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French Pages 192 [194] Year 2021
Références sciences
Théorie des groupes 2e édition enrichie
Felix Ulmer
Collection Références sciences dirigée par Paul de Laboulaye [email protected]
Retrouvez tous les livres de la collection et des extraits sur www.editions-ellipses.fr
ISBN 9782340-057241 ©Ellipses Édition Marketing S.A., 2021 8/10 rue la Quintinie 75015 Paris
Avant-propos Le présent ouvrage reprend avec quelques ajouts le cours de troisième année de licence de mathématiques donné à l’université de Rennes 1. La classification des groupes d’ordre 6, 8 et 12 ainsi que la classification des groupes simples finis servent de motivation tout au long du livre. Les raisonnements dans le cadre de la théorie des groupes sont très variés et rendent donc le sujet passionnant. Le manque de techniques standard n’aide guère de nombreux étudiants dans la résolution des exercices. Les options prises concernant l’ordre de présentation des résultats devraient permettre aux étudiants d’aborder de manière aussi méthodique que possible les 150 exercices proposés dans le texte. La dernière annexe contient des corrigés ou des indications pour les exercices marqués du symbole (*). Dans l’ouvrage, l’accent n’est pas mis sur la visualisation ou les manipulations géométriques. Les groupes de permutations, souvent omniprésents dans un cours d’introduction à la théorie des groupes, apparaissent tardivement alors qu’une large place est faite aux groupes diédraux. En théorie des groupes le moindre calcul peut rapidement s’avérer fastidieux et la manipulation explicite d’exemples est ardue. L’utilisation d’un logiciel de calcul pour les groupes permet d’une part, d’expérimenter au moyen d’exemples et d’autre part, de vérifier des solutions d’exercices. Les logiciels G AP et M AGMA offrent tous deux de larges possibilités, notamment pour manipuler les groupes. L’utilisation d’un tel logiciel est déjà en soi un bon exercice d’assimilation des notions du cours. Dans ce texte les exemples présentés utilisent le logiciel M AGMA, dont une fenêtre gratuite de calcul interactif est disponible sur internet. Je remercie tous les collègues qui m’ont apporté leur soutien, et tout particulièrement mes collègues Bernard Le Stum, Michèle Loday et Laurent Moret-Bailly qui ont eu la patience de relire le manuscrit et la gentillesse de me prodiguer de nombreux conseils. Mes remerciements vont également aux étudiants pour leur indulgence face aux maladresses et aux erreurs des premières versions du cours. Enfin, je voudrais exprimer toute ma reconnaissance à Otto Kegel, lequel m’a fait découvrir la théorie des groupes et m’a communiqué sa passion pour le « non commutatif » durant mes années d’études.
Avant-propos de la 2e édition Cette 2e édition a été l’occasion de corriger des erreurs et de rendre la présentation plus abordable à travers l’ajout d’exemples et d’exercices. Un grand merci à Benoît Claudon, Matthieu Romagny et Olivier Thom pour le temps qu’ils ont consacré à cette relecture, ainsi que pour leurs conseils avisés.
Table des matières 1 Groupes, sous-groupes
7
1.1 Groupes 1.2 Sous-groupes 1.3 Groupes diédraux
7 10 14
2 Morphismes et isomorphismes
21
2.1 Morphismes de groupes 2.2 Automorphismes
21 25
3 Théorème de Lagrange
29
4 Groupe opérant sur un ensemble
35
4.1 Opération de groupe 4.2 Opération d’un groupe par translation 4.3 Opération d’un groupe par conjugaison
35 40 42
5 Groupes quotients
49
5.1 Dénitions 5.2 Corps nis et groupe linéaires nis 5.3 Sous-groupe dérivé 5.4 Théorèmes d’isomorphisme
49 54 56 56
6 Groupes symétriques
61
6.1 Permutations et cycles 6.2 Classes de conjugaisons 6.3 Groupes alternés
61 66 68
7 Formule des classes et p-groupes
77
8 Produit semi-direct
83
8.1 Produit direct et semi-direct 8.2 Extension de groupe 8.3 Correspondance des sous-groupes
83 87 90
vi
TABLE DES MATIÈRES
9 Théorème de Sylow
93
10 Groupes d’ordre 12 (18, 20 et 21)
101
11 Groupes résolubles
105
12 Groupes abéliens de type ni
111
12.1 Groupes abéliens libres, sous-groupe de torsion 12.2 Théorème de structure 12.3 Calcul des invariants
111 115 119
13 Groupes linéaires
125
13.1 Générateurs du groupe linéaire 13.2 Groupe dérivé 13.3 Groupes linéaires nis
125 128 130
14 Groupes projectifs
133
14.1 Théorème d’Iwasawa 14.2 Espace projectif 14.3 Simplicité du groupe PSL(V )
133 135 138
15 Sous-groupes nis de SO(2;R) et de SO(3;R)
141
16 Représentations linéaires
149
16.1 G-modules 16.2 Caractères des groupes nis 16.3 Caractères et sous-groupes distingués
150 156 164
Annexe A Groupes libres
167
Annexe B Cryptographie avec les courbes elliptiques
169
Annexe C Indications pour certains exercices
173
Bibliographie
187
Index
189
Chapitre 1
Groupes, sous-groupes Il faut sans doute attribuer à Cayley, en 1854, la définition abstraite d’un groupe telle que nous la connaissons aujourd’hui. Auparavant, de nombreux groupes particuliers avaient déjà fait l’objet d’études approfondies en vue de la résolution de problèmes spécifiques, le plus célèbre d’entre eux étant le problème de la résolubilité par radicaux des équations polynomiales. Parmi les précurseurs de la théorie citons Lagrange (1770), Ruffini (1799), Galois (1829), Cauchy (1844), Cayley (1849, 1854), Jordan Traité des substitutions (1870), Klein Erlanger Program (1872).
1.1 Groupes Définition 1.1 On appelle groupe tout couple (G, ∗) formé d’un ensemble G appelé ensemble sous-jacent et d’une application ∗ : G × G → G; (g, h) → g ∗ h, dite loi de composition interne, qui satisfait aux conditions suivantes : 1. La loi ∗ est associative : (g ∗ h) ∗ k = g ∗ (h ∗ k ) pour tout (g, h, k) dans G × G × G. 2. Il existe dans G un élément neutre e pour la loi ∗ : e ∗ g = g = g ∗ e pour tout g dans G. 3. Tout élément de G admet un inverse pour la loi ∗ : pour tout g dans G, il existe h dans G, tel que g ∗ h = e = h ∗ g. Définition 1.2 Le groupe (G, ∗) est dit commutatif (ou abélien) si g ∗ h = h ∗ g pour tout couple (g, h) dans G × G. L’ordre du groupe, noté |G|, est le cardinal de l’ensemble sous-jacent G. Si l’ensemble G contient un nombre fini n d’éléments, on dit que le groupe (G, ∗) est d’ordre n ; sinon, il est dit d’ordre infini.
2
CHAPITRE 1. GROUPES, SOUS-GROUPES
L’ensemble G contient un élément neutre et n’est donc jamais vide. Si la loi du groupe découle sans ambiguïté du contexte, on note le groupe G au lieu de (G, ∗). Il existe deux notations classiques pour la loi de groupe : l’une additive, l’autre multiplicative. La notation additive sous-entend toujours que la loi est commutative. Désormais, sauf mention contraire, nous utiliserons la notation multiplicative. L’application ∗ est appelée la multiplication ou encore la loi de composition. Pour (g, h ) ∈ G × G, l’élément g ∗ h est appelé produit de g par h et on le note gh. Ce produit n’est pas supposé être commutatif. Dans cette notation par juxtaposition, l’élément neutre e est parfois noté 1 ou 1G . L’associativité de la multiplication entraîne qu’un produit (g1(g2g3 ) · · · gn ) de n éléments ( n ≥ 3) est indépendant de la position des parenthèses et que l’on peut écrire sans risque de confusion des expressions telles que g1 g2 · · · g n. On vérifie facilement que l’élément e ∈ G est le seul élément neutre de G et que l’inverse d’un élément est unique. Dans la notation multiplicative, l’inverse de g est noté g −1 (jamais 1g ). Pour l’inverse d’un produit on a : (gh) −1 = h−1 g −1 . Dans le cas d’un groupe commutatif, et seulement dans ce cas, la loi de composition est parfois notée à l’aide du symbole +. Dans ce cas, l’élément neutre est noté 0 ou 0 G et l’inverse de g ∈ G est noté −g . Règles de calcul dans un groupe : soit g, h et k des éléments d’un groupe G : 1. Simplification : Si gk = hk, alors g = h . En effet, puisque k admet un inverse k−1 et que la loi de groupe est une application, nécessairement g = (gk)k−1 = (hk)k−1 = h. De même, kg = kh entraîne g = h. 2. Translation à gauche : Dans G, l’équation gx = h possède une unique solution x = g −1 h. Il en résulte que, pour tout g ∈ G, l’application x → gx est une bijection de G dans G. L’équation xg = h possède également une unique solution hg−1 qui, lorsque le groupe est non commutatif, peut être différente de la solution g −1 h. C’est à cause de cette ambiguïté que les notations 1g et hg sont à proscrire. Pour décrire un groupe fini dont l’ordre est petit, il est possible de donner sa table de multiplication (ou table de Cayley) dont les colonnes et les lignes sont numérotées par les éléments de G et dont l’entrée à la ligne gi et la colonne gj est le produit g i gj . Afin de déterminer toutes les structures de groupe possibles d’un groupe à 4 éléments, considérons un groupe (G, ∗) dont les éléments sont {e, g1, g 2 , g3}. Comme le produit avec l’élément neutre est toujours donné, il s’agit de compléter la table suivante, en inscrivant en ligne gi et colonne g j le produit gi gj ∈ {e, g 1, g2 , g3 } : * e g1 g2 g3
e e g1 g2 g3
g1 g1
g2 g2
g3 g3
1.1. GROUPES
3
Comme les translations à gauche et à droite sont des bijections, tous les éléments de G apparaissent sur chaque ligne et sur chaque colonne exactement une fois (un sudoku avec un seul carré...). Cela garantit aussi l’existence d’un inverse pour chaque élément. Il reste donc trois choix pour fixer l’inverse de g1 . Regardons le cas où g1 est son propre inverse : * e g1 g2 g3
e e g1 g2 g3
g1 g1 e
g2 g2
g3 g3
Comme tous les éléments apparaissent exactement une fois dans chaque ligne, il reste les possibilités g1 g2 = g 2 ou g1 g2 = g3. Puisque g 1g2 = g2 entraîne la contradiction g 1 = e, on en déduit que g 1 g2 = g3 . En argumentant de manière semblable sur les colonnes, nous obtenons : * e g1 g2 g3
e
g1
g2
g3
e g1 g2 g3
g1 e g3 g2
g2 g3
g3 g2
Il reste deux possibilités pour remplir la table, qui, comme on le verra plus tard, correspondent à deux groupes structurellement différents : * e G4,1 : g1 g2 g3
e
g1
g2
g3
e g1 g2 g3
g1 e g3 g2
g2 g3 e g1
g3 g2 g1 e
et
G4,2
* e : g1 g2 g3
e
g1
g2
g3
e g1 g2 g3
g1 e g3 g2
g2 g3 g1 e
g3 g2 . e g1
Les autres choix possibles pour le produit g1 g1 sont g2 et g3 qui conduisent également aux deux structures de groupes ci-dessus (dans le sens qu’après réarrangement et ajustement du nom des éléments, nous obtenons les mêmes tables de multiplication). Cette approche est déjà très complexe pour les groupes avec un petit nombre d’éléments et une table de multiplication comme celle que nous avons obtenue ne définit pas encore un groupe, puisque l’associativité de la loi de composition reste à vérifier et peut être mise en défaut à ce stade. EXEMPLES . Voici quelques exemples de groupes. 1. « Le » groupe trivial G = {e} (un groupe possède au moins un élément). 2. Les groupes additifs (et donc commutatifs) d’anneaux (Z, +), (Q, +), (R, +) et (C, +), (Z[X ], +) et les groupes multiplicatifs de corps (Q ∗, ·), (R∗ , ·) et (C ∗ , ·) (également commutatifs, malgré la notation multiplicative).
4
CHAPITRE 1. GROUPES, SOUS-GROUPES 3. Soit F un corps et V un espace vectoriel. Le groupe (V, +) est un groupe abélien. L’ensemble des applications linéaires bijectives forme le groupe (général) linéaire pour la composition des application noté GL(V ). Si V est de dimension finie n ∈ N, alors après le choix d’une base nous avons V ∼ = Fn et les éléments de GL(V ) sont les applications linéaires dont la matrice est inversible. Dans ce cas, le groupe correspondant des matrices n × n inversibles est noté GL(n, F ). 4. Groupe de transformations, groupe symétrique (cf. chapitre 6) : étant donné un ensemble X on note S(X ) l’ensemble des bijections de X vers lui-même. L’ensemble S(X ) est un groupe pour la composition des applications. Il n’est pas commutatif lorsque la cardinalité de X est ≥ 3. Pour x ∈ X et f, g dans S(X ) on a f ◦ g(x) = f (g(x)). Pour X = {1, 2, . . . , n} le groupe symétrique S(X ) est d’ordre n!. Dans ce cas, on note Sn au lieu de S({1, 2, . . . , n}). Le groupe S3 est un groupe non abélien d’ordre 6 (chapitre 6). 5. Les groupes définis par des courbes elliptiques (annexe B) sont très utilisés en cryptographie.
1.2 Sous-groupes Définition 1.3 On appelle sous-groupe d’un groupe G, tout sous-ensemble H de G sur lequel la multiplication de G induit une structure de groupe, c’est-à-dire tel que les propriétés suivantes sont vérifiées : 1. e ∈ H ,
2. h 1 h 2 ∈ H pour tout (h1 , h2) ∈ H × H, 3. h −1 ∈ H pour tout h ∈ H.
Un sous-groupe H de G est dit distingué dans G, et on note H G, si ghg −1 ∈ H pour tout g ∈ G et tout h ∈ H . Pour tout groupe G, les sous-groupes {e} et G sont toujours des sous-groupes distingués de G. Dans un groupe abélien, tous les sous-groupes sont distingués. Lemme 1.4 Soit G un groupe. Une partie H de G est un sous-groupe de G si et seulement si les conditions suivantes sont satisfaites : 1. L’ensemble H n’est pas vide ; 2. h 1 h −1 2 ∈ H pour tout (h 1 , h2 ) ∈ H × H. D ÉMONSTRATION . Si H est un sous-groupe deG, alors les deux conditions découlent directement de la définition d’un sous-groupe. Supposons les deux conditions du lemme vérifiées. D’après la 1 re condition H est non
1.2. SOUS-GROUPES
5
vide et donc il existe un élément h dans H. En appliquant la 2e condition au couple (h, h) , nous obtenons e = hh−1 ∈ H . Pour tout h dans H, la 2 e condition appliquée au couple (e, h) montre que eh−1 = h−1 appartient à H, si bien que l’inverse de tout élément de H est dans H. Pour tout h 1 et tout h2 dans H, la 2 e condition appliquée −1 −1 au couple (h1 , h−1 appartient à 2 ) ∈ H × H montre que le produit h1 h2 = h1 (h 2 ) H. D’où le résultat. EXEMPLE . Soit F un corps, n un entier positif et SL(n, F ) le sous-ensemble de GL(n, F ) des matrices de déterminant 1. La matrice identité Id appartient à SL(n, F ) det(g ) et det(gh−1 ) = det(h −1 ) = 1 pour tous g, h dans SL(n, F ) . D’après le lemme, le sousensemble SL(n, F ) est donc un sous-groupe de GL(n, F ) . Pour tout g dans GL(n, F ) et tout h ∈ SL(n, F ), nous avons det(ghg−1 ) = det(h) = 1, si bien que SL(n, F ) est un sous-groupe distingué de GL(n, F ).
Lemme 1.5 Soit I un ensemble et Hi (i ∈ I ) des sous-groupes d’un groupe G. L’intersection ∩ i∈I Hi est un sous-groupe de G. Pour I = ∅ on convient que ∩ i∈I Hi = G. Si, pour tout i, le sous-groupe Hi est distingué dans G, alors ∩i∈I H i est un sousgroupe distingué dans G. DÉMONSTRATION. Un élément g de G appartient à ∩ i∈IH i si et seulement si g appartient à tous les H i . Puisque e appartient à tous les sous-groupes Hi , l’ensemble ∩ i∈I Hi est non vide. Si g appartient à tous les sous-groupes Hi , alors g−1 appartient aussi à tous les sous-groupes Hi et donc à leur intersection ∩i∈I H i. Pour g1 et g2 dans ∩i∈I H i nous en déduisons que les éléments g1 et g −1 2 appartiennent à tous les −1 sous-groupes Hi et donc g 1 g2 aussi. Il en résulte que g1 g−1 2 appartient à ∩i∈I H i g g H pour tout 1 et tout 2 dans ∩i∈I i , et, d’après le lemme précédent, l’ensemble non vide ∩ i∈I H i est un sous-groupe de G. Soit g ∈ G et h ∈ ∩i∈I Hi . Si les sous-groupes Hi sont tous distingués, alors, comme h appartient à tous les Hi , l’élément ghg −1 appartient aussi à tous les Hi et donc à ∩ i∈I Hi . Le sous-groupe ∩i∈I Hi est donc distingué dans G. L’intersection H de tous les sous-groupes de G qui contiennent un sous-ensemble X ⊂ G est un sous-groupe de G. Comme le sous-groupe H de G est contenu dans tous les sous-groupes de G qui contiennent X, c’est le plus petit sous-groupe de G qui contient X . Proposition et définition 1.6 Etant donné un groupe G et un sous-ensemble X de G , il existe un plus petit sous-groupe de G contenant X (i.e. contenu dans tous les sousgroupes de G qui contiennent X) qu’on appelle le sous-groupe de G engendré par X et que l’on note X G ou simplement X . Pour un sous-ensemble fini {g 1, g 2, . . . , gn } de G on note {g1 , g2, . . . , g n} plus simplement g 1, g2 , . . . , gn .
6
CHAPITRE 1. GROUPES, SOUS-GROUPES
Définition 1.7 Un groupe G est appelé groupe cyclique ou monogène s’il existe un élément g dans G, tel que g est égal à G. On appelle ordre d’un élément g de G l’ordre du sous-groupe g engendré par g.
R EMARQUE. Dans la littérature française un groupe cyclique est un groupe monogène fini, alors que la définition ci-dessus n’implique pas qu’un groupe cyclique soit fini. Nous suivons ici la nomenclature anglaise. Exemple 1.8 L’ensemble H = i = {1, i, i2 , i3 } ⊂ (C∗, ·) est un sous-groupe cyclique d’ordre 4. L’élément i 2 engendre un sous-groupe K = {1, i 2 } de H . Par une dénomination adéquate des éléments de H , par exemple 1 e, i 2 g 1 , i g 2 et i3 g3 , nous obtenons que la table de multiplication du groupe H est G 4,2 . Ceci montre que la table de multiplication G4,2 est bien la table de multiplication d’un groupe et vérifie donc la règle d’associativité, question restée en suspens à la fin de la page 3. Notons qu’un groupe dont la table de multiplication est G4,1 n’est pas cyclique car tous les éléments sont d’ordre un ou deux. Les deux tables G 4,1 et G4,2 correspondent donc à deux structures de groupes différentes. Un groupe engendré par X = {xj j ∈ J } contient également l’inverse des générateurs xi . En notation multiplicative X contient l’ensemble de tous les mots de longueur finie formés par les xi ∈ X et leurs inverses x−1 i (cf. chapitre A). Un exemple −1 −1 de mot est x2 x3 x2x3 x1 . Cependant des « mots » distincts peuvent représenter les mêmes éléments de G. On convient que le mot vide est e. Proposition 1.9 Soit G un groupe et X ⊂ G un sous-ensemble de G . Le sousgroupe X deG engendré par X est l’ensemble de tous les mots de longueur finie formés par les x i ∈ X et leurs inverses x−1 i . Si les générateurs xi ∈ X commutent entre eux, alors X est un sous-groupe abélien. Si gxig −1 appartient à X pour tout xi dans X et tout g dans G , alors X est un sous-groupe distingué de G. D ÉMONSTRATION . Notons M(X ) le sous-ensemble de G des mots de longueur finie formés par les x i ∈ X et leurs inverses x−1 i . Le mot vide est l’élément neutre et il 1 2 appartient à M(X ). Pour z = z 1 z2 · · · znn et y = yω1 1 y ω22 · · · y ωmm avec yi ∈ X, m · · · y−ω 2 −ω1 z i ∈ X, i = ±1 et ωi = ±1 , l’élément zy −1 = z 11z22 · · · z nny−ω y1 m 2 appartient à M(X ), car c’est bien un mot formé par les xi ∈ X et leurs inverses x−1 i et donc un élément de M(X ). Donc l’ensemble M(X ) est un sous-groupe de G. Tout sous-groupe de G qui contient X contient tous les mots de longueur finie formés par les x i ∈ X et leurs inverses x−1 i , si bien que M(X ) ⊂ X. Comme X est le plus petit sous-groupe qui contient X , nécessairement M(X) = X . −1 Si les xi ∈ X commutent entre eux, alors les xi et les x−1 et j ainsi que les xi les x −1 j commutent entre eux. Dans le produit de deux mots de X , il est donc
1.2. SOUS-GROUPES
7
possible de faire passer toutes les lettres du mot de droite à gauche. Par conséquent, tous les mots commutent et le groupe X est abélien. Soit z = z 11 z2 2 · · · znn dans X avec zi ∈ X et i = ±1 . Si gz ig−1 ∈ X pour tout g ∈ G, alors (gz ig −1 )−1 = g−1 zi−1g ∈ X pour tout g ∈ G. Il en résulte que −1 ∈ X pour tout g ∈ G. Si bien que gz −1 i g gzg−1 = gz11 z22 · · · znn g −1 = (gz 11g −1 )(gz 22g −1)(g · · · g −1 )(gznng−1 ) ∈ X .
Par conséquent, X est un sous-groupe distingué de G.
Corollaire 1.10 Soit G un groupe et g ∈ G un élément d’ordre fini n. Alors, n est le plus petit entier strictement positif ayant la propriété gn = e et nous avons g = {g, g2 , . . . , g n = e}. Pour k ∈ Z on a gk = e si et seulement si n divise k.
DÉMONSTRATION. Si g = e, nous obtenons le résultat avec n = 1. Supposons maintenant g = e . Le groupe g consiste en les mots formés par g et g−1 et donc ne contient que des éléments de la forme g i avec i ∈ Z. Comme le groupe g est fini, il existe 0 < i < j avec gi = g j . Dans ce cas gj−i = gj−i−1 g = e et nous obtenons g −1 = g j−i−1 avec 0 ≤ j − i − 1. Le groupe g ne contient donc que des éléments de la forme g i aveci ∈ N . Soitm le plus petit entier strictement positif qui vérifie g m = e. Supposons qu’il existe 1 ≤ i < j < m avec g j = g i . Il en résulterait que g j−i = e avec 0 ≤ j − 1 < m, ce qui contredirait la minimalité de m. Par conséquent, les éléments g, g2, . . . , g m sont donc tous distincts. Puisque g est d’ordre n, nous avons m ≤ n . Pour un entier positif k, nous obtenons par division euclidienne k = q · m + r avec 0 ≤ r < m et donc g k = (gm )qg r = g r . Comme g0 = e = g m, il en résulte que g est contenu dans {g, g2, . . . , g m}, si bien que m = n . Pour k ∈ Z la division euclidienne précédente montre que g k = e si et seulement si n divise k. Dans la suite de ce paragraphe nous utilisons la notation additive dans laquelle la notion de mot est moins naturelle. Exemple 1.11 Pour n dans (Z, +), nous avons n = {nk |k ∈ Z} et on note ce sous-groupe nZ. Proposition 1.12 Soit H un sous-groupe de (Z, +). Il existe un unique n ∈ N, tel que H = nZ. D ÉMONSTRATION . Si H = {0}, alors H = 0Z. Sinon H contient un élément a = 0. Comme H contient a et −a , nous obtenons que H contient un entier positif non nul. Comme toute partie non vide de N possède un plus petit élément, il existe un plus petit entier positif non nul n dans H. Il en résulte que nZ est contenu dans H et nous voulons montrer que H ⊂ nZ. Soit m ∈ H , nous devons montrer que m ∈ nZ. Par division euclidienne dans Z nous obtenons m = kn + r avec (k, r ) dans Z × Z et 0 ≤ r < n. Comme r = m − kn, il en résulte que r appartient à H. Puisque 0 ≤ r < n, la minimalité de n implique r = 0. Donc, m = kn ∈ nZ et le résultat s’ensuit.
8
CHAPITRE 1. GROUPES, SOUS-GROUPES
1.3 Groupes diédraux Définition 1.13 Pour un entier n ≥ 1 le groupe diédral D n est le sous-groupe de GL(2, R) engendré par la symétrie axiale s et la rotation r d’angle θ = 2π n cos(θ) − sin(θ) 1 0 définies par s = et r = . Le groupe Cn est le 0 −1 sin(θ) cos(θ) sous-groupe cyclique de Dn engendré par la rotation r.
1 0 Le groupe D 1 = = {e, s} est un groupe cyclique d’ordre 2. Pour 0 −1 n ≥ 3 le groupe diédral est le groupe des isométries du polygône régulier à n sommets (exemple 4.13). Cependant, nous allons utiliser une caractérisation par générateurs et relations qui sera utile plus tard. Proposition 1.14 Pour un entier n ≥ 1 le groupe Dn ⊂ GL(2, R) est un groupe d’ordre 2n. Les générateurs r et s du groupe D n satisfont aux relations rn = e, s2 = e et sr = r−1 s et les éléments de Dn sont donnés par la liste {e, r, r 2 , . . . , rn−1 , s, rs, r 2s . . . , r n−1s}. Le groupe D 2 est abélien non cyclique et pour n ≥ 3 le groupe D n est non abélien. Le sous-groupe Cn = r ⊂ Dn est un sous-groupe cyclique distingué de Dn d’ordre n. D ÉMONSTRATION . La vérification des relations entre r et s par le calcul est laissée au lecteur. Puisque n est le plus petit entier positif vérifiant r n = e, le sous-groupe r de GL(2, R) est d’ordre n. Par conséquent, les éléments e, r, r2, . . . , r n−1 sont tous distincts (corollaire 1.10). Comme s −1 = s et r −1 = r n−1 , les mots formés par s, s−1 , r, r−1 s’écrivent comme des mots formés par r et s . À l’aide de la relation sr = r−1 s = rn−1 s, il est possible d’écrire tout mot en s, r sous la forme r j ou r j s avec j ∈ {0, 1, . . . , n − 1}, montrant que le groupe Dn est un groupe fini d’ordre au plus 2n . Comme det(s) = −1, les éléments de la forme rj s ne sont pas dans r = {e, r, r2, . . . , r n−1}. Les éléments s, rs, r 2 s, . . . , rn−1 s sont également distincts, car pour i < j, l’égalité r is = r j s entraînerait r j−i = e et contredirait le fait que r soit d’ordre n. Donc le sous-groupe r, s = Dn est d’ordre 2n et il en résulte que Dn = r, s = {e, r, . . . , r n−1 , s, rs, . . . , r n−1s}. Pour tout j ∈ {1, . . . , n} et tout i ∈ {1, . . . , n}, nous avons rj r i r−j = r i ∈ r et, puisque rs = sr −1, sr i s = r−i ∈ r. Si bien que (r j s)r i(r j s)−1 = rj (sri s)r −j = r−i ∈ r. Par conséquent, le sous-groupe r est distingué dans D n. Pour n = 2 le groupe D 2 = {e, s, r, rs} ne contient que des éléments d’ordre 2. Dans ce cas sr = rs, si bien que D 2 est non cyclique abélien avec comme table de multiplication la table G4,1 (proposition 1.9). Pour n ≥ 3, nous avons sr = r−1 s = rs et dans ce cas, le groupe D n est non abélien.
1.3. GROUPES DIÉDRAUX
9
La relation sr i = r−i s permet de faire passer s à droite de chaque mot de r, s et donc de calculer le produit de deux éléments de D n = {e, r, . . . , rn−1, s, rs, . . . , r n−1 s}. Ceci permet d’établir la table de multiplication de Dn en utilisant uniquement les relations rn = e, s2 = e et sr = r −1 s (cf. exercice 1.14 et définition A.3). Ces relations déterminent donc la table de multiplication du groupe Dn et de ce fait ce groupe, à condition que n soit le plus petit entier positif vérifiant r n = e. Pour n = 3 , nous obtenons la table de multiplication suivante de D 3 = {e, r, r 2, s, rs, r 2 s} : e r r2 s rs r2 s
e
r
r2
s
rs
r 2s
e r r2 s rs r 2s
r r2 e r2 s s rs
r2 e r rs r2 s s
s rs r 2s e r r2
rs r2s s r2 e r
r 2s s rs r r2 e
Remarque 1.15 Le groupe diédral Dn = r, s est également engendré par les éléments α = rs et β = s d’ordre 2. En effet α, β ⊂ D n = r, s et comme r = αβ et s = β , nous obtenons également D n ⊂ α, β. Un groupe peut donc être engendré par différents ensembles de générateurs distincts dont les ordres sont distincts. L’ordre des générateurs ne donne en général pas d’information sur l’ordre du groupe.
i 0 0 1 Exemple 1.16 Considérons les éléments I = ,J = du 0 −i −1 0 groupe GL(2, C) et notons Q8 = I, J le sous-groupe de GL(2, C) engendré par ces deux éléments. Dans l’exercice 1.16, en procédant comme dans la proposition 1.14, nous allons montrer que Q 8 = {id, I, I 2, I 3, J, IJ, I 2 J, I3 J} est un groupe non abélien d’ordre 8 appelé groupe des quaternions. Les relations I 4 = id, I 2 = J 2 et JI = I −1J montrent que la table de multiplication de Q 8 est
e I I2 I3 J IJ I 2J I 3J
e
I
I2
I3
J
IJ
I2J
I3J
e I I2 I3 J IJ I2 J I3 J
I I2 I3 e 3 I J J IJ I2 J
I2 I3 e I 2 I J I3 J J IJ
I3 e I I2 IJ I2 J I3 J J
J IJ I2J I3 J I2 I3 e I
IJ I2 J I3 J J I I2 I3 e
I2J I3J J IJ e I I2 I3
I 3J J IJ I 2J I3 e I I2
10
CHAPITRE 1. GROUPES, SOUS-GROUPES
Définition 1.17 Soit g 1 et g 2 deux éléments du groupe G. On appelle commutateur −1 de g1 et g2 , et on note [g1, g 2], l’élément g1 g2 g−1 1 g 2 . On appelle groupe dérivé de G, et on note D(G), le sous-groupe de G engendré par les commutateurs. Le groupe dérivé ne contient en général pas que des commutateurs, mais bien des mots formés par les commutateurs et leurs inverses. Le plus petit groupe 1 dans lequel le produit de deux commutateurs n’est pas toujours un commutateur est d’ordre 96. Le groupe dérivé d’un groupe commutatif est toujours réduit à {e}. Proposition 1.18 Soit G un groupe. Alors, les commutateurs vérifient les propriétés suivantes : 1. [g 1, g 2]−1 = [g 2, g 1] pour tout couple (g1 , g2 ) ∈ G × G ;
2. h[g 1 , g2]h−1 = [hg1 h −1, hg2 h −1 ] pour tout triplet (g1 , g2 , h) ∈ G × G × G ; 3. Le groupe dérivé D(G) est un sous-groupe distingué de G.
D ÉMONSTRATION . Les deux 1 ers points se vérifient par le calcul. Le 1er point montre que les inverses des générateurs de D(G) sont aussi des générateurs et donc tout élément d de D(G) s’écrit sous la forme d = [g1 , g2 ][g3 , g 4] . . . [g2n−1 , g 2n ] avec g i ∈ G et n ∈ N. Pour tout h ∈ G, le conjugué hdh−1 s’écrit hdh−1 = h[g 1, g2 ]h −1 h[g3, g 4 ]h−1 . . . h[g 2n−1, g 2n]h −1 = [hg 1h −1 , hg2h −1 ] . . . [hg2n−1 h −1, hg 2nh −1 ]. Si bien que hdh−1 appartient à D(G) et le résultat s’ensuit. Lemme 1.19 D(D1) = e et D(D 2 ) = e. Pour n ≥ 3 nous avons D(Dn ) = r 2 si n est pair, et D(Dn) = r si n est impair. D ÉMONSTRATION . Comme D1 et D2 sont abéliens, les groupes dérivés respectifs sont triviaux. Supposons maintenant n ≥ 3 et calculons les commutateurs dans le groupe diédral Dn . Le groupe r ⊂ D n étant abélien, nous avons [r i, r j ] = e. Dans la suite, nous utilisons systématiquement les relations r n = e, s2 = e et sr i = r −i s pour faire passer s de la gauche vers la droite : [r i , rj s] = ri rj s(ri )−1(rj s)−1 = rir j sr−i sr−j = ri r j ri ssr−j = r 2i = (r 2 )i [ris, r js] = r isr j s(ris) −1 (rj s) −1 = rir −j sr−isr−j = ri r −j r ir −j = (r 2 )i−j. Si bien que D(Dn ) = r 2 . Pour n ≥ 3, le nombre 2 est inversible modulo n si et seulement si n est impair. Dans ce cas 2 et n sont premiers entre eux et il existe t, u dans Z tels que 2t + nu = 1. Par conséquent, (r 2)t = r2t = r 1−nu = r(rn )−u = r. Il en résulte que dans ce cas, r 2 = r et le résultat s’ensuit.
1.3. GROUPES DIÉDRAUX
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Liste des groupes de petit ordre (non premier) |G|
#
4 6 8 9 10 12
2 2 5 2 2 5
14 15 16 18 20
2 1 14 5 5
21 22 24 25 26
2 2 15 2 2
liste des groupes à isomorphisme près C4, D2 ∼ = C2 × C2 C6, D3 ∼ = S3 ∼ = C3 C 2 C8, C2 × C 4, C2 × C2 × C 2 , Q8 , D4 ∼ = C4 C2 C 9 , C3 × C 3 C10, D5 ∼ = C5 C 2 C12, C 2 × C6, D6 ∼ = C6 C 2 ∼ = C2 × S 3, ∼ A4 = (C2 × C 2) C3, C 3 C4 C14, D7 ∼ = C7 C 2 C15 ... C18, C 3 × C6, D9 , C 3 × S 3, (C3 × C3 ) C2 C20, C 2 × C10 , C 5 ϕ 1 C4 , C5 ϕ2 C4 , D10 ∼ = C10 C2 ∼ = C5 (C 2 × C 2) C21, C 7 C3 C22, D11 ∼ = C 11 C 2 .... C25, C 5 × C5 C26, D13 ∼ = C 13 C 2
références exercice 3.4 exercice 3.5 lemme 3.17 corollaire 7.9 exercice 3.5 chapitre 10 exercice 3.5 exemple 9.6 exercice 10.5 exercice 10.3 exercice 10.4 exercice 3.5 corollaire 7.9 exercice 3.5
Un des objectifs principaux de ce livre est de comprendre le tableau des groupes de petit ordre. Dans ce tableau, la 1re colonne indique le nombre d’éléments du groupe, la 2e indique le nombre de structures de groupes (on dira de groupes non isomorphes) ayant ce nombre d’éléments. La 3 e colonne fournit la liste de ces groupes que nous apprendrons à lire et à comprendre. Pour les nombres premiers p, nous verrons qu’un tel groupe est toujours cyclique d’ordre p et isomorphe à Cp (corollaires 3.13 et 5.16). C’est pourquoi les groupes d’ordres premiers ne figurent pas dans le tableau. En théorie des groupes, le moindre calcul devient vite fastidieux. Afin de pouvoir expérimenter avec des exemples (ou vérifier des réponses d’exercices), on pourra utiliser un logiciel comme M AGMA dont une fenêtre de calcul interactif gratuite se trouve sur http://magma.maths.usyd.edu.au/calc/ ou le logiciel libre G AP http://www.gap-system.org/ 1 . R.D. Carmichael, Introduction to the Theory of Groups of Finite Order, Ginn and Company, Boston, 1937, Exercice 29, p. 38
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CHAPITRE 1. GROUPES, SOUS-GROUPES
Nous utiliserons M AGMA pour illustrer les possibilités de calcul dans les groupes. La commande « NumberOfSmallGroups(n) » indique le nombre de groupes d’ordre n qui existent à isomorphie près. > NumberOfSmallGroups(16) ; 14 > G :=DihedralGroup(8) ; Order(G) ; 16 > IsAbelian(G) ; false
Exercice 1.1 Pour chacun des couples formés d’un ensemble et d’une loi de composition interne suivants, dire s’il s’agit d’un groupe ; dans le cas où c’en est un, trouver l’élément neutre et, pour tout élément, son inverse. 1. (R, ∗), avec x ∗ y = x + y − 1.
2. ({f : R → R}, ∗), avec f ∗ g = f ◦ g . Dans la suite le produit est la multiplication de matrices : 3. ({A ∈ M(100, Z) | det(A) = 0}, ·).
4. ({A ∈ M(100, Z) | il existe B ∈ M(100, Z) : AB = BA = I}, ·)
5. ({A ∈ M(100, Z) | il existe B ∈ M(100, Z) : AB = I}, ·). Dans un premier temps on vérifiera que le produit de matrices est bien une loi de composition interne. Exercice 1.2 (*) Soit G un ensemble et ∗ une loi de composition interne associative sur G. Montrer que s’il existe un élément neutre ed à droite (avec g ∗ ed = g pour tout g ∈ G) et que pour tout g dans G il existe un inverse à droite g˜ d (avec g ∗ g˜d = ed ), alors (G, ∗) est un groupe. En conclure que dans la définition d’un groupe il suffit de demander un élément neutre à droite et un inverse à droite. Exercice 1.3 Combien de lois de composition internes ∗ existe-t-il sur un ensemble X de cardinal 2 ou 3 telles que (X, ∗) soit un groupe ? Exercice 1.4 Soit n ∈ N ∗. Pour g ∈ GL(n, R) notons gt la matrice transposée de g . — L’ensemble {−1, 0, 1} ⊂ Z définit-il un sous-groupe de (Z, +) ? — L’ensemble {g ∈ GL(n, R) | gt = g} définit-il un sous-groupe de GL(n, R) ? — L’ensemble {g ∈ GL(n, R) | (g t)−1 = g} définit-il un sous-groupe du groupe GL(n, R) ? — Pour un groupe G, l’ensemble {g ∈ G | g2 = e} définit-il un sous-groupe ? Exercice 1.5 Soit E un sous-ensemble non vide d’un groupe G, stable par la loi de groupe. Montrer que si E fini, alors E est un sous-groupe de G. Donner un exemple de groupe G avec un sous-ensemble E infini stable qui n’est pas un sous-groupe de G.
1.3. GROUPES DIÉDRAUX
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Exercice 1.6 — Soit G un groupe dans lequel tous les éléments g vérifient g 2 = e. Montrer que G est commutatif (Exercice 5.8 contient un exemple d’un groupe non commutatif G avec g3 = e pour tout g dans G). — Soit G un groupe tel que, pour tous g et h dans G , on ait (gh)−1 = g−1 h−1 . Montrer que G est commutatif. — Soit G un groupe tel que, pour tous g et h dans G, on ait (gh)2 = g2 h 2 . Peut-on conclure que G est commutatif ? Exercice 1.7 Soit G, H deux groupes. On munit le produit cartésien G × H d’une loi de composition interne ∗ donnée par (g, h ) ∗ (g , h ) = (gg , hh ). Vérifier que cela définit une structure de groupe sur G × H (il s’agit du « groupe produit ») et indiquer l’élément neutre ainsi que l’inverse de (g, h ) ∈ G × H. Généraliser à un produit d’une famille quelconque de groupes (G i )i∈I . Exercice 1.8 Soit G un groupe commutatif. Montrer que le sous-ensemble H des élements d’ordre fini de G est un sous-groupe. Exemple : {e 2iπx | x ∈ Q} ⊂ (C ∗·). Exercice 1.9 Déterminer le sous-groupe de (R∗, ·) engendré par l’ensemble des nombres premiers. Exercice 1.10 (*) Le produit de deux éléments d’ordre fini d’un groupe est-il lui aussi d’ordre fini ? Exercice 1.11 Soit G un groupe, H1 et H2 deux sous-groupes de G. Montrer que la réunion H1 ∪ H2 est un sous-groupe de G si et seulement si H1 est inclus dans H2 ou H 2 inclus dans H1. Donner un exemple d’un groupe G et de sous-groupes H1 et H2 , tels que H 1 ∪ H2 ne soit pas un sous-groupe de G. Exercice 1.12 (*) Soit G un groupe fini d’ordre pair. 1. Montrer qu’il existe un élément g dans G d’ordre 2. 2. Montrer que le nombre d’éléments d’ordre 2 dans G est impair. Exercice 1.13 (*) Soit G un groupe fini contenant un élément g d’ordre 2. Montrer que |G| est pair. Exercice 1.14 Déterminer la table de multiplication du groupe D 4. Exercice 1.15 Soit G un groupe et H G et K G deux sous-groupes distingués. Montrer que le commutateur [h, k] appartient à l’intersection H ∩ K pour tout h ∈ H et tout k ∈ K .
14
CHAPITRE 1. GROUPES, SOUS-GROUPES
Exercice 1.16 (*) Considérons le groupe des quaternions Q8 = I, J ⊂ GL(2, C) de l’exemple 1.16 1. Montrer les relations I 4 = id, I2 = J2 et JI = I −1J et en déduire que les éléments de Q8 sont tous de la forme I sJ k avec s ∈ {0, 1, 2, 3} et k ∈ {0, 1}. 2. Montrer que les éléments id, I, I 2, I 3, J, IJ, I 2 J, I 3 J sont tous distincts et en déduire que Q8 est un groupe d’ordre 8. 3. À l’aide des relations I 4 = id, I2 = J 2 et JI = I−1J , vérifier que la table de multiplication de Q 8 est bien celle de l’exemple 1.16. En déduire que Q8 est un groupe non abélien d’ordre 8. Indication : procéder comme dans la preuve de la proposition 1.14. Exercice 1.17 Soit G le sous-groupe {e2iπx | x ∈ Q} de C ∗. (a) Montrer que tout élément de G est d’ordre fini. (b) Montrer que G est « divisible » : pour tout g dans G et tout entier n = 0 il existe h dans G tel que g = hn . (c) Est-ce que G est le groupe additif sous-jacent à un Q-espace vectoriel ?
Chapitre 2
Morphismes et isomorphismes 2.1 Morphismes de groupes Définition 2.1 Soit (G, ∗) et (Γ, ) deux groupes dont les éléments neutres respectifs sont notés eG et e Γ . On appelle — morphisme (ou homomorphisme) de groupes de G vers Γ toute application ϕ : G → Γ qui vérifie la relation ϕ(g ∗ h) = ϕ(g )ϕ(h) pour tout couple (g, h ) ∈ G × G. — noyau de ϕ, et on note ker(ϕ), l’ensemble ker(ϕ) = {g ∈ G | ϕ(g) = eΓ } des éléments de G dont l’image par ϕ est l’élément neutre e Γ de Γ . — image de ϕ, et on note im(ϕ), l’ensemble im(ϕ) = {γ ∈ Γ | il existe g ∈ G, tel que ϕ(g) = γ} = ϕ(G) — — — —
des éléments de Γ de la forme ϕ(g ) pour un g ∈ G. isomorphisme de G dans Γ tout morphisme ϕ : G → Γ bijectif. endomorphisme de G tout morphisme de G dans lui-même. automorphisme de G tout endomorphisme bijectif de G. anti-morphisme de G vers Γ toute application ψ : G → Γ du groupe G vers le groupe Γ qui vérifie la relation ψ(g ∗ h) = ψ(h)ψ (g) pour tout couple (g, h ) ∈ G × G.
Puisque ϕ(e G ) = ϕ(eG ∗ e G ) = ϕ(eG )ϕ(eG), alors nécessairement ϕ(e G ) = eΓ . On déduit des égalités eΓ = ϕ(eG ) = ϕ(g ∗ g−1) = ϕ(g)ϕ(g −1) que l’image de l’inverse d’un élément est l’inverse de l’image : ϕ(g−1 ) = ϕ(g)−1 pour tout g ∈ G. Par récurrence, on obtient le résultat : ϕ(g n) = ϕ(g) n pour tout n ∈ Z et tout g ∈ G. En général, sauf mention contraire et s’il n’y a pas d’ambiguïté possible, nous utilisons la notation multiplicative par juxtaposition dans les deux groupes G et Γ . E XEMPLE . Le déterminant d’une matrice vérifie la règle det(AB ) = det(A) det(B).
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CHAPITRE 2. MORPHISMES ET ISOMORPHISMES
L’application det : GL(n, C) → C ∗ est donc un morphisme de groupes. R EMARQUE. La règle (gh) −1 = h−1 g−1 montre que l’application ι G : G → G donnée par g → g−1 est un anti-morphisme. Puisque ιG ◦ ι G = idG, l’application ιG est bijective. Comme f : G1 → G 2 est un anti-morphisme si et seulement si f ◦ ι G1 est un morphisme, on peut se contenter d’étudier les morphismes. Lemme 2.2 Soit ϕ : G → Γ un morphisme de groupes.
1. L’image ϕ(H ) d’un sous-groupe H ⊂ G est un sous-groupe de Γ . Si H est distingué dans G, alors ϕ(H ) est distingué dans ϕ(G). En particulier, si ϕ est surjectif, alors ϕ(H ) est distingué dans Γ . 2. Pour un sous-groupe Ω ⊂ Γ , notons ϕ −1(Ω) = {g ∈ G | ϕ(g ) ∈ Ω} l’image réciproque de Ω par ϕ. L’ensemble ϕ−1 (Ω ) est un sous-groupe de G. Si de plus Ω est distingué dans Γ , alors ϕ−1 (Ω ) est distingué dans G.
En particulier, l’image du morphisme ϕ est un sous-groupe du groupe Γ et son noyau ker(ϕ) = ϕ−1 ({eΓ }) est un sous-groupe distingué du groupe G. D ÉMONSTRATION . Montrons que ϕ(H ) est un sous-groupe de Γ . Puisque l’image ϕ(eG ) = eΓ appartient à ϕ(H ), l’ensemble ϕ(H ) est non vide. Soit γ 1 = ϕ(h1) et γ2 = ϕ(h 2) des éléments de ϕ(H ). Alors, γ 1γ2−1 = ϕ(h 1)ϕ(h2) −1 = ϕ(h 1h −1 2 ) appartient à ϕ(H ). D’où le résultat (lemme 1.4). Supposons que H soit distingué dans G. Alors, ϕ(g)ϕ(h)ϕ(g )−1 = ϕ(ghg −1 ) appartient à ϕ(H ) pour tout ϕ(h) dans ϕ(H ) et tout ϕ(g) dans ϕ(G). Par conséquent, ϕ(H ) est distingué dans ϕ(G). Montrons que ϕ−1(Ω ) est un sous-groupe de G. Comme ϕ(e G ) = eΓ appartient à Ω, l’ensemble ϕ −1(Ω ) contient e G et est non vide. Pour deux éléments g1 et g2 −1 appartient à Ω et donc g g−1 de ϕ−1 (Ω ), l’expression ϕ(g1 g−1 1 2 2 ) = ϕ(g1 )ϕ(g2 ) appartient à ϕ−1 (Ω ). D’où le résultat (lemme 1.4). Supposons que Ω soit distingué dans Γ . Si h ∈ ϕ−1 (Ω ) alors ϕ(h) appartient au sous-groupe distingué Ω de Γ et ϕ(ghg −1) = ϕ(g)ϕ(h)ϕ(g )−1 ∈ Ω pour tout g dans G. Par conséquent, ϕ−1(Ω ) est un sous-groupe distingué de G. E XEMPLE . Le sous-ensemble SL(n, C) des matrices inversibles de déterminant 1 est le noyau du morphisme det : GL(n, C) → C ∗. L’ensemble SL(n, C) est donc un sous-groupe distingué de GL(n, C). Corollaire 2.3 Soit ϕ : G → Γ un morphisme de groupes et X un sous-ensemble de G. Alors, ϕ(X ) = ϕ(X ). En particulier, ϕ(D(G)) est inclus dans D(Γ). Si de plus le morphisme ϕ est surjectif alors ϕ(D(G)) = D(Γ).
2.1. MORPHISMES DE GROUPES
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DÉMONSTRATION. L’image d’un mot de longueur finie formé par les x i ∈ X et −1 leurs inverses x−1 , i est un mot de longueur finie formé par les ϕ(xi ) et les ϕ(xi ) d’où ϕ(X ) ⊂ ϕ(X ). Inversement, un mot de longueur finie formé par les ϕ(x i) et les ϕ(xi ) −1 est l’image d’un mot de longueur finie formé par les xi et les x−1 i , d’où ϕ(X ) ⊂ ϕ(X ) . L’image d’un commutateur est un commutateur, si bien que l’image d’un mot formé par les commutateurs est un mot formé par les commutateurs. Il en résulte que ϕ(D(G)) est inclus dans D(Γ). Si de plus le morphisme ϕ est surjectif, alors tout commutateur dans Γ est l’image d’un commutateur de G et donc D(Γ) ⊂ ϕ(D(G)). D’où le résultat. Lemme 2.4 Si ϕ1 : G 1 → G 2 et ϕ 2 : G2 → G3 sont des morphismes de groupes, alors ϕ 2 ◦ ϕ1 est un morphisme de groupes. Si ϕ : G1 → G2 est un isomorphisme de groupes, alors l’application inverse ϕ −1 : G2 → G 1 est aussi un isomorphisme de groupes. D ÉMONSTRATION . La première assertion est laissée au lecteur. Montrons la 2e. L’application ϕ étant bijective, il existe une application inverse bijective ϕ−1 : G 2 → G 1 . g de G 2 s’écrit de manière unique sous la forme ϕ(g), et deux éléTout élément ments ϕ(g1) et ϕ(g 2 ) de G 2 vérifient ϕ−1 (ϕ(g1)ϕ(g 2 )) = ϕ−1 (ϕ(g1 g2 )) = g 1g 2 = ϕ −1 (ϕ(g1)) ϕ −1 (ϕ(g2 )). D’où le résultat. Définition 2.5 Deux groupes G et Γ sont dits isomorphes s’il existe un isomorphisme ϕ : G → Γ . D’après le lemme 2.4, « être isomorphe » est une relation d’équivalence (définition 3.1). L’intérêt de la notion d’isomorphisme est que deux groupes isomorphes G 1 et G2 possèdent la même structure de groupe. Par exemple G 2 est commutatif ou fini si et seulement si G1 l’est. Un problème important en théorie des groupes est la classification des groupes fini à isomorphisme près. Lemme 2.6 Deux groupes finis sont isomorphes si et seulement s’il existe une permutation des éléments de l’un des groupes de telle sorte que, après permutation des éléments = e, les deux groupes possèdent la même table de multiplication. Sauf dans des cas très simples, un morphisme ne se décrète pas via : « je pose ϕ(celui-ci) = celui-là », car en pratique la vérification de toutes les propriétés (les images de produits sont les produits des images) est impossible. Il faut « construire » les morphismes via la théorie qui va être développée. E XEMPLE . (morphisme d’inclusion) Si H est un sous-groupe de G, alors l’application d’inclusion ϕ : H → G; h → h est un morphisme injectif. Nous notons plus simplement H → G ce morphisme.
18
CHAPITRE 2. MORPHISMES ET ISOMORPHISMES
Lemme 2.7 Un morphisme de groupes ϕ : G1 → G 2 est injectif si et seulement si ker(ϕ) = {e1}.
D ÉMONSTRATION . Supposons ϕ injectif. Comme ϕ(e 1) = e2 , l’élément neutre e 1 ∈ G1 appartient à ker(ϕ). Puisque ϕ est injectif, nécessairement ker(ϕ) = {e1}. Supposons ker(ϕ) égal à {e1}. Si pour g1 et g2 dans G1 nous avons ϕ(g1 ) = ϕ(g2), −1 alors ϕ(g1 g−1 2 ) = e 2 et donc g1 g2 = e1 ce qui équivaut à g 1 = g2 . Proposition 2.8 (P ROPRIÉTÉ UNIVERSELLE DU GROUPE Z) Soit G un groupe. 1. Si ϕ : (Z, +) → G est un morphisme, alors il existe un unique élément g ∈ G, tel que ϕ(n) = gn pour tout n ∈ Z. L’élément g est donné par ϕ(1) = g.
2. Si g est un élément quelconque du groupe G, alors il existe un unique morphisme ϕ g : (Z, +) → G , tel que ϕg (1) = g. Ce morphisme est donné par la formule ϕg (n) = g n . D ÉMONSTRATION . L’image de 1 par ϕ est unique et en utilisant ϕ(1) = g, on montre par récurrence et inversion que ϕ(n) = g n. Le fait que l’application ϕ g définisse un morphisme de groupes découle de la règle gn g m = gn+m (encore une récurrence). En effet, ϕ g (n + m) = gn+m = gn g m = ϕg (n)ϕg (m). Théorème 2.9 Soit g un élément d’un groupe G. 1. L’élément g est d’ordre infini si et seulement si le groupe g qu’il engendre est isomorphe à (Z, +). Dans ce cas, g i = gj dès que i = j et le sous-groupe engendré par g est g = {. . . , g−3 , g −2 , g−1 , e, g, g2 , g3 , . . .}.
2. L’élément g est d’ordre fini n si et seulement si les éléments de l’ensemble g = {e, g, g2 , . . . , gn−1 } sont tous distincts et si g n = e. Pour k ∈ Z, l’égalité g k = e a lieu si et seulement si n divise k. D ÉMONSTRATION . Considérons l’unique morphisme ϕg : (Z, +) → G de la proposition précédente. L’image ϕg (Z) est contenue dans g et contient g. Comme g est le plus petit sous-groupe de G contenant g , l’image est g. Montrons le 1 er point. Si ϕg est injectif, alors ϕ g induit une bijection entre (Z, +) et l’image g de ϕg . Comme (Z, +) est d’ordre infini, le groupe g l’est aussi et donc, g est d’ordre infini. En particulier, le sous-groupe engendré par un élément d’ordre infini est toujours isomorphe à (Z, +). Dans ce cas, le sous-groupe de G engendré par g est donc de la forme g = {. . . , g −2, g −1 , e, g, g2, . . .}. Puisque ϕ g induit une bijection de (Z, +) sur g , i = j implique gi = gj . Montrons le 2 e point. Si ϕg n’est pas injectif, alors ker(ϕ g ) = nZ avec n > 0 (proposition 1.12). Dans ce cas, n est le plus petit entier strictement positif tel que g n = e et le résultat découle du corollaire 1.10. E XEMPLE. Considérons le sous-groupe engendré par z = e2iπa (a ∈ R) dans le groupe (C ∗, ·). Comme zn = 1 si et seulement si na ∈ Z, l’élément z est d’ordre fini n si na ∈ Z et si la fraction a = m n est réduite. L’élément z est d’ordre infini
2.2. AUTOMORPHISMES
19
si a ∈ R \ Q. Dans le 1er cas, le sous-groupe z est formé des éléments distincts {z 0 = 1, z 1 , z2, . . . , z n−1} ; alors que dans le 2 e cas, le sous-groupe z est isomorphe à (Z, +) et il est formé des éléments distincts {. . . , z −2 , z−1 , z0 = 1, z, z 2, . . .}.
2.2 Automorphismes Définition 2.10 Le centre d’un groupe G est l’ensemble, noté Z(G), des éléments de G qui commutent avec tous les éléments de G : Z(G) = {h ∈ G hg = gh pour tout g ∈ G}.
Le groupe G est commutatif si et seulement si Z(G) = G.
Théorème et définition 2.11 L’ensemble Aut(G) des automorphismes d’un groupe G forme un groupe pour la composition des applications. C’est un sousgroupe du groupe S(G) des permutations des éléments de G. Si G est un groupe fini d’ordre n, alors Aut(G) est un groupe d’ordre au plus (n − 1)!. Pour tout h ∈ G, l’application Inth : G → G définie par Inth (g) = hgh−1 est un automorphisme de G. L’ensemble Int(G) = {Inth |h ∈ G} est un sous-groupe distingué du groupe Aut(G). L’application ϕ : G → Int(G) définie par ϕ(h) = Inth est un morphisme de groupes de noyau Z(G) , en particulier Z(G) est un sous-groupe distingué de G. D ÉMONSTRATION . La composée de deux automorphismes est un automorphisme ; la composition définit donc une loi de composition interne dans Aut(G). Le morphisme identité id : G → G; g → g est un élément neutre dans (Aut(G), ◦). Le lemme 2.6 montre que l’application inverse d’un automorphisme est un automorphisme et donc les inverses existent dans (Aut(G), ◦). Puisque la composée d’applications est associative, (Aut(G), ◦) est un groupe. Comme un automorphisme est une bijection de l’ensemble G, le groupe des automorphismes Aut(G) est un sous-groupe du groupe S(G) dont les éléments fixent tous e. Pour un groupe fini G d’ordre n, l’ordre de Aut(G) est donc au plus égal à (n − 1)!. Pour g 1 et g2 dans G, les égalités Int h(g1g 2) = h(g 1g 2)h−1 = hg1 h−1 hg2 h−1 = Int h(g 1) Inth (g2), montrent que Int h est un morphisme. Comme Int h ◦ Inth−1 = id, l’application Inth est surjective et la relation Int h−1 ◦ Inth = id montre qu’elle est injective. Par conséquent, Int h est un élément de Aut(G). Deux automorphismes Inth 1 et Int h2 vérifient, pour tout g ∈ G, la relation : −1 −1 (Inth1 ◦ Int −1 h2 )(g) = (Inth 1 ◦ Inth −1 )(g) = h 1 (h2 gh 2 )h1 2
=
−1 −1 (h1 h−1 2 )g (h1 h2 )
= Inth1 h−1 (g), 2
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CHAPITRE 2. MORPHISMES ET ISOMORPHISMES
si bien que Int(G) est un sous-groupe de Aut(G) (lemme 1.4). Etant donné α dans Aut(G) et Inth dans Int(G), tout élément g de G vérifie α Inth α −1(g) = α(hα −1(g)h −1 ) = α(h)gα(h) −1 = Intα(h) (g) et donc α Inth α−1 = Intα(h) appartient à Int(G). Il en résulte que Int(G) est un sousgroupe distingué de Aut(G). L’application ϕ : G → Int(G) définie par ϕ(h) = Inth est un morphisme de groupes puisque pour tout g ∈ G nous avons −1 ϕ(h 1h 2)(g) = Inth1 h 2(g) = (h 1 h2)g(h1 h2 )−1 = h 1 (h2 gh−1 2 )h1
= Inth 1(Inth2 (g)) = (ϕ(h1)ϕ(h2 ))(g). Un élément h ∈ G appartient à ker(ϕ) si et seulement si ϕ(h) = id, c’est-à-dire si tout g ∈ G vérifie ϕ(h)(g) = hgh−1 = g soit encore hg = gh. Par conséquent, ker(ϕ) est égal au centre Z(G) de G et nous en déduisons que Z(G) est un sous-groupe distingué de G. Définition 2.12 Les automorphismes de G qui appartiennent à Int(G) sont appelés automorphismes intérieurs de G. Exemple 2.13 Soit k un corps et V un k-espace vectoriel. Le groupe G = (V, +) est un groupe abélien dont le seul automorphisme intérieur est l’identité. Pour tout ϕ dans GL(V ) et tous v , w dans V , nous avons ϕ(v + w) = ϕ(v ) + ϕ(w). Par conséquent, tout élément ϕ du groupe GL(V ) appartient à Aut(G) et tout ϕ = id est un automorphisme non intérieur de G. Proposition et définition 2.14 Soit Cn un groupe cyclique d’ordre n = si=1 p ni i avec p1 , p2 · · · ps des premiers distincts de N. Alors, Aut(Cn ) est un groupe abélien d’ordre φ(n) = si=1 (pi − 1)pni i −1 où φ désigne l’indicatrice d’Euler qui donne le nombre d’entiers appartenant à {1, . . . , n} qui sont premiers avec n. Le groupe Aut(C n) est l’ensemble des φ(n) automorphismes ϕk : Cn → C n, g → g k avec k ∈ {1, . . . , n} premier avec n.
