’a fait du bien » (V 10). Ce dernier, devenu le chef de famille, est responsable dorénavant des enfants et également de sa sœur, veuve et matriarche de la famille. La littérature ne néglige pas non plus le devoir filial envers la mère. Ainsi, l’Enseignement d’Ani (20, 17-21) conseille à l’enfant devenu grand de doubler la nourriture que lui a donnée sa mère et de la soutenir comme elle l’a fait pour lui. Retraçant l’attention et la sollicitude qu’elle lui a accordées durant son enfance et sa jeunesse, il prône le souvenir des soins dispensés et la nécessité d’agir afin d’éviter ses réprimandes619. Le père, considéré tout au long de sa vie comme le chef de famille, possède un statut social et des revenus qui varient selon ses activités. Au plus haut niveau de l’administration, il peut ne jamais renoncer à son activité, ou bien associer un assistant rémunéré, qui lui permet de conserver son indépendance et garantit la succession. D’autres sources de revenus sont attestées, telles les sinécures assurant un revenu officiel pour la retraite. Ainsi, par exemple, les soldats à la retraite peuvent-ils être placés comme intendants des domaines privés du souverain ou dans l’administration des domaines appartenant à des temples. Le recours au culte des statues et les donations aux temples permettent de transformer une propriété officielle en une propriété privée et d’en conserver le revenu à la retraite620. Ces donations, très répandues sous le Nouvel Empire, permettent l’entretien de personnes âgées. Toutes ces rémunérations concernent une classe aisée621. Des ostraca ont laissé nombre de traces écrites, témoins de l’appui apporté à leur père par les artisans de Deir el-Medineh. L’un des exemples 618

A. H. GARDINER, 1940, p. 23-29. A. THEODORIDES, 1965, p. 85. P. VERNUS, 2001, p. 250. 620 W. HELCK, 1975, p. 158-159, 1986, p. 1016. 621 Parmi les moyens de négocier l’application du devoir filial, l’exemple du phylarque Merysaintef ne manque pas d’intérêt, qui établit un acte de disposition en faveur de son fils aîné Intefsamery, vers la fin du XIXe siècle (P. Kahun VII 1). Cette donation immédiate d’une fonction religieuse comprend la condition, et contrepartie, suivante : « pour (être) mon “bâton de vieillesse” pour la raison que j’ai pris de l’âge (ou que je suis infirme) » (18-19). Le donateur précise ainsi qu’une rente viagère doit lui être versée par son fils qui lui succède dans sa fonction, tandis qu’il lui enseignera son savoir-faire. Néanmoins, l’acceptation du fils ne figure pas dans l’expédition incomplète de l’original. A. THEODORIDES, 1967, p. 58 ; 1970, p. 126127 ; F. L. I. GRIFFITH, 1898, p. 29-31. 619

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est procuré par un texte622 qui donne la liste de tout ce qu’un artisan nommé Weskhetnemtet a procuré à son père, durant toute une année, produits de luxe et grains. Un autre document rapporte des arrangements similaires. L’artisan Khaemnun, époux de dame Naunakhte, lègue une bassine de bronze pesant 13 debens de cuivre à son fils Kenherkhepeshef623, à la condition de subvenir à son entretien par des revenus mensuels dont le montant s’élève exactement à la moitié de la ration mensuelle d’un artisan, soit deux sacs trois quarts de grains. Kenherkhepeshef doit prêter serment et, s’il ne respecte pas sa parole, perd son droit à l’héritage624. L’année précédente, les quatre bons enfants du couple qu’il forme avec Naunakhte donnaient alors à leurs parents un revenu de seulement un quart de sac de grains625. Divers aspects du devoir filial sont ainsi révélés par les ostraca626. Exigence figurant en bonne place, l’application des rites funéraires envers les parents est attestée dans le Code d’Hermopolis (VIII 30-IX 33) et s’applique aux enfants des deux genres. Des stèles sont gravées d’inscriptions qui rappellent l’accomplissement de cette obligation envers les personnes âgées et les membres de la maison627. Les sagesses ne manquent 622

L’ostracon inventorie au recto les biens offerts, les produits de luxe, tels la viande, l’huile de sésame, du miel et des vêtements distribués aux artisans les jours de fête en guise de « récompenses ». Les artisans reçoivent assez souvent de telles gratifications, qui représentent une part essentielle de leur revenu. Le verso concerne le subside en grains attribué à son père par Weskhetnemtet et comprend 10 rations mensuelles de 2, 5 sacs de grains, correspondant à plus de la moitié des gages perçus chaque mois par le jeune artisan s’élévant à 5,5 sacs. De plus, père et fils partagent les services d’une servante fournie par l’État. La période couverte va de la 1re année de Ramsès IV à la fin de cette année de règne, au 3e mois des moissons. À ce moment, le père, du nom de Khnoummose, n’apparaît plus sur le tableau de service, A. G. MCDOWELL, 1993, p. 11-12, O. Hunterian D. 1925.71, et 1999, n° 13. 623 Le texte évoque probablement la même bassine laissée par Naunakhte dans son testament. Le droit de Khaemnun de l’en deshériter n’est pas clair, J. ERNY, 1945, p. 52-53. 624 M. L. BIERBRIER, 1975, p. 28-29. 625 Les dons de produits alimentaires à une personne s’effectuent les jours de fête. Le plus souvent, les donataires sont des femmes et les donateurs des hommes, A. G. MCDOWELL, 1998, p. 210 s. 626 Ainsi, un dessinateur qui perd la vue prie son fils de lui faire parvenir rapidement des remèdes, du miel aux propriétés antiseptiques et antibactériologiques, de l’ocre et de la peinture noire pour les yeux, A. G. MCDOWELL, 1999, p. 55. 627 La tombe du vizir Rekhmire (TT 100), parmi l’énumération de ses bonnes actions, rappelle l’accomplissement de ce devoir, l’une des obligations des hauts fonctionnaires. Une statue de la Basse poque porte une inscription rédigée par le

petit-fils d’un certain or-Re, décrivant le détail des soins accomplis envers ce dernier, R. M. JANSSEN et J. J. JANSSEN, 1996, p. 92-94. Deux ostraca portant les références VOK 1 et 2 renferment des directives concernant l’inaction d’un prêtre

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pas non plus d’évoquer cette exigence, et l’Enseignement d’Ani (17, 4-6) la recommande pour chacun des ascendants. Le devoir filial envers les parents, et pas seulement envers la mère, apparaît tel une exigence morale, affective et matérielle, expression de dévouement et d’affection, dans la vie comme dans le dernier sommeil, dont les filles semblent être les principales dépositaires sans exclure les fils628. Seuls deux termes sont mentionnés dans les contrats d’léphantine, « servir » et « prendre soin de », dont le premier semble définir l’aspect concret et le second préciser des confins plus larges qui vont de l’aide matérielle à l’appui moral et l’affection. Deux verbes se rapportent également à ce concept légal dans les textes bibliques : « soutenir » et « honorer », dont la substance est révélée par leur champ sémantique et qui évoquent le soutien matériel, le respect et l’affection. Une plus grande palette d’expressions évoque ce concept dans les documents égyptiens, dont les expressions suivantes sont les témoins : « s’occuper de », « faire du bien », être « utile », « agir/faire pour » et « donner », qui ne traduisent pas une obligation légale, mais bien plutôt une éthique de dévouement, d’appui matériel et affectif. Son importance peut entraîner la rédaction, chez les Judéens d’léphantine, de la clause d’un contrat, avec les obligations légales qu’il comporte et les pénalités qui s’ensuivent. Tant en gypte que dans les textes bibliques, les dispositions envers les personnes âgées varient en fonction de la fortune des donateurs et des bénéficiaires, selon les familles. Les membres de riches familles dépendent moins de leurs enfants pour les questions matérielles. L’institution de l’adoption illustre l’une des solutions qui permettent d’espérer cette prise en charge. En outre, une rémunération matérielle ou non, immédiate ou tardive, vient habituellement concrétiser l’expression de gratitude des membres de la famille qui en ont bénéficié. À contrario, la privation d’héritage devient un moyen de sanctionner ou peutêtre d’obliger les descendants.

« chef des secrets », qui n’a pas rempli son devoir d’inhumer diverses personnes. Le premier (de 541 ou 493) note qu’il s’agit de trois personnes, un homme, sa mère et sa sœur, et le second (de la même année), d’une femme. Dans les deux cas, le scribe suggère que les inhumations soient effectuées, E. CRUZ-URIBE et S. VINSON, 20052006, p. 113-117. 628 A. THEODORIDES, 1970, p. 64.

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L’AFFRANCHISSEMENT Seuls deux documents de manumission suivis d’une adoption sont attestés à léphantine, dont le premier concerne Tamet et sa fille Yehoyima (B3.6), et le second un esclave, yhbt, « donné » par Zaccur, frère adoptif de cette dernière, à un nommé Uryah (B3.9). Dans les deux occurrences, les adoptions sont le fait d’hommes, deux des adoptés sont des adultes et la troisième est une enfant. L’acte peut éventuellement rappeler l’achat de l’esclave, où le verbe « donner » n’induit en aucune façon la gratuité de la transaction, mais bien le transfert de l’esclave après le paiement convenu, qui signifie le remettre entre les mains de son nouveau maître. Meshoullam, vers la fin de sa vie, le 20 sivan c’est-à-dire le 7 pharmenoth, l’an 38 d’Artaxerxès, le 12 juin 427, décide d’affranchir ses esclaves Tamet/Tapamet et Yehoyima. Près de vingt-deux ans après l’union d’Ananyah et de Tamet, il fait établir un document de manumission mortis causa, enregistrant sa déclaration devant témoins (B3.6629). Après l’indication de la double date, l’acte décline l’identité des parties, et Meshoullam s’adresse à Tapamet : dn mr mlm br zkwr yhwdy zy yb brt ldgl dnnbw lnn tpmt mh mth zy nyth l ydh bymn kdnh lmlm, « Puis, dit Meshoullam, fils de Zaccur, un Judéen d’léphantine, la forteresse du détachement d’Iddinnabu à dame Tapamet de son nom sa serve qui est marquée630 sur sa main droite ainsi : [appartenant] à Meshoullam » (B3.6 23). La clause de manumission s’ouvre sur la formule : nh tt lky byy, « J’ai pensé à toi de mon vivant », qui s’applique également aux donations testamentaires et instruit les intéressées que cette libération aura lieu à sa mort631. Puis elle affirme : zt bqtky bmwty wbqt lyhy mh brtky zy ylty ly, « (pour être) libre, je t’ai libérée comme une (personne) libre à ma mort et j’ai libéré Yehoyima de son nom ta fille que tu m’as donnée » (B3.6 4-5). Le verbe : bq, qui signifie « libérer632 », « abandonner », est redoublé, car il s’applique à chacune des deux femmes, et cette précision s’avère nécessaire, puisque l’acte concerne aussi la fille de Tapamet, qui, si elle est la fille d’Ananyah, son père biologique, appartient également à Meshoullam, son maître. Dans cet exemple particulier, l’enfant suit le statut de sa mère et non celui de son père, et puisque Tamet est encore esclave, sa fille est née dans

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E. VOLTERRA, 1957, p. 675-696. Durant le Nouvel Empire les esclaves des deux sexes portent une marque, A. ELMOHSEN BAKIR, 1952, p. 110. 631 B. PORTEN, 2000a, p. 179, n. 8. 632 Il signifie « abandonner » et « abandonner l’autorité sur quelqu’un », J. J. RABINOWITZ, 1956, p. 32. 630

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ce même état. L’affranchissement de sa mère n’induit pas le sien, elle doit être citée dans l’acte pour qu’il prenne effet. Une condition leur est imposée, le devoir de veiller sur Meshoullam, puis, à sa mort, sur son fils Zaccur, ce dont elles prennent l’engagement. Une clause protectrice de garantie contre l’action des ayants droit et/ou des tiers, interdisant d’asservir à nouveau Tapamet et sa fille, figure immédiatement après la clause de manumission, qui précise : br ly wbrh w ly wh qryb wryq hngyt whnbg l bky wbyhy brtky zy lydty ly l bk lmntky wlmzlky mndt ksp, « Un mien fils ou fille ou mien frère ou sœur, proche ou lointain, associé en bétail ou associé en terre, n’a pas droit/contrôle/autorité633 sur toi ou sur Yehoyima ta fille, que tu m’as portée, n’a pas droit à toi, de te marquer ou faire un trafic d’argent avec toi » (B3.6 5-7). L’emploi de l’expression : l ly « ne pas avoir droit » dans cet acte conforte la garantie inscrivant dorénavant l’impossibilité de transmission de propriété sur Tamet et sa fille, et celle de sa conséquence. Pour ce qui concerne la liste, quasiment stéréotypée, elle est assurée dans les actes de transmission à titre gratuit ou onéreux, qui expose la prééminence du genre masculin. Une clause de pénalité suit cette dernière affirmation : zy yqwm lyky wl yhy brtk zy ylty ly yntn lk bgrn kp krn 50, « Qui se lèvera contre toi634 ou contre Yehoyima, ta fille, que tu m’as donnée vous donnera une pénalité d’argent de 50 karshs » (B3.6 7-8). L’expression « se lever » est mentionnée couramment, qui évoque un désaccord, un conflit635. L’indemnité particulièrement élevée et dissuasive est identique à celle prévue pour le cas où mère et fille se refuseraient à l’application du devoir filial. Puis une clause de réaffirmation de manumission suit, avec un même contenu et une forme différente : wnty byqh mn l ls wyhy brtky wgbr rn l lyky wl yhy brtky wnty byqh l, « Et tu es libérée de l’ombre au soleil et [de même] Yeh[o]yima, ta fille, et une autre personne n’a pas le droit à toi et à Yeh[o]yima, ta fille, mais vous êtes libérées à Dieu » (B3.6 8-10). Ici encore, outre l’emploi du verbe « libérer », deux expressions se rattachent à la terminologie de l’émancipation : la première, « de l’ombre au soleil », où l’ombre/les ténèbres sont associées à 633

Un parallèle à ce terme, « avoir autorité/contrôle », est utilisé couramment dans les actes démotiques de transmission de patrimoine à titre gratuit et onéreux, qui figure dans leurs clauses de garantie (P. Rylands 1, P. Turin 248…) et dans les modalités de garantie et de transmission des formulaires de transmission araméens d’Éléphantine. 634 La même expression est employée dans les deux occurrences. 635 Cette formule est mise au jour dans les contrats de mariage, plus particulièrement dans la clause de divorce. Elle est également attestée dans les documents égyptiens, voir p. 184 et ch. III, p. 128s.

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l’esclavage et le soleil à la liberté636, et la seconde, « à Dieu637 », autorité suprême auprès de qui l’esclave est abandonné, afin que personne ne puisse en prendre possession. Cet écrit confirme les obligations de Tamet et de sa fille envers Meshoullam moyennant une pénalité de 50 karshs, de même que leur protection. L’étiquette portée au verso signale que ce contrat établi à léphantine par Ḥaggai, fils de Shemayah, sur instruction de Meshoullam, est un : spr mrq, « document de désistement » écrit par Meshoullam pour Tamet et Yehoyima et signé par quatre témoins638. 636

J. J. RABINOWITZ, 1956, p. 32. Ce passage de l’esclavage à la liberté est parallèle au texte de la Haggadah de Pâques évoquant cette même transition de l’esclavage à la liberté et des ténèbres à l’intense lumière, H. L. GINSBERG, 1954, p. 158 ; B. PORTEN, 2000a, p. 179, n. 21. 637 Cette expression évoque un esclave libéré rejoignant une communauté religieuse, J. C. GREENFIELD, 1981, p. 120. Le verbe bq signifie « abandonner », « abandonner le contrôle, l’autorité sur quelqu’un » ; aussi l’acte de manumission symbolise-t-il l’abandon de l’esclave. En effet, le maître ne peut offrir la liberté à l’esclave puisque ce dernier n’a pas de capacité légale à recevoir de don : ce que l’esclave reçoit appartient à son maître. Ce dernier doit donc « l’abandonner » à Dieu afin d’éviter que d’autres en prennent possession, J. J. RABINOWITZ, 1956, p. 32-33. 638 Le contrat (B3.9) d’affranchissement lié à une adoption et retrouvé dans les archives d’Ananyah porte la date du 6 tishri c’est-à-dire le 22 payni, an 8 de Darius, le 22 septembre ou octobre 416. Uryah, fils de Maseyah, s’adresse à Zaccur, fils de Meshoullam, et ce, devant Vidranga, le commandant des troupes de Syène. Les clauses de ce contrat diffèrent dans la forme et le contenu de celles évoquées plus haut, et le fait que le scribe Raukhshana, fils de Nergalushezib, l’ait écrit en est probablement la cause. Après présentation des parties en présence, qui s’affirment araméens de Syène, une seule et même clause rappelle qu’Uryah a acquis Yedanyah, fils de Tae/Takhoi, de Zaccur et assure que personne ne peut le réduire en esclavage, en particulier son ancien maître. Cet acte, sans formule d’affranchissement, a probablement été prononcé oralement devant les témoins du contrat. Pour autant, la clause de garantie est multipliée par trois, qui protège Yedanyah de son ancien maître, ses ayants droit, et des tiers, qui ne pourront en faire un esclave, le marquer ou aller en justice contre lui à ce sujet. La clause adopte la forme suivante : khl nh wryh wbr wbrh ly h ly w’y ly ykbnhy bd, « Je ne pourrai pas moi, Uryah, ou l’un de mes fils ou filles, ou l’un de mes frères ou sœurs, ou l’un de mes hommes, le réduire en esclavage » (B3.9 4-5), wbr wbrh ly wy ly wrn l’ lyn lmnth, « Moi ou l’un de mes fils ou filles, ou l’un de mes

hommes, ou un autre individu n’a pas le droit de l’estamper » (B3.9 5-6), lkhl nh wbr wbrh ly h ly w’y ly nqwm lmbdh [bd] wlmnth, « Je ne pourrai pas moi ou l’un de mes fils ou filles, l’un de mes frères ou sœurs, ou l’un de mes hommes, me lever pour en faire un esclave ou l’estamper » (B3.9 6-7). « Se lever » constitue un acte exprimant la contestation, déjà observé dans divers documents. La clause de

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Meshoullam ne cite pas, dans ce document, Pilti, frère aîné de Yehoyima et fils de Tamet. L’accord passé entre Ananyah et le maître de Tamet dans le contrat de mariage d’Ananyah et de Tamet (B3.3 13-14) et établi après la naissance de leur fils Pilti, prévoit qu’il ne réclamera pas cet enfant à moins qu’Ananyah ne divorce de Tamet : wnh mlm mr w ywm rn l kl  lply mn tt lbbk br mn zy nt ttrk lmh tmt whn hnlth mnk ntn lnny ksp krn 5, « Et moi, Meshoullam, demain ou un autre jour, je ne pourrai pas réclamer Pilti de sous ton cœur à moins que tu ne divorces de sa mère Tamet. Et si je te le réclame, je donnerai à Ananyah 5 karshs d’argent639 ». L’objet de cette clause est double, qui tend à éviter le divorce d’avec Tamet et se préoccupe également du statut de Pilti640. Ce dernier n’est déjà plus la propriété de Meshoullam, il est largement protégé par cette clause du contrat de mariage de ses parents. Lors d’une séparation, Meshoullam reprendrait l’enfant et cette condition pèse sur ‘Ananyah et un désir éventuel de se séparer de la mère. Mais Meshoullam ne peut le reprendre, en cas du divorce, qu’en payant à son père une indemnité. Ainsi, il décide de laisser Pilti vivre libre avec ses parents et ce sous condition, n’en faisant pas un esclave à son service641, pas plus qu’il ne semble traiter Tamet et Yehoyima comme des esclaves. Elles mènent, en apparence, la vie d’êtres libres, et Tamet possède tous les droits d’une épouse. Aucune information n’est cependant transmise qui précise des obligations possibles envers leur maître. Sur la fin de sa vie, Meshoullam éprouve le besoin de mettre les choses en ordre et porte par écrit leur émancipation. La forme et la terminologie diffèrent selon les actes mais produisent les mêmes effets juridiques. Ainsi, l’acte d’affranchissement et d’adoption de Tamet et de Yehoyima est un acte privé passé devant quatre témoins seulement, tandis que celui de Yedanyah en nécessite huit, devant le commandant des troupes de Syène. Le premier affirme dès la première clause, après présentation des parties, l’affranchissement de Tamet et de sa fille avec l’emploi du verbe affranchir, réitéré pour chacune des deux femmes, tandis qu’aucun terme n’exprime cette notion juridique dans le document d’Uryah. Mais cette réalité reste sous-entendue. En effet, le document interdit dans la même clause et ce par trois fois un nouvel assujettissement de Yedanyah, alors que cette prohibition n’apparaît qu’une pénalité s’élève à 30 karshs (B3.9 7-8). Puis une clause de réaffirmation reprend le contenu de la stipulation d’interdiction de mise en esclavage et d’adoption. Le fait que cet acte soit passé en présence de 8 témoins dont Vidranga (B3.8 2-3), commandant des troupes de Syène, et dont aucun n’est judéen s’avère être une garantie supplémentaire. 639 B. PORTEN, 1999, p. 139. 640 Le contrat B3.5 désigne Pilti/Paltiel comme le fils d’Ananyah. 641 H. L. GINSBERG, 1954, p. 156, 158.

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fois tant pour Tamet que pour sa fille dans cette même disposition. La clause de pénalité diffère en ce qui concerne la somme qui passe de 30 à 50 karshs pour Tamet et sa fille, d’autant plus dissuasive. La stipulation de réaffirmation évoque pour la troisième fois l’affranchissement de Tamet et de sa fille, celle concernant Yedanyah rapporte à nouveau l’adoption et l’interdiction de l’asservir à nouveau. L’obligation de devoir filial envers le maître et la pénalité qui en est la conséquence ne sont pas inscrites dans l’acte de manumission de Yedanyah. Enfin, l’endos définissant l’acte est absent de ce contrat. Des divergences systématiques sont assurées tant dans le nombre des clauses que dans leur contenu et leur terminologie. De fait, si la manumission adopte des formes différentes, une déclaration orale sous forme de serment devant témoins et/ou une autorité politique et militaire paraît indispensable et peut être mise par écrit afin de faire preuve. Ces différences de forme et de fond peuvent être attribuées aux usages scribaux. Les textes bibliques font état de coutumes particulières, définies par des lois et les usages. Trois collections de lois imposent les règles de manumission. Dans le corpus d’Exode, deux textes régissent respectivement les hommes esclaves (21, 2-6), et les femmes esclaves (21, 7-11). Dans le Deutéronome, une même loi s’applique aux deux (Dt 15, 12-18). Celle du Lévitique considère la manumission l’année du Jubilé (25)642. Le corpus prophétique éclaire également cette institution (Jr 34, 8-22). La formule employée dans le texte d’Exode spécifie les règles s’appliquant au genre masculin. Ainsi, l’esclave masculin hébreu vendu parce qu’insolvable est remis en liberté la septième année, sans rien payer, après six ans d’esclavage (Ex 21, 2), plus tôt s’il a remboursé ses dettes (2 R 4, 7), ou en cas de remise de dettes (Ne 9, 5). L’affranchissement du mari asservi pour dettes emporte celui de sa femme (Ex 21, 2-3). Mais lorsque le maître accorde une épouse à son esclave et que celle-ci lui a donné des enfants, ils lui appartiennent, le mari doit partir seul (Ex 21, 4-6643). Ce dernier peut néanmoins choisir de ne pas être affranchi, et affirmer son « amour644 » pour son maître, sa femme et M. BARTOS et B. M. LEVINSON, dans « This Is the Manner of the Remission : Implicit Legal Exegesis in 11QMelchizedek as a Response to the Formation of the Torah », JBL 132/2, 2013, p. 351-371, se penchant sur la question de savoir si la libération de l’esclavage prévue par le Lévitique 25, 13, implique également la remise de la dette qui en est à l’origine. Ils constatent que l’absence explicite de cette demande de remise laisse la porte ouverte à l’hypothèse de la non-remise de dette en Lévitique, tandis que l’auteur de Qumran répond à cette absence en identifiant le jubilée de Lévitique et la remise de la dette sabbatique du Deutéronome, et exige la rémission de la dette. 643 R. WESTBROOK, 1998, p. 214-238. 644 Rien de romantique n’est à attribuer au contenu de ce terme, B. S. CHILDS, 1974, p. 468. Il reflèterait des sentiments sincères envers son maître, sa femme et ses 642

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ses enfants. Le concept d’amour pour le maître est à mettre en parallèle avec la notion de loyauté et d’allégeance d’un inférieur envers un supérieur, comme dans une sorte de contrat645, tandis que, pour la femme et les enfants, le sentiment évoqué est celui de l’amour familial. Si l’esclave choisit d’abandonner sa liberté, son maître doit le mener en présence de Dieu/les dieux/les téraphim646, où il doit subir le rite de l’oreille perçée près d’une porte ou d’un poteau (Ex 21, 6)647, une cérémonie à connotation religieuse. Perforer le lobe d’oreilles d’un esclave le sépare du monde extérieur et de la liberté, et l’agrège au monde intérieur648, plaçant ainsi le clan/la famille du maître au centre de sa vie649. Soulignant le changement de situation de l’esclave qui n’est plus libérable désormais, cette mutilation exprime la permanence de son nouveau statut. La loi prévoit également la manumission de l’esclave blessé à l’œil et qui en perd l’usage (Ex 21, 26), ou de celui à qui son maître a fait perdre une dent (Ex 21, 27) 650. Cette libération accordée à la suite de blessures non fatales l’est aux esclaves des deux genres. Ils ne sont pas empêchés de travailler par ces blessures, aussi la leçon concerne-t-elle le maître651. En outre, le texte d’Exode 21, 20-21 prend en compte le cas particulier de l’esclave tant du genre féminin que masculin, frappé par le maître au point d’y laisser la vie et qui doit être vengé. S’il survit un jour ou

enfants. Cette condition serait en accord avec les autres lois qui protègent les droits des esclaves (Dt 23, 15-16), G. C. CHIRICHIGNO, 1993, p. 229 s. 645 La sémantique du verbe « aimer » s’étend aux relations politiques internationales (1 R 5, 15), à l’amitié débouchant sur une alliance diplomatique et commerciale entre deux États. Elle évoque la reconnaissance et l’allégeance envers le souverain (1 S 18, 16). Pour la période d’El Amarna, il fait partie de la terminologie des relations internationales (EA 53 : 40-44 ; 114 : 68…). Il s’applique également à un comportement qui lie les humains entre eux, comme les Hébreux à Dieu, H. SIVAN, 2004, p. 35. 646 Les approches diffèrent quant aux significations de ce terme. Il a été interprété comme les pénates de Laban volés par Rachel, C. M. CARMICHAEL, 2000, p. 514 ; A. PHILLIPS, 1973b, p. 357. Il est aussi traduit par « Dieu », et il s’agirait d’une référence au sanctuaire, J. Van SETERS, 2006, p. 541 ; G. C. CHIRICHIGNO, 1993, p. 232 s. 647 Le choix consiste à échanger la sécurité sans liberté contre la liberté sans sécurité, tout comme dans le texte d’Ex 21, 5, A. PHILLIPS, 1973b, p. 357. 648 A. VAN GENNEP, 1981, p. 103 et 144. 649 K. BALTZER, 1985, p. 478. 650 L’esclave n’est pas l’égal d’un homme libre, aussi les lois du talion ne s’appliquent-elles pas lorsqu’il subit une blessure de son maître. Pour autant, l’esclave libéré acquiert le statut d’homme libre, S. M. PAUL, 1970, p. 78. 651 B. S. JACKSON, 2006, p. 249 s.

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deux, aucune représaille ne peut être exercée à l’encontre du maître652. Sa responsabilité doit être limitée à l’aspect flagrant du meurtre. En effet, un espace-temps plus vaste annihilerait le pouvoir du maître sur son esclave. Au-delà, il n’est plus question de vengeance puisque l’esclave est et reste sa propriété. La manumission de l’esclave hébreu des deux genres, est harmonisée par Deutéronome 15, 12 : « Si ton frère, qu’il soit un homme hébreu ou une femme hébreue se vend à toi ». Pour autant, l’asymétrie de l’expression « ton frère » souligne une certaine prééminence masculine. Ce texte organise l’émancipation la septième année, probablement à son début, et impose au maître de le/la laisser partir. L’affranchissement s’agrémente d’une exigence particulière, qui consiste à ne pas laisser les esclaves libérés s’éloigner les mains vides653 et à leur attribuer des présents de la grange, du pressoir et du menu bétail (15, 13-14654). Cette prescription, absente du corpus des lois d’Exode, trouve son origine dans le souvenir de l’esclavage vécu en gypte dont Dieu a affranchi son peuple (15, 15). Le texte ajoute que le maître ne doit pas souffrir de renvoyer l’esclave libéré, dans la mesure où celui-ci a gagné deux fois le salaire d’un mercenaire en travaillant pendant six ans pour lui. Une rémunération est prévue, qui est divine et consiste en bénédictions (15, 18). Cette loi envisage une déclaration possible de l’esclave, homme ou femme, affirmant qu’il ne veut point quitter son maître. Cette déclaration reste une affaire privée. En outre, la loi n’évoque pas l’amour du maître et ne mentionne pas non plus celui de la femme et des enfants. L’esclave doit supporter le rituel du poinçon déjà évoqué en Exode, dont le texte ne prévoit pas qu’il soit effectué devant Dieu/les dieux/les téraphim (15, 17)655. Le texte insiste sur la similitude de traitement de l’homme et de la femme dans les mêmes circonstances : wp lmtk th kn, « Même pour ton esclave femme tu dois faire de même » (17b656). L’oreille

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Ce statut serait un compromis distinctif d’une phase d’évolution où le groupe le plus faible se voit doter de certains droits et le plus fort en conserve en grand nombre, D. DAUBE, 1961, p. 248 s. 653 Cette obligation serait influencée par sa place dans l’ensemble figurant en Dt 14, 22-16, 17. Différents exemples affirment cette nécessité (Gn 30, 42 ; Ex 3, 21-22), G. C. CHIRICHIGNO, 1993, p. 258 s. 654 Il s’agirait d’un aspect humanitaire, E. NICHOLSON, 1991. Il est à noter l’absence d’application pratique, N. P. LEMCHE, 1976, p. 38-59. La manumission des esclaves hébreux permettrait d’augmenter le nombre de travailleurs, car le coût des esclaves aurait dépassé le prix du travail libre, Z. G. GLASS, 2000, p. 27-39. L’aspect à peine réaliste de cette règle est remarquable, C. CARMICHAEL, 2000, p. 522. 655 Cette expression doit être rendue par « Dieu » et non par « les dieux » puisque le maître est israélite, A. VIBERG, 1992, p. 79. 656 B. M. LEVINSON, 2006, p. 300.

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évoque l’écoute et symbolise l’obéissance657. L’application de ce rite coercitif joue un rôle identique à celui d’Exode, séparant l’esclave de la liberté à tout jamais. Cette trace matérielle indélébile souligne l’aspect perpétuel de l’esclavage et le droit permanent du maître. La règle du Deutéronome met Dieu au centre du modèle de l’émancipation et de l’ensemble de ses contraintes, aussi ce rite conserve-t-il un caractère religieux et sacré dans son ensemble, tandis que la loi d’Exode prend Dieu/les dieux/les téraphim à témoin. Ainsi, l’obligation de se remémorer l’expérience de la libération de l’Exode permet de la situer au cœur de la manumission et de valoriser le concept de liberté. Selon le Lévitique658 (25, 39-42), lorsqu’un Israélite, réduit à la misère se vend à un autre Israélite, celui-ci ne doit pas lui imposer le travail d’un esclave et la loi évite la terminologie de l’esclavage pour le définir. Il doit servir jusqu’à l’année du Jubilé659, est libéré avec ses enfants, retourne dans sa famille et recouvre les biens de ses pères. La loi place dans la bouche divine l’argument qui affirme qu’ils sont « ses esclaves » et rappelle qu’Il les a fait sortir d'gypte. Pour autant, si un Israélite s’est vendu pour des raisons de pauvreté à un étranger, le droit de rachat existe, tant par lui-même que par les membres de sa famille (25, 47-55), mais rien n’est transmis de cette responsabilité660. Le calcul du prix est précisé en fonction des années restant encore à travailler par rapport au Jubilé. Et s’il n’a pas été racheté, il est libéré avec ses enfants l’année du Jubilé (25, 41). Le Lévitique 19, 20-22 fait référence à une esclave fiancée qui n’a pas été rachetée et a eu commerce avec un autre homme. Elle ne peut être mise à mort car son maître n’a plus de droit sur elle. En effet, elle aurait dû être libérée et, en qualité de femme libre, pouvait accorder ses faveurs à qui bon lui semblait. Seule une faute morale et non légale a été commise, et l’homme coupable doit alors offrir en expiation un bélier en offrande661. À en croire Jérémie (34, 8-16), tandis que l’armée de Nabuchodonosor assiège Jérusalem, le roi Sédécias décide de conclure un manifeste avec le peuple de Jérusalem afin de proclamer l’émancipation de 657

A. VIBERG, 1992, p. 77-87. La nature originale du texte de Lv 25 est à souligner, qui crée un travail plus unifié en réorganisant les règles héritées, B. M. LEVINSON, 2006, p. 322-323. 659 L’année du jubilé serait fondée sur l’année universelle de jachère (Ex 21, 10-11), elle reflète les pratiques agraires. Il s’agirait d’une forme accrue de l’année sabbatique, la 7e année sabbatique, G. C. CHIRICHIGNO, 1993, p. 312 s. 660 E. NEUFELD, 1961, p. 34-35. 661 Une enquête serait nécessaire, afin de déterminer si la femme bénéficie de sa liberté pleine et entière selon ses affirmations, et peut disposer de ses faveurs comme elle l’entend d’après les dispositions d’Ex 21, 7-11. Il est nécessaire de vérifier si son maître a failli à ses devoirs ; la liberté et la vie de la femme en dépendent, J. MORGENSTERN, 1930, p. 45, n. 37b. 658

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tous les esclaves d’origine hébreue. Tous les grands et le peuple y consentent espérant impressionner Dieu favorablement et obtenir la libération de la ville. Mais, à peine après les avoir émancipés, ils reviennent sur leur décision, les contraignant à redevenir esclaves. Ce qui apparaissait comme un simple acte concret et qui est un pacte sacré est rompu, le peuple de Juda est plus coupable encore que le roi babylonien, instrument du châtiment encouru662. La métaphore d’Isae (49, 8) évoque également la libération des captifs, et Nehémie 5, 5-13, l’esclavage pour dettes. Enfin, le récit de 1 Chroniques 2, 35-41 rapporte l’union de l’esclave égyptien Yahra, approximativement contemporain de David, marié à la fille de son maître Chêchân qui n’avait pas de fils. Yahra a certainement été libéré dans ces circonstances. Divers actes égyptiens documentent la manumission et concernent adultes et enfants. Aucun terme n’est attesté signifiant « émanciper », aussi les scribes usent-ils de périphrases. Le Papyrus des Adoptions évoque dans sa seconde partie l’affranchissement des trois enfants issus de l’esclave acquise par Nebnéfer et Nénuphar663. La première à bénéficier de cette transformation de son statut est Taïmeniout, fille aînée de l’esclave Dinihoutiri, après son mariage avec son frère cadet, et celle-ci déclare : ἰrj=j t m rm. ṯ nm n p t n Pr-, « J’ai fait d’elle un être libre du pays de Pharaon » (22-23). Elle se préoccupe également du statut de ses enfants avec Padiou et la suite du texte précise : ἰw=w m rm.ṯ nm.w, « Ils seront des êtres libres » (24). Puis vient le tour des deux autres enfants de Dinihoutiry : « Je fais des êtres que j’ai élevés des êtres libres » (V 2-3). L’acte répète encore : « Ils sont des êtres libres664». Ce contrat met en lumière les formules par lesquelles l’émancipation se concrétise : « J’ai fait/je fais de lui/d’elle un/une nm », ou « être libre665. En 662

M. KESSLER, 1971, p. 105-108. S. ALLAM, 1973, n° 261, 1990, p. 189-191; E. CRUZ-URIBE, 1988, p. 220-223 ; A. H. GARDINER, 1940, p. 23-29 ; C. J. EYRE, 1992, p. 207-221 ; A. THEODORIDES, 1965, p. 85 s. 664 A. H. GARDINER, 1940, p. 24 ; A. EL-Mohsen BAKIR, 1952, p. 98. Aucun terme connu ne signifie « émanciper », et nm concerne le statut d’une personne qui a été émancipée. « Nénuphar n’a pas affranchi les enfants qu’elle adoptait, mais leur a permis de jouir d’un certain standing économique et, partant, social ». L’émancipation s’opèrerait par le fait même du mariage et ne dépend pas d’une procédure spécifique, ce qui semble contredire la nécessité d’affranchir Tamet, bien qu’elle se soit unie à un homme libre, selon A. THEODORIDES, 1965, p. 123. 665 La formule inscrite dans les contrats en grec emploie l’expression « laisser libre ». Ainsi, le P. Petrie I 15 = P. Petrie III 2 12-14 (avril-mai 237) renferme la phrase suivante : « Melainis et son fils Ammonios […] je les laisse libres », R. SCHOLS, 1990, p. 117-121. 663

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effet, le sens de nm peut être admis comme un terme légal qui se réfère au statut juridique de personnes indépendantes tant pour ce qui concerne le contrôle de leurs biens, que leur bien-être et leurs droits666. Par cette formule, à l’opposé des documents de la mise en servitude, la propriétaire redonne à l’esclave son statut d’être libre667. Une clause de protection ajoute : « Qu’ils ne sont plus du tout avec lui (Padiou) en tant que serviteurs mais qu’ils sont avec lui (Padiou) en tant que frère et sœur », puis précise : « Et si un fils (ou) une fille, un frère (ou) une sœur de leur mère (adoptive), (ou) de leur père (adoptif) le leur contestait, exception faite pour Padiou ce mien fils (adoptif) ». La suite du texte affirme : « Mais qu’ils sont avec lui en tant que sœurs et frères cadets. » Une malédiction menace quiconque les qualifierait de serviteurs668. L’acte par lequel Padiou et les trois enfants de Dinihoutiry sont libérés est établi devant témoins, qui enregistre les déclarations de Nénuphar. Le contrat d’établissement et de mariage de l’esclave du barbier du roi à sa nièce (Louvre E 11673) porte également, indirectement, sur la question de son affranchissement. Celui-ci se concrétise par la déclaration effectuée par Sibastet devant une cour qui en dressera un acte lors de la 27e année de Toutmosis III. Pour autant, aucune mention de la manumission n’y figure, et les quelques lacunes paraissent concerner la transmission de la charge de barbier du roi. Si l’esclave est libéré de manière concomitante à son mariage, l’acte n’en donne pas l’information, bien qu’officiellement enregistré. Mais il apparaît que l’un est la conséquence de l’autre669. Alors que Sibastet marie son esclave à sa nièce, l’acte l’institue héritier au même titre que sa femme et sa sœur. Le barbier, probablement sans enfant et sans proche de sexe masculin, établit par le procédé de manumission-adoption une sorte d’obligation de soins envers les membres de la famille. Concrétisé par une déclaration orale du maître devant témoins, l’affranchissement d’hommes, de femmes et/ou d’enfants à léphantine et en gypte, n’est peut-être pas toujours mis par écrit dans un contrat dont la forme et la phraséologie varient en fonction du scribe chargé de son enregistrement. Le document araméen peut ne pas formuler la manumission 666

E. CRUZ-URIBE, 1982, p. 52. Ce terme est légal, P. VERNUS, 1977, p. 183-184. Outre le fait d’être indépendants, les nm.w sont « complètement libres », et ce terme se rapporterait à un statut économique, A. THEODORIDES, 1977, p. 73. 667 Le P. Rylands 3, contrat d’engagement pour dette, livre cette formule : « Je suis ton serviteur pour [toujours] et je ne pourrai plus jamais me considérer comme une personne privée indépendante (ou nm) », B. MENU, 1985, p. 82-83. 668 Cette malédiction est courante dans les serments de la période ramesside et plus tardivement, A. H. GARDINER, 1940, p. 25. 669 « L’émancipation s’opère par le fait même du mariage », A. THEODORIDES, 1965, p. 123.

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qui se réalise néanmoins. Et la libération n’a pas nécessairement lieu immédiatement, qui peut se concrétiser à la mort du maître. Elle peut être suivie de l’adoption, et en est parfois la condition, qui semble impliquer un même impératif à l’égard de l’ancien maître de devoir filial. La simplicité et la clarté de la phraséologie démotique diffèrent de celle des actes araméens connus dont le contenu symbolique semble avoir conservé des réminiscences de concepts israélites. L’ADOPTION Enfants, femmes, hommes libres et esclaves peuvent être adoptés. Quelques rares documents en portent témoignage. Seuls deux écrits parmi les papyri d’léphantine mettent au jour le principe de l’adoption lié à l’affranchissement, et les documents égyptiens attestant cette coutume ne sont guère nombreux non plus. Parmi les premiers, l’un d’eux s’applique à Yedanyah, esclave affranchi et adopté (B3.9), l’autre concerne l’adoption de Tamet mariée depuis de nombreuses années et de sa fille Yehoyima par leur maître Meshoullam vers la fin de sa vie (B3.6). Palti/Paltiel, fils de Tamet, n’est plus la propriété de Meshoullam, puisque déjà libéré670. Ces documents sont la mise par écrit des déclarations de Meshoullam à Tamet (B3.6 2)671. Meshoullam, dans le contrat de manumission testamentaire, s’adresse oralement à Tamet, son esclave (B3.6 2-3). Pour autant, aucune phrase ou affirmation de l’adoption de Tamet et de Yehoyima ne figure aussi clairement que dans le document cité précédemment (B3.6 11-12). Néanmoins, trois informations transparaissent : d’une part, l’emploi du terme de comparaison kbr, « comme », celui du verbe pl, « servir », terme usuel employé afin d’évoquer le devoir d’un fils envers son père (B3.6 11-12)672, et la promesse d’attentions sous peine d’une amende considérable à laquelle 670

H. L. GINSBERG, 1954, p. 156, 158. Dans le contrat de manumission-adoption (B3.9), Yedanyah est adopté par Uryah qui en fait la déclaration devant Vidranga, commandant des troupes de Syène, et s’adresse à Zaccur, fils de Meshoullam (B3.9 2-3). L’adoption est affirmée à trois reprises, J. C. GREENFIELD, 1981, p. 123. Dans la clause principale, la formule l’attestant figure entre deux interdictions de le réduire à nouveau en esclavage, elle est courte et claire : bry yhwh, « Il sera mon fils » (B3.9 5). Cette déclaration est ensuite répétée par deux fois dans une clause de réaffirmation : wydnyh zk bry yhwh pm, « et que Yedanyah sera mon fils de même » (B3.9 8), lhn bry yhwh, « qu’il sera mon fils ». Le principe de répétition stylistique, appliqué par les scribes d’léphantine, dispose les informations autour de l’expression « mon fils ». 672 B. PORTEN, 2000a, p. 179, n. 25. 671

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elles se sont engagées, permettant de déduire l’adoption. Si la formule est absente de ce document, celle-ci s’est probablement concrétisée oralement auparavant. Par ailleurs, la confirmation de cette adoption est attestée par le contrat de mariage de Yehoyima où celle-ci est associée à Zaccur comme « sa sœur » (B3.8 3). Ces deux contrats diffèrent, l’un comprend des clauses d’adoption, l’autre permet d’en connaître les conséquences. Tout comme l’émancipation, l’adoption se matérialise par une déclaration orale devant témoins, enregistrée dans un contrat. Ces deux réalités juridiques sont liées dans chacun des deux documents, qui créent de nouveaux liens. Dans l’un des deux (B3.6), l’adoption est la conséquence de l’émancipation et, dans l’autre (B3.9), elle en paraît la cause. Par ailleurs, le corollaire de l’adoption s’ouvre sur la perspective du devoir filial ainsi que les parents l’attendent de leurs enfants. Cet impératif s’affirme clairement dans l’un des contrats sous peine d’une amende, et il est probablement sous-entendu dans le second. Aussi la libération jointe à l’adoption a-t-elle un même objet, obtenir la sollicitude des adoptés. Si Meshoullam l’espère de son fils Zaccur, il prend néanmoins des précautions supplémentaires et les anticipe également pour son fils. Peutêtre attend-il beaucoup de Tamet pour laquelle son affection est avérée et affirmée (B3.12 11), et de sa fille, tout comme Uryah de Yedanyah. Quelques rares récits d’adoption courent de la période des Patriarches à la période perse, qui sont essentiellement le fait de membres d’une même lignée, en ligne directe ou pas. Femmes et hommes, tant marâtres que grands-parents ou cousin, en sont les acteurs, dont les motifs diffèrent. Filles et garçons peuvent être adoptés, mais les textes signalent peu d’exemples d’adoption d’esclave. En outre, si cette institution n’est guère attestée, on ne peut en conclure qu’elle est rarement appliquée. L’adoption établit un lien de filiation entre deux personnes étrangères l’une à l’autre673. Actes symboliques et formules la définissent, qui parfois ont été considérés comme l’expression d’une légitimation674, qui présume une relation de sang préexistante entre la partie qui légitime et celle qui est légitimée. L’enfant naturel acquiert par cet acte la condition d’enfant légitime. Les femmes apparaissent de prime abord dans les textes en relation avec cette institution, attestée essentiellement durant la période patriarcale, et qui permet d’avoir accès à ses motivations et ses rites. Saraï, épouse d’Abram, est la première touchée par ce besoin en raison d’une

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S. M. PAUL, 1979-1980, p. 173-185, propose une bibliographie complète de ce thème. 674 S. FEIGIN, 1931, p. 193 et L. KÖHLER, 1909, p. 312-314, inclinent à accepter le concept d’adoption dans l’Ancien Testament.

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stérilité « existentielle avant d’être biologique675 », car le temps des générations ou de l’Histoire n’est pas encore advenu, et tous deux s’inscrivent dans une pensée où Dieu donne l’enfant676. Aussi la matriarche (Gn 16, 2) décide-t-elle de donner son esclave Agar à son mari, espérant un enfant. Pour la première fois, le texte rapporte le récit d’une épouse qui ne peut enfanter et choisit, par le biais d’une esclave, de devenir mère en adoptant l’enfant que celle-ci aura de son mari. La suite de la narration n’apporte pas d’autre éclaircissement sur la concrétisation de cette possible adoption. Pour autant, l’absence du verbe yld, « enfanter » et l’emploi du verbe bnh ne sauraient être anodins, dont le second signifie « construire », « bâtir », « fonder », et renvoie au désir de Saraï d’être non seulement mère, mais également de fonder une « maison », expression de la continuité des générations. Avec l’inscription de ce verbe, Saraï exprime clairement son projet. Aussi le texte porte-t-il trace d’une double acception, dont l’une complète l’autre. De plus, si la mention de l’héritage exprime en premier lieu la nécessité d’une postérité, de fait, son sens essentiel s’épaissit et s’approfondit par la notion des twldwt, « générations », cherchant ainsi à s’inscrire dans l’Histoire, puisque celle-ci se construit par l’enfant. Puis, l’histoire conjointe des deux sœurs Rachel et Léa, filles de Laban et épouses du même homme, le patriarche Jacob, qui, désirant des enfants, font appel à leur servante et/ou esclave677, pénètre dans sa complexité le modèle de l’adoption. Rachel ne parvient pas à donner d’enfant à Jacob, succombe à la jalousie devant sa sœur Léa et exige de Jacob : « Donne-moi des enfants, sinon j’en mourrai » (Gn 30, 1). L’absence de postérité marque la mort par la discontinuité, seule la filiation permet la durée. Aussi, cherche-t-elle à obtenir un enfant par l’intermédiaire de sa servante Bila, en employant le même procédé que Saraï (Gn 30, 1-12). Elle déclare à son mari, employant le futur : hnh mty blh b lyh wtld l brki 675

M.-A. OUAKNIN, 1992, p. 82. Dans une vision, Abram (Gn 15, 2-5) exprime son chagrin : « Dieu-ternel, que me donnerais-tu alors que je m’en vais sans postérité ? ». Or, l’enfant est lié tout autant à la mère qu’au père, qui met en lumière la double stérilité de Saraï et d’Abram. Plus tard, Dieu modifie leur nom en ajoutant la lettre hé à leurs deux noms, signe de la féminité et de la fécondité, puis en ôtant le yod, signe du masculin inscrit dans le prénom de Saraï, Il leur offre la fécondité et transforme leur destin (Gn 17, 15). C’est à ce moment que l’Histoire peut se construire, M-A. OUAKNIN, 1992, p. 83. 677 Lexicalement, les deux substantifs paraissent synonymes, tandis que narrativement la variation entre les deux est subtile. Lorsque Rachel nomme Bila ‫ שפחה‬et qu’elle choisit d’être construite grâce à elle, elle l’élève au-dessus de son rôle de servante et le terme souligne l’évolution de son statut, F. MIRGUET, 2004, p. 248. 676

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wbnh gm nky mmnh, « Voici ma servante Bila approche-toi d’elle, elle enfantera sur mes genoux et par elle j’aurai moi aussi des enfants » (Gn 30, 3678). Bila enfante un fils à Jacob (Gn 30, 5), puis un second que Rachel prénomme Naphtali (Gn 30, 7-8). Sa sœur Léa, cependant déjà mère de quatre fils, l’imite avec Zilpa son esclave, qui enfante encore un fils à Jacob (Gn 30, 10). En apparence, Léa aspire à se mettre sur le même plan que sa sœur afin qu’aucune inégalité n’existe entre elles, et peut-être également parce qu’il lui importe de donner une nombreuse descendance à Jacob. De fait, elles ont pour dessein de procurer une descendance mâle à leur « maison », bien que le lignage ne se perpétue pas en ligne droite mais horizontale. Ici encore, les parents sont vivants, quand bien même la mère qui a donné naissance à l’enfant peut s’effacer. Une incertitude apparaît, liée à certains textes où le fils d’Agar, tout comme ceux de Bila et de Zilpa sont considérés comme les fils des servantes (Gn 21, 10 ; 33, 2. 6-7 ; 35, 2326679). Or, le fait de « donner naissance sur les genoux » est admis comme faisant partie des rites d’adoption et comme signe de tendresse680. Néanmoins, ce geste n’est pas confirmé lors de la naissance des enfants et la description de ce rite est absente du texte. En outre, malgré le témoignage de Rachel donnant un nom aux fils de Bila (Gn 30, 6. 8), et de Léa aux fils de Zilpa (Gn 30, 11. 13), aucun autre rite n’est décrit, qui serait complémentaire. Dès lors, le doute est permis, et il semble bien que ni Rachel, ni Saraï, ni Léa, en dépit de leurs intentions, n’aient finalement recouru à l’adoption681. Exode 2, 10 évoque l’adoption de Moïse par Bithya, fille de Pharaon : « L’enfant devenu grand, elle le remit à la fille de pharaon et il 678

Rachel prend soin de sa servante, sans doute dans l’espoir de guérir sa propre infertilité par un moyen magico-sympathique, peut-être son objet ultime, J.H. TIGAY, 1971, p. 298-299. L’adoption apparaît comme une véritable cure dans certains cas d’infertilité. La connaissance de ce phénomène est la conséquence de l’observation de la vie. Cette connaissance et ces observations sont déjà acquises au temps des Patriarches, confirmant ainsi que Saraï et Rachel choississent l’adoption par le biais de leur servante comme remède à leur infertilité, S. KARDIMON, 1958, p. 123-126. L’acte de Rachel n’a pas nécessairement de connotations légales, mais répond à son désir de prendre une part active à la naissance de l’enfant, J. FLEISHMAN, 2005, p. 354. 679 J. VAN SETERS, 1968, p. 403 s. 680 Par ailleurs, s’il est parfois soutenu que Laban, sans enfant de sexe masculin, a adopté Jacob, la Bible n’en fait pas part et qualifie ce dernier d’« employé ». Si Lv 18, 9 évoque une sœur née hors de la maison, celle-ci serait soit illégitime, soit née d’une autre union de la mère. Quant à Jephté, évoqué en Jg 11, 1-2, il semble évident qu’il est bien le fils de Ghilad, mais ce passage implique au mieux sa légitimation, non son adoption, J. H. TIGAY, 1971, p. 298-299. 681 Il s’agit d’une légitimation, selon H. DONNER, 1994, p. 52-53.

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devint son fils, et elle le nomma Moïse » (Ex 2, 10682). L’unique rite d’adoption attesté par ce texte consiste à donner un nouveau nom à cet enfant trouvé683. De fait, cet exemple semble s’inscrire dans le modèle égyptien de cette institution, dans lequel les femmes adoptent les enfants et/ou adultes qu’elles ont choisis, quelles que soient leurs origines sociales et/ou ethniques. Le récit de Noémie (Rt 4, 16-17) relate qu’elle « prit le nouveauné, le mit sur son giron et se chargea de lui donner ses soins684, et les voisines désignèrent l’enfant en disant : « Un enfant est né à Noémie. » Prénommé Oved par ces voisines, il est rattaché à la lignée davidique dont il devient l’ancêtre : « Oved engendra Jessé et Jessé engendra David » (Rt 4, 22). Ces actes sont-ils symboliques ou expriment-ils l’attachement, et dans le premier cas s’agit-il d’une adoption685 ? De fait, ces gestes apparaissent comme un acte de tendresse et d’affection de la part d’une aïeule686, sans pour autant attester une adoption qui ne semble nullement nécessaire. En outre, si cette naissance s’inscrit dans le cadre du lévirat687, l’enfant de Ruth se rattache tant à la famille de Mahlon qu’à celle de Boaz688. L’adoption n’est pas l’apanage des femmes, et des hommes689 peuvent générer de nouveaux liens de filiation690. Le seul exemple attesté 682

Il pourrait s’agir d’un parrainage, J. H. TIGAY, 1971, p. 299. Il ne s’agit en aucun cas d’une adoption, mais de soins apportés à un enfant trouvé, H. DONNER, 1994, p. 51. Mais attribuer un nouveau nom s’inscrit dans les rites d’adoption, ce que l’auteur semble omettre. 684 Ce rite est l’expression d’une forme d’adoption, L. KÖHLER, 1909, p. 312-314. 685 Z. FALK, 1964, p. 163. G. GERLEMAN, 1965, p. 37-8. Cet acte serait une adoption selon M. MALUL, 1985, p. 191-210. 686 P. JOÜON, 1953, p. 54 ; D. A. LEGGETT, 1974, p. 26. Cet acte est également dépeint comme un geste d’affection : R. L. HUBBARD, 1988, p. 274 ; M. WEINFELD, 1970, p. 192, n. 71. La fonction de cet acte de tendresse est également de légitimer l’enfant, A. VIBERG, 1992, p. 175. 687 Le fait de prodiguer des soins au nouveau-né ferait de Noémie sa nourrice. L’adoption par celle-ci ne serait pas concevable dans le cadre du lévirat et, en fait, parce qu’elle est sa grand-mère, J. H. TIGAY, 1971, p. 300. Cette situation dépeint un lévirat, H. DONNER, 1994, p. 58. 688 H. H. ROWLEY, 1952, p. 186 ; J. M. SASSON, 1979, p. 160. Cette situation aurait pour objet une légitimation religieuse juive puisqu’il est considéré comme l’aïeul du roi David (Rt 4, 17-22), H. A. WAHL, 1994, p. 84. 689 Ainsi Jacob, avant de mourir, adopte-t-il les deux fils aînés de son fils Joseph, phraïm et Manassé : « Et maintenant tes deux fils qui te sont nés en terre d’Égypte 683

avant que je ne vienne auprès de toi en gypte, phraïm et Manassé sont à moi comme Ruben et Siméon » (Gn 48, 5). Cette affirmation décrit clairement une forme d’adoption. Néanmoins, les autres enfants de Joseph lui resteront : « Et les enfants que tu engendrerais après eux ils te seront attribués, ils s’appelleront du nom de leurs frères, à l’égard de leur héritage » (Gn 48, 6). Le patriarche, dans un geste

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durant l’époque perse est celui d’Esther, orpheline adoptée par Mardochée son cousin germain : « Il était le parrain d’Hadassa, c’est-à-dire d’Esther, fille de son oncle, qui n’avait plus ni père ni mère ; cette jeune fille était belle de tournure et belle d’apparence. À la mort de son père et de sa mère Mardochée l’avait prise/adoptée comme/pour sa fille » (Est 2, 7). Le texte d’affection, les bénit, les embrasse et les serre dans ses bras (Gn 48, 9-10). À ce moment, Joseph les retire de ses genoux (Gn 48, 12), et ce geste symbolique marque l’abandon de sa qualité de père et son acceptation de la décision paternelle. En faisant des deux enfants de Joseph sa propre postérité, Jacob augmente ses éventualités. De chacun d’eux, appartenant dorénavant à Jacob, sortira un peuple, accroissant ainsi de deux nations cette assemblée, conformément à la promesse divine. Le patriarche est l’instrument divin et se doit d’accomplir sa mission, la création du peuple hébreu. Aussi, cette adoption équivaut à un acte politique. Puis, à son tour, Joseph adopte les enfants de Makir, fils de Manassé : « de même les enfants de Makhir, fils de Manassé, naquirent sur les genoux de Joseph » (Gn 50, 23). Manassé, aîné d’phraïm, avait été placé après son frère par Jacob (Gn 48, 21), aussi Joseph, par son geste, lui rend-il en quelque sorte sa place dans l’organigramme familial, adoptant ses petits-enfants devenus ses enfants, et remplaçant symboliquement ses deux fils phraïm et Manassé, A. VIBERG, 1992, p. 164. Ce serait une adoption hybride selon H. DONNER, 1994, p. 34-66. Un contrat d’adoption provenant d’Ougarit évoque un jeune homme adopté par son grand-père. Les exemples de Jacob et d’Abdiya possèdent divers traits communs : ce sont des adoptions dans un cadre familial où des garçons sont adoptés par un grand-père et élevés au statut d’enfants légitimes. Que l’adoption d’Éphraïm et de Manassé soit historique ou non, le contrat d’Ougarit démontre que cette sorte d’adoption est connue en Canaan durant la période patriarcale et qu’il ne s’agit pas de cas isolés, I. MENDELSOHN, 1959, p. 180-183. L’exemple d’Éliézer de Damas demeure particulier, car le récit ne transmet pas d’information ou de rite sur une adoption préalable, inscrivant ainsi le doute. Le texte le présente comme l’enfant de la maison d’Abram et son héritier, qui se plaint à Dieu de n’avoir pas son propre enfant (Gn 15, 3). Par ailleurs, le récit de 1 Ch 2, 35-41, qui évoque l’union de l’esclave Yahra avec la fille de son maître, ne précise pas qu’il a certainement été affranchi puis adopté, sans quoi ses descendants ne figureraient pas dans la généalogie judéenne. 690 L’Ancien Testament ne connaît pas l’adoption comme institution du droit de la famille. En outre, Israël n’a pas besoin de cette institution, puisque l’institution du lévirat en résout le besoin, selon H. DONNER, 1994, p. 34-66. « La descendance étant une bénédiction divine elle ne saurait être artificiellement manipulée. On ne saurait plus parler d’adoption. Israël n’en a pas besoin », seule l’adoption divine serait attestée, H. J. BEOCKER, 1974, p. 86-87. E. OTTO, 1995, p. 83-110, remet en cause ces affirmations, notant (p. 102-103) que la pratique de l’adoption est clairement attestée à l’intérieur d’une même famille, ajoutant qu’un autre instrument était à la disposition des parents, le lévirat. En outre, R. WESTBROOK, 1991b, p. 136, soutient que le récit rapporté en Gn 48, 5 n’est pas celui d’une adoption, considérant que, si c’était le cas, les petits-enfants de Jacob hériteraient avec leur père Joseph, et non à sa place.

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met ainsi au jour une formule d’adoption, probablement reflet du serment oral691. Cette situation se concrétise dans des circonstances précises, puisqu’elle est orpheline de père et de mère, seul précédent dans l’Ancien Testament. Bien que le récit ne transmette pas de détail sur d’autres rites possibles, ainsi une déclaration orale, ces éléments paraissent suffisants pour considérer que les conditions de son adoption semblent réunies692. Les relations entre Dieu et son peuple mettent également en lumière certains aspects de cette institution. L’adoption comme notion juridique à valeur théologique est largement attestée dans les textes bibliques qui utilisent cette métaphore. Le concept de la paternité divine figure à de nombreuses reprises dans les textes, révélant diverses formules d’adoption. Ainsi, dès Exode 6, 7, Dieu affirme aux Hébreux : wlqty tkm ly lm whyyty lkm llhym, « Je vous prendrai pour moi comme peuple et je serai votre Dieu » et nomme ainsi sa nation : bny bkry yl, « Israël, mon fils, mon aîné » (Ex 4, 22). Le Deutéronome (8, 5) livre l’expression « comme son fils », tandis qu’en 14, 1, il place dans la bouche divine les mots suivants : « Vous êtes les enfants de l’Éternel, votre Dieu. » La formule : lw lm … lk llhym, « son peuple… ton Dieu » (Dt 29, 12), se confirme encore : lkm llhym… ly lm, « votre divinité… mon peuple » (Lv 26, 12). Dieu promet : « Je veux te faire une place parmi mes enfants… Tu m’appelleras mon Père » (Jr 3, 19). Le prophète ajoute (Jr. 31, 8) : « Car je suis pour Israël un père, Éphraïm est mon premier-né. » La filiation établie par le texte prophétique se voit en outre dotée d’un héritage promis par Dieu et prend la forme d’un serment d’adoption693. Ces formules appartiennent à la terminologie de la sphère de l’union et de l’adoption694.

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J. C. GREENFIELD, 1981, p. 123. La possibilité d’adoptions est évoquée en Esd 2, 61 et Ne 7, 63, où un ou plusieurs prêtres ayant épousé des filles de Barzillaï le Galaadite en ont adopté le nom, J. H. TIGAY, 1971, p. 300. 693 Dieu valide le don de la terre d’Israël à ses fils, les enfants d’Israël. L’idéologie qui transparaît dans ces formulations exprime le double lien instauré entre Dieu et son peuple, celui de la paternité divine, et les engagements du peuple en termes de rectitude et de fidélité, L-J. BORD, 1997, p. 179. L’adaptation métaphorique du concept d’adoption à deux réalités essentielles de la pensée biblique s’exprime par le biais de formules juridiques bien connues dans les documents mésopotamiens, S. M. PAUL, 1979-1980, p. 179 s. 694 M. WEINFELD, 1970, p. 200. Diverses expressions se rapportent à leurs relations de père-fils, roi-sujet, maître-serviteur, mari-femme, chef-serviteur, jugecoupable…, G. COOKE, 1961, p. 217. 692

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Par ailleurs, l’adoption divine du souverain révèle une phraséologie complémentaire695. Ainsi, la prophétie de Nathan à David rapporte (2 S 7, 14) : ny hyh lw lb whw yhyh ly lbn, « Je lui serai un père et lui me sera un fils696 », considérée comme une formule divine d’adoption697. Puis, par trois fois dans les Psaumes, ce concept reparaît, se référant au souverain régnant698. L’affirmation (Ps 2, 7) : bny th ny hywm yldtyk, « Tu es mon fils, c’est moi qui, aujourd’hui, t’ai engendré » semble ambiguë, qui réunit soit la formulation de l’adoption, soit celle de la filiation et celle de l’enfantement. De fait, la formule « Tu es mon fils »699, renverrait à l’élection divine des trois premiers rois d’Israël et à leur relation particulière à Dieu700. Dieu choisit et adopte le souverain, pour, à compter de ce jour, le faire renaître, faire de lui un autre, l’élu divin. Psaume 89, 20-30, reprend ce thème701 et cette métaphore est liée à la sphère familiale. 695

Le concept de la filiation divine du pharaon est lié au dogme de la procréation par le dieu Rê dans le sein de sa mère terrestre. Cette filiation n’est pas considérée comme une adoption, S. ALLAM, 1972, p. 294-295. 696 De fait, la traduction littérale de ce verset met en lumière la position privilégiée du souverain de la maison davidique admis comme « un fils à » Dieu, tout comme Dieu est comme « un père au » roi. Cette affirmation est reprise en 1 Ch 17, 13 et 28, 6, réitérant la même prophétie. Le verbe employé prend cependant le sens de « devenir », transmettant un message métaphorique. Néanmoins, le texte souligne l’humanité du roi, qui deviendra le fils de Dieu en raison de son appartenance à la lignée davidique (2 S 7, 8), M. WEINFELD, 1970, p. 190 s. Si son interprétation est particulièrement incertaine, Psaume 110, 3 peut-être néanmoins considéré en termes de royauté divine. Il peut symboliser la délivrance du souverain de l’obscurité et de la mort, et son retour à la lumière et à la vie. Le roi est adopté ou mis au monde par Dieu, il devient son fils, recevant ainsi ce statut spécial et le pouvoir de quelqu’un proche de la divinité, ayant la capacité de représenter son peuple devant Dieu. Ainsi, il doit aller de l’avant, source de force et de bénédiction pour son peuple. Cette explication est confirmée par Jb 38, 28 s., où Dieu est impliqué dans les phénomènes naturels au nom de sa paternité, G. COOKE, 1961, p. 211. 697 J. C. GREENFIELD, 1981, p. 123, assure qu’il s’agit de la véritable formule d’adoption et de mariage. 698 A. R. JOHNSON, 1965, p. 133 s. 699 S. MOWINCKEL, 1956, p. 78 et W. OESTERLEY, 1939, p. 122, interprètent cette affirmation comme une formule d’adoption. 700 Mais la seconde partie du verset semble contredire cette affirmation, car comment engendrer un fils adopté ? Une réponse se décèle dans le champ sémantique du terme employé : la polysémie du verbe yld évolue de l’enfantement (Gn 4, 1) à la naissance de l’enfant (Gn 46, 27), aux commencements (Is 66, 9), à la transmission de la connaissance (Nb 1, 18), définissant l’apparition du nouveau statut du souverain et sa renaissance dans ce nouvel espace, pour faire ainsi disparaître l’apparente impossibilité. 701 Il place dans la bouche royale les mots suivants : « Tu es mon père, mon Dieu et le rocher de mon salut » (Ps 89, 27), puis dans celle de Dieu : « En retour, je ferai de

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Ainsi, l’adoption chez les Israélites réunit plusieurs rites se cumulant ou pas. L’un d’eux peut s’affirmer comme un geste instituant une relation corporelle entre l’enfant et sa mère ou son père d’adoption, qui a pour objet de s’approprier et intégrer concrètement l’enfant à sa nouvelle lignée, et consiste à « enfanter-naître sur les genoux ». L’interrogation de Job 3, 12 sur le fait que deux genoux l’ont recueilli rejoint cette perspective. Cette démarche s’apparente à un geste d’appartenance tout autant que de tendresse et de reconnaissance de l’enfant, sans que les trois se cumulent nécessairement. Il n’est pas utile pour un enfant dont les parents sont liés par le mariage702. Le geste contraire suppose l’intention de renoncer au droit de paternité-maternité. Puis, le rite concrétisant sa nouvelle appartenance se rapporte au choix et à l’attribution d’un nom à l’enfant par la mère ou le père adoptif, l’inscrivant ainsi comme membre de sa nouvelle famille. Enfin, l’affirmation d’une périphrase : lq lbt/lbn, « prendre pour fille ou fils, donner un fils, ils seront miens », fait partie intégrante d’un autre usage. L’emploi de l’expression : lq l, « prendre pour », souvent rattaché aux termes fille/fils, femme, exprime le fait de faire sien et par conséquent souligne le nouveau lien de parenté. En outre, l’affirmation figurant en 2 Samuel 7, 14 : « Je lui serai un père et il me sera un fils » correspond à l’une des formules de l’adoption703. Cette formulation tardive à la troisième personne du singulier est parallèle au verbia solemnia de l’union704. Cet acte unilatéral présente un triple aspect : la prononciation d’une formule, l’attribution d’un nom et un rite qui matérialise le rattachement à la nouvelle famille705. Ces trois composants ne sont pas toujours attestés conjointement dans un même récit. Par ailleurs, l’absence d’un terme nommant l’adoption est à noter et nul texte de loi ne précise les modalités de cette institution aux conséquences sociales et aux effets lui mon premier-né supérieur aux rois de la terre » (Ps 89, 28). L’appellation du souverain comme « premier-né » est parallèle à celle que porte le peuple en Exode 4, 22-23 et Jérémie 31, 9, afin de souligner sa position privilégiée de monarque. Aussi, l’emploi de cette expression souligne la même nature de préférence pour le roi de la maison davidique, dont, tout comme dans les textes précédents, l’humanité est soulignée (Ps 89, 20). En outre, la notion de filiation légitime l’acte de donation d’une lignée, M.WEINFELD, 1970, p. 192. 702 J. FLEISHMAN, 2005, p. 354. 703 Certains considèrent cette formule comme celle de la légitimation, plutôt que celle de l’adoption, ainsi H. DONNER, 1994, p. 112. E. BLUM, 1984, p. 250, n. 50, semble du même avis, tout en admettant que les occurrences de l’Ancien Testament soient très proches de l’adoption. 704 M. WEINFELD, 1970, p. 200. 705 J. C. GREENFIELD, 1981, p. 123, rappelle que le texte de Mari où l’acte consistant à placer une personne entre les jambes, sur les genoux ou dans le giron est celui de l’adoption. A. MALAMAT, 1980, p. 68-82, voit dans ce geste un acte de légitimation.

