Sensibilité suisse: La culture de l'architecture en Suisse 9783035609387, 9783035611311

Current Swiss building culture Beyond Peter Zumthor and Herzog & de Meuron, numerous Swiss architects have shaped

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French Pages 256 [252] Year 2017

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Table of contents :
Inhalt
Préface
Miller & Maranta
Buchner Bründler
Une Belle Réussite. L’excellence de l’architecture suisse
Herzog & De Meuron
Diener & Diener
Nickisch Walder
L’Architecture Suisse Vue d’Ailleurs
Gion A. Caminada
Jürg Conzett
Peter Zumthor
Savioz Fabrizzi
Andreas Fuhrimann / Gabrielle Hächler
Valerio Olgiati
Une Banalité Cultivée. Les modèles culturels dans l’architecture suisse actuelle
Bearth & Deplazes
:MLZD
Studio Vacchini
EM2N
Les Conditions de la Pratique
Biographies
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Sensibilité suisse: La culture de l'architecture en Suisse
 9783035609387, 9783035611311

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PRÉFACE

121

PETER ZUMTHOR

122

Chapelle Saint-Bénédict

5

MILLER & MARANTA

128

Thermes

6

Hospice du Saint-Gothard

135

16

Villa Garbald

25

BUCHNER BRÜNDLER

143

SAVIOZ FABRIZZI

26

Casa d’Estate

144

Maison Boisset

32

Transformation et extension de

152

Maison Roduit

ENTRETIEN AVEC PETER ZUMTHOR Anna Roos

L’auberge de jeunesse de Bâle 40

Immeuble d’habitation, Bläsiring

161

ANDREAS FUHRIMANN GABRIELLE HÄCHLER

46

UNE BELLE RÉUSSITE

162

Tour d’arrivée

R. James Breiding 171

VALERIO OLGIATI

HERZOG & DE MEURON

172

La Maison Jaune

54

Piscine naturelle

178

Atelier Bardill

60

Maison des Herbes de Ricola

71

DIENER & DIENER

72

Forum 3 189

BEARTH & DEPLAZES

81

NICKISCH WALDER

190

Tribunal pénal fédéral

82

Camp de base du Cervin

200

Cabane du Mont-Rose

90

Refugi Lieptgas 209

:MLZD

210

Extension du Musée d’Histoire

219

STUDIO VACCHINI

220

Centre sportif Mülimatt

53

184

96

L’ARCHITECTURE SUISSE

UNE BANALITÉ CULTIVÉE Irina Davidovici

VUE D’AILLEURS Niall McLaughlin 99

GION A. CAMINADA

100

Cabane forestière

229

EM2N

104

Tour d’observation

230

Centre d’entretien des CFF

113

JÜRG CONZETT

114

Passerelle de Traversina 2

238

LES CONDITIONS DE LA PRATIQUE Jean-Paul Jaccaud

PRÉFACE

Le climat extrême a un impact sur les choix esthétiques ; garder le froid glacial à l’extérieur et la

Si Francesco Borromini est célèbre comme architecte

chaleur à l’intérieur est une nécessité littéralement

de la Renaissance italienne, il naquit en fait à

vitale. La Suisse possédant par ailleurs peu de

Bissone, près de Lugano, dans l’ancienne Confédéra-

ressources comme le pétrole et l’acier, les architectes

tion suisse. Il commença sa carrière en suivant les

ont toujours dû faire preuve d’innovation et utiliser

traces de son père comme tailleur de pierre. Quant à

les ressources naturelles mises à leur disposition

Le Corbusier, il était originaire de La Chaux-de-Fonds,

en abondance, comme la pierre et le bois.

une petite ville du canton de Neuchâtel ; son père

Si être sensible signifie être doué d’une conscience

était émailleur de cadrans de montre. Peter Zumthor,

et d’une réceptivité aiguës, alors les œuvres archi-

l’un des architectes contemporains les plus vénérés,

tecturales présentées dans ce livre montrent de mille

est le fils d’un ébéniste et commença sa carrière

façons la sensibilité et la passion des architectes

comme menuisier. Ces exemples mettent en lumière

suisses pour leur environnement et leur histoire, qu’il

la relation que beaucoup d’architectes suisses

s’agisse de la réhabilitation tout en sobriété d’une

entretiennent avec l’artisanat et révèlent leur connais-

ancienne ferme du Tessin, de la création d’un auda-

sance intime du travail des matériaux. C’est cette

cieux centre sportif à Windisch, d’un immeuble

compréhension profonde de la nature physique des

d’habitation à plusieurs étages à Bâle ou d’un musée

matériaux intemporels utilisés pour la construction –

dans le village de Flims. Les bâtiments, quelle que

le bois, la pierre, le verre, le béton – qui, hier comme

soit leur taille, témoignent tous du souci du détail et

aujourd’hui, transparaît dans les réalisations de nom-

des matériaux, de l’artisanat de grande qualité et

breux architectes suisses.

de la rigueur de la construction qui caractérisent les

Sensibilité suisse analyse la richesse et l’enraci-

architectes du pays. La variété des bâtiments

nement profond de la tradition architecturale en

choisis – tous conçus par des architectes suisses

Suisse, la sensibilité de nombreux architectes suisses

et construits en Suisse au cours des dernières

et l’omniprésence de la culture architecturale.

décennies – vise à enthousiasmer le lecteur et à lui

Qu’un pays si petit et si enclavé ait pu produire une

transmettre l’admiration partagée par beaucoup.

telle abondance d’œuvres architecturales majeures

Chaque projet étudié est illustré par des textes, des

témoigne de cette tradition. Le volume des réa-

photographies et des dessins. La présentation de

lisations en Suisse pourra sembler moindre comparé

vingt-cinq projets réalisés à travers tout le pays par

à de plus grandes nations, mais son retentissement

quinze cabinets d’architectes est ponctuée par quatre

et son influence sont considérables. Sensibilité

textes de réflexion proposés par d’éminents intel-

suisse retrace l’histoire de ce parcours, étudie la

lectuels – dont trois sont eux-mêmes architectes –

richesse architecturale du pays ainsi que l’évolution

et par un entretien avec un célèbre architecte.

de ses nombreux architectes de talent.

Chacun des textes met l’accent sur un aspect parti-

Pourquoi les architectes suisses ont-ils réussi à

culier de l’architecture suisse : James Breiding

atteindre ce niveau d’excellence ? Quelles sont les

s’intéresse à l’évolution historique de l’architecture

forces dont la combinaison a produit ce terreau fertile

à travers les siècles, Niall McLaughlin examine de

et permis l’épanouissement de cette discipline ?

façon critique le phénomène architectural en Suisse

L’imbrication des régions linguistiques et culturelles

en portant sur lui un regard « purement extérieur »,

de la Suisse, la diversité de son architecture vernacu-

Irina Davidovici se penche sur les modèles culturels

laire sont contrebalancées par sa forte tradition

qui sous-tendent la production architecturale

cosmopolite. La Suisse dispose d’un grand réservoir

contemporaine suisse. Quant à Jean-Paul Jaccaud,

de petits cabinets d’architectes créatifs qui sont

il analyse les conditions de la pratique archi-

la base d’une culture raffinée du design architectural.

tecturale en Suisse, en les comparant à celles, fort

Cette ressource, associée à un enseignement de

différentes, des pays anglo-saxons. L’entretien

l’architecture de haut niveau, à un artisanat de grande

au cœur de l’ouvrage donne au lecteur un aperçu

qualité et à une tradition de concours ouverts et

passionnant du processus de création profondément

permettant à de nouveaux talents d’émerger, tous ces

personnel de l’éminent architecte Peter Zumthor.

aspects ont une influence sur la production archi-

Sensibilité suisse ne fait pas la promotion d’une

tecturale du pays. Si dans la plupart des pays le rôle

marque mais propose plutôt une approche globale

de l’architecte a perdu de son importance, en Suisse,

d’une discipline de grande valeur. Ce livre explore

en revanche, les architectes tendent à garder la

la spécificité et l’originalité dont ce petit pays qu’est

main sur leur œuvre ; ils dirigent toutes les opérations,

la Suisse tire sa grande réputation en architecture, il

du projet initial jusqu’à la fin des travaux de

rend hommage à cette architecture créée avec ferveur,

construction.

passion et intégrité.

Construire dans le contexte alpin de la Suisse est un véritable défi mais, en même temps, cela oblige les architectes à penser d’emblée en trois dimensions. Bien qu’on ne puisse pas parler d’un style suisse en soi, ce qui est évident, c’est une certaine retenue et un fort sentiment d’appartenance à l’environnement.

3

Anna Roos

MILLER & MARANTA

Ce qui me motive à prendre le crayon le matin, en définitive, c’est la quête du savoir. Quintus Miller

5

MILLER & MARANTA

pour finir la chapelle et l’hospice ont été réunis grâce

HOSPICE DU SAINT-GOTHARD

à une énorme toiture de plomb. La construction

COL DU SAINT-GOTHARD

d’un étage supplémentaire a permis d’aménager plus

2008–2010

de chambres et d’augmenter sa capacité d’accueil, ouvrant ainsi une nouvelle perspective sur les Alpes.

Depuis des milliers d’années, le col du Saint-Gothard

C’est le clocher élancé qui divise en deux le grand

est un important seuil entre le nord et le sud

cube à facettes : sacré/profane, chapelle/hospice.

de l’Europe. Il a joué un rôle important pendant des

Le crépi rustique des murs et la toiture de plomb grise

siècles dans l’économie et la culture de la Suisse

font écho, par leur discrétion, à la couleur des falaises

centrale. Depuis le début du treizième siècle, le col

escarpées qui entourent le bâtiment et le fondent

est un axe commercial vital reliant différentes

dans le paysage.

régions culturelles et linguistiques. Des caravanes

D’un point de vue logistique, la construction

de marchands transportant blé, vin, riz et sel, et

de l’édifice a représenté un défi considérable, car elle

même des armées entières sont passées par ce col.

ne pouvait être réalisée qu’en été, durant la brève

Pendant les dix-neuvième et vingtième siècles, le

période sans neige. Cette contrainte a exigé des idées

col du Saint-Gothard fut nimbé d’un statut presque

innovantes et un planning très précis. Pour réduire

mythologique symbolisant l’indépendance de la

drastiquement le temps de construction sur site, les

Suisse. En tant que Alpentransversale, le col a donc

grands parements en bois pour l’intérieur ont été

une importance stratégique, culturelle et historique.

assemblés dans la vallée au-dessous puis acheminés

Au sommet du col du Saint-Gothard se trouvent

jusqu’au col, où ils ont pu être rapidement installés.

des bâtiments éparpillés entre deux lacs ; parmi

Entièrement revêtues d’épicéa brut, chaque chambre

eux, l’ancien relais-auberge – aujourd’hui transformé

dégage une atmosphère presque monacale pour

en musée – et l’hospice du Saint-Gothard. Des

intensifier la perception de l’austère et majestueux

vestiges archéologiques indiquent la présence d’une

paysage environnant. La précision de la charpente est

chapelle à cet endroit depuis l’époque préromane,

vraiment admirable. Concernant les menuiseries,

tandis que l’hospice, à côté de la chapelle, date

l’architecture vernaculaire alpine d’antan est réinter-

de 1623. Les deux bâtiments ont connu une série de

prétée d’une manière profondément moderne.

catastrophes : ils furent d’abord détruits par une

En même temps, les pièces, qui sentent bon le bois,

avalanche en 1774 et de nouveau en 1905, cette fois

évoquent encore la belle atmosphère d’antan.

par le feu. Ils ont gardé la trace de chaque recons-

C’est cette discrétion parfaitement assumée, souvent

truction.

observée dans l’architecture suisse, qui donne

Le soutien de la fondation Pro San Gottardo a

sa force à l’ensemble. Chaque chambre a été nommée

permis la revitalisation et la réhabilitation des struc-

d’après les visiteurs célèbres qui y ont séjourné

tures. Six bureaux d’études d’architectes ont été

dans le passé : Goethe, Honoré de Balzac et Pétrarque,

invités à concourir. C’est l’agence bâloise Miller

pour n’en citer que quelques-uns. Aujourd’hui, les

& Maranta qui a remporté l’appel d’offres en 2005.

chambres répondent aux besoins des nouveaux tou-

Quintus Miller, qui est professeur de design à

ristes : les cyclistes et les montagnards.

l’école d’architecture de Mendrisio, dans le Tessin,

D’un point de vue architectural, ce sont la monu-

et son associée Paola Maranta jouent en Suisse

mentale façade sud et la toiture de plomb mono-

un rôle important dans le débat sur l’architecture.

lithique qui ont le plus grand impact visuel. Miller &

Leur travail a été exposé à la Biennale de Venise

Maranta a donné une nouvelle jeunesse à l’édifice

en 2012.

et lui a donné un statut en accord avec son importance

S’étant demandé comment construire un bâti-

historique et stratégique sur le Saint-Gothard. Se

ment contemporain sur la base de la construction

dressant fièrement, orienté au sud, le bâtiment semble

vernaculaire typique, les architectes ont trouvé

s’intégrer naturellement au lieu, comme s’il en

leur inspiration dans des bâtiments ruraux du canton

avait toujours été ainsi. C’est une œuvre architectu-

d’Uri, où le bois est utilisé dans des murs massifs

rale à la fois discrète et puissante.

depuis le quinzième siècle. Avec la plus grande sensibilité, les architectes ont dû trouver un équilibre entre le devoir de rester fidèle au sens historique et celui de prendre en compte le présent et de créer un bâtiment étonnamment contemporain. Ils ont d’abord commencé par vider complètement le bâtiment, conservant uniquement les murs extérieurs avec, au premier niveau, leurs élégantes doublefenêtres à arceaux et l’escalier en granit. Le bâtiment dans un second temps a été relevé d’un niveau, et

6

Ce proverbe nous accompagne depuis des années : la tradition, ça ne signifie pas conserver les cendres, mais entretenir la flamme. Quintus Miller

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ÉLÉVATION SUD

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3 E ÉTAGE 1ER ÉTAGE

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COUPE

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MILLER & MARANTA

polygonale est dans l’alignement du vieux mur du

VILLA GARBALD

jardin et des allées tout en courbes, qui serpentent

CASTASEGNA

à travers le domaine en reliant les bâtiments. Le plan

2004

anguleux et informel du bâtiment se retrouve à la jonction du toit qui pointe avec une certaine audace

En Suisse, Quintus Miller et Paola Maranta jouent un rôle central dans la création et la réflexion en

vers l’élégante villa Semper située en contrebas. La Villa Garbald n’est pas construite du bas vers

architecture. Leur approche de l’architecture est très

le haut mais plutôt de l’extérieur vers l’intérieur.

fortement influencée par les théories d’Aldo Rossi

Le cœur de la structure est la cheminée autour de

et son Architecture analogue assimilées pendant

laquelle s’enroule l’escalier en spirale qui s’élève

leurs études à l’EPFZ (ETHZ) dans les années 1980.

de la salle de séminaire au rez-de-chaussée jusqu’en

Une partie de leur formation tournait autour de

haut, en « distribuant » au passage les chambres

l’analyse des aspects éphémères de la discipline,

à coucher. On retrouve ce déplacement des pièces et

comme l’émotion que suscite l’architecture sur

le constant décalage des étages dans la dispo-

les gens et sur l’atmosphère d’un lieu. Avec l’Archi-

sition irrégulière des fenêtres. Comme les encadre-

tecture analogue, ils ont cherché à intégrer

ments de fenêtres sont dissimulés et qu’ils affleurent

l’architecture dans son environnement et à créer une

sur la façade, les ouvertures font comme des trous

relation forte entre un bâtiment et son contexte.

d’oiseaux percés dans les quatre façades et exaltent

Selon cette théorie, les bâtiments doivent avoir une

la tridimensionnalité de cette ronde-bosse abs-

ambiguïté, plusieurs facettes, donner lieu à diffé-

traite. Pour faire écho à l’aspect rustique du mur

rentes lectures et changer de fonction avec le temps.

d’enceinte du jardin, du granit provenant du fleuve

La Villa Garbald de Miller & Maranta se situe

Maira a été ajouté au mélange de béton des murs de

en lisière du village de Castasegna dans une vallée

la tour. Pour mettre en valeur cet agrégat, les

italophone du canton des Grisons. Un tissu dense

surfaces en béton ont été attaquées par hydro-abra-

de fermes sur plusieurs niveaux donne au village une

sion, un procédé utilisant un jet d’eau à haute

atmosphère urbaine. La maison d’hôtes remplace

pression ; un grand savoir-faire est nécessaire pour

une ancienne grange à foin et se situe au-dessus

obtenir une texture d’ensemble uniforme. Cet

d’une élégante villa réalisée pour la famille Garbald en

« assaut » sur les façades pour leur donner cet aspect

1863–1864 par le premier professeur d’architecture

brut, renforce la nature organique et rustique du

de l’EPFZ, Gottfried Semper. En 1955, le dernier

bâtiment, en le liant à l’environnement et en faisant

descendant de la famille Garbald a créé une fonda-

résonner les façades des murs du jardin avec les

tion, qui a pu ensuite solliciter la participation

fermes environnantes. Miller & Maranta a établi un

du Collegium Helveticum et ainsi créer un refuge dédié

dialogue raffiné entre sa nouvelle villa et son environ-

au dialogue et au débat intellectuel, par le truche-

nement historique.

ment d’un concours qui s’est tenu en 2001 et qu’a remporté Miller & Maranta. Ce qui rend l’édifice de Miller & Maranta remar-

Fait intéressant, lorsqu’ils conçoivent une pièce particulière, les architectes expliquent commencer par son ambiance. Les contraintes budgétaires

quable, c’est la manière dont il est construit et

n’ont pas été un obstacle mais ils ont néanmoins

sa forme cristalline informelle. Le projet commence

réussi à créer un espace simple, peut-être spartiate,

par le mur d’enceinte du jardin, qui crée en son

mais avec des espaces intérieurs de grande qualité.

sein une enclave privée. Inspiré des roccoli, ces tours

Les finitions ont fait l’objet d’un soin méticuleux –

italiennes servant à capturer les oiseaux, ce bâti-

pour la construction des murs enduits, blanchis

ment à cinq étages se dresse fièrement, comme une

et lissés à la chaux ainsi que pour les huisseries, les

sculpture abstraite et monolithique dans un jardin.

volets et le mobilier. Avec ses surfaces brutes

La tour se présente comme une forme dominante,

et sa forme sculpturale puissante, cette réalisation

dressée contre le paysage et le ciel. En jouant avec

a permis à Miller & Maranta de créer un nouveau

le plan des angles droits, en plaçant les fenêtres

langage contemporain pour l’architecture alpine, où

de manière aléatoire et en créant des surfaces textu-

se retrouvent certaines des leçons sur l’Archi-

rées, les architectes ont mis en valeur le caractère

tecture analogue, reçues plusieurs décennies aupa-

monolithique et abstrait de l’édifice. La structure

ravant à Zurich et profondément intégrées.

Quand nous devons concevoir un espace particulier, nous commençons toujours par son ambiance. Miller & Maranta

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REZ-DE-CHAUSSÉE

1:300

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4 E ÉTAGE 3 E ÉTAGE 2 E ÉTAGE 1ER ÉTAGE

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FAÇADE OUEST COUPE

1:300

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BUCHNER BRÜNDLER

La Suisse est un modèle d’équilibre entre les hommes et la nature. Buchner Bründler

25

BUCHNER BRÜNDLER

Le plancher intermédiaire en bois du fenil a été

CASA D’ESTATE

supprimé pour dégager les six mètres de hauteur

LINESCIO

sous plafond de cet espace, où sont situés en open

2009 – 2010

space le séjour et la salle à manger. Les volets en bois articulés occultent la lumière des deux grandes

En Suisse italienne, les bâtiments traditionnels sont

fenêtres exposées plein sud. Une cheminée ouverte

construits en granit local et leurs toits sont recou-

à même le sol en béton confère à l’espace, lorsque

verts d’ardoise ou de granit. Dans le Tessin, on trouve

l’on fait du feu par les fraîches nuits d’été, l’atmos-

dans les vallées des sentiers dallés de pierres

phère des temps anciens. La salle de bains est

qui remontent à des milliers d’années, à l’époque de

une baignoire en béton creusé dans le sol, comme

la Route de la soie, du temps des marchands en

une piscine miniature. Prendre un bain dans cette

provenance d’Extrême-Orient. La maison d’été Casa

baignoire doit être une expérience originale. Le pom-

d’Estate, située dans la Vallemaggia, une vallée

meau de douche, placé très en hauteur, décrit un

reculée à trente kilomètres au nord de Locarno, est

arc en projetant l’eau à la manière d’une petite cas-

restée à l’abandon durant un demi-siècle avant que

cade. Des luminaires encastrés derrière le lavabo

Daniel Buchner et Andreas Bründler ne s’attachent

illuminent par en dessous la surface de béton brut,

à lui redonner vie. De l’extérieur, leur interven-

comme au théâtre. De cette façon, les architectes

tion est pratiquement invisible. Une porte vitrée pivo-

jouent avec les textures, soulignant la sensualité des

tante, au ras de la façade extérieure en granit, ainsi

matériaux et augmentant la conscience des diffé-

qu’une cheminée en béton sont les seuls indices

rents espaces.

de la transformation qui a eu lieu derrière des murs de pierre épais de 650 mm et vieux de deux cents ans. La décision de limiter l’occupation aux mois

Ce qui est remarquable dans cette rénovation, c’est sa sobriété ; les architectes ont permis à ce bâtiment en pierre sèche, vieux de deux cents ans, de

chauds d’été a permis aux architectes de ne pas tou-

conserver ses proportions comme une œuvre archi-

cher aux murs de pierre et de se passer du chauffage :

tecturale durable, ayant survécu à travers les âges

une décision audacieuse qui a libéré les archi-

et qui sera sûrement encore debout au cours des pro-

tectes, leur permettant ainsi de renoncer aux fenêtres

chains siècles.

à triple vitrage et aux radiateurs. Tous les éléments nouveaux dans la rénovation ont été construits en béton : les nouvelles embrasures de fenêtres, les sols et les éléments intégrés. Introduit à l’intérieur par le toit, le béton a été coulé couche par couche dans l’espace vide entre les murs de pierre sèche et le coffrage de bois créant une maison à l’intérieur d’une maison, comme une poupée russe.