D ÉMONSTRATION . Puisque Cn est un groupe abélien, l’application ϕk est un endomorphisme pour tout k ∈ N. En effet, tout couple (g, h) ∈ C n × Cn vérifie ϕ k (gh) = (gh) k = gk h k = ϕk (g)ϕk(h). De plus, les morphismes ϕ k commutent entre eux. Si g ∈ C n est un générateur de C n, alors ϕ k (C n ) = gk . Pour que ϕk soit surjectif, c’est-à-dire que ϕ k(Cn ) = Cn , il faut que l’ordre m ≤ n de gk soit égal à n. Comme l’ensemble Cn est fini, c’est une condition nécessaire et suffisante pour que ϕ k soit un automorphisme. L’ordre m de gk est strictement inférieur à n si et seulement si (gk )m = gkm = e avec 1 ≤ m < n. La
2.2. AUTOMORPHISMES
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relation g km = e est satisfaite si et seulement si n divise km (théorème 2.9). Puisque m < n, c’est le cas si et seulement si k et n ont un diviseur commun. Le groupe Cn étant abélien, les automorphismes ϕ k = id ne sont jamais des automorphismes intérieurs. EXEMPLE . > C6 :=CyclicGroup(6) ; > Order(AutomorphismGroup(C6)) ; 2
Exercice 2.1 Etant donnée une matrice a, nous notons a t sa transposée. Pour chacune des applications f : G → H suivantes entre deux groupes G et H, décider si f est un morphisme et, dans le cas où f est un morphisme, décider si celui-ci est injectif, s’il est surjectif et s’il est un isomorphisme. 1. f : (M(100, R), +) → (M(100, R), +), a → a + a t. 2. f : GL(100, R) → GL(100, R), a → at. 3. f : GL(100, R) → R∗ , a → det(a).
4. f : C ∗ → R∗ , z → |z|. 1 0 Exercice 2.2 Soit G = ∈ M(2, R) | b = 0 . Montrer que a b (a) G est un sous-groupe de GL(2, R), 1 0 |b = 0 est un sous-groupe de G, (b) H1 = 0 b 1 0 (c) H2 = | a∈R est distingué dans G, a 1 1 0 ∗ (d) f1 : G → R : → b est un morphisme et que H2 = ker(f1), a b 1 0 (e) f2 : G → R : → a n’est pas un morphisme, a b 1 0 ∗ (f) g1 : R → H1 : b → est un isomorphisme, 0 b 1 0 (g) g2 : R → H 2 : a → est un isomorphisme. a 1 Exercice 2.3 Soit ϕ : G1 → G 2 un morphisme de groupes et g un élément d’ordre fini de G 1. Montrer que l’ordre de ϕ(g ) divise l’ordre de g . Exercice 2.4 (*) Soit g et h deux éléments d’un groupe G. (a) Montrer que les éléments g, g−1 , hgh −1 ont le même ordre. (b) Montrer que gh et hg ont le même ordre. (c) Soit n un entier. Exprimer l’ordre de g n en fonction de celui de g .
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CHAPITRE 2. MORPHISMES ET ISOMORPHISMES (d) On suppose que gh = hg, que g ∩ h = {e} et que g et h sont d’ordre fini n et m respectivement. Exprimer l’ordre de gh en fonction de n et de m.
Exercice 2.5 (*) Montrer que si un groupe G possède un unique élément g d’ordre 2 alors g ∈ Z(G). Exercice 2.6 Montrer qu’un groupe G est abélien si et seulement si |Int(G)| = 1. Exercice 2.7 Montrer que le groupe Aut(Z) des automorphismes de (Z, +) est un groupe d’ordre deux. Exercice 2.8 Montrer que les groupes C 8 , D 4 et Q8 d’ordre 8 ne sont pas isomorphes. Exercice 2.9 Déterminer Aut(C 4), Aut(C 8) et Aut(C 10 ). Exercice 2.10 (*) Soit G1 et G 2 deux groupes isomorphes. Montrer que les groupes Aut(G1) et Aut(G2 ) sont isomorphes.
Chapitre 3
Théorème de Lagrange Soit X un ensemble. On appelle relation sur X la donnée d’un sous-ensemble R ⊂ X × X . Au lieu de noter (x, y) ∈ R on note souvent x ∼ y si aucune confusion n’est possible et on dit que « x est en relation avec y ». Définition 3.1 Une relation d’équivalence ∼ sur un ensemble X est une relation sur X telle que 1. ∼ est réflexive : x ∼ x pour tout x ∈ X ;
2. ∼ est symétrique : x ∼ y implique y ∼ x pour tous x et y dans X ;
3. ∼ est transitive : x ∼ y et y ∼ z implique x ∼ z pour tous x, y, z dans X . Définition 3.2 Soit X un ensemble, ∼ une relation d’équivalence sur X et x ∈ X . L’ensemble {y ∈ X | x ∼ y} est appelé classe d’équivalence de x (ou simplement, classe de x). Il est communément noté x. Définition 3.3 Une partition d’un ensemble X est une décomposition de X en une union disjointe de sous-ensembles Xi de X non vides, indexés par un ensemble I , c’est-à-dire une décomposition X = ∪i∈I X i avec Xi = ∅ et X i ∩ X j = ∅ pour tout i = j . Les classes d’équivalence forment une partition de X. Inversement, étant donné une partition ∪i Xi de X , la relation «x et y appartiennent au même sous-ensemble Xi » définit une relation d’équivalence sur X . Les Xi sont alors les classes d’équivalence de cette relation d’équivalence et on peut identifier la notion de relation d’équivalence dans un ensemble X et la notion de partition dans ce même ensemble X . Définition 3.4 Etant donné une relation d’équivalence ∼ sur un ensemble X , l’ensemble X/∼ = {x | x ∈ X } des classes d’équivalence est appelé l’ensemble quotient de X par ∼. L’application π : X → X/ ∼ donnée par x → x est appelée application canonique.
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CHAPITRE 3. THÉORÈME DE LAGRANGE
Comme une classe d’équivalence n’est jamais vide, l’application canonique est surjective, ce que l’on indique via la notation π : X X/ ∼. Théorème et définition 3.5 Soit G un groupe et H ⊂ G un sous-groupe de G. La relation « g1 ∼H g2 s’il existe h ∈ H tel que g1 = g2h » définit une relation d’équivalence sur G dont les classes d’équivalence, notées gH , sont les sous-ensembles {gh | h ∈ H } de G. Ces classes d’équivalence sont appelées classes à gauche de G modulo H . La démonstration est immédiate et elle est laissée au lecteur. On vérifie que si on remplace « g1 = g2h » par « g1 = hg2 » , on obtient également une relation d’équivalence non nécessairement identique à la première, notée H ∼. De la même manière que ci-dessus on définit les classes à droite Hg = {hg | h ∈ H }. Noter que seule la classe à gauche eH = H et la classe à droite He = H sont des sous-groupes. En effet, pour g ∈ H les classes gH et Hg ne contiennent pas e. Les classes à gauche gH et à droite Hg ne coïncident pas en général. La proposition 5.2 montre qu’elles coïncident si et seulement si H est un sous-groupe distingué de G. E XEMPLE . Soit n ≥ 2. Dans le groupe diédral Dn , l’ensemble sous-jacent du groupe H = s ⊂ D n est {e, s}. Si n > 2, alors r = r−1 et il en résulte que rs = {r, rs} = {r, sr} = {r, r −1 s} = sr. Comme rs ∩ sr = {r} = ∅, nous obtenons que les partitions de D n en classe à droite et à gauche de H sont distinctes pour n > 2. Proposition 3.6 Soit G un groupe et H ⊂ G un sous-groupe de G. Toutes les classes à gauche gH et toutes les classes à droite Hg ont même cardinal, celui de H. Le cardinal de l’ensemble des classes à gauche et le cardinal de l’ensemble des classes à droite de H dans G coïncident. D ÉMONSTRATION . L’application λg : H → gH définie par h → gh est surjective. En effet, un élément x de gH est de la forme x = gh avec h ∈ H et nous obtenons donc λ g (h) = x. L’application est injective puisque λg(h 1 ) = λg (h 2) implique gh1 = gh2 et donc h 1 = h2. Par conséquent, les ensembles H et gH sont en bijection pour tout g ∈ G et donc de même cardinal. En utilisant la multiplication à droite, nous obtenons le même résultat pour les classes à droite. Si bien que les classes à gauche gH et toutes les classes à droite Hg ont même cardinal, celui de H . L’application ϕ : G → G; g → g −1 est un antimorphisme bijectif qui, bien qu’en général les classes à gauche et les classes à droites livrent des partitions distinctes de G, envoie les classe à gauche gH sur la classe à droite Hg −1 . La vérification que g 1 H = g2H implique Hg1−1 = Hg−1 2 (laissée au lecteur), montre que l’application −1 induite ϕ˜ : gH → Hg entre les classes à gauche et à droite est bien définie. Par
CHAPITRE 3. THÉORÈME DE LAGRANGE
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conséquent, ϕ transforme la partition G = ∪ i∈I hi H en la partition G = ∪i∈I Hh−1 i . Il en résulte que le cardinal de l’ensemble des classes à gauche et le cardinal de l’ensemble des classes à droite de H dans G coïncident. Définition 3.7 Soit G un groupe et H ⊂ G un sous-groupe de G. On appelle ensemble quotient de G par la relation d’équivalence ∼ H , et on le note G/H, l’ensemble {gH |g ∈ G} des classes à gauche de G modulo H . Définition 3.8 Soit G un groupe et H ⊂ G un sous-groupe de G. On appelle indice de H dans G , et on note (G : H ), le cardinal de l’ensemble quotient G/H . Proposition 3.9 Soit G un groupe. Un sous-groupe H ⊂ G d’indice deux est toujours un sous-groupe distingué de G. DÉMONSTRATION. Puisque le cardinal de l’ensemble des classes à gauche et le cardinal de l’ensemble des classes à droite de H dans G coïncident (proposition 3.6), il existe deux classes à droite et deux classes à gauche. Comme H = eH = He est une classe à gauche et à droite, l’ensemble G \ H = {g ∈ G|g ∈ H } est l’unique autre classe à droite et à gauche de H dans G. — Pour g ∈ H , nous avons toujours gHg−1 ⊂ H. — Pour g ∈ G \ H, nous avons H = gH et Hg = H . Il en résulte que gH = G \ H = Hg, si bien que gHg −1 ⊂ H. . Par conséquent, gHg −1 est contenu dans H pour tout g ∈ G et le résultat s’ensuit. Puisque les classes à gauche forment une partition de G et qu’elles sont toutes de cardinalité |H |, nous pouvons énoncer le résultat suivant. Théorème 3.10 Soit G un groupe et H ⊂ G un sous-groupe. Les cardinaux de G et de H sont reliés à l’indice de H dans G par la formule |G| = |H| · (G : H ). Exemple 3.11 Soit n = 2m ≥ 3 dans N. Le groupe dérivé H = D(D n) = r2 est un sous-groupe distingué du groupe diédral Dn d’ordre m = n2 (lemme 1.19). 2(2m) L’indice de H dans G est donc 4 = 2n m = m et G/H = {eH, rH, sH, rsH} avec e = eH = {e, r 2, . . . , r2m−2) }, r = rH = {r, r 3 , . . . , r2m−1}, s = sH = {s, r 2m−2s, . . . , r 2s}, rs = rsH = {rs, r 2m−1 s, . . . , r 3s}. Le résultat suivant est une conséquence directe du théorème 3.10 : Théorème 3.12 (THÉORÈME DE L AGRANGE , 1771) Soit G un groupe fini et H ⊂ G un sous-groupe de G. Alors, l’ordre de H divise l’ordre de G. En particulier, l’ordre d’un élément de G divise toujours l’ordre de G.
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CHAPITRE 3. THÉORÈME DE LAGRANGE
Corollaire 3.13 Un groupe G fini d’ordre p premier est cyclique (engendré par un seul élément) et les seuls sous-groupes de G sont les sous-groupes triviaux G et {e} . Proposition 3.14 Tout groupe non abélien fini G engendré par deux éléments d’ordre 2 est isomorphe à un groupe diédral Dn pour un entier n ≥ 3. D ÉMONSTRATION . Supposons que G = α, β avec α 2 = e = β 2. Comme G est un groupe fini, l’élément ρ = αβ est d’ordre n fini et engendre donc un sousgroupe cyclique H = ρ d’ordre n. L’élément β ne peut appartenir à H sinon le groupe G serait abélien. Le groupe G contient les deux classes à gauche distinctes eH = H et βH et donc G est d’ordre ≥ 2n. Si n était égal à 2 , alors (αβ )2 = αβα−1 β −1 = e et le groupe serait abélien, si bien que n ≥ 3. Pour ρ = αβ , nous avons ρ, β ⊂ G = α, β . Comme α = ρβ , nous avons α, β ⊂ ρ, β. Il en résulte que G = ρ, β avec ρ n = e, β 2 = e et βρβ = β (αβ)β = βα = ρ−1 . Ces relations sont les mêmes que pour le groupe diédral. En procédant comme dans la preuve de la proposition 1.14 nous obtenons que G = {e, ρ, . . . , ρ n−1, β, ρβ, . . . , ρ n−1β} est d’ordre 2n. De la même manière que pour le groupe diédral D n, il est possible de construire la table de multiplication du groupe G à l’aide des relations ρn = e = β2 et βρβ = ρ−1. Cette table est la même que celle de Dn en faisant correspondre α à r et β à s. Par conséquent, l’application ϕ : G → Dn définie par ρ → r et β → s est un morphisme de groupes bijectif et donc un isomorphisme de groupes (lemme 2.6). Lemme 3.15 Soit a, b deux éléments d’un groupe abélien fini G dont les ordres sont respectivement α et β . 1. Si les entiers α et β sont premiers entre eux, alors l’ordre de ab est αβ . 2. Si l’ordre α de a dans G est maximal parmi les ordres des éléments de G alors l’ordre de tout élément de G divise α. D ÉMONSTRATION . Soit n l’ordre de ab. Comme (ab)αβ = (aα) β (bβ )α = e nous en déduisons que n divise αβ. Dans l’anneau euclidien Z, la relation de Bézout montre qu’il existe s et t tels que sα + tβ = 1. Nous avons an = a(sα+tβ)n = (aα)sn (aβ )tn = (aβ ) tn = (aβ )tn (b β) tn = ((ab)n )tβ = e. Si bien que α divise n (théorème 3.12). Par symétrie, nous en déduisons que β divise n. Il en résulte que αβ divise n (lemme de Gauss) et donc que n = αβ . Supposons que a soit un élément d’ordre maximal α et que l’ordre γ d’un élément c ne divise pas α. Il existe alors un premier p avec α = pi q1 et γ = pj q 2 avec j > i et p i ne divise ni q 1, ni q2. Il en résulte que ap est d’ordre q1 et cq2 est d’ordre pj . D’après le 1 er point, leur produit est d’ordre p jq1 > α, ce qui contredit la maximalité de α.
CHAPITRE 3. THÉORÈME DE LAGRANGE
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Corollaire 3.16 1. Si, dans un groupe abélien G fini d’ordre n, il existe au plus un sous-groupe d’ordre d pour tout diviseur d de n, alors le groupe G est cyclique. 2. Tout sous-groupe d’un groupe cyclique fini est cyclique. 3. Un groupe abélien G fini d’ordre n est cyclique si et seulement si pour tout diviseur d de n, il existe exactement un sous-groupe d’ordre d dans G. DÉMONSTRATION. Supposons que pour tout diviseur d de n, il existe au plus un sous-groupe d’ordre d dans le groupe abélien G. Soit γ dans G un élément d’ordre maximal m. Montrons que tout élément ρ de G appartient au sous-groupe γ engendré par γ. D’après le lemme précédent, l’ordre d de ρ divise m. Si m = d alors γ est un élément d’ordre d de γ qui engendre un sous-groupe cyclique γ de γ ⊂ G. Comme le groupe ρ est aussi d’ordre d, nous obtenons ρ = γ ⊂ γ. Il en résulte que ρ appartient à γ , et donc que le groupe G est un groupe cyclique. Soit G = γ un groupe cyclique. Montrons qu’un sous-groupe H de G est engendré par un élément γ m et correspond au sous-groupe cyclique K = γ m de G. Si H est d’ordre 1 alors H = γ 0 = e. Sinon il existe γ m = e dans H avec m minimal (et donc d’ordre maximal) et nous avons K ⊂ H .Tout élément h de H est de la forme γ i avec i ≥ m. Par division euclidienne, nous obtenons i = qm + r avec soit r = 0, soit r < m. Si r est non nul, alors γ r = γi γ−qm appartient à H et nous aboutissons à une contradiction puisque 0 < r < m. Donc tout élément h de H est de la forme h = (γ m) q et appartient à K . Il en résulte que H ⊂ K et donc H = K = γ m. Pour le 3e point, il suffit, d’après le 1er point, de montrer qu’un groupe cyclique G = γ possède un unique sous-groupe d’ordre d pour tout diviseur d de n avec n = dm. L’ensemble H = {σ; σ ∈ G et σd = e} de tous les éléments de G dont l’ordre divise d est un sous-groupe de G. D’après le 2e point, H est cyclique engendré par un élément d’ordre divisant d et donc H est d’ordre au plus d. Comme γ m est un élément de G d’ordre d, nous en déduisons que H est d’ordre d. Par construction, le sous-groupe H contient tous les sous-groupes d’ordre d de G. Le sous-groupe H est donc l’unique sous-groupe de G d’ordre d et le résultat s’ensuit. Lemme 3.17 Un groupe non abélien d’ordre 8 est isomorphe au groupe des quaternions Q8 s’il possède un unique élément d’ordre 2 et à D4 sinon. DÉMONSTRATION. L’ordre d’un élément g d’un groupe G d’ordre 8 appartient à {1, 2, 4, 8} (théorème 3.12). S’il existe un élément d’ordre 8, alors G est cyclique et donc abélien. Si tous les éléments sont d’ordre deux, alors G est abélien (cf. exercice 1.6). Il existe donc dans G un élément i d’ordre 4 qui engendre un sous-groupe cyclique N = i = {e, i, i2, i 3} d’ordre 4. Soit j un élément de G \ N : 1. Puisque (G : N ) = 2, nous avons G = N ∪ jN . Par conséquent, les éléments de G sont {e, i, i2 , i3 , j, ij, i2 j, i 3 j}.
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CHAPITRE 3. THÉORÈME DE LAGRANGE 2. Comme N est un sous-groupe distingué de G (proposition 3.9), l’élément jij−1 d’ordre 4 appartient à N . Donc, soit jij−1 = i, soit jij −1 = i −1. Dans le premier cas G serait abélien et il en résulte que jij −1 = i−1 .
S’il existe un élément j ∈ G \ N d’ordre 2, alors G = i, j avec i 4 = e = j2 et jij −1 = i−1 . Ces relations permettent d’établir la table de multiplication de G (démonstration de la proposition 1.14), si bien que dans ce cas, l’application donnée par i r et j s est un isomorphisme entre les groupes G et D4 . Sinon tout j ∈ G \ N est d’ordre 4 et i 2 est l’unique élément de G d’ordre 2. Il en résulte que j 2 = i2. Par conséquent, G = i, j avec i 4 = e, i 2 = j 2 et jij−1 = i −1. Ces relations permettent d’établir la table de multiplication de G (exercice 1.16), si bien que dans ce cas, l’application donnée par i I et j J est un isomorphisme entre les groupes G et Q 8. Exercice 3.1 Soit H et K deux sous-groupes finis de G d’ordres respectivement n et m. Montrer que 1. Si n et m sont premiers entre eux, alors H ∩ K = {e}.
2. Si n = m est un nombre premier, alors soit H ∩ K = {e}, soit H = K . Exercice 3.2 Soit G un groupe, H ⊂ G un sous-groupe de G et K ⊂ H un sousgroupe de H . Montrer que les indices vérifient (G : K) = (G : H )(H : K ). Exercice 3.3 (*) Montrer qu’un groupe abélien fini G d’ordre 2n avec n > 1 impair possède un unique élément d’ordre 2. Exercice 3.4 (*) Montrer qu’un groupe non cyclique d’ordre 4 est isomorphe à D 2 . Exercice 3.5 (*) (Groupes d’ordre 2p) Montrer qu’un groupe fini d’ordre 2p avec p > 2 premier est soit cyclique, soit isomorphe au group diédral Dp . En particulier, un groupe non abélien d’ordre 6 = 2 · 3 est isomorphe à D3 . Exercice 3.6 (*) Montrer que dans un groupe G d’ordre 35, il existe un élément d’ordre 5 et un élément d’ordre 7. Exercice 3.7 (*) Déterminez les sous-groupes du groupe des quaternions Q 8. Montrer que, bien que le groupe Q8 soit un groupe non abélien, tous les sous-groupes de Q8 sont des sous-groupes distingués et que Z(Q8) correspond à l’unique sous-groupe d’ordre 2.
Chapitre 4
Groupe opérant sur un ensemble Définition 4.1 Soit X un ensemble. Alors, l’ensemble S(X ) des bijections de X dans X, muni de la composition des applications, est un groupe qu’on appelle le groupe symétrique de X. Pour n ∈ N, on note simplement Sn le groupe S({1, 2, . . . , n}).
4.1 Opération de groupe Définition 4.2 Soit G un groupe et X un ensemble. On appelle opération à gauche ou action à gauche de G sur X toute application G × X → X ; (g, x) → g x satisfaisant aux conditions suivantes : 1. g (hx) = (gh)x pour tous g dans G, h dans G et x dans X . 2. ex = x pour tout x dans X . Un ensemble X sur lequel G opère à gauche est appelé un G-ensemble. On appelle opération à droite de G sur X toute application X × G → X ; (x, g) → xg satisfaisant aux conditions suivantes : 1. (xg )h = x(gh) pour tous g dans G, h dans G et x dans X . 2. xe = x pour tout x dans X . Comme pour les groupes, lorsqu’il n’y a pas d’ambiguïté possible, on s’autorise à noter gx au lieu de gx. En abrégé, une « opération » ou une « action » veut dire « opération à gauche » ou une « action à gauche ». Si l’action (à gauche) de G sur X découle naturellement du contexte, on dit simplement que G opère sur X ou que X est un G-ensemble. EXEMPLES . 1. Le groupe S(X ) des bijections de X opère naturellement (à gauche) sur l’ensemble X par la relation σx = σ(x) pour tout σ ∈ S(X ) et tout x ∈ X .
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CHAPITRE 4. GROUPE OPÉRANT SUR UN ENSEMBLE 2. Pour un espace vectoriel V , le groupe GL(V ) opère (à gauche) sur V . 3. L’action triviale de G sur X est donnée par gx = x pour tout g ∈ G et tout x ∈ X.
Définition 4.3 Soit G un groupe et X un G-ensemble. 1. On dit que x ∈ X est un point fixe sous l’action de G si gx = x pour tout g ∈ G.
2. On dit que Y ⊂ X est une partie stable sous l’action de G si g(Y ) ⊂ Y pour tout g ∈ G. Noter que les éléments d’une partie stable ne sont pas forcément des points fixes. Par exemple, l’action de GL(V ) sur V laisse fixe l’ensemble V \ {0} dans son ensemble, mais pas les éléments de V \ {0} individuellement lorsque dim(V ) ≥ 1. Théorème et définition 4.4 On définit une correspondance bijective entre les opérations à gauche de G sur X et les morphismes γ : G → S(X ) de la manière suivante : à une action d’un groupe G sur un ensemble X correspond le morphisme ϕ : G → S(X ) donné par g → σg ∈ S(X ) avec σ g(x) = gx. On dit alors que ϕ est le morphisme structurel de l’action de G sur X . D ÉMONSTRATION . Soit une action (à gauche) de G sur X. Pour tout g ∈ G , nous avons une application σg : X → X définie par x → g x. Comme g −1 (g x) = e x = x, nous obtenons σ g −1 ◦ σg = idG = σg ◦ σ g−1 . Donc σg est une bijection, autrement dit, un élément de S(X ). Comme g1 (g2 x) = (g 1 g2) x, nécessairement σ g1 ◦ σ g 2 = σ g1 g2 et donc l’application ϕ : G → S(X ) donnée par g → σ g est un morphisme. Il existe donc une application → ϕ . Inversement, partant d’un morphisme ψ : G → S(X ), nous obtenons une opération à gauche ψ de G sur X en posant g ψ x = (ψ (g))(x). Il existe donc une application ψ → ψ . Puisque ψϕ = ϕ et ϕ = , la correspondance est bijective. Une action d’une groupe G sur un ensemble X est donc est donc la même chose qu’un morphisme structurel ϕ : G → S(X ). En particulier une action d’un groupe G sur X permet de construire un morphisme ϕ : G → S(X ). Dans la suite nous définissons souvent une action de groupe en donnant simplement le morphisme structurel de l’action qui définit l’action de manière unique.
4.1. OPÉRATION DE GROUPE
31
Proposition 4.5 Soit G un groupe et ϕ : G → S(X ) une action de G sur l’ensemble X . 1. Si ψ : Γ → G est un morphisme, alors X est aussi un Γ -ensemble pour l’action γ x = ψ(γ )x = ϕ(ψ(γ ))(x) pour tout x ∈ X et tout γ ∈ Γ . 2. Si le sous-ensemble Y de X est stable sous l’action de G, alors Y est un G-ensemble (et en particulier, gY = ϕ(g )(Y ) = Y pour tout g ∈ G).
DÉMONSTRATION. Pour le 1 er point, il suffit de considérer la composition de morψ
ϕ
→ G − → S(X ) qui donne un morphisme de Γ dans S(X ). phismes ϕ ◦ ψ : Γ − D’après le théorème 4.4, le morphisme ϕ ◦ ψ correspond à une action de Γ sur X . Pour le 2 e point, il suffit de restreindre l’action de G sur X au sous-ensemble stable Y , c’est-à-dire, considérer l’action de morphisme structurel ψ : G → S(Y ) sur Y définie par ϕ (g)(y) = ϕ(g )(y) pour tout g ∈ G et tout y ∈ Y . Corollaire 4.6 Soit G un groupe, ϕ : G → S(X ) une action de G sur l’ensemble X et H ⊂ G un sous-groupe. Alors, X est un H-ensemble de morphisme structurel ϕ → S(X ) (où H → G est le morphisme d’inclusion de H dans G). H → G − Exemple 4.7 Considérons le plan affine E = R2 d’origine O et le groupe affine −−→ GA(E) = f : E → E ; M → Ω + ψ ( OM ) | Ω ∈ E et ψ ∈ GL(2, R) . avec l’action naturelle f M = f (M ) de GA(E ) sur E (exercice 4.12). Une transformation affine est déterminée par l’image Ω de l’origine et un élément ψ ∈ GL(2, R). Le stabilisateur de O est isomorphe à GL(2, R) (exercice 4.12), si bien que l’action −−−→ −−→ induite de ψ ∈ GL(2, R) sur E est donnée par ψM = M avec OM = ψ( OM ) (corollaire 4.6). Il en résulte une action du groupe diédral D n sur E de morphisme structurel Dn → GL(2, R) ∼ = GA(E )O → GA(E ) → S(E ) (corollaire 4.6). Si X est un ensemble fini à n éléments, S(X ) est isomorphe à S({1, 2, . . . , n}) aussi noté Sn (cf. exercice 4.1). Ceci nous permet d’énoncer : Corollaire 4.8 Soit X un ensemble fini à n éléments. À toute numérotation des éléments de X correspond une bijection entre les opérations à gauche de G sur X et les morphismes ϕ : G → Sn. Une action à droite xg de G sur X ne correspond pas à un morphisme, mais à un anti-morphisme G → S(X ). Il est possible de définir une action à gauche à partir de cette action à droite en posant g x = xg −1 . Ceci permet de déduire d’un énoncé sur les actions à gauche l’énoncé symétrique pour les actions à droite. Montrons que pour tout x dans X le sous-ensemble Gx = {g∈G | g x = x} de G est un sous-groupe de G. L’ensemble Gx est non vide car il contient l’élément
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CHAPITRE 4. GROUPE OPÉRANT SUR UN ENSEMBLE
neutre e. Pour un élément g de Gx , nous avons x = (g−1 g)x = g −1x, ce qui montre que l’inverse g −1 d’un élément de Gx appartient aussi à Gx . Pour g1 et g2 dans G x, −1 nous obtenons (g 1g2−1)x = g 1(g −1 2 x) = g 1 x = x, ce qui montre que g 1g 2 ∈ Gx. Il en résulte que G x est un sous-groupe de G (lemme 1.4). Définition 4.9 Soit G un groupe opérant à gauche sur un ensemble X et x ∈ X . On appelle orbite de x sous G le sous-ensemble Gx := {g x | g ∈ G} ⊂ X . On appelle stabilisateur de x dans G le sous-groupe Gx := {g∈G | gx = x} ⊂ G que l’on note parfois Stab G(x). On dit que G opère librement sur X (ou que l’opération est libre) si Gx = {e} pour tout x dans X . On dit que G opère transitivement sur X s’il existe exactement une orbite dans X . Une orbite d’un G-ensemble est une partie stable. Proposition et définition 4.10 Soit G un groupe opérant à gauche sur un ensemble X . La relation ∼ définie sur X par « x∼y si x appartient à l’orbite de y » est une relation d’équivalence sur X dont les classes d’équivalence sont les orbites des éléments de X sous l’action de G. Autrement dit, les orbites des éléments de X sous l’action de G forment une partition de X . L’énoncé analogue pour les opérations à droite est laissé au lecteur. D ÉMONSTRATION . Observons que x ∼ y si et seulement s’il existe g ∈ G tel que x = g x . La relation ∼ est réflexive car pour tout élément x de X nous avons ex = x et donc x ∼ x. Supposons que x ∼ y , c’est-à-dire, qu’il existe g ∈ G tel que x = g y. Comme l’opération est une application, nous obtenons g −1 x = (g −1g)y = y et donc y appartient à l’orbite de x, c’est-à-dire y ∼ x. Donc la relation ∼ est symétrique. Supposons que x ∼ y et que y ∼ z , c’est-à-dire, qu’il existe g ∈ G , tel que x = g y et h ∈ G, tel que y = hz . Alors, x = gy = g(hz ) = (gh)z et donc x ∼ z. Il en résulte que la relation ∼ est une relation d’équivalence. La classe d’équivalence de x est l’orbite Gx de x sous l’action de G, d’où le résultat. Le lemme suivant est une conséquence directe de la définition d’une opération transitive. Lemme 4.11 Soit G un groupe qui opère transitivement sur un ensemble X. Pour tout x et y de X , il existe g ∈ G tel que gx = y. La proposition 4.5 nous permet d’énoncer le résultat suivant. Corollaire 4.12 Soit G un groupe, X un G-ensemble et Y ⊂ X un sous-ensemble de X qui est une réunion d’orbites sous G. Alors, Y est aussi un G-ensemble pour la restriction à Y de l’action de G sur X .
4.1. OPÉRATION DE GROUPE
33
Exemple 4.13 Pour n ≥ 3, considérons l’action du groupe diédral D n = r, s sur l’espace affine E = (R2 , O) de l’exemple 4.7. Dans la suite nous identifions R2 à C et k est un entier dans {0, 1, . . . , n − 1} . Notons Mk le point de E d’affixe le 2ikπ nombre complexe ρk = e n et X = {Mk | 0 ≤ k < n}. L’action de r k ∈ Cn correspond à la rotation z → ρk z et l’ensemble X est donc stable sous l’action de Cn . L’action de s ∈ Dn correspond à la symétrie z → z, si bien que l’action de r j s ∈ Dn correspond à la symétrie z → ρ jz dont l’axe de symétrie est la droite engendrée par 1 2ijπ
2i(j −k)π
2ikπ
e 2 n . Comme r j s(Mk ) = rj s(e n ) = e n appartient à X, l’ensemble X est stable sous l’action de Dn . Puisque |X | = n, il en résulte une action transitive de morphisme structurel ϕ : Dn → S n (corollaire 4.12). L’action n’est pas libre puisque le stabilisateur de M0 est {e, s} ⊂ D n (et puisque n ≥ 3 le stabilisateur de M1 est {e, r2s} ⊂ D n). r 2s
•
D3 :
r 2s
rs r
r3 s •
s
D4 :
•
rs
• r
•
•
s
•
Proposition 4.14 Soit G un groupe et ϕ : G → S(X ) une action de G sur l’ensemble X. Le noyau ker(ϕ) du morphisme ϕ est l’intersection ∩x∈X G x des stabilisateurs Gx des éléments x de X . DÉMONSTRATION. Pour g dans ker(ϕ) , nécessairement ϕ(g) = e ∈ S(X ). D’où gx = ϕ(g)(x) = ex = x pour tout x ∈ X. Ceci montre que g appartient à ∩x∈X Gx. Inversement, pour g dans ∩x∈X Gx , nous avons gx = ϕ(g)(x) = x pour tout x ∈ X . Donc ϕ(g) = e ∈ S(X ), ce qui implique que g appartient à ker(ϕ). Définition 4.15 Une action ϕ : G → S(X ) d’un groupe G sur un ensemble X est dite fidèle si ker(ϕ) = {e}. Une action de groupe libre est toujours fidèle. Exemple 4.16 Pour n ≥ 3, considérons l’action du groupe diédral Dn sur l’ensemble X = {Mk | 0 ≤ k < n} définie dans l’exemple 4.13. Le stabilisateur de M0 est {e, s} ⊂ D n et le stabilisateur de M 1 est {e, r 2s} ⊂ Dn . Il en résulte que ker(ϕ) = ∩x∈X G x ⊂ {e, s} ∩ {e, r 2s} = {e} , si bien que l’action n’est pas libre sans être fidèle. Par conséquent, pour n ≥ 3, le morphisme structurel ϕ : Dn → Sn est injectif, montrant que D n est isomorphe à un sous-groupe de S n . Les groupes S3 et D 3 sont de même ordre 6, si bien que le morphisme structurel ϕ : D3 → S3 est un isomorphisme (voir aussi exercice 3.5).
34
CHAPITRE 4. GROUPE OPÉRANT SUR UN ENSEMBLE
4.2 Opération d’un groupe par translation Définition 4.17 Un sous-groupe G de Sn est transitif si l’action ϕ : G → Sn induite de G sur {1, . . . , n} est transitive. Un groupe G agit sur lui-même (X = G) par translation à gauche en posant G × G → G,
(g, h) → g h = gh
On vérifie facilement les propriétés d’une action de groupe de G sur l’ensemble G. Comme le stabilisateur d’un élément g ∈ G est {e}, cette action est fidèle (et même libre) et donc son morphisme structurel ϕ : G → S(G) est injectif. Puisque (g 2g −1 1 )g 1 = g 2 pour tout (g1, g 2 ) ∈ G × G, l’action est transitive. Pour un groupe fini G d’ordre n, nous obtenons un morphisme structurel injectif ϕ : G → Sn (corollaire 4.6), ce qui donne le théorème suivant. Théorème 4.18 (T HÉORÈME DE C AYLEY, 1878) Tout groupe fini G d’ordre n est isomorphe à un sous-groupe transitif de Sn. Tout groupe G d’ordre 2 est isomorphe à S2 . En effet, d’après le théorème, G est isomorphe à un sous-groupe de S2! = S 2 qui est aussi d’ordre 2. Le fait que tout groupe fini soit isomorphe à un sous-groupe de Sn est important (exercice 7.12, théorème 16.17), mais il existe d’autres représentations utiles comme les représentations linéaires telles que D m ⊂ GL(2, R) et Q 8 ⊂ GL(2, C) (chapitre 16) ou les représentations par générateurs et relations (définition A.3). L’entier n du théorème de Cayley n’est en général pas optimal. Ainsi, le théorème de Cayley montre que D4 est isomorphe à un sous-groupe transitif de S8 d’ordre 8! = 40320, alors que l’exemple 4.16 montre que D4 est aussi isomorphe à un sous-groupe transitif de S 4 d’ordre 24. Afin de représenter un groupe d’ordre n comme sous-groupe d’un groupe symétrique plus petit que Sn , on utilise souvent l’action de translation de G sur l’ensemble X = G/H des classes à gauche d’un sous-groupe H de G : ψ : G × G/H → G/H,
(g, g H) → g g H = (g g)H
Comme les classes à gauche de H dans G forment une partition de G, l’égalité g 1 H = g2H a lieu si et seulement si g1 ∈ g 2 H et g2 ∈ g1 H. Si g1 H = g2H alors pour tout g ∈ G , gg1 appartient à (gg2 )H et gg 2 appartient à (gg1)H ce qui montre que l’application ψ ci-dessus est bien définie. Proposition 4.19 Soit G un groupe et H un sous-groupe de G. L’opération par translation à gauche de G sur l’ensemble des classes à gauche G/H définie par g g H = (g g)H est une action de groupe a transitive dont le morphisme structurel est de la forme ϕ : G → S(G/H ). a. En anglais, une classe est appelée « coset » et il s’agit donc ici d’une « CosetAction ».
4.2. OPÉRATION D’UN GROUPE PAR TRANSLATION
35
DÉMONSTRATION. Vérifions que la translation à gauche de G sur G/H est une g H) = g1 (g2 g)H = (g1g2 g)H = (g1 g2 ) gH action de groupe. Nous avons g1 (g2 et e g H = (e g)H = g H. Puisque |G/H | = (G : H ), l’action donne un morphisme ϕ : G → S (G:H ). Comme ( g g−1 )gH = g H pour tout élément gH et tout élément g H dans G/H, deux classes à gauche appartiennent toujours à la même orbite. Il existe donc une unique orbite, c’est-à-dire que l’action est transitive. Proposition 4.20 Soit G un groupe, H un sous-groupe de G et ϕ : G → S (G:H ) le morphisme structurel de l’opération par translation à gauche de G sur l’ensemble des classes à gauche G/H . Alors, ker(ϕ) = ∩ g∈GgHg −1. D ÉMONSTRATION . Pour α, β dans G, nous avons ϕ(α)(βH) = (αβ)H. Par conséquent, ϕ(α) fixe βH si et seulement si (αβ )H = βH. C’est le cas si αβ ∈ βH , c’est-à-dire si α ∈ βH β −1 . Par conséquent, ker(ϕ) = ∩β∈G βHβ −1 . Si le groupe H est d’indice fini n = (G : H ), cette action correspond à un morphisme ϕ : G → Sn . Pour les calculs sur ordinateur, il est souvent nécessaire de représenter un groupe fini comme sous-groupe d’un groupe symétrique Sn avec n le plus petit possible. Pour cela on cherche un sous-groupe H d’indice petit tel que l’action de G sur G/H soit fidèle (ce qui n’est pas toujours le cas, voir ci-dessous). Exemple 4.21 Comme tous les sous-groupes H de Q8 sont distingués, le noyau de l’action par translation à gauche ϕ : Q 8 → S(Q8 :H ) est toujours H . Par conséquent, l’action est fidèle uniquement si H = {e}. Le sous-groupe H = r2 de D4 = r, s est distingué, si bien que le noyau de ϕ : D 4 → S (D 4:H ) est H. Cependant, pour K = s le noyau du morphisme ϕ : D 4 → S(D 4:K ) est ∩g∈D 4 gsg−1 = {e} . Nous obtenons à nouveau, sans considération géométrique cette fois, que D 4 → S4 (exemple 4.16) : > > 8 > 1 > 2
F := FreeGroup(2) ; G, phi := quo< F | r^4,s^2, s* r*s^(-1)*r> ; H :=sub ; N :=sub ;
Order(G) ;
phi,im,ker :=CosetAction(G,H) ; Order(ker) ; phi,im,ker :=CosetAction(G,N) ; Order(ker) ;
Puisque G agit sur lui-même par translation à gauche, tout sous-groupeH ⊂ G agit également sur G via le morphisme H → G → S(G). Pour l’opération d’un sousgroupe H ⊂ G sur G à gauche par translation, l’orbite H g = Hg = {hg | h ∈ H } de g est la classe de g à droite sous l’action de H (noter le problème droite-gauche dans la terminologie). L’opération de H sur G par translation à gauche est libre car la relation hg=g entraîne h=e.
36
CHAPITRE 4. GROUPE OPÉRANT SUR UN ENSEMBLE
Lemme 4.22 Soit G un groupe fini d’ordre n et H ⊂ G un sous-groupe d’indice k tel que n ne divise pas k!. Alors, il existe dans G un sous-groupe distingué N distinct de {e} et inclus dans H . D ÉMONSTRATION . Considérons l’action naturelle de G sur G/H par translation donnée par g(g H) = gg H de morphisme structurel ϕ : G → S (G:H ) ∼ = Sk . Notons N le noyau de ϕ . Comme N = ker(ϕ) est l’intersection des stabilisateurs (proposition 4.14) et que le stabilisateur de eH est H, nécessairement N est contenu dans H. Si N était égal à {e} , alors ϕ serait injectif et G serait isomorphe à son image ϕ(G). Or, comme |G| = n ne divise pas l’ordre k! de Sk , cela est impossible. Donc, ϕ n’est pas injectif et N = {e}. D’où le résultat.
4.3 Opération d’un groupe par conjugaison Un groupe G opère sur lui-même par conjugaison ϕ : G × G → G,
(g, h) → g h = ghg−1
Puisque eh = h quel que soit h dans G et que −1 −1 −1 g 1(g2h) = g 1(g2hg −1 = (g 1g2 )h 2 ) = g1 (g 2hg2 )g1 = (g1 g2 )h(g1 g 2 )
pour tout (g 1 , g2) ∈ G × G, il s’agit bien d’une action de groupe. Définition 4.23 L’orbite {ghg −1 | g∈G} de h ∈ G sous l’action par conjugaison de G sur lui-même s’appelle la classe de conjugaison de h. Deux éléments de G qui appartiennent à la même classe de conjugaison sont dits conjugués. Le stabilisateur {g∈ G | ghg−1 =h} de h s’appelle le centralisateur de h dans G et est noté ZG (h). L’action de conjugaison de G = {e} sur lui-même n’est jamais libre car Z G(e) = G. La classe de conjugaison de e est toujours {e} . La classe de conjugaison d’un élément contient toujours cet élément. Un élément h de G appartient à Z(G) si et seulement si hg = gh ou encore ghg−1 = h pour tout g dans G, c’est-à-dire ZG(h) = G . Comme le centre est un sous-groupe distingué (théorème 2.11), nous avons : Lemme 4.24 Un élément g d’un groupe G est dans le centre Z(G) de G si et seulement si sa classe de conjugaison est réduite à un seul élément. Le centre Z(G) de G est l’union des classes de conjugaison de taille 1.
4.3. OPÉRATION D’UN GROUPE PAR CONJUGAISON
37
Proposition 4.25 Pour n ≥ 3 les classes de conjugaison du groupe diédral Dn , d’ordre 2n engendré par deux éléments r et s qui satisfont aux relations r n = e, s2 = e et srs = r−1 , sont n−1 n−1 1. Pour n impair : {e}, {r, r−1}, . . . , {r 2 , r − 2 } et r i s |i ∈ {1, . . . , n} . Dans ce cas, Z(Dn ) = {e}. n
n
n
−1 −( 2 −1) −1 2 2 ,r 2. Pour }, 2i n pair : {e}, {nr }, {r, 2ri+1}, . . . , {r n r s | i ∈ {1, . . . , 2 } et r s | i ∈ {1, . . . , 2 } . n Dans ce cas, Z(Dn ) = {e, r 2 }.
D ÉMONSTRATION. Par le calcul, nous obtenons pour i, j dans {1, . . . , n} les relations r i rj r −i = r j et (r i s)r j(r i s) −1 = r −j . Il en résulte que la classe de conjugaison de r j dans Dn est réduite à {r j , r−j = r n−j}. Comme j = n − j implique n = 2j , les classes de conjugaisons des rotations r j sont {r, r−1 }, . . . , {r(n−1)/2 , r−(n−1)/2 } si n est impair et {r n/2}, {r, r −1 }, . . . , {r n/2−1, r −(n/2−1) } si n est pair. Déterminons la classe de conjugaison des symétries. Par le calcul, nous obtenons pour i dans {1, . . . , n} les relations r isr −i = r 2i s et (r is)s(r i s)−1 = r 2i s. 1. Si n est impair, alors n est premier à 2 et le théorème de Bézout montre qu’il existe t et u dans Z avect · 2 + u · n = 1. Pour tout i dans {1, . . . , n}, nous ti −ti = r2tis = r i s. avons r 2·ti = r i(1−nu) = r i, si bien que Il en résulte i r sr que la classe de conjugaison de s est r s |i ∈ {1, . . . , n} . 2. Si n est pair, alors r i (rs)r−i = r 2i+1s et (r i s)s(r is) −1 = r2i s pour tout n, les ensembles pas inversible modulo i ∈ {1, . . . , n}. Comme 2 n’est n n 2i 2 i +1 r s | i ∈ {1, . . . , 2 } et r s | i ∈ {1, . . . , 2 } sont disjoints. Par conséquent, seulement la moitié des réflexions r is sont conjuguées à s et l’autre moitié est conjuguée à rs. D’après le lemme précédent, le centre est l’union des classes de conjugaisons contenant un seul élément et le résultat s’ensuit. Définition 4.26 Soit G un groupe. L’ensemble {H | H sous-groupe de G} des sousgroupes de G est noté L(G). Un automorphisme α ∈ Aut(G) envoie un sous-groupe deG sur un sous-groupe de G (lemme 2.2), si bien que l’application ϕ : Aut(G) × L(G) → L(G),
(α, H ) → α(H )
(4.1)
est bien définie. Puisque e Aut(G)(H) = H et α(β (H )) = (α ◦ β )(H ) pour tout sous-groupe H de G et tout couple (α, β ) dans Aut(G) × Aut(G), il s’agit d’une action du groupe Aut(G) sur L(G). Définition 4.27 Soit G un groupe. On appelle sous-groupe caractéristique de G , tout sous-groupe H de G qui est un point fixe de l’action des automorphismes de G sur L(G) (c’est-à-dire α(H ) = H pour tout α ∈ Aut(G)).
38
CHAPITRE 4. GROUPE OPÉRANT SUR UN ENSEMBLE
Un sous-groupe H ∈ L(G) est un sous-groupe caractéristique de G si et seulement si le stabilisateur de H sous l’action de Aut(G) est Aut(G). Proposition 4.28 Soit G un groupe. Le sous-groupe dérivé D(G) de G et le centre Z(G) de G sont des sous-groupes caractéristiques de G. D ÉMONSTRATION . Montrons que le sous-groupe dérivé D(G) de G est un sousgroupe caractéristique de G. Pour tout automorphisme α ∈ Aut(G), nous avons α(D(G)) ⊂ D(G) (corollaire 2.3). En particulier, pour l’inverse α−1 ∈ Aut(G), nous obtenons α −1(D(G)) ⊂ D(G). Il en résulte que α(α−1 (D(G))) est contenu dans α(D(G)), c’est-à-dire D(G) ⊂ α(D(G)) . Par conséquent, α(D(G)) = D(G) pour tout automorphisme α dans Aut(G). Montrons que le centre Z(G) de G est un sous-groupe caractéristique de G. Pour tous α ∈ Aut(G), g ∈ G et z ∈ Z(G), nous avons α−1 (g)z = zα −1(g), si bien que gα(z) = α(z)g. Il en résulte que α(Z(G)) ⊂ Z(G) pour tout α ∈ Aut(G) et par le même argument que ci-dessus, nous en déduisons que α(Z(G)) = Z(G). D’où le résultat. La détermination du groupe Aut(G) étant difficile, on considère souvent l’action induite du sous-groupe Int(G) de Aut(G). Soit ϕ : Aut(G) → S(L(G)) le morphisme structurel de l’action naturelle de Aut(G) sur L(G) (cf. formule (4.1). Le sous-groupe Int(G) des automorphismes intérieurs agit également sur L(G) par la ϕ → S(L(G)). Cette action est donnée composée de morphismes Int(G) → Aut(G) − par Int g H = gHg−1. Le groupe G agit alors par conjugaisons sur L(G) via la composée de morphismes (cf. théorème 2.11) Φ
G
ψ
Int(G)
Aut(G) ϕ
S(L(G))
où l’action associée à Φ est l’action par conjugaison gH = Φ(g )(H ) = gHg −1 . Définition 4.29 Soit G un groupe. Deux sous-groupes de G sont dits conjugués s’ils appartiennent à la même orbite de cette action de G sur L(G) par conjugaison. Proposition 4.30 Un sous-groupe H d’un groupe G est un sous-groupe distingué de G si et seulement si H est un point fixe de l’action de G sur L(G) par conjugaison. En particulier, le sous-groupe H de G est un sous-groupe distingué de G si et seulement si gHg −1 = H pour tout g ∈ G. Un sous-groupe caractéristique de G est toujours distingué dans G. D ÉMONSTRATION . Supposons que H soit un sous-groupe distingué de G, c’est-à-dire que gHg −1 = Intg (H ) est inclus dans H pour tout g ∈ G. Pour g −1 ∈ G, nous avons également Intg−1 (H ) ⊂ H et donc H = Intg (Intg −1 (H)) est inclus dans Intg (H ). Il en résulte que gHg −1 = H pour tout g ∈ G , c’est-à-dire que H est un point fixe de l’action par conjugaison de G sur L(G). La réciproque est immédiate.
4.3. OPÉRATION D’UN GROUPE PAR CONJUGAISON
39
Définition 4.31 Le stabilisateur {g∈ G | gKg −1 =K} d’un sous-groupe K ⊂ G sous l’action de G sur L(G) par conjugaison s’appelle normalisateur de K dans G. On le note NG (K ). Le normalisateur de K dans G contient K et il est le plus grand (il contient tous les autres) sous-groupe de G dans lequel K est distingué : K N G(K ) ⊂ G. Exemple 4.32 Soit G = (V, +) le groupe additif du R -espace vectoriel V = R 2 de base (e1 , e2). Le groupe H = e 1 est un sous-groupe distingué propre du groupe 0 1 abélien G. L’application linéaire de matrice appartient à Aut(G) mais 1 0 ne fixe pas H (exemple 2.13). Par conséquent H est un sous-groupe distingué non caractéristique de G. Proposition 4.33 Soit G un groupe et K ⊂ H ⊂ G deux sous-groupes de G.
1. Si H est un sous-groupe caractéristique de G et si K est un sous-groupe caractéristique de H , alors K est un sous-groupe caractéristique de G. 2. Si H est distingué dans G et si K est un sous-groupe caractéristique de H , alors K est distingué dans G.
D ÉMONSTRATION. Montrons le 1er point. Puisque H est caractéristique dans G, nous obtenons α(H ) = H pour tout α ∈ Aut(G) . Il en résulte que la restriction de α à H est un automorphisme de H . Puisque K est caractéristique dans H, nécessairement α(K ) = K . Montrons le 2 e point. Soit g ∈ G et Intg l’automorphisme intérieur de G associé. Comme H est distingué dans G, Intg (H) = gHg −1 = H et la restriction de l’automorphisme intérieur Int g de G à H donne un automorphisme de H (qui n’est pas nécessairement un automorphisme intérieur de H ). Comme K est un sous-groupe caractéristique de H , nécessairement Int g (K) = gKg−1 = K. D’où le résultat. L’exemple s ⊂ r2 , s ⊂ D 4 = r, s montre que proposition est en général fausse si on remplace « caractéristique » par « distingué » dans la 2e partie de la proposition. EXEMPLE . Lorsque l’on demande à MAGMA de calculer les sous-groupes de D6 , la réponse est la partition en orbites de l’ensemble L(D 6) des sous-groupes de D 6 sous l’action par conjugaison de D 6 sur ses sous-groupes. Dans le calcul ci-dessous, on observe que l’ensemble L(D6) des 16 sous-groupes de D 6 contient 10 orbites. Une orbite de longueur (« Length ») 1 contient un unique sous-groupe qui est donc distingué. La 2 e colonne indique l’ordre (« Order ») des sous-groupes de l’orbite.
40
CHAPITRE 4. GROUPE OPÉRANT SUR UN ENSEMBLE
> G :=DihedralGroup(6) ; SubgroupLattice(G) ; Partially ordered set of subgroup classes ----------------------------------------[10] Order 12 Length 1 Maximal Subgroups : Length 1 Maximal Subgroups : [ 9] Order 6 Length 1 Maximal Subgroups : [ 8] Order 6 [ 7] Order 6 Length 1 Maximal Subgroups : [ 6] Order 4 Length 3 Maximal Subgroups : Length 1 Maximal Subgroups : [ 5] Order 3 [ 4] Order 2 Length 3 Maximal Subgroups : [ 3] Order 2 Length 3 Maximal Subgroups : [ 2] Order 2 Length 1 Maximal Subgroups : [ 1] Order 1 Length 1 Maximal Subgroups :
6 3 2 4 2 1 1 1 1
7 8 9 5 5 5 3 4
La dernière colonne indique les numéros des sous-groupes maximaux contenus dans les sous-groupes appartenant à cette orbite. On en déduit le treillis (ou diagramme d’inclusion) des sous-groupes de D 6. L’exercice 5.6 montre que les sous-groupes distingués de D6 = r, s avec r 6 = e, s2 = e sont D 6 , C2 , C3, C 6 et les deux sous3 = r 2, rs d’indice 2. Les sous-groupes groupes non abéliens D3 = r2, s et D non cycliques sont tous diédraux (exemple 5.8). Dans le diagramme D2,a , D2,b , D 2,c forment une orbite de sous-groupes isomorphes à D2 sous l’action par conjugaison de D6 sur l’ensemble des sous-groupes de D6 , alors que D1,a , D1,b , D1,c et D1,α , D 1,β , D1,γ sont deux orbites de sous-groupes isomorphes à D1 . Dans le diagramme ci-dessous, un sous-groupe relié par un trait à un sous-groupe situé plus haut est contenu dans celui-ci. ordre 12
D6 C6 D 2,a
D3 D2,b
D 2,c
3 D
ordre 6 ordre 4 C3
C2
D 1,a
D1,b
D 1,c
D1,α
D1,β
ordre 3
D1,γ
ordre 2
{e}
ordre 1
Le sous-groupe C2 engendré par r3 = r 6/2 est le centre Z(D 6 ) de D6 (proposition 4.25). Les sous-groupes d’ordre 4 contiennent chacun 3 sous-groupes d’ordre 2 et ne sont donc pas cycliques (corollaire 3.16). Il existe une unique table de multiplication d’un groupe d’ordre 2, si bien que les sous-groupes d’ordre 2 sont tous isomorphes ;
4.3. OPÉRATION D’UN GROUPE PAR CONJUGAISON
41
mais comme il y a trois orbites sous l’action par conjugaison de D6 , ces groupes ne sont pas tous conjugués dans D 6. Proposition 4.34 Soit G un groupe et X un G-ensemble. Les stabilisateurs des éléments d’une même orbite sont tous conjugués (et donc isomorphes en tant que groupes et équipotents en tant qu’ensembles). Plus précisément G gx = gGx g −1 pour tout x ∈ X et pour tout g ∈ G.
D ÉMONSTRATION. Soit x ∈ X . Pour g et h dans G, la relation hgx = gx implique (g −1hg)x = (g −1g)x = x et réciproquement. Donc, h appartient à Gg.x si et seulement si (g −1 hg) ∈ Gx, soit encore si et seulement si h appartient à gGx g −1 . Exercice 4.1 (*) Montrer que si X est un ensemble fini à n éléments, alors les groupes S(X ) et S n sont isomorphes. Exercice 4.2 Soit F un corps et n ≥ 1 un entier. Nous allons étudier les relations d’équivalence induites par quelques opérations de GL(n, F ) sur M(n, F ). (a) Considérons l’opération de GL(n, F ) sur M(n, F ) par conjugaison. Montrer que deux éléments x et y de l’ensemble M(n, F ) appartiennent à la même orbite si et seulement si x et y sont des matrices semblables. (b) Faisons opérer GL(n, F ) sur M(n, F ) par multiplication à gauche. Montrer que deux éléments x et y de l’ensemble M(n, F ) appartiennent à la même orbite si et seulement si ker(x) = ker(y). (c) Faisons enfin opérer GL(n, F ) sur M(n, F ) par multiplication à droite. Montrer que deux éléments x et y de l’ensemble M(n, F ) appartiennent à la même orbite si et seulement si im(x) = im(y). Exercice 4.3 Soit V un espace vectoriel de dimension finie n ≥ 1. Calculer les orbites de l’action naturelle GL(n, R) × V → V ; (g, v ) → g (v). Exercice 4.4 Toute action libre est-elle fidèle ? Toute action fidèle est-elle libre ? Exercice 4.5 Déterminez les sous-groupes caractéristiques du groupe Q 8. Exercice 4.6 Soit G un groupe. Montrer qu’un sous-groupe H ⊂ G est distingué dans G si et seulement si H est une union de classes de conjugaison de G. Exercice 4.7 Déterminer les classes de conjugaison du groupe des quaternions Q 8 . Exercice 4.8 Soit G un groupe et m un entier. Montrer que G agit par conjugaison sur l’ensemble de ses éléments d’ordre m. Montrer que l’action par conjugaison de D3 sur l’ensemble des éléments d’ordre 2 est fidèle et en déduire (une fois de plus) l’isomorphisme D3 ∼ = S3.
42
CHAPITRE 4. GROUPE OPÉRANT SUR UN ENSEMBLE
Exercice 4.9 Montrer que, pour n ≥ 3, le groupe C n est un sous-groupe caractéristique du groupe diédral Dn . Exercice 4.10 Donner des exemples de groupes G ayant un sous-groupe non trivial H pour chacun des cas suivants : NG (H) = H, NG (H) = G et H = NG (H ) = G. Exercice 4.11 Soit H ⊂ K ⊂ G deux sous-groupes de G et g ∈ G.
1. Montrer que le normalisateur NG(gHg −1 ) est égal à gNG (H )g−1 . 2. Montrer que le normalisateur NK (H ) est égal à N G (H ) ∩ K.