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juridiques706. Les récits déjà évoqués confirment la réalité de cet usage, quand bien même ils décrivent plus que brièvement les rituels nécessaires à sa concrétisation, tant le rite de séparation (retirer des genoux), que les rites d’agrégation à la famille de la mère adoptive ou du père adoptif. Les récits d’adoptions sont rares, aussi ne sait-on pas si cette institution fut beaucoup ou peu pratiquée dans les faits, durant les différentes périodes de l’histoire d’Israël. Peut-être la pensée des Israélites ne favorise-telle pas aisément la création de liens artificiels et la pratique de la bigamie et/ou de la polygamie permet-elle de l’éviter707. Dans le même temps, elle semble naturelle à lire le récit de l’adoption d’Esther708. La plupart des chroniques mettent en lumière un choix ou une décision qui s’opère le plus souvent dans une même famille, en ligne directe ou pas, et dont les motifs sont de natures diverses. Ainsi, l’adoption par un aïeul et dès lors que les parents sont vivants, semble procéder d’une intention essentiellement politique. Des exceptions sont bien évidemment attestées, avec Eliézer ou Moïse adoptés en dehors de leur famille. L’exemple du premier évoque l’une des préoccupations apparentes du patriarche Abram, la dévolution de ses biens à son/ses héritiers, et l’inscription dans l’Histoire. À diverses reprises, des femmes, marâtres, peuvent en être les initiatrices709. L’exemple d’Esther est unique : en effet, Mardochée adopte sa cousine devenue orpheline de père et de mère, néanmoins, toujours dans le cercle familial. Ces sources permettent de tenter de définir le contenu du concept d’adoption dans l’espace biblique. Les circonstances varient 706

Aucune loi sur l’adoption n’est attestée, car cet usage fait partie des règles familiales, qui ne concernent pas la communauté dans son ensemble, de même aucun recours n’est porté devant les tribunaux, A. PHILLIPS, 1973b, p. 358 s. 707 Peu d’exemples d’adoption sont connus pendant la pérode pré-exilique, tout en n’excluant pas la possibilité de cette pratique, dans la mesure où les documents de cette période manquent. En outre, si l’adoption joue un rôle quelconque dans les institutions familiales israélites, il est insignifiant, J. H. TIGAY, 1971, p. 300. H. M. WAHL, 1994, p. 97 s., apporte une vision théologique à la rareté de cette institution, puisque seul Dieu garantit une lignée, offre la vie et punit les méchants par la stérilité et l’absence de descendance. Cette croyance serait un principe valable dans tous les courants théologiques. Une loi sur l’adoption serait un blasphème contre YHWH, ce qui expliquerait le rejet d’une telle institution, néanmoins attestée de manière certaine dans le cas d’Esther et de Mardochée. 708 Aucune trace de l’adoption ne serait attestée dans la pratique postérieure à l’époque patriarcale et dans la loi de Moïse. Elle n’aurait été pratiquée que « d’une manière probablement passagère », M. H. PREVOST, 1967, p. 70. 709 Il s’agit « plus d’une maternité de substitution …, que d’une adoption. » Mais le rite décrit correspond à celui de l’adoption. L’auteur juge que Rachel et Léa sont devenues mères par substitution, mais cette réalité ne se situe pas au même niveau que l’adoption, réalité sociale et juridique. En outre, dans ces exemples, cette réalité n’est que la conséquence de l’adoption, L.-J. BORD, 1997, p. 176.

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considérablement qui mènent à l’adoption. Par cet acte unilatéral, tant les femmes que les hommes en sont les acteurs, qui adoptent ou sont adoptés, et les motifs multiples, solution à la stérilité résolvant la préoccupation liée à la transmission du nom et du patrimoine, au respect des rites funéraires, et/ou d’une vision politique et historique, où la question de la postérité constitue une préoccupation essentielle expliquant son importance. En outre et en règle générale, elle rejoint l’aspect évoqué plus haut du devoir filial, porté par le contenu des lois figurant dans le Deutéronome, l’Exode et le Lévitique, et la relie à la perpétuation de la lignée710. Quelques textes littéraires et de rares documents privés conservés dans les archives familiales éclairent cette institution égyptienne. Les événements dans le contexte duquel ils sont établis sont connus par des contrats, marquant ainsi les limites des connaissances. Les scribes transcrivent les informations nécessaires. Hommes et femmes peuvent, chacun, adopter des enfants et/ou des adultes. Parmi les récits, le Conte des deux frères semblerait l’évoquer, dont la phrase suivante l’affirmerait, qui est prononcée par le frère cadet s’adressant à l’épouse de l’aîné : « Vois, tu es pour moi comme une mère, ton mari est pour moi comme un père711. » Le jeune homme est également désigné « comme s’il eût été son fils » (1, 2). Il s’agit peut-être d’une adoption712, ou bien d’une sorte de tutelle. Le frère aîné et sa femme auraient pris soin du cadet après la mort du père jusque sa majorité713. Attesté dès l’Ancien Empire, l’usage de l’adoption concerne les femmes et les hommes714. À Deir el-Medineh, le chef des artisans 710

L.-J. BORD, 1997, p. 93, soutient que le lévirat semble faire double emploi avec l’adoption, aussi est-il peu attesté dans les pays où elle est usuelle, alors que, à l’inverse, lorsqu’elle est souvent pratiquée, le lévirat l’est peu. 711 G. LEFEBVRE, 1988, p. 145 (P. d’Orbiney, 3, 10-4, 1). 712 H. GRAPOW, 1943, p. 106, 168. 713 Dans l’O. Berlin P. 10627, l’expéditeur d’une lettre reproche à son destinataire d’être particulièrement fortuné mais peu généreux, et renforce son affirmation en ajoutant que celui qui n’a pas d’enfant doit recueillir un orphelin : (r) ḫprw=f, « pour l’élever », car, lui dit-il, « c’est lui qui versera l’eau sur tes mains en tant que vrai fils aîné », M. GUILMOT, 1965, p. 235-248. Ce texte évoque une adoption, A. ERMAN, 1905, p. 100-102. L’expression « verser l’eau sur ses mains » est présente également dans Le Conte des deux frères, où la femme n’a pas versé l’eau sur les mains de son mari revenant du travail, sorte de rite domestique, A. G. MCDOWELL, 1998, p. 218. Le texte ne permet pas de savoir si le garçon bénéficie des mêmes droits et devoirs qu’un vrai fils. L’imprécision du texte n’autorise pas à trancher entre tutelle et adoption, S. ALLAM, 1972, p. 278. 714 Deux textes de l’Ancien Empire concernent l’adoption, dont l’objet est l’application du service funéraire pour l’adoptant. Le premier rapporte les

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Neferhotep, sans enfant, s’intéresse à deux jeunes garçons. Le premier, du nom d’Hesysunebef, commence par être son esclave. Neferhotep et son épouse libèrent l’enfant, l’élèvent, il devient peut-être un artisan prospère. Hesysunebef révère son ancien maître, donne son nom à son fils et celui de sa femme à sa fille, mais il n’hérite pas de la propriété et de la position de Neferhotep. Paneb, le second, en hérite, bien que son père soit Nefersenut. Cette pratique évoque une forme d’adoption715. dispositions prises par un maître afin que l’adopté, du nom de Khenemety, devienne un prêtre funéraire, B. GRDSELOFF, 1943, p. 107-125 ; T. MRSICH, 1968, p. 42, 467, 69 et 151. L’auteur présente ainsi le texte : « (Mon) maître m’a donné quand (j’étais) enfant, au prêtre funéraire, il a fait que je descende de lui pour [devenir] prêtre funéraire. » Le second texte rapporte que la fille Pepi est autorisée ou se voit tenue de procéder à une adoption préparée par le père qui lui a remis des enfants dans ce but, K. SETHE, 1933, p. 35. T. MRSICH, p. 37, 40, propose : « En ce qui concerne ces descendants (msw) qui m’ont été donnés par ce père au moyen d’un document ». L’auteur considère que les biens de famille sont uniquement réservés aux descendants. Aussi, afin de pouvoir récompenser un serviteur funéraire n’appartenant pas à la famille, fait-il procéder à une adoption et établir une nouvelle succession. Il s’agirait d’une adoption limitée à certaines fins (p. 47, 69, 151). Néanmoins, les textes de l’Ancien Empire ne sont pas assez précis afin d’être certains de cet aspect. 715 A. G. MCDOWELL, 1998, p. 219. Le P. Louvre E 7832 semble être un document singulier, qui, pour être un contrat de paiement-vente, n’en paraît pas moins une sorte d’adoption, comportant les diverses modalités des actes de transmission à titre onéreux. Dressé en l’an 32 au mois d’hathor, sous le pharaon Amasis (536 env.), cet acte met en scène deux personnages, dont le premier du nom d’or, fils de Peteese, accepte de son plein gré de prendre le statut d’enfant face à son contractant le choachyte Ietouroz, fils de Zekhe. La partie opératoire est écrite au style subjectif. Et la clause de reçu et quittance, ne mentionnant pas la somme acquittée, confirme : « Tu m’as contenté le cœur », pj(=j) ḏ n ỉr n=k rỉ, « avec l’argent (pour lequel) je deviens ton fils ». Puis, le document constate la nouvelle situation dans la modalité de transmission suivante : « Je suis ton fils avec mes enfants que je pourrai faire naître, avec tout le bien qui m’appartient et tout ce que je pourrai produire. » Une stipulation reprend ce même thème avec une variation : « Mes enfants sont les enfants de tes enfants, à jamais. » La clause de renonciation à plainte et/ou procès de l’acte adopte la forme usuelle : « Personne au monde ne pourra exercer son autorité sur moi, excepté toi, que ce soit, père, mère, frère, sœur, fils, fille, maître, maîtresse, (ou) tout autre homme) requérant un dommage, pas plus que moi-même », puis ajoute et répète : « Celui qui viendra (pour faire une contestation) contre toi », « à mon sujet avec l’intention de me reprendre de toi, disant : “ce n’est pas ton fils”, tout homme au monde que ce soit, père, mère, frère, sœur, fils, fille, maître, maîtresse, (ou) tout (autre homme) requérant un dommage, pas plus que moi-même, il te donnera tout argent, tout grain qui plairont à ton cœur, puisque je suis ton fils, encore, avec mes enfants à jamais. » Le scribe clôture le texte et les noms de 12 témoins sont inscrits au verso de la convention. Par voie de conséquence, la patria

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Il reste malaisé de reconstituer et d’expliquer, sur la base des documents connus, un comportement social716. Le Papyrus des Adoptions (Ashmolean Museum 1945.96) en est un exemple717. Présenté par Nénuphar à la « cour » de témoins afin d’enregistrer sa déclaration et lui donner publicité, ce texte met au jour le principe légal de l’adoption et rapporte des adoptions en cascade. Divisé en deux parties, il rappelle et présente l’acte dressé devant témoins, en particulier une de ses sœurs, par Nebnéfer, en l’an I de Ramsès XI, soit un peu plus de dix-sept ans auparavant, en faveur de son épouse Nénuphar afin de l’adopter718. Celle-ci y expose : ỉw=f ỉrt=(j) n=f n (=m) rỉ(.t), « (L’époux me, c’est-à-dire l’épouse) fit en qualité d’enfant/fille pour lui » (r° 4719), et ne manque pas d’en évoquer les conséquences, dès lors que Nebnéfer en fait ainsi sa légataire universelle720.

potestas du choachyte couvre ses biens présents et futurs, de même que sa descendance. Ce dernier obtient ainsi le droit de disposer des biens et des revenus de son travail. Le document ne transmet aucune autre information se rapportant à son institution en qualité d’héritier ou des obligations liées aux soins à dispenser au choachyte dorénavant âgé. M. MALININE, 1953, p. 76-77 ; E. REVILLOUT, 19111912, n° 34 et 1883, p. 189-190 ; 1885a, n° 8 ; 1896, p. 386 s. ; 1900, p. 425 s. ; F. L. I. GRIFFITH, 1909, n° 28, 57 ; E. SEIDL, 1956, p. 92. Selon S. ALLAM, 1972, p. 286, aucune trace d’avantage n’est attestée en faveur d’or dans ce contrat. D’un autre côté, à la question de savoir si l’acquisition d’un fils est liée à une sorte d’entretien ou de sécurité pour sa vieillesse, aucune réponse ne peut être apportée. L’auteur conclut que ce document n’est aucunement une adrogation, il serait destiné à tourner une loi en l’imitant. Les motifs n’en sont pas connus. 716 C. J. EYRE, 1992, p. 207. 717 S. ALLAM, 1973, n° 261 et 1990, p. 189-191; E. CRUZ-URIBE, 1988, p. 220-223. 718 Les célébrations d’accession au trône de Ramsès IX ont été vraisemblablement l’opportunité de ce contrat comme expression d’une affection inhabituelle. Ce document pourrait être un contrat de mariage, un testament ou un contrat de nondivorce, C. J. EYRE, 1992, p. 210. 719 Cette première section n’est qu’une introduction aux mesures prises par Nénuphar et « sert de pièce justificative aux dispositions prises dans l’acte proprement dit », A. THEODORIDES, 1965, 98 s. 720 Ce document serait un testament et non un acte d’adoption, ibid., p. 103 s. Cette disposition de la ligne 4 serait à prendre au figuré et à interpréter ainsi : « il m’a traitée comme sa fille unique », au motif (2, 3-4) que « l’épouse est assimilée à une enfant ». Cette même hypothèse pourrait s’appliquer à Anoksénedjem dans le Papyrus Turin 2021 2, 7, A. THEODORIDES, 1970, p. 190. De fait, il ne serait pas nécessaire d’aller plus loin dans cette approche, car, pour ce qui a trait aux droits à la succession, il y a peu ou pas de différence entre une femme qui hérite parce qu’elle a été adoptée comme fille ou une femme seulement considérée comme la seule fille. Dans les deux cas, la femme n’aurait pas eu droit à la succession en qualité d’épouse, P. W. PESTMAN, 1969, p. 74.

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Si, en adoptant Nénuphar, son mari lui confère le statut de fille/enfant721, il s’agit d’une fiction juridique dont le seul objet est d’en faire sa légataire universelle à l’exclusion des autres membres de sa famille, et non de se préoccuper de logique juridique722. nonçant la déclaration d’adoption de Nénuphar, le texte restitue le contexte de sa décision, puis rapporte l’achat conjoint de l’esclave Dinihoutiry ayant donné naissance à deux filles et un fils. Le texte ne dit pas qui en est le père723. Au moment du premier acte, Nebnéfer n’a pas d’autre enfant que son épouse adoptée, et il est probable que les trois enfants lui soient nés plus tard et de l’esclave724. Nénuphar argumente et justifie dans l’acte sa décision de les adopter725. La première à bénéficier de cette transformation de son statut est Taïmeniout, fille aînée de Dinihoutiry. Adoptant également son frère Padiou726, qui a épousé avec son accord Taïmeniout qu’elle a d’ores et déjà affranchie, elle prononce la formule d’adoption : ỉw=j [ỉ].ỉr(t)=f n=j m ỉ m p hrw, « Je le (mon frère) fais pour moi enfant/fils ce jour727 », et ajoute à propos de la sœur et du frère de Taïmeniout : « très exactement comme eux » (V1). L’adoption se concrétise par cette déclaration devant le collège compétent728. Nénuphar souligne encore dans une clause de protection qu’ils sont ses frères et sœurs. Puis elle établit son jeune frère devenu son fils, son beau-fils et le frère de sa femme, exécuteur testamentaire de ses décisions. Son rôle 721

S. ALLAM, 1972, p. 281-282. A. H. GARDINER, 1940, p. 25, observe que Nebnéfer recourt à cet extraordinaire expédient consistant à adopter son épouse afin de pouvoir lui léguer ses biens. A. G. MCDOWELL, 1998, p. 218, y voit une adoption simple, tout comme F. NEVEU, 2001, p. 28 et C. J. EYRE, 1992, p. 207. 722 A. H. GARDINER, 1940, p. 27. 723 Ibid., p. 25. 724 A. H. GARDINER, 1940, p. 26. A. EL-MOHSEN BAKIR, 1952, p. 98. 725 Cet acte juridique serait à admettre comme une adoption mortis causa et non inter vivos, car elle n’y serait « mentionnée qu’accessoirement », donnant la prééminence à la dévolution du patrimoine. L’adoption présuppose une égalité de droits entre adoptant et adopté, ce qui explique leur affranchissement préalable. Instituer un collatéral comme héritier implique son adoption. Par ailleurs, l’auteur évoque le P. Louvre E 10935, comportant un rapport sur le transfert d’un champ au profit d’un choachyte, en 553, et dont le donateur mentionne les anciens propriétaires remontant jusqu’à une certaine Nitocris, fille d’un prêtre du temple et : rj.t n n.t, « fille adoptive », d’une chanteuse dite « de l’intérieur du dieu Amon ». La question se pose donc de savoir si cette expression est le terme désignant la « fille adoptive », S. ALLAM, 1972, p. 282. 726 A. H. GARDINER, 1940, p. 26 ; A. G. MCDOWELL, 1998, p. 218 ; C. J. EYRE, 1992, p. 208. 727 Ce document serait un acte de manumission par adoption comme en atteste l’usage répandu en Babylonie, J. J. RABINOWITZ, 1958, p. 146. 728 A. THEODORIDES, 1976, p. 27.

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consiste à partager les biens entre les trois enfants adoptés et lui-même, à parts égales. Il va de soi que ces adoptions ne changent rien aux relations réelles. Par ailleurs, l’achat de l’esclave Dinihoutiri s’est effectué conjointement par le couple, puis Nénuphar en a hérité et n’a pas décidé de l’affranchir et/ou l’adopter. Seuls les enfants et son frère ont bénéficié de ces changements d’état dont elle a décidé. Elle a transformé la cellule familiale à sa convenance et offert des droits à Padiou, en particulier celui de bénéficier de son héritage à égalité avec les enfants de Dinihoutiry, et responsabilisé son frère dont le rôle est dorénavant celui de chef de famille. Elle organise en partie leur vie et prévoit qu’ils vivront ensemble dans sa maison : « Et ils seront avec le chef d’étable Padiou, ce mien frère cadet, et les (deux autres) enfants vivront (aussi) avec leur sœur aînée, dans la maison de Padiou ce chef d’étable (qui est) ce frère cadet à moi » (V 5). Par cet acte, Nénuphar prévient toute intervention éventuelle des membres de la famille de son mari sur son héritage. Le premier argument évoqué afin de justifier ce choix rappelle qu’ils lui « ont fait du bien », et le second qu’elle n’a « ni fils ni fille ». En outre, elle fait un choix subjectif parmi ses frères et sœurs et les exclut tous, si ce n’est Padiou. Cette déclaration est faite « devant des témoins très nombreux » (V 7-8), dont la liste s’inscrit en fin du document, l’enregistrant et lui donnant ainsi publicité. Aucune condition ni obligation n’est transmise par ce texte d’adoption. La veuve, ou la femme divorcée, a besoin d’un « mari », d’un « frère » ou d’un « fils » pour défendre ses intérêts. Ainsi, Nénuphar confie à Padiou ce rôle de fils et héritier, de la même manière que la sœur et la nièce de Sibastet ont besoin d’un épouxneveu pour s’occuper de leur charge et gérer leur héritage commun729. Les adoptions par Nénuphar sont ici le fait d’une femme. Elles soulignent une fois de plus la liberté de la femme égyptienne d’effectuer ses choix et de faire établir des actes de nature juridique aux conséquences familiales, sociales et économiques. Par ailleurs, l’objet déterminant de cette adoption est la transmission des biens puisqu’elle permet, d’une part, de léguer aux enfants adoptés une part égale à celle d’enfants du couple et, d’autre part, probablement la perspective de soins attentifs envers la généreuse donatrice. Evitant qu’il y ait la moindre injustice, et que seuls Padiou, Taïmeniout et ses deux autres frères et sœurs aient droit à ses biens à sa mort, Nénuphar réalise ainsi une égalité juridique entre tous. Une autre référence d’adoption d’une épouse sans enfants est connue par le P. Turin 2021 et Genève D 409, qui date également de la XXe dynastie (XIe siècle730). Déjà âgé, le prêtre Amenkhâou s’est remarié 729

C. J. EYRE, 1992, p. 221. Ses éditeurs considèrent ce document comme un contrat de mariage, J. ERNY et T. E. PEET, 1927, p. 30-39. Ces arrangements pécuniaires seraient organisés à 730

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avec une jeune femme du nom d’Anoksénedjem, dont il n’a pas d’enfant. Il se présente chez le vizir et devant la ḳnb.t de Medinet Habou, afin d’y faire enregistrer des dispositions se rapportant à la dévolution de son patrimoine. Sont présents sa jeune épouse et plusieurs de ses enfants d’une précédente union dont le nombre n’est pas précisé, et dont seuls les deux aînés sont nommés dans l’acte et amenés à intervenir : haoutynefer et Nebnéfer, tous deux prêtres. D’ores et déjà, et ce après avoir réglé les formalités économiques et financières se rapportant à la dissolution de son premier mariage, ce prêtre fortuné décide de partager la communauté des biens acquis avec Anoksénedjem et de faire le nécessaire pour que sa jeune épouse ne manque de rien après sa mort. Aussi en reçoit-elle le tiers, conformément aux usages, mais également la part d’Amenkhâou qui s’en explique : « elle m’a fait du bien », « elle s’est adaptée à mon caractère », « et elle a fait pour moi ce qu’aurait fait » « un fils (ou) une [fil]le » (2, 3-4731). Puis, après lui avoir offert la jouissance des acquêts réalisés, Amenkhâou l’adopte, et le texte affirme : « pour en faire une fille (pour moi) tout à fait semblable aux enfants de ma précédente femme (2, 4-8) ». La création de ce nouveau lien a clairement pour objet de permettre à sa seconde épouse/fille de conserver la totalité de leurs acquêts à la mort de son mari732. La phraséologie témoigne d’approches distinctes. L’unique formule d’adoption connue des actes d’léphantine et concernant un homme use du verbe « être » au futur, à l’instar du contenu du serment de l’union, au présent. La terminologie des actes égyptiens a recours au verbe « faire », tant pour l’adoption que pour la manumission et le mariage. Les textes bibliques, emploient le verbe « prendre » et « être » au futur, lors d’adoption ou d’union. Une même terminologie s’applique aux changements d’état dans l’espace privé de chacun. Les formules des actes araméens d’Éléphantine dévoilent une continuité des expressions bibliques. Les scribes utilisent des formules connues, qui n’éprouvent pas le besoin de les adapter au contexte égyptien. Ces usages expriment une approche différente. Le terme « prendre » exprime une nuance de possession, le verbe « être » constate le changement d’état, et l’emploi du mot « faire » implique une réalisation d’un acte. Pour autant, tous concourent à l’évolution du statut d’un tiers intégré à la sphère familiale. D’autres exemples sont connus, dont l’objet n’est pas social et familial, mais religieux et politique. L’une, parmi les fonctions sacerdotales les plus importantes, est celle de la Divine pouse à Thèbes, considérée l’occasion d’une union, J. ERNY, 1937-38, p. 41-48 ; S. ALLAM, 1973, p. 323, n° 280. 731 A. THEODORIDES, 1970, p. 183-221 ; 1965, p. 104 ; 1964, p. 60-61. 732 F. NEVEU, 2001, p. 27.

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comme l’épouse du dieu Amon. Cette fonction est primitivement tenue par les souveraines ou les princesses, et elle se transmet de mère en fille, puis, au cours du temps, les princesses célibataires en sont pourvues, qui se perpétue par adoption. Religieuse à l’origine, cette charge se développe, son autonomie croît, elle devient une sorte de principauté, un état dans l’état733. Aussi les ambitions des dirigeants ne peuvent-elles pas l’exclure de leurs calculs politiques. La situation de la Divine pouse s’est transformée en un instrument dont le souverain du moment use pour mettre cette principauté sous sa domination, puisque le choix peut être orienté selon ses desseins. Dans ces circonstances, Psammétique Ier fonde la XXVIe dynastie, et va suivre l’exemple de ses prédécesseurs. La stèle de Nitocris734 (Caire JE 36327) évoque cette situation, qui relate en effet l’entrée de la princesse du même nom, sa fille, dans le collège des prêtresses de Karnak consacré à Amon, et ce afin d’accéder au rôle de Divine pouse d’Amon. Or, cette charge se transmet par le système de l’adoption735, et Psammétique désire que sa fille devienne l’héritière de la charge. Aussi doit-elle entrer dans ce collège en qualité de fille adoptive et héritière de la Divine pouse, devenant ainsi seconde dans l’ordre de la succession à cette charge. Rien n’est transmis des négociations entre Psammétique, qui sait que cette charge n’est pas vacante, et le groupe thébain avant l’entrée de sa fille aînée dans ce collège. Le pharaon la dote généreusement en terres, contributions journalières et mensuelles, et en fait la plus fortunée de toutes les pouses du dieu Amon. L’adoption, dans ces circonstances, est pourvue d’un rôle éminemment politique. En effet, le collège des prêtresses d’Amon, exerçant un considérable pouvoir temporel et spirituel, est doté d’une influence politique considérable, et l’pouse du Dieu Amon possède à cette époque une autorité et une importance qui surpassent celles du grand prêtre736. En

733

C. SANDER-HANSEN, 1940, p. 43 s. R. A. CAMINOS, 1964, p. 73 ; H. GOEDICKE, 1969-1970, p. 69 s. 735 Le célibat des pouses du dieu Amon reste à ce jour une hypothèse intacte. Dans la reconstitution de sa chronologie, Amenirdis n’aurait jamais exercé cette charge dont Nitocris se serait emparée à la mort de Chepenoupet, A. DODSON, 2002, p. 182. Une chanteuse de l’intérieur d’Amon ne peut transférer sa fonction et ses biens par adoption car consacrée au culte d’Amon, et donc vouée au célibat. Mais le contenu du papyrus semble désavouer cette approche. En effet, ce passage mentionne un document concernant des biens matrimoniaux, dressé soit au profit de la chanteuse de l’intérieur d’Amon, soit de sa fille dotée de la même charge. En dépit d’une lacune du texte, il apparaît que l’une des deux était mariée. Aussi n’est-il pas certain qu’il s’agisse d’une adoption, et la traduction de l’expression : rj.t n n.t par « fille adoptive » ne s’impose pas, J. YOYOTTE, 1961, p. 43 s. 736 R. A. CAMINOS, 1964, p. 97. 734

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656, Nitocris, probablement encore une enfant737, est adoptée par la Divine pouse Chepenoupet II, fille du roi éthiopien Piankhi738. L’expression : s.t wr.t, « fille adoptive », littéralement « fille aînée/aimée739 » figure sur la stèle. Celle-ci, sœur de Taharqa, avait d’ores et déjà adopté sa nièce Amenirdis, placée dans ce collège par son père740. Cette adoption n’est pas annulée par Psammétique qui veut apparaître comme un roi juste et l’a probablement laissée co-régente sa vie durant741. L’adoption de Nitocris a lieu en présence du clergé et de l’administration thébains, dont le concours paraît essentiel. Chepenoupet II, par l’adoption de Nitocris, accepte la suprématie du Nord742. Le pharaon Psammétique, en changeant l’ordre de la succession, établit ainsi son pouvoir sur le Sud du pays743. En effet, si Saïs, dans le Delta, est la capitale dynastique, Thèbes perpétue sa tradition de capitale religieuse. Par ailleurs, Montouhemat, quatrième prophète d’Amon et gouverneur de la Haute-gypte, qui détient la plus haute autorité civile sur Thèbes et le nôme, accepte le pouvoir de Psammétique Ier. De fait, le premier 737

Il s’agit probablement d’une coutume, ainsi Ankhnesneferibre, dernière Divine pouse avant l’arrivée des Perses (en 525), est adoptée en 593 ; elle devait être une enfant à ce moment, tout comme vraisemblablement Chepenoupet I et Amenardis I, H. von ZEISSL, 1955, p. 68 s. 738 L’adoptante ne serait pas Chepenoupet II, mais sa fille adoptive Amenirdis II, fille du pharaon Taharqa. Mais si l’on admet une adoption par Aménirdis, il ne semble guère concevable que Nitocris, lors de son arrivée à Thèbes, s’adresse à Chepenoupet, R. A. CAMINOS, 1964, p. 98. 739 L. 3 : « une fille de roi… qu’il (roi Taharqa) a donnée à sa sœur en qualité de la “fille aînée-aimée” » de celle-ci ; L. 4 : « Je la lui ai donnée en qualité de sa “fille aînée-aimée” comme elle a été faite de la sœur de son père » ; L. 16 : sa « fille aînée/aimée » Amenirdis, fille du roi, S. ALLAM, 1972, p. 293, n. 57 ; « Sinuhe’s Foreign Wife », p. 15-16. 740 ERMAN, 1897, p. 24-29. 741 J. LECLANT, 1954, p. 160, n. 32 ; J. MONNET, 1955, p. 37 s. ; M. VERNER, 1969, p. 59, n. 39 ; V. VIKENTIEV, 1954, p. 151. 742 La ligne 16 de la stèle livre ce texte : « Elle (Chepenoupet) fit pour elle (Nitocris) un document ỉmjt-pr (au sujet de ce) dont son père (roi Pienkh) et sa mère avaient disposé (jadis) pour elle (Chepenoupet) et (pour) sa fille (adoptive) Amenardis, fille du roi (Taharqa), justifié. Leurs instructions (de Chepenoupet et d’Amenardis) furent mises en écriture, disant : nous te (Nitocris) donnons tout notre bien, à la campagne et en ville, afin que tu demeures sur notre trône pour toujours », S. ALLAM, 1972, p. 289. 743 La dynastie éthiopienne procède de manière identique à son arrivée au pouvoir, et Amenardis I, fille du premier souverain éthiopien Kaschta, est adoptée vers 730 par la Divine pouse régente Chepenoupet I, fille du roi Osorkon III, H. von ZEISSL, 1955, p. 68. De même, le roi Amasis fait adopter sa fille Nitocris par la Divine pouse en fonction Ankhnesneferibre, H. de MEULENAERE, 1968, p. 186 s.

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prophète d’Amon ne semble plus être investi de l’autorité de cette charge comme il l’était par le passé, et le quatrième rang de Montouhemat n’est guère célébré. L’pouse du Dieu détient un pouvoir et une importance dépassant largement ceux du premier prophète. Grâce à leur appui, le pharaon, établi par les Assyriens, parvient à réunifier le pays dans sa presque-totalité744. La même séquence se reproduit avec l’adoption en 593 par Nitocris de la fille de Psammétique II, Ankhnesneferibre745. A son arrivée à Thèbes, deux titres lui sont attribués : « Grande Chanteuse de la résidence d’Amon » et « Premier Prophète d’Amon », de même que deux épithètes de moindre importance définissant ses responsabilités et lui attribuant les fonctions du « Premier Prophète », qui concrétisent la transmission du pouvoir sacerdotal à la hiérarchie de l’épouse du dieu. Ankhnesneferibre, première femme connue ayant porté ce titre, joue le rôle de témoin devant son absorption dans la hiérarchie d’une institution attachée à la couronne royale, témoignant ainsi des mesures prises par le pouvoir afin de réduire celui de l’institution et contrôler la région thébaine746. L’application du principe de devoir filial apparaît comme un usage érigé en norme sociale, qui s’impose sans réserve. Les écrits d’léphantine rapportent des exemples concrets de l’application de ces impératifs sociaux et moraux. Les circonstances varient, et les formes diffèrent, qui consistent en soins personnels, en appui moral ou en argent, selon les nécessités. Les exemples connus font allusion aux soins et aux attentions prodigués à des hommes, ascendants ou père et frère adoptifs, et des femmes dans le cadre de la parenté. Expression du lien familial, ils manifestent la responsabilité et l’engagement des descendants envers les parents, qu’il s’agisse d’une filiation naturelle ou adoptive. Des rétributions sont attestées et prennent une forme concrète ou pas. Des donations immobilières témoignent parfois de cette contrepartie, évoquant pour seul motif l’affection du donateur envers la donataire. Les rétributions subtiles des Judéens sont oubliées pour laisser place aux récompenses matérielles ainsi qu’agissent les gyptiens. Et le poids de l’expression des sentiments semble également se relier à leur pays d’accueil. Israël, atteste de par ses nombreuses lois, qui expriment cette obligation à l’envi sous des formes différentes, et ses récits d’une préoccupation sociale, morale et affective envers les ascendants. Aucune différence n’est affirmée entre le père et/ou la mère à qui s’applique 744

N. GRIMAL, 1988, p. 426. A. LEAHY, 1996 ; G. LEGRAIN, 1905. Après avoir enseveli Nitocris, la princesse est intronisée. En tant qu’héritière, elle doit lui rendre les derniers devoirs, G. MASPERO, 1905. 746 A. LEAHY, 1996, p. 158. 745

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également le devoir filial. La répétition de cet impératif par les règles évoquées souligne le doute des législateurs sur la nature humaine. La forme et le fond adoptent des aspects différents dans la mesure où, dans certains cas, la réciproque est promise aux descendants et d’autres, la règle est imposée sans ménagement. L’interdépendance familiale commande et rayonne au-delà des réalités économiques. Elle suppose une définition des relations de l’enfant à ses parents, sorte de modèle de comportements et de pratiques, qui conditionne le lien familial et celui-ci à la société. En dépit de certaines différences, de promesses de rétribution à leur absence, le contenu de ces règles s’inscrit dans la solidarité : « L’individu n’est isolé ni diachroniquement ni synchroniquement747. » Attestée chez tous les protagonistes, cette règle du devoir filial se préoccupe d’une organisation sociale et morale de la famille, et partant de la société. Les impératifs sociaux ont emprunté la forme de lois pour imposer ces pratiques, qui s’inscrivent dans le cadre familial et collectif. L’ensemble des lois bibliques et les récits soulignent l’aspect obligé des soins, tant matériels que moraux et éthiques, envers les ascendants. Les obligations énoncées dans ces textes, bases de l’équilibre sociétal, marquent la responsabilité des descendants envers leurs ascendants et réciproquement dans la continuité de la lignée et de l’Histoire. Les exemples produits par les contrats et textes égyptiens confirment ces devoirs. Impératif familial, une rémunération semble toujours s’accrocher à cette obligation de soins, qui se concrétise par un héritage. Des modalités matérielles sont attestées, liées aux différences sociales et économiques. La mère semble bénéficier d’une prise en charge, parfois organisée et, dans le cas contraire, peut sanctionner les héritiers présomptifs. Le père âgé peut organiser à l’avance les revenus de sa retraite. Souvent, les parents dépendent de leurs enfants et des arrangements économiques sont conclus entre eux. La documentation sur la question du devoir filial reste néanmoins rare, qui souligne qu’il dépend du contexte familial. Règle morale, familiale et sociale, le principe des soins aux parents semble manifeste et incontestable, apparaissant sous des formes diversifiées dont on ne connaît que certains des aspects. Également symbole d’affection, il s’impose aux descendants, il varie et s’adapte selon le statut et les ressources des uns et des autres. À léphantine, seuls deux exemples de manumission sont connus qui sont suivis d’adoption. Il est donc malaisé d’en conclure que ce double usage est absolument systématique. La libération de l’esclave prend la forme d’une déclaration orale portée par écrit, transmettant ainsi sa formulation. Les raisons du choix de l’affranchissement peuvent être implicites ou 747

F. ALVAREZ-PEREYRE et F. HEYMANN, 1986, p. 368.

211

explicites. Ce schéma de la manumission suivie de l’adoption est comparable aux usages égyptiens. La libération des esclaves est explicitée et affirmée dans les textes de lois de l’Ancien Testament, et la manumission obligatoire et légale des esclaves hébreux, pas toujours respectée, la septième année, y est précisée dans le corpus d’Exode et Deutéronome, tandis qu’il prévoit la date du Jubilé dans le Lévitique. Les lois du Deutéronome imposent des devoirs au maître lors de leur manumission. Par ailleurs, l’affranchissement suivi de l’adoption pour des raisons familiales est également attesté dans ses récits. Pour autant, seuls certains rites sont transmis par les textes. En gypte, l’affranchissement peut être, tout autant, accompagné de l’adoption ou d’un changement social de situation. Il se concrétise par la prononciation d’une formule orale devant témoins, portée par écrit et transmise par les conventions. Il s’accompagne d’une obligation de soins, perceptible mais pas toujours exprimée dans les documents. L’héritage peut également en être la conséquence. L’adoption à léphantine, tant d’adultes que d’enfants, se matérialise encore et toujours par une déclaration orale devant témoins, parfois inscrite sur un contrat. Les témoins sont nombreux, qui signent ces documents, et peuvent attester de la réalité des faits. Les deux adoptants connus sont des hommes, ce qui n’exclut cependant pas la possibilité pour les femmes de faire de même. Pour ce qui concerne ses motivations, l’une d’elles apparaît clairement, qui se rattache aux soins et aux égards à prodiguer à l’adoptant. La transmission des biens en reste la contrepartie. De fait, une certaine simplicité prélude à la concrétisation de cette institution, dont les spécificités sont semblables à celle de l’ancienne gypte. Les Judéens d’léphantine ont perdu l’usage de l’ensemble des rites présidant à l’adoption en Juda, pour choisir et suivre la coutume égyptienne et ses modalités. Si cette intention s’affirme aussi dans les textes bibliques, d’autres motifs la déterminent, qui sont associés au concept des générations et partant à la continuité et à l’Histoire, à la nécessité d’un héritier du nom et des biens matériels, et à l’application des rites funèbres. L’adoption résout la difficulté de la stérilité, aspect indispensable d’une filiation. galement alternative au statut d’orphelin et nécessité politique en ce qui concerne les seuls Patriarches, cette coutume reste peu attestée. Par ailleurs, les exemples connus se concrétisent majoritairement dans une même famille. Seuls les enfants ou adolescents semblent en bénéficier. Les rites apparaissent au fil des récits, qui dépeignent les gestes à accomplir par le nouveau parent, séparent l’enfant de son ancien espace familial pour lui faire intégrer le nouveau, et les paroles à prononcer pour indiquer sa nouvelle appartenance.

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L’adoption dans l’ancienne gypte s’opère également par une déclaration orale devant témoins, qui peut être inscrite dans un document juridique. Toute personne peut être adoptée, épouse, membre de la famille, esclave ou autre, aucun lien de famille ne semble nécessaire à sa concrétisation. L’adoption d’une épouse permet de l’avantager en lui faisant obtenir la totalité de l’héritage. Cet usage s’associe également au devoir filial envers les membres âgés de la famille, avec pour conséquence un accès à la succession et à la préservation des terres. Un autre motif d’adoption s’inscrit avec le statut de Divine pouse d’Amon, charge religieuse et politique indispensable au pouvoir régnant. Si seuls les documents égyptiens attestent l’adoption d’une épouse ou d’un autre membre de l’entourage748, ils partagent avec les contrats d’léphantine l’usage de la manumission suivie de l’adoption. Au-delà d’un signe d’affection, cette institution a pour dessein la construction d’une relation filiale, et le souhait de faire entrer dans la famille un nouveau membre auquel de nouveaux droits et obligations s’appliquent et qui est assimilé à un enfant légitime. L’adoptant en attend probablement en contrepartie de la sollicitude, tandis que l’adopté participera à l’héritage. Dorénavant, le lien ne peut être rompu. Sa nature est transformée, la relation de servitude et de dépendance s’est modifiée en rapport de parenté. Un changement juridique et social l’a renouvelé, qui dépasse et abandonne la domination pour la liberté civile, et une relation familiale. La réciprocité s’inscrit dans la solidarité liée à des intérêts mutuels et rejoint dans son itinéraire le devoir filial.

748

Selon A. G. MCDOWELL, 1998, p. 219, le Papyrus des Adoptions suggère que l’adoption d’une épouse est une institution bien connue en gypte. Le fait qu’elle soit si peu attestée est la conséquence de l’absence de sources écrites, les archives familiales ayant rarement été préservées.

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DEUXIEME PARTIE

LA VIE AU QUOTIDIEN ASPECTS ECONOMIQUES ET SOCIAUX

CHAPITRE V

INSTRUMENTS D’UNE INDÉPENDANCE FINANCIÈRE

La transmission du patrimoine, tant immobilier que mobilier, entre vifs et/ou testamentaire, détenu par les familles, occupe une place prégnante dans l’ensemble des contrats d’Éléphantine, expression d’une préoccupation constante à l’instar des Égyptiens. Les règles de partage, de succession et les donations diverses y pourvoient. Usufruit et nue-propriété en traduisent de subtiles nuances. Toutes ces transactions sont ouvertes aux femmes, qui peuvent être donataires et donatrices. DONATIONS ENTRE VIFS Certaines règles de transmission aux femmes apparaissent clairement par l’artifice des donations entre vifs. Elles font partie des opérations immobilières attestées lors du vivant des donateurs et/ou donataires, et les femmes y participent en qualité de donataires et/ou donatrices. Ainsi, l’époux offre à sa femme une partie de sa maison (B3.5). Et le père tout comme la mère peuvent offrir à leur enfant une maison à l’occasion de son mariage (B2.3), en échange de biens (B2.7), ou en témoignage de reconnaissance pour sa sollicitude et ses attentions. Le père peut faire établir un contrat d’usufruit pour son fils (B3.7 10-12) et sa fille en prévision de leur union (B3.7), le transformer en donation testamentaire (B3.10), puis en donation entre vifs (B3.11). Les contrats démotiques voient se dérouler des opérations identiques. Le contenu des contrats comporte les clauses objectives récurrentes, telles la date, le lieu et la présentation de l’état civil des parties, laissant ensuite place à la partie opératoire des documents, avec les dispositions subjectives où apparaît l’emploi de pronoms personnels et d’adjectifs possessifs, lorsque les acteurs se réapproprient l’opération de transmission du bien. Exposant les modalités de transfert du bien offert, précisant l’objet de la transaction, son origine, sa description, les mesures du bien et ses limites, elles sont suivies de clauses affirmant la remise de la chose donnée et le transfert de propriété, et d’autres assurant une garantie personnelle du donateur, de ses ayants droit et des tiers, parfois le transfert du document originel ou des modalités particulières. Puis vient le retour des stipulations objectives avec le nom du scribe, celui du ou des donneurs d’ordre, la liste des témoins, enfin, l’endos spécifiant la nature du document.

217

Néanmoins, ce schéma général n’est pas soumis à une uniformité absolue et subit souvent les modifications nécessaires aux besoins des parties, tant pour l’ordre et l’ordonnancement des clauses que pour la diversité de leur contenu. Les donateurs et donataires, motif de la donation et origine du bien Comme tous les contrats, les formulaires de donation araméens d’léphantine comportent la date et le lieu de leur établissement, suivis de l’identité des parties. Parfois, y figure la double date, tant babylonienne qu’égyptienne. Ainsi, le 2 kislev ou 10 du mois de mesore, l’an 19 d’Artaxèrxes, soit le 17-19 novembre 446, Maseyah offre une maison à sa fille Mipayah (B2.7). Ils sont, tous deux, parties au contrat où l’identité de celle-ci se décline par rapport à son père comme « sa fille » (B2.7 2). Puis, Maseyah s’adresse à la donataire comme « Miptayah, ma fille » (B2.7 4). Le document précise l’origine du bien acquis par achat : zy yhb ly mlm br zkwr br r rmy zy swn bdmwhy wspr ktb ly ly, « Que Meshoullam, fils de Zaccur, fils d’Ater, un Araméen de Syène, m’a donné pour sa valeur et pour lequel il a écrit un document pour moi » (B2.7 3). Le motif de la donation est mentionné une première fois : lp nksyh zy yhbt ly kzy hndz hwyt bbyrt klt hmw wl hkt ksp wnksn llmh lky, « En échange des biens qu’elle m’a donnés, alors que j’étais en garnison dans la forteresse, je les ai consommés, mais je n’ai pas trouvé d’argent ou de biens pour te payer » (B2.7 4-5), puis renouvelé : lp nksyk lk dmy ksp krn 5, « En échange de ceux-là, tes biens d’une valeur (de) 5 karshs » (B2.7 6). Quinze ans après leur mariage environ et trois ans après l’acquisition de sa maison, le 25 de tishri soit le 25 d’epipi, l’an 31 d’Artaxerxès, le 30 octobre 434, ‘Ananyah offre à « dame Tamet, son épouse » (B3.5 2), une partie de sa maison, peut-être à l’occasion de la naissance de leur fille Yehoyima. Une clause précise l’origine de ce bien acquis par le donateur auprès d’Aoubyl, fille de Shatibara, et Bagazushta, Caspiens d’léphantine (B3.5 3). Le motif mentionné par ‘Ananyah est : brmn, « par affection » (B3.5 4. 12). Plus tard, Ananyah transforme la donation testamentaire faite à sa fille en donation entre vifs/complément dotal (B3.11)749, ainsi bénéficie-telle immédiatement de la propriété de ce bien dès le 20 d’adar soit le 8e jour du mois de choiak, l’an 3 d’Artaxerxès, le 9 mars 402. Le contrat précise l’identité du donateur : « Ananyah, fils d’Azaryah » et de la donataire : « Yehoyima, sa fille », puis introduit, ainsi qu’à l’accoutumée, le contenu de la donation par le verbe : lmr, « disant » (B3.11 1-2), qui rappelle 749

H. L. GINSBERG, 1954, p. 158.

218

l’origine orale de l’acte. La provenance du bien ne figure pas dans le contrat, car elle est connue par les parties par la donation testamentaire du 25 novembre 404 qui l’a précédé750. Le motif en est précisé par deux fois, la première le définit comme : psrt, « complément dotal » (B3.11 7), et la seconde souligne : brmn psrt, « par affection comme complément dotal » (B3.11 9751), signifiant ainsi que cette donation est semblable à sa dot mais offerte cette fois par son père752. Un contrat incomplet de donation de maison comprend quelques rares clauses, dont celle de transmission, de réclamation et de pénalité (B5.4). Ni la date ni les protagonistes ne sont connus. Des libéralités à des bénéficiaires égyptiennes sont également assurées, qui datent de diverses périodes, telleS la stèle d’Amarah de la XXe dynastie753, ou la pétition de Pétéisi où le prêtre Padias offre à sa fille Nytemet, à l’occasion de son union, une maison et une part des prébendes d’une charge754. Pour la période satrapique, d’autres documents que les 750

H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1987b, p. 233. Les pactes établis entre Dieu et Abram inscrivent comme conséquence de leur loyauté des donations divines. Abram se voit donc promettre une descendance et la terre de Canaan pour avoir obéi, et David une dynastie pour avoir servi Dieu avec droiture et loyauté. À l’intention d’Abram, Gn 15, 1 promet : krk hrbh md, « ta

751

récompense sera très grande ». Gn 26, 5 ratifie la donation : qb r m brhm bqly wymr mmrty mwty qwty wtwrty, « en récompense de ce qu’Abram a écouté ma voix et suivi mon observance, mes préceptes, mes lois, mes instructions et mes enseignements ». La loyauté si bien récompensée s’exprime par l’expression « marcher devant Dieu », et le serviteur d’Abram rapporte les paroles de son maître : ly yhwh r hthlkty lpnyw, « devant qui j’ai marché » (Gn 24, 40). Le récit de la conquête rapporte la donation de la ville d’Hébron à Caleb (Jos 14, 13-14 ; Jg 1, 20 ; Nb 14, 24 ; Dt 1, 36). Le motif évoqué demeure celui de la loyauté lors de sa mission de reconnaissance dans le pays de Canaan avec les espions : yn ky ml ry yhwh lhy yrl, « en récompense de sa fidélité à YHWH dieu d’Isral » (Jos 14, 14). La prêtrise d’Aaron est également admise comme une donation éternelle (Nb 25, 1213), et l’explication en est identique, qui se fonde sur la loyauté (Nb 25, 13). 752 H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1987b, p. 234. 753 Ainsi, la stèle d’Amarah en renferme deux : la première entre vifs est dressée en faveur d’Irytekh par son frère ori avec effet immédiat ; la seconde est une donation successorale par la mère à sa fille. La déclaration d’ori, second prophète (d’Amon) est introduite ainsi : « Il a dit : Quant à tous les biens du Directeur du grenier Paser, notre père, en champs, en prairies, en esclaves masculins et féminins et en arbres, ils appartiennent à la chanteuse », « de Khnoum, Irytekh » (1-4), A. THEODORIDES, 1964, p. 45-80. 754 La formule adopte la forme suivante : « Prends pour toi la maison qui est pour toi à Teuzoi et nomme une part (du revenu d’une charge) de prophète, pour laquelle tu

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contrats peuvent tenir lieu d’actes de donations, ainsi les missives du satrape755. Les contrats retenus sont choisis dans des archives de la période perse et ptolémaïque. poux, pères ou autres personnages offrent en donation entre vifs des biens immobiliers, terrains et/ou maisons à leur épouse, fille ou autre. Ainsi, provenant des archives d’une femme du nom de Tsenor, une donation entre vifs dressée à son profit est attestée par le P. Turin 2123, du 28 janvier-26 février 512. Son mari, Psenèse, lui offre, la moitié d’un terrain à bâtir sur lequel ils souhaitent construire ensemble. La date indique que l’acte est dressé en l’an X de Darius, le 2e mois de la saison akhet. Puis, précédant l’identité des deux époux, la formule usuelle : ḏd, « a dit », introduit l’identité du donateur : « choachyte de la vallée, Psenèse, fils d’Herirem et dont la mère est Benioutetes », puis celle de la donataire : « Tsenor, fille de choachyte de la vallée Nesmin, dont la mère est Iretourourou756 » (P. Turin 2123 1-2). Bien que n’appartenant pas aux archives de Tsenor, le P. Louvre E 3231a comporte une donation en faveur de sa fille Rourou qui reçoit une parcelle de terre, attestée par ce contrat du 21 septembre-20 octobre 497757. Aucune relation familiale n’y transparaît. Le donateur, personnage du nom d’Ankhefenkhonsou, fils de Nespaioutaoui, père divin et serviteur divin d’Amonrasonter, s’adresse à Rourou, choachyte âgée de vingt ans. Parmi les modèles de contrat de donation dressés par un père en faveur de sa fille se découvre le P. Hauswaldt 13 (P. Berlin 11335) de 243veux que je t’écrive un titre » (P. Rylands 9 9.15), F. L. I. GRIFFITH, 1909, p. 84, 231 ; P. W. PESTMAN, 2011, p. 8-9 ; K. S. B. RYHOLT, 1999 ; N. GRIMAL, 1988, p. 403-455. 755 La donation d’un domaine figure dans l’une des missives de la fin du Ve siècle, adressée par le satrape Arsamès, absent d’gypte, à son correspondant Nakhtor, qui évoque une demande effectuée par Peosiri, l’un de ses serviteurs (A.6 11). Ce dernier rapporte la disparition de son père Pamun durant la période d’agitation qui a secoué l’gypte, ajoutant que le domaine d’une capacité de 30 artabes de semence, qu’il possédait en tant qu’héritier, a été abandonné depuis que le personnel n’est plus. Aussi sollicite-t-il du satrape l’autorisation de succéder à son père en qualité d’héritier. La lettre est la réponse du satrape à la requête de Peosiri. Elle rapporte, au style subjectif, le contenu de la réclamation de Peosiri et, après avoir projeté la lumière sur la cause de la demande et retracé les événements politiques à son origine, lui accorde ce qu’il demande. Ce rappel, en début de lettre, se rapporte à une plainte justifiée légalement. 756 E. REVILLOUT, 1895, p. 26 ; 1896, n° 100 ; 1911-1912, n° 57 ; P. W. PESTMAN et S. P. VLEEMING, 1994, n° 9. 757 E. REVILLOUT, 1895, p. 28, 1896, n° 108 ; 1911-1912, n° 61 ; P. W. PESTMAN et S. P. VLEEMING, 1994, n° 14.

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222, provenant des archives de Pabous758. Le document souligne la relation familiale entre les parties, et le père, du nom de Pareou, fils de Pataoui et de Tashertmejit, gardien de troupeau, serviteur d’Horus à Edfou s’adresse à sa fille Tareou : tj=j r.t, « ma fille ». Cette force expressive, attestée dans les actes araméens reste assez rare dans les conventions démotiques, où le père peut néanmoins apporter cette précision : pj=j r, « mon fils » (P. Hawara 4759). Les formulaires araméens introduisent les parties par l’expression « a dit », et le texte répète, selon le style des scribes d’léphantine, après leur identité : « disant », et les actes démotiques emploient cette même formule, après présentation du donateur. L’identité des donataires des donations araméennes d’léphantine les inscrit dans la filiation usuelle et le cadre familial comme fille et/ou épouse, mais néglige la répétition du nom du père ou époux comme évident. Les donations démotiques intègrent la double filiation tant des donateurs que des donataires. En parallèle avec la donation à Tamet, dont le statut d’esclave lui permet néanmoins d’entrer en possession d’une part de la maison d’Ananyah, le P. Wilbour760 évoque des mw, esclaves attachés à un maître761 et qui disposent de tenures762. Si leur statut reste malaisé à préciser, ils semblent sur un pied d’égalité avec les propriétaires de rangs divers, jusqu’au vizir763. La stèle du Caire (27624 3), de la fin de la période ramesside, évoque une citoyenne esclave du nom de Shedese, et un citoyen esclave du nom de Tabes, tous deux propriétaires de terres. La déposition du cordonnier Penyn, son maître, auquel Shedese transmet ses biens, montre également que l’esclave possède des propriétés et peut les céder à un étranger, néanmoins son maître. Le second peut disposer de ses terres et les 758

J. G. MANNING, 1997, p. 117 s. G. R. HUGUES, R. JASNOW et J. G. KEENAN, 1997, p. 23-25. Deux autres exemples de l’expression « mon fils » sont assurés dans les contrats publiés par C. A. R. ANDREWS, 1990, P. British Museum 10827, p. 48-50, et P. British Museum 10728, p. 89-92. 760 A. H. GARDINER, 1948, p. 206, suggère qu’ils ne sont pas totalement libres ni serfs ; B. Van de WALLE, 1950, p. 67. 761 B. MENU, 2004, p. 343-346, ajoute que les hémou paient l’impôt, peuvent contracter, témoigner et se porter caution, et conclut que hémou et bakou sont des hommes libres. 762 P. Wilbour : A 8, 52 en faveur de Han (2, 10) ; 23, 15 de Taynakhtemne (10, 14) ; 26, 35 de Penebtjeu (3 ar. I, mc I 1/2) ; 35, 44 de Shedemdei (3 ar. ½, mc I2/4). Les autres références sont les suivantes : 36, 26 ; 46, 20 ; 49, 12 ; 51, 50 ; 78, 18 ; 81, 46 ; 82, 2, A. H. GARDINER, 1948. A. EL-MOHSEN BAKIR, 1952, p. 85-86. 763 Ainsi, l’esclave Shedemdei aurait peut-être recueilli la parcelle de son maître, B. MENU, 1970, p. 146-147. 759

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vendre à sa maîtresse Taat en échange de divers biens. Ils peuvent contracter librement et posséder des terres en dépit de leur état servile764. L’objet, sa description, mesures et limites des biens Mentionné dès après la première clause de transfert765, l’objet de la donation offerte à Mipayah est le suivant : lbyt,« la maison » (B2.7 2), et ses limites, selon l’usage, sont définies en fonction des maisons voisines, de l’identité et parfois de la profession de leur propriétaire : « En outre, voici les limites de cette maison : au-dessus d’elle la maison de Yaush, fils de Penulyah, en dessous le temple de YHW (le) dieu, à l’est la maison de Gaddul, fils d’Osée, et la rue est entre elles, à l’ouest la maison de arwodj, fils de Palu, prêtre de .[.] le dieu » (B2.7 13-15). Aucune description ni mesure du bien ne sont ajoutées. L’objet de la donation à Tamet offre plus de détails, qui consiste en : plg try rbt wtwnh zy byt, « la moitié de la grande salle et sa chambre de la maison » (B3.5 3). Ses mesures sont précisées : wh mt byt … mn plg try rbt wtwnh hwh mn lyh d ttyh mn bt 11 bpty mn mn mwh d mrb mn bt 7 k 1 lbrt mn 81, « Et voici les mesures de cette maison… pour moitié de la grande salle et de sa chambre : d’au-dessus à en dessous, 11 coudées à la verge d’arpentage ; en largeur, de l’orient à l’occident, 7 coudées 1 p[alme], pour le pourtour, 81 coudées » (B3.5 5-8), puis sa description : bnh by tty dt d gwrn wkwn, « en bâti, un rez-de-chaussée neuf comportant des poutres et des fenêtres » (B3.5 8). Les limites sont fixées : wh znh twmy byt zk zy nh yhbt lky lyh lh lq zyly nh nnyh dbq lh ttyh lh gwr zy yhw lh wwq mlk bnyhm mwh m lh tm zy nwm lh wwq mlk bnyhm mrb m lh byth zy tybr kspy dbq lh, « Et voici : ce sont (quelles sont) les limites de cette maison que je t’ai donnée : au-dessus d’elle ma part, (à) moi, Ananyah, est attenante, au-dessous d’elle est le temple de YHW, le dieu, et la rue du roi est entre elles, à l’est est la ville/la voie de Khnoum, le dieu, et la rue du roi est entre elles, à l’ouest est la maison de Shatibara, un Caspien, (qui) est attenante » (B3.5 8-11).

764

A. EL-MOHSEN BAKIR, 1952, p. 85-86. Des terres sont offertes en récompense aux héros bibliques (Gn 13, 15). Les clauses de transfert se mutiplient, et répètent le contenu de la donation éclairant des liens pour la forme et la phraséologie, ainsi en Gn 15, 7 : t hr hzt lrth, « ce pays

765

en possession » ; Gn 15, 18 : t hr hzt, « ce territoire » ; Gn 17, 8 : t r mgryk t

kl r knn, « à toi et à ta postérité la terre de ta résidence, toute la terre de Canaan » ; et Gn 26, 3-4 le confirme, qui met ces paroles dans la bouche divine s’adressant à Abram : t kl hrt hl, « toutes ces terres », t kl hrt hl, « toutes ces provinces ».

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Après avoir désigné l’objet de la donation à Yehoyima, « une maison » (B3. 11 2), sa description précise qu’il s’agit d’« un bâtiment en rez-de-chaussée présentant des poutres et trois ventaux, c’est-à-dire dans la salle du sud. Son escalier est bâti et sa cour, c’est-à-dire sa porte pour sortir » (B3.11 3). Ses mesures ne sont pas spécifiées766. La description des limites (B3.11 3-6) n’adopte pas le même ordre que la donation successorale du 25 novembre 404, portant sur ce même bien, qui s’ouvre par la limite est avec le bâtiment du Trésor du roi jouxtant l’avenue bâtie par les gyptiens, se poursuit par l’ouest avec la porte de Yehoyima donnant accès à la sortie, puis au nord avec la maison de la chapelle du dieu, enfin, au sud, la maison d’or, fils de Peteisi. Yehoyima bénéficie dorénavant d’une porte sur la rue et se voit accorder autorité sur la totalité de la cour, dont auparavant elle n’avait que la moitié. La référence à la cour comme limite confirme son droit de propriété767. La terminologie, dénomme le nord et le sud comme suit : lyh, « extrémité haute/au-dessus (B3.5 9), correspondant au nord, et ttyh/, « extrémité basse/au-dessous » (B3.5 9), au sud768. Aucune règle particulière n’est observée dans la présentation tant de la description des biens que de leurs limites, qui diffèrent selon les contrats et le style du scribe. Elles ne paraissent, en effet, pas suivre un modèle préétabli. L’ordre choisi par défaut commence par le nord, puis le sud, l’est et l’ouest, comme dans le contrat de Tamet, mais si l’un des voisins est d’une importance particulière, il occupe 766

En Ex 26, 16, la désignation des mesures s’effectue comme dans les contrats d’léphantine, ainsi les mesures des planches du tabernacle : r mwt rk hqr wmh

wy hmh rb hqr hd, « 10 coudées la longueur de la planche, 1,5 coudée la largeur de la planche ». Un autre exemple (Ex 26, 2) se rapporte aux tentures de lin : rk hyryh ht mnh wrym bmh wrb rb bmh hyryh ht mdh t lkl hyryt, « La longueur de chaque tenture sera de 28 coudées, la largeur, de 4 coudées par tenture, dimension uniforme pour toutes les tentures ». 767 H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1987b, p. 231-238 ; B. PORTEN, 2000a, p. 191, n. 12. 768 Ces deux termes ont donné lieu à diverses interprétations. A. H. SAYCE et A. E. COWLEY, 1906, p. 36, considèrent que lyh signifie « extrémité sud » et ttyh « extrémité nord ». A. von HOONACKER, 1915, p. 14, reprend cette interprétation à son compte, « nord » signifiant le « côté sud » et « sud » le « côté nord. Le plan établi par A. von HOONACKER est repris par A. E. COWLEY, 1923, p. 13. E. KRAELING, 1953, p. 81, renverse cette tendance et soutient que « au-dessus » signifie « nord » et « au-dessous » se rapporte au sud. B. COUROYER, 1961, p. 525540 et 1968, p. 80-85, reprend le thème dans ces deux articles, admettant que les points cardinaux en gypte commencent par le sud suivi du nord ; B. A. LEVINE, 1975, p. 48-53. B. PORTEN, 2000b, p. 855, témoigne encore que l’indication « audessus » comme l’équivalent de « nord » est confirmée par C. VON PILGRIM, 1998, p. 485-497, qui valide intégralement ses plans.