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COUPE PLAN DE SITUATION

REZ-DE-CHAUSSÉE

1:500

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Le hall d’entrée offre un volume généreux et

BUCHNER BRÜNDLER TRANSFORMATION ET EXTENSION DE

lumineux ; tous les espaces de service comme la ré-

L’AUBERGE DE JEUNESSE DE BÂLE

ception, l’ascenseur, la cage d’escalier et la salle

SAINT-ALBAN, BÂLE

de séminaire sont adossés à la pente à l’arrière du

2009 – 2010

bâtiment. Les fauteuils Jean Prouvé et les canapés en cuir fauve invitent les visiteurs à s’asseoir et à

Les auberges de jeunesse ne sont plus seulement

discuter. Un large escalier descend au réfectoire ; les

fréquentées par des étudiants et des routards voya-

murs de séparation des anciennes salles ont été

geant avec un petit budget. De nos jours, les voya-

enlevés afin de mettre en valeur une série d’arcades

geurs de tous âges constituent une large proportion

en briques, qui rythment et délimitent l’espace par

de leur clientèle. Bien que chaque auberge de

d’élégantes courbes. La texture de la brique peinte en

jeunesse soit unique, elles ont toutes une ambition

blanc crée un contraste subtil avec les colonnes

commune : être écologiques et durables, tout

enduites de plâtre blanc cassé.

en proposant un hébergement de haute qualité. Les

Un escalier en acier plié nu dans une cage couleur

auberges de jeunesse suisses remportent fréquem-

aubergine confère une dimension à la fois indus-

ment le prix des meilleures auberges de jeunesse

trielle et artistique à la circulation verticale. À l’étage,

au monde pour leur excellente conception, leur

quarante-huit chambres au total, de tailles variables,

propreté irréprochable et leur haute qualité architec-

sont réparties sur trois niveaux, en enfilade dans

turale.

des couloirs ; ceux-ci aboutissent à des vitrages du

L’auberge de jeunesse de Bâle était à l’origine

sol au plafond, conférant vue et lumière. Des regards

une fabrique de rubans en soie construite entre 1850

transparents et colorés dans les murs en maçonnerie

et 1851. Elle fut transformée en auberge de jeu-

laissent entrevoir fugacement l’activité dans les

nesse à la fin des années 1970. L’ancienne usine étant

chambres ; cela agrémente et anime le couloir. Les

classée patrimoine protégé, toute modification ne

chambres elles-mêmes ont été construites en asso-

pouvait être entreprise qu’avec précaution. En 2007,

ciant le béton et le contre-plaqué vitrifié ; les meubles

les architectes bâlois Daniel Buchner et Andreas

sont, quant à eux, en chêne massif. Le choix des

Bründler remportèrent l’appel d’offres pour une nou-

architectes s’est porté sur une utilisation robuste et

velle rénovation et une extension, terminées trois

directe des matériaux. Les balcons, en forme de

ans plus tard.

rubans, prolongent les chambres et créent un lien

Située le long d’un ruisseau à Saint-Alban,

extérieur entre les unités voisines permettant les

un quartier pittoresque proche du Rhin, l’auberge de

échanges entre les hôtes. Buchner Bründler a montré

jeunesse se niche au milieu de grands arbres. L’inter-

qu’il est possible de mettre en valeur un bâtiment

vention de Buchner Bründler est visible avant

ancien avec une extension contemporaine et de créer

même d’entrer dans le bâtiment ; une délicate passe-

une architecture qui soit aussi fonctionnelle

relle en bois relie la place Maja Sacher à l’entrée

qu’esthétique.

et débouche sur une galerie en bois clair conduisant à une terrasse fermée donnant sur la végétation. La base de cette galerie est soutenue par des piliers verticaux en chêne qui rappellent les troncs d’arbre, délimitant l’espace et liant visuellement l’ancien et le nouveau, tout en servant de filtre visuel entre l’intérieur et l’extérieur du bâtiment.

Nous croyons que l’architecture est capable de transformer les lieux. Buchner Bründler

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REZ-DE-CHAUSSÉE

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COUPE ÉLÉVATION NORD

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1ER ÉTAGE

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BUCHNER BRÜNDLER IMMEUBLE D’HABITATION, BLÄSIRING BÂLE 2011–2012

Dressé comme une sentinelle sur la rue, cet immeuble d’habitation sur cinq niveaux à Bâle se réfère aux autres bâtiments plus élevés du voisinage, plutôt qu’aux maisons mitoyennes à un étage. L’étroitesse de l’emplacement et la verticalité des proportions font vaguement penser à l’une de ces maisons traditionnelles alignées au bord des grachten, les canaux d’Amsterdam ; malgré une certaine austérité, l’édifice conserve son propre charme contemporain. En superposant verticalement les deux appartements sur trois niveaux chacun, les architectes ont su tirer parti de l’étroitesse de l’emplacement et conserver un jardin sur l’arrière. Comme le bâtiment s’insère entre les maisons voisines, les pièces sont elles aussi contenues longitudinalement, comme des serre-livres, entre deux murs de béton. Par contraste, les petites façades donnent sur la rue tandis que le jardin arrière, avec ses vitrages du sol au plafond, permet à la lumière naturelle de pénétrer jusqu’au fond. Le plan de sol est organisé autour d’un espace comprenant la cage d’escalier, les cuisines et les salles de bain, le tout semblant avoir été directement taillé dans le béton brut. La cheminée, également en béton, s’avance résolument dans le séjour. L’âtre est à même le sol et les bûches brûlent directement sur leur base, conférant à l’espace un aspect archaïque et rustique. La finition brute obtenue par le coffrage en bois a été conservée, laissant le béton naturel et non traité et montrant le processus de sa fabrication. L’absence d’équipements prémanufacturés comme les lavabos, les baignoires et les étagères – qui tous sont moulés en béton plein – renforce l’aspect plastique et sculptural et souligne la force primitive du matériau. Les encadrements de fenêtre et les panneaux de porte de placard en chêne teinté couleur miel adoucissent et enrichissent les surfaces en béton grises des murs et des plafonds. Depuis la rue, la façade présente une interaction soigneusement dosée entre le bois, le verre, le métal et les surfaces en béton. Il n’est pas surprenant que ce projet ait remporté le Prix d’architecture béton 13, décerné en Suisse : c’est un exemple éloquent d’une utilisation sculpturale du béton, taillé et soigneusement moulé pour dessiner l’espace. Buchner Bründler a su maîtriser avec sensualité le béton, un matériau dont le rôle est central dans l’architecture en Suisse depuis plus d’un siècle.

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COUPE REZ-DE-CHAUSSÉE

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3 E ÉTAGE

4 E ÉTAGE

UNE BELLE RÉUSSITE

L’excellence de l’architecture suisse

R. James Breiding

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Comment se fait-il qu’un tout petit pays enclavé comme la Suisse, et dont la majeure partie du territoire est inhabitable, compte le plus grand nombre, par habitants, de lauréats du prix Pritzker au monde ? Comment un pays a-t-il pu donner naissance en très peu de temps à des architectes de l’envergure de Le Corbusier, Mario Botta, Jacques Herzog, Pierre de Meuron, et Peter Zumthor, en imprimant leur marque à des villes dans le monde entier ? Cet essai examine les raisons de l’excellence architecturale suisse et propose un aperçu des personnalités ayant le plus contribué au rayonnement de ce secteur en Suisse. Le concept de nation recouvre une multitude d’aspects : l’histoire, le climat, le relief, la langue, la religion, l’équilibre entre l’individu et la société, l’abondance ou au contraire le manque de ressources et de richesses, les valeurs et les normes sociales, pour n’en citer que quelques-uns. De cette liste interminable, trois attributs de la « suissitude » me viennent à l’esprit, quand je réfléchis à ce qui peut expliquer la remarquable contribution du pays à l’architecture, telle que nous la connaissons aujourd’hui. Tout d’abord, la Suisse est depuis longtemps une nation dont la prospérité repose sur l’ouverture au monde. Un centre d’échange commercial sous l’Empire romain, offrant conquête au nord et protection au sud ; le Rhin y prend sa source au sud, le Rhône au nord ; avant l’invention du chemin de fer, ces deux fleuves sont la colonne vertébrale des échanges commerciaux dans toute l’Europe centrale. La Suisse sert également de couloir aux pèlerins traversant le pays de part en part pour se rendre à Saint-Jacques-de-Compostelle ou pour en revenir. Jusqu’au dix-neuvième siècle, la Suisse exporte principalement ses hommes jeunes, mercenaires très appréciés lors des incessantes guerres qui ravagent la plupart des sociétés européennes (aujourd’hui encore, ce sont les Gardes suisses qui protègent le Vatican). Tout cela multiplie les occasions d’échanges d’idées, de talents et de techniques. Les Suisses voyagent, font des rencontres, apprennent de nouvelles langues, se marient avec les locaux, ce qui explique qu’ils soient alors probablement plus au courant des dernières évolutions que d’autres sociétés plus provinciales. La deuxième caractéristique de la Suisse est son cadre politique unique au monde. Tout système politique a pour tâche fondamentale d’assurer un arbitrage souple entre groupes d’intérêt et blocs de pouvoir concurrents afin de faire prévaloir l’intérêt du plus grand nombre. L’histoire nous a souvent montré que le pouvoir tend naturellement à la centralisation. L’histoire est très largement celle de la formation, de l’expansion et, enfin, de la destruction des empires. Pensons à l’Égypte, à la Grèce, à Rome, à l’Armada espagnole, à Napoléon, à Bismarck ou à l’Empire britannique. Ce qui fait l’unicité de la Suisse, c’est qu’elle s’est construite à partir de sa base, de bas en haut, et qu’elle est l’une des rares exceptions à avoir réussi à préserver la prédominance du local et du régional sur le pouvoir central et sa tendance à tout diriger. Les Suisses ont un souverain mépris pour toute centralisation du pouvoir. Comme me le faisait remarquer un jour le professeur Harold James de Princeton, des villes comme Bâle, Genève, Lucerne, Neuchâtel, Saint-Gall et Zurich ressemblent encore aux villesÉtats médiévales, avec leurs dialectes locaux, leurs coutumes, leur autonomie considérable et une conception méritocratique de la reconnaissance. Cela s’applique également à l’architecture, car ces spécificités ont été longtemps source abondante et variée de commandes pour de jeunes architectes suisses. Le pays compte 26 cantons et 2 249 communes, tous disposant de budgets permettant de financer des commandes et abritant d’ambitieux architectes désireux de surpasser leurs concurrents. D’un point de vue collectif, c’est un laboratoire d’expériences architecturales, et d’un point de vue individuel, un rêve pour tout architecte débutant. Deuxième caractéristique de l’architecture suisse, elle présente une combinaison particulière de précision et de sobriété. Calvin et Zwingli, deux des acteurs les plus influents de la Réforme, viennent de Suisse. Pendant plus de 1 000 ans, l’Église catholique aura régné sur les cœurs et les esprits. Pour passer commande auprès d’un architecte, l’Église ou les monarchies se fondent alors sur le talent artistique et le respect qu’il inspire. Ces commanditaires recherchent le sublime : ce qu’il y a de plus grandiose, de plus ostentatoire et de plus imaginatif. Le calvinisme interdit à ses adeptes de participer à ce genre de concours, ou même de s’engager dans ces professions. Pour se distinguer, une œuvre n’est considérée comme supérieure que si elle est plus efficace, plus résistante, techniquement plus perfectionnée ou présentant toute autre forme d’amélioration tangible.

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Une attention particulière aux matériaux, aux détails et à la fonctionnalité apparaît dès ces débuts, et elle continue de se manifester aujourd’hui. La langue allemande possède une célèbre expression : mehr sein als scheinen (plus d’être que de paraître) – qui semble ancrée dans l’ADN suisse – qu’il s’agisse d’un horloger du Locle, d’un fabricant de turbines ABB, ou d’un architecte de chez Herzog & de Meuron. Fiabilité et confiance sont les deux derniers attributs de la « suissitude » qui viennent à l’esprit. La vie en montagne est marquée par une grande incertitude. Avalanches et inondations peuvent rayer de la carte des vallées entières ; de mauvaises conditions météorologiques peuvent isoler les populations pendant des semaines entières et de mauvaises conditions météo peuvent affecter les récoltes nécessaires aux villages pour passer l’hiver. Tout cela explique la tendance des Suisses à la prudence et leur inclination à construire durablement, en prévision de ces calamités rares mais inévitables. La fiabilité se mesure dans les moments difficiles, et non quand il fait beau. Et de la fiabilité naît la confiance. Les budgets en architecture peuvent être très élevés et ce sont souvent les contribuables qui payent. Sans être toujours un critère décisif, le respect des budgets et des délais peut être un atout. Après avoir examiné ces caractéristiques emblématiques de l’architecture suisse, retraçons maintenant les grandes lignes de son développement historique. ÉQUILIBRE, UNITÉ – ET AFFAIRES Architecture et marché de l’art sont devenus des secteurs importants de l’économie suisse, d’une manière typiquement suisse – discrètement – en s’appuyant sur les tendances à construire du bas vers le haut, à viser l’équilibre et l’utilité, et à rester attachés à une vision indépendante des choses. Mais les relations ambiguës de nombreuses personnalités culturelles suisses avec leur patrie sont révélatrices. Le sentiment que la Suisse est un milieu quelque peu étouffant a des racines historiques profondes. Dans la Suisse préindustrielle, l’art et l’architecture créative peinent à trouver leur place. Contrairement à ses voisins européens, la Suisse n’a pas de cours princières ni de familles royales jouant les mécènes pour exalter leur pouvoir et leur prestige. Ce genre de frivolités est étranger à la mentalité suisse. L’argent – quand il y en a – doit servir à acheter des choses raisonnables. Il n’est pas surprenant que les premiers signes de talent artistique en Suisse se manifestent dans l’architecture, où les valeurs esthétiques peuvent être intégrées discrètement à un projet pratique ou religieux. L’ITALIE, UN PASSAGE OBLIGÉ Entre le seizième et le dix-septième siècle, les plus grands architectes suisses proviennent du sud des Alpes, du canton italophone du Tessin, et leur principale destination est Rome. L’un d’eux, Domenico Fontana, succède à Michel-Ange comme architecte en chef de la Basilique Saint-Pierre. C’est le neveu de Fontana, Carlo Maderno, qui achèvera la Basilique. Quelques années avant la consécration de Saint-Pierre en 1629, un autre architecte suisse, Francesco Castelli, travaille sur le chantier. Il prend le pseudonyme de Borromini et se fait connaître en construisant l’église Saint-Charles-des-Quatre-Fontaines, sur la colline du Quirinal, qui définit le style baroque romain. Une génération plus tard, un autre émigrant, Domenico Trezzini, quitte Astano près de Lugano, pour faire carrière à l’étranger. Après son passage obligé par Rome pour se former, Trezzini se retrouve en Russie, où le tsar Pierre le Grand le nomme urbaniste de sa nouvelle capitale, Saint-Pétersbourg. Trente ans durant, et ce, jusqu’à sa mort, Trezzini travaille sur le plan de la cité et construit certains de ses édifices majeurs, comme la cathédrale Pierre-et-Paul et les palais d’Été et d’Hiver des tsars. Il y crée également un diplôme de maîtrise d’architecture. En Suisse, il faudra attendre encore 150 ans avant qu’une institution équivalente ne soit créée pour former des architectes.

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UNE DEMANDE D’ARCHITECTURE Autour de 1800, la profession d’architecte évolue profondément. Le développement d’une classe moyenne prospère entraîne une augmentation phénoménale du nombre et de la variété des commandes. Dans le même temps, les valeurs du commerce et les méthodes de production industrielle font entrer sur les chantiers les critères d’efficacité – les clients veulent désormais avoir un retour sur investissements dans des délais raisonnables. Planifier et construire des bâtiments prestigieux nécessite des architectes diplômés, capables de maîtriser une logistique complexe et ayant une parfaite connaissance de tous les styles architecturaux demandés. Dans la première moitié du dix-neuvième siècle, la Suisse ne contribue guère à ces tendances – les architectes se forment en France et en Allemagne et rapportent en Suisse les styles de l’époque. Mais la fondation en 1855 du Eidgenössisches Polytechnikum, plus tard appelé ETH/EPFZ, constitue un tournant majeur. Le gouvernement fédéral récemment créé réussit à engager dans cette école le célèbre architecte allemand Gottfried Semper. Avec son ami proche, le compositeur Richard Wagner, Semper avait participé à l’insurrection de mai contre le royaume de Saxe à Dresde en 1849. Après l’échec du soulèvement, Semper et Wagner doivent quitter la ville pour éviter d’être arrêtés. Semper s’enfuit à Paris puis gagne Londres, tandis que Wagner se rend à Zurich. Quelques années plus tard, Wagner use de ses relations pour faire entrer Semper au tout nouveau Polytechnikum. Semper n’est pas seulement chargé de concevoir les bâtiments de l’école sur une terrasse dominant le centre-ville, il devient également le professeur le mieux payé de la nouvelle université. Pour Semper, l’apprentissage sur le tas doit jouer un rôle important dans la vie d’un architecte, conception à laquelle l’ETH restera toujours fidèle. UNE ÉPOQUE DE LIBÉRATION Grâce à l’ETH et à la nomination de Semper, la Suisse commence à devenir une puissance dans l’architecture européenne. À cette époque, les villes suisses connaissent une croissance rapide et les architectes reçoivent beaucoup de nouvelles commandes – gares, bureaux de poste centrale, théâtres, hôtels et banques. Ce sont les capitales européennes, surtout Paris, Munich et Vienne, qui fournissent les modèles de ces bâtiments, mais les architectes suisses se mettent petit à petit à proposer leurs propres interprétations, avec une approche typiquement suisse, alliant sens du réalisable et souci des coûts. Une architecture moderne, affranchie des styles traditionnels, voit progressivement le jour. Avec la nomination à l’ETH en 1915 d’un architecte suisse, Karl Moser, la formation architecturale continue d’évoluer. Moser a passé du temps à Paris et en Italie, et a établi un partenariat architectural fructueux à Karlsruhe, en Allemagne, acquérant une réputation internationale. Il conçoit les plans du terminus bâlois du chemin de fer badois (1913), de l’université de Zurich (1918) et du Kunsthaus, le musée d’art de Zurich (1910). Moser illustre le style Reform, qui se développe vers 1900, un style qui repose sur l’idée que la fonction, la forme et le design doivent être exprimés en une unité indissoluble et que la forme doit être subordonnée à l’utilité. À l’évidence, le style Reform a des liens avec le mouvement moderne en art. Le modernisme suisse est alors marqué par la philosophie pratique de tolérance qui sous-tend la cohabitation quotidienne dans un pays petit mais divers. Au même moment, on s’ouvre à des tendances venant d’autres pays ; sous Moser, l’ETH abandonne l’« architecture académique » de Semper pour adopter une conception concrète des bâtiments et promouvoir la qualité et le savoir-faire artisanal.

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L’INFLUENCE DE LE CORBUSIER En architecture, l’impact du modernisme se manifeste pleinement en Suisse dans les premières décennies du vingtième siècle. Le réalisme cosmopolite de Karl Moser influencera des générations d’architectes, qui, des décennies plus tard, continueront d’invoquer son nom. La figure la plus célèbre de ce modernisme est peut-être Charles-Édouard Jeanneret-Gris, qui prendra le pseudonyme de Le Corbusier. Né à La Chaux-de-Fonds en Suisse, dont il fréquente l’École d’arts appliqués, il entame une formation de graveur-ciseleur mais ne tarde pas à s’orienter vers l’architecture. Pendant la Première Guerre mondiale, il s’installe définitivement à Paris, où il ouvre un bureau d’architectes avec son cousin, Pierre Jeanneret. En 1918, Le Corbusier rencontre un banquier bâlois, Raoul La Roche, qui se constitue alors une importante collection de peintures cubistes. Les deux hommes se lient d’une amitié qui culminera avec la construction de la Villa la Roche en 1923. Située dans le 16 e arrondissement de Paris, cette maison devient une icône du modernisme et est toujours un lieu de pèlerinage pour les architectes (elle abrite aujourd’hui la Fondation Le Corbusier). LA FUREUR DE CRÉER LA VILLE NOUVELLE Mais les ambitions de Le Corbusier dépasseront la construction de demeures privées pour ses amis fortunés : dans Le Corbusier: A Life, Nicholas Fox Weber évoque le désir de Le Corbusier de « raser de grandes parties des villes existantes » pour construire des appartements offrant de meilleures conditions de vie. La vision de la ville moderne de Le Corbusier consiste en de vastes immeubles d’habitation, dépouillés, reposant sur des pilotis (c’est l’un des premiers architectes à prendre en compte les effets de l’automobile sur les agglomérations urbaines). S’il est considéré comme un pionnier de l’architecture moderne, Le Corbusier n’est toutefois pas sans détracteurs, par exemple Jane Jacobs, qui dans The Death and Life of Great American Cities soutient que ses réalisations avaient un effet négatif sur le développement social. Grâce à son talent rhétorique, à sa personnalité agressive et conflictuelle, et à son architecture radicale dépouillée de tout ornement, Le Corbusier prend vite la tête du mouvement d’avant-garde. Avec des manifestes comme Vers une architecture (1923), Urbanisme (1925) et Cinq points pour une architecture moderne (1927), il défend les principes de la « construction nouvelle ». LA SUISSE ET LE BAUHAUS Le Bauhaus, école d’arts et d’artisanat fondée en 1919 à Weimar, va exercer une influence déterminante sur le développement du modernisme suisse. Pendant toutes les années 1920, le Bauhaus réunit des artistes et des designers ambitieux venus de toute l’Europe. Dès le début, l’équipe compte parmi ses membres Johannes Itten, peintre et théoricien suisse de la couleur, dont les compétences pédagogiques et le charisme dominent l’école pendant ses quatre premières années. Itten, qui a fait ses études dans un institut de formation des professeurs à Berne, conçoit le cours préparatoire du Bauhaus, adopté plus tard par de nombreuses écoles d’arts appliqués dans les pays germanophones et qui figure toujours dans les cursus. En 1928, un architecte bâlois, membre fondateur du CIAM, Hannes Meyer, succède à Walter Gropius à la direction du Bauhaus. Meyer crée un département d’architecture et oriente le Bauhaus, déjà idéologiquement marqué, encore plus à gauche. Dans le conservatisme ambiant de Dessau, cette politique provoque des tensions considérables. Soumis à des pressions intenses, amplifiées par la montée des nazis, Meyer est contraint de renoncer à son poste en 1930. Il part pour Moscou, mais ne tarde pas à se brouiller avec le régime stalinien et retourne en Suisse en 1936. Meyer n’aura eu que peu d’occasions de concevoir et de construire, mais sa contribution au développement de l’architecture aura été capitale.