3. On note [H, K ] le sous-groupe de G engendré par tous les commutateurs hkh−1 k−1 avec h ∈ H et k ∈ K . Montrer que K est contenu dans NG (H ) si et seulement si [H, K ] ⊂ K . Exercice 4.12 (*) Soit F un corps. Un espace affine E de direction un F -espace vectoriel V est un ensemble non vide E muni d’une action de groupe libre et transitive Φ : (V, +) × E → E; (u, M ) → M + u où M + u dénote le point uM . Tout espace vectoriel V est naturellement un espace affine de direction V via l’action uv = v + u. Pour un entier n on note R n l’espace affine de direction V = Rn. 1. Montrer que, quels que soient les points A et B dans E , il existe un unique vecteur u ∈ V tel que A = B +u . On note l’unique vecteur u avec B = A + u −−→ −−→ −−→ −→ simplement u = AB. Montrer la « relation de Chasles » : AB + BC = AC. 2. Une application f : E → E est dite affine, s’il existe une application linéaire −−−−−−−→ −−→ ϕf : V → V telle que f (N ) = f (M ) + ϕ f (M N ), ou encore f (M )f (N ) = −−→ ϕf (M N ) , quels que soient M et N dans E. L’application linéaire ϕf est la partie linéaire de l’application affine f. Une application affine f : E → E est donc déterminée par l’image f(Ω) d’un point Ω ∈ E et l’application linéaire ϕf : V → V . Montrer que : (a) la composition de deux applications affines g ◦ f est une application affine de partie linéaire ϕ g ◦ ϕf .
(b) Une application affine f est bijective si et seulement sa partie linéaire ϕf est bijective.
(c) L’ensemble des applications affines bijectives muni de la loi de composition des applications est un groupe appelé groupe affine de E que l’on note GA(E ). (d) Le stabilisateur GA(E ) Ω d’un point Ω ∈ E est isomorphe à GL(V ).
Chapitre 5
Groupes quotients 5.1 Définitions Définition 5.1 Etant donnés deux sous-ensembles H et K d’un groupe G, on note HK l’ensemble des produits hk pour h ∈ H et k ∈ K . Si K (respectivement H) est réduit à un seul élément g ∈ G , on note simplement Hg (respectivement gK). Ce « produit » de sous-ensembles d’un groupe est associatif. Mais il importe de noter que même si H et K sont des sous-groupes de G, le produit HK n’est en général pas un sous-groupe de G. Rappelons qu’un sous-groupe H ⊂ G est distingué si ghg−1 appartient à H pour tout g dans G et tout h dans H , c’est-à-dire, si gHg −1 est inclus dans H pour tout g ∈ G . La proposition 4.30 montre qu’un sous-groupe du groupe G est distingué dans G si et seulement si c’est un point fixe pour l’action de G sur l’ensemble des sous-groupes de G par conjugaison, c’est-à-dire, si c’est un point fixe pour l’action des automorphismes intérieurs de G sur l’ensemble des sous-groupes de G. Proposition 5.2 Soit H un sous-groupe d’un groupe G. Alors, les conditions suivantes sont équivalentes : 1. H est distingué dans G ; 2. gHg−1 = H pour tout g dans G ; 3. gH = Hg pour tout g dans G. D ÉMONSTRATION . L’équivalence des deux premières assertions provient de la proposition 4.30. Pour montrer l’équivalence des deux dernières assertions, notons que l’on passe de l’une à l’autre par multiplication à droite respectivement par g et g −1 . Proposition 5.3 Soit K ⊂ H ⊂ G des sous-groupes de G. Si K est distingué dans G alors K est distingué dans H .
44
CHAPITRE 5. GROUPES QUOTIENTS
D ÉMONSTRATION . Si le sous-groupe K est laissé fixe par les automorphismes intérieurs {Intg |g ∈ G} de G, il est aussi laissé fixe par les automorphismes intérieurs de H qui sont des restrictions à H du sous-groupe {Int h |h ∈ H } de Int(G). Rappelons que G/H = {gH | g ∈ G} est l’ensemble quotient de G par la relation d’équivalence ∼ H (définition 3.7). Théorème et définition 5.4 Soit G un groupe. Un sous-groupe H de G est distingué dans G si et seulement si la formule g 1H ∗ g2 H = (g1 g2 )H définit une loi de groupe ∗ sur l’ensemble quotient G/H telle que l’application canonique π : G G/H,
g → gH
soit un morphisme de groupes. Ces propriétés déterminent la loi ∗ de manière unique et le groupe (G/H, ∗) est appelé le groupe quotient de G par H . Si H est un sous-groupe distingué de G, alors π : G G/H est un morphisme surjectif de noyau H. L’ordre |G/H | du groupe G/H est égal à l’indice (G : H ) de H dans G. Si, de plus, G est un groupe fini alors l’ordre du groupe G/H est donné par la formule |G| |G/H | = . |H |
D ÉMONSTRATION . Supposons que (G/H, ∗) soit un groupe et que π : G → G/H soit un morphisme surjectif. Pour tout g dans G nous avonsgH = H implique g ∈ H. Il en résulte que ker(π ) = H et que H est un sous-groupe distingué de G. Réciproquement, supposons que H soit distingué dans G. Alors, gH = Hg pour tout g dans G et en particulier, (g1 H )(g2 H ) = g1g2 HH = (g 1g2 )H pour tout (g 1, g2) ∈ G × G. Le produit g1 H ∗ g 2H = (g1g2 )H = (g 1H )(g 2H) est bien défini puisqu’il ne dépend pas du choix des représentants de classe g1 et g2 . À présent, vérifions (exercice 1.2) les axiomes de groupe pour (G/H, ∗) : 1. La classe eH = H est un élément neutre : eH ∗ gH = (eg)H = gH pour tout g ∈ G. 2. La classe g−1 H est l’inverse de la classe gH : g −1H ∗ gH = (g −1g)H = eH = (gg −1 )H = gH ∗ g−1 H. 3. L’associativité découle de celle de G : (g1 H ∗ g2 H ) ∗ g 3 H = ((g1 g 2)g3 )H = (g1 (g2 g3 ))H = g 1H ∗ (g2 H ∗ g3H ). L’application π est un morphisme de groupes car π(g1 g2) = (g1 g2)H = g1 H ∗ g2 H = π(g1 ) ∗ π(g2 ). Pour calculer ker(π), noter que gH = eH = H si et seulement si g ∈ H . Les autres assertions sont immédiates (cf. théorème 3.10).
5.1. DÉFINITIONS
45
Corollaire 5.5 Un sous-groupe H ⊂ G est distingué si et seulement si H est le noyau d’un morphisme de source G. Si H est un sous-groupe distingué de G, alors l’application π : G G/H, g → gH est un morphisme de groupes. Le produit de deux classes g1H et g2H dans G/H est la classe (g1 g2 )H du produit de deux représentants de classe, ce qui permet de calculer dans un groupe quotient, cependant les groupes quotients sont des objets difficiles à manier dans la pratique. Exemple 5.6 Soit 0 < m ∈ N. Le sous-groupe mZ est un sous-groupe distingué du groupe abélien (Z, +) et le morphisme canonique π s’écrit π : (Z, +) → (Z/mZ, +); a → a = a + mZ = {a + km | k ∈ Z} La somme dans Z/mZ des classes a + mZ et b + mZ est la classe (a + b) + mZ et correspond donc à la classe de la somme de deux représentants de classe. Le groupe quotient Z/mZ est d’ordre m. Comme 1 engendre le groupe Z, son image 1 engendre Z/mZ, si bien que Z/mZ est un groupe cyclique d’ordre m. Pour un entier pair n = 2m ≥ 3, nous avons D(Dn) = r 2 = {e, r2 , . . . , r2m−2) } (exemple 3.11). Les éléments de D n/D(Dn ) = {e, r, s, rs} sont tous d’ordre 2, si bien que Dn/D(D n ) est isomorphe à D2 (exercice 3.4). Théorème 5.7 (P ROPRIÉTÉ UNIVERSELLE DU QUOTIENT) Soit G et Γ deux groupes, H distingué dans G, π : G G/H le morphisme canonique et ϕ : G → Γ un morphisme de groupes. Les assertions suivantes sont équivalentes : 1. H ⊂ ker(ϕ).
2. ϕ(H ) = {eΓ }.
3. Le morphisme ϕ se « factorise » à travers G/H, c’est à dire qu’il existe un morphisme de groupes ϕ : G/H → Γ , tel que ϕ = ϕ ◦ π .
Si ces conditions sont vérifiées, le morphisme ϕ est unique avec ϕ(gH) = ϕ(g ). Son image est celle de ϕ et ker(ϕ) = π(ker(ϕ)) = {gH|g ∈ ker(ϕ)}.
La propriété est souvent présentée de la manière suivante : étant donné ϕ, H, π avec H ⊂ ker(ϕ), le diagramme ϕ
G π
G/H
Γ
46
CHAPITRE 5. GROUPES QUOTIENTS peut être complété de manière unique en un diagramme commutatif : ϕ
G π
G/H
Γ ϕ
Dire que le diagramme est commutatif signifie que ϕ = ϕ ◦ π.
D ÉMONSTRATION . Les assertions 1. et 2. sont trivialement équivalentes. Il est aussi évident que l’assertion 3. implique l’assertion 2. Il reste à montrer que l’assertion 3. découle des assertions 1. et 2. Puisque H ⊂ ker(ϕ), les classes à gauche de H dans ker(ϕ) forment une partition∪gH de ker(ϕ). Pour toute classe à gauche g˜ ker(ϕ) de ker(ϕ) dans G, nous obtenons une partition ∪(˜ g g)H de ˜g ker(ϕ) : G
ker(ϕ) H
Puisque l’application ϕ est constante sur les classes g ker(ϕ), elle l’est également sur les classes gH , avec ϕ(gh) = ϕ(g)ϕ(h) = ϕ(g ) pour tout gh ∈ gH. Par conséquent, l’application ϕ : G/H → Γ ; gH → ϕ(g ) est bien définie. Pour montrer qu’il s’agit d’un morphisme, observons que : ϕ(g1Hg 2H ) = = = =
ϕ ((g 1g2 )H) ϕ(g1 g2 ) ϕ(g1 )ϕ(g2 ) ϕ(g 1 H )ϕ(g2 H)
(car H est distingué dans G) (par définition) (car ϕ est un morphisme) (par définition).
Par définition de ϕ, nous avons ϕ = ϕ ◦ π. Le morphisme ϕ ayant cette propriété est unique, puisque ϕ ◦ π = ϕ implique ϕ(gH) = ϕ(g ). Pour le noyau, l’égalité ϕ(gH) = e implique ϕ(g) = e. Il en résulte que gH ∈ ker(ϕ) si et seulement si g ∈ ker(ϕ).
5.1. DÉFINITIONS
47
EXEMPLE. Comme les multiples de 6 sont aussi des multiples de 3, le sous-groupe 6Z est inclus dans 3Z. Comme 3Z et 6Z sont des sous-groupes distingués du groupe commutatif (Z, +) nous obtenons les deux morphismes canoniques π3 : Z → Z/3Z et π 6: Z → Z/6Z. Comme 6Z ⊂ 3Z = ker(π3), nous pouvons appliquer le théorème pour obtenir le diagramme commutatif π3
Z
Z/3Z
π6
ϕ
Z/6Z
Le morphisme ϕ : Z/6Z → Z/3Z est donné par ϕ(n + 6Z) = π3 (n) = n + 3Z et son noyau est (3Z/6Z) ⊂ (Z/6Z). Ce morphisme est l’unique morphisme de Z/6Z vers Z/3Z qui prolonge le diagramme en un diagramme commutatif. Attention : il existe d’autres morphismes de Z/6Z vers Z/3Z tel que le morphisme trivial n+6Z → 0+3Z qui, lui, ne prolonge pas le diagramme en un diagramme commutatif. Exemple 5.8 Montrons que les sous-groupes du groupe diédral Dn sont soit cycliques, soit isomorphes à un groupe diédral D m avec m divise n. Les sous-groupes des groupes abéliens D1 et D 2 étant faciles à déterminer, nous supposerons dans la suite que n ≥ 3. Comme Cn est un sous-groupe caractéristique (et donc distingué) de Dn (exercice 4.9 ), nous pouvons considérer le morphisme canonique n| π : D n → Dn /Cn dont l’image est un groupe d’ordre [D n : Cn ] = |D |Cn | = 2. Pour un sous-groupe H de Dn , considérerons la composition des morphismes suivante H
i
Dn ϕ
π
D n/Cn
Le noyau ker(ϕ) = H ∩ Cn ⊂ C n est un groupe cyclique rd d’ordre nd pour un diviseur d de n (corollaire 3.16). Si im(ϕ) = {e}, alors H = ker(ϕ) ⊂ C n est un sous-groupe cyclique distingué du sous-groupe caractéristique C n (corollaire 3.16). Par conséquent, H est un sousgroupe cyclique distingué de D n (proposition 4.33). Sinon im(ϕ) = D n /Cn est d’ordre 2. Il existe ri s dans D n \ Cn d’ordre 2 avec im(ϕ) = ϕ(ri s). Il en résulte que H = ker(ϕ) ∪ r is ker(ϕ) = r d ∪ r i srd , si bien que H est un sous-groupe d’ordre 2 · nd engendré par r is et r d . Dans Dn , nous avons (ri s)r d(ri s) = (rd) −1 . Pour d = n nous retrouvons D1 et, lorsque n est pair et d = n2 , nous obtenons D2 . Sinon(r d )−1 = r d et le groupe H est non abélien. Nous avons H = r d, ri s avec (rd )n/d = e = (ri s)2 et (r is)r d (ri s) = (r d)−1 . Comme rd , ri s = rd+i s, ri s (remarque 1.15), le groupe fini non abélien H est engendré par deux éléments d’ordre 2. Par conséquent H est un groupe diédral isomorphe à D nd (proposition 3.14).
48
CHAPITRE 5. GROUPES QUOTIENTS
5.2 Corps finis F p et groupe linéaires finis GL(n, q ) Théorème et définition 5.9 L’ensemble quotient Z/mZ muni des deux opérations (a + mZ) + (b + mZ) = (a + b) + mZ et (a + mZ) · (b + mZ) = (a · b) + mZ est un anneau commutatif (Z/mZ, +, ·) . Le groupe multiplicatif des éléments inversibles de l’anneau (Z/mZ, +, ·) , noté (Z/mZ)× , est d’ordre φ(m) où φ désigne l’indicatrice d’Euler. L’anneau (Z/mZ, +, ·) est un corps si et seulement si m = p est premier. Le corps (Z/pZ, +, ·) est noté Fp afin d’éviter la confusion avec le groupe (Z/pZ, +). Nous admettrons dans la suite que pour pour un entier q = ps avec p premier, il existe un corps fini à q éléments noté Fq (cf. [13], 11.2). Attention : pour s > 1, l’anneau (Z/qZ, +, ·) d’ordre q = ps n’est pas un corps. D ÉMONSTRATION . Soit 0 < m ∈ N. Le sous-groupe mZest un sous-groupe distingué du groupe abélien (Z, +). Le théorème 5.4 montre que Z/mZ est un groupe abélien ˜ + mZ pour l’addition (a + mZ) + (b + mZ) = (a + b) + mZ. Nous avons a + mZ = a ˜ et b + mZ = b + mZ si et seulement si, il existe k, dans Z tels que a = ˜a + km b + m. Il en résulte que a · b = (˜a · ˜b) + (˜ et b = ˜ a · + k · ˜b + km)m ou encore b) + mZ . Par conséquent, la multiplication ci-dessus est bien (a · b) + mZ = (˜ a·˜ définie (indépendante du choix des représentants de classe). De la même manière on vérifie que 1 + mZ est un élément neutre pour la multiplication et que celleci est commutative, associative et distributive par rapport à l’addition. Si bien que (Z/mZ, +, ·) est un anneau commutatif. ˜k et m = mk ˜ avec 1. Si a ∈ {2, . . . , m − 1} n’est pas premier à m, alors a = a ˜a, m ˜ etk dans {2, . . . , m − 1}. Il en résulte que a + mZ et m ˜ + mZ sont non nuls avec (a + mZ) · (m ˜ + mZ) = (˜ ak m ˜ ) + mZ = a ˜m + mZ = 0 + mZ. Par conséquent a + mZ est un diviseur de zéro et ne possède pas d’inverse pour la multiplication. Si bien que l’anneau (Z/mZ, +, ·) n’est pas un corps. 2. Si a ∈ {2, . . . , m − 1} est premier à m, alors le théorème de Bézout montre qu’il existe des entiers s et t tels que s · a + t · m = 1, si bien que (s + mZ)(a + mZ) = (sa + mZ) = (1 − t · m) + mZ = 1 + mZ. Par conséquent, a + mZ possède un inverse pour la multiplication. Si m = p est un nombre premier, alors tous les éléments non nuls de (Z/pZ, +, ·) possèdent un inverse pour la multiplication. Il en résulte que l’anneau (Z/pZ, +, ·) est un corps à p éléments. Nous n’utiliserons pas les corps finis Fq d’ordre q = p s non premier (avec s = 1) dans ce livre, mais ils apparaitront dans certains énoncés (par exemple comme dans la proposition ci-dessous).
5.2. CORPS FINIS ET GROUPE LINÉAIRES FINIS
49
Définition 5.10 Soit Fq un corps fini de cardinal q ∈ N (donc q = ps avec p premier). Pour un entier n ≥ 1, le groupe GL(n, F q) des matrices inversibles à coefficients dans Fq est noté GL(n, q). Proposition 5.11 Soit Fq un corps fini de cardinal q ∈ N et n ≥ 1 un entier. Alors, le groupe GL(n, q) est d’ordre n−1 i=0
(q n − q i) = q
n(n−1) 2
n (q − 1)(qn−1 − 1) · · · (q − 1) .
D ÉMONSTRATION. Comptons le nombre de matrices dont les colonnes sont linéairement indépendantes sur Fq . Nous pouvons choisir n’importe quelle valeur pour les éléments de la 1 re colonne, à condition d’éviter la colonne nulle. Cela nous fait donc q n − 1 possibilités pour cette 1 re colonne. Pour la k e colonne avec k ∈ {2, . . . , n}, nous pouvons choisir tout vecteur, sauf les qk−1 combinaisons linéaires des k − 1 colonnes précédentes. Il y a q n − q k−1 possibilités pour la k e colonne. Donc | GL(n, q)| = (q n − 1)(qn − q) · · · (q n − q n−1 ) = qq 2 · · · q n−1 (qn − 1)(qn−1 − 1) · · · (q − 1) n(n−1) = q 2 (q n − 1)(q n−1 − 1) · · · (q − 1) .
Et le résultat s’ensuit.
Pour n ≥ 2 le groupe GL(n, q) est non abélien. En effet, dans un corps où 1 + 1 = 1 nous avons :
1
1
0
0
1
0
0 .. .
0 ..
1 .. .
0
. ... ...
1
0
0
1
1
0
0 .. .
0 ..
1 .. .
0
. ... ...
... 0 . . . . .. . .. . .. .. . 0 0
1
... 0 . . . . .. . .. . .. .. . 0 0
1
1
0
0
1
1
0
0 .. .
0 ..
0
1 .. . . ... ...
1
1
0
0
1
0
0 .. .
0 ..
0
1 .. . . ... ...
... 0 . . . . .. . .. . .. .. . 0 0
1
... 0 . . . . .. . .. . .. .. . 0 0
1
=
=
2
1
0
1
1
0
0 .. . 0
0 1 .. .. . . ... ...
1
1
0
1
2
0
0 .. . 0
0 1 .. .. . . ... ...
... 0 . . . . .. . .. . .. .. . 0 0
1
... 0 . . . . .. . .. . .. .. . 0 0
1
Exemple 5.12 Le groupe GL(2, 2) est un groupe non abélien d’ordre 6 et donc est isomorphe à D3 (exercice 3.5).
50
CHAPITRE 5. GROUPES QUOTIENTS
5.3 Sous-groupe dérivé Théorème 5.13 Soit G un groupe, D(G) le groupe dérivé et H un sous-groupe de G. 1. Le quotient G/D(G) est un groupe abélien.
2. D(G) est contenu dans H si et seulement si H est distingué dans G et G/H est abélien. D ÉMONSTRATION . Puisque D(G) est distingué dans G (proposition 1.18), le groupe quotient G/D(G) existe. Calculons le commutateur de deux éléments g1 D(G) et g 2 D(G) du groupe G/D(G) : [g1D(G), g2D(G)] = g 1 D(G)g2 D(G)(g1 D(G)) −1(g 2 D(G))−1 −1 = g 1 D(G)g2 D(G)g−1 1 D(G)g2 D(G)
−1 = (g1 g 2g −1 1 g2 )D (G) = [g1 , g 2]D (G) = eD(G) ([g1 , g2] ∈ D(G) par définition).
Donc, [G/D(G), G/D(G)] = {eD (G} et le groupe G/D(G) est abélien. Supposons que H soit distingué dans G et que le groupe quotient G/H soit abélien. Alors, pour g1 ∈ G et g 2 ∈ G, nous obtenons [g 1H, g2 H] = [g1 , g2 ]H = eH et donc [g 1, g2] ∈ H . Comme D(G) est engendré par les commutateurs [g1 , g2 ], nécessairement D(G) est contenu dans H. Supposons maintenant que D(G) soit contenu dans H. L’élément ghg−1 = ghg−1 h−1 h = [g, h]h appartient à H pour tout h ∈ H et pour tout g ∈ G. Par conséquent, H est donc distingué dans G. Le même calcul que dans le point précédent montre que [g 1H, g 2H] = [g 1, g 2 ]H pour tous g 1 H et g 2H dans G/H. Comme [g 1 , g2] appartient à D(G) ⊂ H, nous obtenons [g 1, g2]H = eH. D’où le résultat. Définition 5.14 Soit G un groupe. Le groupe G/D(G) est appelé l’abélianisé de G. L’abélianisé de G est le « plus grand » quotient abélien de G au sens suivant : si H est un sous-groupe distingué et que le groupe quotient G/H est abélien, alors H contient le sous-groupe D(G).
E XEMPLE . Pour n ≥ 3, nous avons D(Dn ) = r 2 si n est pair et D(Dn) = r si n est impair. (lemme 1.19). Il en résulte que si n est pair D n/D(Dn ) ∼ = D 2 (exemple 5.6) et si n est impair D n/D(D n ) = {e, s} est cyclique d’ordre 2. Dans chaque cas, il s’agit du plus grand quotient abélien de D n.
5.4 Théorèmes d’isomorphisme Dans ce cadre, on dispose de trois théorèmes d’isomorphisme importants classiquement appelés 1 er, 2e et 3 e théorèmes d’isomorphisme. Nous développons ci-dessous le 1 er et le 3e. Le 2 e sera donné plus tard (théorème 8.6).
5.4. THÉORÈMES D’ISOMORPHISME
51
Théorème 5.15 (1ER THÉORÈME D ’ISOMORPHISME ) Soit ϕ : G → Γ un morphisme de groupes. Alors, il existe un isomorphisme ϕ : G/ ker(ϕ) im(ϕ),
g ker(ϕ) → ϕ(g )
Si ϕ est surjectif, alors ϕ fournit un isomorphisme entre les groupes G/ ker(ϕ) et Γ . Pour traduire l’isomorphisme ϕ, on utilise parfois la notation G/ ker(ϕ) ∼ = im(ϕ) , mais il est essentiel de savoir comment le morphisme est défini. DÉMONSTRATION. Par restriction à l’image, le morphisme ϕ : G → Γ donne un morphisme de groupes surjectif (auquel on donne le même nom) ϕ : G → im(ϕ) ⊂ Γ . Notons H = ker(ϕ). Puisque H ⊂ ker(ϕ) le théorème 5.7 montre qu’il existe ϕ ϕ
G π
G/ ker(ϕ)
im(ϕ)
Γ
ϕ
avec ker(ϕ) = ker(ϕ)/H = ker(ϕ)/ ker(ϕ) = {e}. Le morphisme ϕ est donc injectif. Il est surjectif par construction. C’est donc un isomorphisme. Corollaire 5.16 Un groupe cyclique fini G d’ordre n ∈ N est isomorphe à Z/nZ et à Cn . DÉMONSTRATION. Soit g ∈ G d’ordre n tel que g = G. La propriété universelle de Z donne un morphisme ϕ : Z → g = G dont le noyau est nZ. Par le théorème 5.15, nous obtenons G = im(ϕ) ∼ = Z/nZ . La relation “être isomorphe” est une relation d’équivalence, si bien qu’un groupe cyclique d’ordre n est toujours aussi isomorphe au groupe cyclique C n . Corollaire 5.17 Soit G un groupe de centre Z(G), alors G/Z(G) ∼ = Int(G) ⊂ Aut(G). D ÉMONSTRATION. Le centre Z(G) d’un groupe G est le noyau du morphisme surjectif (cf. théorème 2.11) ϕ : G → Int(G) défini par ϕ(γ ) = Intγ . Par le 1 er théorème d’isomorphisme 5.15, nous obtenons l’isomorphisme G/Z(G) ∼ = Int(G). EXEMPLE. Pour 1 ≤ n ∈ N le morphisme det : GL(n, C) → (C ∗, ·), M → det(M ) est surjectif de noyau SL(n, C). Par le 1 er théorème d’isomorphisme, le groupe GL(n, C)/ SL(n, C) est isomorphe à C∗ . Théorème 5.18 (3E THÉORÈME D’ ISOMORPHISME ) Soit K ⊂ H ⊂ G trois groupes. Supposons que H et K soient distingués dans G. Alors, les groupes quotients G/H et (G/K ) (H/K ) sont isomorphes : (G/K ) (H/K ) ∼ = G/H.
52
CHAPITRE 5. GROUPES QUOTIENTS
D ÉMONSTRATION . Considérons les deux morphismes canoniques π et ϕ ϕ
G π
G/K
G/H ϕ
Puisque ϕ est surjectif, ϕ l’est aussi. Puisque ker(ϕ) = H/K, le théorème 5.15 donne le résultat. E XEMPLE . Comme 10Z ⊂ 2Z ⊂ Z, nous pouvons construire comme dans l’exemple précédent le morphisme ϕ : Z/10Z → Z/2Z; n + 10Z → π2 (n) = n + 2Z de noyau 2Z/10Z. Comme ϕ est surjectif, nous obtenons (Z/10Z)/(2Z/10Z) ∼ = Z/2Z. Exercice 5.1 (Théorème d’Euler) Soit m un entier et ϕ(m) l’indicatrice d’Euler. (Z/mZ)× des éléments inversibles de (Z/mZ) est un groupe Montrer que l’ensemble (Z/mZ)× , · d’ordre ϕ(m). En déduire que aϕ(m) ≡ 1 mod m pour tout entier a premier à m. Exercice 5.2 On considère le groupe G := {( 10 ab ) ∈ M(2, R) | a∈R, b=0} et le sous-groupe N = {( 10 a1 ) ∈ M(2, R) | a∈R}. (a) Interpréter G comme un stabilisateur pour une action convenable du groupe GL(2, R) et en déduire que G est un sous-groupe de GL(2, R). (b) Montrer que N est un sous-groupe distingué de G. (c) Montrer que G/N est isomorphe à R ∗ . Exercice 5.3 (*) (Quotient d’un groupe diédral) Soit H un sous-groupe distingué du groupe diédral D n . Montrer que le quotient Dn /H est engendré par au plus deux éléments d’ordre au plus deux. En déduire que D n/H est soit un groupe cyclique, soit isomorphe à un groupe diédral. Exercice 5.4 (*) Soit G un groupe fini. Montrer que si G/Z(G) est cyclique, alors G est abélien. En déduire que si Aut(G) est cyclique, alors G est abélien. Exercice 5.5 (*) Déterminer le centre Z(Q 8) et le sous-groupe dérivé D(Q 8) du groupe des quaternions Q 8 , ainsi que l’abélianisé Q8 /D(Q8). Exercice 5.6 (*) (Sous-groupes distingués de Dn ) Soit n ≥ 3 et D n le groupe diédral d’ordre 2n engendré par deux éléments r et s qui satisfont aux relations r n = e, s 2 = e et srs = r−1 . Montrer que 1. Le sous-groupe Cn = r de Dn est caractéristique. En déduire que tout sous-groupe de Cn est un sous-groupe distingué de Dn .
5.4. THÉORÈMES D’ISOMORPHISME
53
2. Pour n impair, les sous-groupes distingués de D n sont D n et les sous-groupes de Cn . 3. Pour n pair et H un sous-groupe distingué non contenu dans Cn le groupe D n/H est d’ordre 2. En déduire qu’un tel sous-groupe H est l’image réciproque d’un sous-groupe d’ordre 2 de ϕ : Dn → D n/r2 . Par conséquent soit H = r2 , s soit H = r2 , rs. En particulier H est isomorphe à D n2 . Exercice 5.7 (*) Soit V = (F3 )2 l’espace vectoriel de dimension 2 sur le corps F3 et G = (V, +). Montrer que G est un groupe abélien non cyclique d’ordre 9 et que Aut(G) ∼ = GL(2, 3) est d’ordre 48. 1 a1 a2 Exercice 5.8 1. Montrer que les matrices de la forme 0 1 a 3 avec a i 0 0 1 3 dans F 3 est un sous-groupe non abélien H d’ordre 3 = 27 de GL(3, 3) et que tous les éléments h = e de H sont d’ordre 3. Donner [GL(3, 3) : H ].
2. Montrer que l’ensemble des matrices de H avec a1 = a3 = 0 est un sousgroupe non abélien H d’ordre 3 3 = 27 de GL(3, 3) et que tous les éléments h = e de H sont d’ordre 3. Donner [GL(3, 3) : H ]. 3. Montrer que Z(H) = K . Indication : Utiliser l’exercice 5.4.
4. Montrer que H/Z(H ) est un groupe abélien non cyclique d’ordre 9. Exercice 5.9 Montrer que P = (R ∗ )+ est un sous-groupe distingué de R∗ . Identifier le quotient R ∗/P . Exercice 5.10 (*) Soit C le cercle {z ∈ C | |z| = 1}. Montrer que C est un sousgroupe de C∗ et que R/Z est isomorphe à C . Exercice 5.11 Montrer que tous les éléments de Q/Z sont d’ordre fini. Exercice 5.12 Soit G un groupe et H = G un sous-groupe tel que g1 g 2 ∈ H pour tous g 1 , g2 dans G \ H . Montrer que l’indice (G : H ) de H dans G est égal à 2. Exercice 5.13 (*) Soit G un groupe. Soit H ⊂ G un sous-groupe d’indice fini n. Montrer qu’il existe un sous-groupe N distingué dans G , contenu dans H et d’indice au plus n! dans G. Exercice 5.14 Soit G un groupe et N ⊂ G un sous-groupe distingué dans G d’indice fini n. Montrer que g n appartient à N pour tout élément g de G. Exercice 5.15 Soit ϕ : G1 → G 2 un morphisme surjectif de groupes et D(Gi ) le sous-groupe dérivé de G i . Montrer que ϕ(D(G1)) = D(G 2 ).
54
CHAPITRE 5. GROUPES QUOTIENTS
Exercice 5.16 Soit G un groupe et N ⊂ G un sous-groupe distingué. Montrer que G/N est le groupe trivial {e} si et seulement si N = G. Exercice 5.17 Soit n > 1 un entier. Montrer que ϕ : C∗ → C ∗ donné par z → z n est un morphisme surjectif avec ker(ϕ) = {1}. En déduire qu’il existe un groupe G ayant un sous-groupe distingué non trivial N tel que G/N soit isomorphe à G. Exercice 5.18 (*) (Q 8 dans SL(2, 3)) Montrer que 1. Le groupe SL(2, 3) est un sous-groupe distingué de GL(2, 3) d’ordre 24. 0 2 1 1 2. Les éléments i = et j = satisfont les relations i4 = e, 1 0 1 2 i2 = j 2 et ji = i−1 j. En déduire que H = i, j est un sous-groupe d’ordre 8 de SL(2, 3) isomorphe à Q8 . 3. Le polynôme minimal d’un élément d’ordre 2 est X + 2 ∈ F3 [X ]. En déduire qu’il existe un unique élément d’ordre 2 dans SL(2, 3) qui est dans le centre. 4. Le polynôme minimal d’un élément d’ordre 4 est X 2 + 1 ∈ F3[X ]. En déduire qu’il existe 6 éléments d’ordre 4 dans SL(2, 3). 5. Le polynôme minimal d’un élément d’ordre 8 est X 2 +X + 2 ou X 2 + 2X + 2. En déduire qu’il n’existe pas d’éléments d’ordre 8 dans SL(2, 3). Indication : X 4 + 1 = (X2 + X + 2)(X 2 + 2X + 2) dans F3[X ]. En déduire que H ∼ = Q 8 est l’unique sous-groupe d’ordre 8 de SL(2, 3), que H est un sous-groupe caractéristique de SL(2, 3)et donc un sous-groupe distingué de GL(2, 3). Exercice 5.19 (*) (Automorphismes de Q 8) 1. Soit G un groupe et H un sous-groupe distingué de G. Notons Z G(H) = {g ∈ G|∀h ∈ H, gh = hg }. Montrer que G/ZG (H ) est isomorphe à un sous-groupe de Aut(H). 2. Considérons le sous-groupe distingué H = i, j de G = GL(2, 3) isomorphe à Q8 de l’exercice 5.18 (par abus, puisque les groupes Aut(H) et Aut(Q8) sont isomorphes (exercice 2.10), nous noterons H simplement Q8 dans la suite) et le morphisme ϕ : GL(2, 3) → Aut(Q8 ); g → Intg . Montrer que (a) Aut(Q 8) est un groupe d’ordre au plus 24. (b) Z(GL(2, 3)) = {id, − id}
(c) Z(GL(2, 3)) ⊂ ker(ϕ) ⊂ ZGL(2,3) (i) ∩ ZGL(2,3)(j) = Z(GL(2, 3)). En déduire que GL(2, 3)/Z(GL(2, 3)) est isomorphe à un sous-groupe de Aut(Q 8), puis l’isomorphisme Aut(Q8) ∼ = GL(2, 3)/Z(GL(2, 3)).
(d) Int(Q 8 ) est isomorphe à D2 et que Aut(Q 8)/ Int(Q8 ) est d’ordre 6. Remarque : Le groupe GL(2, 3)/Z(GL(2, 3)) est noté PGL(2, 3) et est isomorphe à S4 (exercice 14.6).
Chapitre 6
Groupes symétriques Le groupe symétrique est la base de la notion d’action de groupe sur un ensemble (théorème 4.4). Comme tout groupe fini est isomorphe à un sous-groupe d’un groupe symétrique (théorème de Cayley 4.18), les groupes de permutations sont une vaste source d’exemples et de contre-exemples pour les groupes finis.
6.1 Permutations et cycles Pour tout entier positif n, l’ensembleS n des permutations des éléments {1, . . . , n} est un groupe pour la composition des applications. Le groupe Sn est un groupe fini et son ordre |Sn| vaut n! = n(n−1) · · · 1. La permutation identité est l’élément neutre du groupe Sn et nous la notons e. Dans un premier temps, nous notons une permutation σ ∈ S n en listant les éléments {1, 2, . . . , n} dans la 1 re ligne et leur image par la permutation correspondante dans la 2e ligne, c’est-à-dire, sous la σ en position 1 2 ... n forme σ(1) σ(2) . . . σ(n) . Dans la suite, nous utiliserons également une notation par produit de cycles (cf. théorème 6.4).
E XEMPLE . Considérons les éléments σ = 12 21 33 et ρ = 11 23 32 du groupe S3 . La composition des permutations dans S n correspond à la formule σρ(i) = σ(ρ(i)) pour tout i ∈ {1, . . . , n}. Par conséquent, σρ = 12 23 31 et ρσ = 13 21 32 . En particulier, le groupe S 3 est non commutatif. Le groupe symétrique Sn agit naturellement sur l’ensemble {1, . . . , n} par permutation. Cette action naturelle est donnée par σi = σ(i) pour tout σ ∈ Sn et tout i ∈ {1, . . . , n}. Le morphisme structurel de cette action naturelle est le morphisme identité ϕ : S n → S({1, . . . , n}) (théorème 4.4). R EMARQUE . Dans certains livres en anglais et dans les logiciels M AGMA et G AP , les permutations de S n agissent à droite sur {1, 2, . . . , n} (cf. Ex. M AGMA plus loin).
56
CHAPITRE 6. GROUPES SYMÉTRIQUES
Pour m inférieur à n, l’intersection des stabilisateurs des éléments de l’ensemble {m + 1, . . . , n} sous l’action de Sn est un sous-groupe de S n isomorphe à S m . Nous obtenons ainsi un morphisme injectif S m → Sn donné par
1 σ(1)
2 σ(2)
... m . . . σ(m)
→
1 ... m m + 1 ... n σ(1) . . . σ(m) m + 1 . . . n
.
D’autres points fixes donnent d’autres morphismes injectifs S m → Sn. Pour n ≥ 3, on déduit de l’exemple précédent et du morphisme S 3 → S n ci-dessus que le groupe symétrique S n est non commutatif pour n ≥ 3. Un élément σ ∈ Sn engendre un sous-groupe σ ⊂ Sn qui agit sur l’ensemble {1, 2, . . . , n} via le morphisme d’inclusion σ → Sn (corollaire 4.6). Définition 6.1 Soit n ∈ N et σ ∈ Sn.
1. Les éléments i de {1, 2, . . . , n} qui vérifient σ(i) = i sont appelés points fixes de la permutation σ. 2. Une partie A de {1, 2, . . . , n} est dite stable par la permutation σ si son image σ(A) est contenue dans A. 3. L’ensemble {1, 2, . . . , n} privé des points fixes de la permutationσ est appelé support de σ. Le support de σ est noté Supp(σ).
Le support d’une permutation σ ∈ Sn est une partie stable par σ . Proposition 6.2 Soit n ∈ N et σ, ρ deux éléments de Sn . On a toujours Supp(σρ) ⊂ Supp(σ ) ∪ Supp(ρ). Si Supp(σ) ∩ Supp(ρ) = ∅, alors Supp(σρ ) = Supp(σ ) ∪ Supp(ρ) et dans ce cas 1. σρ(i) est égal à σ (i) si i ∈ Supp(σ) et à ρ(i) si i ∈ Supp(ρ).
2. σρ = ρσ ; en d’autres termes, les permutations à supports disjoints commutent. 3. Si σρ = e, alors σ = ρ = e. D ÉMONSTRATION . L’ensemble Y = {1, . . . , n} \ Supp(σ) des points fixes de σ est une partie stable par σ, plus précisément, σ(Y ) = Y . Comme une permutation est une bijection, le support Supp(σ) = {1, . . . , n} \ Y qui est le complémentaire de l’ensemble Y des points fixes est aussi une partie stable par σ. Montrons l’inclusion Supp(σρ) ⊂ Supp(σ) ∪ Supp(ρ) par contraposition. En effet, si i n’appartient ni au support de σ ni au support de ρ, alors σρ(i) = σ(i) = i et i n’appartient pas au support de σρ. Si Supp(σ) ∩ Supp(ρ) = ∅, alors les éléments de Supp(σ) sont des points fixes de ρ et les éléments de Supp(ρ) sont des points fixes de σ : l’action de σρ en restriction à Supp(σ) est celle de σ et l’action de σρ en restriction à Supp(ρ) est celle de ρ, ce qui montre que Supp(σρ) = Supp(σ) ∪ Supp(ρ). Les points 1., 2., 3. en découlent aisément.
6.1. PERMUTATIONS ET CYCLES
57
Définition 6.3 Soit 1 ≤ ∈ N et i1 , i2 . . . , i des éléments distincts de {1, 2, . . . , n}. La permutation γ ∈ Sn définie par si j ∈ {i1, i2 . . . , i } j γ (j ) = i k+1 si j = i k avec k < i1 si j = i et notée (i 1 , i2 . . . , i ) est appelée cycle de longueur . Un cycle de longueur deux est appelé une transposition.
E XEMPLE . Dans la notation générale des permutations le cycle γ = (1, 4, 2, 5) ∈ S5 s’écrit 14 25 33 42 51 . On le représente schématiquement par un circuit où les flèches aboutissent à l’image de l’élément dont elles partent, les éléments absents étant des points fixes. 1
γ
γ
5
γ
1
γ
4
γ
2
γ
5
γ
4
2 γ
En particulier, γ = (1, 4, 2, 5) = (4, 2, 5, 1) = (2, 5, 1, 4) = (5, 1, 4, 2). Les éléments qui apparaissent dans l’écriture du cycle sont les éléments du support du cycle. L’écriture du cycle dépend du choix du 1 er élément et la longueur du cycle est la taille de l’orbite d’un élément du support du cycle. Théorème 6.4 Tout σ ∈ S n s’écrit comme produit σ = γ 1γ 2 · · · γm de cycles γ i de longueur ≥ 2 dont les supports Supp(γi ) sont deux à deux disjoints et correspondent aux orbites de l’action σ → Sn du sous-groupe σ engendré par σ sur l’ensemble {1, 2, . . . , n}. Cette décomposition est unique à l’ordre près. Dans le théorème, l’unicité du cycle ne veut pas dire unicité de l’écriture du cycle (cf. l’exemple précédent). D ÉMONSTRATION. Dans ce qui suit, nous notons X1 ∪ X 2 ∪ · · · ∪ X m la partition de l’ensemble {1, 2, . . . , n} en orbites sous l’action de σ → Sn . Une orbite de taille 1 correspond à un point fixe et n’appartient donc pas au support de σ. Montrons que chaque X i de taille i ≥ 2 est de la forme {x i, σ(x i ), . . . , σ i −1(xi )} avec x i ∈ Xi . Il en résultera que la restriction de l’action de σ à X i est un cycle. Pour cela choisissons x i ∈ X i et notons i le plus petit entier tel que σ i(xi ) = x i
58
CHAPITRE 6. GROUPES SYMÉTRIQUES
(attention, i n’est en général pas l’ordre de σ). Par division euclidienne, tout m ∈ N s’écrit m = q · i + r avec r ∈ {0, 1, . . . , i − 1}. Par conséquent, q σ m (xi) = σ r+q ·i (x i) = σ r σi (xi ) = σ r (xi ). Il en résulte que Xi est inclus dans {xi , σ(xi), . . . , σ i −1(xi )}. Pour montrer que l’orbite Xi est de cardinal i, montrons que les éléments de {x i, σ(xi ), . . . , σ i−1 (xi )} sont tous distincts. Si σj (xi ) = σk (xi ) avec 0 ≤ j < k < i , alors σ k−j (xi ) = xi avec 0 ≤ k − j < i et i ne serait plus minimal. En particulier, i = |Xi | ne dépend pas du choix de xi dans l’orbite X i . Pour montrer l’existence de la décomposition, choisissons dans chaque orbite Xi de taille i ≥ 2 un élément x i, notons i le plus petit entier tel que σi (x i) = xi et définissons le cycle γi = xi , σ(xi ), . . . , σ i−1 (xi ) (avec σ(σi −1 (xi )) = σ i (xi ) = xi ). D’après ce qui précède, les actions de γ i et de σ coïncident sur l’orbite X i. Montrons que les actions de σ et de γ1 γ2 · · · γm sur {1, 2, . . . , n} coïncident. Soit j dans le support de σ : alors j appartient à une des orbites Xi et j = σs(xi ) (avec s dans {0, 1, . . . , i − 1}). Comme les cycles sont à supports deux à deux disjoints, nous obtenons γ 1γ 2 · · · γm (j) = γi(j) = γi (σs (xi )) = σ(σ s(x i) = σ(j ). Notons que, puisque les supports sont deux à deux disjoints, les cycles commutent deux à deux. L’ordre ne joue donc aucun rôle dans la décomposition. Pour montrer l’unicité, remarquons que l’action d’un cycle sur son support est transitive et ne contient donc qu’une seule orbite qui doit être une orbite de σ. Par conséquent, les supports des cycles dans une décomposition doivent être les Xi et l’action du cycle γ i et de σ coïncident sur Xi . Dans la décomposition en produit de cycles à supports disjoints les points fixes de la permutation sont les éléments qui n’apparaissent pas. E XEMPLE . La permutation σ=
1 2 3 4 5 6 2 4 5 1 3 6
∈ S6
possède trois orbites : {1 = σ 3(1), σ(1) = 2, σ 2(1) = 4}, {3, σ(3) = 5} et {6} . On en déduit que σ = (1, 2, 4)(3, 5)(6), que nous notons (1, 2, 4)(3, 5). E XEMPLE. Dans certains pays anglophones, le groupe symétrique Sn agit parfois à droite (et non à gauche) sur {1, 2, . . . , n}. La multiplication gh va donc dans l’autre sens que l’action h ◦ g . C’est un peu troublant, mais sans grande importance puisque, à un anti-morphisme près, tout est identique. Illustrons ceci dans S4 à l’aide des éléments g = (1, 2, 3) et h = (1, 2)(3, 4). Le lecteur notera que dans notre définition
6.1. PERMUTATIONS ET CYCLES
59
gh(1) = g(h(1)) = g(2) = 3 , alors que dans M AGMA, à cause de l’action à droite, (1)gh = ((1)g)h = (2)h = 1. Donc, dans M AGMA, 1 n’apparaît pas dans l’écriture du produit sous forme de produit de cycles à supports disjoints du produit : > S4 :=SymmetricGroup(4) ; Order(S4) ; 24 h :=S4 !(1,2)(3,4) ; g*h ; > g :=S4 !(1,2,3) ; (2, 4, 3)
Remarquer l’utilisation du symbole « ! » pour indiquer à MAGMA qu’il s’agit d’éléments de S 4.
Définition 6.5 Soit n un entier positif. On appelle type d’une permutation σ ∈ Sn , et on note [1, 2, . . . , m ], la liste des cardinaux i des orbites dans {1, . . . , n} de l’action σ → Sn du groupe σ sur {1, . . . , n}, rangée en ordre croissant. Par le théorème 6.4 une permutation σ de type [1 , 2 , . . . , m] est un produit γ 1 γ 2 · · · γ m de cycles à supports deux à deux disjoints de longueur respectivement i (ici nous incluons des cycles de longueur 1, c’est-à-dire, les points fixes). Un cycle de longueur est d’ordre . Plus généralement : Proposition 6.6 Une permutation σ ∈ Sn de type [ 1, 2 , . . . , m ] a pour ordre le plus petit commun multiple ppcm(1 , 2, . . . , m) des i . D ÉMONSTRATION. Soit σ = γ 1γ 2 · · · γ m une décomposition de σ ∈ S n en produit de cycles γi de longueur i à supports disjoints (cf. théorème 6.4). Notons k , le plus petit commun multiple des entiers 1, 2, . . . , m . Comme les cycles γi à supports disjoints commutent entre eux, nous obtenons σ k = (γ1 γ 2 · · · γ m )k = γk1 γk2 · · · γk m = e. Donc, l’ordre de σ divise k. Supposons maintenant que σ s = γs1 γs2 · · · γ sm = e pour un entier positif s. Comme les cycles sont à supports disjoints, cela entraîne γ si = e pour i ∈ {1, . . . , m}. L’entier s est alors divisible par l’ordre i de tous les cycles γi et donc aussi par le plus petit commun multiple k des entiers 1 , 2 , . . . , m . En particulier, k divise l’ordre de σ . D’où le résultat. E XEMPLE . D’après la proposition, l’ordre de la permutation σ = (1, 2, 4)(3, 5) ∈ S6 est 6 = ppcm(3, 2). L’élément 6 n’apparait dans aucun cycle et est donc un point fixe de σ.
60
CHAPITRE 6. GROUPES SYMÉTRIQUES
6.2 Classes de conjugaisons Le conjugué ωσω −1 de σ ∈ Sn par ω ∈ S n est une expression familière en algèbre linéaire puisqu’elle apparaît dans la formule de changement de base ϕ = ωϕω−1 des applications linéaires. Ici, elle correspond à une re-numérotation des éléments {1, 2, . . . , n} via ω , c’est-à-dire, au diagramme commutatif suivant : ωσω−1
{ω(1), ω(2), . . . , ω(n)}
{ω(1), ω(2), . . . , ω(n)} ω
ω−1
{1, 2, . . . , n}
{1, 2, . . . , n}
σ
L’action de σ sur {ω(1), ω(2), . . . , ω(n)} est donc « la même » que celle de ωσω−1 sur {1, 2, . . . , n}. Proposition 6.7 Deux permutations σ et ρ de S n sont conjuguées dans S n si et seulement si elles sont de même type. En particulier, pour ω ∈ S n et tout cycle (i1, i 2 . . . , i) ∈ S n, on a l’identité : ω(i1 , i2 . . . , i )ω−1 = (ω(i 1), ω(i2) . . . , ω(i )) . D ÉMONSTRATION . Considérons d’abord le cas d’un cycle γk = (i1, i 2 . . . , i) et montrons que ωγk ω−1 = ω (i1, i2 . . . , i)ω−1 = (ω (i 1), ω(i 2) . . . , ω(i )). Il nous suffit de montrer que l’image de tout j ∈ {1, . . . , n} est la même pour les deux permutations ωγ k ω−1 et (ω(i1), ω(i 2) . . . , ω(i )). Si j n’appartient pas à ω(Supp(γk )), alors ω−1 (j ) n’appartient pas à ω −1(ω(Supp(γ k ))) = Supp(γ k). Par conséquent, γ k (ω −1(j)) = ω −1(j ), c’est-à-dire, (ωγk ω −1 )(j) = j. Si j ∈ ω(Supp(γk )), alors j = ω (i s ) pour un certain is ∈ {i1, i 2 . . . , i }. Il en résulte que (ωγ kω −1)(ω(is)) = ω(γk (i s)) = (ω(i1 ), ω(i2 ) . . . , ω(i)) (ω(is )) ce qui établit le résultat. En particulier, le conjugué d’un cycle est un cycle de même longueur. Supposons que les permutations σ et ρ de S n soient conjuguées dans S n, c’est-àdire, qu’il existe ω ∈ Sn vérifiant la relation ρ = ωσω −1. Si σ = γ1 γ2 · · · γm est une décomposition de σ en produit de cycles à supports disjoints, alors ρ = ω (γ1γ2 · · · γ m )ω−1 = ωγ1 ω −1 ωγ2 ω−1 . . . ωγm ω −1 . Puisque le conjugué d’un cycle est un cycle de même longueur, les permutations σ et ρ sont de même type.
6.2. CLASSES DE CONJUGAISONS
61
Supposons que les deux permutations σ et ρ de Sn soient de type [1, 2, . . . , m ]. Écrivons les avec les cycles de même longueur i, les uns sous les autres, en incluant cette fois également les points fixes que nous notons exceptionnellement (is ) et (j s) : (i1) . . . (ik−1 ) (ik , . . . , ik +k−1 ) . . . (i1+ m−1 s , . . . , i n ) s=1 (j 1) . . . (jk−1 ) (j k , . . . , jk +k−1) . . . (j1+ m−1 s , . . . , j n ) s=1
À présent, considérons l’application ω : {1, 2, . . . , n} → {1, 2, . . . , n} définie par i t → jt (lire de la ligne du haut vers la ligne du bas). C’est une bijection de {1, 2, . . . , n} et il s’agit donc d’une permutation, c’est-à-dire, d’un élément de Sn . Pour vérifier que ρ = ω · σ = ωσω−1 , il suffit d’observer qu’il revient au même d’effectuer un décalage par un des cycles sur la 2e ligne (de calculer l’image par ρ) ou de monter sur la 1re ligne via ω −1, d’effectuer le même décalage par le cycle correspondant de σ sur la 1re ligne et de revenir sur la 2e ligne via ω. EXEMPLE. Les types possibles d’une permutation de S 4 sont [1, 1, 1, 1] (l’identité qui fixe tous les éléments), [1, 1, 2] (les transpositions), [2, 2] (les doubles transpositions), [1, 3] (les 3-cycles) et [4] (les 4-cycles). > G :=SymmetricGroup(4) ; > Classes(G) ; Conjugacy Classes of group G ---------------------------[1] Order 1 Length [2] Order 2 Length [3] Order 2 Length [4] Order 3 Length Order 4 Length [5]
1 3 6 8 6
Rep Rep Rep Rep Rep
Id(G) (1, 2)(3, 4) (1, 2) (1, 2, 3) (1, 2, 3, 4)
L’action par conjugaison de S4 sur lui même donne une partition des 24 éléments de S4 en cinq orbites de taille (« Length ») respective 1, 6, 3 , 8 et 6 dont les éléments sont respectivement d’ordre 1, 2, 2, 3 et 4. L’égalité |S4| = 1 + 3 + 6 + 6 + 8
(6.1)
est appelée équation aux classes de S 4. EXEMPLE . Les deux permutations σ = (1, 6, 3)(2, 4) et ρ = (1, 4)(2, 3, 5) de S 6 sont de même type et donc conjuguées dans S6 . Pour déterminer ω dans S 6 vérifiant ρ = ωσω −1 , écrivons, comme dans la démonstration de la proposition 6.7, des cycles de même type de chaque permutation les uns sous les autres en incluant les points fixes : σ = (5) (2, 4) (1, 6, 3) ρ = (6 (1, 4) (2, 3, 5). La permutation ω qui passe de la ligne du haut à la ligne du bas envoie 1 sur 2 , 6 sur 3, 3 sur 5, 2 sur 1, 4 sur 4 et 5 sur 6, et donc ω = (1, 2)(3, 5, 6). Nous obtenons
62
CHAPITRE 6. GROUPES SYMÉTRIQUES
ω −1 = (2, 1)(6, 5, 3) = (1, 2)(3, 6, 5) en écrivant chaque cycle de ω dans le sens inverse. A présent, la relation ρ = ωσω −1 se vérifie aisément. L’élément ω ∈ S6 qui vérifie ρ = ωσω −1 n’est en général pas unique. L’écriture : σ = (5) (2, 4) (1, 6, 3) ρ = (6) (1, 4) (5, 2, 3) = (1, 5, 6, 2) vérifie également ρ = ω σ ω−1 , alors que les permutamontre que ω tions ω et ω ne sont pas de même type. Lemme 6.8 Soit n ∈ N. Tout cycle (i 1, i2, . . . , i ) d’ordre de S n est un produit de − 1 transpositions : (i1 , i2 , . . . , i) = (i 1 , i)(i 1, i−1) · · · (i 1, i2 ).
D ÉMONSTRATION . Procédons par récurrence sur la longueur du cycle. Pour = 2, il n’y a rien à montrer. Supposons le résultat vrai pour les cycles de longueur < . Alors, (i1 , i)(i 1 , i−1) · · · (i1, i 2) = (i1 , i ) {(i1 , i −1 ) · · · (i1 , i2 )} = (i1 , i )(i1 , i2, . . . , i −1)
Pour vérifier que cette permutation coïncide avec (i1, i 2 , . . . , i ), il suffit de calculer l’image de i −1. La propriété est donc vraie pour tous les cycles. E XEMPLE. Pour σ = (3, 1, 5, 2) ∈ S5, nous obtenons σ = (3, 2)(3, 5)(3, 1), ou encore σ = (2, 3)(3, 5)(1, 3). Cette écriture n’est pas unique puisque σ peut aussi s’écrire (1, 5, 2, 3), ce qui donne σ = (1, 3)(1, 2)(1, 5). Corollaire 6.9 Soit n ∈ N. Le groupe symétrique Sn est engendré par les transpositions. D ÉMONSTRATION . Le lemme 6.8 permet de réécrire un cycle, et donc, d’après le théorème 6.4, toute permutation comme un produit de transpositions.
6.3 Groupes alternés Définition 6.10 Soit n ≥ 1 un entier et σ ∈ Sn . On appelle signature de σ ∈ Sn, σ(i) − σ (j ) et on note ε(σ), le nombre rationnel ε(σ) = . Pour n = 1 le i−j 1≤i 1, nous obtenons Gxi = G et donc, comme G est un p-groupe, |G/G x i | est divisible par p. D’où le résultat modulo p. Théorème 7.6 (THÉORÈME DE CAUCHY, 1845) Soit G un groupe fini d’ordre divisible par un nombre premier p. Alors, il existe dans G au moins un élément d’ordre p. D ÉMONSTRATION . Le groupe symétrique Sp agit naturellement sur l’ensemble Gp = {(g1 , g 2, . . . , gp ) | gi ∈ G} par permutation des composantes. Le sous-groupe H = (1, 2, . . . , p) de S p engendré par le cycle (1, 2, . . . , p) d’ordre p agit également sur G p via H → S p → S(Gp). Les implications g 1 · · · gp−1 gp = e ⇒ g 1 · · · gp−1 = gp−1 ⇒ g pg1 · · · gp−1 = e montrent que le sous-ensemble X = {(g 1 , g2 , . . . , gp) | g i ∈ G et g1g2 · · · g p = e} de Gp est stable sous l’action de H. Nous pouvons donc restreindre l’action de H sur Gp au sous-ensemble H -stable X . Il est possible de choisir les p − 1 premières
74
CHAPITRE 7. FORMULE DES CLASSES ET P -GROUPES
composantes g 1 · · · gp−1 d’un p-uplet de X de manière arbitraire dans G, la dernière composante gp étant ensuite donnée par g p = (g1 · · · gp−1 )−1 . On en déduit que X p−1 contient |G 7.5 nous donne | H éléments. En particulier, p divise |X | et la proposition H l’identité X ≡ |X | ≡ 0 (mod p). Les éléments de X sont inchangés par l’action de (1, 2, . . . , p) qui agit transitivement sur les coordonnées d’un p-uplet. Les éléments de X H sont donc de la forme (g, g, · · · , g) avec gp = e. Puisque (e, e, . . . , e) ∈ X H , il y a au moins p > 1 éléments dans X H . Donc, il existe au moins un élément g = e dans G avec gp = e. L’exercice 8.4 contient une autre démonstration du théorème de Cauchy qui utilise l’argument du plus petit contre exemple. Proposition 7.7 Soit p un nombre premier. Un p-groupe fini est un groupe fini dont l’ordre est une puissance de p. D ÉMONSTRATION . Soit G un groupe fini. Si l’ordre de G est une puissance de p, alors par le théorème de Lagrange 3.12 l’ordre de tout élément est une puissance de p et donc le groupe est un p-groupe. Pour la réciproque, procédons par contraposition. Si l’ordre de G n’est pas une puissance dep, alors elle est divisible par un autre nombre premier p = p. D’après le théorème précédent, G contient au moins un élément d’ordre p et n’est donc pas un p-groupe. {e} Proposition 7.8 (CENTRE D ’ UN p- GROUPE) Soit p un nombre premier et G = un p-groupe fini. Le centre Z(G) de G ne se réduit pas au groupe trivial {e}. En particulier, un p-groupe fini d’ordre non premier n’est jamais un groupe simple.
D ÉMONSTRATION . Considérons l’action du p-groupe G sur lui-même par conjugaison. G Ainsi l’ensemble X est G et les points fixes X sont les éléments du centre de G. La relation X G ≡ |X | (mod p) (proposition 7.5) donne |Z(G)| ≡ |G| (mod p) et, comme p divise |G|, nous obtenons |Z(G)| ≡ 0 (mod p). Le centre, étant un sous-groupe, ne peut être vide et contient donc au moins p éléments. Par conséquent, Z(G) = {e} . Supposons maintenant que |G| = p n avec n > 1. Comme Z(G) est distingué dans G et Z(G) = {e} , si Z(G) n’est pas égal à G, alors le groupe G n’est pas simple. Si Z(G) = G, alors le groupe est abélien et un élément d’ordre p (théorème de Cauchy 7.6) engendre un sous-groupe distingué H d’ordre p. Comme G n’est pas d’ordre premier, nous obtenons H = G, ce qui termine la démonstration. Corollaire 7.9 Soit p un nombre premier. Un groupe d’ordre p2 est toujours abélien. D ÉMONSTRATION . Puisque Z(G) = {e}, le centre de G est d’ordre p ou p2 (proposition 7.8). Supposons que Z(G) soit d’ordre pet soit g un élément de G \ Z(G). Comme le centralisateur ZG (g) de g contient g et contient Z(G), nous avons |Z(G)| > p. Il en résulte que ZG (g) = G. De ce fait, g appartient à Z(G) , ce qui livre une contradiction. Par conséquent, Z(G) = G et G est abélien.