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la première place. Ainsi, le choix adopté dans la donation à Mipayah met en lumière le fait que le premier voisin est l’une des parties au contrat et le donateur. Puis, lorsque la première orientation est choisie, l’opposé suit dans les trois exemples cités, et aucun ordre n’est fixé pour les dernières directions769, laissant toute liberté aux scribes770. Description et limites des biens offerts sont également inscrites dans les contrats de donations démotiques. Si le quartier dans lequel se trouve le bien est toujours mentionné, le motif l’est rarement. Et les dimensions peuvent être inscrites, mais ne figurent pas toujours. P. Turin 2123 (2) précise que l’objet de la donation à son épouse par le choachyte Psenèse, porte sur : t p n pj pr ntj ἰw(=j) ḳd n.ἰm=f ἰrm=t ntj r p ἰmn(ṱ) Ws.t ntj n t .t Pr-.w.s Wsir-tn, « La moitié de ce terrain sur lequel je vais construire avec toi, qui se trouve dans l’ouest de Thèbes et qui est dans “la tombe du Pharaon Osorkon” » (P. Turin 2123 2). Le P. Louvre E 3231a (1-2) comporte les dimensions et la situation du champ : t st(.t) 4  [ntj] n .t n pj(=j)  ntj [(n) t ḳj p] ἰh(j) p mhn Imn, « 4 aroures de champ se trouvant à l’intérieur de mes champs et sur le terrain élevé de “l’étable du pot de lait d’Amon” » (P. Louvre E 3231 a 1-2). Son motif précise : n t [tp n] s.m.t T-dj-Ip-wr s.t n ἰt-ntr Ḥr mw.t=s T-whr, « comme fondation pour la femme Tadihipouer, fille du père divin or, et dont la mère est Tahour » (2), dont Rourou est chargée en sa qualité de choachyte. Le contrat peut être plus précis, et la donation faite par Pareou à sa fille, inclut : pj=j wr nt ỉr m ntr 30 dj=w p.t 15 r m ntr 30 n p rsj r p mṱ n dj=j kn srg [nt qt  t.ṱ=f nt t sḫ.t t kj pj-wrm(?) n .wj.w rsj n p] t Db, « ma parcelle vide à bâtir771 qui mesure 30 coudées divines, leur moitié est de 15, totalisant 30 coudées divines, encore du sud au nord, avec ma/mon kn (n) srg, qui est construit dessus, qui est dans le champ (nommé) la haute terre Pj-wrm dans la région772 sud du nôme d’Edfou » (P. Hauswaldt 13 1-2). La 769

Textes et récits bibliques ne suivent pas non plus un ordre systématique et identique dans la présentation des limites et/ou des directions. Ainsi, la promesse divine faite à Abram sollicite de lui qu’il promène son regard au nord, au sud, à l’orient puis à l’occident (Gn 13, 14). Celle faite à Isaac adopte un ordre différent : ouest, est, nord puis sud (Gn 28, 14). Mose se voit ordonner par Dieu de monter au sommet de la montagne et de regarder à l’ouest, au nord, au sud et à l’est (Dt 3, 27). Nb 35, 5 évoque ces directions dans le sens des aiguilles d’une montre, du nord à l’est, puis au sud et à l’ouest. 770 B. PORTEN, 2000b, p. 856. 771 Le terme wr ou ỉwr peut désigner un « terrain à bâtir », comme dans le cas présent, ou un « terrain en friche », P. W. PESTMAN et S. P. VLEEMING, 1994, p. 70. 772 Le terme .wj.w peut se traduire par « localité » et également par « place », « lieu », « maison », S. P. VLEEMING, 1991, p. 36-37. Son emploi dans le P. Hawara

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description des biens offerts à Tareou ajoute : s tmt [ ?] p wr ntj rj pj n tj kn n srk nt r t.ṱ=f n nj=f sj(.w) p sb.w n sb.w [?] n p ḫt tj n n sm.w n w  p ḫ ḏb wt, « c’est-à-dire la parcelle vide à bâtir audessus avec ma/mon kn (n) srk qui est dessus et ses poutre(s), ses portes avec la pierre de seuil, ce mortier (et) les pilons, un fourneau, une jarre-ḏb, (et) une pelle [?] » (P. Hauswaldt 13 2). Certains, parmi les contrats démotiques de la période ptolémaïque, apportent, lorsqu’ils décrivent la maison objet du contrat, la précision suivante : « poutre et porte773 », d’autres ajoutent qu’elle est « construite774 » ou « construite et couverte775 », et quelques uns détaillent les pièces de la maison776. Les limites du bien s’inscrivent en lien avec l’identité des quatre voisins. L’ordre observé pour leur présentation peut adopter l’orientation suivante : ntj-ἰw (pj)=f rsj t mj.t Imn pj=f mṱ p pr n w-mw s.m(.t) Rwrw ta N-mnḫ-Is.t ntj n ἰwr pj=f ἰmn(ṱ) p pr n w-mw P-dj-r-Rsn s Ns-Imn-tp pj=f ἰb(ṱ) p pr-nfr n Ir.t-r-r=w s Imn-ἰ.ἰr-dj.t-s, « au sud duquel est le dromos d’Amon, au nord duquel est le terrain de la femme choachyte Rourou, fille de Namenekhiset, qui est non bâti, à l’ouest duquel est le terrain du choachyte Padikheresen, fils de Nesimenhotep, à l’est duquel est le kiosque funéraire d’Iretourourou, fils de Amenirdis » (P. Turin 2123 2-4). Les limites précisent l’identité des voisins présentés du sud au nord et de l’ouest à l’est (P. Louvre E 3231 a 2-3). Dans ce dernier contrat, les champs du donateur, qui constituent la limite nord, sont mentionnés en second. Le contrat ne lui donne pas une place primordiale. Les limites peuvent adopter une disposition autre, qui va du sud à l’est, puis du nord à l’ouest, où sud et est représentent les limites des biens du donateur comme premier voisin (P. Hauswaldt 13 2). Souvent, les contrats démotiques adoptent une énumération variable777. 4 se rapporte à une « maison », G. R. HUGHES, R. JASNOW, et J. G. KEENAN, 1997, p. 23-24. 773 P. Rylands 17, F. L. I. GRIFFITH, 1909. P. Hawara 4, P. Rendell, G. R. HUGHES, R. JASNOW et J. G. KEENAN, 1997. 774 P. Hawara 4, P. Rendell, ibid. 775 Les P. Rylands 11, 14 et 17 apportent cette précision, F. L. I. GRIFFITH, 1909. Les différents P. Philadelphie, outre les donations, insèrent cette formule : I-IV, VII, VIII, X, XV-XVII, XXI-XXIII, M. El AMIR, 1959. P. Bruxelles 8253 1, M. DEPAUW, 2000, n° 2. 776 Le P. Rylands 17 décrit la maison, objet de la donation d’un père à son fils : « Elle comporte des poutres et des portes, elle comprend une chambre, une avantcour et un escalier au-dessous au-dessus, construite et couverte, dans le quartier est de Ptathôr, qui est nommé le Puits » (3), F. L. I. GRIFFITH, 1909. 777 Dans les P. Rylands 11 et 17, elle va du sud au nord et de l’ouest à l’est, et dans les P. Rylands 12, 14 et 15, après le sud et le nord, elle indique l’est puis l’ouest, F. L. I. GRIFFITH, 1909. P. Philadelphie I-X, XII, XVI-XVII, XIX, XXII-XXIV, XXVI,

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Si les contrats démotiques introduisent de courtes informations assez systématiques et précisent, outre la localisation des biens dans le quartier où elles sont situées et, le plus souvent, une rapide description des maisons dont elles sont l’objet, indiquant qu’elles sont construites et couvertes, comportent des poutres et des portes, une certaine liberté d’expression est également admise dans les croquis des formulaires araméens, dont les informations diffèrent selon les actes, qui précisent parfois les mesures et régulièrement les limites, et peuvent adjoindre des précisions telles le nombre de fenêtres et de portes (B3.10), ou les omettre (B3.5), et n’indiquent pas toujours non plus si elles sont construites et/ou couvertes (B2.7). Les documents égyptiens n’observent pas un ordre invariable lorsqu’ils décrivent les limites du bien, qui se déclinent souvent du sud au nord, puis de l’est à l’ouest, mais peuvent adopter un ordre différent, tout comme les contrats d’léphantine choisissent en premier lieu les parties au contrat et les voisins d’importance. La forme met en lumière des variations liées aux écoles de scribes, mais le fond reste similaire. Le transfert et la transmission, retrait et inaliénabilité Les clauses principales des contrats de donation concernent la remise de la chose offerte sans contrepartie. Par le transfert, le donateur remet le bien donné et se dessaisit de ses droits en faveur de la donataire et, par la transmission, il admet que celle-ci est la seule propriétaire du bien transmis. Enfin, par l’affirmation de renonciation, le donateur confirme l’abandon de son droit de propriétaire. Dans les actes araméens, la modalité de transfert peut se multiplier par deux, trois, quatre ou cinq. Elle adopte lors de chaque répétition, un contenu différent et complémentaire enrobant le verbe « donner », qui en est l’axe. La donation à Mipayah en comporte cinq, dont la première est inscrite après la présentation des parties : nh yhbt lky lbyt, « je t’ai donné la maison » (B2.7 2), la seconde, précise : wyhbth lmpyh brty, « et je l’ai donnée à ma fille Mipayah » (B2.7 4), la troisième, ajoute : r nh yhbt lky lbyt znh, « après, je t’ai donné cette maison » (B2.7 5). L’avant-dernière, répète : byt yhbth lky, « cette maison, je te l’ai donnée » ; B2.7 6) et ajoute la première affirmation du retrait : wrqt mnh, « et j’y ai renoncé » (B2.7 7) ; puis la cinquième réitère le transfert et le retrait par le donateur : zk byt yhbth lk wrqt, « cette maison, je te l’ai donnée et j’y ai renoncé » (B2.7 1516). Assurée dans la seule donation à Mipayah, la formule légale de retrait « j’y ai renoncé » confirme la renonciation à ses droits de propriété sur la M. EL-AMIR, 1959. Le P. Chicago Hawara 5 et Rendell optent pour l’ordre suivant : sud, nord, ouest et est, G. R. HUGHES, R. JASNOW et J. G. KEENAN, 1997.

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chose donnée par le donateur778, et précède la transmission. La formule de retrait est également assurée dans des actes de donations démotiques (P. Caire 50058 de 543), quand bien même elle concerne la personne et non l’objet comme dans les actes araméens779. La répétition des clauses de transfert figurant dans la donation à Tamet est assurée par trois fois, dont le contenu diffère. La première suit l’énonciation des parties et affirme : nh yhbt lky, « je t’ai donné » (B3.5 23), se renouvelle: nh nnyh yhbth lky, « moi, ‘Ananyah, je te l’ai donnée » (B3.5 4), puis rappelle : znh lq byt zy mt ktybn wtwmwhy nh nnyh yhbth lky brmn, « cette part de la maison dont les mesures sont écrites et dont les limites (sont écrites ci-dessus), moi, Ananyah, je te l’ai donnée par affection » (B3.5 11-12). Multipliée par deux fois, la modalité de transfert rythme l’acte, qui apporte de nouveaux éclaircissements dans la donation faite à Yehoyima (B3.11). La première figure comme à l’habitude après présentation des parties : yhbt lky by d mbny, « je t’ai donné une construction » (B3.11 2), puis la suivante est mentionnée après celle des limites : « cette maison dont les limites sont écrites dans ce document. Moi, Ananyah, fils d’Azariah, je te l’ai donnée (comme) un complément dotal [(à ton] contr(at) de ma[ri]age), puisque qu’il n’est pas (écrit sur ton contrat de mariage) avec Ananyah, fils d’Ḥaggai, fils de Meshoullam, fils de Busasa » (B3.11 7-8). galement reproduites, les modalités de transmission diffusent régulièrement de nouveaux éléments autour de l’expression « c’est à toi ». La première clause d’entre elles qui figure dans la donation à Mipayah affirme : dylky hw wlbnyky mn ryky wlmn zy rmty, « C’est à toi, et à tes enfants après toi et tu peux la donner à celui que tu aimes/préfères » (B2.7 78). Réitérée après la stipulation de pénalité : wbyt m dylky, « et (la) maison de plus, est à toi » (B2.7 11), elle l’est encore une troisième fois : dylky hw d lm wlmn zy tbyn hbhy, « c’est à toi pour toujours et à qui tu souhaites/préfères, donne-la » (B2.7 16)780. Dans ce même document, deux 778

L’expression « j’y ai renoncé » est particulièrement attestée dans les actes de retrait : B2.2 ; B2.8 ; B2.9 ; B2.10 ; B3. 2, R. YARON, 1960b, p. 256. Le terme wj, « s’éloigner » est attesté dans des clauses de garantie des conventions démotiques (P. Caire 50058), A. F. BOTTA, 2009, p. 117, 148 s.,169. 779 Ibid., p. 196-197. 780 Cette expression trouve son parallèle dans certaines expressions bibliques. Ainsi, le fils d’Abram, r hbt, « que tu aimes » (Gn 22, 2), est désigné comme unique héritier. Tandis qu’Isaac préfère sa, la prédilection de Rébecca va vers Jacob :

wyhb yq t w… wrbqh hbt t yqb, « Isaac aimait sa… mais Rébecca aimait Jacob » (Gn 25, 28). Dieu aime Salomon et Nathan le nomme Yedidyah, l’« aimé du Seigneur », qui succède à David (2 S 12, 25). Ainsi, le verbe hb, « aimer, préférer » renferme, dans ces textes, une teneur légale, qui met en parallèle des conséquences

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formules de disposition du bien trouvent place, dont la première semble limiter les droits d’aliénation aux héritiers, tandis que la seconde se rapporte au droit d’aliénation de ce bien dans un cercle plus ouvert que l’espace familial, laissant toute liberté à Mipayah d’en disposer à sa guise781. La première clause de transmission du contrat de Tamet comprend également l’affirmation d’inaliénabilité : « C’est à toi de ce jour et pour toujours, et à tes enfants que tu m’as donnés après toi » (B3.5 4-5). Elle est réitérée à nouveau en partie en faveur de Tamet : « et la maison de même est à toi » (B3.5 16), puis une troisième fois en faveur des enfants : « Et ma maison de même est à eux » (B3.5 22). Le scribe a choisi l’expression « c’est à toi » et non le verbe ly, « avoir droit/contrôle sur ». Ponctuant la donation à Yehoyima, trois modalités de transmission, dont la première certifie : nty yhwym brty lyh bh mn ywm znh znh d lm wbnyky lyn ryky, « Toi, Yehoyima ma fille, tu y as droit/contrôle de (ce) jour et pour toujours et tes enfants (y) ont droit/contrôle après toi » (B3.11 8-9). L’expression « de ce jour » affirme que cet acte prend effet immédiatement. La seconde précise : wnty m lyh bbyt znh zy twmwhy ktbn mnl byy wbmwty, « Et de plus, tu as le droit/contrôle à cette maison dont les limites sont écrites ci-dessus, pendant ma vie et à ma mort » (B3.11 11), soulignant l’effet immédiat de la donation782. Cette dernière formule contraste avec la formule « à ma mort » (B3.10 16), qui en retarde l’effet jusqu’à la disparition du donateur. La dernière constate : wnty m lyh bbyt znh zy twmwhy ktbn bspr znh, « Et, de plus, tu as droit/contrôle à cette maison dont les limites sont écrites dans ce document » (B3.11 14-15783). Le principe de répétition du verbe ly, juridiques, puisque le préféré, le plus aimé, reçoit un héritage ou une position de domination. 781 H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1982, p. 235. 782 R. YARON, 1961, p. 78. 783 Les formules de transfert, de transmission et d’inaliénabilité sont également présentes dans les textes bibliques. Celles de la donation faite à Abram s’affirment proches des contrats araméens dans la forme et le fond, ainsi la suivante : lk tnnh wlzrk d wlm, « Je te le donne et à ta postérité pour toujours » (Gn 13, 15). D’autres textes de Gn l’assurent également : 15, 7 ; 15, 18 ; 17, 8 ; 26, 3-4. De même, la donation d’Hébron à Caleb assure : lk… wlbnyk d wlm, « pour toi et tes descendants pour toujours » (Jos 14, 9). La transmission de la prêtrise d’Aaron est également admise comme une donation éternelle (Nb 25, 12-13) : « Lui et ses descendants après lui posséderont comme gage d’alliance le sacerdoce pour toujours ». La loyauté de David, qui reçoit terres et peuples, lui transmet la garantie que sa maison sera à jamais assurée (2 S 7, 14-15). La modalité de transmission et de contrôle des textes bibliques use d’une même assertion : « c’est à toi, tu y as droit », en relation à Dieu : lk yhwh hmmlkh, « à toi Seigneur la royauté » (1 Ch 29, 11-12). Nb 18 met également en lumière ce témoignage : zh yhyh lk, « seront à

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« avoir droit/contrôle », permet de fixer méthodiquement de nouvelles précisions, liées au contenu de l’acte et à l’histoire du bien transmis784. Tant ce verbe, attesté dans une donation, que l’expression zylk hw, « c’est à toi », présente dans deux autres formulaires de donations, renferment une même acception, qui induit, dans ces contrats spécifiques, la transmission de droits de propriété complets identiques et sont originaires de traditions scribales différentes785. En effet, le verbe « avoir droit/contrôle » introduit les droits transmis par la convention, qui varient selon ses caractéristiques. Les diverses stipulations de transfert et de transmission figurent régulièrement après présentation des parties, expliquant le pourquoi de l’acte, qui peuvent être mentionnées dans un ordre irrégulier, après l’origine du bien, l’indication du motif, la description ou ses limites, ou bien encore la transmission du document d’origine. Les formulations sont modifiées dans chaque modalité et contrat. Le transfert du bien est exprimé au passé, qui souligne que la donation est d’ores et déjà réalisée, tandis que l’affirmation de la transmission s’énonce au présent et confirme la réalisation de l’acte avec la remise de la chose vendue et ses droits. L’emploi du verbe « donner » réunit deux réalités, dont l’une est sociale et l’autre juridique. La formule « et tes enfants après toi » introduit la possibilité de transmettre les droits acquis par héritage. En désignant les héritiers de ces biens, ces contrats affirment l’inaliénabilité du patrimoine transmis. Ananyah, qui, pour la durée de l’union de sa fille, accorde un droit d’usufruit à son gendre, limite la transmission aux héritiers de Yehoyima, considérant ce bien comme une demeure patrimoniale. Enfin, la multiplication786 et la différentiation de chaque clause, qui ne se répète pas à

toi » (18, 9), lk hw wlbnyk, « c’est à toi et tes fils » (18, 10), F. C. FENSHAM, 1967, p. 317. Le rédacteur du livre des Rois met les donations sous condition (1 R 2, 4 ; 8, 25 ; 9, 4), tout comme le Deutéronome pour la promesse aux Patriarches. L’éternité des pactes abrahamique et davidique est remise en cause par l’histoire, aussi l’alliance ne peut-elle être éternelle que si le donataire conserve sa loyauté au donateur. Si, dans les écrits prédeutéronomiques, la loyauté des fils de David et celle des fils des Patriarches est présupposée (Gn 18, 19), elle n’est cependant jamais formulée comme condition de l’existence nationale. Si une punition est infligée (Ex 23, 33 ; 34, 12), la disparition n’est pas la conséquence de la violation de la loi, jusqu’à Ex 19, qui ressemble à une condition mais est une promesse. 784 H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1987b, p. 236. 785 L’auteur démontre l’origine égyptienne de la clause araméenne avec l’emploi du verbe ly. En effet, le verbe sḫm, « avoir contrôle » est assuré dès la Ve dynastie, A.F. BOTTA, 2009, p. 89-95 et 2006, p. 193-209. 786 B. PORTEN, 1993, p. 260-261.

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l’identique, trouvent leur source dans le choix de cette forme de composition adoptée par les scribes d’léphantine787. Incluse immédiatement après l’identité des parties, la formule de transfert des conventions démotiques788 peut adopter la forme suivante, qui, dans la donation du P. Turin 2123 (2) dressée par Psenèse, affirme : dj(=j) n=t, « je t’ai donné » et se répète après la description des limites (4), constatant la remise de la chose donnée. La donation dont bénéficie Tareou comporte également une double formule de transfert, à qui son père affirme : dj=j n=t, « je t’ai donné » (P. Hauswaldt 13 1). Puis, il réitère après la description des limites : dj=j s n=t, « je te l’ai donnée » (2). La donation peut ne stipuler qu’une seule formule de transfert, qui, comme à l’accoutumée, rappelle la formule usuelle, suivie de l’explication de la donation (P. Louvre E 3231 a 1-2). Énonçant la formulation mtw(=t), « c’est à toi », la modalité de transmission peut adjoindre le contenu des accords : mtw=t s ἰnk tj=f k.ṱ p mtw=t t p n p hw ntj ỉw=n r ỉr=f r-r=f [r] dj.t ḳd=w s ἰnk tj=f k.ṱ p, « Elle est à toi, à moi en est l’autre moitié, à toi incombe la moitié des dépenses que nous ferons pour celui-ci afin qu’on y bâtisse, à moi en incombe l’autre moitié » (P. Turin 2123 4-5), formule prononcée par le mari de Tsenor. Dans la donation à Rourou, elle précise : mtw=t t (st.t) 4  ntj rj n nj=w n(.w), « À toi appartiennent les 4 aroures de champs ci-dessus mentionnées et leurs arbres » (P. Louvre E 3231 a 3). Elle peut aussi se résumer à la formule mtw(=t), « c’est à toi » (P. Hauswaldt 13 2). Ces conventions peuvent insérer la stipulation suivante qui confirme le droit de propriété de la donataire : bn ἰw rḫ rmṯ nb p t ἰnk mj.t.t 787

Certains actes des VIIe-VIe siècles insèrent également la répétition des clauses principales et annexes, ainsi P. Turin 246 (634, Thèbes) de vente de terrain, P. Louvre E 3168 (674, Thèbes) de vente de fil à tisser… 788 La missive du satrape met au jour la requête de Peosiri : ytt ly yntnw ly hsn, « Que l’on pense à moi. Qu’ils me (le) donnent. Que je (le) détienne comme héritier » (A6.11 3). Le satrape, après avoir repris l’argumentaire de Peosiri et précisé qu’il n’a pas transféré ces terres à ses domaines pas plus qu’il ne les a données à un autre serviteur, répond : r nh bgh zy pmwn zk yhbt lpswry ntm

hwwhy yhsn whlk lqbl zy qdmn pwmn bwhy hwh l yl l byt, « Alors je

donne le domaine de ce Pamun à Peosiri. Toi, notifie- lui. Qu’il (le) possède comme héritier et paie à mes domaines la taxe sur la terre ainsi que son père la payait précédemment » (A6.11 5-6). Et la réponse du satrape apporte toute satisfaction, qui lui donne yhbt le domaine, reconnaissant ses droits héréditaires sur les biens de son père par l’affirmation : hwwhy yhsn, « qu’il (le) « possède comme héritier ». L’emploi de cette formule de transfert et du verbe « donner » soulignent la valeur légale de l’écrit du satrape, B.PORTEN, 1987, p. 44.

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ἰr sḫj [n].ἰm=s bnr-n=t n ṯj n [p] [hrw] r rj  ḏt, « Personne au monde, et moi pareillement, ne pourra exercer d’autorité/de contrôle/de pouvoir sur celle-ci, en dehors de toi, dorénavant et à jamais » (P. Turin 2123 5-6789). Elle n’est pas non plus systématiquement inscrite sur l’acte (P. Louvre E 3231a ; P. Hauswaldt 13). Lorsque cette modalité employant le verbe : ỉr sḫj, « avoir autorité-contrôle » est consignée dans le contrat, elle fait pendant à celle des actes araméens où figure l’expression de transmission avec le verbe : ly, signifiant « avoir droit/avoir le contrôle790 ». Seule la forme diverge, cette dernière adopte une forme positive s’adressant au donataire et la stipulation démotique préfère une forme négative concernant tout autre ayant droit. En outre, cette formule définit le droit de propriété, reconnaissant la donataire comme seule propriétaire du bien transmis, écartant le donateur et ses ayants droit. La formule de garantie contre l’action en revendication des ayants droit se voit absorbée par cette clause de transfert. Une règle connue des documents égyptiens et araméens se préoccupe de la transmission du bien, qui peut en limiter les droits d’aliénabilité791. L’exemple suivant le confirme, où le père s’adresse à sa fille : ἰw(=t) wḫ dj.t p wr [n dj=t] kn nt r t.ṱ=f r-ḏb ḏ ἰw bn ἰw=f rḫ dj.t-s n rmṯ nb n p t m-s nj=j rṱ.w mtw=w dj.t n=t p ḏ nt ἰw=f  rr=f ἰw=w dm dj.t n=t p ḏ nt ἰw=f  r-r=f ἰw ἰr=t sḫj dj.t=s ḏb ḏ n p rmṯ nb nt ἰw=t mr dj.t-s n=f, « Si tu veux vendre ta parcelle vide [avec ton] kn qui est dessus, tu ne pourras pas le vendre à n’importe qui du tout, si ce n’est à mes enfants, et ils devront te donner l’argent qui est dû pour lui. S’ils ne te donnent pas l’argent qui est dû pour lui, alors tu peux le vendre à qui tu souhaites » (P. Hauswaldt 13 3). La volonté d’inaliénabilité reste limitée cependant. Si le père désire que le bien demeure dans le patrimoine familial, il fait montre de souplesse et accorde néanmoins à sa fille l’autorisation de céder le bien en question, dès lors que ses autres enfants se refusent à l’acquérir et ne le lui paient pas. Les expressions : dj=j n=t, « je t’ai donné », mtw=t, « c’est à toi » et : ỉr sḫj, « avoir autorité/contrôle » des contrats démotiques sont parallèles 789

P. Rylands 17, F. L. I. GRIFFITH, 1909. P. Dublin 1659, P. W. PESTMAN, avec la collaboration de J. QUAEGEBEUR et R. L. VOS, 1977. A. F. BOTTA, 2009, p. 137 s. 790 Seule une clause des contrats araméens insère un contenu parallèle, le B2.3 10, B. PORTEN, 1992, p. 260. 791 Selon la stèle d’Amarah le contenu de cette donation est dédié au fils d’Irytekh et à sa lignée : « pour le fils de son fils et l’héritier de son héritier » (4). La stèle renferme une stipulation successorale qui instaure la primogéniture masculine, exige l’indivisibilité des biens donnés et également leur inaliénabilité, A. THEODORIDES, 1964, p. 45-80.

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à celles des contrats d’léphantine qui définissent le transfert, la transmission et le contrôle sur la chose. Ces formules des contrats égyptiens, et les expressions réitérées des contrats araméens : « Je t’ai donné », « Tu as droit/tu y as droit » et « c’est à toi », sont autant de formules légales, dont les deux dernières transfèrent le contrôle sur le bien à la donataire. Elles792 insèrent des compléments d’informations distincts lors de chaque répétition. Leur structure permet la mise en valeur des diverses affirmations et précisions dans ce cadre, sortes de variations sur un même thème. Les différentes formulations d’une même disposition qui se démultiplient régulièrement dans les contrats araméens répondent à un choix stylistique de présentation. La composition et le rythme y sont prégnants, et la multiplication des phrases où l’emploi d’un même verbe et des termes variés qui l’entourent, noms, adjectifs et adverbes, déploie et éclaire des aspects complémentaires et distincts de la donation793. Certains des textes bibliques offrent des caractéristiques comparables794. Rare, dans ces donations araméennes, l’ajout de la formule « tu peux la donner à celui que tu aimes-préfères », dans certaines dispositions de transfert (B2.7 8), évoque le choix par préférence d’un héritier qui

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R. YARON, 1961, p. 80 ; J. C. GREENFIELD, 1981, p. 125, confirme que le terme ly signifie « avoir le contrôle, la possession ». Il ajoute que cette terminologie est employée dans le livre de Daniel afin de faire remarquer l’omnipotence divine et sa capacité à octroyer du pouvoir à qui il souhaite. 793 M. PARAN, 1989, p. 175-178 ; B. PORTEN, 1993, p. 258 s. ; 1976, p. 229-234. 794 Parmi d’autres exemples, Nb 18, 8-19 présente des particularités identiques, tant de répétitions que d’apports de nouvelles indications. À le comparer aux contrats d’léphantine, le verbe ntn, « donner » est présent dans ces mêmes variations dans l’ouverture (nnty en Nb 18, 8a ; nttym en 18, 8b), et la clôture du texte (ntty en Nb 18, 19a). De même, la donation se voit attribuer au donataire et à ses descendants dans l’ouverture (lk en Nb 18, 8a ; en 18, 8b, wlbnyk 18, 8c), et la clôture (lk en Nb 18, 19a, wlbnyk wlbntyk tk : « et tes fils et tes filles avec toi » en 18, 19b, lk wlzrk tk : « pour toi et ta descendance avec toi » en 18, 19c), parallèle à l’inaliénabilité figurant dans les contrats araméens. Ainsi, la donation faite à Yehoyima emploie des formulations proches, qui se répètent, wbnyky lyn ryky, « et tes enfants y ont droit après toi » (B3.11 8-9). L’affirmation de son éternité leur est également parallèle : lq wlm, « un dû pour toujours » (Nb 18, 8a et se répète en 18, 19b). En outre, dans cette disposition, l’emploi, en complément du verbe donner, qui souligne la transmission de propriété, du verbe ly (avoir droit/contrôle sur) procure au donataire la propriété et les droits de disposition, tant pour le présent que pour le futur, alors que les descendants sont concernés, H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1983, p. 37.

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bénéficiera du bien795 et fait pendant au motif d’affection : « je te l’ai donnée par affection ». Elle est également insérée, bien que rarement, dans les textes bibliques et divers documents égyptiens, tels des contrats de mariage ou des donations successorales (P. Kahun I 1 9-10). Introduite dans un cadre plus vaste, la proposition « donner à qui tu souhaites/désires » (B2.7 16) autorise une transmission à n’importe quelle personne, y compris à l’extérieur du cercle familial796. Par ailleurs, la donation peut introduire une souplesse dans la clause d’inaliénabilité, qui implique l’obligation de vendre le bien à l’un des enfants du donateur et de le conserver dans le patrimoine familial, mais peut prévoir qu’il peut être cédé à tout acheteur. La transmission des contrats antérieurs Parfois, le document enregistre la transmission à la donataire du contrat justifiant l’origine de propriété. Cette clause est attestée dans la donation à Mipayah (B2.7), qui est inscrite après le second exposé des motifs : wyhbt lky spr tyq zy ktb ly mlm zk rwhy, « Et je t’ai donné le document ancien que Meshoullam a écrit pour moi la concernant » (B2.7 67). Il est également d’usage, dans les procédures égyptiennes, qu’au moment de la rédaction d’un contrat de mutation les actes antérieurs soient produits et transmis au nouveau propriétaire. Leur forme varie, et parfois le fond également797. Aussi le P. Turin 2123 évoque-t-il la remise de ces actes

R. YARON, 1961, p. 124. Selon Y. MUFFS, 2003, p. 41, rm et by sont synonymes, et le premier de ces deux verbes ne peut que signifier « vouloir », ainsi, par cet emploi, le donateur s’oblige à ne pas contester la donation. 796 H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1983, p. 37-38. 797 L’exemple d’un autre modèle de stipulation est attesté dans le P. Dublin 1659 (févr.-mars 198) : mtw=t nj=w s.w nj=w ḳnb.w(t) (n) .wj nb ntj ỉw=w n.ỉm=w s 795

nb r.ỉr=w r. r=w n s nb r.ỉr=w n=j r. r=w n s nb ntj ỉw=j m.k n.ỉm=w (n)

rn=w mtw=f = t st n pj=w hp mtw=t p ntj ỉw=j m.k n.ỉm=w (n) rn=t, « À toi appartiennent leurs actes (et) leurs ḳnb.w[t], à n’importe quel endroit qu’ils se trouvent, chaque document qu’on a fait à leur sujet et chaque document qu’on a fait pour moi à leur sujet, et chaque document en vertu duquel je suis l’ayant droit au nom d’eux, ils t’appartiennent avec le droit qui en résulte, à toi appartient ce en vertu de quoi je suis l’ayant droit au nom d’eux », P. W. PESTMAN, avec la collaboration de J. QUAEGEBEUR et R .L. VOS, 1977, n° 8. Les P. Philadelphie I-III, VII, XIII, XVI, XIX, XXIII affichent : « Ses titres sont à toi, dans tout endroit où ils se trouvent. Chaque écrit qui a été fait qui le concerne, et chaque écrit qui a été fait

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par Psenèse à Tsenor : mtw=t t p nj=f ḳnb.w n .wj nb ntj ἰw=f n.(ἰ)m=w, « À toi est la moitié de ses titres, en tout endroit où il se trouve » (7)798. D’autres actes de donation ne comportent pas cette modalité (P. Louvre E 3231a et Hauswaldt 13). L’ensemble de ces actes constitue une garantie supplémentaire, transmise à la donataire. La validité du contrat L’affirmation de la seule validité de ce document ajoute à l’ensemble des précautions et des assurances protégeant la bénéficiaire d’autres donations éventuelles sur le même bien, et la clause précise : p l ykl gbr rn yhnpq lyky spr dt wtq lhn znh spr zy nh ktbt wyhbt lk zy ynpq lyky sp l nh kt[bth], « De plus, personne d’autre ne pourra produire contre toi un nouveau ou un ancien document, mais (seulement) ce document que j’ai écrit et t’ai donné. Quiconque produirait contre toi un doc(ument), je ne l’ai pas écr[it] » (B2.7 11-12). Le contrat de Yehoyima précise également une disposition s’y rapportant, qui suit une stipulation de transfert : « De plus, ils ne pourront produire contre toi un nouveau ou un ancien document au sujet de cette maison dont les limites sont ci-dessus écrites dans ce document. (Ce document) qu’il produira est un faux. C’est ce document, que moi, Ananyah, j’ai écrit pour toi (qui) fait foi » (B3.11 1517). Ces affirmations clarifient le fait que la seule donataire est bien celle du contrat en question à ce jour. Cette clause est absente de l’acte dressé pour Tamet. La renonciation à réclamation Deux types de formules de garantie peuvent être intégrées, dont les premières impliquent cette renonciation et les secondes se rapportent aux plaintes et/ou procès. Ni les unes ni les autres ne sont systématiquement inscrites dans les formulaires araméens et/ou démotiques. Leur contenu varie en fonction de la transaction, des parties en présence et des circonstances. Dans l’acte en faveur de Yehoyima, le donateur prend la précaution de renoncer à toute révocation de cet acte moyennant un lourd dédommagement : nh nny br zryh lhn l khl mr yhbt lk brmn psrt l spr ntwtky d rn hn mr hnl mnk wb wntn lyhwym bygrn ksp krn 30 ksp rp bbny mlk’, « Moi, Ananyah, fils d’Azaryah le serviteur, je ne pour moi le concernant, sont à toi, avec les droits qu’ils confèrent », M. EL-AMIR, 1959. 798 Le P. Louvre E 7128, provenant des mêmes archives et concernant l’achat par Psenese d’un terrain voisin de celui qui lui appartient avec Tsenor, stipule : « À toi sont ses titres en tout endroit où ils se trouvent », le scribe est le même.

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pourrai pas te dire : Je te l’ai donnée par affection (comme) complément de dot sur ton contrat de mariage jusqu’à plus tard. Si je dis : “je te (le) réclame”, je serai obligé et je donnerai à Yehoyima une indemnité d’argent, 30 karshs d’argent pur à l’étalon royal » (B3.11 9-11799). Ananyah s’engage envers sa fille à ne pas revenir sur sa décision moyennant une lourde indemnité peu en rapport avec la valeur de la chose donnée, conférant ainsi à la donation un aspect effectif, immédiat et quasiment irréfragable800. La donation incomplète (B5.4) prévoit une modalité simplifiée : « De plus, je ne pourrai pas te dire : je [(te) le réclame pour le donner à d’autres] » (B5.4 3), soulignant la variété des formulations. Ananyah s’engage à honorer l’acte de donation, et cette garantie personnelle implique une compensation pécuniaire. Les contrats de Tamet et Mipayah ne comportent pas cette clause de garantie. Assurée parfois dans les conventions démotiques, cette modalité s’organise autour de la formule : « Je n’ai aucune réclamation au monde au sujet de801 ». Aussi précise-t-elle dans le P. Turin 2123 : [mn] mtw(=j) md nb p t [r] .wj t p n pj pr ntj rj n t p n ḫtm nb ntj n.ἰm = f ἰnk tj = w k.ṱ p, « Je n’ai aucune réclamation au monde au sujet de la moitié de ce terrain susmentionné et de la moitié de tout enclos qui s’y trouve, à moi en est l’autre moitié » (5). Elle peut être réduite et ne pas apporter de complément d’information, ainsi que l’atteste le P. Louvre E 3231a : mn mtw(=j) md nb p t r .wj = w, « Je n’ai aucune réclamation au monde à leur sujet » (3802). Elle peut également ne pas figurer au contrat (P. Hauswaldt 13). Par cette clause, le donateur donne sa garantie personnelle de ne pas réclamer la chose donnée renonçant à ses droits. Les clauses de renonciation à réclamation des contrats araméens font usage des deux termes hnl, « réclamer803 » et brmn, « par affection »

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La donation successorale qui a précédé cet acte en faveur de Yehoyima indique une pénalité identique de 30 karsh. 800 R. YARON, 1961, p. 87-88. 801 Inscrit sur la tranche de la stèle d’Amarah, le texte de malédictions pourvoit à cet aspect de contestation du contenu de la donation. L’expression employée, « quant à celui qui parlera de façon hostile de cela » est suivie, non d’une pénalité à verser en conséquence, mais d’une imprécation menaçante : « Amon-Rê, le roi des dieux, le poursuivra pour l’attaquer, Mout poursuivra sa femme, et Khonsou poursuivra son enfant, de sorte qu’il aura faim », A THEODORIDES, 1964, p. 65, n. 65. 802 Ainsi, par exemple, mn mtw=j md nb (n) p t ỉ.ỉr-n=t (n) rn=w, « Je n’ai aucune réclamation au monde à leur sujet contre toi en son nom » (P. Dublin 1659 6), P. W. PESTMAN, avec la collaboration de J. QUAEGEBEUR et R. L. VOS, 1977, n° 8. 803 A. E. COWLEY, 1923, traduit ce terme par « reprendre » (8, 18 ; 18, 3). E. KRAELING, 1953, propose des traductions qui diffèrent selon les contextes : « reprendre » (2, 13 ; 6, 15 ; 10, 10), « enlever » (4, 20), « recouvrer » (7, 42).

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qui, parfois, constituent un ensemble dans les mêmes contrats établis dans un cercle familial. Le premier est employé à la première personne du singulier par le donateur qui se l’interdit et le prohibe à toute autre personne. Le verbe md, « réclamer » ou l’expression : r.r r, « venir contre » sont également attestés dans les documents démotiques dotés du même objet. Pour autant, cette modalité peut être omise ou condensée. La phraséologie de la formule légale de réclamation des clauses des contrats d’léphantine s’exprime comme un interdit pour le futur, celle des contrats démotiques garantit au présent son absence et l’interdit de contrôle le confirme. La renonciation à plainte et/ou procès et pénalités En outre, des clauses de garantie afin de prévenir l’action du donateur, de ses ayants droit et des tiers sont attestées dans les actes d’léphantine. La stipulation se rapportant au renoncement à procès est mentionnée sur chaque contrat de donation et en fait connaître l’indemnité qui en serait la conséquence, ainsi dans la donation à Mipayah : « Je ne pourrai pas, moi ni mes enfants, ni un de mes descendants, ou une autre personne, intenter contre toi ni poursuite ni procès au sujet de cette maison que je t’ai donnée et au sujet de laquelle j’ai écrit ce document pour toi. Quiconque t’intenterait une plainte ou un procès, moi, ou un frère ou une sœur, proche ou éloigné, un membre du détachement ou un civil, te donnera une somme de 10 karshs » (B2.7 8-11804). Elle prend sa place après la première clause de transmission et avant celle de validité du document. La particularité de cette stipulation consiste à offrir une garantie tant personnelle que du fait des ayants droit et des tiers dans une même formule, avec dédommagement à l’appui. Ce document est le seul où apparaît une référence aux petits-enfants. Certaines singularités peuvent être observées dans l’acte dédié à Tamet : l khl nh nnyh rnky ldbrh dyn p l ykhl br ly wbrh  wh ygrnky bm byt zk whn nh grytky dyn bm byt zk nh wb wntn lky ksp krn 5 hw mh bbny mlk ksp r 2 lkr 1 wl dyn whn gbr rn ygrnk dyn yntn lky ksp krn 20, « Je ne pourrai pas, moi, Ananyah, intenter (procès) contre toi à son sujet. De plus, un fils à moi ni une fille, un frère ou une sœur ne pourront pas intenter (procès) contre toi au sujet de cette maison. Et si je t’intente un procès au nom de cette maison, je serais obligé et je te donnerais une somme de 5 karshs, qui font 5, à l’étalon royal, en argent à 2 q(uarts) pour 1 karsh, sans procès. Et si une autre personne t’intente un procès elle te donnera une somme de 20 karshs » (B3.5 12-16). ‘Ananyah donne sa Y. MUFFS, 2003, p. 42, le traduit aussi par « reprendre », tout comme P. GRELOT, 1972, p. 85, 179, 83, 238, 249 s. qui propose également « enlever » (p. 215). 804 B. PORTEN et H. Z. SZUBIN, 1987b, p. 45-67.

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garantie personnelle, celle du fait de ses ayants droit et collatéraux, et des tiers, pour lesquels la pénalité infligée est quatre fois plus élevée. La donation faite à Yehoyima renferme quelques nuances et une plus onéreuse pénalité : « De plus, ni un fils ni une fille à moi, frère ou sœur, ni un allié ni un compatriote ou un garant ne pourront (intenter un procès). Quiconque intenterait contre toi une poursuite ou un procès ou une plainte contre toi ou contre tes enfants devant un gouverneur ou un seigneur pour t’enlever cette maison de mon vivant ou à ma mort sera obligé et te donnera ou à tes enfants une indemnité d’argent de 30 karshs à l’étalon royal » (B3.11 11-14). Ananyah protège ainsi Yehoyima contre un tiers non seulement à sa mort, mais aussi de son vivant805. Une stipulation proche de cette dernière et toujours différente est assurée dans la donation incomplète, qui prévoit également une pénalité, dont le montant est perdu (B5.4 1-2. 47). Ananyah, ayant d’ores et déjà donné sa garantie personnelle, cette deuxième clause insère la garantie du fait des ayants droit et des tiers pour un montant d’autant plus protecteur qu’il est plus élevé. Ces trois modalités d’éloignement offrent des assurances systématiques contre l’action du donateur, de ses ayants droit et des tiers, et des pénalités correspondantes806, indépendantes de la valeur des transactions et d’un montant considérable807. Parfois, les contrats démotiques insèrent aussi des clauses de garantie dont le contenu peut se rapporter à la garantie personnelle du donateur contre son action, celle de ses ayants droit et des tiers. Parmi ces dernières, la formule d’éloignement peut s’associer à une clause de libération. Cette modalité, qui introduit la liste de toutes les personnes susceptibles de venir réclamer le bien en question, inclut le donateur et certains des membres de la famille pour s’élargir à toute autre personne. Son contenu, comme toutes les stipulations, est variable et peut adopter diverses formes. L’une d’elles est la suivante : p ntj ἰw=f ἰj r.r(=t) r ḏb.ṱ=s n rn(=j) n rn n rmṯ nb p t ἰw(=j ) dj.t wj=f r.r=t mtw(=j) dj.t wb=s n=t ἰ ḳnb.t [nb md] nb p t, « Quant à celui qui viendra contre toi à son sujet en mon nom ou au nom de toute (autre) personne au monde, je ferai en sorte 805

H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1987b, p. 237. Le même concept est attesté par l’emploi du verbe nl, « réclamer » dans les textes bibliques. Ainsi, Dieu réclame/dégage le bétail de Laban pour l’attribuer à Jacob (Gn 31, 9). Ce verbe est à nouveau utilisé afin de définir l’action divine en faveur de Jacob, Rachel et Léa (Gn 31, 16). Par ailleurs, l’expression : l ykhl, « ne pas pouvoir » est mentionnée dans Ex 33, 20 et divers textes du Deutéronome, à la 2e ou 3e personne du singulier (Dt 12, 17 ; 16, 5 ; 17, 15 ; 21, 16 ; 22, 3 ; 19, 29 ; 24, 4), qui est traduite par « tu ne pourras pas », en Nb (22, 18 ; 24, 13), et d’autres livres bibliques (Jg 11, 35 ; 1 R 13, 16 ; Jr 36, 5), B. PORTEN, 1993, p. 270. 807 R. YARON, 1960b, p. 268-269. 806

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qu’il s’éloigne de toi, je ferai en sorte qu’il soit exempt pour toi de tout titre et de toute réclamation au monde » (P. Turin 2123 6-7). Cette formule peut prévoir, rarement, le paiement d’une indemnité à verser par toute personne contestant la donation, ainsi : p r t r.t p sn t sn.t p rmṯ nb n p t [nt ἰw=f (r) ỉj.t r r=t ḏb.ṱ.w ἰw=f dj.t n=t ḏ 10 sttr 50 r ḏ 10 n ἰw=j m-s=f dj.t wj=f r r=]t n-ἰm=w n, « Le fils, la fille, le frère, la sœur, toute personne au monde [qui viendra contre toi à leur sujet, il te donnera 10 (debens) d’argent, équivalent à 50 statères, totalisant 10 (debens) d’argent encore. J’ai une réclamation sur lui afin de faire qu’il soit loin de toi] en ce qui les concerne encore » (P. Hauswaldt 13 2-3) 808. La phraséologie de ces formules légales varie, et certaines peuvent être omises dans les actes démotiques ou araméens. La terminologie et la forme des clauses de garantie suivent un modèle parallèle dans les actes araméens et démotiques. Ces modalités des actes araméens et démotiques, tant du fait des ayants droit du donateur que des tiers, mettent en lumière les listes plus ou moins stéréotypées et toujours différentes des parties où le genre masculin est prééminent, et s’ouvrent sur les membres les plus proches du donateur : fils, fille, frère, sœur…. Elles sont complétées par l’ajout d’une expression générale, gbr rnn « une autre personne » et : p rmṯ nb p t, « toute personne au monde ». D’autres adjonctions peuvent compléter la liste des héritiers ayants droit et celle des tiers qui incluent les garants, partenaires et parfois les représentants. En dépit de ces redondances, le fond reste identique. À la suite de la liste assez développée, l’essentiel de la proposition contre l’action des tiers est contenu dans l’expression « Je ne pourrai pas intenter procès au sujet de » et « celui qui viendra contre toi au sujet de » dont le sens est identique. La formulation araméenne exprime l’interdiction, puis évoque la conséquence de son non-respect, l’engagement du donateur et la pénalité systématique qui s’ensuit exprimée par la formule : « il te donnera », et l’expression démotique omet l’interdiction sous-entendue et affirme ses conséquences, qu’il s’agisse d’une pénalité exprimée par la formule « il te donnera », et/ou de l’engagement du donateur face à l’action des tiers. Le paiement d’une pénalité peut être prévu dans les deux sortes de contrats araméens. Assurée dans les deux sortes de protocoles, la modalité d’éloignement/retrait adopte la forme suivante légale de retrait : « J’y ai 808

Le texte de cette clause et de la liste varie, par exemple : « Le fils, petit-fils, frère, sœur ou cousin, qui viendra contre toi au sujet de cette maison, il te donnera 15 debens d’argent en métal des pièces du trésor de Ptah à l’étalon royal, aux sacrifices royaux, et tu pourras lui réclamer qu’il fasse selon chaque mot (employé) ci-dessus » (P. Rylands 17 5).

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renoncé » avec l’emploi du verbe rq, dans les écrits araméens, et fait pendant au verbe wj, « s’éloigner » des conventions démotiques. En dépit des nuances de différences, elles soulignent qu’il incombe au père et/ou au mari la responsabilité de repousser toute personne qui viendrait réclamer le bien, et non à la donataire, afin de la mettre à l’abri. Pour autant, le retrait des actes araméens concerne l’objet/bien/propriété, celui des contrats démotiques se rapporte à la personne au regard de l’objet809. L’adoption, la traduction et l’ajustement des formules légales par les scribes d’léphantine ne sont en aucun cas mécaniques et expliquent cette différence. Pour autant, l’inclusion de cette formule dans les actes araméens d’gypte est probablement liée à l’influence égyptienne sur les formulaires araméens. En effet, l’emploi de cette formule dans les écrits égyptiens, assuré dès la première Période intermédiaire, et dans les contrats dès 586 avec le P. Rylands 4, précède de plus d’un siècle son usage dans les conventions araméennes d’léphantine. La clause de réclamation peut avoir été omise. Celle de renonciation à plainte et/ou procès n’est pas non plus systématique. Pour autant, l’une des deux est toujours assurée et parfois les deux, afin d’offrir des garanties à la donataire810.

809

A. F. BOTTA, 2009, p. 186-190. B. MENU, 1988, p. 178-181, propose une typologie des clauses de garanties dans les actes de vente que l’on retrouve dans les autres formulaires. Les garanties personnelles livrent trois formules : l’une de compensation pécuniaire (P. Vatican 10574 = 2038c de 726), une promesse sous serment de ne pas renier le document (P. Louvre E 3228d de 688 ; P. Rylands 1 et 2 de 644), et une formule d’engagement sous serment par laquelle le cédant renonce à ses droits sur la chose (P. Louvre E 3168 de 675 ; E 7128 de 510 ; E 9294 de 491 env.). Les garanties du fait des ayants droit sont également au nombre de trois : l’une avec serment (P. Turin 2118 de 635 env.), une autre sans (P. Rylands 1 de 644), et une formule absorbée par la clause de transfert de propriété (P. British Museum 10117 de 542 env.). Les modalités de garantie contre l’action des tiers sont plus nombreuses. Elles peuvent inclure : une formule compensatoire, la plus ancienne où le cédant n’engage pas sa responsabilité personnelle (P. Rylands 2), une formule de libération seule (P. Lille 26 de 393-380 ; 27 de 341-338), ou associée à une clause de dédommagement (P. Vatican 10574 = 2038c de 726 env.) ; une formule d’éloignement seule (P. Loeb 43, l’an II de Psammétique III), associée à une clause de dédommagement (P. Berlin 13571 de 591 env. ; P. Turin 2122 de 517 env.), ou à une modalité de libération (P. British Museum 10117 de 542 ; P. Turin 2123 de 512), associée à une clause de dédommagement et de libération (P. Vienne 10151 de 501), et enfin renforcée par une clause de contrainte (P. Louvre E 9294 de 491).

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Le scribe et le lieu, témoins, endos Les contrats de donation peuvent comporter des clauses particulières en fonction des besoins des contractants, ainsi le contrat de Tamet prévoit-il les questions de succession, mais tous mentionnent le nom du scribe, parfois le lieu et celui du donneur d’ordre : « Nathan, fils d’Ananyah, a écrit ce document sur l’instruction de Maseyah » (B2.7 17) ; « Mauzyah, fils de Nathan, a écrit sur l’instruction d’Ananyah le serviteur » (B3.5 22-23) ; ktb gy br myh spr znh byb kpm nny br zryh ln zy yhw lh, « Ḥaggai, fils de Shemayah, a écrit ce document à léphantine sur l’instruction d’Ananyah fils d’Azaryah, le serviteur de YHW le dieu » (B3.11 17). La liste des témoins suit cette clause, dont le nombre s’élève à quatre dans le contrat de donation à Tamet (B3.5 23-24), à sept pour celle de Mipayah (B2.7 17-20) et à neuf pour Yehoyima (B3.11 1820). Ces conventions portent une étiquette à leur verso, qui précise leur contenu, le nom du donateur et de la donataire, et parfois leur lien familial : spr by zy ktb nny br zryh lyh[w]ym brth, « Document d’une maison qu’Ananyah, fils d’Azaryah, a écrit pour Jeh[o]yîma sa fille » (B3.11 21). Le nom du scribe clôt les documents égyptiens. La formule précise son identité : (m) s Ip s ỉt-ntr Mnṱ-nb-Ws Ḏd-r, « (certifié) par l’écriture d’Ip, fils du père divin de Montou, seigneur de Thèbes Djedor » (P. Turin 2123 7). Dans ce dernier document, la liste des témoins s’élève à huit, et l’un d’eux, neveu de la donataire et fils de son frère, figure en qualité de premier témoin : Padi, fils d’Iretourourou, fils de Nesmin. La donation à Rourou, outre la formule précisant le nom du scribe, met en évidence une souscription par une deuxième main, celle du donateur (4). Sept témoins sont présents à l’acte, dont le premier est peut-être le frère du scribe et le cinquième est le frère du sixième (P. Louvre E 3231 a). Leur liste peut atteindre le nombre de treize et est inscrite au dos du document (P. Hauswaldt 13). Peu de contrats démotiques de donation entre vifs, où la donataire est la fille ou l’épouse du donateur, de la période perse sont préservés, aussi a-t-il paru indispensable de considérer et d’élargir la comparaison des donations d’léphantine à celles de la période ptolémaïque. En outre, les contrats ne sont pas nécessaires pour concrétiser une donation (A6.11). L’emploi, pour le transfert de la chose, de l’expression « je t’ai donné » dans les dispositions des donations égyptiennes répond à la même formule « je t’ai donné » des contrats araméens d’léphantine. Ce verbe réunit deux réalités, dont l’une se rapporte à l’aspect social du don et dont l’autre est dotée d’une valeur juridique. L’affirmation s’effectue à la

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première personne du singulier par le donateur qui s’adresse dans un monologue à la donataire, au passé. Les stipulations de transmission des textes démotiques et araméens comportent les expressions « c’est à toi » et « tu (y) as droit/autorité/contrôle sur ». Elles sont au présent. La multiplication des clauses de transfert, de transmission et de retrait, est caractéristique du style des scribes araméens, qui ornent ces termes de nouveaux détails. L’ensemble de ces formules renferme un caractère légal. Les contrats démotiques peuvent également mentionner une intention, telle l’application des rites funéraires. Conventions araméennes et démotiques décrivent le bien et ses limites. Sa transmission peut donner lieu à des formulations distinctes. Le choix d’un héritier préféré dans l’espace familial se traduit par l’emploi en araméen du verbe rm et en égyptien mr, qui signifient « aimer/préférer ». Les actes araméens emploient parfois dans un même document la formule « je t’ai donné par affection », qui exprime le motif de la donation, et cette autre : « tu peux la donner à qui tu aimes », dans la clause de transfert, limitant la transmission du patrimoine familial. Lorsque le transfert du bien ne s’effectue pas dans le cercle familial et que les droits d’aliénation ne sont pas limités, le verbe by, « désirer » trouve sa place. Parfois, les deux figurent dans un même document, limitant dans un premier temps le droit à disposition qui implique un choix parmi les héritiers, puis l’étend à toute personne, y compris hors du cercle familial. L’usage du verbe « réclamer » dans la clause de non-révocation trouve son parallèle dans les actes démotiques avec l’expression « aucune réclamation ». La formule araméenne « intenter procès » exprime une notion équivalente à l’expression « venir contre/se lever » des actes démotiques, qui évoque le fait d’apparaître comme adversaire dans un litige, une contestation. L’expression « ne pas pouvoir » introduit la clause de renonciation à plainte et/ou procès des contrats araméens, qui est absente des contrats démotiques. La comparaison des clauses met en lumière de nombreuses similarités, tant pour le fond que pour la forme et l’ordre adopté. Contrats araméens et démotiques enregistrent en premier lieu la date à laquelle ils ont été établis, et l’identité des parties au style objectif. Le plus souvent, les premiers comportent la date en fonction du comput babylonien et égyptien. Puis, la partie opératoire des actes araméens, démotiques, mentionne, après la description du bien, l’opération de transfert et de transmission effectuée au style subjectif, avec l’emploi par le donataire de la première personne du singulier, qui rapporte les différents éléments d’information nécessaires au transfert et à la transmission du bien. Les contrats d’léphantine diffèrent pour ce qui concerne la forme de cette disposition. En effet, réitérée tant pour des raisons de forme que de fond, elle transmet, lors de chacune de ses

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répétitions, de nouvelles précisions qui s’enroulent autour du verbe « donner » et lui confèrent une dimension singulière. Le plus souvent, son motif reste l’affection, qui signe l’alliance familiale et clôt et protège cet espace dont l’inaliénabilité est le garant. Sa multiplication adopte une valeur symbolique puissante également, qui souligne la générosité du donateur et, la mise en place de la répartition de son patrimoine. Les termes légaux « donner », « avoir droit », « c’est à toi » confirment que la donation effectuée en faveur des épouses et/ou des filles des donateurs est le signe d’un lien privilégié et d’un fait social. En outre, les actes démotiques peuvent présenter une formule qui interdit à quiconque d’exercer le moindre contrôle sur le bien transmis, tandis que les actes araméens donnent à la donataire contrôle sur le bien. Ces modalités sont parallèles et les suites en sont identiques, qui transmettent l’autorité et les droits sur le bien. Les clauses annexes de garantie sont mentionnées dans les deux sortes de contrats. La renonciation à réclamation par le donateur, moyennant le paiement d’une indemnité, des contrats araméens est parallèle à la clause des contrats démotiques, d’où la pénalité est le plus souvent absente. Outre cette garantie personnelle, ces conventions peuvent prévoir une garantie du fait des ayants droit, et les contrats araméens peuvent cumuler une même garantie du fait de ces derniers et des tiers avec pénalité. Les documents démotiques peuvent aussi renfermer une stipulation en garantie contre l’action des tiers qui comportent la formule d’éloignement. Ceux-ci, soulignent en outre, le droit pour quiconque possédant un titre sur le bien en question, en dépit d’une contestation par un tiers, de le recevoir complet et intact811. Les motifs de transmission et d’inaliénabilité sont assurés dans la plupart des contrats araméens et certains actes démotiques. D’autres dispositions sont intégrées aux contrats, qui sont fonction des besoins des contractants, ainsi la clause de succession du contrat de donation à Tamet, l’origine du bien, le transfert du contrat précédent. Les stipulations finales sont communes, qui comprennent les mêmes indications que sont les noms du scribe et des témoins. Celui du donneur d’ordre figure, seul, dans les contrats d’léphantine. En dépit de quelques variations et nuances, ajouts, précisions et/ou retraits, les analogies structurelles et de phraséologie sont nombreuses, de même pour ce qui concerne le fond de ces actes. Quand bien même les scribes d’léphantine parviennent en gypte munis d’un solide fonds légal, ils doivent produire des formulaires valides dans le contexte légal égyptien, aussi ont-ils emprunté aux scribes égyptiens leurs traditions, leurs formulaires et terminologie, transformant leurs traditions. Et la législation 811

P. W. PESTMAN ET S. P. VLEEMING, 1994, p. 208 ; S. P. VLEEMING, 1991, p. 91, n. vv.

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enregistrée dans la Chronique Démotique met en évidence la traduction des formules démotiques en araméen812. Les fonctions de la donation entre vifs s’expriment diversement. Elle peut avoir pour objet d’apurer une dette et jouer un rôle d’échange, s’accorder à une répartition de ses biens par le donateur, et protéger et doter une épouse au statut d’esclave. Les actes égyptiens permettent une répartition de leurs biens du vivant des donateurs, avec parfois, en contrepartie, une exigence particulière, telle l’obligation de soin envers celui-ci par le donataire (P. Kahun VII 1), ou l’application des rites funéraires. Si, parfois, ces donations impliquent une contre-prestation clairement définie dans l’acte et spécifique aux parties, quelquefois, elles n’en supposent pas. Cette institution permet ainsi d’accorder aux femmes d’léphantine et égyptiennes une part des biens de leur mari ou père, dont elles pourraient être lésées. En effet, les Judéennes d’léphantine et les femmes égyptiennes n’héritent pas des biens de leur mari destinés aux enfants ; aussi une donation faite à une épouse leur permet-elle d’échapper à cette règle, d’adjoindre à leur patrimoine le ou les biens mentionnés dans l’acte et ne pas les laisser dans la gêne. En contrepartie, dans l’espace de leur relation au donateur et comme signe de l’alliance familiale, les premières s’engagent, presque sans exception, à conserver ce bien dans le patrimoine de famille. Ces documents inscrivent une limite aux droits de propriété transmis, qui incluent le plus souvent l’obligation de transmettre le bien offert aux enfants et héritiers de la donataire, qui peut « préférer » l’un d’entre eux. Le droit de propriété peut ainsi être amputé et ne pas disposer de l’abusus, et contrats démotiques et araméens renferment cette même règle. L’ensemble de ces donations mettent en lumière une particularité du droit égyptien adopté par les Judéens d’léphantine, qui admet qu’un bien transmis à un donataire peut être grevé d’un droit d’inaliénabilité, et ce afin de demeurer dans le patrimoine familial de la donataire. Leurs dispositions déterminent la ligne successorale et le devenir du bien, afin de le protéger et d’empêcher son démembrement. Les femmes peuvent donc être propriétaires de biens immobiliers, acquis par le moyen de la donation, qu’elles conservent personnellement dans le mariage et éventuellement après. Les esclaves peuvent aussi être propriétaires de terres tout comme d’autres citoyennes.

812

A. F. BOTTA, 2009, p. 203.

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USUFRUIT, DROIT D’USAGE Cet usage est connu tant chez les gyptiens que chez les Judéens d’léphantine. Seuls deux contrats d’usufruit en proviennent, l’un des archives de Mip, l’autre de celles d’Ananyah, le premier en faveur de son mari (B2.4), le second, de sa fille (B3.7). Ils sont établis à l’occasion de l’union de chacune des deux jeunes femmes. Leur père attribue des biens à chacune en fonction de ses moyens et de ses choix. Le père de Mip, Maseyah, après avoir accordé à sa fille la donation testamentaire d’une maison en octroie l’usufruit à son gendre, afin de l’astreindre à y procéder à des travaux et à l’entretenir, évitant ainsi à sa fille la lourdeur de ces obligations, contrepartie à son droit d’usufruit. Ananyah procède autrement, qui offre l’usufruit à sa fille d’une partie de la seule maison qu’il possède. Par cet acte juridique, le gendre de Maseyah et la fille d’‘Ananyah se voient conférer un droit d’usage, alors que le droit de disposition est conservé par les donateurs Maseyah et ‘Ananyah. Parfois, ce droit est connu par quelques stipulations mentionnées dans des conventions dont l’objet principal diffère, en particulier les contrats de mariage, et qui transmettent ce droit. Ainsi, la mise à disposition d’une maison en faveur de l’épouse du contractant, en dépit de leur séparation, est prévue tant dans les contrats araméens que démotiques. Ce démembrement du droit de propriété inscrit une limite aux prérogatives transmises. Ces documents précisent, comme à l’habitude, la date de leur établissement, le lieu et l’identité des contractants, exprimés au style objectif. Puis, la partie opératoire de l’acte retrouve le style subjectif avec le transfert et la transmission de la chose, puis les clauses de garantie, qui redevient objectif avec les dernières dispositions concernant le scribe et les témoins. Les donateurs et donataires, motif et origine du bien Yehoyima et son frère Peletyah/Pilti bénéficient de l’usufruit d’une partie de la maison de leur père813 (B3.7). Dans l’exposition des 813

La donation divine d’usufruit de Nb 18, 8-19 répond au modèle du contrat dont la structure est proche des contrats araméens d’léphantine, qui expose ses motifs, liés à la mission assignée à Aaron, ses fils et la famille de son père (18, 1-7). Et la dîme accordée aux Lévites l’est : lp bdtm r hm bdym, « en échange de leur service

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parties, Ananyah, fils d’Azaryah, est présenté comme suit : mr nh nny br zryh ln zy yhw lh, « Moi, Ananyah, un serviteur de YHW, le Dieu, dis », seul exemple d’affirmation à la première personne, tandis que Yehoyima, qui porte toujours l’indication de son statut d’esclave, mh, « de son nom814 », est désignée comme : bry, « mon enfant » (B3.7 2-3815). Certains contrats démotiques renferment aussi ce détail : pj=j r, « mon fils » (P. Chicago Hawara 4816). Puis, le texte précise l’identité de Tamet : mh tm[t] ntty, « sa mère (étant) Tam[et] mon épouse ». Ananyah précise systématiquement son lien de famille tant avec sa fille qu’avec sa femme. Ce document prend effet à la date indiquée sur le document. Il rappelle l’usufruit, dont bénéficie le frère de la donataire Peletyah/Pilti (B3.7 11-12), mais concerne essentiellement le droit transmis à Yehoyima d’utiliser la partie de la maison décrite dans ce document. Peletyah/Pilti s’est probablement trouvé en possession d’un document identique qui a disparu. Ce contrat est établi le 11 juillet 420, le 8 pharmouthi soit le 8 tammouz, l’an 3 de Darius, à léphantine, à l’occasion de l’union de la jeune fille connue par l’établissement de son contrat de mariage le 2-30 octobre 420817. Ananyah rétablit une sorte d’équilibre entre ses deux enfants dans la mesure où il a d’ores et déjà concédé à son fils un droit d’usufruit. Le motif de cet acte précisé en cours de contrat est identique à celui attesté dans la donation entre vifs faite à Tamet (B3.5 4. 12) : « par affection » (B3.7 14), terme usuel assuré dans d’autres documents (B3.11 9). Datant du 21 kislev c’est-à-dire le 21 mesore, l’an 6 d’Artaxerxès, le 1er déc. 459, le contrat d’usufruit en provenance d’léphantine, est conclu le même jour que la donation de la nue-propriété de la maison à Mip (B2.4 2). Il est dressé en faveur de Yezanyah fils d’Uryah et époux de Mip, par Maseyah, qualifié de « Judéen d’léphantine ». La présentation des parties au contrat signale leur appartenance au régiment d’Haumadata. Cette convention est arrangée lors de l’alliance entre Mip et Yezanyah. L’objet du contrat est décrit de la sorte : « Il y a le terrain d’une maison qui m’appartient, à l’ouest de ta maison, que j’ai dont ils sont chargés » (Nb 18, 21). L’origine de ces usufruits provient du don du sacerdoce et de sa rémunération (Nb 18, 1-7). 814 L’écriture « de son nom » est défectueuse : yhym, pleine aux lignes 8 et 18 et restaurée aux lignes 11, 12, 16, H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1988, p. 33. 815 Le scribe aurait commis une erreur et aurait écrit : bry, « mon enfant », au lieu de brty, « ma fille », H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1988, p. 33. 816 G. R. HUGHES, R. JASNOW et J. G. KEENAN, 1997. Deux autres exemples sont attestés dans P. British Museum 10827 p. 48-50 et 10728 p. 89-92, C. A. R. ANDREWS, 1990. 817 La double date commence avec l’indication du mois égyptien précédant le mois babylonien selon le modèle du scribe Bunni b. Mannuki, H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1988, p. 31.