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ARCHITECTURE ET GUERRE NE FONT PAS BON MÉNAGE À la différence du marché de l’art, l’architecture suisse s’appauvrit avec la Seconde Guerre mondiale. Les échanges d’idées avec l’étranger s’interrompent, et les tendances au compromis et au traditionalisme régional se renforcent. Seul Le Corbusier, à Paris, reste fidèle aux idéaux de l’avant-garde, et dès la fin de la guerre il perce au niveau international en dessinant le plan original du siège de la toute nouvelle Organisation des Nations Unies à New York. Le langage formel de Le Corbusier finit par s’éloigner des cubes blancs austères pour s’orienter vers une interprétation sculpturale, plus sensible du béton. Avec la chapelle Notre-Damedu-Haut à Ronchamp, dans l’est de la France, il réalise ce que beaucoup considèrent comme son chef-d’œuvre, lieu de pèlerinage religieux et architectural. LA GÉNÉRATION POST-LE CORBUSIER Au début des années 1970, le canton du Tessin revient sur le devant de la scène architecturale internationale, en grande partie grâce à Mario Botta et à un groupe d’architectes tessinois connus plus tard sous le nom de Tendenza. Après des études à Venise, Botta travaille brièvement pour Le Corbusier en 1965. Cinq ans plus tard, il fonde son propre cabinet à Mendrisio, au Tessin, où les maisons particulières qu’il construit au début des années 1970 attirent l’attention internationale. Le Museum of Modern Art de San Francisco, achevé en 1995, et la cathédrale d’Évry, en France, consacrée la même année, marquent, de l’avis de nombreux critiques, les temps forts de sa carrière. Botta n’est pas le seul architecte suisse à exercer une influence internationale tout en restant ancré en Suisse. Jacques Herzog et Pierre de Meuron, tous deux nés en 1950, fondent leur studio d’architecture en 1978 à Bâle après avoir obtenu leur diplôme de l’ETH. D’entrée de jeu, Herzog & de Meuron cherchent à rapprocher leur travail de l’art, en collaborant avec un artiste du Jura, Rémy Zaugg. De la dynamique de cette synergie artistique, ils tireront un flot d’idées nouvelles, pour leur travail conceptuel comme pour leurs réalisations concrètes. INTELLECT ET ÉMOTION Si Herzog & de Meuron sont connus en tant qu’intellectuels, leurs constructions suscitent pourtant toujours de fortes émotions. Dans la gare centrale de Bâle, c’est le poste central d’aiguillage, recouvert de lamelles de cuivre, qui fait connaître les architectes au grand public. Et c’est en l’an 2000 qu’ils obtiennent la reconnaissance internationale, en transformant la Bankside Power station, une grande centrale électrique située sur la rive droite de la Tamise à Londres, en espace d’expositions pour la Tate Modern. Ensuite, les projets d’envergure s’enchaînent rapidement ; le plus célèbre à ce jour étant le Stade national, surnommé « nid d’oiseau », construit pour les Jeux olympiques de 2008 à Pékin. En 2001, ils reçoivent le prix Pritzker de la fondation Hyatt, considéré comme le prix Nobel d’architecture, et en 2007, le Praemium Imperiale de l’Association japonaise des beaux-arts. C’est en suivant une voie différente que Peter Zumthor accède au succès international. Originaire d’Oberwil près de Bâle, il apprend l’ébénisterie puis étudie au Pratt Institute de New York, avant de rentrer en Suisse pour s’installer à Haldenstein et ouvrir un cabinet d’architecte. À partir de là, sa réputation s’étend rapidement par le bouche à oreille. Zumthor consacre beaucoup de temps à ses projets, les mûrit longuement dans sa tête et sur le papier, et refuse de nombreuses commandes lucratives. Cette slow architecture, comme il l’appelle, est incarnée par ses thermes de Vals, un village montagnard des Grisons (voir page 128). Construit en 1996, ce complexe accueille un si grand nombre de visiteurs que la direction finit par adopter un système de quotas. À ce jour, la plus grande réalisation de Zumthor est le musée d’art Kolumba, achevé en 2007 pour l’archidiocèse de Cologne. Les deux années suivantes, malgré un volume de travail modeste, il reçoit deux autres distinctions, d’abord le Praemium Imperiale puis le prix Pritzker. Herzog & de Meuron et Zumthor comptent parmi les architectes les plus célèbres au monde. Toutefois, leur succès se fonde sur deux modes de pensée et de travail complètement différents.

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L’ARCHITECTURE N’EST PLUS UN LUXE Cet essai montre que l’influence de l’architecture suisse est plus importante que son volume d’activité. Les architectes suisses sont à l’œuvre dans le monde entier, et sur le marché de l’art, la Suisse est un centre important et reconnu, avec New York, Londres et Paris. Le marché de l’art et celui de l’architecture ont connu un essor considérable au cours des cinquante dernières années. Jusqu’aux années 1950, les produits culturels restaient un luxe réservé aux élites. Ils sont maintenant recherchés par un public beaucoup plus large. UNE DENSITÉ CRÉATIVE CONSIDÉRABLE Dans son étude intitulée City, Culture and Innovation, le géographe Philipp Klaus présente à grands traits l’importance économique du secteur culturel au sens large (c’est-à-dire le produit total de la publicité, du cinéma, de la littérature, de la musique, de la presse, des arts graphiques, de l’architecture et de l’art). D’après ses estimations, en 2001, 8,4 % de la population active de la seule ville de Zurich travaillaient dans ce secteur d’activité. Au regard des normes nationales et internationales, ce pourcentage est élevé et semble indiquer que Zurich – avec quelques autres centres comme Bâle et Genève – a atteint une densité considérable de réseaux créatifs qui, dans les domaines de la production et du commerce culturels, lui donne une portée mondiale. Le monde de la création et celui du commerce de l’art ont en commun cette caractéristique essentielle qu’ils sont doués d’une dynamique intrinsèque : la qualité attire la qualité, et les idées engendrent les idées. En Suisse, ce cercle vertueux fonctionne parfaitement, et l’on ne voit guère pourquoi cela devrait changer. Références Allenspach, Christoph. Architektur in der Schweiz – Bauen im 19. und 20. Jahrhundert. Pro Helvetia Schweizer Kulturstiftung, Zurich, 1998. Frampton, Kenneth. Modern Architecture: A Critical Building History. Stuttgart : Deutsche Verlags-Anstalt, 1983. Zumthor, Peter. Thinking Architecture. Bâle : Birkhäuser Verlag, 1998. D’après le livre de R. James Breiding, SWISS MADE – Tout ce que révèle le succès du modèle suisse. Paris, Slatkine, 2014.

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HERZOG & DE MEURON

La plus grande source d’inspiration est le monde existant dans toute sa laideur et toute sa banalité. Jacques Herzog

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HERZOG & DE MEURON

De toute évidence, le cœur du projet est le grand

PISCINE NATURELLE

bassin en forme d’œuf, qui permet à la fois aux

RIEHEN

non-nageurs et aux nageurs de se rafraîchir dans ses

2010 –2014

eaux vertes et claires. Des marches basses arrondies permettent de descendre de plus en plus profon-

Il y a parfois des projets qui prennent des décennies

dément, comme des vaguelettes épousant l’arrondi

avant d’être réalisés. La nécessité de remplacer

du bassin. De larges jetées en bois à la surface

la piscine publique de Riehen, devenue obsolète,

de l’eau relient la piscine à la terre et permettent aux

remonte à 1979, date à laquelle la collectivité locale

nageurs de plonger directement dans la zone pro-

a lancé un concours remporté par les architectes

fonde de la piscine. Il s’agit d’un projet plein d’élé-

bâlois Jacques Herzog et Pierre de Meuron. En trente

gance et conçu avec sensibilité, qui sera assurément

ans, la conception des piscines a radicalement

un passage obligé pour les nageurs locaux venus

changé et les installations conventionnelles pour

profiter du répit estival après les longs mois d’hiver.

piscines, avec systèmes mécaniques et traitements

Espérons que ce projet encouragera les concepteurs

chimiques de l’eau, ont été abandonnées au profit

des futures piscines publiques à réfléchir à des

d’un système de filtration écologique. Ainsi, la piscine

solutions vertes et sans produits chimiques, afin de

chlorée s’est métamorphosée en une étendue ovale

promouvoir une natation saine, écologique et sans

d’eau douce bordée par une profusion de plantes

chlore.

filtrantes, où l’eau est purifiée comme elle est filtrée dans la nature, à travers diverses couches de gravier, de sable et de terre. Les Suisses sont passionnés par leurs piscines publiques et on compte des milliers de piscines extraordinaires sur les berges des rivières et des lacs à travers tout le pays. Pour la piscine de Riehen, Herzog & de Meuron s’est inspiré des traditionnels Badis en bois, alignés le long des rives du Rhin. Nichés dans un vallon sous les ondulations formées par les rangées de cépages, les nouveaux bassins sont entourés par une palissade continue en bois de mélèzes dressée sur trois côtés du site en forme de biseau. Par endroits, la palissade s’incurve doucement vers l’extérieur pour accueillir des vestiaires, soustraits aux regards grâce à des panneaux gris en béton lisse, où sont fixées les douches. Au nordest, la palissade en bois s’incurve et enveloppe le hall d’entrée, où sont regroupés des vestiaires, des toilettes et une cafétéria. Les minces chevrons de bois qui supportent le toit créent un motif régulier et rythmique, délimitant élégamment le pourtour encadré par une ceinture de hauts arbres verts. En fait, la palissade en bois d’enceinte crée un sanctuaire et un solarium de deux cents mètres de long pour les amateurs de soleil. Une large terrasse couverte sert d’espace intermédiaire desservant la cafétéria et où les parents peuvent avoir un œil sur leurs enfants restés dans la pataugeoire.

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A

B

B

A

PLAN DE SITUATION

1:1 000

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COUPE A

DÉTAIL COUPE B

1:400

1:100

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HERZOG & DE MEURON

Durabilité et conservation de l’énergie faisaient

MAISON DES HERBES DE RICOLA

partie intégrante du projet de Herzog & de Meuron

LAUFEN

depuis le début du processus de conception. Des

2014

murs de quarante-cinq centimètres de large régulent l’humidité et la température des espaces intérieurs,

La Maison des Herbes de Ricola conçue par Herzog

assurant une température interne constante. Asso-

& de Meuron fait écho aux longues rangées de

ciée à l’utilisation de cellules photovoltaïques sur

plantations et à la ligne des montagnes du Jura dans

le toit et à la récupération de la chaleur par le centre

le lointain. La relative longueur de l’édifice reflète

de production voisin, la consommation d’énergie a

la succession des opérations de séchage, de coupe,

enregistré une réduction impressionnante, de 90 %.

de malaxage et de stockage des herbes utilisées

Par ailleurs, 99 % des matériaux pour les murs en pisé

pour la fabrication des pastilles aux herbes Ricola.

ont été extraits dans un rayon de dix kilomètres,

Mondialement célèbres, les architectes Jacques

tandis que les blocs de terre compressée n’ont été

Herzog et Pierre de Meuron sont connus pour leur

fabriqués qu’à trois kilomètres du site. Une ossature

utilisation radicale et expérimentale des matériaux.

de colonnes en béton supporte le toit et atténue la

Leur attitude en architecture, exploratoire et sou-

force du vent sur les vastes panneaux muraux.

vent ludique, témoigne de leur regard curieux sur le

En contrepoint à la linéarité du volume, chaque

monde. La variété et la richesse de leur œuvre,

façade dispose d’une unique fenêtre circulaire

tant d’un point de vue géographique que typologique,

montée sur le mur, comme une broche ornementale

sont révélatrices de leur ouverture d’esprit. Maté-

sur le corps du bâtiment. Ces grandes ouvertures

riaux et finitions sont utilisés de manière variée

rondes associées à une série de puits-de-lumière

et innovante. Les deux architectes ont une profonde

éclairent en lumière naturelle les quatre principaux

admiration pour le travail de grands artistes et

espaces de production. Depuis le point de vue

trouvent souvent leur inspiration en collaborant avec

de la zone accessible aux visiteurs, à l’étage supé-

eux. Pour une précédente commande de Ricola, les

rieur, on peut observer les vastes hangars situés

architectes ont utilisé pour les façades une photo-

en-dessous, où flotte le parfum acidulé de la menthe,

graphie de 1920 du photographe Karl Blossfeldt

du sureau, de la sauge et du thym.

imprimée sur des panneaux en polycarbonate translu-

Le répertoire architectural de Herzog & de Meuron

cides. Pour ce projet-ci, le plus récent et leur

comprend des bâtiments spectaculaires comme

septième réalisé pour Ricola, les architectes ont

la Tate Modern de Londres et le stade olympique

choisi de recourir au pisé, une technique de construc-

de Pékin ; comme avec la piscine naturelle de Riehen,

tion millénaire. Par l’extraction de terre glaise,

leur dernier bâtiment en date pour Ricola est un

d’argile grumeleux et de granulat grossier dans les

exemple d’architecture plus modeste, moins monu-

mines locales, 670 blocs massifs pesant chacun

mentale. Ce projet – le plus grand bâtiment en

entre quatre et six tonnes ont été façonnés et assem-

pisé d’Europe – est exemplaire en termes d’économie

blés pour constituer les murs monolithiques du

de moyens et d’intelligence écologique, ainsi que

bâtiment de 111 mètres de long, de 30 mètres de large

pour sa subtile réinterprétation des méthodes

et de 11 mètres de haut. Couche après couche, la

de construction d’antan. La simplicité de la forme et

terre compactée crée des surfaces organiquement

la tactilité des surfaces en terre compressée créent

texturées, qui résonnent avec la force archaïque de

une œuvre généreuse et sensuelle de l’architecture

la terre comme élément fondamental. Les joints entre

du vingt-et-unième siècle. Preuve tangible qu’un

les énormes blocs de pisé ont été comblés avec

bâtiment industriel peut aussi être un beau bâtiment.

beaucoup de soin, à la main, avec du mortier de terre, créant des lignes de terre glaise ondulant doucement et gardant la mémoire de leur fabrication, à l’instar d’une urne en poterie artisanale. Ces murs monumentaux sont l’expression d’un savoir-faire raffiné et de la sensibilité des hommes et des femmes qui les ont construits à la main, « avec amour ». La généreuse couleur ocre et les lignes pures des façades créent un objet architectural géométrique, subtil et « doux », qui s’insère discrètement dans le paysage rural/ semi-industriel et met en valeur la finalité de l’édifice dédié au traitement des herbes fraîches des Alpes.

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PLAN DE SITUATION

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REZ-DE-CHAUSSÉE

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1ER ÉTAGE

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COUPE A

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COUPE B

COUPE C

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COUPE D

DIENER & DIENER

Concevoir un projet, c’est réagir à un lieu, mais aussi avoir foi en la beauté et en la profondeur de la réalité. Roger Diener

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DIENER & DIENER

Beaucoup d’architectes suisses semblent avoir

FORUM 3

une profonde admiration pour les artistes et

BÂLE

collaborent avec eux pour qu’ils apportent leur talent

2005

artistique unique dans la création architecturale. Ayant une prédisposition particulière pour joindre

Comme c’est le cas depuis des temps immémoriaux,

leurs forces à celles de grands artistes, Herzog & de

l’architecture sert à montrer la richesse, le succès

Meuron a travaillé en lien étroit avec Ai Weiwei sur

et le pouvoir. Avec son ambitieux projet de création

le Stade olympique de Pékin. Ici, Roger Diener a invité

d’un site d’avant-garde dédié à la recherche et

l’artiste suisse Helmut Federle et l’architecte autri-

au développement, l’une des entreprises leaders du

chien Gerold Wiederin pour concevoir la très complexe

secteur de la santé développe lentement mais

façade de verre. Leur concept est celui d’un voile

sûrement, depuis plusieurs décennies, bâtiment après

de verre diaphane, qui dématérialise la forme archi-

bâtiment, son « Campus de Knowledge and Inno-

tecturale. L’élégant encorbellement face à la place,

vation » de Bâle. Des architectes de réputation inter-

qui s’étire entièrement le long des quatre-vingt-

nationale comme David Chipperfield, Tadao Ando¯,

cinq mètres de l’édifice, renforce encore davantage

Sanaa, Alvaro Siza, et Rem Koolhaas ont tous apporté

l’illusion d’un bâtiment flottant en apesanteur

leur contribution au plan directeur de Vittorio

au-dessus du sol.

Lampugnani, comme pour un puzzle géant en trois

L’intérieur du Forum 3 n’est pas moins impres-

dimensions. Inspiré par le schéma urbanistique

sionnant que son aspect artistique extérieur : le hall

des anciennes cités grecques, le dense maillage

d’entrée, avec ses quatre mètres de hauteur sous

de blocs formés chacun d’un bâtiment à quatre étages

plafond, est revêtu au sol de marbre noir de Grèce, il

délimite des voies piétonnes débouchant sur des

est orné de tableaux abstraits grand format et

places arborées. L’un des premiers bureaux d’études

agrémenté d’élégants meubles en bois. De l’intérieur,

d’architectes mandatés pour réaliser un bâtiment

des taches de lumière aux couleurs tamisées se

sur ce vaste site a été celui de Diener & Diener, basé

répandent à travers les surfaces intérieures, égayant

à Bâle. Leur Forum 3 est une étincelante appari-

les espaces de bureaux. À l’origine, une jungle inex-

tion de verre et de couleur qui se transforme au gré

tricable d’arbres énormes de douze mètres de haut se

des changements de lumière et des conditions

cachait dans ce caisson lumineux – une idée des

météorologiques, opaque par temps couvert, irides-

célèbres architectes paysagers Vogt. Ils parlaient de

cent par temps ensoleillé. Il n’est pas étonnant

leur Raum für Planzen – littéralement « espace pour

qu’on l’ait comparé à une aquarelle de Klee, avec ses

plantes » – comme d’une « expérience paysagère

plans superposés de nuances subtiles et diaphanes.

en concentré », censée pénétrer dans le bâtiment avec

Les façades sont composées de 1200 panneaux

l’ampleur, la complexité et la sauvagerie de la nature.

de verre montés sur tiges d’acier en un jeu de vingt-

Roger Diener a crée un édifice magistral, qui

et-une couleurs sur une vaste superficie de 4 300 m².

touche les sens et fascinera encore longtemps.

Telle une gigantesque installation artistique.

Ce n’est peut-être qu’un immeuble de bureaux, mais le mariage de l’architecture et de l’art en ont presque fait quelque chose qui confine au sublime.

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Ici, nous avons pu développer notre projet initial jusque dans la phase de construction. S’il existe une identité de l’architecture suisse, c’est bien là qu’on peut la trouver. Roger Diener

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PLAN DE SITUATION

1:4 000

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1ER ÉTAGE REZ-DE-CHAUSSÉE

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COUPE

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NICKISCH WALDER

Pour nous, concevoir un projet, c’est transformer une vision en une entité singulière qui réponde à tous les paramètres architecturaux. Une architecture pure, spécifique, adaptée à des conditions spécifiques. Nickisch Walder

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Ces structures délicates semblent écrasées

NICKISCH WALDER CAMP DE BASE DU CERVIN

par l’impressionnante paroi rocheuse qui se dresse

2014

au-dessus d’elles, créant ainsi un contraste de circonstance entre la nature temporaire du camp de

Jusqu’à la fin du dix-neuvième siècle, les Alpes

base, prévu pour une unique saison, et l’énorme

étaient considérées comme un obstacle à la mobilité

montagne, présente depuis des millénaires. Bien que

et effrayaient tous ceux qui tentaient de les tra-

ces cabanes n’aient constitué qu’une solution tem-

verser. Le 15 juillet

2015, 150 e

anniversaire de la

poraire pour accueillir les alpinistes, leur conception

première ascension du Cervin par l’alpiniste britan-

a fait l’objet de beaucoup de soin et d’attention

nique Edward Whymper, était donc un jour parti-

afin de rendre justice à la spectaculaire majesté du

culièrement heureux. Cette ascension est maintenant

site. Les architectes se sont montrés respectueux

considérée comme la naissance du tourisme alpin,

de la fragilité de l’endroit et ont veillé à ce qu’aucune

qui reste vital pour l’économie suisse. Pour marquer

trace du camp ne subsiste après son démantèlement.

cet anniversaire, la cabane du Hörnli, étape sur la route du Cervin, a été rénovée. Pendant la période transitoire de rénovation, un hôtel temporaire, sponsorisé par Swatch, a été construit sur les pentes du Cervin pour accueillir les montagnards. Il est en effet impossible d’escalader le pic en une seule étape depuis la vallée ; les montagnards passent la nuit à mi-chemin pour s’acclimater et entament à l’aube l’ascension du sommet. Vingt-cinq structures en forme de tente, disséminées sur le plateau alpin, ont été installées en bas du pic iconique du Cervin, au-dessus de la station de ski de Zermatt. Pour la forme triangulaire des cabanes, l’architecte Selina Walder s’est inspirée de la forme pyramidale du Cervin qui domine le site. Pour refléter le caractère provisoire du projet, ces constructions à double pente reposent avec légèreté sur le flanc de la montagne, comme des pliages d’origami. Construites en aluminium et en bois, ces cabanes pour deux personnes sont légèrement surélevées grâce à des étais réglables. Ces derniers assurent l’horizontalité du plancher, évitent à la structure d’être en contact direct avec le sol rocheux et froid, permettant ainsi aux alpinistes de dormir plus confortablement. La construction est précise et impeccable. Des portes triangulaires battantes s’ouvrent comme un rabat de tente, avec la poignée de porte et la fente de la serrure placées en diagonale. De plus grandes cabanes disposent d’un espace cuisine et salle à manger, où l’on sert le repas du soir et le petit-déjeuner aux alpinistes. L’eau étant une ressource rare à cet endroit, il n’y a pas de douches mais seulement des toilettes.