CHAPITRE 7. FORMULE DES CLASSES ET P -GROUPES
75
Rappelons que le normalisateur dans G d’un sous-groupe H du groupe G est le plus grand sous-groupe de G dans lequel H est distingué : H N G(H ) ⊂ G (définition 4.31). La démonstration du lemme suivant utilise l’argument du « plus petit » contre-exemple. Il s’agit d’une récurrence basée sur le principe de descente infinie (exercice 8.4). Proposition 7.10 Soit p un nombre premier et G un p-groupe fini. Si H est un sous-groupe strict de G , alors le normalisateur NG (H ) contient H strictement : l’indice (N G(H) : H ) de H dans NG (H ) est > 1 ; en particulier, si H = G, alors H = N G(H ).
D ÉMONSTRATION. Raisonnons par l’absurde en supposant que le résultat est faux en général : il existe un p-groupe G fini et un sous-groupe H = G tel que H = NG(H ) . Imposons de plus à G d’être d’ordre minimal parmi tous les p-groupes finis ayant cette propriété. Le centre Z(G) normalise H ; il est donc contenu dans N G(H ), c’est-à-dire dans H = NG (H ) . Il en résulte que Z(G), qui est un sous-groupe distingué de G avec N G (Z(G)) = G = H, est un sous-groupe strict de H . Puisque Z(G) = {e} (proposition 7.8), le groupe G/Z(G) est d’ordre inférieur à celui de G. Dans G/Z(G) nous obtenons pour tout hZ(G) dans H/Z(G) et tout gZ(G) dans G/Z(G) la relation gZ(G) hZ(G) (gZ(G)) −1 = ghg −1 Z(G). Il en résulte que le normalisateur de H/Z(G) dans G/Z(G) est le sous-groupe NG (H )/Z(G) = H/Z(G). Le groupe G/Z(G) et son sous-groupe strict H/Z(G) fournissent donc une contradiction car G était supposé d’ordre minimal. Exercice 7.1 Déterminer les classes de conjugaison et les centralisateurs dans les groupes S3 et S4 . Exercice 7.2 Soit G un groupe d’ordre 77 agissant sur un ensemble X à 41 éléments. Montrer qu’il existe un élément x dans X qui est un point fixe sous cette action de G. Exercice 7.3 Soit G un groupe d’ordre 143 = 11 · 13 agissant sur un ensemble X à 108 éléments. Montrer qu’il existe un élément x dans X tel que Gx = G. Exercice 7.4 Un groupe de 35 éléments opère sur un ensemble de 19 éléments sans point fixe. Combien y a-t-il d’orbites pour cette opération ? Exercice 7.5 (*) Soit G un groupe fini non réduit à l’élément neutre et p le plus petit nombre premier divisant |G| . Montrer que tout sous-groupe H ⊂ G d’indice p est distingué. Exercice 7.6 Soit G un groupe, H ⊂ G un sous-groupe distingué et p un nombre premier. Montrer que G est un p-groupe si et seulement si H et G/H sont des p-groupes.
76
CHAPITRE 7. FORMULE DES CLASSES ET P -GROUPES
Exercice 7.7 Soit G un groupe fini d’ordre n qui possède exactement trois classes de conjugaison. 1. Montrer que 1 =
1 n
+
1 1 a+ b
avec des entiers a ≥ b > 0 tels que a|n et b|n.
2. Déterminer les solutions entières n ≥ a ≥ b > 0 de l’équation précédente avec a|n et b|n.
3. Donner la liste complète à isomorphisme près des groupes finis qui ont exactement trois classes de conjugaison. Exercice 7.8 Soit n ≥ 0 et σ dans Sn. On considère l’action naturelle de Sn sur {1, . . . , n}. (a) Notons m le nombre d’orbites de σ . Montrer que la signature de σ satisfait à la relation ε(σ) = (−1)n−m . (b) Notons s le nombre d’orbites de cardinal pair de la permutation σ. Montrer que ε(σ) = (−1)s. Exercice 7.9 (*) Soit σ ∈ An . Notons σAn = {γσγ −1 |γ ∈ An } sa classe de conjugaison dans An et σSn = {γσγ −1|γ ∈ S n} sa classe de conjugaison dans Sn. Montrer que : 1. s’il existe une permutation impaire α dans Sn \ A n avec ασ = σα, alors σAn = σS n et |σ An | = |σ Sn |,
2. si pour tout α dans S n \ An , on a ασ = σα, alors Z Sn (σ) = ZA n (σ) ⊆ An et |σAn | = 12 |σ Sn |.
En déduire que soit une classe de conjugaison de Sn dont les éléments sont de signature paire correspond également à une classe de conjugaison de A n, soit elle se scinde en deux classes de conjugaison de A n . Exercice 7.10 (*) À l’aide de l’exercice précédent, calculer les classes de conjugaison de A 4 à partir de celles de S 4. Pour A 5 montrer que (4, 5)(1, 2, 3) = (1, 2, 3)(4, 5) et que pour β = (1, 2, 3, 4, 5) on a ZS5 (β) = β ⊂ A5 . Déduire de l’exercice précédent et de la taille des classes de conjugaison de S5 que les tailles des classes de conjugaison de A 5 sont 1, 12, 12, 15, 20. En déduire une nouvelle démonstration du fait que A5 est un groupe simple (théorème 6.16). Exercice 7.11 (*) Soit G un p-groupe fini. Montrer que pour tout k ≥ 0 tel que pk divise |G|, il existe un sous-groupe H de G tel que |H | = pk . Exercice 7.12 (*) Soit G un groupe fini d’ordre 2m avec m > 1 impair. Montrer que le groupe G n’est pas simple. Exercice 7.13 Montrer que si G est un p-groupe non abélien d’ordre p 3, alors le centre de G est d’ordre p.
Chapitre 8
Produit semi-direct 8.1 Produit direct et semi-direct Etant donné un ou plusieurs groupes, il est possible d’obtenir de nouveaux groupes par produits directs ou, sous certaines conditions, semi-directs. L’étude de tels produits fait l’objet de ce chapitre. Proposition et définition 8.1 Soit G 1 et G 2 deux groupes. On définit sur l’ensemble G1 × G 2 une loi de groupe en posant (g1 , g2 ) ∗ (h1 , h2) = (g 1 h1 , g2 h2). Le groupe (G1 × G 2, ∗) s’appelle produit direct des deux groupes G1 et G 2. Les projections et les inclusions π1 : π2 : ι1 : ι2 :
G1 × G 2 → G1 ; (g1 , g2) → g1 G1 × G 2 → G2 ; (g1 , g2) → g2 G1 → G1 × G2 ; g1 → (g1, e) G2 → G1 × G2 ; g2 → (e, g2 )
sont des morphismes de groupes. D ÉMONSTRATION . Les vérifications sont laissées au lecteur. G1 ι1
π1
G2
G1 × G2 G2
ι2
π2
G2
Cette notion se généralise en celle de produit d’une famille quelconque (Gi)i∈I de groupes, que nous notons i∈I G i, dont les éléments sont les familles (gi) i∈I avec g i ∈ Gi pour tout i ∈ I et dont la loi est le produit dans chaque facteur.
78
CHAPITRE 8. PRODUIT SEMI-DIRECT
E XEMPLE. Le groupe Z/2Z × Z/2Z × Z/2Z est un groupe d’ordre 8 dans lequel tous les éléments sont d’ordre au plus deux. Proposition 8.2 Soit k ∈ N et N1, N 2, . . . , N k des sous-groupes respectifs de k groupes donnés G1 , G 2, . . . , Gk . Le sous-groupe N = N1 × N2 × · · · × Nk du groupe G = G 1 × G 2 × · · · × G k est un sous-groupe distingué dans G si et seulement si pour tout i dans {1, . . . , k}, le groupe N i est distingué dans G i . Dans ce cas, l’application ϕ : G 1 × G 2 × · · · × Gk → G1 /N1 × G 2/N2 × · · · × Gk /Nk → (g 1N1 , g2 N2 , . . . , g k Nk ) (g1, g 2, . . . , g k) est un morphisme de groupes surjectif de noyau N . Autrement dit, G/(N 1 × N 2 × · · · × Nk ) ∼ = G 1/N 1 × G2 /N2 × · · · × Gk /Nk.
(8.1)
D ÉMONSTRATION . Supposons que N soit distingué dans G . La projection sur la ie composante πi : G → G i (proposition 8.1) est surjective avec πi (N ) = N i . Il en résulte que Ni est un sous-groupe distingué de Gi (lemme 2.2). Supposons maintenant que pour tout i dans {1, . . . , k} le groupe Ni soit distingué dans Gi . Il en résulte que les applications canoniques π : G i → G i/Ni sont des morphismes de groupes (théorème 5.4). Comme la loi de groupe de G est le produit dans chaque facteur, l’application ϕ est un morphisme de groupes de noyau N et le sous-groupe N est distingué dans G. Le morphisme ϕ est surjectif car surjectif sur chaque composante. Comme le noyau de ϕ est N = N1 × N2 × · · · × Nk , nous obtenons la relation (8.1) par le 1 er théorème d’isomorphisme 5.15. E XEMPLE. Les sous-groupes du groupe Z sont de la forme nZ (proposition 1.12), mais le sous-groupe « diagonal » {(m, m)|m ∈ Z} du groupe abélien Z × Z n’est pas de la forme n1 Z × n2 Z. Un sous-groupe distingué d’un produit de groupes n’est donc pas toujours le produit de sous-groupes des facteurs du groupe, c’est-à-dire de la forme que nous considérons dans la proposition 8.2. Pour étudier la structure d’un groupe, une des premières questions à résoudre est de déterminer si un groupe est isomorphe à un produit direct. Nous allons montrer que, si tel est le cas, il existe dans G deux sous-groupes distingués N et K avec N ∩ K = {e} tels que G soit isomorphe à N × K . Lemme 8.3 Soit N et K deux sous-groupes d’un groupe G. Si N ∩ K = {e}, alors l’application suivante est bijective f : N × K → N K ; (n, k) → nk. Si les sous-groupes N et K sont finis, alors l’ensemble N K contient |N | · |K| éléments.
D ÉMONSTRATION . L’application f est surjective par définition. Supposons que f ((n 1 , k1)) = f ((n2 , k2 )). Alors, dans G, nous obtenons n 1k 1 = n 2k2. Il en résulte
8.1. PRODUIT DIRECT ET SEMI-DIRECT
79
−1 que n−1 2 n1 = k2k1 ∈ N ∩ K = {e}, que n1 = n2 et que k 1 = k 2. L’application f est donc une bijection entre les ensembles N × K et N K. D’où le résultat.
Théorème 8.4 Soit N et K deux sous-groupes d’un groupe G. 1. Si K est contenu dans NG (N ) ou si N est contenu dans N G(K ) (c’est le cas par exemple si N ou K est distingué dans G), alors N K = KN et N K est un sous-groupe de G. 2. Si N ∩ K = {e}, si K ⊂ NG (N ) et si N ⊂ NG (K ) (c’est le cas par exemple lorsque N et K sont distingués dans G), alors les éléments de N commutent avec les éléments de K et l’ensemble N K est un sous-groupe de G. L’application f : N × K → N K donnée par (n, k) → nk est un isomorphisme de groupes. Si, de plus, G, est un groupe fini avec |G| = |N | · |K|, alors N K = G et le groupe G est isomorphe au groupe N × K .
DÉMONSTRATION. Montrons le 1er point. Si K est contenu dans N G (N ), alors k−1 nk = n appartient à N pour tout couple (n, k) dans N × K . Il résulte du fait appartient à KN que N K ⊂ KN . De même, on montre que nk = kk−1nk = k n que KN est inclus dans N K et que les ensembles KN et N K sont égaux. Utilisons le lemme 1.4 pour montrer que le sous-ensemble N K est un sous-groupe de G : 1. e = ee ∈ N K.
−1 −1 2. (n 1k1 )(n2k2 )−1 = n1 (k1 k−1 n 1n −1 2 )n2 = (k1k2 ) 2 ∈ KN = N K.
Montrons maintenant le 2 e point. Si K ⊂ NG (N ) et N ⊂ N G(K ) , l’ensemble N K est un sous-groupe de G. Calculons le commutateur de k ∈ K avec n ∈ N : −1 −1 −1 −1 [k, n] = (knk = k(nk )n n ) ∈ N ∩ K = {e}. ∈N
∈K
Si bien que les éléments de K et de N commutent entre eux. Munissons l’ensemble N × K de la structure de groupe produit. L’application f : N × K → N K du lemme 8.3 est un morphisme de groupes car pour deux éléments quelconques (n1 , k1 ) et (n2 , k 2) de N × K l’application f vérifie f ((n1 , k1 )(n2 , k 2 )) = f ((n1 n2 , k1k2 )) = n 1n2 k1 k2 = n 1 k1 n2k2 = f ((n1, k1 )) f ((n2 , k2)) . Etant une bijection (lemme 8.3), l’application f est un isomorphisme de groupes.
80
CHAPITRE 8. PRODUIT SEMI-DIRECT
E XEMPLES . 1. Le groupe S3 contient les sous-groupes abéliens K = (1, 2) et A3 S3 . L’ensemble KA3 est donc un sous-groupe de S 3 . Comme K ∩ A3 = {e}, le sous-groupe KA3 est d’ordre |K| · |A 3 | = 6. Par conséquent, KA 3 = S3 est un groupe non abélien, alors que K et A3 sont abéliens. En particulier, les groupes KA3 et K × A3 ne sont pas isomorphes.
2. Dans le 2e point du théorème, la condition N ∩ K = {e} est importante. Le groupe des quaternions Q 8 possède trois sous-groupes distingués H1 , H 2 et H3 d’ordre 4 qui contiennent tous l’unique élément d’ordre 2 de Q8 (exercice 3.7). Nous avons H1 H2 = Q8, cependant H1 × H2 n’est pas isomorphe à Q 8 car H1 × H2 est d’ordre 16 et non pas 8. Corollaire 8.5 Un groupe G d’ordre4 est isomorphe soit au groupe Z/4Z , soit au groupe non cyclique Z/2Z × Z/2Z. D ÉMONSTRATION . C’est une conséquence de l’exercice 3.4 que nous allons démontrer encore une fois. Si G n’est pas cyclique, alors tous les éléments g = e sont d’ordre 2 et engendrent chacun un sous-groupe distingué d’ordre 2 isomorphe à Z/2Z . Pour deux sous-groupes distingués Hi ∼ = Z/2Z d’ordre 2 distincts de G, le 2 e point du théorème 8.4 donne G ∼ = H1 × H 2 ∼ = Z/2Z × Z/2Z. Théorème 8.6 (D EUXIÈME THÉORÈME D ’ISOMORPHISME) Soit K et H deux sousgroupes de G tels que K ⊂ NG(H ). L’ensemble KH = HK est un sous-groupe de G et le groupe H est distingué dans KH. Le groupe K ∩ H est distingué dans K et on a l’isomorphisme KH/H ∼ = K/(K ∩ H ). De plus, si les groupes K et H sont finis, alors |KH| · |K ∩ H | = |K | · |H|. D ÉMONSTRATION . Le théorème 8.4 montre que HK = KH est un sous-groupe de G . Puisque K et H sont tous les deux dans NG (H ), nous en déduisons l’inclusion HK ⊂ NG(H ) et, par suite, que H est distingué dans HK. Considérons la composée ϕ du morphisme d’inclusion et du morphisme canonique ϕ
K k
KH ke
π
KH/H keH = kH
Pour montrer que ϕ est surjectif, considérons (k, h) ∈ K × H et notons que khH = kH = ϕ(k) pour khH ∈ KH/H . Comme ker(ϕ) = {k ∈ K |kH = H } = {k ∈ K |k ∈ H } = K ∩ H, le sous-groupe K ∩ H est distingué dans K . Par le 1er théorème d’isomorphisme 5.15, nous en déduisons l’isomorphisme cherché : KH/H ∼ = K/(K ∩ H ).
8.2. EXTENSION DE GROUPE
81
Exemple 8.7 Considérons le sous-groupe V4 S 4 d’ordre 4 et le stabilisateur H de 4 pour l’action naturelle de S 4 sur {1, 2, 3, 4}. Le groupe H est isomorphe à S 3 ; on le note S 3 dans la suite. Puisque les éléments de S3 fixent tous 4, nécessairement V 4 ∩ S3 = {e}. Le sous-groupe S3 V4 de S4 est donc d’ordre |S3| · |V 4 | = |S4 |. Il en résulte que S3V 4 = S4. Le 2 e théorème d’isomorphisme 8.6 donne S4/V4 ∼ = (S3 V4 )/V4 ∼ = S3 /(V 4 ∩ S3) ∼ = S3 /{e} ∼ = S3 .
(8.2)
Théorème 8.8 (THÉORÈME CHINOIS ) Soit n et m deux entiers premiers entre eux. Un groupe cyclique Cnm d’ordre nm est isomorphe au produit direct d’un sous-groupe Cn ⊂ C nm d’ordre n et d’un sous-groupe C m ⊂ Cnm d’ordre m. En particulier le morphisme Z/(nm)Z → Z/nZ × Z/mZ est un isomorphisme. DÉMONSTRATION. Le groupe cyclique Cnm contient un générateur g d’ordre nm. L’élément g m engendre un sous-groupe Cn d’ordre n et l’élément gn engendre un sous-groupe Cm d’ordre m. Un élément h ∈ C n ∩ Cm a un ordre qui divise n et m et donc h = e. Comme le groupe Cnm est abélien, les deux sous-groupes Cn et Cm sont distingués. La partie 2 du théorème 8.4 montre que C nm = Cn Cm ∼ = Cn × Cm. Pour tout entier k > 0, le groupe cyclique Ck est isomorphe au groupe Z/kZ (corollaire 5.16) et le résultat s’ensuit. Dans le théorème chinois ci-dessus, l’hypothèse « n et m premiers entre eux » est importante. La démonstration du corollaire 8.5 montre par exemple que les groupes Z/4Z et Z/2Z × Z/2Z ne sont pas isomorphes.
8.2 Extension de groupe Un groupe G qui n’est pas un groupe simple possède un sous-groupe distingué propre H et un quotient Q = G/H. Se pose alors la question de construire un tel groupe G à partir des groupes H et Q. Définition 8.9 Soit H et Q deux groupes. Un groupe G tel que H est un sous-groupe distingué de G et Q ∼ = G/H est une extension de Q par H . La réalisation d’extensions de groupes à partir des groupes H et Q est un problème difficile. Dans la suite nous allons supposer que nous disposons également d’une action de groupe de Q sur H de la forme ϕ : Q → Aut(H ) afin de construire un produit semi-direct (définition 8.10). Cependant toutes les extensions de Q par H ne sont pas des produits semi-directs (exemple 8.13, exercice 8.5).
82
CHAPITRE 8. PRODUIT SEMI-DIRECT
Théorème et définition 8.10 Soit Q et H deux groupes et ϕ : Q → Aut(H ) un morphisme. On définit sur l’ensemble H × Q une structure de groupe en posant (h1 , q 1) ∗ (h2 , q2 ) = h1 ϕ(q1 )(h 2) , q1 q2 . ∈H
Le groupe ((H × Q), ∗) s’appelle le produit semi-direct de H par Q (via ϕ) et on le note H ϕ Q (plus précisement on parle ici de « produit semi-direct externe » car les groupes H et Q ne sont pas des sous-groupes d’un même groupe). Le groupe H ϕ Q contient les sous-groupes H1 = {(h, eQ) | h ∈ H } et Q1 = {(e H , q) | q ∈ Q} . Le groupe H1 est distingué dans H ϕ Q et nous avons H ϕ Q = H 1Q1 avec H1 ∼ = H, ∼ Q1 = Q et H 1 ∩ Q 1 = {e}.
D ÉMONSTRATION . Montrons que ∗ est une loi de groupe en utilisant l’exercice 1.2 : 1) L’élément (eH , eQ ) est un élément neutre à droite : (h1 , q1 ) ∗ (eH , e Q) = h 1 ϕ(q1 ) eH , q 1 eQ = (h1eH , q 1eQ ) = (h1, q1 ) . 2) L’élément (h, q)−1 = ϕ(q)−1 (h −1 ), q−1 est un inverse à droite de (h, q) : −1 −1 −1 −1 −1 −1 (h, q) ∗ (ϕ(q)) h , q = h ϕ(q) ϕ(q) (h ) , qq = (e H, e Q) . 3) Montrons l’associativité (qui est indépendante de ce qui précède) : (h1 , q1 ) ∗ (h 2, q2) ∗ (h 3 , q3) = (h1, q1 ) ∗ h2 ϕ(q2 ) h 3 , q2 q 3 = h 1 ϕ(q1 ) h2 ϕ(q2 )(h3 ) , q1 q2 q3 = h 1 ϕ(q1 ) h2 ϕ(q 1 ) ϕ(q2)(h3) , q1q 2 q3 = h 1 ϕ(q1 ) h2 ϕ(q 1 q2 )(h 3), q1 q2 q 3 = h 1 ϕ(q1 ) h2 , q1 q2 ∗ (h3 , q 3) = (h 1 , q 1) ∗ (h2, q2 ) ∗ (h3, q 3)
On vérifie facilement que H1 et Q 1 sont des sous-groupes avec les propriétés indiquées, si bien que H ϕ Q = H1 Q1 (théorème 8.4). R EMARQUE. La notation H ϕ Q indique que le morphisme ϕ est de la forme ϕ : Q → Aut(H ) et que le groupe H 1 ∼ = H ci-dessus est distingué dans H ϕ Q.
8.2. EXTENSION DE GROUPE
83
Le théorème suivant permet de décider si un groupe donné est un produit semidirect de deux de ses sous-groupes. Théorème 8.11 Soit K et N deux sous-groupes d’un groupe G. Supposons que K soit contenu dans le normalisateur N G(N ) et que N ∩ K = {e}. Alors ϕ : K → Aut(N ) k → ϕ(k) : N → N n → knk −1 est un morphisme de groupes et le produit semi-direct N ϕ K est isomorphe au sous-groupe N K. La multiplication dans N K = {nk | n∈ N, k ∈ K } est donnée par (n1 k 1)(n 2k2) = n 1 (k1 n2k−1 1 )k 1 k 2 = n 1ϕ(k 1 ) n 2 k 1k 2 .
DÉMONSTRATION. Considérons le morphisme ψ : K → G → Int(G). Pour tout k ∈ K , l’image ψ(k) est un automorphisme intérieur de G qui, comme K ⊂ NG (N ) , fixe le groupe N (en tant qu’ensemble). La restriction de ψ(k) à N est donc bien définie et détermine un automorphisme de N. Nous obtenons ainsi un morphisme ϕ : K → Aut(N ) qui envoie k sur la restriction de ψ(k) à N . Nous pouvons donc construire le « produit semi-direct externe » N ϕ K dont l’ensemble sous-jacent est N × K . L’application f : N ϕ K → N K ; (n, k) → nk est bijective (lemme 8.3) et la dernière égalité immédiate du théorème montre que f est un isomorphisme de groupes. Lemme 8.12 Soit Q et H deux groupes et ϕ : Q → Aut(H ) un morphisme. L’application Ψ : H ϕ Q → H × Q avec (h, q) → (h, q) est un isomorphisme de groupes si et seulement si le morphisme ϕ : Q → Aut(H ) est trivial, c’est-à-dire si im(ϕ) = {eAut(H ) }. D ÉMONSTRATION . Si im(ϕ) = eAut(H ) , alors (h1, q 1 ) ∗ (h2, q2) = (h 1 ϕ(q1 )(h2 ), q1q2 ) = (h 1h 2 , q 1q 2 )
et Ψ est un isomorphisme de groupes. Si Ψ est un isomorphisme, alors le calcul précédent montre que ϕ(q)(h) = h pour tout (q, h) dans Q × H . Par conséquent, ϕ(q) = eAut(H ) et im(ϕ) = {eAut(H ) }. Exemple 8.13 Le groupe cyclique Z/4Z possède un unique sous-groupe distingué H∼ = Z/2Z d’ordre 2 . Comme (Z/4Z)/H ∼ = Z/2Z, le groupe Z/4Z est une extension de Z/2Z par Z/2Z . Supposons que l’extension Z/4Z soit un produit semi-direct (Z/2Z) ϕ (Z/2Z). Puisque Aut(Z/2Z) = {e} , le morphisme ϕ doit être trivial. D’après le lemme précédent nous obtenons Z/4Z ∼ = (Z/2Z) × (Z/2Z) , ce qui livre une contradiction puisque (Z/2Z) × (Z/2Z) n’est pas cyclique (corollaire 8.5).
84
CHAPITRE 8. PRODUIT SEMI-DIRECT
E XEMPLE. Un groupe G d’ordre 6 contient un sous-groupe K d’ordre 2 isomorphe à Z/2Z et un sous-groupe distingué N d’ordre 3 isomorphe à Z/3Z (théorème de Cauchy 7.6). Comme K ⊂ NG (N ) = G, H ∩ K = {e} et N K = G, le groupe G est isomorphe à un produit semi-direct Z/3Z ϕ Z/2Z (théorème 8.11). Pour classifier les groupes d’ordre 6, nous devons considérer tous les morphismes de la forme ϕ : Z/2Z → Aut(Z/3Z) . Puisque | Aut(Z/3Z)| = 2 (proposition 2.14), nous obtenons deux possibilités pour ϕ(1) et donc pour ϕ. Si ϕ est le morphisme trivial avec ϕ(1) = eAut(H ) , alors G est isomorphe à Z/3Z × Z/2Z ∼ = Z/6Z (lemme 8.12). Sinon, le groupe est non abélien et donc isomorphe à D 3 . Nous retrouvons ainsi qu’un groupe d’ordre 6 est soit cyclique, soit isomorphe à D 3 (exemple 3.5).
8.3 Correspondance des sous-groupes Théorème 8.14 (C ORRESPONDANCE DES SOUS- GROUPES ) Soit ϕ : G → Γ un morphisme de groupes et N = ker(ϕ). 1. Pour un sous-groupe K de G, on a ϕ−1 (ϕ(K)) = {g ∈ G | ϕ(g ) ∈ ϕ(K )} = KN = N K. 2. Notons X l’ensemble des sous-groupes K de G contenant N et Y l’ensemble des sous-groupes J de ϕ(G) . Les applications α : X → Y avec K → ϕ(K ) et β : Y → X avec J → ϕ −1(J ) sont des bijections réciproques l’une de l’autre entre l’ensemble des sous-groupes de ϕ(G) et l’ensemble des sousgroupes de G contenant N. Ces bijections respectent les inclusions et les intersections. Si le morphisme ϕ est surjectif, alors les applications α et β transforment des sous-groupes distingués en des sous-groupes distingués. D ÉMONSTRATION . D’après le lemme 2.2, le groupe ϕ(K ) est un sous-groupe de ϕ(G) et le groupe ϕ −1(J ) est un sous-groupe de G. Pour g dans G nous avons : g ∈ ϕ−1 (ϕ(K)) ⇔ ∃k ∈ K, ϕ(g) = ϕ(k) ⇔ ∃k ∈ K, gk−1 ∈ N ⇔ g ∈ N K. D’où le 1er point. Puisque N est contenu dans ϕ −1(J ), les applications α et β sont bien définies (lemme 2.2). D’après ce qui précède, si N est contenu dans un sous-groupe K de G, alors β (α(K )) = ϕ−1 (ϕ(K)) = KN = K . Pour tout sous-groupe J de Γ nous avons α(β (J ) = ϕ(ϕ−1(J)) = J . Par conséquent, les applications α et β sont des bijections réciproques l’une de l’autre. Que les applications α et β respectent les inclusions et les intersections est immédiat. Les affirmations restantes du 2 e point découlent du lemme 2.2. E XEMPLE. Pour trouver les sous-groupes de Z/10Z, considérons le morphisme canonique π : Z → Z/10Z. Comme 10Z ⊂ nZ si et seulement si n divise 10, les sous-groupes de Z/10Z sont Z/10Z, 5Z/10Z, 2Z/10Z et 10Z/10Z = {e}.
8.3. CORRESPONDANCE DES SOUS-GROUPES
85
Proposition 8.15 Soit ϕ : G → Γ un morphisme de groupes et K et H des sousgroupes du groupe G. Si ker(ϕ) ⊂ K ⊂ H ⊂ G, alors les indices (H : K ) et (ϕ(H) : ϕ(K)) sont égaux. D ÉMONSTRATION . Montrons que l’application f : H/K → ϕ(H )/ϕ(K ); hK → ϕ(h)ϕ(K ) est une bijection. Si ϕ(h1 )ϕ(K) = ϕ(h2)ϕ(K ) , alors ϕ(h 1 )ϕ(h2) −1 = ϕ(h1 h −1 2 ) appartient à ϕ(K ). Comme ker(ϕ) est inclus dans K , il en résulte que h 1h −1 2 ap−1 partient à ϕ (ϕ(K)) = K. Si bien que h 1K = h2 K. L’application f est donc injective. Puisque l’application f est surjective par construction, les ensembles H/K et ϕ(H )/ϕ(K ) sont équipotents. Par conséquent, (H : K) = (ϕ(H ) : ϕ(K )). Exercice 8.1 Soit (G i) i∈I une famille quelconque de groupes. Le sous-ensemble du produit direct i∈I Gi formé des éléments (gi ) i∈I ne comportant qu’un nombre fini de gi différents de l’élément neutre est appelé produit restreint 1 des groupes (Gi )i∈I . (G ) Montrer que le produit restreint des groupes i i∈I est un sous-groupe du produit direct i∈I Gi des groupes (G i )i∈I . Exercice 8.2 Le produit direct H1 × H 2 de deux groupes non triviaux (i.e. différents de {e} et de S 3) de S 3 peut-il être isomorphe à S3 ? Exercice 8.3 Soit A et B deux sous-groupes d’un groupe fini G. 1. On considère H = A ∩ B et un sous-ensemble T de A tel que l’union des gH avec g ∈ T soit une partition de A . Montrer que l’union des gB avec g ∈ T est une partition de l’ensemble AB . 2. En déduire que l’ensemble AB possède
|A|·|B | |A∩B |
éléments.
| 3. En particulier, le groupe engendré par A et B contient au moins ||AA|·|∩B B | éléments. On considère les deux sous-groupes A = (1, 2, 3) et B = (1, 3, 4) de A4 . Montrer que le groupe H engendré par A et B est le groupe A 4 lui même et vérifier qu’il contient plus d’éléments que l’ensemble AB .
Exercice 8.4 (*) (Une démonstration du théorème de Cauchy qui utilise l’argument du plus petit contre-exemple) Soit G le plus petit contre exemple pour le théorème de Cauchy : G est un groupe fini d’ordre minimal dont l’ordre est divisible par p, mais qui ne possède pas d’élément, ou de sous-groupe, d’ordre p. Il est alors immédiat que G n’est pas cyclique (corollaire 3.16) et que G ne possède pas de sous-groupe propre dont l’ordre est divisible par p. Montrer que 1 . Si les groupesG i sont abéliens le produit restreint est appelé somme directe et on le note ⊕i∈I Gi . Pour un ensemble fini I , les notions de produit direct et de somme directe coïncident.
86
CHAPITRE 8. PRODUIT SEMI-DIRECT 1. Si G possède un unique sous-groupe maximal pour l’inclusion, alors G est cyclique et nous obtenons une contradiction. 2. Sinon (a) Si G est abélien, alors G = AB est produit de deux sous-groupes maximaux. En déduire la contradiction que p ne divise pas |G| ;
(b) Si G est non abélien, alors en déduire la contradiction que p divise Z(G).
Conclure qu’un tel plus petit contre exemple n’existe pas et que le théorème de Cauchy est vérifié. Exercice 8.5 Montrer que le groupe des quaternions Q8 n’est pas un produit semidirect de sous-groupes propres. Exercice 8.6 Trouver un groupe G ayant deux sous-groupes distingués isomorphes H1 et H2 tels que G/H1 ne soit pas isomorphe à G/H 2 . Indication : on pourra considérer Z/4Z × Z/2Z. Exercice 8.7 (*) Soit G un groupe fini, H un sous-groupe de G et N un sous-groupe distingué de G. 1. Montrer que si l’indice (G : N ) de N dans G et l’ordre |H | de H sont premiers entre eux, alors H ⊆ N . 2. Montrer que si l’indice (G : H ) de H dans G et l’ordre |N | de N sont premiers entre eux, alors N ⊆ H . Exercice 8.8 Une suite exacte courte (de groupes) est un diagramme de groupes ϕ1 ϕ2 ϕ3 ϕ4 et de morphismes de la forme {e} −→ G1 −→ G 2 −→ G3 −→ {e} avec im(ϕi ) = ker(ϕi+1) pour i ∈ {1, 2, 3}. C’est une manière compacte d’affirmer que ϕ2 est injectif, ce qui permet d’identifier G1 avec ker(ϕ3 ), et que ϕ3 est surjectif, ce qui permet d’identifier G3 avec le quotient G2/ im(G1 ). Une suite exacte courte est scindée si et seulement s’il existe un morphisme s : G3 → G2 tel que la restriction à G1 ∼ = im(ϕ 2) du morphisme ϕ 3 ◦ s : G2 → G2 est l’identité idG1 : G1 → G1. Le morphisme s s’appelle alors une section. Montrer que 1. Le groupe G est une extension de groupe de Q par H si et seulement s’il existe une suite exacte courte {e} → H → G → Q → {e}. On note une telle suite souvent 1 → H → G → Q → 1. 2. Une suite exacte courte 1 → H → G → Q → 1 est scindée si et seulement si l’extension de groupe G de Q par H correspondante est isomorphe à un produit semi-direct H ϕ Q.
Chapitre 9
Théorème de Sylow La présentation du chapitre s’inspire de celle de Kurzweil et Stellmacher dans [7]. Dans ce chapitre, les groupes sont toujours supposés finis. Définition 9.1 Soit p un nombre premier et G un groupe fini. Un p-sous-groupe de G qui est maximal par rapport à l’inclusion des p-sous-groupes de G est appelé un « p-sous-groupe de Sylow » a de G (ou un p-sylow de G ). On note Sylp (G) l’ensemble des p-sylows de G. a. De nombreux livres définissent les p-sous-groupes de Sylow d’un groupe d’ordre pem, avec p et m premiers entre eux, directement comme un groupe d’ordre pe dont il faut ensuite montrer l’existence.
Pour de petits groupes comme S 3 , les p-sylows sont faciles à calculer. Pour des groupes plus grands comme S 4 ou S5 , les 2-sous-groupes sont moins évidents à déterminer (cf. exercices 9.11, 13.5 et 13.6). Un automorphisme de G conserve les inclusions et transforme un p-sylow de G en un p-sylow de G. L’intersection ∩P ∈Sylp (G)P de tous les p-sylows de G est donc un sous-groupe caractéristique de G. Proposition 9.2 Soit p un nombre premier, G un groupe fini et N ⊂ G un p -groupe. Si N est distingué dans G, alors N est contenu dans l’intersection ∩P ∈Sylp (G) P de tous les p-sylows de G. DÉMONSTRATION. Comme N est distingué dans G, pour tout P ∈ Syl p(G), l’ensemble P N est un sous-groupe (théorème 8.4). Par le 2e théorème d’isomorphisme 8.6, |N | nous obtenons l’égalité |P N | = |P | · . Il en résulte que le groupe P N est un |N ∩ P | p-groupe. Comme P ⊂ P N , la maximalité de P implique P N = P. Nous obtenons N ⊂ P N = P et donc N ⊂ ∩ P ∈Sylp (G) P .
EXEMPLE. Calculons les sous-groupes de S4 à l’aide de M AGMA (la réponse est la partition en orbites de l’ensemble des sous-groupes de S 4 sous l’action par conjugaison de S 4 sur ses sous-groupes) :
88
CHAPITRE 9. THÉORÈME DE SYLOW
> SubgroupLattice(SymmetricGroup(4)) ; Partially ordered set of subgroup classes ----------------------------------------[11] Order 24 Length 1 Maximal Subgroups [10] Order 12 Length 1 Maximal Subgroups [ 9] Order 8 Length 3 Maximal Subgroups [ 8] Order 6 Length 4 Maximal Subgroups [ 7] Order 4 Length 3 Maximal Subgroups Length 3 Maximal Subgroups [ 6] Order 4 [ 5] Order 4 Length 1 Maximal Subgroups Length 4 Maximal Subgroups [ 4] Order 3 [ 3] Order 2 Length 6 Maximal Subgroups Length 3 Maximal Subgroups [ 2] Order 2 [ 1] Order 1 Length 1 Maximal Subgroups
: : : : : : : : : : :
8 4 5 3 2 2 2 1 1 1
9 10 5 6 7 4 3
L’ordre de S4 est 23 · 3 et donc les trois sous-groupes d’ordre 8 = 23 sont des 2-sylows. Ce sont les seuls, car ils contiennent tous les groupes d’ordre 22 ou 2 (il suffit de suivre les sous-groupes maximaux). Le sous-groupe V4 est distingué dans S4 , et il s’agit donc du sous-groupe [5] (dont l’orbite sous l’action par conjugaison est de taille un). D’après ce qui précède, ce groupe est contenu dans les trois sous-groupes d’ordre 8 = 23 . Comme les sous-groupes d’ordre 8 ne sont pas distingués (puisque l’orbite sous l’action par conjugaison est de taille 3), nous obtenons que, dans cet exemple, chaque sous-groupe d’ordre 8 est son propre normalisateur. Définition 9.3 Soit G un groupe fini et p un diviseur premier de l’ordre de G. Un p-sous-groupe de G est dit p-clos s’il contient tous les éléments dont l’ordre est une puissance de p. Un groupe n’admet pas toujours un p-sous-groupe qui soit p-clos. Ainsi S 3 n’admet aucun 2-sous-groupe qui soit 2-clos. Lorsqu’il existe, un p-sous-groupe p -clos d’un groupe fini G est nécessairement l’unique p-sylow de G. Il est donc unique. Corollaire 9.4 Soit G d’ordre p rm ∈ N avec p premier et pgcd(m, p) = 1. Un p-sylow de G est distingué si et seulement s’il est l’unique p -sylow de G. Dans ce cas, l’unique p-sylow est un sous-groupe caractéristique de G ; il est d’ordre pr et c’est un p-sous-groupe p-clos de G. D ÉMONSTRATION . Supposons qu’il existe un unique p-sylow. Comme un automorphisme de G conserve les inclusions parmi les sous-groupes, il transforme un p-sylow de G en un p-sylow de G. Un unique p-sylow est donc un sous-groupe caractéristique de G ; il est, en particulier, distingué. Supposons maintenant qu’un p-sylow P de G soit distingué. D’après la proposition 9.2, il est contenu dans tous les p-sylows de G. La maximalité par inclusion de P impose que P soit l’unique p-sylow de G. Si l’ordre de G/P est divisible par p, alors il existe dans G/P un élément d’ordre p (théorème de Cauchy 7.6) qui engendre un p-sous-groupe J de G/P distinct de {e}.
CHAPITRE 9. THÉORÈME DE SYLOW
89
Par la correspondance des sous-groupes (théorème 8.14), le groupe J est de la forme H/P pour un sous-groupe H de G contenant P . Le groupe H d’ordre |P | · |H/P | est alors un p-sous-groupe de G contenant strictement P , ce qui est impossible. Il en résulte que p ne divise pas |G/P | et, puisque |G| = |G/P | · |P |, nous obtenons |G/P | = m et |P | = p r .
Soit H ⊂ G un sous-groupe de G. La relation orbite-stabilisateur (proposition 4.30 et corrollaire 7.2) montre que l’indice (G : NG (H)) du normalisateur de H dans G est égal au nombre de sous-groupes de G conjugués à H. Si P1, . . . , Ps sont les p-sylows d’un groupe G, alors nous obtenons le diagramme d’inclusions suivant : G NG (P1 )
NG(P 2)
...
NG (P s−1 )
NG(Ps )
P1
P2
...
Ps−1
Ps
∩P ∈Syl p (G)P {e} Dans ce diagramme, un sous-groupe relié par un trait à un sous-groupe situé plus haut est contenu dans celui-ci. Théorème 9.5 (THÉORÈMES DE S YLOW, 1872) Soit p un nombre premier et G un groupe fini d’ordre pe m avec pgcd(m, p) = 1. 1. Les p-sylows de G sont les sous-groupes d’ordre p e de G. 2. Les p-sylows sont tous conjugués. En particulier, si P est un p-sylow de G , alors le nombre de p-sylows de G est l’indice (G : N G(P )) du normalisateur de P dans G. 3. Notons np le nombre Syl (G) de p-sylows de G. Alors p
np | m et
np ≡ 1
(mod p).
D ÉMONSTRATION . Un p-sylow P de G est contenu dans NG(P ). C’est un p-sylow de N G(P ), car tout p-sous-groupe de NG (P ) qui le contiendrait strictement serait aussi un p-sous-groupe de G qui le contiendrait strictement. Puisque P est distingué dans son normalisateur N G(P ), le corollaire précédent montre que le p-sous-groupe P de NG (P ) est p-clos et que l’ordre de P est égal à la plus grande puissance de p qui divise |NG(P )|. En particulier, l’indice de P dans son normalisateur vérifie la relation (NG (P ) : P ) ≡ 0 (mod p). Commençons par démontrer que (G : N G (P )) ≡ 1
(mod p)
(9.1)
90
CHAPITRE 9. THÉORÈME DE SYLOW
Considérons l’action de P sur X = G/NG (P ) par translation à gauche, donnée par h · g NG (P ) = (hg)NG(P ) pour h dans P , de morphisme structurel P → G → S|X |. Alors, |X | = (G : NG (P )) et |X P | ≡ |X | (mod p) (proposition 7.5). Comme P ⊂ NG (P ), la classe à gauche eNG (P ) = NG (P ) est un point fixe pour cette action et appartient à l’ensemble X P . Si une classe gN G(P ) est un point fixe, alors P gNG (P ) = gNG (P ). En multipliant cette égalité à gauche par g−1 nous obtenons (g −1 P g)N G(P ) = NG(P ), et (g−1P g) ⊂ N G (P ). Le groupe P étant p-clos dans N G(P ) , nous obtenons P = g−1 P g et g ∈ NG(P ). Il en résulte que NG (P ) est l’unique point fixe de P . Puisque |X P | = 1, nous obtenons l’égalité (9.1) : (G : N G(P )) = |X| ≡ |X P | = 1
(mod p).
Soit P un autre p-sylow de G. Il opère également sur X par translation à gauche P → G → S|X | . Alors, |X | = (G : NG (P )) et |X P | ≡ |X | (mod p) (proposition 7.5). Comme nous venons d’établir que |X| ≡ 1 (mod p), nous en déduisons que |X P | ≡ 1 (mod p) et |X P | > 0. Il existe donc g ∈ G tel que gNG(P ) ∈ X P , c’està-dire tel que P gNG (P ) = gN G(P ). En multipliant ces deux ensembles à gauche gNG(P ) = NG (P ), si bien que g−1 Pg ⊂ N G(P ). par g−1 nous obtenons g −1 P g ⊂ P et |P| divise |P |. En Comme P est p-clos dans NG (P ), nous avons g −1 P inversant les rôles de P et de P, nous obtenons que |P | divise | P |. Par conséquent, | et g −1P g = P . Il en résulte que tout p-sylow est conjugué à P , ou encore |P | = | P que tous les p-sylows sont conjugués. Ceci entraîne le 2 e point. Du fait que tous les p-sylows de G sont conjugués dans G, le nombre n p de p-sylows de G est (G : NG (P )) dont nous avons montré la relation (9.1). Nous avons donc bien np ≡ 1 (mod p). Puisque P ⊂ NG(P ) ⊂ G , nous obtenons |G| = (G : P ) · |P | = (G : N G (P )) · (NG (P ) : P ) · |P |. Comme nous avons montré plus haut que p ne divise ni (NG (P ) : P ) ni (G : N G(P )), p ne divise pas (G : P ) . Par conséquent, |P | = p e et (G : NG (P )) (NG(P ) : P ) = m. En particulier, n p = (NG (P ) : P ) divise m, ce qui achève la démonstration. Exemple 9.6 Montrons qu’un groupe G d’ordre 15 = 3 · 5 est toujours cyclique. Par le théorème de Sylow, nous obtenons n 5|3 et n5 ≡ 1 (mod 5). Il en résulte que n 5 = 1 et il existe un unique 5 -sylow P5 dans G qui est distingué dans G (corollaire 9.4). De même, il s’ensuit qu’il existe un unique 3-sylow P3 distingué dans G, d’où G ∼ = (P3 × P5 ) (théorème 8.4). Comme les p-sylows sont d’ordre premier, ils sont cycliques, et G ∼ = (P3 × P5 ) ∼ = (Z/3Z × Z/5Z). En utilisant le ∼ théorème chinois 8.8, nous arrivons à G = Z/15Z. Exemple 9.7 Un groupe G d’ordre 36 possède au moins un 3-sylow H. Celui-ci est de cardinal 9 et d’indice 4 dans G. Comme l’ordre de G est n = 36 , il ne divise pas 4!. Le lemme 4.22 montre qu’il existe un sous-groupe distingué non trivial de G contenu dans H , de cardinal 3 ou 9.
CHAPITRE 9. THÉORÈME DE SYLOW
91
Corollaire 9.8 Un p-sous-groupe H de G est toujours contenu dans un p-sylow de G. Pour tout p-sylow P de G, il existe g ∈ G tel que H soit contenu dans gP g−1 .
DÉMONSTRATION. Le p-sous-groupe H de G est contenu dans un p-sous-groupe maximal pour l’inclusion, c’est-à-dire dans un p-sylow P . Pour tout p -sylow P dans Syl p(G) , comme les p-sylows sont tous conjugués entre eux, il existe g dans G tel que gP g −1 = P et donc H ⊂ gP g−1 . Proposition 9.9 Soit G un groupe fini, p un diviseur premier de |G| et N un sousgroupe distingué de G. Les p-sylows de N sont de la forme N ∩ P et les p -sylows de G/N sont de la forme P N/N où P est un p-sylow de G. Le nombre de p-sylows de N et le nombre de p-sylows de G/N divisent le nombre de p-sylows de G.
DÉMONSTRATION. Soit P un p-sylow de G et Q ⊂ N un p -sylow de N. Il existe g ∈ G, tel que Q ⊂ gP g −1 (corollaire 9.8). Nous obtenons : Q ⊂ gP g −1 ∩ N = gP g −1 ∩ gNg−1 = g(P ∩ N )g −1 , si bien que g −1Qg ⊂ P ∩ N. Comme P ∩ N est un p-groupe et que g −1 Qg ⊂ N est de même ordre que Q, le groupe g −1 Qg = P ∩ N est un p-sylow de N . Les p-sylows de N étant tous conjugués dans N , ils sont tous de cette forme. Comme P N/N ∼ = P/(P ∩ N ) (théorème 8.6), le groupe P N/N est un p-groupe. Nous avons (G/N : P N/N ) = (G : P N ) (proposition 8.15). Puisque P est un p-sylow de G, p ne divise pas (G : P N ) et donc ne divise pas (G/N : P N/N ) . Par conséquent, P N/N est un p-sylow de G/N . Comme les p-sylows de G/N sont conjugués dans G/N et que (gN ) P N/N (g−1 N ) = gP g−1 N /N, ils sont tous de cette forme. Le groupe G agit transitivement par conjugaison sur l’ensemble fini X des p-sylows de G et l’ensemble fini Y des p -sylows de N . Considérons l’application f : X → Y donnée par P → P ∩ N . Pour tout (g, x ) ∈ G × X , f (g · x) = g · f (x). Soit y1 et y2 deux éléments de Y , alors les fibres f −1(y1 ) et f −1 (y2 ) sont de même taille. En effet, la transitivité de l’action de G sur Y montre qu’il existe g ∈ G tel que g · y1 = y2 . Les applications x → gx et x → g−1 x sont des applications inverses l’une de l’autre entre les ensembles f −1(y1) et f −1 (y2). Les |Y | fibres f −1 (y) avec y ∈ Y forment une partition de l’ensemble fini X en sous-ensembles équipotents. Il en résulte que |Y | divise |X | . Le nombre de p-sylows de N divise donc le nombre de p-sylows de G. Pour les p-sylows de G/N , on procède de la même manière en utilisant l’application P → P N/N . EXEMPLE . Dans MAGMA, le nombre de p -sylows de G se calcule via l’indice du normalisateur d’un p-sylow. Considérons le groupe D 12 :
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CHAPITRE 9. THÉORÈME DE SYLOW
> D12 :=DihedralGroup(12) ; P2 :=SylowSubgroup(D12, 2) ; > N :=Normalizer(D12, P2) ; > Index(N,P2) ; 1 > P2 ; Permutation group P2 acting on a set of cardinality 12 Order = 8 = 2^3 (2, 12)(3, 11)(4, 10)(5, 9)(6, 8) (1, 4, 7, 10)(2, 5, 8, 11)(3, 6, 9, 12) > Index(D12,Normalizer(D12, P2)) ; 3 > ConjugacyClasses(P2) ; Conjugacy Classes ----------------[1] Order 1 Length 1 Rep Id($) [2] Order 2 Length 1 Rep (1, 7)(2, 8)(3, 9)(4, 10)(5, 11)(6, 12) [3] Order 2 Length 2 Rep (2, 12)(3, 11)(4, 10)(5, 9)(6, 8) [4] Order 2 Length 2 Rep (1, 4)(2, 3)(5, 12)(6, 11)(7, 10)(8, 9) [5] Order 4 Length 2 Rep (1, 4, 7, 10)(2, 5, 8, 11)(3, 6, 9, 12)
La commande SylowSubgroup rend un 2-sylow P2 de D12 (ils sont tous conjugués). Comme (ND 12(P2 ) : P2 ) = 3, il y a trois 2-sylows dans D12 . Le 2-sylow P2 est non abélien (car il existe des classes de conjugaison dans P 2 non réduites à un seul élément) d’ordre 8 et il possède plus d’un élément d’ordre deux. Les 2-sylows de D 12 sont donc isomorphes à D 4 (lemme 3.17, exemple 5.8). Théorème 9.10 Tout groupe simple G d’ordre 60 est isomorphe à A5. D ÉMONSTRATION . Soit H un sous-groupe de G d’indice m > 1. Le groupe G opère transitivement sur X = G/H par translation à gauche. À cette action, correspond un morphisme ϕ : G → Sm dont l’image est un sous-groupe transitif de Sm . Puisque im(ϕ) = {e} (car l’action est transitive) et ker(ϕ) distingué dans G, la simplicité de G implique ker(ϕ) = {e} et ϕ injectif. Par conséquent, |Sm | ≥ 60 et m ≥ 5. Il en résulte que G ne possède pas de sous-groupe d’indice m avec 1 < m < 5 . Si m = 5, alors G ∼ = ϕ(G) ⊂ S5 . Le groupe G étant non abélien et simple, D(G) = G et ϕ(G) ⊂ A5 = D(S5 ) (corollaire 2.3). Comme ϕ(G) est contenu dans A5 et que ces deux groupes sont de même ordre, ils sont égaux et G ∼ = A5. Il nous suffit donc de montrer qu’il existe un sous-groupe H dans G d’indice 5. Supposons qu’il n’existe pas de sous-groupe d’indice 5 dans G, et cherchons une contradiction. 2 contienne g = e. Le — Supposons que l’intersection de deux 2-sylows S2 = S centralisateur ZG (g) contient les deux sous-groupes abéliens distincts S2 = S2
CHAPITRE 9. THÉORÈME DE SYLOW
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d’ordre 4. L’ordre |ZG (g)| >4 est divisible par 4 et doit donc être au moins 12. Par conséquent, G : ZG (g) ≤ 5. Le centre du groupe non abélien simple G doit être trivial et donc ZG(g) = G. Comme ZG (g) est un sous-groupe propre d’indice ≤ 5, il doit être d’indice 5, ce qui donne une contradiction. — Supposons que deux 2-sylows distincts ont toujours une intersection réduite à {e} . La même chose est vraie pour les 3-sylows et les 5-sylows qui sont cycliques d’ordre premier. Appliquons le théorème de Sylow, sachant que par hypothèse (G : NG (P )) > 1 et np = (G : NG(P )) > 5 : 1. n 5|12 et n5 > 5 donne les possibilités n 5 ∈ {6, 12} et n 5 ≡ 1 (mod 5) montre que n5 = 6. 2. n 3|20 et n3 > 5 donne les possibilités n3 ∈ {10, 20} et n3 ≡ 1 (mod 3) montre que n3 = 10. 3. n 2|15 et n2 > 5 donne l’unique possibilité n 2 = 15.
À présent, comptons les éléments de G : il y a 24 = 6 · (5 − 1) éléments d’ordre 5, 20 = 10 · (3 − 1) éléments d’ordre 3 et 45 = 15 · (4 − 1) éléments d’ordre 2 ou 2 2. On trouve donc 24 + 20 + 45 > 60 éléments dans G, ce qui qui donne une contradiction. Il existe donc toujours un sous-groupe H d’indice 5 dans G et le résultat s’ensuit. Proposition 9.11 (A RGUMENT DE F RATTINI) Soit H un sous-groupe distingué d’un groupe fini G, p un nombre premier, P un p-sylow de H et NG(P ) le normalisateur de P dans G. Alors, H NG(P ) est égal à G. D ÉMONSTRATION. Puisque H est distingué dans G, gHg −1 = H pour tout g ∈ G. Il en résulte que gP g −1 ⊂ H est aussi un p-sylow de H. Les p-sylows de H étant conjugués dans H, il existe h ∈ H tel que gP g −1 = hP h −1 . Donc, h −1gP (h −1 g)−1 = P , ce qui prouve que h −1g ∈ NG (P ). Il en résulte que g ∈ hN G (P ) ⊂ H NG (P ). Exercice 9.1 Montrer qu’un groupe d’ordre 77 est un groupe cyclique. Exercice 9.2 Montrer qu’un groupe d’ordre 200 ne peut pas être simple. Exercice 9.3 Combien d’éléments d’ordre 5 y a-t-il dans un groupe d’ordre 20 ? Exercice 9.4 Montrer que Z/85Z ∼ = Z/5Z × Z/17Z et que tout groupe d’ordre 85 est isomorphe à ce groupe. Exercice 9.5 Soit G un groupe d’ordre 340. Etablir que G possède un sous-groupe distingué d’ordre 85. Exercice 9.6 Soit G un groupe fini et p un diviseur premier de |G| . Notons X l’ensemble des p-sylows de G. Montrer que G opère sur X par conjugaison et en déduire
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CHAPITRE 9. THÉORÈME DE SYLOW
un morphisme ϕ : G → Sm où m = |X |. Comparer le noyau ker(ϕ) et l’intersection ∩P ∈X N G (P ) des normalisateurs des p-sylows de G. Démontrer que H est l’unique p-sylow de ker(ϕ). Exercice 9.7 (*) Montrer qu’un groupe fini G d’ordre mpr avec p premier, 1 ≤ r et 1 < m < p n’est pas simple. Exercice 9.8 (*) Montrer qu’un groupe d’ordre p2q avec p et q premiers n’est jamais simple. Exercice 9.9 Utiliser la proposition 7.8, exemple 9.7 ainsi que les exercices 7.12, 9.8 et 9.7 pour montrer que tous les groupes finis simples d’ordre < 60 sont cycliques. Donner la liste de ces groupes. Indication : Il ne reste que peu de groupes d’ordre < 60 à traiter directement. Exercice 9.10 Montrer qu’un groupe fini G d’ordre pqr avec p < q < r premiers n’est pas simple. Exercice 9.11 (*) Pour G ∈ {S 3 , S4 , S5 } et p ∈ {2, 3, 5} donner des générateurs d’un p-sylow de G et calculer le nombre np de p-sylows de G. Quelle est la structure des 2-sylows de S4 et S5 ? Donner un exemple d’un groupe fini G, d’un nombre premier p et de deux p-sylows distincts S1 et S 2 de G dont l’intersection S1 ∩ S2 n’est pas triviale (S1 ∩ S 2 = {e}). Exercice 9.12 Soit G un groupe d’ordre p 2 q avec p, q des nombres premiers distincts, tels que p2 ne soit pas congru à 1 modulo q et que q ne soit pas congru à 1 modulo p. En déduire que G est abélien. Exercice 9.13 (*) Soit G un groupe fini dont les p-groupes de Sylow sont distingués (pour tous les diviseurs premiers pde l’ordre de G). Montrer que G est isomorphe au produit direct de ses p-groupes de Sylow.
Chapitre 10
Groupes d’ordre 12 (18, 20 et 21) Proposition 10.1 Si un groupe G est d’ordre 12, alors le 2-sylow ou le 3-sylow de G est distingué dans G. Par conséquent, G est un produit semi-direct de son 2-sylow et de son 3-sylow. DÉMONSTRATION. Notons n2 le nombre de 2-sylows et n3 le nombre de 3-sylows de G. Par le théorème de Sylow 9.5, nous obtenons n2 ∈ {1, 3} et n 3 ∈ {1, 4}. — Si n3 = 4 : Deux 3-sylows distincts de G ont une intersection réduite à {e} et il y a (3 − 1) · 4 = 8 éléments d’ordre 3. Cela laisse la place pour un unique 2-sylow d’ordre 4 qui doit donc être distingué. Puisqu’un 2-sylow et un 3-sylow de G ont une intersection réduite à {e}, le groupe G est donc le produit semi-direct (interne) de son unique 2-sylow et d’un 3-sylow. — Si n 3 = 1, alors il existe un unique 3 -sylow dans G qui doit être distingué. Le groupe G est donc le produit semi-direct (interne) de son unique 3-sylow et d’un 2-sylow. Le résultat s’ensuit. Puisque G est un produit semi-direct interne d’un sous-groupe d’ordre 3 et d’un sous-groupe d’ordre 4, on peut le réaliser comme produit semi-direct externe de tels groupes. Un groupe d’ordre 3 est isomorphe à Z/3Z et un groupe d’ordre 4 est isomorphe à Z/4Z ou à V4 ∼ = Z/2Z × Z/2Z. Il faut donc étudier les possibilités suivantes : Z/3Z ϕ Z/4Z, Z/3Z ϕ V4 , V4 ϕ Z/3Z et Z/4Z ϕ Z/3Z. Pour construire tous les produits semi-directs N ϕ K , nous devons considérer tous les morphismes ϕ : K → Aut(N ). Nous allons utiliser les propriétés suivantes : 1. Aut(Z/3Z) et Aut(Z/4Z) sont d’ordre 2 et doivent donc être isomorphes à Z/2Z (proposition 2.14).
2. Aut (V4) est isomorphe à S3 (cf. exercice 6.14). Il en résulte parfois un nombre important de constructions possibles de produits semidirects. La proposition suivante montre qu’il est possible de travailler à automorphisme
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CHAPITRE 10. GROUPES D’ORDRE 12 (18, 20 ET 21)
de K près et à automorphisme intérieur de Aut(N) près, ce qui permet de réduire substantiellement le nombre de cas à considérer. Proposition 10.2 Soit N, K des groupes, α ∈ Aut(K ) et β ∈ Aut(N ). À tout morphisme ϕ1 : K → Aut(N ), associons ϕ2 : K → Aut(N ) par le diagramme K
α
K
ϕ1
Aut(N)
Int β
Aut(N ).