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donnée à Mipayah, ma fille, ta femme, et un document que j’ai écrit pour elle à son propos » (B2.4 3-4). Ainsi, pendant leur union, Mipayah bénéficie d’une donation testamentaire sur la maison, et ses droits de transmission sont limités à ses enfants, tandis que Yezanyah bénéficie d’une donation de « droits de construction818 » et de son usage. Les conventions matrimoniales d’léphantine peuvent organiser un droit d’usufruit en faveur de l’un des époux, dans certaines circonstances. La modalité correspondante est inscrite après deux clauses du contrat de mariage dont le contenu diffère, celle du divorce et celle de succession dans le contrat de Mipayah (B2.6 29-31), et la seconde dans celui de Yehoyima (B3.8 30-31). La modalité d’un troisième formulaire, en mauvais état, stipule ce même droit et ses conséquences financières (B6.3 912). Dans celui de Tamet et d’Ananyah, les modalités prévoyant la disparition du conjoint transmettent le droit sur tous les biens de l’autre, ce qui sous-entend qu’ils ont, l’un comme l’autre, ce même droit d’usage sur la maison, en cas de décès (B3.3 11. 12-13). L’épouse, autorisée à rester dans la maison de son mari, est protégée des tiers grâce à une sévère clause de garantie et de pénalité frappant d’une lourde charge quiconque le remettrait en cause, excepté dans l’exemple précédent. En outre, le complément de dot ou donation entre vifs dont bénéficie Yehoyima transmet un droit d’usufruit à son mari Ananyah (B3.11) 819. Cette information est transmise par l’acte de vente de leur maison par son père et sa mère en 402. Ananyah s’adressant à son gendre lui confirme : byth zy yhbt lk psrt, « la maison que je t’ai donnée (comme) un cadeau complémentaire » (B3.12 9), la suite est arasée, puis réécrite plus loin : bytk nt nny br gy zy yhbn lyhwym brtn psrt l spr ntwth, « ta maison, toi, Ananyah fils de Ḥaggai, que nous avons donnée à Yehoyima notre fille (comme) un cadeau complémentaire à son contrat de mariage » (B3.12 17-18). Tandis que Yehoyima est dotée du titre sur sa maison, le droit d’usufruit est conféré à Ananyah. Toute partie pourrait affirmer que cette clause n’est plus valide en cas de divorce820. Attesté de longue date en gypte, l’usufruit bénéficie tout autant aux femmes qu’aux hommes821. Il adopte des formes diverses et de multiples 818

H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1983, p. 41. H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1987b, p. 234. 820 Ibid., p. 237. 821 Un autre exemple d’usufruit figure dans le P. Berlin 9010, qui évoquerait l’administration des biens d’un personnage disparu du nom d’Ouser, au profit de sa femme et de ses enfants. Légataire de son mari, celle-ci, devenue veuve, a, pour sa part, transmis à son fils ce qu’il a fait acquérir à sa famille en gérant le patrimoine. Sebekhotep serait ỉw, « héritier » et le document qu’il produit le confirmerait, ce qui 819

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documents, dont une lettre adressée au satrape Arsamès822, confirment ce droit dont les spécificités varient en fonction des besoins pour lesquels ils ont été établis. Ainsi, la donation successorale dressée par le prêtre Ouakh en faveur de son épouse Satshefout et qui figure dans le P. Kahun I 1 du XIXe siècle, prévoit un droit d’usage823. Parmi les contrats d’usufruit, le testament de Senimosé, précepteur du prince Ouadjmosé, est connu par une stèle en mauvais état du XVe siècle, qui transmet par ce moyen un usufruit sur tous ses biens à son épouse. L’acte, après avoir été cassé trois fois, rétablit dans sa quatrième version la première, qui donne l’intégralité du patrimoine du personnage en usufruit à sa seconde épouse824. Par ailleurs, une convention matrimoniale avec douaire de la période ptolémaïque, le P. Berlin 13593 7-8, transmet un droit d’usufruit à l’épouse dans des circonstances particulières.

explique qu’il administre déjà les biens d’Ouser. Il s’appuie sur le testament en litige afin d’acquérir les biens qu’il ne possède pas. S’il échoue dans la procédure, ces biens seront transmis à Tchaou, qui conteste la réalité du testament invoqué par Sebekhotep. Selon K. SETHE, 1926, Tchaou, le frère aîné, conteste l’existence du testament. Dans H. GOEDICKE, 1974, p. 92-93, Tchaou conteste le contenu du document, car Seberkhotep prétendrait avoir un droit de disposition complet, tandis que, selon Tchaou, il ne s’agirait que d’un droit d’usufruit. Et, si le fils aîné Tchaou, peut-être issu d’un premier mariage, a probablement hérité de la fonction de son père et de son titre de noblesse, il n’est pas certain que, dans cette procédure, il obtienne une part des biens paternels, A. THEODORIDES, 1967, p. 60-62. Il pourrait en être usufruitier, à moins que le testament établi par son père en faveur d’un tiers ne l’en écarte. Mais, si Sebekhotep produit les trois témoins qui doivent faire foi, il sera considéré comme usufruitier : « et alors que ce Sebekhotep serait un usufruitier » (9). Et s’il le reste, il se devra d’administrer « tous les biens » du père, avec l’obligation de « satisfaire » les enfants. En outre, l’usufruit limité dans le temps s’éteindra lorsque les deux enfants seront adultes. 822 Un courrier adressé à Artavant mentionne une donation faite à un personnage du nom d’Aapi et son devenir par le satrape Arsamès qui s’est absenté d’gypte et le souverain (A6.4). Dans cette missive (fin du Ve siècle), Arsamès, après les salutations d’usage, rappelle à Artavant la donation faite à Aapi, son serviteur et fonctionnaire dans ses domaines de Haute- et Basse gypte (1-2). Son fils, Psamshek, qui a pris la suite de son père pour le compte d’Arsamès, semble avoir déposé une requête afin de bénéficier de cette même donation, B. PORTEN, 1987a, p. 39-48. 823 F. L. I. GRIFFITH, 1898, p. 31-35 ; A. THEODORIDES, 1960, p. 55-145 et 1961, p. 45-46. 824 A. THEODORIDES, 1970, p. 149, n. 115. Stèle Caire 27815 ; K. SETHE, 1984, n. 1065-1070 ; A. THEODORIDES, 1960, p. 95, n. 200, et 1967, p. 62-63.

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L’objet, description, mesures et limites des biens ‘Ananyah offre à sa fille l’usufruit d’une by, « maison » et, de fait, ce terme s’applique dans ce document à une pièce ou à son équivalent (B3.7 3). Une description suit cette indication, qui la définit comme bnh, « construite » (B3.7 3) et :  gwrn, « comportant des poutres » (B3.7 4825). La suite du texte fixe ses dimensions : « Sa [longueur], est de sept c’est-àdire de trois [plus quatre] (= sept) coudées à la verge d’arpentage, [par six et demi la cour], ils l’appellent (en égyptien) le yt, et la moitié de l’escalier » (B3.7 4-5826). Les limites de la part de Yehoyima suivent sa description : lh t[wm]y byt [z]k tt l[h] byt nny br zryh[ …] bynyhm [l]y lh wr mlk mrb [lh byt tybr dbq l]h mdn m lh byt wr bd zy [nwm lh, « Voici les limites de ce[tte] maison : en dessous d’el[le] la maison de Ananyah, fils de Azaryah, […] entre elles, au-[de]ssus d’elle le Trésor [magasin] du roi, à l’ouest [par rapport à elle la maison de Shatibara la jouxte], à l’est par rapport à elle la maison de or, un serviteur de Kh[noum le dieu] » (B3.7 58). Leur liste s’ouvre sur la maison d’Ananyah toujours titré, propriétaire et donateur, premier voisin et partie au contrat827. Outre la première place accordée au donateur, le choix des autres limites s’effectue à la libre convenance du scribe dont le nom manque828. Celles du contrat de Yezanyah

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Décrit dans le détail, le contenu de l’usufruit offert à Aaron et ses fils fait l’objet de diverses clauses qui se multiplient. Leur liste le précise : « toutes les offrandes, soit oblations, soit expiatoires ou délictifs » (Nb 18, 9), « tout le meilleur de l’huile, tout le meilleur du vin et du blé, les prémices » (Nb 18, 12), « tous les premiers produits de la terre » (Nb 18, 13), « toute chose interdite » (Nb 18, 14), « tout premier fruit des entrailles de toute créature » (Nb 18, 15). 826 Le plus souvent, les contrats démotiques transmettant des biens immobiliers précisent le quartier dans lequel est situé le bien objet de la transaction, tandis que cet élément est absent des contrats d’léphantine (P. Rylands 11, 14, 15, 17). Les métrages sont également mentionnés dans certains contrats démotiques (P. Hawara 4), mais pas systématiquement (P. Rylands 11, 14, 17), en outre, dans les P. Rylands 11, 17, les limites vont du sud au nord et de l’ouest à l’est, et dans les P. Rylands 12, 14, 15, après le sud et le nord, elles indiquent l’est puis l’ouest, F. L. I. GRIFFITH, 1909. De même pour les P. Philadelphie I-X, XII, XVI-XVII, XIX, XXII-XXIV, XXVI, M. EL-AMIR, 1959. D’autres choix sont assurés, et les P. Chicago Hawara 5 et Rendell optent pour l’ordre suivant : sud, nord, ouest et est, G. R. HUGHES, R. JASNOW, et J. G. KEENAN, 1997. Le P. Hawara 4 ne transmet pas cette information, ni celle les propriétaires des maisons adjacentes, G. R. HUGHES, R. JASNOW, et J. G. KEENAN, 1997. 827 B. PORTEN, 2000b, p. 856. 828 L’orientation du bien décrit dans cet acte est semblable à celle des contrats établis par le scribe Mauzyah, pour lequel le quartier égyptien se situe à l’est, et non celle

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ne sont pas précisées, puisqu’elles le sont dans la donation successorale à Mipayah (B2.4). L’objet de l’usufruit offert à Yedanyah est particulièrement développé : « Là il y a (la) terre d’une maison à moi, à l’ouest de ta maison, que j’ai donnée à Mipayah, ma fille, ta femme, et un document que j’ai écrit pour elle la concernant » (B2.4 3-4). Le métrage de cette maison est de 13 coudées et 1 palme sur 11 à la verge d’arpentage (B2.4 3-5). Ces éléments restent la seule information reproduite dans ce contrat, puisque les limites sont précisées dans le même temps dans la donation à Mipayah. Les documents égyptiens se rapportent à la mise à disposition de maisons, sans guère plus de précisions (P. Kahun I 1 ; P. Berlin 13593). Le transfert et la transmission, retrait et inaliénabilité Multipliée quatre fois dans le contrat préparé par ‘Ananyah, la clause de transfert adopte, chaque fois, une forme différente829. La première est introduite par le verbe : lmr, « disant » (B3.7 3), qui suit l’énonciation des parties : nh nny y[hb]t lky by, « Moi, ‘Ananayah, je t’ai d[onn]é une maison » (B3.7 3), la deuxième diffère à peine : [nh yhbth lk]y, « [Je te l’ai donn]ée » (B3.7 8), la troisième clause de transfert précise : nh nny [yh]bt lky byt znh wplg tyt wplg drg[, « Moi, ‘Ananyah, je t’ai [don]né cette maison et la moitié de la cour et la moitié de l’esca[lier » (B3.7 12-13). Elle ne manque pas de rappeler que Peletyah/Pilti bénéficie de certains droits d’usufruit également, qui semblent se rapporter à la moitié de la cour de Ḥaggai, pour lequel il est toujours au sud, H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1988, p. 30-31. 829 Modalités de transfert et de transmission figurent en Nb 18, se multiplient et encerclent le verbe donner. Ainsi, la première clause : lkl qdy bny yrl lk nttym lmh wlbnyk lq wlm, « Toutes les choses saintes des enfants d’Isral, je les donne à toi et à tes fils comme une part, un dû pour toujours » (Nb 18, 8), met également en lumière l’inaliénabilité de la donation. Le verset suivant joue le rôle de la modalité de transmission, avec la formule : zh yhyh lk, « ce sera à toi » suivie de l’énumération des sacrifices (Nb 18, 9). La première partie du verset 11 est encore une clause de transmission : « ce qui est à toi » et la seconde à nouveau une modalité de transfert : « Je te les donne ainsi qu’à tes fils et filles comme un dû pour toujours », laquelle se répète au verset 12 : « je te les donne », suivie de la description des biens offerts. Le verset 13, stipulation de transmission, réaffirme le contenu de la donation en des termes différents : « seront à toi ». Elle figure dans le verset 14 : « seront à toi », puis dans les versets 15 et 18. Une annonce à peine différente se répète dans un autre verset (18, 19) : « Tous les dons sacrés que les Israélites mettent de côté en l’honneur de Dieu, je te les donne, à toi, à tes fils…, comme un dû pour toujours. C’est une alliance de sel, éternelle… pour toi et pour tes descendants. »

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partagée entre eux. L’escalier paraît distribué entre Ananyah, sa fille et son fils830. La dernière stipulation de transfert diffère encore : nh nny yhbt lk bty lh brmh, « Moi, ‘Ananyah, je t’ai donné ces maisons par affection » (B3.7 14). L’expression plurielle « maisons » évoque, dans ce cas particulier, une pièce, la moitié de la cour et l’escalier831. Cette formulation est également assurée dans des contrats égyptiens, et le P. Kahun I, 1 13 en livre un exemple, qui utilise le terme « les pièces », « les chambres » et dépeint une maisonnette832. Une première disposition de transmission affirme : nt yhwym brty ly bbyt znh, « Toi, Yehoyima, ma fille, tu as droit à (cette) maiso[n » (B3.7 9), puis ajoute : « dont] les limites sont écrites dans [ce] document, dessous et d[es]sus. Et t[u] as le droit [de] monter et descendre par c[et] escalier (de) ma [m]aison. Et [cette] cour [qui est] en[t]re eux, le bas et cel[ui au-]dessus, entre Peletiah mon fils et [Yehoyi]ma ma fille, [la moitié] pour Pelet[ia]h et la moitié pour [Ye]h[oyima » (B3.7 8-12). L’expression mn tt wmn ]l , « de dessous et de d[es]sus » (B3.7 9833) se rapporte au droit d’usage portant sur une partie du toit et du sol, qui est également mentionnée dans divers contrats démotiques sous la forme : rj rj, « dessous et dessus » (P. Hawara 5, 7, 9 ; P. Rendell834). En outre, la maison assignée à Yehoyima n’a pas d’escalier spécifique, aussi Ananyah doit-il lui assurer l’autorisation d’utiliser celui qu’il a construit ou prolongé. Se préoccupant des intérêts de ses deux enfants, il partage également la cour entre eux835. La seconde modalité de transmission l’accompagne : « [Et] tu [as] le [droit] de monter en haut et de descendre et de sortir dehors » (B3.7 13-14). Certains actes démotiques partagent des formules proches : « Tu peux monter et descendre -rj rj- (du) toit par l’escalier desdits endroits et tu peux entrer et sortir de la cour (par) la porte principale et les portes de sortie desdits endroits » (P. Rendell 10836). L’acte s’éteint à la disparition de Yehoyima, l’absence de la formule : wbnyk ryk, « et tes fils après toi » en témoigne. Ananyah 830

B. PORTEN, 1988, p. 41. Ibid., p. 37. 832 A. THEODORIDES, 1967, p. 35. Le P. Hawara 4 utilise le terme : .wj.w, « maisons », G. R. HUGHES, R. JASNOW et J. G. KEENAN 1997. S. P. VLEEMING, 1991, p. 36-37. 833 Cette expression est attestée dans le contrat de vente de leur maison par Ananyah et Tamet (B3.12 6-8). 834 G. R. HUGHES, R. JASNOW et J. G. KEENAN, 1997. H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1988, p. 41. Cette formule figure également dans le P. Rylands 17, F. L. I. GRIFFITH, 1909. 835 H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1988, p. 40. 836 G. R. HUGHES, R. JASNOW et J. G. KEENAN, 1997. 831

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n’accorde pas à sa fille le droit de dévolution et d’aliénation, mais lui concède un droit d’usage réduit à son strict minimum. La répétition, selon le modèle des scribes d’léphantine, des verbes yhb, « donner » dans les clauses de transfert et ly, « avoir droit » dans celles de transmission ouvre la voie à des précisions différentes et complémentaires, qui décrivent le bien offert et exposent ici son droit d’usage. Le second terme introduit le droit dont bénéficie Yehoyima, sans définir sa nature. Ces dispositions divergent dans le contrat d’usufruit dressé à l’attention de Yezanyah pour sa durée de vie. Le principe de transmission dans un cercle familial limité y est clairement inscrit, lui interdisant de vendre la maison ou de la donner par affection à d’autres qu’aux enfants qu’il aura avec Mipayah : lhn byt znk l nt lzbnh wlmntn rmt lrnn lhn bnyk mn mbyh brty hmw n bh rykm hn, « Mais cette maison tu n’as pas le droit de la vendre ou de la donner affectueusement à d’autres, mais ce sont tes enfants de Mipayah, ma fille, qui y auront droit après vous » (B2.4 6-8). L’introduction de cette stipulation par lhn, « mais » renforce encore la restriction837. La seconde suit la clause du divorce possible : lhn bnyk mn mbyh hmw n bh lp bydt zy nt bdt, « Mais ce sont tes enfants de Mip (qui) y ont droit en échange du travail que tu as fourni » (B2.4 9-10). Une autre restriction évoque la possibilité pour Mipayah de divorcer de Yezanyah et ses conséquences. Si elle réclame la moitié de la maison, celle-ci lui sera transmise, mais la seconde moitié reviendra à Yezanyah en contrepartie des travaux d’amélioration réalisés : hn thnl mnk plg byt yh lh lmlq wplg nt  bh lp bnwy zy nt bnyt bbyt zk wtwb plg hw bnyk mn mbyh hmw n bh ryk hn, « Si elle réclame de toi la moitié de la maison  sienne, mais l’autre moitié, tu y as droit en échange des améliorations que tu as construites dans cette maison. Et de plus, cette moitié ce sont tes enfants de Mipayah (qui) y ont droit après toi » (B2.4 10-13). Le choix des héritiers est décidé par Maseyah et la dévolution du bien réitérée à diverses reprises. Ainsi, dès l’établissement de ce document, les droits des enfants du couple sont explicités et préservés, et aucune préférence de genre n’est affirmée. Les dispositions de transfert de l’usufruit dont bénéficie Yehoyima sont semblables à celles des donations entre vifs tant par l’emploi d’une même terminologie que par un contenu parallèle. Elles se déroulent autour du verbe « donner » et apportent des éclaircissements différents. Les formules légales de transfert : « je t’ai donné » et de transmission : « tu y as droit » figurent dans ce document. Seule l’absence des droits de dévolution et d’aliénation détermine la limite des droits transmis. À contrario, l’acte établi en faveur de Yezanyah contient une 837

B. PORTEN, 1993, p. 265-266.

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clause de transfert négative qui emploie l’expression légale « tu n’as pas le droit… » et des dispositions concrètes qui l’obligent. Parmi les documents égyptiens838, le P. Kahun I 1 précise une clause se rapportant au droit d’usage d’une maison : wnm tj=j m.t ἰm, « mon épouse l’occupera », et ajoute : « en défendant qu’elle soit délogée par quiconque » (P. Kahun I 1 14839). Le terme wnm définit l’usufruit840, qui signifie « manger ». Celui transmis par Senimosé à sa femme Houdjar est livré dans sa première section : « [Je donne tous mes biens par [ỉ]m[jt-pr] [à ma femme Houdjar] dans son temps de vie, mais sans permettre par là… ». La lacune est comblée hypothétiquement par cette formule. L’expression « dans son temps de vie », signifiant « tant qu’elle est en vie », implique qu’Houdjar ne peut en disposer, puisque Senimosé prévoit leur dévolution aux enfants qu’il a eus de sa première femme et qualifie et définit ainsi le droit de jouissance transmis. Les clauses particulières Lorsque Maseyah décide de donner l’usufruit de la maison offerte à Mip, ses intentions sont clairement exprimées dans cet acte. Aussi fait-il inscrire une clause particulière, exigeant de son gendre qu’il rende cette maison habitable en y faisant réaliser des travaux, puis qu’il en 838

Dans la lettre écrite par le satrape, ce dernier fait droit à la demande de Psamshek et déclare : psmk brh ly yhwy lmnh dn zky mh bm[]ryn, « Que Psamshek, son

fils, soit autorisé à conserver cette donation ici en gypte » (A.6.4). Une telle donation n’est pas systématiquement transmise au fils, qui n’entre pas à perpétuité dans le patrimoine du père, et peut être révoquée par le souverain. Mais, en l’occurrence, Arsamès, accepte la transmission du bien, révocable et aliénable cependant. Le terme dn se rapporte à une donation révocable. Par ailleurs, le courrier d’Arsamès à Artavant, dans lequel il informe ce dernier d’une plainte par le même Psamshek, rapporte comment, lors d’un voyage avec huit des esclaves de son père, ces derniers se sont emparés de ses biens et se sont enfuis (A.6 2-5). Après les avoir retrouvés, il demande l’autorisation de les présenter à Artavant afin qu’ils soient punis, ce qu’il obtient. S’il avait la pleine propriété sur ces esclaves, il ne se verrait pas contraint de faire une telle demande. Cette nécessité prouve qu’ils sont, comme la dn, considérés comme une donation d’Arsamès, et que les donations royales, sous cette forme d’usufruit, peuvent concerner des biens meubles également, B. PORTEN, 1987a, p. 44 ; E. BRESCIANI et M. KAMIL, 1966, p. 398-399. 839 F. L. I. GRIFFITH, 1898, p. 31-35 ; C. CHEHATA, 1954, p. 11-14 ; A. THEODORIDES, 1960, p. 61-65 ; 1961, p. 41-57 et 1967, p. 35-36. 840 Ibid., p. 31-32.

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fasse sa résidence avec son épouse : nh msyh mrt lk rq zk bny wt bhmyth wtb bgw m nttk, « Maintenant, moi, Maseyah, je te dis : bâtis ce terrain et améliore la demeure dedans avec ta femme » (B2.4 5-6). Uniquement attestée dans ce document, cette modalité répond aux préoccupations du donateur. La renonciation à réclamation Cette stipulation du contrat de Yehoyima assure : l khl nh nny hnl mnky wl khl mr npy byt hnl mnky, « Moi, Ananyah, je ne pourrai pas te (les) réclamer et je ne pourrai pas dire : Mon âme (les) désire. Je vais (les) réclamer » (B3.7 15). Cette formulation diffère de la forme usuelle : byt hnl, « je désire les réclamer » (B3.8 41-42), préservant peut-être la formule complète841. Cette modalité emploie le verbe hnl, « réclamer », qui compose un ensemble avec le motif affectif de l’usufruit, brmn, « par affection » et figure presque toujours dans une donation à l’intérieur du cercle familial. Des garanties contre les tiers sont transmises par le document dressé en faveur de Yehoyima. Une clause de pénalité d’expulsion avertit quiconque voudrait l’écarter de « ses maisons » : zy yqwm lyky ltrktky mn bt zy ktbt wyh[bt lky yntn lyhwym] brty bygrn ksp krn 10 [bbny mlk ksp r 2 lrt wl dyn], « Quiconque se lèvera contre toi pour t’écarter des maisons que je t’ai écrites et don[nées, donnera à Yehoyima] ma fille, une pénalité d’argent de 10 karshs [à l’étalon royal], en argent à 2 q(uarts) pour la pièce de 10/1 karsh, sans procès] » (B3.7 16-17). Une revendication possible de Mipayah est prévue également : hn thnl mnk plg byt [y]h[w]h lh lmlq, « Si elle te réclame, la moitié de la maison [s]e[r]a à prendre pour elle » (B2.4 10-11). En contrepartie, Yedanyah en conserve l’autre moitié (B2.4 11). La transmission du droit d’usage des actes de mariage, qui comporte également des clauses de garanties contre les tiers, condamne à une lourde amende quiconque tenterait de chasser Yehoyima de la maison : wzy yqwm l[ yhwym ltrkwth mn byth [zy ]nn[yh… [ yn]tn l[h ]bygrn zy ksp krn rn bbny [mlk] ksp r 2 l 10 wybd[ lh ]dyn spr zn wl dyn, « Et qui se lèvera contre [Yehoyima] afin de l’expulser de la maison [d’A]nan[yah… [lui d]onnera [la pé]nalité d’argent, 20 karshs à l’étalon royal, en argent à 2 q[uarts] pour 10, et il fera [pour elle] le droit de ce document, sans procès » (B3.8 30-32). Il en est de même pour Mip et le montant de la pénalité à verser tant pour l’une et l’autre s’élève à 20 karshs, soit 200 sicles (B2.6 17-20. 30-31 ; B6.3 9-11). Cette clause n’est pas dirigée contre le mari, elle est en faveur de l’épouse veuve ou divorcée, 841

H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1988, p. 36.

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protégée des conséquences matérielles d’une telle situation842. Pour autant, si elle se remarie, elle en perd le bénéfice. Comme les conventions matrimoniales d’léphantine, les actes égyptiens peuvent inclure une modalité parallèle en faveur de l’épouse : p rmṯ nb p t ntj ἰw=f r dj.t wj.ṱ=t r bnr n pj =j .wj… ἰw=f ἰr n= t p hp n pj s m.t ntj rj, « Quiconque au monde t’éloignera de ma maison…, il appliquera le droit de cet écrit pour la femme ci-dessus mentionné » (P. Berlin 13593 7, 12 octobre 198, léphantine), confirme cet avantage843. La clause de renonciation844 s’exprime par un interdit tant dans les contrats de mariage araméens qu’égyptiens. Le P. Kahun I, qui opte pour une forme positive confirmée par l’emploi de la préposition ἰm (dans) dévoile peut-être une forme ancienne ou parallèle. Il est personnel, et son rôle protecteur. La renonciation à plainte et/ou procès L’acte d’usufruit en faveur de Yezanyah prévoit la possibilité pour Maseyah d’intenter un procès ou une poursuite, et comporte la formule des contrats de mariage introduisant la disposition : mr w ywm rn, « Si demain ou un autre jour » (B2.4 13) et se prolonge par l’affirmation suivante : rnk dyn wdbb wmr l yhbt lk rq zk lmbnh wl ktbt lk spr znh, « Je t’intente plainte ou procès et que je dise : Je ne t’ai pas donné ce terrain pour bâtir et je n’ai pas écrit ce document » (B2.4 13-14). Une pénalité est prévue, au rôle de menace : nh ntn lk ksp krn 10 bbny mlk ksp r 2 lrt wl dyn wl dbb, « Je te donnerai de l’argent, 10 karshs à l’étalon royal, en argent à 2 q(uarts) pour la pièce de 10, sans plainte ni procès » (B2.4 14-15). Par cette formule, Maseyah donne sa garantie personnelle prévoyant une compensation pécuniaire. Le scribe et le lieu, témoins, endos Ces informations ne figurent pas dans le contrat de Yehoyima : en effet, la fin du document est perdue. Le scribe chargé du contrat de Yezanyah a également établi la donation successorale sur la même maison en faveur de Mipayah (B2. 3), et le contrat précise qu’il a été dressé à Syène sur l’instruction de Maseyah (B2. 3 27-28). Treize témoins ont signé ce document, dont ses fils Gemaryah et Yedanyah, exposant ainsi leur accord (B2. 3 28-34). L’étiquette est manquante. 842

R. YARON, 1961, p. 73-74. Voir ch. III, p. 153. 844 A. THEODORIDES, 1967, p. 35-36. 843

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Aucun contrat d’usufruit démotique de la période satrapique et/ou ptolémaïque où les parties sont des femmes n’est attesté. Aussi seuls quelques éléments des actes égyptiens peuvent être comparés aux actes araméens. Dans les formulaires araméens d’léphantine, la description des biens transmis rapporte les informations usuelles, qui les définissent et précisent leurs mesures et leurs limites. Les clauses de transfert et de transmission des stipulations araméennes emploient les termes usuels, « donner » et « avoir droit », les modalités démotiques usent du verbe « manger/donner en usufruit », qui spécifie clairement la nature des droits transmis, tandis que les contrats araméens emploient un vocabulaire qui ne les définit pas spécifiquement. Seule l’absence de certaines informations, comme le droit de dévolution et d’aliénation, explique la nature de l’acte. Les clauses des contrats araméens précisent les parties, l’objet de l’acte, le motif de la donation, la description du bien transmis. Puis le transfert et la transmission prévoient des garanties. Enfin, les conventions se clôturent par le nom du scribe, du donneur d’ordre et de la liste des témoins. Des modalités particulières peuvent être jointes. Les deux actes d’léphantine, dont l’objet est d’attribuer ce droit, renferment des éléments, à la fois distincts et semblables, et des effets qui le sont également. Leur substance est très semblable à celle des donations, et leur forme également, avec des clauses qui se multiplient tandis que d’autres sont intégrées en fonction des besoins des contractants, ou plus précisément des donateurs, un ordre variable, et une liberté de ton et de style selon les documents et les scribes. S’ils accordent des droits restreints et jamais définitifs, ils peuvent prévoir l’inaliénabilité des biens en question transmis dans le cercle familial, leur dévolution ou pas. Les époux se voient aussi accorder un droit d’usufruit sur le bien transmis à leur épouse dans le cadre d’une donation testamentaire ou entre vifs, dans le cadre d’un contrat de mariage ou un autre formulaire. Les femmes bénéficient, dans les deux types de contrat, d’un droit d’usage sur la maison familiale dans les circonstances particulières que sont l’union, le veuvage et la séparation. Selon qu’il est concédé à une femme, son objet est de l’avantager et lui permettre d’avoir l’usage d’une maison. Et lorsqu’il est octroyé à un homme, il peut être grevé de responsabilités, des travaux et de l’entretien de la maison. Le démembrement de la propriété adopte des spécificités, fonction des besoins des contractants. L’usufruit tant dans les contrats araméens d’léphantine que dans les documents égyptiens se définit par la détention d’un droit réel démembré et variable selon les choix des donateurs. Il peut s’orner d’un caractère perpétuel ou d’une durée relative prévue dans l’acte qui le met en place et se transmettre de génération en génération. Le donateur est libre de définir les

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droits transmis, leur durée, et de les rendre transmissible. Le droit de jouissance peut se voir soumis à une contrepartie, qu’il s’agisse de prestations définies ou pas. Ces dernières peuvent être transmissibles tout comme le droit de jouissance qui les compense. Une créativité et une liberté juridique construisent ainsi les particularités de l’usufruit pour les bénéficiaires, sans différence de genre. Nombreux, des documents tant araméens que démotiques mentionnent la dévolution des biens. Si les donations successorales sont établies à cet effet, des clauses de contrats et des testaments se préoccupent également de cette question. Ils mettent au jour les particularités de la transmission du patrimoine. DONATIONS TESTAMENTAIRES Elles sont connues tant par des formulaires araméens d’léphantine que démotiques, qui prévoient d’affecter les biens du vivant du donateur845. Les femmes en bénéficient, car les épouses n’héritent pas de leur mari et les filles sont parfois défavorisées, qui ne profitent pas toujours des biens de leurs parents. Elles permettent d’équilibrer la répartition du patrimoine du vivant du donateur. Les donateurs et donataires, motif et origine du bien Deux donations successorales proviennent d’léphantine. Maseyah offre à Mip une maison délabrée sur une parcelle de terrain lui appartenant et située parmi des propriétés de voisins bien établis (B2.3). Il porte alors le titre « Judéen », propriétaire héréditaire à Éléphantine, du détachement d’Haumadata846. Cette libéralité intervient le 21 kislev soit le[2]1 mesore, l’an 6 d’Artaxerxès, le 1er déc. 459. Le contrat n’inscrit pas le motif de cette donation, offerte à l’occasion de la première union de Mip. La provenance de ce bien figure dans la stipulation de transmission des contrats antérieurs. Après avoir donné en usufruit à sa fille Yehoyima une partie de sa maison, Ananyah, seize ans après, transforme cet acte, le 25 novembre 404, en donation successorale (B3.10). La double date babylonienne puis égyptienne mentionne le jour, le mois et l’année, le 24 marcheshwan c’est-à845

R. YARON, 1963, p. 10. L’emploi de ce terme, qui apparaît à quatre reprises dans les documents, a pour objet de mettre en valeur et rehausser le statut de la personne à laquelle il s’applique et dont le titre sur un bien n’a pas pu être établi par un contrat écrit (B3.12 4-5 ; B7.2 2 ; D2.12), H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1982a, p. 3-9.

846

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dire le 29 mesore, l’an 1 d’Artaxerxès. Le contrat spécifie la première raison de sa décision par trois fois : brmn, « par affection » (B3.10 5. 12. 17). La spécificité de ce terme n’est pas légale, mais plutôt descriptive847. Une seconde explication motive la donation : lqbl zy sbltny wnh ymyn sb l khl hwyt bydy wsbltny, « Comme elle m’a soutenu alors que j’étais âgé, j’étais incapable (d’utiliser) mes mains, et elle m’a soutenu » (B3.10 17). L’origine du bien est également mentionnée : zy zbnt bksp wdmwhy yhbt, « que j’ai achetée pour de l’argent et sa valeur je l’ai donnée » (B3.10 3). Si le scribe n’a pas précisé le nom du vendeur, il a développé la clause du paiement afin de justifier son origine848 et son titre849. Assurées en gypte depuis les périodes anciennes850, les donations successorales peuvent concerner divers biens, tels des traitements ou revenus de charges. Ainsi, le P. Vienne D 10150, mentionne la donation d’un tiers de ses rentes d’office par un personnage du nom d’Espemet à sa fille Tshenyah. Deux copies de l’acte mettent au jour de légères divergences, dont la première est presque complète (P. Vienne D 10152), et la seconde comporte trois lignes (P. Vienne D 10153). Espemet prépare la répartition de ses biens de son vivant, afin de la protéger et de lui accorder sa part. Après l’indication de la date du contrat, le mois de mesore, la 12e année de Darius 1er851, ou le 24 novembre-23 décembre 510, l’identité des parties précédée de l’affirmation ḏd, « a dit » (1) précise et rappelle l’origine du bien : 847

H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1983, p. 35. B. PORTEN, 2000a, p. 188, n. 7. 849 B. PORTEN et H. Z. SZUBIN, 1987a, p. 185. 850 Ainsi, le prêtre Ouakh établit pour son épouse une donation de l’ensemble de ses biens (P. Kahun I 1 XII 6-14, XIXe siècle). Le document contient la date (an II d’Amenhamat IV, 2e mois de la saison akhet, 18e jour), puis suit l’intitulé et l’identité du donateur. L’acte précise qu’il est dressé en faveur de son épouse Téti (originaire) de Gesiab, fille de Sopdou, et rappelle l’origine des biens qu’il lui destine : « concernant tous les biens que m’a “donnés” mon frère Ankhren ». La copie de la donation faite par Ankhren figure en pièce annexe, justifie les dispositions prises en faveur de son épouse et rappelle : « tous mes biens à la campagne et à la ville » : « à mon frère, le prêtre Ouâb, tous mes domestiques : à ce même frère mien » (P. Kahun I 1 XII 4-5). Et la disposition de la donation en transmet l’origine à nouveau : « que m’a donnés mon frère Ankhren, le loyal scelleur du Directeur des travaux » (8-9 ; 12). A. THEODORIDES, 1967, p. 34, n. 49, précise que bien que le scribe n’ait reproduit que des extraits de l’acte de donation, les indications administratives permettent de consulter l’acte complet dans les archives de l’administration qui l’a enregistré et à l’administration centrale, où tous les actes de mutation sont transmis. 851 W. ERICHSEN, 1962, p. 346-363. W. ERICHSEN, 1965, p. 113, n. 76 et B. PORTEN et al., 2011, p. 348, n. 1, datent ce papyrus de la 12e année de Darius Ier plutôt que de Darius III. 848

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« Espemet, wṯ-r (Porteur de Ré) et scribe du bateau, fils de Bekrenef, dont la mère est Renpenofre, et dame Tshenyah, fille d’Espemet, dont la mère porte le même nom de Renpenofre. Espemet rappelle qu’il tient ce bien de son père » (2). L’objet, sa description, mesures et limites des biens Le contenu de la donation offerte à Mipayah n’apporte pas de détail sur le bien, en raison de son mauvais état : by 1 rq zyly hwh, « une maison, terrain, qui m’appartiennent », qui ajoute ses mesures : rkh mn ttyh llyh mn 13 wpk 1 pty mn mw lmrb mn 11 bt, « Sa longu eur d’en dessous à en dessus, 13 coudées 1 palme, (sa) largeur d’est en ouest 11 coudées à la verge d’arpentage » (B2.3 4). Les limites de la maison sont déterminées après les mesures : lyh lh byt drgmn br ryn dbq ttyh lh byt qwnyh br dq mw m lh byt ywn br wryh blky wbyt zkryh br ntn mrb lh byt spmt br ppwnyt ml zy my qy, « Au-dessus d’elle, la maison de Dargamna, fils d’arîna, (la) jouxte, en dessous d’elle la maison de Qonayah, fils de Zadoq, à l’est la maison de Yezan, fils de Uryah, ton mari, et la maison de Zecharyah, fils de Nathan, à l’ouest par rapport à elle la maison d’Espemet, fils de Peftuauneit, un batelier des cataractes » (B2.3 58). L’ordre adopté accorde la troisième place à la maison du mari de Mipayah néanmoins adjacente, et la première à celle de Dargamna qui partage un mur avec celle-ci. L’objet de la donation à Yehoyima est dépeint avec plus de précisions que le document évoqué précédemment et renferme deux stipulations, dont la première rapporte qu’il s’agit d’une : qt mn byty, « part de ma maison » (B3.10 3), et la seconde ajoute : dryrsy hw mwh m mn try rbt zyly wplg trb hw plg ttyt mryt wplg drg wtt mnh byt prs hw, « C’est la pièce au sud, à l’est de ma grande salle, et la moitié de la cour, c’est-à-dire la moitié du yt (comme en) égyptien, et la moitié de l’escalier en dessous duquel est la pièce sous l’escalier » (B3.10 3-4). En effet, l’expression byt prs correspond à la désignation d’une pièce située dans l’angle sous l’escalier852. Les mesures sont mentionnées immédiatement après, et la phrase les introduisant : « voici les mesures de la maison que j’ai donnée à Yehoyima, ma fille, par affection » (B3.10 5), se voit répétée une seconde fois mot pour mot avec une omission, l’expression du motif, qui figure habituellement et un ajout, le nom d’Ananyah853. 852

B. COUROYER, 1954, p. 554-556. Un tel modèle est attesté en Ex 30, introduit par le pronom démonstratif, où la deuxième phrase omet le montant et ajoute l’âge des contributeurs (Ex 30, 13-14), B. PORTEN, 1993, p. 262.

853

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Le texte précise que la maison basse est rénovée et : tty d gwrn wkwn bh 3 d d bh d wpt, « Elle comporte des poutres et il y a dedans trois fenêtres, et il y a dedans une porte qui ferme et ouvre » (B3. 10 13). Cette description ajoute des détails et expose des mesures précises aux termes de l’acte d’usufruit (B3.7 3). Les limites suivent, notées dans l’ordre suivant : l’est, où se trouve le mur construit par les gyptiens, auparavant la maison d’or, serviteur de Ḳhnoum ; puis le nord, avec la maison de la chapelle du dieu, antérieurement le trésor du roi ; le sud, où sont situés le mur de l’escalier854 et la maison d’or, jardinier de Ḳhnoum, précédemment la maison d’Anayah ; enfin, à l’ouest, le mur de la grande salle, avant la maison de Shatibara (B3. 10 8-11855). Espemet précise l’objet de l’acte en faveur de sa fille Tshenyah et son origine : p 1/3 n tj=j dnj.t n t ỉw.t s ḏj t ỉw.t s [t] ntj mtw mdr pj=j ỉt : « Le 1/3 de ma part de la charge (du) scribe du bateau et de la charge (de) scribe (du) [district] qui est (mien) de mon père » (P. Vienne D 10150 2). L’une des copies inscrit : « Le 1/3 de ta part (de) scribe du bateau (et) de la charge (de) scribe du district, qui est tien, de ton père » (P. Vienne D 10152 1). Elles sont associées au temple de Khnoum à léphantine, et la seconde évoque une position d’importance (P. Vienne 10151856). Le transfert et la transmission, retrait et inaliénabilité Deux modalités de transfert figurent dans la donation à Mipayah, qui sont proches et complémentaires. La première énonce : nh yhbt lky byy wbmwty, « Je t’ai donné de mon vivant et à ma mort » (B2.3 3), et la seconde précise : byt znk rq nh yhbth lky byy wbmwty, « Cette maison, terrain, je te l’ai donnée de mon vivant et à ma mort » (B2.3 8). Quatre modalités de transfert sont enregistrées dans l’acte dressé pour Yehoyima (B3.10). La première utilise une formule qui diffère des 854

Il s’agit peut-être d’un nouvel escalier, lié aux changements structurels de la maison, B. PORTEN, 2000a, p. 189, n. 22. 855 Les P. Rylands 11, 14-15, 17-19, 23-24, 26, 29, 32, lorsqu’il s’agit d’une maison, indiquent qu’elle est « construite et couverte » et en mentionnent les limites, F. L. I. GRIFFITH, 1909. Les P. Philadelphie I-IV, VII-VIII, X, XV-XVII, XXIXXIII précisent généralement que la maison est « construite et couverte », et ajoutent les limites, M. EL-AMIR, 1959 ; B. PORTEN, 2000b, p. 856. Les P. Hawara 4, 5, et P. Rendell transmettent l’indication des mesures, G. R. HUGHES, R. JASNOW et J. G. KEENAN, 1997. 856 Un seul exemple de titre de scribe du bateau est connu qui provient du P. Berlin 13546, B. PORTEN et al., 2011, p. 349, n. 5. Par ailleurs, l’acte dressé par Ouakh en faveur de son épouse précise son objet : « tous les biens… avec chaque objet à sa place » (P. Kahun I 8-9) et ajoute : « les quatre sujets asiatiques » (12).

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précédentes : « J’ai pensé à toi de mon vivant et t’ai donné » (B3.10 2-3), la deuxième est simplifiée : « je te l’ai donnée » (B3.10 3), la troisième, plus étoffée, affirme : « Cette maison dont les mesures et limites sont inscrites dans ce document, moi, Ananyah, fils d’Azaryah, je te l’ai donnée par affection » (B3.10 11-12), et la dernière précise encore : « Cette maison dont les limites et les mesures sont inscrites et dont les mots sont inscrits dans ce document, moi, Ananyah, je l’ai donnée à Yehoyima, ma fille, à ma mort, par affection. Comme elle m’a soutenu alors que j’étais âgé,…, aussi je (la) lui ai donnée à ma mort » (B3.10 15-18). Pas moins de huit répétitions du terme yhb (donner) renferment des informations complémentaires. La première modalité de transmission de la donation à Mipayah explicite : nty lyh bh mn ywm znh wd lm wbnyky ryky lmn zy rmty tntnn l yty ly br wbrh rnn  wh wnth wy rn ly brq zk lhn nty wbnyky d lm, « Tu y as droit de ce jour et pour toujours ainsi que tes enfants après toi. À celui que tu voudras, tu (la) donneras. Je n’ai pas d’autre fils ou fille, frère ou sœur, ou femme, ou personne d’autre qui ait droit sur ce terrain, sinon toi et tes enfants pour toujours » (B2.3 9-11). La particularité de cet acte est mise en exergue par l’emploi des formules « tu y as droit de ce jour et pour toujours » et « de mon vivant et à ma mort », qui soulignent l’effet immédiat de la donation testamentaire du vivant du donateur857. Ce droit est assuré à nouveau dans la deuxième clause de transmission, qui affirme : rq zk zylyky bny whby lmn zy rmty, « Ce terrain qui t’appartient : bâtis- (le) et donne- (le) à celui que tu aimes » (B2.3 19), et la suivante rappelle : wbyt bytky pm, « et la maison est ta maison de même » (B2.3 22). En outre, Maseyah traite ce bien comme un patrimoine familial et qui doit le rester ; la liste souligne encore la primauté du genre masculin. Les termes usuels sont mentionnés dans la première modalité de transmission de la donation à Yehoyima : zylk hy nty ly, « c’est à toi : tu y as droit » (B3.10 11), et la deuxième mentionne le contenu des droits accordés par le donateur à l’occasion de la transformation de son droit d’usufruit en donation successorale : p ly nty btyt hw trb ly lmsmk dh wmrh bplg dylk p ly nt lmnpq btr zy tyt hw trb p ly nty bglg drg lmslq wmnt, « De plus, tu as droit au yt c’est-à-dire la cour, le droit de consolider [ce qui] est détérioré et sa poutre dans ta moitié. De plus, tu as (le) droit de sortir par la porte du porche du yt, c’est-à-dire la cour. De plus, tu as droit à la moitié de l’escalier, de monter et de descendre » (1315). Cette dernière phrase signifie qu’elle le partage et précise qu’elle peut : lmslq wmnt, « monter et descendre » (B3.10 13-15). Cette formule rappelle et reprend le contenu de l’autorisation faite dans le contrat d’usufruit qui l’autorisait à monter, descendre et sortir (B3.7 13-14), et qui trouve son 857

H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1983, p. 39.

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parallèle dans les contrats démotiques avec l’expression : rj rj, « monterdescendre ». Le P. Chicago Hawara 5858 affirme à la nouvelle propriétaire : « Tu peux monter et descendre (du) toit (?) par l’escalier de la maison cidessus mentionnée et tu peux entrer et sortir (de) la salle de devant (par) l’entrée principale de [la] maison [ci-dessus men]tionnée et son chemin de la maison(?) qui va du sud vers la rue et (tu) peux faire toute modification sur elle avec [tes] (ou)vriers et tes matériaux en proportion de ta part d’un 1/18ème, à compter de ce jour pour toujours » (6-7). Elle se voit accorder le droit d’apporter des améliorations à la maison dont elle vient d’acquérir un dix-huitième, tandis que Yehoyima, dans la donation successorale offerte par son père peut : lmsmk dy, « consolider ce qui est détérioré » (B3.10 1315). La première est autorisée à : rj rj, « monter et descendre » par l’escalier (6), de même, la seconde peut : slq wmnt, « monter et descendre » (B3.10 15). Enfin, toutes deux bénéficient de la permission de sortir par le portail d’entrée859. La troisième modalité de transmission ajoute une clause d’inaliénabilité : « Et toi, Yehoyima, de même tu y as droit et tes enfants y ont droit après toi et tu peux (la) donner à celui que tu aimes » (B3.10 21). L’emploi du terme : rmty, « tu aimes » renferme la donation dans l’espace privé, affectif, qui est symétrique à l’un des motifs de la donation : brmn, « par affection » (B3.10 5. 12. 17). L’acte transmet le titre à la mort d’Ananyah. De plus, le droit de disposition se voit limité, puisque la transmission peut et doit se matérialiser dans le cercle familial. Le verbe « avoir droit » introduit des droits différents dans les deux actes, dans la mesure où Yehoyima, contrairement à Mipayah, ne se voit pas transmettre le titre avant la disparition de son père860. L’omission du droit des héritiers et des bénéficiaires dans les clauses de transfert le confirme, mais leur nombre se doit de la rassurer.

858

Le texte de la clause est le suivant : mtw=t m r rj rj tbn n pr r p trt n pj .wj

nt rj mtw=t pr r-n bnr [n t] j[t p] r  n [pj] .wj [nt] rj n pj=f mjt pr nt m n rs p r mtw[=t] ỉr n(?) hj nb n-ỉm=f ỉrm nj[=t] rmṯ nj=t nk. w r- tj=t tnỉ.t 1/18

nt rj ṯ p hrw r-rj, G. R. HUGHES, R. JASNOW et J. G. KEENAN, 1997. 859 Le P. Rendell accorde également au donataire les droits suivants : « Tu peux monter et descendre… et tu peux entrer et sortir de la salle de devant par la porte principale et les portes de sortie de ces endroits, et tu peux effectuer toutes modifications sur elles avec tes ouvriers et tes matériaux de ce jour pour toujours » (10), G. R. HUGHES, R. JASNOW et J. G. KEENAN, 1997. 860 B. PORTEN et H. Z. SZUBIN, 1987b, p. 186.

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La donation d’Espemet renferme les clauses de transfert et de transmission coutumières qui ne sont pas développées et affirment à Tshenyah : dj=[j] n=t, « [Je] t’ai donné », puis : mtw=[t] s, « C’est à toi » (P. Vienne D 10150 2861). La première copie comporte la même affirmation (P. Vienne D 10152 2), mais aucune formule de transmission n’y figure, probablement en raison de parties perdues du document. Cette transmission comprend la disposition usuelle des contrats démotiques, dont le parallèle dans les actes araméens est attesté par le verbe ly, « avoir droit/contrôle sur » : bn ỉw rḫ rmṯ nb n p t ỉr sḫj n p 1/3 n t j=j dnjt n t ỉw.t s ḏj t ỉw.t s t ntj mtw mdr pj=j ỉt bnr=t n tj ỉt mw.t sn sn.t r r.t rj rj.t rmṯ nb n p t ỉnk  mj.t.ṱ, « Aucun homme au monde ne pourra exercer la moindre autorité-contrôle sur le tiers de ma part de la charge (de) scribe du bateau et de la charge de scribe du district qui est de mon père, si ce n’est toi, qu’il soit père, mère, frère, sœur, fils, fille, maître, maîtresse, (ou) tout homme au monde, moi de même aussi » (P. Vienne D 10150 2-3862). Cette clause de la seconde copie est incomplète, qui s’ouvre sur l’expression « scribe du district » (P. Vienne D 10152 2). La liste, qui offre toujours la préséance au genre masculin, est introduite et prend fin avec le père de la donataire. À l’instar des contrats araméens, la multiplication des clauses de transfert et de transmission, répétées au moins deux fois, apporte systématiquement de nouvelles précisions qui se déplient autour du verbe « donner863 ». La modalité de transmission est reproduite avec des nuances et peut introduire l’obligation de conserver le bien dans le patrimoine familial. La clause de contrôle de la donation démotique est développée afin de spécifier clairement les volontés du donateur qui prépare ce document, afin d’éviter toute contestation entre ses héritiers. Ces conventions sont, encore et toujours, témoins de l’enregistrement des nécessités particulières des acteurs.

861

Dans la première disposition de la donation par le prêtre Ouakh, le transfert est exprimé par la formule « je dresse un acte de disposition en faveur de mon épouse » (P. Kahun I 7). Une autre stipulation concerne les sujets asiatiques : « je lui donne » (10). Les serviteurs sont toujours mentionnés à part sur les documents (P. Chicago Hawara 4 5). Le texte prévoit que l’ensemble des biens seront dévolus à l’héritier que son épouse souhaitera : « et elle, elle (les) donnera à celui quel qu’il soit qu’elle préférera parmi ses enfants qu’elle mettra au monde pour moi » (9-10). La disposition suivante répète en partie la clause d’inaliénabilité : « et elle, elle (les) donnera » (11). 862 P. Philadelphie I-V, VII, XIII, XVI-XVII, XIX, XXIII, XXVI, M. EL-AMIR, 1959 ; P. Rylands 11, 14-15, 17, 19, 23-24, 26, 29, 32, F. L. I. GRIFFITH, 1909 ; P. Dublin 1659, P. W. PESTMAN, avec la collaboration de J. QUAEGEBEUR et R. L. VOS, 1977. 863 M. PARAN, 1989, p. 175-178 ; B. PORTEN, 1993, p. 258 s.

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La transmission des contrats antérieurs Attestée tant dans certains contrats araméens que démotiques, la transmission de documents afférents à l’objet de la donation donne lieu à une clause qui peut détailler, pour les premiers, l’historique du bien. Ainsi, la donation dont bénéficie Mipayah rappelle la transmission par Maseyah d’un document de retrait : p yty spr mrq 1 zy drgmn br ryn rzmy ktb ly l rq zk kzy rh lyh qdm dyny wmwm ynt lh wymt lh kzy zyly hy wspr mrq ktb wyhb ly spr zk nh yhbth lky nty hsnhy hn, « De plus, il y a un document de retrait que Dargamana, fils de arshaina le orezmien, a écrit pour moi au sujet de ce terrain lorsqu’il a engagé (une action) à son sujet devant les juges et j’ai été astreint à un serment envers lui et je lui ai fait serment qu’il était à moi, et il a écrit un document de retrait et me (l’a) donné. Ce document, je te l’ai donné, toi, garde-le en tant qu’héritière » (B2.3 23-26). Le texte ajoute : mr w ywm rn drgmn w br zylh yrh l byt zk spr zk hnpqy wlqblh dyn bdy mh, « Si demain ou un autre jour Dargamana, ou un fils à lui, engageait (une action) au sujet de ce terrain, produis ce document et, conformément à lui (ce document), soutiens un procès contre lui » (B2.3 26-27). En l’absence de titre, l’acte de renonciation établi après procès par le perdant fait preuve de l’origine de propriété864. Le précédent acte d’usufruit concernant ce bien ayant été établi en faveur de Yehoyima, le scribe n’a pas jugé nécessaire d’inscrire une clause le rappelant dans ce document. Le plus souvent, les contrats égyptiens enregistrent la transmission des contrats antérieurs, mais des exceptions sont toujours assurées865. Aussi, l’acte en faveur de Tshenyah ne comporte pas de stipulation de cet ordre. La validité du contrat Deux stipulations de cet ordre sont mentionnées dans le contrat de Mipayah, dont la première spécifie : wl ykhlwn yhnpqwn lyky spr dt wtyq bmy l rq zk lmntn ly rn zk spr zy yhnpqwn lyky ktb yhwh l nh ktbth wl ytlq bdyn wspr znh bydky, « Et ils ne pourront pas produire contre 864

Voir ch. VI, p. 313s. La donation dressée par Ouakh présente, au recto en pièce annexe, copie de la donation des biens par son frère (P. Kahun I XII 1-5). L’acte en faveur de Tshenyah ne précise pas de clause de cet ordre. Les documents suivants livrent une modalité qui rappelle le transfert de l’ensemble des titres appartenant au précédent donateur ou propriétaire : P. Philadelphie I-III, VII, XIII, XIV, XIX, XXIII, M. El-AMIR, 1959 ; P. Dublin 1659, P. W. PESTMAN, avec la collaboration de J. QUAEGEBEUR et R. L. VOS, 1977. 865

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toi un document ancien ni nouveau en mon nom au sujet de ce terrain pour le donner à un autre homme. Ce document qu’ils produiront contre toi serait faux. Je ne l’aurais pas écrit et il ne serait pas recevable dans un procès tandis que tu as ce document dans ta main » (B2.3 15-18)866, et la seconde, simplifiée, apporte la garantie de Maseyah : whk bdyn wl dq wspr znh bydky, « Et si je vais en justice, je n’aurai pas gain de cause pendant que ce document est dans ta main » (B2.3 22). Cette dernière formule rappelle que la partie qui détient le contrat dispose parallèlement d’un droit conféré par ce document. Une modalité de l’acte en faveur de Yehoyima se rapporte à ce même aspect, qui indique : « De plus, ils ne pourront pas produire contre toi un document ancien ni nouveau, mais c’est ce document que j’ai fait pour toi (qui) est valide » (B3.10 21-22). Cette dernière affirmation diffère largement de la précédente, qui souligne que le contenu de l’acte remis à Yehoyima présente les conditions légales requises et suffit pour produire effet, alors que les modalités du contrat remis à Mipayah prennent en compte l’absence de titre antérieur. Seules les assertions mentionnant qu’elle est dépositaire et que tout autre serait un faux semblent suffire. La renonciation à réclamation Cette modalité met en scène Maseyah qui garantit : wp nh msyh mr w ywm rn l hnl mnky lmntn lrnn, « Et de plus, moi Maseyah, demain ou un autre jour je ne te (le) réclamerai pas pour le donner à d’autres » (B2.3 18-19). Aucune liste des personnes susceptibles de réclamer le bien n’y est insérée, seul le donateur apporte sa garantie. Si l’acte de donation par Maseyah ne renferme pas le motif descriptif usuel « par affection », il introduit néanmoins le verbe : hnl, « reprendre », qui figure habituellement dans les donations attribuées dans un cercle familial et révocables867. La renonciation à plainte et/ou procès et pénalités Assurée dans le contrat de Yehoyima, elle a pour objet de la protéger de même que ses enfants, aussi Ananyah précise-t-il : « Ni un fils à moi, ni une fille à moi, ni un allié à moi, ni un compatriote, ni un créancier à moi, ne pourront t’intenter une poursuite ou un procès, ou intenter de procès à tes enfants après, ni porter plainte contre toi devant un gouverneur ou un seigneur, ni contre tes enfants après toi » (B3.10 18-19). L’expression : l ykhl, « ne pas pouvoir », dotée d’une valeur juridique, signifie dans les 866 867

J. J. RABINOWITZ, 1956, p. 112 s. H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1983, p. 36.

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contrats : « ne pas être habilité à868 ». Cet acte ne comporte aucune garantie du fait d’Ananyah, mais seulement du fait des ayants droit et des tiers, conséquence logique de la transmission du titre à sa disparition869. La liste suit l’ordre usuel avec primauté du genre masculin. L’acte dressé pour Mipayah dévoile deux clauses. La première assure : « Quiconque t’intenterait procès ou poursuite (à) toi, ou fils ou fille à toi, ou quelqu’un des tiens au sujet de ce terrain que je t’ai donné ou porterait plainte contre toi (devant) un gouverneur ou un juge, te donnera ou à tes enfants une somme de 10 karshs, 10, à l(’étalon) royal, en argent à 2 q(uarts) pour la pièce de 10, sans procès ni poursuite » (B2.3 11-14). La seconde concerne le donateur, qui devra également verser la même somme s’il décide d’intenter procès ou plainte en affirmant : « Je ne te (l’ai) pas donné » (B2.3 20-21). La pénalité encourue par les ayants droit et les tiers, dans le contrat de Yehoyima, s’élève à la somme particulièrement élevée de 30 karshs (B3.10 19-20), tout comme dans l’acte de donation entre vifs en sa faveur (B3.11 10-11). La modalité de renonciation du contrat démotique est, ici, suivie de la clause de pénalité : p ntj ỉw=f r ỉj r.r=t r.db pj 1/3 n t ỉw.t s ḏj [s t] ntj mtw mdr pj=j ỉt r ṯj.ṱ=f mtw=t ḏd bn ỉw mtw s ỉn n ṯj n ỉt mw.t sn sn.t r r.t rj rj.t rmṯ nb p t ỉnk  mj.t.ṱ ỉw=f dj.t [n=t ḏ] ḳd 5 pr-ḏ n Pt n wt ỉwṱ ḏd ḳnb n[b] p t ỉrm=t, « Celui qui se lèverait contre (toi) au sujet de ce tiers (de) la charge de scribe du bateau (et) de scribe du [district], qui est de mon père, afin de (te) le prendre, disant : “Ce n’est pas à (toi)”, qu’il soit père, mère, frère, sœur, fils, fille, maître, maîtresse (ou) tout homme au monde, moi de même aussi, il (te) donnera (la somme de) 5 (debens) affiné (du) trésor de Ptah870, sans alléguer (aucun) titre au monde contre toi » (P. Vienne D 10150 4-5). Cette formule est également particulière aux contrats de vente871, lorsque la possession de l’objet vendu est contestée par un tiers, et où le paiement d’indemnités ne délie pas de l’obligation de le fournir entier et sans altération. Elle peut également remplir la même fonction dans d’autres sortes de contrats. Dans ce cas précis, elle implique une garantie du fait du donateur, des ayants droit et des tiers, prévoyant une compensation financière, néanmoins peu élevée au regard de celles prévues dans les actes araméens. Cette clause de la copie est incomplète. 868

B. PORTEN, 1993, p. 270. B. PORTEN et H. Z. SZUBIN, 1987a, p. 187. 870 Les montants des amendes figurant dans les contrats démotiques et araméens sont des multiples de 5, B. PORTEN et al., 2011, p. 349, n. 7. 871 S.P. VLEEMING, 1991, p. 91, n. vv ; B. MENU, 1988, p. 178 s. 869

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Cette formule, parallèle pour son contenu à celles des documents araméens, diffère pour ce qui concerne la liste des personnes non autorisées à réclamation, ou susceptibles du paiement d’une indemnité. Elle demeure vaste et complète afin de prévenir le plus d’éventualités possibles. Le scribe et le lieu, témoins, endos Ainsi qu’à l’accoutumée, les actes d’léphantine comportent les ultimes précisions et garanties indirectes, le nom du scribe, le lieu et l’identité du donneur d’ordre, et enfin celle des témoins, puis l’endos au verso. Si la donation pour Mipayah est écrite par un scribe qui porte un prénom araméen et un nom babylonien, Attarshuri, fils de Nabuzeribni (B2.3 27-28), à Syène sur l’instruction de Maseyah, celle destinée à Yehoyima l’est par le Judéen Ḥaggai, fils de Shemayah (B3.10 22), à léphantine sur celle de Ananyah, fils d’Azaryah, le serviteur de YHW le Dieu. Treize témoins, dont probablement Gemaryah et Yedanyah, les fils de Maseyah, ont signé le premier document affirmant leur accord et renonciation à la propriété (B2.3 28-34), et neuf le second (B3.10 23-26). L’endos souffre encore de nuances dans l’écriture des noms, qui peut être défective : « Miba, fille de Masah » (B2.3 35), ou pas : « Yehoyima, sa fille » (B3.10 27). Le contrat de donation à Tshenyah précise la mention du scribe et la signature du donateur : Ns-p-mtj s Bk-rn=f tp=f, « Espemet, fils de Bekrenef, de sa main » (P. Vienne D 10150 6-7). Cet usage attesté dans les formulaires où le contractant est lettré joue le rôle de confirmation autographe de consentement872, qui est aussi assuré dans le contrat araméen de donation de maison à Mipayah (B2.7 17) et le formulaire de retrait établi sur instruction de Mica et peut-être signé par ce dernier comme troisième témoin (B3.2 12). Au verso, la liste des témoins est incomplète, qui en comporte quinze. Trois d’entre eux sont les fils du donateur et peutêtre les frères de Tshenyah, qui par ce geste affirment leur accord à l’acte décidé par leur père. Très semblable à la terminologie des donations entre vifs et des usufruits, celle des donations successorales araméennes l’est également de celle des formulaires démotiques de même sorte. Elle accompagne la clause de transfert par le terme « disant » dans les actes araméens, et par l’expression « a dit » dans les documents démotiques. La description du bien 872

M. DEPAUW, 2003, p. 70-79, établit la liste des formulaires démotiques comportant ces signatures soit comme parties, soit comme témoins. Elles sont attestées dans de nombreux documents de diverses sortes.

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transmis y figure également et les limites sont précisées en fonction de l’identité des voisins. Le contrat démotique de transmission, renferme également des précisions sur la chose donnée. L’un des motifs récurrent de la donation « par affection », est signalé dans une seule donation. Les contrats égyptiens n’en comportent pas. La formule légale de transfert « je t’ai donné » des actes araméens et démotiques est identique. La formulation de la transmission dans les premiers use de deux expressions : « tu as droit/contrôle » et « c’est à toi », et les seconds emploient cette dernière. Elles constituent la phraséologie usuelle de transfert et transmission. Les dernières transmettent le contrôle sur le bien comme l’emploi du verbe « avoir droit/contrôle », jouant un rôle parallèle à la modalité de contrôle des contrats égyptiens. Elles sont accompagnées dans les actes d’léphantine, de la formule : « J’ai pensé/Je t’ai donné… de mon vivant et à ma mort », ou d’une de ses variations, distinctives de la donation successorale, qui constituent des expressions légales. Les clauses de renonciation à réclamation insèrent le verbe « réclamer », qui est toujours lié au motif affectif dans un espace familial. La structure des deux sortes de contrats s’ouvre sur la date et la présentation des parties, puis la partie opératoire au style subjectif, se déploie dans des modalités de description, de limites et d’origine du bien, de transfert et de transmission, de garanties, parfois de transmission et de validité de documents. Ces dernières ne sont pas systématiques. Les clauses de transfert et de transmission des actes araméens conservent le principe de répétition et d’épanouissement autour du verbe « donner » des donations entre vifs et des usufruits. Les contrats se clôturent sur les stipulations objectives, telles le nom du scribe, les témoins, la signature du donneur d’ordre, la qualité de l’acte. Ainsi qu’à l’habitude, ils peuvent renfermer des modalités particulières. Les stipulations généralement diffèrent dans les détails, qui correspondent aux usages de chacun des scribes. Organisée par le père de famille et/ou le mari en faveur de la donataire, la donation successorale prévoit la répartition des biens du donateur de son vivant et leur dévolution à sa mort. Sa fonction est identique à celle des donations entre vifs, qui aspire à donner à l’épouse un bien de son mari auquel elle n’aurait pas droit en raison des règles de transmission et à la fille un bien pour des raisons variables, et qui peuvent figurer dans l’acte araméen. Dans ces dernières, elle peut bénéficier de la possession du bien et de la transmission du titre, dès la rédaction de l’acte. Le donateur peut aussi changer d’avis au cours du temps et transformer cet acte en donation entre vifs. Il peut aussi l’annuler. La limite aux droits attribués s’inscrit avec l’interdiction de transmettre le bien en dehors des descendants de la donataire. Elle suppose le choix de le conserver dans un espace familial, et il

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est systématique dans les actes araméens dressés par « affection ». Les actes démotiques ne transmettent pas ces informations. La donation est dotée d’un rôle de protection et de reconnaissance, contrepartie du devoir filial et/ou du souci de l’époux en faveur de son épouse, de sa fille. Elle est également le signe d’une préoccupation et d’un usage social. TRANSMISSIONS SUCCESSORALES Des stipulations de contrats araméens et démotiques prévoient la transmission des biens, tant à l’épouse qu’aux enfants des différentes unions. Ainsi, des documents d’léphantine, tels les contrats de mariage et les donations, évoquent la dévolution des biens dans certaines circonstances. Les premiers règlent la question de succession pour les veuves, les veufs et leurs enfants. Une différence marquée entre les droits des unes et des autres apparaît. Pour ce qui concerne les femmes, une disposition se soucie de leurs droits tout en les limitant, lorsque leur mari disparaît sans enfant de son épouse, qui affirme par exemple : mr w ywm [r]n ymwt swr wbr dkr wnqbh l yty lh mn mp[]yh ntth mpyh hy lyh… wnkswhy wqnynh wkl zy yty lh l npy r klh, « Demain ou un a[utr]e jour, si Esor meurt sans avoir d’enfant de sexe masculin ou féminin de Mip[]ayah sa femme, c’est Mipayah (qui) a droit/contrôle… et [se]s biens et ses propriétés et tout ce qu’il a sur la surface de la terre, tout » (B2.6 17-20873). Rien n’est exclu des possessions revenant à Mip pour la durée de son veuvage et si Esor meurt sans enfant de cette dernière874. La clause du contrat de Yehoyima prévoit également son droit sur la maison et les biens et propriétés d’Ananyah, dans les mêmes conditions (B3.8 27-30). Il en est de même pour Tamet, sur tous les biens d’Ananyah acquis durant leur union (B3.3 10-11). L’absence du verbe « hériter » et l’emploi du terme « avoir droit » dans la modalité concernant essentiellement le droit des femmes à la mort du mari, telles Tamet (B3.3 12-13), Yehoyima (B3.8 34-35), Mip (B2.6 20-22), Abihi (B6.3 3-4), souligne la particularité de ces droits. Le verbe ly, « avoir droit/contrôle » se rapporte tant aux droits de propriété complets que démembrés, et comme la veuve ne bénéficie pas du droit d’aliénation, seul un droit d’usage lui est transmis875. Elle bénéficie de la jouissance des biens, mais aucunement de leur propriété. En l’absence d’une telle modalité, 873

Si le mot araméen klh, « tout », peut se référer à toute propriété sur la terre, le parallèle démotique « toute sorte de propriété dans le monde entier » est un argument en faveur de la traduction suivante : « à la surface de toute la terre », B. PORTEN et al., 2011, p. 181, n. 38. 874 Ibid., p. 181, n. 37. 875 H. NUTKOWICZ, 2010, p. 237-238.