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A

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COUPE A COUPE

COUPE B

PLAN

PLAN TENTE LAVABO

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Avec cette transformation extrêmement moderne,

NICKISCH WALDER REFUGI LIEPTGAS

les architectes ont évité l’écueil d’une architecture

FLIMS

nostalgique du chalet. Si ce bâtiment a la franchise et

2013

le pragmatisme du chalet alpin traditionnel, il est aussi résolument contemporain. On admire la mesure

La spectaculaire toile de fond de cette maison de

et la modestie de ce petit mais vigoureux bâtiment.

vacances située dans les Grisons, ce sont les falaises du Flimserstein qui surgirent après le plus grand effondrement géologique alpin, il y a 10 000 ans. La vallée de Flims est toujours encombrée de rochers aussi grands que des maisons, débris de la montagne effondrée il y a si longtemps. La cabane forestière de Selina Walder et Georg Nickisch est fascinante, notamment en raison de sa conception. Ce qui frappe l’imagination, c’est la manière dont les architectes ont utilisé le bois de la cabane d’origine comme coffrage pour le nouvel édifice. La partie interne de l’ancien mur en bois devient la partie externe du nouveau mur en béton, donnant au béton ses bords échancrés et laissant à la surface son empreinte gaufrée, tel un souvenir gravé. Le chalet est situé dans un vallon frais et ombragé sur un plateau par ailleurs inondé de soleil. C’est un microclimat trop humide pour une construction en bois, mais idéal pour la conservation du fromage. Au niveau d’un grand rocher situé devant la porte d’entrée, une marche permet d’atteindre le seuil et de redescendre pour pénétrer dans la quiétude intérieure de la cabane. Il n’y a que deux pièces, une au niveau du sol et l’autre, comme une cave, creusée dans la montagne, où l’on entreposait autrefois les fromages. Un puits-de-lumière circulaire dans le toit offre une magnifique vue sur la cime des arbres et fait pénétrer la lumière dans l’espace cuisine /salle à manger/séjour au niveau du sol. Découpée dans la façade, une large et profonde fenêtre s’ouvre dans le bas du mur, et fait entrer visuellement le paysage environnant dans cet intérieur douillet. Le large rebord de fenêtre en béton forme un banc qui se prolonge au-delà de la fenêtre, le long du mur jusqu’à la cheminée, point central de l’espace. En descendant un étroit escalier tournant, on s’éloigne de la lumière pour accéder à une chambre souterraine qui ressemble à une cave. On y trouve une baignoire profonde, taillée dans le béton. Baignée de lumière indirecte, la salle de bain est lovée contre de massifs rochers inclinés, donnant l’impression de prendre son bain dans une grotte isolée dans la montagne. Les matériaux, la roche, le béton, le verre et l’eau, sont en étroit contact.

Au moment de la coulée, l’ancien et le nouveau forment des entités inséparables. Selina Walder

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COUPE REZ-DE-CHAUSSÉE SOUS-SOL

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L’ARCHITECTURE SUISSE VUE D’AILLEURS Niall McLaughlin

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De temps en temps, une vague venue d’un modeste avant-poste vient perturber notre marché mondialisé et policé des images architecturales. Nous assistons alors à la naissance d’une identité architecturale, qui doit son caractère aux spécificités de cette région ou de cette culture. Mais cela dure rarement longtemps car cette identité issue d’un terroir géographique, économique ou social se codifie rapidement en motifs et en formes identifiables, que le mainstream finit par absorber. Par exemple, les admirables nuances et modulations géométriques nées sur les bords du Douro se répandent dans les banlieues de Dublin, Hackney et Melbourne. L’architecture suisse a réussi à conserver une identité plus forte et plus durable que la plupart de ces expressions régionales. C’est avec un regard presque totalement extérieur que j’écris sur ce sujet. Autrement dit, j’en sais très peu sur la nature du terrain qui a produit ce qu’on pourrait appeler la marque distinctive de l’architecture suisse. J’ai sur ce sujet le point de vue de quelqu’un qui lit régulièrement des publications et visite parfois des bâtiments, mais je ne sais rien des personnalités, des clans, des dynasties ni des écoles de la tradition locale. Quand j’ai interrogé mes collègues d’une agence londonienne sur l’architecture suisse, il y a eu un étonnant consensus. L’architecture suisse était vue comme l’incarnation de valeurs imperturbables et sobres – presque intemporelles. Le sentiment général est qu’elle est le produit d’une perpétuation de la tradition et d’une position relativement privilégiée. Elle se caractérise par des bâtiments de petite ou moyenne dimension, riches en détails soignés, construits en matériaux traditionnels et bien ouvragés, et généralement situés au milieu de paysages de carte postale. Au mieux, c’est une architecture raffinée, authentique et terrienne. Mais elle est aussi perçue comme rigide, conservatrice, voire moralisante. Quelqu’un lança qu’elle était « joyeuse », mais fut vite repris : « D’accord, mais c’est une joie d’institution religieuse. » L’idée dominante, c’est qu’elle est en bout de chaîne de la production architecturale, et qu’elle a un caractère avant tout raisonnable, imperturbable et sachlich (littéralement « concret »). Quand on regarde des bâtiments suisses sur des dessins et des photographies et qu’on entend des architectes suisses parler de leur travail, la qualité mise en exergue est celle de l’évidence. « Voilà, disent-ils, pourquoi en dire plus, c’est déjà assez clair comme ça, non ? » Cette évidence communément admise de l’œuvre est quelque chose que je voudrais examiner plus précisément. Est-ce vraiment si simple ? Cette évidence ne s’exprime-t-elle pas un peu trop et ne frise-t-elle pas l’hystérie ? Revendiquer la transparence, l’authenticité et l’originalité conceptuelles des œuvres architecturales semble répondre à un besoin important. Dans une société inquiète de son rapport à la modernité, la solidité du contrat social passé entre l’architecte et la communauté semble en dépendre. D’où, semble-t-il, la nécessité de se rattacher à une certaine tradition rustique et régionale de la construction, mais aussi d’éviter toute référence explicite au canon de la modernité. Les projets présentés dans ce livre reposent peut-être pour un tiers d’entre eux sur une stratégie où la forme originale, ou supposée telle, d’un bâtiment d’origine est soumise à une troublante transformation. L’intérieur d’une ancienne cabane en pierre est entièrement doublé avec du béton coulé sur place ; une bâtisse est repeinte à la chaux en blanc éclatant, une cabane en rondins de bois est repensée comme une forme skeuomorphe en pseudo rondins de béton ; une cabane est exposée sur une base en béton avec un parking souterrain, un hôtel de montagne affiche des fenêtres béantes totalement dépourvues d’encadrement visible. Le talent et le soin apportés aux détails et à la construction de ces projets nous font oublier la distanciation sous-jacente de la stratégie conceptuelle. L’idée du primitif, des origines, est à la fois mise en scène et profondément déniée. Ces bâtiments semblent incarner un paradoxe : le besoin et l’impossibilité à la fois d’habiter simplement le monde.

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Dans d’autres projets, le caractère primitif n’est pas ouvertement recherché, mais la problématique des origines se manifeste à travers une distanciation matérielle. Le musée culturel d’Herzog & de Meuron à Bâle refuse le statut d’objet immuable, il incarne une bascule conceptuelle incessante entre deux versions possibles de lui-même. Le désormais célèbre poste de signalisation de la gare de Bâle affirme son identité matérielle absolue mais se présente en même temps comme un mirage ou une illusion fugitive. Le plus fort de ces projets est peut-être le premier édifice Ricola de Laufen (non pas le bâtiment Ricola présenté ici), dans lequel les espaces intérieurs cachés sont entourés d’une façade aveugle qui n’exprime rien sinon la mise en scène de sa propre identité matérielle. C’est un bâtiment silencieux et opaque. Ces projets sont dépourvus de tout naturalisme. Toute référence manifeste à la matière ou à la stabilité matérielle ou tectonique est immédiatement minée par une distanciation inverse. Pour moi, cette collection de projets suggère certains parallèles. D’abord avec la célèbre note de bas de page de Semper dans Style, qui renvoie à la question d’Hamlet « Que représente Hécube pour lui ? » J’y vois l’impossibilité de toute transparence conceptuelle et la victoire de la représentation sur l’idée de vérité littérale – « pour masquer la matière du masque ». Je pense ensuite aux dessins et aux écrits d’Aldo Rossi et à la mélancolie suscitée par l’impasse qui est au centre de son travail. Je pense enfin à la tradition de Robert Smithson et notamment à l’encadrement et au déracinement des matériaux, à leur exposition et à leur distanciation simultanées, comme des papillons prisonniers à l’intérieur d’un verre. Toutes ces associations ont une qualité tragique, fondée à la fois sur le besoin et l’impossibilité d’une forme de vie enracinée dans des origines. C’est ce qui, à mon sens, donne à l’architecture suisse tout son intérêt et peut-être sa force de résistance. J’ai récemment assisté à une conférence de Peter Zumthor à Londres. Je venais de passer la journée au Worcester College d’Oxford à lire la description que fait Nicholas Hawksmoor de la bibliothèque qu’il a construite à cet endroit. Hawksmoor faisait clairement reposer son autorité d’architecte sur une énumération scrupuleuse des prédécesseurs qui l’avaient inspiré pour ce bâtiment. En revanche, en décrivant son travail, Zumthor n’a mentionné aucun autre architecte, et n’a même pas répondu aux questions concernant ses prédécesseurs après sa conférence. Sa propre autorité semblait découler de ce silence même, peutêtre parce qu’il affirme que ses idées trouvent leur origine dans sa propre expérience. Cette importance accordée à l’expérience personnelle primitive se trouve être au cœur de l’identité de l’architecture suisse actuelle. Il permet aux œuvres de se présenter comme une forme de résistance au marché mondial des images architecturales, au nivellement sans bornes qu’entraînent les échanges visuels sans expérience vécue. Mais le recours aux origines est aussi une stratégie difficile non dénuée de problèmes. L’origine, qu’elle se fonde sur les matériaux, l’expérience ou la typologie, est un critère moins stable qu’on ne pense. Cette incertitude hante la pratique suisse. Elle est profondément inventive, mais elle laisse l’œuvre, pour le meilleur ou pour le pire, dans un état d’isolement.

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GION A. CAMINADA

Un des plus grand défis consiste pour moi à construire des maisons qui aient une validité durable – ou idéalement une validité presque ‹ absolue ›. Gion A. Caminada

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De robustes piliers de bois créent une progression

GION A. CAMINADA CABANE FORESTIÈRE

rythmique et articulent l’intérieur. Le pin cembro,

DOMAT/EMS

simplement dégrossi, ajoute à cet espace une note

2014

parfumée particulière, liant subliminalement le bâtiment à son environnement. Être à l’intérieur

La Tegia da vaut est une cabane forestière nichée

donne la sensation d’être dans la forêt. Il ne fait

au cœur d’une clairière dans une forêt tout à l’est de

aucun doute que cette Waldhütte, cette « cabane des

la Suisse. Cette construction a été offerte à la com-

bois », fait maintenant partie intégrante de cet

mune de Domat/Ems. Elle abrite une salle de classe

endroit reculé de la forêt, où elle a trouvé sa place.

forestière pour les scolaires ou pour des adultes étudiant la sylviculture ; des particuliers peuvent aussi louer l’espace pour des réunions et des réceptions. Gion A. Caminada, le célèbre architecte suisse qui a conçu la cabane, accorde beaucoup d’importance aux projets de construction étroitement liés à sa région par l’emploi de matériaux et le recours au savoir-faire local. Caminada privilégie les techniques traditionnelles et l’artisanat local, le grand soin qu’il accorde à ses réalisations se reflète dans la grande qualité de son architecture. Prenant comme point de départ l’architecture vernaculaire locale, Caminada ancre ses réalisations dans leur topographie particulière et en accord avec les spécificités les plus subtiles du contexte local. Bien que la plupart des projets de Caminada soient de taille modeste et situés dans des villages alpins, comme Vrin, Valendas ou Ems, son travail est néanmoins connu à travers toute la Suisse et dans le monde entier. Sans être un grand bâtiment, la cabane n’en dégage pas moins une forte présence parmi les majestueux pins vert foncé. Cette construction, revêtue de bardeaux soigneusement superposés, s’inscrit discrètement dans son contexte forestier. Le beau mouvement concave du toit en forme d’aile, et les façades, revêtues de bardeaux, qui s’incurvent vers l’extérieur pour rejoindre le débord du toit, constituent les éléments principaux de la cabane. Le bardage en bois s’arrête juste avant le sol, créant ainsi un joint creux délicat et donnant une impression de lévitation, comme si le bâtiment était suspendu. Le choix des matériaux effectué par Caminada est clair : une structure en bois entourée d’arbres. Des marches en béton au-delà du tracé de la cabane ancrent le bâtiment et soulignent l’entrée, tandis qu’à l’arrière une terrasse extérieure en bois, surélevée, crée un seuil vers la forêt, « équilibre de la nature et de la culture ».

Des espaces ambivalents pour l’ordinaire et le quotidien, qui se réfèrent dans le même temps à quelque chose d’absent, sont l’expression la plus élevée de l’art architectural. Gion A. Caminada

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COUPE B REZ-DE-CHAUSSÉE

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COUPE A

La tour d’observation du delta de la Reuss est

GION A. CAMINADA TOUR D’OBSERVATION

caractéristique de la sensibilité de Caminada pour la

DELTA DE LA REUSS, LAC DE LUCERNE

matière et la structure. Comme Peter Zumthor,

2012

Caminada est originaire des Grisons et, comme lui, il est charpentier et menuisier de formation. La manière

Le delta de la Reuss, au cœur de la Suisse, est niché

dont ses bâtiments sont réalisés reflète sa connais-

entre les hauts sommets enneigés alpins et la vallée

sance intime des matériaux et de leur assemblage.

verdoyante qui s’ouvre sur le lac de Lucerne, où

Avec sa palette de matériaux réduite au bois d’origine

rivière, rivages et lac se fondent lentement en mini

locale et au saule tressé, comme la cabane fores-

fjords et en idylliques îlots pour la baignade. Il y a

tière, la tour célèbre les savoir-faire et l’artisanat

quelques décennies, l’avenir du delta paraissait

locaux. Quarante-huit troncs de sapins blancs – cha-

compromis dans la mesure où le lac grignotait pro-

cun choisi et abattu par des exploitants forestiers

gressivement le rivage. C’est la loi Delta de la Reuss

de la région et écorcé à la main – forment une

de 1985 qui a permis de préserver le site, lequel

tour conique couronnée par un toit tout en légèreté

est ensuite devenu un havre pour la faune et la flore

aux bords dentelés. Un escalier en spirale tourne

aquatique en eaux peu profondes, ainsi qu’une

autour du tronc central débouchant depuis une plate-

attraction touristique. Le petit archipel a été créé

forme sur quatre balcons d’observation en saillie

avec 3,3 millions de tonnes de roche extraite du

aux quatre points cardinaux. Plus on monte, plus le

tunnel de base du Saint-Gothard. Les énormes

tressage se resserre, jusqu’à ce que l’on se trouve

rochers plats sortis du tunnel sont parfaits pour les

presque enveloppé par un enchevêtrement de fines

bains de soleil et le farniente. La seule réalisation

brindilles. Du point de vue de la structure, plate-

humaine sur le delta est la tour d’observation haute

forme et escalier sont tous deux accrochés par le haut

de onze mètres, permettant d’observer une faune

par des tiges d’acier suspendues depuis le toit. Le

variée, telle que des oiseaux, et d’admirer la beauté

plafond est constitué de panneaux plissés en roseau

des montagnes environnantes plongeant dans les

tressé se déployant à partir du support central en

eaux du lac.

bois, lequel est revêtu par un curieux enchevêtrement de branchage, qui adoucit la structure en créant une couche non structurée en filigrane. Les balustrades tressées des balcons rappellent les nacelles de montgolfières. Quand on observe les oiseaux de cette hauteur, on a l’impression d’être soi-même un oiseau dans son nid perché dans les airs. Malgré sa symétrie stricte, la structure conserve un aspect délicat et sensuel. Pendant les mois d’hiver dénudés, quand les roseaux ont leur couleur ocre, la tour en bois, avec ses reflets dorés, se mêle intimement à son environnement et semble émerger du vaste paysage alentour. Gion A. Caminada a conçu une construction résolument rationnelle et dans le même temps poétique, où chaque élément est intégré à l’autre, où chacun d’eux ne peut fonctionner qu’avec le concours des autres, pour créer un ensemble harmonieux et unifié.

Un projet intelligent combine généralement raison et émotion, c’est-à-dire intellect et sentiment. Gion A. Caminada

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ÉLÉVATION

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PLATEFORME D’OBSERVATION REZ-DE-CHAUSSÉE

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JÜRG CONZETT

Le génie civil est l’une des occupations les plus intéressantes du genre humain. Jürg Conzett

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JÜRG CONZETT

vingt-cinq mètres de hauteur de différence entre les

PASSERELLE DE TRAVERSINA 2

deux bords de la gorge, distants l’un de l’autre

VIAMALA

de quarante mètres. Jürg Conzett opta pour un pont

2005

suspendu ou, plus précisément, pour un escalier suspendu à cinquante mètres au-dessus du fond de la

On pourrait dire qu’en Suisse le père de l’architecture

vallée. La nouvelle passerelle fait cinquante-sept

est ingénieur, dans la mesure où la discipline est

mètres de long, pèse environ deux cents tonnes et est

née de la nécessité de surmonter un relief hostile.

réalisée avec des câbles d’acier pré-tendus. Le câble

Au cours des siècles, des réseaux complexes de ponts

primaire, les barres obliques latérales et la passerelle

et de tunnels ont été construits dans tout le pays,

en mélèze furent construits in situ dans des condi-

à la manière d’une toile complexe permettant le pas-

tions incroyablement spectaculaires et périlleuses,

sage en toute sécurité des personnes et des biens

en suspension au-dessus du gouffre vertigineux.

du nord au sud et d’est en ouest, reliant même les

Par égard pour les personnes sujettes au vertige, une

vallées les plus isolées aux centres urbains. C’est bien

couche de dix solives en lamellé-collé placée sous les

simple, en Suisse, le génie civil est omniprésent.

escaliers de la passerelle barre la vue directe sur la

La réalisation d’ouvrages d’art au sein d’impression-

vallée. Cela augmente aussi la rigidité, et la passerelle

nantes montagnes a sans aucun doute profondé-

ondule à peine lorsque l’on gravit ses 176 marches.

ment influencé, hier comme aujourd’hui, la production

Il faut néanmoins avoir le cœur bien accroché pour

et la conception en architecture. Cet hommage à

traverser la vallée, car on se sent un peu comme un fu-

l’architecture suisse ne serait pas complet sans la

nambule en équilibre au-dessus d’un ravin.

présentation de l’une des innombrables prouesses accomplies par les ingénieurs suisses. Comme son nom latin le suggère, la route de la

La seconde passerelle de Traversina conçue par Jürg Conzett est un remarquable ouvrage d’ingénierie, où conception et construction sont repoussées à

Viamala dans le légendaire ravin proche de Davos,

leurs limites. Comme dans une fugue de Bach, l’union

dans les Grisons, était considérée à l’origine comme

harmonieuse des mathématiques et de l’art fait

dangereuse et malfaisante. Jadis il s’agissait de

naître quelque chose d’une profonde beauté. Comme

passer à travers le ravin aussi vite que possible et

le délicat toit en forme de feuille de la chapelle

d’en sortir sain et sauf. Aujourd’hui encore, les gorges

Saint-Bénédicte conçu par Peter Zumthor, la passe-

de la Viamala gardent une part de mystère et leur

relle de Jürg Conzett rappelle la beauté des structures

beauté sauvage exerce un certain charme. Au fil des

mathématiques que l’on observe dans la nature : la

ans, cet endroit est devenu une destination populaire

forme délicate d’une feuille, l’arc d’un coquillage,

pour les touristes et les randonneurs de tous hori-

ou encore la douce courbe d’une dune. Une réalisation

zons. Partie intégrante d’un écomusée en plein air

qui fait clairement écho aux modèles de la nature,

situé dans la vallée, les gorges devaient pouvoir être

surtout quand elle est placée au sein d’un cadre

franchies et relier les deux sections d’une ancienne

naturel, s’ancre profondément dans son environne-

voie romaine. Il fallait donc un pont. Jürg Conzett,

ment. La passerelle de Traversina est une véri-

le célèbre ingénieur basé à Coire, qui a travaillé pour

table prouesse technique et architecturale. Suspen-

de nombreux et éminents architectes suisses, est

due avec grâce dans son pur et vertigineux écrin,

le concepteur de la première passerelle Traversina,

sa délicatesse et sa précision sont véritablement

malheureusement détruite par une forte tempête au

extraordinaires. Et ce n’est qu’un exemple parmi des

printemps 1999. On projeta la construction d’un

milliers de ponts superbement conçus, reliant les

nouveau pont. Avec son collègue Rolf Bachofner, Jürg

vallées dans tout le pays.

Conzett fut une nouvelle fois missionné pour créer une passerelle au-dessus du ravin. Il fut décidé d’implanter la nouvelle passerelle sur un site moins exposé plus haut dans les gorges. De nombreux obstacles propres au contexte alpin durent être surmontés pour construire la passerelle : un site inaccessible et isolé, un budget serré et des délais de construction courts. Défi supplémentaire et obstacle de taille : enjamber la gorge, tout en compensant les

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COUPE

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ÉLÉVATION EST

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PETER ZUMTHOR

Dans une société qui célèbre le superflu, l’architecture peut opposer une résistance, contrer la perte des formes et du sens, et parler sa propre langue. Peter Zumthor

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PETER ZUMTHOR CHAPELLE SAINT-BÉNÉDICT SUMVITG 1985 –1988

Caplutta Sogn Benedetg, la chapelle Saint-Bénédict a été construite pour remplacer l’ancienne chapelle baroque anéantie par une avalanche en 1984. Un nouvel emplacement, protégé par la forêt au-dessus, a été choisi sur un vieux chemin de montagne audessus du hameau de Sumvitg. Les murs arrondis de la chapelle entourent un volume unique, en forme de feuille, d’œil ou de bateau. L’édifice se dresse en hauteur et il est couronné par une bande de lumière à claire-voie qui illumine la chapelle par le haut en dévoilant le ciel. Enveloppée de tavaillons en mélèze, la texture de la surface rappelle les couleurs chatoyantes des mosaïques byzantines. Un dégradé subtil de couleurs apparaît quand les tavaillons passent de l’argenté au doré au fur et à mesure que la courbure de la façade s’écarte du rayonnement direct du soleil. Comme un visage qui vieillit avec grâce tout au long d’une vie, la chapelle révèle les altérations du temps sur la texture de son enveloppe. Quand on pénètre dans la chapelle par un angle oblique qui donne sur le corps principal du bâtiment, l’espace s’élargit soudainement vers le haut. De hautes et minces colonnes de bois s’élèvent dans l’espace et rejoignent le réseau de poutres faîtières. La structure en bois est séparée de quelques centimètres de l’enveloppe, créant une tension entre les deux et tout un jeu d’ombres. Comme une colonne vertébrale avec sa structure de côtes, l’arête du plafond s’incurve en douceur dans l’espace, et enveloppe celui-ci. En effet, la chapelle est portée par trois plans inclinés soutenus par des supports en bois, comme un squelette qui donne forme au corps du bâtiment. Ces colonnes de bois matérialisent la structure des lignes de forces qui supportent le poids du toit. L’absence d’ouverture à hauteur d’yeux empêche toute distraction extérieure, seul est visible un rai de soleil qui, sur le mur, se déplace lentement au cours de la journée. Quand on est à l’intérieur de la chapelle, c’est comme si l’on était à l’intérieur d’un instrument de musique ; on s’attend plus ou moins à entendre un son. Saint-Bénédict illustre la sereine architecture de Peter Zumthor ; discrète et puissante à la fois. La chapelle alpine exprime une foi simple, dépouillée de tout luxe ou de toute opulence.