ϕ2
Alors, les produits semi-directs N ϕ1 K et N ϕ2 K sont isomorphes. D ÉMONSTRATION . Il suffit de montrer que l’application bijective ψ : N ϕ 1 K → (n, k)
N ϕ2 K → (β (n), α−1 (k))
est un morphisme. Pour cela, calculons le produit ψ((n1 , k 1 ))ψ((n2 , k2 )) = (β (n1 ), α−1 (k1)) (β (n 2 ), α−1 (k 2)) = β (n1 ) (Intβ ϕ1α) (α−1 (k1))(β (n2)) , α−1 (k1 )α−1 (k2 ) ϕ2
= β (n 1) Int β ϕ 1 (αα−1 )(k1)(β (n2 )) , α −1 (k1 k2 ) = β (n 1)βϕ1 β −1 (β (n2 )) , α−1 (k1 k2) = β (n1 )βϕ1(n 2) , α−1 (k1 k 2) = β (n 1ϕ1 (n2)) , α −1(k1 k2) = ψ ((n1 ϕ 1(n 2), k1 k2 )) = ψ ((n 1, k 1)(n2, k 2)) D’où le résultat.
Les groupes de la forme V4 ϕ Z/3Z Pour construire des produits semi-directs V 4 ϕ Z/3Z, donnons-nous un morphisme ϕ : Z/3Z → Aut(V 4) ∼ = S3 (exercice 6.14). 1. Si im(ϕ) = {e}, alors V 4 ϕ Z/3Z est isomorphe à (Z/2Z × Z/2Z) × Z/3Z (lemme 8.12). D’après le théorème chinois 8.8, ce groupe est isomorphe à Z/2Z × Z/6Z.
2. Si im(ϕ) = {e} , alors ϕ envoie un générateur du groupe Z/3Z sur un des deux générateurs du sous-groupe A 3 ⊂ S3 ∼ = Aut(V4). Comme la conjugaison par un élément β ∈ S3 d’ordre deux permute les deux générateurs du sousgroupe A3 , les deux possibilités de produits semi-directs donnent des groupes isomorphes d’après la proposition 10.2. Nous obtenons, à isomorphisme près,
CHAPITRE 10. GROUPES D’ORDRE 12 (18, 20 ET 21)
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un unique groupe non abélien d’ordre 12 de la forme V 4 ϕ Z/3Z avec ϕ non trivial. Puisque le groupe de Klein est un sous-groupe distingué de A4 , le groupe cherché (unique à isomorphisme près) est isomorphe à A4 .
Les groupes de la forme Z/4Z ϕ Z/3Z Pour construire des produits semi-directs Z/4Z ϕ Z/3Z, donnons-nous un morphisme ϕ : Z/3Z → Aut(Z/4Z) ∼ = Z/2Z. Un tel morphisme doit être trivial ( im(ϕ) = {e}) et, d’après le lemme 8.12, le groupe Z/3Z ϕ Z/4Z est alors le produit direct Z/3Z × Z/4Z . D’après le théorème chinois 8.8, ce groupe est isomorphe à Z/12Z.
Les groupes de la forme Z/3Z ϕ Z/4Z Pour construire des produits semi-directs Z/3Z ϕ Z/4Z, donnons-nous un morphisme ϕ : Z/4Z → Aut(Z/3Z) ∼ = Z/2Z. 1. Si im(ϕ) = {e}, alors le groupe Z/3ZϕZ/4Z est isomorphe à Z/3Z×Z/4Z (lemme 8.12) et nous retrouvons le groupe Z/12Z.
2. Si im(ϕ) = {e}, le morphisme ϕ est déterminé de manière unique par l’image d’un générateur de Z/4Z. Le morphisme ϕ envoie un générateur du groupe Z/4Z sur l’élément d’ordre deux de Z/2Z ∼ = Aut(Z/3Z). Comme un automorphisme de Z/4Z permute les deux générateurs, les groupes obtenus sont isomorphes. D’après la proposition 10.2, nous obtenons, à isomorphisme près, un unique groupe non abélien d’ordre 12 de la forme Z/3Z ϕ Z/4Z avec ϕ non trivial. Ce groupe n’est isomorphe ni à A 4 car Z/3Z est distingué, ni à D6 car D6 ne contient pas d’élément d’ordre 4. Il s’agit donc du groupe dicyclique Dic3 qui contient bien un sous-groupe distingué d’ordre 3 et un sous-groupe cyclique d’ordre 4 (cf. exercice A.2).
Les groupes de la forme Z/3Z ϕ V4 Pour construire des produits semi-directs Z/3Z ϕ V4 , donnons-nous un morphisme ϕ : V 4 → Aut(Z/3Z) ∼ = Z/2Z. 1. Si im(ϕ) = {e}, alors les groupes Z/3Z ϕ V4 et Z/3Z × (Z/2Z × Z/2Z) sont isomorphes (lemme 8.12) et nous retrouvons le groupe Z/2Z × Z/6Z. 2. Si im(ϕ) = {e}, le morphisme ϕ est déterminé de manière unique par l’image de deux éléments distincts d’ordre 2 de V4 . Le morphisme ϕ envoie un des trois éléments d’ordre deux de V4 sur e et les deux autres sur l’unique élément d’ordre deux de Aut(Z/3Z). En effet, le 3e élément d’ordre 2 de V4 est le
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CHAPITRE 10. GROUPES D’ORDRE 12 (18, 20 ET 21) produit des deux autres éléments d’ordre deux. Les automorphismes α dans Aut (V4 ) ∼ = S3 donnent toutes les permutations des trois éléments d’ordre deux. D’après la proposition 10.2, nous obtenons, à isomorphisme près, un unique groupe non abélien d’ordre 12 de la forme Z/3Z ϕ V 4 avec ϕ non trivial. Dans le groupe D6, le sous-groupe r2 = {e, r 2, r 4 } est un sousgroupe distingué d’ordre 3 et {e, s, r3 , r3s} est un 2-sylow isomorphe à V4 . Le groupe Z/3Z ϕ V4 est donc isomorphe à D 6.
Proposition 10.3 À isomorphisme près, il existe cinq groupes d’ordre 12 qui sont : Z/2Z × Z/6Z, Z/12Z, D6 , A4 et le groupe dicyclique Dic3 ∼ = Z/3Z ϕ Z/4Z. Les calculs ci-dessus donnent un moyen de distinguer les cinq groupes via leurs sous-groupes distingués. On peut également compter les éléments d’ordre deux pour distinguer les trois groupes non abéliens : A 4 en contient trois (les doubles transpositions), D 6 en contient sept (les six symétries et r 3 ) et Dic3 en contient un seul. Exercice 10.1 Montrer que D 6 est isomorphe au produit direct Z/2Z × S3 . Exercice 10.2 Montrer qu’un groupe G d’ordre 12 qui ne contient pas d’élément d’ordre 6 est isomorphe à A 4. Exercice 10.3 Montrer qu’un groupe G d’ordre 20 possède un unique sous-groupe d’ordre 5. En déduire que, si G est non abélien, il est de la forme Z/5Z ϕ Z/4Z ou Z/5Z ϕ (Z/2Z × Z/2Z) . Classifier les groupes d’ordre 20 en indiquant quel produit semi-direct correspond au groupe D 10 . Exercice 10.4 (*) Classifier les groupes d’ordre 21 à isomorphismes près. Exercice 10.5 (*) Classifier les groupes d’ordre 18 à isomorphismes près.
Chapitre 11
Groupes résolubles Le nom de « groupe résoluble 1 » et l’intérêt historique proviennent de la théorie de Galois : les racines d’un polynôme s’expriment à l’aide de radicaux si et seulement si le groupe de Galois du polynôme est résoluble. Rappelons que le groupe dérivé D(G) de G est le sous-groupe de G engendré par les commutateurs et que c’est un sousgroupe caractéristique de G (proposition 4.28). Définition 11.1 Soit G un groupe. On définit itérativement la suite dérivée de G par G(0) = G, G (1) = D(G) et G(i+1) = D(G (i)) = D i+1(G) (i ≥ 1). Le groupe G est dit résoluble s’il existe n ∈ N tel que G (n) = D n(G) = {e}. La définition dit que le groupe G est résoluble si et seulement si la suite des groupes dérivés successifs G = G(0) G(1) G(2) G(3) . . . est stationnaire en {e}. Le quotient G(i) /G(i+1) = G(i) /D(G(i) ) de deux termes successifs de la suite est toujours un groupe abélien (théorème 5.13). EXEMPLES . 1. Tout groupe abélien G est résoluble puisque D (G) = {e}.
2. Un groupe G simple et non abélien n’est jamais résoluble. En effet, puisque D(G) est distingué dans G et que G est simple, il faut soit que D(G) = {e} , soit que D(G) = G. Comme G est non abélien, il en résulte que D(G) = G et donc G (i) = G pour tout i ∈ N. 3. Le groupe S 5 n’est ni simple, ni résoluble. En effet, la suite dérivée de S5 est (1) S 5 S5 = D(S5 ) = A5 , qui est stationnaire en A 5 (cf. exercice 6.9).
On peut vérifier, à l’aide de M AGMA , que la suite dérivée de S5 est stationnaire en A5 (le dernier groupe de la liste ci-dessous) et que ce groupe n’est donc pas résoluble : 1. En anglais solvable group.
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CHAPITRE 11. GROUPES RÉSOLUBLES
> DerivedSeries(SymmetricGroup(5)) ; Symmetric group acting on a set of cardinality 5 [ Order = 120 = 2^3 * 3 * 5 (1, 2, 3, 4, 5) (1, 2), Permutation group acting on a set of cardinality 5 Order = 60 = 2^2 * 3 * 5 (1, 2, 3) (2, 3, 4) (3, 4, 5) ]
On pourra comparer le résultat ci-dessus à celui de D12 où le dernier groupe est le groupe trivial d’ordre un, montrant que ce groupe est résoluble. > DerivedSeries(DihedralGroup(12)) ; [ Permutation group G acting on a set of cardinality 12 Order = 24 = 2^3 * 3 (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12) (1, 12)(2, 11)(3, 10)(4, 9)(5, 8)(6, 7), Permutation group acting on a set of cardinality 12 Order = 6 = 2 * 3 (1, 11, 9, 7, 5, 3)(2, 12, 10, 8, 6, 4), Permutation group acting on a set of cardinality 12 Order = 1 ]
Proposition 11.2 Soit Gun groupe. Le i e groupe dérivé G(i) de G est un sous-groupe caractéristique de G pour tout i ∈ N. D ÉMONSTRATION . D’après la proposition 4.28, le sous-groupe D(G) est caractéristique dans G et les sous-groupes G(i+1) = D(G(i)) sont caractéristiques dans G (i). Nous obtenons le résultat par récurrence en utilisant le fait qu’un sous-groupe caractéristique K d’un sous-groupe caractéristique H de G est un sous-groupe caractéristique de G (proposition 4.33).
Proposition 11.3 Soit ϕ : G → Γ un morphisme de groupes et i ∈ N. Alors, l’image ϕ(D i (G)) du ie groupe dérivé de G par ϕ est contenu dans le i e groupe dérivé D i(Γ ) de Γ . Si ϕ est surjectif, alors ϕ(D i(G)) = Di (Γ ). En particulier, pour un sous-groupe H ⊂ G, on a l’inclusion H (i) ⊂ G(i) des groupes dérivés de même ordre. D ÉMONSTRATION . Nous avons déjà montré le résultat pour i = 1 (corollaire 2.3). Nous obtenons le résultat pour tout ordre i par récurrence.
CHAPITRE 11. GROUPES RÉSOLUBLES
101
Théorème 11.4 Pour un groupe G, les assertions suivantes sont équivalentes : 1. G est un groupe résoluble. 2. Il existe une suite finie stationnaire en {e} de sous-groupes distingués Hi G avec H0 = G ⊇ H 1 ⊇ H2 ⊇ . . . ⊇ Hn = {e}, telle que les quotients Hi /Hi+1 de deux membres successifs sont abéliens. 3. Il existe une suite finie stationnaire en {e} de sous-groupes Hi ⊂ G avec H0 = G H 1 H2 . . . Hn = {e}, tels que Hi+1 Hi (on ne demande pas Hi G) et que les quotients Hi/H i+1 de deux membres successifs sont abéliens. DÉMONSTRATION. Pour montrer « 1. ⇒ 2. », on utilise la suite dérivée et on pose H i = G(i). Les groupes Hi = G (i) sont distingués dans G (proposition 11.2) et les quotients Hi /Hi+1 = G(i) /D(G(i) ) sont abéliens (théorème 5.13). L’implication « 2. ⇒ 3. » est immédiate. Montrons « 3. ⇒ 1. ». Pour montrer que G est résoluble, puisque Hn = {e}, il suffit de montrer que G (n) est contenu dans H n. Pour cela, montrons par récurrence l’inclusion G(i) ⊂ H i . Puisque H1 est distingué dans G et que H 0 /H1 = G/H 1 est abélien, le théorème 5.13 montre que G (1) = D(G) ⊂ H1 . Supposons G(i) ⊂ Hi . Puisque H i+1 est distingué dans Hi et que H i+1 /Hi est abélien, le théorème 5.13 appliqué au groupe H i montre l’inclusion D(Hi ) ⊂ H i+1. L’hypothèse G (i) ⊂ Hi implique G (i+1) = D(G(i) ) ⊂ D(H i ) ⊂ Hi+1 . La propriété G (i) ⊂ H i est donc vraie pour tous les nombres entiers naturels i. D’où le résultat. Proposition 11.5 Soit G un groupe, H un sous-groupe de G et N un sous-groupe distingué de G. Les propriétés suivantes sont satisfaites. 1. Si G est résoluble, alors H est résoluble. 2. Si G est résoluble, alors G/N est résoluble. 3. Le groupe G est résoluble si et seulement si les groupes N et G/N sont résolubles. 4. Si les sous-groupes N G et H ⊂ G sont résolubles, alors le sous-groupe HN de G est résoluble. D ÉMONSTRATION . Si G est résoluble, la suite dérivée est stationnaire en {e} : G G (1) G(2) G(3) . . . G(n) = {e}. 1. Puisque H(i) est contenu dans G (i) pour tout i (proposition 11.3), on a nécessairement H(n) = {e}. 2. Considérons le morphisme canoniqueπ : G → G/N . D’après la proposition 11.3, nous obtenons π(G (n)) = (G/N )(n) = {e} , ce qui permet de conclure.
102
CHAPITRE 11. GROUPES RÉSOLUBLES 3. La condition « seulement si » découle des points précédents. Supposons qu’il existe des entiers n ≥ 1 et m ≥ 1 tels que D n (N ) = {e} et Dm (G/N ) = {e} (c’est-à-dire que N et G/N soient résolubles) et considérons le morphisme π : G → G/N. Comme π est surjectif, la proposition 11.3 montre que π (D m (G)) = Dm (G/N ) = {e}. Donc, D m (G) est contenu dans N et nous obtenons Dn+m(G) = D n(Dm (G)) ⊂ D n (N ) = {e}. 4. Puisque HN/N est isomorphe à H/(H ∩N ) (2e théorème d’isomorphisme 8.6), les points précédents permettent de conclure.
Proposition 11.6 Tout p-groupe G d’ordre fini est résoluble. D ÉMONSTRATION . Procédons par récurrence sur l’ordre de G. Le résultat est vrai pour le groupe G = {e} d’ordre 1. Supposons que l’ordre de G soit supérieur à 1 et que le résultat soit vrai pour tout groupe d’ordre inférieur à celui de G. Le centre Z(G) de G est un groupe abélien non trivial (proposition 7.8). Si Z(G) = G, alors G est abélien et donc résoluble. Sinon le quotient G/Z(G) est un p-groupe d’ordre inférieur à |G| et donc résoluble par hypothèse de récurrence. Donc Z(G) et G/Z(G) sont résolubles et le 3 e point de la proposition 11.5 permet de conclure. La proposition est donc vraie pour tout p-groupe G d’ordre fini. Théorème 11.7 Un groupe fini G est résoluble si et seulement s’il existe une suite G = G0 G1 G2 G 3 . . . G n = {e} telle que les quotients Gi /G i+1 soient (cycliques) d’ordre premier. D ÉMONSTRATION . Si une telle suite existe, alors le dernier point du théorème 11.4 montre que G est résoluble. Réciproquement, supposons que G soit résoluble et montrons que, dans la suite dérivée G = G(0) G (1) . . .G (n) = {e}, chaque partie G (i) G (i+1) de la suite avec G (i)/G (i+1) abélien non cyclique peut être décomposée en G(i) N G(i+1) avec N/G (i+1) cyclique et G (i)/N abélien. Comme les groupes sont finis, le résultat s’obtient alors par récurrence. Pour construire N , considérons le morphisme canonique π : G (i) → G(i) /G (i+1) . D’après le théorème de Cauchy 7.6, il existe dans G (i) /G(i+1) un élément d’ordre premier qui engendre un sous-groupe U d’ordre premier. Comme G (i)/G (i+1) est abélien, le sous-groupe U est distingué et comme π est surjectif, le sous-groupe N = π −1(U ) ⊂ G(i) est distingué dans G (i). D’après le 3 e théorème d’isomorphisme 5.18 on a : G(i)/N ∼ = G(i) /G(i+1) / N/G(i+1) ∼ = G(i) /G(i+1) /U. Ainsi l’ordre |N/G(i+1) | = |U | est premier. Par conséquent, G (i) N G(i+1) avec N/G(i+1) cyclique d’ordre premier et G(i) /N, en tant que quotient d’un groupe abélien, est abélien.
CHAPITRE 11. GROUPES RÉSOLUBLES
103
L’impossibilité d’exprimer les racines de tous les polynômes d’ordre ≥ 5 à l’aide de radicaux a été démontrée indépendamment par deux mathématiciens dont les vies furent tragiques : Niels Henrik Abel (1802-1828) et Évariste Galois (1811-1832). En regardant la nature d’un certain groupe de permutations associées au polynôme (appellé aujourd’hui groupe de Galois) Galois introduit au début de XIXe siècle une approche différente, complètement révolutionnaire, et qui s’est avérée extrêmement efficace et enrichissante. Dans ce qu’on appelle aujourd’hui la « correspondance de Galois », il montre, en particulier, que les zéros d’un polynôme s’expriment à l’aide de radicaux si et seulement si son groupe de Galois est résoluble. En plus de leur application classique en théorie de Galois, les groupes résolubles ont des propriétés remarquables. Nous donnons ci-dessous quelques résultats difficiles sans démonstration : Théorème 11.8 (T HÉORÈME DE BURNSIDE , 1904) Soit p et q deux nombres premiers. Tout groupe fini d’ordre pn qm est résoluble. Théorème 11.9 (T HÉORÈME DE F EIT ET T HOMPSON , 1963) Tout groupe d’ordre impair est résoluble. Corollaire 11.10 Tout groupe fini, simple et non cyclique est d’ordre pair et divisible par au moins trois nombres premiers distincts. Il existe une généralisation du théorème de Sylow pour les groupes résolubles : Théorème 11.11 (THÉORÈME DE HALL , 1928) Soit G un groupe résoluble d’ordre nm avec n et m premiers entre eux. Le groupe G possède un sous-groupe d’ordre n et tous les sous-groupes d’ordre n de G sont conjugués dans G. Exercice 11.1 Soit G un groupe et H G un sous-groupe distingué. Montrer que, pour tout i ∈ N, le groupe dérivé H (i) est distingué dans G. Exercice 11.2 Montrer qu’un groupe fini G non résoluble d’ordre minimal est un groupe non abélien simple. Exercice 11.3 Soit G un groupe fini d’ordre p2q 2 où p et q sont deux nombres premiers. Montrer que G est résoluble. Exercice 11.4 Donner les suites dérivées de A 4 , de S4 , de Q8 et de D n (n ∈ N). Exercice 11.5 (*) Soit G un groupe résoluble fini avec 1 < |G|. Dans cet exercice, on caractérise les sous-groupes distingués minimaux H de G (i.e. les sous-groupes {e} distingué dans G et distingués pour lesquels il n’existe pas de sous-groupe K = strictement inclus dans H) :
104
CHAPITRE 11. GROUPES RÉSOLUBLES 1. Montrer qu’il existe un sous-groupe distingué et résoluble H = {e} dans G qui est minimal. 2. Montrer qu’un tel sous-groupe H est abélien. 3. Montrer que l’ensemble des éléments d’ordre p du groupe abélien H est un sous-groupe caractéristique de H et en déduire que H est un groupe abélien dans lequel tous les éléments sont d’ordre p (on parle d’un p-groupe abélien élémentaire).
Exercice 11.6 (*) (Le radical résoluble de G) Montrer qu’un groupe fini G possède un unique sous-groupe résoluble distingué maximal H (qui contient tous les autres sous-groupes distingués résolubles de G). Montrer que H est un sous-groupe caractéristique de G. Exercice 11.7 Soit F un corps. Le but de cet exercice est de montrer que le sousgroupe B des matrices triangulaires supérieures de GL(n, F ) est résoluble. On note U k l’ensemble des matrices M ∈ GL(n, F ) triangulaires supérieures unipotentes (Mi,j = 0 pour i > j et M i,i = 1) avec M i,j = 0 pour i < j ≤ i + k. 1. Montrer que Uk /Uk+1 est isomorphe au groupe abélien
(F, +)n−k = (F, +) × (F, +) × · · · × (F, +) n−k
(considérer le morphisme qui envoie la première diagonale supérieure non nulle sur (F, +)n−k). 2. En déduire que l’ensemble U0 des matrices triangulaires supérieures unipotentes est résoluble. 3. Montrer que B /U 0 est isomorphe au groupe abélien (F ∗ , ×)n et en déduire que B est un groupe résoluble. Exercice 11.8 Soit G un groupe. On définit récursivement les groupes Zi (G) en posant Z0(G) = {e}. Pour 0 < i ∈ N, on choisit Zi+1(G) comme étant le sousgroupe de G contenant Zi (G) tel que Z i+1(G)/Z i(G) est isomorphe à Z (G/Zi(G)), le centre de G/Zi (G). 1. Justifier le fait que les groupes Zi (G) ci-dessus sont bien définis, et en particulier, que Zi (G) est un sous-groupe distingué de G. Calculer Z1 (G). Indication : théorème de correspondance des sous-groupes. 2. Un groupe G est appelé nilpotent s’il existe n ∈ N tel que Zn (G) = G. Montrer qu’un groupe nilpotent est résoluble. 3. Montrer que le groupe S3 est résoluble, mais qu’il n’est pas nilpotent.
Chapitre 12
Groupes abéliens de type fini La présentation du chapitre s’inspire de celle d’Armstrong dans [1]. Dans ce chapitre, nous utilisons la notation additive pour la loi de groupe abélien et nous notons 0 l’élément neutre.
12.1 Groupes abéliens libres, sous-groupe de torsion Définition 12.1 Un groupe G est dit de type fini s’il existe une partie finie de G qui engendre G. Tous les éléments d’un groupe de type fini G engendré par X ⊂ G s’écrivent comme des mots de longueur finie formés des éléments de X et de leurs inverses (proposition 1.9). Pour un groupe abélien A engendré par une partie finie {a1 , a 2, . . . , an} , il est possible de regrouper n les lettres d’un mot et donc d’écrire tout élément de A comme mot de la forme i=1 mi ai = m 1a 1 + m 2a2 + . . . + m nan avec mi ∈ Z. Un groupe abélien (A, +) de type fini ressemble un peu à un « espace vectoriel » sur Z, mais comme Z n’est pas un corps, on parle d’un Z-module. Considérons la loi de n composition Z × A → A donnée, pour n ≥ 0, par (n, a) → n · a = a + · · · + a et (−n, a) → (−n)·a = −(na). Cette loi de composition vérifie pour tout (a, b) ∈ A×A et pour tout (n, m) ∈ Z × Z les relations : n · (a + b) = n · a + n · b
(n + m) · a = n · a + m · a 1·a = a
(nm) · a = n · (m · a)
106
CHAPITRE 12. GROUPES ABÉLIENS DE TYPE FINI
Proposition 12.2
1. Un groupe fini est de type fini.
2. Le quotient par un sous-groupe distingué d’un groupe de type fini est de type fini. 3. Soit G un groupe et N un sous-groupe distingué de G. Si N et G/N sont de type fini, alors G est de type fini. 4. Un groupe abélien est de type fini si et seulement s’il est isomorphe à un quotient de Zn avec n ∈ N.
D ÉMONSTRATION . Un groupe fini est engendré par l’ensemble fini de ses éléments, d’où le 1 er point. Soit X ⊂ G un ensemble fini qui engendre le groupe G. Comme le morphisme canonique π : G → G/N est surjectif, tout élément de G/N est l’image d’un mots de longueur finie formés des éléments de X et de leurs inverses. Par conséquent, l’ensemble fini π(X ) ⊂ G/N engendre G/N. D’où le 2e point. engendre G/N. Supposons que l’ensemble fini X engendre N et que l’ensemble Y Comme le morphisme canonique π : G → G/N est surjectif, il existe un ensemble fini Y ⊂ G tel que π(Y ) = Y . Montrons que l’ensemble fini X ∪ Y engendre G. Considérons le sous-groupe H = X, Y de G. Comme N est contenu dans H , par la correspondance des sous-groupes (théorème 8.14) π −1(π(H)) = H. Comme Y est contenu dans H , nous avons aussi π(H ) = G/N et, par la correspondance des sous-groupes (théorème 8.14), H = π −1 (π(H)) = π −1 (G/N ) = G, nous obtenons le 3e point. Montrons le dernier point. Le groupe Z n avec n ∈ N est de type fini car engendré par les éléments (0, . . . , 0, 1, 0, . . . , 0). On vérifie que pour toute famille ) d’un groupe abélien A, l’application ϕa : Zn → A de n éléments a = (a1 , a2 , . . . , an défini par (m 1, m 2, . . . , mn ) → ni=1 m iai est un morphisme de groupes. Si A est engendré par {a1, a2 , . . . , a n}, alors le morphisme ϕ a est surjectif. Il en résulte que A est isomorphe au quotient Zn / ker(ϕ a). Le 2e point permet de conclure. Les définitions suivantes s’inspirent de l’algèbre linéaire. Définition 12.3 Soit A un groupe abélien, n ∈ N, a = (a1 , a 2, . . . , an ) une famille ϕ a : Zn → A le morphisme de groupes abéliens défini par de n éléments de A et (m1, m2 , . . . , mn ) → ni=1 mi a i. Le n-uplet a = (a1, a 2, . . . , a n) est 1. Z-linéairement indépendant (ou Z-libre) si le morphisme ϕa est injectif, 2. Z-générateur si le morphisme ϕa est surjectif, 3. une Z-base si le morphisme ϕ a est bijectif. Lorsqu’il existe une Z-base à n éléments, alors A est isomorphe à Zn , et on dit que A est abélien libre de rang n. Une famille finie n (a1 , a2 , . . . , a n ) est Z-linéairement indépendante si et seulement si toute relation i=1 m iai = 0 avec mi ∈ Z implique m1 = m2 = . . . = m n = 0. La différence majeure avec l’algèbre linéaire est qu’une Z-base n’existe pas toujours. Le
12.1. GROUPES ABÉLIENS LIBRES, SOUS-GROUPE DE TORSION
107
groupe trivial {0} à un élément est libre, de base ∅. Un groupe abélien fini A = {0} n’est jamais libre. En effet, une Z-base devrait contenir n ≥ 1 éléments et A serait isomorphe à Z n et donc d’ordre infini. Lemme 12.4 Les éléments a1 , a2 , . . . , an (avec n ∈ N) d’un Q-espace vectoriel sont Z-linéairement indépendants si et seulement s’ils sont linéairement indépendants sur Q. DÉMONSTRATION. Si les éléments a1, a 2, . . . , a n sont linéairement indépendants sur Q, alors ils sont Z-linéairement indépendants. Inversement, supposons que les éléments a 1, a2 , . . . , a n soient Z-linéairement indépendants et soit n mi i=1
qi
ai = 0
(avec
mi ∈ Q, q i = 0) qi
une relation à coefficients dans Q. En multipliant par relation n mi qj a i = 0 i=1
n
i=1 qi ,
nous obtenons la
j =i
à coefficients dans Z. Par conséquent, m i j=i q j = 0 pour tout i ∈ {1, . . . , n} ce qui implique mi = 0. Proposition 12.5 Dans un groupe abélien libre de type fini A, toutes les Z-bases possèdent le même nombre d’éléments. D ÉMONSTRATION. Si A possède une Z-base a = (a1 , a 2, . . . , a n) à n éléments, alors le Q-espace vectoriel m m m 1 Va = a1 + 2 a2 + . . . + n an | m i ∈ Z, q i ∈ Z∗ q1 q2 qn est de dimension n (lemme 12.4). L’unicité du nombre d’éléments d’une base d’un sous-espace vectoriel montré en algèbre linéaire implique que toute autre Z-base b possède également n éléments. La proposition montre que le rang d’un groupe libre est bien défini, c’est-à-dire qu’un même groupe ne peut pas avoir deux rangs distincts. Autrement dit, les groupes additifs Z n et Zm sont isomorphes si et seulement si m = n. EXEMPLE . Pour m = 0, le sous-groupe mZ de Z est lui aussi un groupe libre de rang 1. Théorème 12.6 Soit A un groupe abélien libre de rang r. Tout sous-groupe de A est libre de rang ≤ r.
108
CHAPITRE 12. GROUPES ABÉLIENS DE TYPE FINI
D ÉMONSTRATION . Identifions le groupe A au groupe Zr auquel il est isomorphe et procédons par récurrence sur r. Pour r = 1 , les sous-groupes deZ sont de la forme nZ (proposition 1.12). Pour n = 0, nous avons 0Z ∼ = Z0 et pour n = 0 l’exemple précédent montre que nZ est isomorphe à Z. Supposons le résultat vrai pour tout groupe libre de rang < r et considérons le morphisme de projection sur la dernière coordonnée : ϕ : Zr → Z, (m1, m 2, . . . , mr) → mr .
Puisque ker(ϕ) = {(m1 , . . . , mr−1 , 0)} est isomorphe à Zr−1 , le groupe ker(ϕ) est libre de rang r − 1. Pour un sous-groupe B ⊂ Zr, l’hypothèse de récurrence montre que B ∩ ker(ϕ) est libre de rang ≤ r − 1. Puisque le résultat est vrai pour r = 1, le groupe ϕ(B ) ⊂ Z est libre de rang ≤ 1. Si ϕ(B ) = {0} , alors B = B ∩ker(ϕ), ce qui permet de conclure. Sinon, considérons une Z-base (ϕ(y)) à 1 élément de Z = ϕ(Zr) et une Z-base (a1 , . . . , as) avec s ≤ r − 1 éléments de B ∩ ker(ϕ). Montrons que (a1, . . . , as , y) est une Z-base de B à ≤ r éléments. D’après la démonstration du point 3. de la proposition 12.2, en considérant la restriction de ϕ à B → ϕ(B) dont le noyau est B ∩ ker(ϕ), nous obtenons que (a 1, . . . , a s , y) est un système Zgénérateur de B. Pour montrer que la famille (a1, . . . , as , y) est Z-libre, supposons que si=1 m i ai + ms+1 y = 0 avec m i ∈ Z. Comme ϕ(
s
m iai + m s+1 y) = ms+1ϕ(y) = 0
i=1
B ), nous avons m s+1 = 0. Il en résulte que et sque ϕ(y) est une Z-base de ϕ( s i=1 m ia i + m s+1 y = 0 entraîne i=1 mia i = 0 et, comme (a1 , . . . , as) est une Z-base de B ∩ ker(ϕ) , nous obtenons m1 = m 2 = . . . = ms = 0. La propriété est donc vraie pour tous les nombres entiers naturels r. Dans un groupe abélien, l’ensemble des éléments d’ordre fini est un sous-groupe (cf. exercice 1.8). Définition 12.7 Soit A un groupe abélien.On appelle sous-groupe de torsion de A, et on note A tors, le sous-groupe des éléments d’ordre fini de A. Lorsque Ators = {0}, on dit que A est sans torsion. E XEMPLE . Le groupe additif (Q, +) est sans torsion. Proposition 12.8 Soit A un groupe abélien. Le groupe A/Ators est sans torsion. D ÉMONSTRATION . Comme le morphisme canonique π : A → A/A tors est surjectif, les éléments de A/Ators sont de la forme π(a) = a + Ators . Si π(a) = a + A tors est d’ordre n fini, alors n(a + Ators ) = na + Ators = 0 + Ators = Ators . Il en résulte que na ∈ A tors est d’ordre fini m, ce qui implique m(na) = (mn)a = 0. Par conséquent, a appartient à A tors , c’est-à-dire a + Ators = 0 + Ators , et le résultat s’ensuit.
12.2. THÉORÈME DE STRUCTURE
109
Proposition 12.9 Soit A un groupe abélien de type fini engendré par les éléments a1, a 2, . . . , an d’ordres finis respectifs s1 , s2, . . . , sn . Alors, le groupe A est fini et son ordre divise s1 s2 · · · sn et est divisible par le ppcm des si . DÉMONSTRATION. Le sous-groupe Ai = ai = {mi ai | mi ∈ Z} de A engendré par ai est fini d’ordre si . Considérons le morphisme ϕ:
A1 × A2 · · · × A n
→ A
(m 1a1, m 2a 2, . . . , mn an ) → m1 a1 + m2a2 + · · · + m na n Par hypothèse, ϕ est surjectif, car son image contient tous les ai. Donc, A est isomorphe à (A1 × A 2 · · · × A n )/ ker(ϕ) (1er théorème d’isomorphisme 5.15), et comme l’ordre de A1 × A2 · · · × A n vaut s1 s 2 · · · sn , l’ordre de A divise s 1 s2 · · · sn . D’après le théorème de Lagrange 3.12, l’ordre si du sous-groupe A i de A divise l’ordre de A et donc le ppcm des s i aussi. Corollaire 12.10 Un groupe abélien A de type fini est un groupe fini si et seulement si A = Ators .
12.2 Théorème de structure Rappelons que nous suivons ici la nomenclature anglaise dans laquelle un groupe cyclique peut être d’ordre infini, c’est-à-dire monogène dans la littérature française (cf. définition 1.6). Un groupe abélien A de type fini possède toujours un système Z-générateur (a 1, a2 , . . . , a s) minimal, c’est-à-dire de cardinal minimal (rappelons que tout sousensemble non vide de N contient un plus petit élément). Tout élément b ∈ A s’écrit alors b = n1 a1 + n2a2 + · · · + ns as avec ni ∈ Z et est un mot formé des ai . Une condition de la forme 0 = n1 a1 + n2 a2 + · · · + ns as est appelée relation entre les générateurs. Pour tout entier q, le système ((a1 + qa2), a 2, . . . , a s) est lui aussi un système Z-générateur minimal, car tout mot n 1a 1 + n2 a2 + · · · + ns a s peut aussi s’écrire n1 (a1 + qa 2 ) + (n 2 − qn1)a2 + · · · + n sa s.
(12.1)
Théorème 12.11 Tout groupe abélien A de type fini est isomorphe à un produit direct de groupes cycliques de la forme Z/m1 Z × Z/m2 Z × · · · × Z/mk Z × Z r où r et k sont dans N et où les mi sont des entiers naturels non nuls tels que mi divise mi+1 pour i ∈ {1, . . . , k − 1}.
110
CHAPITRE 12. GROUPES ABÉLIENS DE TYPE FINI
D ÉMONSTRATION . Notons (a1 , a2 , . . . , a s) un système Z-générateur minimal de A. Si la seule relation de la forme 0 = n 1a1 + n2 a2 + · · · + n sa s est celle où n1 = n 2 = · · · = ns = 0, alors (a1, a 2 , . . . , as) est une Z-base et A ∼ = Zs . Sinon, il existe une relation 0 = n 1a1 + n 2a2 + · · · + ns a s dont les coefficients ni ne sont pas tous nuls. Considérons l’ensemble de tous les coefficients n i de toutes les relations de la forme 0 = n1 a1 + n2 a2 + · · · + ns as pour tous les systèmes Z-générateurs minimaux (a 1, a 2 , . . . , as ) de A. Dans cet ensemble, il existe un coefficient positif ni non nul minimal (rappelons que tout sous-ensemble non vide de N contient un plus petit élément). Choisissons maintenant un système Z-générateur minimal, toujours encore noté (a1, a2, . . . , as), possédant la propriété supplémentaire de contenir une relation où ce coefficient positif non nul minimal apparaît. Quitte à réarranger les générateurs ai, supposons également que ce coefficient positif non nul minimal apparaisse dans une relation comme coefficient de a 1 et notons le m1 . Dans une relation de la forme 0 = m1 a1 + n2 a2 + · · · + ns as où le coefficient minimal m1 de a1 est présent, effectuons pour i ∈ {2, . . . , s} la division euclidienne ni = qi m 1 + ri avec 0 ≤ r i < m1 . Il en résulte que 0 = m1 (a1 + q iai ) + n2 a2 + · · · + (ni − qi m1)ai + ni+1ai+1 + · · · + n sas = m1 (a1 + q iai ) + n2 a2 + · · · + + ni+1 ai+1 + · · · + ns as. ri ai Si ri = 0, alors pour le système Z-générateur minimal ((a1 + qai ), a2 , . . . , a s ) la relation ci-dessus contredit la minimalité de m 1. Donc, dans toute relation où le coefficient minimal m1 de a1 est présent, les autres coefficients doivent être de la forme ni = qi m1 . Partons d’une telle relation 0 = m 1a1 + n2 a2 + · · · + nsas et considérons le nouveau système Z-générateur minimal (z 1 , a2, . . . , as ) avec z 1 = a1 +q2 a 2 +q 3a3 +· · · + q sas . Dans ce nouveau système générateur, la relation devient 0 = m 1 z1 . La minimalité de m 1 montre que z 1 est d’ordre m1 . Puisque les sousgroupes H = z1 et A 1 = a2 , . . . , as sont distingués dans le groupe abélien A, l’ensemble HA1 est un sous-groupe de A (théorème 8.4). Comme HA1 contient un système Z-générateur de A, nous obtenons A = HA1 = {h + a|h ∈ H, a ∈ A 1}. L’élément z1 ne peut pas appartenir à A 1 car cela contredirait la minimalité du système générateur (puisque tout élément de A pourrait alors s’écrire comme combinaison de a2 , . . . , as ), et si mz 1 appartenait à H ∩A 1 avec1 < m < n1 , la relation qui résulterait de mz1 = n2a2 + · · · + nsas contredirait la minimalité de m1 . Par conséquent, A 1 ∩ H = {0} et nous obtenons les isomorphismes A ∼ = H × A1 ∼ = (Z/m1Z)×A 1 (théorème 8.4), où m1 est le coefficient positif non nul minimal apparaissant dans une relation de tout système Z-générateur minimal de A, et A1 possède un système Z-générateur minimal à (s − 1) éléments. Nous venons de montrer que si A n’est pas isomorphe à Zs, alors une telle décomposition existe toujours. A présent, montrons le théorème. Le groupe A possède un système Z-générateur minimal à s éléments. Soit A est isomorphe à Zs , ce qui permet de conclure, soit il existe une décomposition A ∼ = (Z/m 1Z) × A1 de la forme ci-dessus. Si
12.2. THÉORÈME DE STRUCTURE
111
A 1 est isomorphe à Zr, alors le groupe A est isomorphe à Z/m 1Z × Z r, ce qui termine la démonstration. Sinon le groupe A 1 est isomorphe à (Z/m2Z) × A 2 où m2 est le coefficient positif non nul minimal apparaissant dans une relation d’un système Z-générateur minimal, que nous notons (a2, . . . , a s ), de A1 . Dans ce cas A ∼ = (Z/m 1 Z) × (Z/m2 Z) × A2 . Le coefficient m2 apparaît dans une relation m2a2 + n3a 3 + · · · ns as du système générateur minimal (a2, a 3 , . . . , as ) de A 1 . Comme (z1 , a 2, a3 , . . . , as ) est alors un système générateur minimal de A et que m1z 1 + m2 a2 + n3 a3 + · · · + ns a s = 0 est une relation dans laquelle m1 et m2 apparaissent, on doit avoir m1 divise m 2. En continuant de cette façon, puisque le nombre d’éléments d’un Z-générateur minimal diminue à chaque étape, nous obtenons le résultat. Notre objectif est maintenant de montrer que les nombres r, k, m 1, . . . , m k caractérisent un groupe abélien de type fini de manière unique à isomorphisme près. EXEMPLE. Soit A = Z/24Z × Z/38Z × Z/21Z. Grâce au théorème chinois 8.8, il est toujours possible de décomposer et de regrouper des facteurs A = Z/24Z × Z/38Z × Z/21Z ∼ = (Z/3Z × Z/8Z) × (Z/2Z × Z/19Z) × (Z/3Z × Z/7Z) ∼ = (Z/2Z × Z/3Z) × (Z/8Z × Z/19Z × Z/3Z × Z/7Z) ∼ =
Z/6Z × Z/3192Z
Les nombres r = 0, k = 2, m1 = 6 et m 2 = 3192 caractérisent le groupe A à isomorphisme près.
Proposition 12.12 Soit A = Z/m 1Z × Z/m2 Z × · · · × Z/mk Z et q ∈ N. Le nombre de solutions de l’équation q · x = 0 dans A est égal au produit pgcd(m 1 , q) · pgcd(m2, q) · . . . · pgcd(m k , q) D ÉMONSTRATION . Pour k = 1, l’ensemble des solutions est le noyau du morphisme ϕ q : Z/m1Z → Z/m 1Z donné par a → q · a . Puisque Z/m1Z est un groupe cyclique, l’image et le noyau de ϕq sont des groupes cycliques (théorème 8.14 et corollaire 3.16). On vérifie que l’ordre de l’image est m 1 / pgcd(m1 , q). De ce fait le noyau est d’ordre pgcd(m 1, q). Pour k > 1, une solution est de la forme (r1 , . . . , rk ) avec q · (r1, . . . , r k) = (0, . . . , 0). Ainsi, il y a pgcd(mi , q) possibilités pour la i e coordonnée, ce qui donne le nombre voulu.
112
CHAPITRE 12. GROUPES ABÉLIENS DE TYPE FINI
Théorème 12.13 Si un groupe G1 = Z/m 1Z × Z/m 2Z × · · · × Z/mk Z × Zr où r et k sont dans N et où les mi sont des entiers naturels non nuls tels que mi divise mi+1 pour i ∈ {1, . . . , k − 1} est isomorphe à un groupe G 2 = Z/n 1Z × Z/n 2 Z × · · · × Z/n Z × Z t avec des conditions analogues, alors k = , r = t et mi = ni . D ÉMONSTRATION . Supposons ≤ k . Puisqu’un isomorphisme transforme un élément d’ordre fini en un élément d’ordre fini, les deux sous-groupes de torsion respectifs H1 = Z/m 1 Z × · · · × Z/mkZ × {e} et H2 = Z/n1 Z × · · · × Z/n Z × {e} doivent aussi être isomorphes. Calculons le nombre de solutions de l’équation m1 x = e. La proposition 12.12 appliquée avec l’entier positif q = m 1 respectivement à H 1 et H 2 nous fournit l’égalité m k1 = pgcd(n1 , m1 ) · pgcd(n2 , m1 ) · · · pgcd(n , m1 ). Comme pgcd(ni, m1) ≤ m 1 , on doit avoir k = et m 1|n1 . En inversant les rôles de m1 et de n 1, nous obtenons la condition n1 |m 1. Si bien que m 1 = n1 . En appliquant successivement la proposition 12.12 avec q = m i pour i ∈ {2, . . . , }, nous obtenons : i−1 s=1
ms
k−(i−1) mi
= =
i−1
s=1 i−1 s=1
pgcd(ms , mi ) pgcd(ni , mi ) · · · pgcd(nk, mi ) ms · pgcd(n i, mi ) · · · pgcd(nk , mi ).
Nous pouvons donc, comme ci-dessus, conclure à l’égalité mi = ni pour tout i dans {2, . . . , }. En particulier, k = . À présent, considérons les projections G1 → Zr et G2 → Z t sur les derniers facteurs. Comme les morphismes sont surjectifs et que les noyaux sont H1 et H2 , nous en déduisons que Z r est isomorphe à G 1/H 1 et Z t à G 2/H2 (1er théorème d’isomorphisme 5.15). Comme l’isomorphisme entre G1 et G2 envoie H1 sur H2 , les groupes G 1 /H1 et G2 /H2 sont isomorphes. Par conséquent, Zr est isomorphe à Z t, si bien que r = t (cf. théorème 12.6). Les théorèmes 12.11 et 12.13 nous permettent d’énoncer le résultat suivant. Théorème et définition 12.14 (S TRUCTURE DES GROUPES ABÉLIENS DE TYPE FINI ) Tout groupe abélien A, de type fini, est isomorphe à un groupe de la forme Z/m1 Z × Z/m 2Z × · · · , × Z/m kZ × Z r où r et k sont dans N et où les mi sont des entiers naturels non nuls tels que m i divise m i+1 pour i ∈ {1, . . . , k − 1}. Les entiers r, k, m 1, . . . , m k sont déterminés de manière unique par le groupe A ; ce sont, par définition, les invariants du groupe A.
12.3. CALCUL DES INVARIANTS
113
Il existe d’autres décompositions que celle présentée dans le théorème 12.13. Par exemple, un groupe abélien fini est produit direct de ses sous-groupes de Sylow (cf. exercice 9.13). Cette décomposition en « composantes primaires » s’obtient, à partir du théorème 12.11, en dissociant les facteurs à l’aide du théorème chinois 8.8, puis en regroupant ceux dont l’ordre est une puissance du même nombre premier. Exemple 12.15 Considérons le groupe A = Z/5Z × Z/5Z × Z/90Z dont l’ordre est 2250 = 2 · 32 · 5 3 . A ∼ = Z/5Z × Z/5Z × Z/2Z × Z/32 Z × Z/5Z ∼ = Z/2Z × Z/32 Z × (Z/5Z × Z/5Z × Z/5Z) Définition 12.16 On appelle exposant d’un groupe fini G, le ppcm des ordres des éléments de G. Corollaire 12.17 Soit A un groupe abélien fini d’exposant m. Alors, A contient un élément d’ordre m. DÉMONSTRATION. D’après le théorème 12.11, nous savons que A est isomorphe à un produit A ∼ = Z/m 1Z × Z/m 2 Z × · · · × Z/mk Z avec mi |m i+1 pour i < k. L’élément (0, . . . , 0, 1) est d’ordre m k. Puisque mi |mi+1 pour tout i < k, tout élément (a 1, . . . , a k ) de Z/m1 Z × Z/m2 Z × · · · × Z/m k Z vérifie la relation : mk · (a 1, . . . , a k ) = (mk a1, . . . , mk a k ) = (0, . . . , 0) = 0. L’ordre de a doit donc diviser mk . Il en résulte que l’exposant de A est égal à mk.
12.3 Calcul des invariants Rappelons qu’à tout système Z-générateur a = (a1, a2, . . . , an ) fini d’un groupe abélien A de type fini, correspond un morphisme surjectif ϕ a : Z n → A donné n par (m 1, m2 , . . . , m n) → i=1 mi ai. Le groupe A est isomorphe au groupe quon er tient Z / ker(ϕa) (1 théorème d’isomorphisme 5.15, proposition 12.2). L’image par ϕ a de la Z-base canonique de Z n est le système Z-générateur a, et un n-uplet m n= (m1 , m2, . . . , mn) du noyau ker(ϕa ) correspond aux coefficients d’une relation i=1 miai = 0 à coefficients dans Z entre les générateurs. Comme le sous-groupe ker(ϕ a ) de Zn est également libre de rang au plus n (théorème 12.6), tout groupe abélien de type fini peut être représenté par un nombre fini de générateurs et un nombre fini de relations entre ces générateurs (cf. annexe A). Dans ce paragraphe, nous nous intéressons au calcul des invariants d’un groupe abélien de type fini donné par un nombre fini de générateurs et un nombre fini de relations entre ces générateurs. L’algorithme que nous allons esquisser peut également servir de démonstration du théorème de structure des groupes abéliens de type fini 12.14.
114
CHAPITRE 12. GROUPES ABÉLIENS DE TYPE FINI
E XEMPLE. Considérons le groupe abélien de type fini A engendré par le système Z-générateur a = (a 1, a2, a3) tel que le noyau ker(ϕ a) du morphisme surjectif ϕa : Z3 → A donné par (m1 , m2 , m3 ) → m1 a1 + m 2a 2 + m3 a3 est engendré par les éléments (3, 5, −3) et (4, 2, 0) de Z 3. Toute relation entre les générateurs a 1, a2 , a3 est une combinaisons Z-linéaire des deux relations 3a1 + 5a2 − 3a3 = 0 et 4a1 + 2a2 = 0 dont les coefficients sont les générateurs du noyau ker(ϕa ). La méthode de calcul des invariants du groupe A que nous proposons consiste à modifier le système Zgénérateur a, afin d’obtenir un nouveau système Z-générateur b , de telle sorte que les générateurs de ker(ϕb ) contiennent chacun au plus un seul coefficient non nul. Pour le groupe A ci-dessus, l’algorithme va produire un système Z-générateur b = (b 1 , b2, b3) qui décrit le groupe A par les relations 1b1 = 0, 2b2 = 0. Donc, A est aussi isomorphe à Z 3/ ker(ϕ b ) où ker(ϕ b ) est le sous-groupe du groupe libre Z 3 engendré par (1, 0, 0) et (0, 2, 0). Le sous-groupe ker(ϕb) = (1, 0, 0), (0, 2, 0) de Z 3 est isomorphe au produit direct des sous-groupes engendrés par (1, 0, 0) et (0, 2, 0) , c’est-à-dire de Z × {e} × {e} et {e} × 2Z × {e} (théorème 8.4). Donc, ker(ϕ b ) est isomorphe à Z × 2Z × {e} et par conséquent A est isomorphe à Z 3/ (Z × 2Z × {e}). Il en résulte que A est isomorphe à {e} × Z/2Z × Z ∼ = Z/2Z × Z (proposition 8.2), ce qui donne la forme cherchée du théorème de structure des groupes abéliens de type fini 12.14. Le changement de système Z-générateur a permis de « découpler » le système. En effet, nous sommes passés, du système Z-générateur a avec les relations
3a1 +5a2 −3a 3 = 0 4a1 +2a2 =0
(12.2)
pour lequel la matrice du système est
a1 a 2
3 4 a3 5 2 = 0 0 , −3 0
à un nouveau système Z-générateur b = (b1, b2 , b3 ) avec le système linéaire de relations 1b 1 = 0, 2b 2 = 0 pour lequel la matrice du système est diagonale :
b1 b 2
1 0 b3 0 2 = 0 0 . 0 0
L’algorithme que nous allons présenter est une forme de « diagonalisation » de matrices sur Z. Considérons le groupe abélien A, de type fini, donné par un nombre fini s de relan tions j=1 mi,j aj entre les éléments d’un système Z-générateur a = (a1 , a2, . . . , a n). Ce système linéaire de relations qui caractérise le groupe A, correspond à l’équation
12.3. CALCUL DES INVARIANTS → − matricielle aM = 0 avec la Z-matrice m 1,1 m1,2 · · · m1,s m 2,1 m2,2 · · · m2,s M = . .. .. .. .. . . . mn,1 mn,2 · · · mn,s
115
.
(12.3)
Les coefficients d’une relation correspondent alors à une colonne de M . Les quatre opérations suivantes, consistant à multiplier la matrice M à gauche ou à droite par une matrice à coefficients dans Z, modifient le système de Z-générateurs de A sans modifier le groupe A : 1. Permuter les lignes, respectivement les colonnes de M . Cette opération revient à permuter les générateurs ai , respectivement les relations. 2. Changer le signe d’une ligne, respectivement d’une colonne. Cette opération revient à changer le signe d’un générateur ai , respectivement multiplier une relation par −1. 3. Retrancher un Z-multiple de la colonne k = j à la colonne j. Cette opération revient à ajouter un multiple entier de la ie relation à la je relation.
4. Retrancher un Z-multiple de la ligne k = j à la ligne j . Cette opération revient à remplacer le générateur aj par le générateur a j + λak (cf. relation (12.1)). Le procédé est une variante sur Z du pivot de Gauss. Dans le cas d’un corps, elle aboutirait à une matrice avec des 1 sur la diagonale, traduisant le théorème de la base incomplète. Le fait que dans Z, il n’est possible de diviser que par ±1, rend les choses plus intéressantes. Théorème 12.18 Une matrice M, de la forme (12.3) à coefficients dans Z avec n, s deux entiers positifs, peut être transformée, par un nombre fini d’opérations du type 1, 2, 3 et 4, en une matrice diagonale dont les coefficients diagonaux vérifient les conditions mi,i |mi+1,i+1 pour i ∈ {1, . . . , k} avec k = min(n, s). DÉMONSTRATION. Considérons une matrice M de la forme (12.3) à coefficients dans Z. Si tous les coefficients de M sont nuls, nous pouvons conclure. Supposons maintenant que les coefficients de M ne sont pas tous nuls. 1. Via des échanges de lignes et de colonnes plaçons le coefficient non nul de valeur absolue minimale en 1re position m1,1 . Après multiplication éventuelle de la 1re ligne par −1, nous pouvons supposer m 1,1 > 0.
2. Dans la première ligne, cherchons les coefficients non nuls m1,j qui ne sont pas divisibles par m 1,1 et effectuons la division m 1,j = qj · m 1,1 + rj (avec 0 < r j < m1,1 ). Puis soustrayons qj fois la 1re colonne à la j e colonne, et échangeons ensuite les colonnes 1 et j pour remplacer m1,1 par r j (que nous
116
CHAPITRE 12. GROUPES ABÉLIENS DE TYPE FINI notons désormais m1,1 ). Comme la suite des coefficients m1,1 est strictement décroissante et positive, nous aboutissons nécessairement à un m 1,1 qui divise tous les m1,j . Par soustraction du multiple correspondant de la 1re colonne à la je colonne avec m1,j = 0, nous avons m1,j = 0 pour tous les j > 1. 3. En opérant de manière analogue sur les colonnes, nous obtenons mj,1 = 0 pour tout j > 1 et la matrice M est devenue 0 ··· 0 m1,1 0 2,s m 2,2 · · · m M = . . . . . .. .. .. .. 0
n,s m n,2 · · · m
ajoutons la ie ligne à la première i,j de M, 4. Si m 1,1 ne divise pas une entrée m m1,1 m i,2 · · · m i,s 0 m 2,2 · · · m 2,s i = M .. .. .. .. . . . . 0
m n,2 · · · m n,s
i . Comme la suite et recommençons l’étape 1 avec cette nouvelle matrice M des coefficients m1,1 est strictement décroissante et positive, ceci nous donne un m 1,1 qui divise tous les coefficients m i,j d’une matrice de la forme M. 5. Si la matrice ainsi obtenue n’est pas déjà (miraculeusement) sous la forme cherchée, nous appliquons le processus précédent, à partir du début, à la matrice 2,s m 2,2 · · · m .. .. .. . . . . n,s m n,2 · · · m
E XEMPLE . Considérons le groupe abélien A dont les générateurs a1 , a2, a 3 satisfont aux relations 3a1 +5a2 −3a 3 = 0 4a1 +2a2 =0 qui correspondent aux système 12.2. Par échanges de lignes et de colonnes, plaçons 2 en 1 re position. Soustrayons 2 fois la 1re colonne de la 2e , puis échangeons les deux colonnes. Comme 1 divise alors tous les coefficients de la 1re colonne et de la 1re ligne, Recommençons alors l’étape 1 sur nous mettre la matrice sous forme M. pouvons 14 : 6 3 4 2 5 2 1 1 2 1 0 5 2 4 3 4 −5 −5 4 −5 14 −3 0 0 −3 0 −3 −3 0 −3 6
12.3. CALCUL DES INVARIANTS
117
1 0 1 0 1 0 1 0 1 0 0 14 0 6 0 6 0 2 0 2 0 6 0 14 0 2 0 6 0 0 Avec les arguments de l’exemple précédent, nous obtenons que A est isomorphe à Z 3/ (Z × 2Z × {e}), et donc à {e} × Z/2Z × Z ∼ = Z/2Z × Z (proposition 8.2). Vérifions ces calculs à l’aide de M AGMA : > F := FreeAbelianGroup(3) ; > A := quo< F | 3 *a1 +5* a2 -3*a3, 4 *a1 +2* a2 > ; > A; Abelian Group isomorphic to Z/2 + Z Defined on 2 generators Relations : 2 *A.1 = 0
Dans M AGMA A.1 et A.2 sont les noms des nouveaux générateurs. Exercice 12.1 (*) Montrer que (R, +) et (Q, +) ne sont pas de type fini. Exercice 12.2 Soit H ⊂ Z2 le sous-groupe engendré par {(2, −2), (6, 10)}. Montrer que Z 2/H est isomorphe au groupe Z/16Z × Z/2Z. Exercice 12.3 Considérons les sous-groupes H = (2, 3, 5), (−3, 1, −2), (5, 2, 0) et K = (4, 8, 10), (−6, 6, 0), (6, 6, 12), (−2, 14, 10) de Z3 . Montrer que Z3 /H ∼ = 3 /K ∼ Z/77Z et Z = Z/12Z × Z/6Z × Z/2Z. Exercice 12.4 Trouver les invariants des groupes suivants : 1. Z/10Z × Z/15Z × Z/20Z 2. Z/28Z × Z/42Z
3. Z/9Z × Z/14Z × Z/6Z × Z/16Z
4. Z/5Z × Z/100Z × Z/6Z × Z/10Z Exercice 12.5 Pour n ∈ {1, 2, 3}, calculer le nombre de groupes commutatifs d’ordre 2 n, 5 n et 10n à isomorphisme près. Exercice 12.6 Donner (en justifiant la réponse !) tous les groupes abéliens d’ordre 340 à isomorphisme près. Exercice 12.7 Soit G un groupe abélien d’ordre 100. Montrer que G doit contenir un élément d’ordre 10. Quels sont les invariants de G, si dans G, l’ordre d’un élément est toujours ≤ 10 ?
118
CHAPITRE 12. GROUPES ABÉLIENS DE TYPE FINI
Exercice 12.8 Soit G un groupe abélien d’ordre 360 qui ne contient pas d’éléments d’ordre 12 ni d’éléments d’ordre 18. Trouver les invariants de G. Combien d’éléments d’ordre 6 y a-t-il dans G ? Exercice 12.9 Trouver une base du sous-groupe H = {(a, b, c) | a+b+c = 0} de Z3 . Exercice 12.10 Déterminer les invariants du groupe abélien A dont les générateurs a, b, c satisfont aux relations 3a +3b +5c = 0 3a +6b +4c = 0 2a +2b +4c = 0 2a −4b +2c = 0 , 1) 2) 2a +6b +6c = 0 3a −2b +2c = 0 3a −5b +5c = 0
Chapitre 13
Groupes linéaires Les groupes linéaires apparaissent dans de nombreux domaines des mathématiques et de la physique. Tout comme les groupes de permutations, ils sont une vaste source d’exemples et de contre-exemples. Dans ce chapitre, F dénote un corps, V un Fespace vectoriel de dimension finie, GL(V ) le groupe des applications linéaires inversibles et Hom(V, F ) le F-espace vectoriel des formes linéaires sur V , c’est-à-dire les applications linéaires de V dans F . Le noyau d’une forme linéairef ∈ Hom(V, F ) non nulle est un hyperplan, à savoir un sous-espace de dimension dim(V ) − 1.