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les biens du mari retourneraient dans le patrimoine de la famille du mari immédiatement876. Les droits de la veuve sur les biens de son défunt mari semblent durer jusqu’à son remariage éventuel. De la clause concernant la veuve sans enfant, il apparaît que les biens du mari réintègrent, à sa disparition, le patrimoine familial. En outre, si l’héritage en qualité d’enfant est évoqué le plus souvent à titre secondaire, il vient en premier, tant pour les filles que pour les fils, dans la liste de dévolution des biens. La veuve n’a alors plus de droit en cette qualité. Les contrats prévoient aussi les droits du mari. La réciproque au fait d’ « avoir droit » n’est pas attestée à l’identique877, puisqu’il est stipulé dans ces contrats de mariage : mr w ywm tmwt mpyh wbr dkr wnqbh l yty lh mn sr blh swr hw yrtnh bnksyh wqnynh, « Demain ou un autre jour, si Mipayah meurt sans enfant de sexe masculin ou féminin de Esor son mari, c’est Esor (qui) héritera de ses biens et propriétés » (B2.6 20-22). Une modalité parallèle insérée dans la convention matrimoniale de Yehoyima précise qu’Ananyah recueillera « son [ar]g[ent] et ses biens et ses propriétés et tout ce qu’elle possède » (B3.8 35-36). Le veuf hérite des biens de son épouse, pour le cas où le couple n’aurait pas eu d’enfant. Dans le cas contraire, les enfants bénéficient de la dévolution du patrimoine. Des exceptions émaillent le contenu des actes. Pour Tamet comme pour ‘Ananyah, seule l’expression « avoir droit » figure dans le contrat et concerne les droits des deux époux, le verbe « hériter » en est absent. ‘Ananyah aurait hérité de Tamet si sa libération avait été complète, aussi, en cette occurrence, laisse-t-elle sa part à Meshoullam878. Aucune pénalité n’est prévue dans leur contrat, et leur fils Pilti/Peletyah n’est pas cité dans la clause d’héritage de leur convention matrimoniale en cas de disparition de l’un ou de l’autre (B3.3 10-13). Selon les couples, les engagements peuvent ainsi se teinter de nuances et évoluer dans le courant de la vie commune. Par ailleurs, des stipulations insérées dans les diverses donations se préoccupent du devenir du bien, prévoyant le plus souvent sa transmission dans l’espace familial. Ainsi, une disposition successorale spécifique en faveur de ses enfants Pilti et Yehoyima est intégrée dans la donation à Tamet par Ananyah (B3.5 17-22). Son contenu détermine le futur du bien offert : lhn hn mytty brt nn 100 bny zy yldty ly hmw lyn bh r mwtky wp hn nh nny mwt br nn 100 ply wyhwym kl 2 bny hmw lyn blqy rnnh nny, « Mais, si tu meurs à l’âge de cent ans, ce sont mes enfants 876

Le droit du mari serait défini par la loi et la clause déclaratoire, tandis que celui de la veuve serait créé par le contrat, en raison de la différence de substance entre les deux termes « avoir droit » et « hériter », R. YARON, 1963, p. 15. 877 B. PORTEN et al., 2011, p. 181, n. 36, p. 231, n. 43. 878 Ibid.., 2011, p. 211, n. 23.

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que tu m’as donnés qui y ont droit après ta mort. Et de plus, si moi, Ananyah, je meurs à l’âge de cent ans, c’est Pilti et Jehôyima, tous deux, mes enfants (qui) ont droit à l’autre partie, moi Ananyah » (B3.5 16-19). Puis, une stipulation de transmission affirme : « Et ma maison est, de même, à eux, sans poursuites » (B3.5 22). Protégeant les deux héritiers, une garantie transmet la liste de ceux qui pourraient réclamer leur part : gbr rn my wby  wh wy rn l yly bbyth klh lhn bny zy yldty ly, « Une autre personne, ma mère ou mon père, frère ou sœur, ou un autre homme, n’aura pas droit à la totalité de la maison, mais (seulement) mes enfants que tu m’as donnés » (B3.5 19-20). La présence de la conjonction « mais », qui introduit et clarifie le verbe « avoir droit », accentue l’affirmation879. Exceptionnellement, la liste donne la préséance au genre féminin représenté par la mère d’Ananyah, puis reprend l’ordre habituel de prééminence du masculin. Une pénalité complète la clause de garantie et prévoit une amende de 10 karshs pour toute personne qui réclamerait la maison à Pilti et Yehoyima après sa mort (B3.5 20-22). Ananyah tire avantage de cet acte pour désigner ses héritiers et préciser la dévolution de la totalité de son patrimoine et celui de Tamet pour le cas où ils décéderaient ab intestat. Le verbe ly, « avoir droit », qui évoque habituellement la transmission, le contrôle de la propriété et les droits attachés, l’annonce et le répète par trois fois. Mais rien n’est définitif, et le dernier contrat dressé par le couple viendra rompre cette décision. Le contenu de cette stipulation dans le contrat d’usufruit en faveur de Yehoyima est perdu pour sa plus grande part, qui évoque sa disparition (B3. 7 18-20). Il reste probable qu’elle prévoyait le retour au donateur. La clause de transmission ne comporte, en effet, aucune référence aux héritiers ou autres bénéficiaires, de Yehoyima, aussi la possibilité que l’usufruit leur revienne est-elle à rejeter (B3. 5 16-20)880. Une ou des modalités de transmission sont intégrées dans les donations entre vifs, qui dans un même document peuvent s’appliquer à l’ensemble des héritiers de la donataire, et/ou à celui qu’elle « aime » (B2.7 8). La formule « et tes enfants y ont droit après toi » (B3.11 9) est suivie de la clause de garantie personnelle du donateur, celle du fait des ayants droit et des tiers (B2.7 7-9 ; B3.11 13), et complétée par une pénalité de 10 (B2.7 11) à 30 karshs (B3.11 14). Les formules des donations successorales organisent une transmission limitée aux enfants de la donataire (B2.3 9-10 ; B3.10 19. 21). S’adressant à cette dernière, le donateur inscrit expressément : wbnyky lyn wnyky ryky, « Et tes enfants y ont droit après toi » (B2.3 9), puis il ajoute : wlmn zy rmty tntnn, « Et tu peux la donner à celui que tu aimes » (B2.3 10 ; 879 880

B. PORTEN, 1993, p. 267-268. H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1988, p. 41-42.

270

B3.10 21). Une clause de garantie personnelle du donateur est ajoutée, contre l’action du fait des ayants droit et des tiers. La liste stéréotypée de ces derniers souligne encore la prééminence du genre masculin, mais ne manque pas d’énoncer la possibilité donnée aux femmes d’intenter une action en justice ((B2.3 10-11 ; B3.10 19). La conséquence financière s’élève d’un montant de 10 karshs (B2.3 14) à 30 karshs (B3.10 21). L’emploi du verbe avoir droit exprime la transmission de la propriété aux héritiers, dans l’espace familial, déjà prévue par la donation. Une protection particulière est insérée dans le contrat de Mipyah et d’Esor, dont le parallèle est attesté dans des contrats égyptiens. Elle affirme qu’Esor ne pourra pas dire : yty ly nth rh lhn mpyh wbnn rnn lhn bnn zy tld ly mpyh, « J’ai une autre femme en plus de Mipyah et d’autres enfants en plus des enfants que Mipyah me portera » (B2.6 32-33). Cette clause est assortie d’une pénalité dont le montant s’élève à 20 karshs. En dépit des apparences, il ne s’agit aucunement dans cette modalité d’interdire un mariage polygamique, mais bien plutôt de prévoir l’émergence de difficultés liées à une précédente union d’Esor et suivi d’un divorce. En effet, en gypte, lors de la dissolution de son union, l’époux se voit tenu de respecter les règles déterminées et inscrites dans le contrat de mariage ou dans d’autres actes pour la répartition des biens du couple. Pour le cas où ces impératifs ne seraient pas respectés, l’ex-épouse et les enfants de ce précédent mariage seraient en droit de réclamer leur part des biens au moment du partage de la succession. Ces précautions ont ainsi pour objet d’anticiper les embarras tant financiers qu’économiques qui pourraient alors advenir, et préserver ainsi la part de Mipyah et de leurs futurs enfants. Certaines de ces modalités prévoient la part respective de chacun, veuve ou veuf, sans enfant ou avec enfants. La veuve sans enfant bénéficie du droit d’usage des biens sans pouvoir les aliéner, et à sa disparition ils retournent dans le patrimoine de la famille de son mari, tandis que celui-ci hérite de son épouse. La succession prévoit la dévolution à égalité aux enfants des deux genres, sans exclusion, ni différence881. En outre, la répartition des biens dans le cadre des donations entre vifs et successorales permet de prévoir et d’attribuer les biens dans un but de protection avant la disparition du donateur. En l’absence de descendant, le père et/ou la mère peuvent éventuellement prétendre à l’héritage (B3.5 19).

881

Les enfants de Mipayah se partagent ses esclaves, et chacun d’eux s’en voit attribuer un (B2.11 2-7), les deux autres restent en indivision.

271

Règles et récits bibliques évoquent certains aspects de la transmission successorale des biens. Seules deux lois organisent le partage de l’héritage. Le premier intéresse la dévolution des biens aux fils (Dt 21, 15-17) et garantit une part plus importante au premier-né, peut-être double ou les deux tiers882, quand bien même un divorce interviendrait. La seconde règle s’applique en l’absence de fils. Ainsi, lorsque Zelophehad meurt sans héritier de genre masculin, ses filles demandent à bénéficier du droit à l’héritage de leur père, qui leur est conféré883. Cette chronique, évoquée en Nombres 27, 1-11 ; 36, 1-12 et Josué 17, 4-6, reste le seul exemple de l’application des règles de l’héritage ayant donné lieu à un texte de loi. Son contenu impose : « Si un homme meurt sans laisser de fils, vous transmettrez son héritage à sa fille. Et s’il n’a pas de fille, alors vous donnerez son héritage à ses frères. S’il n’a pas de frères, alors vous donnerez son héritage aux frères de son père. Et si son père n’a pas laissé de frères, alors vous donnerez son héritage au plus proche parent qu’il aura dans sa famille, lequel en deviendra possesseur » (Nb 27, 8-11). Cette règle soulève cependant une difficulté : lors de l’union de la jeune fille, ses biens peuvent passer dans le clan de son mari, transférant un patrimoine d’une famille à une autre et d’une tribu à une autre884. Si elle contracte mariage dans une autre tribu que la sienne, son héritage sera retranché de celui de son père et le patrimoine familial amoindri. En outre, les fils d’une union appartiennent à la famille du père. Ce double danger est écarté par l’élaboration et la promulgation de cette loi, et l’imposition d’une règle complémentaire contraignant au mariage dans une même tribu. Ainsi, les filles de Zelophehad sont relativement libres du choix de leur époux : « Elles pourront épouser qui bon leur semblera, mais c’est dans une famille de leur tribu paternelle qu’elles devront se marier. Ainsi, aucun héritage chez les enfants d’Israël ne sera transporté d’une tribu à une autre, mais chacun des enfants d’Israël demeurera attaché à l’héritage de la tribu de ses pères » (Nb 36, 6-7). Puis le texte répète cette même loi, passant du particulier au général, des filles de Zelophehad à l’ensemble des filles devant hériter (Nb 36, 8-9) : « Toute fille appelée à hériter parmi les tribus des enfants d’Israël devra épouser quelqu’un qui appartienne à la tribu de son père, afin que les enfants d’Israël possèdent chacun l’héritage de leur père. Qu’il n’y ait pas dévolution d’héritage d’une tribu à une autre, les tribus des enfants d’Israël devant chacune conserver leur héritage ». Aussi s’unissentelles à des membres de leur tribu (Nb 36, 12) : « Elles se marièrent dans les familles issues de Manassé, fils de Joseph, et leur héritage resta dans la tribu 882

E. W. DAVIES, 1986, p. 341-347. T. ILAN, 2000, p. 176-186. 884 Z. BEN-BARAK, 1980, p. 22-33 ; N. H. SNAITH, 1966, J. WEINGREEN, 1980, p. 22-33 ; Z. FALK, 1951-52, p. 9-15. 883

272

p.

124-127 ;

de leur souche paternelle. » Ici s’affirme une protection particulière : les terres ne doivent et ne peuvent changer de propriétaire hors du clan et de la tribu que dans un espace familial précis, limité. L’union des filles de Zelophehad aux fils des frères de leur père, qui suivent à la lettre cette injonction, permet ainsi de ne pas faire sortir le patrimoine du clan paternel. Pour autant, la date de ces textes reste malaisée à déterminer et la documentation plus que rare pour la période royale. L’interprétation de la tradition en faveur de l’héritage des filles, attestée en Nb 27 et 36, se rattacherait à la rédaction sacerdotale et sa relecture exilique ou postexilique885. Le récit de Job 42, 15 mentionne également l’héritage des filles : wytn lhm byhm nlh btwk yhm, « Et leur père leur donna un héritage parmi leurs frères886 ». Aucune autre information ne précise leur part. Or, Job semble un personnage étranger, aussi ne peut-il être précisé s’il s’agit d’une pratique usuelle ou non887. Les veuves semblent avoir été oubliées dans le cadre législatif, si ce n’est dans l’espace du lévirat, dont la coutume suppose le remariage de la jeune veuve sans enfant avec l’un des frères du disparu lorsqu’ils vivent ensemble888. Un exemple d’héritage de son mari par une veuve est rapporté dans le roman de Judith : « Manassé, son mari, lui avait laissé or et argent, serviteurs et servantes, bêtes et champs, et elle demeurait dans ses propriétés » (8, 7). Si ce récit établit que l’héroïne bénéficie d’un droit de propriété, et non pas d’usufruit, sur les biens transmis, il ne permet pas de généraliser son exemple et laisse entière la question de savoir s’il reflète une règle générale concernant les veuves sans enfant, ou bien un testament en sa faveur (16, 24). Un autre exemple est connu, celui de Tobie auquel Raphaël, son parent, déclare en évoquant Sarah, fille unique de Ragouël : « De même que tu as droit à hériter de la fortune de son père » (12). Le roman reste silencieux sur l’héritage de Sarah et l’attribue à son époux (14, 13). Pour autant, lors de leur union, la moitié des biens de Ragouël lui est attribuée. Institution non réglementée par les textes, l’établissement de testaments semble permettre aux femmes d’hériter de leur mari. Deux récits évoquent les dernières volontés émises par un chef de famille. Le premier, Ahitophel, avant de se donner la mort met les affaires de sa maison en ordre 885

A. LEMAIRE, 2003, p. 39 ; 1972, p. 13-20 ; 1977, p. 287-289 ; 1978, p. 321-337. P. MACHINIST, 1997, p. 67-81. 887 Pour la période patriarcale, peu d’exemples sont connus de transmission de l’héritage. Celui de Rachel et Léa n’est guère développé, qui se plaignent de n’avoir rien à attendre de leur père (Gn 31, 14-15) : « pour réponse, Rachel et Léa lui dirent : Avons-nous encore une part et un héritage dans la maison de notre père ? ». 888 Voir ch. premier, p. 32s. 886

273

(2 S 17, 23), et le roi zéchias se voit recommander par Isaïe : w lbytk ky mt th, « Donne des ordres à ta maison car tu vas mourir » (2 R 20, 1, Is 38, 1). La référence à un testament spirituel est mentionnée dans deux passages, dont le premier se rapporte aux dernières volontés de Jacob (Gn 49, 29-33) et le second à celles de David (1 R 2, 1-9). Le Siracide recommande à l’heure de la mort : « distribue ton héritage » (Si 33, 24). L’héritage d’origine divine est encore rappelé en Nombres 18, 21889. Outre ce texte de loi, il semble que la tradition se préoccupe des dernières volontés du défunt. Et le testament, déjà attesté dès le bronze récent à Emar et Ougarit, rend vraisemblable l’existence de testaments dès l’époque royale. Probablement de la fin de la période royale judéenne, l’O. Moussaïeff 2 comporte une requête rédigée par une veuve sans enfant, auprès d’un officier de justice890. Elle est introduite par une bénédiction : « Que YHWH te bénisse en paix ! Et maintenant que mon maître, l’[officier/sar], écoute [sa] servante » (1-2). La veuve réclame l’héritage de son mari attribué aux frères du défunt par cet officier et rappelle l’entrevue entre ce dernier et son mari du nom d’Amasyahou : « Mon mari est mort, pas de fils. Et ta main [sera] avec moi et tu [donneras/dois donner] dans la main de ta servante l’héritage dont tu as parlé à Amasyahou, mais le champ de blé qui (est) dans Naamah, tu (l’)as donné à [son-ses] frères » (3-8). Les termes du texte sont en concordance avec le transfert d’un héritage souvent exprimé par le verbe ntn. Et l’expression byd, « dans la main » est souvent employée comme terme légal, qui souligne qu’un bien est « au nom de quelqu’un », ou bien qu’une personne possède un droit particulier afférent891. Le texte ne permet pas de savoir si elle en demande la pleine propriété ou l’usufruit. Si l’officier semble suivre les recommandations de Nombres 27, 9, la veuve semble tirer argument de l’entrevue au cours de laquelle ce dernier aurait recueilli les dernières volontés orales du défunt : 889

Cette loi définit leur mission, motif de l’héritage, et décrit sa contrepartie : ntty kl mr byrl lnlt lp bdtm r hm bdym t bdt hl mwd, « Je leur donne pour héritage toute dîme en Israël en échange du service dont ils sont chargés, le service de la Tente d’assignation » (Nb 18, 21). 890 P. BORDREUIL, F. ISRAEL et D. PARDEE, 1996, pl. VII et VIII et 1998, p. 2-14, posent la question de l’authenticité du texte. A. BERLEJUNG et A SCHÜLE, 1998, p. 68-73 et I. EPH’AL et J. NAVEH, 1998, p. 269-273, mettent en doute l’authenticité de l’ostracon. Pour autant, l’analyse de l’encre ne permettrait plus d’en douter, H. SHANKS, 1997, p. 28-32 ; A. LEMAIRE, 1999, p. 1-14 ; 2003, p. 43-45. 891 E. BONS, 1998, p. 201 ; J. A. WAGENAAR, 1999, p. 19. L’auteur considère qu’il ne s’agit pas d’un héritage, puisque les droits de transmission font partie des règles coutumières. Et, à la suite du décès de son mari et en l’absence d’enfant, les biens tombent entre les mains du frère. Aussi s’agirait-il de la transmission d’une parcelle des champs communs du village nécessaire à la survie de la veuve, M. HELTZER, 2003, p. 135-136.

274

hnhlh ‘shr dbrth, « l’héritage dont tu as parlé ». Peut-être qu’un dialogue oral avec un officier de justice sans témoin ne peut remplacer un testament, à moins que ce dernier ait cédé aux pressions des frères du défunt. Paraissant apporter une confirmation de la possibilité pour les veuves de recueillir l’héritage de leur défunt époux, le quatrième chapitre du livre de Ruth met en scène Boaz à la porte de la ville, s’exprimant devant les Anciens et le plus proche parent de Noémie, et rappelant que Noémie souhaite vendre la terre appartenant à Élimélek, son défunt mari (4, 2-3). Or, à en croire les règles de transmission de Nombres 27, 8-11, si un homme n’avait ni fils ni fille, l’héritage revenait au parent masculin le plus proche. Dans ce système, la terre aurait été transmise au plus proche parent apparaissant en Ruth 4, 1 et chargé de racheter la terre. Mais, Noémie est en possession de cette terre, aussi ce récit permet-il de témoigner de la possibilité pour une veuve sans enfant de bénéficier des biens de son mari, au moins au moment de l’écriture de ce texte892. Diverses sources documentent la question de la succession en gypte . Connues, par les contrats de mariage, les testaments et autres documents, les règles de transmission du patrimoine livrent leurs spécificités et leur diversité. Le chef de famille et/ou son épouse peuvent choisir de partager ses biens entre tous ses héritiers, ou bien pour le premier de favoriser son fils aîné, mais d’autres choix sont également connus. Concernant la transmission successorale des biens de l’époux connue par un contrat de mariage, une première stipulation est attestée dans le P. Berlin 13614. Cette convention avec paiement du shep par le mari s’adresse à l’épouse et désigne leurs héritiers. La totalité du patrimoine est transmise à tous les enfants issus de leur union sans distinction de genre, et peut y ajouter d’autres biens : nj=j rṱ.w ntj ms n nb.w n ntj nb nkt ntj mtw[=j] n n ntj ἰw[=j] r dj.t ḫpr=w n ḫ.ṱ n ἰtf mw.t, « Les enfants que tu me donneras sont les maîtres de tout et chaque chose qui [m]’appartient et tout ce que [j’]acquerrai ainsi que des biens [de] père et mère » (P. Berlin 13614 2). Un formulaire plus tardif (déc. 364) prévoit une dévolution presque identique des biens, mais n’incorpore pas les « biens de père et mère » (P. Lonsdorfer I 2). Le P. Caire 31177, apporte quelques détails sur la situation des biens transmis : n sḫ.t p tmj pr wr, « dans la campagne (et) la ville, (dans) la maison (et les) parcelles à bâtir » (2). Tous les enfants du couple, sans différence de genre ou d’âge, sont les légataires de leur père. 893

892

D. R. G. BEATTIE, 1974, p. 266, conclut que le livre de Ruth a été composé durant la période monarchique ; M. BURROWS, 1940, p. 448 ; H. H. ROWLEY, 1952, p. 175. L’auteur rappelle également le texte de 2 R 1-6, où une femme réclame sa maison et son champ au souverain. 893 P. W. PESTMAN, 1969, p. 58 s.

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Les enfants des différentes unions, sans différence de genre, peuvent l’être également : « Les enfants que tu me donneras partagent avec mes enfants tout ce que je possède et que j’acquerrai » (P. Rylands 20). Une variante est attestée dans deux contrats qui fixent le détail des possessions transmises à l’ensemble des enfants issus de l’union (P. Berlin 3145). Pour autant, le fils aîné894 peut bénéficier de la totalité de l’héritage. Le texte de la stipulation peut être plus précis et fournir la liste des biens transmis (P. Rylands 10895). Des variations sur ce thème mentionnent la transmission de la totalité des biens à l’aîné (P. Louvre 2433, 19 janvier-28 février 252896). Ils peuvent être attribués aux enfants de l’union et à l’épouse, et plus précisément à celle-ci pour les enfants : mtw=t n rṱ.w ntj ἰw=t r ms.ṱ=w n=j ntj nb ntj mtw=j n n ntj ἰw=j dj.t ḫpr=w, « t’appartient (pour) 894

N. KANAWATI, 1976, évoque divers exemples de peintures tombales représentant deux ou plusieurs enfants aînés (smsw). Dans la plupart des cas, seul l’un des aînés est représenté avec la même femme du propriétaire de la tombe. Le fils aîné d’une femme différente est dépeint devant son père séparé de la femme et de son aîné. Le fait de mentionner plus d’un aîné met en exergue des unions multiples. Selon K. MCCORQUODALE, 2012, p. 84, le fils aîné, durant le Nouvel Empire, reçoit une part deux fois supérieure à celle de ses frère et sœurs. 895 Le contenu de la stipulation précise : pj=j r  pj=t r  pj p nb n ntj nb nkt nb ntj mtw=j n n ntj ἰw=j dj.t ḫpr=w n pr  snḫ bk bk.t t m.t bs ἰ.t  tp n ἰw.t nkt n rj.t nb, « Mon fils aîné, ton fils aîné, est le maître de tout et chaque chose qui m’appartient et que j’acquerrai en maison, champ, prébende, serviteur, servante, argent, cuivre, vêtements, gros bétail, âne, menu bétail (et) ustensiles de maison » (P. Rylands 10 3). Les contrats qui insèrent la formule suivante : « ton fils aîné est mon fils aîné », outre les deux cités, sont les suivants : P. Hauswaldt 6 et 15 ; P. Marseille 96 et P. Turin 6082. Le terme : pj=j, « mon » est absent des contrats P. British Museum 10394 ; P. Berlin 3109 et1569 ; P. Philadelphie XXV ; P. Vatican 2037B ; P. Turin 2129 et 6111 ; P. Bibl. Nat. 236 ; P. Rylands 16, 22 et 28 ; P. Adler 14 et 21 ; P. Heidelberg 701 ; P. Caire 30970. L’emploi de : p nb, « maître » souligne le lien entre la personne et l’objet, P. W. PESTMAN, 1961, p. 118, n. 3. L’expression peut être inversée : « mon fils aîné, ton fils aîné », P. Rylands 10 3. Dans l’une de ces expressions : « ton fils aîné, mon fils aîné », ce dernier est réputé être le fils aîné du mari. 896 La formule est la suivante : pj=t r  j=j r  pj p nb ntj nb ntj mtw=j  ntj ἰw(=j) (r dj. t ḫpr=w, « Ton fils aîné, mon fils aîné (parmi les enfants que tu me donneras), est le maître (de) tout ce que je possède et de tout ce que j’acquerrai » (P. Louvre 2433 3). Les P. British Museum 10394, P. Berlin 3109 et 3075 renferment une clause identique. Une autre affirme : pj=t r  pj=j r pj n

n rṱ.w r. ms(=t) n=j n n ἰw.ἰr(=t) ms.ṱ=w n=j, « Ton fils aîné, mon fils aîné est parmi les enfants que (tu) m’as donnés et que tu me donneras » , (P. Hauswaldt 6 3 ; 14 3 ; 15 3).

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les enfants que tu me donneras tout ce que je possède et que j’acquerrai » (P. Caire 31177 2897). L’épouse semble ne recueillir l’héritage que pour le compte des enfants de cette union : « Tandis que je ne pourrais pas les donner à d’autres enfants que les enfants que tu me (donneras) » (P. Caire 31177 2). La même formule apparaît dans un autre document où le mari ne transmet cependant qu’un tiers des propriétés présentes et à venir (P. British Museum 10591 I 9). Ce souci de transmission est également présent dans les contrats avec ḫ. Ainsi, le P. Oriental Institute 17481/Chicago Hawara 1 prévoit ce qu’il adviendra des biens de l’époux ayant reçu l’argent du « document d’alimentation » : « Voici ce qui appartient aux enfants que tu me donneras, tout ce que je possède et que j’acquerrai, maison, champ, cour, parcelle à construire, serviteur, servante, tout animal, tout titre, et toute chose libre au monde que je possède » (2898). L’ensemble des contrats d’alimentation de ces archives transmet une clause de cette sorte899. Le mari prévoit, dans cette convention, la transmission aux enfants de son couple sans différence entre fils et filles. L’intégralité des biens peut être concédée à l’aîné (P. Karara I, 15 sept. 130), et celui-ci peut être déclaré celui du mari, et un autre formulaire avec  apporte quelques précisions (P. Caire 30607). Le père peut attribuer ses biens aux héritiers de sexe masculin (P. Bibl. Nat. 224 II. 2-3). La même formule apparaît dans un autre document où le mari ne transmet cependant qu’un tiers des propriétés présentes et à venir (P. British Museum 10591 I 9, novembre 185). voquée plus haut, la convention matrimoniale avec « document d’alimentation » dédiée à une seconde union prévoit un dédommagement par la fille d’un premier mariage, dont le montant s’élève à 20 debens d’argent, si elle s’oppose à cet acte en faveur du fils de cette seconde alliance : « Mon 897

P.W. PESTMAN, 1961, p. 120, n. 8. E. LÜDDECKENS, 1963, p. 25, propose : « Aux enfants que tu me donneras appartient tout ce que je possède et tout ce que j’acquerrai. » 898 La clause de transmission est la suivante : mtw n rṱ.w nt ἰw=t r ms.ṱ.w n=j nt nb.t nt mtw=j n n nt ἰw=j r dj.t ḫpr=w pr  ἰn wr bk bk.t ἰw.wt nb.t qnb.wt nb.t mt nm.w nb n p t mtw=j, (P. Oriental Institute 17481/Chicago Hawara 1 1-2). 899 Le P. Chicago Hawara 2 (10 oct.-8 nov. 331) renferme une formule à peine plus complète : « Voici ce qui appartient aux enfants [que tu me donne]ras, tout de toutes mes propriétés que je possède et que j’acquerrai en maison, champ, cour, parcelle à construire, serviteur, servante, vache, âne, tout animal, toute charge, tout contrat donnant titre, et toute chose d’un homme libre quelle qu’elle soit à moi » (1-2). Les P. Chicago Hawara 3 et 6 sont quasiment identiques, hormis cette variation : « Voici ce qui appartient aux enfants que tu me donneras, tout et chaque chose que je possède » (2).

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fils (ou) ma fille qui viendront contre toi en ce qui la concerne, il te donnera 20 debens d’argent, équivalent à 100 statères, qui font 20 debens d’argent à nouveau, il sera loin de toi en ce qui la concerne, à nouveau, sans déloyauté » (P. Louvre 2433 4). Cette condition octroie à la seconde épouse bénéficiaire de la succession la certitude que les héritiers de la première union ne s’opposeront pas à la dévolution prévue et aux avantages dont elle bénéficie. Son objet est identique à l’acceptation effective des autres légataires. Par et dans l’écrit où le mari met en garantie la totalité de son patrimoine pour sa seconde épouse, la fille de la précédente union accorde son consentement, faute de quoi elle devra verser l’indemnité prévue, préservant les droits acquis par la seconde épouse. Par la formule d’éloignement, avec une clause de dédommagement, l’époux transmet une garantie à sa seconde épouse, du fait de ses ayants droit. Comportant une solution particulière parallèle, le s n snḫ du P. British Museum 10591 VI 21 est établi par un homme en faveur de sa seconde épouse : il accorde le tiers de ses biens aux enfants de cette seconde union. Les enfants du premier mariage se trouvent défavorisés pour ce qui concerne leur droit de succession, et le fils aîné Toutou se voit tenu de renoncer à ce tiers en leur nom. S’il n’avait pas donné son accord, il aurait pu réclamer cette part. Aussi ce document comporte-t-il une clause où il accepte : « Tandis que le fils aîné…, Toutou, fils de…, est présent et dit : Écris et reçois l’acte de la main de… mon père ci-dessus (mentionné), qu’il agisse en accord avec chaque stipulation ci-dessus (mentionnée), mon cœur est satisfait avec »900. Le ou les héritiers doivent parfois renoncer à leur titre à succession afin de permettre au testateur d’aliéner les biens qui lui appartiennent. P. Louvre 2438 en est le témoin et met en scène un homme du nom de Patma, qui doit transférer la propriété donnée en garantie à sa femme pour une dette d’argent. Il ne peut cependant effectuer cette opération qu’avec le renoncement de la fille de sa première union à son titre sur la succession. Aussi doit-elle exposer son accord : « Je suis loin de toi au sujet de tout et de chaque chose, dont la liste est donnée ci-dessus et dont il [mon père] a dressé un acte pour toi [sa seconde épouse]. Mon cœur en est satisfait901. » Par certains contrats de la période ptolémaïque, le conjoint cède à son épouse la totalité de sa fortune en échange de sa sollicitude durant leur union et ultérieurement, et parmi les prescriptions auxquelles elle doit se soumettre est spécifiée celle de le faire embaumer et accomplir les rites funéraires (P. Louvre 2439, de 330 ; P. Rylands 2, de 284). À la suite de cette cession, l’épouse se trouve dorénavant dans une obligation à son égard sans limite dans le temps, dans la vie et la mort. Un second document, s n 900 901

P. W. PESTMAN, 1961, p. 38-39, 137-138. K. SETHE et J. PARTSCH, 1920, p. 693-694.

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wj doit nécessairement être établi qui confirme la cession et, tant que l’époux n’a pas affirmé qu’il n’a pas de titre sur ces biens, l’épouse ne devient pas propriétaire de ces biens. De fait, un seul acte s n wj est attesté (P. Marseille 96, de 235). Il semble que cette disposition se rapporte à la transmission du patrimoine902. En effet, le respect des rites funéraires repose sur les proches du défunt, aussi s’agit-il probablement d’actes fictifs visant à faire de l’épouse une légataire universelle. Mais cette vente n’est pas une cession réelle lorsque le second document n’est pas établi. La transmission successorale ou « donation par vente » est mise en lumière par le P. Philadelphie X de 293-292903, où une femme du nom de Taminis vend la totalité de ses biens, qui consistent en une partie de maison et des tombes, à son fils aîné Osoroëris. Douze ans plus tard, elle réalise cette vente en établissant un second document par lequel elle déclare qu’elle n’a pas de droit sur les biens cédés auparavant. Par l’établissement de ce second document, la cession devient effective à la mort de Taminis904. Outre ces formulaires, des testaments inscrivent la dévolution des biens. Parfois, le patrimoine du mari est partagé entre tous ses descendants, et pas seulement ceux nés de l’union évoquée dans le document le spécifiant. Ainsi, dans un acte de 517 (P. British Museum 10120B), appartenant aux mêmes archives de Tsenor que P. British Museum 10120A, contrat de mariage avec l’« argent pour devenir une épouse », le père, Psenèse, dans ce document qui adopte la forme usuelle des contrats, expose à sa fille Rourou, qu’il l’institue héritière avec ses autres enfants déjà nés et à naître : mtw=t t ἰrj p n nj(=j) rd.w ntj ms n n ntj ἰw=w ἰ ms.ṱ=w n=j n ntj nb ntj mtw(=j) n n ntj ἰw(=j) ἰ dj.t ḫpr=w pr.w  bk.w… mtw=t 1.t dnj(.t) n.ἰm=w r .t n nj(=j) rd.w ntj ἰw=w ἰ ḫrp  ḏt, « Tu es la compagne en partage de mes enfants qui sont nés et que l’on me mettra au monde pour tout ce qui m’appartient et que j’acquerrai : maisons, champ, serviteurs… à toi en est une part proportionnellement au nombre de mes enfants qui 902

Cette clause se rapporterait à la loi de succession plutôt qu’à un achat d’annuité, où le mari reste le propriétaire. Il est probable que le mari décide d’établir un tel acte alors qu’il a déjà atteint un certain âge, P. W. PESTMAN, 1961, p. 123 ; M. El-AMIR, 1959, p. 86. 903 M. El-AMIR, 1959, p. 86. 904 D’autres exemples sont connus, dont P. British Museum 10073, par lequel une dame Tanuphis dresse une « donation par vente » d’une partie de ses biens qu’elle souhaite laisser à sa fille. Le second document par lequel elle déclarerait qu’elle n’a plus de droit sur les biens vendus n’est pas établi, P. W. PESTMAN, 1969, p. 63. À l’étude d’un groupe de textes provenant d’archives de choachytes thébains, certains formulaires prétendument de vente ne sont que des actes de transmission à des héritiers, frères ou épouse, qui sont des sortes de testaments, ou bien des donations à l’occasion de l’union, P. W. PESTMAN, 1995, p. 79-87.

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naîtront à jamais » (2-5905). Le contrat tente de prévoir toutes les situations possibles. En effet, l’examen des archives de cette famille montre que le père, à ce moment, n’a pas d’autre enfant906. En 498, dix-neuf ans après, alors qu’un fils lui est né qui n’a pas encore atteint cet âge, Psenèse refait un testament907 (P. Turin 2126), qui partage ses biens entre ses deux enfants et s’adresse à sa fille Rourou : mtw=t t p n ntj nb ntj mtw(=j) n n ntj ἰw(=j) r dj.t ḫpr[=w, « À toi appartient la moitié de tout ce qui m’appartient et de tout ce que j’acquerrai » (2). La clause de non-réclamation ou garantie personnelle par laquelle il renonce à ses droits sur les biens, suit cette clause de transfert : mtw(=j) md nb p t r .wj=w, « Je n’ai aucune réclamation au monde à leur sujet » (2). Le père précise : « Alors que l’autre moitié appartient au choachyte de la vallée Iretourou, fils de Psenèse, fils d’Herirem, et dont la mère est Tsenor, mon fils et ton frère » (3). La clause de renonciation à plainte et/ou procès comporte la garantie contre l’action des tiers et affirme : p ntj ἰw=f ἰj r.r=t r ḏb.ṱ=w n rn(=j) n rn n rmṯ nb p t ἰw(=j) dj.t wj=f r.r=t, « Quant à celui qui viendra contre toi à cause d’eux en mon nom ou au nom de toute (autre) personne au monde, je ferai en sorte qu’il s’éloigne de toi » (3). Le père s’oblige à protéger sa fille de toute personne qui l’empêcherait d’exercer, sur les biens en question, les prérogatives conférées par cet acte908. La transmission des titres précise : mtw=t nj=w ḳnb.w n .wj nb ntj ἰw=w n.ἰm=w mtw=t p ntj ἰw(=j) m.k n.ἰm=f n rn=w, « À toi appartiennent les titres en tout endroit où ils se trouvent, à toi appartient ce à quoi j’ai droit en leur nom » (4). Les témoins sont au nombre de huit. Le frère de Rourou a probablement bénéficié d’un acte semblable, qui a disparu. Peu de temps après le premier acte de dévolution en faveur de sa fille Rourou par Psenèse, son épouse établit les deux testaments, portant les références : P. Bibl. Nat. 216 et 217 et datés de 29 février-29 mars 517, par lesquels elle institue ses deux enfants déjà nés, demi-frère et demi-sœur,

905

L’omission des droits de Rourou dans le contrat de mariage de ses parents daté de 29 févr.-29 mars 517 semble indiquer une naissance courant mars 517, et Psenèse s’adresse à un nouveau-né. Un adulte devait veiller à l’intérêt de l’enfant, rôle probablement joué par sa mère, Tsenor, P. W. PESTMAN et S. P. VLEEMING, 1994, n° 4 ; N. J. REICH, 1914, p. 25-38 ; E. REVILLOUT, 1885b, p. 20-29 ; 1896, n° 93 ; 1911-1912, n° 50. 906 Dans neuf cas, les parties contractantes ont d’ores et déjà des enfants lorsqu’elles établissent un contrat, ce qui correspond à 16 % des contrats avec shep, P. W. PESTMAN, 1961, p. 29. 907 S. PERNIGOTTI, 1981, p. 285-287 ; E. REVILLOUT, 1895, p. 27 ; 1896, n° 105 ; 1911-1912, n° 63. 908 Cette formulation correspond au stade final de l’évolution du formulaire de la garantie, B. MENU, 1988, p. 171.

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héritiers de son patrimoine présent et à venir909. Le premier, dressé en faveur de son fils Pétéamenhotep précise : mtw=k t p n ntj nb ntj mtw(=j) n sḫ.t .t-ntr p dmj pr.w  bk.w ḏ m.t bs ἰt bd.t ἰ  st n p ḏw ntj nb nkt n p t mtw=k t p n ntj nb n nkt p t ntj m-ḏr [w]-mw n t ἰn Ns-Mn s Ḫ=w-s-n-Wsr pj(=j) ἰt n t p n ntj nb nkt n p t ntj m-ḏr s.m(.t) Rwrw s.t n w-mw n t ἰn P-dj-Min mw.t=s Tj-dj tj(=j) mw.t mtw=k t p n tj(=j) dnj ntj p(=j) n rn=w mtw=k p ntj ἰw(=j) m.k n.ἰ= f n rn(=j) n rn nj(=j) mw.t-ἰt.w ntj-(ἰw) wn m-ḏr s.m(.t) Rwrw s.t n w-mw n t ἰn P-rn-Is.t mw.t=s T-snt-n-Ḥr tj=k sn.t ḫm t k.ṱ p n tj(=j) dnj ntj p=j n rn(=j) n rn nj(=j) mw.t-ἰt.w ntj rj n, « À toi est la moitié de ce qui m’appartient dans la campagne, le temple et la ville, maisons, champ, serviteurs-esclaves, argent, cuivre, vêtements, orge, blé, bœuf, âne, tombeau dans la nécropole et toute (autre) chose au monde910. À toi est la moitié de toute chose au monde qui appartient au choachyte de la vallée Nesmin, fils de Khaousenousir, mon père, ainsi que la moitié de toute chose au monde qui appartient à la femme Rourou, fille du choachyte de la vallée Patimin dont la mère est Teti, ma mère. À toi est la moitié de ma part qui me revient en leur nom. À toi est (la moitié de) ce à quoi j’ai droit en mon nom et au nom de mes mère et père, dont appartient à la femme Rourou, fille du choachyte de la vallée Pasherenis et dont la mère est Tasenetenkher, ta sœur cadette, l’autre moitié de ma part qui me revient en mon nom et au nom de mes mère et père mentionnés ci-dessus aussi » (2-5). Tsenor anticipe la possibilité de mettre un autre enfant au monde et les droits de celui-ci à sa part sur la part de ses deux autres enfants, s’il reste en vie. Huit témoins signent l’acte. Dans le P. Bibl. Nat. 217, Tsenor s’adresse à sa fille Rourou, lui attribue l’autre moitié de ses biens, très exactement comme à son frère (2), la moitié de la part qui lui revient au nom de son père et de sa mère, et ce qui lui revient en leur nom qui est en possession de son frère aîné (3-4), leur autre moitié. La clause intéressant tout enfant à naître figure mot à mot dans cet acte. Le même scribe a dressé les deux conventions, qui porte le nom d’Ip, fils du père divin de Montou, Seigneur de Thèbes, Djeder, fils d’Ip. Les mêmes huit témoins apparaissent à l’acte. Bien que le partage soit établi à égalité avec son frère, ce document diffère dans la forme de l’acte en faveur de son frère911. La clause de l’héritier est omise dans le premier acte

909

E. REVILLOUT, 1895, p. 24 ; 1896, n° 94, 95 ; 1911-1912, n° 51, 52 ; S. PERNIGOTTI, 1981, p. 289-290, 291-292 ; E. CRUZ-URIBE, 1979, p. 33-44 ; P. W. PESTMAN et S. P. VLEEMING, 1994, nos 5 et 6. 910 La liste des biens transmis figure dans d’autres actes tels les P. British Museum 10120B et 10450 ; P. Turin 2126 ; P. Louvre E 9294 ; P. Berlin 3110 et P. Loeb 48. 911 Le texte met en lumière les variations suivantes : mtw=t t p n ntj nkt ntj mtw(=j)… n t p n tj(=j) dnj ntj p(=j) n rn n w-mw n t ἰn N. s Ḫ. pj(=j) ἰt

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établi par Psenèse. Les deux documents dressés par Tsenor, pas plus que le premier acte de dévolution établi en faveur de Rourou par son père, ne comportent de modalité de garantie, ni de transmission des titres, toutes deux attestées dans le P. Turin 2126. Enfin, par le P. Turin 2125 de 506, Tsenor divise ses propriétés concernant les liturgies lui venant de son père par succession. À contrario, des héritiers peuvent être déshérités, filles et garçons, et l’exemple du testament de dame Naunakhte le confirme (I II 4-7), qui décide : « Chacun d’eux qui a posé ses mains sur les miennes, je donnerai mes biens, mais celui qui ne les a pas posées, je ne lui donnerai pas de mes biens », puis la vieille dame prend ses dispositions envers ses enfants appelés à la succession et ceux qui en sont exclus912. Parfois, l’héritage donne lieu à des querelles, dont le P. Bulaq X/Caire 58092 rapporte les échos. Il rappelle qu’une dame Tagemy a été inhumée par l’un de ses fils sans l’aide de ses frères et sœurs. Les oncles et tantes de son fils lui réclament l’héritage de sa grand-mère. Celui-ci fait appel à une loi de Pharaon et au précédent de l’héritage de Tenasy demandant une décision de l’oracle, qui confirme son bon droit. Lui-même répartit les biens de son père par une déclaration publique, comme celle de dame Naunakhte913. Il distribue les biens qui constituent sa propriété personnelle. Ce document évoque la question de savoir si la personne qui inhume le défunt est considérée comme administrateur. Et la réponse apportée affirme qu’il est le propriétaire légal de l’intégralité de l’héritage. Parfois, les biens demeurent en indivision. Les propriétés sont administrées par l’un des héritiers pour le compte de l’ensemble d’entre eux. Il peut également être appointé par le testateur. Le fils aîné, ou l’administrateur, doit procéder à la division et à la distribution. Parfois, les n s.m(.t) R. s.t n W-mw n t ἰn P. mw.t=s T.tj(=j) mw.t mtw=k t p n tj(=j)

dnj ntj p(=j) n rn nj(=j) mw.t-ἰ.w ntj rj n rn nj=w mw.t-ἰt. w n mtw=k p ntj

ἰw(=j) m.k n.ἰm=f n rn=w ntj.ἰw wn m-ḏr w-mw n t ἰn P. s I. mw.t = f T. pj=t sn  tj=w k.ṱ p, « À toi est la moitié de toute chose qui m’appartient… ainsi que la moitié de ma part qui me revient au nom du choachyte de la vallée Nesmin fils de K., mon père, et (au nom de) la femme Rourou, fille du choachyte de la vallée P. et dont la mère est T., ma mère. À toi est la moitié de ma part qui me revient au nom de mes mère et père ci-dessus mentionnés et au nom de leurs père et mère aussi, à toi est (la moitié de) ce à quoi j’ai droit en leur nom. Dont l’autre moitié appartient au choachyte de la vallée P. fils d’I. et dont la mère est T., ton frère aîné » (2-4). 912 J. ČERNY, 1945, p. 29-53, pl. 8-12 ; A. THEODORIDES, 1966, p. 64-65 ; P. GRANDET, 2002, p. 19-30 ; P. W. PESTMAN, 1982a, p. 173-181 ; 1982b, p. 155172. 913 Outre le P. Bulaq X, l’O. Petrie 16 se réfère également à des querelles d’héritage, J. J. JANSSEN et P. W. PESTMAN, 1968, p. 138-152.

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désaccords sont résolus par le tribunal914. Le Code d’Hermopolis prévoit et organise la répartition de l’héritage si besoin est (VIII 30-IX 33). Principe de précaution, dès l’alliance, la répartition des biens en cas de veuvage ou de séparation est organisée dans les contrats araméens et démotiques divers, qui définissent obligations et droits de chacun, éclairant les règles de dévolution en faveur des descendants et/ou de l’épouse. Tant les hommes que les femmes peuvent en décider. Si des testaments des périodes saïte et perse sont attestés en démotique et non en araméen, les donations jouent également un rôle de transmission entre vifs ou successorale915. Alors que mari et femme égyptiens recueillent les biens de leur famille, mais n’héritent pas l’un de l’autre, ce principe peut être détourné par le système des donations en faveur des femmes. À léphantine, le contenu de la transmission diffère selon qu’il s’agit des hommes ou des femmes. Les uns héritent de leur femme, tandis que celles-ci se voient transmettre un droit d’usage sur des biens de leur mari, tout comme, parfois, les femmes égyptiennes. Aussi, l’intérêt d’une donation entre vifs ou successorale, qui peut néanmoins être révoquée à tout moment, se trouve dans le choix par le père d’avantager un enfant, ou par le mari de laisser un bien à son épouse qui n’entre pas dans la dévolution de l’héritage. En outre, la donation entre vifs ou successorale ne remplit pas exactement les mêmes fonctions qu’un testament, puisque ce dernier document permet en un seul acte de prendre toutes les dispositions de transmission ou autres, comme celle de nommer un tuteur. Un principe s’impose : chacun des époux possède ses biens propres, et les richesses demeurent dans le même cercle familial. Les enfants viennent à l’héritage de manière égale et sans différence de genre. Les listes des clauses de garantie inscrivent les frères et sœurs en second, puis les parents dans l’ordre de dévolution. Les modalités des contrats de mariage démotiques prennent en compte ou non les héritiers des diverses unions. Par l’utilisation de divers actes, tant le père que la mère en décident, qui sont libres de la répartition de leurs biens. Les enfants bénéficient de certains droits sur les biens de leur père, lesquels peuvent être remis en cause par son remariage et ses conséquences, l’obligation de partager avec les enfants d’un second mariage et de donner leur accord à des arrangements qui les défavorisent. D’autres documents se préoccupent également de la transmission du patrimoine. Par certains, le mari cède l’ensemble de ses possessions à sa femme, moyennant certaines conditions. Néanmoins, ils restent rares. La forme des actes diffère, 914

Le P. Berlin 3047 rapporte une plainte contre l’administrateur d’un héritage afin d’obtenir une part. 915 C. CHEHATA, 1966, p. 21.

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dont l’objet est de faire de l’épouse la légataire universelle, et qui peut figurer dans la convention matrimoniale avec, parfois, une vente fictive de toutes les possessions de l’époux. Quelquefois, afin de transmettre la totalité de leur patrimoine à leur épouse, les gyptiens, pour les périodes qui précèdent la XXVIe dynastie, recourent à l’adoption. Ce choix met en lumière certains aspects des règles de transmission aux héritiers. Lors de l’adoption de son épouse par le mari, elle bénéficie de la part de son conjoint, sans possibilité d’exclure les autres héritiers de leur quote-part. Le testament permet également l’organisation de la transmission des biens par le testateur des deux genres, c’est-à-dire d’avantager ou de déshériter un enfant, modifier l’égalité devant l’héritage, ou laisser un legs à l’épouse916. Dès la XXVIe dynastie, les donations semblent remplir en partie cette fonction. Les formulaires araméens de donations d’léphantine suivent un même modèle et un même ordre que ceux des actes égyptiens, qu’il s’agisse de donations entre vifs, de contrats d’usufruit ou de donations successorales. En effet, la nécessité de répondre aux règles égyptiennes l’implique. Et les nuances dans la formulation et la phraséologie sont la conséquence de la traduction et l’adaptation en araméen des stipulations en démotique. Après la date et la présentation des parties au style objectif, le style subjectif s’impose pour le transfert et la transmission de la chose, l’origine du bien, sa description, la transmission des contrats antérieurs, et les garanties du fait du donateur, des ayants droit et des tiers. Le nom du scribe et la présence de témoins clôturent l’acte. Le motif de la donation « par affection » est évoqué communément dans les différentes sortes de contrats araméens mais non démotiques, qui sont établis dans un cercle familial, et apparaît non comme un terme légal mais descriptif917. Une clause d’inaliénabilité attestée dans les contrats araméens de donations diverses l’est aussi dans des documents égyptiens. La protection du patrimoine familial le justifie, qui est partagée par ces documents. Le droit égyptien admet ainsi que la propriété puisse manquer de cet élément qu’est le droit d’abusus, et les contrats araméens adoptent ce principe. Parfois, précaution ultime, une clause de succession est insérée dans ces contrats. Les femmes d’léphantine tout comme les femmes égyptiennes peuvent être, lors de leur union, pourvues de biens tant mobiliers qu’immobiliers, par le moyen des donations entre vifs ou successorales, de conventions d’usufruit et/ou de clauses testamentaires figurant dans des contrats de mariage. Les testaments en faveur des femmes égyptiennes sont peu attestés et les donations remplissent ce rôle. En effet, si elles ne peuvent 916 917

A. THEDORIDES, 1970, p. 177. H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1983, p. 35.

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hériter de leur mari, celui-ci peut outrepasser cette règle par divers moyens, afin de les protéger matériellement. Parfois, les limites concernant leur transmission sont clairement définies, et la propriété peut être démembrée pour devenir inaliénable, transmissible et héréditaire. La définition de la propriété comme comportant l’usus ou droit de jouissance, le fructus ou le droit de percevoir les fruits, et l’abusus ou droit d’aliéner, ne semble guère s’appliquer systématiquement, qui varie selon les actes. La complexité et la richesse du système révèlent un éventail assez étendu de droits918. Disposant de leurs biens, les femmes égyptiennes peuvent tester librement et unilatéralement, et si l’information n’est pas parvenue pour les femmes d’léphantine, peut-être bénéficient-elles de ce même droit. L’ensemble de ces réalités mentionne clairement leur capacité juridique à recevoir et à transmettre des biens par divers moyens juridiques. Ces présents reflètent le triple aspect renfermé dans le fait de donner, de recevoir et de rendre, quel que soit l’ordre respecté, et où les femmes jouent tous les rôles. Les donateurs peuvent être indifféremment des femmes et/ou des hommes et les donataires des femmes. Ces transmissions de biens immobiliers sont fonction du patrimoine des donateurs, de choix subjectifs et parfois d’une volonté de soutien. Donateurs et donataires sont liés par des contreparties et des compensations, d’où la gratuité semble souvent absente. Tant « libre qu’obligé919 », le don est à la fois intéressé et désintéressé, offert dans des circonstances définies à/par certaines femmes dans un espace familial limité en ligne directe ou collatérale et/ou spécifique, qui est lié à certains aspects de leur rôle social mais pas de leur genre, et qui leur offre les ressources leur permettant de participer à la vie économique et financière.

918 919

B. MENU, 1994, p. 136. A. CAILLE, 2000, p. 52-54.

285

CHAPITRE VI

ASPECTS DU QUOTIDIEN

Les femmes judéennes d’léphantine et les femmes égyptiennes, jouent un rôle actif considérable dans les opérations financières et économiques de la vie quotidienne, qu’attestent les archives privées. Actes de vente, d’emprunts, d’échange, de reconnaissance de dettes, renonciation à plainte ou à biens éclairent leur indépendance et leur capacité juridique à participer à ces transactions920. En outre, de rares aspects de leur vie quotidienne, parfois entachée d’événements dramatiques, et religieuse, sont connus par des lettres et des listes. Les femmes y sont présentes, en qualité d’épouses, de mères, ou de simples parties. VENTES Tant les femmes que les hommes peuvent vendre et acheter des biens corporels et incorporels, mobiliers ou immobiliers921, maisons et terrains922. Seuls deux contrats l’assurent à léphantine (B3.4 ; B3.12), et de rares documents démotiques de la période perse où l’une des parties est une femme en font preuve. Ces conventions peuvent être exécutées dans un cadre familial923. Les contrats renferment, outre les modalités usuelles qui

920

S. ALLAM, 1990a, p. 1-34, en propose nombre d’exemples. S. ALLAM, 1989, p. 123-135, en procure un apercu pour la période qui va de l’Ancien Empire au Nouvel Empire ; 1982, p. 377-393. 922 Par un contrat de l’an 12 de Nectanebo (366), dressé à léphantine, deux sœurs, Tetekhnoum et Taseni, cèdent à leur demi-frère maternel Khnoumemhat l’ensemble des biens reçus de leur mère Tarechi, fille de l’horoscope de Khnoum, Pkhelkhons. Ces prébendes devaient être partagées entre ses trois enfants. Par ce contrat, la part d’héritage des deux sœurs passe entre les mains de leur demi-frère, M. MALININE, 1974, p. 34-43. 923 Parmi les contrats où un frère et une sœur sont parties, le P. Turin 246, en hiératique anormal, de l’an 30, le 5 pharmouti, sous Psammétique 1er, (634), en provenance de Thèbes, fait état d’une vente par un frère et une sœur, Nemenkhphre et Esenkhebe, d’un terrain de 10 aroures à un artisan du temple d’Amon, M. MALININE, 1953, p. 56 s. Provenant des archives d’Amenthes, un contrat de vente de propriété (P. Dublin 1659, févr.-mars 198, de Djeme ?) est passé entre le vendeur, du nom de Pekhytes, et sa sœur consanguine Tasemis, l’acheteuse. Le premier lui cède un ensemble à l’intérieur du mur d’enceinte du sanctuaire portant l’appellation 921

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présentent la date et les parties, la partie opératoire avec les clauses principales se rapportant au paiement du prix et à la remise de la chose vendue, et les modalités accessoires de garantie924. Si, durant les périodes saite et perse, les conventions de ventes tendent à être enregistrées sur un seul et même document, la période ptolémaïque témoigne d’une complexité croissante et deux documents deviennent nécessaires à la transaction : le s ḏb ḏ, « écrit pour l’argent ou écrit de paiement » et le s n wj, « écrit de cession925 ». Pour les ventes présentées, seuls les premiers sont parvenus jusqu’à nous. Les vendeurs et acheteurs, origine du bien Neuf mois environ après avoir transformé la donation d’une partie de leur maison à Yehoyima en complément dotal, ‘Ananyah et Tamet prennent part à l’acte de vente de la partie restante de cette demeure à leur gendre ‘Ananyah, fils d’Ḥaggai (B3.12). Cet écrit présente une particularité, puisqu’après avoir écrit neuf lignes et demie, le scribe efface la dernière ligne et réécrit le texte intégralement. La première partie renferme exclusivement la date selon le jour et le mois égyptien, et l’année du souverain régnant, le 12 thoth, l’an 4 d’Artaxerxès, le 13 déc. 402. ‘Ananyah est présenté la première fois comme : ln zy yhw, « serviteur de YHW », et Tamet comme : « Dame Tapmet son épouse, lnh, “servante” de YHW, le Dieu résidant926 en Éléphantine, la forteresse » (B3.12 1-2). Plus loin, l’acte complet transforme la présentation de leur identité : « Ananyah, fils d’Azaryah, un serviteur de YHW, le Dieu, (et) dame Tapmet, son épouse, “première des concubines” de Meshoullam, fils de Zaccur » (B3.12 10-11), « le lieu de repos de l’Ibis ». Il servirait d’atelier pour la momification des ibis, P. W. PESTMAN, avec la collaboration de J. QUAEGEBEUR et R. L. VOS, 1977, n° 8. 924 M. SCHENTULEIT et G. VITTMAN, 2009, présentent les différentes clauses des actes de vente. Par ailleurs, les contrats de vente/achat sont attestés en Jr 32, 15-16. Ainsi, le prophète acquiert le champ du fils de son oncle moyennant 7 sicles et 10 pièces d’argent, établit le contrat, le scelle, convoque des témoins et pèse la somme. Puis, il remet l’acte de vente scellé « contenant la loi et les clauses » et l’acte ouvert à un tiers du nom de Baruch en présence de son cousin, des témoins et des Judéens se trouvant dans la cour de la prison, et lui demande de les déposer dans un vase d’argile, afin qu’ils se conservent. Pr 31, 16 met en scène l’acquisition d’un champ par une femme, sans plus de détails. 925 Les premiers attestés sont les P. Sorbonne 1277 de 344 et 1276 de 343. 926 Le même terme kn, « résider » qui indique la résidence de YHW à léphantine, s’applique également à sa présence à Jérusalem (Es 6, 12), B. PORTEN, 2000a, p. 193, n. 4. Le même concept est assuré dans les contrats démotiques ; ainsi, le P. Rylands 36 s’ouvre sur la formule suivante : « Comme Sobek vit qui réside ici et chaque dieu qui réside avec lui », J. J. RABINOWITZ, 1956, p. 102-103.

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où, pour la première fois, un contrat révèle son statut dans la maison de son ancien maître de longues années auparavant. Dans cette autre formulation, Tamet n’est pas dénommée lnh. En outre, l’intégralité du contrat met en scène méthodiquement les deux époux dans chacune des clauses exposées, leur accordant une place identique. La généalogie de leur acheteur et gendre s’étend sur quatre générations927 et précise qu’il est le fils d’Ḥaggai, petit-fils de Meshoullam et arrière-petit-fils de Busasa928. À ce jour, il est l’unique personnage d’Éléphantine dont l’identité est déclinée ainsi : rmy zy (zy) yb brt ldgl nbwkdry, « araméen (d’) d’léphantine la forteresse du détachement de Nabukudurri » (B3.12 2). Les vendeurs s’adressent à leur acheteur, témoignage de l’aspect oral de la convention rapportée ensuite par écrit. L’origine de propriété de cette maison rappelle : zy zbn bksp mn bgzt br plyn kspy hw byth zy ynbwly br msdy kspy zy byb hw mhsn, « Que nous avons achetée pour de l’argent à Bagazushta, fils de Friyana-Palliya le Caspien, qui est la maison de Ynbwly, fils de Misday(a), un Caspien qui est propriétaire héréditaire à léphantine » (B3.12 3-5). Ce dernier porte le même titre : mhsn, que Maseyah dans l’acte de donation successorale à sa fille lors de son union avec Yedanyah (B2.3), terme à vocation légale définissant un statut qui vaut titre929. La deuxième clause précisant l’origine de propriété se limite à ces quelques mots : « Que nous avons achetée de Bagazushta, fils de Friyana-Pallliya le Caspien » (B3.12 12). L’emploi du pronom « nous » rappelle l’achat de la maison par Ananyah et la donation faite à Tamet, aussi sont-ils deux à vendre leur propriété. La vente et/ou l’achat d’une partie ou d’une maison en son entier, ou encore d’un ensemble de biens immobiliers, par une femme est connue par divers contrats démotiques. Parmi les actes de vente de la 31e année de Darius Ier (491), le 2e mois de la saison shemou930, les contrats P. Louvre E 9204 et P. British Museum 10450 (le second est probablement la copie du 927

Dans le contrat B 3.11 8, document de complément dotal, la généalogie d’‘Ananyah s’étend également sur quatre générations. Dans B2.7 3, le nom de Meshoullam est accompagné de celui de son père et de son grand-père. 928 Ce prénom semble inconnu dans l’onomastique judéenne, R. ZADOK, 1988, p. 104, et N. COHEN, 1966-67, p. 97-106. Par ailleurs, dans le P. Turin 246 de Thèbes, l’identité de la sœur et de son frère se décline ainsi : « Dame Ese([n]kheb, fille d’Ankhefkhons, fils de Nemenkhphrê, fils d’Ankhefkhons, ainsi que Nemenkhphrê, fils d’Ankhefkhons, son frère, leur mère est dame Che[p]enor, fille du scribe royal Harmès ». Elle s’inscrit sur quatre générations tandis que celle de son frère s’accroche à celle de son père, M. MALININE, 1953, p. 56 s. 929 H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1982a, p. 4-9. 930 Les saisons durent quatre mois. La saison shemou va de mi-mars à mi-juillet, la saison akhet de mi-juillet à mi-novembre, et la saison péret, de germination, va de mi-novembre à mi-mars.

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premier et ils sont quasiment identiques, si ce n’est pour le détail de la liste des biens cédés) renferment une cession de propriété931. La vendeuse du nom de Tamenkhawase, fille du « ravitailleur » du temple d’Amon et de Rourou, vend au choachyte de la vallée à l’ouest de Thèbes, Pherbes, fils de Nesamenhotpe et d’Iretourou, un ensemble de biens hérités de sa mère. Par ailleurs, parmi les conventions de la période ptolémaïque, une vente de maison, assurée dans le P. Bruxelles 8253, provient des archives dites « de Teos et Thabis », qui date du 4e jour de la saison peret, l’an 4 d’Alexandre IV, le 7 juin-6 juillet 313, où la venderesse, Taheb, fille de Djehoutme et d’Isitery, cède une habitation dorénavant en ruines à un fils d’un autre mariage de son (défunt ?) époux932. Les femmes peuvent ainsi acquérir ou vendre des biens immobiliers ainsi qu’en témoignent, par exemple, les P. Louvre 2439 datant de 330, 2440 de 304, 2429 bis de 292, 2424 de 267 (contrat de vente de maison par une femme à son fils), le P. Chicago Hawara 5 de 285-246933. L’identité des parties dans les contrats de vente araméens inscrit la filiation du cédant et de l’acheteur en relation à leur père et parfois à plusieurs générations antérieures, celle de la cédante est présentée différemment à diverses reprises, indiquant son lien avec le vendeur « son épouse », son père « fille de Patou » et son maître. En dépit, parfois, d’un lien de famille, la cédante ou cessionnaire des conventions démotiques porte toujours sa double filiation : « fille de…, sa mère est… ». L’objet, sa description ; mesures et limites des biens Après avoir fait l’objet de tant d’actes, la maison d’Ananyah et de Tamet est à nouveau dépeinte dans les termes habituels : « Un rez-dechaussée rénové comportant des poutres, des fenêtres et deux portes, rénové est (le) rez-de-chaussée, qui est ma grande salle » (B3.12 12-13). Le texte alterne les expressions évoquant « notre maison » (lignes 3, 5, 12) et « ma grande salle ». Une seconde description ajoute : « et sa fenêtre est ouverte sur la grande salle. Et son portail est ouvert sur l’allée du roi d’où tu peux sortir et entrer » (B3.12 21-22). Les mesures sont affirmées par deux fois également. La première stipulation les peint ainsi : « voici les mesures de la maison… de l’est à l’ouest (sa) longueur (est de) 16 coudées 2 p(almes) à la verge d’arpentage et 931 Pour le P. Louvre E 9204 : E. CRUZ-URIBE, 1980, p. 120-126 ; M. MALININE, 1953, p. 113 ; M. MALININE et J. PIRENNE, 1950, p. 46-47. Pour le P. British Museum 10450 : E. REVILLOUT, 1896, p. 433 ; F. L. I. GRIFFITH, 1909, n° 58 ; M. MALININE et J. PIRENNE, 1950, n. 1. 932 M. DEPAUW, 2000, p. 110-125. 933 K.-T. ZAUZICH, 1968, p. 69 s. présente le modèle de chaque clause.

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de dessous à dessus (sa)] largeur (est de) 5 coudées 2 p(almes) à la verge d’arpentage, en superficie 150 coudées » (B3.12 6-8934). La seconde varie à peine qui inverse les termes « dessus à dessous » et inscrit une surface augmentée au cours de l’acte : « 151 coudées 1 p(alme) » (B3.12 15-16935). La première description de limites affirme : « Voici les limites de la maison… à son est se trouve la maison que je t’ai donnée (comme) complément de dot » (B3.12 9). La partie initiale du contrat laisse alors place au texte complet. Les limites s’y trouvent décrites en détail après quelques mots effacés : « (À son) est, ta maison, toi, Ananyah, fils de Ḥaggai, que nous avons donnée à Yehoyima, notre fille, (comme) complément de dot sur son contrat de mariage, est attenante mur à mur, à son ouest se trouve le temple de YHW et l’allée du roi est entre eux, au-dessus est la maison de Parnu, fils de Ziliya, et Mrdava son frère lui est attenante mur à mur, en dessous est la maison de Pae/Pakhoi et Pamet, son frère, batelier des eaux, fils de Tawe, et l’allée du roi est entre eux » (B3.12 17-20). La filiation de ces derniers se rattache à leur mère. Ils partagent la limite sud de la maison d’Ananyah avec l’gyptien jardinier de Khnoum (B3.7 7-8 ; B3.10 10 ; B3.11 6936). Dans les formulaires démotiques, la vente d’un bien immobilier implique également sa description. Elle peut préciser : « Ma pièce, qui est construite et couverte (d’un toit) et le tiers de la cour d’entrée, qui est située à son entrée » (P. Dublin 1659 4937). Parfois, la présentation d’un ensemble de biens immobiliers et mobiliers paraît se limiter à une simple liste sans le moindre détail. Aussi, le P. Louvre E 9204 énumère-t-il le catalogue des biens vendus par la dame Tamenkhawase, sans les décrire : « Mes parts dans la campagne, le temple et la ville : rations d’Osiris (offrandes), place à la montagne, maisons, parcelles à construire, serviteur(s), sycomore, champ(s), et toute chose au monde qui me revient comme part » (2938). Celle de la copie du P. British Museum 10450 est réduite à ces quelques éléments dont l’ordre diffère : pr.w  bk.w st n p ḏw ḳ n Wsỉr, « Maisons, champ(s), 934

La formule « dessus à dessous » est attestée dans le contrat araméen d’usufruit en faveur de Yehoyima (B3.7 9). Voir ch. V, p. 250. 935 L’expression « dessous à dessus », ou son inverse, figure dans divers contrats démotiques : rj rj, « dessous et dessus », tels les P. Chicago Hawara 5, 7, 9, Rendell, G. R. HUGHES, R. JASNOW et J. G. KEENAN, 1997. Elle est assurée également dans le P. Rylands 17, F. L. I. GRIFFITH, 1909. 936 B. PORTEN, 2000a, p. 195, n. 39. 937 P. W. PESTMAN avec la collaboration de J. QUAEGEBEUR et R. L. VOS, 1977, contrat n° 8. 938 La formule « la campagne, le temple et la ville » est attestée également dans les testaments : P. British Museum 10120B ; P. Turin 2126 ; P. Bibl. Nat. 216 et 217.