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Ce n’est qu’entre la réalité des choses et l’imagination que jaillit l’étincelle de l’œuvre d’art. Peter Zumthor

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B

A

A

B

COUPE A REZ-DE-CHAUSSÉE

1:100

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COUPE B

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L’architecture de Peter Zumthor célèbre l’expé-

PETER ZUMTHOR THERMES

rience sensuelle du bain. Le choc vivifiant que

VALS

l’on ressent en plongeant dans une eau à 14 °C quand

1990 –1996

on sort d’une eau dont la température de 42 °C est presque insupportable fait rougeoyer le corps,

Les rituels du bain et de la purification font partie de

tandis que nager à l’extérieur dans une eau à 36 °C

la civilisation depuis des millénaires. À Istanbul et

quand il neige est une expérience revigorante.

Budapest, Rome et Bath, le rituel du bain est quelque

Pour entrer dans le bassin sonore, il faut nager à

chose de capital depuis l’Antiquité. Les thermes de

travers un passage étroit jusqu’à un espace vertical

Peter Zumthor à Vals ressuscitent la « haute architec-

rempli d’eau où le plafond s’élève à six mètres de

ture » des anciens bains et des splendides bâtiments

hauteur. Éclai-rée par en-dessous, la grotte est une

qui les abritent, témoignages de leur importance

chambre acoustique où les baigneurs barbotent

historique. En utilisant les ressources naturelles à sa

dans l’eau en fredonnant et en écoutant l’écho des

disposition dans la vallée alpine, l’eau et le gneiss,

voix réverbérées. Dans les petits bassins, clos et

Peter Zumthor a méticuleusement sculpté dans le roc,

intimes, Peter Zumthor a réussi à recréer l’impression

couche après couche, une série d’espaces évoca-

que l’on se trouve dans une grotte maritime secrète,

teurs. Le bâtiment, creusé au cœur de la montagne et

loin de la routine du quotidien, alors qu’inversement

intégré dans la roche, présente de minces strates

les piscines principales ouvrent sur le paysage

horizontales de quartz de Vals. Solidement ancré à la

et sont inondées par la lumière du jour. La palette de

pente, il émerge littéralement de son contexte

matières : l’eau pure, la pierre polie, le cuivre,

géologique.

le chrome, le cuir et le velours sont combinés avec un

Les bassins d’eau pure des Alpes, puisée dans les

raffinement extraordinaire, et sont chorégraphiés

profondeurs de la terre, sont contenus par des

pour exalter les qualités essentielles et évocatrices

murs de pierre massifs. Rien n’apparaît d’emblée,

de chaque matière. Toucher, sentir et entendre

c’est en se promenant à travers les milliers d’espaces

ces matières font des Thermes de Vals une expérience

cachés qu’on découvre le bâtiment. « Le méandre »

à la fois hautement sensorielle et hautement esthé-

comme l’appelle Zumthor, « est un espace conçu en

tique.

négatif entre les blocs de roche, un espace qui permet

Le spectacle de la vapeur sortant de la roche est

de tout relier en traversant le bâtiment tout entier. »

exalté par l’intense jeu d’ombres et de lumières.

Pour l’architecte, l’exploration du plan complexe

Des espaces enveloppés d’ombres mystérieuses et de

des espaces et des bassins est comparable à une

recoins sombres contrastent avec des zones bai-

promenade dans les bois : c’est « comme marcher dans

gnées de soleil où l’on peut s’étendre et profiter de la

une forêt sans sentier. Un sentiment de liberté, le

vue grandiose sur les Alpes environnantes. La lumière

plaisir de la découverte. »

naturelle s’infiltre par les fentes qui s’étirent entre les dalles du toit, caressant les murs de pierre sombres, tandis que des rais de lumière bleue tamisent le fond de l’eau bleue. À Vals, on comprend vraiment que créer en architecture, c’est définir les dimensions et les limites de l’espace. En exploitant systématiquement les qualités propres aux matériaux choisis, la sculpture de l’espace et les variations de lumière, Peter Zumthor a réussi à élever le simple acte du bain au rang d’expérience presque mystique.

Montagne, pierre, eau – construire dans la pierre, construire avec la pierre, dans la montagne, construire à partir de la montagne, être dans la montagne – comment interpréter architecturalement les implications et la sensualité de l’association de ces mots ? Peter Zumthor

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A A

B

ÉTAGE DE LA PISCINE

1:350

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COUPE A COUPE B

1:350

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ENTRETIEN AVEC PETER ZUMTHOR L’ARCHITECTE COMME AUTEUR

Peter Zumthor commence son livre Penser l’architecture en affirmant que quand il pense à l’architecture, des images naissent en lui et que c’est en puisant dans son intuition, sa mémoire et les associations libres, combinées avec une réflexion rationnelle et systématique, qu’il élabore un projet. C’est peut-être cette interaction continue entre intuition et raison qui lui permet d’élever des bâtiments ordinaires à un niveau extraordinaire. Dans son livre, Peter Zumthor explique ce qui le pousse à concevoir des édifices suscitant émotions et réflexion, dotés d’un fort ancrage et d’une présence particulière. « Il exsiste pour moi un beau silence des constructions, que j’associe à des notions telles que le calme, l’évidence, la durée, la présence et l’intégrité, mais aussi la chaleur et la sensualité ; être soi-même, un bâtiment ; non pas représenter quelque chose, mais être quelque chose. » Dans Penser l’architecture, Peter Zumthor explore notre rapport à la nature et les profondes émotions qu’elles peuvent susciter en nous : « La beauté de la nature nous touche parce qu’elle est quelque chose de grandiose qui nous dépasse. » Même si nous ne la comprenons pas forcément, nous sentons que nous y avons un rôle ; nous sommes issus de la nature et nous y retournons. On sent dans son œuvre ce respect et cette admiration qu’il a pour la nature : « Lorsque, pour un projet, je suis amené à me concentrer sur un lieu, que j’essaie de l’explorer, de comprendre sa forme, son histoire et ses propriétés sensibles, le processus de cette contemplation attentive fait bientôt surgir en moi des images d’autres lieux : des lieux que je connais, qui m’ont impressionné, des images de lieux ordinaires ou particuliers dont la composition reste en moi comme une incarnation de certaines atmosphères ou qualités ; des images de lieux ou de situations architecturales provenant de monde des beaux-arts, du cinéma, de la littérature ou du théâtre. » Cette sensibilité au rapport de l’architecture avec son environnement et son paysage particuliers est indissociable de la grande force qui caractérise son travail. Comme architecte, Peter Zumthor s’intéresse à la manière dont on vit un bâtiment ; l’incidence de la lumière sur une surface, la forme d’une poignée de porte, le son d’une voix dans une pièce haute, l’atmosphère d’un lieu. Chapelle, musée ou simple maison, ses constructions permettent aux composants architecturaux fondamentaux de résonner. Comme un beau morceau de musique ou un tableau de maître, ses réalisations savent capter les atmosphères et susciter des émotions. Du fait de son utilisation particulièrement ingénieuse des matériaux, Peter Zumthor a été qualifié de shaman et de mystique dans son métier. Les matériaux ne sont pas poétiques en soi, écrit-il, c’est la manière de les combiner et leur forme qui les ennoblit. « Le sens qu’il s’agit d’instituer au cœur de la matérialité se situe au-delà des règles de composition, et de même la tactilité, l’odeur et l’expression acoustique des matériaux ne sont que des éléments de la langue dans laquelle nous devons parler. Les sens apparaît lorsqu’on réussit à produire dans l’objet architectural des significations propres pour certains matériaux de construction qui ne deviennent perceptibles de cette manière que dans cet objet. » Le travail de Peter Zumthor est à la fois sobre et puissant, précis et sensuel. Son architecture réussit à toucher le « cœur de la beauté », pour reprendre son expression si poétique.

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Anna Roos (AR) :

Ce livre est consacré à la sensibilité des architectes suisses et

à la culture de l’architecture en Suisse. Je vois cette dernière comme un pays qui maintient et valorise la tradition de l’architecture, on pourrait dire, de manière plus importante qu’ailleurs. Il ne s’agit pas ici de faire la promotion d’une marque, ni de la croix blanche sur fond rouge, mais d’aborder cette discipline sous un angle global. Je voudrais examiner ce qui se passe dans ce pays. Dans cet entretien, j’aimerais avoir votre avis sur la place unique au monde qu’occupe la Suisse dans le domaine de l’architecture et voir quel y est votre rôle. Je voudrais enfin parler avec vous de l’évolution historique de cette riche tradition architecturale. Dans certains pays, les architectes n’ont pas bonne réputation et les profanes aiment à les critiquer. J’ai l’impression que leur rôle est pris moins au sérieux qu’ici, en Suisse. Avez-vous également l’impression que les architectes sont généralement tenus en plus haute estime en Suisse qu’ailleurs ? Peter Zumthor (PZ) :

En Italie, la profession d’architecte est tenue en haute estime, c’est comme

un titre honorifique, tout architecte y est appelé « Docteur ». En Suisse, le point de vue est différent. Autrefois, les architectes y avaient une bonne réputation. Quand j’étais enfant, je me rappelle que mon père parlait avec beaucoup de respect des architectes. Il faisait le distinguo entre les architectes dessinateurs et les architectes « architectes », ceux qui avaient fait de vraies études d’architecture, et il respectait davantage les architectes diplômés. Souvent, il disait : « Lui, ce n’est pas un architecte », parce qu’en Suisse n’importe qui peut se dire architecte. Et puis avec les années 1960 –1970 et le boom immobilier en Suisse, l’architecture et les architectes suisses ont perdu leur bonne réputation. On a alors presque fait rimer « construire et détruire ». À cette époque, il y avait un célèbre livre écrit par un architecte, Rolf Keller : Bauen als Umweltzerstörung (« De la construction comme destruction de l’environnement »). Puis à la fin des années 1970 et au début des années 1980, nous avons dû soigneusement reconstruire la réputation de l’architecte. C’est ici, dans les Grisons, que je m’y suis consacré. Nous avons réfléchi à la question de la « responsabilité » par le biais d’organisations comme le Schweizerische Werkbund (« Guilde suisse ») et le Schweizerische Heimatschutz (« Association de l’héritage suisse »). Nous nous sommes présentés comme des personnes responsables de notre environnement et également respectueuses du passé. Et nous avons donc dû reconstruire la réputation de l’architecte. AR : PZ :

Et vous y êtes clairement parvenus ?

Oui, cela a pris entre quinze et vingt ans. J’ai lancé un prix pour récompenser la con-

struction de qualité, et d’autres initiatives de ce genre. Ça a pris un certain temps. Je pense qu’aujourd’hui les architectes sont globalement respectés. AR : PZ :

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Plus qu’ailleurs ?

C’est difficile à dire.

AR :

En Suisse, dans de nombreuses constructions, on fait une utilisation

audacieuse de certains matériaux, notamment le béton, la pierre et le bois, ce qui s’explique historiquement par le manque de ressources naturelles comme le fer. Cette tradition s’est perpétuée jusqu’à aujourd’hui. Quel a été, selon vous, le rôle de cette palette de matériaux et de la sensibilité à ces matériaux dans la genèse de l’architecture dans ce pays ? PZ : Je

ne peux répondre que d’après mon expérience personnelle, je ne peux pas généraliser.

Je ne m’intéresse pas vraiment à la question de l’architecture ou au concept d’architecture suisse. Je commence par un lieu et je regarde autour. Je vois des montagnes. Je vois un désert. Je pense à l’atmosphère de mon bâtiment qui n’existe pas encore, j’imagine comment les gens vont l’utiliser, le vivre. Qu’est-ce que je peux faire ? Comment utiliser l’énergie spécifique des matériaux pour leur faire aimer ce bâtiment ? Comme vous pouvez le voir, je suis extrêmement attentif à créer l’atmosphère adéquate avec les matériaux que je choisis, et l’unique chose suisse que je vois dans ce processus, c’est peut-être moi, puisque je suis moi-même suisse. AR : J’ai

l’impression que la relation qu’entretiennent beaucoup d’architectes

suisses avec le paysage et leur sensibilité aux différentes traditions architecturales influencent aujourd’hui encore leur œuvre. En Suisse, où que l’on soit, le paysage est pratiquement toujours omniprésent : rivières, forêts, montagnes ou lacs. On sait que les architectes suisses sont fortement guidés par les contraintes et les défis imposés par le paysage. Quel rôle joue cette interaction dans votre travail ? PZ :

C’est un élément fondamental de mon travail. Je veux faire des choses qui soient bonnes

pour le lieu et bonne pour leurs utilisateurs. J’aime étudier le lieu, qu’il soit à basse ou à haute altitude, en Suisse ou ailleurs. AR :

Comment faites-vous pour étudier un lieu ? Vous prenez des photos ?

Vous faites des croquis ? Vous vous y rendez plusieurs fois à différents moments de la journée et à différentes saisons ? Comment gardez-vous la mémoire des lieux où vous devez construire un bâtiment ? PZ :

Ça dépend ; il faut que j’ai un ressenti particulier avec le lieu. AR :

Est-ce que vous retournez plusieurs fois sur le site avant de vous lancer

dans le processus de conception et avant de coucher votre projet sur le papier ? PZ :

Parfois, j’ai tout de suite ce ressenti, et je n’ai pas besoin d’y retourner.

PZ :

Oui. Généralement je n’ai pas vraiment de difficulté à avoir ce ressenti, à Los Angeles,

AR :

Comme quand on rencontre quelqu’un pour la première fois ?

en Norvège, ou ailleurs ; pour voir, et pour entrer en résonnance avec ce qui s’y trouve. Mais parfois j’ai besoin d’en savoir plus. AR : PZ :

Est-ce que vous l’enregistrez surtout dans votre tête ?

Oui, il ne s’agit pas vraiment d’une étude scientifique. Ça pourrait être intéressant, mais

au fond, l’important, c’est d’entrer en résonnance avec ce qu’on trouve sur place. On ouvre son cœur et ses yeux, c’est ainsi qu’on peut voir.

137

AR :

Dans une interview, vous dites que le paysage et le jardin sont de plus en

plus présents au cœur même des constructions que vous concevez. Est-ce au cours de votre carrière que l’environnement naturel a pris de l’importance pour vous, ou en a-t-il toujours été ainsi ? PZ :

Ça a toujours été important pour moi, ça le devient de plus en plus mais maintenant,

c’est délibérément. Vous pouvez le voir dans toutes mes œuvres – dans les projets à grande échelle et dans les réalisations architecturales et paysagères à petite échelle. Oui, c’est comme ça dans tous mes projets, il y a une sorte de jardin ou de paysage qui fait partie intégrante de l’architecture. AR : J’aime

l’idée du jardin qui empiète sur l’intérieur. Comment feriez-vous

cela dans un contexte urbain, à Los Angeles (LACMA) par exemple ? PZ :

Le Musée d’art du comté de Los Angeles se situe à Hancock Park ou ce qu’il en reste,

car dans la seconde moitié du vingtième siècle on a construit de nombreux bâtiments qui ont fait disparaître de grandes parties du parc. L’un des éléments clés de mon nouveau projet est le rétablissement du flux horizontal du parc par le rehaussement du musée. Des pavillons de verre faisant face au parc et au Wilshire Boulevard créent un rez-de-chaussée largement perméable au pied de la masse principale du musée. Mais il y a d’autres choses à dire à propos du paysage. C’est un paysage ancien. Le bitume est remonté à la surface et a formé des fosses qui sont devenues des pièges à animaux il y a 40 000 ans. Le pétrole affleurait à la surface de ces fosses. Les animaux de cette époque s’y sont fait piéger, et maintenant quand on creuse, on trouve des couches et des couches de fossiles provenant du bitume des lacs. Des fossiles de mammouths et de tigres à dent de sabre. Actuellement, on fait un peu du Walt Disney quand on parle de ces fosses bitumineuses au public. Avec la configuration, l’implantation, et les matériaux sombres de mon bâtiment, j’espère pouvoir faire ressentir plus profondément ce que ce lieu a de particulier. AR : Vous

avez travaillé sur le LACMA de Los Angeles et sur le projet House on

a Hill de Devon ; la dernière fois que je suis venue ici, je me souviens que vous étiez en train de travailler sur une énorme maquette en cire d’un musée au bord d’une rivière quelque part en Russie. J’ai aussi vu de gigantesques maquettes d’un ensemble de bâtiments pour le musée d’une mine de zinc dans les montagnes de Norvège. Certains de vos bâtiments les plus connus se trouvent dans le pays voisin, en Allemagne. Votre travail à l’étranger ne semble pas foncièrement différent. En tant que Suisse, pensez-vous avoir la même liberté d’action à l’étranger qu’ici ? PZ :

Les conditions changent toujours d’un pays à l’autre. Je dois toujours les analyser.

Qui est le client ? Quel est le lieu ? Quel type de société y trouve-t-on ? Quelles sont les règles de construction ? Y a-t-il de bons artisans et où sont-ils ? Comment le processus de construction s’organise-t-il ? Et ainsi de suite. Ça change chaque fois ; je fais attention à tout cela, que ce soit à Los Angeles, en Norvège, ou en Corée du Sud. Cela prend beaucoup de temps, mais il est très important d’étudier les conditions spécifiques d’un pays. En Corée du Sud, où j’ai débuté un projet – une maison de thé – on me fait entièrement confiance. C’est la même chose à L. A. et je sais aussi maintenant où trouver les bons artisans et comment organiser l’ensemble du projet. Mais fondamentalement, c’est pareil en Suisse. C’est sans doute davantage lié à mon statut. Mais les conditions sont toujours différentes. Par exemple, en Angleterre, ils n’ont pas l’habitude de travailler avec du béton, il y a certaines choses qu’ils ne peuvent pas faire. Parfois les règlementations n’ont aucun sens, mais il faut faire avec, comme en Allemagne où il y en a beaucoup ; ou en Autriche, où il y en a encore plus qu’en Suisse. Chaque pays a ses complexités qu’il faut prendre en compte.

138

AR : Votre

œuvre paraît si fortement enracinée dans votre environnement. Mais

comment abordez-vous un projet, et comment entrez-vous en résonnance avec un paysage avec lequel vous n’avez pas de lien historique ni de souvenirs personnels ? PZ :

On pourrait dire que nous venons tous de quelque part. Nous avons tous un lieu d’origine.

Vous venez de quelque part et je viens de quelque part, c’est notre point de départ à tous. Mais après, nous allons dans d’autres lieux et faisons de nouvelles expériences. J’ai mes racines ici et c’est bien, parce que ça me permet de voir les différences qu’il y a entre les lieux, et d’interagir avec eux. Cette confrontation du « personnel » et de l’ « étranger » fonctionne donc bien. AR :

Parmi les photographies qui illustrent votre livre The Images of Architects,

vous avez choisi les photos de deux édifices islamiques qui vous inspirent, Sainte-Sophie et le Fort Rouge de Delhi. Comment trouvez-vous votre inspiration dans des cultures différentes, loin de chez vous ? Par exemple, quand vous allez dans des endroits comme ceux-là, vous les dessinez et vous les étudiez ? PZ :

Où que j’aille, je m’intéresse à tout ce que je vois – sur un plan intellectuel ou comme

expérience pure, du paysage ou de cultures différentes. Comprendre, c’est toujours intéressant, mais ce qui compte avant tout, c’est de regarder et de voir. Je me demande d’abord « Comment ça marche ? Qu’est-ce que c’est ? » Je suis influencé en permanence par tout ce que je vois et ce que je vis. Comme n’importe qui d’autre, vous vivez et vous voyez des choses et quand vous êtes devant un problème, vous avez une énorme quantité d’images en mémoire. La plupart du temps, on ne sait même pas d’où elles viennent, mais elles sont là. AR :

Oui, je pense aussi que, comme architecte, où qu’on aille, on est attentif

à ce qu’on regarde et observe. PZ :

C’est sûrement aussi le cas des écrivains, beaucoup de gens ont un regard très attentif,

les artistes aussi. AR :

Aujourd’hui on se focalise souvent beaucoup sur l’image ; ce phénomène

a aussi touché l’architecture. Les constructions sont devenues des objets de marque et certains architectes ont leur signature stylistique. Ici, en revanche, beaucoup d’architectes sont inspirés par une tradition historique de matériaux locaux et d’artisanat ; une sorte de slow architecture. Dans une interview, vous avez dit un jour que vous ne vouliez pas être considéré comme un architecte à marque. Le refus de vous laisser cataloguer vous donne, j’en suis sûre, une certaine liberté. Quand vous recevez une grosse commande internationale comme celle du LACMA, comment réussissezvous à échapper à ce « marquage » ? PZ : Je

travaille toujours comme ça, qu’il s’agisse d’un projet de grande envergure comme

celui du LACMA ou d’un petit projet dans un village voisin. Mon travail ressemble sûrement plus à celui d’un artiste. Quand j’ai un projet, je regarde et je me mets à créer quelque chose qui me paraît avoir du sens, et si des questions de renommée viennent m’importuner, il faut que je lutte. Ou, au pire, je dis « Je ne peux pas travailler pour vous ». Si la seule chose qui compte, c’est mon nom et ma réputation, je ne peux pas continuer. Il faut donc que je sache vite si mes clients sont sincères. AR : Vous PZ :

est-il déjà arrivé de devoir vous désister ?