13.1 Générateurs du groupe linéaire Définition 13.1 Soit F un corps et V un F -espace vectoriel de dimension finien ≥ 2. Une application ϕ ∈ GL(V ) est appelée — une homologie linéaire si elle admet un hyperplan de points fixes ; — une dilatation si elle est une homologie linéaire de déterminant = 1 ; — une transvection si elle est une homologie linéaire de déterminant égal à 1. Proposition et définition 13.2 (Dilatations) Soit F un corps, V un F-espace vectoriel de dimension finie n ≥ 2 et ϕ ∈ GL(V )une homologie linéaire. Notons W ⊂ V l’hyperplan de points fixes de ϕ. Les assertions suivantes sont équivalentes : 1. Le déterminant de ϕ est différent de 1 et il existe une base dans laquelle la matrice de ϕ est diagonale de la forme diag(1, 1, . . . , 1, λ) avec λ = 1; 2. L’application ϕ est diagonalisable et elle admet une valeur propre λ = 1.
3. L’image im(ϕ − Id) de l’application linéaire ϕ − Id n’est pas incluse dans W .
On dit alors que ϕ est une dilatation d’hyperplan W , de droite im(ϕ − Id) ⊂ W et de rapport λ.
120
CHAPITRE 13. GROUPES LINÉAIRES
D ÉMONSTRATION . L’implication « 1. entraîne 2. » est immédiate. Montrons que « 2. implique 3. ». L’application (ϕ − Id) est de rang 1. Si v ∈ V engendre l’espace propre associé à λ, alors (ϕ − Id)(v) = (λ − 1)v = 0. Donc im(ϕ − Id) est engendré par v et n’est pas inclus dans W. Montrons que « 3. implique 1. ». Comme W est contenu dans ker(ϕ − Id) et comme ϕ n’est pas l’identité, nous savons que dim(im(ϕ − Id)) = 1. Puisque l’image im(ϕ − Id) n’est pas contenue dans W , un générateur v de im(ϕ − Id) complète toute base de W en une base de V . Comme (ϕ− Id)(v) = ρ · v avec 0 = ρ ∈ F , nécessairement ϕ(v) = (ρ +1) · v avec ρ+ 1 = 1. Dans cette base, la matrice de ϕ est diagonale et le déterminant de ϕ vaut ρ + 1 = 1. Proposition et définition 13.3 (Transvections) Soit F un corps, V un F-espace vectoriel de dimension finie n ≥ 2, et ϕ ∈ GL(V ) une homologie linéaire dont l’ensemble des points fixes est un hyperplan W ⊂ V (en particulier ϕ = id). Les assertions suivantes sont équivalentes : 1. Le déterminant de ϕ vaut 1, c’est-à-dire ϕ est une transvection. 2. L’homologie linéaire ϕ n’est pas diagonalisable. 3. L’image im(ϕ − Id) de l’application linéaire ϕ − Id est incluse dans W .
4. Pour toute forme linéaire f ∈ Hom(V, F ) sur V de noyau ker(f ) = W , il existe un vecteur w ∈ W tel que ϕ(v ) = v + f (v )w pour tout v ∈ V . 5. Il existe une base dans laquelle la matrice de ϕ est de la forme 1 0 0 ··· 0 .. . . . . . . . . . . . .. . 0 · · · 1 0 0 T = . . 0 . 0 1 1 0 ··· ··· 0 1
(13.1)
Nous notons tf,w la transvection ϕ(v) = v + f (v)w associée à la forme linéaire non nulle f ∈ Hom(V, F ) et au vecteur w ∈ ker(f ) \ {0}. D ÉMONSTRATION . L’équivalence des trois 1ers points est immédiate. Montrons que « 3. implique 4. ». Complétons une base de W en une base de V par un vecteur v de V \ W . Puisque v n’appartient pas au noyau de f sa valeur α = f (v) en v est non nulle. Pour v1 = (1/α)v , nous avons f (v 1 ) = 1. Posons w = ϕ(v1) − v 1 et définissons l’application linéaire ψ sur V par ψ(v) = v + f (v)w et ψ(v ) = v si v ∈ W . Les applications linéaires ψ et ϕ coïncident sur W et en v1 ; elles coïncident donc sur V tout entier. Montrons que « 4. implique 5. ». Considérons une base de W de la forme (e1, . . . , e n−2 , en−1 = w). Notons v1 un élément de V \ W tel que f (v 1) = 1. Le système de vecteurs (e 1, . . . , e n−2, en−1 , en = v 1 ) est une base de V et il satisfait aux conditions ϕ(ei ) = ei pour 1 ≤ i ≤ n − 1 et ϕ(en) = en−1 + e n.
13.1. GÉNÉRATEURS DU GROUPE LINÉAIRE
121
D’où, la forme de la matrice (13.1) souhaitée. Le 1er point découle immédiatement du dernier. D’où le résultat 1 ⇔ 2 ⇔ 3 ⇒ 4 ⇒ 5 ⇒ 1. Lemme 13.4 Soit F un corps, V un F -espace vectoriel de dimension finie n ≥ 2 , ϕ un élément de GL(V ) et tf,w une transvection avec f ∈ Hom(V, F ) non nulle et w ∈ ker(f ) \ {0}. Alors, f ϕ−1 ∈ Hom(V, F ), ϕ(w) ∈ ker(f ϕ −1 ) \ {0} et ϕ ◦ tf,w ◦ ϕ−1 = tf ϕ−1 ,ϕ(w). En particulier, dans GL(V ), le conjugué d’une transvection est une transvection. DÉMONSTRATION. La composée f ϕ−1 est une forme linéaire dont le noyau est l’hyperplan ϕ(ker(f )). Par conséquent ; ϕ(w), qui est dans ϕ(ker(f )) puisque w appartient à ker(f ), appartient à ker(f ϕ −1 ). Comme tf,w (v) = v + f (v )w pour tout v ∈ V , nous avons ϕ ◦ t f,w ◦ ϕ−1 (v) = ϕ ◦ tf,w ◦ ϕ −1(v) = ϕ ϕ−1 (v) + f (ϕ−1 (v)) · w = v + f ϕ−1 (v) · ϕ(w) = tf ϕ −1,ϕ(w) (v). D’où le résultat. Notons Ei,j la matrice dont tous les coefficients sont nuls sauf celui de la ie ligne et de la j e colonne qui vaut 1. La multiplication d’une matrice M par une matrice de transvection id +λE i,j à gauche a pour effet de remplacer la ligne L i de M par la ligne L i + λL j . La multiplication à droite a pour effet de remplacer la colonne Cj de M par la colonne C j + λCi . Proposition 13.5 Soit F un corps et n un entier ≥ 2. Les transvections engendrent SL(n, F ). Les transvections et les dilatations engendrent GL(n, F ). D ÉMONSTRATION. Remarquons tout d’abord que les transvections et les dilatations sont des éléments de GL(n, F ). Soit M = (ai,j ) ∈ GL(n, F ). En multipliant M à gauche par des matrices de transvection id +λE i,j avec λ ∈ F ∗ , effectuons des manipulations élémentaires sur les lignes, de sorte que la 1 re colonne ne contienne qu’un seul coefficient non nul, le 1 er, que nous notons encore a1,1 . Quitte à additionner une ligne convenable à la 1 re ligne, nous pouvons supposer quea1,2 est non nul puisque, M étant inversible, sa 2e colonne n’est pas identiquement nulle ; puis, en multipliant à droite par des matrices de transvection, nous pouvons ajouter (1 − a1,1 )/a1,2 fois la 2 e colonne à la 1 re pour obtenir a 1,1 = 1 et enfin réduire à zéro les a1,i avec i > 1. Procédant par récurrence, en notant que l’étape de normalisation à 1 de a i,i n’est pas
122
CHAPITRE 13. GROUPES LINÉAIRES
possible pour an,n , nous pouvons transformer M en 1 0 ··· ··· 0 0 1 0 ··· 0 .. .. .. .. .. . . . . MD = . . . 0 . 0 1 0 0 ··· ··· 0 a
(a ∈ F ∗ ).
Il existe donc des matrices de transvections t 1 , t2 , . . . , tm+s telles que t 1 t2 . . . t m M tm+1tm+2 . . . tm+s = MD . De ce fait −1 −1 −1 −1 −1 M = t−1 m · · · t2 t 1 M Dt m+s . . . t m+2tm+1 .
Le déterminant d’une transvection est 1, si bien que det(M ) = det(MD) = a. Si M appartient à SL(n, F ) , alors a = 1 et MD = id, ce qui permet de conclure que les transvections engendrent SL(n, F ) . Si la matrice M n’appartient pas à SL(n, F ), alors la matrice MD est une dilatation et nous pouvons conclure que les transvections et les dilatations engendrent GL(n, F ). Proposition 13.6 Soit F un corps. Le centre de GL(n, F ) et le centre de SL(n, F ) sont respectivement l’ensemble des matrices scalaires de chacun de ces groupes. D ÉMONSTRATION . Pour n = 1, il n’y a rien à montrer. Supposons donc que l’entier n est ≥ 2. Si ϕ appartient à Z(SL(n, F )) ou à Z(GL(n, F )), alors toute transvection t f,u vérifie t f,u ϕ = ϕtf,u et tf,u = ϕt f,u ϕ−1 = t f ϕ−1 ,ϕ(u) . Il en résulte que pour tout vecteur non nul u de V , les vecteurs u et ϕ(u) définissent la même droite. Donc, toutes les droites de V sont invariantes sous l’action de ϕ, c’est-à-dire que ϕ est une multiplication scalaire.
13.2 Groupe dérivé Proposition 13.7 Soit F un corps et n un entier ≥ 2. Toutes les transvections sont conjuguées dans GL(n, F ). Plus précisément, 1. Pour n ≥ 3, les transvections sont conjuguées dans SL(n, F ).
2. Pour n = 2, la matrice d’une transvection de SL(2, F ) est conjuguée dans SL(2, F ) à une matrice de la forme
1 a 0 1
avec a ∈ F .
D ÉMONSTRATION . La proposition 13.3 montre que la matrice A d’une transvection tf,w est conjuguée dans GL(n, F ) matrice T de la forme (13.1). Par conséquent,
13.2. GROUPE DÉRIVÉ
123
les transvections sont toutes conjuguées dans GL(n, F ) et il existe toujours B dans GL(n, F ) avec BAB −1 = T . Supposons n ≥ 3 et considérons
D=
1 det(B )
0 .. . 0 0
0 0 ··· 0 1 0 ··· 0 . .. .. . . . . . .. .. . 0 1 0 ··· ··· 0 1
.
−1 Pour n ≥ 3, la matrice D commute avec T = BAB −1qui est de la forme (13.1). −1 −1 Par conséquent, T = DBAB D = DB A DB . Comme DB appartient à SL(n, F ), il en résulte que, pour n ≥ 3, les transvections sont toutes conjuguées ϕ) dans SL(n, F ) . Pour n = 2, la matrice DAD−1 est de la forme 10 1/ det( avec 1 1 det(ϕ)
∈ F ∗ . D’où le résultat.
Proposition 13.8 Soit F un corps et n un entier ≥ 3. Alors, les groupes dérivés de GL(n, F ) et de SL(n, F ) sont tous deux égaux à SL(n, F ) : D(GL(n, F )) = D(SL(n, F )) = SL(n, F ). D ÉMONSTRATION. Dans GL(n, F ), tout commutateur ghg −1 h −1 est de déterminant un et le groupe engendré par les commutateurs est un sous-groupe de SL(n, F ) . Par conséquent, D(SL(n, F )) ⊂ D(GL(n, F )) ⊂ SL(n, F ) et il suffit de montrer que D(SL(n, F )) = SL(n, F ). Fixons un vecteur non nul w. Comme n ≥ 3, il existe deux hyperplans distincts W1 et W2 dans F 3 contenant w, qui correspondent aux noyaux de deux formes linéaires f1 et f2 dansHom(V, F ) linéairement indépendantes, avec w ∈ ker(f 1) ∩ ker(f2 ). Comme pour n ≥ 3 les transvections sont toutes conjuguées dans SL(n, F ) , il existe ϕ ∈ SL(n, F ) telle que tf1,w = ϕt f2 ,wϕ −1. Si bien que tf 1,w (tf 2 ,w )−1 = ϕtf2 ,w ϕ−1 (tf 2,w) −1 = [ϕ, t f2 ,w ] appartient à D(SL(n, F )). Puisque (t f2 ,w ) −1 = t−f2 ,w , nous obtenons : [ϕ, tf2 ,w ] = tf1 ,w(tf 2 ,w )−1 = tf1−f 2 ,w = id . Il existe donc une transvection dans D(SL(n, F )). Le groupe dérivé D(SL(n, F )) étant un sous-groupe distingué de SL(n, F ) et les transvections étant toutes conjuguées dans le groupe SL(n, F ) (proposition 13.7), il en résulte que toutes les transvections appartiennent à D(SL(n, F )). Puisque les transvections engendrent SL(n, F ) (proposition 13.5), nous en déduisons l’égalité D(SL(n, F )) = SL(n, F ). Proposition 13.9 Soit F un corps de cardinal |F | > 3 . Le groupe dérivé D(SL(2, F )) est égal à SL(2, F ).
124
CHAPITRE 13. GROUPES LINÉAIRES
D ÉMONSTRATION . Pour montrer que D(SL(2, F )) contient toutes les transvections de matrices
1 a avec a dans F ∗ , calculons le commutateur suivant : 0 1
b 0 0 1b
1 c 0 1
1 b
0 0 b
1 −c 0 1
=
1 c(1 − b 2 ) 0 1
où b et c appartiennent à F ∗ . Comme |F | > 3, il existe b ∈ F ∗ tel que 1 − b 2 = 0. Comme c ∈ F∗ peut être choisi arbitrairement, nous obtenons le résultat cherché en choisissant c = a/(1 − b 2). Puisque D(SL(2, F )) est un sous-groupe distingué de SL(2, F ) et que toute transvection est conjuguée dans SL(2, F ) à une matrice de la forme précédente (proposition 13.7), le groupe D(SL(2, F )) contient toutes les transvections de SL(2, F ). Comme les transvections engendrent SL(2, F ) (proposition 13.5), nous obtenons le résultat.
13.3 Groupes linéaires finis Dans ce paragraphe, Fq dénote un corps fini à q = p m éléments avec p un nombre premier (définition 5.9). Définition 13.10 Soit F un corps et n ≥ 2 un entier. On appelle groupe projectif linéaire, et on note PGL(n, F ), le groupe GL(n, F )/Z(GL(n, F )). On appelle groupe projectif spécial linéaire et on note PSL(n, F ) le groupe SL(n, F )/Z(SL(n, F )). Les groupes finis SL(n, F q ), PGL(n, Fq) et PSL(n, Fq ) sont respectivement notés SL(n, q), PGL(n, q) et PSL(n, q). Proposition 13.11 Soit F q un corps fini, de cardinal q et n un entier ≥ 1. Les groupes PGL(n, q) et SL(n, q) sont d’ordre | GL(n, q)|/(q − 1) et le groupe PSL(n, q) est d’ordre | GL(n, q )|/ (q − 1)pgcd(n, q − 1) . D ÉMONSTRATION . Nous avons | PGL(n, q)| = | GL(n, q)|/|Z(GL(n, F ))| (théorème 5.4). Comme Z(GL(n, F )) contient exactement les q−1 multiplications scalaires de GL(n, q) (proposition 13.6), nous obtenons le résultat. Considérons le morphisme surjectif det : GL(n, q ) → F ∗q dont le noyau est SL(n, q) . Nous obtenons alors l’ordre de SL(n, q) par le 1er théorème d’isomorphisme 5.15. Calculons l’ordre de PSL(n, q) = SL(n, q)/Z(SL(n, q )) en comptant les multiplications scalaires dans SL(n, q) (proposition 13.6). Comme le nombre de solutions de an = 1 dans Fq est pgcd(n, q − 1) (cf. proposition 12.12), nous obtenons le résultat.
13.3. GROUPES LINÉAIRES FINIS
125
Lemme 13.12 Soit n, m et p trois nombre entiers, n > 1, m ≥ 1 et p premier. Le sous-groupe U ⊂ GL(n, p m ) des matrices triangulaires supérieures unipotentes (de la forme id + triangulaire supérieure nilpotente) est un p-sylow de GL(n, pm). DÉMONSTRATION. Notons q = p n , B = (e1 , . . . , en ) la base standard de (F q )n , V i le sous-espace de (Fq )n engendré par e1, . . . , e i (i ∈ {1, . . . , n}) et V 0 = {0}. Dans la base standard, U est l’ensemble des matrices des applications linéaires ϕ vérifiant ϕ(v) − v ∈ Vi−1 pour tout v ∈ V i . On vérifie alors facilement que U est un sous-groupe de GL(n, q) (cf. exercice 11.7). Comme il y a q = |Fq | choix possibles pour chaque coefficient au dessus de la diagonale, il y a q n(n−1)/2 = (p m)n(n−1)/2 éléments dans U. Puisque | GL(n, q)| = q
n(n−1) 2
n (q − 1)(qn−1 − 1) · · · (q − 1)
et que p ne divise pas les autres facteurs, le groupe U est un p-sylow de GL(n, pm ). Exercice 13.1 Soit V un F -espace vectoriel de dimension finie. Montrer que deux dilatations sont conjuguées dans GL(V ) si et seulement si elles ont même rapport. Exercice 13.2 Soit F un corps et V un F -espace vectoriel de dimension fini. Montrer que deux transvections tf1,w 1 et tf2 ,w2 dans GL(V ) commutent si et seulement si f 1 (w2 ) = f2 (w1) = 0. Exercice 13.3 Soit F un corps, n ∈ N, W ⊂ F n un hyperplan et G = {tf,w |f ∈ Hom(F n, F ), f = 0, ker(f ) = W, w ∈ W } ∪ {id} Montrer que 1. si f ∈ Hom(F n , F ) vérifie les conditions f = 0 et ker(f ) = W , alors G = {tf,w |w ∈ W } ∪ {id}; 2. l’ensemble G est un sous-groupe commutatif de SL(n, F ) ; 3. l’application ϕ : G → (W, +) donnée par tf,w → w est un morphisme de groupes. Exercice 13.4 Le but de cet exercice est de donner une démonstration simple de D(SL(n, F )) = SL(n, F ) valable uniquement pour n ≥ 3 et F de caractéristique différente de 2. 1. Soit t f,w une transvection. En déduire que (tf,w )2 = id.
2. Montrer qu’il existe ϕ ∈ SL(n, F ) vérifiant (t f,w)2 = ϕ ◦ tf,w ◦ ϕ −1 .
3. Conclure en expliquant la restriction « n ≥ 3 et F de caractéristique différente de 2 ».
126
CHAPITRE 13. GROUPES LINÉAIRES
Exercice 13.5 (*) Montrer que le groupe PSL(2, 2) est isomorphe à S3 et le groupe SL(2, 3) à Q8 Z/3Z. En déduire que PSL(2, 3) est isomorphe à A4 et que SL(2, 3) n’est pas isomorphe à S 4 . Exercice 13.6 (*) Donner l’ordre du groupe SL(2, 5). Montrer que les p-sylows de SL(2, 5) sont soit cycliques, soit isomorphes à Q8 (pour p = 2). En déduire que SL(2, 5) n’est pas isomorphe à S5 . Exercice 13.7 (*) Etudier le centre des 2-sylows de PSL(3, 4) et PSL(4, 2). En déduire que ces deux groupes ne sont pas isomorphes. Exercice 13.8 Le but de cet exercice est de donner une autre démonstration de la proposition 11.6. Soit p un nombre premier et P un p-groupe fini. 1. Montrer que P est isomorphe à un sous-groupe d’un groupe symétrique Sn avec n = |P | et en déduire queP est isomorphe à un sous-groupe de U(n, F p), le groupe des matrices n × n triangulaires supérieures unipotentes (de la forme id + triangulaire supérieure nilpotente) à coefficients dans le corps à p éléments. Indication : lemme 13.12 et théorème 9.5 2. En déduire que tout p-groupe fini est résoluble. Indication : Exercice 11.7.
Chapitre 14
Groupes linéaires projectifs 14.1 Opération k-transitive, Théorème d’Iwasawa Si un groupe G opère sur un ensemble X, alors pour tout k ∈ N, il opère également sur l’ensemble produit Y = X × X × . . . × X de k facteurs via g(x1 , x2, . . . , xk ) = (gx1 , gx2 , . . . , gxk ). Le sous-ensemble Y = {(x1 , x2 , . . . , xk )|x i ∈ X, x i = xj si i = j } des k-uplets dont les composantes sont deux à deux distinctes est stable sous l’action de G. C’est donc un G-ensemble. Définition 14.1 Soit X un G-ensemble. L’action deG sur X est dite k-transitive si l’action induite sur l’ensemble Y = {(x 1, . . . , xk ) xi ∈ X, x i = x j si i = j } est transitive. Si l’action de G sur Y est k-transitive, alors pour (x1, x2 , . . . , xk ) et (y1 , y 2 , . . . , yk ) dans Y , il existe un g ∈ G, tel que g(x1 , x2, . . . , xk ) = (y 1, y2 , . . . , yk ) (lemme 4.11) Proposition 14.2 Soit G un groupe qui opère 2-transitivement sur un ensemble X. Le stabilisateur Gx de tout élément x de X est un sous-groupe maximal de G (il n’existe pas de sous-groupe de G qui s’insère strictement entre Gx et G).
D ÉMONSTRATION . Si Gx n’est pas un sous-groupe maximal, alors il existe un sousgroupe K tel que G x K G. En particulier, il existe un élément g dansG \ K et un élément k dans K \ Gx . Comme g et k ne sont pas dans Gx , nécessairement gx = x et kx = x. Comme l’action de G est 2-transitive, il existe h dans G qui envoie (x, gx) sur (x, kx) , c’est-à-dire tel que hx = x et h(gx) = kx. Par conséquent, h appartient à Gx et k−1 (h(gx)) = x. Il en résulte que k −1 hg ∈ G x ⊂ K. Puisque h et k −1 appartiennent à K , nous avons que g appartient à K , d’où la contradiction.
128
CHAPITRE 14. GROUPES PROJECTIFS
Définition 14.3 Soit G un groupe et X un G-ensemble. Un sous-ensemble B de X est appelé un bloc pour l’action de G sur X si, pour tout g de G, on a, soit g(B ) = B soit g(B ) ∩ B = ∅. L’ensemble vide, les parties de X à un élément et X sont des blocs triviaux. L’action de G sur X est dite primitive si elle n’admet que des blocs triviaux. E XEMPLE . L’action naturelle du groupe (1, 2, 3, 4) ⊂ S4 sur l’ensemble {1, 2, 3, 4} est transitive mais n’est pas primitive. En effet, {1, 3} et {2, 4} sont des blocs pour cette action. Proposition 14.4 Soit G un groupe et X un G-ensemble. Si l’action de G sur X est doublement transitive, alors elle est primitive. D ÉMONSTRATION . Supposons qu’il existe un bloc B non trivial pour l’action de G sur X. Il existe alors deux éléments x = y dans B et un élément z ∈ X \ B . Comme l’action de G est doublement transitive, il existe g ∈ G tel que gx = x et gy = z , en particulier z ∈ g(B ). Le fait que g(B ) ∩ B contienne x implique que g(B ) = B . Or l’ensemble g(B ) \ B est non vide puisqu’il contient z. D’où la contradiction. Lemme 14.5 Soit ϕ : G → S(X ) une action d’un groupe G sur un ensemble non vide X et soit H un sous-groupe distingué de G. Toute orbite de l’action H → G → S(X ) de H sur X est un bloc non vide pour l’action de G sur X .
D ÉMONSTRATION . Montrons que, pour x ∈ X , l’orbite Hx (non vide) de x sous l’action de H est un bloc du G-ensemble X. Pour tout g ∈ G et pour tout x ∈ X , l’ensemble g(Hx) = gHx = H (gx ) est également une orbite sous l’action de H dans X. Comme les orbites de H forment une partition de X (proposition 4.10), alors ou bien g(Hx) = Hx, ou bien g(Hx) ∩ Hx = ∅, ce qui achève la démonstration. Proposition 14.6 Soit ϕ : G → S(X ) une action primitive d’un groupe G sur un ensemble X et H un sous-groupe distingué de G qui n’est pas contenu dans ker(ϕ). Alors — l’action H → G → S(X ) de H sur X est transitive ; — pour tout x ∈ X , on a G = HGx , où Gx est le stabilisateur de x sous l’action de G. D ÉMONSTRATION . D’après le lemme qui précède, toute orbite Hx de H est un bloc non vide pour l’action de G. Puisque l’action de G est primitive, soit Hx = X soit toutes les orbites sont réduites à un seul élément. Si les orbites Hx sous l’action de H sont toutes réduites à un seul élément, alors H est inclus dans le stabilisateur G x de tout x ∈ X sous l’action de G. Par conséquent, H est contenu dans ker(ϕ) = ∩ x∈X G x, en contradiction avec l’hypothèse. Nous avons donc Hx = X et il existe une seule orbite dans X sous l’action de H, si bien que l’action de H sur X est transitive. Fixons x dans X. Pour g ∈ G considérons les deux éléments x et gx de X. Comme l’action
14.2. ESPACE PROJECTIF
129
de H est transitive, il existe h ∈ H tel que hx = gx. Il en résulte que h −1 g ∈ G x ou encore g ∈ HG x . D’où l’égalité G = HGx . Théorème 14.7 (THÉORÈME D ’IWASAWA , 1941) Soit ϕ : G → S(X ) une action primitive et fidèle d’un groupe G sur un ensemble X , et x un élément de X. Supposons que le groupe dérivé D(G) de G soit égal à G, et qu’il existe un sousgroupe K du stabilisateur G x de x dans G qui soit distingué dans Gx , résoluble et tel que G = ∪g∈G gKg−1 . Alors, G est un groupe simple. D ÉMONSTRATION. Soit H un sous-groupe distingué de G. Il s’agit de montrer que H est un sous-groupe trivial de G. Supposons H = {e} et montrons qu’alors H = G. Puisque l’action de G sur X est fidèle, H n’est pas contenu dans ker(ϕ) et donc, d’après la proposition précédente, nécessairement G = HG x. Pour hgx ∈ HG x avec h ∈ H et g x ∈ Gx , nous en déduisons que (cf. théorème 8.4) (hgx )HK (hgx )−1 = (hgx)H (hgx ) −1 hgx K (hg x) −1 = Hhg x K (hgx) −1 = Hh(g xKgx−1 )h−1 = HhKh −1 = HKh−1 = KHh −1 = KH = HK, si bien que HK HGx = G. Il en résulte que gKg−1 ⊂ gHKg −1 = HK pour tout g dans G. Par conséquent, ∪{gKg −1 |g ∈ G} ⊂ HK . Comme par hypothèse le sous-groupe ∪ {gKg−1 |g ∈ G} est égal au groupe G , nous en déduisons que KH = HK = G. Soit (h 1, h 2) ∈ H × H et (g 1 , g2) ∈ G × G, alors −1 −1 −1 [g1 h1 , g2 h2] = g 1 h1g 2 h2h−1 1 g1 h 2 g2 .
(14.1)
Puisque H G, il existe hi dans H tel que hi g i = g i (g−1 i h i gi ) = gi hi. En faisant −1 ainsi passer tous les termes en gi et gi à gauche dans le membre de droite de l’égalité (14.1), nous obtenons [g 1 h1 , g2 h2 ] = [g 1, g2 ]h ∈ [g1 , g2]H (avec h ∈ H ). En particulier, D(KH ) est contenu dans D(K )H. Par récurrence sur i, nous en déduisons, par le même argument, que Di (KH ) ⊂ D i (K )H. Puisque K est résoluble, il existe un entier m tel que D m (K) = {e}. De ce fait G = Dm (G) = Dm (KH ) ⊂ Dm (K )H = H. D’où le résultat.
14.2 Espace projectif Soit F un corps et V = F n+1 un F -espace vectoriel de dimension finie n + 1. 0} Considérons l’action naturelle du groupe multiplicatif F ∗ = F \{0} sur V . Comme { n+1 est une orbite de cette action, X = F \ {0} est un sous-ensemble stable et nous
130
CHAPITRE 14. GROUPES PROJECTIFS
obtenons une action de F ∗ sur X. Les orbites sous l’action de F ∗ forment une partition de X (proposition 4.10) et définissent donc une relation d’équivalence sur X : v1 ∼ v 2 ⇔ ∃λ ∈ F ∗ , v1 = λv 2 L’application canonique associée à cette relation d’équivalence est π : F n+1 \ {0} → F n+1 \ {0} / ∼ ; v → [v]
(14.2)
(14.3)
Définition 14.8 Soit F un corps et V = F n+1 un F -espace vectoriel de dimension finie n + 1. On appelle de dimension n associé à V , et on note P(V ), projectif espace n+1 l’ensemble quotient F \ {0} / ∼ pour la relation d’équivalence (14.2). L’espace P(V ) est vide si V = { 0} est de dimension 0. On appelle sous-espace projectif de ∅ de V . Un tel sousP(V ) l’image par π de tout sous-espace épointé W \ {0} = espace projectif est noté P(W ). Il est dit de dimension m si W est de dimension m + 1. Un sous-espace projectif de dimension 0 est appelé point projectif de P(V ), un sous-espace projectif de dimension 1 est appelé droite projective de P(V ) et un sous-espace projectif de dimension 2, plan projectif de P(V ). Lorsque V = F n+1 , nous notons P(V ) simplement Pn (F ). Les points de Pn (F ) s’identifient naturellement aux droites vectorielles de F n+1 et les droites de Pn (F ) aux plans vectoriels de F n+1 . L’intersection de deux sous-espaces projectifsP(W 1) ∩ projectif est un sous-espace projectif de dimen P(W2)d’un espace sion dim P(W1) ∩ dim P(W 2) − dim P(W1 + W2 ) . Par conséquent, l’intersection de deux droites distinctes du plan projectif est toujours un point (exercice 14.4). Si (x 0, x1, . . . , x n ) et (y0 , y1, . . . , y n ) sont les composantes de deux vecteurs non nuls de F n+1, alors (x 0, x1, . . . , xn ) ∼ (y 0 , y1 , . . . , y n ) si et seulement s’il existe λ ∈ F ∗ tel que (λx 0, λx1, . . . , λx n ) = (y0 , y 1, . . . , yn ). Définition 14.9 Soit n ∈ N et F un corps. On note (x0 :x1: . . . :x n) la classe d’équivalence d’un vecteur non nul v = (x0 , x1 , . . . , xn) ∈ F n+1 pour la relation d’équivalence ci-dessus et on parle de coordonnées homogènes projectives du point π(v) de Pn (F ). La droite projective sur le corps F est définie par : P 1(F ) = {(z0 :z1) | z0 ∈ F, z1 ∈ F, (z 0, z1 ) = (0, 0)}
= {(z0 :z1) | z0 ∈ F, z1 ∈ F ∗} ∪ {(z 0 :0)|z 0 ∈ F ∗} = {(z0 :1) | z0 ∈ F } ∪ {(1:0)}.
L’ensemble {(z0 :1)|z0 ∈ F } s’identifie naturellement à F , et le point (1:0) , que l’on note en général ∞, est appelé le point à l’infini de P 1 (F ). En tant qu’ensemble, la
14.2. ESPACE PROJECTIF
131
droite projective apparaît comme l’union P1 (F ) = F 1 ∪ {∞} d’une droite affine F 1 et d’un point projectif à « l’infini ». De manière analogue, le plan projectif P2(F ) est défini par : P2 (F ) = {(z0:z1 :z 2) | zi ∈ F, (z0 , z1 , z2) = (0, 0, 0)}
= {(z0 :z1 :1) | zi ∈ F } ∪ {(z0 :z1:0) | z i ∈ F, (z 0, z1 ) = (0, 0)} = F 2 ∪ P 1 (F ).
En tant qu’ensemble le plan projectif P2(F ) = F 2 ∪ P1 (F ) apparaît donc comme l’union d’un plan affine F2 et d’une droite projective à « l’infini ». La droite projective à « l’infini » peut s’imaginer comme l’union de — la droite « affine » à l’horizon, en laquelle les droites parallèles du plan affine se « coupent » en un « point projectif à l’infini » ; — le point ∞ de coordonnées homogènes (1:0:0) de la droite projective à l’infini, en lequel se « coupent » les droites parallèles à l’horizon. EXEMPLE. Si Fq est un corps fini à q éléments, alors l’espace projectif Pn (F q ) contient q n+1 − 1 = qn + qn−1 + . . . + q + 1 q−1 points. Le « −1 » dans la formule q n+1 − 1 reflète l’omission de l’origine et la division par q − 1 le fait que chaque droite vectorielle de (F q) n+1 contient q − 1 vecteurs non nuls. En particulier, une droite projective de Pn (Fq ) contient q + 1 points. Ainsi le plus petit plan projectif P2(F 2), appelé « plan de Fano » (Gino Fano 1871-1952), contient 7 points, et une droite projective dans P2(F 2 ) contient 3 points. Commençons par représenter l’espace affine (F 2)2 qui contient 4 points de coordonnées (a, b) (qui vont devenir les coordonnées projectives (a:b:1) dans P2 (F2)) et 4 droites (une est représentée par une courbe pour anticiper ce qui va se passer). Enfin, en arrangeant légèrement les points (il n’y a plus de notion de distance dans l’espace projectif), on rajoute les 3 points qui forment la droite à l’infini, dans lesquels se coupent les droites d’intersection vide dans l’espace affine : (0:1:0) (0, 1) •
• (1, 1)
(0, 0) •
• (1, 0)
(0:1:1) •
• • (0:0:1) • (1:0:1)
•
(1:1:0) (1:0:0)
• •
• •
• •
Les coordonnées homogènes du centre du cercle (notion qui n’a pas de sens dans l’espace projectif) sont (1:1:1). La dernière image symbolise le fait que le choix de la droite à l’infini est complètement arbitraire dans l’espace projectif. Tout est une question de perspective....
132
CHAPITRE 14. GROUPES PROJECTIFS
14.3 Simplicité du groupe PSL(V ) Soit F un corps et V un F-espace vectoriel de dimension finie n > 0. L’action naturelle du GL(V ) sur V transforme une droite vectorielle de V en une autre droite vectorielle, si bien que GL(V ) opère de manière naturelle sur P(V ). Cette action correspond à un morphisme ϕ : GL(V ) → S(P(V )). Comme les éléments de ker(ϕ) stabilise toutes les droites vectorielles de V , il s’agit des homothéties qui forment le centre de GL(V ) . Via l’inclusion SL(V ) → GL(V ) , nous obtenons également une action ψ : SL(V → GL(V ) → S(P(V )) de SL(V ) sur P(V ) dont le noyau est Z(SL(V )). Le 1er théorème d’isomorphisme 5.15 donne ϕ
SL(V ) π
SL(V )/Z(SL(V ))
S(P(V ))
(14.4)
ϕ
Par conséquent, le morphisme ϕ : PSL(V ) = SL(V )/Z(SL(V )) → S(P(V )) est le morphisme structurel d’une action fidèle de PSL(V ) sur P(V ). Proposition 14.10 Soit F un corps et V un F-espace vectoriel de dimension finie n ≥ 2. L’action de SL(V ) et de PSL(V ) sur P(V ), induite par l’action de GL(V ) sur P(V ), est 2-transitive. D ÉMONSTRATION . Considérons les actions de SL(V ) et de PSL(V ) sur P(V ) du diagramme (14.10). D’après la définition 14.1, cette action est doublement transitive si l’action induite sur le sous-ensemble Y ⊂ P(V ) × P(V ) des couples dont les composantes sont deux à deux distinctes, est transitive. Soit [v1 ] = [v 2] et [w1 ] = [w2] deux couples de points de P(V ) dans Y . Les vecteurs v1 et v 2, respectivement w 1 et w2 , sont linéairement indépendants et peuvent donc être complétés en une base (v 1, . . . , vn), respectivement (w 1 , . . . , wn ), de V . Il existe alors ϕ ∈ GL(V ) qui envoie la base (v1 , . . . , vn ) sur la base (w1 , . . . , w n). Si det(ϕ) = λ = 1, considérons ψ ∈ GL(V ) qui envoie la base (v1 , v2 , . . . , vn) sur la base ( λ1 w1 , w2, . . . , w n). L’application linéaire ψ appartient à SL(V ) et envoie [v 1] sur [w 1 ] et [v2] sur [w2 ]. Puisque l’image de ψ dans S(P(V )) est identique à celle de ψ (diagramme 14.10), la proposition est démontrée. Théorème 14.11 (T HÉORÈME DE J ORDAN ET D ICKSON , 1870 ET 1900) Soit F un corps. Si n est ≥ 3 ou si n = 2 et |F | > 3, alors le groupe PSL(V ) est simple. D ÉMONSTRATION . Considérons l’action de SL(V ) sur P(V ) . Fixons un point [u] de P(V ) et considérons le sous-ensemble A = {tf,u |0 = f ∈ Hom(F n , F ), f (u) = 0} ∪ {id}
14.3. SIMPLICITÉ DU GROUPE PSL(V )
133
du stabilisateur SL(V )[u] de [u] formé de transvections tf,u et de l’identité. Pour tf 1,u et tf 2,u dans A, nous avons tf 1 ,u ◦ t−1 f 2 ,u = tf1 ,u ◦ t −f2,u = t f 1−f 2 ,u ∈ A et tf 1,u ◦ tf2 ,u = t f1 +f 2,u = t f2,u ◦ t f1 ,u. Il en résulte que l’ensemble A est un sousgroupe abélien de SL(V )[u] (lemme 1.4). Si ϕ appartient au stabilisateur SL(V )[u] de [u], alors f ϕ−1 (u) = 0 et ϕ ◦ t f,u◦ϕ −1 = t f ϕ−1 ,u appartient à SL(V )[u] (lemme 13.4). Par conséquent, A est un sous-groupe distingué de SL(V ) [u] . — Si n ≥ 3, alors les transvections de SL(V ) sont toutes conjuguées (proposition 13.3) et engendrent SL(V ) (proposition 13.5). Il en résulte que SL(V ) = ∪ {gAg −1 |g ∈ SL(V )}. — Si n = 2, choisissons v ∈ V \ u. Le groupe A contient toutes les transvections dont la matrice dans la base (u, v) sont de la forme
1 a (a ∈ F ∗ ). 0 1
Puisque toute transvection de SL(2, F ) est conjuguée à une telle transvection (proposition 13.9) et que ces transvections engendrent SL(2, F ), nous obtenons de nouveau SL(V ) = ∪ {gAg−1|g ∈ SL(V )}. Par conséquent, SL(V ) = ∪ {gAg −1|g ∈ SL(V )}. Appliquons maintenant le théorème 14.7 au groupe PSL(V ). Comme le groupe PSL(V ) opère sur P(V ) de manière fidèle et doublement transitive (diagramme 14.10), cette action de PSL(V ) sur P(V ) est primitive (propositions 14.10 et 14.4). Le diagramme (14.10) montre aussi que le stabilisateur PSL(V )[u] est isomorphe à SL(V )[u] /Z(SL(V )). L’hypothèse n ≥ 3 ou n = 2 et |F | > 3 implique D(SL(V )) = SL(V ) (propositions 13.8 et 13.9), si bien que D(PSL(V )) = PSL(V ) (proposition 11.3). Le théorème de correspondance des sous-groupes 8.14 appliqué au morphisme canonique π : SL(V ) → SL(V )/Z(SL(V )) montre que le groupe abélien (et donc résoluble) K = A/Z(SL(V )) est distingué dans SL(V )[u] /Z(SL(V )) ∼ = PSL(V )[u] . −1 Finalement, SL(V ) = ∪ {gAg |g ∈ SL(V )} implique que PSL(V ) est égal à ∪ {gKg −1 |g ∈ PSL(V )}. Le théorème 14.7 permet de conclure. Exercice 14.1 Soit Fq un corps à q éléments. Montrer que l’action naturelle (exerx → ax + b | b ∈ F , a ∈ F \ {0} cice 4.12) du groupe affine GA(Fq ) = sur la q q droite affine F q est 2-transitive. Exercice 14.2 (*) Montrer que 1. Un groupe G agit k-transitivement avec k ≥ 2 sur un ensemble fini X si et seulement si pour tout x ∈ X le stabilisateur G x de x ∈ X agit (k − 1)transitivement sur X \ {x}. 2. Si un groupe fini G agit k-transitivement sur un ensemble fini X à n éléments, alors l’ordre de G est divisible par n(n − 1) · · · (n − (k − 1)). Exercice 14.3 (*) Soit n ≥ 3. Montrer que l’action de A n sur {1, 2, . . . , n} est (n − 2)-transitive, mais pas (n − 1)-transitive.
134
CHAPITRE 14. GROUPES PROJECTIFS
Exercice 14.4 (*) Soit n un entier, F un corps, V = F n+1 un F -espace vectoriel et P(W 1 ), P(W 2) deux sous-espaces projectifs de P(V ). Montrer que dim(P(V ) ≤ dim(P(W1 )) + dim(P(W2 )) ∅. En déduire que deux droites projectives d’un plan implique P(W 1) ∩ P(W2 ) = projectif se coupent toujours. Exercice 14.5 Déterminer le nombre de points et de droites de P 2 (F3 ) et de P 2(F 4). Exercice 14.6 (*) Etablir les isomorphismes suivants : 1. PSL(2, 3) ∼ = A4 2. PSL(2, 4) ∼ = A 5.
Indication : Utiliser l’action sur la droite projective P 1 (Fq ).
Chapitre 15
Sous-groupes finis de SO(2, R) et de SO(3, R) Dans ce chapitre, V = R n désigne un R-espace vectoriel de dimension n finie munie d’une base canonique (e 1, . . . , en ). Nous notons (α1, . . . , αn ) les coordonnées d’un vecteur a ∈ V dans cette base. Commençons par quelques rappels d’algèbre linéaire. Notons , : V × V → R le produit scalaire standard sur R n défini par β1 n .. a, b = (α 1, . . . , αn) . = α iβi. i=1 βn Notons a : V → R ≥0 la norme associée donnée par a =
a, a =
α21 + α22 + . . . + α 2n ≥ 0.
Deux vecteurs a et b de V sont dits orthogonaux si a, b = 0, ce que l’on note a ⊥ b. L’orthogonal d’un sous-ensemble quelconque X de V est par définition l’ensemble ⊥ X = {a ∈ V b ∈ X, a, b = 0} des vecteurs orthogonaux à tous les éléments de X . L’orthogonal X ⊥ de X est un sous-espace vectoriel de V . Si W est un sousespace de V , alors dim(W ⊥ ) = dim(V ) − dim(W ) et on a V = W ⊕ W ⊥ . Une base (v 1, . . . , vn ) de V est dite orthornormée si v i, v j = 0 pour tous les i = j dans {1, . . . , n} et vi , vi = 1 pour tous les i ∈ {1, . . . , n}. Par construction, la base canonique (e 1, . . . , en ) de V = Rn est une base orthornormée pour le produit scalaire standard. Une application linéaire f : V → V est dite orthogonale si et seulement si elle préserve le produit scalaire, c’est-à-dire si f (a), f (b) = a, b pour tout couple (a, b) ∈ V × V . Il est équivalent de dire que f est une isométrie linéaire, c’est-à-dire que f préserve la norme : f (a) = a pour tout a ∈ V . Une isométrie transforme une base orthonormée en une base orthonormée, et elle est
136
CHAPITRE 15. SOUS-GROUPES FINIS DE SO(2, R) ET DE SO(3, R)
donc toujours bijective. Pour une matrice A, nous notons A t la matrice transposée de A. Une matrice A ∈ GL(n, R) est la matrice d’une application orthogonale de g ∈ GL(V ) si et seulement si ses vecteurs colonnes (ou ses vecteurs lignes) forment une base orthonormée de V . C’est le cas si et seulement si A vérifie la condition A tA = id ∈ GL(n, R) (équivalent à AA t = id) et dans ce cas, la matrice A est dite orthogonale. L’ensemble des isométries muni de la loi de composition des applications forme un groupe appelé groupe orthogonal ; ce groupe est un sous-groupe de GL(V ) noté O(V ) . Une matrice orthogonale est de déterminant égal à ±1 car la relation A tA = id implique det(AtA) = 1, et par ailleurs, det(A tA) = (det(A))2 . Nous conservons les notations ci-dessus pour le reste du chapitre. Définition 15.1 Un élément g ∈ O(V ) de déterminant +1 est appelé une rotation.
E XEMPLE . Soit w ∈ V un vecteur non nul. L’application σw : V → V définie par v → v − 2
v, w w w, w
est une isométrie de V . Nous avons σw (w) = −w et σw (v) = v pour v ∈ w ⊥. En particulier, (σw )2 = id et det(σw) = −1. L’application σ w est appelé réflexion d’hyperplan w ⊥ ; cet hyperplan est formé des points fixes de σw . On note SO(n, R) le noyau du morphisme O(n, R) → {±1}; g → det(g). L’exemple précédent montre que le morphisme det est surjectif et donc l’ensemble SO(n, R) des rotations est un sous-groupe distingué d’indice 2 de O(n, R). En particulier, SO(n, R) σw ∼ = O(n, R). Proposition 15.2 Les matrices des isométries g ∈ O(2, R) sont toutes les matrices de la forme cos(ν) sin(ν ) cos(θ) − sin(θ) ou avec (θ, ν ) ∈ R 2 sin(θ) cos(θ) sin(ν ) − cos(ν ) et réciproquement. Dans le 1er cas, g est une rotation d’angle θ ∈ R (g ∈ SO(2, R)), que nous notons ρθ ; dans le 2e cas, g ∈ O(2, R) \ SO(2, R) est une réflexion σw d’ordre 2. D ÉMONSTRATION . Soit A =
α β γ δ
la matrice de g . Comme les colonnes de A
forment une base orthonormale, nous avons α2 + γ 2 = 1, β2 + δ 2 = 1 et αβ +γδ = 0. En considérant les différents cas possibles et par calcul direct, nous obtenons alors le résultat. Proposition 15.3 Les sous-groupes finis de SO(2, R) sont des groupes cycliques finis. Les sous-groupes finis de O(2, R) qui ne sont pas dans SO(2, R) sont des groupes isomorphes à un groupe diédral Dm avec m ∈ N.
CHAPITRE 15. SOUS-GROUPES FINIS DE SO(2, R) ET DE SO(3, R)
137
D ÉMONSTRATION . Les éléments d’un sous-groupe fini H de SO(2, R) sont tous des rotations ρθ d’angle θ. Si H est d’ordre un, il n’y a rien à montrer. Sinon, comme H est fini, il existe dans H une rotation d’angle θ > 0 minimal. Pour une rotation ρ ψ dans H , nous avons ψ = kθ + r avec k ∈ Z et 0 ≤ r < θ. Il en résulte que ρ ψ = (ρθ )k ρr et que ρ r = ρψ (ρ θ )−k ∈ H. Par minimalité de θ, nous obtenons r = 0 ou encore ρ ψ = (ρ θ)k ∈ ρ θ . Par conséquent, H = ρ θ est un groupe cyclique. Si K est un sous-groupe fini de O(2, R) qui n’est pas contenu dans SO(2, R), alors H = K ∩ SO(2, R) est un sous-groupe cyclique distingué d’ordre m et d’indice 2 dans K engendré par une rotation ρθ . Un élément σw ∈ K \ H ( avec w ∈ V ) est d’ordre 2 et pour tout (θ, ν ) ∈ R 2 ) la matrice de σw ρθ σw , cos(ν) sin(ν ) cos(ν) sin(ν ) cos(θ) − sin(θ) sin(θ) cos(θ) sin(ν ) − cos(ν ) sin(ν ) − cos(ν ) n’est autre que la matrice de ρ−1 θ . Les générateursσ w et ρ θ engendrent donc un groupe isomorphe au groupe diédral Dm (proposition 1.14). Proposition 15.4 Les points fixes d’une rotation g ∈ SO(3, R) non triviale (g = id) forment une droite vectorielle appelée axe de la rotation. La restriction de g au plan orthogonal à cette droite de points fixes est une rotation de SO(2, R). DÉMONSTRATION. Soit A la matrice de la rotation g ∈ SO(3, R), alors det(A) = det(A t ) = 1. Par conséquent, A t(A − id) = A tA − A t = id −A t = (id −A)t . On en déduit grâce à det(A t ) = 1 que det(A − id) = det(At (A − id)) = det((id −A)t ) = det(id −A). Si bien que det(A − id) = − det(A − id), ce qui implique det(A − id) = 0. Il en résulte que la matrice A possède un vecteur propre v de valeur propre 1. La restriction à v⊥ est alors une matrice orthogonale de déterminant un et donc un élément de SO(2, R). La proposition 15.2 montre l’unicité de l’axe de rotation pour g = id. Le reste est immédiat. L’axe d’une rotation g non triviale ( g = id) de SO(3, R) coupe la sphère unité {v ∈ V v = 1} en deux points P1 et P2 que l’on appelle les pôles de g. En particulier, les pôles sont les points fixes de g sur la sphère unité.
• P1 P2 •
138
CHAPITRE 15. SOUS-GROUPES FINIS DE SO(2, R) ET DE SO(3, R)
Proposition 15.5 Soit G un sous-groupe fini de SO(3, R). L’ensemble X = P (G) des pôles des éléments de G \ {id} est un G-ensemble dans R3. Le stabilisateur d’un pôle P ∈ P(G) est un sous-groupe cyclique de G. Tout élément de G \ {id} admet exactement deux points fixes dans X : ses deux pôles. D ÉMONSTRATION . Pour montrer que P(G) est un G-ensemble, remarquons que pour tout point P ∈ P(G) , pôle d’un élément g ∈ G \ {id}, et pour tout h dans G , nous avons hgh −1(h(P )) = h(g (P )) = h(P ). Le point h(P ) est donc lui aussi un pôle d’un élément hgh −1 ∈ G \ {id}. Donc l’ensemble P(G) est un G-ensemble. Si la rotation g non triviale (g = id) appartient au stabilisateur G P d’un pôle de G, alors P est un point de l’axe de rotation de g. Les éléments non triviaux du stabilisateur d’un pôle ont donc tous le même axe de rotation. La restriction au plan orthogonal de l’axe de rotation du stabilisateur est un sous-groupe fini du groupe SO(2, R), donc un groupe cyclique (proposition 15.3). Théorème 15.6 (S OUS - GROUPES FINIS DE SO(3, R)) Si G est un sous-groupe fini non trivial du groupe SO(3, R) des rotations de R3 , alors G est isomorphe à l’un des groupes Z/mZ, Dm , A 4, S4 ou A5 ( avec 2 ≤ m ∈ N).
D ÉMONSTRATION . Notons X = P (G) l’ensemble des pôles des éléments de G\{id} et n l’ordre de G. Comme n ≥ 2, le cardinal de X vérifie 2 ≤ |X | ≤ 2(n − 1). Considérons l’action de G sur X de la proposition 15.5. Le nombre r d’orbites vérifie (formule des classes 7.3) : 1 g r = |X | |G| g ∈G 1 |X e| + |Xg | = n g =e
=
1 |X | + n
n−1 i=1
2 .
D’où r =
1 (|X | + 2(n − 1)) n
(15.1)
et puisque 2 ≤ |X | ≤ 2(n − 1), nous en déduisons l’encadrement 4(n − 1) 1 =4 1− < 4. 2≤r≤ n n Donc, r = 2 ou r = 3, c’est-à-dire que X admet, soit deux soit trois orbites sous l’action de G.
CHAPITRE 15. SOUS-GROUPES FINIS DE SO(2, R) ET DE SO(3, R)
139
1. Supposons qu’il y ait deux orbites X1 et X 2. Dans ce cas la formule des classes (15.1) s’écrit 2=
1 1 (|X | + 2(n − 1)) = (|X 1| + |X 2| + 2(n − 1)) n n
ou encore |X1 | + |X2 | = 2, si bien que |X1 | = |X2| = 1. Il y a donc un pôle dans chaque orbite, et les éléments de G \ {id} admettent tous le même axe de rotation passant par ces deux pôles. Dans le plan orthogonal à l’axe de rotation, nous obtenons un groupe fini de rotations de SO(2, R) et donc un groupe cyclique (proposition 15.3). 2. Supposons qu’il y ait trois orbites. Dans ce cas, le groupe possède au moins 3 éléments, d’où n > 2. Notons n 1, n2, n3 l’ordre des stabilisateurs d’un élément de chaque orbite X 1, X2 ,X3 . Comme pour tout i ∈ {1, 2, 3}, un élément de Xi reste fixe sous l’action d’au moins un élément g = id, on a nécessairement ni ≥ 2. Supposons |X1 | ≥ |X2 | ≥ |X3 |. Comme |Xi | = nni , nous avons n1 ≤ n 2 ≤ n3 , c’est-à-dire n11 ≥ n12 ≥ n13 . La formule des classes (15.1) s’écrit ici : 1 3 = (|X | + 2(n − 1)) n soit |X | = n + 2 ou encore nn1 + nn2 + nn3 = n + 2. D’où la formule : 1 1 1 2 + + = 1+ . n 1 n2 n3 n Nous en déduisons les inégalités n31 ≥ 1 + 2n > 1 (n > 2). Puisque ni ≥ 2, il résulte que n1 = 2. L’égalité précédente devient 1 1 + n2 n3
=
1 2 + . 2 n
(15.2)
Par conséquent, n22 ≥ 12 + 2n > 12 (n > 2). Si bien que n2 = 2 ou n2 = 3 (car n2 ≥ 2). Si n2 = 2 l’égalité (15.2) devient 1/n3 = 2/n et donc n 3 = n/2 ; en particulier dans ce cas, n est pair. Si n2 = 3, l’égalité (15.2) devient 1 1 2 1 1 n3 = 6 + n ; nous obtenons n3 > 6 (n > 2) et n 3 = 3, 4 ou 5. En utilisant la relation (15.2) pour calculer l’ordre du groupe, nous aboutissons aux cas suivants : 1. n1 = 2, n 2 = 2 et n3 = n2 . 2. n1 = 2, n 2 = n3 = 3. Le groupe G est d’ordre 12. 3. n1 = 2, n 2 = 3 et n3 = 4. Le groupe G est d’ordre 24. 4. n1 = 2, n 2 = 3 et n3 = 5. Le groupe G est d’ordre 60. Identifions la structure du groupe dans chaque cas :
140
CHAPITRE 15. SOUS-GROUPES FINIS DE SO(2, R) ET DE SO(3, R) 1. Si n1 = n 2 = 2, alors n est pair et |X3 | = |X| − |X1 | − |X2 | = (n + 2) −
n n − = 2. 2 2
Il y a donc deux pôles dans X 3. Le stabilisateur H d’ordre n2 de ces deux pôles est un groupe cyclique dont tous les éléments ont un même axe de rotation engendré par v avec v = 1. Comme dans le cas r = 2, nous obtenons que H est un groupe cyclique de rotations dans le plan v⊥ d’ordre n2 . La rotation qui échange les deux pôles v et −v correspond à une symétrie axiale du plan v⊥ de déterminant −1. Dans le plan v ⊥, l’action du groupe est fidèle et correspond à celle de Dn/2 (proposition 15.3). 2. Si n1 = 2, n2 = n 3 = 3. Le groupe G est d’ordre 12. Tout élément g dans G \ {id} stabilize un pôle, si bien que ces éléments sont d’ordre 2 ou 3. Il n’y a pas d’élément d’ordre 6 et le groupe est non abélien, sinon le produit d’un élément d’ordre 2 par un élément d’ordre 3 serait d’ordre 6. L’orbite X 1 contient 6 éléments qui correspondent aux6 pôles de 3 axes de rotation dont les stabilisateurs sont d’ordre 2. Ces 3 éléments d’ordre 2 sont les seuls éléments de G dont l’ordre est une puissance de 2. Avec l’identité, ils forment un unique 2 -sylow de G qui est distingué. La proposition 10.3 (et la remarque qui la suit) montre que G est isomorphe à A4 . 3. Si n1 = 2 , n2 = 3 et n 3 = 4. Le groupe G est d’ordre 24. Tout élément g ∈ G \ {id} stabilize un pôle, si bien que ces éléments sont d’ordre 2 ou 3 ou 4 et il n’y a pas d’élément d’ordre 6. L’orbite X2 contient 8 éléments qui correspondent aux 8 pôles de 4 axes de rotation distincts dont les stabilisateurs sont d’ordre 3. Nous obtenons quatre 3-sylows sur lesquels le groupe agit transitivement par conjugaison (théorème 9.5), ce qui correspond à un morphisme ϕ : G → S4 . Comme l’action est transitive, G/ ker(ϕ) ∼ = im(ϕ) est divisible par 4 (relation orbite-stabilisateur 7.2). Tout 3 -sylow est contenu dans son stabilisateur. Par conséquent, l’ordre de ker(ϕ), qui est l’intersection des stabilisateurs, n’est pas divisible par 3. Ainsi ker(ϕ) est d’ordre 1 ou 2. S’il existait un unique élément h d’ordre 2 dans ker(ϕ) G, alors pour tout g ∈ G, on aurait ghg −1 = h. Par conséquent h appartient au centre Z(G), et le produit de h avec un élément d’ordre 3 serait d’ordre 6 , ce qui est exclu. Il en résulte que ker(ϕ) = {e} et G est isomorphe à S4 . 4. Si n1 = 2 , n2 = 3 et n3 = 5. Le groupe G est d’ordre 60. Pour montrer que G est isomorphe à A5 , il suffit de montrer que le groupe est simple (proposition 9.10). L’orbite X1 contient 30 pôles dont les stabilisateurs d’ordre 2 sont conjugués (proposition 4.34). Aux 30 pôles correspondent 15 axes de rotation distincts et donc quinze éléments d’ordre 2. Avec le même raisonnement, nous obtenons dix 3-sylows et six 5-sylows. Supposons qu’il existe un sous-groupe distingué {id} = H = G de G. Si 5 divisait l’ordre de H ,
CHAPITRE 15. SOUS-GROUPES FINIS DE SO(2, R) ET DE SO(3, R)
141
alors H contiendrait les six 5-sylows de G, et H serait alors d’ordre au moins 1 + 6 · 4 = 25. Par conséquent, H serait d’ordre 30 et devrait contenir également les quinze éléments d’ordre 2 ce qui est impossible. Il en résulte que l’ordre |H | du groupe H n’est pas divisible par 5. Si |H | était divisible par 2 , alors H devrait contenir les quinze éléments d’ordre 2. Par conséquent, |H | serait > 16 et devrait être divisible par 5, ce qui est impossible. L’ordre de H ne pourrait donc être divisible que par 3 et H serait un 3-sylow distingué, ce qui est impossible puisqu’il y a dix 3-sylows. Nous pouvons donc conclure que le groupe G est simple. La classification des sous-groupes finis de SO(3, R) permet également de classifier les polyèdres réguliers de R3 (toutes les faces d’un polyèdre régulier sont des polygones réguliers isométriques). Un tel polyèdre régulier est inscriptible dans une sphère et peut être obtenu comme une orbite de l’action d’un sous-groupe fini de SO(3, R) sur l’ensemble des pôles de ses éléments (voir [1], chapitre 19). Nous obtenons ainsi cinq polyèdres réguliers : le tétraèdre, le cube, l’octaèdre, le dodécaèdre et l’icosaèdre. Ces solides sont appelés les « solides de Platon ». Les figures suivantes ont été réalisées à l’aide du logiciel M APLE :
Chapitre 16
Représentations linéaires La présentation de ce chapitre s’inspire de celle faite par Fulton et Harris dans [6]. Rappelons qu’une action d’un groupe G sur un ensemble X correspond à un morphisme ϕ : G → S(X ) et réciproquement (théorème 4.4) ; on appelle parfois une action de groupe une « représentation par permutations ». Une représentation (linéaire) d’un groupe G sur un espace vectoriel V est une « action linéaire » donnée par un morphisme de groupes ρ : G → GL(V ) du groupe G dans le groupe linéaire GL(V ) (définition 16.1). Dans ce suit, nous nous limiterons aux espaces vectoriels de dimension finie sur le corps C. Après le choix d’une base, une représentation du groupe G apparaît comme un morphisme de groupes ρ : G → GL(n, C). Il existe une abondante littérature sur la théorie des représentations et le contenu de ce chapitre n’est qu’une introduction à cette vaste théorie. Pour les groupes finis, l’objectif de la théorie est de classifier les représentations à isomorphisme (changement de base) près. Pour cela, on fait les observations suivantes : 1. Par un changement de base, toutes les matrices de ρ(G) peuvent simultanément être mises sous forme diagonale par blocs minimaux
0 0 .. . 0
..