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serviteurs, place à la montagne, rations d’Osiris » (2). Le P. Louvre 2439 constate, outre la vente de la maison, celle de l’ensemble des biens du cédant à ce jour et à venir, qui comporte biens immobiliers et mobiliers, serviteurs, argent et cuivre, vêtements, orge, épeautre et grains, vache, âne, tout le bétail et les titres correspondants (2-3). Les exemples ne manquent pas d’actes de vente de maisons désignant le quartier dans lequel le bien immeuble se situe : ntj (n) t ỉwj.t mṱ Nw.t  t w.t t ỉ.t, « Qui est (dans) le quartier nord de Thèbes dans la maison de la Vache » (P. Bruxelles 8253). L’achat de la maison, figurant dans P. Louvre 2439, mentionne qu’elle est érigée au sud du quartier nord de Thèbes, à l’ouest du mur du temple de Montou, alors que P. Louvre 2440 spécifie que la maison cédée est située dans le quartier nord de Thèbes, dans la « maison de la Vache » (à l’ouest du mur du temple de Montou). Les limites sont parfois déterminées avec un parfait souci du détail, telles, en exemple, celles du sud de la maison du P. Bruxelles 8253 : pj=f rsj p .wj n r-hb n pr-ỉmnṱ Nw.t Pmn(-n)=s s Ns-Mn ntj ḳt bs ntj r s-m.t T-dj.t-Nfr-Ḥtp t Ḏd-r n p .wj n gl-r n pr-Ỉmn P-wsr s Krḏ ntj r nj=f rd.ṱ.w ntj ḳt bs, « Son sud, la maison du prêtre lecteur de l’ouest de Thèbes Pamun, fils de Nesmin, qui est construite et couverte, qui est tenue par la femme Tadjetneferhotep, fille de Djedor, et la maison du soldat du temple d’Amon Paouser, fils de Keredj, qui est tenue par ses enfants, qui est construite et couverte ». Les limites peuvent être présentées du sud au nord et de l’ouest à l’est (P. Hauswaldt 5 2-3), ou bien du sud au nord et de l’est à l’ouest (P. Louvre 2439 2 ; 2440 2-3 ; 2424 1-2). L’état du bien est inséré dans l’acte, telle la description de la maison figurant dans P. Bruxelles 8253 : pj=j .wj ntj n wr ntj ḫrḫr ἰw nj=f ḏj , « Ma maison qui est située sur un terrain, qui est détruite, tandis que ses murs sont droits939 », qui est à mettre en parallèle avec celle de la maison acquise par Ananyah au couple de Caspiens : « dont les murs tiennent debout mais [do]nt la cour est (une) terre (aride) et non construite, et il y a des fenêtres mais des poutres, elle n’en contient pas » (B3.4 4-5). Une maison peut aussi être décrite comme ḳt bs, « construite et couverte » (P. Louvre 2439 1 ; 2424 1), qui consiste en t p.t n pj=j .wj, « la moitié de ma maison » (P. Louvre 2424 1), ou ntj=j dnj.t 1/18 n pj .wj, « ma part de 1/18e de cette maison » (P. Chicago Hawara 5 1), et ḳt ỉw=f grg n sj sb, « construite et comporte poutre et porte » (P. Chicago Hawara 5 2). Ce contrat ajoute les dimensions de la maison, du sud au nord et de l’ouest à l’est. 939

D’autres maisons du quartier de la maison de la Vache ont subi le même sort, ainsi que l’attestent les P. British Museum 10721 7 et 10722 3, et la seconde maison vendue dans les P. Berlin 3112 et P. Louvre 3440A et B, M. DEPAUW, 2000, p. 115, n. 348.

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Les ventes de parties ou de totalité de maisons sont attestées dans les actes araméens et démotiques, et leurs caractéristiques exposées brièvement, qui signalent qu’elles peuvent être construites ou détruites, couvertes, avec poutres et portes, avec cour d’entrée, comporter une ou plusieurs pièces, et parfois ajoutent les dimensions. Le quartier dans lequel elles sont situées n’est pas inscrit dans les contrats araméens, et les limites, définies en fonction de l’identité des voisins, sont toujours insérées dans les deux sortes de documents. Le transfert et la transmission, réception du prix et remise du bien vendu Dans l’acte de vente au gendre d’Ananyah et de Tamet, deux modalités de transfert sont attestées, dont l’une dans la première partie du contrat, et l’autre dans le texte complet. Elles sont introduites ainsi qu’à l’accoutumée par le verbe lmr, « disant » (B3.12 3. 11). La première, est toujours exprimée au style direct et objectif, où Ananyah et Tamet940 annoncent la vente de leur maison : nh 1 tpmt brt ptw kl 2 zbn wyhbn lk bytn, « Moi, un (et) Tapmet, fille de Patou, tous deux (disons) nous t’avons vendu et donné notre maison » (B3.12 3). La seconde est présentée par la formule : « Tous deux (ont parlé) d’une seule voix », dont un parallèle est assuré dans le P. Turin 246 : « En tout, deux personnes parlant d’une même bouche941 » . Son texte affirme encore : nnh zbn wyhbn lk bytn, « Nous t’avons vendu et donné notre maison » (B3.12 12), où le verbe « donner » concrétise la remise du bien entre les mains de l’acheteur942 et le transfert de propriété943, et où les verbes : zbn, « vendre » et yhb, « donner » possèdent un sens juridique944. 940

Tamet est apparemment née libre et aurait été vendue comme esclave par ou avec son père, B. PORTEN, 2000a, p. 194, n. 7. 941 M. MALININE, 1953, n° 9. 942 Dans la vente de la propriété de sépulture par Éphron à Abram, à Hébron, la clause de transfert au style direct et subjectif est multipliée par trois : « le champ je te l’ai donné, et la grotte qui s’y trouve, à toi je l’ai donnée. Aux yeux des fils de mon peuple, je te l’ai donnée (Gn 23, 11), J. J. RABINOWITZ, 1956, p. 94. La vente exprimée autour du verbe « donner » s’organise autour de trois affirmations, au lieu d’une seule, et chacune apporte une nouvelle information, B. PORTEN, 1993, p. 271. 943 Le contrat d’achat de cette maison par Ananyah au couple de Caspiens Bagazushta et Wbyl comprend trois formules de transfert prononcées par ceux-ci : « Nous t’avons vendu et donné notre maison » (B3.4 3-4) ; « Nous te l’avons vendue » (B3.4 5) ; « Nous t’avons vendu et (te l’avons) donnée à toi » (B3.4 1011). Cette dernière est suivie d’une modalité de retrait : « Et nous nous en sommes retirés de ce jour et pour toujours » (B3.4 11). 944 R. YARON, 1961, p. 80.

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Deux modalités de transmission s’adressent à Ananyah, dont la première stipule : byt znh zy mth wtwmwhy ktyb bspr znh nt nny ly bh mn ywm znh wd lmn wbnyk lyn ryk wlmn zy rmt tntn w zy tzbn lh bksp, « Cette maison dont les mesures et dont les limites sont écrites dans ce document, toi, Ananyah, tu y as droit de ce jour et pour toujours, et tes enfants y ont droit après toi (ainsi que) toute personne à qui tu la donnes par amour ou à qui tu le vends pour de l’argent » (B3.12 22-24). Dans la suivante : « Et la maison est (de même) à toi ou à tes enfants ou à qui tu (la) donnes affectueusement » (B3.12 30945), le scribe omet de préciser l’éventualité de la vente, comme il l’a fait plus haut. Par ces formules, Ananyah se voit transmettre le droit de contrôle/autorité sur le bien acheté946. Après s’être dessaisis de leurs droits transmis à l’acheteur, les vendeurs le reconnaissent comme seul propriétaire. La clause du prix est consignée par deux fois. La première affirme : wyhbt ln dmy bytn ksp kr d hw 1 qln tlth hw 3 ksp ywn sttry 6 ql d, « Et tu nous as donné le prix de notre maison (en) argent, 1, c’est-à-dire 1 karsh, 3, c’est-à-dire 3 sicles, (en) argent ionien 6 statères 1 sicle947 » (B3.12 5-6). La seconde simplifie : wyhbt ln dmwhy ksp kr d qln 3 ksp ywn bmnyn sttry 6 ql 1, « Et tu nous as donné son prix (en) argent, 1 karsh 3 sicles [en] argent ionien du montant de 6 statères 1 sicle » (B3.12 13-14948). L’emploi de la formule « je t’ai donné/je te l’ai donné », introduisant l’objet puis la transmission, s’affirme tout comme dans les actes de transmission à titre gratuit, où la répétition systématique du verbe yhb, « donner », enclos dans les formules toujours différentes d’un même document, met en lumière les particularités d’un style choisi, recherché et 945

Ce même contrat d’achat par Ananyah renferme trois clauses de transmission :

« Toi, Ananyah, fils d’Azaryah, tu as droit à cette maison et (de même) tes enfants après toi et quiconque à qui tu désires (la) donner » (B3.4 11-12) ; « Et cette maison est à toi de même et à tes enfants après toi et à quiconque à qui tu désires (la) donner » (B3.4 16) ; « Et la maison est de même à toi et à tes enfants après toi » (B3.4 19). 946 Trois récits bibliques évoquent des femmes propriétaires de biens : la mère de Micah possède des fonds (Jg 17, 1-4) ; la femme dont le fils guérit possède sa maison et son champ, qui lui ont été confisqués lors de son absence (2 R 8, 3-6) ; de même Noémie (Rt 4, 3. 9). J. C. GREENFIELD, 1981, p. 125-126, pose cette question de savoir s’il s’agit du même droit de propriété que celui dont bénéficient les hommes et ajoute qu’elles bénéficient du droit de contrôle. 947 Le statère équivaut à 2 sicles. 948 La formule du contrat de vente du couple de Caspiens au mari de Tamet choisit le zuz qui vaut 0,5 sicle, c’est-à-dire 2/4 : « Et tu nous as donné son paiement (en) argent, 1 karsh, 4 sicles à l’étalon royal en argent à un zuz pour la pièce de 10 » (B3.4 5-6).

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complexe. La formule « tu y as droit », avec l’emploi du verbe ly, figure également dans les dispositions des actes, qui parfois, comportent l’expression « c’est à toi ». La remise de la chose vendue se concrétise avec l’emploi de l’expression : « Je t’ai donné », qui n’est pas toujours assurée dans les contrats démotiques. Divers exemples de la clause de transfert mettent en lumière une formule à peine différenciée, tels que l’attestent le P. Louvre E 9204 : dj(=j) st n=k : « Je te les ai donnés », ou encore : les P. Bruxelles 8253 ; Louvre 2440 3 et 2439 3 : dj=j s n=k : « Je te l’ai donnée ». Elle peut donner lieu à répétition (P. Dublin 1659 5)949. Le document précise de manière usuelle la constatation de la transmission de la chose vendue et de rares détails s’y accrochent950. Elle est exprimée avec rigueur : mtw=k s pj=k .wj pj, « C’est à toi. C’est ta maison » (P. Bruxelles 8253), ou développée : mtw=(t) s pj=t .wj pj nj=t nkt.w tr=w n.w, « C’est à toi, c’est ta maison, toutes ces choses sont à toi » (P. Louvre 2439 3), parfois plus complète : mtw=t st tj(=t) rj.t ἰrm p 1/3 t ḫjt.t ntj rj, « C’est à toi, c’est ta pièce avec le tiers de la cour d’entrée qui sont mentionnés ci-dessus » (P. Dublin 1659 5951). Pas toujours insérée dans l’acte démotique, la clause de contrôle952 présente une formulation quasi identique, signe de propriété et d’autorité, dont l’énoncé est susceptible de nuances : bn ἰw rḫ rmṯ nb n p t ἰnk mἰt.ṱ ἰrsjḫ n.ἰm=f bnr = k tj p hrw r rj, « Personne au monde ni moi-même, ne pourra exercer de contrôle sur elle, excepté toi, à compter d’aujourd’hui, dorénavant » (P. Bruxelles 8253), ou bien encore : « Personne au monde, moi y compris, ne pourra exercer de contrôle sur elle, excepté toi (à compter de) ce jour » (P. Chicago Hawara 5 4-5), garantie du fait des ayants droit et de la vendeuse. Le texte de cette stipulation permet d’éviter l’ajout de la clause de garantie contre l’action possible des ayants droit, aussi les scribes l’ont-ils abrogée953. 949

K.-T. ZAUZICH, 1968, p. 135. De nombreux actes renferment cette expression : « Il/elle est à toi ils/elles sont à toi », tels la stèle Louvre C. 101, datant de 657 ; la stèle Florence 1659, de 661 ; le P. Rylands 1, de 644 ; le P. Rylands 2, de 644 ; P. British Museum 10117, de 542 ; le P. Caire 50059, de 518 ; le P. Michigan 3525a de 502. 951 K..-T. ZAUZICH, 1968, p. 135. 952 Ibid., p. 137, clause 6a. 953 Deux autres formulations sont connues, dont la première avec serment : « Aussi vrai qu’Amon vit, que le roi vit et qu’il est en bonne santé (et qu’Amon lui accorde la victoire), je n’ai pas de fils, fille, frère, sœur, (ou) tout (autre) homme au monde qui pourrait faire une contestation à son sujet. (Quant à celui qui fera une contestation, sa déclaration ne sera entendue dans aucun Bureau des archives, dorénavant) », dans les contrats P. Leyde F. 1942/5.15 (727 env., Thèbes) ; 950

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Le vendeur affirme les droits de l’acheteur/acheteuse sur le bien vendu avec la clause de contrôle. L’expression « personne au monde » concerne probablement ses ayants droit et n’a pas un sens universel954. La modalité de renonciation transmet la garantie du vendeur qui ne peut réclamer lui-même la chose vendue et s’engage à repousser l’action en revendication d’héritiers présomptifs, de même leur action en contestation, et à les éloigner de l’acheteur. La formule de reçu affirme : p=j swn.ṱ=f n ḏ n dr.ṱ=k ἰw=f m ἰwṱ sp nb, « J’ai reçu son prix en argent de ta main, il est complet, sans reste » (P. Bruxelles 8253), ou omet l’expression « en argent » (P. Louvre 2439 3 ; 2429 bis 3955). Si le prix figure dans l’acte établi par Ananyah et Tamet, les documents démotiques ne le mentionnent plus956. Le dernier contrat de vente renfermant cette précision date de 620 environ et provient de Thèbes ; il s’agit d’une vente de terrain (P. Turin 2120). Ces actes comportent dorénavant des notions juridiques mais non plus matérielles957. Les deux sortes de contrats reproduisent la forme orale de l’exposé ayant précédé leur mise par écrit. La formule de transfert de propriété des documents araméens comporte l’affirmation de la vente avec l’emploi des verbes « vendre » et « donner », et celle des contrats démotiques comprend le verbe « donner » seul. L’énoncé des premiers dans la modalité de transmission déclare : « C’est à toi », il est comparable à celui des seconds qui énoncent : « Tu y as droit/contrôle », exprimant l’abandon de ses droits par le/la propriétaire et admettant l’acheteur/acheteuse comme seul P. Vatican 10574 (726 env., Thèbes) ; P. Louvre E. 3228 e (707 env., Thèbes)… La seconde formule prolonge la garantie contre l’action des tiers : « Et (il en sera de même pour mes) enfants, (mes) frères, jusqu’à (te dédommager en) tout argent, tout grain ou tout (autre) chose au monde qui plairont à ton cœur. » Les P. Rylands 1 (644 env., El-Hibeh) et P. Turin 2122 (517, Thèbes) renferment cet énoncé, B. MENU, 1988, p. 179. 954 B. MENU, 1988, p. 170. 955 K.-T. ZAUZICH, 1968, p. 135 ; M. A. NUR-EL-DIN, 1994, p. 287, remarque que, durant la période ptolémaïque, la forme verbale tw=k n=j est employée parallèlement à tw=j m. 956 Parmi les contrats de vente qui renferment le prix de la transaction sont attestés les P. Leyde F 1942 5.15 de 727 ; P. Vatican 10571(2038c) de 726 env. ; P. Louvre E 3228 e de 707 env., E 3228d de 688 env., E 3168 de 675 env. ; P. Vienne D 12002 de 640 env. ; P. Turin 2118 de 635 env. et 2120 de 620 env. La formule qui le constate est la suivante : « J’ai reçu de toi X debens d’argent de la Trésorerie de X comme prix de… en son échange. » Le premier document qui n’ajoute plus la mention de la somme versée date de l’an VIII de Psammétique (657) et provient de Memphis : stèle Louvre C 101, B. MENU, 1988, p. 173. 957 B. MENU, 1988, p. 170.

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propriétaire du bien vendu. La réception du prix donne lieu à la précision suivante des documents araméens, où le vendeur s’adresse à l’acquéreur : « Tu nous as donné le prix », tandis que celui des formulaires démotiques constate : « J’ai reçu son prix en argent. Il est complet sans reste », avec l’emploi du pronom personnel à la première personne du singulier. Ces clauses principales des contrats rapportent les obligations plus complexes du vendeur/de la vendeuse de fournir le bien, de le livrer en bon état alors que l’acheteur/acheteuse doit verser le prix convenu. La remise de la chose et la satisfaction du vendeur/de la vendeuse ayant reçu l’argent et reconnu les droits de l’acheteur/acheteuse sont simultanées. La clause de satisfaction L’acte de vente de la maison d’Ananyah et de Tamet en comporte deux : la première, plus complexe, apporte quelques détails : « wyb lbbn bgw zy l tr ln lyk mn dmy, « Et notre cœur a été satisfait sur ce point qu’il ne nous reste pas (appartenir) sur toi (une partie) du prix » (B3. 12 6). La seconde est réduite et simplifiée : wyb lbbn bdmy zy yhbt ln, « Et notre cœur a été satisfait avec le prix que tu nous as donné » (B3.12 14-15958). Cette formule et ses variations figurent également dans les documents démotiques, dont le P. Louvre E 9204 atteste : dj=k mtj .tj(=j) n p ḏ nj=n dnj.w, « Tu m’as contenté le cœur avec l’argent (pour) mes parts959 ». Cette modalité peut être inscrite après l’identité des parties : m=k ṱ(=j) dj=k mtr .ṱ=j n p d n swn pj(=j) .wj, « Tu m’as satisfaite. Tu m’as contenté le cœur avec l’argent du prix pour ma maison » (P. Bruxelles 8253) ; dj=k mtr .ṱ=j n p ḏ n, « Tu as satisfait mon cœur avec l’argent de » (P. Louvre 2424 1 ; P. Dublin 1659 4). Elle peut se multiplier, figurant deux fois et adoptant une forme distincte, être insérée après les clauses de transfert et transmission : dj=t mtr .ṱ=j n pj=f ḏ, « Tu m’as contenté le cœur avec l’argent pour elle » (P. Louvre 2440 3) ; « J’ai reçu leur valeur en 958

Le contrat B3.4 (12-13) inclut la formule suivante : « Et notre cœur a été satisfait par le paiement que tu nous as donné. » 959 Les actes de vente qui renferment cette formule concernent des ventes de tombe, par exemple : la stèle Florence 1659 (2507) (661 env., Memphis) ; de fonction : P. Rylands 1 (644 env., El-Hibeh) ; de servitude volontaire : coupe Louvre E 706 (592 env., Thèbes ?) ; de vache : P. Rylands 8 (563, El-Hibeh) ; de terrain : P. British Museum 10117 (542 env., Coptos) ; de terrain à bâtir : P. Louvre E 7128 (510, Thèbes) ; de maison : P. Lille 27 (341-338, Medinet Ghoran)… La formule suivante est également assurée : « Tu m’as contenté le cœur avec l’argent de… Tu m’as donné l’argent (équivalent) à son prix. Je l’ai reçu de ta main. Mon cœur en est satisfait », dans la vente de vache du P. Berlin 13571 (591, léphantine), et des P. Berlin 15831, 15832, et P. Caire 50160 (367, Edfou).

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argent de ta main, tandis qu’elle est complète et sans aucun reste ; mon cœur en est satisfait » (P. Dublin 1659 6960). Le P. Bruxelles 8253 la multiplie trois fois, et la troisième suit la modalité de réception du prix : .ṱ=j mtr.w n-ỉm = f, « Mon cœur en est satisfait ». L’emploi de cette formule et de ses variations est commun aux contrats araméens et aux actes démotiques, elle est d’ores et déjà intégrée dans ces derniers formulaires de vente dès la première moitié du VIIe siècle avec la stèle Florence 1659, de 661 env.961. Elle figure également dans les contrats de mariage araméens, dans les modalités se rapportant au douaire, parfois à la dot. Tandis qu’elle est systématiquement absente des clauses relatives au douaire dans les contrats démotiques, son objet est identique pour la réception de la dot à compter d’août-septembre 226 dans les actes avec douaire, ceux avec l’« argent pour devenir une épouse » à compter de 186 env., ou le « document d’alimentation » dès 364. Elle manifeste l’agrément à l’acte et au paiement correspondant, intéressant le montant versé pour sa concrétisation, qu’il s’agisse d’une vente, d’une union avec douaire, ou d’une somme définie plus haut assignée par l’épouse. Dans les conventions matrimoniales araméennes et démotiques, elle est prononcée par le promis, dans les actes de vente, elle l’est par le vendeur. Les nuances de son emploi dans les contrats araméens sont liées aux usages de l’école de scribes d’léphantine, qui l’ont probablement empruntée aux gyptiens. Le transfert de document Cet usage permet de préciser l’origine de propriété du bien, évitant ainsi certaines contestations. Ananyah et Tamet rappellent qu’ils ont transmis à leur gendre le document écrit par Bagazushta : « De plus, nous t’avons donné l’ancien document que Bagazushta a écrit pour nous, le document d’achat/vente (de la maison) qu’il nous a vendue et (pour laquelle) nous lui avons donné son paiement (en) argent » (B3.12 31-32). La transmission des documents n’est pas systématiquement assurée dans les contrats démotiques. Si les P. Louvre E 9204 et British Museum 10450 ne renferment pas cette modalité s’y référant, elle est attestée dans d’autres documents962 : mtw=k nj=f ḳnb.w (n) .wj nb ntj ἰw=w n.ἰm=w s nb r.ἰr=w r.r=f n s nb r.ἰr=w n=j r.r=f n s nb ntj ἰw=j 960

K.-T. ZAUZICH, 1968, p. 134, clause I. B. MENU, 1988, p. 167. 962 Par exemple, les P. Philadelphie I-III, VII, XIII, XVI, XIX, XXIII, sipulent : « Tout écrit qui a été établi le concernant et tout écrit au nom duquel j’y ai droit sont à toi, de même que les droits qu’ils confèrent », M. EL-AMIR, 1959. 961

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m.k n.ἰm=w rn=f mtw=k s n nj=w hp mtw=k p ntj ἰw=j m.k n.ἰm=f rn=w, « À toi appartiennent leurs titres (en) tout lieu où ils se trouvent. Tout document qui a été établi le concernant, et tout document qui a été établi pour moi le concernant, et tout document par lequel j’y ai droit en ce qui le concerne, ils t’appartiennent de même que les droits qu’ils confèrent. Ils t’appartiennent en vertu de quoi j’y ai droit à leur sujet » (P. Bruxelles 8253 ; P. Dublin 1659 7). La renonciation à réclamation Si aucune formule de renonciation ne figure dans les deux actes de vente d’léphantine, il n’est aucunement certain qu’il s’agisse d’une règle établie, mais plutôt d’un choix du scribe. Elle est en effet attestée dans les conventions de transmission à titre gratuit, avec l’emploi du verbe hnl, « réclamer-reprendre », qui apparaît dans les donations faites brmn, « par affection » le plus souvent. La formule d’engagement par laquelle le vendeur renonce à ses droits sur la chose vendue est intégrée dans certains contrats, tels les P. Louvre E 9204 et British Museum 10450, P. Louvre 2439 3, P. Dublin 1659 6, qui consignent cette modalité inscrite immédiatement après la clause de transmission ou de reçu : mn mtw(=j) md nb n p t r.wj=w, « Je n’ai pas de réclamation au monde à leur sujet963 ». Une variation de cette formule peut affirmer : mn mtw=j md nb n p t ἰ.ἰr.n=k rn=f, « Je n’ai absolument rien contre toi à leur sujet » (P. Bruxelles 8253). Cette clause de garantie personnelle du fait du/de la vendeur/vendeuse, est attestée dans divers formulaires araméens. La renonciation à plainte et/ou procès et pénalités Impliquant les deux époux dans l’acte de vente établi par Ananyah et Tamet, une clause de renonciation à plainte et procès affirme : nh nny wtpmt ntty zy hwt gw lmlm br zkwr wyhbh ly lntw l nkhl nrnk dyn wdbb bm byt znh zy zbn wyhbn lk wyhbt ln dmwhy ksp wyb lbbn bgw p l nkhl nrh lbnyk wbntk wzy tntn lh bksp w rmt p l ykhl br ln wbrh  wh ln hngyt whnbg wdrng zyln zy yrnk dyn, « Moi, Ananyah, et Tamet, ma femme, qui était la “première des concubines” de Meshoullam, fils de Zaccur, et il me l’a donnée en mariage, nous ne pourrons pas porter plainte ou intenter un procès au sujet de cette maison que nous t’avons vendue et 963

Cette formule est assurée dans les contrats suivants : P. Louvre E 3168 (675 env., Thèbes) ; P. British Museum 10117 (542 env., Coptos) ; P. Bibl. Nat. 223 (516 env., Thèbes) ; P. Turin 2123 (512 env., Thèbes) ; P. Louvre E 7128 (510 env., Thèbes ; P. Louvre E 9294 (491 env., Thèbes).

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donnée et (pour laquelle) tu nous donné son prix (en argent et notre cœur a été satisfait sur ce point. De plus, nous ne pourrons pas porter (plainte) contre tes fils ou tes filles ou (quiconque) à qui tu la donnes pour de l’argent ou par affection. De plus, un fils à nous ou fille, frère ou sœur à nous, ni un allié, ni un compatriote ou un garant à nous ne pourra [t’intenter un procès] » (B3.12 24-27964). Par cette clause, les vendeurs donnent leur garantie personnelle de ne pas réclamer la chose vendue, celle du fait des ayants droit et contre l’action des tiers. La pénalité usuelle trouve sa place après la précédente : wyrh lbnyk wly zy tntn lh wzy yqbl lyk lsgn wmr wdyn bm byt znh zy mt ktb mnl wzy ynpq lyk spr dt wtyq bm byt znh zy zbn wyhbn lk ywb wyntn lk wlbnyk bygrn ksp krn 20 bbny mlk ksp rp, « Quiconque intentera contre toi poursuite ou procès, contre tes fils, ou contre un homme à qui tu (l’as) donnée, ou quiconque portera plainte contre toi devant un gouverneur, ou un seigneur, ou un juge au nom de cette maison dont les mesures sont écrites cidessus, ou quiconque présentera contre toi un nouveau ou un ancien document au nom de cette maison que nous t’avons vendue et donnée sera obligé et te donneras, ou à tes enfants, une pénalité d’argent de 20 karshs à l’étalon du roi en pur argent » (B3.12 27-30). Le verbe wb, « obliger » peut être suivi de l’expression « donner de l’argent965 », mais pas

La première clause de renonciation à plainte du contrat de vente à Ananyah comprend une garantie du fait des vendeurs : « Nous ne pourrons pas porter plainte ou intenter un procès au sujet de cette maison que nous t’avons vendue et donnée et dont nous nous sommes retirés. Et nous ne pourrons pas porter plainte contre un fils à toi, ou une fille, ou quiconque à qui tu désires la donner » (B3.4 12-14). Elle est confirmée par une modalité de pénalité : « Si nous instituons contre toi plainte ou procès, ou instituons (plainte contre un fils à toi ou une fille à toi à qui tu désires (la) donner, nous te donnerons de l’argent, 20 karshs à 1 zuz pour la pièce de 10 » (B3.4 14-16). La deuxième modalité de renonciation à plainte donne la garantie du fait des ayants droit et prévoit une même pénalité de 20 karshs. Une troisième donne une garantie du fait des tiers, aussi les vendeurs s’engagent à organiser au mieux (nettoyer) la situation et, s’ils n’y parviennent pas, promettent de donner à l’acheteur une maison semblable, à moins qu’un fils ou une fille du précédent propriétaire n’autorise à « nettoyer » la situation, signifiant leur obligation d’éloigner les personnes qui pourraient l’empêcher d’exercer pleinement ses prérogatives, moyennant une pénalité de 1 karsh et 4 sicles et (la valeur) des améliorations que fera Ananyah (B3.4 19-23). Il semble probable que les vendeurs aient occupé cette maison abandonnée par le Caspien Ippulya, proche voisin du père de Wybl, aussi n’étaient-ils pas en possession de titres leur conférant la propriété et devaient-ils prévoir cette clause, B. PORTEN et H. Z. SZUBIN, 1982b, p. 123-131. 965 Cette formule est également présente dans les contrats B3.6 14 ; B3.11 10, 13 ; B3.12 29 ; B3.13 6 ; B4.4 15. 964

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nécessairement966. La valeur de la transaction qui s’élève à 13 sicles et l’importance de la pénalité, dont le montant dissuasif atteint 20 sicles967, ne sont pas en relation. Dans les conventions démotiques, la garantie envers l’action des tiers présente quelques variations. Ce texte peut adopter la formule d’éloignement seule, telle : p ntj ἰw=f ἰj r-r=k r-ḏb.ṱ=w rn(=j) rn rmṯ nb p t ἰw(=j) r dj wj=f r-r=k ἰw(=j) dm dj wj=f ἰw(=j) r dj wj=f, « Quant à quiconque viendrait contre toi à leur sujet en mon nom ou au nom de toute personne au monde, je le ferai s’éloigner de toi. Si je ne le fais pas s’éloigner de toi, je le ferai s’éloigner de toi » (P. Louvre E 9204 4-5968). Cette clause d’éloignement peut être associée à une formule de libération : « Quant à celui qui pourrait venir contre toi à son sujet je le ferai s’éloigner de toi. Si je ne le fais pas s’éloigner de toi je le ferai s’éloigner de (toi) et je le purgerai pour toi de tout document valant titre ou toute chose au monde » (P. Chicago Hawara 5 5969), ou bien : « Quant à quiconque viendrait contre toi à son sujet en mon nom (ou) au nom de toute personne au monde, je le ferai s’éloigner de toi, et je le justifierai pour toi de tout document (et) toute chose à tout moment » (P. Bruxelles 8253), ou encore : p ntj ἰw=f r ἰj r.r=t ḏb.ṱ=w (n) rn=j rn rmṯ nb (n) p t ἰw=j dj.t wj=f r.r=t mtw=j dj.t wb=w n=t r s nb [ḳnb(.t)] nb… md nb (n) p t n sw nb, « Quant à celui qui viendra contre toi à leur sujet en mon nom ou au nom de 966

Dans les clauses de réclamation de dot, ce verbe est employé sans prévoir de paiement : B3.8 40-42 ; B6.4 7-8. 967 R. YARON, 1961, p. 87. 968 K.-T. ZAUZICH, 1968, p. 137. 969 La formule d’éloignement peut être associée à une clause de dédommagement : « Celui qui viendrait contre toi à son sujet afin de te la (le ou les) reprendre en disant : “Elle (ils, elles ou ils) n’est (ne sont) pas à toi”, en mon nom, ou au nom de tout homme au monde, je l’éloignerai de toi en ce qui la (le ou les) concerne ; si je ne l’éloigne pas de toi en ce qui la (le ou les) concerne, je te donnerai », qui est attestée dans les P. Berlin 13571, P. Turin 2122, 2128, P. Michigan 3525b, P. Loeb 44. Elle peut être rattachée à une clause de dédommagement et de libération : « Celui qui viendra…, je vais l’éloigner de toi. Si je ne l’éloigne pas de toi, je te donnerai 20 (debens) d’argent de la trésorerie de Ptah, en métal fondu… Je t’ai donné le document que m’a établi N… Je vais l’affranchir pour toi de tout titre judiciaire, de toute parole au monde » (P. Vienne 10151), ou bien : « Celui qui viendra…, je l’éloignerai de toi. Si je ne l’éloigne pas de toi je te donnerai X debens… il (s’) est (sont) garanti(s) pour toi (contre moi), à partir d’aujourd’hui, dorénavant et à jamais » (P. Loeb 68, P. Louvre E 9292). Enfin, elle peut être renforcée par une clause de contrainte : « Celui qui viendra contre toi à leur sujet en mon nom (ou) au nom de tout homme au monde, je vais l’éloigner de toi. Si je ne l’éloigne pas, je l’éloignerai (par la force) » (P. Louvre E. 9294, E. 2430 ; P. Berlin 15831, 15832, P. Caire 50160, P. IFAO 901).

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toute personne au monde, je ferai en sorte qu’il s’éloigne de toi. Je ferai en sorte qu’ils soient exempts pour toi de tout acte, de toute ḳnb.t… de tout mot au monde, en tout temps » (P. Dublin 1659 6-7). La formule d’éloignement des actes démotiques fait partie des modalités de garantie, qui protègent contre l’action des tiers par l’intervention personnelle du cédant, et peut être associée à une clause de libération sans dédommagement. Dans l’obligation de garantie, l’emploi du verbe wb, « purger/affranchir » de tout titre judiciaire inscrit la spécificité de la formule de libération concernant la chose remise970, et celui du verbe wj, « éloigner » intéresse les personnes qui feraient en sorte que l’acheteur ne puisse pas exercer pleinement ses prérogatives sur la chose achetée971. Les actes araméens peuvent comporter également une formule de garantie contre l’action des ayants droit et des tiers, qui associe clause de retrait/éloignement de l’objet et de dédommagement, et/ou une formule de libération, toujours liée à une modalité de dédommagement financière et/ou matérielle (B3.4). Dans ces stipulations de garantie des conventions araméennes contre l’action des ayants droit et des tiers, le genre masculin se voit donner la primauté dans les listes des formules préétablies, parfois remplacées par l’emploi du terme général « quiconque » des actes démotiques. Les stipulations démotiques et araméennes varient selon les scribes, les lieux et les époques. Une obligation de serment devant le tribunal peut être prévue : p nḫ p dj.t  rd.wj.ṱ ntj ἰw=w r dj.t s m.s=k n p .wj n wpj rn p hp p s ntj rj r.ἰr=j n=k r dj.t ἰr=j s ỉw=j r ỉr=f, « Le serment (ou) la preuve qui te sera imposée devant le tribunal en ce qui concerne le droit conféré par le document ci-dessus que j’ai établi pour toi, pour me faire prêter serment, je le jurerai » (P. Bruxelles 8253). Elle est susceptible de nuances : « Le serment (ou) la preuve qui te sera imposée (devant le tribunal en ce qui concerne le droit conféré ci-dessus) que j’ai établi pour toi, pour le faire, me le faire faire, je le ferai, sans faire quelque procès (sur) quelque chose au monde » (P. Louvre 2440 5), ou bien encore : « Le serment ou la preuve qui pourrait t’être imposée par le tribunal afin que je le fasse les concernant, je le ferai » (P. Hawara 5 6). Le cédant/la cédante donne une garantie personnelle supplémentaire par ce moyen, contre l’action d’ayants droit et/ou des tiers, d’honorer la convention. La modalité de serment n’est pas attestée dans les conventions araméennes de vente, mais n’interdit aucunement une réclamation devant une juridiction. Des clauses particulières peuvent correspondre aux besoins de garanties supplémentaires des parties en présence à l’acte. Dans le P. Bruxelles 8253, le fils de la vendeuse renonçant à ses droits intervient afin 970 971

Contrats de vente employant la clause de libération seule : P. Lille 26 et 27. B. MENU, 1988, p. 171 ; A. F. BOTTA, 2009, p. 137 s.

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de donner son accord à cette opération : « Tandis que l’orfèvre du temple d’Amon or, fils de Djehoutery, sa mère est Taheb, son fils déclare : Reçois (le) document des mains de la ci-dessus mentionnée Taheb, fille de Djehoutma, sa mère est Isitery, ma mère ci-dessus mentionnée. Document en accord avec tout ce qui est mentionné ci-dessus, mon cœur est satisfait avec. Sans alléguer aucun titre ou quoi que ce soit d’autre contre toi. » Le fils de Taheb donne son accord explicite à l’opération de vente passée par sa mère, non pas parce que celle-ci n’en a pas la capacité, mais afin de renoncer à toute réclamation et/ou conflit ultérieur avec l’acheteur. Le scribe et le lieu, témoins, endos Cette modalité présente le scribe et les donneurs d’ordre : ktb gy br myh spr znh byb brt kpm nny ln zy yhw lh tpmmt brt ptw ntth kl 2 kpm d, « Ḥaggai, fils de Shemayah, a écrit ce document à léphantine, la forteresse, sur l’instruction d’Ananyah, le serviteur de YHW, le Dieu, (et) Tapamemet, fille de Patou, sa femme, tous deux (ont parlé) d’une même bouche » (B3.12 32-33). Le scribe ne manque pas de multiplier cette dernière formule, qui figure déjà après la seconde clause de transfert, afin d’accentuer l’accord du couple pour réaliser cette opération. Quatre témoins sont présents à l’acte972. Le nom du scribe ayant rédigé les contrats démotiques clôt ces actes. Aucune signature de témoin ne figure au verso du P. Louvre E 9204973. Pour autant, les contrats peuvent comporter de nombreuses signatures de témoins, qui atteignent le nombre de seize dans le P. Bruxelles 8253, après l’identité du scribe. D’autres informations peuvent être apportées, ainsi dans ce dernier formulaire, le fils de la vendeuse signe l’acte de ses mains : s nbj pr-Ỉmn Ḥr s Ḏwṱ-rs mw.t=f T-hb tp=f nj, « A écrit l’orfèvre du temple d’Amon or, fils de Djehoutery, sa mère est Taheb, de sa propre main, ceci ». En outre, le nom de l’acheteur, Paheb, fils de Djehouteres et de Renepetnefer, apparaît dans une note au verso et précise en faveur de qui l’acte a été dressé974. Des garanties formelles sont transmises au/à la cessionnaire, que sont la présence des témoins à l’acte, la remise du contrat entre ses mains, la

L’acte de vente de la maison à Ananyah insère la signature de 5 témoins (B3.4 23-24). 973 U. CRUZ-URIBE, 1980, p. 121 ; P. W. PESTMAN, 1961, p. 176, considère qu’ils ne sont pas indispensables. En revanche, selon E. SEIDL, 1956, p. 14, les témoins seraient obligatoires. 974 M. DEPAUW, 2003. 972

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remise des titres de propriété antérieurs et parfois certaines modalités complémentaires. Contrats de vente araméens et égyptiens renferment les mêmes modalités objectives que sont la date et l’identité des parties, précisant, en premier lieu, celle des venderesses/vendeurs s’adressant à l’acheteur. La partie opératoire renferme les stipulations principales et subjectives que sont la quittance du prix et l’expression de satisfaction, la remise de la chose vendue et le transfert de propriété. La clause de réception du prix précède la remise dans les actes démotiques et la suit dans les actes araméens. La modalité de contrôle des contrats démotiques est en accord avec l’emploi de l’expression « tu y as droit/contrôle sur » des formulaires araméens. Les stipulations de garantie varient selon les actes, qui impliquent néanmoins systématiquement la garantie personnelle de la venderesse et/ou du vendeur, celle du fait des ayants droit et des tiers. Tant dans les contrats araméens que démotiques, les venderesses/vendeurs établissent le contrat, s’adressant à l’acheteur/acheteuse. Ils rapportent leur obligation de livrer la chose vendue en bon état et la garantir contre les risques d’éviction ou autres, tandis que l’acheteur/acheteuse, en contrepartie, doit verser le prix convenu. La valeur des maisons spécifiée dans les formulaires araméens est le plus souvent omise dans les actes démotiques. Les femmes d’léphantine et égyptiennes jouent un rôle actif, qui achètent et vendent librement des biens immobiliers, maisons ou quote-part de celles-ci, terres et champs, dont elles deviennent propriétaires ou se défont975, signes de l’exercice de leur capacité juridique et de leurs moyens matériels. Parfois, des donations sont déguisées et prennent la forme de ventes976. Les deux seules ventes de maisons d’léphantine sont réalisées par des couples, dont une dans le cadre familial977. Alors que les femmes égyptiennes représenteraient 10% env. des parties à l’acte, leur proportion atteindrait 30% à l’époque ptolémaïque978. Ces opérations peuvent être réalisées dans un espace familial, entre frère et sœur, mère et fils979, mère et

975

P. W. PESTMAN, 1995, p. 79-87 ; 1969, p. 63. Voir ch. V, p. 217s. 977 50 % des opérations sont ainsi effectuées par des femmes. 978 Dans une étude réalisée sur les pourcentages d’opération où elles sont parties, il a été observé que 160 actes de vente concernent 361 parties, qui impliquent 128 femmes tant comme acheteuses que vendeuses, et dans 128 documents thébains avec 258 contractants, 75 sont les femmes, S. ALLAM, 1990a, p. 2, n. 4. 979 Un acte de vente est établi par une mère en faveur de son fils, qui lui cède sa moitié de part d’une maison à Thèbes, une demi-part sur des émoluments en relation avec diverses tombes de la nécropole et l’obligation d’attribuer 1/3 des émoluments 976

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fille980, ou autre981. Les responsabilités ne s’arrêtent pas à la simple cession ou acquisition, elles accordent des garanties personnelles, du fait des ayants droit et des tiers, afin d’assurer la jouissance paisible de fait et de droit de la chose cédée. ÉCHANGES Ces opérations sont assurées par un unique formulaire araméen et quelques actes démotiques, qui mettent en lumière des échanges de biens tant mobiliers qu’immobiliers, corporels et incorporels. Hommes et femmes y participent. Les actes comportent les clauses usuelles, au style objectif pour la présentation de la date et des parties, puis subjectif pour la partie opératoire, le contenu des modalités d’échange et de garanties. Les contractants, origine du bien À léphantine, l’unique échange connu de biens hérités s’effectue entre deux sœurs et une autre femme (B5.1). Ce document inscrit uniquement la date égyptienne : « le 2e jour du mois d’epipi, en l’an 27 du roi Darius », 22 oct. 495. L’identité des parties est introduite par :mrt slwh brt qnyh wytwmh th lyhhwr brt lwmn, « ont dit Salluah, fille de Kenayah, et Yethoma, sa sœur, à Yehour, fille de Sheloman » (1-2). L’expression « d’une même bouche » est absente, qui signifierait que les deux parties parlent d’une voix égale (B3.5 1-2), aussi n’est-il pas impossible que Salluah soit la partie principale982. Un quatrième personnage entre en scène, du nom de Nehebet, qui possède la part échangée avec Jehour, mais n’intervient pas au contrat. Nehebet et Jehour sont peut-être des sœurs, comme le suggère l’acte de répartition d’esclaves entre les deux fils de Mipayah (B2.11), qui use de cette même expression à diverses reprises. Salluah et Yethoma s’expriment unilatéralement s’adressant à Jehour.

à ses deux sœurs dont l’une est une demi-sœur, P. Philadelphie XVI, 251, Thèbes, 251, M. EL AMIR, 1959, p. 70 s. 980 P. Rylands 44, F. L. I. GRIFFITH, 1909. 981 Un acte de paiement met en lumière l’exemple de trois frères et de leur sœur vendant à une de leurs cousines une maison, un moulin et des entrepôts hérités de leur mère à Memphis, E. A. E. JELINKOVA, 1957, p. 45-55, 1959, p. 61-74. Le document contient l’accord de leur père, lequel se déclare lié par la validité de l’accord pris par ses enfants. 982 Le nom « Yethoma » signifiant l’« orphelin », il est possible qu’elle soit née récemment, qu’elle soit encore mineure, et sa sœur est peut-être l’administratrice de leurs biens, H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1982b, p. 651-654.

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Les échanges de biens immobiliers faisant apparaître une femme comme partie sont très peu attestés dans les actes démotiques, et seulement de la période ptolémaïque. Un échange entre deux frères du nom de Tefhape, fils de Peteisi, et Wepweteu, fils de Peteisi, et une femme du nom d’Ewe, fille de Wepweteu, est livré par le P. British Museum 10589983. Il date du 15 pharmenot, l’an 6 de Ptolémée VI, 15 avril 175. Les deux frères s’adressent unilatéralement à Ewe, et le contrat précise que celle-ci a réciproquement établi un document en leur faveur. Cet acte d’échange fait partie d’archives dont un des documents rapporte un procès devant une cour de justice égyptienne984. Ewe en est un personnage connu, et il se peut que Wepweteu, fils de Peteisi, soit son père. Dans ce cas de figure, elle échange des biens avec son père et son oncle. Mais leur possible relation familiale n’est pas mentionnée dans l’acte. L’objet, sa description, mesures et limites des biens Il est précisé à la suite de l’indication des parties du contrat araméen : plg mn[t] … plg mnt, « La moitié de la part… la moitié de la part » (B5.1 2-3). Si le texte reste silencieux sur la spécificité des parts échangées et leur valeur, il semble probable qu’elles soient de nature immobilière et proviennent de l’héritage des deux sœurs985. Pour Nehebet, le terme m, « venir » est probablement juridique, qui relie la propriété revenant à un héritier comme sa part du patrimoine. Son équivalent est assuré avec le verbe démotique p (Code d’Hermopolis IX 33). Cet acte transcrit la décision des juges du roi et du commandant de la garnison, dont le rôle est probablement de sanctionner l’accord d’ores et déjà pris par les parties et de donner une valeur légale. Aussi la description des biens, leurs limites et leur origine ne figurent-elles pas dans l’acte car elles sont enregistrées dans les archives officielles où sont consignées les décisions.

983

A. F. SHORE et H. S. SMITH, 1956, p. 52-60. H. THOMPSON, 1934. 985 Quatre raisons expliquent que mnt se réfère à un bien immobilier. Il semble difficile de diviser un bien mobilier, de l’échanger et de le protéger par une clause de pénalité jusqu’à la génération suivante. Les documents concernant des biens mobiliers sont signés par 4 témoins, alors que ce document l’est par 8, à l’exception des documents de vente B3.4 et B3.12, et de la donation B3.5. Le terme mnt est attesté dans le Talmud comme bien immobilier dans un contexte de vente et désigne une part provenant d’un héritage. Enfin, dans The Demotic Legal Code of Hermopolis West (VIII 30-IX 26), le terme dnj.t se rapporte à une part d’héritier qu’il s’agisse de biens mobiliers ou immobiliers, H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1982b, p. 651-654. 984

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Pour autant, l’acte renferme un échange volontaire entre deux parties, de la moitié de leur part respective provenant de leur héritage. Les deux frères du P. British Museum 10589 ont octroyé une « maison », sa cour et tout ce qui lui appartient à Ewe en échange de terrains à construire. Le quartier dans lequel elle est située se trouve dans le district sud-ouest du village de Pekhir, à Assouan, et les limites de la maison sont précisées du sud au nord et de l’est à l’ouest de même que les noms des propriétaires qui ont des liens entre eux, et parfois leur profession986. Le contrat, comme la plupart des actes démotiques, insère une rapide description de l’état de la maison : « dont les fondations sont posées » (6), signifiant ainsi que les deux propriétés échangées sont des terrains à bâtir, aplanis afin de les préparer pour de futures constructions987. Le transfert et la transmission Le transfert est affirmé avec l’emploi du verbe « donner » : nn yhbn lky plg mn[t] zy yhbw lk dyny mlk wrwk rbyl lp plg mnt zy mtky m nhbt, « Nous t’avons donné la moitié de la part que les juges du roi et Rauka, le commandant de la garnison, nous ont donnée en échange de la moitié de la part qui te revient avec Nehebet » (B5.1 2-4), et la transmission utilise la formule : wmntky zylky twb, « et ta part est à nouveau/encore à toi » (7). Ce contrat d’léphantine est le seul à insérer le terme twb. L’opération s’exprime par le terme lp, « en échange de », qui la qualifie. Par ailleurs, l’emploi du verbe yhb, « donner » souligne qu’il n’y a pas eu d’action en justice. Mais le rôle de la cour consiste à attribuer les parts dans le cadre de l’homologation d’un testament et peut avoir pour origine une demande ou un procès par d’autres héritiers, des frères et sœurs plus jeunes. Le Code d’Hermopolis (VIII 32-IX 4) en donne un parallèle, stipulant que, si un homme meurt ab intestat, son fils aîné bénéficie de l’intégralité de son héritage. Si les autres frères et sœurs intentent un procès, le tribunal assigne les parts selon des préséances prévues. La clause de transfert des actes démotiques peut prendre la forme suivante : dj(=n) n=t p . wj ntj rj n ntj nb ntj n p t r=f n b.t n wr.w ntj wj, « Nous t’avons donné la maison ci-dessus mentionnée et tout ce qui lui appartient en échange des terrains à bâtir » (P. British Museum 10589 9). Elle peut être réitérée : « Nous acceptons, tous deux, de te donner la maison ci-dessus mentionnée avec tout ce qui lui appartient en échange de tes 986

Les P. Philadelphie I-III, VII, XIII, XVI, XIX, XXIII mettent cet usage en lumière. 987 A. F. SHORE et H. S. SMITH, 1956, p. 56, n. f.

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terrains à bâtir dont les fondations sont déjà posées, que tu nous a donnés » (P. British Museum 10589). L’emploi de la formule : n b.t n, « en échange de » définit la spécificité de l’acte, tout comme le terme des contrats araméens lp, « en échange de », et est complété par l’emploi de l’expression du transfert de la chose échangée : « je t’ai donné/nous t’avons donné988. » La renonciation à plainte et/ou procès et pénalités Ces contrats insèrent les garanties usuelles. Et l’acte d’échange effectué par Salluah et sa sœur Yethoma n’y manque pas, qui affirme : mr ywm rn l nkl ngrky bmnt zky [l]mr l nn yhbnh lky l ykl  wh br wbrh qrb wryq ygrwnky, « Demain ou un autre jour, nous ne pourrons pas intenter (de procès) contre toi au (sujet) de cette part, [d]isant : Nous ne te l’avons pas donnée. Frère ou sœur, fils ou fille, proche ou lointain ne pourra intenter (de procès) contre toi » (B5.1 4-6), où la liste met en exergue le genre masculin. Elle est suivie de la modalité de pénalité : wzy ygrnky bmnt zky zy yhbn lky yntn lky ksp krn 5, « Et quiconque intentera (un procès) contre toi au (sujet de) cette part que nous t’avons donnée te donnera de l’argent : 5 sicles » (6-7). La garantie personnelle de Salluah et de Yethoma est complétée par celle du fait des ayants droit, et des tiers combinée à une clause de dédommagement989. Insérées dans les conventions démotiques, certaines stipulations particulières de garantie renforcent leurs particularités par la répétition, la précision et le paiement d’une pénalité. Ainsi, le contrat d’échange entre les deux frères et Ewe renferme une de ces clauses réciproques, où les deux frères s’obligent et promettent à l’autre partie : « Tu as droit (et) nous promettons de ne pas intervenir contre toi, ni faire intervenir contre toi, ni se tenir sur ton chemin, ni faire se tenir sur ton chemin tout homme à nous, le jour où tu voudras construire ou démolir ta maison, dont les fondations sont posées. » La formule « tout homme à nous » est attestée dans divers documents d’léphantine (B2.9 ; B2.10 ; B2.11 ; B3.9), qui se rapporte à tout intermédiaire agissant pour le compte de la partie qui procède à réclamation. Elle se répète et mentionne une pénalité : mtw=n dj sḫt=w n t=t p=t .(w)j ntj rj ntj w=n dj-st n=t n t b.t n p=t .(w)j (?) .t n dj.t p hw rj  ḏj=t dj.t n=t ḏ 300 t=f p.t ḏ 150 ḏ 300 n n mt … 24 n 2 n w hw n hw 10 n p bt, « Si nous intervenons contre toi ou faisons en sorte, (il 988 989

K.-T; ZAUZICH, 1975, p. 101. R. YARON, 1960b, p. 265.

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t’appartient à toi de nous) que tu subisses des interventions au sujet de la maison ci-dessus mentionnée, que nous t’avons donnée en échange de ta maison [?], de ce jour à partir de dorénavant pour toujours, nous te donnerons de l’argent, 300 (debens), dont la moitié fait 150 (debens), c’està-dire de l’argent, 300 (debens) à nouveau, en argent 24 (oboles) pour 2 (kites), dans les dix jours du mois en question » (P. British Museum 10589 11-12). L’engagement pris sous cette forme est renforcé par le paiement systématique d’une pénalité. Le contrat complète ces modalités en évoquant la possibilité pour Ewe de réclamer aux contractants de se retirer sans délai. Puis, une formule parallèle rappelle leurs droits conférés par l’acte dressé par Ewe le même jour en leur faveur et qui l’oblige. Les deux contrats recèlent les mêmes droits et engagements par les parties. Ces clauses de garanties personnelles répondent à celles de l’acte dressé par Ewe en faveur des deux frères concernant leur propriété et avant qu’ils n’établissent leur contrat990. Le montant de la pénalité semble particulièrement élevé, jouant un rôle de protection. La garantie transmise à Ewe tant du fait des cédants que contre l’action des tiers se complète d’une clause de dédommagement et il est à penser que le même poids pèse sur elle. Outre leur qualité de document d’échange, ces contrats sont également des « actes de non-intervention » pour ce qui concerne les activités de construction de chacune des parties, dont le contenu est identique et où seules les identités sont inversées. De fait, l’échange et les garanties ont eu lieu le même jour, afin d’éviter toute difficulté ultérieure991. Et ces choix en font un document unique. Le scribe et le lieu, témoins, endos Le nom du scribe a disparu du formulaire araméen, et le nom des deux sœurs figure après la liste des témoins au nombre de 8, dont seul celui des trois premiers est lisible (B5.1 9-16). Le scribe de l’acte d’échange avec Ewe précise que le formulaire a été écrit par Imhotpe, fils de Psi, qui « écrit à Assouan et ses banlieues ». Ce document renferme une liste de 16 témoins, toujours au verso (P. British Museum 10589). Comme dans les autres opérations, la présence et la signature des témoins font partie des garanties formelles, comme la remise du contrat entre les mains de la partie qui bénéficie de l’échange. Ni scribe ni témoin ne sont du genre féminin. Les conventions d’léphantine et égyptiennes présentent les mêmes modalités dans un ordre identique, et la partie opératoire est précédée des modalités objectives que sont la date et l’identité des contractants. Elles 990 991

S. ALLAM, 1990a, p. 15. A. F. SHORE et H. S. SMITH, 1956, p. 59.

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se clôturent par l’identité du scribe et le nom des témoins. La description des biens absente de l’acte araméen reste usuelle pour le démotique, et les stipulations de transfert et de transmission exploitent les mêmes formules. Les garanties sont assurées, qui peuvent varier et intégrer la garantie personnelle, celle du fait des ayants droit et des tiers. Les pénalités figurent dans les actes araméens et les conventions démotiques. Alors que les échanges de biens meubles effectués par les femmes font partie de la vie domestique992, ceux, rares, de biens immobiliers peuvent s’expliquer probablement par un besoin de simplification des formalités et l’absence de paiement993. Les femmes, parties à ces actes, peuvent les concrétiser dans l’espace familial ou non, avec d’autres femmes ou avec des hommes. Les obligations qui en découlent légitimement s’imposent également tant aux hommes qu’aux femmes, sans aucune limite juridique. RECONNAISSANCES DE DETTES Deux contrats de cette sorte, dont l’un en faveur d’une femme, proviennent d’léphantine (B4.5 ; B4.6). Aucun acte de reconnaissance de dettes démotique où l’une des parties peut aussi être une femme n’est assuré pour la période satrapique et cette sorte de formulaire reste rare pour la priode ptolémaïque. Par ces conventions, l’une des parties reconnaît devoir une certaine somme et/ou une quantité de biens à une autre. Elles comprennent les clauses usuelles principales et annexes de garantie. Les parties L’un de ces deux actes araméens porte une date égyptienne, 23 pharmenoth, l’an 5 d’Amyrtée, 21 juin 400, et met en scène un personnage du nom de Menaem, fils de Shallum, qui reconnaît devoir une certaine somme à Salluah, fille de Sammua (B4.6 2-3994). 992

G. BOTTI, 1967, n° 18, concerne un échange de vache. Le P. Turin 2128 se rapporte à un échange de même sorte, P. W. PESTMAN et S. P. VLEEMING, 1994. 993 Le pourcentage d’échange à léphantine, qui concerne les femmes, s’élève à 100 %. 994 La seconde reconnaissance de dette est établie par Nathan, fils d’Hošea, en faveur de Ysla, fils de Gaddul (B4.5). Elle est datée du 29 oct.-27 nov. 407. Après la constatation de la dette, la formule usuelle figure dans l’acte : « Tu as (une réclamation) sur moi (pour) de l’argent, [1] karsh, [4 sicles, c’est-à-dire des sta]tères au nombre de 6[+1 = 7]. Tu as (une réclamation) sur moi pour partie de l’argent (le) prix de la maison de tes fils […] ta mère ». Elle est suivie de l’engagament du débiteur : « Moi, Nat[han, je te pa]ierai cet argent, 1 karsh 4 sicles, par… le mois de

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Parmi les actes démotiques, le P. Leyde 376 du 2 sept. 127 fait intervenir trois personnages : le débiteur du nom de Patemis, la créancière Sachperis et Senphagonis, garante pour le débiteur995. La présence d’un/une garant/garante n’est pas systématique996. Les dettes et le remboursement Le débiteur établit le contrat par lequel il constate sa dette et s’adresse à son/sa créancier/créancière : yty lky ly ksp  2 hw [ks]p sttry 1 mn qt ksp wnksy zy lyspr ntwtky, « Tu as (une réclamation) sur moi (pour de) l’argent, 2 sh(ekels), équivalent à (une) [somm]e de 1 statère qui font partie de l’argent et des biens qui (sont écrits) sur ton contrat de mariage » (B4.6 3-5). La reconnaissance de la somme due semble le montant à verser, peut-être sa dot, par le mari en raison de la séparation des parties. Cette occurrence semble rare, puisque les contrats araméens prévoient systématiquement qu’en cette circonstance le mari doit payer à son épouse ce qui est prévu à l’acte, sans le moindre délai : « en un jour et une fois », paraissant exclure un remboursement par des paiements fractionnés997. Menaem s’engage à payer sa dette, et en cas de retard y ajouter une pénalité de cinquante pour cent : nh mnm ntnnh wlmn lky d 30 lprmty nt [1] 4 mw[r]ys mlk hn l [lmt ]wyhbt lky ksp znh[ ]qln 2[ hw ] sttry[ 1] [d ywm] znh z[y] mnl ktyb[ w]m b[1 lp]ns [yrbh ly] kspky[ hwh ]ksp q[ln 3 ]hw ks[p stt]ry 1 [ 1] [wlmn lky] [nty ]slwh[ wlbny]ky w[drn]gyky : « Moi, Menaem je te donnerai et je te paierai le 30 pharmouti en l’an 5 d’Amyrtée. Si je ne te [rembourse] pas et ne (te) donne pas cette somme (soit) deux [she]kels [c’est-à-dire une] statère, (d’ici à) ce [jour] q[ui] est écrit ci-dessus [et] qu’arrive [le premier de pa]ons, ton argent [portera intérêt de moi, devenant] la somme [de trois] she[kels] c’est-à-dire la somm[e] de un [stat]ère [un sh(ekel), et je te paierai] (à) t[oi] Sallluah, [ou] tes [enfants ] ou tes [garants] (B4.6 5-10). La reconnaissance de dette du P. démotique Leyde 376 prend la forme suivante prononcée par le débiteur : mtw=t rtb sw 4½ … ḏ 200 … ỉw pj=w w n=w … ỉ.ỉr-n=j n rn n ḏ .w n pr.w r.tw=t n=j : « À toi appartiennent (sont à toi) quatre artabes ½ de blé … et deux cents (debens) d’argent, leur augmentation y étant incluse, à mon débit, au nom de l’argent paons, an X [+ 8] (= 18) du roi [Da]rius » (B4.5 4-6). Le contrat prévoit le défaut de paiement, mais la suite du texte a disparu. 995 P.W. PESTMAN, 1993, n° 20. SETHE et PARTSCH, 1920, n° 10. 996 Bien qu’étant une reconnaissance de dettes, P. DP Hd 734c n’en comporte pas, V. KAPLONY-HECKEL, 1964, p. 65-66, n° 32. 997 R. YARON, 1961, p. 62.

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et du grain que tu m’as donnés » (11-14). La clause de règlement prévoit deux dates de remboursement, l’une pour le blé : le quatrième mois ou pharmouti de la saison peret de l’an 44 ou avril-mai 126, la seconde pour l’argent : le deuxième mois ou payni de la saison shemou de l’an 44 ou juinjuillet 126. Elle précise qu’ils doivent être payés à la maison de la créancière (18). Si le débiteur ne rembourse pas le blé à temps, le montant à payer s’élèvera à 300 debens/6 000 drachmes pour chaque artabe998, soit 150% de leur valeur. La sécurité, le gage Une clause de sécurité protège la créancière : [wnty slwh lyh [bkl rbn z]y ytk[ by zy ]lbn[n] [bd wmh mn ] n[] wpr[z]l rn [w]k[nt]n []l[y]h l[md] [d ttmly bksp]ky[ ksp] qln 3, « [Et toi Salluah tu as droit] à toute garantie q[ui est] trouv[ée ], maison de bri[ques, serviteurs ou servantes], [ustensiles] de bron[ze] ou f[e]r, orge [ou] b[l]é, [le] [d]r[oi]t de [(les) [saisir] jusqu’à ce que tu aies (le paiement) complet de ton [argent], 3 sicles » (B4.6 11-13). Aucune répétition des diverses modalités n’est avérée. Le P. Leyde 376 ajoute une garantie du fait de l’emprunteur : « Je ne pourrai pas dire… je t’ai rendu le grain,… sans une quittance » (23-24). Par ailleurs, la garante est présente à l’acte, dans la seconde partie du contrat, qui déclare : ỉw=f tm dj.t st mtw=f dj.t st [r p s]sw-hrw ntj rj, « S’il ne te les rend [pas] je [te] les donnerai à la date échue ci-dessus mentionnée » (27), qui indique encore : « Le droit de cet écrit ci-dessus, sera sur nous et nos enfants » (28-29), transmettant l’obligation de remboursement aux héritiers. La renonciation à plainte et/ou procès Les clauses de renonciation sont attestées, telle la modalité largement incomplète de l’acte araméen qui apporte la garantie personnelle de Menaem : [wl khl q]bl [lyky ]lsgn w[mr] dyn […] yd d […] bksp[…] l kl[…] […]  […]mn[m ].[…] […]d ttml[y bksp]ky znh[…]b, « [Et je ne pourrai pas porter plain]te c[ontre toi] devant un gouverneur ou [un] [seign]eur, un juge [ …] pour de l’argent [ …] tout/chaque […] [Mena[hem…] jus[qu’au paiement complet de] ceci ton [argent] » (B4.6 1417999). 998

Le P. DP Hd 734c prévoit, en cas de retard, une pénalité de 10 % de la somme due. 999 B. PORTEN, 1989b, p. 164-167.

