Écriture et Pouvoir au XIXe siècle: Les enjeux de l'alphabétisation autochtone dans la Vallée du Saint-Laurent (French Edition) 9782806637376, 2806637376

Souvent présentées comme des sociétés sans écriture, les communautés autochtones du Canada ont pourtant, dès le XVIIIe s

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Écriture et Pouvoir au XIXe siècle: Les enjeux de l'alphabétisation autochtone dans la Vallée du Saint-Laurent (French Edition)
 9782806637376, 2806637376

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1975

Juliette Testard est docteure en archéologie et ingénieure de recherche CNRS au laboratoire « Archéologie des Amériques » (Paris, France). Elle étudie les représentations figurées des Hauts plateaux centraux mésoaméricains pour comprendre la façon dont les sociétés qui les habitaient construisaient leur univers idéologique et politique et en particulier, leurs altérités.

9HSMIKG*gdhiii+

Couverture : Récipient-effigie de Cacaxtla (Tlaxcala), Musée de site.. Dessin de Sylvie Eliès

ISBN : 978-2-8066-3788-8 www.eme-editions.be

46 €

Juliette Testard

Juliette Testard

LA FABRIQUE DU PRESTIGE EN MÉSOAMÉRIQUE

Les peintures murales de Cacaxtla (Tlaxcala, Mexique) sont découvertes fortuitement. Elles provoquent l’émotion dans la communauté mésoaméricaniste en raison de leur style inédit, à la croisée de traditions du Haut plateau central, de la zone maya et de la Côte du Golfe. Vibrantes évocations polychromes, elles résonnent aussi avec les panneaux sculptés de la Pyramide du Serpent à plumes de Xochicalco (Morelos) connus eux depuis la fin du XVIIIe siècle. Ces ensembles visuels hybrides constituent le point de départ d’une réflexion sur les interactions culturelles et la fabrique du prestige. Après la désagrégation de Teotihuacan, autour de 550 apr. J.-C., comment les cités-États du Haut plateau central ont transformé leur culture matérielle pour construire de nouveaux discours politiques qui leur permettent d’asseoir leur autorité ? Grâce à l’apport combiné de l’anthropologie, de l’anthropologie de l’art et de l’archéologie, il s’agit d’explorer la façon dont ces sociétés mésoaméricaines pensaient et fabriquaient leurs altérités et les traduisaient dans leurs univers visuels.

LA FABRIQUE DU PRESTIGE EN MÉSOAMÉRIQUE D U • C Ô T É • D E S • A M É R I N D I E N S S

Interactions et altérité dans le Mexique central à l’Épiclassique (600 à 900 apr. J.-C.)

Adressez les commandes à votre libraire ou directement à

Éditions L’Harmattan 5,7 rue de l’École Polytechnique F - 75005 Paris Tél : 00[33]1.40 46 79 20 Fax : 00[33]1.43 25 82 03 [email protected] http://www.editions-harmattan.fr

ISBN : 978-2-8066-3737-6

D/2021/9202/9

© EME Éditions 10 rue du Poirier B-1348 Louvain-la-Neuve Tous droits réservés. Reproduction interdite sauf autorisation expresse.

www.eme-editions.be

Ju liette Testard

La fabrique du prestige en Mésoamérique Interactions et altérité dans

le Mexique central à l'Épiclassique (600 à 900 apr. J.-C.)

*MUSÉE DU QUAI BRANLY JA_CQUES CHIRAC Cet ouvrage a été publié avec le soutien du musée du quai Branly-Jacques Chirac (Prix de thèse 2015). Illustration de la couverture : Sylvie Eliès. Sauf mention contraire, toutes les figures ont été réalisées par Sylvie Eliès

(CNRS & Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Archéologie des Amériques, Unité Mixte de Recherche 8096).

À ma fille Roxane, grâce à qui j’ai tant appris et à Philippe pour sa main dans la mienne. Avec tout mon amour.

Remerciements

Cet ouvrage est issu de la thèse de doctorat enarchéologie que j'ai soutenue fin 2014 à l'Université Parjs 1 Panthéon-Sorbonne. Le texte original de plus de 1200 pages a été raccourci, remanié et actualisé grâce à la bibliogmphie non consultée alors ou parue entre 2014 et 2022 (près de 250 références bibliographiques supplémentaires). La présente version a aussi intégré quelques approches ou réflexions non incluses dans la thèse qui ont semblé particulièrement pertinentes. Je suis très heureuse de voir aboutir ce p rojetqw se situe à la croisée de chemins disciplinaires, méthodologiques, théoriques et qui, en même temps qu'il traite de sociétés anciennes et lointaines, explore des. thématiques universelles et profondément actuelles, autour des interactions et de ,leurs s ignifications idéologiques, sociales et politiques. Ma thèse de doctorat n'aurait pu voir le jour sans le concours de nomb re uses personnes, collègues, collaborateurs. amis et famille au Mexique et en France remerciés dans les premières pages de mon manuscrit original. Je souhaiterais ici renouveler ma reconnaissance chaleureuse à quelques personnes sans qui ce travail n'aurait pu aboutit~ chacune ayant contribué, d'une façon ou d'une autre, grâce à son soutien ou son expertise, à son cheminement. Brigitte Faugere et ÉricTaladoire ainsi que mes collègues du laboratoire Archéologie des Amériques (CNRS & Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne); Danièle Dehouve; Capucine Boidin. Au Mexique, plusieurs collègues ont généreusement partagé leurs expériences et ont permis la consultation de collections archéologiques : Mari Carmen Serra Puche, Carlos Lazcano Arce, Monica Blanco; Rosalba Delgadillo Torres; Sergio Suarez Cruz ; Yadira Marti nez Calleja; Claudia L6pez; Antonio Santos Ramfrez; Sara Ladr6n de Guevara et Maura Ordofiez Valenzuela. Les nombreuses illustrations qui figurent dans cet ouvrage ont bénéficié du soutien de p lusieurs personnes qui méritent mes plus sincères remerciements. Sylvie Eliès, en tout premier lieu, qui -a réalisé la grande majorité des dessins des pièces, mille mercis à elle pour sa patience et son talent. À Nicolas Latsanopoulos pour ceux qu'il avait magnifiquement exécutés à la fin de ma thèse, un très grand merci. À ma mère Susana et mon oncle Jorge pour certai ns autres dessins, aussi réalisés à l'époque. À Mari Carmen Serra Puche pour l'autorisation d'utiliser les photos du matériel issu de ses fouilles à Xochitécatl ; à Claudia Alvarado Le6n pour certaines photos conservées dans les archives du Proyecto Xochicalco; à Daniel Salazar Lama pour ses s uperbes photos et montages des peintures murales de Cacaxtla; à Christophe

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Helrnke et Jesper Nielsen pour l'autorisatioh d'utiliser quelques-uns de leurs très beaux dessins; à Yajaira Mariana G6mez Garcia pour le crédit sur une photographie de sculpture de Cacaxtla, découverte il y a quelques années; à Geneviève Lucet pour la permission d'utiliser ses plans de Cacaxtla ; à JeanFrahçois Cuenot, pour ses fonds de carte. À Sylvie Peperst1;aete1 pour sa bienveillance et sa patience pendant J'attente de ce manuscrit. À mes parents, ma famille et mes ami.es.

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Abréviations

ENAH

~scuela Nacional de Antropologfa e Historia.

1NAH

lnstituto Nacional de Antropologia e Historia..

MAX

Museo de Antropologia de Xalapa.

MNA

Museo Nacional de Antropologia (México).

MNAE

Museo Nacional de Antropologia e Etnologia (Guatemala).

UAT

Universidad Aut6noma de Tlaxcala.

UNAM

llniversidad Nacional Aut6noma de México,

IIA

lnstituto de lnvestigaciones Antropol6gicas.

11E

lnstltuto de lnvestigaciones Estéticas.

IIF

lnstltuto de lnvestigaciones Filol6gicas.

IIH

lnstituto de lnvestigaciones Hist6ricas.

ZAT

Zona Arqueo16gica de Teotihuacan.

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Interagir : du présent au passé

Trajecto ires th éoriques et cultu relles À l'heure de la mondialisation, les phénomènes d'interaction, ainsi que leurs modalités ont occupé une place croissante dans les sciences humaines et sociales depuis les années 1990. En 2007, en débutant la thèse de doctorat à l'origine de cet ouvrage, une des premières expositions ùiaugurées au musée du Quai Branly Jacques Chirac s'intitulait >(Bonniol 2001: 16). La définition du syncrétisme est donc marquée par le caractère volontaire des deux parties impliquées dans ]e phénomène (Rivière 1991: 692), puis elle incorpore la notion de manipulation active, notamment dans des contextes de domination politico-religieuse {voir l'étude de la religion d'Eboga au Gabon par Mary 1999: 476). Ce processus anthropologique d'interaction produit un système qui est à la fois l'un et l'autre et n'est ni l'un ni l'autre de deux systèmes qui l'ont engendré. Selon Mary (1999 : 470, 484), malgré l'opposition diamétrale des systèmes en présence, le syncrétisme voit le jour car il « se

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nourrit incontestablement de la ressemblance globale entre les termes [...]en jouant sur l'abstraction incertaine des schèmes en présence pour aménager des glissements de sens sous contrôle, ou des réévaluations fonctionnelles sans rupture décisive >>. En Mésoamérique, le concept est utilisé dès les années 1930 par les anthropologues spécialisés dans l'étude des communautés indigènes, pour décrire la rencontre d'éléments religieux d'origines diverses, synchroniques et diachroniques ; préhispaniques, africains, issus du catholicisme espagnol spécifique à la période coloniale, protestants modernes ou même juifs (Nutini 2001: 177). Métis.,;oge

L'ouvrage considéré comme pionnier dans ce champ conceptuel est Lo9iques métisses de Amselle (1990). Le terme métissage est aujourd'hui très en vogue et utilisé à foison pour alimenter des discours très divers : nationalîstes ou altermondialistes, de gauche ou de droite, pour décrire ùne mode, un phénomène social, un déplacement de population et même une œ uvre d'art (Turgeon, Kerbiriou 2002 : 21 6, 7, 16; Boidin 2004: 23). Cependant, le concept n'a pas toujours bénéficié d'une telle aura, il a pendant longtemps renvoyé « au domaine de la biologie, du corps et de la sexualité honteuse entre espèces différentes» (Turgeon, Kerbiriou 2002 : 2 ; Boidin et al. 2007). En effet, l'étymologie espagnole du mot métis (mestizo) date du XVI• siècle et renvoie dans un premier temps, au« sang-mêlé>> et plus particulièrement aux enfants issus de l' union d'hommes espagnols et de femmes indigènes. Employé pour la première fois au Mexique (Nouvelle Espagne), il servira à identifier les premiers« mestizos >>: les enfants issus de l'union de Cortés avec la Malinche (Dona Marina] qui joua un rôle déterminant dans la conqu~te1 (Joyce 2004 : 33). Tant dans le cas du terme métis que mulâtre ( qui renvoie à l'enfant né d'un Africain et d'un Blanc), l'analogie avec le règne animal, ainsi qu'avec les objets constitués de différentes matières contribue à donner une connotation péjorative à ces individus qui incarnent la pire des transgressions humaines. C'est ensuite au XIX• siècle qu'apparaît pour la première fois le terme savant de métissage; d'abord ►: c'est en effet à cette période et face à la présence européenne, que les cinq nations iroquoises se regroupent en coalition, alors qu'elles formaient avant l'arrivée des Blancs, des entités culturelles et politiques distinctes, voire rivales. Le chaudron de cuivre est utilisé conjointement par ces différents groupes et concentre des processus rituels nouveaux, qui mettent l'accent s ur une revendication de la communauté amérindienne. L'utilisation du chaudron de cuivre par les premières nations canadiennes répond a ins i plus à un phénomène d'appropriation que d'acculturation. Selon Turgeon, l'acquisition de produits européens permet aux groupes« de consolider les cohésions internes, d'étendre les alliances, de se distinguer et de se renforcer par rapport aux autres groupes amérindiens». L'appropriation d'un objet exogène permet ainsi« d'affirmer l'identité en recourant [...] peut-être avant tout, aux objets de l'autre» (Turgeon 2003 : 84-85). Comme chez Gruzinski, le troisième point de la démarche de Turgeon est directement dépendant de l'utilisation du concept de> (Herskovits 1967: 217, 238). L'idée n'est cependant pas tout à fait nouvelle, elle est déjà sous-jacente dans la notion de« milieu favorable» de Leroi-Gourhan (1973 : 359, 363), En

effet, selon ce dernier,{>.

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Le type d'artefact lié à ce modèle correspond uniquement à des importa· tions. Il s'agit nécessairement d'objets de petite taille, pouvant être transpor· tés sur de longues distances à dos d'homme : les animaux de trait et la roue n'étant pas utilisés en Mésoamérique. Conquête et co/onisat(on

Pour se représenter les mouvements apparents des objets et des institutions, l'esprlt saisit d'abord l'image facile, celle de l'invasjon. Leroi-Gourhan (1971 : 117). Ce modèle sous-tend la domination d'une entité culturelle s uruneautre. En ce sens, il tend à définir, ici aussi, passivement le rôle des cultures conquises. Il a été suggéré que, dans le système aztèque, le tribut était imposé après la conquête (Chapman 1957; Acosta 1971). Une fois la région conquise, les réseaux commerciaux étaient interrompus et remplacés par le tribut (Berdan 1978 a : 195). Comme le souligne Webb (1974 cité dans Solar Valverde 2002 : 120) la distinction entre des mécanismes de conquête ou de commerce serait très difficile à opérer, si ceux-ci ont fait partie d'une séquence continue. En outre, la conquête et la colonisation sont deu_ic modèles incluant une multitude de modalités distinctes. À cet égard. l'étude de Sergheraert (2009) permet de mettre en lumière les différents types de conquêtes de la phase d'expansion mexica entre 1430 et 1520 apr. J.-C. Selon cette auteure (2009 : 103 et sq.), 60 % au moins des cités soumises dans les provinces extérieures ont été conquises militairement; mais d'autres types de soumission, tels que les redditions pacifiques scellées par des alliances matrimoniales par exemple, sont connus. Par ailleurs (2009: 134 et sq., 189, 191), l'organisation territoriale particulière de la Mésoamérique en altepetl permet une conquête rapide, car elle requiert uniquement la reddition du souverain [tlatoani) sans nécessiter la conquête physique d'un territoire. Cette donnée est particulièrement importante car elle permet de mettre en lumière que des territoires distants puissent avoir été soumis uniquement par l'interaction des élites. Du même coup, elle suppose une moindre implication des phénomènes de colonisation (garnisons, gouverneurs ou ca/pixqui5, etc.), cette stratégie n'étant pas absolument nécessaire pour obtenir un contrôle territorial. Quand il est invoqué de façon générale, et dans l'immense majorité des cas, ce modèle explicatif peut donc lui aussi être associé, comme Je modèle

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C. Ad;iptation technique

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A. Copie iconogrop~ique

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. Une« copie technique ou iconographique» correspond à la reproduction totale (à l'identique) des sous-attributs techniques ou iconographiques au sein d'un objet. La copie de la totalité des sous-attributs techniques et iconographiques est désignée comme« copie». Une~< adaptation technique ou iconographique » correspond à la repro, duction partielle (au moins un sous-attribut) d'un objet. Grâce à cette méthodologie, des processus distincts de production de s imilarités renvoyant à plusieurs a rchétypes sont obtenus (Tableau 2). Ces processus correspondent à des sphères d'intentionnalité et d'agentivité dis, tinctes : plus explicites, concrets et tangibles que ceux fournis traditionnellement, ils peuvent être confrontés au modèle de Sanders (1978).

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Enfin, les processus obtenus au premier niveau du phénomène anthropologique d’interaction peuvent être corrélés : contact direct (physique) ou indirect (pas de contact physique, intermédiaires). Seuls les processus comprenant des copies techniques (hors pièces céramiques moulées qui nécessitent uniquement la transmission d’un moule) traduisent de manière univoque la rencontre physique de leurs producteurs car la reproduction technique nécessite la mise en œuvre de schèmes cognitifs développés au cours d’un apprentissage. Parce qu’elles détaillent des modalités distinctes et précises, les propositions de Sanders (1978) permettent une corrélation avec les différents processus obtenus par la méthodologie personnelle. Néanmoins, parmi la grande quantité d’archétypes visualisés grâce à la modélisation, seul quelques-uns seront reconnaissables dans le corpus d’étude (cf. épilogue). En effet, deux facteurs limitants n’ont pas permis d’examiner chacune des propriétés des sous-attributs. Comme il a déjà été annoncé en prologue, cette étude n’a pas intégré d’analyse de provenance, ce qui évacue la possibilité de vérification de propriété (locale ou exogène) de l’attribut matériau. Par ailleurs, il ne s’agit pas d’une analyse technologique, ce qui n’a pas permis l’examen des propriétés de l’attribut technique et savoir-faire. Celles-ci seront néanmoins évaluées grâce aux données disponibles (publications et rapports de fouille). L’analyse des propriétés se concentrera donc principalement sur les attributs iconographiques des productions. En somme, cette méthodologie constitue un cadre de référence qui a structuré l’approche des artefacts archéologiques, a stimulé l’émergence d’une série de questionnements et d’une démarche analytique systématique.

L'interaction culturelle sur le temps long en Mésoamérique. Échanges entre Hauts plateaux centraux et Orient. Continuités et métaphores

Di ffus ion vs Interaction: penser l'échange en arch éologie mésoaméricaine Le concept de Mésoamérique a été choisi, il ya plus de 80 ans pour décrire la distribution large de traits culturels partagés au sein de plusieurs sociétés (Kirchhoff 1 943).

Un panorama diachro11ique 'lisant à mettre en valeur plusieurs mécanis mes récurrents dans l'histoire des interactions culture lles mésoaméricaines est maintenant dressé. L'histoire de cette aire culturelle est parco urue, depuis la pé riode préclass ique (2000 av. J.-C. à 200 apr. J.-C.) jusqu'au Postclassique (900 à 152 1 apr. j.-c.), afirl de présenter les dernières données archéologiques disponibles renseignant les processus économiques, politiques et religieux impliqués dans les interactions culture lles, e n particulier entre hauts plateaux centraux et orient (Côte du Golfe et zone maya). Les de rnières avancées de la reche rche et la confro ntation de l'arcbéo~ log ie, de l'épigraphie et l'iconographie ont cons idérablement modifié les hypothèses sur les relations entretenues entre sociétés contemporaines. Les dernières sections s'attacheront, quant à e lles, en lien avec la première s'intéressant aux faits historiques, à souligner les mécanis mes rhétoriques fondamentaux perceptibles grâce à l'anthropologie et l'ethnographie dans la conception de « l'autre » et de l'ailleurs. Les Olmèques : « culture mère .., ~ cultures sœurs » et focus émuloteur

Le terme « olmèque » est utilisé dans des sens assez différents. Du plus restrictif : pour désigner les cultures archéologiques du sud du Veracruz et du Tabasco entre 1500 et 400 av. J.-C, au plus large: pour désigner n'importe quel artefact mésoaméricain de style olmèque; enfin, pour désigner la civiJisation (l'interaction de plusieurs sociétés mésoaméricaines) quî s'épanouit entre 1500 et 400 av. J.•C. (Pool 2007 : 12-15).

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La pTésence d'artefacts de style olmèque dans une grande partie de la Mésoamérique a soulevé depuis près d'un siècle, une série de questions sur la nature de cette civilisation. Les premières études ont été marquées par l'empreinte diffusionniste du début du XX• siècle. En 1942, lors de la célèbre table ronde de la Socièdad Mexicana de Antropologia, la Zone Métropolitaine Olmèque (ZMO) a été définie. La ZMO correspond au territoire d'Olman (ou Ulman) (donnant Olmèque) qui signifie, en nahuatl, « terre du caoutchouc» et désigne les basses terres chaudes du Veracruz et du Tabasco (Pool 2007 . 5; Tate 2012). Les Olmèques de la Côte du Golfe ont d'abord été considérés comme les porteurs d'une « culture mère », plus évoluée que celle de ses sociétés contemporaines, diffusant ses institutions, ses pratiques sociales et ses symboles à ses voisins, puis par des intermédiaires, aux voisins de ses voisins (Caso 1965; Covarrubias 1942 ; 1957; Bernai 1969; Coe 1968 cités dans Michelet 1992). Autour des années 1970, une nouvelle théorie articulée autour du concept de 11 cultures sœurs » a émergé (Flannery 1976: Niederberger 1976; Sharer, Grove 1989; Demarest 1989 cités dans Pool 2007). Elle suggère une CO-interaction des sociétés mésoaméricaines du Préclassique, partageant des thèmes symboliques. Cette deuxième théorie a remis en cause la primauté de l'apparition de certains traits définis comme Olmèques, au sein de la ZMO. Enfin, plus récemment, une voie médiane a consisté à placer l'apparition d'une stratification sociale et d'une hiérarchie politique marquée dans la ZMO; à prôner une interaction puissante, à des degrés différents, avec les autres sociétés du Préclassique; celles-ci ayant toutes contribué au développement des civilisations mésoaméricaines postérieures [Michelet 1992 : 85, 87 ; Coe et aL 1996; Pool 2007 : 16-17). Des analyses récentes, pratiquées sur trois des types céramiques de presr tige les plus emblématiques, en ZMO et hors ZMO (site de Etlatongo, Oaxaca) ont indiqué que ceux-ci avaient été manufacturés près de San Lorenzo (Veracruz) (Neff et al. 2006 : SS et sq.) Le plus gros des matériaux emblématiques de la ZMO a été importé depuis des régions plus ou moins lointaines. Les basaltes et l'andésite, utilisés dans l'architecture de La Venta ou San Lorenzo (Veracruz) proviennent des montagnes de Los Tuxtlas à l'ouest ou du volcan de la Union au sud; les roches métamorphiques sont probablement importées depuis l'isthme de Tehuantepec à 200 km de là (Drucker 1981: 35; Tate 2012 : 136). Il semble donc que les matières premières non périssables aient circulé, de façon multilatérale (/aWce-like cf. Demarest 1989) entre les différents sites affiliés à la civilisation olmèque, à des degrés divers de symétrie (céramique depuis la ZMO vers Oaxaca; obsidienne, jadéite, serpentine depuis les hauts plateaux, Oaxaca, le Chiapas et le Guatemala). Ces réseaux ont évolué en fonction des périodes (du Préclassique ancien au moyen et tardif) (Pool 2007: 142, 14-9, 180-181). Du point de vue iconographique et symbolique, vecteur privilégié qui a conduit à l'appréhension de l'interaction de la culture olmèque avec ses sociétés contemporaines, Grove (1974 cité dans Drennan 1998: 31) a démontré qu'une grande quantité des symboles considérés comme olmèques (et notamment en céramique) sont en réalité absents des contextes de la ZMO (Pool 2007 : 133, 171, 217). En outre, l'iconographie olmèque n'est pas utilisée de la même manière dans les différents secteurs mésoaméricains.

Ainsi au Morelos, elle semble s'être concentrée surtout sur les figurations monumentales, alors qu'à Oaxaca, elle est présente sous forme de symboles, notamment en céramique. Bernard (2018) a récemment démontré que la notion de « style olmèque >> pour la culture portable lapidaire n'existe pas en tant que telle : il s'agit plutôt de styles technologiques qtù varîent selon les périodes et les types d'artefacts (figurines et masques notamment). Enfin, selon Earle (1990; 81 cité dans Solar Valverde 2002), le style olmèque ainsi que les modalités de sa répartition correspondent aux différentes étapes de proclamation et de justification d'appartenance à des sphères idéologiques distantes. Pour finir, les rec-herches de ces dernières années au sein de la ZMO ont mis au jour un réseau hiérarchisé de sites et ont également souligné une grande diversité de systèmes politiques et économiques (Pool 2007 : 64). L'image d'un empire olmèque ne correspond plus aux données disponibles: n n'y a vraisemblablement jamais eu d'entité politique unifiée ni dans la ZMO, ni en dehors. La complexité sociopo'litique semble émerger à partir de la compétition et la coopération entre différents groupes, à différentes échelles, locales, régionales et interrégionales (Pool 2007: 301). Les Olmèques du Golfe auraient en définitive servi de focus émulateur, Leur iconographie constituant un médium servant à établir des liens idéologiques avec les sphères distantes (Michelet 1992 : 87; Stark 2000: 42-43; Neff et al. 2006 : 72-73). Teotihuocon: cosmopolitisme, mu/tietlmicite

et legitimotions La période classique (200 à 600 apr. J.-c.) est maintenant envisagée afin d'explorer les mécanismes en jeu à Teotihuacan, fondamentaux pour la compréhension du sujet. lis sont en effet directement antérieurs à la période épiclassique et étroitement liés aux mécanismes qui occupent l'étude pour une série de raisons : (1) parce que les sites du corpus se trouvent aussi sur le haut plateau central et à une distance peu importante de ce site majeur; (2) parce que leur émergence est directement liée à la crise expérimentée par Teotihuacan à la fin du Classique ; (3) parce que la méthodologie mise en place pour l'analyse iconographique est liée aux relations entretenues entre Teotihuacan et les sphères orientales et méridionales. Au Classique, Teotihuacan est le site emblématique de la Mésoamérique. Entre 400 et 600 apr. J.-C., la cité expérimente une importante rénovation urbaine et notamment la construction de nombreux quartiers résidentiels tels que Tepantitla, Zacuala, Yayahuala et Atetelco. À cette période, la cité couvre 19 km 2 et96 000 habitants sont estimés pour les phases Xolalpan et Metepec (350 à 650 apr. J.-C.) (Santley, Alexander 1996 : 179; Rattray 2001 : 390; Smith etal. 2019: 415). Afin d'appréhender les rapports entretenus entre Teotihuacan et l'Est mésoaméricain, deux faisceaux d'indices sont pertinents à explorer : ceux qui attestent d'une mixité culturelle à l'intérieur de la cité et ceux qui témoignent de « l'influence » Teotihuacan dans l'Orient mésoaméricain. Ces deux faisceaux deviennent plus intenses à la phase Xolalpan ancienne (350 à 450 apr, J.-C.) (Rattray 1989: 111), mais des données récentes suggèrent qu'elles ont débuté à des périodes antérieures (probablement autour de 200 apr. J.-C.) (Spence et al. 2004 a: 13).

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La présence de traits exogènes à Teotih1.Jacan a été relevée au sein de deux contextes différents : d'une part, dans les quartiers et dans les constructions monumentales du centre civico-cérémoniel (Pyramide de la Lune, Citadelle entre autres) et de l'autre, au sein des quartiers résidentiels, interprétés comme des« enclaves», des« quartiers d'étrangers» ou des« quartiers multiethniques », plus ou moins homogènes culturellement. Seuls les quartiers correspondant aux« Mayas et gens du Golfe »6 seront décrits. Certaines des catégories d'appartenance culturelle montrent qu'elles auraient plutôt été construites par la société hôte, c'est-à-dire par Teotihuacan. Le terme « cosmopolitisme »7 est employé dès les années 1970 (Pasztory 1978: 21) afin de désigner la sodété Teotihuacan. Plus récemment, c'est le terme > (Pool 1992 cité dans Filini 2010: 122), mais cette présence a aussi été identifiée à proximité d'autres zones résidentielles et des secteurs publics et cérémoniels (Santley 1989 : 134-136). Les réseaux d'échanges (importation de céramique, de coton et exportation d'obsidienne de Pachuca) se sont pro53 " Se référer à Litvak King (1985: 187-188); Fash et Fash (2000); Filini (2010: il0122); Nichols [2015) et Carda des Lau1iers et Murakami (2021) pour de bonnes synthèses et des travaux récents sur la nati.ire des relations entre 'feotihuacan et le reste de la Mésoamérique.

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bablement tissés à partir de Matacapan vers d'autres centres recteurs de la région, comme Totocapan et Teotepec (voir aussi Manzanilla 2006 : 18, 32 ; Wilson 2016 : 298 et sq., 306-307). C'est en 1946 qu'une synthèse publiée par Kidder et al. expose la théorie externalist de la conquête et de l'implantation d'une élite de guerriers et de marchands Teotihuacan à Kaminaljuyû (Guatemala) (voir Sanders 1989 : 213). Cette hypothèse est fondée sur la présence du talud tablera dans l'ar· chitecture de la cité (Pasztory 1978 : 9; Mendoza 1992: 114); sur certaines caractéristiques du matériel des dépôts funéraires (Rattray 1978 : 34-38 ; White et al. 2000: 537-538); mais aussi sur l'iconographie (Parsons 1969 : 138). Près de 50 ans de recherches sur la zone maya ont apporté des données résolument en favem~ non pas d'une conquête, mais d'une relation inter-élites à dimensions et modalités variables. Stuart (2000), dans un travail pionnier, présente des considérations en phase avec les données archéologiques, anthropologiques et cosmogoniques, notamment perceptibles dans les textes épigraphiques. L'auteur considère que les relations entre Teôtihuacan et les cités des basses terres mayas du Classique ont été polymorphes et changeantes, au long de cette période. Les deux modèles externalist et internalist peuvent maintenant être combinés, dans des contextes chronologiques distincts. Le premier interviendrait jusqu'au déclin de la grnnde cité (autour de 550 apr. J.-C,), tandis que le deu· xième prendrait place à partir du Classique récent, période pendant laquelle l'empreinte Teotihuacan se diluerait dans les conventions figuratives mayas. Â cette période, Teotihuacan aur:ait été considéré comme un lieu d'origine mythique et une cité archétypique, comme l'indique le glyphe maya pull qui peut se traduire par Tollan (voir aussi Stone 1989: 167; L6pez Austin, Lôpez Lujan, 1999: 79; 2004; Velazquez Garda 2002: 232; Landrove Torres 2016 : 42-43). tes élites mayas utilisent aJors certaines conventions figuratives (notamment des ensembles symboliques tels que celui articulé autour de la guerre et du sacrifice cf. Garcia des Lauriers 2000; Garcia Capistran 2007) afin de communiquer la notion de fondateur primordial et d'étranger. En ce qui concerne la présence d'individus Teotihuacan, il semble bien que >16 (Stuart 2000: 477) sur les sites de Copan (autour de 426 apr. J.-C) (Temple 26 cf. Nuckols Wilde 2021), Tikal et Kamînaljuyu corresponde à l'arrivée de dignitaires qui se mariaient à des femmes locales. Le rôle des femmes et leur implication dans les relations entre sociétés mésoaméricaines sont perceptibles via lès analyses isotopiques de Teotihuacan et ont été par aîlleurs largement illustrés par Marcus (1992) à Oaxaca, dans les codex pictographiques mixtèques (Johnson 2005 : 137) et de façon plus générale, dans le monde maya (Patel 2012 ; Halperîn 2017). Il n'y a donc plus aucune raison pour défendre l'hypothèse de fondation de colonies ou d'avants postes Teotihuacan sur ces sites (Fash, Fash 2000 : 250; Garda Capistran 2007). En ce qui concerne la côte pacifique du Chiapas qui constitue depuis le Préclassique, un véritable corridor stratégique vers J'est et le sud; à partir de 250 api: J.-C., les contacts avec·Teotihuacan semblent s'être établis autour de 54

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ib Le glyphe maya correspondant à l'arrivée est le même que celui qui transmet la notion de nouvelle lune. Par ailleurs, il est aussi en association fréquente avec des noms de. femmes qui vont se marier à des souverains étrangers [MacLeod 1990 cité dans Stuart 2000 : 477).

l'échange de cacao contre de l'obsidienne de Pachuca dans des sites comme Balberta, Altun Ha, lzapa et la zone de Paryjuyu. li semble bien que les relations se soient ensuite intensifiées autour de 400 apr. J.·C. notamment sur des sites recteurs comme Montana et Los Horcones dans la région de Tonala (Garcia des Lauriers 2020 .: 410, 412-413). Los Horcones, situé dans une région stratégique, riche en ressources précieuses (plumes, peaux animales, cacao, accès vers le Motagua et les gisements de jadéite, ambre, coquillages marins et sel) reliant la Côte du Golfe, la zone maya et le haut plateau cèntral, semble constituer un véritable nœud d'interaction et un relai important vers Teotihuacan (IJateway community). Los Horcones illustre des relations très claires via son iconographie, notamment via celle des stèles 3 et 4, peut-être réalisées par des artistes Teotihuacan (Garda des Lauriers 2007; 2020 : 419422; Des Lauriers, Garcia des Lauriers 2021), mais aussi par des copies d'artefacts (via l'importation des moules de récipients céramiques par exemple). En somme, l'amplitude du système-monde Teotihuacan (2000 km d'est en ouest et du nord au sud) repose avant tout sur la mise en place d'une sphère idéologique, plus que s ur un réseau d'échanges matériels. li s'agit de la diffusion d'une symbolique guerrière (ou rhétorique globale du pouvoir) qui implique une intervention physique limitée (pas plus d'une dizaine de personnes pour chacun des contextes décrits) et pas nécessa irement de conflit avec les populations orientales (Demarest, Foais, 1993; Fash, Fash 2000 : 457 : Villegas 2004: 239; Filini 2010 : 156-157, 188-191 ; Taladoire 2009 : 193), Comme le montre Filini (2010), c'est précisément parce que des biens de prestige, associés préférentiellement à îeotihuacan, se retrouvent simultanément dans les sites intégrant ce système-monde, que la cité occupe a priori une posture plus centrale que ceux-ci. Les sites intégrant ce système ne sont pas dépendants économiquement de Teotihuacan, mais ont trouvé des intérêts à établir des relations idéologiques avec celle-ci ou à la revendiquer, même à une période où elle avait connu une crise majeure qui avait considérablement réduit sa sphère d'interaction (voir aussi Fash, Fash 2000: 455). ru/a et Chichen ltzo : conquête vs èmulotion

La relation entre Tula et Chichen Itza a constitué, dès la fin du XIX• siècle, notamment autour de la parution en 1887 des Anciennes villes du Nouveau Monde de Charnay, le centre d'un débat vif dans la communauté mésoaméricaniste (L6pez Austin, L6pez Lujan 1999: 21-22; Cobos 2006 : 173; Smith 2007; Kristan-Graham, Kowalski 2007 b : 17). La question de cette relation est sûrement l'une des plus complexes de l'histoire mésoaméricaine et seuls certains éléments illustrant des mécanismes cruciaux, déjà soulignés pour la période classique seront ici fournis 17. Pendant la période postclassique ancienne (900 à 1200 apr. J.-C,), Tula couvre une superficie de 16 km2 et constitue une capitale régionale dans la région d'Hidalgo, au nord du Bassin de Mexico. Tula Chico constitué l'établissement antérieur à cette phase. Son occupation se différencie de celle des autres 17 Pour de plus amples ii1fo1111ations. se référer.i l'ouvrage très complet, édité par Kristan· Graham et Kowalski (2007) et voir aussi les travaux de Jiménez Betts (2018 ; 2020), Ramîrez Urrea (2016); Solar Valverde et Nelson (2019) .5Ur le phénomène Aztatlan et les pulsations de ce système fai1wi que sa relation avec la sphère toltèque) dans l'Occident et le nord de la Mêsoamérique.