. ···
··· 0 . . .. . . .. . 0 0
(16.1)
(i.e. de telle sorte que les blocs non nuls ne soient pas simultanément réductibles en blocs plus petits). 2. L’information concernant une représentation ρ : G → GL(n, C) est essentiellement contenue dans les traces des matrices ρ(g). Il est donc en général inutile de calculer les matrices ρ(G), ce qui rend la théorie très effective.
144
CHAPITRE 16. REPRÉSENTATIONS LINÉAIRES 3. La fonction trace tr : G → C, g → tr(ρ(g)) est constante sur les classes de conjugaisons de G. Une telle fonction est appelée une fonction centrale (définition 16.12). On montre qu’il existe autant de représentations irréductibles (avec un seul bloc irréductible) que de classes de conjugaison. L’ensemble des traces de ces représentations irréductibles est regroupé dans une table de caractères. 4. La table de caractères d’un groupe donne des informations sur un groupe fini (abélien, résoluble, sous-groupes distingués,...). Elle permet d’établir facilement si un groupe fini donné est simple (corollaire 16.23). C’est pourquoi la théorie des représentations de groupes est utilisée dans plus de la moitié de la démonstration de la classification des groupes simples finis.
16.1 G-modules Définition 16.1 Soit V un C-espace vectoriel de dimension fini. On appelle représentation linéaire sur C du groupe G, tout morphisme ρ : G → GL(V ) . On dit alors que le C-espace vectoriel V est un G-module et que ρ est le morphisme structurel de l’action de G sur V . La dimension de V est appelée degré de la représentation. La représentation est dite fidèle si ker(ρ) = {e}. Pour v ∈ V et g ∈ G, on note ρ(g)(v) = g v = gv (noter l’abus de notation qui consiste à identifier g et ρ(g )). La terminologie « G-module » pour une représentation, s’explique de la manière suivante. À un groupe G, on associe sa C-algèbre C[G] = a g g | ai ∈ C presque tous nuls g ∈G
des sommes formelles finies d’éléments de G à coefficients dans C. L’addition dans C[G] se fait terme à terme : g∈G ag g + g∈G bg g = g ∈G(a g + b g )g. On définit la multiplication par distributivité et associativité à partir de la règle (ag)(a g ) = (aa )(gg ) pour tout a et a dans C et tout g et g dans G. Si G est non commutatif, alors C[G] est une algèbre non commutative. Une représentation ρ : G → GL(V ) de G donne une action de C[G] sur (V, +) via la règle ag g v = a gρ(g) (v) g ∈G
g ∈G
et on dit alors que V est un C[G]-module pour cette action. Dans le cas où V est un C-espace vectoriel, seul cas envisagé ici, l’usage est d’abréger C[G] -module en G-module. Lorsque le corps n’est pas algébriquement clos de caractéristique zéro comme l’est C, des précautions particulières doivent être prises.
16.1. G-MODULES
145
E XEMPLES . Soit G un groupe. 1. La représentation triviale (de degré 1) de G, notée 1, est donnée par ρ : G → GL(1, C),
g → ρ(g ) = 1.
2. Considérons une action ϕ : G → Sn avec n ∈ N. Nous obtenons une représentation de G sur le C-espace vectoriel VP de base (v 1, . . . , v n ) en posant gv i = vgi = vϕ(g)(i) (i.e. par permutation des indices des vecteurs de base). On parle alors de la représentation par permutations de G associée à l’action. C’est une représentation de G de degré n. 3. Un groupe fini d’ordre n agit sur lui même par translation à gauche (théorème de Cayley 4.18) et le morphisme structurel de cette action est un morphisme ϕ : G → Sn . D’après le point précédent, nous obtenons une représentation dite représentation régulière et notée R(G), de G. La représentation R(G) est fidèle de degré n (théorème de Cayley 4.18). En particulier, tout groupe fini possède une représentation fidèle. 4. Soit ρ 1 : G → GL(V1 ) et ρ2 : G → GL(V2 ) deux G-modules. Nous pouvons définir les G-modules suivants 1 : — V 1 ⊕ V 2 en posant g(v1 ⊕ v2 ) = (gv1 ) ⊕ (gv2 ) — V 1 ⊗ V 2 en posant g(v1 ⊗ v2 ) = (gv1 ) ⊗ (gv2 ). — Hom(V1 , V2 ) en posant, pour f ∈ Hom(V1 , V 2) et g ∈ G, gf = ρ 2 (g) ◦ f ◦ (ρ1 (g))−1 = ρ2 (g) ◦ f ◦ ρ 1 (g−1 ), que, par abus, nous notons aussi gf = gfg−1 . La définition de gf entraîne la commutativité des deux diagrammes suivants : V 1
f
V2
ρ1 (g −1 )
V1
V1
ρ2 (g ) g f
f
ρ 1 (g )
ρ 2 (g )
V2
(16.2)
V2
V1
g f
V2
.
— V 1∗ = Hom(V1, C), avec g f = f (ρ 1 (g)−1) = f ρ1(g −1 ). V 1 ρ 1(g −1)
V1
f
(16.3)
C g f
.
1 . Le lecteur trouvera les définitions et les propriétés du dual d’un espace vectoriel et du produit tensoriel ⊗de deux espaces vectoriels dans [5 , 6]. En particulier, si (v1 , . . . , vn ) est une F -base deV 1 et (w 1, . . . , wm ) une F-base de V2 , alors (v 1 ⊗ w1 , v1 ⊗ w 2 , . . . , vn ⊗ wm ) est une F-base de V1 ⊗ V2 et αv i ⊗ βwj = (αβ)(v i ⊗ w j ) pour tout (α, β ) ∈ F × F .
146
CHAPITRE 16. REPRÉSENTATIONS LINÉAIRES V1∗ n’est autre que Hom(V1, 1) et c’est donc un cas particulier du cas précédent.
Définition 16.2 Soit G un groupe et V , V1 et V 2 trois G-modules de morphisme structurels respectifs ρ, ρ1 et ρ2 . 1. On appelle morphisme du G-module V 1 dans le G-module V2 , toute application linéaire ϕ : V 1 → V 2 qui, pour tout g ∈ G , rend commutatif le diagramme V1
ϕ
(16.4)
V2
ρ 1 (g )
ρ 2(g )
V1
ϕ
V2
.
c’est-à-dire toute application linéaire ϕ ∈ Hom(V1 , V2 ) telle que la relation ϕ ◦ ρ1 (g) = ρ 2(g) ◦ ϕ (que, par abus, nous notons aussi ϕg = gϕ) soit vérifiée pour tout g ∈ G. Dans ce cas, ϕ est un G-morphisme et l’ensemble des G-morphismes de V 1 dans V2 est noté HomG(V1 , V 2). 2. Deux G-modules V1 , V2 sont dits équivalents (ou isomorphes) s’il existe un G-morphisme bijectif, appelé un G-isomorphisme, ϕ : V 1 → V2 .
3. Un sous-espace W ⊆ V est appelé sous-G-module si gw = ρ(g )(w) appartient à W pour tout g ∈ G et tout w ∈ W . En comparant les diagrammes (16.2) et (16.4), nous observons que f ∈ Hom(V 1, V2) appartient à Hom G(V 1, V2) si et seulement si gf = f pour tout g ∈ G, c’està-dire si f est un point fixe du G-module Hom(V 1, V2 ). En général, l’inclusion Hom G(V1 , V 2) ⊂ Hom(V1 , V2) est une inclusion stricte. E XEMPLE. Si W ⊂ V est un sous-G-module, alors V /W est un G-module de loi g(v + W ) = (gv) + W . La démonstration qui suit, utilise un argument classique de moyennisation. structurel Proposition 16.3 Soit G un groupe fini, V un G-module de morphisme 1 ρ : G → GL(V ) et f ∈ Hom(V, V ). L’application ϕ = G h∈G ρ(h) −1 f ρ(h), que par abus nous notons ϕ = 1G h∈G h −1f h, est un morphisme de G-modules, c’est-à-dire un élément de HomG(V, V ). D ÉMONSTRATION . Pour tout g ∈ G , nous pouvons écrire (noter les abus de notation) : 1 −1 1 ϕg = h fhg = g(hg )−1 f (hg ) G G h∈G h∈G 1 −1 = g h f h = gϕ, G h ∈G
16.1. G-MODULES
147
où nous avons utilisé que la translation par g est une permutation des éléments de G. Soit V un G-module et ρ le morphisme structurel. Le choix d’une base (v1, . . . , v n ) de V permet d’obtenir un morphisme structurel de la forme ρ : G → GL(n, C) encore notée ρ. Deux représentations ρ1 et ρ 2 sont équivalentes (cf. définition 16.2), s’il existe P dans GL(n, C) telle que ρ 1 (g) = P −1 ρ2 (g)P pour tout g ∈ G ; c’est-à-dire si elles sont obtenues l’une de l’autre par changement de base simultanément des matrices. Si W est un sous-G-module, alors en complétant la base de W , il est toujours possible, par un changement de base, de mettre simultanément toutes les matrices de ρ(G) ⊂ GL(n, C) sous la forme
0 ··· .. .
0 .. .
0 ···
0
où le bloc en haut à gauche correspond à W .
Proposition 16.4 Soit ϕ ∈ Hom G(V 1, V2 ) un morphisme de G-modules. Alors, ker(ϕ) est un sous-G-module de V1 et im(ϕ) est un sous-G-module de V2 . D ÉMONSTRATION. Soit v ∈ ker(ϕ) , alors ϕ(ρ1 (g)(v)) = ρ2 (g)(ϕ(v)) = 0 pour tout g ∈ G et ρ1(g)(v) ∈ ker(ϕ) . Par conséquent, ker(ϕ) est un sous-G-module de V 1 . Soit w = ϕ(v) ∈ im(ϕ) avec v ∈ V 1 . Alors ρ2(g)(w) = ρ2 (g)(ϕ(v)) = ϕ(ρ 1(g)(v)) appartient à im(ϕ). Il en résulte que im(ϕ) est un sous-G-module de V 2. Définition 16.5 Un G-module V est dit 1. irréductible ou simple si V et {0} sont distincts et les seuls sous-G-modules de V ; 2. réductible s’il n’est pas irréductible ; 3. complètement réductible si pour tout sous-G-module W de V , il existe un sous-G-module L tel que V = W ⊕ L. Un G-module irréductible est toujours complètement réductible. Si le G-module V est complètement réductible, alors, par un changement de base (un G-isomomorphisme), nous pouvons mettre simultanément toutes les matrices de ρ(G) ⊂ GL(n, C) sous la forme (16.1). E XEMPLE . Le groupe a0 ab −1 | b ∈ C, a ∈ C∗ est un sous-groupe non abélien de SL(2, C). Il ne peut pas être complètement réductible, sinon il serait simultanément diagonalisable et abélien.
148
CHAPITRE 16. REPRÉSENTATIONS LINÉAIRES
Proposition et définition 16.6 Soit V un G-module. L’ensemble des points fixes (ou invariants) V G = {v ∈ V | ∀g ∈ G, g v = v} de V sous l’action de G est G un sous-G -module de V . Nous avons Hom G(V1 , V2) = Hom(V 1, V2) pour tous G-modules V1 et V2 . En particulier, dim HomG(V1 , V 2 ) = dim Hom(V 1, V2 )G .
D ÉMONSTRATION . La 1 re assertion est immédiate. La 2e découle du commentaire qui suit la définition 16.4 où nous avons noté que HomG (V1 , V2 ) = Hom(V1 , V2) G.
E XEMPLE. Soit G ⊆ Sn un sous-groupe du groupe symétrique, (v1 , . . . , vn) une par permutations associée VP définie par gvi = vg(i) et w base de la représentation n n le vecteur i=1 v i ∈ VP . Comme gw = w pour tout g ∈ G (i.e. w = i=1 vi G (V ) w G. appartient à P ), le vecteur engendre une droite invariante sous l’action Le G-module VP est donc réductible. Proposition 16.7 Soit G un groupe fini et V un G-module. L’application linéaire 1 ϕ = |G| g∈G g est un morphisme de G-modules involutif (i.e. tel que ϕ ◦ ϕ = ϕ ) qui envoie V surjectivement sur le sous-G-module V G des points fixes de V sous l’action de G. D ÉMONSTRATION . L’application de la proposition 16.3 à f = ρ(g) montre que ϕ est 1 un morphisme de G-modules. Soit w = ϕ(v) = G g∈G gv avec v ∈ V , alors pour 1 1 ( hg ) v = g v = ϕ(w), tout h ∈ G, nous obtenons hϕ(w) = G g ∈G g∈G G où nous avons utilisé que la translation par h est une permutation des éléments de G. Donc, im(ϕ) est contenu dans V G . Si v appartient à V G , alors ϕ(v) = v . Si bien que V G = im(ϕ) et ϕ ◦ ϕ = ϕ. Théorème 16.8 (T HÉORÈME DE MASCHKE , 1898) Si G est un groupe fini, alors tout G-module est complètement réductible. D ÉMONSTRATION . Soit V un G-module et W un sous-G-module de V . Considérons une décomposition de l’espace vectoriel V en somme directe V = W ⊕ V1 où V1 est un supplémentaire quelconque de W, et notons f : V → V la projection sur le 1 er facteur donnée par v = w + v1 → w. D’après la proposition 16.3, l’application 1 −1 g ∈G g f g est un morphisme de G-modules et ker(ϕ) est un sous-G-module G de V (proposition 16.4). Nous voulons montrer que V est une somme directe de sous-G-modules de la forme V = W ⊕ ker(ϕ). Par hypothèse, g−1 (W ) est contenu dans W et im(ϕ) appartient à W . On vérifie que ϕ(w) = w pour tout w ∈ W et (v − ϕ(v)) ∈ ker(ϕ) pour tout v ∈ V . Tout v ∈ V s’écrit donc v = ϕ(v ) + (v − ϕ(v)), si bien que v appartient à W + ker(ϕ). Si v ∈ W ∩ ker(ϕ), alors v = ϕ(v ) = 0 ce qui montre que les espaces sont supplémentaires. E XEMPLE. Considérons la représentation par permutations VP fidèle de degré 3 associée à l’action naturelle de S3 sur X = {1, 2, 3}. L’exemple qui précède la proposition 16.6 montre que (VP )S3 est un sous- S3 -module de dimension au moins
16.1. G-MODULES
149
un. Si la dimension de (VP )S3 était égale à 2, le supplémentaire W de (VP )S 3 = 1 ⊕ 1 dans VP serait de dimension 1. Dans une base de VP = (VP ) S3 ⊕ W = 1 ⊕ 1 ⊕ W correspondant à cette décomposition, la matrice ρ(σ) de tout σ ∈ S3 serait une matrice diagonale. Comme les matrices diagonales commutent, le groupe S 3 serait abélien, d’où la contradiction. Par conséquent, V = 1 ⊕ W avec W un S3 -module irréductible de dimension 2. Par la composée des morphismes S4 → S 4 /V4 ∼ = S3 → GL(W ) (cf. relation (8.2)), nous obtenons un S4 -module irréductible W de degré 2. Lemme 16.9 (LEMME DE SCHUR , 1905) Soit G un groupe, V1 et V 2 deux Gmodules irréductibles et φ : V1 → V2 un morphisme de G-modules. Alors, 1. Si φ est non nul, φ est un isomorphisme de G-modules. En particulier, dans ce cas, dim(HomG (V 1, V2 )) = 1. 2. Si les modules V1 = V 2, alors φ = λ id avec λ ∈ C.
D ÉMONSTRATION. Puisque ker(φ) et im(φ) sont des G-modules (proposition 16.4), le 1 er résultat est une conséquence de l’irréductibilité de V1 et de V2 . Si les Gmodules V1 et V 2 sont isomorphes, alors les C-espaces vectoriels Hom G (V1 , V2 ) et HomG (V1 , V2 ) sont isomorphes en tant que C-espaces vectoriels. Pour calculer dim(Hom G (V1 , V2 )) nous pouvons donc supposer V1 = V2. Comme V1 n’est pas réduit à {0} et C algébriquement clos, l’endomorphisme φ : V1 → V 1 doit avoir une valeur propre que nous notons λ ∈ C. Puisque le sous-G-module ker (φ − λ id) (proposition 16.4) ne se réduit pas à {0} , le 1er point montre que ker (φ − λ id) = V 1 ce qui donne le résultat. Théorème 16.10 Soit V un C-espace vectoriel de dimension finie et S ⊆ GL(V ) un ensemble de matrices qui commutent entre elles. Il existe une base dans laquelle les matrices de S sont simultanément sous forme triangulaire supérieure. DÉMONSTRATION. Si tous les éléments σ de S sont des multiplications scalaires, nous obtenons le résultat. Sinon procédons par récurrence sur n = dim(V ). Pour σ ∈ S et λ ∈ C, l’espace Wλ = ker(σ − λ · id) est stable pour S . En effet, pour v ∈ Wλ et g ∈ S , nous avons (σ − λ id) (g(v)) = g (σ − λ id) (v) = 0. Pour un σ ∈ S qui n’est pas une multiplication scalaire, il existe λ dans C avec 0= W λ = V . Comme dim(W ) < dim(V ), par hypothèse de récurrence, il existe v 1 ∈ W λ tel que Cv 1 soit stable par S. Considérons l’action de S sur V /(Cv 1). Comme dim(V /(Cv 1 )) < dim(V ), par hypothèse de récurrence, il existe une base (v 2 + Cv1, . . . , vn + Cv1 ) tels que les éléments de S soient triangulaires supérieurs dans cette base de V /Cv 1. La base (v1 , v 2, . . . , vn ) donne le résultat.
150
CHAPITRE 16. REPRÉSENTATIONS LINÉAIRES Avec le théorème de Maschke 16.8, nous obtenons le résultat suivant.
Corollaire 16.11 Un sous-groupe abélien fini A de GL(n, C) peut être mis simultanément sous forme diagonale. En particulier : — toutes les représentations irréductibles de A sont de degré 1, — tout élément g d’un groupe fini G est (comme g ⊂ G) diagonalisable.
16.2 Caractères des groupes finis L’objet principal de ce paragraphe est de classifier les représentations irréductibles d’un groupe fini G et de fournir une méthode efficace pour la détermination de la décomposition en somme directe de représentations irréductibles d’une représentation donnée de G. L’outil principal est la théorie des caractères développée par Ferdinand Georg Frobenius (1849-1917). Dans la suite de ce chapitre, tous les groupes considérés sont des groupes finis. Définition 16.12 Soit G un groupe. Une fonction centrale sur G est une fonction ψ : G → C qui est constante sur les classes de conjugaison de G. Le résultat suivant est immédiat : Proposition 16.13 Soit G un groupe. Les fonctions centrales forment un C-espace vectoriel. Définition 16.14 Soit G un groupe fini, V un G module de dimension finie n et ρ : G → GL(V ) le morphisme structurel de V . Le caractère du G-module V est la fonction χ : G → C avec g → tr(ρ(g)). Le degré du caractère deg(χ) = χ(e) est la dimension de V . La trace étant invariante par changement de base, nous pouvons énoncer : 1. deux G-modules isomorphes ont même caractère ; 2. un caractère est constant sur une classe de conjugaison et donc une fonction centrale. E XEMPLES . 1. Une caractère de degré 1, comme la signature ε : S n → C, est un morphisme de groupe. Cependant, le caractère d’une représentation de dimension > 1 n’est pas un morphisme de groupes. 2. Une combinaison linéaire de caractères est une fonction centrale, mais pas toujours un caractère. Si V = W1 ⊕ W 2 est une somme directe de sousG-modules, alors le caractère χV est égal à χ W1 + χW2 . Dans ce cas, la combinaison linéaire χV − χ W1 = χ W 2 est un caractère.
16.2. CARACTÈRES DES GROUPES FINIS
151
3. Soit (v1, . . . , v n ) une base de V = Cn , G ⊂ Sn et ρ : G → GL(n, C) le morphisme structurel de la représentation par permutations sur V associée à G ⊂ S n. Comme gvi = vg(i) , la matrice ρ(g) ne contient que des 0 et des 1, et elle a un unique coefficient non nul dans chaque ligne et dans chaque colonne. En particulier, le i e coefficient sur la diagonale est égal à 1 si g(i) = i et à 0 sinon. Notons χP le caractère de cette représentation par permutations. Pour un élément g de G, nous obtenons que χP (ρ(g)), que nous notons g(i) = i}| de points fixes de ρ(g). Considérons |{i χ ( g ) aussi P , est le nombre n le sous-G-module i=1 vi invariant par l’action de G de dimension 1 et decaractère trivial 1. Le caractère du sous-G-module complémentaire de ni=1 vi dans V est χP − 1. En particulier, pour une représentation par permutations d’un groupe G, la fonction centrale χP − 1 est toujours un caractère de G. 4. Pour le caractère χR de la représentation régulière R(G), nous obtenons : χR (g) = 0 pour g ∈ G \ {e} et χR (e) = |G|.
(16.5)
5. Dans l’exemple qui précède le lemme de Schur 16.9, nous avons obtenu par S 4 → S 4/V4 ∼ = S 3 → GL(W ) , un S4 -module irréductible de degré 2 ; nous notons le caractère χ2. Le caractère χ2 se calcule à travers le morphisme π : S4/V4 → S 3, puisqu’il correspond au caractère χP − χ1 de S3, où χP est le caractère de permutation correspondant à l’action naturelle de S3 sur {1,2, 3}. La transposition (1,2) ∈ S3 possède un unique point fixe, d’où χP (1, 2) = 1, et χ2 (1, 2) = 1 − 1 = 0. Comme V4 est égal à ker(π), la trace χ2 des éléments de V4 est 2 = χ2 (e) et le sous-groupe V4 S 4 correspond à la fibre de 2 pour χ2 . Nous verrons que tout sous-groupe distingué peut être « retrouvé » de manière analogue (proposition 16.22) 6. Le groupe S4 possède 5 classes de conjugaison : C1 = {e}, les doubles transpositions C2 , les transpositions C3 , les 3-cycles C4 et les 4-cycles C 5 . Le caractère de la représentation triviale, le caractère de la signature et les caractères χ2 , χ P , χ P − 1 et χR de S 4 peuvent se schématiser de la manière suivante : χ1 χε χ2 χP χ3 = χP − 1 χR
C 1 C2 C3 C 4 C5 1 1 1 1 1 1 1 −1 1 −1 2 2 0 −1 0 4 0 2 1 0 3 −1 1 0 −1 24 0 0 0 0
(16.6)
où la ligne χ contient la valeur de χ sur la classe de conjugaison Ci. Dans
152
CHAPITRE 16. REPRÉSENTATIONS LINÉAIRES MAGMA , il est possible de calculer dans l’anneau des fonctions centrales (« CharacterRing ») où le caractère trivial 1 est noté 1 > > ( > ( > (
S4 :=SymmetricGroup(GrpPerm,4) ; R := CharacterRing(S4) ; chi_P := PermutationCharacter(S4) ; print(chi_P) ; 4, 0, 2, 1, 0 ) trivial := R ! 1 ; print(un) ; 1, 1, 1, 1, 1 ) chi_3 := chi_P - trivial ; print(chi_W) ; 3, -1, 1, 0, -1 )
Proposition 16.15 Soit G un groupe fini et V et W deux G-modules. Les caractères vérifient les propriétés suivante 1. χV ⊕W = χ V + χW 2. χV ⊗W = χ V · χ W
3. χV ∗ (g) = χV (g −1) = χV (g) pour tout g ∈ G ; on note aussi χV ∗ = χV 4. χHom(V,W ) = χV · χ W
D ÉMONSTRATION . La trace est la somme des valeurs propres. Pour g ∈ G, notons {λ i }, respectivement {µ j }, les valeurs propres de l’action de g sur V et W . Les valeurs propres de l’action de g sur V ⊕ W et V ⊗ W étant {λi , µ j} et {λi µ j }, ce qui montre les deux 1 res égalités. Les valeurs propres de ρ(g) sur V ∗ sont les {λ−1 i } es (cf. diagramme 16.3). Puisque g est d’ordre fini m, les λ i ∈ C sont des racines m de e l’unité. Par conséquent, λ−1 i = λ i , ce qui fournit la 3 égalité. Pour la dernière égalité, ∗ ∼ il suffit d’utiliser Hom(V, W ) = V ⊗ W et d’appliquer les points 2 et 3. Définition 16.16 Soit G un groupe fini. Le caractère χd’un G-module V irréductible est un caractère irréductible de G. Pour un groupe fini, un G-module V est somme directe V = m i=1 niVi de G-module irréductibles (théorème 16.8). Donc, tout caractère χ de G s’écrit χ = si=1 mi χi , où les χi sont des caractères distincts de représentations irréductibles Vi et mi ∈ N. L’entier m i est la multiplicité du caractère χi dans la décomposition de χ. E XEMPLE . La multiplicité du caractère trivial χ1 dans le caractèreχ d’un G-module V , est la dimension du sous-G-module V G des points fixes sous l’action de G. Le GG morphisme ϕ = G1 (proposition 16.7) sert à calculer g ∈G g qui projette V sur V G dim(V ). Comme la matrice d’un projecteur dans une base correspondant à la décomposition ker(ϕ) ⊕ im(ϕ) ne contient que des 0 et des 1 sur la diagonale, la trace 1 G G de ϕ est dim(V ). Nous obtenons dim(V ) = trace(ϕ) = G g∈G χ(g).
16.2. CARACTÈRES DES GROUPES FINIS
153
Théorème 16.17 Soit G un groupe fini et φ et ψ deux fonctions centrales sur G. Les propriétés suivantes sont satisfaites : 1 1. La formule φ, ψ = |G g ∈G φ(g ) · ψ (g ) définit un produit scalaire hermi| tien sur le C-espace vectoriel des fonctions centrales de G et les caractères irréductibles de G forment une base orthonormée de cet espace. 2. Tout caractère irréductible χ de G apparaît deg(χ) fois dans le caractère χR de la représentation régulière de G. m de classes 3. Le nombre de caractères irréductibles de G est égal au nombre 2 de conjugaison de G. L’ordre du groupe G est donné par |G| = m i=1 χi (e) , où χ1, . . . , χm sont les caractères irréductibles distincts de G. D ÉMONSTRATION . La vérification du fait que la formule définit un produit scalaire hermitien est laissée au lecteur. Soit V1 et V2 deux G-modules et χ1 et χ2 les caractères associés, alors dim(HomG (V 1, V2 )) = dim(Hom(V1 , V2)G ) (proposition 16.6). Le caractère de Hom(V1 , V2) étant χ 1 · χ 2 , l’exemple précédent montre que dim(HomG (V1 , V2)) = dim(Hom(V1, V 2 )G ) =
1 χ1 (g)χ2 (g). G g ∈G
Le lemme de Schur 16.9 montre que si V 1 et V2 sont irréductibles, alors 1 1 si V1 ∼ = V2, G χ1 , χ2 = χ1(g)χ 2 (g) = dim(Hom(V1, V 2 ) ) = . V2 0 si V1 ∼ = G g ∈G
Les caractères irréductibles forment donc un système orthonormal pour le produit hermitien donné. Montrons qu’un caractère irréductible χ de G apparaît χ(e) fois dans le caractère χ R de la représentation régulière VR de G. Puisque χR(g) = 0 si g ∈ G \ {e} et χ R(e) = |G| (égalité (16.5)), nous obtenons : χ, χ R =
1 1 χ(e)χ R(e) = χ(e) = dim(V ). χ(g) · χR(g) = |G| |G| g ∈G
s Pour une décomposition de χ R = i=1 m i χi en caractères irréductibles χ i , la multiplicité du caractère χ i dans VR est χi (e). Nous obtenons : dim(V R ) = |G| = χR (e) =
s i=1
χi (e)χi (e) =
s
(χi(e)) 2.
(16.7)
i=1
Les fonctions centrales étant constantes sur les m classes de conjugaison, elles forment un C-espace vectoriel de dimension au plus m. Supposons qu’il y ait s < m caractères, c’est-à-dire qu’il existe une fonction centrale ψ = 0 n’appartenant pas au C-sousespace engendré par les caractères irréductibles et qu’en particulier ψ, χ i = 0 pour
154
CHAPITRE 16. REPRÉSENTATIONS LINÉAIRES
i ∈ {1, . . . s}. Pour le G -module Vi de morphisme structurel ρi et de caractère χi (que l’on trouve dans la représentation régulière), considérons l’application linéaire ϕi = g∈G ψ(g) · ρi(g) ∈ Hom(Vi , Vi ). Pour tout h ∈ G, ϕ i(ρi (h)(v)) =
g ∈G
ψ(g) · ρi(g)ρ i(h)(v) =
g ∈G
ψ(g) · ρi (gh)(v).
Par le changement de variables g = hgh −1 , g = h −1gh, nous obtenons (en utilisant le fait que la conjugaison est un automorphisme intérieur et donc une bijection de G) ϕ i (ρi(h)(v)) = g h)(v) = g )ρi (h)(v) ψ( g) · ρi ( ψ( g) · ρi ( g∈G
= ρ i(h)
g∈G
g∈G
ψ( g) · ρ i ( g )(v) = ρi (h)ϕi(v)).
Donc, ϕi ∈ HomG (Vi , V i ). Comme Vi est irréductible, le lemme de Schur 16.9 donne ϕi = λi · id avec λi ∈ C. Par suite, λi =
|G| tr(ϕ i) 1 = ψ(g)χ i(g) = ψ, χi = 0. dim(Vi ) dim(V i) dim(Vi ) g ∈G
g ∈G
Ainsi λi = 0 . Pour le caractère χR de la représentation régulière qui est une combinaison linéaire de représentations irréductibles, nous obtenons également ϕR = ψ ( g) · ρR (g) = 0. Mais les ρ R (g) ∈ Hom(VR , VR) sont C-linéairement ing ∈G dépendants ; en effet, ρ R(g)(ve ) = vg . Par conséquent, ψ(g) = 0 pour tout g ∈ G, d’où ψ = 0. Les caractères irréductibles engendrent donc le C-espace des fonctions centrales. De ce fait s = m, et le point 3 résulte maintenant de la formule (16.7). Corollaire 16.18 Soit G un groupe fini. Les caractères χ des G-modules satisfont aux propriétés suivantes : 1. χ possède une unique décomposition : χ = m i=1 ai χ i où les χ i sont les caractères irréductibles (distincts) de G et a i = χi , χ ∈ N. 2. χ est irréductible si et seulement si χ, χ = 1.
3. Deux G-modules sont isomorphes si et seulement s’ils ont même caractère. 4. Les caractères irréductibles séparent les classes de conjugaison. Plus précisément, deux éléments g et h de G sont conjugués si et seulement si χi (g) = χ i(h) pour tout caractère irréductible χi de G. D ÉMONSTRATION . Montrons le 1er point. Puisque les caractères irréductibles χi forment une base des fonctions m centrales (théorème 16.17), la fonction centrale χ est une combinaison linéaire i=1 ai χi . Comme les χi forment une base orthonormale de l’ensemble des fonctions centrales, on a, comme pour toute base orthonormale,
16.2. CARACTÈRES DES GROUPES FINIS
155
ai = χ i, χ. Puisque G est fini, tout G-module est une somme directe de sous-Gmodules irréductibles. Par conséquent, le caractère χ est une combinaison linéaire à coefficients dans N de caractères irréductibles. Comme les caractères irréductibles forment une base, les coefficients sont uniques et ai = χi , χ ∈ N. Montrons le e 2 point. Le « seulement si » est immédiat. Soit χ = m i=1 ai χi une décomposition de χ dans la base orthonormale caractères irréductibles χi . La linéarité du produit des 2 scalaire donne χ, χ = i a i . Comme les ai sont des entiers positifs, il existe i a = 1 et les autres aj sont nuls. Si bien que χ = χ i est exactement un avec i irréductible. Montrons maintenant le 3 e point. Deux G-modules équivalents ont même V1 et V 2 ont même caractère, alors le caractère. Réciproquement, si deux G-modules m er 1 point montre que V1 = i=1 ai Vi et V2 = m i=1 ai Vi où les G-modules V i et V i sont irréductibles de même caractère irréductible χi . Il en résulte que les G-modules V i et Vi sont G-isomorphes et les G-modules V et V aussi. Montrons le dernier point. Si g et h sont conjugués, alors ils appartiennent à la même classe de conjugaison et prennent donc la même valeur dans toute fonction centrale et plus particulièrement dans tout caractère de G. Procédons par contraposition. Si g et h n’étaient pas conjugués, alors φ il existerait φ(h). D’après le théorème, m une fonction centrale telle que φ(g) = φ = i=1 a iχi avec ai ∈ C. Il devrait donc exister χ j tel que χj (g) = χ j (h). D’où le résultat. Si C 1, C2, . . . , C m sont les différentes classes de conjugaison d’un groupe fini G, si g i ∈ Ci et si φ et ψ sont deux fonctions centrales, alors m
φ, ψ =
1 |C i | · φ(gi) · ψ(g i ). |G|
(16.8)
i=1
La formule reflète simplement le fait que les caractères φ et ψ étant des fonctions centrales, ils sont constants sur les classes de conjugaison. EXEMPLE. Afin de pouvoir calculer des produits scalaires de caractères avec la formule (16.8), indiquons la taille |Ci | des classes de conjugaison (l’ordre des éléments g i ∈ C i sert juste à distinguer les classes). La table (16.6) déjà obtenue pour S 4 donne : |C i| |gi| χ1 χε χ2 χ3
C1 C2 C3 C4 C 5 1 3 6 8 6 1 2 2 3 4 1 1 1 1 1 1 1 −1 1 −1 2 2 0 −1 0 3 −1 1 0 −1
Vérifions l’irréductibilité de χ 2 et de χ 3 (corollaire 16.18) : χ 2, χ 2 =
1 · 2 · 2 + 3 · 2 · 2 + 6 · 0 · 0 + 8 · (−1) · (−1) + 6 · 0 · 0 =1 24
156
CHAPITRE 16. REPRÉSENTATIONS LINÉAIRES
1·9+3·1+6·1·1+8·0+6·1 =1 24 Puisque le groupe S 4 possède 5 classes de conjugaison (les différents types de permutations), il possède 5 caractères irréductibles. Nous en connaissons déjà quatre de degré 1, 1, 2 et 3. Notons χ le 5e caractère irréductible manquant. Comme |S4| = 24 = 1 2 + 1 2 + 2 2 + 32 + χ(e)2 , nous obtenons χ(e) = 3. Pour trouver le caractère manquant de degré 3, il y a de nombreuses possibilités : — Posons χ(e) = (3, a, b, c, d) et considérons les quatre relations χ, χ1 = 0, χ, χε = 0, χ, χ2 = 0 et χ, χ3 = 0. La solution du système linéaire correspondant donne χ = (3, −1, −1, 0, 1). — Travaillons dans l’anneau des fonctions centrales en calculant le caractère χ3 χε = (3, −1, −1, 0, 1) (proposition 16.15) dont on vérifiera qu’il est irréductible en calculant χ3 χε , χ3χε = 1 (corollaire 16.18). — Toujours dans l’anneau des fonctions centrales, nous pouvons aussi décomposer χ3 χ2 = (6, −2, 0, 0, 0) (proposition 16.15). En calculant χ3 χ 2, χ 3 = 1, nous obtenons le caractère irréductible cherché χ3χ 2 − χ3 = (3, −1, −1, 0, 1). Les caractères irréductibles d’un groupe fini sont regroupés dans une table des caractères présentée ci-dessous. En gardant les notations M AGMA de l’exemple précédent, nous écrivons : χ3, χ3 =
> InnerProduct(chi_3,chi_3) ; 1 > table :=CharacterTable(S4) ;print(table) ; Character Table of Group S4 ----------------------Class | 1 2 3 4 5 Size | 1 3 6 8 6 Order | 1 2 2 3 4 ----------------------p = 2 1 1 1 4 2 p = 3 1 2 3 1 5 ----------------------X.1 + 1 1 1 1 1 X.2 + 1 1 -1 1 -1 X.3 + 2 2 0 -1 0 X.4 + 3 -1 -1 0 1 X.5 | 3 -1 1 0 -1 > chi_rep_reg :=R ![24,0,0,0,0] ; Decomposition(table,chi_rep_reg) ; [ 1, 1, 2, 3, 3 ]
La commande « InnerProduct » fournit le produit scalaire. La ligne p = 2 (respectivement p = 3) indique le numéro de la classe de conjugaison de g 2 (respectivementg 3 ) pour tout élément g d’une classe de conjugaison. La commande « Decomposition » permet de décomposer un caractère comme combinaison linéaire des caractères irréductibles d’une table des caractères.
16.2. CARACTÈRES DES GROUPES FINIS
157
Un algorithme qui permet de trouver la table de caractères d’un groupe fini est donné dans ([ 5], V.33.11) et dans [11]. Il est en général impossible de reconstruire un groupe à partir de sa table des caractères. Le contenu des tables de D 4 et de Q8 est identique et pourtant les deux groupes ne sont pas isomorphes : C1 C 2 C3 C 4 C5 1 1 2 2 2 1 1 1 1 1 1 1 1 − 1 −1 . 1 1 −1 − 1 1 1 1 −1 1 −1 2 −2 0 0 0
|C i| χ1 χ2 χ3 χ4 χ5
Proposition 16.19 Soit G un groupe fini. 1. Si G est abélien, alors les caractères irréductibles de G sont tous de degré 1 et le nombre de caractères irréductibles distincts de G est l’ordre de G. 2. Si G est non abélien, alors les caractères de degré 1 de G sont tous de la forme χ : G → G/D(G) → C∗ . Dans ce cas, le nombre de caractères irréductibles distincts de degré 1 de G est l’ordre du groupe abélien G/D(G). DÉMONSTRATION. Si G est abélien, alors les caractères irréductibles sont tous de degré 1 ((corollaire 16.11) et sont donc au nombre de |G| (théorème 16.17). Supposons G non abélien. Un caractère χ de degré 1 de G est un morphisme χ : G → C∗ dans le groupe abélien C∗ et D(G) ⊂ ker(χ) (théorème 5.13). Par le 1er théorème d’isomorphisme 5.15, nous obtenons le diagramme commutatif suivant : χ
G π
G/D(G))
C∗ χ
Par conséquent, tout caractère χ de degré 1 est de la forme χ : G → G/D(G) → C∗ et correspond à un caractère χ de G/D(G). Le 1er point permet de conclure. EXEMPLE . Le centre de Q8 est engendré par l’unique élément d’ordre deux de Q8 qui est le carré de tous les éléments d’ordre 4 de Q8 (exercice 3.7). Donc, Q 8 /Z(Q8 ) ∼ = Z/2Z × Z/2Z est abélien d’ordre 4. D’où D(Q8 ) = Z(Q8 ) (théorème 5.13), ce qui montre que Q8 possède quatre caractères irréductibles de degré 1. Comme Q8 possède 5 classes de conjugaison, il manque un seul caractère irréductible de Q8 qui doit être de degré n5 = 2 car 1 2 + 12 + 12 + 12 + n25 = 8 = |Q8 | (théorème 16.17).
158
CHAPITRE 16. REPRÉSENTATIONS LINÉAIRES
16.3 Caractères et sous-groupes distingués Lemme 16.20 Soit G un groupe fini et V un G-module de morphisme structurel ρ et de caractère χ. Tout élément g de G vérifie les propriétés suivantes : 1. |χ(g )| ≤ χ(e) ;
2. χ(g ) = χ(e) si et seulement si g ∈ ker(ρ). D ÉMONSTRATION . La matrice ρ(g) est diagonalisable (corollaire 16.11). Puisque les valeurs propres λ j de ρ(g) sont des racines de l’unité, elles sont de module 1. Comme V) χ(g) = dim( λj , nous obtenons par l’inégalité triangulaire : j=1 V) dim(V ) dim( |χ(g)| = |λ j | = dim(V ) = χ(e), λ j ≤ j=1
j=1
avec égalité si et seulement si toutes les valeurs propres λi sont égales. De plus, χ(g) = χ(e) si et seulement si tous les λi sont égaux à 1 ou encore si et seulement si ρ(g) = id. Définition 16.21 Soit G un groupe et χ un caractère de G. On appelle noyau du caractère χ et on note ker(χ), l’ensemble {g|g ∈ G, χ(g) = χ(e)} des éléments de G qui ont même image par χ que l’élément neutre e de G. Le lemme précédent montre que le noyau d’un caractère est un sous-groupe distingué de G et qu’il coïncide avec le noyau du morphisme structurel de la représentation dont il est le caractère. La proposition suivante permet de trouver tous les sous-groupes distingués d’un groupe fini via sa table des caractères. Proposition 16.22 Soit G un groupe fini ayant m classes de conjugaison et χ1, . . . , χ m les caractères irréductibles de G. Tout sous-groupe distingué H dans G est de la forme H = ∩j∈J ker(χ j) avec J ⊂ {1, . . . , m}. D ÉMONSTRATION . Considérons l’action transitive de G par translation à gauche sur G/H de morphisme structurel ϕ : G → S |G/H | (proposition 4.19). Soit χ le caractère de la représentation par permutations V associée à l’action ϕ. Comme ker(ϕ) = H , nous obtenons que ker(χ) est aussi égal à H. Il en résulte que tout sous-groupe distingué de G est noyau d’un caractère de G. Soit V = si=1 a iVi une décomposition de V en somme directe de G-modules irréductibles V i. Notons χi les caractères irréductibles des sous-modules V i . Alors, χ = si=1 aiχi (corollaire 16.18) et g appartient à ker(χ) si et seulement si g agit trivialement sur tous les Vi, c’està-dire si et seulement si g appartient à tous les noyaux ker(χi ) (lemme 16.20). Par conséquent, H = ker(χ) = ∩si=1 ker(χ j ).
16.3. CARACTÈRES ET SOUS-GROUPES DISTINGUÉS
159
EXEMPLE . Considérons la table des caractères d’un groupe G d’ordre 36 (le 9e dans la classification de M AGMA des groupes de petit ordre) : |Ci| |gi| χ1 χ2 χ3 χ4 χ5 χ6
C 1 C2 C3 C4 C5 C 6 1 9 4 4 9 9 1 2 3 3 4 4 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 −1 −1 . 1 −1 1 1 i −i 1 −1 1 1 −i i 4 0 −2 1 0 0 4 0 1 −2 0 0
Le groupe G est non abélien puisqu’il possède des caractères de degré > 1. Comme G possède 4 caractères de degré 1, l’ordre de G/D(G) est 4 (proposition 16.19). Les caractères χ5 et χ6 sont fidèles et le noyau du caractère trivial χ1 est G. Les ensembles ker(χ 2) = C 1 ∪ C2 ∪ C3 ∪ C 4 et ker(χ 3) = ker(χ 4 ) = C1 ∪ C 3 ∪ C4 sont des sous-groupes distingués propres de G d’ordre 18 et 9. En considérant les intersections ∩ si=1 ker(χj ), nous n’obtenons pas de nouveau sous-groupe distingué de G. Il en résulte que les sous-groupes distingués du groupe G sont ker(χ 5) = ker(χ6 ) = {e}, ker(χ 3) = ker(χ4 ), ker(χ2) et ker(χ1) = G (proposition 16.22). Le sous-groupe distingué H d’ordre 9 correspondant à ker(χ 3) = ker(χ 4) est l’unique sous-groupe distingué d’indice 4. Puisque G possède 4 caractères irréductibles de degré 1, Il en résulte que H = D(G) (proposition 16.19). Corollaire 16.23 Un groupe fini G est simple si et seulement si tout caractère irréductible non trivial (i.e. χ = χ1 ) de G a un noyau trivial (i.e. ker(χ) = {e}). Pour finir, indiquons sans démonstration quelques résultats qui montrent comment l’existence d’une représentation de degré n peut se traduire en propriétés du groupe (cf. [5], V.36) : Théorème 16.24 (THÉORÈME DE B URNSIDE , 1911) Si l’ordre de tous les éléments d’un sous-groupe G de GL(n, C) est borné par une même borne m ∈ N, alors G est un groupe fini. Théorème 16.25 (THÉORÈME DE J ORDAN , 1878) Il existe une fonction f : N → N telle que tout sous-groupe fini G de GL(n, C) possède un sous-groupe abélien distingué A d’indice [G : A] borné par f (n). Une borne explicite est donnée par la formule (S CHUR , 1911) : [G : A] ≤ f (n) ≤
√ 2n2 √ 2n2 8n + 1 . − 8n − 1
160
CHAPITRE 16. REPRÉSENTATIONS LINÉAIRES
Exercice 16.1 (*) Soit G un groupe fini, φ un caractère de G de degré 1 et χ un caractère de G. Montrer l’égalité < φχ, φχ >=< χ, χ > et en déduire que φχ est irréductible si et seulement si χ est irréductible. Exercice 16.2 (*) (Caractères du groupe diédral Dn ) Soit G un groupe fini et H un sous-groupe abélien de G d’indice m. Montrer qu’un caractère irréductible de G est de degré ≤ m. En déduire les degrés possibles des caractères irréductibles d’un groupe diédral fini Dn , ainsi que le nombre de caractères irréductibles distincts de chaque degré. Exercice 16.3 Sans utiliser Magma, déterminer les tables des caractères des groupes Z/3Z × Z/4Z, D4 et Q 8. Exercice 16.4 On considère la table des caractères du groupe S4 donnée dans le texte. Décomposer les caractères χ 5χ3 et χ3 χ 3 en caractères irréductibles. Exercice 16.5 Déterminer l’ordre du groupe dont la table ci-dessous est la table des caractères et, après avoir complété la table, montrer que le groupe est un groupe simple. |Ci | χ1 χ2 χ3 χ4 χ5 χ6
C 1 C2 C 3 C4 C5 C6 1 21 56 ? 24 24 1 1 1 1 1 1 3 −1 0 ? α1 α2 3 −1 0 1 α2 α1 6 ? 0 0 −1 −1 7 −1 ? −1 0 0 8 0 −1 ? 1 1
√ −1 + i 7 , α 2 = α 1. avec α 1 = 2
Exercice 16.6 Soit G un groupe abélien fini. Montrer que G possède un caractère fidèle si et seulement si G est cyclique. Exercice 16.7 Dans Magma, comparer les tables des caractères de PSL(3, 4) et A8 et en déduire qu’il existe deux groupes simples non isomorphes d’ordre 20160.
Annexe A
Groupes libres Nous avons rencontré deux manières de « représenter » un groupe : d’abord comme groupe de permutations d’un ensemble X via un morphisme ϕ : G → S(X ) puis comme groupe de matrices via un morphisme ρ : G → GL(V ). Il est également possible de représenter un groupe par « générateurs et relations ». Pour les détails et les démonstrations de ce paragraphe, le lecteur pourra consulter ([2], section 6.7). Considérons l’ensemble des « mots » M(A) de longueur finie sur un alphabet A formés par les éléments ai de A et leurs « inverses » a−1 i . La loi de composition que l’on cherche à définir est la concaténation des mots avec le mot vide comme élément −1 neutre ce qui va entraîner des relations du type aia −1 i = e et ai ai = e. Deux mots m et m sont dit équivalents, et on note m ∼ m , si l’on peut aller de l’un à l’autre en −1 ajoutant ou en enlevant des termes de la forme a ia −1 i ou ai a i . La relation ∼ est une relation d’équivalence et nous noterons F (A) l’ensemble quotient M(A)/ ∼ . On peut montrer que m1 ∼ m 1 et m2 ∼ m2 entraîne m1 m2 ∼ m1m 2 et que la concaténation définit une loi de composition sur l’ensemble F (A) des classes d’équivalence de mots ([ 2], section 6.7). On « multiplie » les classes via la concaténation de leurs représentants. La classe du mot vide est un élément neutre, l’inverse de la classe de −ε 2 −ε1 n aεi 11 aεi 22 · · · a εinn avec εk ∈ {±1} est la classe de a −ε in . . . ai2 a i1 et l’associativité est immédiate. Définition A.1 On appelle groupe libre sur l’alphabet A, et on note F (A) , le groupe dont l’ensemble sous-jacent est M(A)/ ∼ et dont la loi est la concaténation des représentants de classes de mots. Les groupes libres sont, soit d’ordre un soit d’ordre infini. En effet, tout élément a i de A engendre un sous-groupe infini ai puisque les produits aiai · · · ai de longueurs différentes doivent tous être distincts. Proposition A.2 ([2], chapitre 6, section 8) Soit A un ensemble et G un groupe. Toute application f : A → G peut être étendue de manière unique en un morphisme ϕf : F (A) → G.
162
ANNEXE A. GROUPES LIBRES
Pour calculer l’image d’un mot aεi 11 aεi 22 · · · aεi nn de F (A) avec εk ∈ {±1} par f , il suffit de considérer f (ai1 )ε1 f (ai 2 )ε2 · · · f (ai n )εn . Si le morphisme ϕf est surjectif, alors les éléments {f (a)|a ∈ A} sont des générateurs du groupe G et les éléments de ker(ϕf ) correspondent à des « relations » entre ces générateurs {f (a)|a ∈ A} (cf. section 12.2). Définition A.3 Soit A un ensemble, G un groupe et ϕ f : F (A) → G un morphisme surjectif. Un élément de ker(ϕf ) est appelé une relation entre les générateurs {f (a)|a ∈ A} de G. Si un sous-ensemble R de ker(ϕf ) engendre ker(ϕ f ), alors on appelle A et R une présentation par générateurs et relations de G. Dans ce cas, G est isomorphe au groupe quotient F (A)/R) et on note G = A|R. Une présentation par générateurs et relations d’un groupe G n’est pas unique. Si A et R sont des ensembles finis, la présentation est dite finie. Savoir si une présentation finie décrit le groupe trivial est en général un problème indécidable. Afin de calculer dans un groupe défini par générateurs et relations MAGMA, utilise la « procédure » de T ODD-C OXETER (1936) qui est en fait une heuristique [2]. Sur un exemple donné les calculs risquent donc de ne pas aboutir. E XEMPLE . > F := FreeGroup(2) ; rels := { a^2,b^4,a* b*a*b } ; > D4, phi := quo< F | rels > ; Order(D4) ; 8
Exercice A.1 Montrer que le groupe x, y|xyx−1 = y 2, yxy −1 = x2 de générateurs x, y contraints aux relations xyx−1 = y 2 et yxy −1 = x 2 est le groupe trivial d’ordre 1, et que le groupe G = x, y|xyx −1 y−1 défini par générateurs et relations est isomorphe à Z × Z. Le but de cet exercice est d’étudier les Exercice A.2 Soit n > 1 un entier. groupes 2n 2 n −1 −1 dicycliques définis par Dicn = a, x | a = e, x = a , xax = a . 1. Vérifier que x est d’ordre 4, a d’ordre 2n et que pour k ∈ {0, 1, . . . , 2n− 1} et j ∈ {1, −1}, on a x2 ak = a k+n = a k x2, x ja k = a−kx j et a k x−1 = ak−n x.
2. En déduire que tout élément de Dicn s’écrit de manière unique sous la forme akx j avec j ∈ {0, 1} et k ∈ {0, 1, . . . , 2n − 1} et que l’ordre de Dic n est 4n.
3. Montrer que le centre de Dic n est d’ordre 2, qu’il est engendré par x2 = an , et que le groupe Dic2 est isomorphe au groupe des quaternions. Exercice A.3 Montrer que le groupe D∞ =< r, s|s2 = e, srs = s−1 > est le produit semi-direct de ses sous-groupes < s > et < r >.
Annexe B
Cryptographie avec les courbes elliptiques Soit F un corps. Une courbe algébrique du plan affine est l’ensemble des zéros d’un polynôme f ∈ F [X, Y ]. Par exemple dans R 2 , le cercle de rayon un, dont une équation est f = X 2 +Y 2 −1, est une courbe algébrique. On appelle courbe elliptique toute courbe du plan affine F 2 d’équation : Y 2 + a 1XY + a3 Y = X 3 + a2 X 2 + a4 X + a6 , avec ai ∈ F
(B.1)
lorsque celle-ci est non singulière (i.e. les dérivées partielles ne s’annulent pas simultanément). Dans l’espace projectif où on utilise les coordonnées projectives d’un point (définition 14.9), seuls les polynômes homogènes dont tous les monômes sont de même degré total, définissent des courbes. En homogénéisant l’équation (B.1) d’une courbe elliptique, on obtient l’équation d’une courbe elliptique projective Y 2Z + a 1 XY Z + a3Y Z 2 = X 3 + a2 X 2 Z + a 4 XZ2 + a6 Z 3
(B.2)
de P 2(F ) qui correspond à la courbe affine d’équation (B.1) en restriction au plan affine {(X :Y :1) X ∈ F, Y ∈ F }. Les points de la courbe elliptique projective sont les « points finis » (X :Y :1) de la courbe affine ainsi que l’unique point (0:1:0) (que nous notons ∞ dans la suite) qui se trouve sur « l’hyperplan à l’infini » d’équation Z = 0. Lorsque la caractéristique du corps F est différente de 2 et de 3, un changement de variables transforme l’équation (B.2) en Y 2 Z = X 3 + a4 XZ2 + a 6Z 3
, ∆ = −16(4a34 + 27a26) = 0.
La condition ∆ = 0 garantit que la courbe est une courbe elliptique projective.
(B.3)
164
ANNEXE B. CRYPTOGRAPHIE AVEC LES COURBES ELLIPTIQUES
Dans l’exemple M AGMA ci-dessous, la liste des coefficients [a 1, a 3, a2, a 4, a 6] est [0, 0, 0, 1, 4] : > IsEllipticCurve([GF(3)| 0, 0, 0, 1, 4 ]) ; true Elliptic Curve defined by y^2 = x^3 + x + 1 over GF(3) > IsEllipticCurve([GF(4)| 0, 0, 0, 1, 4 ]) ; false > IsEllipticCurve([GF(7)| 0, 0, 0, 1, 4 ]) ; true Elliptic Curve defined by y^2 = x^3 + x + 4 over GF(7) > IsEllipticCurve([GF(49)| 0, 0, 0, 1, 4 ]) ; true Elliptic Curve defined by y^2 = x^3 + x + 4 over GF(7^2)
Une particularité des courbes elliptiques est qu’il est possible de définir une addition sur l’ensemble des points de la courbe. Supposons dans la suite que l’équation a été mise sous la forme (B.3). Pour définir l’addition de deux points distincts finis P et Q, considérons la droite (P Q) passant par ces deux points. Si elle coupe la courbe en un 3 e point R, alors la somme P + Q de P et Q est définie comme le symétrique de R par rapport à l’axe des abscisses. Pour une courbe elliptique dans P2(R) , nous obtenons le schéma suivant :
•
•
•
R
Q
P
P +Q
•
Pour une définition précise, nous devons également traiter les cas particuliers : 1. Si la droite (P Q) n’est pas tangente à la courbe en P ou en Q, elle coupe la courbe en un 3e point R. La somme P + Q de P et Q est définie comme étant le symétrique de R par rapport à l’axe des abscisses. Si les points P et Q ont même abscisse, alors R = ∞ et il est son propre symétrique. 2. Si P = Q et si la droite (P Q) est tangente à la courbe en P ou en Q, la somme est le symétrique du point de tangence.
ANNEXE B. CRYPTOGRAPHIE AVEC LES COURBES ELLIPTIQUES
165
3. Si P = Q (doublement), considérons comme droite passant par ces deux points la tangente à la courbe en P . Elle coupe la courbe en un 2e point R. La somme P + P est définie comme le symétrique de R par rapport à l’axe des abscisses. Si P = ∞, alors ∞ + ∞ = ∞.
La loi ainsi obtenue est une loi de groupe abélien d’élément neutre ∞. L’opposé d’un point P est le symétrique de P par rapport à la droite des abscisses ; on le note −P .
EXEMPLE . La courbe elliptique d’équation Y 2Z = X 3 + 2XZ 2 + 4Z3 de P2 (F7 ) possède 10 points : {(0:2:1), (0:5:1), (1:0:1), (2:3:1), (2:4:1), (3:3:1), (3:4:1), (6:1:1), (6:6:1), (0:1:0)} , avec ∞ = (0:1:0). La cryptographie avec une courbe elliptique peut se faire via une méthode que l’on appelle Elgamal (Taher Elgamal 1985). Considérons un point P d’une courbe elliptique E sur un corps fini F q. Le sous-groupe cyclique engendré par P est de la forme P = {P, 2P, 3P, . . . , nP = ∞} La sécurité de Elgamal est basée sur la complexité du problème du « logarithme discret » dans le groupe P : étant donné un point Q de la courbe elliptique dont on sait qu’il appartient au sous-groupe P , trouver l’entier k tel que Q = kP . > C := EllipticCurve([GF(97)| 0, 0, 0, 1, 4 ]) ; > Order(C) ; 89 > PointsAtInfinity(C) ; {@ (0 : 1 : 0) @} > Points(C,1) ; [ (1 : 43 : 1), (1 : 54 : 1) ] > Points(C,2) ; [] > Points(C,4) ; [ (4 : 13 : 1), (4 : 84 : 1) ] > P :=Points(C,1)[1] ;Q :=Points(C,4)[2] ; > P; (1 : 43 : 1) > Q; (4 : 84 : 1) > P+Q ; (74 : 91 : 1) > k :=Log(P,Q) ; k ; 46 > Q-k*P ; (0 : 1 : 0)
166
ANNEXE B. CRYPTOGRAPHIE AVEC LES COURBES ELLIPTIQUES
Dans un système à clef publique basé sur les courbes elliptiques, on utilise une courbe elliptique de la forme (B.3) et un point P de la courbe qui sont connus de tous. En particulier, tout participant peut additionner des points dans le groupe P . 1. Tout participant, par exemple Alice, choisit une clef privée qui est un entier k avec 1 < k < n − 1 et rend public le point Q = kP. La sécurité du système réside dans la difficulté de trouver k connaissant kP , c’est-à-dire la difficulté de résoudre le problème du « logarithme discret ».