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La présence d’une garante semble permettre l’absence de ces clauses dans l’acte démotique. Le scribe et le lieu, témoins, endos Le nom du scribe puis ceux des témoins au nombre de 4, car l’acte concerne des biens mobiliers, clôturent le contrat araméen (B4.6). La même information figure également sur le contrat démotique. Le verso du contrat n’est pas publié, aussi ne connaît-on pas le nombre des témoins. Les garanties formelles ne manquent pas, puisque la présence des témoins est assurée et l’acte remis entre les mains de la créancière/du créancier, ainsi que l’atteste le P. Leyde 376, classé dans les archives du mari de la créancière, qui l’a conservé après l’expiration du contrat, signifiant alors que l’engagement n’a pas été honoré. Conséquence d’emprunts de grains et/ou d’argent, les formulaires de reconnaissances de dettes recèlent des clauses objectives que sont la date et l’identité des parties, et subjectives avec la constatation de la dette et de ses conditions de remboursement. Les garanties adoptent des formes habituelles avec paiement d’indemnité dans les actes araméens. Les femmes d’léphantine et égyptiennes peuvent jouer le rôle de créancières et de garantes, attestant de leurs moyens et/ou de leurs besoins, Et le pourcentage de cette opération chez les Judéennes correspond à 50%. Ces opérations reflètent la défense de leurs intérêts financiers et économiques et ce sans intermédiaire. RETRAITS/RENONCIATIONS À BIENS À la suite de litiges parfois menés jusqu’au procès, la partie condamnée dresse un acte de renonciation en faveur de la partie adverse. Hommes et femmes sont acteurs, qui peuvent soit renoncer, soit bénéficier de l’abandon par la partie adverse de sa réclamation. Quatre conventions de retrait proviennent des archives de Mipayah, dont une la concerne (B2.2 ; B2.8 ; B2.9 ; B2.10), une des archives d’Ananyah (B3.2) et d’un fragment de contrat (B5.2). Elles se rapportent à des retraits de terres, de maisons, de biens. Quelques documents, peu nombreux1000, de retrait démotiques mettent Outre le P. Louvre E 3228c, les P. léphantine 12, P. British Museum 10446 et 10079, P. Berlin 3113, U. KAPLONY-HECKEL, 1960, p. 231-232. Nombreux sont les serments prêtés par des femmes, U. KAPLONY-HECKEL, 1963, Ire partie, p. 10 s. Le P. British Museum 10079 comprend un texte de serment, N. REICH, 1914, p. 68-70 ; de même le P. Berlin 3113, W. ERICHSEN, 1941, p. 92-100. Parmi les actes de retrait de la période ptolémaïque, le P. British Museum 10437 (224-223), dont une grande 1000

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en lumière une réalité parallèle. Les conventions, établies à la suite de procès, rappellent les événements et la renonciation de la partie déboutée. La pratique de la rédaction d’un acte de retrait par la partie perdante à un procès est également attestée par le Code d’Hermopolis (VI 3). Ces démêlés ne mènent toutefois pas systématiquement en justice et l’acte établi par Mipayah, fille de Gemaryah, en faveur de sa sœur Isiweri confirme ce choix (B5.5). Les parties Deux formulaires d’léphantine établis après procès mettent en présence des femmes, dont l’un est complet (B2.8), et l’autre un fragment (B5.2)1001. L’acte de retrait établi par Peu, fils de Pai, architecte égyptien de Syène, en faveur de Mipayah, date du 14 ab, le 19 paons, l’an 25 d’Artaxerxès, le 26 aôut 440. En litige, les deux parties ont engagé un procès, gagné par cette dernière. Par conséquent, Peu dresse ce document de retrait (B2.81002). Un document amiable d’éloignement réciproque dressé entre deux sœurs, filles de Gemaryah, rapporte un remboursement1003, qui date du 15 payni, an 4-5 de Darius II/Artaxerxès II/Amyrtée. La première, Mipayah, qui a été assistée par Isiweri la rembourse en lui donnant une somme d’argent de 6 sicles et une allocation en nature provenant du Trésor du roi. Le motif de cette donation est clairement indiqué dans l’une des clauses de transfert du contrat : « Je te l’ai donnée par affection en considération de (l’)appui avec lequel tu m’as soutenue » (B5.5 3-4)1004. Cet acte rapporte la formule du reçu et de satisfaction par Isiweri : « [La ration qui est à moi de la maison du roi et ton argent, toi, Mip]ayah, qui était dans ta main, tu me

partie a été restaurée, concerne également un retrait après jugement par une femme, C. A. R. ANDREWS, 1990, n° 37. S. ALLAM, 1993, p. 27, remarque à l’étude des retraits de la période hellénistique, qu’ils prennent leurs racines dans des pratiques très anciennes, et dont le prototype s’inscrit durant la période ramesside si ce n’est plus tôt. 1001 Les formulaires de renonciation/retrait d’léphantine concernant les hommes sont les suivants : B2.2 ; B2.9 ; B2.10 ; B3.3 ; B3.10. 1002 Le fragment d’acte de renonciation est dressé par Mattan, fils de Yashobyah, en faveur d’un héritier de Yethoma et de Salluah, déjà parties à un contrat d’échange (B5.2). 1003 P. GRELOT, 1972, p. 89-91. 1004 Des exemples sont assurés en démotique dont le P. Louvre 7850 (533), similaire à cet acte réciproque, et le P. Caire 50058 (543), A. F. BOTTA, 2009, p. 196.

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l’as donné et mon cœur a été satisfait » (B5.5 7)1005. Cet acte ne comprend pas de modalité rapportant une plainte, un procès et un désistement, puisqu’il rapporte un accord synallagmatique. Parmi les conventions démotiques de renonciation à la suite de procès où des femmes participent en qualité de plaignantes et/ou d’accusées, un acte du 6e jour du 2e mois de la saison shemou, an 6 de Taharqa, en 685, présente un couple, le soldat Petekhnoumis et la dame Nesnehemanou, ayant engagé des poursuites judiciaires contre le choachyte Petoubastis (P. Louvre E 3228c). L’identité de dame Nesnehemanou, la plaignante, est la suivante : « Fille d’Ankhor, fils d’Irowkhons, sa première femme », et celle de Petoubastis : « Fils de Peteamenope, le choachyte de la chanteuse-recluse d’Amon Ietourou, fille de Peteamenope1006 ». De la période ptolémaïque, un document de renonciation à une maison, son mobilier et un collier d’argent, le P. léphantine 12/P. Berlin 13554, est établi par une gyptienne du nom de Taep ayant perdu son procès, en faveur d’une femme du nom Tasati, laquelle a déjà revendu la maison à une autre femme, et met en cause trois parties. Il est établi au mois de thot, octobre-novembre 245, l’an 3 de Ptolémée Évergète, à léphantine1007. Le procès et le serment, clause de satisfaction Les actes rapportent l’historique des événements, et celui dressé en faveur de Mipayah n’y manque pas : l dyn zy bdn bswn nprt l ksp wbwr wlbw wn wprzl kl nksp wqnyn wspr ntw, « Au sujet du procès que nous avons fait à Syène, un litige au sujet d’argent et de grains et de vêtements, et de bronze et de fer, tous biens et propriété, et (le) contrat de mariage » (B2.8 3-41008). Un serment a été prêté par Mipayah, qui est soumise aux règles légales égyptiennes : dyn mwmh mh lyky wymty ly lyhm bsty lhth, « Puis, le serment (t’a été imposé) est venu sur toi et tu as 1005

Des formulaires de quittance sont attestés parmi les actes démotiques, tel le P. Strasbourg 2, M. MALININE, 1968, p. 188-192, ou encore le P. Turin 6071, G. BOTTI, 1967, n° 32. 1006 B. MENU, 1985, p. 78-81 ; M. MALININE, 1951, p. 158-178 ; E. REVILLOUT, 1885c, p. 15-16. 1007 W. SPIEGELBERG, 1908, p. 24-25. E. LÜDDECKENS, 1971, contrat n° 28. K. SETHE et J. PARTSCH, 1920, p. 752-753. B. PORTEN et al., 2011, n° C 31. 1008 B. PORTEN, 1983b, p. 565. Si le contrat de mariage auquel il est fait allusion, concerne les deux parties Mipayah et Peu, il confirme les difficultés rencontrées lors des règlements financiers des séparations, prévus en un jour en une fois. Cet acte serait à mettre en parallèle avec la reconnaissance de dettes en faveur de Salluah (B4.6).

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juré pour moi à leur sujet sur Sati la déesse » (4-51009). Sa prononciation par Mipayah dans une cour de justice et devant la déesse d’léphantine Sati, et non la divinité judéenne YHW, est admise comme décisive1010 et confirme la vérité de sa déclaration1011. Ce contrat ne rapporte pas le contenu du serment énoncé. Une clause de satisfaction suit le rappel de cet événement, qui est prononcée par le rédacteur de l’acte : wyb lbby bmwmh dky zy bdty ly l nksy lk, « Et mon cœur a été satisfait avec ce serment que tu as fait pour moi au sujet de ces biens » (B3.8 5-61012). Cette modalité, ainsi qu’à l’accoutumée, emporte agrément à l’acte par la partie ayant perdu le procès. Les actes de retrait démotiques rappellent également que les parties se sont rendues en justice, et ce qui s’en est ensuivi. La formule « j’ai été en procès avec toi » est parfois complétée par des détails qui spécifient la cour devant laquelle le procès a eu lieu, ainsi le P. Louvre E 3228c rapporte : « devant les juges de la Grande Cour de Thèbes et devant le scribe supérieur des Archives », et/ou son explication, et le P. léphantine 12, dressé à la demande de Tahapi, en est le témoin. Dans ce dernier, s’adressant à Tasati, partie adverse, Taep, qui a perdu le procès, relate les événements : ḳnb.t ỉrm=t ỉ.ỉr-r n wpỉ.w, « J’ai été en procès avec toi devant les juges1013 », puis développe le motif du procès : « (au sujet) d’un titre concernant la maison qui est (située) dans le quartier central d’léphantine, avec tout son mobilier (et) ce collier d’argent » (2). Le contrat sur ostracon (DO British 1009

Parmi les divers actes de retrait, celui dressé par Dargamana (B2.2) rappelle également qu’un serment a été prêté par Maseyah, son épouse, et son fils : « Tu m’as juré par YHW, le Dieu à la forteresse, toi, et ta femme, et ton fils, tous trois, au sujet de ma terre pour le compte de laquelle je me suis plaint contre toi devant Damidata et ses collègues les juges, et ils t’ont imposé un serment à me jurer par YHW pour le compte de cette terre que ce n’était pas la terre de Dargamana, la mienne » (B2.2 4-7). L’acte de retrait de biens écrit par Menaem et Ananyah stipule : « Alors vous avez été interrogés » (B2.9 8). 1010 H. Z. SZUBIN et B. PORTEN, 1958, p. 283. 1011 J.A. WILSON, 1948, p. 129. 1012 Le contrat de retrait par Dargamana (B2.2) insère la clause de satisfaction suivante : « Tu m’as juré par YHW et satisfait mon cœur au sujet de cette terre » (B2.2 11-12). Celle de l’acte établi par Menaem et Ananyah affirme : « Et vous, Yedanyah et Maseyah, fils d’Esor, avez satisfait notre cœur pour (ce qui concerne) ces biens, et notre cœur a été satisfait sur ce point de ce jour et pour toujours » (B2.9 8-9). 1013 Le P. Vienne D 12003 (648, Thèbes), établi à la suite d’un partage d’héritage, rapporte une formule identique : « devant les juges », prononcée par les demandeurs, qui reconnaissent avoir intenté un procès. Une copie abrégée du jugement est insérée à la suite, M. MALININE, 1973, p. 192-208.

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Museum 26352) résume le récit par l’emploi de la formule : « J’ai intenté un procès contre toi » (31014), sans explication complémentaire. La prestation de serment est rappelée dans certains documents. Le P. léphantine 12 le rapporte : ỉr=t n=j pw hp t wpỉ pw nḫ m-b Ḫnm, « Tu as fait pour moi leur loi, leur jugement (et) leur serment devant Khnoum » (5). Le P. Louvre E 3228c le remémore : « Je dois (également) obliger les neuf personnes à prêter serment devant Amon. » Pour autant, elle ne figure pas dans l’O. DO British Museum 26352. Certains formulaires peuvent évoquer le verdict : « Les juges ont décidé contre moi en ce qui les concerne » (P. léphantine 12 3), ou pas, et le P. Louvre E 3228c n’indique pas précisément que Petekhnoumis et sa première femme sont déboutés. La querelle en justice et le serment sont attestés par une riche documentation, et certains actes d’léphantine mettent en lumière ses spécificités. Il semble que le serment, qui fait partie intégrante de la procédure légale lors d’un procès, soit prêté indifféremment devant la divinité de la partie plaignante ou accusée1015, et son contenu est variable, puisqu’il s’adapte au contenu du conflit. Des actes en livrent le contenu (B7.1 ; B7.2 ; B7.3), qui peut être introduit par l’affirmation suivante : « Moi, Malchyah, fils de Yashobyah, je vais déclarer pour toi à erem le dieu… et par AnatYHW » (B7.2 7)1016. Le texte d’un autre de ces actes en donne un exemple précis, concernant un conflit à propos d’une ânesse, qui est prononcé par le défendeur : « Et il lui a juré/jurera disant : l’ânesse qui est entre les mains de Pa[misi, fils de Pe]met, au [sujet] de laquelle tu as introduit [une action] contre moi [disant] : “Sa moitié est à moi”, j’[ai] le droit de la donner à Pamisi. Ton père ne m’a pas donné d’âne en échange de sa moitié et [il] ne [m’a pa]s [don]né l’argent ou la valeur en argent en échange de s[a moitié] (B7.3 4-10). Attesté de même, dans les actes égyptiens, le serment judiciaire est prêté devant une divinité, qui confirme la réalité d’une déclaration devant les juges1017. Les formulations sont diverses, qui sont un appel à l’autorité divine et peuvent être ainsi introduites : « Aussi vrai qu’Amon vit et que le roi vit » 1014

U. KAPLONY-HECKEL, 1960, p. 230-232. Ainsi, celui prêté par Maseyah, sa femme et son fils lors du procès intenté par Dargamana, fils de Khvarshaina, l’est devant YHW (B2.2 6-7). Un autre contrat met en lumière un serment devant YHW, où l’identité de la partie plaignante est la suivante : Maseyah, fils de Shibah, « Araméen » de Syène (B7.1). Malchyah, fils

1015

de Yashobyah, prête serment sur erembethel (B7.2). B. PORTEN, 1987b, p. 89-92. 1017 B. MENU, 1991, p. 337-341. 1016

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(O. Caire 25227), sans pour autant qu’elles soient toujours enregistrées à l’identique1018. Sa substance se révèle complexe, qui est toujours fonction de la plainte. Il peut être prononcé dans un conflit entre deux femmes, et le P. Caire 65739 en livre un contenu exemplaire, au sujet d’un domestique. L’une des deux parties, la citoyenne Irinofret, prononce la formule suivante : « Aussi vrai qu’Amon vit et que le roi vit, que des témoins soient amenés contre moi (prouvant) que toute propriété appartenait à la citoyenne Bakemut avant cet argent que j’ai donné pour cet esclave et je l’ai caché, je serai passible de cent coups, tandis que j’en suis dépossédée1019. » Les juges, dans ce dernier exemple, formulent le contenu du texte qui est répété par l’accusée, décrivant ainsi l’usage courant de l’administration et l’application du serment, quelles que soient les divinités et l’origine ethnique des personnes. Contraint, le serment devient en justice un instrument de la loi et lui apporte une sanction judiciaire1020, dont le parjure est puni de lourdes sanctions. Le retrait La partie déboutée enregistre la conséquence du jugement par son retrait : wrqt mnky mn ywm znh wd lm, « Et je me suis éloigné de toi de ce jour et pour toujours » (B2.8 6-71021). Le retrait établi par Peu signale son obligation personnelle d’éloignement de la personne de Mipayah, et non des biens en litige. Le formulaire de retrait en faveur d’Isiweri enregistre également cette même formule par Mipayah (B5.5 41022). Insérées dans les actes de retrait démotiques, les garanties usuelles figurent nécessairement dans les formulaires démotiques, ainsi le contrat dressé par Tahapi découvre-t-il la formule suivante : « Je suis loin de toi (au sujet) de cette maison qui a été vendue à l[a] dame Taisemtaoui avec son mobilier (et) ce collier » (P. léphantine 12 31023). Il ajoute : « Je n’ai rien au 1018

A. G. MCDOWELL, 1990, p. 36 s. A. H. GARDINER, 1935, p. 142 ; J. A. WILSON, 1948, p. 136, 139. 1020 A. THÉODORIDÈS, 1995, p. 69 ; J. A. WILSON, 1948, p. 129-130, 156. 1021 Connue par les actes de retrait, la formule varie systématiquement, dont le contenu peut être le suivant : « Moi, Menaem, et Ananyah, nous sommes éloignés de vous de ce jour et pour toujours » (B2.9 9-10), ou attester : « Je suis éloigné de vous (et) de la maison de Yezanyah, fils d’Uryah » (B2.10 4), témoignant du retrait du bien et de la personne. 1022 Des exemples sont assurés en démotique dont le P. Louvre 7850 (533), similaire à cet acte réciproque, et le P. Caire 50058 (543), A. F. BOTTA, 2009, p. 196. 1023 Cette clause est aussi attestée dans : les actes de transfert de propriété (P. Hauswaldt 1), les clauses de libération-décharge (P. Chicago Hawara 13), de renonciation formulées par l’une des parties dans les divisions (P. Hauswaldt 5), 1019

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monde contre toi en leur nom, de ce jour, dorénavant pour toutes les années, pour toujours » (3-4), formule couramment assurée. L’O. DO British Museum 26352 porte le libellé suivant : « Je n’ai aucun droit sur quoi que ce soit à toi, ainsi qu’à (ce qui appartient à) tes enfants ainsi qu’à (ce qui appartient à) Khersais et ton mari. » Multipliée, la garantie du fait du contractant, des ayants droit et, outre des tiers, de leur représentant transmet des variations. Elle peut contenir le texte d’éloignement suivant : p ntj ỉw=f r ỉw=j [r]-r=k r db.t=s ỉn rn=j rn rmṯ nb n p t n rn p  r r.t r p s r r=w n Tỉ-sm-t n p t ỉw=j r dj.t wỉ=f r.r=k n ỉm=s n p ḳrr n nk.t, « Quiconque viendra (contre) toi à leur sujet (en) mon nom, (au) nom (de) tout homme au monde (ou) au nom (de) l’accord que tu as fait sur l’écrit que tu as fait pour Taisemtaoui (concernant) ladite maison, je le ferai s’éloigner de toi de même pour le collier (et) le mobilier » (P. léphantine 12 4-5). La stipulation évoquant la possibilité d’avoir un mandataire peut être réitérée, qui affirme : « Ton représentant (est) celui qui est chargé de tout ce qu’il me dira (au) nom (de) tout ce qui (est) ci-dessus. Je le ferai à sa voix (de manière) obligatoire, sans délai et sans protestation » (6-7). Des modalités particulières peuvent être insérées, et le P. léphantine 12 précise la responsabilité de Tasati face à Taisemtaoui, qui possède dorénavant les biens en question, et les actes de vente et de retrait l’assurent (7-8). Le contrat peut comporter une formule spécifiant : « je n’ai aucune réclamation » (P. Louvre E 3228c) et ajouter : « Nous n’avons ni fils, ni fille ni frère, ni sœur, ni personne au monde qui pourraient faire une réclamation à son sujet, désormais. Quant à celui qui ferait une réclamation, sa déclaration ne serait pas entendue dans aucun bureau des Archives » (P. Louvre E 3228c). L’emploi d’une même terminologie s’affirme dans les actes de retrait araméens et démotiques, dont le terme central « s’éloigner », « être loin de », inscrit la séparation des protagonistes tant dans l’espace de leur conflit que symbolique. Ainsi, cette modalité implique expressément comme complément de quittance (P. Chicago Hawara 16), dans les actes de divorce (P. Philadelphie II), les clauses de garantie (P. Carnavon 1 et 2). Cette expression figure également dans des contextes non légaux comme la Pierre de Rosette, qui concerne la libération de prisonniers et aussi la remise des dettes : wj=f r-r=w, « Il les libéra », parallèlement, le document de libération d’esclave d’léphantine mentionné plus haut (B3.6) porte l’appellation : spr mrq : « document de libération ». L’auteur fournit la liste des documents livrant la formule de retrait de 591 avec le P. Berlin 13571, acte de vente d’léphantine, à 485 avec le P. Loeb 43, document de retrait de Gebelein. L’attestation ancienne de la formule de retrait réfute l’opinion largement répandue de son origine araméenne, A. F. BOTTA, 2009, p. 169-179.

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l’obligation pour la partie perdante de l’affirmer, afin de s’interdire d’empêcher l’autre partie d’exercer ses prérogatives sur la ou les choses ayant fait l’objet du procès. La renonciation à plainte et/ou procès La partie déboutée au procès s’engage : l khl grnky dyn wdbb nty wbr wbrh lky bm nksy lky zy ymty ly lyhm, « Je ne pourrai pas intenter plainte ou procès (contre) toi ou ton fils ou ta fille au nom de ces biens au sujet desquels tu m’as prêté serment » (B2.8 7-8). La stipulation de garantie personnelle qui s’adresse également aux enfants de Mipayah ne se cumule pas avec une garantie du fait des ayants droit et des tiers. Cette modalité est reproduite dans ce même formulaire sous une forme distincte : wnh ryq mn kl dyn wdbb, « Et je me suis éloigné de toute plainte ou procès » (B2.8 111024). Ces clauses de garantie sont personnelles, dont l’objet est d’honorer la décision judiciaire. La clause de retrait s’applique cette fois au procès1025. Une pénalité est prévue : hn grytky dyn wdbb wgrky br ly wbrh ky bm mwmh dky nh py wbny ntn lmpyh ksp krn 5 bbny mlk wl dyn wl dbb, « Si j’intente contre toi plainte ou procès, ou qu’un fils à moi ou une fille à moi porte plainte contre toi au nom de ce serment, moi, Peu, ou mes enfants, je donnerai à Mipayah une somme de 5 karsh à l’étalon royal sans poursuite ni procès » (B2.8 8-10). Le document de retrait établi par Mipayah en faveur de sa sœur Isiweri insère la réciprocité des clauses de renonciation à plainte et/ou procès, mais le texte se rapportant à chacune des sœurs diffère. La liste au titre de celle-ci présente, outre sa garantie, la suivante : « Ni fils à moi ni fille à moi, ni frère ni sœur à moi, (parent) proche ou éloigné » (B5.5 5) ; et celle d’Isiweri précise : « [Je ne pourrai pas moi Isiweri t’intenter plainte ni procès. De plus, ni fils] à moi, ni fille à moi, associé en biens meubles ou associé en terres à moi » (B5.5 9). La pénalité prévue s’élève à 2 karshs. 1024

Cette modalité est assurée dans tous les actes de retrait araméens, avec des nuances, dans la liste des ayants droit et des tiers, la formulation et les répétitions éventuelles. Le contenu de la formule du retrait de biens par Menaem et Ananyah, fils de Meshoullam, prend cette forme : « Nous ne pourrons pas, nous, ou nos fils, ou nos filles, ou nos frères, ou une personne à nous, proche (ou lointaine), ou membre d’(un détachement) ou (de) ville, ils ne pourront pas in[ten]ter plainte ni procès contre vo[us], vous, Yedanyah et Maseyah. Et ils ne pourront pas intenter (plainte) contre vos enfants, ou vos frères, ou une personne à vous au n[o]m des biens et (de) l’argent, des grains et d’autres (choses) de Shelomam, fils d’Azaryah » (B2.9 10-12). Une pénalité de 10 karshs est prévue. 1025 A. F. BOTTA, 2009, p. 197.

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Les stipulations de garantie mettent en lumière, ainsi qu’à l’habitude, la primauté du genre masculin dans les listes, qui diffèrent constamment. Selon les actes, elles prévoient toujours la garantie de la partie déboutée et parfois celle du fait des ayants droit et des tiers. Contrats araméens (B2.9 ; B2.10 ; B2.11 ; B3.9) et démotiques (P. British Museum 10589) révèlent la possibilité de nommer un intermédiaire chargé de régler les questions afférentes aux opérations, et la formule « tout homme à nous » est attestée dans divers documents d’léphantine (B2.9 ; B2.10 ; B2.11 ; B3.9) et démotiques (P. British Museum 10589). Le scribe et les témoins, endos Le scribe ayant rédigé l’acte de retrait de Peu porte un prénom égyptien : Peteisi, fils de Nabunathan. Cinq témoins sont présents à l’acte dressé à Syène. L’endos précise : « Document de retrait que Peu a écrit pour Mipayah » (B2.8). Le P. léphantine 12 précise, outre le nom du scribe, une liste de 16 témoins et un endos : « Contrat que Taep a fait avec Tasati pour retrait concernant le sujet (à propos) duquel elle a intenté un procès » (9-12). Papyri d’léphantine et papyri démotiques peuvent prendre leur source dans une contestation légale, enregistrant le verdict rendu par les juges. La partie déboutée, reconnaît les droits de son adversaire et s’engage à éteindre ses revendications. Pour ce faire, elle dresse une déclaration dans un acte écrit formulé selon un modèle spécifique1026, présentant une structure identique. Il comporte les mêmes clauses et, après la présentation des parties, retrace l’historique des événements et de la procédure contradictoire. La formule d’introduction rappelle qu’un procès s’est tenu devant un tribunal, dont parfois elle transmet la composition et en précise les motifs et les conclusions. Elle rapporte également que les juges ont rendu leur jugement contre la partie déboutée. Puis, la partie opératoire évoque le serment prêté en justice par la partie défenderesse et affirme le retrait de la partie ayant perdu le procès qui reconnaît les droits de la victime. Par cette clause de renonciation des conventions démotiques, qui prend sa source dans son emploi plusieurs siècles avant l’utilisation du démotique dès l’Ancien Empire et constitue l’original de la formulation araméenne des actes d’léphantine1027, la partie déboutée affirme sa renonciation. Une modalité de renonciation à plainte et procès peut compléter l’acte. Seuls les contrats araméens prévoient une pénalité, qui conserve cette spécificité. Le retour au style objectif s’effectue avec la présentation du scribe, du lieu et de l’endos. 1026 1027

S. ALLAM, 1993, p. 20. A. F. BOTTA, 2009, p. 179-185, 203.

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Ainsi qu’à l’accoutumée, l’organisation des stipulations peut varier, et certaines formules peuvent n’être pas inscrites dans l’acte ou être réduites. Ces actes de retrait mettent en lumière la capacité des femmes égyptiennes et d’léphantine1028, qui peuvent aller en justice et, indifféremment, être plaignantes ou défenderesses, afin de faire reconnaître leurs droits ou y renoncer, au cours d’un procès. Les femmes peuvent y exposer des problèmes d’héritage et des querelles diverses1029. Elles se rendent devant la cour, qui peut non seulement enquêter, arrêter, juger, mais aussi agir comme notaire enregistrant des transactions et/ou des testaments, ou arbitre. Elle enquête sur les irrégularités, surveille les transferts de propriété, et ses membres sont témoins lors des prestations de serment et les oracles. Aucune femme n’est attestée dans ces listes, et ne peut être juge. La plupart des cas se rapportent à des transactions économiques. L’exemple de 1028

Leur pourcentage s’élève à 28 % chez les Judéennes. Des exemples sont enregistrés sur des ostraca provenant de Deir el-Medineh qui mettent en scène des événements et des situations divers, où elles sont parties. Ainsi, l’O. Zouche H 2, 5-5 rapporte la surveillance de la veuve d’un débiteur défunt, afin d’en exiger un versement du grain. Le P. Turin 167, et 2087/219 (198), évoque les magistrats jugeant une controverse entre un scribe et une femme au sujet d’un tissu, djt. Le scribe est considéré dans son droit, aussi la cour prend-elle le tissu à la femme afin de l’octroyer au scribe. Après l’énoncé de son jugement, elle l’exécute. Dans l’O. Caire 25556, le chef d’équipe y accuse trois ouvriers et une femme d’assurer qu’il a maudit le souverain régnant. Les défendeurs soutiennent qu’ils n’ont pas entendu de tels mots de sa bouche et n’ont pas d’accusation à porter contre lui. Ils subissent néanmoins, tous quatre, une peine identique d’une centaine de coups qui semble avoir peut-être plus valeur d’avertissement et d’exemple que de punition, A. G. MCDOWELL, 1990, p. 152 s. Deux femmes instituent un procès contre leur oncle, qui aurait pris possession d’un terrain leur appartenant (P. Bruxelles 4, 295-298, Thèbes), K. SETHE et J. PARTSCH, 1920, p. 676 s. Les archives d’une famille de fonctionnaires liés à la nécropole d’Assouan, sous Ptolémée Épiphane et Philometor, ont produit un ensemble de documents ayant servi de preuves à un procès et une copie des débats de ce procès, de même que la décision des juges. Le document présente l’enregistrement le plus élaboré des procédures judiciaires, au sujet du partage d’un héritage resté indivis entre deux frères. Au bout de six ans, le cadet demande sa part, des dissensions émergent avec l’épouse de l’aîné, laquelle réclame la totalité des terres, et le débat est porté devant la justice. Sa réclamation est essentiellement fondée sur son contrat de mariage, prévoyant une garantie sur tous ses biens par le mari. Les deux parties déposent chacune une plainte et une défense. L’épouse intente une action en son nom propre, alors que son mari est vivant et sans conseil. Une assistance légale lui est fournie devant les juges par un homme dont on ne sait s’il est avocat. Les juges décident que le jeune frère doit recevoir sa part, après qu’il aura fourni à la cour un acte de partage établi par le frère aîné et confirmé à l’épouse en sa qualité. Mais cette dernière ne rend pas les armes et se pourvoit devant une autre cour, H. THOMPSON, 1934 ; E. SEIDL, 1962a, p. 239 s. 1029

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dame Naunakhte qui vient faire dresser son testament devant la cour souligne à quel point les femmes peuvent être familières des complexités juridiques se rapportant à la question de l’héritage. Les membres de la cour peuvent les interroger afin de clarifier les faits, et envoyer un messager chargé d’enquêter plus avant. Le verdict désigne le/la coupable, et la cour lui fait jurer de remplir ses obligations ou exceptionnellement peut envoyer quelqu’un vérifier que le perdant se conforme au jugement. Lorsque la querelle n’est pas résolue en leur faveur, elles se voient tenues de reconnaître le droit de l’autre partie et ces actes en font preuve. Leurs droits sont reconnus ou non par les juges grâce à l’instrument de justice qu’est le serment, qu’elles prêtent, tout comme les hommes, sur une divinité, soit la leur, soit celle de la partie adverse. Aucune différence n’apparaît dans leurs obligations et leur capacité à gérer leurs propres affaires dans leur intérêt. Pour autant, se produire en justice n’est guère systématique et des accords peuvent être enregistrés qui prévoient le retrait des parties. PRÊTS/EMPRUNTS Toutes les opérations financières1030, dont celles de prêter et d’emprunter des choses de genre, d’argent, de céréales, de vin, et même d’ânes, sont autorisées aux femmes égyptiennes et judéennes d’léphantine. La plupart sont des prêts de consommation portant sur des choses consomptibles. Seuls deux contrats de prêt/emprunt d’argent proviennent d’léphantine, dont l’un est dressé par une femme (B3.1) et l’autre par un homme (B4.2), et qui sont les emprunteurs1031. Si aucun contrat démotique mettant en lumière une femme comme partie n’est attesté pour la période perse1032, la période ptolémaïque en a livré un certain nombre. Style objectif et subjectif s’y côtoient. La partie opératoire, constate l’obligation du débiteur à la suite de la mise à disposition de l’emprunteur, les conditions de remboursement et les diverses garanties de la partie créancière.

1030

Le prêt, dans les textes bibliques, est réglementé par les textes de Dt 23, 20-21 ; 24, 10-13 ; Ex 22, 25-26 et Lv 25, 36-37, qui interdisent le paiement d’intérêts entre proches. 1031 Un prêt de grains est assuré parmi les actes araméens, portant la référence B3.13. 1032 Les P. Louvre E 9293 de l’ an 24 de Darius Ier, 499, le P. Loeb 48 de l’an 35 de Darius Ier, 498, M. MALININE, 1953, n° 1 et 2 ; S. P. VLEEMING, 1991, n° 12 ; P. Berlin 3110, de l’an 35 de Darius Ier, 498, M. MALININE, 1953, n° 1 et 2 ; P. Strasbourg 4, de l’an 35 de Darius Ier ou 487, M. MALININE, 1950, p. 1-23 ; P. Loeb 49a, de l’an 35 ou 36 de Darius Ier , W. SPIEGELBERG, 1931, p. 81-82 et pl. 28, concernent des prêts où les parties sont des hommes.

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Les emprunteurs et les prêteurs Seul document mis au jour intact au cours de fouilles, le prêt consenti par Meshoullam, fils de Zaccur, à Jehoen, fille de Meshullach, qui fait partie des archives d’Ananyah, porte la double date babylonienne et égyptienne du 7 kislev, le 4e jour de thot, l’an 9 d’Artaxerxès, le 13 déc. 456, (B3.11033). Dans cette convention, la débitrice qui l’établit s’adresse au prêteur, trace de la déclaration orale préalable qui en établit les termes1034. Parmi les divers actes démotiques de prêt-emprunt, l’une des plus anciennes parmi les conventions des débuts de la période ptolémaïque, provenant d’archives thébaines, est établie par une femme du nom de Taesy, fille de Pateamonpy, à la suite d’un emprunt contracté auprès d’un personnage du nom de Pleehe, et date de décembre 295-janvier 2941035. La débitrice, qui dresse le contrat s’adresse également au créancier (P. British Museum 10523). La dette et le remboursement Dans une sorte de monologue, le/la débiteur/débitrice du contrat araméen constate l’emprunt et les obligations en découlant. Le montant alloué à Jehoen par Meshoullam s’élève à 4 sicles1036. Sa valeur peu élevée n’empêche nullement l’obligation du paiement d’un intérêt par mois. L’emprunteuse enregistre la somme prêtée et son acceptation des conditions financières qui la grèvent : yhbt ly zpt ksp qln 4 hw rbh bbny mlk bmrbyth yrbh ly ksp lrn 2 ltql 1 lyr 1 hwh ksp lrn 8 lyr d hn mt mrbyt lrn yrbh mrbyt kr d kd, « Tu m’as donné un prêt pour une somme de 4, c’est-à-dire 4 sicles à l’étalon royal, à son intérêt. (Les intérêts) vont courir de moi (au taux d’) argent (de) 2 allurs par sicle par mois, ce qui représente une somme de 8 allurs par mois. Si l’intérêt (de)vient (du) capital, l’intérêt va courir comme le capital, l’un comme l’autre » (B3.1 3-7), signifiant la 1033

Les deux dates ne sont pas synchronisées, le 7 kislev correspond au 14 décembre, tandis que le 4 thot correspond au 18 décembre 456, B. PORTEN, 2000a, p. 168, n. 2. 1034 Le prêt d’argent du fils de Yathma à Gemaryah date de 487 env., mais la date précise a disparu (B4.2). Comme dans les autres actes de prêt-emprunt, l’emprunteur s’adresse au créancier. 1035 S. A. K. GLANVILLE, 1939, p. 9-14. 1036 Gemaryah emprunte 3 sicles 2/4. L’intérêt est de 5 % par mois également, soit 60 % l’an, à intérêts composés en l’absence de paiement, il représente 7 allurs par mois (B4.2 2-4). Ce contrat prévoit le remboursement : « Et je te paierai chaque mois, de mon attribution qu’ils me donneront du Trésor » et son reçu des sommes versées : « et tu m’écriras un reçu pour tout l’argent et les intérêts que je te paierai » (B4. 2 5-7).

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capitalisation des intérêts. Ce contrat prévoit un montant d’intérêts mensuels au taux de 5 %, qui atteint 60% par an. En outre, la débitrice doit effectuer un paiement mensuel, qui, s’il n’est pas respecté, provoque sa capitalisation. Il semble que l’emprunt n’ait jamais été payé par Jehoen, aussi certains de ses biens auraient-ils été confisqués et transmis à Yehoyima, comme faisant partie de sa dot. En outre, le contrat faisant titre sur les biens1037, se serait pour cette raison retrouvé dans les archives d’Ananyah. La/le débitrice/débiteur des contrats démotiques rappelle par une déclaration unilatérale : « Tu m’as donné 3 debens 6 kites, équivalents à 18 statères, qui font 3 debens 6 kites à nouveau, tandis que leur intérêt y est compris, et je te les rendrai »1038. L’engagement de remboursement peut préciser la date avec soins : š .t-sp 13 ἰbd 2 ḫt (ss) rḳ.j, « avant le terme de l’an 13 (le) 2e (mois) de la saison akhet, dernier jour » (P. British Museum 10523 1). Le retard de paiement et ses conséquences financières sont prévus : « Si je ne te rends pas les 3 (pièces) d’argent et 6 kites, équivalents à 18 statères, c’est-à-dire 3 (pièces) d’argent et 6 kites à nouveau, au terme de l’an 13, 2e mois de la saison akhet, dernier jour, je te donnerai 5 (pièces) d’argent et 4 kites, équivalents à 27 statères, c’est-à-dire 5 pièces d’argent et 4 kites à nouveau, à leur place, l’an 13, 1er jour du 3e mois de la saison akhet, dernier jour après le mois mentionné, volontairement et sans délai » (P. British Museum 10523 2). L’emprunt sans intérêt, conclu en l’an 11, au mois de phaophi, par Taesi doit être remboursé dans les deux ans, et le retard de paiement à compter d’une journée implique, outre le paiement du capital, celui d’une prime fixe de 50% comme rémunération1039. Le défaut absolu de paiement conduit à la perte du bien donné en gage. Ainsi, à peine plus d’un an après, la propriété de Taesi passe-t-elle entre les mains du prêteur. Le débiteur des conventions araméennes use de la terminologie habituelle constatant le transfert de la chose, avec l’emploi du pronom personnel sujet à la deuxième personne du singulier et des deux genres, et celui du verbe « donner » dans l’expression « tu m’as donné », et celui des actes démotiques s’adresse également au créancier avec la même forme 1037

B. PORTEN, 2000a, p. 168. Dans une autre formule, le/la débiteur/débitrice s’adresse ainsi au prêteur : wn mtw=k x ἰ.ἰr-n=j, « Tu as x (pièces) sur/contre moi1038 ». La formule « tu m’as donné » a été abandonnée au profit de « tu as contre moi ». Leur différence correspondrait à leur origine géographique. La première serait considérée comme originaire de Basse-gypte et la seconde de Haute-gypte, S. P. VLEEMING, 2006/2007, p. 91 s. 1039 L’O. Manâwir 188 est conclu pour une durée définie sans intérêt, au-delà le débiteur doit rembourser le capital auquel s’ajoute une prime fixe de 50 %, B. MENU, 1998, p. 395-396. 1038

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grammaticale et met en lumière une seconde formulation : « Tu as… (à faire valoir) contre moi », dont le sens évoque une forme d’opposition entre les parties1040. La formule d’engagement de remboursement « je te (les) rendrai » des actes démotiques n’a pas de parallèle dans le formulaire araméen. Inscrit dans les actes araméens (B3.1) et démotiques, le système de calcul de l’intérêt diffère. Il peut devenir composé en cas de nonremboursement selon les accords pour les premiers. Les seconds, si la stipulation d’intérêts n’est pas obligatoire, peuvent prévoir également le retard de paiement. Ainsi, dans les conventions démotiques, l’anatocisme, ou système de la formule des intérêts composés, concerne toujours les intérêts moratoires, la rémunération se faisant à raison d’une prime fixe de 50%1041. Dans les formulaires araméens, l’intérêt est soumis à un calcul différent et, lorsque le débiteur se voit tenu de rembourser mensuellement, la capitalisation des intérêts se met en place en cas de défaut de paiement1042. Pour autant, les intérêts composés ne sont pas connus en gypte avant la période perse1043. L’objet du prêt reste le profit, et les formules anticipent le remboursement du principal et des intérêts. Les modalités de règlement varient, qui peuvent prévoir le paiement par mensualités (B4.2), ou en une fois à la date prévue (B3.1), et sur des durées variables, comme pour les emprunts en démotique1044. 1040

D’autres formules peuvent attester le transfert, ainsi P. Loeb 48, constate : « J’ai reçu de toi… que tu m’as donnés », S. P. VLEEMING, 1991, p. 157-161, n° 12, et 2006/2007, p. 90. 1041 B. MENU, 1991, p. 32-33. La tablette MMA 35.3.318, en procure des exemples, B. MENU, 1982, p. 217-230. 1042 L’anatocisme des actes araméens induit des paiements moins usuraires que les sommes à verser des contrats égyptiens jusquau’au règne de Darius Ier. Par exemple, le P. Louvre E 9293, par la conjugaison de la prime de 50 % et des intérêts moratoires, permet au créancier de percevoir deux fois et demi ou trois fois le montant prêté. En outre une tablette modèle de l’an 5 de Taharqa, où figure un contrat type de prêt d’argent, prévoit qu’il soit gratuit mais induit un intérêt progressif mensuel en cas de non-remboursement au terme. L’indemnité de retard est réservée au prêt d’argent, B. MENU, 1998, p. 392-393. 1043 Le brassage de diverses communautés ethniques et culturelles a entraîné l’adoption par les uns de pratiques apportées par les autres. Les intérêts composés en seraient paradigmatiques, dont aucune trace n’est assurée en gypte avant l’époque perse. Les contrats entre communautés judéo-araméennes et autochtones ont conduit ces derniers à renforcer le système des garanties dans les contrats de prêts, B. MENU, 1998, p. 394. 1044 Dans le P. Loeb 48, un prêt de 3 ou 4 kites prévoit un intérêt de 50 %, sur une durée de 8 mois, S. P. VLEEMING, 1991, p. 157-161, n° 12.

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Le gage, la sécurité Les garanties composent un élément constitutif du prêt. Aussi, le contrat dressé par Jehoen prévoit les conséquences de problèmes de remboursement par l’emprunteuse et/ou ses enfants. Une formule de validité du document fait affirmer par cette dernière : wl kl mr lk lm lmtk bkspk wmrbyth wspr znh bydk, « Et, je ne pourrai te dire, disant : je t’ai payé ton argent et ses intérêts, tant que ce document est entre tes mains » (B3.1 11121045). Mais le débiteur peut stipuler qu’il a droit à un reçu lors de chaque versement, qu’il s’agisse du capital et/ou des intérêts (B4.2 7-10)1046. Le paiement intégral de la dette n’induit pas une telle obligation puisque le contrat lui revient à ce moment. En outre, la débitrice donne un gage général sur ses biens1047, qui adopte la forme suivante : whn m tnyn nh wl lmtk bkspk wmrbyth zy ktyb bspr znh nt mlm wbnyk lyn lmlq lk kl rbn zy tk ly by zy lbnn ksp wdhb n wprzl bd wmh rn kntn wkl zwn zy tk ly d ttml bkspk wmrbyth, « Et si une seconde année arrive et que je ne t’ai pas remboursé ton argent et ses intérêts, qui sont écrits dans ce document, toi, Meshoullam, et tes enfants, tu as le droit de prendre pour toi toute garantie que tu trouveras (m’appartenant) à moi, maison de briques, argent ou or, bronze ou fer, serviteur ou servante, orge ou épeautre, ou toute nourriture que tu trouveras (m’appartenant) à moi, jusqu’à ce que tu aies le (paiement) complet de ton argent et ses intérêts » (B3.1 7-11). Si la somme n’est pas remboursée dans 1045

Un reçu ou annulation de dettes est attesté par le formulaire araméen portant la référence B4.1. L’un des protagonistes affirme : « Je ne pourrai pas te dire : j’ai (une réclamation) sur toi (pour) l’argent et le blé et l’orge [et les céréales et la laine et] le lin [et] … ». Le contrat ajoute : « Et [je ne pourrai pas dire] à un fils à toi ou fille : [J]’ai (une réclamation) [s]ur toi (pour) de la nourriture … ». 1046 Le second contrat de prêt d’argent d’léphantine, établi en faveur de Gemaryah, prévoit d’autres modalités : whn l lmt lk kl kspk wmrbyth d yr twt nt 36 yqp kspk wmrbyth zy ytdr ly wyhwh rbh ly yr lyr d ywm zy lmnhy lk, « Et si je ne paie pas tout ton argent et son intérêt au mois de thot en l’an 36, ton argent et son intérêt qui me reste (à payer) va doubler et va augmenter (l’intérêt, à payer) par moi, mois par mois jusqu’au jour où je te paierai » (B4.2 7-10). 1047 Ex 22, 26 connaît également le gage comme sûreté pour l’emprunt, mais cette loi exige de ne pas demander d’intérêt au pauvre (Ex 22, 25). Plus tard, l’absence de remboursement implique de se vendre comme esclave (1 S 22, 2 ; Dt 15, 12-14 ; Lv 25, 39-43), G. MENDENHALL, 1954, p. 42.

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le délai maximal d’un an, le remboursement se fait sur l’intégralité des biens de la débitrice. Le terme ly, « avoir droit », dans cet autre usage, fait également partie des composants de la clause de garantie, inférant le droit pour le créancier de prendre une garantie1048. Un gage général peut, de plus, être prévu sur le patrimoine des enfants de la débitrice : whn mytt wl lmtk bksp znh wmrbyth bny hmw ylmwn lk ksp znh wmrbyth, « Et si je meurs et que je n’ai pas remboursé cet argent et ses intérêts, ce sont mes enfants (qui) te paieront cet argent et ses intérêts » (B3.1 14-15). L’exigence de remboursement est transmise aux enfants de Jehoen, quelles que soient ses conditions, pour le cas où celle-ci aurait disparu avant d’avoir payé la somme due : whn l lmw lk ksp znh wmrbyth nt mlm ly lmlq lk kl zwn wrbn zy tk lhm d ttml bksp wmrbyth, « Et s’ils ne paient pas cet argent et ses intérêts, toi Meshoullam tu as le droit de prendre pour toi toute nourriture ou garantie que tu trouveras leur (appartenant) jusqu’à ce que tu aies le (paiement) complet de ton argent et ses intérêts » (B3.1 15-181049). Diverses modalités de sécurité peuvent également être inscrites dans les contrats démotiques. Des exemples l’assurent, et la débitrice promet : « Je ne pourrai pas te dire : je t’ai payé sans un reçu (officiel ?) », « Je ne pourrai pas te dire : je t’ai satisfait avec (je t’ai payé en entier) », « Je t’ai fait le droit de l’écrit ci-dessus » (P. British Museum 10523). Le gage général sur les biens du débiteur est aussi attesté dans les conventions égyptiennes durant l’époque perse. Le contrat de prêt accordé à Taesi témoigne de la durée de cet usage jusqu’aux débuts de la période hellénistique. En effet, une clause de la convention : ntj nb nkt nb ntj mtw=j n n ntj ἰw=j dj.t ḫpr.w (n) ἰw.t (n) md.t t.w ntj rj ssw ntj rj, « Tous les biens, tous les objets que je possède et ceux que j’acquerrai seront la garantie pour cet argent sus-énoncé, le jour sus-énoncé » (P. British Museum 10523 2-31050). Si, le gage général sur les biens du créancier est attesté pour la période perse, la période ptolémaïque voit l’hypothèque sur un bien 1048

A. F. BOTTA, 2009, p. 65-66. Aucune clause de garantie n’est incluse dans le contrat de prêt à Gemaryah, où seule la pénalité joue un rôle dissuasif. Parfois, en cas de défaut de paiement, un garant, s’il se voit tenu de payer la dette d’un défunt peut recouvrer son argent auprès des héritiers. Ils sont évoqués dans les contrats B3.10 18 ; B3.11 12 ; B3.12 27, B. PORTEN et J. C. GREENFIELD, 1969, p. 153-157. 1050 Les listes de la période perse peuvent, par exemple, inclure : « maison, serviteur, servante, fils, fille, argent, bronze, habillement, huile, blé, toute chose au monde entier m’appartenant, tout », P. British Museum 10113 (prêt d’argent) ; « blé, champs, serviteur, servante, fils, fille, bœuf, âne, argent, bronze, habillement, toute chose au monde (qui m’appartient) », P. Loeb 48 (prêt d’argent), B. MENU, 1973, p. 128. 1049

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immeuble s’y substituer pour les dettes d’argent1051 et le détail des biens mis en gage ne figure plus dans le formulaire. Dans l’acte de Taesi, la description de la maison que possède l’emprunteuse, spécifie qu’elle est construite et couverte, située à Thèbes dans le quartier de « la maison de la Vache », et indique ses limites, qui est mise en gage de même que tous ses autres biens et ceux à venir (3-4). Une clause particulière évoque les limites de la compétence d’un mandataire éventuel du créancier : pj=k rd p ntj ntj r md.t nb.t ntj ἰw=f r ḏd.w ἰrm.ἰ (n) rn (n) md.t nb.t ntj rj mtw=j ἰr.w r ḫrw.f (n) tr (n) ἰwtj mn r, « Ton représentant est celui qui est habilité (à agir) suivant toute parole qu’il me dira au nom de toutes les clauses ci-dessus, je les remplirai selon ses injonctions nécessairement et sans délai » (P. British Museum 10523 4). L’usage du contrat de mandat est généralisé dans les contrats démotiques, et le rd ou « mandataire » est habilité à procéder selon les clauses de la convention1052. Mais, cette éventualité n’est pas systématique. Outre les stipulations de l’emprunt et de ses intérêts, la formule de validité du document est assurée dans les deux sortes de formulaires : « Je ne pourrai pas te dire : je t’ai payé,…, tant que cet écrit est entre tes mains » des contrats araméens prend la forme suivante dans les prêts démotiques : « Je ne pourrai pas dire : Je t’ai fait le droit de l’écrit (j’ai rempli les clauses du contrat … tant que l’écrit ci-dessus est entre tes mains) ». Et, le principe qui veut que le contrat reste entre les mains du créancier tant que la dette n’est pas apurée constitue une garantie formelle. La formule de défaut de paiement « si je ne te paie pas » peut être attestée dans les clauses des contrats araméens (B3.13 5 ; B4.2 8), mais pas systématiquement (B3.1), et assurée dans les clauses des contrats démotiques : « Si je ne te le rends pas ». Et le gage est introduit par le verbe « avoir le droit de prendre » en araméen et « être la garantie », ou « être/avoir sur la tête » en démotique1053. Si ces expressions impliquent une

1051

Le Code d’Hermopolis, à partir de la colonne 2 1ignes 12-22, s’en préoccupe, qui évoque la possibilité que le débiteur ait vendu en fraude la maison. À ce moment, le créancier doit réclamer le remboursement de la somme prêtée, puis, s’il n’y réussit pas, demander au débiteur de dresser un « acte de cession » pour que la vente soit réalisée à son profit. Si le débiteur refuse de préparer cet écrit, il effectue une protestation publique, qu’il renouvelle trois années durant. La maison sera affranchie, à l’encontre du tiers acheteur, par la rédaction de trois actes de location pendant trois années consécutives. Le créancier va habiter la maison pendant ces trois ans pour la surveiller, et il reçoit un loyer du tiers acheteur. À la fin de ces trois ans, le tiers acheteur détient la pleine propriété de la maison, B. MENU, 1979, p. 21422, et 1972, p. 128, n. i. 1052 B. MENU, 1972, p. 128, n. j. 1053 Voir ch. III, p. 141.

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garantie, la première concerne sa concrétisation, alors que les secondes évoquent la responsabilité de la débitrice. Dans les deux sortes de conventions, la garantie personnelle de la débitrice s’appuie sur de pesants engagements qui peuvent lui faire perdre la totalité de ses biens mis en gage, et/ou imposer à ses enfants le remboursement, et ces listes énumérées tant dans les conventions araméennes que démotiques de la période perse paraissent accablantes. Elles ne sont qu’indicatives, puisque tout ce que possède la débitrice représente le gage du créancier1054. Si l’accent est mis sur les biens immeubles, premiers sur la liste, les biens meubles mis aussi en gage les suivent. À compter de Darius, les enfants des débiteurs des actes araméens peuvent être solidairement responsables de la dette1055, tout comme ceux des écrits démotiques1056, et entrer dans la liste des biens énumérés constituant le gage1057, mais pas systématiquement. Dans le même temps, ces dispositions protègent le créancier d’un défaut de paiement. La renonciation à plainte et/ou procès Les formulaires araméens peuvent intégrer une modalité de renonciation à plainte ou procès. Dans l’acte d’emprunt de Jehoen, répétée par deux fois, elle oblige l’emprunteuse : wl kl qbl lyk qdm sgn wdyn lm lqt mny rbn wspr znh bydk, « Et je ne pourrai pas déposer plainte contre toi devant le gouverneur ou le juge disant : Tu as pris une garantie de moi tandis que ce document est dans ta main » (B3.1 12-14), et la seconde, ses enfants : « Et ils ne pourront pas déposer plainte contre le gouverneur ou le juge tandis que ce document est dans ta main. De plus, s’ils intentent un procès, ils ne pourront se prévaloir tant que ce document est dans ta main » (B3.1 18-20). Le contrat est remis au créancier qui le conserve jusqu’au remboursement. Cette clause n’apparaît pas dans les formulaires démotiques.

1054

B. MENU, 1973, p. 129-132. Le contrat B4.2 ne les évoque pas. 1056 Le P. Marseille 297 les rend responsables de la dette de leur père. Le P. Loeb 48 (487) prévoit cette garantie, S. P. VLEEMING, 1991, n° 12 ; voir B. MENU, 1972. 1057 Ibid., note h : l’emprunteur peut engager sa personne et celle de ses enfants, à l’effet d’offrir son activité salariée ou un travail subsidiaire jusqu’au paiement de sa dette. Les enfants peuvent également fournir dans ce cas un certain nombre de journées de travail, B. MENU, 1998, p. 390. 1055

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Le scribe et les témoins, endos L’acte d’emprunt est établi à la demande de l’emprunteuse et porte un titre dont une partie a disparu : spr… ksp, « document de… argent » (B3.1 23). La liste des 4 témoins suit le nom du scribe et de Jehoen1058. Après le nom du scribe, le P. British Museum 10523 insère une liste de 16 témoins. Les garanties formelles se cumulent ainsi avec la présence de nombreux témoins apposant leur signature sur le contrat et le fait que l’acte soit remis au créancier. Les modalités des formulaires araméens et démotiques se conforment à un ordre identique. Après les clauses objectives précisant la date et l’identité des parties, ces documents inscrivent une partie opératoire qui précise les particularités du prêt, intérêts et modalités de remboursement, dont le contenu diffère selon qu’il s’agit des formulaires araméens ou démotiques. La/les modalités de défaut de paiement et de garantie sont toujours présentes, qui obligent l’emprunteuse/emprunteur et ses descendants. Le gage général sur tout le patrimoine du débiteur est systématique. Les clauses de renonciation à plainte et/ou procès sont attestées dans les contrats araméens. Elles sont fonction de l’école de scribes, de la période et du besoin des contractants. L’emprunt d’argent par les femmes souligne leur capacité à effectuer des opérations financières et à prendre des responsabilités, tant en raison de l’importance de la rémunération de ce service que des conséquences du non-remboursement1059. En gypte, cette opération peut s’effectuer dans un espace familial, y compris entre le mari et sa femme, créancière1060. L’emprunt est lié à la condition sociale des parties, et les débitrices qui se voient imputer des intérêts composés et donnent la totalité de leurs biens en gage peuvent alors subir les conséquences du surendettement et se voir confisquer l’intégralité ou une partie de leurs avoirs, comme ceux de leurs enfants. Ces emprunts de petites sommes 1058

Le contrat du scribe Gemaryah écrit par ses soins spécifie, après les 4 témoins, la formule suivante : ktb spr gmryh br yw l pm hdy zy l spr znh, « Document écrit par Gemaryah, fils d’Aio, sur les instructions des témoins qui sont sur ce document » (B4.2 16). 1059 Chez les Judéennes d’léphantine, la proportion des emprunts avec une femme comme partie s’élève à 50 %. 1060 Le P. Louvre 2443 (249, Thèbes) nous fait connaître l’exemple d’un homme empruntant à sa femme 3 pièces d’argent et promettant de lui rembourser sa dette avec des intérêts, le tout pour 5 pièces et 7 kites, dans les 3 ans. Si le remboursement n’est pas effectué, elle pourra prendre possession de sa demi-part d’une maison, S. ALLAM, 1990a, p. 5.

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répondent vraisemblablement à des besoins urgents et leur très courte durée s’inscrit probablement dans la conjoncture économique et sociale, et l’ajustement de l’offre et de la demande1061. LES LISTES Deux sortes de ces inventaires proviennent d’léphantine, dont un daté du 1er juin 400 transmet une liste de donateurs, tant hommes que femmes, et présente 8 colonnes (C3.15). Exceptionnelle, elle est affectée à trois divinités. La première donne une liste de 8 femmes, la 5e inclut uniquement l’identité de femmes, la 6e celle de 11 femmes et la 7e encore une. Sur 128 donateurs, 40-42 sont des femmes1062. Les donatrices, qui représentent leur maisonnée, versent toutes un même montant de 2 sicles1063. La répartition de ces sommes figure dans la colonne 7, dont le montant total s’élève à 31 karshs et 8 sicles, 12 karshs et 6 sicles sont rapportés à YHW, 7 à Eshembethel, 12 à Anatbethel. Le document précise que la somme est entre les mains de Yedanyah, fils de Gemaryah, chef de la communauté à ce moment particulier. La fonction de ces dons n’est pas transmise par le document et reste en point d’interrogation. S’agit-il de contribuer à des réparations de temples, ou bien à un autre objet1064 ? En 400, le temple des Judéens vient d’être reconstruit, aussi semble-t-il malaisé de considérer qu’il doive subir des réparations. Mais les circonstances politiques permettent l’hypothèse suivante : le nouveau pharaon égyptien souhaite peut-être ne 1061

B. MENU, 1992, p. 394. Cette liste transmet un total de 318 sicles, soit 31 karshs et 8 sicles. Or, les donateurs, au nombre de 128, ont versé chacun 2 sicles, ce qui représente un montant total de 256 sicles, soit une différence de 62 sicles. Comment expliquer cette différence ? S’agit-il d’une erreur de décompte ? Cette somme est-elle déjà dans le trésor, ou y a-t-il eu un donateur anonyme ? En outre, le montant total attribué à chacune des trois divinités correspond à 316 sicles et 2 sicles manquent, B. BECKING, 2005, p. 40 s. Peut-être s’agit-il d’une erreur de décompte, dont de nombreux exemples sont attestés dans les décomptes des documents égyptiens. 1063 Ibid., p. 44 s., l’auteur considère les personnes ayant versé ce montant comme la classe supérieure de cette communauté, et son objet serait le marza. Néanmoins, peut-on évoquer un tel concept ? En effet, les Judéens sont tous liés à des familles de mercenaires au service de Pharaon et payés également. Aussi peuvent-ils être dotés de moyens économiques plus ou moins équivalents. Seules les veuves, les orphelins ou les femmes seules peuvent être dans le besoin. 1064 B. PORTEN, 1968, p. 126-128, en raison de la date portée sur le document et du fait que le mois de pharmenoth coïncide avec le mois de sivan, considère qu’il doit être relié à la fête des Semaines, qui se tient sept semaines après Pâques. Aussi, ce décompte devrait être considéré comme la gestion de dons offerts à cette occasion. 1062

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plus recourir au service de mercenaires ayant été à la solde du pouvoir perse, qui ne percevraient dorénavant plus de rémunération, aussi est-il loisible de penser que cet argent est destiné à apporter de l’aide aux plus démunis en cette période de grave crise. Le rôle social de ces donations emprunte un cadre religieux et non administratif comme moyen intermédiaire. Parallèlement, des listes d’offrandes sont connues, qui proviennent des revenus des temples égyptiens. Elles constituent trois groupes, les offrandes journalières1065, les fêtes mensuelles et annuelles. Ces inventaires énumèrent les quantités de marchandises destinées à être distribuées et consommées comme nourriture1066. Elles sont considérables et ne peuvent être conservées, aussi nombre de personnes peuvent-elles en bénéficier1067. Une inscription de l’époque bubastite fait allusion à ce système de réemploi des offrandes, présentées devant le dieu d’où elles « sortent » afin d’être déposées sur les tables d’offrandes des défunts ou divinités secondaires, puis distribuées aux personnes travaillant pour le temple et consommées par ces derniers1068. Un registre fragmentaire d’léphantine propose une liste d’unités familiales. Des femmes y portent le titre « grande dame » (C3.9 colonne 1, 2, 4). Ainsi, la colonne 1 d, dévoile 4 « âmes », dont 1 homme, 2 « grandes dames » et 1 fille. Cette appellation évoque des femmes fortunées. D’autres listes de noms d’hommes et de femmes sont également assurées (X2 ; 4), qui précisent les liens familiaux, fille, fils et/ou frère1069. Par ailleurs, d’autres états sont également assurés, dont l’objet est économique (C3.13 ; C3.18) ou recense le nombre de personnes par foyer, hommes, femmes et enfants (C3.9 ; X4). Ainsi, à léphantine, le mémorandum fragmentaire daté de 417 contient 4 colonnes, dont la 3e 1065

L’ostracon présenté fait partie de la collection du Los Angeles County Museum of Art, qui mentionne un extrait d’un rituel appelé « rituel d’Amenhotep ». Il décrit une offrande rituelle sous forme de repas, K. M. COONEY et J. B. MCCLAIN, 2005, p. 11-77. Le texte gravé sur la statuette décrit les offrandes offertes chaque jour par le prêtre de Ptah qu’elle représente : « des demi-galettes et des pains chénès à longueur d’année », S. SAUNERON, 1977, p. 23-27. 1066 J. J. JANSSEN, 1979, p. 512-515. 1067 La chanteuse d’Amon, Henuttawy, qui a vécu les dernières années de la XXe dynastie, s’explique, dans ce courrier, sur les événements tragiques qu’elle a vécus dans le cadre de son activité bureaucratique de distribution de grains. Elle interprète les escroqueries dont elle a été victime comme une offense faite à la divinité privée d’offrandes, qui se venge et la prive de grains à son tour, D. SWEENEY, 1994, p. 208-212. 1068 S. SAUNERON, 1977, p. 27 ; J. J. JANSSEN, 1975, p. 170-171. 1069 H. LOZACHMEUR, 2006.

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rapporte une distribution de grains (C3.13), de grains et d’huile (C3.18) livrés à des femmes. Les trois femmes dont l’identité est encore lisible (C3.18 4-6) reçoivent une même quantité de grains, une ardabe et une même quantité d’huile, 5 chopines. Parfois, les mesures diffèrent, et vont de 1 peras à 4 (C3.13, colonne 3 35-41). Leur identité les rattache soit à leur mari, comme « épouse de », soit à leur père, comme « fille de ». Elles attestent l’attribution de rations aux femmes, qui proviennent du Grenier du roi, tout comme le rappelle l’acte de renonciation entre Mipayah et Isiweri : « La ration qui est à moi du Grenier du roi » (B5.5 7). À la question de savoir à quel titre les femmes d’léphantine reçoivent des rations du Grenier royal, la réponse se trouve peut-être dans leur lien familial à un mercenaire, en qualité d’épouse, fille ou veuve, qui leur ouvre ce droit. Néanmoins, la quantité attribuée ne permet pas de connaître le rythme de ces rations. Ces listes ont valeur de preuves pour l’administration royale. La redistribution de biens de consommation courante chez les gyptiens est également affirmée par des listes et des correspondances de diverses périodes. À ce jour, si leur absence est notoire pour la période perse, elles sont attestées pour la période ptolémaïque, tandis que d’autres plus anciennes proviennent de Deir el-Medineh. Parmi elles, des listes de salaires, d’alimentation et autres provisions d’artisans et d’ouvriers1070. Les serviteurs de l’tat et du temple reçoivent des rations qui augmentent ou diminuent selon l’activité exercée, de l’ouvrier agricole au haut fonctionnaire, du soldat à l’ouvrier de la nécropole et au clergé1071. tablis jour après jour, ces documents enregistrent les livraisons des divers produits fournis par l’administration qui en est chargée1072. En dépit d’erreurs dans le report des informations, qu’il s’agisse d’additions ou de quantités, et/ou du fait qu’ils sont incomplets, leur intérêt reste évident. Les listes servent de justificatifs et ne peuvent être contestées1073. L’ensemble de ces informations met au jour l’un des aspects du système économique de redistribution des biens provenant de l’agriculture 1070

Les archives thébaines de Philadelphie comportent des listes non publiées, et le document n° 30 transmet l’inventaire des frais pour la construction d’un tombeau : le nombre et le prix de différentes sortes de briques, le salaire et l’alimentation des artisans (constructeurs, graveurs, forgeron, menuisier), de même que les dépenses pour son installation et sa mise en usage, J. QUAEGEBEUR, 1979, p. 711 s. ; M. ELAMIR, 1959. 1071 J. J. JANSSEN, 1979, p. 508, 511. 1072 La redistribution s’opère par bateaux le long du Nil et des canaux, E. W. CASTLE, 1992, p. 239-276. 1073 J. J. JANSSEN, 2005, p. 147-157. Les rations sont enregistrées dans le Journal de la nécropole, qui précise le jour, le nom de l’ouvrier, les quantités transmises, J. J. JANSSEN, 1977, p. 460 s.

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tant dans le cadre des temples que dans celui de l’administration royale, qui coexiste avec un commerce d’échanges, lié à la production agricole et artisanale à une échelle réduite. Ce système d’échange, à petite échelle pour des besoins quotidiens, complète l’organisation de redistribution sur laquelle repose la structure économique de l’gypte, qui n’est en aucun cas une économie de marché1074, et dont les Judéens sont aussi les acteurs, et les listes, la trace matérielle. L’état collecte les surplus produits et les redistribue parmi ses employés, qu’ils soient fonctionnaires, soldats ou autres, sans différenciation sociale1075. Le Grenier collecte les grains et le Trésor du roi d’autres produits comme les métaux, le bétail. En outre, les temples font partie de l’organisation étatique, et leur rôle implique des conséquences économiques. Leur structure économique inclut des domaines, des bateaux de charge, des entrepôts, des ateliers. Les offrandes sont distribuées et consommées par la population et pas seulement par les membres appartenant à l’organisation des temples1076. Le temple et l’état sont inséparables, et les fournitures proviennent de ces diverses institutions1077. LES LETTRES Des missives qui leur sont adressées semblent révéler que les femmes d’léphantine ont accès à la lecture, peut-être même à l’écriture (A3.4 ; A3.7). Pour autant, leur état fragmentaire ne permet guère d’en connaître le fond, qui semble se rapporter à la vie quotidienne et à ses nécessités matérielles (A3.7), souvent dans un cadre familial, et l’une d’elles évoque le bien-être des enfants (A3.4). Les formules de salutations déclinent l’identité des destinataires1078. Ainsi, un message envoyé par un fils à sa mère, incomplet, met en lumière l’aspect formel de l’intérêt qu’il lui porte : « J’ai envoyé cette lettre [(afin de m’informer) de ton bien-être] » (A3.4 51079).