Oui, c’est arrivé quelques fois. J’ai dû me dire : « OK, si c’est avant tout une question

d’image, alors je laisse tomber », parce que je veux toujours créer un bâtiment de A à Z. Je vois bien que de grosses agences d’architecture réalisent des constructions plus ou moins commerciales. Dans certains bureaux d’études, on ne fait plus un seul dessin. Je pense que c’est une autre façon de travailler, peut-être aussi une autre façon de gagner de l’argent, mais moi, je ne suis pas comme ça. Ce qui m’intéresse, c’est le travail qui me permet d’avancer. Mon travail ressemble plus à celui d’un écrivain.

139

AR :

Pour moi, il est révélateur que, plutôt que de céder à la tentation de la

grande ville et de ses lumières, vous ayez choisi de rester à Haldenstein. Il est clair que vous n’êtes pas séduit par les sirènes de la célébrité, et que ce qui vous intéresse, c’est de poursuivre votre travail architectural ici dans ce petit village. Est-ce lié à un désir de rester libre d’une façon ou d’une autre ? PZ :

Je vis à cet endroit parce que c’est ici que j’ai rencontré ma femme et parce que

nous avons décidé d’y rester. Actuellement, nous avons des gens provenant de douze nations différentes qui travaillent ici. Dans ce coin perdu, je peux demander : « Comment c’est au Liban ? Comment c’est en Angleterre ? Comment c’est en Pologne ? » D’un point de vue spirituel, nous sommes donc bien reliés au reste du monde, mais le hasard a fait que nous travaillons ici. De plus, je pense que c’est vraiment un bel endroit pour vivre et pour travailler. C’est peut-être même ce qui pouvait m’arriver de mieux. Si vous m’aviez demandé il y a trente ans : « Voudriez-vous créer un grand cabinet d’architecte et travailler partout dans le monde ; devenir lauréat du prix Pritzker et travailler à Haldenstein ? », je vous aurais répondu qu’il y avait peut-être là une contradiction. Mais je n’y ai jamais pensé, c’est arrivé, c’est tout. Les meilleures choses arrivent dans ma vie sans préméditation. Je suis content de ne pas avoir obtenu toutes les choses que je voulais. Je m’en suis rendu compte plus tard. AR :

Pour devenir architecte, vous n’avez pas suivi un parcours classique. Dans

les années 1960 et 1970, vous êtes passé de la menuiserie au design mobilier, du design industriel au design intérieur, et finalement vous êtes arrivé à l’architecture. Pensez-vous que ce parcours atypique vous ait aussi libéré en vous permettant de vous créer une position personnelle authentique ? PZ :

Avec le recul, je pense que c’est ça. Disons que j’ai appris pendant quatre ans à faire les

choses dans l’atelier de mon père. Ensuite, j’ai découvert l’histoire et l’histoire de l’art, ainsi que l’histoire des bâtiments en travaillant pour l’Office des monuments historiques du canton des Grisons. Avant cela, j’avais passé une année formidable à suivre des cours à la Kunstgewerbeschule (École des arts et métiers) de Bâle. À l’époque, je ne me rendais pas compte de l’importance que ça aurait pour moi par la suite. Les professeurs nous y enseignaient les techniques du dessin, de la peinture et de l’aquarelle. Quand on est architecte, je dirais que ce sont des compétences indispensables. Le Vorkurs, comme son nom l’indique, était un héritage du Bauhaus. On continue d’enseigner ces savoirs, mais maintenant l’approche est peut-être plus intellectuelle. L’enseignement était alors entièrement axé sur l’acquisition de compétences concrètes. Ces compétences sont rares aujourd’hui. Moi, je les utilise tous les jours, et je constate que mes jeunes architectes dessinent souvent sans respecter les proportions ; c’est que, parfois, ces compétences là leur font défaut ... Bref, cette année pendant laquelle j’ai acquis concrètement ces compétences artistiques a été extraordinaire. Tout le reste n’est que question de regard et de ressenti personnels. AR : Oui, on sent bien dans votre travail, que vous avez une profonde expérience

de l’assemblage des choses. Parce que, en particulier dans les pays anglosaxons, on aborde l’architecture de manière théorique, et souvent les architectes ne savent pas assembler les matériaux. PZ :

Oui, ils ne s’occupent que de l’apparence et c’est quelqu’un d’autre qui se charge

de l’assemblage. Au contraire, ici, à Haldenstein, j’apprends aux collaborateurs à partir de l’intérieur, pas seulement dans les bâtiments, mais aussi dans les opérations concrètes de réalisation et de construction. Nous, nous savons construire.

140

AR :

Vous avez beau travailler dans ce petit village des Grisons, vous inspirez

sûrement des architectes du monde entier. Vous êtes la preuve qu’il est possible de rester fidèle à ses idées. Mais on entend dire : « D’accord, mais c’est Peter Zumthor » ; vous êtes dans une catégorie à part. Pour un architecte « normal », il est pratiquement impossible d’atteindre ce niveau. Est-ce que vous considérez vous aussi que vous jouissez d’un statut privilégié, ou n’est-ce pour vous qu’une question de principe ? PZ : Je

ne peux que m’appliquer à faire de mon mieux ce qui me vient à l’esprit quand je

suis au travail ; à mon travail. La seule chose que je puisse me dire, c’est : « C’est le mieux que je puisse faire, là maintenant, j’en suis satisfait, et voilà. » On peut appeler ça une attitude « sans compromis », mais en fait c’est le résultat d’un processus, ce n’est pas une décision de ne pas faire de compromis. Quand on écrit un livre, ou quand on compose un morceau de piano, la question du compromis dans la création artistique ne se pose pas. Je travaille d’abord comme un auteur. Je suis un architecte comparable à un auteur, je travaille donc comme un artiste travaillerait, et un artiste se doit de suivre sa vérité personnelle. Je veux faire quelque chose qui marche bien et qui soit adapté au lieu ; comme si c’était pour moi-même. Il faut que je sois enthousiasmé. Le bâtiment doit être en harmonie avec le lieu ; et avec sa fonction. Je compose un bâtiment comme un morceau de musique, comme on écrirait un livre ou un poème, et c’est comme ça que ça doit être. Pour créer mon architecture, il faut aussi que je travaille avec beaucoup de gens. Et bien sûr, le client est très important. AR :

C’est difficile parce que ça fait intervenir beaucoup de personnes,

le travail de création est peut-être plus difficile quand on crée une œuvre architecturale. PZ :

La différence, c’est que je suis à la fois un compositeur et un chef d’orchestre avec un

grand orchestre. Et puis il y a aussi le client qui vient vous dire : « Non, ne jouez pas ça ». Il faut donc que le client et moi nous nous comprenions : si le client n’est pas intéressé par mes idées, je ne peux pas travailler avec lui. Mais s’il me dit : « J’aime bien votre façon de travailler. Pourriez-vous composer quelque chose pour moi ? Moi-même, j’en serais incapable, mais voir, c’est votre rôle. », alors je suis d’accord. Je fais toujours du mieux que je peux, comme si c’était pour moi. AR :

On dirait que vous ne faites pas référence ouvertement aux autres réalisa-

tions, ou alors seulement indirectement. Pendant près de dix ans vous avez travaillé à l’office du patrimoine ici à Coire. Est-ce que cette expérience a eu une influence particulière sur votre travail ? PZ :

Cela fait partie de ma formation architecturale « décentrée », comme je le disais précé-

demment. J’ai fait l’étude d’environ 5 000 vieilles fermes, en cherchant à comprendre comment elles étaient construites, quel âge elles avaient et ce qui les unissait en tant que bâtiments. Nous avons fait des dessins, des inventaires, etc. Il y avait des fermes mais aussi certaines constructions présentant une « architecture supérieure » – même si toutes étaient de style alpin. J’ai fait cela pendant huit à dix ans. J’ai beaucoup appris sur la technique et l’histoire, ainsi que sur le développement de l’architecture et sur l’architecture vernaculaire de cette région. Il y avait encore des traces d’artistes connus qui étaient venus travailler dans le village, et on pouvait donc voir une juxtaposition du style vernaculaire et d’un style plus raffiné – une fusion des deux. Pour moi, ça a vraiment été une période formidable.

141

AR :

La formule que vous citez dans l’un de vos livres « le noyau dur de la

beauté »¹ est éloquente – la quintessence d’un bâtiment empreint de beauté. J’imagine que vous ne cherchez pas ouvertement à créer quelque chose de beau, mais c’est quelque chose qui se produit quand les milliers de décisions que vous prenez se conjuguent pour former un tout. « La beauté a-t-elle une forme ? », je sais que c’est un vaste sujet, mais pourriez-vous développer ? PZ :

La beauté est quelque chose de très personnel, en faire l’expérience n’est pas si

fréquent. C’est une sorte de réaction chimique et émotionnelle du corps qui fait que, tout à coup, vous trouvez quelque chose de beau. On dit que la beauté est dans les yeux de celui qui regarde, c’est vrai dans mon cas. Mais tous les objets ne suscitent pas cette émotion du beau, il faut évidemment quelque chose d’autre. Par exemple, c’est comme quand on tombe amoureux d’une femme, il faut quelque chose d’autre en face qui crée et mette en valeur la beauté. C’est ce que je m’efforce de faire : je crée ces objets, en espérant qu’ils soient beaux pour ceux qui les utiliseront et pour les autres. Je suis sûr que vous comprenez ce que je veux dire, si vous avez cet idéal, ça doit certainement résonner en vous. Je crois que, quand on refuse la beauté artificielle, c’est qu’on sait qu’il existe une beauté plus essentielle. J’ai pris conscience que j’avais le talent de créer de beaux espaces, de belles formes et de beaux équilibres, quand tout commence à s’accorder. Je sais bien que ce n’est pas évident pour tout le monde, quand on regarde ce que je fais et qu’on me dit : « Oh ! Mais comment parvenez-vous faire à des choses pareilles ? » Je pense que c’est une sensibilité et un talent que j’ai. Bien sûr, je ne suis pas le seul, beaucoup d’autres personnes l’ont aussi. Mais il faut aussi reconnaître que c’est une belle aptitude humaine. Il y a des talents bien plus grands, des génies comme Mozart et Bach avaient un talent extraordinaire. C’est la grandeur des êtres humains que de faire de temps à autre apparaître d’incroyables talents qu’on ne sait pas vraiment expliquer. Je ne me place pas à ce niveau. Je suis respectueux du fait que certaines choses ne viennent pas de moi, ni de mon travail – mais de la nature. ¹ Tirée d’un poème du poète américain William Carlos Williams

142

SAVIOZ FABRIZZI

Dans notre approche de l’architecture, nous cherchons un équilibre entre la spatialité et l’expression des matériaux afin de révéler les qualités intrinsèques d’un site et d’un patrimoine bâti. Savioz Fabrizzi

143

SAVIOZ FABRIZZI

L’accès à la chambre principale située à l’étage

MAISON BOISSET

supérieur se fait par un escalier raide, comme

LE BIOLLEY

l’échelle d’une cabane perchée dans un arbre. D’une

2012

simplicité monacale, l’équipement se limite au double lit et à un placard, également en bois de mélèze.

Une proportion importante de projets architecturaux

La toiture à deux pans est visible à l’intérieur de la

en Suisse consiste à rénover de vieux bâtiments

chambre ; la poutre faîtière d’origine rompt l’uniformi-

ruraux et de vieilles fermes. La Casa d’Estate de

té des surfaces et rappelle que cette habitation a

Buchner Bründler en est un exemple pour le Tessin,

plus d’un siècle. Une bande de lumière s’infiltre dans

la Maison Boisset en est un pour le canton franco-

l’espace grâce à une ouverture en longueur à hau-

phone du Valais. Le projet confié aux architectes de

teur d’yeux quand on est assis sur le lit, tandis qu’une

Sion Savioz Fabrizzi était de convertir une vieille

porte vitrée donne accès à la galerie en L, d’où l’on

grange sur trois niveaux en un logement de vacances

jouit d’une vue aérienne spectaculaire sur les Alpes.

contemporain. Le bâtiment se situe au Biolley,

Au niveau inférieur se trouve un dortoir avec salle

un village d’altitude proche de Martigny. Typique de

de bain attenante, également entièrement habillés en

l’architecture locale, la grange est faite d’une struc-

bois de mélèze. L’ancienne porte à bétail est rem-

ture en madriers soutenue au sol par un soubasse-

placée par une porte vitrée apportant de la lumière

ment en pierre destiné à protéger le bois de la neige

naturelle et ouvrant sur l’extérieur par la chambre

et à isoler la maison des hivers glacés. L’édifice

des enfants. Les finitions en bois, impeccables

surplombe vertigineusement la vallée et l’altitude lui

et nettes, créent une ambiance qui n’est pas sans rap-

permet de jouir d’une vue panoramique. De l’exté-

peler les intérieurs traditionnels japonais. La forte

rieur, la porte d’entrée, vitrée et nettement découpée,

pente du site permet d’accéder directement au dehors

alignée avec le bâti, est le seul indice de l’élégante

par deux niveaux : à la fois par la cuisine et par le

transformation dont a fait l’objet l’intérieur.

niveau inférieur.

La maison est constituée de trois espaces de

Grâce à un plan intelligent et à un sens du détail

seize mètres carrés sur trois niveaux : la cuisine/salle

marqué, Savioz Fabrizzi a réussi à donner une impres-

à manger se loge entre les deux chambres, celle

sion d’espace, alors même que la surface totale

des parents au-dessus et celle des enfants au-des-

de l’habitation ne dépasse pas quarante-huit mètres

sous. L’entrée est découpée dans le large mur en

carrés. La pierre rustique et le bois brut de l’exté-

pierre, permettant l’accès à la cuisine/salle à manger

rieur cohabitent avec les surfaces douces et délicates

revêtue de lames de mélèzes couleur miel. À l’inté-

de l’espace intérieur. Ce contraste puissant entre

rieur de cet espace compact, tous les équipements

ancien et nouveau crée une tension, une dichotomie

sont méticuleusement façonnés, et cela fait penser

qui donne toute sa force au projet.

un peu à une cabine de bateau. Pour réduire la contrainte d’un espace de petite taille, Savioz Fabrizzi a dû concevoir un plan de pièces qui tire parti du moindre espace disponible. Ainsi, le rebord de fenêtre sert de banc et fait un coude pour suivre la table à manger, tandis que toute la hauteur des pièces est utilisée comme espace de rangement. La partie cuisine est logée dans une niche du mur et s’aligne parfaitement avec la fenêtre. Le cadre de la fenêtre est soigneusement dissimulé derrière le revêtement du mur, mettant ainsi en valeur le paysage et faisant entrer la nature dans la maison. Grâce au dépouillement quasi monacal de l’intérieur, le regard n’est pas distrait et l’on peut profiter pleinement de la vue à couper le souffle qui s’étend au-dessous dans la vallée.

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PLAN DE SITUATION

COUPE

1:1 000

1:100

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1ER ÉTAGE REZ-DE-CHAUSSÉE SOUS-SOL

1:100

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SAVIOZ FABRIZZI

Le bâtiment, organisé sur trois niveaux décalés,

MAISON RODUIT

présente un plan en L avec la cuisine au centre. Trois

CHAMOSON

niveaux intérieurs renvoient, à l’extérieur, à trois

2005

toitures en pente qui montent en crescendo au niveau de l’intersection des deux ailes, où la maison culmine,

Comme d’autres projets présentés dans cet ouvrage,

tandis que les toits pointus à deux versants font

le paysage joue un rôle essentiel en architecture.

écho aux sommets qui se découpent au-dessus.

La Maison Roduit ne peut être dissociée du spectacle

L’étage le plus élevé correspond à la chambre princi-

des montagnes qui se découpent à l’arrière-plan ;

pale qui dispose de sa propre salle de bain et d’un

en effet, elle semble émerger directement de son

dressing. Un coin de la chambre est découpé afin de

contexte géologique et entretient un rapport intense

créer une galerie avec vue sur les deux espaces de la

avec le lieu. Laurent Savioz a été mandaté par des

cuisine en contrebas, ce qui permet de percevoir

artistes locaux pour revitaliser la vieille ferme

la tridimensionnalité de la maison. Un peu comme un

rustique de Chamoson qui, laissée à l’abandon, était

tourniquet, la cuisine ouvre sur le séjour au sud, et

en très mauvais état. La rénovation est la dernière

sur l’atelier à l’ouest. Dans la continuité de l’extérieur,

étape d’une série d’interventions sur cette construc-

l’intérieur est composé de matériaux minéraux à l’état

tion dont la longue histoire a commencé en 1814.

brut : pierre naturelle, béton apparent, chape cirée.

Au lieu d’évider simplement le bâtiment, les archi-

À l’intérieur comme à l’extérieur, une même conviction

tectes ont préféré sauver la structure délabrée en la

et une même rigueur ont donc présidé à la construc-

réhabilitant. Le volume extérieur a été conservé et

tion du bâtiment.

les façades de pierre préservées autant que possible. Le plus frappant est la rusticité de la maçonnerie

Le percement des anciennes fenêtres a été maintenu et quelques grandes fenêtres ajoutées pour

en pierre du bâtiment et l’interaction dynamique

faire entrer davantage la lumière naturelle et ouvrir

des surfaces texturées. Les architectes ont cherché

les espaces intérieurs sur un paysage à couper

à renforcer le caractère fortement minéral et à

le souffle. Ces nouveaux vitrages sont affleurés à

mettre en valeur la maçonnerie en remplaçant par du

l’extérieur afin de minimiser leur impact sur le volume

béton massif les parties anciennement en lattes

du bâtiment, de souligner et de rendre utilisable à

de bois ajourées. Les épais et rustiques murs de pierre

l’intérieur la forte épaisseur des murs. Par contraste,

cohabitent ainsi avec les surfaces lisses de béton

les fenêtres déjà existantes sont encastrées dans

apparent avec un coffrage en lames qui réinterprète

le mur, ce qui crée un jeu de lignes ombrées et fait

subtilement l’ancienne texture du bois. La juxtaposi-

apparaître depuis l’extérieur la profondeur et la solid-

tion des deux matériaux et le contraste des surfaces

ité des murs.

donnent une puissance corporelle à cette architec-

La Suisse est l’un des pays les plus exigeants au

ture. En doublant l’intérieur avec une couche isolante

monde en termes de normes de construction écolo-

de béton à base de verre recyclé expansé (misapor),

gique et les Suisses sont fiers de leur architecture

une triple amélioration a été effectuée : création

respectueuse de l’environnement. Savioz Fabrizzi ont

d’une nouvelle structure porteuse, consolidation des

tenu compte de la structure existante de cette

anciens murs en pierre et installation d’une isola-

maison vieille de deux cents ans tout en réussissant

tion thermique. Les murs, massifs et monolithiques,

à appliquer les normes écologiques les plus récentes.

créent un profond sentiment de refuge et de pro-

Grâce au haut niveau d’isolation thermique, à une

tection. C’est à la fois une maison archaïque, une sorte

ventilation contrôlée et une production énergétique

de logement « primitif » et une habitation contem-

renouvelable, la Maison Roduit respecte la norme

poraine.

suisse d’efficience énergétique Minergie. Vingt-trois mètres carrés de panneaux solaires en toiture couvrent environ 35 % des besoins annuels en chaleur, pour le chauffage et l’eau chaude. La haute qualité des matériaux de ce bâtiment en pierre et béton donne sa force à cette œuvre architecturale. L’intervention moderne de Savioz Fabrizzi est dans le droit fil des transformations que le bâtiment a connues au cours des siècles. Un bâtiment robuste qui traversera probablement sans problèmes le siècle à venir.

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L’imposante proximité des rochers et la construction en pierre donnent à ce bâtiment une unité avec son environnement. Savioz Fabrizzi

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2 E ÉTAGE 1ER ÉTAGE PLAN DE SITUATION

REZ-DE-CHAUSSÉE

1:1 000

1:300

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COUPE

ANDREAS FUHRIMANN GABRIELLE HÄCHLER

Le mythe de l’architecture suisse n’est peut-être qu’une perception extérieure, comme celui de la Suisse elle-même. Gabrielle Hächler

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ANDREAS FUHRIMANN GABRIELLE HÄCHLER TOUR D’ARRIVÉE LAC ROTSEE, LUCERNE 2012–2013

La particularité intéressante de la tour d’arrivée sur le lac Rotsee, près de Lucerne, est de n’être en service qu’une infime partie de l’année. Elle reste fermée en hiver, et ce jusqu’en juillet, et elle n’ouvre que pour quelques semaines d’intense activité à l’occasion de la régate annuelle d’aviron, en été, quand la nature explose. Quand la tour est utilisée, ses larges volets coulissants sont ouverts et déployés, exposant l’intérieur du bâtiment à la vaste étendue du lac, aux rameurs et à leurs embarcations, qui franchissent en glissant la ligne d’arrivée marquée par la tour. La hauteur de la tour offre un excellent point de vue au jury, à la presse et au comité des régates d’où ils peuvent observer les courses, collecter les résultats et classer les rameurs en fonction de leur temps. Les architectes zurichois Andreas Fuhrimann et Gabrielle Hächler ont pensé leur Zielturm, « tour d’arrivée », comme une structure hybride – à la fois fonctionnelle et sculpturale. De même que la nature environnante change d’apparence au passage des saisons, la tour reste fermée et silencieuse, forme abstraite, dressée comme une sentinelle, avec son image réfléchie dans les eaux sombres du lac Rouge ; pendant la saison des régates, elle retrouve sa fonction architecturale « réelle » et s’ouvre sur la vaste étendue d’eau. Reposant sur une plateforme de béton, la tour en panneaux de bois préfabriqués est composée de trois espaces empilés les uns sur les autres, un peu comme les cubes de bois d’un jeu pour enfant. Le léger décalage entre les niveaux et la légèreté du bois confèrent à la tour un aspect amusant. Elle fait penser à un observatoire à oiseaux au bord de l’eau. Maintenue au-dessus de la surface de l’eau par des piliers de béton, la structure semble flotter au-dessus du lac, comme enveloppée dans le paysage pittoresque. Un étroit ponton en béton au-dessus de l’eau permet d’accéder à la tour, et arrime la structure en bois légère à la rive du lac. Avec les escaliers en béton, qui relient le niveau inférieur aux niveaux supérieurs, cette jetée en béton crée une solide colonne vertébrale, qui pose la tour visuellement en lui donnant du poids. Fermé, le Zielturm est un bâtiment paisible, énigmatique, évocateur de la contemplation et des possibles ; ouvert, il s’anime et prend un aspect ludique.