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sites épiclassiques de la région par son caractère urbain :· le site couvre entre 5 et 6 km 2, comprend une population dense et une orientation des édifices régie par une trame orthonormée. Au moins trois terrains de jeu de ba'lle y ont été identifiés, a insi que plusieurs types de pyramides et de grands complexes résidentiels, associés à l'élite et ressemblant à ceux bâtis postérieurement à Tula grande. Des céramiques exogènes y ont été attestées. Autour de 1150 apr. J.-C., la cité subit un incendie violent comme en attestent certaines structures comme le Palacio Quetnado (Mastache, Cobean 1989: 49, 61-64; L6pez Lujan, L6pez Austin 2009 : 395; Kristan Graham 2015 : 87). Dans la région de Chichen Jtza, au Classique terminal (800 à 900 apr. J.C.) des sites secondaires apparaissent tous les 20 km jusqu'à la côte (cf. Jsla Cerritos et Emal pour la production de sel) (Kepecs et al. 1994: 146-148). lis semblent constituer un réseau d'échange qui se concrétisera à la période postclassique ancienne : Chichen ltza devient alors un centre international de commerce assurant la distribution de biens (sel, coton, textile) entre la Côte du Golfe, le Yucatan et les Caraïbes (Kepecs et al. 1994 : 149 ; Guida Navarro 2008; 540, 543; Ardren et al. 2010). Entre les années 1930 et 1970, dans un cadre théorique diffusionniste, les raisons des convergences entre Tula et Chichen Itza ont été expliquées par la conquête toltèque de la cité maya (Cobos 2006 : 173-174). L'invasion de Chichen ltza par des populations étrangères (Toltèques ou Putunes-Chontales / ltza venant des basses terres mayas) a été datée entre 968 et 987 api: J.-C. 18• Cette hypothèse repose sur les sources ethnohistoriques (Chi/am Ba/am) et sur l'apparition d'un nouveau style iconographique et architectural comparable à celui des Hauts plateaux, et particulièrement à celui de Tula 19 • Le site de Chichen est ainsi div.isé en deux secteurs, le Vieux Chichen et le Nouveau Chichen, lesquels correspondraient respectivement à l'ancien style maya yucatèque préconquête (Puuc) et au nouveau style hybride maya-toltèque. Les dernières données ont largement fait évoluer ce paradigme. En effet, d'un point de vue chronologique, la supposée période de présence toltèque à Chichen ltza est trop courte, au vu, pat exemple des 131 rénovations relevées sur les peintures du Temple des Guerriers (à l'iconographie clairement hybride) (Parsons 1969 : 172). Les deux ensembles stylistiques et thématiques (yucatèque et maya-toltèque) sont représentés de façon homogène dans les deux secteurs du site et les fait partie intégrante de mécanismes de justification, face aux entités politiques rivales autochtones, mais également face aux autorités espagnoles. Tomoonchon

Le Tamoanchan (qui pourrait se traduire par« nous cherchons notre foye1ï l'on descend vers lui )►r31 est, selon les Mexicas, le lieu de la création, l'axe du cosmos, la confluence des arbres cosmiques. Là, dans des temps primordiaux, le couple s uprême Ometecuhtli et Omecihuatl a projeté le germe animique de l'enfant dans le ventre de la mère. Là aussi, les die ux ont porté pour la première fois, à la bouche de l'homme, le n1aïs (L6pez Austin 1985 : 322 et sq; 1994 : 9; Le6n Portilla 2004 : 26). Du Tamoanchan, proviendrait aussi Nanahuatzin, celui qui, en se jetant dans le fe u à Teotihuacan, a donné naissance au Cinquième soleil de la Créat ion (Pifia Chan 1989: 74). Selon tes sources, il existe au moins trois Tamoancha n terrestres : Cuauhnahuac32 (associé à Xochicalco); une zone située près des volcans lztaccihuatl et Popocatépetl (possiblement proche des sites de CacaxtlaXochitécatl et Cholula) et la Côte du Golfe. Tlo/ocon

Le Tlalocan est quant à lui, un lieu de mort. Les défunts sous la protection du dieu de la pluie ou décédés par une attaque de celtti-ci (domaine global de l'eau) y sont destinés. L'une de ses descriptions en fait une montagne creuse, pleine de fruits, générant une germination permanente. Selon L6pez Austin (1994 : 9, 47, 87, 93, 190), le Tamoanchan et le Tlalocan se superposent: les deux univers fus ionnent des qualités apparemment contradictoires (naissance / vie, ciel / inframonde, chaud / froid, feu/ eau). Du point de vue d'une géographie primordiale et cos mique, le Tlalocan et le Tamoanchan (au moins une de ses versions terrestres) sont généralement situés à l'Est (Seler 1888; Davies 1977; Jiménez Moreno 1941; L6pez Austin 1994 : 190; 1997; Testard 2013: 117)33. 31 Cette étymologie serait 111aya, vestige d'une colonisation ancienne depuis le Tubasco, le sud du Veracruz, le Campeche et une partie du Yucatan (Kirchhoff cité dans L6pez Austin 1994 : 53). " Jiménez Moreno (1942 ; 133) déait cette association d'après l'Histoyre du Mexdliqt1e. attribuée à Olmos. " Delhalle et Luyks (1986) a nalysent la o·anscription littérale de certains épisodes du mythe de création lié à l'apparition du Cinquiè111e Soleil dans la leye11da de los Soles, à El Tajin [panneau 5 du je u de balle sud) et sur un os gravé postclass1que provenant de la Huax.tëque.

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To//at,

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Enfin, Tollan est l'antichambre de la création humaine. èomme le Tomoanchan, c'est l'axis mundi de la sphère mythique, là où siège Quetzal coati. Dans la Tollan mythique, tous les Hommes vivaient ensemble et parlaient la même langue; en la quittant, les différents groupes ont acquis la distinction linguistique. Lieu d'origine mythique, Tollan a une valeur profondément politique et à ce titre, elle a été revendiquée de nombreuses fois, bien avant les Mexicas (voir Taube 2003: 313). Dans cette rhétorique de légitimation, le roi doit venir de ce lieu (L6pez Austin 1994 : 37,215; et L6pez Lu jan 1999: 81 ; 2009: 413; Kristao-Grabam, Kowalski 2007). Tollan est donc une des cités mythiques dont plusiew·s répliques ter· restres ont été invoquées dans les sources, et à leur suite, par une proportion importante de chercheurs. Ainsi, la plupart des grandes cités (ou ruines) connues par les populations postclassiques au moment du contact avec les Espagnols ont été (re)baptisées îollan ou îamoanchan terrestre (voil' Le6n Portilla 2004: 27). Plusieurs répliques terrestres de Tollan existent sur les Hauts plateaux : Teotihuacan, Cholula, Xochicalco (voir aussi Dugan lverson 2017); Tula : le « lieu des roseaux » : là où tout converge, le foyer de la légitimité (Kristan Graham 2015 : 91~93) et enfin Tenochtitlan (Webster, Sanders 2001 : 63). Selon Stuart (2000 : 466-467, 502-503), Teotihuacan incarneraît pour les Mayas du Classique, la première version terrestre de Tollan (voir aussi Fash 2002 : 722-726). Le glyphe glyphe maya puh, le« lieu des roseaux» a été identifié plusieurs fois sur les peintures de Tepantitla de Teotihuacan (dites du Tlalocan) (Uriarte 2004: 21, 34; voir aussi Helmke, Nielsen 2011 : 11 ; Helmke et al. 2013 : 93). Trois sites de cette étude ont donc été identifiés au Tamoanchan et à Tollan, ces lieux d'origine mythique et de revendication politique. Ainsi, Kirchhoff (cité dans L6pez Austin 1994 : 53) utilisant Sahagün, a proposé que la vallée de PuebJa:flaxcala (peut-être Cacaxtla-Xochitécatl), une partie de l'état du Morelos, la vallée de Mexjco, ainsi que certaines zones environnantes, recevaient le nom de Tamoanchan. Xochicalco constitue un Tamoanchan historique d'après Plancarte et Navarette (1934), Jiménez Moreno (1942 : 132) et Lorenzo (1986; 1989) (Pifia Chan 1989 ; L6pez Austin 1994 : 52-53 ; Hirth 2000 vol. 1 : 3; Le6n Portilla 2004: 27; Testard 2017). Cholula constitue également une cité archétypique, une Tollan terrestre (Toi/an Cholollan Tlalchihualtepetf) (Torquemada, Livre 111, Chapitre VII, 1975 : 351). La Gran Piramide (Tlalchilwaltepetl) bâtie sur une source naturelle, constitue un accès privilégié à l'inftarnonde. Elle est aussi une réplique du concept de l'altepetlainsi que du coatepetl (de même que Tenochtitlan voir Johanson 2004 : 44-45; Olivera de V. 1970: 214; Mc Cafferty 1996 a: 14; 2000: 342-344; 2008; Urufiuela et al. 2009: 161-163). Tula (Toi/an Xicocotitlan) et Chichen ltza se superposent également à Tollan, qui correspond aussi au Tamoanchan, au sein duquel le Serpent à plumes possède une importance fondamentale (Delhalle, Luykx 1986 : 117 ; Leon Portilla 2004 : 28; Lôpez Austin, L6pez Lujan 2004: 41). Cohodas (1989) propose quant à lui que toute région plus tropicale que le Bassin de Mexico pouvait être désignée comme Tamoanchan. Cette appellation aurait été un ves tige de la dichotomie existante à l'Épiclassique entre

les hautes terres mexicaines et les Basses terres mayas. Ces régions auraient été unifiées symboliquement par l'opposition interdépendante des deux ensembles physiographiques, symboles à leur tour des agriculteurs et des dynastes, du monde terrestre et de l'inframonde (voir plus bas la section sur le paradigme du « roi sacré»). La polarité culturelle aurait ainsi permis d'exprimer une polarité cosmographique. Tamaonchan et Tollan ont donc une très large portée symbolique et po~ litique, non seulement sur les Hauts plateaux centraux mais aussi en zone maya. Villegas (2004 : 255-257) met en effet en avant des analogies mythiques dans deux récits de fondation dans Je Codex Boturini et pez Austin et L6pez Lujân (1999: 75; 2001 : 285286) et Cowgill (2009 b : 89) entre autres, prônent, quant à eux un « modèle de compétition>>, dans lequel ce sont justement ces centres qui causent le déclin de Teotihuacan. Les deux modèles s'opposent, notamment sur des questions chronologiques, le premier ne pouvant se vérifier complètement si Teotihuacan continue à représenter un centre important au sein du Bassin de Mexico. Or, comme vu précédemment les études de ces dernières années ont précisément cont ribué à prouver que ce déclin a été graduel. Par ailleurs, il a généralement été admis que le réseau de distribution du Classique a décliné proportionnellement à celui du système Teotihuacan, mais en réalité, il semble que celui-ci se soitmaintenù (ou ait été récupéré) (Solar Valverde 2002: 243). Une voie médiane permet de combiner les deux modèles. Le délitement des institutions de Teotilwacan, qui demeure un centre important du Bassin de Mexico, semble donc laisser la place, graduellement, à une série d'entités autonomes, qui bénéficient des réseaux mis en place à la périodè classique, afin d'affermir leur position au sein d'un territoire qui passera sous leur « contrôle» (Solar Valverde 2002 : 132-133, 249; Mendoza 1992 : 314-315; Castillo Bernai 2013: 142-147). Les petites entités politiques de f'Ép iclassique

Les concepts présentés ici correspondent sensiblement aux mêmes mécanlsmes de contrôle politique sur le territoire. Les « cités-états» appartiennent à la catégorie des réseaux multicentraux tout comme les « entités paires )> (peer polities) et les entités politiques galactiques fgalactic politîes), Leur essence implique une relation inextricable avec les mécanismes d'échange et elles ont été utilisées pour caractériser nombre de sociétés mésoaméricajnes et en particulier celles de la période épiclassique. Les recherches ne s'accordent pas sur le contex1:e d'apparition des cités-états. S'agit-il du retour vers un type d'organisation atteint avec l'émergence d'un état, d'un nouveau type d'organisation, ùu bien encore d'une situation dans laquelle le niveau supérieur de l'administration a été destitué notamment par des élites intermédiaires (Mar•Cus 1989 : 201)? Leur apparition en Mésoamérique orientale a été placée au Classique moyen ; tandis qu'en Mésoamérique centrale et occidentale, elle semble apparaître plus tard, à l'Épiclassique. Le mécanisme de ces nouvelles formes de pouvoir a été corrélé à la disparition graduelle de l'aura de Teotihuacan (Marcus 1989: 206; mais voir Domenici 2018 pour l'application du modèle d'a/tepetl, proche de celui de cité-état, à Teotihuâcan). Bien que Je concept ait été défini à la fin du XIX• siècle (Castillo Bernai 2013: 130), c'est véritablement Hansen (2000) qui a popularisé son utilisation à un niveau universel. L'auteur a ainsi identifié p lus de trente >, l'unité territoriale et politique connue à l'arrivée des Espagnols (Hirth 2000: 272; Gutiérrez Mendoza 2012). Dans les sociétés mayas, le diphrasisme kab'c'h'en « terre-grotte » renvoie au même concept (Velasquez Garcia 2009: 266). Les cités-états et les altepeme sont en général de taille réduite (comprise entre 600 et900 km2 ). Deux théories (topdown / bottom up) ont été proposées pour expliquer l'émergence et le maintien de ces structures territoriales ; (1) par le souverain (Smith 2003 b; Sergheraert2009; Arnauld 2013); (2) par la somme des entités la constituant (via l'élection du souverain par exemple). Dans ce demie,~ il s'agit d'une corporation organisée en un certain nombre de quartiers / districts, chacun comprenant son propre souverain (Hirth 2000). Dans les deux cas, la population est soumise à une cité-état, non pas en fonction de l'endroit où elle vit, mais en fonction du souverajn auquel elle est rattachée. Le territoire d'un altepetl contient donc à la fois des populations rurales et urbaines et est de fait, assez discontinu. Du point de vue social et symbolique, il n'existe pas de différenciation majeure entre la cité capitale des cités-états (ou l'altepetl) et le territoire de celui-ci. Les trois composants de ces entités territoriales mésoaméricaines sont donc Je souverain, la population qui lui est soumise et le territoire géographique qui y sont liés (Griffeth, Thomas, 1981 cités dans Hirth 2000 : 271-273; 2012 : 82; Smith 2003 b : 35-36; Chase et al. 2009: 181; Gutiérrez Mendoza 2012). Le concept« d'interaction d'entités paires }> (peer polîty interaction) mis en place par Renfrew (1986) désigne également des modalités et des mécanismes propres aux systèmes multïcentraux. Les entités paires (peer po/ities) désignent des unités politiquement autonomes et reliées entre elles (Solar Valverde 2002 : 268). D'après Demarest (1992; 2007; 2006: 133-136) et Houston (1993 : 141148), les dernières recherches en épigraphie maya suggèrent qu\111 modèle sensiblement différent correspondrait mieux à la zone maya entre les VIe et VII" siècles. Pendant le Classique terminal, certaines entités politiques mayas oht établi des hégémonies ihterrégiohales étendues, tnais instables. Cet expansionnisme est baptisé processus d'alliances du Negara, en Asie du Sud-est (Tambiah 1976) est donc employé. li est caractérisé par:« (1) un pouvoir souverain dépendant directement des accomplissements personnels des dirigeants dans les activités rituelles et guerrières; (2) une structure territoriale souple, aux frontières floues; organisée autour d'un centre d'où rayonne l'autorité personnelle, politique et religieuse du souverain; (3) une faible implication de l'état dans la subsistance des populations locaJes et dans l'économie; (4) une redondance des structures et des fonctions entre le centre principal et les centres subordonnés; (5) l'organisation d'hégémonies dans lesquelles les capitales exercent un contrôle assez lâche s ur un réseau ou "galaxie", de sites subordonnés [ou satellites).» Ce modèle

galactique a fourni une bonne exphcatioo à l'instabilité des entités mayas et à la désintégration du Classique terminal, en mettant l'accent sur Je caractère politique et idéologique du pouvoir, déconnecté des fondements écono~ miques facilitant son expansion, mais les prédisposant au déclin. En somme, d'un paysage politique marqué par Teotihuaéan, des centres politiques indépendants émergent autour du Bassin de Mexico. L'unité basique d'organisation politique va donc devenir la cité-état (Hirth 2000 vol. 1: 3); celle-ci semble s'insérer dans une hiérarchie d'établissements inférée à partir des mécanismes sociopolitiques 111iewc. connus aux périodes postérieures. Ainsi, à la période postclassique, trois types d'intégration spatiopo, litique existent: la cité-état est la plus petite entité; la confédération régionale correspond à l'échelle supérieure ; elle intègre, via la conquête et/ou l'alliance, deux cités-états au moins, qui s'allient dans des stratégies de défense mutuelle; et enfin, encore au-dessus, se trouve« l'entité conquérante » (conquest polity). Les confédérations régionales émergent d'une période de compétition intense entre cités-états. Plus la pression externe exercée sur leur territoire est forte, plus la confédération est soudée; l'entente semble, en outre, être générée plutôt par un consensus entre différents membres que par uo pouvoir coercitif. Le fonctionnement de ces entités politiques adopte un schéma similaire. En effet, elles comprennent une architecture monumentale importante et une population éomparativement peu nombreuse. Cette situation démographique particulière semble refléter leur capacité au prélèvement de tribut (en force de travail par exemple) et à négocier avec le territoire qui les approvisionne (Hirth 1995 a : 247; 2000, vol. 1: 148, 246,268; voir aussi Mendoza 1992: 303 etsq.). Les données disponibles indiquent que Cacaxtla-Xochitécatl et Xochicalco pourraient constituer des confédérations régionales. Cantona en revanche présente une implantation infiniment plus dense et continue, que les deux autres cités. Néanmoins, son rôle dans une grande partie du Bassin de ('Oriental pourrait appuyer ce modèle. Parallèlement, d'après Hirth (2000: 207-208), l'Épiclassique semble voir émerger une relation étroite entre marchés régionaux et activité mercantile. Des équivalents des pochteca mexica semblent apparaître à cette période; le commerce atteint des zones politiquement indépendantes : ces marchands ,itinérants relèveraient donc plus d'une institution corporatiste que d'une structure directement liée aux élites locales. Une des caractéristiques fondamentales des changements à l'œuvre dans la sphère politiqùe est sort articulation à la sphère religieuse. L'hypothèse défendue par L6pez Austin et L6pez Lujan (1999 : 19 et sq. ; 2000) s'articule de façon cohérente avec la thèse des confédérations régionales soutenue par Hirth (2000). D'après les premiers auteurs, l'essence de cette nouvelle articulation réside dans l'émergence d'une nouvelle « classe » sociopolitique (locale ou exogène) qui conceptualise sa stratégie de domination et de contrôle (via de nouvelles relations régionales) par un paradigme dérivé de traditions religieuses millénaires. Une des caractéristiques fondamentales de ce nouveau groupe est le contrôle de populations de diverses ethnies et l'assignation à chacune des entités subordonnées d'une fonction économico-politique donnée. L.:innovation majeure consiste en une structuration du système centre-périphérie qui dépasse les limites linguistiques et ethniques. Enfin, une projection cosmique imprègne l'organisation sociopolitique, avec un centre

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constitué d'un pouvoir duel (cf. aquiach èt tlaquiach à Cacaxtla et Cholula) et une organisation périphérique tripartite (ciel /terre/ inframonde). L'autre caractéristique majeure consiste en l'implantation de régimes militaristes en charge de maintenir l'ordre politique et économique.

La réorganisatio n des contrôles sur les ressources: l'exemple de l'obsidienne

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Figure 2: Carte de focalisotiv11 des gisements d'nbsidienne circulanL au C/qssique et à l'É11idossiq11e (carie de Juliette Testa rd).

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Le monopole de Teotihuacan sur certains gisements d'obsidienne, a conduit à l'établir comme facteur décisif de son expansion géopolitique (Sanders et al. 1979; 1983 cités dans Hirth 1995 b : 252). À l'Épiclassique, les gjsements dont Teotihuacan détenait le monopole tombent en désuétude. En effet, celui de Sierra de las Navajas est probablement délaissé et Pachuca cesse d'être exploité de façon extensive. L'obsidienne grise de ZinapécuaroUcareo commence à se diffuser massivement et d'autres gisements, comme celui de Tulancingo et Otumba, déjà exploités au Classique par Teotihuacan passent probablement sous le contrôle d'autres entités politiques (Pastrana 1990; Sugiura 1996 : 24 7; Gaxiola 1999; Braswell 2003 cités dans Salomon Salazar 2008 : 25; Pastrana, Dominguez 2009; Filini 2010 : 35). Braswell (2003 : 132-144) identifie pour cette période onze s phères d'échanges régionales et interrégionales à l'échelle de la Mésoamérique et de l'Amérique centrale. Les gîtes d'extraction semblent se situer en périphérie des zones dans lesquelles les artefacts qui y circulent en sont issus. À quelques exceptions près, comme Cantona et Oyameles-Zaragoza ou Tula et Pachuca, il semble que l'extraction et la diffusion de l'obsidienne n'aient pas été gérées depuis un pouvoir centralisant (BraswelJ 2003: 155).

La question du gisement d'Oyameles·Zaragoza est de premier plah dans cette étude puisque les recherches de ces dernières années ont permis de dé-terminer que Canto na serait à la tête de son exploitation, notamment pendant la période épiclassique. Cette hypothèse a pu émerger dans les années 1990 grâce aux fouilles sur le site, après plusieurs propositions sur le rôle d'autres entités, comme El Tajin (Zeitlingl982), Teotihuacan (Santley 1983) etCholula (Mendoza 1992 : 281 et sq.) dans sa distribution. Ferriz (1985) permet de révéler l'importance du gisement en identifiant cette obsidienne en grande quantité sur la Côte du Golfe. Entre le Préclassique tardif et l'Épiclassique, Canto na aurait donc contrôlé l'exploitation de l'obsidienne de Oyameles-Zaragoza qui se trouve à 11 km en ligne droite du site. C'est ce contrôle économique qui aurait permis son émergence comme établissement d'ampleur dans la région et au-delà (Rojas Chavez 2001 : 517-520; Garda Cook, 2004: 102; Castillo Bernai 2013; Knight 2017: 158). Une chaussée mène de Cantona au gisement d'Oyameles·Zaragoza et deux secteurs d'extraction ont été localisés dans les secteurs les plus proches de la cité (L6pez de Molina 1984; Knight2017: 158). Dans les ateliers, proches de zones civico-cérémonielles, des lames prismatiques et des microlames étaient fabriquées pour la consommation locale, tandis que les nucléus prismatiques et les bifaces étaient destinés à l'exportation, jusqu'au Golfe (Rojas Chavez 2001 : 524; Knight 2017 : 163). Au sud-est immédiat de )'Acropole, une aire comportant plus de 350 ateliers a été localisée. 11 pourrait s'agir d'ateliers à fonctionnement centralisé (Garda Cook, Merino Carri6n 1996: 26; Martinez Calleja 2004: 137; Garcfa Cool< 2004: 103; Garcia Cook et al. 2005: 11; Garda Cook, Mart:inez Calleja 2012: 105-106). Un site proche des gisements a pu servir de résidence semi-permanente pour. une poignée d'artisans et leurs familles (Knight 2017 : 163). L'obsidienne d'OyameJes-Zaragoza et Pizarro auraient transité dès le début du Classique ancien depuis Cantona, vers le Bassin de Mexico, la Vallée de Tehuacan, vers l'est, dans la zone montagneuse de Los 'fuxtlas et notamment à Matacapan. Elle a été identifiée à Villa Morelos, Tula, El Tajin, Quiahuiztzillin, Cempoala, Cerro de las Mesas, Tres Zapotes, San Lorenzo Tenochtitlan, La Venta, Laguna Zope, Saltillo (Elam et al. 1991; Stark et al. 1992 ; Healan 1998 cité dans Salomon Salazar 2008: 25; Rojas Châvez 2001 : 518-525; Knight 2017 : 157). Deux intermédiaires ont été proposés ponr l'exportation dans la zone maya : Tres Zapotes et Comalcalco (Rojas Chavez 2001 : 526-529 ; Braswell 2003 : 140 citant Lewestein, Glascock 1997). Elle est attestée à Ceibal et Tikal (Knîght 2017 : 157) et jusqù'à la côte Pacifique du Guatemala au Soconusco (Braswell 2003 : 141 citant Clark et al. 1989). Entre 1000 et 1050 apr. J.-C., Cantona semble perdre la main mise sur le gisement et les obsidiennes provenant du Pico de Orizaba, de Cerro de las Navajas, d'El Chayal et de jilotepec commencent à se diffuser massivement (Gazzola 2004 a : 28). L ·obsidienne à Cocoxtla-Xochitecat/-Notivitas

Parmi les artefacts récupérés lors des fouilles de sauvetage réalisées sur le

Gran Basamento de Cacaxtla entre 1985 et 1987, plus de 85 % sont de couleur noire (Espinoza Garda, Ortega Ortiz, 1988 : 318). Cette observation macros◄ copique pourrait éventuellement suggérer qu'il s'agit d'obsidienne provenant d'Oyameles-Zaragoza, comme l'ont démontré des analyses de caractérisation menées sur des échantillons d'obsidienne11oire de Cholula (Hudson 2011: 40).

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L'enSémble d'excentriques en obsidienne (deux cercles, quatre crochets ou éléments en forme de 3 et un couteau à pointe courbe) baptisé « masque de Tlaloc » découvert lors de la fouîlle du Monticule B (Delgadillo Torres 1996) était associé à deux plaques circulaires de pierre verte qui en constituent les« lunettes». Une composition identique a été retrouvée à Xochicalco dans la Grande Pyramide, il s'agit ici aussi d'une obsidienne très noire et opaque provenant peut-être d'Oyameles-Zaragoza (voir plus bas). Par ailleurs, un dépôt à caractère assez exceptionnel a été localisé dans l'édifice 2 de la Plaza de los Tres Cerritos (extrême est de la structure localisée au sommet du monticule). Ce dépôt se trouvait dans une ciste en adobe et contenait 525 artefacts en obsidienne grise et noire ~ une pointe de lance et des couteaux à usage cérémoniel. Par ailleurs, dans la partie centrale de l'Édifice 3, une quantité assez importante de petites aiguilles en obsidienne, ainsi que quelques pointes de projectile ont également été localisées (Lazcano Arce, Palavicini Beltran 1996: 75, 91), Enfin, contrairement à l'obsidienne noire majoritaire sur le Gran Basamenta et la P/aza de los Tres Cerritos, la terrasse intermédiaire de la Pyramide des Fleurs a fourni principalement de l'obsidienne grise (87, 8 %) (Blanco 1998: 99; Hirth 2005; 10). À Nativitas, 70 % des artefacts sont également en obsidienne grise (Lazcano Arce 2006: 179). Même si cette couleur peut indiquer un autre gisement d'extraction, les analyses pratiquées sur les échantillons de Cholula, ont démontré que l'obsidienne grise opaque à bandes noires notamment, provenaît également de certaines failles d'Oyameles-Zaragoza (Hudson 2011: 40 ; voir aussi Carballo et al. 2007: 33-36).

L'obsidienne à Xochico lco

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Comme Hirth (2009) l'a démontré, Xochicalco représente un site exemplaire quant à ses lieux de commerce. En effet, deux marchés ont été identifiés sur Je site (Cerro sud et Coatzin) et plusieurs zones de production d'outils en obsidienne y on tété détectées. Des artisans commerçants itinérants y produisaient probablement des outils sur demande. L'obsidienne épiclassique de Xochicalco recueillie au sein du Xochica/co Mapping Project dans les années 1990 par Kenneth Hirth et Ann Cyphers, analysée par PIXE (Émission des rayons X induite par des particules) et fluorescence des rayons X, vient majoritairement (80 % de l'effectif total) du gisement d'Ucareo-Zinapécuaro, au Mid10acan. Cette obsidienne a probablement atteintXochicalco par des routes traversa nt la vaJJêe de Toluca, notamment le site de Teotenango3• Les deux autres sources d'obsidienne grise sont Zacuatlipan (Hidalgo) et Otumba. Xochicalco ne choisissait donc pas son obsidienne en fonction des distances, car la plus grande partie du matériel provient des sources tes plus éloignées: Ucareo-Zinapécuaro et Zacuatlipan, à 120 km au nord de la vallée de Mexico (Hirth 2000: 194-196). La présence en deuxième position du gisement de Zacuatlipan est intéressante, car il s'agit à ce jour du seul connu pour la sphère huaxtèque : elle constitue donc une donnée signifiante quant aux liens établis avec des régions orientales. Plusieurs auteurs ont proposé que Xochicalco ait joué un rôle stratégique majeur dans la circulation de l'obsidienne d1Ucareo vers la zone maya. Vuir Gonzàle1, M. et al {2002) et Testa rd et Alvarado Leôn {s.d.).

Enfin, comme rapporté plus haut, un autre« masque de Tlaloc>), similaire à celui découvert à Cacaxtla-Xochitécatl, constitué de deux cercles, de quatre

crochets et d'un couteau, a été retrouvé dans un dépôt constitué de coquil· lages et de figurines en pierre verte dans la Grande Pyramide de Xochicalco (Palavicini Beltran, Garza Tarazona 2004 : 212-213; Alvarado Le6n 2019 : 110 ; Alvarado Le6n, Garza Tarazona 2022). L'obsidienne aContono

Des fouilles du Proyecto Especial Cantona (1993 / 1994), 59 020 artefacts lithiques ont été recueillis. Parmi ceux-ci, 90 % correspond à de l'obsidienne, dont plus de la moitié est constituée de lames prismatiques. L'observation macroscopique permet de proposer que l'obsidienne retrouvée à Cantona provient, dans sa très grande majorité, du gisement d'Oyameles-Zarago~ za, tandis qu'une plus faible proportion correspond à celui de Guadalupe~ Victoria, situé à 35 km (Garcia Cook, Merino Carri6n 1996: 287-288). L'obsidienne à Cho/ulo

Hester et al. (1972) ont souligné la prédominance du gisement d'Oyame~ les-Zaragoza à Cholula, dans un dépôt daté du Classique tardif (repris dans Braswell 2003: 139). Mc Cafferty (2000: 355; 2021: 22) indique quant à lui, dans l'opération Transita, la présence quasi exclusive d'obsidienne provenant de la région d'Orizaba et d'obsidienne grise, provenant peut-être du gisement d'Oyameles·Zaragoza. Pour synthétiser les données sur l'obsidienne des quatre sites de l'étude, le gîte privilégié par Cacaxtla-Xochitécatl. Cholula et Cantona est vraisemblablement celui d'Oyameles-Zaragoza; Xochicalco, en revanche, démontre une forte préférence pour celui d'Ucareo-Zinapécuaro, avec un apport minoritaire de Zacuatlipan ( Hidalgo) témoignant d'un lien avec la sphère huaxtèque. D'un point de vue régional, la relation avec le gisement d'Ucareo peutêtre mise en regard avec celle du site épiclassique de la région de Tula, Cerro Magoni. L'approvisionnement repassera ensuite à une obsidienne verte à la fin de la période épiclassique (Anderson 2014) 4• À Cerro Portezuelo (Texcoco), ,î) a aussi été noté une augmentation de l'importation de l'obsidienne du Michoacan (Nichais et al. 2013 : 62). Il existerait donc une préférence des sites se situant à l'ouest, au nord et dans le Bassin de Mexico pour Ucareo, tandis que les sites de l'est et du sud du Bassin privilégierajent l'obsidienne d'Oyameles. Enfin, l'obsidienne verte est largement minoritaire dans les échantillons épiclassiques. Du point de vue symbolique, il semble peut-être s'opérer à cette époque une dichotomie entre l'obsidienne et les pierres vertes. Concernant les artefacts en obsidienne, une autre des nombreuses convergences matérielles existantes entre Cacaxtla-Xochitécatl et Xochicalco est la présence conjointe des compositions d'excentriques formant « les masques de Tlaloc )>, avec les lunettes caractéristiques accompagnées des yeux, des crocs ou des moustaches. Nagao (2014 : 267-268, 285) a proposé que ces ensembles d'exCommLmication « Obsidian Consumption in the Tula Region after Teotihuacân's Decline: A View from Cerro Magoni », Symposium Tula of the Toltecs 011d Central Mexican Archaeology: Research Papers Presented in Honor of Dan M. Healan, Nezahualcoyotl Xiuhtecutli et Haley Holt Mehta (orgs.) 79,h A11nttal Meeting de la SAA (23-27 avril 2014, Austin, Texas, USA).