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J. H. JOHNSON, 1986, p. 82-84. J. J. JANSSEN, 1975, p. 167-168. 1076 J. J. JANSSEN, 1979, p. 506-513. 1077 J. J. JANSSEN, 1997, p. 458 s. 1078 A. AZZONI, 2013b, p. 129, remarque l’usage du terme « mère » (A.4 4) par deux fois dans la même lettre, à l’attention de deux femmes différentes, et propose l’hypothèse que ce terme soit employé de manière large, tout comme le terme « sœur ». Les lettres confirment l’emploi de termes honorifiques comme celui de « dame ». 1079 L’O. abbat (D7.16) évoquerait, dans un message peut-être écrit par un mari à son épouse, une livraison de légumes par bateau pour le lendemain et un échange d’orge. H. LOZACHMEUR, 2006, y lit un échange d’orge concernant deux hommes (n° 152). Le document reste obscur en raison de son état. 1075

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Envoyées et reçues par les femmes égyptiennes, les lettres abordent divers aspects de la vie quotidienne et semblent également témoigner de l’accès à la lecture. Ainsi, en l’absence de son mari, ou de son indisponibilité, l’épouse égyptienne reprend la responsabilité de l’activité de ce dernier et lui fait parvenir des messages afin de l’avertir des événements se produisant en son absence. D’autres messages décrivent des échanges et/ou des demandes entre femmes, concernant des travaux artisanaux (O. Deir el-Medineh 132). Parmi les missives reçues par des femmes, certaines proviennent de demandes effectuées par leurs enfants (O. Deir elMedineh 119) ou leurs maris (O. Deir el-Medineh 121). Il semble malaisé d’imaginer que ces femmes aient fait appel à un scribe pour lire et écrire ces messages personnels. Il paraît plus probable qu’ils ont été écrits de leur main et qu’elles savent lire. Ces missives et d’autres, écrites et/ou reçues par des femmes, semblent dépeindre un certain niveau d’instruction1080, qui n’est déjà pas négligeable chez les femmes de la haute société dès l’Ancien Empire1081. L’PREUVE Les femmes d’léphantine vont connaître l’emprisonnement à un moment bien particulier de l’histoire égyptienne, et seront victimes d’un complot parfaitement organisé. Amyrtée reconquiert l’gypte en 404. Il est reconnu comme pharaon après six ans d’agitation souterraine et se fait couronner l’année de la mort de Darius, fonde la XXVIIIe dynastie et, en moins de quatre ans, reconquiert l’gypte jusqu’à Assouan. La faiblesse des Perses, en raison de la querelle dynastique entre Artaxerxès et Cyrus II, l’explique. L’arrivée d’Amyrtée sur le trône de l’gypte prélude à la dernière période d’indépendance du pays. Elle va durer jusqu’en 3431082. Mais la Perse recouvre l’hégémonie pendant une décennie à peine pour laisser la place à l’empire d’Alexandre. Les difficultés et les drames de la communauté au service des Perses s’inscrivent alors dès 410, avec la destruction du temple judéen, et la crise va persister plusieurs années, au moins jusqu’en 402, date des derniers 1080

À Deir el-Medineh, 4 courriers écrits par une femme à un homme sont attestés (O. Deir el-Medineh 116, 560), 4 ou 5 par une femme à une autre (O. Deir elMedineh 117 ; 125 ; 132), et 16 ou peut-être plus par un homme à une femme (O. Deir el-Medineh 119 écrit à sa mère ; 121 ; 324 à sa fille ; O. IFAO 369 à sa femme et sa fille), J. J. JANSSEN, 1992, p. 89-91. L’instruction chez les femmes de Deir elMedineh est statistiquement insignifiante. Mais la réalité fait ressortir un haut niveau chez les femmes et les hommes instruits, J. BAINES et C. J. EYRE, 1983, p. 65-96. 1081 B. M. BRYAN, 1984, p. 17-32. 1082 N. GRIMAL, 1988, p. 403-455.

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documents connus. Cette situation dramatique oppose Judéens et prêtres du temple de Khnoum, lesquels, pour des raisons économiques, veulent accroître leur domaine, conquérir des terres, et également pour des causes politiques : ils souhaitent abattre les alliés des Perses. Les circonstances leur sont favorables. Les Judéens sont condamnés en raison de leur fidélité à la Perse, alors qu’un pharaon égyptien est sur le point de prendre le pouvoir en l’absence du satrape Arsamès, en Perse à ce moment1083. Une lettre datée de la dernière décennie du Ve siècle (A4.4) rapporte l’arrestation, puis l’incarcération d’hommes et de femmes. Ce courrier privé envoyé par Isla, fils de Nathan, à un fils de Gaddul fait le récit de l’emprisonnement de plusieurs hommes à léphantine et ajoute que six femmes ont été trouvées à la porte de Thèbes, puis arrêtées et appréhendées1084. Ce rapport spécifie que cinq des responsables de la communauté ont subi ce sort et précise leur identité : le chef, Yedanyah, fils de Gemaryah ; Hošea, fils de Yathom ; Hošea, fils de Nattum ; Ḥaggai, son frère ; Ahio, fils de Micayah. L’identité des femmes est également connue. Trois d’entre elles sont judéennes : Ramy, femme d’Hodo, Pallul, femme de Isla et Kavla, sœur de Tubla, une ou deux sont araméennes : Reia, femme/fille de… et peut-être Tubla, fille de Meshoullam, et l’une est égyptienne : Isiresvet, femme d’Hošea. Quatre de ces femmes portent le nom de leur mari, et non celui de leur père, et cette présentation souligne combien le statut de ces femmes en particulier l’emporte sur leur ascendance, par rapport aux usages habituels. Néanmoins, au moins l’une d’entre elles, peutêtre araméenne, a conservé le nom de son père. Après avoir décliné l’identité des personnes en réclusion, la lettre propose des explications à la tragédie qui vient de se produire. Il semblerait que les personnes citées soient impliquées dans l’incursion d’une propriété privée et se seraient rendues coupables de vol. Après avoir été obligés de quitter les lieux, les protagonistes ont été sommés de rendre les biens volés et de payer une amende exorbitante dont le montant s’élève à 1 200 sicles. Aucune autre conséquence n’est connue et nulle information n’est donnée quant à leur libération, mais elle semble certaine à en croire les exigences de leur peine. 1083

H. NUTKOWICZ, 2011b, p. 185-198. Des femmes égyptiennes connaissent également la prison lors de circonstances diverses, tout particulièrement lorqu’elles participent à l’agitation politique. De fait, elles sont mêlées à deux sortes de crimes : d’une part, les conspirations dénommées « conspirations du harem » ; d’autre part, le vol de tombes royales. La « conspiration du harem » date de Ramsès III, vers la fin du Nouvel Empire. Un tribunal spécial est mis en place afin d’enquêter et de punir les responsables. Selon ses conclusions, divers fonctionnaires sont les complices de la reine Tiye et des femmes du harem, afin d’organiser une rébellion contre le pharaon. Parmi les personnes arrêtées et exécutées se trouvent « les épouses des hommes de la porte du harem » ayant rejoint les conspirateurs, en tout 6 femmes, J. H. JOHNSON, 1996, p. 175-176.

1084

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Ces femmes peuvent avoir été prises en otages afin d’être éloignées en même temps que les responsables de la communauté d’léphantine au moment de la destruction du temple. Aucune réponse certaine ne peut néanmoins être livrée à la question de savoir si cet événement est lié au conflit avec les prêtres de Khnoum qui exploitent peut-être cet emprisonnement des chefs de la communauté afin d’en tirer profit1085. Les contrats de vente, prêt, échange, renonciation, reconnaissance de dettes araméens, hiératiques et démotiques se dotent d’une même structure, les mêmes spécificités sont présentées dans un ordre identique, qui mettent en lumière une partie objective mentionnant la date et introduisent l’identité des parties, débouchant sur la partie opératoire, et se clôturant sur un retour à des modalités objectives. Ils partagent la mention du nom du scribe, le lieu d’établissement du contrat et la liste des témoins. Le formalisme des actes, la présence des témoins prouvent l’importance des choses1086. La nécessité pour les scribes d’léphantine de suivre un modèle conforme aux règles légales égyptiennes l’explique, quand bien même certains détails diffèrent, qui sont liés à l’ajustement et à la traduction en araméen du modèle démotique. Entrées dorénavant de plain-pied dans la vie économique et financière quotidienne, toutes les opérations commerciales et financières sont possibles aux femmes égyptiennes et à celles d’léphantine, qu’elles peuvent accomplir seules, sans intermédiaire, mariées ou non, ou bien encore veuves. Elles peuvent ainsi échanger, vendre et acquérir des biens mobiliers et immobiliers, ester en justice, signes d’un statut juridique leur offrant de nombreuses possibilités, mais qui ne leur permet pas le rôle de témoin, ni celui de scribe notaire. À compter de la période ptolémaïque, les femmes égyptiennes peuvent aussi louer des terres, prêter et emprunter de l’argent et des choses consomptibles. De fait, la frontière des actes possibles, liée à l’amélioration de leur condition et d’une égalité de principe, s’est déjà vue repoussée à compter de la XXVIe dynastie1087. Les femmes des classes moyennes accèdent à de nouvelles possibilités d’opérations financières liées à leur quotidien1088. En effet, les femmes égyptiennes présentes aux transactions sont, pour leur plus grande part, issues du milieu sacerdotal, et les Judéennes d’léphantine proviennent également d’une classe moyenne au service des souverains. Les transactions évoquées plus haut leur sont rendues possibles par l’obtention de donations 1085

B. PORTEN, 2000a, p. 121. M. MAUSS, 1993, p. 231. 1087 B. MENU, 1989a, p. 9 s. 1088 B. MENU, 1989b, p. 205. 1086

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de diverses sortes, de leur héritage, de la vente et/ou l’échange de leurs biens mobiliers et immobiliers et de leurs autres revenus, leur donnant les moyens de participer à la vie économique et financière. Si elles peuvent également être garantes d’opérations menées par un membre de leur famille à compter de la période ptolémaïque, les femmes égyptiennes ne semblent guère réaliser d’actes d’administration de la vie courante, et leur pourcentage est plus élevé comme parties dans les actes de disposition comme dans les actes de vente de terrains et de maisons1089. Les conventions de prêt et d’emprunt attestées à léphantine pour la période perse, et assurées seulement au tout début de la période hellénistique pour les femmes égyptiennes, permettent d’en inférer qu’elles sont déjà très probablement réalisées par celles-ci au cours de cette même période. En outre, alors que les femmes égyptiennes représenteraient 10% env. des parties des conventions de location de champs, vente de terrains, maisons, offices, prébendes et tombes, animaux domestiques1090, fil à tisser et cessions de services parvenus jusqu’à nous, leur proportion atteindrait jusqu’à 30% au cours de la période ptolémaïque. Le décalage entre le pourcentage d’opérations auquel les femmes d’léphantine ont accès, infiniment plus élevé que celui des contrats auxquels les femmes égyptiennes auraient participé, pourrait remettre en cause ces proportions probablement plus élevées que ne le laissent paraître les seuls documents parvenus jusqu’à nous et leur signification. Les femmes sont en outre, peu nombreuses dans les opérations réalisées par les hommes. Celles d’léphantine, témoins et « pièces à l’appui1091 » d’un système social et juridique privilégié, ont bénéficié des avantages de la condition féminine égyptienne, qui a ainsi rendu possible l’évolution de leur position.

1089

B. MENU, 1989a, p. 17. Le P. Michigan 3235A, 501-500, Edfou, met en scène un homme et une femme acquérant une vache, E. CRUZ-URIBE, 1985, p. 17 s. 1091 C. LÉVI-STRAUSS, 1996, p. 330. 1090

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CONCLUSION

Maintes pages de la vie des Judéennes d’léphantine ont été écrites sur les pièces parvenues jusqu’à nous. En dépit de zones de pénombre et d’éclat qui se mêlent et s’entremêlent, un enchaînement de circonstances a ainsi permis d’offrir à certaines d’entre elles d’être de retour dans la clarté. Leur statut s’y dévoile, essentiellement dépeint dans et par les modalités des conventions matrimoniales. Les autres documents, lettres, listes et ostraca, achèvent de compléter leur image. Ils en ont préservé certains aspects sociaux et juridiques, permis de brosser une peinture plus distincte de celles dont les archives ont été mises au jour, et envisager le déploiement de cette approche à l’ensemble des femmes de cette communauté. Immergées dans la vie égyptienne dès le milieu du VIIe siècle, elles ont emprunté à cette culture environnante pratiques et usages. Afin de mieux percevoir leur évolution et leur adaptation à de nouvelles coutumes dont elles ont été les actrices, les particularités de leur statut d’origine sont à évoquer. Nombre de récits bibliques et de lois participent à son élaboration, qui les concernent parfois par ricochet. Ils reflètent les institutions sociales et la condition des femmes à l’intérieur de ce cadre. Leur objet est le plus souvent limité aux situations de crise et de nombreux aspects ne sont jamais évoqués, négligeant de larges vides. Complexe, leur statut apparaît clairement selon qu’elles sont esclaves ou libres, étrangères ou israélites, et dépend de leur âge, leur classe et leur statut marital1092. Le mariage est déterminant pour leur statut social, et leur devoir d’éducatrice primordial. Elles jouent le rôle-titre dans l’espace de leur maison où elles portent le titre de « maîtresse de maison » tout comme les femmes égyptiennes, tandis que l’univers extérieur est destiné à leur époux. Les textes se réfèrent aux femmes en tant que mère, fille, épouse et s’appliquent à les protéger dans la mesure où elles dépendent d’un mari ou d’un héritier mâle. L’image qui en émerge inscrit leur statut en relation à un homme, dans le cadre de la famille. Avec la mise en place des institutions politiques, militaires, religieuses et administratives de la période royale, celles qui, durant les périodes antérieures, ont été prophétesses, stratèges militaires, poétesses et juges telles Déborah et Yal (Jg 5), sont dorénavant repoussées hors de ces sphères. Et les lois s’appliquant aux épouses, veuves, parents et enfants ont pour objet de les protéger tant économiquement que socialement 1092

C. B. ANDERSON, 2004, p. 50.

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car ils sont considérés comme vulnérables, exigeant l’application de la solidarité tant dans l’environnement intérieur qu’extérieur, afin de ne pas mettre en danger certains de ses membres, et par conséquent la société en son entier. Mais, en aucun cas, elles ne se préoccupent du statut légal de la femme en tant que tel. Elles ont pour dessein de conserver la stabilité de la famille et, pour ce faire, enveloppent ses structures traditionnelles dans leur réseau. En dépit de la rareté des informations, les femmes israélites semblent bénéficier d’une certaine capacité juridique, au moins sur le plan économique, puisqu’elles peuvent devenir propriétaires de biens immobiliers et mobiliers par le biais de l’héritage de leurs parents et parfois de leur mari, les vendre et effectuer d’autres opérations, dont on ne sait cependant si elles peuvent les réaliser seules ou si elles doivent être protégées par un membre masculin de leur famille. Seules les femmes de classes aisées sont concernées. En outre, leur devoir filial est et reste entier. Et le droit matrimonial apporte ses restrictions, où, si certaines réalités financières sont parallèles à celles de l’gypte, le choix de leur promis semble rarement dépendre de leur libre arbitre et leur droit au divorce est réduit à une portion relativement congrue. Les femmes égyptiennes peuvent décider de leur union, dresser leur contrat de mariage, choisir leur régime matrimonial et sont libres de divorcer, quand bien même dans la pratique elles semblent l’éviter, car le mariage leur assure la sécurité. En effet, en dépit des droits légaux accordés aux femmes et équivalents à ceux des hommes de la même classe, l’aspiration essentielle des femmes égyptiennes les mène vers le mariage1093, apparaissant comme condition idéale, et le même schéma est à présumer des femmes d’léphantine et de la Bible. Elles y construisent leur vie et s’y épanouissent, s’occupant de leur maisonnée et de leurs enfants. L’image de la « maîtresse de la maison » y concourt, qui met en exergue le statut des femmes entre ses bornes, mais encourage le mari à conserver son rôle dans la société1094. Les femmes ne prennent pas part à la vie publique, et exercent peu d’activités. Il est, en effet, à distinguer entre leur statut légal et social. Aussi les deux genres se voient-ils assigner un espace où chacun est à sa place sans que des difficultés émergent de cet état de fait. L’Enseignement d’Ani le confirme : « Une femme est interrogée au sujet de son mari, un homme est interrogé sur son rang. » En revanche, les femmes attendent de leur époux et père de leurs enfants l’assurance de leur prise en charge tant

1093 1094

B. WATTERSON, 1998, p. 3-4. B. M. BRYAN, 1996, p. 36.

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pour le présent que le futur1095, tout comme les Judéennes d’léphantine et les femmes de l’Ancien Testament. Leur protection matérielle est révélée par les contrats qui se préoccupent tant de leur vie quotidienne, que des conséquences d’une séparation. En contrepartie, elles sont solidaires de leur époux. Dans le même temps, elles peuvent réaliser tout acte juridique, emprunter et prêter, acheter et vendre des biens mobiliers et immobiliers, recueillir un héritage et dresser un testament, bénéficier d’usufruits, de donations entre vifs ou mortis causa, libérer un esclave, ester en justice. Lorsqu’elles possèdent des biens, elles les conservent personnellement sans les apporter dans la corbeille de mariage, quel que soit le régime matrimonial choisi. Indépendantes tant juriquement qu’économiquement, par le jeu des successions et autres opérations économiques et financières, ces femmes peuvent contracter librement, sans autorisation maritale, en effet, aucune tutelle ne pèse sur elles. Ces droits s’appliquent à toutes les femmes sans différence sociale ou de genre. Leur statut légal est identique à celui de l’homme et leur capacité juridique pleine et entière. Aussi jouent-elles un rôle majeur et central dans cette société. Les documents transmis par les membres de la communauté judéenne d’léphantine dévoilent de nouveaux privilèges, qui n’ont pas manqué d’attraits, offrant aux femmes des libertés jusqu’alors inconnues. Les Judéennes bénéficient de l’ensemble de ces avantages. Celles-ci, dont on ne sait avec certitude si des contrats étaient établis à leur intention en Juda, ont absorbé les pratiques du monde égyptien, dont le mode de vie leur a servi de matrice. Son identité culturelle a exercé une attraction, qui s’est réfléchie sur celle des Judéens, et l’existence de leur petite communauté s’est déroulée selon leurs pratiques et leurs mœurs. Ainsi, une équivalence s’inscrit dans le couple. Les femmes bénéficient du droit au divorce, et la capacité de chacun des époux à se séparer sans cause objective énonce une réalité juridique et sociale d’une infinie modernité. Mais si, en parallèle, la liberté de choix de l’époux est accordée aux femmes égyptiennes, cette faculté n’apparaît pas clairement pour les Judéennes. Celles-ci peuvent également, en leur propre nom, recevoir des donations entre vifs et/ou testamentaires, des usufruits, emprunter, acheter, vendre et échanger, posséder des biens immobiliers et mobiliers, et en disposer, accumuler du capital, signe d’une autonomie financière et sociale et contrepartie de leurs responsabilités. Elles peuvent aussi ester en justice, afin de défendre leurs droits. La condition des esclaves se dévoile, qui peut se montrer équivalente à celle des femmes libres, hors de 1095

Durant les périodes perse et ptolémaïque, la culture égyptienne conserve sa vitalité propre, quand bien même le souverain ne parle pas cette langue, J. H. JOHNSON, 1996, p. 180.

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leur relation à leur maître, et leur permet de contracter une union et recevoir une dot à cette occasion, recueillir une donation immobilière par leur conjoint. Elle rend possibles leur divorce, leur manumission et leur adoption, et voit peser sur elles le devoir filial. Et, si des différences de moyens surgissent parfois des documents, ils attestent de disparités sociales et économiques mais non légales. Les écrits, dans leur sécheresse, inscrivent cependant leurs confins. Seuls certains droits et obligations s’y reflètent. Les mœurs conjugales ne manquent pas d’être exposées, dans une perspective essentiellement économique, juridique et sociale, et seuls certains rites sont dévoilés. Les comportements ne sont pas exposés non plus, si ce n’est ceux qui sont liés à certaines exigences morales. La vie domestique est bien peu documentée. En dépit de certaines limites, le degré élevé d’indépendance et de capacité juridique des femmes d’léphantine doit beaucoup aux coutumes et usages égyptiens, qui ont rendu possible une telle évolution. Après avoir découvert ces nouvelles règles de vie, elles les ont admises, préférées, puis y ont souscrit et ont alors acquis un nouveau mode de vie, de nouvelles capacités juridiques, une nouvelle autonomie sociale et financière. Elles ont inscrit ses spécificités sur les papyri et les ostraca retrouvés, conservant ainsi la mémoire et l’histoire de cette communauté. L’exploration de ces documents fait apparaître la modernité dont les femmes d’léphantine sont les représentantes, en résonance avec les femmes égyptiennes. Elles ont bénéficié d’avancées remarquables et connu une condition qui leur a offert une égalité identique à celle des femmes égyptiennes. Ces changements leur ont accordé une rare liberté, reflet du modèle égyptien. Coutumes et règles ont contribué à leur offrir une situation parmi les plus enviables du Proche-Orient ancien, où, dotées des mêmes libertés économiques et civiles, d’une capacité juridique identique, qui forment les contours de leur statut légal, elles sont également préservées. Nombre d’usages et de coutumes judéens se sont dissous dans la modernité de ces institutions et ce mode de vie. D’autres ont perduré en tant que réalités partagées par l’ensemble des cultures du Proche-Orient. Témoins d’une organisation sociale traversée par les concepts d’égalité juridique, d’espace dédié en équilibre à chacun des deux genres, d’autonomie et de protection, les spécificités du statut de la femme égyptienne, n’ont pas manqué de pénétrer la communauté judéenne d’léphantine et la vie de ses femmes, dont les archives illustrent l’intégration.

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B3.9 : 29, 182, 184, 185, 192, 193, 308, 321 B3.10 : 29, 164, 165, 217, 226, 228, 256, 257, 258, 259, 260, 261, 264, 265, 266, 270, 271, 291, 314, 328 B3.11 : 29, 31, 64, 164, 217, 218, 219, 223, 227, 228, 232, 234, 235, 237, 240, 245, 246, 265, 270, 291, 300, 328 B3.12 : 31, 193, 246, 250, 256, 287, 288, 289, 290, 291, 293, 294, 297, 298, 300, 303, 306, 328 B3.13 : 45, 300, 323, 329 B4.2 : 323, 324, 326, 327, 329, 330, 331 B4.4 : 29, 300 B4.5 : 310, 311 B4.6 : 144, 310, 311, 312, 313, 315 B5.1 : 305, 306, 307, 308, 309 B5.2 : 313, 314 B5.4 : 219, 235, 237 B5.5 : 31, 165, 314, 315, 318, 320, 334 B6.1 : 28, 53, 58, 75, 76, 84, 100 B6.2 : 28, 84, 85 B6.3 : 28, 68, 246, 253, 268 B6.4 : 28, 29, 44, 66, 68, 86, 301 B7.1 : 317 B7.2 : 256, 317 B7.3 : 317 C3.9 : 333 C3.13 : 333, 334 C3.15 : 332 C3.18 : 333, 334 D2.12 : 256 J8 : 120 X2 : 333 X4 : 333 O. CGC 175 : 120 Sources bibliques : Gn 2, 24 : 64 Gn 4, 1 : 199 Gn 11, 29 : 31 Gn 13, 14 : 224 Gn 13, 15 : 222, 228 Gn 15, 1 : 219 Gn 15, 2-5 : 194

386

Gn 15, 3 : 197 Gn 15, 7 : 222, 228 Gn 15, 18 : 222, 228 Gn 16, 2 : 194 Gn 16, 2-3 : 88 Gn 17, 8 : 222, 228 Gn 17, 15 : 194 Gn 18, 20 : 166 Gn 19, 14 : 158 Gn 20, 12 : 31 Gn 21, 3 : 158 Gn 21, 10 : 157, 195 Gn 22, 2 : 227 Gn 23, 10 : 138 Gn 23, 11 : 293 Gn 24, 8 : 32 Gn 24, 15 : 31 Gn 24, 40 : 219 Gn 24, 53 : 79 Gn 24, 54-55 : 24 Gn 24, 58 : 32 Gn 24, 61: 88 Gn 25, 28 : 227 Gn 26, 3-4 : 222, 228 Gn 26, 5 : 219 Gn 26, 35 : 31 Gn 27 : 108 Gn 27, 46 : 31 Gn 28, 14 : 224 Gn 29, 10 : 61 Gn 29, 12 : 31 Gn 29, 18 : 31 Gn 29, 22 : 71 Gn 29, 25. 29 : 88 Gn 29, 31 : 134, 135, 157 Gn 30, 1 : 194 Gn 30, 1-12 : 194 Gn 30, 3 : 195 Gn 30, 5 : 195 Gn 30, 6. 8 : 195 Gn 30, 7-8 : 195 Gn 30, 10 : 195

387

Gn 30, 11. 13 : 195 Gn 30, 42 : 188 Gn 31, 9 : 237 Gn 31, 14-15 : 273 Gn 31, 15 : 78 Gn 31, 16 : 237 Gn 33, 2. 6-7 : 195 Gn 34 : 78 Gn 34, 2 : 36 Gn 34, 8-9 : 55 Gn 34, 12 : 76, 77 Gn 34, 19 : 166 Gn 34, 27 :122 Gn 35, 23-26 : 195 Gn 37, 4 : 134 Gn 38 : 33 Gn 38, 2 : 31 Gn 38, 14 : 55 Gn 41, 45 : 31 Gn 45, 11 : 165, 174 Gn 46, 10 : 31 Gn 46, 27 : 199 Gn 48, 5 : 196, 197 Gn 48, 6 : 33, 196 Gn 48, 9-10 : 197 Gn 48, 12 : 197 Gn 48, 21 : 197 Gn 49, 29-33 : 274 Gn 50, 23 : 197 Ex 2, 10 : 196 Ex 2, 21 : 31 Ex 3, 21-22 : 188 Ex 3, 22 : 88 Ex 4, 20-26 : 125 Ex 4, 22 : 198 Ex 4, 22-23 : 200 Ex 6, 7 : 198 Ex 6, 23 : 31 Ex 11, 1 : 88 Ex 12, 15-20 : 16 Ex 18 : 157 Ex 18, 2 : 88, 125

388

Ex 18, 2-5 : 125 Ex 19 : 229 Ex 20, 5 : 134 Ex 20, 12 : 167, 170 Ex 21, 2 : 186 Ex 21, 2-3 : 186 Ex 21, 2-6 : 49 Ex 21, 3 : 158 Ex 21, 4-6 : 186 Ex 21, 5 : 187 Ex 21, 6 : 187 Ex 21, 7 : 47, 158 Ex 21, 7-11 : 48, 126, 189 Ex 21, 8. 10 : 50 Ex 21, 9 : 51 Ex 21, 10 : 65, 114 Ex 21, 10-11 : 51, 107, 189 Ex 21, 12 : 168 Ex 21, 12-17 : 168 Ex 21, 15 : 168, 169 Ex 21, 17 : 169 Ex 21, 20-21 : 187 Ex 21, 26 : 187 Ex 21, 27 : 187 Ex 22, 7 : 120 Ex 22, 15 : 24, 76 Ex 22, 15-16 : 76, 78 Ex 22, 16 : 77 Ex 22, 25 : 327 Ex 22, 25-26 : 323 Ex 22, 26 : 327 Ex 23, 33 : 229 Ex 26, 2 : 223 Ex 26, 16 : 223 Ex 30, 13-14 : 258 Ex 32, 21 : 127 Ex 33, 20 : 237 Ex 34, 11 : 34 Ex 34, 11-16 : 37 Ex 34, 12 : 229 Lv 4, 15 : 138 Lv 18, 9 : 195

389

Lv 18, 20 : 34 Lv 19, 3 : 170 Lv 19, 17 : 134 Lv 19, 20 : 48 Lv 19, 20-22 : 189 Lv 19, 32 : 173 Lv 20, 10 : 169 Lv 20, 14 : 106 Lv 21, 2-3 : 76 Lv 21, 4. 7 : 120 Lv 21, 7 : 157 Lv 21, 14 : 34, 158 Lv 22, 12 : 34 Lv 22, 13 : 157 Lv 23, 5-8 : 16 Lv 25 : 189 Lv 25, 36-37 : 323 Lv 25, 39-42 : 189 Lv 25, 39-43 : 327 Lv 25, 39-46 : 49 Lv 25, 41 : 189 Lv 25, 44 : 49 Lv 25, 47-55 : 189 Lv 26, 12 : 198 Lv 28 : 172 Nb 1, 18 : 199 Nb 5 : 122 Nb 12, 1 : 31 Nb 13, 6 : 38 Nb 14 : 172 Nb 14, 10 : 138 Nb 14, 24 : 219 Nb 14, 29 : 171 Nb 15, 36 : 138 Nb 18 : 228, 249 Nb 18, 1-7 : 244, 245 Nb 18, 8 : 228, 249 Nb 18, 8a : 232 Nb 18, 8b : 232 Nb 18, 8c : 232 Nb 18, 8-19 : 232, 244 Nb 18, 9 : 228-229, 248, 249

390

Nb 18, 10 : 229 Nb 18, 12 : 248 Nb 18, 13 : 248 Nb 18, 14 : 248 Nb 18, 15 : 248 Nb 18, 19a : 232 Nb 18, 19b : 232 Nb 18, 19c : 232 Nb 18, 21 : 245, 274 Nb 22, 18 : 237 Nb 24, 13 : 237 Nb 25, 12-13 : 219, 228 Nb 25, 13 : 219 Nb 26, 59 : 31 Nb 27 : 273 Nb 27, 1-11 : 88, 272 Nb 27, 4 : 33 Nb 27, 8-11 : 272 Nb 27, 9 : 274 Nb 30, 10 : 120, 157 Nb 31, 15-17 : 34 Nb 31, 18 : 35 Nb 32, 12 : 38 Nb 34, 19 : 38 Nb 35, 5 : 224 Nb 35, 24 : 138 Nb 36 : 273 Nb 36, 1-2 : 98 Nb 36, 1-12 : 88, 272 Nb 36, 2-7 : 34 Nb 36, 6-7 : 272 Nb 36, 8-9 : 272 Nb 36, 12 : 272 Dt 1, 36 : 219 Dt 1, 39 : 171 Dt 3, 27 : 224 Dt 4, 42 : 172 Dt 5, 16 : 166 Dt 7, 1-4 : 34, 37 Dt 8, 5 : 198 Dt 10, 17-18 : 158 Dt 12, 17 : 237

391

Dt 14, 1 : 198 Dt 14, 3 : 122 Dt 14, 22-16, 17 : 188 Dt 14, 28-29 : 158 Dt 15, 12 : 188 Dt 15, 12-14 : 327 Dt 15, 12-18 : 49, 186 Dt 15, 13-14 : 188 Dt 15, 15 : 188 Dt 15, 17 : 188 Dt 15, 17b : 49, 188 Dt 15, 18 : 188 Dt 16, 5 : 237 Dt 17, 1 : 122 Dt 17, 15 : 237 Dt 19, 4 : 172 Dt 19, 12 : 138 Dt 19, 18 : 139 Dt 19, 29 : 237 Dt 20, 7 : 24 Dt 21, 1-9 : 138 Dt 21, 2 : 139 Dt 21, 3. 8. 19 : 138 Dt 21, 10-11 : 35 Dt 21, 10-14 : 35, 55, 157 Dt 21, 15 : 135 Dt 21, 15-17 : 134, 157, 272 Dt 21, 18-21 : 169, 170 Dt 22, 1 : 135 Dt 22, 3 : 237 Dt 22, 5 : 122 Dt 22, 6-7 : 166 Dt 22, 13 : 78, 134 Dt 22, 13-18 : 120 Dt 22, 13-19 : 136 Dt 22, 13-19. 28 : 65 Dt 22, 13-21 : 77, 138 Dt 22, 13. 21. 28-29 : 120 Dt 22, 13-29 : 123 Dt 22, 15 : 138 Dt 22, 19 : 157 Dt 22, 20-21 : 120

392

Dt 22, 23 : 24 Dt 22, 24 : 36 Dt 22, 28 : 54 Dt 22, 28-29 : 76, 77, 121, 136 Dt 22, 29 : 36 Dt 23, 1 : 34 Dt 23, 4-5 : 34, 37 Dt 23, 8-9 : 35 Dt 23, 10 : 121 Dt 23, 15 : 121 Dt 23, 15-16 : 187 Dt 23, 19 : 122 Dt 23, 20-21 : 323 Dt 24 : 124, 126 Dt 24, 1 : 56, 121, 125, 157 Dt 24, 1. 3 : 152, 157 Dt 24, 1-3 : 26 Dt 24, 1-4 : 121, 124, 125, 135, 136 Dt 24, 1-5 : 65 Dt 24, 2 : 157 Dt 24, 3 : 135 Dt 24, 4 : 122, 237 Dt 24, 10-13 : 323 Dt 24, 17-22 : 158 Dt 25, 1-10 : 33 Dt 25, 2 : 168 Dt 25, 5 : 24, 55 Dt 25, 5-10 : 32, 138 Dt 25, 9 : 33 Dt 25, 16 : 122 Dt 25, 17-19 : 34 Dt 26, 5 : 33 Dt 27, 14-15 : 33 Dt 27, 20-23 : 34 Dt 28 : 172 Dt 28, 30 : 24 Dt 29, 12 : 198 Jos 1, 18 : 170 Jos 7, 23-25 : 138 Jos 14, 9 : 228 Jos 14, 13-14 : 219 Jos 14, 14 : 219

393

Jos 15, 17 : 31, 38 Jos 15, 18-19 : 88 Jos 17, 4-6 : 272 Jos 20, 3 : 172 Jos 20, 6 : 138 Jos 23, 11-13 : 31 Jg 1, 20 : 219 Jg 1, 13-15 : 88 Jg 11, 1-2 : 195 Jg 11, 35 : 237 Jg 13, 17 : 166 Jg 14, 10 : 71 Jg 14, 16 : 134 Jg 14, 19-20-15 : 126 Jg 15, 2 : 135 Jg 15, 2. 6 : 157 Jg 15, 16 : 158 Jg 17, 1-4 : 294 Jg 19 : 126, 157 Jg 19-20 : 31 Jg 19, 24 : 36 Jg 20, 1-2 : 138 Jg 21, 23 : 56 1 S : 18 1 S 1, 16 : 50 1 S 2, 30 : 166 1 S 5, 11 : 166 1 S 6, 6 : 166 1 S 18, 16 : 134, 187 1 S 18, 20. 28 : 134 1 S 18, 21-27 : 55 1 S 18, 25 : 24, 76, 77, 78 1 S 18, 27 : 78 1 S 20, 33 : 168 1 S 22, 2 : 327 1 S 24, 22 : 33 1 S 25, 27 : 50 1 S 25, 40 : 32, 55 1 S 25, 44 : 126, 157 1 S 28, 24 : 108 2 S 3, 3-16 : 126 2 S 3, 3 : 36

394

2 S 3, 14 : 24, 158 2 S 7, 8 : 199 2 S 7, 14 : 199 2 S 7, 14-15 : 228 2 S 11, 3 : 61 2 S 12, 25 : 227 2 S 13 : 78 2 S 13, 12 : 36 2 S 13, 13 : 36 2 S 13, 15 : 134 2 S 13, 16 : 78, 157 2 S 13, 25 : 166 2 S 14, 4 : 33 2 S 14, 15-16 : 50 2 S 16, 5-13 : 169 2 S 17, 23 : 274 2 S 17, 25 : 38 2 S 19, 36 : 171 2 S 21, 6 : 61 1 R 1, 3 : 61 1 R 1, 11: 61 1 R 2, 1-9 : 274 1 R 2, 4 : 229 1 R 2, 12 : 61 1 R 3, 1 : 42 1 R 3, 1-8 : 41 1 R 3, 7-9 : 171 1 R 3, 9. 12 : 102 1 R 5, 15 : 134, 187 1 R 7, 26 : 166 1 R 8, 25 : 229 1 R 9, 4 : 229 1 R 9, 16 : 41, 87 1 R 11, 1 : 36 1 R 12, 26-33 : 15 1 R 13, 16 : 237 1 R 14, 21 : 60 1 R 14, 21. 31 : 36 1 R 15, 2 : 61 1 R 16, 31 : 36-37 1 R 20, 27 : 166 1 R 20, 37 : 168

395

1 R 21 : 108 2 R 1-6 : 275 2 R 4, 7 : 186 2 R 8, 3-6 : 294 2 R 11 : 18 2 R 20, 1 : 273 Is 1, 23 : 158 Is 7, 14-17 : 171 Is 10, 1-2 : 158 Is 26, 13 : 56 Is 38, 1: 274 Is 49, 8 : 190 Is 50, 10 : 152 Is 54, 6 : 65, 157 Is 58, 13: 166 Is 60, 1 : 157 Is 60, 15 : 124, 135 Is 62, 4-5 : 56 Is 62, 12 : 157 Is 66, 9 : 199 Jr 3, 1-5 : 124 Jr 3, 8 : 26, 121, 152, 157 Jr 3, 9 : 172 Jr 3, 19 : 198 Jr 5, 23-24: 102 Jr 5, 28-29 : 101 Jr 6, 11 : 165 Jr 7, 1-20 : 15 Jr 9, 1 : 157 Jr 12, 6 : 172 Jr 12, 7 : 157 Jr 13, 27 : 15 Jr 20, 9 : 165 Jr 24, 6 : 134 Jr 30, 19 : 166 Jr 31, 8 : 198 Jr 31, 9 : 200 Jr 32, 15-16 : 288 Jr 33, 9 : 172 Jr 34, 8-16 : 189 Jr 34, 8-22 : 186 Jr 34, 9-14 ; 49

396

Jr 36, 5 : 237 Jr 44, 1 : 15 Jr 46, 16 : 15 Jr 49, 11: 158 Ez 6, 1-6 : 15 Ez 7, 24 : 15 Ez 16, 10-12 : 88 Ez 16, 45 : 32 Ez 18, 13 : 122 Ez 22, 10 : 36 Ez 22, 10-11 : 122 Ez 22, 11 : 36 Ez 23, 32 : 166 Ez 27, 25 : 166 Ez 29, 10 : 15 Ez 30, 6 : 15 Ez 44, 22 : 157 Ez 54, 6 : 125 Os 1-3 : 108 Os 1, 9 : 59, 131 Os 2, 3-4 : 130 Os 2, 4 : 59, 121, 124, 130, 131, 152 Os 2, 7 : 107 Os 2, 15 : 130 Os 2, 16 : 60 Os 2, 16-25 : 60 Os 2, 17b : 60 Os 2, 18 : 60 Os 2, 21 : 64 Os 2, 25 : 60 Os 3, 5 : 172 Os 4, 15 : 15 Os 5, 3 : 122 Os 8, 3 : 172 Os 8, 9 : 134 Os 9, 15 : 134 Os 14, 3 : 158 Am 5, 5 : 15 Am 5, 10 : 138 Am 6, 10 : 174 Am 8, 14 : 15 Mi 1, 14 : 87

397

Mi 2, 9 : 157 Na 3, 15 : 166 Za 7, 9-10 : 102 Ml 2, 10-16 : 135 Ml 2, 14 : 65, 125 Ml 2, 16 : 125, 157 Ml 3, 5 : 158 Ps 2, 7 : 199 Ps 3, 8 : 168 Ps 55, 23 : 165 Ps 89, 20 : 200 Ps 89, 20-30 : 199 Ps 89, 27 : 199 Ps 89, 28 : 200 Ps 94, 6-7 : 158 Ps 110, 3 : 199 Ps 112, 5 : 166 Pr 1, 8 : 166 Pr 1, 8-9 : 173 Pr 1-9 : 32 Pr 2, 16 : 32 Pr 2, 17 : 65 Pr 4, 5-9 : 107 Pr 4, 21 : 102 Pr 5, 15-20 : 108 Pr 5, 20 : 32 Pr 6, 21 : 173 Pr 6, 24 : 32 Pr 7, 5 : 32 Pr 7, 34-35 : 32 Pr 8, 5 : 102 Pr 10, 1 : 173 Pr 12, 4 : 108 Pr 15, 5 : 166 Pr 15, 25 : 158 Pr 16, 23 : 102 Pr 17, 16 : 102 Pr 19, 8 : 102 Pr 19, 26 : 173 Pr 20, 10. 23 : 122 Pr 21, 9. 19 : 108 Pr 23, 20 : 170

398

Pr 27, 15 : 108 Pr 28, 7 : 170 Pr 28, 24 : 173 Pr 30, 23 : 32 Pr 31 : 108 Pr 31, 10 : 32, 78 Pr 31, 10-31 : 18, 32, 107, 114 Pr 31, 16 : 288 Jb 3, 12 : 200 Jb 14, 21 : 166 Jb 24, 3 : 158 Jb 38, 28 : 199 Jb 42, 15 : 273 Ct 1, 3 : 86 Ct 1, 7 : 134 Ct 3, 1-5 : 134 Ct 3, 4 : 72 Rt 1, 4 : 56, 158 Rt 1, 8 : 72 Rt 3, 9 : 50 Rt 3, 9. 12 : 102 Rt 4, 1 : 275 Rt 4, 1-12 : 138 Rt 4, 2-3 : 275 Rt 4, 3. 9 : 294 Rt 4, 5. 10 : 33 Rt 4, 13: 55 Rt 4, 14-15 : 174 Rt 4, 16-17 : 196 Rt 4, 17-22 : 196 Rt 4, 22 : 196 Eccl 1, 16-17 : 102 Eccl 2, 15 : 102 Eccl 9, 8 : 107 Dn 2, 13 : 155 Dn 3, 26 : 155 Esd 2, 61 : 198 Esd 7, 12-24 : 37 Esd 9, 1 : 38 Esd 9, 1-2 : 37 Esd 9, 2 : 56 Esd 9, 2. 12 : 56

399

Esd 10, 2. 10. 14. 17. 18 : 56 Esd 10, 11 : 37 Esd 10, 13 : 157 Esd 10, 17 : 38 Esd 10, 19 : 157 Esd 10, 44 : 56 Ne 1, 1 : 16 Ne 2, 1 : 37 Ne 2, 12-15 : 37 Ne 3 : 37 Ne 5, 14 : 37 Ne 6, 6-15 : 37 Ne 6, 14-18 : 37 Ne 7, 2 : 16 Ne 7, 5-68 : 37 Ne 7, 63 : 198 Ne 13, 6 : 37 Ne 13, 23. 27 : 56 Ne 13, 24 : 37 Ne 13, 25 : 37 Ne 13, 26-27 : 37 1 Ch 2, 3 : 38 1 Ch 2, 17 : 38 1 Ch 2, 34-41 : 51 1 Ch 2, 35-41 : 197 1 Ch 4, 15 : 38 1 Ch 4, 18 : 38 1 Ch 4, 21-22 : 38 1 Ch 17, 13 : 199 1 Ch 23, 22 : 56 1 Ch 28, 6 : 199 1 Ch 29, 11-12 : 228 2 Ch 8, 11 : 41 2 Ch 11, 21 : 56 2 Ch 22, 2-3 : 108 Jd 8, 7 : 273 Jd 16, 24 : 273 Tb 4, 3-4 : 174 Tb 7, 12-24 : 26 Tb 7, 14 : 26 Tb 12 : 273 Tb 14, 13 : 273

400

Si 33, 24 : 274 O. Moussaïeff 2 : 274 Sources égyptiennes : P. Adler 14 : 90, 132, 276 P. Adler 21 : 90, 132, 276 P. Ashmolean Museum 1945.96/P. des Adoptions : 46, 51, 57, 62, 86, 129, 164, 178, 190, 204, 213 P. Berlin 1569 : 276 P. Berlin 3047 : 283 P. Berlin 3048 II 1-3 : 26, 27, 47, 56 P. Berlin 3048 II 4-7 : 27, 56 P. Berlin 3048 II 8-10 : 27, 56 P. Berlin 3048 II 11-21 : 27, 39, 47, 80, 127, 131, 132, 133, 148 P. Berlin 3075 : 109, 276 P. Berlin 3076 : 61, 152, 153, 154, 155 P. Berlin 3077 : 61, 152, 153 P. Berlin 3078 : 26, 27, 28, 39, 46, 61, 69, 80, 127, 132, 133, 136, 150 P. Berlin 3079 : 39, 61, 152, 153, 154, 155 P. Berlin 3109 : 109, 136, 276 P. Berlin 3110 : 281, 323 P. Berlin 3112 : 392 P. Berlin 3113 : 313 P. Berlin 3145 : 109, 276 P. Berlin 9010 : 246 P. Berlin 9784 : 100 P. Berlin 9785 : 140 P. Berlin 12406 : 71 P. Berlin 13538 : 41 P. Berlin 13546 : 259 P. Berlin 13571 : 102, 239, 297, 301, 319 P. Berlin 13593 : 89, 90, 91, 98, 136, 144, 145, 148, 149, 156, 158, 247, 249, 254 P. Berlin 13614 : 27, 46, 47, 56, 98, 275 P. Berlin 13615 : 14 P. Berlin 15831 : 297, 301 P. Berlin 15832 : 297, 301 P. Bibl. Nat. 198 : 128 P. Bibl. Nat. 216 : 280, 291 P. Bibl. Nat. 217 : 280, 281 P. Bibl. Nat. 219 : 104

401

P. Bibl. Nat. 219a : 96 P. Bibl. Nat. 223 : 95, 299 P. Bibl. Nat. 224 : 39, 105, 277 P. Bibl. Nat. 236 : 91, 109, 110, 132, 145, 276 P. British Museum 10073 : 279 P. British Museum 10074 : 152, 153, 154, 155 P. British Museum 10075 : 105 P. British Museum 10079 : 313 P. British Museum 10113 : 328 P. British Museum 10117 : 95, 239, 295, 297, 299 P. British Museum 10120A : 27, 39, 94, 95, 132, 279 P. British Museum 10120B : 279, 281, 291 P. British Museum 10229 : 94, 101, 146 P. British Museum 10394 : 86, 89, 90, 91, 101, 136, 145, 148, 149, 276 P. British Museum 10403 : 62 P. British Museum 10416 : 63, 149 P. British Museum 10437 : 313 P. British Museum 10446 : 313 P. British Museum 10450 : 281, 289, 290, 291, 298, 299 P. British Museum 10523 : 324, 325, 328, 329, 331 P. British Museum 10589 : 306, 307, 308, 309, 321 P. British Museum 10591 : 97, 104, 109, 110, 147, 277, 278 P. British Museum 10593 : 89, 90, 93, 94, 97, 146 P. British Museum 10594 : 97, 104, 110 P. British Museum 10606 : 147 P. British Museum 10607 : 94, 95, 101, 146 P. British Museum 10609 : 94, 95, 146, 147 P. British Museum 10721 : 292 P. British Museum 10722 : 292 P. British Museum 10728 : 221 P. British Museum 10792 : 96 P. British Museum 10827 : 221, 245 P. Bruxelles 4/6034 : 322 P. Bruxelles 8253 : 225, 290, 292, 295, 296, 297, 298, 299, 301, 302, 303 P. Bryce : 110, 146 P. Bulaq X/Caire 58092 : 282 P. Caire 30601 : 67, 109, 110, 136, 148 P. Caire 30607 : 148, 277 P. Caire 30608 : 97, 98, 147 P. Caire 30665 : 39, 152, 153, 155 P. Caire 30800 : 148

402

P. Caire 30907/30909 : 27, 28, 39, 46, 47, 56, 57, 61, 127, 131, 132, 133, 148 P. Caire 30970 : 276 P. Caire 31177 : 136, 275, 277 P. Caire 50058 : 96, 227, 314, 318 P. Caire 50059 : 96, 295 P. Caire 50129 : 94, 95, 101, 146, 147 P. Caire 50149 : 137 P. Caire 50160 : 297, 301 P. Caire 65739 : 57, 65, 318 P. Carnavon 1 : 319 P. Carnavon 2 : 319 P. Chicago Hawara 1/Oriental Institute 17481 : 27, 39, 69, 96, 97, 98, 101, 104, 110, 147, 277, 318 P. Chicago Hawara 2 : 97, 277 P. Chicago Hawara 3 : 277 P. Chicago Hawara 4 : 221, 224-225, 245, 248, 250, 259, 262 P. Chicago Hawara 5 : 226, 248, 250, 259, 261, 290, 291, 292, 295, 301, 302 P. Chicago Hawara 6 : 97, 277 P. Chicago Hawara 7 ; 250, 291 P. Chicago Hawara 9 : 250, 291 P. Chicago Hawara 13 : 318 P. Chicago Hawara 16 : 319 P. Deir el-Medineh 2 : 176 P. Deir el-Medineh 27 : 71, 127 P. Dublin 1659 : 231, 233, 235, 262, 263, 287, 291, 295, 297, 298, 299, 302 P. DP Hd 734c : 311, 312 P. Éléphantine 12/P. Berlin 13554 : 315 P. Harris 500 : 40 P. Hauswaldt 1 : 318 P. Hauswaldt 4 : 67, 89, 132, 136 P. Hauswaldt 5 : 292, 318 P. Hauswaldt 6 : 89, 101, 132, 146, 149, 276 P. Hauswaldt 13 : 220, 224, 225, 230, 231, 234, 235, 238, 240 P. Hauswaldt 14 : 89, 91 P. Hauswaldt 15 : 148, 276 P. Heidelberg 701 : 276 P. Heidelberg 754c : 152, 153, 154 P. Heidelberg 762 : 152, 153, 154 P. Heidelberg 770 : 152, 153, 154 P. Heidelberg 774 : 152, 153, 154 P. Heidelberg 779a : 152, 153, 154

403

P. IFAO 901 : 301 P. Insiger : 174 P. Kahun I : 158, 175, 233, 247, 249, 250, 252, 254, 257, 259, 262, 263 P. Kahun II : 100 P. Kahun VII : 179, 243 P. Karara I : 86, 104, 277 P. Karara II : 97, 104 P. Leyde 370 : 105 P. Leyde 371 : 57, 111, 128 P. Leyde 373a : 39, 94, 101, 104, 110, 133, 146, 147 P. Leyde 376 : 311, 312, 313 P. Leyde 381 : 104 P. Leyde F 1942/5 : 86, 95, 295 P. Libbey : 26, 27, 46, 47, 61, 67, 127, 131, 132, 133, 136, 137, 149, 150 P. Lille 26 : 239, 302 P. Lille 27 : 239, 297, 302 P. Lille 28 : 89, 132 P. Lille 68 : 301 P. Loeb 43 : 239, 319 P. Loeb 44 : 301 P. Loeb 48 : 281, 323, 325, 326, 328, 330 P. Loeb 49 : 323 P. Loeb 68 : 301 P. Loeb 612 : 96 P. Lonsdorfer I : 27, 56, 61, 67, 69, 72, 80, 84, 89, 90, 91, 93, 126, 127, 132, 133, 136, 145, 148, 149, 158, 275 P. Louvre 2347 : 104 P. Louvre 2424 : 105, 290, 292, 297 P. Louvre 2429 : 94, 147 P. Louvre 2429b : 104, 290, 296 P. Louvre E 2430 : 301 P. Louvre 2433 : 81, 103, 108, 109, 110, 132, 136, 148, 276, 278 P. Louvre 2434 : 105 P. Louvre 2437 : 105 P. Louvre 2438 : 278 P. Louvre 2439 : 278, 290, 292, 295, 296, 299 P. Louvre 2440 : 290, 292, 295, 297, 302 P. Louvre 2443 : 331 P. Louvre E 3168 : 86, 95, 230, 239, 296, 299 P. Louvre E 3228c : 86, 313, 315, 316, 317, 319 P. Louvre E 3228d : 86, 95, 239, 296 P. Louvre E 3228e : 86, 95

404

P. Louvre E 3231a : 220, 224, 231, 234, 235 P. Louvre 3440A : 292 P. Louvre 3440B : 292 P. Louvre E 7128 : 95, 234, 239, 297, 299 P. Louvre E 7832 : 203 P. Louvre 7846 : 26, 27, 28, 29, 39, 46, 47, 56, 65, 69, 80, 98, 106, 127, 131, 132, 133, 148, 150, 154 P. Louvre 7849 : 27, 39, 56, 80, 98, 131, 132, 133, 148, 149, 150, 154 P. Louvre 7850 : 314, 318 P. Louvre 7857 : 27, 39, 80, 132, 133, 148, 154 P. Louvre E 9204 : 289, 290, 291, 295, 297, 298, 299, 301, 303 P. Louvre E 9292 : 301 P. Louvre E 9293 : 323, 326 P. Louvre E 9294 : 95, 239, 281, 299, 301 P. Marseille 96 : 136, 276, 279 P. Marseille 297 : 142, 330 P. Mayer A3 II : 62 P. Michigan 347 : 104 P. Michigan 3525a : 295 P. Michigan 3525b : 301 P. Michigan 4526A I : 97, 104 P. Michigan 4526A II : 104 P. Moscou 135 : 287 P. d’Orbiney 3/Conte des deux frères : 202 P. Petrie I 15=P. Petrie III 2=P. Philadelphie I : 105, 225, 233, 248, 259, 262, 263, 298, 307 P. Philadelphie II : 105, 153, 225, 233, 248, 259, 262, 263, 298, 303, 319 P. Philadelphie III : 105, 225, 233, 248, 259, 262, 263, 298, 307 P. Philadelphie IV : 225, 248, 259, 262, P. Philadelphie V : 225, 248 P. Philadelphie VI : 225, 248 P. Philadelphie VII : 104, 225, 233, 248, 259, 262, 263, 298, 307 P. Philadelphie VIII : 225, 248, 259 P. Philadelphie IX : 225, 248 P. Philadelphie X : 154, 225, 248, 259, 279 P. Philadelphie XI : 152, 153, 154 P. Philadelphie XII : 225, 248 P. Philadelphie XIII : 105, 233, 262, 263, 298, 307 P. Philadelphie XIV : 109, 132, 136, 148, 263 P. Philadelphie XV : 225, 259 P. Philadelphie XVI : 105, 225, 233, 248, 259, 262, 298, 305, 307 P. Philadelphie XVII : 225, 248, 259, 262

405

P. Philadelphie XIX : 105, 233, 248, 262, 263, 298, 307 P. Philadelphie XXI : 225, 259 P. Philadelphie XXII : 225, 248, 259 P. Philadelphie XXIII : 105, 225, 233, 248, 259, 262, 263, 298, 307 P. Philadelphie XXIV : 225, 248 P. Philadelphie XXV : 109, 276 P. Philadelphie XXVI : 225, 248, 262, 305 P. Philadelphie XXIX : 108 P. Philadelphie 875B : 149 P. Prisse 10 : 63 P. Prisse 15 : 108 P. Rendell : 225, 226, 248, 250, 259, 261, 291 P. Rylands 1 : 105, 183, 239, 295, 296, 297 P. Rylands 2 : 105, 239, 278, 295 P. Rylands 3 : 191 P. Rylands 4 : 239 P. Rylands 8 : 297 P. Rylands 9 : 39, 62, 116, 220 P. Rylands 10 : 26, 67, 108, 109, 132, 136, 137, 148, 276 P. Rylands 11 : 225, 248, 259, 262 P. Rylands 12 : 225, 248 P. Rylands 14 : 225, 248, 259, 262 P. Rylands 15 : 225, 248, 259, 262 P. Rylands 16 : 90, 132, 276 P. Rylands 17 : 86, 225, 226, 231, 238, 248, 250, 259, 262, 291 P. Rylands 18 : 259 P. Rylands 19 : 259, 262 P. Rylands 20 : 132, 276 P. Rylands 22 : 132, 231, 276 P. Rylands 23 : 259, 262 P. Rylands 24 : 259, 262 P. Rylands 26 : 259, 262 P. Rylands 28 : 132, 276 P. Rylands 29 : 259, 262 P. Rylands 30 : 132 P. Rylands 32 : 259, 262 P. Rylands 36 : 288 P. Rylands 37 : 90, 132 P. Rylands 38 : 132 P. Rylands 44 : 305 P. Salt 124/British Museum 10055 : 113, 158 P. Setne : 104

406

P. Sorbonne 1276 : 288 P. Sorbonne 1277 : 288 P. Strasbourg 2 : 315 P. Strasbourg 4 : 323 P. Strasbourg 56 : 132, 136, 145, 148 P. Tebtunis 386 : 94 P. Turin 13 : 97 P. Turin 167 : 322 P. Turin 246 : 230, 287, 289, 293 P. Turin 248 : 183 P. Turin 1880 : 63 P. Turin 2021/Genève D. 409 : 26, 40, 57, 86, 140, 149, 150, 178, 204, 206 P. Turin 2070 : 71 P. Turin 2087 : 322 P. Turin 2118 : 86, 95, 239, 296 P. Turin 2120 : 86, 95, 296 P. Turin 2122 : 239, 296, 301 P. Turin 2123 : 95, 220, 224, 225, 230, 231, 233, 235, 238, 239, 240, 299 P. Turin 2125 : 282 P. Turin 2126 : 280, 281, 282, 291 P. Turin 2128 : 301 P. Turin 2129 : 109, 110, 145, 148, 276 P. Turin 6071 : 315 P. Turin 6076 : 91, 132, 145 P. Turin 6082 : 276 P. Turin 6094 : 152, 153, 154 P. Turin 6111 : 132, 145, 276 P. Vatican 2037B : 276 P. Vatican 10571 : 86, 296 P. Vatican 10574 : 95, 239, 296 P. Vienne D 10150 : 257, 259, 262, 265, 266 P. Vienne 10151 : 239, 259, 301 P. Vienne D 10152 : 257, 259, 262 P. Vienne D 10153 : 257 P. Vienne D 12002 : 95, 296 P. Vienne D 12003 : 316 P. Westcar 1: 112 P. Wilbour : 221 O. Berlin 1109 : 91 O. Berlin 6253 : 90 O. Berlin 9497 : 90 O. Berlin P 10627 : 202

407

O. Berlin B 10629 : 65, 176 O. Berlin P 12406 : 80, 116 O. Bodleian 253 : 111 O. British Museum 29560 : 177 O. Caire 25218 : 40 O. Caire 25227 : 318 O. Caire 25556 : 322 O. Caire 25598 : 177 O. Deir el-Medineh 116 : 336 O. Deir el-Medineh 117 : 336 O. Deir el-Medineh 119 : 336 O. Deir el-Medineh 121 : 336 O. Deir el-Medineh 125 : 336 O. Deir el-Medineh 132 : 336 O. Deir el-Medineh 324 : 336 O. Deir el-Medineh 560 : 336 O. Deir el-Medineh 1226 : 40 O. DO British Museum 26352 : 317, 319 O. Gardiner 19 : 127, 158 O. Gardiner 55 : 63, 149, 150 O. Gardiner 189 : 141 O. Hunterian D. 1925.66 : 177 O. Hunterian D 1925.71 : 180 O. Hunterian D 1999 : 180 O. IFAO 303 : 63 O. IFAO 369 : 336 O. Manâwir 188 : 325 O. Manâwir 788 : 142 O. Mattha 208/P. 6253 : 90 O. Mattha 209/P. 9479 : 90 O. Medinet Abu 136 : 91 O. Nash 1 : 113 O. Nash 6 : 72 O. Petrie 16 : 282 O. Petrie 61 : 158 O. Prague 1826 : 72, 112 O. Queen’s College Oxford N 1115 : 177 O. Strasbourg 110 : 91 O. Strasbourg 1845 : 65, 72, 80 O. Turin 57089 : 40 O. University College Londres 19614 : 177 O. Uppsala 603 : 91

408

O. Varille 30 : 111 O. VOK Demotic Ostracon 1 : 180 O. VOK Demotic Ostracon 2 : 180 O. Zouche H.2 : 176, 322 EA 5 : 41 EA 11 : 41 EA 18 : 41 EA 24 : 41 EA 27 : 41 EA 28 : 41 EA 29 : 41 EA 53 : 187 EA 114 : 187 LRL 15 : 175 Tombe TT 100 : 180 Tombe TT 290 : 84 Tombe TT 372 : 84 Tombe TT 373 : 84 Code d’Hermopolis : 18, 96, 180, 283, 306, 307, 314, 329 Testament de Naunakhte : 149, 177 Stèle d’Amarah : 178, 219, 231, 235 Stèle Caire JE 36327 : 208 Stèle Caire 27624 : 221 Stèle Caire 27815 : 247 Stèle Caire 52453 : 86 Stèle Euerot : 100 Stèle Florence 1659 : 101, 295, 297, 298 Stèle Louvre C 101 : 101, 295 Statuette Louvre E 11673 : 52, 62, 191 Statuette Caire 42.208 : 178 Coupe Louvre E 706 : 297 Vase du Caire 1 : 40 Tablette MMA 35.3.318 : 326 Enseignement d’Ani : 32, 62, 112, 113, 179, 181, 342 Instructions d’Onkhsheshonqy/P. British Museum 10508 : 40, 112, 127 Enseignement de ordjedef : 40 Enseignement de Ptahotep : 112, 126 Le chant du harpiste : 112 Les neuf palabres du paysan volé : 26, 126 Le prince prédestiné : 43 L’histoire de Sinouhé : 43

409

Talmud de Babylone : T. Ketouboth 47-48a : 107 Sources akkadiennes : Traité d’Assarhadon : 135 Tablette d’Alalakh : 136 Lois d’Eshnuna : 107 Code d’Hammourabi § 142 : 136 Code d’Hammourabi § 178 : 107 Auteurs classiques : Flavius Josephe, Antiquités judaïques : 152 Hérodote II, 27 : 40 Hérodote II, 35 : 174 Hérodote II, 81 : 83 Hérodote II, 168 : 15 Hérodote II, 177 : 15 Hérodote III, 16 : 42

410

TABLE DES MATIERES Abréviations

9

Introduction

13 PREMIERE PARTIE LIENS DE FAMILLE

CHAPITRE PREMIER : Des fiançailles à l’union LES FIANAILLES L’UNION Le contrat de mariage La date et le lieu Le choix des époux Les parties au contrat L’union avec un/une esclave La demande en mariage, forme et terminologie Le nouveau statut La durée L’interdiction de prendre une autre épouse ou un autre époux Le scribe et le lieu, témoins, endos

Chapitre II : Aspects économiques et financiers de l’union La donation matrimoniale La dot Les apports d’entretien La clause de satisfaction, « être satisfait selon son cœur » Les stipulations économiques et financières, le principe de garantie Les obligations conjugales La loi de la haine Chapitre III : Ruptures VEUVAGE

24 25 25 28 29 44 47 53 58 64 66 68

75 82 93 100 103 106 114 119

411

DIVORCE Les initiateurs et causes de rupture La clause de divorce dans les contrats de mariage La terminologie L’dh Le règlement des questions économiques et financières L’argent de la haine Les autres questions financières et économiques Le certificat de divorce Le départ : signe de la séparation définitive

119 119 128 134 138 141 141 142 151 155

Chapitre IV : Du devoir filial à l’affranchissement et l’adoption LE DEVOIR FILIAL L’AFFRANCHISSEMENT L’ADOPTION

163 182 192

DEUXIEME PARTIE LA VIE AU QUOTIDIEN ASPECTS ECONOMIQUES ET SOCIAUX CHAPITRE V : Aspects d’une indépendance financière DONATIONS ENTRE VIFS Les donateurs et donataires, motifs de la donation et origine des biens L’objet, sa description, mesure et limites des biens Le transfert et la transmission, retrait et inaliénabilité La transmission des contrats antérieurs La validité du contrat La renonciation à réclamation La renonciation à plainte et/ou procès et pénalités Le scribe et le lieu, témoins, endos USUFRUIT, DROIT D’USAGE Les donateurs et donataires, motifs de la donation et origine des biens L’objet, sa description, mesure et limites des biens Le transfert et la transmission, retrait et inaliénabilité Les clauses particulières La renonciation à réclamation La renonciation à plainte et/ou procès et pénalités Le scribe et le lieu, témoins, endos DONATIONS TESTAMENTAIRES Les donateurs et donataires, motifs de la donation et origine

412

217 218 222 226 233 234 234 236 240 244 244 248 249 252 253 254 254 256

des biens L’objet, sa description, mesure et limites des biens Le transfert et la transmission, retrait et inaliénabilité La transmission des contrats antérieurs La validité du contrat La renonciation à réclamation La renonciation à plainte et/ou procès et pénalités Le scribe et le lieu, témoins, endos TRANSMISSIONS SUCCESSORALES CHAPITRE VI : Aspects du quotidien VENTES Les vendeurs et acheteurs, origine du bien L’objet, sa description, mesure et limites des biens Le transfert et sa transmission, réception du prix et remise du bien vendu La clause de satisfaction Le transfert de document La renonciation à réclamation La renonciation à plainte et/ou procès et pénalités Le scribe et le lieu, témoins, endos ÉCHANGES Les contractants, origine du bien L’objet, sa description, mesure et limites des biens Le transfert et la transmission La renonciation à plainte et/ou procès et pénalités Le scribe et le lieu, témoins, endos RECONNAISSANCES DE DETTES Les parties Les dettes et le remboursement La sécurité, le gage La renonciation à plainte et/ou procès et pénalités Le scribe et le lieu, témoins, endos RETRAITS/RENONCIATIONS À BIENS Les parties Le procès et le serment, clause de satisfaction Le retrait La renonciation à plainte et/ou procès Le scribe et les témoins, endos PRÊTS/EMPRUNTS Les emprunteurs et les prêteurs La dette et le remboursement

413

256 258 259 263 263 264 264 266 268 287 288 290 293 297 298 299 299 303 305 305 306 307 308 309 310 310 311 312 312 313 313 314 315 318 320 321 323 324 324

Le gage, la sécurité La renonciation à plainte et/ou procès Le scribe et les témoins, endos LES LISTES LES LETTRES L’ÉPREUVE

327 330 331 332 335 336

CONCLUSION

341

Bibliographie

345

Index

385

Sommaire

411

414

REMERCIEMENTS

À l’origine de cet ouvrage l’enthousiasme de B. Menu considérant sa nécessité m’a convaincue et ma passion pour les dames d’léphantine m’a menée sur ce chemin. Qu’il me soit permis ici de la remercier.

Mes remerciements vont également à M. Mazoyer qui m’a ouvert grandes les portes de la collection Kubaba et dont l’amitié m’a encouragée ; à J. Pace, pour son infinie patience et ses précieuses suggestions ; et enfin aux dames du cabinet d’Egyptologie et de la Boseb, toujours disponibles au cours de mes longues recherches.

L’HARMATTAN ITALIA Via Degli Artisti 15; 10124 Torino L’HARMATTAN HONGRIE Könyvesbolt ; Kossuth L. u. 14-16 1053 Budapest L’HARMATTAN KINSHASA 185, avenue Nyangwe Commune de Lingwala Kinshasa, R.D. Congo (00243) 998697603 ou (00243) 999229662

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DESTINS DE FEMMES A ÉLÉPHANTINE AU Ve SIÈCLE AVANT NOTRE ÈRE

Au cours du VIIe siècle avant notre ère des mercenaires Judéens accompagnés de leur famille, s’établissent dans l’île d’Éléphantine, frontière méridionale de l’ancienne Égypte pharaonique, au service du pharaon. Ils nous ont transmis trois lots d’archives et des ostraca, gisement d’exception au travers duquel s’ébauchent des silhouettes de femmes. Des chroniques familiales se dessinent autour de ces personnalités, qui s’animent devant le lecteur émerveillé. Elles appartiennent tant à leur mémoire personnelle qu’à l’histoire générale du Proche-Orient et l’image d’une femme judéenne capable et indépendante rayonne, symbole de la modernité dès la moitié du premier millénaire avant notre ère. H. Nutkowicz, chercheur associée LESA, (UMR 8167 Orient et Méditerranée), spécialiste de la Bible, a publié de nombreux articles sur les thèmes de la mort, l’esclavage (participation au dictionnaire des esclavages), les rites et les symboles, les femmes d’Éléphantine, est l’auteur de : L’homme face à la mort au royaume de Juda, rites représentations et pratiques (Cerf, 2006).

Couverture : Une parcelle de réel, peinture de J.M. Lartigaud.

ISBN : 978-2-343-04913-7

39,50 €