Il y a des aspects universels en architecture, il y a des principes généraux qui s’appliquent. Néanmoins, c’est le contexte régional qui permet de créer une ambiance particulière. Gabrielle Hächler

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B A

A

2 E ÉTAGE

REZ-DE-CHAUSSÉE

1:200

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B

1ER ÉTAGE

COUPE A COUPE B

1:200

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ÉLÉVATION OUEST

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VALERIO OLGIATI

Quand on est entouré par la masse physique de ces montagnes, les décisions sont plus simples, plus directes. Ce cadre permet de travailler dans des dimensions plus imposantes. Valerio Olgiati

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VALERIO OLGIATI

La blancheur extérieure s’invite dans les espaces

LA MAISON JAUNE

d’exposition intérieurs : murs et plafonds sont de

FLIMS

couleur blanche et les planchers sont blanchis à la

1997

chaux. Ce qui frappe le plus à l’intérieur, c’est l’asymétrie. Une massive colonne porteuse en chêne est

Comme la neige recouvre un paysage hivernal d’une

décentrée, elle rompt l’équilibre des espaces et crée

couverture blanche unie, le volume entier de la

une certaine instabilité. La manière dont la colonne

Maison Jaune – indépendamment des matériaux

oblique en angle obtus à l’étage supérieur pour

sous-jacents (béton, pierre ou bois) – est badigeonné

rejoindre la pointe du toit accentue cette impression

de blanc immaculé. La surface brillante crée une

d’inclinaison et de déséquilibre. Olgiati joue avec

distance visuelle entre le bâtiment et son environne-

nos sens et nous fait astucieusement comprendre que

ment immédiat, et transforme radicalement une

l’architecture est un art. Cet édifice de taille relative-

vieille ferme en une œuvre architecturale lumineuse

ment modeste d’une petite ville des Alpes des Grisons

et moderne, lieu pour des expositions dédiées

est une œuvre architecturale contemporaine à la

à l’architecture alpine. L’ingénieuse rénovation de

renommée internationale.

Valerio Olgiati met à mal tous les clichés sur le pittoresque de l’architecture alpine. Le cube blanc est abstrait ; le blanc brillant réfléchit chaque rayon de soleil pour créer une pure vision qui sort de l’ordinaire. De loin, le musée ressemble à une sculpture minimaliste, mais quand on s’en rapproche, la patine de l’histoire se manifeste avec subtilité. Olgiati est un architecte éminemment intellectuel, qui aime subvertir les normes et défier nos perceptions. Il pense qu’en matière d’architecture les architectes doivent faire des propositions radicales ; pour lui le design est un processus de pensée. Les changements effectués par Olgiati sur le bâtiment d’origine sont mûrement réfléchis et précis, rien n’est arbitraire ou laissé au hasard. Il transfère l’entrée, à l’origine sur rue, sur le côté du bâtiment, façade est, et l’élève au-dessus du sol par des escaliers, créant ainsi une bande de béton qui se transforme en une large travée en porte-à-faux. Ce sont les seules surfaces qui n’aient pas été peintes en blanc, révélant ainsi leur « nudité » et mettant l’entrée en évidence. Les encadrements de fenêtres ont été modernisés avec du béton coulé sur place, donnant aux ouvertures un contour impeccable et précis. Pour obtenir la texture de la surface, rustique, presque archaïque, les anciennes façades en pierre ont été retravaillées au marteau et au burin. Ces surfaces brutes contrastent fortement avec les ajouts en béton lisse, bien que la blancheur de la chaux unifie le tout en un ensemble homogène. Pour surélever la façade et obtenir des proportions cubiques, l’édifice a été couronné par une bande de béton.

172

La couche finale de blanc, le plus raffiné des badigeons à la chaux, constitue l’enveloppe extérieure du bâtiment. Elle masque tout ce qui a été laissé à l’état brut. En même temps, elle met en évidence une certaine contradiction. Le badigeon blanc semble transformer l’archaïsme naïf et l’animalité de cette structure en une pensée abstraite – qui de son côté donne à la maison même l’apparence d’une vision. Valerio Olgiati

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ÉLÉVATION SUD COUPE

PLAN DE SITUATION

1:200

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2 E ÉTAGE 1ER ÉTAGE REZ-DE-CHAUSSÉE

1:200

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En mêlant pigment et pierre concassée au béton,

VALERIO OLGIATI ATELIER BARDILL

le bâtiment imite les tons de brun chaud des

SCHARANS

chalets en bois séculaires qui l’entourent, et s’intègre

2006–2007

ainsi au village. Olgiati a rehaussé le matériau en l’imprégnant d’une couleur chaude et en le gaufrant

Valerio Olgiati est connu pour sa conception radicale

de motifs en relief complexes faits main, qui couvrent

de l’architecture ; ses réalisations sont souvent

le bâtiment à l’intérieur et à l’extérieur, du sol à

polémiques et avant-gardistes. Pour l’Atelier Bardill

l’avant-toit. L’architecte est catégorique : le motif

de Scharans, au sud de Coire, Olgiati fut missionné

aléatoire des rosettes – inspiré des décorations d’un

par le célèbre écrivain et musicien suisse Linard

vieux coffre baroque appartenant à Bardill – est

Bardill, qui avait acquis une vieille grange délabrée

une fantaisie purement décorative, dépourvue de tout

au centre du hameau. Devoir se limiter à une simple

symbolisme. Il renforce néanmoins le caractère

rénovation ne passionnait guère Olgiati, mais les

monolithique et monochrome du bâtiment, tout en

habitants du hameau n’étaient pas non plus franche-

atténuant son caractère monumental. Le traitement

ment enthousiastes à l’idée de voir une œuvre

appliqué à toutes les surfaces crée un ensemble

« bizarre » d’architecture moderne dominer le tissu

intérieur et extérieur homogène, qui reflète la manière

historique du hameau. Le compromis trouvé fut

dont l’atelier hésite entre vie privée et ouverture

le suivant : recréer le nouveau bâtiment sans toucher

au public et fait écho métaphoriquement à la manière

à la silhouette ni au contour de la vieille grange. Le bâtiment conçu par Olgiati n’est pas du tout

dont les artistes vivent en balançant constamment entre la solitude introvertie de la création et la

ce qu’il paraît à première vue. De l’extérieur, il semble

présentation extravertie de leurs œuvres. Ce va-et-

monolithique et massif et tout laisse penser que

vient privé/public est également reflété par la grande

sa toiture à deux pentes recouvre de vastes espaces.

ouverture de la façade ouest qui fait face à la place

Fausse promesse, car les murs abritent en réalité

du village. Cette ouverture donne sur les alpages

un unique espace de 60 m². Cet espace couleur rouille

environnants, offrant une vue sur le Piz Beverin et per-

avec sa cheminée triangulaire dans le coin, c’est

mettant en même temps au public de voir l’atrium

l’Atelier Bardill. Malgré son aspect monolithique,

depuis la place. Cette structure invite à se deman-

l’essentiel de ce bâtiment est en fait un espace vide,

der ce qui définit un bâtiment : l’enveloppe de la

un atrium à ciel ouvert enclos de murs et couronné

façade ou bien les espaces intérieurs fermés ? Un bâti-

théâtralement par une découpe en forme d’ellipse.

ment doit-il avoir un toit pour être défini comme

Tel un illusionniste, Olgiati a créé un bâtiment comme

un bâtiment ? Ce qui est sûr, c’est que l’architecture

par magie, avec cette ironie qui caractérise son

d’Olgiati est à la fois hautement provocante et esthéti-

travail.

quement attrayante. Et elle n’arrête jamais de surprendre.

L’utilisation du béton rouge donne un aspect plus naturel, plus sauvage à la construction, comme si elle était sortie tout droit de la terre. Mes bâtiments blancs, en revanche, sont davantage le produit d’un intellect discipliné. Valerio Olgiati

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ÉLÉVATION OUEST COUPE PLAN DE SITUATION

REZ-DE-CHAUSSÉE

1:5 000

1:200

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UNE BANALITÉ CULTIVÉE

les modèles culturels dans l’architecture suisse actuelle

Irina Davidovici

184

Depuis les années 1990, l’architecture suisse n’a cessé de voir augmenter le nombre de ses fidèles partisans. Deux lauréats du prix Pritzker en une décennie, Herzog & de Meuron en 2001 et Peter Zumthor en 2009, ainsi qu’un grand nombre de bâtiments prestigieux construits par des agences suisses à travers le monde, font de l’architecture l’une des activités exportatrices du pays les plus florissantes. Cet engouement mondial est dominé par quelques grands noms, dont les édifices en Suisse et à l’étranger sont reçus avec enthousiasme et longuement commentés dans la presse spécialisée ou généraliste. Le tourisme architectural est devenu une activité courante, non seulement dans les grandes villes mais aussi dans des endroits reculés des Grisons ou du Tessin, où des architectes célèbres ont eu en charge à un moment donné la construction de bâtiments publics locaux et de maisons privées. Toutefois, les visiteurs de monuments architecturaux noteront que ces projets spécifiques ne cherchent pas à attirer l’attention en se coupant de leur contexte. Au contraire, ces projets établissent d’ordinaire un dialogue intéressant avec l’environnement bien construit et soigneusement préservé, où ces bâtiments sont situés. À la différence de beaucoup de pays européens, où les paysages façonnés par l’homme sont prépondérants, ceux qu’on traverse en Suisse le long des routes principales sont caractérisés par une nature pittoresque. Lacs et montagnes ponctuent chaque tronçon de route ou de voie ferrée. Les activités rurales sont de taille modeste et strictement contrôlées, elles viennent compléter les charmants villages avec leur église et leurs fermes traditionnelles. Les paysages suburbains, où panneaux et publicités sont très peu nombreux, défilent rapidement derrière les parebrises. Dans un tel environnement, les gens familiers des grands noms de l’architecture suisse identifient fréquemment des bâtiments rendant hommage à leur œuvre. Les élégantes constructions en béton et les hangars abstraitement revêtus de lattes de bois attirent fugacement le regard comme s’ils étaient dessinés plutôt que construits véritablement. De telles structures sont plutôt ambiguës : d’un côté, elles interpellent par un niveau d’ambition esthétique qui dépasse leur simple fonction de maison ou d’atelier ; d’un autre côté, bien que se présentant d’abord comme une architecture radicale, ces structures, par leur répétition, finissent par se normaliser, et par être reléguées de nouveau à leur fonction. L’interaction entre une architecture d’auteur et une architecture anonyme n’est pas surprenante dans un pays où l’infrastructure sophistiquée des transports, avec ses viaducs, ses ponts et ses barrages est en soi une Baukunst (« art de la construction ») majeur. Ce n’est pas seulement que de telles structures d’ingénierie, pourtant conçues pour leur utilité, aient un indiscutable effet émotionnel. Elles attirent également l’attention sur un trait culturellement intégré de la production suisse, à savoir sa qualité. La demande de précision en termes d’équipement en infrastructures a créé un haut niveau de compétence dans l’industrie de la construction, sur laquelle ont pris l’habitude de s’appuyer les architectes. C’est pourquoi les structures en béton – qu’il s’agisse de postes de signalisation, de maisons ou de musées – sont plus fréquentes ici et moins sujettes à controverse que dans d’autres pays ; du fait de leur texture lisse au sens métaphorique et littéral. Les matériaux traditionnels, comme le bois et la pierre, présentent un niveau de savoir-faire technique similaire, dans leur cas moins enraciné dans une précision industrielle que dans cette culture artisanale qui caractérise encore les régions rurales de Suisse. Ces matériaux alimentent, eux aussi, le travail architectural contemporain, et pas seulement pour des raisons historiques. Construire en bois est particulièrement courant et ce matériau est donc considéré comme le plus adapté, notamment dans les lieux où il est bon marché et en abondance, et où on sait le travailler depuis des générations. De même que les matériaux dominants varient selon qu’on est en ville ou à la campagne, les stratégies architecturales auxquelles on recourt y sont également différentes. Que la toile de fond soit un village traditionnel ou la chaîne des Alpes, l’incroyable pittoresque de la campagne suisse sert très bien l’architecture contemporaine. Trois stratégies dominent ici, dont la première – la création d’objets abstraits comme le Centre des visiteurs du Parc national de Zernez par Valerio Olgiati – est peu pertinente pour notre étude sur les modèles et leurs copies. Conçus pour se démarquer de leur environnement, de tels bâtiments ne se prêtent pas aisément à la reproduction ni à la normalisation. Ils ont une présence d’autant plus surprenante qu’ils sont uniques dans ces espaces d’une beauté naturelle exceptionnelle, où prévalent souvent les forces conservatrices.

185

Une stratégie répandue et plus ambivalente consiste à combiner des formes et des matériaux empruntés à l’architecture traditionnelle avec d’autres dont le caractère contemporain est facilement identifiable. L’atelier créé par Olgiati pour le musicien Linard Bardill à Scharans et la petite cabane Lieptgas de Flims réalisée par Nickisch Walder Architectes dans les environs de Flims en sont de bons exemples. Bien que coulés en béton, leurs toits en pente et leur volume compact reprennent précisément la silhouette des structures agricoles qu’ils ont remplacées, condition de planification de nombreuses nouvelles réalisations dans les zones rurales protégées. Ces dimensions prédéterminées ne sont pas tout à fait adaptées à leur utilisation actuelle : le premier bâtiment est trop grand pour un studio d’enregistrement, le second plutôt trop petit pour une cabane où passer des vacances à part entière. Ces deux réalisations tirent cependant parti de ces contraintes d’une manière créative. Le projet d’Olgiati n’enclot que le tiers du volume défini, permettant à ce qui reste de fonctionner comme un hortus conclusus, doublé d’une salle à ciel ouvert pour des concerts intimistes. Nickisch Walder ont augmenté le volume original en creusant dans le sous-sol et en mettant ainsi au grand jour une formation géologique naturelle remarquablement encadrée par la fenêtre du bas. Les deux projets exploitent la fluidité du béton afin de rappeler les structures traditionnelles originales tout en les contrebalançant par des moyens radicalement modernes, qu’il s’agisse du pigment rouge et des motifs dans le cas du premier bâtiment, ou du moulage isolant de l’ancienne cabane en rondins dans le cas du second. La troisième stratégie, qui reprend presque entièrement les formes, les matériaux et les détails traditionnels, abolit sciemment la distance entre la nouvelle architecture et ses modèles vernaculaires. Bien qu’apparemment la moins radicale, c’est elle qui a les incidences les plus curieuses : ces réalisations sont d’une part les plus à même de se fondre sans problème dans l’environnement, en se réclamant intégralement de l’architecture traditionnelle, et d’autre part elles peuvent aisément être méconnues comme propositions architecturales dotées d’une valeur artistique propre. S’additionnant au fil du temps pour former un projet infrastructurel, les habitations privées ainsi que les installations publiques et les structures utilitaires construites par Gion A. Caminada dans son village natal de Vrin utilisent les matériaux et les méthodes de construction disponibles, en plaçant des volumes en bois construits selon la technique Strickbau locale sur des bases en pierre, à la manière de la plupart des maisons existantes. Les bâtiments utilisent une volumétrie légèrement abstraite et certains détails de construction, mais pour un œil non exercé la couleur du nouveau bois est la seule marque permettant de les distinguer du reste du village. Alors que cette adoption des moyens traditionnels crée un rapprochement entre l’objet architectural et son utilisation prévue, elle rend également difficile la distinction entre les projets d’auteur et les structures purement utilitaires. Les villes suisses présentent une problématique différente, favorisée par la question spécifique de l’anonymat. En règle générale, le contexte urbain suisse tend au respect des normes existantes. Bien que certaines agences soient intéressées par la production de bâtiments hors du commun, de telles réalisations sont généralement reléguées aux périphéries. À Zurich ou à Genève, où d’énormes possibilités de réhabilitation ont été récemment ouvertes grâce à la délocalisation d’industries, l’accent est mis sur la reconstitution d’une atmosphère urbaine : forte densité, larges façades sur rue, réseaux réguliers d’ouvertures, aménagement paysager. Les marchés sont attribués aux agences locales et internationales grâce aux concours et aux partenariats professionnels ; l’hétérogénéité des différents auteurs vise à créer une ambiance propice à la création improvisée et spontanée. Les exigences d’originalité créatrice d’un côté et le respect de modèles identifiables de l’autre côté donnent lieu à d’intenses et stimulantes expériences urbaines. Dans les centres-villes, il y a moins de possibilités pour de grandes propositions architecturales. Les nouveaux projets sont généralement politiquement sensibles, ils mènent rarement à la création de « monuments » – les édifices prestigieux uniques comme les musées –, et plus souvent à celle de « maisons », où divers programmes se dissimulent derrière les façades régulières semblables aux modèles urbains dominants. Ces zones, pour la plupart, sont en soi étranges. Il n’est pas rare de passer devant des bâtiments d’architectes dont on a parlé dans le monde entier et qui s’intègrent si bien à leur environnement qu’ils n’attirent sur eux aucune attention particulière. Les bâtiments résidentiels et les bureaux

186

réalisés à Bâle par Diener & Diener se fondent délibérément dans le tissu urbain existant, plutôt que de s’affirmer comme objets architecturaux d’auteur. En reproduisant les modèles urbains caractérisés par leur anonymat, ces projets hésitent entre l’invisibilité d’une production de masse et l’autonomie des formes. Ils concrétisent une conception de la ville européenne vue, malgré son hétérogénéité, comme proposition culturelle cohérente. L’armature théorique qui sous-tend de telles réalisations remonte aux années 1970, époque à laquelle les architectes suisses ont commencé à expérimenter diverses techniques pour intégrer les objets architecturaux dans leur environnement. Après deux décennies d’après-guerre qui ont presque épuisé la palette du modernisme architectural, le discours occidental sur l’architecture a recommencé à voir dans l’histoire une source d’inspiration. Mais, tandis que l’historicisme du dix-neuvième siècle s’était concentré sur des modèles héroïques, comme pour conférer une gloire antique aux prospères sociétés capitalistes, après deux guerres mondiales cette notion discréditée était considérée avec plus de prudence. Comme le néo-réalisme et le pop art allaient le montrer si clairement, les références historiques préférées n’étaient plus l’extraordinaire et le monumental, mais plutôt l’humble et l’ordinaire. Dans le cas suisse, la recherche de références culturelles pertinentes a révélé deux modèles principaux, tous deux déterminés par des besoins pragmatiques plus que par des besoins de représentation. Le modèle le plus ancien, repris surtout en contexte rural, était l’architecture traditionnelle des habitations paysannes et des structures agricoles, où l’utilisation de la pierre et du bois avait avec le temps atteint un haut niveau de compétence. Plus le projet était citadin, plus il était répandu, à savoir l’habitat moderniste et les réalisations industrielles communs en Suisse depuis les années 1930. Provenant d’une esthétique industrielle héroïque, ce type de modernisme modéré fut néanmoins écarté de l’idéologie de la gauche radicale associée à l’avant-garde moderniste des années 1920. En revanche, sa longévité était enracinée dans sa capacité à représenter la domination et les intérêts d’une bourgeoisie économiquement prospère. Le recours à l’histoire pour comprendre la situation présente a puisé ses fondements théoriques dans le postmodernisme : c’est-à-dire l’utilisation d’une architecture doublement codée, qui cible un public de connaisseurs à travers des références raffinées, et qui recherche la reconnaissance populaire en recourant à des motifs familiers et aisément identifiables. Bien que dédaignant l’éclectisme formel du postmodernisme, les architectes suisses ont été fortement influencés par deux grands penseurs du postmodernisme, Aldo Rossi et Robert Venturi. De Rossi et de son idée évocatrice, bien qu’ambiguë d’Architecture analogue, ils ont appris à employer des formes et des modèles familiers, qui allaient imprégner de nouveaux bâtiments avec de riches associations construites sur des périodes beaucoup plus longues. La question rhétorique de Venturi : « La rue principale n’est-elle pas presque parfaite ? », signalait un authentique intérêt, bien que légèrement condescendant pour l’environnement quotidien.¹ Pour les Suisses, ses écrits ont ouvert la voie leur permettant d’accepter leurs versions locales d’une « architecture laide et ordinaire ». Les zones industrielles, les banlieues anonymes, et les zones d’habitation insipides qui avaient marqué tous ceux qui ont grandi dans la Suisse des années 1950 devinrent des modèles valables pour la nouvelle génération d’architectes suisses de la fin des années 1970. L’intérêt pour des formes, des matériaux et un environnement rendus familiers par l’usage et la répétition était plus évident du début au milieu des années 1980. Les premiers projets de Herzog & de Meuron ou de Diener & Diener faisaient référence à des modèles, à des jardins et à des bâtiments industriels urbains et suburbains répandus. Peter Zumthor, qui, avant d’ouvrir sa propre agence, avait travaillé comme menuisier puis comme architecte spécialisé dans la conservation du patrimoine, a trouvé son inspiration dans l’architecture montagnarde de Coire et de ses environs. L’adhésion aux caractéristiques régionales et aux références culturelles de chaque projet donna lieu d’emblée à un grand débat contradictoire, qui ne saurait être simplement rangé sous la bannière de l’identité nationale suisse. Mais l’un des fils conducteurs reliant ces projets était leur ambition artistique, non exprimée à un niveau conceptuel.