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centriques (leurs composants) ayant une antériorité à Teotihuacan et une postérité à Tula, évoquaient aussi les excentriques mayas.

Fortîfiicatîon et ca ractère défensif des éta blisseme nts ou stra tégie po ljtique et sacral isation Le contexte d'émergence des cités épiclassiques a maintes fois été qualifié de compétitif. D'après Marcus (1989 : 206) et selon la théorie des cités-états, les rares moments de collaboration et de paix sont obtenus via des alliances maritales. li semble que le modèle des confédérations régionales de Hirth, à l'échelle au-dessus, soit moins extrême sur ce point. Le caractère défensif des établissements est donc un point essentiel de la période, mis en avant dès les premières études de Jiménez Moreno (1959) et maintenu pendant de longues décennies, comme une caractéristique fondamentale (voir aussi L6pez Lujan 1995: 262; Alvarado Léon, Garza Tarnzona 2010). Ces dernières années, des postures plus nuancées ont vu le jour, notamment parce que les données archéologiques n'appuient pas l'existence de conflits répétés et que d'autres facteurs sociopolitiques, stratégiques et idéologiques peuvent éclairer la position élevée des implantations épiclassiques [voir Solar Valverde 2002 : 118). En Mésoamérique, les longs sièges de cités, ainsi que les campagnes militaires menées sur de longues distances, semblent avoir été très rares, notamment à cause des difficultés logistiques d'approvisionnement. En conséquence, les fortifications défensives tendent plutôt à renforcer des places fortes naturelles, qui servaient de refuge et de lieu de repl! aux populations. Or, à l'Épiclassique, il y a une large préférence pour des cités présentant des superficies petites à moyennes, localisées sur des secteurs élevés (Hirth 1 995 a: 247; 2000 vol.1 : 254). L'implan tation en hauteur dans la vallée de Pueb/a- Tloxcolo

La question de la fo rtification a été abordée par plusieurs auteurs et notamment par Garcia Cook, au sein du projet de la Fundaci6n Alemana para la lnvestigaci6n Cientifica (FAIC), pendant lequel des prospections d'ampleur ont été réalisées (Garda Cook. Merino Carri6n 1997: 367). Sie1wiron un quart ùes sites prospectés pour l'Épidassi4ue esl 4ualifié ùe « fortifié » (Carl.Jallu, Plückahn 2007 : 615), leur approche demeure empirique et ponctuelle. Cacaxtla-Xochitécatl se situe à la fois sur les cimes de collines (zones civico-cérémonielles) et sur leurs flancs (Nativitas) (terrasses d'habitations de classes sociales assez proches de l'élite) (Lazcano Arce, Bonilla, 2006 : 228). Les historiens vont décrire dès le XVl siècle les aménagements « défensifs » autour de Cacaxtla; fossés profonds et tunnels (Mufioz Camargo 1998 ; Cabrera 1991: 422-423). Par la suite, ces aménagements seront discutés à de nombreuses reprises et datés du Postclassique (Armillas 1991 : 438-439 ; Tschohl, Nikel 1972 cités dans Salomon Salazar 2008: 31; Lombardo de Ruiz et al. 1991 a : 19 ; Garcia Cook, Merino Carri6n 1991 : 390). Cependant, aucune étude spécifiquement menée pour analyser les fortifications n'a été menée depuis le début des recherches et Lazcano Arce (2006) a proposé très pertinemment qu'au moins une partie des tunnels aient été réalisés pour ex0

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traire du tepetate, Un des matériaux principaux utilisés dans la construction du Gran Basamento. À une échelle régionale, d'autres sites comm.e Tepetetla (municipe de San Bernardino Contla) (Garcia Cook 1991 : 401; Morales 1997 : 17), Los Teteles d'Ocotitla (Hirth, Swasey 1976 cités dans Salomon Salazar 2008: 31), Mixco; Tepeticpac, Tepalca, Teacalco et enfin Piedra del Padre ont été décrits comme des places fortes. Au nord de Tlaxcala, il faudra également mentionner les sites de Cerro Te.zoyo et Cerro Tliltepec (Abascal et al. 1976 ; Garcia Cook, Mora 1974 cités dans Salomon Salazar 2008: 31; Merino Carri6n 1989: 83; Garcia Cook, Merino Carri6n 1997: 367; Urunuela, Plunket 2005: 307). Lors des prospections réalisées entre 1996 et 1997 par les membres du Proyecto Xochitécatl, il a été noté que 99 % des sites épiclassiques se situent sur les collines et les hauteurs (Serra Puche et al. 28-51 : 52; 2004 : 208). Au sud-ouest de Puebla, une trentaine de sites épiclassiques situés sur des positions stratégiques, ont été localisés au sein du Proyecto Arqueo/69ico del Suroeste de Puebla (PASOP) pour l'Épiclassique. Ceux-ci correspondent à plus de la moitié des établissements majeurs de cette période. Il faudra notamment citer Teotepeque, Chinanteca-Altamira et Cerro Tenayo (Garda Cook, Merino Carrion 1997 : 370, 372, 382). Au sud-est de Puebla, Cutha atteint son occupation maximale pendant la période épiclassique. Ce site, ainsi que Tepexi, qui produit la céramique orange mince distribuée par Teotihuacan constitueraient deux grands chefs-lieux fortifiés (Caste116n, 1999 cité dans Plunket, Urunuela 2005 a : 107). Si la localisation en hauteur de tous ces établissements est indiscutable, le caractère défensif de leurs aménagements reste encore à démontrer. Seule une analyse spécifiquement dédiée à cet aspect pourrait venir valider cette vision bélico-militariste qui n'a pas encore étayé par les vestiges matériels. Lïmplonlotion en

hauteur dons le bassin de Morelos

Pour ce qui est du Bassin de Morelos, l'édification de Xochicalco dans une zone peu fertile au sommet d'une colline et à 120 m d'altitude au-dessus de la vallée, correspond bien à son rôle de centre administratif et à une position stratégique (Alvarado Le6n, Garza Tarazona 2010). La présence de places fortes sur les collines environnantes et leurs dispositifs propres (terrasses concentriques, murs hauts, fossés, bastions, portiques) ont fait l'objet d'une analyse poussée, en témoignent (Hirth 1989; Hirth 1995 a: 247; 2000, vol. 1 : 246 ; Alvarado Le6n, Garza Tarazona 2010). Cerro Jumil, La Bodega, Loma Larga, La Vibora sont des exemples de sites, sans structure résidentielle de la phase Gobernador (650 à 900 apr. J.-C.) qui présentent des caractéristiques architecturales défensives (Hirth 2000; Alvarado Le6n, Garza Tarazona 2010). Un des aspects intéressants de ces éléments défensifs est leur caractère planifié en amont de l'établissement du site, contrairement à d'autres cas, où ces dispositifs sont construits à la fin des occupations (Alvarado Le6n, Garza Taràzona 2010: 149). D'autres sites du Morelos, datant en partie ou entièrement de la phase Gobernador ont été localisés: Cerro Tenayo près de Yautepec (Grove 1968), Chimalacatlan (Müller 1949) et Rancho Perdido près de Chalcaltzingo (cités dans Hirth 1974; 1995 a: 247).

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$1tes de houteur. idéologie et cosmovision

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Cette question de la fortification des sites en général, et à l'Épiclassique en particulier mérite une étude poussée. Néanmoins, une réflexion historiographique pousse à considérer que leur interprétation en tant qu'établissements défensifs a probablement en partie dérivé, dès le XVI• siècle, d'une perspective occidentale. Les données archéologiques, elles, sont quasi muettes à cet égard. Ainsi, l'étude de Hassig (1992), conclut que très peu de sites peuvent être qualifiés de« défensifs» en Mésoamérique. La recherche de Sergheraert (2009) sur les stratégies d'expansion des Mexicas, signale que les sites ayant fourni des données sur les confrontations ou les batailles violentes (armes, restes anthropologiques, ou dispositifs architectw·aux) sont très peu nombreux. Il faut donc probablement interpréter cette position élevée depuis d'autres perspectives: les facteurs idéologiques et rituels semblent plus adéquats. Pour trois des quatre sites concernés par cette étude, d'un point de vue spatial et urbain, l'oTganisation épiclassique met l'accent sur la segmentation et une hiérarchie haut/bas. Une des caractéristiques très intéressantes des établissements est la construction d'acropoles. À Xochicalco, Hirth (1989) a montré qu'en plus des grandes structures du centre civico-cérémoniel, le reste de la ville est organisé selon les axes des terrasses concentriques, un schéma spatial très éloigné de l'organisation orthonormée de Teotihuacan (voir aussi Smith 2017 : 185). Les dispositifs urbanistiques de Xochicalco et Cantona contribuent à souligner une hiérarchie haut/ bas, un étagement entre plusieurs secteurs / quartiers des sites; les parties les plus élevées étant destinées à l'élite et à la zone civico-cérémonielle. En outre, il est bien connu que de nombreuses conceptions mésoaméricaines superposent montagnes et grottes, faisant allusion à la matrice originelle de l'humanité. La montagne est traditionnellement considérée comme hautement symbolique, et peut légitimer l'intronisation et le pouvoir des dignitaires (Broda et aL 2001). Placés sur des éminences, les sites de hauteur viendraient donc légitimer un pouvotr religieux et symbolique, en lien avec la fertilité ( voir Nielsen et al. 2021 : 255 pour des considérations similaires à Xochicalco). lis pourraient aussi fonctionner comme des marqueurs territoriaux entre différentes entités politiques. En outre, grâce à l'alignement des éminences naturelles avec les astres, lors des solstices et des équinos'puissent être rapprochés des personnages mayas [yahawk'ahk, vassaux de feu) des prêtres guerriers. De nombreux points communs e.xistent entre les glyphiques de Cacaxtla etXochicalco. Un toponyme figuré sur la Banquette du Temple Rouge et formé d'un dindon (meleagris gallopavo)17 et d'une montagne a également été retrouvé à Xochicalco. Il serait équivalent à un glyphe figuré dans !'Historia Tolteca Chichimeca désignant les cités de Mata tian et Totoquechco (près de Maltrata, au Veracruz) (voir Domînguez Covarrubias, Urcid Serrano 2013 a: 602-604), D'autres fonctions ont également été proposées. Les bandes aquatiques ont ainsi pu servir à contextualiser les scènes dans un environnent luxuriant18, chacune des espèces animales renvoyant à une symbolique donnée (Lombardo de Ruiz et al. 1991 a; Navarijo Ornelas 2013 : 462). Enfin, il faudra mentionner la fréquence du glyphe , "' La datation des ensembles localisés pendant cette fouille indique une occupation tardive (postclassique récente) mais la datation précise des pièces ici décrites reste. complexe à définir.

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caractéristique fréquente des figurines de Xochitécatl. Mc Cafferty (2000 ; 355; 2007 a: 467) avait d'ailleurs souligné des similarités entre les coiffes des figurines de Xochitécatl et de Choit.da (voir type TFSlb dans Testard, Serra Puche 2011). Enfin, deux exemplaires (HO0S, H023) entretiennent des ressemblances avec des prototypes orientaux (forme du crâne, des yeux et mutilation dentaire); tandis qu'un autre exemple montre une mutilation dentaire en forme de î (H021, 77) (Hug 2007). Importations et aclaptatinns de types orientaux

Noguera (1954 : 207 et sq.) décrit plusieurs types « étrangers » au sein de la céramique de Cholula. En premier lieu, une céramique à pâte blanche, extrêmement fine, d'aspect simîlaire à la porcelaine, ainsi qu'un type à engobe orange sur pâte blanche, portant des motifs (ganchos et virgules) peints en noir, rouge et blanc (voir aussi Garda Samper 1984 : 94-108). Çette céramique correspond pour Noguera, soit à une céramique importée depuis le Veracruz, soit à une céramique fabriquée localement avec une inspiration du Golfe. Müller (1970 : 139) mentionne un type orange fin importé depuis Isla de Sacrificios. Le possible type correspondant (Isla de sacrificios White-onOrange) est rapporté pour des contextes épidassiques / postclassiques anciens (UA-1) dans des proportions très basses (0, 03 %) (Mc Cafferty 2001 : 83}. Müller (1970 : 139) note aussi la présence d'un type polychrome du Golfe. Enfin, deux types reportés par Suarez (1994: 50) ont été identifiés par analyse pétrographique comme provenant du Veracruz et de la Huaxtèque. Le type orange fin associé à la Côte du Golfe apparaît également en très faible proportion (n = 1) (Mc Cafferty 2001 ; 83). Un type blanc (whiteware) provenant de la Huaxtèque (?) a également été reporté (Mc Cafferty, Chiykowski 2008 ; 11-12). Hormis un contexte reporté par Noguera (1954-: 225), une seule autre mention de céramique Plumbate est disponible; Müller (1970: 139) la signale comme témoin de relations avec Tula. Deux récipients de Tohil Plumbate ont été reportés plus récemment (Mc Cafferty, Chiykowski 2008: 11-12). De façon beaucoup plus générale, Noguera (1954; 280-281) note plusieurs similitudes entre le matériel céramique de Cholula et des types orientaux: la polychromie, le blanc/ crème, les supports cylindriques et les versoirs. Paddock et al. (1982) souligneront par la suite le lien entretenu entre les polychromes de Cholula et ceux de la période classique maya tardive. Mc èafferty (1994: 73; 2007: 467) mentionne les similarités entretenues entre le type Cocoyotla et la céramique orange fine Si/ho, ainsi qu'avec certains types d'El Tajln. Hernandez Sanchez (2005 : 9) a mis en exergue la similarité du fond orange des types polychromes avec ceux du monde maya1 ainsi que certaines formes caractéristiques (cajetes à fond plat et parois basses) en plus d'entretenir des relations avec celles de Cerro Montoso et Isla de Sacrificios (type Cristina; voir aussi Mc Cafferty 2007: 469; Sanchez de la Barquet-a etal. 2008 : 36). Par ailleurs, il semble que ce type entretîenne aussi des similarités avec le type huaxtèque de la phase Tamul, daté de 600/800 apr. ).·C. 176

Pierre verte Un inventaire des occurrences du mobilier en pierre verte45 , issues des rapports de fouille est dressé. À ce jour, une seule analyse de provenance a été effectuée sur la pierre verte des sites de l'étude: il s'agit de données pré.classiques qui confirment une provenance guatémaltèque dans la région de Motagua (Hirth 2005 : 12 et sq. ; Lazcano Arce 2006 : 175-176; Hirth et al. 2009: 160, 168; Serra Puche, Lazcano Arce 2011 : 87-102). Toutes les autres occurrences correspondent à des identifications macroscopiques, qui ne sont généralement pas en mesure de distinguer de façon fiable les différentes catégories de pierre verte (Testard 2021). Dans les conceptions nahuatl et maya, les différentes pierres vertes étaient définies par un certain nombre de critères (couleu1~ opacité, veinage, origine et gisement, symboliques rattachées) distincts des caractérisations pétrographiques. Ces caractéristiques et notamment la couleur et les différentes nuances sont pertinentes pour déterminer différentes « échelles de valeur>> sociales et symboliques (AJ1drieu et al. 2014). Les provenances pétrographiques et géologiques, quant à elles, renseignent les mécanismes économiques et des circuits d'échange (Testa rd 2021). Cocoxtlo-Xa chi téco t/-No tiVÎ tas

Les différents artefacts en pierre verte sont de différentes nuances allant du vert pomme au vert clair présentant des veines blanches d'une part (Nagao 2006; Palavicini 2006: 245); et un vert gris d'autre part (Testard 2021). Outre les occurrences de perles et de pendentifs, d'une petite tête« olmecci ide >> et d'un fragment de plaque46, la découverte de deux plaques figuratives dans les dépôts du sommet du Monticule Best particulièrement importante à mentionner (Delgadillo Torres 1996) (Figtu-e 48). Ces plaques étaient associées à plusieurs types de coquj]lages dont des 0/ivas sp. ainsi que des bivalves. Le dépôt comprenait également le« masque de Tlaloc » (Figure 49). Lors des fouilles de la Plaza de Ios Tres Cerritos, dans l'édifice 2 ( dépôt 1) 1 a été retrouvée une figurine aviforme en pierre verte, actuellement conservée au Musée de site de Cacaxtla (Serra Puche et al. 1995: 24) (Figure 50). Celleci était associée à trois Oliva sp., particulièrement répandus à Cacaxtla. Il s'agit d'une créature zoomorphe aux ailes repliées sur le corps, portant six orifices sur la partie postérieure, trois de chaque côté, déposée face contre terre. Dans l'Édificè 3 de la mêmé place, dans la trallchéè nord, une autté plaque figurative a été localisée [Lazcano Arce, Palavicini Beltran 1996: 69, 96) (Figure 48 C). En 2010, 82 artefacts en pierre verte (perles, plaques figuratives et plaques circulaires) pouvaient être dénombrés au Musée de site de Cacaxtla♦1. Pour Xochitécatl et Nativitas, à titre indicatif, le décompte indique au moins 34 perles, une perle avec représentation anthropomorphe, une tête anthro· '' Seules les pièces portant la mention « pierre verte / jade» ou tll~I

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C: de Spran2 et al, ( J 978), pl. 9-10 fi, /, }, L,, M, N, 0, P, Q: MNA, México. K · IN/Ir/ Cuernal!ilCO, Morelos, d'après Gnnzrilez Crespo et al. 2008, 108 (modifié de Testard 2021).

178

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N°10-546080 (Musée de site de Xochitécatl). N°l0-545965 (Musée de site de Xochitécatl).

Figure 49: Composition d'e:,;centriques en obsidienne et plnques circulaires de pierre verte retrovvée dan.~ Je Monticule 81/e Cac{'(xl/a-Xochitécut/, dit« masque de Tlaloc». Musée de site de Car:ax.tla,

Figure 50: Figurine avimorp/te en pierre verte prove11a11t de P/aza de los Tres Cer,.itos. dep6t 1, Édifice 2, Musée de site de Caca,vtla.

l•ïgu,.e 51 : F'igurine schématique anthropomorphe en pier,·e verte. Musée de site de Xvchitécat/,

Xochicolco

Les occurrences d'artefacts en pierre verte issus des projets de fouille de Noguera ; Saenz; du XMP et du PEX sont ici rapportés. À titre indicatif, le décompte intègre au moins 563 perles, 10 plaques figuratives (Figure 48), quatre plaques lisses, quatre jougs lisses50, deux haches, trois disques, cinq ornements d'oreille ci1·culaires, une tête anthropomorphe (Figurine 52), trois

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Voir Alvarado Lean (2020: 142).

masques allthropomorphes51 et trois pendentifs (?). Une analyse des figurines et sculptures en pierre de Xochicalco est actuellement en cours, en collaboration avec Claudia Alvarado Lean. Le nombre de ces figurations s'élève à plus de 786 pièces (Garza G6mez, Gonzâlez Crespo 2008; Testard 2014 a : tableau 10.38; 2018; Alvarado Lean, Testard s.d.).

rr,gure 52: nnwrne crnrn1'opomorphe en pierre verre pmvenanr ae 10 :itrucrure n (M -:,1 dt! Xnd1iwll'11, MN/t.

Concernant les perles tubulaires retrouvées dans la sépultur e 2 de la PSP52, celles-ci ont pu être portées de façon horizontale sur la poitrine, à l'image de ce qui est visible sur la scène de la bataille de Cacaxtla. Taube (2005 : fig. 16) rapporte ce genre d'ornements (avec des motifs de natte) sur des exemplaires provenant de Copan, Tikal et du Costa Rica. Ceux-ci seraient des répliques miniatures et des allusions aux barres cérémonielles monumentales. Comme pour les associations matérielles des plaques figuratives de Cacaxtla-Xochitécatl. celles de Xochîcalco ont également été retrouvées avec des artefacts à caractère non local (Chambre des Offrandes, Pyramide du Serpent à Plumes, Structures A et C). Nagao (2006: 434) suggère à ce propos que leur caractère exogène ait ainsi été valorisé (voir aussi Testard 2021). Du point de vue de la fabrication, seul un secteur incluant toutes les étapes de la production lithique de matériaux semj-précieux a été localisé: il s'agit d'un atelier de micro-débitage au nord de li\cropole (Hirth 2000 : 165). Cantona

D'après les données compilées dans les rapports de fouille de Cantona et de façon indicative, au moins 7 perles, 1 masque et 4 ornements d'oreilles en pierre verte, peuvent être rapportées (Testard 2014 a : tableau 10.41). Ces quantités sont réduites, mais les contextes ressemblent à ceux de CacaxtlaXochitécatl et Xochicalco: funéraires, associant des matériaux précieux (cristal de roche, onyx), des coquillages ainsi que des artefaéts en lien avec une symbolique du pouvoir (sceptres : dents de félin). La majorité des artefacts recensés dans les conte>..1:es de Cantona sont des ornements, tandis que les plaques figuratives ne semblent pas présentes, contrairement à Cacaxtla-Xochitécatl et Xochicalco. Un fragment de petite dimension provenant de la UA106a pourrait constituer un exemplaire isolé 180

51 10-570847; 10-570844; 10-570765 [Musée de site de Xochicalco). Nagao (2014: 229230) comptabilise près de 15 masques réalisés en différentes pie-rres et un certain nombre de fragments. " Salle épiclassique (MNA).

figurant un visage (Garcia Cook 2013), mais rien ne permet de valider cette hypothèse. Cholulo

Pour ce qui est de Cholula également, peu de données sont disponibles; les rapports de fouilles indiquent 25 perles, dont 17 appartenant au même contexte funéraire (Suârez Cruz 1985). En outre, au moins une figurine de « style Mezcala » est rapportée ainsi qu'une petite hache. {;identification des pierres vertes (macroscopique) est spécifiée la majorité du temps. Concernant la figurine Mezcala localisée par Suârez (1985 : 53), Noguera (1954: 174; fig.164 n; 174) illustre une figurine en« serpentine verte foncée » très similaire, retrouvée dans l'angle nord-est de la Gran pir6mide er associée à des vestiges postclassiques. Suârez (1985 : 54-55 citant Serra Puche 1973) met en parallèle ce genre de figurines avec celles retrouvées par Bernai à Monte Alban, ainsi qu'à Teotihuacan. li classe cette figurine dans le type 3 de Covarrubias et conclut à une diffusion large dépassant largement le Guerrero (voir aussi Bourhis 2012 tome 1: 125-127). Par ailleurs, Noguera (1954: 174, fig.164 h) décrit une figurine en, localisée dans un contexte antérieur au Postclassique, il pourrait peut-être s'agir d'une plaque figurative.

Réc ip ients en

teca//i

Plusieurs des sites de l'étude ont fourni des récipients réalisés dans un matériau lithique blanc, une pierre blanche, laiteuse voire translucide appelé génériquement peuvent être remplacés par des « objets d'art». Il met en valeur le vecteur qui fait dialoguer les êtres vivants et les êtres fabriqués; ce principe est nommé abduction et régit l'ensemble des relations entre les êtres vivants et les êtres fabriqués. Les destinataires de ce flux de relations 3 sont quant à eux baptisés récipients. Ce vecteur, que Gell (1998) baptise « abduction » correspond aux procédés et aux modes figuratifs qui seront examinés dans cette étude. Dans le contexte des sociétés analogistes, plusieurs procédés figuratîfs sont attestés: les chimères ou les êtres hybrides, le processus métonymique (relation microcosme / macrocosme) et l'enveloppement concentrique. Tous ces procédés ont pour objectif« de rendre présent des réseaux de correspondance entre des éléments d.iscontinus, ce qui suppose de multiplier les composantes de l'image afin de mieux désindividualiser son sujet (...) Ce que l'analogisme cherche à rendre présent dans les images(...) [c'est une] métarelation, c'est-àdire une relation englobante condensant des relations disparates » (Descola 2009 ; 2010 a: 14). Les styles technologiques (matériau, support, technique}, les tnodes figuratifs (proportion, volume, composition, latéralité, mouvement) et les procédés figuratifs (hybridation, métonymie) parce qu'ils sont activement utilisés par les producteurs des images doivent donc être examinés comme des stratégies d'interaction avec lell l;t Fut"tit~, AttlJi.OH'J ;!ClOO: 52,

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Glissements de paradigmes

Afin d'illustrer les modifications à l'œuvre dans des systèmes figuratifs non statiques, plusieurs données importantes relevant de glissements de paradigmes doivent être exposées. Dans chacun des systèmes associés à Teotihuacan et à la zone maya, utilisés dans la méthode, des inflexions signi· fiantes au sein des normes peuvent être repérées. Les contextes anthropologiques syncrétiques produisent des systèmes figuratifs dits« éclectiques». Kubler (1985: 171·172) distingue deux varié· tés d'éclectisme : (1) synchronique : dans lesquels les éléments empruntés proviennent d'un présent« étendu ;>; (2) diachronique: qui fusionne des élé· ments anciens. Tandis que la première variété met l'accent sur un message d'unification des sociétés et de leurs croyances, la deuxième tend à évacuer la signification culturelle des formes. De plus, selon Solar Valverde (2002: 283), qui reprend les considérations de Hel ms, le « syncrétisme stylistique » est un indicateur visible du discours des élites sur leur capacité à acquérir et mani· puler la connaissance universelle et surhumaine (voir aussi Earle 1991: 75). Après avoir présenté des exemples d'inflexions aux normes à Teotihuacan et dans le monde maya, une brève discussion portera sur le « style postclas• sique international », un phénomène qui débute vers 900 apr. J.·C. et qui présente une fusion de traits des Hauts plateaux et de la zone orientale et méridionale. Le corpus d'images épiclassiques se situe à la jonction et en intime relation avec ces différents phénomènes, entre opposition des sphères de représentation au Classique et fusion caractéristique du« style postclassique international ».

Configuratfons hy brides et cha119ements thématiques

à Teotihuaca n

208

Un des principaux s upports de l'iconographie Teotihuacan est la peinture murale. C'est fondamentalement par son intermédiaire que les inflexions aux « 11ormes » seront envisagées notamment parce que ce medium témoigne d'une mise en œuvre monumentale, en lien avec l'exercice du pouvoir, po· litique, social ou religieux. Dans une veine similaire à ce qui est ici exposé, Domenici (2018) a proposé de nouvelles hypothèses autour des formes de l'exercice du pouvoir de Teotihuacan1 notamment traduites par la peinture murale du site.

Cinq phases stylistiques et techniques ont été attestées dans la peinture murale de Teotihu.acan, par Millon (1972), Pasztory (1972), Miller (1973), Lombardo de Ruiz (1996 : 18 et sq.) et Magaloni Kerpel (1998 b: 223). Hormis les volutes entrelacées (en lien avec la Côte du Golfe cf. Stark 1998; Angulo Villasenor 2004; Machado 2003) de la première phase stylistique (autour de 200 et jusqu'à 350 apr. J.-C. cf. Cabrera Castro, Andrade 2004 : 303; Angulo Villasefior 2004), l'adoption de traits exogènes intervient surtout à partir de 350 apr. J.-C. Selon Pasztory (1978), Cohodas (1989 : 223-224), Lombardo de Ruiz et al. (1991 a: 240), Poncerrada de Molina (1990 : 183, 188-189; 1993: 87-89) et Sugiyama (2002 : 191), ce sont surtout pendant les dernières phases de Teotihuacan (Xolalpan et Metepec), que l'iconographie de la cité expérimente un changement notable dans ses thématiques privilégiées : celles-ci mettent alors l'accent sur la figure humaine masculine (guerrière en particulier) comme motif principal, sur le sacrifice humain, sur les ordres guerriers et sur une proclamation territoriale (notamment par l'intermédiaire de nombreux toponymes). Afin d' illustrer ces modifications formelles et thématiques possiblement liées à des hybridations, plusieurs ensembles méritent d'être examinés. Le premier d'entre eux est la peinture du Temple de !'Agriculture réalisée autour 300 apr. J.-C. (Von Winning 1987 : 46) et constitue un particularisme au sein des représentations de Teotihuacan, tant du point de vue formel que thématique (Figure 1). Il s'agit d'une composition à plusieurs registres comprenant huit personnages masculins et trois féminins, placés en face de deux images de culte. Leurs gestes indiquent qu'ils se livrent à des échanges de biens (Manzanilla 1992 ; Carballo 2013: 118). Ils ont été qualifiés d'étrangers, notamment à cause de leurs vêtements (Filini 2010: 141-142). Enfin, un certain nombre de conventions associées au monde maya, telles que la posture assise et certaines positions des mains (Von Winning 1987 : 45; Taube 2003 : 283) ont également été relevées. Face à des compositions très statiques où les personnages sont en général organisés en procession, la peinture du Temple de !'Agriculture constitue un véritable « hors norme )>, qui peut aisément être rattaché à des modes figuratifs du Golfe ou maya.

209 Figure Z : Peinture chi Temple de l'A9riCilltllre (redessinée da11rès une reprodul'li1111 exposée au MN/1).

210

Les peintures du Tlalocan ont quant à elles été découvertes en 1933 pat Casa, à l'est de la Pyramide du Soleil, dans le complexe résidentiel de Tepantitla. Lombardo de Ruiz (1996: 42-43) les situe à partir de 450 apr. J.-C. Pasztory (1974) a s uggéré qu'il s'agisse d'une cérémonie en l'honneur de la Grande déesse, en lien avec le culte de la fertilité et des grottes. Heyden (2000), Boone (2000), Matas Moctezuma (2000) ont quant à eux proposé que la grande divinité occupant le centre de la représentation soit une figuration métaphorique du concept territorial d'a/tepet/ (cités dans Uriarte 2004 : 17). Uriarte (2004) a quant à elle concentré son interprétation s ur les différentes variantes du jeu de balle dépeintes, qu'elle connecte avec des mythes de création. Les figures anthropomorphes mesurant entre 12 et 15 cm de hauteur sont dépeintes dans une multitude de postures. Des cadres délimitent la scène et plusieurs glyphes toponymiques caractérisent le lieu de l'action ; les personnages sont disposés par groupes. Cet ensemble est hautement dynamique et expressif (Lombardo de Ruiz 1996 : 42), qualités traditionneJlement rattachées à la sphère maya ou du Golfe. Par ailleurs, certaines postures représentées telles que celle assise en tailleur a été préférentiellement rattachée au système de représentation maya (Lombardo de Ruiz 1996: 43). Uriarte (2004: 21, 34) y a aussi identifié plusieurs fois le glyphe maya puh, le« lieu des roseaux», dont il a été question plus haut à propos du concept de Tollan (voir première partie). Selon cette auteure, ces occurrences et certaines autres caractéristiques toponymiques feraient référence à la multiplicité des peuples mésoaméricains, aussi illustrée par la diversité des jeux de balle dépeints. Le glyphe de « la main qui disperse », situé dans la chambre adjacente au Tlalocan serait aussi un témoignage d'une adaptation des conventions mayas, en relation avec les thématiques de fertilité, d'offrande et de sacrifice. Les figures glyphiques peintes de la Ventilla ont, quant à elles, été découvertes dans un des complexes du quartier (Secteur 2), pendant le Proyecto Especial Teotihuacan (1992-1994) (Figure 2). Elles datent probablement des phases Tlamimilolpa tardive ou Xolalpan ancienne, entre 300 et450 apr. J.-C. et constituent un ensemble isolé au sein du corpus de peintures de Teotihuacan, aussi bien par leur localisation que par leur nature (Cabrera Castro 1996 a : 27-29, 39; 1996 b : 402; Nielsen, Helmke 2011 : 349-350). En effet, cet ensemble de 42 glyphes constitue une des deux séquences glyphiques les plus longues (avec celles de Techinantitla) connues à ce jour à Teotihuacan et sur d'autres sites employant ce système d'écriture (Helmke, Nielsen 2021 : 34). La Pfaza de los G/ifos comprend des figutes glyphiques peintes sùr le sol (séparées par des lignes rouges), sur les murs qui la délimitent et sur la partie basse d'un autel central (Cabrera Castro 1996 a : 30; 1996 b : 402; 2000 : 211; Nielsen, Helmke 2011: 351). La plupart de ces figures sont constituées de visages anthropomorphes, mais il y a aussi une proportion importante de félins, canidés, oiseaux (colibris), reptiles combinés à des bois de cerf, représentations phytomorphes, édifices ainsi que des motifs symboliques (Cabrera Castro 1996 a : 31, 38-39; 2000: 211). La Plaza de los Glifos semble traduire plusieurs traditions figuratives synchroniques et diachroniques : une première, fortement ancrée dans les thématiques Teotihuacan (Tlaloc, glyphe ~< œil de reptile » etc.), une autre, rappelant l'écriture maya et zapotèque et une dernière, faisant référence à des conventions postclassiques (crânes associés aux couteaux, zacatapayolli et cadres rouges) (Cabrera Castro 1996 b ~

423,427; 2000: 209, 212). La plupart des auteurs se rejoignent sur une interprétation toponymique ou anthroponyrnique de la majorité des glyphes (King, Gomez Cha.Vez 2004). li s'agirait de références à des localités extérieures, plus ou moins lointaines de Teotihucan (Delgado Rubio 2014 : 118119). Alternativement, grâce à l'apport des manuscrits coloniaux yucatèques où des way sont décrits, Nielsen et Helmke (2011 : 363, 365) proposent que cet ensemble fasse en réalité référence à la personnification de maladies et ait servi pendant certains rites de guérison et de purification. Plus au nord de la Plaza de los Glifos a été retrouvée une figure anthropomorphe en pied (70 cm de haut}, peinte sur le sol comme les glyphes. Elle est associée à des rnagueys et possède des traits de canidé (Cabrera Castro 1996 a : 39; 2000 : 214). Selon Nielsen et Helmke (2011 : 363), ce personnage serait en :lien avec les activités menées dans le complexe autour de la purification et de la guérison. Il faut, en tout état de cause noter que la représentation du sexe en érection du personnage est w1e caractéristique absente de l'iconographie du Haut plateau central et qui rapproche préférentiellement cette figure de certaines thématiques du monde maya (Campeche etYucatân) ainsi que du Veracruz, en particulier la Huaxtèque.