2. Pour lui envoyer un message qui (après transformation) est un point M de la courbe, un autre participant, par exemple Bob, lui envoie la paire (dP, M + dQ) où d est un entier choisi de manière aléatoire. 3. Alice, pour lire le message de Bob, utilise sa clef secrète k et calcule à l’aide de la 1re composante k(dP ) = d(kP ) = dQ. Puis Alice utilise la 2 e composante et calcule (M + dQ) − dQ = M .
Cette méthode est applicable avec n’importe quel sous-groupe cyclique d’un groupe. Les courbes elliptiques sont un exemple concret où les formules de l’opération d’addition sont en général compliquées et le problème du logarithme discret est considéré comme difficile lorsque le corps F q est suffisamment grand (en pratique q ∼ 2 256 ).
Annexe C
Indications pour certains exercices Corrigé 1.2 : Un élément g ∈ G est idempotent si g ∗ g = g. Si g dans G est idempotent, alors g = g ∗ ed = g ∗ (g ∗ g˜d ) = (g ∗ g) ∗ g˜d = g ∗g˜d = e d . Montrons que pour gd ∗ g) ∗ (˜ tout g dans G, l’élément g˜d ∗ g est idempotent : (˜ gd ∗ g) = g˜d ∗ (g ∗ ˜gd ) ∗ g = g˜d ∗ g . Par conséquent, g˜d ∗ g = ed pour tout g dans G et tout inverse à droite est aussi un inverse à gauche. Montrons que pour tout g dans G, l’élément ed est aussi un élément neutre à gauche : e d ∗ g = (g ∗ g˜d) ∗ g = g ∗ (˜ g d ∗ g) = g ∗ e d = g. Corrigé 1.10 : Le produit de deux réflexions de GL(2, R) d’ordre 2 dont les axes passant par l’origine 0 forment un angle θ est une rotation r ∈ GL(2, R) de centre 0 et d’angle 2θ. Pour θ = απ tel que α ∈ R \ Q la rotation n’est pas d’ordre fini. En effet, pour tout n ∈ N \ {0} la rotation r n est d’angle 2nθ = 2nαπ ; mais comme α ∈ R \ Q, on a nα ∈ Z et r n = id.
Corrigé 1.12 : L’application bijective ϕ : : G → G; h → h−1 échange les éléments h et h−1 , si bien que G = ∪ h∈G{h, h −1 } et que deux ensembles distincts {h, h −1} et {˜h, h˜−1 } sont d’intersection vide. La décomposition G = ∪h∈G {h, h−1 } est donc une partition de G. Nous avons g = g−1 si et seulement si g 2 = e. Par conséquent, l’ensemble {g, g −1} est de cardinalité 2 sauf si g = e ou si g est d’ordre 2. Comme G est d’ordre pair {e} ne peut pas être le seul élément d’ordre 1 dans la partition de G, si bien qu’il doit exister un élément d’ordre 2 dans G. Il en résulte également que le nombre d’éléments d’ordre 2 est impair. Corrigé 1.13 : L’application bijective lg : : G → G; h → gh échange les éléments h et gh, si bien que G = ∪h∈G {h, gh} et que deux ensembles distincts {h, gh} et { ˜h, g˜ h} sont d’intersection vide. La décomposition G = ∪ h∈G{h, gh} est donc une partition de G. Nous avons h = gh pour tout h dans G. Par conséquent, les ensembles {h, gh} sont tous de cardinalité 2 et il en résulte que l’ordre de G est un multiple de 2. Corrigé 1.16 :
1. Comme I −1 = I3 et J −1 = J 3 les éléments de Q 8 sont des mots formés par I et J. La relation JI = I −1 J permet de faire passer tous les J à droite du
168
ANNEXE C. INDICATIONS POUR CERTAINS EXERCICES mot. Il en résulte que les éléments de Q 8 peuvent tous s’écrire I sJ k avec s et k dans {0, 1, 2, 3} . La relation I 2 = J 2 permet de remplacer J 2 par I2 et J 3 par I 2 J et le résultat s’ensuit. 2. Comme I est d’ordre 4, les éléments id, I, I 2 , I 3 sont distincts. Puisque J n’appartient pas à I , les éléments J, IJ, I 2J, I 3 J n’appartiennent pas à {id, I, I 2, I 3 }. S’il existe s < k dans {0, 1, 2, 3} avec I sJ = I k J , alors I k−s = e avec 1 < k − s < 4. L’élément I étant d’ordre 4, nous obtenons une contradiction. Il en résulte que |Q8| = 8. 3. La relation JI = I −1J montre que (Is J )(Ik J ) = I s−k , (Is )(Ik J ) = Is+k J et (I sJ )(I k) = I s−kJ et permet de calculer la table de multiplication du groupe. En particulier JI = I 3J = IJ montre que ce groupe d’ordre 8 est non abélien.
Corrigé 2.4 : (a) Utiliser le fait que a → a −1 est un anti-isomorphisme et que a → bab−1 est un isomorphisme. (b) Remarquer que b(ab)b−1 = ba.
Corrigé 2.5 : Soit g l’unique élément d’ordre 2 dans G. Pour tout h dans G , nous savons que hgh −1 est aussi d’ordre 2 (exercice 2.4). Par conséquent, hgh −1 = g, si bien que hg = gh. Il en résulte que g ∈ Z(G). Corrigé 2.10 : Soit ϕ : G 1 → G2 un isomorphisme. Pour tout ψ ∈ Aut(G 2 ) la composition ϕ−1 ψϕ : G 1 → G1 est un endomorphisme bijectif de G1 qui appartient à Aut(G1). Il en résulte une application Γϕ : Aut(G2) → Aut(G 1); ψ → ϕ −1ψϕ. Puisque Γ ϕ(ψ1ψ 2) = ϕ −1(ψ1 ψ 2)ϕ = (ϕ−1 (ψ1ϕ)(ϕ−1 (ψ1 ϕ) = Γϕ(ψ 1)Γϕ (ψ 2), l’application Γϕ est un morphisme de groupes. De la même manière nous obtenons que Γϕ−1 : Aut(G1) → Aut(G2 ); ψ → ϕψϕ−1 est un morphisme de groupes. Comme Γϕ −1 ◦ Γϕ = Γϕ−1 ◦ Γ ϕ = id, l’application Γϕ est bijective. Par conséquent, Γϕ est un isomorphisme. Corrigé 3.3 : L’exercice 1.12 montre que G contient au moins un élément d’ordre 2. Si g1, g 2 sont des éléments distincts d’ordre 2 alors g1 g2 est d’ordre 2 distinct de g1 et g2 . Quels que soient h 1 , h2 dans H = {e, g1 , g2 , g 1g 2}, nous avons h 1 h−1 2 ∈ H, si bien que H est un sous-groupe de G d’ordre 4 (lemme 1.4). Il en résulte que 4 divise 2n (théorème de Lagrange), ce qui livre une contradiction. Corrigé 3.4 : Si un groupe G d’ordre 4 contient un élément d’ordre 4 alors il est cyclique. Sinon tous les éléments = e sont d’ordre 2 (théorème 3.12), si bien que G est abélien (exercice 1.6). Si g 1, g 2 sont des éléments distincts d’ordre 2 alors g1 g2 est d’ordre 2 distinct de g1 et g2 . Il en résulte que G = {e, g 1, g 2, g1 g 2 } = g1, g 2 avec −1 g 21 = e = g 22 et g 2 g1g −1 2 = g1 . Ces relations permettent d’établir la table de multiplication de G (démonstration de la proposition 1.14), si bien que G est isomorphe à D2 . Corrigé 3.5 : Un groupe d’ordre 2p contient un élément d’ordre 2 (exercice 1.12). Si le groupe G contient un unique élément g d’ordre 2 (exercice 1.12). Si G n’est pas cyclique les éléments h de G \ g sont d’ordre p. L’ordre du sous-groupe h, g ⊂ G est > p et divise 2p. Il en résulte que h, g est d’ordre 2p, si bien que
ANNEXE C. INDICATIONS POUR CERTAINS EXERCICES
169
G = h, g . L’exercice 2.5 montre que g ∈ Z(G), si bien que le groupe G = h, g est commutatif (proposition 1.9). Par conséquent, l’ordre de gh est 2p et le groupe G est cyclique (lemme 3.15). Si G contient deux éléments g1 = g2 d’ordre 2, alors l’ordre de H = g 1, g2 ⊂ G doit diviser |G| = 2p. Comme H contient deux éléments distincts d’ordre 2, l’ordre de H est ≥ 2 et divisible par 2 . Il en résulte que |H | = 2p , si bien que H = G . Si G est abélien alors G possède un unique élément g d’ordre 2 (exercice 3.3). Si bien que G est un groupe non abélien engendré par deux éléments d’ordre 2 et doit donc être isomorphe à D n (proposition 3.14). Corrigé 3.6 : Les éléments de G \ {e} sont d’ordre 5, 7 ou 35. S’il existe un élément d’ordre 35 alors G = g est cyclique. Dans ce cas g5 est d’ordre 7 et g 7 est d’ordre 5. Supposons que G ne soit pas cyclique et ne possède pas d’élément d’ordre 7. Les éléments de G \ {e} sont tous d’ordre 5 et G serait la réunion de k sous-groupes distincts d’ordre 5. Puisque 5 est premier, ces sous-groupes sont soit égaux soit d’intersection réduite à {e} . Si bien que 35 = 4k + 1, ce qui donne une contradiction. De même, si G n’est pas cyclique et ne possède pas d’élément d’ordre 5, alors 35 = 6k + 1 avec k le nombre de sous-groupes distincts d’ordre 7, ce qui donne également une contradiction. Corrigé 3.7 : Il existe un unique élément d’ordre 2 dans Q8 (lemme 3.17). Puisque le groupe est non cyclique, les 6 autres éléments = e sont tous d’ordre 4 et engendrent chacun un sous-groupe cyclique d’ordre 4. Un sous-groupe cyclique d’ordre 4 contient un unique sous-groupe d’ordre 2 et deux éléments d’ordre 4. Par conséquent, il existe 3 sous-groupes d’ordre 4 dans Q8 . Les sous-groupes d’ordre 4 sont tous d’indice 2 et donc distingués (proposition 3.14). Soit h ∈ Q 8 l’unique élément d’ordre 2, g dans Q8 et H = h. Alors, ghg −1 est également d’ordre 2 si bien que ghg−1 = h ∈ H. Il en résulte que H est un sous-groupe distingué de Q 8 contenu dans Z(Q 8). En ajoutant à ces 4 sous-groupes propres les deux sous-groupes triviaux Q 8 et {e}, nous obtenons tous les sous-groupes de Q8 qui sont bien tous distingués. Pour deux éléments h1 et h 2 d’ordre 4 dans Q8 avec h 1 ∈ Q8 \ h2 , nous avons Q8 = h1 , h2. Si h 1 ∈ Z(Q 8), alors le groupe Q8 = h 1, h2 serait abélien et nous obtenons une contradiction. Il en résulte que Z(Q 8) = H = g est d’ordre 2. Corrigé 4.1 : Soit X un ensemble fini à n éléments. Une numérotation des n éléments de X est une bijection ϕ : X → {1, 2, . . . , n}. Considérons l’application f ϕ : S(X ) → Sn donnée par α → β = ϕαϕ−1 . Comme la composée d’applications bijectives est une bijection, ϕαϕ −1 ∈ S n, l’application f ϕ est donc bien définie. De la même manière, on définit g ϕ : Sn → S(X ) par β → α = ϕ −1βϕ. Comme f ϕ ◦ gϕ = id Sn et g ϕ ◦ fϕ = id S(X ), ces applications sont bijectives. Il reste à montrer que fϕ est un morphisme de groupes : fϕ(α 1α2) = ϕ(α 1α2 )ϕ −1 = (ϕα 1ϕ−1)(ϕα 2ϕ−1) = fϕ (α1 )fϕ (α 2).
170
ANNEXE C. INDICATIONS POUR CERTAINS EXERCICES
Corrigé 4.12 : 1. Puisque l’action est transitive, quels que soient les points A et B , il existe un vecteur u avec B = A + u. S’il en existe un autre, B = A + v, alors A = B − v et A + (u − v) = (A + u) − v = B − v = A. Par conséquent, u − v appartient au stabilisateur de A. Comme l’action est libre, il en résulte que u − v = 0 ou encore u = v. Quels que soient les points A, B et C dans E , nous avons −−→ −−→ −−→ −−→ −−→ A + ( AB + BC) = (A + AB) + BC = B + BC = C. −−→ −−→ −−→ −−→ −→ Le vecteur AB + BC envoie A sur C , si bien que AB + BC = AC. 2. (a)
−−−−−−−−−−−−−−−→ −−−−−−−−−−−−→ (g ◦ f )(M )(g ◦ f )(N ) = g(f (M ))g(f (N )) −−−−−−−−→ −−→ −−→ = ϕg ((f (M )f (N )) = ϕ g (ϕf (M N )) = (ϕg ◦ ϕf )(M N ). Puisque la composition d’application linéaire est linéaire, le résultat s’ensuit.
(b) Soit f une application linéaire, O ∈ E un point origine et Ω un point de E. Il existe un point Ω de E tel que f(Ω) = Ω si et seulement s’il existe un −→ −→ vecteur u = OΩ ∈ V tel que f (Ω) = f (O) + ϕf (OΩ). C’est à dire, si et −−−−→ −→ seulement si pour tout vecteur v = f (O )Ω , il existe u = OΩ ∈ V tel que ϕ f(u) = v . Par conséquent, f est surjective si et seulement si ϕf l’est. La démonstration pour l’injectivité est similaire. (c) Soit Ω un point de E et h l’application linéaire qui fixe Ω et dont la partie −−→ −−−−→ linéaire est ϕh = id. Pour tout point M de E , nous avons ΩM = Ωh(M ), si bien que h(M ) = M et donc h est un élément neutre dans GA(E ) . Soit f : E → E une application affine bijective de partie linéaire ϕf : V → V avec Ω = f (Ω) . Considérons l’application affine g avec g(Ω ) = Ω et −1 ϕ g = ϕ−1 f . Pour g ◦ f , nous avons (g ◦ f )(Ω) = Ω et ϕg ◦f = ϕ f ◦ϕ f = id. Par conséquent, g ◦ f = h est l’élément neutre et g est l’inverse de f , ce qui montre l’existence d’un inverse dans GA(E ). Comme la composition d’applications est associative, le résultat s’ensuit. (d) Considérons l’application GA(E )Ω → GA(E ) → GL(V ) qui envoie −−→ l’application affine f : E → E ; M → Ω + ϕf (ΩM ) sur ϕ f. Pour le dernier point il suffit de montrer que cette application est un isomorphisme. Corrigé 5.3 : Pour les groupes D 1 et D2 le résultat est immédiat. Supposons à présent n ≥ 3. D’après la remarque 1.15, le groupe D n est engendré par deux éléments α, β d’ordre 2, si bien que D n/H = {gH | g ∈ D n} est également engendré par les deux éléments αH et βH . Comme (αH )2 = α2H = eH et (βH ) 2 = β 2H = eH , le
ANNEXE C. INDICATIONS POUR CERTAINS EXERCICES
171
groupe D n/H = {gH | g ∈ Dn } est soit cyclique d’ordre 2, soit engendré par deux éléments d’ordre 2. Si les deux générateurs αH et βH d’ordre 2 de Dn /H commutent, alors les mots de Dn /H peuvent tous être mis sous la forme eH, αH, βH ou αβH . Il en résulte que D n /H est d’ordre 4 et donc isomorphe à C4 ou à D2 (exercice 3.4). Sinon D n /H est un groupe non abélien engendré par deux éléments d’ordre 2. Par conséquent, D n/H est isomorphe à un groupe diédral (proposition 3.14). Corrigé 5.4 : Supposons que G/Z(G) est cyclique d’ordre m. Alors G = gZ(G) i is avec g ∈ G, si bien que tout élément hs de G = ∪m−1 i=0 g Z(G) s’écrit h s = g ζ s avec is ∈ N et ζs ∈ Z(G). Comme h1h 2 = gi1 ζ1 gi2 ζ 2 = gi 1 gi 2 ζ1 ζ2 = g i2 gi 1ζ1 ζ2 = g i2 ζ2g i1 ζ 1 = h2 h1 , il en résulte que le groupe G est abélien. Supposons que Aut(G) est cyclique. Le groupe G/Z(G) est isomorphe à un sousgroupe de Aut(G). Comme un sous-groupe d’un groupe cyclique est cyclique, G/Z(G) ⊂ Aut(G) est cyclique. D’après ce qui précède, le groupe G est abélien. Corrigé 5.5 : En plus des sous-groupes triviaux {e} et Q8 , il existe un unique sousgroupe d’ordre 2 et trois sous-groupes d’ordre 4 (exercice 3.7). Tous les sous-groupes de Q 8 sont distingués. Si le centre Z(Q 8) était d’ordre 4, alors le quotient Q 8 /Z(Q8 ) serait d’ordre 2 et donc cyclique. L’exercice 5.4 montre que dans ce cas, le groupe Q8 serait abélien, ce qui livre une contradiction. L’unique élément h dand Q8 d’ordre 2 appartient au centre Z(Q8 ) de Q 8 (exercice 2.5), si bien que Z(Q 8 ) = h est d’ordre 2. Le quotient Q8 /Z(Q8) est d’ordre 4 et isomorphe à C 4 ou à D2 (exercice 3.4). En particulier, Q8/Z(Q8 ) est abélien, si bien que D(Q8) ⊂ Z(Q8 ). Il en résulte que soit D(Q8) = Z(Q 8) est d’ordre 2, soit D(Q 8) = {e}. Si D(Q8 ) = {e} , le groupe Q8/{e} ∼ = Q 8 est abélien, ce qui livre une contradiction. Par conséquent, D(Q8 ) = Z(Q8) est d’ordre 2 et Q8 /D(Q 8) est d’ordre 4 et donc isomorphe à C4 ou à D 2 (exercice 3.4). Si Q8/D(Q8 ) était isomorphe à C4 , l’exercice 5.4 montre que Q8 serait abélien, ce qui livre une contradiction. Il en résulte que Q8 /D(Q8 ) est d’ordre 4 isomorphe à D 2 . Corrigé 5.6 : Montrons le 1er point. Pour n ≥ 3, les éléments d’ordre n sont tous des générateursd de Cn. Un automorphisme envoie un élément d’ordre n sur un élément d’ordre n et donc un générateur de Cn sur un générateur de Cn. Il en résulte que C n est un sous-groupe caractéristique de Dn . En particulier, tous les sous-groupes de C n sont distingués dans D n (proposition 4.33) Montrons le 2 e point : D’après l’exercice 4.6, un sous-groupe H est distingué s’il est union de classes de conjugaison. Si H est un sous-groupe de Cn, le point précédent permet de conclure. Un sous-groupe distingué H qui n’est pas contenu dans C n contient une réflexion g dans D n \ Cn , et donc également la classe de conjugaison de g. Si n est impair la classe de conjugaison de g est de taille n (proposition 4.25).
172
ANNEXE C. INDICATIONS POUR CERTAINS EXERCICES
Comme le groupe H doit également contenir l’élément neutre, il contient au moins n + 1 éléments. L’ordre de H doit diviser |D n| = 2n, si bien que H = Dn. Si n est pair, les classes de conjugaison de s et rs forment une partition de l’ensemble des réflexions Dn \C n en deux sous-ensembles à n2 éléments (proposition 4.25). Notons H un sous-groupe distingué propre de D n qui n’est pas contenu dans Cn . Le sous-groupe H = Dn ne peut contenir toutes les n réflexions de Dn \ C n, si bien que 2n H contient n2 réflexions ainsi que l’identité e . Il en résulte que |Dn /H | < n/2 = 4. Les réflexions σ de D n \Cn qui n’appartiennent pas à H sont d’ordre 2 dans Dn/H , si bien que Dn /H est d’ordre 2 (théorème de Lagrange). La rotation r ne peut pas appartenir au sous-groupe propre H, cependant (rH )2 = eH dans D n/H. Par conséquent, r 2 appartient à H . D’après ce qui précède r2 est un sous-groupe distingué de Dn d’indice 4. Considérons le morphisme canonique π : Dn → Dn /r2 dont l’image Dn /r2 = {e, r, s, rs} est d’ordre 4. Le groupe H est l’image réciproque d’un sous-groupe d’ordre 2 de Dn /r 2 . Les seules possibilités sont les images réciproques de {e, s} et {e, rs}. Il en résulte que soit H = r2 , s soit H = r2 , rs (proposition 4.25). Comme r 2, s = r 2 s, s et r2, rs = r 2 rs, rs (remarque 1.15), ces deux groupes non abéliens sont chacun engendré par deux éléments d’ordre 2 et donc isomorphes à D n2 (proposition 3.14). Corrigé 5.7 : Le groupe G = {(a1, a2 )|ai ∈ F3 } est abélien non cyclique d’ordre 9. Le groupe GL(2, 3) est un sous-groupe d’ordre 48 de Aut(V ) (exemple 2.13, proposition 5.11). Le groupe G est engendré par a = (1, 0) et b = (0, 1). Pour α dans Aut(G) il y a 9 − 1 = 8 possibilité pour α(a). Comme α(b) doit être dans G \ α(a), il y a 6 possibilité pour α(b) et | Aut(G)| ≤ 48. Par conséquent, Aut(G) = GL(2, 3). Corrigé 5.10 : b) considérer le morphisme f : R → C∗ : x → exp(2iπx). Corrigé 5.13 : L’action de G sur G/H par translation correspond à un morphisme ϕ : G → Sn (avec n = (G : H ) ) et ker(ϕ) est un sous-groupe distingué de G d’indice au plus | im(ϕ)| ≤ n!. Puisque ker(ϕ) est l’intersection des stabilisateurs, il est contenu dans le stabilisateur H de eH . Corrigé 5.18 : 1. Le groupe GL(2, 3) est d’ordre 3(3 2 − 1)(3 − 1) = 48 (proposition 5.11). Le morphisme det : GL(2, 3) → (F3 \ {0}, ·); g → det(g) est surjectif, si bien que ker(det) = SL(2, 3) est un sous-groupe distingué d’ordre 24. 2. Les relations permettent de déterminer la table de multiplication du groupe qui doit être d’ordre 8 et isomorphe à Q 8 (exercice 1.16). 3. Les éléments d’ordre 2 ont un polynôme minimal qui divise X 2 + 2 = (X + 1)(X + 2). Un polynôme minimal de la forme X 2 + 2 est exclu car sinon, l’élément correspondant de SL(2, 3) serait diagonalisable de déterminant 2 = 1 . La seule possibilité est donc X + 2 qui correspond à la multiplication scalaire par 2. Il existe donc un unique élément d’ordre 2 dans SL(2, 3) qui est dans le centre de SL(2, 3) (exercice 2.5).
ANNEXE C. INDICATIONS POUR CERTAINS EXERCICES
173
4. Dans F3[X ] le polynôme X 2 + 1 est irréductible et doit donc être le polynôme minimal de tout élément d’ordre 4. Par suite, la matrice d’un élément d’ordre 4 est de tracenulle et dedéterminant 1. On trouve alorsles 6 éléments d’ordre4 0 1 2 2 1 2 0 2 1 1 2 1 suivants : . 2 1 1 2 2 0 2 2 1 0 1 1 Dans F3[X ] nous avons que X 4 + 1 = (X 2 + X + 2)(X 2 + 2X + 2) est une décomposition en irréductibles et le polynôme minimal d’un élément d’ordre 8 de GL(2, 3) doit être un de ces deux facteurs. Le déterminant d’un tel élément serait 2, si bien, qu’il n’existe pas de tel élément dans SL(2, 3). Ce qui précède montre qu’il y a exactement 8 éléments dans SL(2, 3) dont l’ordre divise 8 , si bien que H ∼ = Q 8 est l’unique sous-groupe d’ordre 8 de SL(2, 3) . Tout automorphisme de SL(2, 3) doit fixer H, si bien que H est un sous-groupe caractéristique de SL(2, 3) et donc un sous-groupe distingué de GL(2, 3) (proposition 4.33). Corrigé 5.19 : 1. Puisque H est un sous-groupe distingué de G, nous avons α(H ) = H pour tout α ∈ Int(G). La restriction de α à H est un automorphisme de H. Nous obtenons le diagramme G
Int(G) ϕ
Aut(H)
Puisque ker(ϕ) = ZG (H ), nous obtenons G/ZG (H ) ∼ = ϕ(G) ⊂ Aut(G) er (1 théorème d’isomorphisme). 2. (a) Puisque Q8 = i, j un automorphisme α ∈ Aut(Q 8 ) est uniquement déterminé par les images de i et de j. Comme il y a 6 éléments d’ordre 4 dans Q8 , il y a au plus 6 possibilité pour α(i). Comme α(i) est un groupe d’ordre 4 nous devons avoir α(j ) ∈ α(i). Il reste donc au plus 4 choix pour α(j ), si bien que Aut(Q 8) est d’ordre au plus 6 · 4 = 24. (b) Par le calcul (ce résultat sera aussi montré plus tard : proposition 13.6). a b (c) Pour un élément h = de GL(2, 3) l’égalité hi = ih implique c d d = a et c = −b. Puis l’égalité hj = jh implique b = 0. Par conséquent Z(GL(2, 3)) ⊂ ker(ϕ) ⊂ ZGL(2,3) (i) ∩ Z GL(2,3) (j) = Z(GL(2, 3)). D’après le 1er point PSL(2, 3) = GL(2, 3)/Z(GL(2, 3)) est isomorphe à un sous-groupe de Aut(Q8 ). Comme PSL(2, 3) est d’ordre 24 et que Aut(Q 8) est d’ordre au plus 24 il en résulte que Aut(Q8 ) ∼ = PSL(2, 3). Corrigé 6.5 : Pour le 1 er point, noter que (1, 2, . . . , n)(1, 2)(1, 2, . . . , n)−1 = (1, 3) et effectuer une récurrence. Conclure avec la proposition 6.14. Pour le 2e point,
174
ANNEXE C. INDICATIONS POUR CERTAINS EXERCICES
montrer que (k − 1, k) · · · (2, 3)(1, 2)(2, 3) · · · (k − 1, k) = (1, k) et conclure avec la proposition 6.14. Pour le dernier point, montrer que (1, 2, . . . , n)k−1(1, 2)(1, 2, . . . , n) −(k−1 = (k, k + 1)). Corrigé 6.6 : Montrons le 1er point. Soit i, j, k trois éléments distincts de {1, . . . , n} et σ ∈ Z(S n). Nous avons σ(i, j)σ −1 = (σ (i), σ(j)) = (i, j), si bien que σ(i) appartient à {i, j }. De même σ(i, k)σ−1 = (σ (i), σ(k)) = (i, k) montre que σ(i) appartient à {i, k}. Il en résulte que σ(i) = i et ce, pour tout i ∈ {1, . . . , n}. Par conséquent, σ = id et Z(S n) = {id}. Montrons le 2e point (sans utiliser le théorème 6.16 pour n ≥ 5). Supposons qu’il existe σ ∈ Z(A n) tel que σ = id. Soit i, j, k, quatre éléments distincts de {1, . . . , n} tels que σ(i) = j. Puisque σ ∈ Z(An), nous avons σ(i, k, )σ−1 = (j, σ(k), σ()) = (i, k, ). Comme j ∈ {i, k, }, nous obtenons une contradiction. Le centre de A n est donc réduit à {id} . Les isomorphismes Int(S n) ∼ = Sn et Int(A n) ∼ = An découlent du corollaire 5.17 Corrigé 6.7 : Comme le sous-groupe H est d’indice 2 dans S 4, il est distingué. Le groupe H est donc une union de classes de conjugaison de S4. En effet, si σ ∈ H , comme H est distingué, tous les conjugués de σ sont aussi dans H. Donc, la classe de conjugaison de σ est incluse dans H et |H | = 12 est la somme de cardinaux de certaines classes de conjugaison de S 4. L’équation des classes de S 4 est 24 = 1 + 3 + 6 + 6 + 8, où 1 correspond à la classe de e (equation 6.1). Puisque e ∈ H, une des classes de conjugaison de S 4 qui est contenue dans H est de taille 1. La seule possibilité est alors 12 = 1 + 3 + 8. Comme cette possibilité correspond aux éléments de A4 , on en déduit que H = A4. Corrigé 6.9 : Puisque l’inverse d’un produit de transpositions correspond au produit de ces transpositions écrit à l’envers, tout commutateur est un produit d’un nombre pair de transpositions. Pour n ≥ 3 , les 3-cycles de la forme (1, a, b) engendrent An (proposition 6.14). Comme (1, a)(1, b)(1, a)−1(1, b) −1 = (a, b)(1, b) = (1, a, b), les commutateurs des éléments de S n engendrent A n. Corrigé 6.14 : Puisque les groupes (Z/2Z)×(Z/2Z), V4 etD 2 sont isomorphes (exercice 3.4), leurs groupes d’automorphismes le sont également (exercice 2.10). Nous avons Aut ((Z/2Z) × (Z/2Z)) ∼ = GL(2, 2) ∼ = S3 (exercice 5.7 et exemple 5.12). ∼ L’isomorphisme Aut(S 3) = S3 livre l’exemple cherché (exercice 6.12). Corrigé 6.15 : Notons n l’ordre de G et m > 1 l’ordre de deux éléments h1 et h2 de G. D’après le théorème de Lagrange 3.12, m doit divisern. L’action de translation à gauche de G sur lui-même donne un morphisme injectif ϕ : G → S|G| ∼ = Sym(G) et donc un morphisme injectif ψ : h1 → G → S |G| . Cherchons le type de ψ(h 1) ∈ S|G]. Les orbites de h 1 forment une partition de l’ensemble G. Chaque orbite est de la forme {h 1 · g, h 21 · g, · · · , hm 1 · g = g } avec g ∈ G et ces éléments doivent être distincts pour tout g ∈ G . En effet, pour i < j, h i1 · g = h j1 · g ⇒ e = h j1−i
ANNEXE C. INDICATIONS POUR CERTAINS EXERCICES
175
avec 1 < j − i < m et donc i = j. L’image ϕ(h1 ) de h1 est donc de la forme (g1 , h1g 1, · · · , h m−1 g 1 )(g2, h1g2 , · · · , h m−1 g2 ) · · · (g n/m , h 1g n/m, · · · , hn−1 gn/m ) 1 1 1 avec gi ∈ G. Cette image est donc de type [m, m, . . . , m] (sans point fixe). Par le même raisonnement, l’image ϕ(h2) ∈ S |G] de h2 est du même type et les deux sont donc conjugués dans S |G] (proposition 6.7). Corrigé 7.5 : L’action de G sur l’ensemble G/H des p classes à gauche de H dans G correspond à un morphisme ϕ : G → S p. Comme | im(ϕ)| = |G|/| ker(ϕ)| , l’ordre de im(ϕ) ⊂ Sp divise |G| et p!, et donc divise p. Comme l’image ϕ(G) est un sous-groupe transitif de S p , nous obtenons im(ϕ) = {e} et donc | im(ϕ)| = |G|/| ker(ϕ)| = p . Il en résulte que ker(ϕ), qui est distingué dans G, est un sousgroupe d’indice p de G, tout comme H. Puisque ker(ϕ) = ∩g∈G Stab G(gH ) et que H = Stab G (eH ), nous avons ker(ϕ) ⊂ H. Comme les groupes H et ker(ϕ) sont aussi de même indice dans le sous-groupe fini G, nous obetenons ker(ϕ) = H . Donc H est un sous-groupe distingué de G. Corrigé 7.9 : Pour σ dans An , considérerons la composition des morphismes suivante ZSn (σ)
i
Sn ϕ
ε
{±1}
dont le noyau est ZAn (σ). S’il existe une permutation impaire α dans Sn \ An dans ZS n (σ), alors |ZAn (σ)| = |ZSn (σ)|/|{±1}| = |ZS n(σ)|/2 . La relation orbitestabilisateur implique |σAn | =
|A n| 2|A n| |Sn| = |σSn |. = = 2|ZAn (σ)| |Z Sn (σ)| |ZAn (σ)|
Si toutes les permutations dans ZS n(σ) sont paires, alors ZA n(σ) = Z Sn (σ) . La relation orbite-stabilisateur implique |σ An | =
|An | 1 2|A n | 1 |Sn | 1 = = = |σS n |. 2 |ZS n (σ)| 2 |ZS n(σ)| 2 |Z An (σ)|
Corrigé 7.10 : Pour σ ∈ A5 , l’exercice précédent montre que la classe de conjugaison de σ dans A5 est soit identique (de même taille) que la classe de conjugaison de σ dans S 5 , soit de taille moitié. En particulier, les classes de conjugaison de A5 de taille impaire, comme celle de l’identité et celle des 15 doubles transpositions, sont identiques aux classes de conjugaison de ces éléments dans S 5 . Le stabilisateur Z S 5((1, 2, 3, 4, 5)) est d’ordre 5, car il existe vingt-quatre 5-cycles dans S5 . On en déduit ZS5 ((1, 2, 3, 4, 5)) = (1, 2, 3, 4, 5) ⊂ A5 . Donc la classe de conjugaison d’un 5-cycle dans A 5 est de taille 12 = 24/2. Pour tout 3-cycle σ dans A5
176
ANNEXE C. INDICATIONS POUR CERTAINS EXERCICES
il existe une transposition dans S5 \ A5 qui fixe σ par conjugaison. Par exemple, (4, 5)(1, 2, 3)(4, 5) = (1, 2, 3). D’après l’exercice précédent, la taille de la classe de conjugaison d’un 3-cycle de S5 et de A5 coïncide et doit être 20. Les tailles des classes de conjugaison de A5 sont donc 1, 12, 12, 15, 20 . Un sous-groupe distingué est une union de classes de conjugaisons qui contient l’identité. Comme le cardinal d’une telle union distincte dans A 5 ne divise jamais 60, nous en déduisons que le groupe A5 est simple. Corrigé 7.11 : Effectuer une récurrence sur k en utilisant le fait que le centre d’un p-groupe est non-trivial. Corrigé 7.12 : Considérons l’action du groupe G sur X = G par translation à gauche de morphisme structurel ϕ : G → S2m (théorème 4.18). Pour g = e la permutation ϕ(g) ne possède aucun point fixe. Il existe dans G un élément h d’ordre 2 (théorème de Cauchy). L’image ϕ(h) est un produit de m transpositions et donc de signature −1. Considérerons la composition des morphismes suivante G
ϕ
S2m ψ
ε
{±1}
Comme le morphisme est surjectif son noyau ker(ψ) est d’indice 2 dans G. Corrigé 8.4 : Montrons le 1er point. Soit H l’unique sous-groupe maximal et g dans G \ H . Si g = G alors g doit être contenu dans un sous-groupe maximal, ce qui livre une contradiction. Par conséquent, G = g est un groupe cyclique. C’est impossible puisque p divise |G| alors que G ne possède pas de sous-groupe d’ordre p. Montrons le 2e point : Supposons G abélien et soient A et B deux sous-groupes maximaux distincts |·|B | de G . Alors, G = AB et, d’après l’exercice 8.3, |G| = ||A . Comme p ne divise A ∩B | ni |A| ni |B | nous obtenons la contradiction que p ne divise pas |G| ; Supposons G non abélien et considérons l’action du groupe G sur lui-même par conjugaison dont les points fixes X G sont exactement les éléments du centre de G. L’équation aux classes (7.1) devient |G| = |g G | = |Z(G)| + 1+ (G : ZG (g)). |gG |=1
|gG |>1
|gG |>1
Puisque dans la deuxième somme les centralisateurs ZG (g) sont des sous-groupes propres de G leur ordre n’est pas divisible par p. Par conséquent, la taille des orbites de taille > 1 est toujours divisible par p (relation orbite-stabilisateur 7.2). Puisque|G| est divisible par p, il résulte de l’équation aux classes ci-dessus que l’ordre du centre Z(G) est divisible par p (lemme 4.24). Donc Z(G) ne peut être un sous-groupe propre de G, si bien que G est abélien. Nous obtenons ainsi la contradiction finale. Corrigé 8.7 : Considérons le morphisme canonique π : G → G/N. Pour h ∈ H ,
ANNEXE C. INDICATIONS POUR CERTAINS EXERCICES
177
l’ordre de π(h) divise l’ordre de h qui doit diviser l’ordre de H . Il en résulte que l’ordre de π(h) ∈ G/N et l’ordre de G/N sont premiers entre eux, si bien que π(h) = e . Par conséquent, H ⊂ ker(π) = N . Par le 2e théorème d’isomorphisme 8.6, nous obtenons |N H| · |H ∩ N | = |N |. HN/N ∼ = H/(H ∩ N ) ⇒ (N H : H ) · |H ∩ N | = |H | Comme H ⊂ HN ⊂ G, nous avons : (G : H) =
|G| |N H| |G| = (N H : H ). |N H| H| |N H|
Par conséquent, (N H : H ) divise (G : H ) et est premier avec |N | . Il en résulte que |N | divise |H ∩ N | (lemme de Gauss) et que N = H ∩ N . Si bien que N ⊆ H. Corrigé 9.7 : Soit np le nombre de p-groupes de Sylow dans G. Comme np divise m, nous avons n p < p. Puisque np ≡ 1 (mod p) , il en résulte que np = 1. Par conséquent, il existe un unique p-groupe de Sylow dans G qui doit être distingué. Corrigé 9.8 : Si p = q alors G est un groupe d’ordre p3 qui ne peut être simple (proposition 7.8). Supposons donc p = q. Le nombre np de p-groupes de Sylow dans G divise q. Si np = 1, alors il existe un unique p-groupe de Sylow dans G qui doit être distingué. Supposons donc à présent np = q > 1. Comme np ≡ 1 (mod p) , nous avons q > p. Le nombre nq de q -groupes de Sylow dans G divise p2 , si bien que n q ∈ {1, p, p2}. Si nq = 1, alors il existe un unique q-groupe de Sylow dans G qui doit être distingué. Si nq = p alors n q = p ≡ 1 (mod q) implique p > q et livre une contradiction. Il reste donc le cas n q = p 2. L’intersection de deux q -groupes de Sylow distincts dans G est réduite à {e} , si bien qu’il y aurait p2 (q − 1) éléments d’ordre q, et donc distincts de e, dans G. L’intersection de deux p-groupes de Sylow distincts d’ordre p2 dans G est d’ordre au plus p, si bien qu’il y aurait au moins 2p2 − p éléments distincts dans les p-groupes de Sylow de G. Nous obtenons alors p 2 (q − 1) + 2p2 − p = p 2q + p(p − 1) éléments distincts dans G, ce qui est impossible. Corrigé 9.11 : Seuls les 2-sylows de S4 et S5 ne sont pas des groupes cycliques car ces groupes ne contiennent pas d’élément d’ordre 8. L’action de D4 sur les sommets du polygone régulier à 4 sommets, c’est-à-dire du carré, donne un morphisme injectif ϕ : D 4 → S4 (exemple 4.16). Il existe donc un sous-groupe ϕ(D 4) ⊂ S4 isomorphe à D 4. Par conséquent, les 2-sylows de S4 (qui sont aussi des 2-sylows de S5 puisque le stabilisateur de 5 dans S5 est isomorphe à S4) sont isomorphes à D 4. Puisque V 4 est distingué dans S 4, il est contenu dans tous les 2-sylows de S4 (proposition 9.2). Le produit (1, 2)V 4 est un 2-sylow de S 4 et on peut en déduire des générateurs. Corrigé 9.13 : Procéder par récurrence sur le nombre de diviseurs premiers de G en utilisant le théorème 8.4. Corrigé 10.4 : Notons n 3 le nombre de 3-sylows et n7 le nombre de 7-sylows de G.
178
ANNEXE C. INDICATIONS POUR CERTAINS EXERCICES
Par le théorème de Sylow 9.5 nous obtenons n7 = 1 et n3 ∈ {1, 7}. Par conséquent, G ∼ = Z/7Z ϕ Z/3Z avec ϕ : Z/3Z → Aut(Z/7Z) ∼ = Z/6Z. Puisque ϕ envoie un élément d’ordre 3 sur un élément dont l’ordre divise 3, le morphisme ϕ est soit trivial avec G ∼ = Z/7Z × Z/3Z ∼ = Z/21Z (lemme 8.12), soit envoie le générateur g de Z/3Z sur un élément ψ d’ordre 3 de Aut(Z/7Z) ∼ = Z/6Z . Dans le dernier cas −1 −1 ∼ il envoie g sur ψ . Comme Aut(Z/3Z) = Z/2Z échange g et g −1 , les deux produits semi-directs correspondants sont isomorphes (proposition 10.2). Il existe donc à isomorphisme près deux groupes d’ordre 21 : le groupe cyclique d’ordre 21 et le groupe non abélien Z/7Z ϕ Z/3Z . Ce dernier groupe est le groupe de Frobenius d’ordre 21 engendré par a et b avec a 3 = b7 = e et ba = ab2. Corrigé 10.5 : Notons n 2 le nombre de 2-sylows et n3 le nombre de 3-sylows de G. Par le théorème de Sylow 9.5 nous obtenons n 3 = 1 et n2 ∈ {1, 3, 9}. Le 3-sylow H de G est donc distingué, si bien que G ∼ = H ϕ Z/2Z. Puisque le 3-sylow H est ∼ d’ordre 9, nous avons soit H = Z/9Z, soit H ∼ = Z/3Z × Z/3Z (corollaire 7.9). Supposons H = Z/9Z. Comme Aut(Z/9Z) ∼ = Z/4Z il existe deux possibi∼ lités pour ϕ : Z/2Z → Aut(Z/9Z) = Z/4Z. Si le morphisme est trivial alors G∼ = Z/2Z × Z/9Z ∼ = Z/19Z et sinon G est isomorphe à l’unique groupe non abélien d’ordre 18 ayant un sous-groupe distingué cyclique d’ordre 9. Si bien que G ∼ = D 9. Supposons H = Z/3Z × Z/3Z. Comme Aut(Z/3Z × Z/3Z) ∼ = GL(2, 3) (exercice 5.7) nous devons construire les morphismes ϕ : Z/2Z → GL(2, 3) qui sont déterminés par l’image ϕ(g) du générateur g de Z/2Z. L’ordre de ϕ(g) est 1 ou 2 . Si l’ordre est 1 alors G ∼ = Z/2Z × (Z/3Z × Z/3Z) ∼ = Z/2Z × Z/6Z (lemme 8.12). Si l’ordre de ϕ(g) est 2, nous devons classifier les images ϕ(g) à automorphisme intérieur de GL(2, 3) près (proposition 10.2), c’est-à-dire à changement de base près. Le polynôme minimal de ϕ(g) doit diviser X 2 − 1 = (X − 1)(X + 1) et ne peut être que X 2 − 1 ou X + 1. Par conséquent, à changement seules possibilités de base près, les −1 0 −1 0 pour les éléments ϕ(g) d’ordre 2 sont et . Nous obtenons 0 1 0 −1 ainsi deux groupes notés Z/3Z × S 3 et (Z/3Z × Z/3Z) ϕ Z/2Z. {e} distingués de G est non vide Corrigé 11.5 : L’ensemble des sous-groupes H = puisqu’il contient G. Comme G est un groupe fini il existe un élément d’ordre minimal dans cet ensemble. Le groupe D(H ) est un sous-groupe caractéristique de H (proposition 4.28). Comme H est distingué dans G on a aussi D(H ) distingué dans G (proposition 4.33). La minimalité de H entraîne D(H) = {e} ou D(H) = H. En tant que sous-groupe d’un groupe résoluble, H est résoluble et donc D(H ) = H. Donc, D(H) = {e} ce qui montre que H est abélien. Puisque H est abélien un p-sylow P est toujours distingué et donc caractéristique (corollaire 9.4). Avec le même argument que ci-dessus, nous obtenons P = H . L’ensemble des éléments d’ordre p de H est non vide (théorème de Cauchy 7.6) et on vérifie facilement que c’est un sous-groupe N du groupe abélien H. Puisqu’un auto-
ANNEXE C. INDICATIONS POUR CERTAINS EXERCICES
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morphisme transforme un élément d’ordre p en un élément d’ordre p, il laisse fixe le groupe N qui est donc caractéristique dans H. Toujours avec l’argument ci-dessus, nous obtenons N = H . Corrigé 11.6 : Considérer le produit de tous les sous-groupes résolubles distingués de G et utiliser le dernier point de la proposition 11.5. Corrigé 12.1 : Un ensemble fini de nombres rationnels possède un dénominateur commun. Corrigé 13.5 : PSL(2, 2) ∼ = GL(2, 2) est un groupe non abélien d’ordre 6, si bien que PSL(2, 2) est isomorphe à D3 et aussi à S3 (exercice 3.5). Le centre d’ordre 2 de SL(2, 3) est un sous-groupe distingué d’ordre 2. Il est donc contenu dans tous les 2-sylows (proposition 9.2). Comme il existe des 3-sylows dont le générateur commute avec l’élément central d’ordre 2 (lemme 13.12), il existe des éléments d’ordre 6 dans SL(2, 3). Le groupe SL(2, 3) ne peut donc pas être isomorphe à S 4. Le groupe SL(2, 3) contient un unique sous-groupe d’ordre 8 isomorphe à Q8 (exercice 5.18). Par conséquent, il existe un unique 2-sylow S2 isomorphe à Q8 qui est distingué dans SL(2, 3). Il en résulte que SL(2, 3) est isomorphe à Q8 Z/3Z. Comme les 2-sylows de S 4 sont isomorphes à D4 et non pas à Q8 (cf. exercice 9.11), nous obtenons que les groupes SL(2, 3) et S 4 ne sont pas isomorphes. L’image du 2-sylow distingué de Q8 Z/3Z ∼ = SL(2, 3) dans PGL(2, 3) par le morphisme canonique est un sous-groupe distingué d’ordre 4 dont l’ordre des éléments divise deux (exercice 3.7). PGL(2, 3) est un groupe non abélien d’ordre 12 ayant un sous-groupe distingué isomorphe au groupe de Klein. À isomorphisme près il existe un unique tel groupe qui est A 4 (proposition 10.3). Corrigé 13.6 : Comme | SL(2, 5)| = 5 · 3 · 23 , les 3-sylows et les 5-sylows sont cycliques. Comme dans l’exercice 13.5, on montre qu’il existe un unique élément d’ordre 2. On en déduit qu’un 2-sylow est soit cyclique d’ordre 8, soit isomorphe à Q 8 (théorème 12.14). Dans F5[X ], nous avons X 4 + 1 = (X 2 + 2)(X 2 + 3). Par conséquent, le polynôme minimal d’un élément d’ordre 8 est soit X 2 + 2) soit X2 + 3, si bien qu’un élément d’ordre 8 ne peut pas être de déterminant 1. Les 2-sylows sont donc isomorphes à Q 8 . Puisque les 2-sylows de S 5 sont isomorphes à D4 (cf. exercice 9.11), les groupes SL(2, 5) et S 5 ne sont pas isomorphes. Corrigé 13.7 : PSL(4, 2) est égal à SL(4, 2) et Z(PSL(3, 4)) est d’ordre 3. Pour les deux groupes SL(4, 2) et PSL(3, 4), les matrices unipotentes triangulaires supérieures forment un 2-sylow (lemme 13.12). Comme les 2-sylows d’un groupe sont conjugués, il suffit de comparer le centre de ces 2-sylows particuliers. Pour PSL(3, 4), le centre du 2-sylow est d’ordre 4, et pour PSL(4, 2) il est d’ordre 2. Les deux groupes ne sont donc pas isomorphes. Corrigé 14.2 : Montrons le 1er point. Le groupe G opére transitivement sur les kuplets dont les entrées sont deux à deux distinctes. Pour tout couple (x1, . . . , xk−1 ) et (y 1, . . . , y k−1) de k − 1-uplets de X \ {x} dont les entrées sont deux à deux distinctes
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ANNEXE C. INDICATIONS POUR CERTAINS EXERCICES
il existe g dans Gx qui envoie (x, x 1, . . . , xk−1 ) sur (x, y1 , . . . , yk−1 ). Cet élément g de Gx envoie (x1, . . . , x k−1 ) sur (y1 , . . . , yk−1). Inversement soient (x1 , . . . , xk ) et (y1, . . . , yk ) deux k-uplets de X . Il existe g dans Gxk qui envoie (x 1, . . . , xk−1, x k) sur (y1 , . . . , yk−1, xk ) et h dans Gy 1 qui envoie (y1, . . . , y k−1, xk ) sur (y1, . . . , y k−1, y k ). Il en résulte que hg envoie(x1 , . . . , xk) sur (y1 , . . . , yk ). Le 2 e point s’obtient par récurrence sur k avec la relation orbite-stabilisateur. Corrigé 14.3 : On procède par récurrence sur n. L’action de A3 = (1, 2, 3) est transitive mais elle n’est pas 2-transitive. Pour n fixé, le stabilisateur de i ∈ {1, · · · n} est isomorphe à A n−1 dont l’action est, par hypothèse,n − 3 transitive mais pas n − 2 transitive. Le 1er point de l’exercice 14.2 permet de conclure. Corrigé 14.4 : Pour les espaces vectoriels W i ⊂ V = F n+1 nous avons dim(W1) + dim(W2 ) ≤ dim(W1 + W2 ) + dim(W 1 ∩ W 2 ) ≤ dim(V ) + dim(W 1 ∩ W2 ).
Pour dim(Wi ) = mi + 1 nous obtenons (m 1 + m 2) + 2 ≤ (n + 1) + dim(W1 ∩ W2 ). Si dim(Pn (F )) ≤ dim(P(W1)) + dim(P(W2 )), alors dim(W 1 ∩ W2 ) ≥ 1 et dim(P(W 1 ∩ W2)) = dim(P(W 1) ∩ P(W 2 )) ≥ 1.
Corrigé 14.6 : Notons ϕ : PSL(2, 3) → S 4 le morphisme structurel de l’action naturelle du groupe PSL(2, 3) d’ordre 12 sur P 1(F3). Comme cette action est doublement transitive, le morphisme ϕ est injectif, et l’image ϕ(PSL(2, 3)) est divisible par 12 (exercice 14.2). Puisque A4 est l’unique sous-groupe d’ordre 12 de S 4 (cf. exercice 6.7), il en résulte que PSL(2, 3) ∼ = ϕ(PSL(2, 3)) est isomorphe à A4 . Comme PSL(2, 4) est un groupe simple d’ordre 60 (théorème 14.11) nous obtenons le résultat avec le théorème 9.10. Corrigé 16.1 : Utiliser le fait que pour tout g ∈ G , le nombre φ(g) ∈ C est une racine de l’unité pour montrer que φ(g ) = φ(g) −1. Corrigé 16.2 : Soit ρ : G → GL(V ) une représentation de G. Sa restriction ρ H → G → GL(V ) à H est somme de représentations irréductibles de degré 1 du groupe abélien H (corollaire 16.11). Soit W une des sommants irréductibles du m H -module V et {g1 , . . . , gm } ⊂ G avec G = ∪ m i=1 gi H. Alors ⊕i=1 ρ(g i)W est un sous-G-module de V , et le résultat s’ensuit. Comme [D n : Cn ] = 2, les caractères irréductibles de Dn sont de degré 1 ou 2. Pour n impair il existe n+1 2 + 1 représentations irréductibles de D n, et pour n pair il existe n représentations irréductibles de Dn (proposition 4.25, théorème 16.17). Si n est + 3 2 pair alors [D n : D(D n)] = 4 et si n est impair alors [Dn : D(Dn )] = 2 (lemme 1.19). Si bien qu’il y a 4 caractères irréductibles de degré 1 de D n lorsque n est pair, et 2 caractères irréductibles de degré 1 de Dn lorsque n est impair (proposition 16.19). Les autres caractères irréductibles de D n sont donc tous de degré 2.
Bibliographie [1] Armstrong, M.A., Groups and symmetry, Springer, 1997. [2] Artin, M., Algebra, Prentice-Hall Inc, 1991. [3] Bosma, W., Cannon, J., Playoust, C., The magma algebra system : The user language, Journal of Symbolic Computation 24, 235–265, 1997. [4] Edixhoven, B., Algèbre avancée, polycopié cours de licence, Université de Rennes 1, 1994. [5] Curtis, C.W. and Reiner, I. Representation theory of finite groups and associative algebras, Interscience Publishers, 1962. [6] Fulton, W. and Harris, J, Representation theory, Springer, 1991. [7] Kurzweil, H.. and Stellmacher, B., The theory of groups, Springer, 2004. [8] Moret-Bailly, L., Algèbre, polycopié cours de licence, Université de Rennes 1, 1997. [9] Robinson, D.J.S, A course in the theory of groups, Springer, 1980. [10] Rotman, J.J., An introduction to the theory of groups, Springer, 1980. [11] G. J. A. Schneider, Dixon’s Character Table Algorithm Revisited, Journal of Symbolic Computation 9, 601–606 (1990). [12] The GAP Group, GAP – Groups, Algorithms, and Programming, Version 4.4.12 ; 2008 (http ://www.gap-system.org). [13] Ulmer, F., Anneaux, corps, résultants, Editions Ellipses, 2018.
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Index (G : H ), 25 A tors, 109 Cn , 8 D n , 8, 10, 26–28, 33, 37, 45, 47, 52 F (A), 161 G/H, 25 G (i), 99 G x, 32 Gx, 32 H G, 4 H ϕ Q, 82 Hg, 24 Q 8, 9, 27, 28, 52, 54, 157 V G, 148 V 4, 65 X G, 73 An , 64 Dic n, 162 GA(E ), 42 GL(n, q), 49 Int(G), 19 Int h , 19 NG (K ), 39 O(V ), 136 PGL(n, F ) , 124 PSL(n, F ) , 124 SO(n, R), 136 S n , 29 Stab G(x), 32 Supp(σ), 56 S(X ), 4 Syl p(G), 87 Z(G), 19
ZG (h), 36 →, 17 X , 6 g, 5 ∼ H , 24 , 24 ε(σ), 62 gH, 24 gx, 29 nZ, 7 np , 89 D(G), 10 L(G), 37 im(ϕ), 15 ker(ϕ), 15 action de groupe, 29 k-transitive, 127 bloc, 128 fidèle, 33 libre, 32 morphisme structurel, 30 partie stable, 30 primitive, 128 transitive, 32 application affine, 42 automorphismes, 19 d’un groupe cyclique, 20 de Q8 , 54 de S3, S 4, 69 de Z/2Z × Z/2Z ∼ = D2 ∼ = V4 , 69 de Z/3Z × Z/3Z, 53 intérieurs, 20 183
184 caractère, 150 degré, 150 irréductible, 152 noyau, 158 table des, 156 Cauchy, théorème de, 73 Cayley, théorème de, 34 centralisateur, 36 centre de Sn et An , 69 d’un groupe, 19, 36, 38 d’un p-groupe, 74 de GL(n, F ) et SL(n, F ), 122 classe de conjugaison, 36 à droite, 24 à gauche, 24 commutateur, 10 coordonnées homogènes projectives, 130 dilatation, 119 équation aux classes, 61 espace projectif, 130 droite projective, 130 plan projectif, 130 point projectif, 130 sous-espace projectif, 130 fonction centrale, 150 formule des classes, 72 Frattini, argument de, 93 G-ensemble, 29 G-module, 144 complètement réductible, 147 irréductible, 147 morphisme, 146 simple, 147 sous-module, 146 groupe, 1 abélien, 1 affine, 42
INDEX algèbre du, 144 alterné, 64, 65 cyclique, 6, 8, 18, 27, 51 de Klein, 65 de type fini, 105 des quaternions, 9, 27, 52, 54, 126, 157 dicyclique, 162 diédral, 8, 10, 25–28, 33, 37, 42, 45, 47, 52, 160, 162 exposant d’un, 113 extension de, 81 général linéaire, 4 libre, 161 monogène, 6 nilpotent, 104 ordre d’un, 1 p-groupe, 72 produit, 13 quotient, 44 résoluble, 99 simple, 66 symétrique, 4, 65 transitif, 34 groupe abélien de type fini composantes primaires, 113 invariants d’un, 112 libre, 106 rang, 106 structure, 112 générateurs et relations, 162 homologie linéaire, 119 indicatrice d’Euler, 20 isomorphismes de groupes, 17 Iwasawa, théorème de, 129 Jordan et Dickson, théorème de, 132 Lagrange, théorème de, 25, 65 Maschke, théorème de, 148
INDEX morphisme de groupes, 15 morphisme d’inclusion, 17 normalisateur, 39 opération de groupe libre, 32 par conjugaison, 36 par translation, 34 transitive, 32 orbite, 32 ordre d’un élément, 6 p-groupe, 72 p-groupe fini, 74, 102 centre d’un, 74 points fixes d’un, 73 p-sylow, 87 partition, 23 permutation conjugaison, 60 cycle, 57 impaire, 64 paire, 64 point fixe d’une, 56 signature d’une, 62 support d’une, 56 type d’une, 59 plus petit contre-exemple, 75 produit direct, 77 restreint, 85 semi-direct, 82 radical résoluble, 104 relation d’équivalence, 23 relation orbite-stabilisateur, 71 relations et générateurs, définition par, 162 représentation, 144 degré, 144 par permutations, 145 régulière, 145
185 triviale, 145 Schur, lemme de, 149 somme directe, 85 sous-groupe p-clos, 88 caractéristique, 37 centre, 19, 36, 38, 69, 122 conjugués, 38 de Sylow, 87, 94, 125 de torsion, 108 distingué, 4, 38, 43 dérivé, 10, 38, 50, 99 engendré par, 5 indice d’un, 25 maximal, 127 produit de, 79 stabilisateur, 32 suite dérivée, 99 suite exacte courte, 86 Sylow, théorème de, 89 théorème chinois, 81 théorème d’isomorphisme premier, 51 deuxième, 80 troisième, 51 transvection, 119
Théorie des groupes Cours et exercices Ce livre s’adresse aux étudiants de mathématiques de L3 et de M1 qui préparent un master recherche et/ou l’agrégation de mathématiques. C’est une introduction à la théorie des groupes qui donne accès aux nombreuses utilisations de la théorie des groupes en mathématiques. Les notions centrales sont la structure et les actions de groupes. Les classifications des groupes de petits ordres et des groupes simples servent de motivation tout au long du cours. Les thèmes abordés sont : actions de groupes, théorèmes de Sylow, produit semi-direct, groupes abéliens de type finis, groupes linéaires, groupes projectifs et représentations des groupes finis. On dérive deux familles de groupes simples finis. Le dernier chapitre, plus exigeant que le reste du livre, montre comment une table des caractères permet de tester la simplicité d’un groupe fini donné. En théorie des groupes le moindre calcul s’avère vite fastidieux et la manipulation explicite d’exemples est ardue. Les notions sont illustrées tout au long du livre avec le logiciel de calcul formel MAGMA. L’utilisation d’un tel logiciel est déjà en soi un bon exercice d’assimilation des notions du cours. Cependant les calculs ne remplacent pas les 150 exercices du texte pour assimiler le cours. Cette deuxième édition enrichie a été l’occasion de corriger des erreurs et de rendre la présentation plus abordable à travers l’ajout d’exemples et d’exercices.
Felix Ulmer est professeur de mathématiques à l’université de Rennes 1 depuis 1994. Son domaine de recherche est le calcul formel.
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