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Figure Z: G91p/1es du Patio de la Ventilla, Teotihuacan {courtoisie de Nie/sen et Helmke 2011: ji9. 6 ; dessin de Cltristoplie Helmke).

Le quartier de Tetitla se situe, quant à lui, près du Grand Ensemble, à 600 m à l'ouest de l'Avenue des Morts (Taube 2003: 273). Les « peintures réalistes}> de Tetitla, aujourd'hui partiellement disparues, constituent un autre exemple de glissement figuratif à. Teotihuacan (Figure 3). Réalisées autour de la deuxième moitié du v• siècle (Taube 2003 : 286), elles étaient composées de figu~ res humaines, de formes archit.ecturales (talus et plateformes) et de bandes à motifs élaborés qui semblent avoir divisé l'espace pictural en plusieurs regi-

211

stres. Certaines de ses bandes comprenaient des glyphes mayas (Foncerrada de Molina 1990 : 189-190; 1993 : 92-93; Taube 2003 : 281; Staines, Helmke 2017), plus particulièrement de ceux de Tikal (Taube 2003 : 285). Des conventions formelles mayas ont été observées par Foncerrada de Molina (1990 : 190) telles que les profils (modelé tabulaire oblique), des personnages assis sur des trônes, des masques à long appendice nasal (en lien avec Chaak) et plus globalement une grande flexibilité des postures. Hall (1962 cité dans Taube 2003 : 282-283) a souligné les formes des yeux caractéristiques du Classique ancien maya. Des cadres comprenant des représentations de jeunes personnages sont un autre trait partagé avec les conventions mayas du classique ancien (Taube 2003 : 288). La structure 27 montre quant à elle, des personnages assis en tailleur, dans une configuration que Miller (1978: 69) rapproche des compositions mayas (voir aussi Filini 2010: 143). Dans le corridor 12 A (mural 2, nord), une représentation de tête de style olmèque a aussi été identifiée par Miller (1973, fig. 325; voir aussi Chadwick 2013: fig.13). Ruiz Gallut (2002: 319 et sq.) a pour sa part mis certains des fragments des peintures de Tetitla en résonnance avec la glyphique zapotèque.

Plgure 3: l'eîntz,res • réalistes" de 1èmla (rede.ssi11ë d'uprès l~ncerr uda de Mo/f11ù 1119() ;J/gs. l4 Li ;!2).

212

Dans son étude récente, Domenici (2018: 41 et sq.) a mis en évidence une relation étroite entre espace architectural et représentations peintes. Zacuala correspondrait à un quartier dédié à un souverain, peut-être un palace. À l'image d'autres quartiers, l'iconographie peinte de Zacuala reflèterait le discours des élites intermédiaires qui s'y seraient installées. Un ensemble de peintures provenant de ce quartier montre des conventions inhabituelles (Figure 4). En effet, le format de représentation peut être qualifié de « narratif» : il s'agit d'un oiseau de proie dépeçant un canidé, la scène comprenant également une grande plante à fruits et feuilles. La thématique de cette peinture, de nature quasi « étiologique » montre une grande

quantité de détails (serres, plumage et pelage) et des proportions naturalistes qui la rattachent à un mode figuratif naturaliste.

fl/1ur't1 1/: Rapaces et camdes {?) dons diJJ'érenœs attitudes etiolo9iques, Zan111/a, 1'eotihuacan. Musée des peinwres de Temihuacan.

D'autres références à des modes figuratifs hybrides ou éclectiques ont été relevées dans d'autres secteurs de la cité. Ainsi, l'existence de traits mayoïdes ou du Golfe dans l'iconographie des peintures de Teopancazco a été attestée par Millon (1988 cité dans Mendoza 1992 : 110). C'est aussi le cas d'une peinture murale à Atetelco (500 à 600 apr. J.-c.) figurant deux personnages portant des coiffes à longues plumes, assis en tailleur. face à une céramique à silhouette composée (De la Fuente 1995 a: 7; Cabrera Castro 1998: 67). Un fragment de peinture murale retrouvé dans le Patio de las Columnas montre des glyphes mayas (Helmke, Nielsen 2021 : fig. 16). Enfin, les peintures murales de la collection Saenz représentent deux personnages de haut rang, placés l'un à côté de l'autre. L'un d'entre eux affecte une pose « dansante » (jambes fléchies, visage tourné vers le haut). Ses attributs (la coiffe conique, les ornements d'oreille et les marques sur les bras) ont conduit Taube (2003 : 278) à l'interpréter comme le dieu maya du maîs. li s'agit en réalîté d'une figuration hybride, le costume étant assez traditionnel de Teotihuacan, tendant vers l'abstraction avec une accumulation de symboles (Mîller 1978 : 69; Foncerrada de Molina 1990; 1993 : 93). Taube (2003 : 278-279) a également mis en relation certaines figures à coiffe aviforme descendantes (aussi appelée Diving Deity cf. Paulinyi 2006 : fig. 10 c) avec des représentations stuquées du terrain de jeu de balle de Copân. Nielsen et Helmke (sous presse a) ont étudié en détail les représentations de !'Ensemble du Soleil (zone SA), datant d'entre 350 et 550 apr. J.-C., et les mettent en relation avec Je mythe des héros du Popol Vuh, qui remonte à la période préclassique tardive (peintures murales de San Bartolo, Guatemala) (Figure 5). Les représentations mayas de ce mythe sont très fréquentes et mettent en scène un combat entre les héros et un oiseau céleste (Principal Bird Divinity). Cette divinité serait le messager du Dieu D, une entité céleste en relation avec la création, l'intronisation et le statut royal. D'après sa position centrale dans le plan de la cité, il est très probable que !'Ensemble du Soleil ait été le siège d' un groupe social détenant un pouvoir important. Il semble donc

213

que cette iconographie en lien avec la légitimation, l'intronisation et le statut politique ait toute sa place dans un complexe de cette envergme.

F1gur11 5. Pe/11wre de la structure 13 de la Zone Sode Teotlhuacan, Musée des peintures de Teotllww:wr.

Dans la même zone SA, les peintures du Portique 13 et tout particulièrement les scènes 1 et 2 qui ont comme motif principal un jaguar réticulé au corps de profil et au visage de face, possèdent quelques éléments éclectiques. La présence d'oiseaux dans plusieurs attitudes de vol rappelle en effet les

exemples beaucoup plus anciens des peintures de San Bartolo. Par ailleurs, un petit personnage à forte corpulence entretient des similarités avec certaines figures des peintures du Tlalocan, ainsi qu'avec celles de même type de San Bartolo et peut-être même, avec les figurines baby face de la période olmèque. Les représentations d'animaux de la zone 4 (phase Tlamimilolpa) avec leurs contours fluides, dans des compositions asymétriques, dynamiques et à plans superposés font aussi référence à un autre système de représentation que celui qui prévaut à Teotihuacan (Pasztory 1972; Foncerrada de Molina 1993: 93; Lombardo de Ruiz 1996: 24). Par ailleurs, la tendance majoritaire de non « individualisation » des figures humaines semble avoir subi une exception dans les peintures de Techinantit]a. Des glyphes onomastiques ont en effet été placés devant les figures richement parées (Millon 1988; Pasztory 1992 : 293; Uriarte 2002 306; Sugiyama 2000; Taube 2003 : 341). Selon plusieurs auteurs, ces glyphes pourraient renvoyer à différentes dynasties. Les représentations sont aussi encadrées par des bandes portant une suite de pieds indiquant le voyage ou le commerce à longue distance (Angulo Villaseîior 2002 : 4 79-181). En dehors de Techinantitla, Headrick (2007: 31-39) a analysé une série de représentations de possibles souverains5 : un aspect bien éloigné de la non« individualisation» des figures de l'art de Teotihuacan (voir aussi Testard 2018). 214 Voir notamment la peinture murale située du Patio Blanco de Atetelco (Carballo 2021 :

69).

La sculpture anthropomorphe devient très fréquente à la phase Xolalpan tardive (450-550 apr. J.-C.). Elle montre alors des traits résolument plus naturalistes que celles des phases précédentes, des dimensions plus étirées, les jambes écartées, la représentation du cou séparé du buste, celle des clavicules, des ongles des mains et des pieds. Des perforations, probablement destinées à insérer des incrustations en coquillages et pierre semi-précieuse contribuaient probablement à r(rndre ces représentations « plus vivantes » (Villalonga Gordaliza 2014: 561-563). Une douzaine de pièces sculptées en pierre verte ou blanche, dont le fameux captif de Xalla constitue également des exceptions au système de représentation dominant: réalistes, elles montrent des volumes et des lignes courbes (L6pez Lu jan et al. 2006 : 179-181 ; 'J'estard 2014 b). Enfin, la culture portable et notamment la céramique témoigne des modifications et adaptations formelles et thématiques à Teotihuacan. Un vase incisé étudié par Langley (1993 cité dans L6pez Austin 2009 : 14-15) semble être la transcription littérale d'un des épisodes du Papal Vuh, représenté sur le vase maya K1226, ainsi que sur plusieurs autres céramiques (Testard 2014 b) à l'image des peintures de !'Ensemble du Soleil (Figure 7). Les figurines anthropomorphes, dont certaines montrent des caractéristiques mayas sont aussi significatives de ce glissement, où l'humain prend une place fondamentale (Figure 6, Figure 8). L'étude des coiffes (turban et en coton) réalisées par Barbour (2000 cité dans Filini 2010) signale des réminiscences d'exemplaires de la région méridionale maya, datées de périodes plus anciennes (Filini 2010 : 143; voir aussi Foncerrada de Molina 1993 : 92). Chacun des glissements examinés a fondamentalement été expliqué, au travers de l'interaction avec la zone orientale ou méridionale. Taube (2003: 313) met en lumière le mécanisme d'appropriation de certaines conventions mayas, en accord avec les intérêts de Teotihuacan. Ainsi, de façon emblématique, la figure du (Smith 2003 c : 181), aussi invoqué dans le rapport entre Tula et Chichen Itza et le style Mixteca-Puebla. Néanmoins, ces dernières années, l'origine proprement mexicaine (Haut plateau central) de cette expression figurative, est devenue peu satisfaisante (Smith 2003 c: 181; Testard 2022). Il émerge à la période postclassique, autour de 900 apr, J.-C., un style pan mésoaméricain au sein duquel des modes figuratifs auparavant relativement bién circonscrits à leur aire culturelle d'affiliation, vont se fusionner. D'un point de vue formel, à Tulum, il ya une saturation des couleurs, comparable à celle des peintures de Teotihuacan (De la Fuente 1995 a : 10), les proportions massives ainsi que les lignes épaisses utilisées dans les peintures murales sont aussi caraétéristiques de Teotihuacan (Boone, Smith 2003 : 187), À Tula, le style des bas-reliefs en pierre intégrés à l'architecture est narratif (KristanGraham 1993 : 16) proche des modes figuratifs orientaux {Tableau 1). À Chichen ltza, l'accent n'est plus mis sur l'individualité des souverains, délaissant les préoccupations figuratives de l'art maya classique (Baudez, Latsanopoulos 2010 : 5-6). Enfin, la sculpture mexica est plus proche du style classique tardif du monde maya que de l'art de Teotihuacan (Pasztory 1994 : 282), notamment parce qu'elle emploie, au moins à partir de 1480, des conventions naturalistes et des proportions corporelles plus étirées (Lopez Lujan et al. 2005 : 34-35, 38). Compte tenu de la proximité formelle entre peintures murales et certains codex connus, il semble bien que ces derniers aient joué un rôle déterminant dans la transmission des styles et des symboles à cette période postclassique (Lacadena 2010 : 393-394). Les auteurs sont divisés quant au pourquoi de l'utilisation du style postclassique international à l'échelle mésoaméricaine. Boone (2003) ou Masson (2003) mettent l'accent sur une stratégie visant à l'affiliation à >

Comme l'ont noté plusiew·s auteurs dans la Scène de la bataille de Cacaxtla (Figures 11-12, partie 2), il existe une nette volonté de suggestion de l'espace physique (Foncerrada de Molina 1993; Robertson 1985). Plusieurs recours sont utilisés : la superposition des figures, mais aussi de leurs ornements et de leurs atours, ce qui contribue à véhiculer l'existence de trois à six plans. Par ailleurs, la superposition de l'espace architectural et l'espace pictural créent des sortes de « trompe-l'œil ». Ainsi par exemple, la figure appuyée contre l'escalier central entretient des ressemblances importantes avec le Monument 2 de Cerro de las Mesas (Veracruz) daté d'entre 600/700 apr. J.C.7. Dans les deux cas (peinture murale de Cacaxtla et moyen relief), le bord du support de la figuration est utilisé comme part intégrante de la conception de la composition: ainsi l'espace représenté et l'espace physique (ici architectural) se superposent. Cette volonté de faire coïncider espace pictural et architectural, caractéristique des programmes stuqués de Palenque (Schele 1976; Greene Robertson 1991; Baudez 1996) est également présente dans te Temple Rouge de Cacaxtla. En effet, dans la deuxième étape du programme, la bande aquatique et le corps du Serpent à plumes courent le long de l'escalier, en suivant les différents niveaux des marches. Le corps du Serpent à plumes, passant au-dessus de la bande aquatique à partir de la première marche, émerge donc littéralement vers la surface (niveau de la Place Nord). Ici aussi, à la manière du personnage appuyé contre le mur de l'extrémité ouest de la Scène de la bataiJle, une sorte de trompe-l'œil est mis en place. L'espace pictural du Temple Rouge (Figures 16-20, deuxième partie), à l'image de celui des peintures de !'Édifice A - panneaux - ou du Temple de Vénus est plus bidimensionnel que celui de la Scène de la bataille. Leur fond rouge uni les rattache préférentiellement aux traditions des peintures murales de Teotihuacan (Lombardo de Ruiz 1995 : 258) mais une certaine Voir Wyllie (2008: 229, 232).

223

volonté de profondeur est apparente dans la zone située derrière le vieillard. En effet, la queue de jaguar de son pagne passe par-dessus étaient probablement renforcés par d'autres dispositifs à Cacaxtla. li faut ainsi imaginer que les différents artefacts pouvaient dialoguer entre eux et construire des espaces visuels vécus et ce, à de multiples échelles. Ainsi, comme dans la stru.cture narrative du Monticule 2 d'EI Zapotal (Veracruz), comprenant des personnages peints et sculptés grandeur nature (Wyllie 2010); il n'est pas impossible que les nombreuses sculptures de corps humains dont subsistent un corps entier, une quantité importante de ft-agments et plusieurs têtes (Figure 36; deuxième partie) (Testa.rd 2019) 8 aient pu être mises en dialogue avec la Scène de la bataille. Les personnages peints et sculptés étaient sans doute associés dans une volonté de performance jouant entre la bi dimensionna.lité des peintures et la ronde-bosse grandeur nature des reliefs et des sculptures en céramique. Ceci peut également être proposé pour des fragments de reliefs en terre crue polychromes, appartenant au remblai du Patio Hu11dido retrouvés à l'ouest de !'Édifice B. Selon Lombardo de Ruiz et al. 1991 a : 22-23) cet ensemble devait se placer originellement au sein d'une structure construite sur la partie supérieure sud de l'édifice et composer un très grand relief avec des coquillages, des épis de maïs, des fleurs, un Serpent à plumes bleu tacheté de rouge et des petites têtes de serpent. L'importance du rendu des lieux de scènes est une caractéristique de l'art maya du Vil• siècle. fi ne s'agit pas de reproduire un espace réaliste, mais le rendu est bien plus explicite [rideaux, coussins, plateformes, banquettes cf. Velasquez Garcia 2019 : 132) que les fonds rouges unis et bidimensionnels, caractéristiques des programmes picturaux de Teotihuacan [Pasztory 1978 b ; 127). Outre plusieurs exemples de vases polychromes mayas (K1377 et K4628), l'intégration de l'architecture dans une composition incluant des représentations anthropomorphes a été attestée dans la peinture du Temple de !'Agriculture à Teotihuacan et sur le panneau 7 de Piedras Negras, daté de 677 api: J.-C.9 • L'incorporation de J'architecture à des compositions à représentations anthropomorphes est donc caractéristique de l'art maya et connu jusque dans les figurations postclassiques de Chichen ltza 10 et les peintures murales Mul Chic. Au moins deux pièces de Xoèhicalco etn'ploient cë recours plastique. Dans la première, un monument sculpté, deux personnages assis l'un en face de l'autre, discutant (comme l'indiquent les volutes de la parole}, sont représentés devant une structure à talud-tablero (Figure 10). Même si la figuration de profil aplatit la perspective, il existe bel et bien un intérêt pour le rendu d'un espace anthropisé. Ce recours formel est également présent sur la peinture de > qui résident dans le process us artistique lui-même. Ce sont les proportions techniques mises au point par les producteurs des images qui seront examinées. Le rapport de 1 : 8 est le canon naturaliste idéal, établi dans l'Occident depuis !'Antiquité par Vitruve dans De Architectura (l•( siècle av. J.-C.) que De Vinci a notamment mis en évidence dans son célèbre dessin l 'Homme de Vitruve. Même s'il n'existe vraisemblablement pas forcément de co'incidence entre proportions objectives et techniques dans le monde mésoaméricain, cer-

227

taines sociétés se sont vraisemblablement davantage approchées des proportions objectives que d'autres. Ainsi, les proportions tête/ corps des systèmes de représentation du Golfe et mayas sont en général empiriquement égales ou supérieures à 1 : 4 depuis le Préclassique (Salazar Lama 2019: 35); tandis que celles liées à Teotihuacan sont inférieures (Tableau 1). I.:étude morphométrique de Villalonga Gordaliza (2014: 403-407, 623) 11, réalisée sur 62 sculptures anthropomorphes provenant de contextes fiables à Teotibuacan rapporte ainsi que leurs proportions oscillent entre 1 : 1, 5 et 1 : 4,2, indépendamment de la chronologie. Au-delà d'un canon de proportion tête / corps, d'autres règles, liées aux systèmes de mesures mésoaméricains, ont été employées pour mettre au point des images12 . Pour autant, souhaitant mettre l'emphase sur la proximité avec la réalité objective des proportions du corps humain, il paraît adéquat d'examiner un rapport tête / corps. Les données obtenues sont fondées sur une mesure empirique du sommet de la tête (sans la coiffe) par rapport au menton et à la hauteur totale du corps. En ce qui concerne les programmes picturaux de Cacaxtla, les rapports sont largement supérieurs à 1: 4 et ils sont compris entre 1: 5,5 à 1 : 7 pour la Scène de la bataille (Robertson 1985; Foncerrada de Molina 1993 : fig. 3 a). Les peintures de !'Édifice A se situent entre 1 : 6 et 1 : 8,6 en fonction des personnages; le vieillard du Temple Rouge montre des propottions très étirées, de 1: 8.6; les personnages du Temple de Vénus atteignent jusqu'à 1: 7.3. Pour ce qui est de la peinture du fond de )'Édifice A (Figure 8, deuxième partie) les proportions peuvent être inférées en fonction de la hauteur préservée jusqu'au bassin 13, le rapport corps / tête peut donc être estimé autour de 1 : 8 pour l'intégralité des personnages. 34 autres figurations, notamment des figurines, des sculptures, des récipients-effigies de Cacaxtla-Xochitécatl, Cholula et Xochicalco montrent également des rapports toujours supérieurs ou égaux à 1 : 4. La sculpture grandeur nature de Cacaxtla dont les membres înférieurs sont manquants (Figure 35 a, deuxième partie) (Testa rd 2013; 2019) répond déjà à un rapport 1: 6, ce qui peut laisser augurer d'un rapport 1 : 8 pour la totalité de la représentation. Parmi la quantité de sculptures en céramique grandeur nature de Cacaxtla14, deux fragments de phaJanges anthropomorphes en terre cuite polychromée correspondent à des dimensions grandeur nature, si ce n'est plus allongées. Les « Onze seigneurs de Cacaxtla » sont des sculptures anthropomorphes ~lli formaient probablement un vaste ensemble iconographique (otl .scène) fi-

228

11 Il s'agit de la prise de mesu·res détaillées, à certains points choisis des représentations (Villalonga Gordaliza 2011 a; 2011 b). ,: Selon Dehouve (2011 : 44, 97-99), il existait chez les Nahuas, à la période de contact avec les Espagnols, 17 unités de longueur fondées sur des parties du corps humain (épaule, ongle, paume, bras etc.), ainsi que sur les attitudes découlant de certaines postures de trava il (aisselle, sabre à tisser, flèche) ou de .la pratique de l'agriculture (rafle de maïs). Celles-ci ont servi à la, production des images des dieux durant cette période (Dehouve 2014) et il est très vraisemblable que de telles règles aient aussi été employées à des époques antérieures. Ainsi, chez les Mayas, les proportions utilisées pour les bâtiments semblent aussi être fondées sur les parties du corps humain (paume, pied) (Velâsquez Garda 2009 : 268, 289). ,, D'un point de vue théorique. le bas du corps .doit révéler un rapport 1 : 4 pour répondre aû canon 1 : 8, les estimations sont supérieures à un rapport 1 : 4. " Une grande quantité de sculptures en céramique est conservée dans les réserves du site de Cacaxtla. Consultation de l'a uteure auprès de Gômez Garda, directrice de la zona archéologique (2022).

gurant un rituel et faisant participer des représentations de divinités (Figure 12 j-k), ainsi que des membres de l'élite portant des atours caractéristiques, guerriers et sacrés (Figure 12 a-i) (Martinez Lara 2013). Leur rapport de proportion s'échelonne entre 1: 4 et 1 : 6. Rivas Castro et Michetti Mica (2006: 455) signalent pour leur part que ces proportions entretiennent des similarités avec les canons des urnes-effigies de Monte Alban de la période llla (400 à 680 apr. J.-C. cf. Beyer 1996). À Xochicalco, 23 pieds humains en céramique grandeur nature on tété découverts au pied de !'Acropole (Del Villar 1993 : 77). Ils appartiennent à au moins 12 individus (deux pieds par individu) similaires aux deux exemplaires de sculpture de ce type entièrement restauré (Figure 13). D'autres sculptures anthropomorphes stuquées et polychromées (grandeur nature?) ont été décrites pour la partie nord du site vers Tetlama (Melgar Tisoc, Fonseca Ibarra 2003).

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{courcoisie de Venancio Tri/ln).

229

Figure 13 ~ Sc11/pwre 011throponwrphC' gmndeur natu l'e pmvrnunt du Sect-et11· B dt1 Xodiicalco, Salle épiclasslqu~•, MNA (tlcssin de Nicolas Latsanopoulos d'après Garw

taraiuna 20 I o: 20), En ce qui concerne un récipient-effigie fragmentaire de Xochicalco, l'estimation est fondée sur les espaces ménagés dans la reconstruction des parois et témoigne d'un rapport probable de 1: 4,75. Des fragments de sculptures de bras en pierre provenant du même site15 présentent également des canons naturalistes. En effet, la longueur des poings fermés est reproduüe quatre fois (au moins) sur la longueur du bras (distance entre le poignet et l'épaule), ce qui est proche des proportions anatomiques,

Figure 14: 6fflgie de guerrier correspondant à u11 récipient retrouvé à Xochicalco dans la Chambre des Offrandes. Salle épiclmsique, MNA.

230

Pour la Pyramide du Serpent à plumes, les proportions utilisées semblent être très distinctes entre les talus et les reliefs du temple (1 : 6) et les tableras (1: 4) (Figures 23-27, deuxième partie). Néanmoins, elles sont toujours supérieures ou égales à 1 : 4. Trois figurines de Xochitécatl montrent des proportions allongées, probablement équivalentes à 1 : 8; le rapport buste/ membres inférieurs étant de 1 : 1,3. Ces trois exemplaires, assez singuliers quant à leurs modes figuratifs 15

N° 10-570665 et 10-570672 (Musée de site de Xochicalco).

sont peut-être plus tardifs, datant du Postclassique ancien; en effet le reste des figurines épiclassiques révèle d'autres tendances (Figure 15).

Figure 15: Truis f~gur /111:s Jérm11i11es de Xoclritécall aux prnp11rlio11s trèsétirêes. A: n° 10-547011; b: 10-546531; c: 10-546434. CATED de la UNAM (p/JntnI,JrD(lhie dl' l'm1tl'u1·e, courtoi.~ie du Proyecw Xochitécat/ INAH-UNAM).

Un des types les plus fréquents parmi les figurines de Xochitécatl est le type A3 (Testard, Serra Puche 2011; 2020) (Figure 16}. li s'agit d'un grand nombre d'exemplaires dont la tête est réalisée au moule, le reste du corps étant modelé 16 • Ces figurines sont particulièrement ressemblantes, si ce n'est au regard des différents types de quechquemetl et de motifs peints sur les jupes et les ceintures (Figure 17) (Testard s. d.).

Fi911re 16 Fis}urinc de type A3 dl' Xochitécntl, 11" 10-546020. Salle épiclossique, MN/l (photugl\1ph1e de /'auteur1:, courtofsie du Proyecco Xochitécatl, INAH-UNAM).

Les figurines de type A3 montrent deux groupes de canons distincts, un premier avec des rapports compris entre 1 : 3,25 et 1 : 3.8 et un deuxième groupe avec des rapports compris entre 1 : 4 et à 1 : 4,3. Comment expliquer cette variation de canon de proportions au sein d'un même type de figurines? Pour la sculpture en pierre de Teotihuacan, Buxeda I Garrigos et Villalonga Gordaliza (2011 : 18) ont suggéré que ces différences pouvaient témoigner de différents ateliers. Dans le cas des figurines de Xochitécatl etau regard de leur technique de réalisation mixte moulée / modelée, il est possible de proposer qu'au moins deux artisans les aient réalisés : au moins deux individus utili231 Ces figurines à technique mixte sont connues à Jaïna ou Palenque au Classique tardif (Marcus 2019), ainsi qu'au s ein du type 2 des figurines souriantes du sud du Veracruz (Reyes Parroquîn 2014: 136). 16

sant deux types de canons pour modeler le corps, et au moins un autre (ou un des deux premiers) réalisant la tête au moule. Marcus (2019) signale en effet dans d'autres conteJ....-tes, que les différentes parties corporelles des figurines moulées aient pu être réalisées par différents artisans. Cela ne serait donc pas aberrant dans le contexte de la production mixte de Xochitécatl.

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Proportions relatives li s'agit maintenant d'examiner les proportions et les dimensions en relation ( et en opposition) avec d'autres îmages anthropomorphes au sein d'une composition ou scène. Tandis que les proportions absolues rendent une image plus ou moins naturaliste, les proportions relatives véhiculent du sens quant à la relation des personnages et leur hiérarchisation. Sur le récipient-effigie de Cacaxtla (Figure 37 a, deuxième partie), les proportions du personnage central et des personnages latéraux sont légèrement distinctes (1: 5 vs 1 : 4,6), mais les personnages latéraux sont aussi de plus petite taille, ce qui produit, comme mentionné plus haut, une composition pyramidale, qui met l'accent sur la figure centrale. Sur les reliefs de la Pyramide du Serpent à plumes (Figures 23-27, deuxième partie), différents procédés sont utilisés pour hiérarchiser les figures. Les personnages du talus sont beaucoup plus imposants que ceux des tableros et des reliefs du temple : ces distlnctîons, tributaires de l'espace architectural, sont aussi signifiantes car elles expriment une hiérarchisation entre les représentations anthropomorphes des différents niveaux. Ce procédé de distinction de dimensions a été souligné par Kubler (1965) notamment quant à la plus petite taille des personnages soumis et se situant à un niveau hiérarchique plus bas dans le système figuratif maya (voir par exemple stèle 2 de Bonampak17) (cf. Sanchez 2005: 265). Pour des périodes plus récentes et à Oaxaca, Troike (1982 : 200) a décrit des modes similaires dans les codex mixtèques: des dimensions plus petites sont utilisées pour les captifs. 232 17

Miller (1986: fig. 20).

Corporolités et mimesis: exprimer la diversité

Dans la conception nahuatl, le corps constitue un ensemble cohérent regroupant les différents membres et les différents organes. Chacun d'entre eux est le siège d'entités animiques liés au cosmos (L6pez Austin 1980).

Diagramme corporel et entités animiques Une quantité importante des pièces du corpus montre un souci de figuration des détails anatomiques (Testard 2013). Ces procédés formels, qui mettent l'accent sur le caractère anatomique, sont visibles sur dffférents types d'artefacts : figurines de différentes dimensions, applications, têtes en céramique grandeur nature, sculptures, récipients-effigies et masques, en céramique ou en pierre. 54 objets en céramique (figurines, applications, sculptures, récipients-effigies) et en pierre (sculptures, masque) provenant de Cacaxtla-Xochitécatl et Xochicalco montrent un détail apporté à la figuration des gencives et des dents. Une autre partie d'entre elles figure de façon explicite les cavités nasales: c'est par exemple le cas des têtes grandeur nature de Cacaxtla (Figures 35 b, c, d, e, deuxième partie), d'une sculpture en pierre volcanique provenant de Xochicalco (Figure 18) et d'une tête de figurine de Xocpitécatl (Figure 19). Ce même procédé est employé sur certaines têtes en stuc provenant de Palenque 18• Les détails des paupières et des globes oculaires sont également représentés sur une portion importante de pièces de Cacaxtla-Xochitécatl (n = 18) en particulier les têtes en céramique (Figures 35, deuxième partie), les « Onze seigneurs de Cacaxtla » (Figure 12), une vingtaine de figurines et de fragments (Figure 19; Figure 20). Ces détails sont aussi présents sur des objets de Xochicalco (n = 4), notamment des récipients-effigies et des fragments de ces récipients (Figure 21).

fo'lyure 18: Sculpltire prnwmcmt de /'Êdifice 87 de Xochlculco. Musée de site de Xochicafco.

233 ,.,

Schmidt et al. ( 1998 : cat. 469).

Fi9ure l 9: Tète de sculf1ture provenant de la Pyramide cle Fleurs de Xochitécall. Musée de site de Xochitécatl (photographie de /'aut:eure, cnurtoisie du Proyecto Xochitécall lNAN-UNAM].

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F,gure.20: 1ëtes de fin urines de XochitécaU provenant de la Pyramide des Fleurs (b-c) el de la Plateforme aux Volcans [a) de Xochitécall. Musée de site de Xochitécatl (photographies de l'auteure, courtoisie du Proy@cto Xochitécat/ INAH-UNAM).

a

b

Figure 21 : Applicatio11s de récipients-effigies provenant de Xochicalco (a) lomn Sud, structure 2; (b) {,oma Sud, terrasse 1 est. Musée de site de Xoch1calco (a. clessin tle Susana Lamberti).

234

Parmi certaines pièces du corpus, il existe une convention quj a très vraisemblablement ses origines dans la statuaire olmèque de la période préclassique et une postérité en zone maya, à la période classique. Celle-ci figure les yeux en virgule vers le haut et est visible sur une grande partie de la statuaire maya notamment en stuc, de Palenque par exemple 19 ; elle L'est également sur les vases polychromes de la période classique tardive et appartient aux canons en rigueur, même sur des figuratjons sommaires, comme le signale une brique incisée de Comalcalco (Tabasco) exposée au Musée de site. Cette convention apparaît sur les guerriers oiseaux de la Scène de la bataille de Cacaxtla, à Xochitécatl (Figure 19; Figure 22) mais également sur la sculpture '"

N° 10-0223526 (MNA, salle maya).

(Figure 18) et sur une tête à coiffe en céramique retrouvée dans la structure K2 20 de Xochicalco. Le détail apporté à la représentation des ongles est aussi remarquable. Il est visible sur les fragments de phalanges de Cacaxtla dont il a été question plus haut, ainsi que sur les mains des personnages du panneau et du jambage sud de !'Édifice A et sur les « Onze seigneurs de Cacaxtla >>. Les figures assises dans les ondulations des Serpents à plumes du talus de la Pyramide de Xochicalco, présentent également ce même procédé figuratif. Celui-ci a été décrit dans les peintures murales de Bonampak (chambre 2), ainsi que sur les linteaux de Yaxchilan (24, 25 et 26) par De la Fuente (2004 : 40).

P'igure 22: Tête de fiyurine provenant de l'offiw1de 2 de la I~yramlde des fleurs r.:ourtolsie tlu 11nJyecto

1Je Xnchitêcall. CATED UNAM (photo91up/ue de l'autl!w'e, Xochitécatl INAH-UNAM).

Enfin, les côtes saillantes représentées sur le buste couché provenant de Xochicalco répondent au même souci figuratif (Figure 23). Ce détail anatomique peut être mis en regard avec celui d'une figuration d'un personrn1ge assis, les mains sur les genoux, décapité, provenant de los ldolos Misantla, (Veracruz) daté d'entre 200 et 900 apr. ).-CA

Figure 23: Buste pdsentant des côtes sni/lontes t't LJM ouvert'urt' du thnrax prov('nant cle Xochlcalco. Musee n:g1ona/ Cuauh11ahuac.

L6pez Austin (1980) a étudié les différentes conceptions attachées aux parties du corps humain chez les Me.xicas. Dans une vision diachronique, il semble probable que chacune des parties figurées sur les représentations dont il a été question dans cette section était potentiellement rattachée à des centres animiques spécifiques. Il est possible que leur représentation détaillée contribue significativement à les activer, dans certaines pratiques rituelles visant à rendre vivantes ces images (Testard 2014; 2019). Villa.longa •• "

Cf. Gonzalez. Crespo et al. (2008 b). REG 49 Pl 10916 / inv. INAH n°10-211122 (MAX) cf. Wilkerson (1981 : 192-193).

235

Gordaliza (2014 : 623) a souligné qu'a:u sein de la sculpture anthropomorphe de Teotihuacan, la variété des ornements se concentre sur la coiffe, les ornements de nez et d'oreille. Faugère (2014 : 22, 28) a quant à elle suggéré que le soin apporté à la représentation du visage dans les figurines préclassiques Chupicuaro a it eu pour objectif de souligner l'importance de ce centre animique, mais plus précisément celui attaché aux yeux, à la bouche e t au nez. Vauzelle (2014; 80-82) arrive sensiblement à la même conclusion dans son étude des ornements des dieux mexicas (voir aussi Velazquez Garda, Tiesler 2019 : 88 au sein des sociétés mayas). Dans les cas ici présentés, les détails de la figuration des yeux, du nez et de la bouche auraient ainsi pu permettre la circulation (animation/ dés-animation) des énergies vitales de ces figurations. Ces aspects seront discutés plus en avant. Le passage du temps

La représentation des différents âges de la vie, explicités par des marqueurs biologiques et anatomiques, est une autre caractéristique de certaines pièces du corpus qui les rapprochent de modes figuratifs orientaux. La représentation de deux âges, la jeunesse et la vieillesse est ici illustrée. Chacune de ces deux étapes de la vie est connue dans certaines représentations des Hauts plateaux avant l'Épiclassique maîs elles revêtent ici un aspect formel très distinct. Une première catégorie de figurations correspond à des figurations relativement canoniques. li existe parmi les figurines de Xochitécatl, une proportion importante de petits individus rigides qui peuvent être placés à l'intérieur des figurines « amphitryones ». Cette tradition de figurines « hôtes >> existe à Teotihuacan et est très fréquente à la phase Metepec (à partir de 550 apr. J.-C.) (Villalonga Gordaliza 2020; Villalonga Gordahza, Moragas Segura 2022). Le jeune âge des individus est indiqué par leur taille réduite et une rigidité caractéristique de l'emmaillotage : les autres détails sont peu nombreux et il s'agit, en somme, d'individus adultes miniatures, sans caractéristiques anatomiques propres à leur âge biologique.

Ff911rc 24 . Pi911rlne r1.1pdr 1nfo11tile provenant de l'o)f nrndt• 3 clc• ln Pyramide cfr.s Plcun

de âe Xochltfwtl. CA'fr::D UNAM (courto,ste JtJ f>ro_veLto Xot:h1tJcatl INAII-UNAM).

236

Néanmoins, une autre tendance, beaucoup plus naturaliste fait son apparition. Ainsi, deux pièces en céramique provenant de Cacaxtla (Figure 35 d, première partie) et Xochicalco montrent une volonté de communiquer un âge jeune, probablement adolescent. Cet âge est exprimé par des joues pleines et un visage rond, tant sur la tête grandeur nature de Cacaxtla (voir aussi

Palavicini Beltran, Reyes Zepeda 2005 : 73), que sur la petite tête réalisée au moule de Xochicalco. La tête de Cacaxtla, qui mesure 11, 5 cm de hautem~ est par ailleurs plus réduite que celles trouvées dans le même contexte, s'échelonnant entre 15 cm et 21 cm et jusqu'à 25 cm pour celle qui porte une grande coiffe.

F1y11r-e 25: Tïtt.e oc {F9t1nne e, moule provennnr de Xnch1catcv. Must>i· dt sîte de Xocli1m/co,

L'existence de représentations infantiles est caractéristique de l'art oltnèque de Las Bocas (Puebla) et Taube (2003 : 288) l'a également souligné dans l'iconographie maya (Figure 3). Les représentations en terre figurant des personnages jeunes sont aussi caractéristiques d'EI Zapotal2 2• Cette thématique sera ensuite largement reprise dans la statuaire huaxtèque du Postclassique ancien. Il s'agit notamment d'individus nus, qui entretiennent des relations contextuelles et symboliques avec des phallus monumentaux (De la Fuente 2004: 34-36). La représentation canonique de la vieillesse est, quant à elle, caractéristique du Vieux Dieu du Feu, une entité connue en Mésoamérique au moins dès 600 av. J.-C. (Carballo 2007 : 55). Le caractère surnaturel de la divinité est indiqué par la présence du brasero, qu'il porte sur la tête ou derrière le dos, ainsi que par une série de motifs distinctifs (barrettes verticales et motifs rhomboïdaux). Deux rides sont visibles de part et d'autre d'une bouche édentée (montrant en général uniquement deux dents), quelques-unes sont également visibles au-dessus de l'arcade sourcilière. Le personnage est assis en tailleur, les bras sont posés sur les genoux, le dos est exagérément courbé. C'est précisément la présence conjointe de ces différents éléments (ou au moins la présence des signes distinctifs de l'âge, de la coiffe et des motifs) qui permettent d'identifier cer taines représentations non «canoniques» comme figurations de Vieux Dieu (Billard 2013). Un Vieux Dieu du Feu a été retrouvé à Nativitas (Serra Puche et al. 2012 ; 49) et au moins deux versions proches de modèles Teotihuacan ont été attestées à Xochicalco par Nagao (2014: 130-133). À Cantona, la présence d'un Vieux Dieu a été attestée sur la Place de la Fertilisation de la Terre (Garda Cook, Vackimes Serret 1996 b). Face à ces représentations conventionnelles, un nouveau mode naniraliste illustrant des âges t rès avancés fait son apparition dans le corpus. Sur un certain nombre d'objets, hormis les signes distinctifs de l'âge, aucune des caractéristiques distinctives du Vieux Die u, ni la posture, ni le brasero, ni les motifs rattachés à la coiffe ne sont figurés. Il s'agit en particulier d'une des têtes "

R6G 40 Pl 141 [MAX).

237

de Cacaxtla (Figure 3Sf, deuxième partie) (voir aussi Palavicini Beltran, Reyes Zepeda, 2005 : 73) ; de la peinture du vieillard du Temple Rouge de Cacaxtla et de plusieurs figurines féminines de Xochitécatl (Figure 26). Les mêmes caractéristiques sont présentes sur deux têtes de figurines moulées de Xochicalco (Figure 27)23, sur une femme figurée sur un des récipients-effigies du même site (Figure 28) et enfin, sur une sculpture en céramique stuquée (Figure 29). Toutes ces représentations mettent l'accent sur une grande quantité de rides, présentes sur la totalité du visage, contrairement aux rides conventionnelles du Vieux Dieu, localisées autour de la bouche et au-dessus de l'arcade sourcilière.

Figure 26 · r'1gutt11t! de vieille femme prova11011r dt! l'ojfromfe 3 dt! la Pyramide des

Fleurs de de Xrnhit.:cLJLI. Mu.sée Je ~,te de Xochit.:cLJtl ( phot09ropl1ie de /'atlliJw t:', courtoisie du f'royecto X.ochitécat/ INAH-UNAM).

~

.i: longue aux motifs complexes !'/lier de /'Édifice B de Cacw:tla.

Figure 37: Motif Je li911es verticales ec horizontales sur un tessrm de Cacuxt/a et /a partie latérale de la stèle 1 de Xochicalco. Salle êpicfassique, MNA; céramothèque !NAH Tloxmla.

Hormis ces représentations monumentales, une figurine de Xochitécatl (Figure 15a) porte une jupe élaborée (réalisé au pastillage et à l'incision), reflétant probablement l'utilisation de la broderie. Sur le bord inférieur, figure une bande de motifs échelonnés. évoquant peut-être des grecques ou xica/coliuqui (Testard, Serra Puche 2011 : 243-244), caractéristique des jupes des figurines souriantes de la Côte du Golfe (Huckert 2006) quj seront discutées plus en avant. Par ailleurs, parmi les figurines de Xochitécatl, au moins trois types de quechquemitl ont été attestés (triangulaire, quadrangulaire et rond) (Figure 17) (Testard 2010 ; Testard, Serra Puche 2011: 218-219; 2020). Or, chacune de ces formes implique une technique de tissage distincte, comme le tissage en courbe, utilisée pour la réalisation de quechquemetl arrondis chez les populations otomfs (Serra Puche, Durand 1998). En zone maya, les représentations de textiles semblent constituer l'expression consciente, mais subtile, du statut des femmes productrices de ces biens de prestige (Kowalski, Miller 2006: 153; McCafferty, Mc Cafferty 2019). Cette thématique sera abordée de façon plus détaillée dans la section dédiée au nouveau statut du genre féminin.

247

le:, 11eaux, les phimes et le!> cu4uillù9e~

L'étude de Guerrero Martînez (2013) dans la peinture murale de Cacaxtla a permis de mettre en relief, grâce au naturalisme des représentations de peaux de félin, une utilisation hiérarchisée entre tigri/fo et ocelote dans la Scène de la bataille, face aux peaux de jaguar dans les peintures des panneaux de !'Édifice A. Cette identification taxonomique témoigne de la figuration réaliste très poussée permettant de représenter les différents types de peaux, ainsi que des parties de l'animal employées dans la manufacture des différents ato\Jrs. L'analyse biologique et iconographique de Alvarado Le6n et Corona (2020) à Xochicalco les a conduits à proposer l'existence de possibles lieux de captivités de félins ce qui aurait permis un approvisionnement facilité en peaux. Cette pratique est en cohérence avec la présence masstve d'os d'extrémités [Alvarado Le6n, Corona 2018 : 100), ce qui peut aussi laisser supposer que les peau," étaient préparées en conservant les pattes et les griffes, comme cela est visible dans la Scène de la bataille de Cacaxtla (Alvarado Lean, Corona, corn. pers. 2022). Pour ce qui est des plumes, J'analyse des boucliers de la scène de la bataille par Moreno Guzman (2013) fournit également des éléments intéressants. Étant donné leur importance symbolique dans la peinture murale du site, un élément crucial est avancé par Nagao (2014: 98). L'auteure propose que la Conejera, une structure du Gran Basamento comportant des petites cellules, ait pu être utilisée comme lieu où des oiseaux à plumes précieuses étaient élevés, comme cela a été attesté à Paquimé (Chihuahua). Les périodes plus récentes apportentctes informations sur les différents statuts hiérarchiques des plumes. Chez les Mexicas, il en existait ainsi deux catégories distinctes : les tlazolhihhuitl « plumes rares » ou exotiques, importées de régions lointaines et les macehualihhuitl « plumes des gens du peuple}> provenant d'espèces locales, comme le dindon, le héron (dont des représentations existent dans le corpus) et d'autres espèces lacustres (Latsanopoulos 2011 b : 90). Enfin, la figuration d'olivas sp. (fréquents dans le corpus malacologique de Cacaxtla-Xochitécatl), sur plusieurs costumes de personnages en peinture murale, sur les récipients-effigies de Cacaxtla au niveau de la ceinture (cf. Delgadillo Torres 2006 b : 468) (Figure 38, deuxième partie), ainsi que sur plusieurs des « Onze seigneurs de Cacaxtla « (Figure 12) révèlent leur importance symbolique et idéologique. À Cacaxtla-Xochitécatl et à Xochicalco, la perforation sur le dernier tour de spire des olivas sp. confirme leur utilisation comme parures ou comme atour sur les vêtements (cf. deuxjème partie). Par ailleurs, des sculptures de coquillages monumentaux ont été retrouvées à Xocbicalco, représentant des Turbine/la angulata (provenant de la province caribéenne). Elles servaient probablement à parer certaines structures architecturales du centre civico-cérémoniel. La symbolique spécifique de la figuration des coquillages sera discutée plus en avant, à la fin de cette partie. Les biioux et les ornements 248

Grâce au réalisme des représentations, plusieurs types de petjts artefacts et certaines de leurs techniques de réalisation peuvent être inférés. Ainsi, les ornements tubulaires qui apparaissent de nombreuses fois dans les peintures de Cacaxtla, tant sur les vêtements que comme ornements de nez, ou encore

sur les jambières, les bracelets ou les colliers étaient sans doute composés de perles tubulaires de pierre verte et petites perles circulaires de coquillages, enfilées aux extrémités. Ce même type d'ornement apparaît par ailleurs sur un fragment de récipient de Cholula, de type Tepontla imprimé (Figure 38) ainsi que sur les représentations des talus et des tableras de la Pyramide du Serpent à plumes à Xochicalco : notamment les bracelets composés de deux rangées de perles tubulaires (Figures 24-28, deuxième partie) (Testa rd et al. s.d.),

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Pig11rc 38 · Fra_qmc11r de céramrqae mvntm11t 11n double nrncmt'r1t rie· ncr comµos/5 de perles wbu/(lfrcs cc petites perles de coq111//agr1. ·rype 1'epomlo ,mpt•Jmé, Cho/ula. Cémmothêque de Cholulo

Dans le cas où ces ornements de nez semblent être moins rigides, il est possible qu'ils aient été composés de deux perles tubulaires enfilées sur un fil au

travers de la cloison nasale. Ce genre d'ornement semble apparaître conjointement dans la zone maya et sur les sites de l'étude entre 700 et 850 apr. J.-C. (Testard 2007; Kettunen 2006: 135, 189,205; Halperin, Martin 2020: 827-829) et il ensuite bien connu chez les Mexicas (Thouvenot 1982 : 209). Il existe également des ornements nasaux, rigides (barres ou demi-lunes) attestées dans la Scène de la bataille de Cacaxtla (personnages 9W, 10E), en plus de plusieurs types d'ornements d'oreilles (Testard et al. s.d,). Un type de collier composé d'un lien et d'une barre rigide porté par les personnages 7W et 1 W de la Scène de la bataille de Cacaxtla est également porté par le personnage de la sculpture de guerrier en pierre de Xochicako, même sï le lien n'est pas visible (Figure 39). li s'agit probablement d'un ornement spécifique qui signale le statut et la fonction particulière de ceux qui la portent. De grands pectoraux composés de petites plaques (ou perles oblongues et plates), probablement en pierre verte au vu des vestiges de polychromie bleu vert qui subsistent, sont également figurés, tant dans la sculpture en céramique de Cacaxtla (Figure 36a, deuxième partie), que s ur les reliefs de la Pyramide du Serpent à Plumes à Xochicalco. Sur cet édifice, ce type de panu-e apparaît sur le premier personnage du talus sud-ouest, ainsi que sur celui du talus sud, puis à au moins quatre autres reprises sur les reliefs du temple (Figtu-e 28 b, d, 1, n, r, partie 2). Ces pectoraux sont connus dans l'iconographie de la zone maya: sur les-figurines de Jaina 38 , ainsi que sur plusieurs monuments de 249

'"

Voir les exemples n• 10-078186 (MNA) et Schele et Miller (1986: pl. 79).

Yaxchilân (linteaux 53 et 58), sur un buste stuqué de Comalcalco39, ainsi que sur une sculpture décapitée de Tonina (monument 134). Les pectoraux de mosaïque sont ensuite bien attestés à la période mexica (Thouvenot 1982 : 195-196 ; voir aussi Vauzelle 2014 : 50). Dans les corpus archéologiques des sites de l'étude, les petites plaques en pierre verte sont connues à Cantona (Garda Cook et al. 2005 : 4 7) ; des plaques lisses, circulaires perforées ont été retrouvées dans le Gran Basamento de Cacaxtla10, en assez grande quantité dans la Pyramide des Fleurs de Xochitécatl (Serra Puche, Blanco 1996 a: 22), ainsi qu'à Xochicalco (dépôt 2 de la Pyramide du Serpent à plumes) (Garza G6mez, Gonzalez Crespo 2008 : 3). Tout ceci laisse supposer que ces parures aient pu être portées par les individus de haut rang des sites de l'étude.

Pit111n• 39 ·Sculpture .Je ,guerrier de Xncl1icv/C1J ,,ortant 11n /Jcndenti'fô bmn . Mt1sét' de site de Xochicolco {dessin de Susana lamberti},

Rosettes, miroirs frontaux et pectoraux

Le port d'une coiffe caractéristique à bande et disque frontal par les guerriers jaguars de la Scène de la bataille de Cacaxtla a fait débat (voir Foncerrada de Molina 1993 : 38 vs Nicholson 1967 : 90). Dans des travaux antérieurs sur les peintures de Cacaxtla, mais aussi sur les figurines de Xochitécat] 4 1 (Testa rd 2007 ; 2010; Testard, Serra Puche 2011),. ces disques frontaux avaient été "

250

Musée de site de Comalcalco. Voir au moins deux exemplaires exposés au Musée de site de Cacaxtla. ·11 Cinq types de coiffes des figurines de Xochitécatl comportent des disques frontaux (Testard, Serra Puche 2011 : 226-227). •

0

inte:rprétës comme des rosettes (en tissu ou en papier), dont les représentations à la période postclassique sont bien connues (Klein 1984 : 40-42). Elles sont en effet portées par les spécialistes religieux liés au culte de Tlaloc, par le Cihuacoatl et probablement par les sacrificateurs (Peperstraete, corn. pers. 2018). li pourrait aussi s'agir de boucliers miniatures polychromes (cf. Vauzelle 2014 : 20), néanmoins, une autre hypothèse peut également être avancée. A la lumière de ce qui est connu sur les miroirs de pyrite, d'ardoise, d'obsidienne ou de minerai de fer en Mésoamérique, de leurs différents usages et contextes à Teotihuacan, notamment portés sur les habits des guerriers divinisés ou « ancestralisés » (Garcia des Lauriers 2000 ; 63-64, 82 etsq.), en zone maya (Pereira, Latsanopoulos s.d.; Taube 2016) et en Occident (Solar et al. 2011; Forest et al. 2020: 442), les disques précédemment décrits pourraient aussi constituer des miroirs, comme l'a aussi proposé Uriarte (1999: 79-80). Dans la peinture de Cacax'tla et au sein des figurines de Xochitécatl. ils apparaîtraient comme ornement frontal, au niveau de la coiffe: contrairement à ce qui est visible sur le personnage figuré sur le tesson de Cholula, qui le porte lui, en pectoral (Figure 38). En résonnance avec que proposent Pereira et Latsanopoulos (s. d.), il sembleratt bien que les exemplaires dépeints dans la Scène de la bataille de Cacaxtla se rattachent à l'usage maya, c'est-à-dire comme marqueur de statut. Leur étude met en effet en lumière un« détournement>> figuratif parlant. Le port de miroi1~ préférentiellement connecté aux ancêtres divinisés à Teotihuacan aurait été déplacé sur la personnalité du souverain dans le monde maya. Si l'hypothèse des miroirs frontaux dans les contextes de cette étude est confirmée, il s'agirait ici aussi, d'un autre exemple d'alliance figurative avec les systèmes orientaux. Les miroirs frontaux, objets réfléchissants et lumineux semblent avoir été utilisés, au sein de rituels de divination ainsî que comme emblèmes de légitimation, notamment parce que, comme instruments de vision, ils répliquent les yeux ou l'esprit humain, qui capttrrent et retranscrivent une réalité (Taube 2016: 294-297; 309). En somme, le recours à la description réaliste et détaillée des différents matériaux qui parent la figure anthropomorphe sur les pièces du corpus participe d'une stratégie transmettant une hiérarchie et un statut social élevé, Comme le démontre Vidal (2006 : 139) à propos des textiles dans le monde maya, ceux-ci possèdent à la fois une valeur fonctionnelle (vêtements et ornementation) mais également économique. Leur variété, mais aussi celle des matériaux avec lèsquels ils soht tnahufactuï•és, signale l'accès à une gamme large de ressources plus ou moins précieuses et traduit également les techniques utilisées. Les pers01mages figurés du corpus portent donc sur eux les nombreux signes de leur appartenance sociale grâce à la matérialisation d'objets précieux et des techniques qui ont contribue à leur élaboration. Ils démontrent ainsi leur capacité à entretenir des réseam,:: économiques très variés et à mobiliser le savoir-faire d'artisans talentueux.

,, Nature vivante ,i : animaux et végétaux La représentation de la faune et de la flore est bien connue dans l'icono~ graphie mésoaméricaine depuis le Préclassique. Au 'Classique, à Teotihuacan, ces figurations sont omniprésentes. Il ne s'agit donc pas d'un thème spécifique à la période mais la manière de représenter animaux et végétaux expé-

251

rimente à la période él)iclassique un glissement. À 1'eotihuacan, différentes espèces animales ont pu être distinguées grâce à certains attributs isolés qui désignent des catégories taxonomiques larges. Néanmoins, il ne s'agit pas d'un réalisme anatomique ou biologique, mais plutôt de signes conventionnels. En revanche, les différents exemples illustrés montrent un certain souci de naturalisme, contribuant à « rendre vivantes » ces représentations du monde animal et végétal. Le!ifê!ins et les can idés: les prédateurs

Dans les Amériques anciennes et plus particulièrement en Mésoamérique, plusieurs caractéristiques ont été associées aux félins : les notions d'agressivité, de force (corrélées à la sphère guerrière), ainsi que celle liée au prestige (Latsanopoulos, Goepfert 2017). L'iconographie du félin est connue depuis la période préclassique et occupe déjà une place centrale dans la cosmologie olmèque. Les jaguars constituent pour les Aztèques des symboles de force guerrière et sont associés à plusieurs de leurs divinités majeures, telles que Tezcatlipoca ou Tepeyolotl (Seler etal. 1996: 176). Félins et canidés incarnent des alliés guerriers dans les cosmogonies (Selereta/. 1996: 193); en tant que tels, ils ont fréquemment été confondus dans l'iconographie. Pourtant, certaines caractéristiques morphologiques permettent de distinguer les félins Qaguar, puma, lynx) grâce à la représentation ronde de leur oreille et de leur crâne, les rosettes sur la peau du jaguar; des canidés (loup gris mexicain et coyote) grâce à leurs museaux plus allongés et à leurs oreilles triangulaires ou ovales (Seler et al. 1996 : 176, 193 ; Paulinyi 2001 : 5-6; Guerrero Martfnez 2013; LatsanopouJos 2011 b: 79). Se concentrant s ur le naturalisme de leur représentation, les félins et canidés seront de nouveau approchés dans la partie consacrée aux ordres guerriers. Les différents types de marques sur la peau des félins, lél longueur de la queue et l'anatomie particulière des pattes, des griffes et des coussinets ont permis à Guerrero Martfnez (2013) de suggérer l'emploi d'au moins trois espèces de félins dans la confection des vêtements des personnages des peintures murales de Cacaxtla, Par ailleurs, l'auteur (2013 : 498) a également démontré que le personnage du panneau nord de !'Édifice A possédait une coiffe de canin et non de félin, contrairement à ce qui avait été dit depuis le début des recherches. Ce costume fusionne ai11si deux espèces, puisque !a peau montre aussi des tâches en rosette, caractéristiques du jaguar. À Xochicalco, Alvarado Le6n et Corona (2020) ont mis en évidence la présence de trois espèces de félins : lynx, jaguar et pumas, les derniers étant les plus abondants, notamment au sein de !'Acropole (77 % des félins). Les jaguars sont représentés sur plusieurs supports et selon plusieurs modalités : tant en sculpture en pierre: des têtes seules ayant la gueule grande ouverte·12 ou des jaguars assis décharnés 43; qu'en sculpture en céramique grandeur nature polychrome44• Entretenant des ressemblances très ténues avec celles N° 10-570505 et 10-570504 (Musée de site de Xochicalco). Alvarado Leôn et Corona f2020 : 101 et sq.) ont identifié trois espèces au sei11 des 100 représentations de félins dans les reliefs de la 1< rampe aux animaux » composee de près de 270 dalles gravées (proche du terrain de jeu de bafle est). li semble bien que près de 490 dalles de ce type aie11t été retrouvées à Xochicalco (voir aussi Testard 2014 : 360, 362-363). Les mêmes auteurs reportent 26 sculptures de félins en pierre pour le site. " N° 10-570645 (Musée de site de Xochicalco). •i 11

252

de Monte Alba.11 45 , la forme arrondie du crâne et des oreilles de ces sculptures, aussi caractéristiques des autres figurations rapportées dans ce paragraphe, se rapproche également des représentations mayas et du Golfe~6 et a une postérité dans la sculpture de Tula (Jiménez Garda 2008: photo 47). Les jaguars sont aussi représentés par des figurines céramiques de Cacaxtla47 et de Xochicalco48• Alvarado Le6n et Corona (2020: 104) décrivent finalement sept récipients-effigies félins provenant de )'Acropole. Seul l'un d'entre eux figure un jaguar (Figure 42d, deuxième partie), les autres représenteraient des pumas. Les félins sont, en somme, les zoomorphes les plus représentés à Xochicalco (Alvarado Le6n 2019: 309). Les canidés, quant à eux, sont visibles sur plusieurs types de supports : dans la peinture de Cacaxtla, notamment dans l'édifice A, comme mentionné plus haut mais également dans celle du Temple Rouge, comme glyphe onomastique (Figure 40) ; dans la sculpt ure en céramique stuquée (Figure 41) et sur quelques-unes des dalles de la« rampe aux animaux» de Xochicalco 49 , au sein des figurines céramiques de Cacaxtla50 et s ur les récipients céramiques polychromes de Cholula5 L. Dans le cas d'une écuelle incisée de Cholula (Figure 42), l'animal pourrait également représenter un cerf, au regard des hachures sur le pelage et parce qu'il ne porte pas les griffes distinctives du coyote à Teotihuacan (Allain 2001 : 47: Latsanopoulos 2011 b : 75, 84). En effet, le pelage caractéristique du cerf est constitué, comme celui des canidés, de petites hachures, ce qui rend parfois complexe leur différenciation. Les cerfs constituent des victimes sacrificielles étroitement liées aux canidés, ils forment un couple proie-prédateur (Latsanopoulos 2008: 71· 73).

r:1qu1•r> -tn: t;/yphe onomasttque ,, 3 ChiPn,, du Vi1•i//11rd dP ln peinture du '/'r111r>le Rouge de Cacaxt/a (dessin ..:ure. coimo,sie J'myeclo Xo,:hlt~cac/ INMf-UNAM).

Enfin, il faudra signaler toutes les figurines de type A3 de Xochitécatl (Testard, Serra Puche 2011) considérées comme exprimant un sourire. La relation entre figures souriantes de Xochitécatl et celles de la Côte du Golfe a d'abord été notée par Mc Cafferty (2007 : 457), puis abordée de façon plus systématique dans des études précédentes (Testard 2010; Testard, Serra Puche 2011 ~ 234-235). Les figures souriantes de la Côte du Golfe proviennent des bassins des fleuves Jamapa, Rfo de las Ovejas, Atoyac, Papoloapan et Blanco. Ce dernier bassin (Mixtequilla) est celui où elles ont été retrouvées en plus grand nombre. Mesura.nt entre 10 et SS cm, elles se divisent en deux types, un restreint à la Mixtequilla, l'autre diffus et présent plus au nord. Chronologiquement, les dernières données analysées par Reyes Parroqufn (2014) indiquent que près de 95 % ont été réalisées au Classique tardif. Retrouvées majorîtairement dans des dépotoirs, elles ont aussi été déposées au sein de dépôts dédicatoires réalisés lors de nouvelles phases constructives (Reyes Parroquin 2014), comme c'est le cas des offrandes de Xochitécatl. Moulées au moins pour l'une de leurs parties, elles ont sùrement été utilisées par une frange assez large de la population. Leur sourire, si caractéristique, a été interprété en relation avec la danse et le jeu (Ladrôn de Guevara 2020 : 133, 135). Selon les considérations de Furst (corn. pers. dans Heyden 1971), il semble qu'une boisson hallucinogène ait été donnée aux individus figurés, hypothèse reprise par la majorité des auteurs. Dans le contexte maya, Houston (2001) interprète aussi le sourire comme la conséquence de l'ivresse ou de l'euphorie, ou encore à un état lié à la prise d'hallucinogènes. Dans le contexte mexica, Duran (1880: XCIII, 188J rapporte que les victimes destinées au sacrifice dans le cadre des rituels calendériques devaient être de bonne humeur, le contraire étant interprété comme un s igne de mauvais augure. En somme, comme le souligne Ladrôn de Guevara (2020 : 139-140), cette expression demeure énigmatique et ambivalente, notamment parce que les figures souriantes du Golfe ont aussi été retrouvées en contexte funéraire et qu'en un sens, cette expression se rapproche de certains rictus de douleur, voire de ceux associés aux crânes décharnés.

Expressions de douleur et d'a9ressivité 268

Les expressions de douleur correspondent dans le corpus à une ouverture de la bouche conséquente, laissant souvent entrevoir les dents, les commissures des lèvres étant étirées vers le bas.

La majorité des pièces du corpus concernée par cette expression sont des figurations de têtes seules, tant en céramique comme celles de Cacaxtla (Figures 36 b, c, h deuxième partie), qu'en pierre avec des sculptures de Cantona79 et de Xochicalco (Figure 18; Figure 62). La plupart de ces têtes, en particulier celle de Xochicalco illustrée en Figure 65, pourraient correspondre à des têtes coupées, réceptacles de force vitale permettant aux guerriers de s'approprier l'énergie des ennemis vaincus. En effet, celle-Ci figure une main sur le sommet du crâne, convention connue dans la Scène de la bataille de Càcaxtla (Testard 2007 : 245), dans le monde maya classique (voir par exemple le relief des Quatre Soleils de Toni na), ainsi que dans les codex où le vaincu est attrapé par une mèche de cheveux (Code:>< Borgia, f. 64, Codex Colombino, Bodley et Se/den cf. Troike 1982: 200) (Figure 63). En outre, plusieurs des têtes de Cantona montrant cette expression de douleur sont celles de personnages obèses, liés au jeu de balle, au sacrifice età la mort en général.

Fi.t1ure 62: Srnlpture de tête provenant de la ch11mhre des offrandes

de Xochica/co, Salle ~piclossiqur. MNA

Pi9C1re 63: D~wil de fa Scène de la bataille de Cacaxtla montrant un captifte11C1 pc1r 1111e mèche de cheveux et u11 ,glyphe" cœur sa11glant ~

(dessrn courtoisie de Christophe Hclmke).

Dans les programmes de Cacaxtla, Quirarte (1983) a étudié les différentes expressions dépeintes : agressivité partni les personnages vainqueurs, les personnages vaincus ayant la bouche ouverte, commissures des lèvres vers le bas. Ailleurs dans le corpus, la douleur est également exprimée par des personnages dont le corps est figuré. C'est le cas de la sculpture inachevée 7'

Voir PAC283, PAC142, PAC357, PACS08 dans Sanchez (2013),

269

de Cacaxtla (Figure 64). Certaines autres sculptures en pierre de Cantona80 et de Xochicalco81 (Figure 65; Figure 66] et un exemple de figurine provenant de Xochitécatl82 expriment également ce rictus. La sculpture illustrée en Figure 18, la main sur le buste, portant une arme et un ornement témoigne d'une certaine agressivité, comme ce que Quirarte (1983) a signalé pour les personnages vainqueurs de la Scène de la bataille de Cacaxtla. Le monolithe retrouvé par la FAIC près du Gran Basamento (Abascal 1995: fig. 3) figure également une bouche ovale ouverte à la manière de la sculpture de la Figure 62.

Figure 6/f : Personnage a coiffe avec expression de douleur retroù\le 1w wd-est du Groil Basamento de Cc1caxtla, Musée de site de CacaxUa,

__

...,..

F(qure 65: Sculpture m1111tra11t un riltus de douleur prov1t11a11l du .~ede11r E de Xochicalco. Musée de site de Xochicalco. 270 00

81 •

2

PAC323, PAC191 dans Sanchez (2013). S27, S14 dans Smith et Hirth (2000). N°10-54734 (CATED de la UNAMl

Figure 66: Sculpture féminine o_qenoui//ée montrant rm rictus de do11/eu1; rrovenant dl! lo strncture li3-2 de Xochicalcu. Musée de site de Xoc/11cnlco.

Les représentations exprimant des rictus de douleur correspondent dans le corpus à des individus aux caractéristiques guerrières ou en lien avec le sacrifice, mais pas seulement. Dans trois cas, deux sculptures de Xochicalco et une figurine de Xochitécatl, il n'existe pas d'autres éléments qui soient particulièrement distinctifs du lien avec ces sphères. Néanmoins, ces deux représentations, avec une main s ur le buste et agenouillée affectent aussi des postures corporelles particulières, qui seront explorées un peu plus tard et qui pourront éclairer leur signification. L'expression de douleur a largement été discutée dans l'iconographie olmèque et notamment sur les célèbres were jaguar, des créatures hybrides aux traits félins. Dans le monde maya et notamment à la période classique tardive, la bouche ouverte est interprétée par Houston (2001 : 210) comme caractéristique des captifs (voir panneau 15 de Piedras Negras). La figuration de douleur est aussi illustrée dans l'iconographie classique de la Côte du Golfe par une tête en céramique provenant d'El Zapota.1 63, ainsi que sur deux sculptures en céramique de la région fiuifie 84 (Acatlan) qui montrent des similitudes avec les expressions de douleur de Cacaxtla. Dès 750 apr. J.-C.1 des exemples ressemblants apparaissent à Tula (Jiménez Garcia 2008 : photos 10, 11 et 13). Outre le lien avec les captifs et les victimes sacrificielles, Furst (1976 cité dans Bandez 2012: 12-13) a proposé que la douleur liée aux saignées ait été recherchée pour provoquer des états d'altération des niveaux de conscience, comme ceux de la transe ou de l'extase.

271 83

"'

REG 49 Pl 12606 (MAX). N°10-0013530, 10-0013531 (Salle Oaxaca, MNA).

Exptessionnisme des corps: vèhiculer un srorut JI s'agit ici de s'intéresser principalement à des postures qui constituent des conventions et qui servent à communiquer un message. Le mouvement dans la figuration des corps est introduit pour la première fois en Mésoamérique dans l'iconographie olmèque. Même sj la représentation de l'anatomie peut demeurer sommaire, les corps adoptent des postures asymétriques et des flexions d'axes (Pasztory 2005: 180-181). Dans l'iconographie maya, la représentation des gestes et des postures devient fréquente à la fin du Classique, afin d'exprimer les relations entre les personnages, ainsi que leur hiérarchie relative (Velasquez Garcia 2019: 1321 146). J.:analyse des postures en Mésoamérique s'est surtout développée dans l'art maya (Proskouriakoff 1950; Benson 1974) et sur les codex mixtèques [Troike 1982; Monaghan 1994). Comme l'indiquent ces études, i.l s'agit d'un champ qui mériterait des approches plus systématiques. En effet, dans d'autres civilisations, comme dans celles du sud-ouest asiatique, les mudrii (postures des mains) sont absolument essentiels à la compréhension du message communiqué par la figuration (Marti 1992: 25-36; Benson 1974 : 102; Ancona Ha et al. 2000). Précisément parce les codex mixtèques ont pour objectif de communiquer un contenu informatif et mnémotechnique, il a été important, selon Troike (1982: 178-180; voir aussi Monaghan 1994 ; 91) de mettre au point une codification des gestes et des postures, qui puisse livrer du sens, au moyen d'une certaine économie de recours. Selon Monaghan (1994 : 95) les scribes mixtèques utilisent les mouvements corporels ainsi que les fonctions organiques pour décrire des processus sociaux, politiques et rituels ; le macrocosme peut ainsi être décrit grâce à plusieurs métaphores corporelles. S'agissant de conventions, ces gestes et ces postures sont souvent peu réalistes d'un point de vue anatomique (Troike 1982 : 192; Ancona Ha et al. 2000: 3; voir aussi Bata lia Rosado 1993: 116 pour des procédés similaires dans le Codex Borbonicus). li semble que les postures corporelles passent dès la fin du Classique du contexte individuel au contexte collectif afin de communiquer des conceptions idéologiques, sociales et morales. Ainsi, par exemple, certaines difformités et postures non anatomiques dans la figuration postclassique nahua renvoient à des vices moraux (L6pez Hernandez, Echeverria Garcia 2011 ; Echeverria Garcia, L6pez Hernândez 2012 b: 160). Comme pour l'expression des émotions. et comme le soulignent Ancona Ha et al. (2000: 3). l'étude de la signification des postures est effective dans un contexte iconographique où il y a une interaction entre plusieurs personnages. Or, plusieurs des pièces du corpus figurent des personnages isolés, raison pour laquelle une comparaison sera menée afin de proposer une interprétation plausible, mais non définitive. Les postures seront explorées du haut du corps vers le bas, en commençant par les mains, puis les bras, et en descendant pour terminer par les pieds. À la lumière des hypothèses proposées en zone maya au Classique et au Postclassiq\1e en zone mixtèque et dans le Mexique central, des prbpositions seront avancées sur leurs significations. 272

Un langag e des mains

Selon Ancona Ha et al. (2000), les postures de mains sont l'expression d'un statut social, politique et religieux dans l'art maya. Selon O'Neil (2019: 180), les mains occupent en effet une place fondamentale dans le contexte figuratif et rituel maya. Il est ainsi particulièrement intéressant d'examiner les glyphes mayas de mains afin de connaître leur signification et de proposer des interprétations autour de leurs postures. L'étude glyphique de Boat (2003 a) en énumère plus de 45. Qui plus est, Palka (2002: 420-421) a souligné l'importance du symbolîsme de la gauche et de la droite, jusqu'à lapériode contemporaine. La main droite a généralement un statut hiérarchique plus élevé que la gauche. Son étude croisée lndique aussi que l'orientation vers la droite (des personnages et non du spectateur) ainsi que l'utilisation de la main droite est caractéristique de personnes au statut élevé (2002 : 429; voir aussi Velasquez Garda 2019: 134-135). Ladr6n de Guevara {2020 : 139) a pour sa part noté qu'un nombre important de figurines souriantes du sud du Veracruz avaient deux mains droites, ce qui pourrait éventuellement signaler le caractère bénéfique de ces individus. Chez les Mexicas en revanche, un statut différent de la partie gauche a été détecté par L6pez Austin (1980 : 175-176). Compte tenu de leur possible portée symbolique, l'utilisation différenciée des mains gauche et droite sera donc d'abord examinée au sein du corpus. Dans la Scène de la bataille de Cacaxtla, tous les personnages félins (vainqueurs) tiennent leur arme de la main droite, seul le bouclier est tenu du bras gauche, alors que les vaincus tiennent leurs boucliers à droite. Ce procédé est ég;1lement mis en valeur par PaJka (2002 : 433) dans l'art maya, donnant parfois lieu à des distorsions non naturalistes, qui indiquent l'importance du geste. En dehors des peintures murales de Cacaxtla, deux sculptures de Xochicalco (Figure 39; Figure 65) et les personnages du talus de la Pyramide du Serpent à plumes (Figure 68) effectuent des gestes de leur main droite; en pointant leur index. Un monument avec inscriptions glyphiques provenant de }'Acropole de Xochicalco figure un index pointé vers le haut. Plusieurs glyphes sont ensuite figurés en séquence. Le glyphe suivant fajt référence à une date calendaire (10 turquoise?) et le troisième (une tête dans un cartouche) ren• voie peut-être à un anthroponyme; la séquence est close par une main qui tient une sphère.

273

,,.r,qure 67 : Monument glyphique montrant un index pointé vers le haut. provenant ,fr, ln .~/rlJClure Ac6 de Xochimlro. Musée de site de Xoc/11calf't1,

Le panneau nord en terre de !'Édifice A à Cacaxtla comprend un personnage assis, dont les mains effectuent deux gestes. La main droite pointe l'index vers le bas (Figure 10; deuxième partie). Cette posture apparaît également dans la sculpture maya (Proskouriakoff 1950: planche 48.a.2). D'après Troike (1982 : 184-189), dans le codex mixtèque Colombino, c'est l'axe du bras qui conditionne la signification accordée à l'index pointé. À partir de l'horizontal et vers le bas, ce qui est le cas du panneau de Cacax.1:la: il s'agit de l'expression d'une requête. L'hypothèse d'une requête est cohérente sur ce panneau car l'autre main et en particulier, la paume, est placée devant la bouche. Les mains portées à la bouche communiquent en effet, dans le contexte maya d'après Benson (1974 : 102-103) un lien avec le rituel de saignée. Selon Houston (2001 : 209), il s'agirait de l'expression de la terreur des captifs, comme l'indique la stèle N de Copân ou le linteau 16 de Yaxchfüm où un personnage agenouillé face à un dignitaire affecte cette posture. Dans le monde nahuatl, Echeverria Garcia et L6pez Hernândez (2012 b : 147-150, 161) l'ont mis en relation à des contextes guerriers et sacrificiels, mais également à des situations de peur (fondamentalement exprimées par les hommes), faisant allusion aux cris poussés en se percutant les lèvres. En somme, la main portée à la bouche évoque le sacrifice ainsi que la terreur qui y sont liés. Le personnage du jambage sud de !'Édifice A de Cacaxtla (Figure 8, deuxième partie) porte également le dos de sa main à la hauteur du visage, ce geste particulier est à lier, d'après Houston (2001), à la mort et la lamentation. La main gauche des personnages du t al us de la Pyramide du Serpent à Plumes repose sur la poitrine, poignet cassé et paume vers la droite (Figure 68). Comme le signalent Ancona Ha et al. (2000), cette posture est fréquente pour les personnages centraux des scènes et indique un statut élevé (voir aussi Proskouriakoff 1974: pl. 72 et 73.1). Les mains sur la poitrine, paume vers le bas apparaissent fréquemment dans l'iconographie de Palenque, mais aussi sur les vases cylindriques polychromes. En général, ces positions de mains sont employées par des personnages assis, ce qui a fait suggérer à Benson (1974 : 117) qu'elles étaient caractéristiques des souverains et marquaient leur statut sociaJ élevé. Tout ceci est tout à fait cohérent pour les per sonnages des talus de la Pyramide du Serpent à plumes.

274 f'lyute 61/: l1etsrJ11rtu,t;,: 1 1/u lulus non/ de la l'ym11ihle du Se1'/U!r1l à 11/ulllt!S 111cmt1w1I

deux postures de mains caracteristiques (dessin de Juliette Testard).

Pour ce qui est du guerrier de Xochicalco (Figure 39), la paume est tourné~ vers le haut, ce qui s'assimile à la posture du glyphe maya T0670 qui signifie« prendre, recevoir». Cette posture est également visible sur une plaque en pierre verte provenant de l'a/farda sud de !'Édifice 3 de Tula 851 datée du Postclassique ancien. Dans le cas de la sculpture de la Figure 651 tandis que la main droite est posée à plat sur la poitrine, le poing gauche est refermé.. La main posée sur la poitrine paume ouverte a été décrite dans la sculpture du Chiapas par Pincemin Deliberos (2004 : 6). Le poing avec le pouce vers le haut, quant à lui, est similaire à ce qui est visible sur le glyphe T0221b et renvoie au verbe« entrer ». Le personnage qui affecte le rictus déjà décrit et la symbolique de ses postures viendraient confirmer son rôle« d'agresseur». Deux sculptures de bras vraisemblablement gauche et droit déjà décrit sont connues pour Xochicalco86• Dans un cas le pouce est vers le haut, dans l'autre vers le bas. Quand celui-ci est vers le bas, il est proche du glyphe maya î0840 qui renvoie à la notion « être en place, être». La figuration de poings fermés existe dans le corpus du cenote de Chichen Jtza, sous forme de petits ornements plats (Proskouriakoff, 1974: fig. 11) et par ailleurs un bras en pierre verte est aussi connu à Xochicalco (Sodi Miranda 1995 : 11). Étant donné leur caractère isolé, il est complexe d'inférer leur signification, même si elle paraît spécifique. Il faudra signaler les postures de mains des personnages des différentes plaques figuratives de Cacaxtla-Xochitécatl et Xochicalco (Testard 2021). Même si un certain nombre d'entre elles peuvent être considérées comme directement liées au format des représentations, les données fournies jusqu'ici signalent que celles-ci sont rarement anodines. Pour deux plaques de Cacaxtla-Xochitécatl (Figure 48 b et d; deuxième partie), les paumes sont jointes au milieu de la poitrine. Cette posture est décrite par Ancona Ha et al. (2000) et concerne aussi bien des divinités que des personnages humains et semble faire référence à la « présentation ». Nagao (2006 : 422) a d'ailleurs comparé le premier exemplaire avec une plaque retrouvée dans la tombe 2 du Temple XVlll à Palenque. Au regard de ces éléments, il est donc tout à fait plausible que cette plaque ait été importée depuis les Basses terres mayas (Testard 2021 : 129). En ce qui concerne les plaques de Xochitécatl (Figures 48 e et f; deuxième partie), les paumes sont vraisemblablement tournées vers l'extérieur. Cette posture est visible sur les planches 69 et 70 de Proskouriakoff (1974). Sur une des plaques de Xochicalco (Figure 48 j; deuxième partie) le personnage a les àvant-bras placés à l'horizontale au-dessus de la ceinture, les mains sous les épaules. La planche 68 de Proskouriakoff (1974) dite« plaque silhouette>) montre la même posture. Pour ce qui est d'une figurine de Cantona (Figure 69), d'une perle anthropomorphe de Xochicalco (Figure 70) et probablement de la plaque figurative de Xochitécatl (Figure 48 g; deuxième partie), les paumes sont vers l'intérieur, les doigts se touchant sur la poitrine, comme s ur les exemplaires illustrés sur les planches 56 cet 68 du cenote de Chichen ltza (Proskouriakoff 1974). La perle de Xochicalco est d'ailleurs particulièrement proche des exemplaires de la planche 52 a, caractéristîques du Classique ancien, avec un nez en forme de T (Proskouriakoff1974: 96,125). "' '"'

N°10-0022.991 (MNA). 10•5 70665 et 10-570672 (Musée de s ite de Xochic:ilco).

275

--A ~\

-f -

Figure 69: Fi,tJurine de pierre prove1,o/ll de la Pyromltle clo (1P5, .sepulture

20 de Ca11to11a (dessin de Nicolas Latsanopoulos d'après Garc:fa Cook, Me1·i11(1 C(lrriri11 1998 b: 39).

Figure 70: Perle anthrôpomorphe de pierre verte, prcv,mant cle l'O(/runde 2 Je lu Pymmide du Serpent a plumes de Xochicalro. Sa/le épic/assique. MNA

Bras levés: danse etfe,·tilité

276

Une autre posture particulière, bras levés vers le ciel, paumes vers l'avant, visible sur un assez grand nombre de figurations du corpus mérite d'être discutée. Elle est d'abord visible sur une grande quantité de figu1ines féminines de Xochitécatl. Sur le corpus de 246 figurines analysées en détail (Testard, Serra Puche 2011 : 233-234), 8 %, correspondant au type A3 l'adopte. La posture semble être associée à des personnages féminins, comme c'est le cas des figurines de Xochitécatl et du personnage d'un des récipients-effigies de Xochicalco (Figure 41 b, deuxième partie). Celle-ci tient des tiges flexibles, qui peuvent être mises en regard avec les bouquets que Xochiquetzal porte dans les vignettes du Codex de Florence (f. 39v). La sculpture du Cerro de la Malinche qui figu:re un individu féminin entrôné porte une frise supérieure qui comprend vraisemblablement des personnages (peut-être féminins, portant le quechquemit{J, levant les bras et formant une ronde (Figure 71), à l'image de ce qui est visible sur un plat provenant de Xochicalco (Figure 72). Au centre du récipient, figure un cercle rouge, marqueur discriminant d'interactions déjà décrit. Tw·ner (2016 : 59-60) a comparé cette composition de personnages ayant les bras levés, à la planche 39 du Codex Borgia et l'a associée à une posture de danse: cette proposition est en résonnance avec ce qui sera exposé plus loin,

Figure 71 ::ic11Jpcurcftim111me dltt1 ~ Temple dv la Malmclw » p, oveoant dll Cerro dei la Mallnthi:,, Xochicalm. Mu.~ee de sltti Lie Xothica/eo.

Figure 72: Plat bichro111e provenant du secteur 11 de Xachicolco. Musée de ~ite.

La posture peut aussi apparaître chez des personnages masculins, comme c'est le cas d'une plaque figurative de Cacaxtla (Figure 48 a, deuxième partie), bien que les bras soient placés plus bas. Une figurine provenant de l'autel mexica de Cholula 87 et affectant cette posture est également masculine, comme l'indique son pagne. Un récipient-effigie illustré dans Noguera (1954) est également dans cette posture. Les deux individus féminins et masculins du Temple de Vénus l'adoptent aussi (Figures 21-22, deuxième partie). Le personnage féminin entretient de nombreux parallélismes avec la figure féminine (seins visibles) portant les bras levés du pilastre de la partie inférieùre du Temple du Jaguar à Chichen ltza (cf. Schele, Matthews 1998: 216). Cette représentation porte des os croisés sur la jupe faisant référence à la mort, symbolique qui renforce son association avec des cihuateteo ou tzitzimime mexicas (cf. Klein 2000: 10). Quant au personnage du fragment de céram ique de Cholula déjà décrit (Figure 38), son genre est impossible à déterminer. Cette posture singulière, bras levés vers le haut, possède une amplitude chronologique et culturelle très large. Elle est connue sur des figurines préclassiques de Tlatilco (Mexico) et de Nexpa (Morelos) (Marcus 2019 : fig. 5), 87

L6pez Alonso etal. (2002: fig. 16).

277

278

ainsi que par deux figures anthropomorphes féminines monumentales en ar· gite de la grotte du Rey Kong-Oy (Municipe San Isidro Huayapam, Oaxaca) (Winter 2020 : 164, 168) indiquant que cette convention existe au moins depuis le ne siècle av. J.-C. La posture est ensuite attestée dans la zone huaxtèque vers 150 apr. J.-C. sur une sculpture féminine (Martinez et al. corn. pers. 2019). Au Classique, à Teotihuacan, la posture bras levés vers le ciel, paumes vers l'avant est employée par un Dieu gros (Von Winning 1987 : 1n apud Séjourné, 1959: fig. 77.i; voir aussi Echeverrfa Garda 2015: 51).11 s'agit d'une figurine qui a les yeux clos, renvoyant donc probablement à la mort, tandis que ses ornements d'oreille, de poignets et de chevilles renvoient à la victime sacrificielle ou au joueur de balle. Dans la zone orientale, sur la Côte du Golfe, la posture avait déjà été repérée par MedeJlîn Zefiil (1971) et Heyden (1971) au sein des figurines souriantes des Rio Blanco et Papaloapan, bien qu'une partie d'entre elles puissent montrer les poignets cassés et non les paumes vers l'avant. Ces auteurs avaient établi des parallèles avec certaines divinités mexicas, en lien avec la danse : X'ochipilli (dont l'équivalent féminin est Xochiquetzal), Chicomecoatl, Xilonen : divinités du maïs et Toci, déesse mère. Dans d'autres contextes, en particulier mayas, les bras levés vers le ciel, paumes de main vers l'avant, font aussi référence à une posture de danse [faube 1989: 351). Les figurines féminines de type> des groupes en perpétuel négociation avec des sphères humaines et non humaines. 287

Des élites médiatrices: « connection and discon nection »

Le titre de cette section est emprunté au phénomène identifié par Stone (1989 : 153), il y a plus de 30 ans, dans son a nalyse de l'iconographie du Classiqué tardif à Piedras Negras. Les deux concepts sont utilisés par l'auteure afin de définir des procédés rhétoriques et figuratifs distincts, invoqués pour la proclamation du rang social de ceux qui sont représentés, La connection correspond à la mise en place d'un discours sur la« mythologie de subsistance» au sein duquel le souverain joue un rôle central dans la bonne marche des cycles naturels. La deconnection souligne une rhétorique qui valorise la pratique de la guerre et l'accès à des biens exotiques, ainsi que l'affiliation prestigieuse à des pouvoirs non locaux. Comme le démontrent les données analysées, ces deux procédés ont été employés et mobilisés simultanément grâce au naturalisme età l'expressionnisme explorés dans les sections précédentes par les élites des sites du Haut plateau central.

L'explicitation du sacrifice humain La thématique guerrière et sacrificielle est bien connue à Teotihuacan pendant la période classique (Von Winning 1987 : 90-91). Langley (1992 : 274) a d'ailleurs conclu que la majorité des signes glyphiques qu'il analyse y sont directement associés. Ainsi par exemple, le couteau courbe, relié à la pratique de la cardiectomie, avait déjà été identifié par Séjourné (1956 cité dans Von Winning 1987 : 91-92). Néanmoins, malgré cette omniprésence symbolique, l'explicitation figurative du sacrifice humain n'est pas fréquente à Teotihuacan, elle va pourtant l'être dans le corpus épiclassique. Le détachement des parties

Dans les sociétés mésoaméricaines et comme déjà dit plus haut, le corps humain constitue la métaphore du microcosme et du macrocosme et le réceptacle d'entités animiques (L6pez Austin 1980). Les rituels de saignée et les sacrifices sont les moyens privilégiés qui permettent la libération des différentes entités animiques, assurant ainsi 'l eur redistribution et la permanence du cosmos. La myriade d'opérations sacrificielles ou immolatrices connues par le biais des sources etlmohistoriques, l'iconographie et les données fournies par l'anthropologie physique, avaient donc pour objet d'agir différem, ment sur les différents composants corporels, qu'ils soient légers ou lourds (Tiesler, Velasquez Garcia 2018 : 166-169; Velasquez Garda, Tiesler 2019).

289

Dans une analyse antérieure, les différentes stratégies et les possibles sé• quences de gestes impliquant des destructions rituelles d'artefacts figuratifs ont été analysées (Testard 2019). Ce travail a permis de mettre en valeur une continuité de pratiques conçues comme métaphores d'actes sacrificiels en lien notamment avec la notion d'image dans plusieurs sociétés mésoaméricaines (voir discussion dans la première section de cette partie). li s'agit ici d'illustrer plusieurs allusions figuratives aux opérations sacrificielles ou de saignées, avant de passer à des références plus symboliques (rouge/ sang/ glyphes), Extr aire

et détacher

Une des deux représentations de phalanges en céramique de Cacaxtla déjà évoquée à deux reprises notamment au regard de ses proportions naturalistes montre une cassure nette, conséquence soit d'une coupe alors que la pièce entière (main par exemple) n'était pas encore sèche (ou cuite), soit d'une casse (après séchage ou cuisson), puis d'un polissage. Le buste en pierre de Xochicalco explicite, quant à lui, un acte sacrificiel (Figure 23). Les côtes saillantes peuvent être interprétées comme un recours signalant la posture sur la pierre sacrificielle, représentée par un plan rectangulaire sous le buste. Turner (2016: 181) a quant à lui proposé que l'individu ait été écorché (voir plus bas). Une entaille béante est visible au milieu du thorax, sur toute la longueur faisant allusion à une carctiectomie ou une éviscération. Tandis que les membres inférieurs ont vraisemblablement été mutilés, la jonction du cou montre une surface polie, ce qui peut ,indiquer que la sculpture ait eu une tête à l'origine. Cette sculpture n'est pas isolée dans le contexte de Xochicalco, puisque les vestiges anthropologiques du site ont indiqué l.lne pratique relativement répandue du démembrement (Garza G6mez 1994: 59-62; Gonzalez Crespo etal. 2008 a: 336-337, 347; 2008 b: 284). Un autre exemple de représentation d'un individu décapité est visible dans la Scène de la bataille de Cacaxtla (Figure 84). Cette figuration miniature qui fonctionne vraisemblablement en complément du titre hiérarchique « cœur sanglant» placé juste au-dessus (Helmke, Nielsen 2011 : 28) fait face au personnage 13W qui plante sa lance dans Je personnage 12W, à terre, entrailles béantes. Les éléments sortânt du buste font référence aux entrailles tandis que la posture évoque, comme l'a proposé Turner [2016 : 192) celle adoptée par les célèbres chacmool.

290

Figure 114, : l?eprese11tat1011 mtnlan,r-e de persomwge (Ntsce1re ,, tJr:curJ/L~ /u~ nu 111m,wi11nye- JJ ~V, ~t:~11t" lie le, buta/f/1:' tif' r:o~'ust/., (1/i!ssin courtois/!! de C/lri\'l llphe HB/mlit)

À d'autres endroits de la scène de la bataille, plusieurs personnages vaincus exhibent des blessures importantes. Certains des organes internes sortent des plaies béantes de ces personnages, le sang gicle, des gouttelettes per.l ent (SE, BE, 15E, 20E, 24E; 6 W, 8W, 12W) (Figures 21-22, deuxième partie), En outre, une cardiectomie semble être en train de se réaliser au sein du groupe des deux premiers personnages de la partie droite (personnages lE, 2E). Le couteau brandi par l'indi1/Îdu 2E est un biface en silex et la façon dont il est brandi est exactement similaire à la posture qu'affecte le personnage central du Monument 1 d'EI Bau] analysé par Chichilla (2014 : 5-6). Enfin, la peinture murale du sondage 11A figure une jambe anthropomorphe portant un ornement de mollet (comme ceux de la Scène de la batailte) (Figure 15, deuxième partie). Helmke etNielsen (2011: 35-38) ont proposé qu'il s'agisse d'un glyphe se référant au sacrifice humain: la flèche perce la cuisse et la portion de jambe indique probablement la pratique de démembrement. La cardiectomie, un des actes clés des opérations sacrificielles est enfin évoqué par une sculpture provenant d'une sépulture de Cantona. Celle-ci est vraisemblablement l'équivalent d'un cuauhxica/lt, ce récipient mexlca destiné à recevoir le cœur des victimes sacrificielles (Mikulska Dabrowska 2007: 16). Celui de Cantona est anthropo-zoomorphe, le visage est humain tandis que la posture qu'affecte le personnage le rapproche d'un félin 102• Pour la période postclassique mexica, Mikulska Dabrowska (2007: 16) a mis en évidence que l'offrande de cœur était destinée au Soleil, le reste à la Terre. Les sacrifices effectués lors de cérémonies agricoles (destinées à la terre) faisant d'abord intervenir la décapitation, puis l'arrachement du cœur. Par ailleurs, la pièce de Cantona a été fracturée en deux, en son milieu, probablement dans une visée de destruction rituelle, le contexte de sépulture dans laquelle elle a été retrouvée semble alle1· dans le même sens (voir Testard 2019),

rt,_qure 85: Probable ciwul1xicallf t111tlirapo-wo111orphe provenant

d1: la struaure 1 du C}PS, sëpt1llure 24 de Ccinwnu. Mw:t:t- de .site de CMILcma {ÙttS$i11 cfr Nicolas lat:sanopoulos d'apres Garda Cook et Me/'Îno Corrion, 1998 IJ: 70,101).

le décharnement : corps exposés et mvrs de crânes Il existe plusieurs représentations décharnées dans le corpus d'étude. La première figuration et la plus explicite d'entre elles est constituée des per-

291 ,oz Voir notamment l'étude sur les postures mimétiques des personnages anthropo· zoomorphes dans l'iconographie olmèque (Magni 2003).

sonnages anthropomorphes de la Banquette du Temple Rouge de Cacaxtla. Il s'agit en effet de victimes sacrificielles dont les os sont apparents (Figure 86).

Fi911r c 86 · Pcrs apparaît aussi à Teotihuacan (Langley 2002 : 299). Les figurations de corps décharnés apparaissent ensuite dans le monticule 2 d'EI Zapotal (Wyllie 2010: 213-217). En zone maya, ils sont connus à Tonioâ sur les reliefs en stuc datés de 650 à 850 apr. J.-C. (Yadeun 1992), à Tikal (Proskouriakoff 1950: 124). à Uxmal. sur les reliefs sculptés du Groupe du Cementerio (voir fig. 7.5 dans Miller 2007), sur les briques incisées de Comalcalco, les reliefs en stuc du Temple de la Calavera à Palenque, certaines figures de Piedras Negras ou de Ceibal, l'autel 1 de Xunantunich (Belize) daté de 849 apr. J.-C. (Helmke et al. 2010 : fig. 5.7) ou encore, les escaliers de la structure 16 de Copan. Caractéristiques de la déesse Chak Che! [Miller 2007 : 173-175), ils font vraisemblablement référence à la pratique du déchamement ainsi qu'à celle de l'exposition des os. Selon Miller (2007), c'est la zone nord de l'aire maya qui va mettre l'accent sur ces aspects à la période classique tardive et au Postclassique. Chichen Itza, Uxmal, Kabah et Dzibilchaltun disposent d'une quantité importante de figurations de crânes, de squelettes ainsi que de parties squelettiques, sur une gamme large de supports. Pendant longtemps, ce phénomène a été interprété comme le résultat de l'influence toltèque. Néanmoins, et à la lumière des exemples présentés pour les Basses terres centrales dès le Classique tardif, il semble bien qu'il y ait existé un antécédent maya de cette thématique. Plus encore, l'existence des crânes sur !'Édifice des ChapuHnes de Cholula au 1°' siècle et les exemples de Teotihuacan signalent une antériorité sur le Haut plateau central, une réinterprétatîon au Classique tardif dans le monde maya et sur la Côte du Golfe et une amplification de la thématique, à la même période, sur le Haut plateau central. 294

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,o,, Application figurant un visage double avec une moitié de crâne décharné, datant de la phase Tlamimilolpa, 11° 10-62 2303 (réserve de la ZAT).

Enfin pour conclure, il semble important d'évoquer un pelvis de cerf (odocoileus virginianus) 107 magnifiquement incisé provenant de Cacaxtla 108• Cet artefact avec son iconographie très dense évoque un style proche de celui des reliefs de jeu de balle d'EI Tajin. Sa composition en plusieurs registres présente des têtes seules rasées et à crête qui ressemblent à celles de la Banquette du Temple Rouge et à celles d'un des accompagnateurs des récipients-effigies (Figure 38; deuxième partie). Le support de cette scène complexe renvoie à la victime sacrificielle, dont le cerf est le substitut par excellence; les têtes seules, également. Cette proposition de lien entre os et victime sacrificielle est en résonnance avec les os incisés retrouvés dans la sépulture 116 de Tikal (O'Neil 2019 ; 184-185). En effet, comme observé par Stuart (1984 cité danS' O'Neil 2019: 184), en langue mayag.iliti>

sociale. Les études sur le genre en archéologie ont désormais l'ambition de dépasser l'identification, pour se situer à un niveau plus large, de caractérisation des dynamiques sociales (Conkey, Spector 1984; Chilton 1999 : 5; Quiflones Cetina 2020: 50-51). Il s'agit ici de mettre en exergue la représentation du genre féminin dans certains contextes, ainsi que les possibles corolaires sociaux et historiques liés au déplacement sensible des caractéristiques et des contextes dans les~ quels apparaît sa figuration, afin, peut-être, de dévoiler une « idéologie de genre » (Conkey, Spector 1984: 15) dans ces sociétés. Les femmes ne sont pas absentes du registre iconographique en Mésoamérique centrale avant l'Épiclassique comme l'illustrent les figurines féminines du Préclasslque146 et l'imagerie peinte et sculptée de la Grande déesse de Teotihuacan. Néanmoins, à la période classique, dans le monde maya et aussi sur le Haut plateau central, c'est le corps masculin qui est le thème central de la figuration anthropomorphe, incarnant l'idéologie poli~ tique, religieuse et rituelle (Ardren 2012 : 56). La situation se modifie au vue '"" Sur des sites comme Copilco, Cuîcuilco, Tlapacoya, à Cha lcatzingo, au s ud de Puebla, dans la région d'Apizacu, à Tlaxcala, parmi les figurines Remojadas de la Côte du Golfe (Cyphers 1993; De la Fuente 2004: 32 ; Lesure 2005: 247; Angulo Vîllasei\or 2007: 55 et sq ; Ladrôn de Guevara 2020: 47).

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siècle : les dernières données disponibles indiquent en effet que la plupart des monuments mayas dépeignant des femmes sont réalisés à cette période (Reese Taylor et al. 2009: 63). Dans le Mexique central, l'Épiclassique semble aussi être caractérisé par l'apparition d'une nouvelle façon de représenter le genre féminin. Se Situant entre les deux systèmes de représentation antérieurs : marqueurs sexuels au Préclassique (hanches et seins) ; dépersonnalisation et« désexualisation » à Teotihuacan (cf. la déesse sans visage dans Pasztory 1992 : 310-311; voir aussi Fonseca Ibarra 2011: 82, 91), cette modification figurative semble être l'indice de changements paradigmatiques majeurs, articulés autour des systèmes politiques. Les attributs distinctifs de l'identilé genrée

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Plusieurs « marqueurs» servent de vecteurs à l'identification de personnages féminins dans le registre iconographique. L'identité biologique quand ce type de référent (seins en particuliers) n'est pas visible ou pas représenté est complexe à définir. Les données iconographiques encouragent donc à définir un statut du genre féminin, même fictif (homme [ou verte]. Selon certaines versions mythiques, elle aurait été l'épouse de Tlaloc et constituerait une des variantes tlaxcaltèques de Chalchihuitlicue (Broda 1971 : 260; Dehouve 2020b : 25). Lucet (2013) a par ailleurs démontré que

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le Gran Basamento de Cacaxtla était implanté à une distance e>..-actement s imila ire des sommets les plus hauts de la Malinche, ainsi que de l'lztaccihuatl, éminence également associée au féminin jusqu'à la période contemporaine, confirma nt l'importance des é lévations naturelles dans le paysage rituel de l'établissement. À la période mexica, lors de la fête de Tepeilhuitl (mois XIII) (Broda 1971 : 300 et sq.), des figurines étaient fabriquées et manipulées. Ce même jour, cinq victimes étaient sacrifiées, des représentants (ou personnificateurs, ixiptla) des montagnes, Tepexoch, Matlalcueye et Xochtecatl: une femme nommée Mayahuel représentant le maguey et un homme, Milnauatl représentant un serpent. Ces victimes étaient menées au Temple de Tla loc par plusieurs femmes richement parées dans des litières; il est plausible que des enfants aient aussi été sacrifiés pendant cette fête. Selon Duran, à îlaxcala, cette fête était dédiée à la Malinche. Lors d'une cérémonie (non décrite dans Sahagun), deux femmes vierges é taient sacrifiées par cardiectomie. Toujours d'après le même auteur, une personnificatrice de Xochiquetzal était aussi sacrifiée, ainsi que plusieurs ixiptla des divinités du pulque. Ces différentes informations semblent donc aller dans le sens de la pratique de rituels se rapprochant de ceux connus pour la période postclassique. En effet, plusieurs faisceaux d'indices se rejoignent: (1) la présence de figurines, à la fois associées au genre féminin (et aux enfants), peut-être manufacturées spécifiquement pour le rituel1 56, comme indiqué dans les sour ces; (2) le recrutement quasi exclusif en âge et en sexe (individus infantiles et fëminins) ; (3) le type de dépôt: secondaire ou primaire a vec des individus mutilés dans la grande majorité des cas. li faudrait alors envisager que ceux-ci aient peutêtre représenté des personnificatrices de proto-divinités de Cbalchihuïtlicue, Uixtocihuatl et Xilonen (Broda 1971: 297); (4) l'alignement de la Pyramide des Fleurs, ainsi que du Gran Basamento avec la Malinche et l'lzatccihuatl, deux éminences genrées, probablement déjà conçues à l'Épiclassique comme des entités en lien avec l'eau et la fertilité. D'autres é léments articulant performativité et genre sont instructîfs. Dans le centre du Veracruz et à Comalcalco, certaines figures féminines sont des sonnailles contrairement aux représentations masculînes qui servent de sifflets ou de tlûtes 157 (Gallegos G6mara 2003 : 50-51 ; Reyes Parroquin 2014 : 136-137). À Xochitécatl, certaines des figurines fémi nines sont aussi des sonnailles et ont vraisemblablement été manipulées pendant des rituels ; des exemplaires ont également été retrouvés en association avec les dépôts sacrificiels infanti les du Gran Basamento (voir aussi Testard, Serta Puche 2020). En outre, l'apparitîon de l'encensoir à manche à Cacaxtla-Xochitécatl, à Cholula et à Xochicalco semble aussi signaler la tenue de ces rituels propitiatoires. En effet, à la période postclassique mexica, comme discuté dans la deuxième partie, cette forme spécifique est manipulée par le Tlci/ocan tlenamacac, le manche servant de sonnailles à l'image du chicahuaztli, un instrument utilisé pendant les cérémonies en l'honneur des divinités de la pluie : le bruit émis par ces instruments constituant une métaphore de l'eau qui tombe (Vauzelle 2014: 73-74). 328

'"' Se référer à la discussion sur la fabrication spécifiq ue de figuri nes moulées Mazapan pour la tenue de rituels dans Forest et al. (2020). "" U11esituation sensiblement différente a .été relevée à Monte Alban où quelques figurines s ifflets portaient des quechquemetl (l(uttruff 1978: 384-387).

D'autres éléments viennent alimenter ce panorama pour Xochicalco. En effet, au regard des différents types d'objets (récipients à plaques, récipients-effigies, masque d'excentriques) à l'iconographie du Dieu de l'orage retrouvée dans la Grande Pyramide de Xochicalco, Alvarado Le6n et Garza (2022) ont récemment proposé que cette structure pyramidale puisse avoir été dédiée à son culte. Il faut enfin évoquer la possibilité de l'existence de femmes spécialistes rituelles, pouvant être représentées par les figurines de type A3 (orantes) de Xochitécatl (voir Testard, Serra Puche 2020), par la figure féminine tenant les tiges sur le récipient-effigie de Xochicalco (Figure 41 b, deuxième partie) ou encore par celui de Cholula (Figure 46, deuxième partie), Cette proposition est loin d'être aberrante dans Je contexte du Classique tardif/ Épiclassique et au Postclassique. Ainsi, dans le monde maya à la période classique, il faudra notamment mentionner la « Dame Dragon », qui a une importance essentielle dans la configuration des liens dynastiques entre êtres surnaturels et gouvernants. En outre, la représentation, notamment sur les monuments de Yaxchilan de personnages fém inins historiques, de très haut statut, vraisemblablement en charge de certaines pratiques rituelles (notamment des oracles) est une autre donnée d'importance (Quiiïones Cetina 2020 : 53-58). Bénéficiant d'un priVilège de communication avec le monde des ancêtres : elles sont les seules à pratiquer les saignées sur la sculpture monumentale du site, les hommes jouant.u n rôle subalterne (Baudez 2012: 57). Parmi les figurines de Jaïna, Mc Vicker (2012) a identifié des prêtresses ainsi que des scribes fém inins. Patel (2012) propose l'existence de prêtresses en lien avec un culte« au serpent» ayant émergé aux tournants des périodes épiclassique et postclassique ancienne. Au Postclassique aussi bien ch ez les Mexicas que chez les Mixtèques (cf.« Dame Neuf H.erbe )> dans le Codex Se/den), certaines femmes pouvaient intégrer des services religieux en tant que prêtresses et spécialistes divinatoires, notamment dans la lecture du ma'îs (Hill Boone 2005: 20-21; Quffiones Cetina 2020: 56; Mazzetto 2018). Les textes ethnohistoriques du XVII° siècle renseignent sur le rôle et les activités des cihuatlamazcaq11e, prêtresses qui pouvaient officier au sein des cihuacalmecac, des écoles fém inines. Ces spécialistes rituelles organisées au sein d'une hiérarchie complexe (catégories des ichpochtiachcauh et cuacuacuiltin par exemple) étaient destinées aux cultes des divinités mexicas (aussi bien masculines que féminines) dès la naissance, mais pôuva1ent aussi quitter cette fonction, notamment pour se marie1~ Le début de leur office était marqué par des offrandes de balai (un des attributs notés dans les figurations du corpus), d'encensoir et de copal. Un certain nombre de leurs activités étaient articulées autour du tissage et de la fabrication des vêtements des spécialistes rituels, ainsi que des tissus qui ornaient les structures religieuses; elles étaient aussi en charge des offrandes d'encens, des préparations culinaires et enfin, elles pratiquaient les saignées (Alberti Manzanares 1994). Ce dernier élément est en cohérence avec les représentations mayas classiques de Yaxchilan par exemple (voir discussion plus haut). 329

Femmes guerriêres

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Cette section aborde l'association d'attributs guerriers à des figures genrées féminines. Deux insignes, identifiés comme guerriers : la « coiffe ballon »158 et le bouclier rectangulaire doivent d'abord être discutés. La figw·e debout, portant un quechquemîtl dans la Scène de la bataille de Cacaxtla, a donc les mains croisées sur le buste et porte une coiffe « ballon )> (Mc Cafferty, Mc Cafferty 1994 : 164, 167). Or. celle-ci est caractéristique du costume guerrier dans les contextes mayas dans lesquels l'iconographie Teotihuacan est utilisée (Garcia des Lauriers 2000 : 131-132). Sa première apparition est datée de 378 apr. J.-C. (stèle S de Uaxactun) et elle est ensuite connue, à partir de 550 apr. J.-C. suries figurines de Teotihuacan (Nagao 2014 : 195-196). Les personnages du temple de la Pyramide du Serpent à Plumes de Xochicalco portent tous ce type de coiffe. Par ailleurs, une des figurines entrônées de Xochitécatl porte un bouclier rectangulaire (Figure 81). L'attribution de ces insignes guerriers à des personnages féminins est loin d'être isolée dans le contexte mésoaméricain. En outre, l'hypothèse de Dominguez Covarrubias et Urcid Serrano (2013) sur la figure féminine du Temple de Vénus de Cacaxtla, comme proto Cihuacoatl-Quialatztli pousse aussi à la concevoir comme une figure guerrière, puisque dans le monde mexica, les cihuateteo étaient considérées comme des équivalents des guerriers morts sur le champ de bataille. Lors de la cérémonie d'inhumation de la mocihuaquetzqui (la femme morte en première couche), un cortège de vieilles et de sages-femmes (voir les figurations de femmes âgées dans le corpus) défilaient, avec des boucliers, en poussant des cris assimilés à ceux des guerriers masculins lors des sacrifices ou des batailles (Echeverrfa Garda, L6pez Hernandez 2012 b: 152-153; L6pez Hernandez 2020 : 45). Sur la Côte du Golfe, dans l'iconographie d'EI Zapotal et de Dicha Tuerta, des femmes (probables équivalents de cihuateteo mexicas) portent des armes et constituent de véritables guerrières (Wyllîe 2010; Ladrôn de Guevara 2020 : 143-157). Par ailleurs, au Classique, d'après les données épigraphiques mayas, Hewitt (1999 : 257-258) a noté l'existence de titres de guerrières (na bate) attribuées à des femmes, notamment à Yaxchilân. En outre, plusieurs monuments sculptés de Calakmul, Coba, Naachtun et Naranjo montrent des femmes juchées sur des captifs de guerre. Celles-ci portent des jupes à motif en diamant. qui pourraient constituer une sorte de costume martial (Reese-Taylor et al. 2009 : 41; Testard s.d.). Pour la période postclassique, dans les codex mixtèques (Nuttal, Se/den et Bodley), Mc Cafferty et Mc Cafferty (2007; voir aussi Mc Cafferty 2009 : 25) ont souligné l'existence de femmes nommées « 6 Singe >> et « 9 Herbe » entrant en guerre contre des entités voisines et se livrant à la capture de prisonniers, futurs sacrifiés. Enfin, dans la mythologie mexica, même si la guerre appartient largement au masculin, plusieurs des divfnités du complexe Teteo Innan y participent. Selon Klein (1994: 225-227), Coyolxauhqui est l'archétype de la première ennemie vaincue par les Mexicas et Cihuacoatl a un rôle similaire dans l'idéologie guerrière. Xochiquetzal, quant à elle, possède un avatar, ltzpapalotl qui incarne la guerrière primordiale (Mc Cafferty, McCafferty 1999 : 117). Une autre divinité féminine liée à la guerre (notamment via sa relation à Xiuhtecuhtli et ''"

~ Balloon headdress >) en anglais.

au concept atl tlachino/JO est Chantico (Quinones Keber 2005 : 37; Testard, Serra Puche 2011 : 242-243). Finalement, dans la vie rituelle, il existait des batailles en l'honneur de TlazoJteotl, pendant lesquelles les femmes combattaient à l'aide de balais pour extirper les impuretés politiques et morales de la société. Le tissage a été mis en rapport avec la guerre, notamment par métaphore entre les différents instruments et les armes [Mc Cafferty, Mc Cafferty 1999 : 118; 2009: 200; 2019: 712 et sq.). Femmes souvera ines et mariages inter- elites

La période voit donc le statut de la femme et notamment son intégration dans l'élite des sociétés, explicitée dans les systèmes de figuration, tant sur le Haut Plateau central que dans les sphères orientales. La question du mariage comme stratégie d'alliance semble également être un aspect important des représentations de cette période : certaines pièces du corpus peuvent en témoigner. Même si le phénomène n'est pas nouveau et a été décrit dès la période préclassique et pendant la période classique (voir Cyphers 1993 : 220-221; Delgado Rubio 2022), l'explicitation du genre correspondrait, à l'Épiclassique, à une des stratégies privilégiées pour établir des relations entre élites. La figuration de ces alliances constituerait aussi une autre façon d'exprimer des relations avec des sphères distantes. Plusieurs personnages portant des quechquemetl affectent la posture en tailleur déjà soulîgnée comme exprimant la relation au pouvoir et à l'intro~ nisation. Par ailleurs. quelques pièces sont également explicitement assises sur des trônes, comme c'est le cas des figurines de Xochitécatl (Figure 81; Figure 82). Bien que le personnage de la Figure 82 n'ait pas conservé de quechquemitl, il est plausible qu'à l'origine, il en ait porté un (appliqué au pastillage), notamment parce que la coiffe le rattache aux figurines A3 (toutes féminines). Dans l'éventualité où il s'agirait d'un personnage masculin, il s'agirait ici de l'expression d'un couple de souverains déposés dans un même ensemble puisque les deux figurines proviennent de l'offrande 3 de la Pyramide des Fleurs. Il faudra également rappeler tous les exemplaires, déjà décrits (mollets pendants) dont la posture indique un siège aujourd'hui disparu. Enfin, la sculpture entrônée de Xochicalco (Figure 71) dont l'individu semble émerger d'une niche, à la manière des autels olmèques ou encore de la statuaire de Piedras Negras159 témoigne évidemment d'un statut très élevé. Parmi les sculp tures de femmes à Piedras Negras, Baudez (1999: 62) a mis en exergue la représentation de face, qui distingue les représentations hiérarchiquement supérieures, tant d'un point de vue politique que rituel. Le statut élevé de certaines femmes est maintenant bien reconnu en Mésoamérique. li a notamment été mis en lumière sur la côte du Golfe dans l'iconographie d'EI Zapotal (Wyllie 2010 : 224) et d'El Tajin (Bruggermann 1993 ; 30), mais de façon plus systématique dans le monde maya (Reese-Taylor et al. 2009). En effet, des titres prestigieux et des rangs très élevés sont connus pour au moins deux femmes à Palenque et une troisième à Naranjo (Petén) (Hewitt 1999 : 251, 253-254, 256). À Yaxchilan, le titre ajaw a été repéré pour des femmes sur les linteaux 5, 14 et 41; le titre sajal a été décrit, quant à lui, sur le linteau 57 et la barre cérémonielle est '" Voir aussi Nagao (2014: 148) pour des considérations similaires (stèles 11 et 14 de Piedras Negras),

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portée au moins ùne fois par un personnage féminin. Il en est de même pour d'autres titres tels que ka/o'mte, le plus haut des titres hiérarchiques (aussi identifié à El Peru Waka) ou l>, un insigne en lien avec l'élite et la sphère guerrière (voir plus bas). Daneels {2002 : 675-676), dans son étude des relations entre Teotihuacan et la Côte du Golfe, a exploré l'importance des alliances et des mariages. Dans plusieurs sites (Serafin, La Joya, Cerro de las Mesas et Matacapan), où des marqueurs de la relation avec Teotihuacan ont été identifiés, des fusaïoles ont également été recueillies. Au regard de la relation entre production textile et genre féminin, ces contextes pourraient donc suggérer la présence d'épouses Teotibuacan sur la Côte du Golfe. Selon Mc Cafferty (2003 : 231), les alliances matrimoniales visibles dans l'iconographie de la Scène de la bataille à Cacax1:la, ainsi que dans le Patio de los Crâneos Esculpidos à Cholula sont un des vecteurs fondamentaux des changements et des interactions suprarégionales de la période épiclassique. Les mariages sont bien connus pour le Bassin de Mexico à la période postclassique et constituent des stratégies d'ex• pansion territoriale et d'alliances (Lameiras Olivera 1993 : 9-10; Diel 2007). C'est un phénomène qui a aussi été étudié dans la Mixteca et dans la Huasteca, à la même période (Richter 2017: 307). Finalement, Gillespie et Joyce (1997) ont proposé que les femmes constituassent des médiatrices entre maisons, métaphores du lignage163• À la lumière de l'ethnographie indonésienne, les auteures proposent que les :lignages mayas aient pu être genrés et qu'ils se soient alliés sur le modèle de l'union homme/ femme: il aurait existé en effet des qu-i donnent des femmes et d'autres qui en reçoivent; les premières étant considérées comme pourvoyeuses de vie. Les deux familles ou lignages s'uniraient donc dans une vision complémentaire de l'univers. Le genre comme catégorie clossificotofre: fluidité et complémentarité

N'ayant que peu de moyens de déterminer via l'konographie si les figurations évoquées sont biologiquement des femmes et à la lumière des exemples épigraphiques mayas (Hewitt 1999), il semble qu'en Mésoamérique, les qualités masculines et féminines pouvaient être échangées au regard des fonctions sociales genrées dans une conception dualiste du cosmos (cf. Peperstraete 2012). De nombreux exemples d'hommes habillés en femmes ont été illustrés dans les systèmes figuratifs mésoaméricains. Headrick (2007: 38-39) a ques~ tionné le genre de la Grande déesse de Teotihuacan. Au regard de sa localisa1"3 Sel011 Gra ulich (1992 cité dans Ragot 2014 : 27), dans la conception mythique des Mexicas, la femme est l'entité qui séde ntarise.

333

334

tion originale et de sa coiffe caractéristique, il pourrait soit s'agir d'un souverain homme habillé en femme soit d'une femme biologique. Des hommes habillés en femmes ont été décrits par Joyce dans le monde maya (1996 cité dans Kowalski, Miller 2006 : 153-154; Hewitt 1999). Dans la sculpture de Tula, un personnage (cat 3 dans De la Fuente et al. 1988) porte un quechquemitl, mais également un pagne, ainsi qu'une lance du bras droit : il pourrait donc s'agir d'un personnage masculin disposant d'un marqueur féminin. À Chichen !tza, Je prêtre suprême qui accompagne le souverain porte une longue robe de jade mais est masculin (Baudez, Latsanopoulos 2010 : 6- 7). Le cihuacoatl mexica, dirigeant du genre « féminin » ayant en charge les affaires internes de l'entité politique (et également le culte de Tlaloc164) en est auss i un exemple (Mc Cafferty 2009 : 2009; voir aussi idées sous-jacentes dans l( lein 1994). À l'inverse, dans le monde maya, plusieurs femmes revêtent un costume masculin, de telle sorte qu'elles transforment littéralement leur corps biologique (intime ?J en corps de jeu de balle anciennement placé dans le Patio de los A/tares de Cholula correspond aossi à une tête de serpent stylisé. Tl faut aussi mentionner deux têtes incisées sur les rebords de l'écuelle au canidé de Cholula illustré en Figure 42; la tête peinte sur le plat provenant de Cholula (Figure 110), ainsi qu'une version s imilaire, avec une grande quantité de glyphes en S ou « fumée» sur une écuelle de type Tepontla imprimé (Figure 112).

Figure 111 : Sculpture de tête de serpent provena11t de l'U11ité 1 du Sectear Ede

Xochicalco [rnurloisie Proyecto Xochicnlcn).

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Le long corps couvert de plumes est représenté par plusieurs types de pièces. Un grand fragment de sculpture en céramique bleue provenant de Cacaxtla constitue un premier exemple. li a été localisé dans le dépôt compre193

Voi r aussi 11°10-570518 (Musée de site de Xochicalco).

nantuhe quantité importante de fragments de sculptures en céramique déjà décrits. Les fouilles d'Espinoza Garda et Ortega Ortiz (1988: 330) dans les parties basses du Gran Basamento ont livré sept grandes sections de Serpent à plumes qui pourraient être proches de cette sculpture. Un bloc sculpté provenant de Xochicalco 184 montre, dans un cartouche, la partie finale du corps emplumé du serpent, avec les plumes de queue si caractéristiques.

F/9ure 112. 6c11elle tripode [19urcmt une c~u Je serp,ini et 9/yphes M" S » provenant Je Cfwlu/a. Mu.\·ée de .silf' d1t l'fwlula.

Plusieurs anneaux typiques dont la forme rappelle des coquillages vus en coupe existent notamment à Xochicalco, aussi bien sur les talus de la Pyramide du Serpent à Plumes, que sur des éléments architecturaux, acrotère, en céramique stuquée185 • Ces représentations sont particulièrement proches des sonnailles du Serpent à plumes des peintures du tablera di\tetelco à Teotihuacan. Deux fragments de sculpture en terre peints en bleu, rouge et jaune provenant du Patio Hundido de !'Édifice B de Cacaxtla 106, où a également été retrouvé le grand corps bleu mentionné plus haut, pourraient aussi correspondre à des sonnettes. Enfin, il faudra également signaler les sonnettes de la sculpture composée de plusieurs blocs provenant de Xochicalco 187, déjà décrite antérieurement. Le contexte de la sculpture de Xochicalco (Figure 93) a déjà été discuté, en particulier au regard de son contexte, mais également quant à la possible existence d'un rituel de terminaison ayant entraîné son emmurement et sa mutilation (Testard 2019). Les motifs d'écailles sur les formes descendantes extérieures ainsi que la coiffe de plume mutilée188 pourraient faire allusion à un Serpent à plumes. La sculpture placée dans l'alignement de l'escalier central de la Pyramide du Serpent à Plumes, en contrebas de li\cropole (Garza Tarazona, Gonzalez Crespo 2004: 200), pouvait ainsi fonctionner en associa· tion avec l'imagerie de l'édifice dédié à cette entité. Les Serpents à plumes entiers sont connus sous deux formes principales dans le corpus : monumentale et sur des objets portables. Ils sont bien entendu figurés dans plusieurs des ensembles de Cacaxtla, au Temple Rouge, ainsi que sur les panneaux de l'Édifice A. Ces entités comportent les éléments caractéristiques présentés en début de section (gueule hybride, corps couvert 18'

N°10-57052 (Musée de site de Xochicako). N°10-570532 (Musée de site de XochicaJco). 18" N° 10-228998 (Musée de site de Cacaxtla). 1•1 N°10-570489/93 (Musée de site de Xochicako) . 181' Nagao (2014: 154) a quant à elle proposé qu'il puisse s'agir d'u1i marqueur de jeu de balle, étant donné sa similarité avec celui du Mundo pe rdido de Tikal. 111.•

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de plumes et glyphe en S sur le museau). Il faudra également mentionner deux dalles de Xochicalco, extrêmement similaires189, appartenant à l'ensemble des dalles aux animaux étudiées en détaiJ par Alvarado Le6n et Corona (2020). L'Autel 2 de Cholula enfin, figure deux serpents à plumes convergeant vers le centre et placés face à face (Figure 33c; deuxième partie). Cette composition est très proche d'une frise sculptée d'El. Tajfn. L'ensemble de ces Serpents à plumes figurés sur des objets monumentaux et destinés à être vus par un grand nombre de spectateurs affectent des formes allongées et étirées. Contrairement aux serpents noués connus au Postclassique tardif et ayant probablement fonctionné comme objets de culte (Lobjois 2016 : 154); les pièces épiclassiques du corpus semblent marquer et délimiter les espaces picturaux et physiques des structures dans lesquelles elles étaient originellement exposées (acrotères, marqueurs, reliefs architec· turaux polychromes, stèles-autels). En ce sens, ces Serpents à plumes agissent préférentiellement comme des divinités d'ordre cosmique. Néanmoins, les Serpents à plumes apparaissent également sur des artefaêts de dimensions plus modestes, dénotant un autre niveau de communication. Une version particulièrement stylisée de l'entité est ainsi visible sur un bol provenant de Cholula190• Une application circulaire céramique provenant de Xochitécatl montre également deux serpents à plumes ondulant têtebêche; l'artefact original en avait probablement au moins trois (Figure 113). Quant à la coiffe de figurine déjà décrite avec son motif N/t'vla.~ l,11t:;a11opoulos].

Les « canidés guerriers » sont particulièrement fréquents à Teotihuacan (Latsanopoulos 2008 : 82-87). Selon Kubler (1969 : 357-358; voir aussi Cabrera Castro 2002: 156-157), le jaguar réticulé et le coyote sont deux figurations interchangeables faisant référence à la guerre et au sacrifice, comme en témoignent les peintures d'Atetelco à Teotihuacan (portique est). Leur apparition au sein d'une même composition suggérerait la fusion de l'opposition de cultes locaux (environnement naturel du coyote) et étrangers (envîronnement chaud et humide du jaguar), ce qui pourrait être proposé pour les« Onze Seigneurs de Cacaxtla ». Manzanilla (2006: 10: 2008) a quant à elle suggéré que le coyote puisse faire référence

à un des quartiers de Téôtihuacan : le

sud-ouest incluant Atetelco. Dans des environnements chauds et humides où les jaguars sont plus fréquents, les personnages portant des costumes et des coiffes de canidés sont aussi connus. C'est le cas à El Zapotal, notamment dans la peinture murale et par des sculptures céramiques de Dicha Tuerta (Wyllie 2010: 218).

Chouettes ou hiboux

354

La figuration de la chouette apparaît uniquement dans la Scène de la bataille de Cacaxtla, à la hauteur de la tête du personnage vainqueur qui tient un couteau en silex (Figure 12, personnage 2E; deuxième partie). Selon Helmke et Nielsen (2013 b: 406,409), il s'agit du nom ou du titre de ce personnage, à forte connotation guerrière. li existe à Teotihuacan, une relation claire entre le hibou et la guerre (Garda des Lauriers 2000 : 41-42). Uanimal, avec les chouettes, pourrait en outre constituer l'insigne d'une caste guerrière (Portique 1 d'Atetelco) (Von Winning 1987 : 85 et sq.; Langley 1992: 266; Nielsen, Helmke 2008). Nielsen et Helmke (2008 : 463 et sq.) ont proposé qu'il puisse exister un 'lien conceptuel entre la rapidité des flèches envoyées par le propulseur et le vol de l'oiseau à la poursuite de sa proie. Cette iconographie liant rapaces nocturnes et guerre est également présente dans les cités mayas comme Tikal. A partir du Classique tardif, le hibou apparaît dans l'iconographie de Piedras Negra-s, d'Uxmal et de Chichen Jtza.

/Jl1µ/J/u11:,

La plupart des occurrences de papillons, hors celles déjà décrites, sont associées à des figures anthropomorphes dans le corpus. Les trois r écipients de Cacaxtla portent des personnages vêtus de costumes papillons (voir aussi Delgadillo Torres 2006 a). Ainsi, les individus sont parés d'ailes caractéristiques ainsi que des trompes (voire des palpes maxillaires) sur leur coiffe (Figure 38; deuxième partie). Les palpes m axillaires ont par aiJleurs é té repérés sur les coiffes hybrides des personnages des récipients-effigies. de Xochîcalco (Figure 41a, f; deuxième partie). Le personnage du dewcième récipient (Figure 4lf; deuxième partie) montre également des a iles carac· téristiques. Brittenham et Nagao (2014 : 67-68) ont noté la présence de la trompe de papillon sur les coiffes jaguars de certains des > en particulier les acrotères en céramique de Xochicalco; les autres coquillages sont connus uniquement par des motifs de la céramique de Cholula, Il s'agit en particulier de plats de type Tepontfa imprimé et CocoyotfaWZ (Figure 1 17). La morphologie particulière de ces coquillages vus en coupe évoque particulièrement les Turbine/la angulata. Ceux-ci sont associés au souffle et au vent, car ils sont utilisés comme instruments pendant les cérémonies rituelles. Par ailleurs, une hypothèse très convaincante a été formulée par Melgar Tisoc (2009; 2011 cité dans Alvarado Leôn 2019 : 235) à propos des acrotères coquillages de Xochicalco. En effet, leur localisation dans l½cropole, à proximîté d'un atelier de production de biens somptuaires en coquillage pourrait indiquer qu'elles a ient servi d'insignes pour q ualifier la fonction des espaces. Cette hypothèse est très plausible car à Teotihuacan, comme l'ont démontré Nielsen et Helmke (2014 : 122), les· noms des structures peuvent être placés sur les jambages des espaces, les acrotères servant quant à elles à renforcer leur fonction. Enfin, les spirales corresponden t en Mésoamérique à une synecdoque du coquillage vu en coupe. lis font en effet référence, à la manière du pars pro toto, à la partie centrale de celui-ci, comme cela est très nettement visible sur la Figure 117. Dans le corpus, les spirales sont figurées sur des céramiques 357

'°'

N°l0-200761, 10-214104. 10-214085 (Musée de site de Cholula) ; n°10-200407 [céramuthèguc INAII Puebla); exemplaires illustrés dans Noguera (1954).

provenant de Xochitécat) 20 ~ et Cholula20 4. Celles-ci sont représentées soit au centre des coquillages, soit seules. À l'image du coquillage, la spirale est aussi symbole du vent et du souffle, notamment par sa morphologie qui lui octroie un caractère dynamique (Taube 2001: 102, 121).

I:1yur11 1J7: Plat de type Tepm,tla imprimé provenant de Clw/u/n avec u11e l'eprésentation demquillage en co11pe. Céramothèqrie rie Cholu/a

Selon Taylor Baird (1989 : 105, 111, 118), l'iconographie de l'étoile à Teotihuacan évolue, autour de 550 apr. J.-C., d'un contexte aquatique à un contexte guerrier et sacrificiel, sans que la première utilisation soit pour autant délaissée. C'est Carlson (1991 : 7) qui va développer la question de l'idéologie religieuse et expansionniste de Teotihuacan autour du complexe rituel > qui y renverraient. C'est précisément sous son aspect guerrier que l'étoile semble avoir été exportée dans le contexte maya au Classique tardif (pellt-être autour de 850 apr. J.·C.), dans l'épigraphie de sites comme Tikal, Palenque, Aguateca, Dos Pilas, Copan. Dans ces contextes, le symbole stellaire est lié aux activités guerrières des souverains; il se superpose à celui du coquillage Qocal) (Taylor Baird 1989 : 105, 111-112 ; Miller 1989: 293-294; Velasquez Garcia 2002 : 232 ; Lacadena 2010 : 387). Comme le synthétise Velasquez Garcia (2002 : 232), ce complexe rituel en zone maya associe ainsi le pouvoir politique matérialisé par le glyphe puh (Tnll:m - fais;:int rMérP.nrP. :'i TP.ntih11::ir;:in ), l::i guerrP. (inr;:irnéP_p::ir le_ SP.rpP.nt

à plumes/ serpent mosaïque), le sacrifice (sang-eau), le temps (coiffe {{ trapèze et angle )~) et la fertilité (Tlaloc-eau). À la période postdassique, les cultes à Vénus deviennent l'apanage des Chichimèques (Broda 1971 : 246). Quetzacoatl est en lien avec l'étoile du matin, Vénus et Citlalicue « celle à la jupe en étoile» est sa mère (Taylor Baird 1989: 118-119; Miller 1989: 298; Sugiyama 2000: 117; Hernândez Sanchez 2005: 68). Le « culte guerrier de Vénus » est aussi en relation avec la figure du scorpion : cette relation privilégiée aurait une origine orientale et serait illustrée par le personnage masculin du Temple de Vénus de Cacaxtla (voir Carlson 1991: 19 et sq.) (Figure 21; deuxième partie). Carlson (1991: 24-25) 358

'°'

Exemplaires incisés (CATED de la UNAMl, Exemplaires de type Cocoyotlo : n° 10-200043 (céramorhèque JNAH Puebla) ; céramothèque de Cholula; fig. 29, 48, 49 dans Noguera (1954).

'°"

conSidère que l'origine d'un culte dédié au personnage scorpiôn lié à Vénus serait à placer dans les Basses terres mayas. Avec sa contrepartie féminine, il formerait un couple attaché a u complexe du Dieu du Maïs. En effet, la représentation de cet insecte est relativement fréquente dans l'iconographie maya. Elle apparaît a insi par exemple sur le vase maya 1> (20). Sanchez (2013) a décrit à Cantona plusieurs types scu]ptu raux rattachés à la sphère orientale: la hache votive (son type 18), le joug (type 27) liés plutôt au sud de la Mésoamérique et la palme (type 22) en relation avec le centre du Veracruz. À Xochicalco, deux jougs ont été localisés dans la Chambre aux Offrandes, deux autres ont été retrouvés dans !'Acropole et dans le dépôt du Secteur B (Alvarado Le6n 2020 : 142). Il pourrait s'agir d'archétypes la, lb voire 2D. L'ensemble de ces artefacts, les 27 terrains de jeu de balle de Cantona, les trois terrains de Xochicalco, un possible marqueur (tête de guacamaya proche de celles retrouvées à Copan), les anneaux de Cantona (Garcfa Cook, Vackimes Serret 1996; Sanchez 2013) et les six retrouvés à Xochicalco révèlent l'expansion d'un système idéologique dont le noyau se situerait dans les Basses terres côtières mayas (Paztory 1978; Zeitling 1993 cités dans Solar Valverde 2002: 290-291; Taladoire 1981 : 334-335). En outre, comme proposé par Taladoire (1981 : 541) l'utilisation des terrains de jeu de balle constitue un substitut à la guerre et à la conquête pour les élites, dimensions essentielles de la période. Dans l'archit'e cture, plusieurs motifs typiques font leur apparition. La phase de modification 2G de la Gran Piramide à Cholula (Mc Cafferty 2000 : 346-347), près du Patio de los Craneos Esculpidos, porte un tablera peint avec des rectangles noirs encadrés de blanc qui évoquent le Temple des Niches d'El Tajin. La phase 38 conservée sur les façades sud-est et nord-est présente un tablera avec un motff similaire à celui documenté sur la structure 10L-22A de Copan (Mc Cafferty 1996 a: 6; 2001: 290-291). Le motif en T qui apparaît sur les structures 3 et 4 autour du Patio de los A/tares a été décrit sur la façade de la structure 22 de Co pan et sur la Pyramide de Kukulcan à Chichen ltza (Mc Cafferty 1996 a: 6, 9). Ce motif en T, en plus de référer à un toponyme comme proposé par Plunket Nagoda (2012), pourrait évoquer le signe il< dominant dans le corpus dentaire des figurations examinées. En effet, à Palengue, il apparaît comme motif architectural, sous forme d'ouvertures dans le Palais.

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Des structures ou agencements architecturaux connus en zohe maya et sur le Golfe font leur apparition sur le Haut plateau central. Les jalousies de Cacaxtla (aussi connues à Uxmal), les rombos et les rosaces insérées dans les piliers (Édifice E) à Cacaxtla; à Xochicalco, le remate en corniche a été mis en rèlation avec l'architecture du nord du Yucatan; les peintures sur banquette de ces deux sites ont par ailleurs été comparées aux exemplaires de J'Usumacinta (Helmke, Nielsen 2011), de Las Higueras ou d'EI Zapotal et constituent autant d'adaptations techniques et iconographiques (18). Plus encore, l'identification récente du zapa/ à Cacaxtla (Lucet 2020), connu dans la zone maya nord représente un exemple concret d'utilisation de mesures différentes de celles employées à îeotihuacan, en combinaison avec des schémas, qui eux sont connus antérieurement dans la grande cité. De son côté, la copie technique (archétypes 2B, 2D) renvoie à un besoin spécifique ne pouvant être pourvu par une réponse technique locale qui nécessite, soit la présence d'un artisan ayant développé un schème cognitif spécialisé, soit l'importation de moules (pour la céramique) (Tableau 2; première partie), En plus des exemples proposés dans les paragraphes précédents, deux pièces présumées pourraient correspondre à ces archétypes. Les jaguars en céramique de Xochicalco particulièrement proches d'exemplaires de Monte Alban (antérieurs) pourraient constituer un premier exemple de présence locale d'artisan de Oaxaca. Les panneaux en terre crue de !' Édifice A de Cacaxtla sont un autre exemple. En effet, le nombre de références à l'iconographie et à l'épigraphie maya y est particulièrement élevé (Helmke, Nielsen 2013 a). JI faudrait ainsi envisager la présence d'un artisan maya, extérieur au cercle des peintres locaux responsables des différents programmes de Cacaxtla (cf. Brittenham 2008; 2013) qui aurait été en capacité de réaliser un modelé proche de certains reliefs en stuc de l'Usumacinta, probablement grâce à un prototype sur support périssable (céramique, codex, peau, etc.) (Helmke, Testard, s.d.). En ce qui concerne Ja distribution des archétypes dans la culture por• table, l'évaluation indique que la proportion de 18 recule, tandis que !'Adaptation iconographique (1A) est largement majoritaire. Les archétypes 3A (Importation complète) sont avant tout représentés par la céramique (orange fine, plwnbate et les exemplaires imprimés et moulés du sud de la Côte du Golfe), certaines des plaques figuratives en pierre verte proches de prototypes mayas, les vases en tecal/î et probablement certaines figurines de Xothitécatl. L'archétype 2E (copie complète) est exclusivément représenté par des artefacts en céramique réalisés au moule, ces derniers ayant pu être importés (figurines anthropomorphes moulées de Xochicalco notamment). Quant à 3D (Importations matériau[x] + adaptation technique + adaptation iconographique), il est représenté majoritairement par des artefacts en pierre verte, des plaques dont les figurations semblent avoir été réalisées localement, à partir d'une recomposition imitant un prototype oriental (Nagao 2006; Testard 2021). Cette évaluation globale et empirique du corpus à l'aune de la méthodologie exposée dans la première partie permet de souligner plusieurs tendances intéressantes, notamment quant à la place des « adaptations ~- Même si elles doivent être corroborées dans le futur, ces tendances méritent d'être discu-

tées, en tenues de rhétorique d'affiliation notamment, la thématique qui est au centre de l'étude. Des situations décrites par Sanders (1978) confrontées aux archétypes, ce sont les contacts occasionnels non périodiques entre élites (alliances et mariâges), les marchands de longue distance et les artisans itinérants qui semblent les plus à même de correspondre aux phénomènes examinés. Enfin, la migration mythique du roi, c'est-à-dire la création d'un discours sur l'origine des ancêtres (roi sacré) visible dans l'iconographie et les sources ethnobistoriques, est une autre modalité particulièrement cruciale pour la période (Testard 2017).

Réajustements et ad aptat io ns Différentes modalités d'adaptations témoignant du réajustement périodique des discours des élites e>..istent. Ainsi, tandis que Brittenham et Nagao (2014 :· 85 ·e t sq.) ont souligné les distincbions entre les « Onze seigneurs >> et d'autres figurations en céramique de Cacaxtla en termes de schémas d'affiliation, il apparaît, au regard de la méthodologie exposée dans la première partie, que plus un artefact multiplie les références allochtones, plus il se rap~ proche du prototype originel. Ainsi, l'apparition synchrone de différentes modalités d'adaptations (plus ou moins proches du prototype originel) constitue une stratégie performative qui évoque le cosmopolitisme des producteurs des images. En diversifiant les référents, ceux-ci s'assurent davantage de recours de transmission vers leurs contemporains, plus ou moins lointains, faisant d'eux des médiateurs par excellence. Le phénomène de coprésence de styles, ;rnssi identifiP. rl:rns le r.nrp11s ;i P.tP. so11lignP. dP.s le. PrP.r.lassirpre (1.esure 2005) et pour d'autres aires culturelles (Blomster 2009). Les figurines de Xochitécatl traduisent ces mécanismes. Ai-nsi le corpus intègre majoritairement des types rattachés à la sphère Coyotlatelco, révélatrice des relations régionales et héritière des productions des dernières phases de Teotihuacan; d'autres exemplaires signalent un rattachement aux traditions du sud de la Côte du Golfe, notamment par la présence de mutilation dentaire marquée, ainsi que par la posture emblématique des bras levés renvoyant aux figurines souriantes, faisant d'elles des adaptations (lAJ; et finalement, d'autres figurines sont vraisemblablement importées (3A) (Testard, Serra Puche 2020) (Figure 1).

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Figure l : Les figurines de Xochitécotl (tloxcah1} comme exttmples de coprêsence de

cfiflëro11tes modalilés d'affiliation. Dc9auche à rfroite - 'l'ypt! 1mportt (Compcd1e)1 type adapté (/>af)aloapan, Co/Je), type« local~ (complexe Coyotla/tt:lco).

À Cacaxtla-Xochitécatl, CholuJaetCantona des figurines de style Mezcala ont été décrites. Leur étude détaillée permettrait de définir si elles traduisent spécifiquement une association synchronique au Guerrero, ou plutôt un héritage de l'horizon préclassique et classique. L'analyse en cours des figurines et petites sculptw·es en pierre de XochicaJco (Alvarado Le6n, Testa rd s.d.} témoigne d'une a mple gamme de modalités adaptatives, avec des pièces affiliées au Guerrero ; d'autres à Teotihuacan et enfin, d'autres encore montrant des caractéristiques inédites, probablement de style local xochicalca. Par ailleurs, les mécanismes conditionnant le passage des systèmes symbo-

liques d'une société à une autre, ont aussi été illustrés. Ainsi, les thématiques

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de hiérarchie sociale, de sacrifice humain et de fertilité ont agi comme des vec· teursà l'appropriation de symboles ambivalent (Leroi-Gourhan 1973) est notablement illustrée par la non-adoption du système glyphique maya. Cette situation révèle la volonté de conserver un système idéographique« ouvert)> apte à être compris par une gamme plus large d'agents, qui sera privilégié par la suite, notamment dans le complexe Mixteca Puebla (Hemandez Sanchez 2005). D'autres exemples« d'inertie» pow-raient être explorés dans le futur. Enfin, de nombreuses adaptations iconographiques passent par des changements de supports et d'échelles créant des disjonctions (cf. Kubler 1969)

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questionnent les modalités d'inspirations et notamment les modèles. Helmke et al. (2017: 121-122) l'ont souligné pour la tradition cartographique mésoaméricaine figurée à la fois sur des codex (servant de médium de transmission) sur les peintures murales et sur les monuments sculptés. Quirarte (1983) a proposé que la Scène de la Bataille de Cacaxtla ait pu répliquer certaines caractéristiques formelles des vases mayas, qui auraient pu servir de modèles. La sculpture en pierre de guerrier de Xochicalco (Figure 39; troisième partie) a pu éventuellement s'inspirer d'une figurine semblable à celle qui est connue à Comalcalco. Depuis que la Pyramide du Serpent à plumes a commencé à être étudiée, les célèbres pl'aques Nebaj ont été é.voquées comme modèles. L'imitation de la forme, le changement de support, de dimensions et de fonction d.e la figuration impliquent une nécessaire discontinuité de significations entre la plaque et les reliefs sculptés. De façon contemporaine, une plaque céramique est produite, probablement localement, répliquant presque complètement les reliefs du talus du monument, tout en réactivant la composition des plaques Nebaj (Figure 79; troisième partie), Plus de 800 ans plus tard, un artisan mexica imite les reliefs de la Pyramide du Serpent à plumes de Xochicalco et produit une plaque à Tenochtitlan (Urcid, L6pez Lujan 2019). Il s'agit ici d'un formidable exemple de . Sa relation avec l'encensoir à manche semble liée à la morphologie spécifique de l'artefact. En effet, la poignée zoomorphe (non présente dans le corpus) est en relation avec le serpent de feu, que Tlaloc lui-même manipule pour attirer le tonnerre. L'une des appellations nahuatl de la foudre est en effet ayauhcàcol/i, qui fait précisément référence au serpent (Vauzelle 2018 : 740). D'ailleurs, selon Graulîch (2005: 226-232), le sacrificateur incarne précisément Tlaloc envoyant le tonnerre. Par ailleurs, le manche, qui peut être

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ttne sonnaille (comme dans le corpus), sert également de chicahua/iztli, un instrument qui appelle la pluie, car il reproduit le bruit de l'eau qui tombe. L'apparition du titre hiérarchique« masque de Tlaloc» renvoyant à un proto Tlalocan tlenamacac et celle de l'encensoir à manche semble concordante. De même, si cette forme est originaire des terres mayas (cf. deuxième partie), son importation sur le Haut plateau central pendant l'Épiclassique, pourrait se comprendre, d'une part, parce qu'elle est liée au titre hiérarchique, de l'autre, parce que le manche symbolise un serpent de feu et de tonnerre, en relation avec le sacrifice. Là encore, deux critères expliquent la sélectivité et l'importation de cet artefact singulier. Le deuxième élément de discontinuité réside dans l'apparition de deux possibles divinités > des blessures infligées : cardîectomie, éviscération, décapitation, écoulement du sang, etc. (Testard 2014 b). À Cacaxtla, la banquette du Temple Rouge a été comparée aux escaliers glyphiques de l'Us umacfnta Pasi6n, où les captifs, provenant de cités rivales, étaient explicitement piétinés (Helmke, Nielsen 2013 a, 2013 b). À Xochicalco, les glyphes toponymiques de la Pyramide du Serpent à plumes ont été considérés comme la transcription d'une liste de

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villes tributaires; une hypothèse similaire a été proposée pour les glyphes de la banquette du Temple rouge et celui du Sondage 12-A de de Cacaxtla (Hirth 1989; Smith 2000 b; Helmke, Nielsen 2013 a; 2013b), Ainsi, les titres guerriers et fonctionnels prennent tout leur sens en corrélation avec les listes des glyphes toponymiques de villes tributaires de Cacaxtla et Xochicalco (cf. Hirth 2012: 87). Plusieurs autres motifs font référence moins directement au sacrifice, parmi eux, le cacao dont la figuration prend un essor considérable et témoigne des liens établis avec les régions productrices (chaudes et à basses altitudes), fait allusion au cœur et au sang. Les personnages obèses ou joufflus entretiennent également un lien métaphorique avec cette pratique sacrificielle. Cette tradition figurative est vraisemblablement issue d'une double ascendance îeotihuacan / Orient. En définitive, les indices archéologiquesJ iconographiques et épigraphiques révélant la position hiérarchiquement marquée de certains individus, leurs titres et leurs ordres militaires, les listes de villes tributaires, les pratiques sacrificielles, forment un ensemble cohérent qui permet d'identifier les premières caractéristiques du pôle d'action politique« excluant»: individualisation, ségrégation et exacerbation de la force militaire. Cependant, tout en proclamant une forte déconnexion et agressivité (voir Stone 1989), les élites de ces cités ont nécessairement besoin de connexion : c'est-à-dire d'échanges de matériaux, de modes figuratifs et de symboles pour maintenir leur système économique et acquérir un prestige qui légitime leur pouvoir au niveau local. Ces stratégies apparemment contradictoires ou dans tous les cas, ambivalentes font d'ailleurs écho, à la manière dont Kurnick (2016 : 1920} définit l'autor.i té politique: la négociation d'une série de contradictions.

Alliances et al térité

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D'un point de vue économique, l'Épiclassique est une période où les réseaux de distribution de l'obsidienne évoluent considérablement. révélant de nouvelles stratégies et des alliances à l'échelle régionale. La répartition de la consommation d'obsidienne suit un schéma relativement clair, qu'il conviendrait de confirmer avec des analyses de caractérisation. Alors que l'ester le sud du Bassin de Mexico, en particulier Cacaxtla-Xochitécatl et Cholula étaient principalement approvisionnés par Oyameles-Zaragoza (Puebla), Xochicalco dépendait du gisement d'Ucareo-Zinapécuaro (Michoacan), tout comme les sites de la région de Tula, dont Tula Chico. Cantona, pour sa part, aurait contrôlé et exporté l'obsidienne du gisement d'Oyameles-Zaragoza, -au moins depuis le Classique (Espinoza Garcia, Ortega Ortiz 1988 ; Blanco 1998 ; Hirth 2005 ; Braswell 2003; Mc Cafferty 2000; Healan 2012; Garda Cook 2004]. Alors que l'obsidienne et la céramique étaient des biens de consommation courante et étaient régulièrement échangées, révélant des réseaux de distribution et économiques, d'autres artefacts, d'accès restreint permettent d'appréhender le comportement des élites. L'analyse de Alvarado de Lean (2019 : 262] a montré qu'à Xochicalco, les biens somptuaires étaient concentrés sur la Place centrale et la Place de lt\cropole, renforçant ainsi la notion d'espaces hautement hiérarchisés en en faisant le siège du pouvoir (voir aussi Alvarado de Lean 2020).

Un« trousseau» est un ensemble de biens qui accompagnait traditionnellement l'entrée d'une femme dans la famille de son mari. Ce que je nomme « trousseau de prestige » est un ensemble d'artefacts spécialement dédiés à l'échange entre élites et il semble qu'il ait été composé de certains des récipients-effigies étudiés, des plaques figuratives en pierre verte (Testard 2021), des récipients en tecalli, des ornements en coquillages et probablement de textiles, ainsi peut-être de fèves de cacao qui intégraient les trousseaux de mariage en zone maya (cf. Harrison Buck 2017: 114). Les récipients-effigies semblent appartenir à un complexe céramique typique des élites épiclassiques, car ils ne sont pas documentés auparavant sur le Haut plateau central. Rice (1999 : 41) a proposé que les encensoirs effigies mayas, très proches des vases constitueraient de véritables « outils du pouvoir» [material implements of power) dans la construction de la figure d'autorité au Classique ancien. JI est probable que les récipients-effigies du Haut plateau central aient été intégrés à la nouvelle culture matérielle épi classique, précisément à cause de cette dimension politique. Quant au tecalli, Luke (2008) avait déjà proposé une réflex ion sur le statut particulier de ces vases de pierre blanche analysés, véritables biens de prestige. Ces artefacts peuvent avoir constitué des cadeaux des élites de Veracruz ou des Mayas à celles du Haut plateau central, permettant d'y servir et d'y boire du cacao ou une sorte d'atole, une boisson à base de maïs, car il s'agit toujours de bols ou de gobelets. Des versions produites à Puebla ou à Oaxaca pourraient aussi évoquer les interprétations~< plus prestigieuses » provenant du Honduras. Dans ce cas, il s'agirait d'adaptations (archétype 18). Si grâce à l'étude de la culture matérielle, une action proprement « excluante » et déconnectée a été proposée grâce à l'accent mis sur l'individualisation, la ségrégation sociale, spatiale (urbaine) et les débuts d'une institutionnalisation militaire, un autre volet de cette action, cette fois-ci>, l'identificatjon du passage d'une sphère culturelle à une autre est complexe à appréhende1~ surtout dans des contextes où les chronologies fines sont encore trop rares. En contrepoint, cette étude qui s'est voulue holistique a justement mis l'accent sur les complexes mouvements de va-et-vient maté· riels et symboliques, dictées par les besoins, les contextes et les contingences de chaque société, débouchant sur la création de nouveaux univers visuels et idéologiques. Au Postclassique ancien, à partir de 900 / 950 apr. J.-C., des systèmes fi. guratifs exogènes ont été pleinement incorporés sur le Haut plateau central, dans le monde maya et sur la Côte du Golfe et émerge alors le « style postclassique international», bien connu dans la culture matérielle des cités jumelles de Tula et Chichen ltza. Cette étude confirme que celui-ci est en germe à la période épiclassique. En effet, certaines de ses caractéristiques saillantes ont été repérées dans le corpus. Il s'agit tout particulièrement des sculptures (féminines?) portant des médaillons ou des miroirs sur l'abdomen; du motif en diamant et points sur les jupes des figurines (Testard s.d.); des motifs de crânes et d'os croisés; du glyphe« fumée» figurant sur la gueule du Serpent à plumes; des figures allongées (possibles prototypes de sculptures de choc-, moof) et enfin, de l'importance des divinités féminines comme Tlazolteotl et les Cihuateteo. Une approche systématique des apports du système figuratif épiclassique dans la conceptualisation et la formalisation du« style postclassique international » ouvrirait, à l'image d'autres projets évoqués dans cet épilogue, de très belles perspectives pour le futur:

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337

Figw·e 108: Récipient en céramique en forme de pied provenant de la sépulture 30, structure 1 du C]P5 de Cantona (dessin de Nicolas Latsanopoulos d'après Serrano Carreto, Devissher 2004).

338

Figure 109 : Bloc sculpté figurant un arbre de cacao, provenant de /'Acropole de Xochicalco. Musée de site de Xochicalco.

339

Fîgure 110: Fragment de plot provenant de San Pedro Cholula montrant un motifde volute sur la tête du Serpent à plumes (dessiné d'après Sanchez de la 8arquera Arroyo etal. 2008 :fig, 63).

344

Figure 111 : Sculpture de tête de serpent provenant de /'Unité 1 du Secteur E de Xochicafco [courtoisie Proyecto Xochrcalco).

344

Figure 112: Écuelle tripode figurant une tête de serpent et glyphes en « S li provenant de Cholula. Musée de site de Cholula.

345

Fi9ure 113 : Application circulaire avec figuration de Serpent à plumes provenant de Xochttécatl. CATED de la UNAM.

346

P/gure 114 : Fusa foie provenant de Cacaxtla avec une fig Li ration dli Serpent à plumes. Musée de site de Cacaxtla.

347

Figure 115: Écuelle à fond imprimé figurant 1111 être anthrapo-zoomorphe aux traits de Serpent à plumes, provenant de Cholula. Céramothèque INAH Cho/u/a.

347

Figure 116: Relief du temple de la Pyramide du Serpent à plumes de Xochicalco montrant un guerrier accompagné d'un rapace et d'un canidé (dessin de Nicolas Latsanopoulos).

354

Fig Lire 117: Plat de type Tepontla imprimé provenant de C/10/ula avec une représentation de coquillage en coupe. Céramothèque de Cholula.

358

Pouvoirs et altérité. Nouveaux paradigmes hiérarchiques et re lations au « disant >> Figure 1 : Les figurines de Xochitécatl comme exemples de coprésence de différentes modalités d'affiliation.

374

Figure 2: Sculpture portont une coiffe« trapèze et angle~ et un médaillon sur la poitrine, associée à Xochicolco et datée de la période épiclassique. Collection Stavenhagen, Centra Cultural Universitario Tlate/olco (dessin de Nicolas Latsanopoulos).

375

453

Index des tableaux

Interagir: du présent au passé Tableau 1 : Chronologie génél'ale de la Mésoamérique ancienne avec une e_mphase sur la pérîode épic/assique.

13

Penser et analyser l'interaction culturelle en Mésoamérique: concepts et méthodes Tableau 1: Reconstruction des maillons manquants entre données archéologiques {artefacts) et modèles explicatifs généraux {repris de Test.ard 2014 a: tableau 1.5).

Tableau 2: Tableau croisant les archétypes d'artefacts {Testard 2014 a) - de l'adaptatîon (1] al'importation (3) en passant par la copie (2) - et l'approche anthtopo/ogique des contacts de Sanders (1978) {d'après Testat'd 20 Z4a ; 86; Testard 2018 :Jîg. 4).

36

37

La période épiclassique dans le Mexique central : politique, interactions et éclectismes matériels Tableau 1 : Chmnologie épic/assique par phases du .Haut plateau central: Teotihuacan et sites de l'étude {fondée sur Carbal/o 2020; Serra Puche, lazcano Arce 2011; 65; Hirth 2000; 11; Garera Cook 2 004; Millier 1978; Mc Cafferty 2000) Tableau 2: Motifs iconogmphiques sur les L:ypes céramiques épiclassiques de Cacaxtla-Xochitécatl (compilé d'après Serra Puche et al. 2004: 112 etsq.; repris de Testard2014a : tablea,u 10.7).

84

160

Images, stratégies d'affiliation et réseaux d'interaction Tableau 1 : Comparafson des systèmes Jîguratifs Teot:ihuacan, maya et du Golfe à la période classique. Méthode d'analyse d'une image hybride épiclassique (à partir de Testa rd 2014: tableaux 4.1-4.3; 4,7).

208

Tableau 2: Répartition des pièces par sites d'étude, par modes figu ratifs et thématiques (odapté de Testa rd 2014: annexes 5.3 à 5,11).

221

455

Tableaù 3 ·; Confrontation des différents types de mutilation dentaire relevés sur les sites de l'étude (d'c,près Testard 2014-: tableau 12.4). Tableau 4: Confrontation des différents types et variétés de modelés céphaliques dons les sites de l'étude (d'après Testard 2014: tableau 12.5).

456

3I7

320

Table des matières

Remerciements ...................................................................................... 7 Abréviations ............................................................................................ 9 Interagir: du présent au passé ............................................................. 11 Trajectoires théoriques et culturelles .................................................................... 11 Approches des interactions grâce à une étude de la culture matérielle et visuelle .......................................................................... 14 Théories, concepts, historiographies, cùlture matérielle et images : étapes de l'étude ...................................................................................... 18 PENSER ET ANALYSER L' INTERACTION CULTURELLE EN MÉSOAMÉRIQUE: CONCEPTS ET MÉTHODES ....................... 21

L'interaction culturelle. Théories et méthodes pour l'approche d' un corpus archéologique .................................................................. 23 Théories anthropologiques et historiques : entre mélange des corps et mélange des cultures .......................................................................... 23 Acculturation ........................................................................................................ 25 Ti-ansculturation ................................................................................................. 25 Syncrétisme .......................................................................................................... 25 Métissage ............................................................................................................... 26 Gruzinski et le métissage colonial au Mexique .......................................... 27 Turgeon et le chaudron de cuivre .................................................................. 27 Le« principe ou critère de sélectivité>> et ses concepts attachés ....... 28 Les processus d'interactions culturelles et l'objet archéologique: a pproches, limités et perspectives ........................................................................... 29 La quête de l'origine culturelle en archéologie ......................................... 29 L'objet trace: matériau, savoir-faire et techniques .................................. 30 La question du style iconographique: création(s) et recréation(s) .................................................................................................... 31 Les modèles explicatifs et les maillons manquants.................................. 33 Phénomène migratoire.................................................................................. 33 Commerce de longue distance ..................................................................... 33 Conquête et colonisation .............................................................................. 34

457

Échange entre élites: le concept de« biens de prestige» .................. 34 Un modèle alternatif? ................................................................................... 36

Vers une méthodologie : des archétypes pour aider à penser l'interaction ..................................................................................................... 38

L'interaction culturelle sur le temps long en Mésoamérique. ........................................................................ 43 Diffusio~ vs 1.nter~ction ; ~en.ser l'échange en archeolog1e mesoa1nenca1ne................................................................................ 43 Les Olmèques: 1< culture mère,,,« cultures sœurs » et focus émulateur .............................................................................................. 43 Teotihuacan: cosmopolitisme, multiethnicité et légitimations .................................................................................................... 45 la nwltiet~n_icité _d~ns lo. cité: quartiers et centre c1v1co-ceremon1el ......................................................................... 46 le Quartier des commerçants .................................................................... 49 Teotihuacan à l'extérieur: échanges et affiliations ............................ 50 Tula et Chîchen ltza : conquête vs émulation ............................................. SS Les Aztèques: expansion et prestige ........................................................... 58 Perceptions de l'Orient depuis les Hauts plateaux: impm1:ations, préciosités et idéologies ............................................................................................... 61 Matériaux .importés, matérîaux précieux .................................................... 61 Les pierres vertes et lo jadéite .................................................................... 61 Les coquillages................................................................................................. 62 Le bleu maya .................................................................................................... 63 Le cacao ................................................................................................. ,........... 63 les peaux anîmales ........................................................................................ 64 les plumes exotiques..........................................................,..............,,........... 65 les textiles et le coton .................................................................................. 65 Mythologie des « paradis de brume » le Tamoanchan, le Tlalocan et les cités archétypiques...................................................................... 67 Tan1aonchan ......................................................................................................... 67 Tlalocan ................................................................................................................. 67 Tollan ...................................................................................................................... 68

458

Métaphores de l'altérité, de l'ailleurs et du lointain ......................................... 69 Métaphores et ambivalences en Mésoamérique : ambigüités et hybridations .................................................................................................... 69 Pers istances et ruptures .................................................................................. 70 Continuité et discontinuité........................................................................... 70 (< Renascences ,, antiques et disjonctions................................................. 70 Pouvoir, idéologie et altérité ........................................................................... 72 He/ms et la distance comme forme de légitimation ............................ 72 le paradigme duel du « roi sacré» : local et étranger........................ 74 la migration comme archétype de légitimation ................................... 75

Synthèse de la première partie ............................................................ 77

LA PÉRIODE ÉPICLASSIQUE DANS LE MEXIQUE CENTRAL "!' POLITIQUE, INTERACTIONS ET ÉCLECTISMES MATÉRIELS ......... 79

l'Épiclassique ....................................................................................... 81 Dynamiques culturelles de la période .................................................................... 84 Mécanismes et facteurs d'émergence des cités états .............................. 84 La fin de Teotihuacan : un processus graduel... ..................................... 84 « Réaménagements démographiques >> sur le Haut plateau central .....86 Commoner resistance..................................................................................... 86 Power Vacuum vs Compétition ...................,..................,............................. 87 les pet1tes entités politiques de f'Épiclassique ...................................... 87

La réorganisation des contrôles sur les ressources : l'exemple de l'obsidienne ............................................................................................ 90 L'obsidienne à Cacaxtla-Xochitécatl-Nativitas ........................................... 92 L'obsidienne à Xochicalco ................................................................................. 92 L'obsidienne à Canto na ..................................................................................... 93 L'obsidienne à Cholula ....................................................................................... 93 Fortification et caractère défensif des établissements ou stratégie politique et sacralisation .......................................................................... 94 L'implantation en hauteur dans la vallée de Puebla-Tlaxcala ................ 94 L'implantation en hauteur dans le bassin de Morelos ............................. 95 Sites de hauteur: idéologie et cosmovision ............................................... 96 Circulation des personnes et des biens ................................................................. 97 Voies, routes, chemins et corridors .............................................................. 97 Réseaux ...........,...................................................................................................... 98

Les sites de l'étude: dynamiques culturelles et affiliations au distant ............................................................................................ 101 Les régions d'étude : caractéristiques et implantations ............................................................................................................. 101 Vallée de Puebla-Tlaxcala ............................................................................... 101 Bassin de Morelos, région de Coatlan ......................................................... 102 Bassin de !'Oriental, Puebla ........................................................................... 103 Cacaxtla-Xoch i técatl-N atîvîtas.................................................................................. 104 Implantations et caractéristiques ............................................................... 104 Les peintures murales de Cacaxtla .............................................................. 107 Édifice A ou des Peintures ......................................................................... 110 Édifice B .......................................................................................................... 116 Chambre aux Escaliers ............................................................................. ., 119 Sondage 11-A ......................................., .............., ......................................... 120 Ensemble 2 ..................................................................................................... 121

Xochicalco .........................................................................................................................1 31 Implantation et caractéristiques générales ..............................................131 La Pyramide du Serpent à plumes de Xochicalc:o .................................... 133

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Les éclectismes de CacaxtJa et Xochicalco: deux types d'affiliation a u distant via la culture monumentale ................................................................ 142 Cantona ............................................................................................................................. 143 lmplantation et caractéristiques générales ............................................. 143 Les« complexes terrains de jeu de balle » et l' Acropole ..................... 145 Circulation et ségrégation .............................................................................146 Cholula ................................................................................................................................ 147 lmplantation et caractéristiques générales ............................................. 14 7 Les structures épiclassiques : motifs et complexes architectoniques éclectiques ........................................................................ 149 Sites de l'étude: convergences et divergences ................................................ 151

Objets importés, copiés et adaptés. Diagnostiquer l'interaction grâce à la culture matérielle portable .......................................................... 155 Réflex.ions générales sur le corpus ........................................................................ 155 Céramique .........................................................................................................................15 7 Cacaxtla- Xochitécatl-Nativitas ..................................................................... 1 5 7 Types locaux ................................................................................................. 157 Figurines ............................................................................................... ,........ 164 Importations et adaptations de types orientaux .............................. 165 Xochicalco ........................................................................................................... 168 Types locaux .................................................................................................. 168 Importations et adaptations de types orientaux................................ 171 Cantona ................................................................................................................ 172 Types locaux .................................................................................................. 172 lmportations et adaptations de types orientaux .............................. 173 Cholula .................................................................................................................174 Types locaux .................................................................................................. 174 Importations et adaptations de -types orientaux .............................. 176 Pierre verte ...................................................................................................................... 177 CacaxtJa-Xochitécatl-Nativitas ...................................................................... 177 Xochicalco ........................................................................................................... 179 Cantona ................................................................................................................ 180 Cholula ................................................................................................................. 1 81 Récipients en tecalli ..................................................................................................... 181 Cacaxtla-Xochitécatl-Nativitas ...................................................................... 1 81 Xochicalco ........................................................................................................... 182 Cbolula ................................................................................................................. 1 82 Le tecalli comme matériau précieux .......................................................... 182

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Coquillages marins ....................................................................................................... 184 Cacaxtla-Xochitécatl-Nativitas ...................................................................... 1 84 Xochicalco ........................................................................................................... 185 Cantona ................................................................................................................ 186

Cholula ................................................................................................................. 186 Échanges matériels inter et supra régionaux dans le Mexique central: convergences, divergences et rhétoriques d'affiliations ............ 187 Céramique .......................................................................................................... 187 Pierre verte ........................................................................................................ 191

Tecal/i ................................................................................................................... 192 Coq uillage ........................................................................................................... 193 Modalités et réseaux ........................................................................................ 193

I MAGES, STRATÉGIES D'AFFILIATION ET RÉSEAUX D'INTERACTION ................. , ... , ... ......................................... 197 Pour une analyse de la figuration depuis l'anthropologie de l'Art. Méthodes de l'étude ............................................................................ 199 Appréhender l'image mésoaméricaine depuis l'anthropologie de l'.A.rt........ 199 «Fabriquer» une image: les régimes ontologiques ............................. 199 Modes figuratifs et organisations sodopolitiques.................................. 200 Faire dialoguer l'être vivant et l'image: agentivité, interaction et idéologie ........................................................................................................ 201 Conceptions émiques autour de l'image et de sa fabrication ............. 204 Étudier une image: concilier les analyses iconographiques traditionnelles et la portée anthropologique .......................................... 205 Appréhender les changements stylistiques et thématiques dans u n contexte d'interaction culturelle ..................................................................... 205 Une mét hode ~pécifique pour appréhender l'image hybride .............. 205 Glissements de paradigmes ........................................................................... 208 Configurations hybrides et changements thématiques à Te.otihuacan .............................................................................................. 208 Modes figuratifs et costumes Teotihuacan dans le monde maya ........ 216 Le style postclassique international ou la fusion de modes figuratifs ....................................... ,............................................. 217 Domaines d'a nalyses discriminants et catégories employées.................... 218

Naturalisme et expression nisme des espaces et des corps. Exprimer le pouvoir et la hiérarchie ................................................... 223 L'espace et son articulation ...................................................................................... 223 Pr o fo ndeu r: suggérer un« espace vécu » ............................................ 223 Composition pyramîdale: hiérarchiser le souverain ............................ 226 Naturalisme humain, animal et végétal .............................................................. 227 Proportions : vers une « grandeur natu re » ............................................. 2 27 Proportions absolues ................................................................................. , 227 Proportions relatîves .................................................................................. 2 32 Corporalités et mimesis: exprimer la diversité ..................................... 233 Diagramme corporel et entités animiques ........................................... 233 Le passage du temps ................................................................................... 236

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Joufflus et difformes: transgression et sacrifice ................................ 241 Matérialiser les textures ................................................................................ 245 l es textiles, les fibres végétales et le papier ........................................ 245 l es peaux, les plumes et les coquillages ................................................ 248 Les bijoux et les ornements ....................................................................... 248 Rosettes, miroirs frontaux et pectoraux..........................................,..... 250 « Nature vivante» : anima ux e t végétaux ................................................. 251 l es félins et les canidés: les prédateurs................................................ 252 les cervidés et les lapins: les proies ...................................................... 254 Les oiseaux ..................................................................................................... 256 Les reptiles ............................................................................................,........ 259 l es insectes .................................................................................................... 261 Les coquillages et la faune marine ......................................................... 261 la }Jore : mats et maguey .......................................................................... 264 Expressionnisme: visages e t corps en mouvem ent ......................................265 Expressio nnisme des visages: discours et performativité ................. 265 Visages souriants: l'ivresse ou la transe .............................................. 266 Expressions de douleu r et d'agressivité ................................................ 268 Expressio nnisme des corps: véhiculer un statut.................................... 272 Un langage des mains ................................................................................. 2 73 Bras levés: dan.se et fertilité ................................................................... 276 Mains sur le ventre ...................................................................................... 279 Bras croisés sur le buste............................................................................. 280 Bras sur l'épaule opposée ......................................................................... 281 Postures assises: pouvoir et fonctions sociales .................................. 282 Debout en appui latéral ............................................................................ 287

Des élites médiatrices: « connection and disconnection »............... 289 L'explicitation du sacrifice humain ....................................................................... 289 Le détachement des parties .......................................................................... 289 Extraire et détacher ........................................................................... ,........ 290 Le décharnement: corps exposés et murs de crânes......................... 291 Têtes trophées et force vitale ................................................................... 295 Le rouge et le sang ........................................................................................... 298 Pigments rouges et énergie vitale........................................................... 298 l e sang et les g lyphes trilobés ................................................................. 301 Les épines, les lames et les saignées ....................................................... 302 la fleur et le sang ........................................................................................ 303

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La glorification du dignitaire ................................................................................... 304 Dignita ire: le pe ndant gravitas du roi sacré ............................................ 304 « S'asseoir, devenir rot» ........................................................................... 304 Oiseaux descendants : intronisation, légitimation et ordre cosmique ........................................................................................ 305 Souverain du temps et de l'espace ......................................................... 306 Ato urs. pa rures et a rmes: le pendant celeritas d u roi sa cré ............... 31 2 Porter du jade ...................................................................................... ,......,. 312

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