187

Les projets suisses continuent d’adopter des techniques de camouflage en copiant les formes et la matérialité de l’architecture locale – une stratégie combinant raisonnement artistique ou intellectuel avec des concessions plus pragmatiques aux contraintes d’aménagement et au goût populaire. Que leurs motivations soient esthétiques ou politiques – souvent un mélange des deux – de tels actes de médiation et de modération tendent à accroître, plutôt que de diminuer, le mérite de l’impulsion artistique première. Lorsque les visions radicales se heurtent aux réalités contraignantes d’endroits spécifiques, des techniques de construction en vigueur, des exigences programmatiques, ou des limites budgétaires, elles sont soumises à des processus de sélection et d’amélioration qui aboutissent à de meilleurs projets, plus riches et plus évocateurs. Les premières réalisations de Peter Zumthor en sont d’une certaine manière la démonstration, elles sont fondées sur une quête personnelle de bâtiments qui « donnent l’impression évidente de faire partie de leur environnement, [qui] semblent dire : « Je suis telle que tu me vois et ma place est ici. »² Cette esthétique de l’évidence n’est pas sans ambiguïtés. En cherchant à faire « comme si elle avait toujours été là », une architecture qui copie la spontanéité d’une construction vernaculaire ou industrielle puise dans la richesse de la mémoire culturelle. L’un des premiers problèmes est celui de l’improbabilité de retrouver une prétendue authenticité de l’original. L’ambition artistique implique une différenciation, c’est-à-dire un certain degré de distanciation. Une fois conceptualisé, « l’évident » devient encore plus difficile à atteindre. Les efforts faits pour reproduire les corrélations simples et directes entre forme, matériau et construction trouvées dans les architectures traditionnelles ou utilitaires ne sont généralement ni simples ni directes. Autre problème, celui de la relation difficile entre copies et modèles. Quand l’histoire et la tradition commencent à servir de répertoire de formes pour des projets contemporains, peu d’indications permettent de savoir ce qui constitue une référence pertinente ou non. Il n’y a pas de limite claire entre la citation légitime et le pastiche de seconde zone. Chaque bâtiment qui fait le lien entre tradition et innovation d’une manière authentiquement valable sera presque inévitablement suivi par un certain nombre de pâles copies reprenant la forme ou le matériau de l’original, mais sans son acuité intellectuelle. En Suisse, la modération est une donnée historiquement constituée et politiquement affirmée. L’intégration d’objets architecturaux dans leur environnement fait partie de la culture locale et représente une forme de responsabilité sociale. L’étude minutieuse de l’architecture vernaculaire, les références et les citations dont elle fait l’objet dans la production contemporaine sont une conséquence de ce conditionnement culturel. Mais ici comme ailleurs, une architecture contemporaine en quête d’identité doit équilibrer les exigences d’intelligibilité accrue avec celles de l’ambition artistique. La question des influences se décline selon deux axes. Alors qu’initialement, soutenue par un positionnement intellectuel, la « haute architecture » a emprunté à la construction anonyme, le contraire est de plus en plus le cas. Les dispositifs formels et les innovations techniques, d’abord articulés sur des projets expérimentaux isolés, ont fini par être absorbés par le mainstream. Le plus grand danger de ce phénomène de normalisation réside dans la reproduction purement formelle, sans aucune espèce de retenue technique ni intellectuelle. La copie n’est pas un problème en soi : à un niveau empirique, toute architecture puise ses racines dans la reproduction, dans l’adoption et dans l’adaptation de ce qui a précédé. De tels processus ouvrent un large spectre de possibilités. Certaines réalisations extrêmes sont triviales, voire moralement discutables, car elles visent à compenser par le gain économique tout ce qui leur manque en termes de valeur culturelle. À l’autre bout, il y a ces exemples, rares et d’autant plus précieux, de copies anonymes où correspondent spontanément forme et propos, en échappant à leur modèle plus prestigieux. La qualité insaisissable d’une architecture « évidente » résulte parfois d’une ambition artistique renversée par les exigences de modération. ¹ Robert Venturi, Complexity and Contradiction in Architecture, 1966, p. 104. ² Peter Zumthor, « Paysages achevés », in Penser l’architecture, Birkhäuser, 2006, p. 17.

188

BEARTH & DEPLAZES

Créer en architecture, c’est comme jouer aux échecs, on croit jouer contre un adversaire, en fait on joue contre soi-même. Il faut se dépasser – plus on est fort, mieux c’est. Andrea Deplazes

189

BEARTH & DEPLAZES

Outre les salles de tribunal, cet édifice recèle

EN COLLABORATION AVEC DURISCH + NOLLI

d’autres merveilles : une gigantesque fresque murale

TRIBUNAL PÉNAL FÉDÉRAL

de Guiseppe Bolzani datant de 1952, que les archi-

BELLINZONE

tectes ont été obligés de conserver étant donné

2013

sa valeur historique. Cette fresque sert d’ornement

Derrière une façade néoclassique, d’un blanc profond

murs lambrissés, face à la place. Cet espace commun

et aux belles proportions, se dissimule un joyau

enrichit l’ensemble et crée un contrepoint à la blan-

architectural insoupçonné, invisible du grand public.

cheur présente par ailleurs. La bibliothèque,

L’édifice, anciennement une école de commerce,

construite autour d’un plafond cathédral au second

abrite le Tribunal pénal fédéral et se situe dans

étage, est également remarquable. Elle surplombe

le canton italophone du Tessin. Pour les architectes

la salle d’audience principale, telle une méta-

– Valentin Bearth, Andrea Deplazes et Daniel Ladner

phore de « l’ordre supérieur » que représente le savoir.

en collaboration avec Pia Durisch et Aldo Nolli –

Équipée de meubles sombres en chêne brun choco-

il était évident que, plutôt que de la démolir, il fallait

lat, elle est éclairée par le dessus grâce à un jeu

réhabiliter et prolonger la structure existante, qui

de lumière diffuse. Les salles d’audience lumineuses,

date de 1895. L’extension est parfaitement intégrée :

où sont situés les escaliers conduisant aux bureaux,

les architectes ont repris les dimensions du vieux

traversent l’édifice de part en part et baignent

bâtiment, prolongé la ligne de l’avant-toit, adopté des

elles aussi dans une lumière naturelle. Quand on

fenêtres verticales de même taille et proportion que

emprunte ces escaliers qui s’élèvent vers la lumière,

les originales et utilisé le même jeu de couleur

on a une vue sur l’ensemble de ce bâtiment à

pour le béton en blanc éclatant. Cela a été pensé avec

triple hauteur et le spectacle est assez saisissant.

un tel soin que le nouvel ajout est à peine perceptible.

De délicates touches bronze et or sur les fines balus-

au premier étage à la sombre cafétéria avec ses

Quand on s’approche du bâtiment par la vieille ville, les murs blancs illuminent les alentours et en entrant, passés les portes tournantes et le portique

trades ajoutent au raffinement et au prestige de l’édifice. La perfection de cet ouvrage en béton est stupé-

de sécurité, on ne s’attend pas à un tel spectacle

fiante, ses angles droits et tranchants ainsi que

spatial. On traverse différents espaces intermédiaires

ses encadrements de fenêtres échancrés donnent

qui conduisent à une salle du tribunal claire et

une idée du niveau de ce travail de précision. Ce bâti-

lumineuse, laquelle débouche, une fois franchie une

ment réussit à exprimer à la fois l’opulence et la

série de portes pliantes en accordéon, sur une salle

retenue ; c’est la preuve tangible qu’il est possible

encore plus haute et encore plus claire, illuminée

de revitaliser un vieil édifice de manière respectueuse

par une verrière très haute sous plafond. La sobriété

et innovante, en créant une nouvelle et magnifique

et la modestie de la partie basse sont compensées

œuvre architecturale, qui a su saisir le Zeitgeist du

par les magnifiques toits qui s’élèvent pour capter la

vingt-et-unième siècle.

lumière à travers les oculi placés à leur sommet. Des dalles de béton massives, prédécoupées en triangle, font écho à la forme triangulaire du plafond pyramidal. La texture vivante des volutes des murs n’est pas une simple fantaisie décorative, elle répond aux besoins de l’acoustique : dans une salle de tribunal, il est évidemment impératif de bien entendre. L’interaction de la lumière sur les murs avec les motifs texturés est somptueuse et séduisante. Il y a là un écho de la Rome antique : si l’on en croit les architectes, l’oculus du Panthéon et le dôme à caissons de l’église baroque Saint-Charles-desQuatre-Fontaines de Borromini ont, tous deux, inspiré la conception des salles du tribunal.

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PLAN DE SITUATION

1:3 000

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COUPE A COUPE B

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A B

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REZ-DE-CHAUSSÉE

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1ER ÉTAGE

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2 E ÉTAGE

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BEARTH & DEPLAZES

Entièrement enveloppée de minces bandes

CABANE DU MONT-ROSE

brillantes en aluminium argenté, la structure évoque

ZERMATT

un cristal de montagne, aussi pur et immaculé que

2005 –2009

les sommets enneigés environnants. La forme polygonale est en partie le résultat de l’optimisation

On trouve au sud-est de Zermatt l’un des paysages

de l’orientation et de l’angle d’inclinaison des pan-

les plus spectaculaires de Suisse. Parmi les grandes

neaux photovoltaïques – qui produisent l’électricité

classiques de la randonnée alpine figure l’approche

du bâtiment. Ce polygone ne crée pas seulement

du Gornergrat, une marche difficile de trois ou quatre

des espaces aux formes inhabituelles, il optimise

heures jusqu’au site de la cabane du Mont-Rose.

également la superficie de la façade.

Entre le Gornergrat et le Cervin s’étend le deuxième

La base du bâtiment est une plateforme en acier

plus grand système glaciaire alpin et ce paysage de

en forme d’étoile reposant sur des fondations

haute altitude est une sorte de Heilige Welt, un monde

sur pieux béton, elle soutient la structure légère et

sacré de roche, de glacier, de neige, de montagne,

préfabriquée en bois du dessus. On entre dans la

de ciel, où l’expérience de la nature est quelque chose

cabane par un niveau souterrain, qui monte via un

d’exaltant. S’aventurer à bâtir dans un paysage

escalier de bois à la salle commune située au niveau

aussi grandiose avait quelque chose de sacrilège ; la

du sol. Une longue bande de fenêtres encercle

réalisation d’une cabane de montagne impliquait

l’espace, et offre une vue panoramique extraordinaire

donc une grande responsabilité : construire avec un

sur les sommets alentours. Au-dessus, sur trois

maximum de tact et de sensibilité.

étages, les dortoirs de forme trapézoïdale – avec un

Pour fêter son 150 e anniversaire, l’EPFZ (École

total de 120 lits – s’organisent à partir du palier

Polytechnique fédérale de Zurich) et le CAS (Club alpin

central. À l’intérieur, l’habillage de bois couleur miel

suisse) ont réuni leurs forces sous la direction de

de la cabane crée une atmosphère chaude et intime

les architectes Andrea Deplazes et Daniel Ladner pour

et donne l’impression d’être à l’abri et protégé des

marquer le bicentenaire de l’université en rempla-

éléments rigoureux des hautes Alpes.

çant l’ancienne cabane du CAS par une construction

La combinaison intelligente du high-tech et du

nouvelle et moderne. Bien entendu, construire

low-tech a élevé la tradition des cabanes alpines

un bâtiment à presque 3 000 mètres d’altitude posait

à de nouveaux niveaux de durabilité et de design.

d’immenses défis logistiques et techniques, en

Bearth & Deplazes manifestent une sensibilité parti-

l’absence de route d’accès, d’électricité et d’eau. Le

culière à la nature tectonique du bâti et à son

matériel de construction a dû être entièrement ache-

aptitude à transformer un lieu isolé et escarpé comme

miné sur le site par hélicoptère, limitant donc le

celui-ci. Dans sa construction topographique,

poids de chaque élément à un maximum de 600 kilos.

l’équipe du projet a su tirer parti de la Kraft des Ortes

Le chantier ne pouvait se faire qu’en été, pendant

(la force de lieu), leur œuvre architecturale, specta-

les mois sans neige. Il a donc fallu établir un calendrier

culaire et cristalline, réfléchissant le spectacle

très strict. Une cabane située dans un endroit

de ce paysage abrupt.

aussi inaccessible doit être aussi autosuffisante que possible et pouvoir produire au maximum sa propre énergie. L’eau est donc recueillie dans une grotte, canalisée jusqu’à la cabane et, grâce au traitement des eaux usées, elle peut être réutilisée de nombreuses fois. Des capteurs solaires situés sous le bâtiment chauffent l’eau, tandis qu’un réseau photovoltaïque produit de l’électricité. Le projet a été conçu comme un laboratoire expérimental destiné à étudier comment un bâtiment d’altitude situé dans un endroit isolé et inaccessible des Alpes peut être autosuffisant et durable. Initialement, la cabane subvenait à 90 % de ses besoins énergétiques, mais la fréquentation dépassant largement les prévisions, il a fallu augmenter les capacités et prévoir des mesures d’urgence pour accueillir les nombreux montagnards.

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3 E ÉTAGE 1ER ÉTAGE

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COUPE

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REZ-DE-CHAUSSÉE

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:MLZD

Pour faire de la bonne architecture, un architecte doit faire preuve de passion, de curiosité et de persévérance. :mlzd

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Ce bâtiment se démarque de la conception

:MLZD EXTENSION DU MUSÉE D’HISTOIRE

traditionnelle d’un bâtiment à quatre murs verticaux

BERNE

surmontés d’un toit. Il se présente comme un cristal de béton avec une face arrière composée de cinq

2006 – 2009

plans triangulaires inclinés et une façade avant qui, L’extension du Musée d’Histoire de Berne réalisée

par contraste, est coupée verticalement, comme si

par :mlzd est un excellent exemple d’extension

l’on avait coupé en deux une pierre pour révéler

de bâtiment historique qui, sans être accessoire ni

la douceur de son noyau central vitré. Ce qui est fasci-

dominante, réussit à exister et à mettre en valeur

nant, c’est que, vue du nord, la tour semble s’éva-

l’édifice existant. L’extension se cache modestement

nouir : le verre hautement réfléchissant reflète le

derrière le musée d’origine, en position privilégiée

vieux Schloss (château) du musée si bien que la tour

à l’entrée du Pont de Kirchenfeld, qui relie l’Altstadt

même disparaît. La façade a été découpée de

de Berne à la place Helvetia en enjambant l’Aar.

manière à épouser directement la forme cristalline

Quand on approche du bâtiment, rien ne laisse

en béton. C’est cet effet miroir et cette absence

soupçonner la présence d’une œuvre architecturale

de cadre qui accentue l’effet de dématérialisation.

hautement contemporaine derrière l’historicisme du romantique dix-neuvième siècle. Le nouveau volume forme un contrepoint provo-

À l’instar du TEA, l’espace des arts de Ténériffe réalisé par Herzog & de Meuron, les surfaces en béton ont été gravées de points surdimensionnés,

cant au vieux bâtiment hétéroclite réalisé en 1894

disposés de manière aléatoire. Dans certains cas ces

par André Lambert. La conception du cabinet

empreintes de pixels sont superficielles, dans

d’architectes :mlzd basé à Biel/Bienne est intelli-

d’autres profondément imprimées et, ailleurs, elles

gente – une grande partie des espaces nouvellement

traversent complètement la coquille en béton de

acquis est en sous-sol, permettant ainsi de gagner

trente-cinq centimètres de large pour permettre à la

un important hall d’exposition de 1 000 m², sans

lumière naturelle de pénétrer dans les bureaux.

fenêtres et invisible de l’extérieur. Le hall – une grande

Le coffrage en panneaux de particules orientées (PPO)

boîte noire – est l’antithèse du volume saillant et

et le béton teinté en jaune donnent aux surfaces une

clair situé au-dessus. Au sein de cette cavité dépour-

texture et une patine toute en nuances. Le jaune/

vue de colonnes, les curateurs peuvent monter et

gris du béton est parfaitement assorti à la patine du

remonter les expositions à leur guise, comme lorsque

crépi du bâtiment historique de Lambert. Avec l’image

l’on efface les inscriptions sur un tableau noir et

réfléchie par la façade brillante, cette référence

qu’on les réécrit ensuite. Sous le hall, un espace de

crée une interaction et un dialogue fascinants entre

3 200 m² de stockage s’organise sur deux niveaux.

passé et modernité. L’extension de :mlzd communique

La seule façade visible est la « cinquième » façade :

une nouvelle énergie au périmètre du musée et crée

c’est le toit du hall, une terrasse surélevée. Bien

un emblème moderne, du vingt-et-unième siècle, pour

que vide de toute activité humaine, cette terrasse joue

la capitale suisse.

néanmoins un rôle important car elle permet à chaque partie, la nouvelle et l’ancienne, d’avoir son propre domaine et de trouver son harmonie spatiale. La partie sud du site est bordée par la « Tour du Titan ». :mlzd a réalisé une interprétation contemporaine d’un donjon, qui est le point d’exclamation architectural de ce projet. Les éminents ingénieurs bernois Tschopp ont joué un rôle déterminant en résolvant le défi posé par certains détails et par le schéma structurel de la tour cristalline à facettes. Curieusement, la tour ne fait pas partie du musée, mais accueille les bureaux, la bibliothèque et la salle de lecture des archives d’État.

La succession des trois différents espaces extérieurs – « jardin », « place » et « escalier» – permet à la nouvelle structure de se raccorder à l’ensemble préexistant et de se fondre dans son environnement urbain. :mlzd

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A

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PLAN D’ENTRÉE

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COUPE A COUPE B

1:700

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3 E ÉTAGE 2 E ÉTAGE 1ER ÉTAGE ÉTAGE D’EXPOSITION

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STUDIO VACCHINI

L’architecture en Suisse et dans le monde aujourd’hui est de plus en plus une question de forme. Ce que notre travail essaie de proposer à la place, c’est le développement de la technologie, non pas au service du style ou de la forme, mais plutôt à celui de la société humaine. Eloisa Vacchini

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STUDIO VACCHINI CENTRE SPORTIF MÜLIMATT WINDISCH 2010

Dans un pays où le sport est une affaire sérieuse et où les hivers sont longs et rudes, les équipements de sports en salle sont une chose essentielle pour pouvoir s’entraîner toute l’année. Le défi relevé par le Studio Vacchini de Locarno était de créer une salle de sport pour l’Université du Nord-Ouest suisse, qui soit sans murs porteurs intérieurs ni colonnes de soutien. Avec l’aide des ingénieurs Fürst Laffranchi, Studio Vacchini est parvenu à repousser les limites de la technologie avec ce gymnase de cinquante-cinq mètres de large libre de tout support. Situé entre l’Aar et la voie ferrée, le centre sportif se trouve à cinq minutes de marche à peine de la gare de Brugg. On est tout de suite frappé par les surfaces de béton ouvragées. Par l’intérieur aussi, et ces vastes salles de sport avec tribunes et espaces de service. La délicate structure en béton a été conçue avec la clarté et la précision d’une montre suisse. Comme un accordéon géant, les formes élancées du béton se déploient pour créer un rythme en zigzag dynamique, faisant alterner plis en dur et renfoncements vitrés. Ce qui est remarquable, ce n’est pas seulement la vigueur du motif, mais aussi l’absolue précision et délicatesse de l’ouvrage en béton. Habituellement, les salles de sport sont des espaces colorés, mais ici Studio Vacchini a étendu la palette discrète des gris de la façade extérieure à l’intérieur des gymnases, créant une atmosphère calme et détendue. Ce sont les sportifs et les sportives qui donnent couleur et mouvement à ces espaces lumineux. Du fait de la légère inclinaison du terrain, une partie du niveau inférieur se trouve sous terre. Les zones de service, tels que les vestiaires et les douches, sont habilement dissimulées. Les escaliers qui conduisent au niveau inférieur, au centre des quatre-vingts mètres de la structure, divisent la salle en deux généreux espaces, chacun comprenant trois terrains de basket-ball. Cette structure autoportante, sans aucun mur porteur intérieur, est une prouesse de l’ingénierie moderne. De toute évidence, Studio Vacchini a su combiner rigueur intellectuelle et savoir-faire technique. Les architectes n’ont pas seulement atteint leur ambitieux objectif, ils ont aussi réussi à créer un chef-d’œuvre d’architecture qui, à la manière d’une sculpture en origami, allie force et délicatesse.

La technique et la technologie permettent à l’Homme d’atteindre des limites supérieures, de rendre la construction des espaces plus précise et plus intéressante. Studio Vacchini

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PLAN DE SITUATION

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COUPE A COUPE B

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EM2N

Nous abordons l’état permanent de crise dans lequel se trouve notre environnement construit, sans ironie ni drame, mais simplement en jetant un regard froid sur ce qui est. EM2N

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L’entrée et la sortie au niveau des petites façades

EM2N CENTRE D’ENTRETIEN DES CFF

sont entièrement vitrées du sol au plafond et sont

ZURICH

disposées en retrait, créant ainsi une impression de

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continuité, comme si ce n’était là qu’une partie d’un bâtiment pouvant être prolongé indéfiniment. Malgré

Le vaste réseau ferré suisse est bien connu pour son

un budget serré, EM2N a su concevoir un bâtiment

efficacité et sa ponctualité. Du fait de la compacité du

remarquable qui embellit cette zone en bordure des

pays, il est tout à fait faisable de vivre dans une ville

voies ferrées. Ce lieu aurait pu être une friche indus-

et de faire la navette dans une autre. Il n’est pas

trielle, il a été transformé en un lieu d’une grande

rare de renoncer à posséder une voiture car, avec un

expressivité artistique.

système de transport public aussi perfectionné et étendu, même les vallées et les villages de montagne les plus reculés peuvent être reliés par train, bus ou téléphérique. La fiabilité du réseau ferré a entraîné une augmentation croissante du nombre de passagers, et la nécessité de faire circuler des trains plus longs pour faire face à cette affluence. Le nouveau centre d’entretien de Zurich, long de quatre cents mètres, répond aux besoins de ces trains particulièrement longs. Le site étant prédéterminé et la structure prédéfinie par les ingénieurs, la marge de manœuvre des architectes s’en est trouvée limitée. Leur unique mission était de créer une enveloppe pour la façade sud. Avec des éléments modulaires de cinq mètres de long s’élargissant et se rétrécissant dans un entrelacement d’ondulations, les architectes ont réalisé une façade en trois dimensions. L’ensemble évoque une grande structure gonflable, mais le mur rideau de la façade est en béton renforcé à la fibre de verre. La suppression de certains éléments de l’habillage en béton a créé de longues fentes horizontales qui laissent passer la lumière et permettent d’apercevoir l’intérieur des ateliers. La courbure des modules en béton s’atténue en bas des façades pour permettre le passage des véhicules de pompiers. Ces ondulations lentes sont parfaitement adaptées à un bâtiment de services ferroviaires, elles reflètent la dynamique linéaire des trains roulant à vitesse élevée. À titre préventif, les surfaces ont été traitées avec une membrane hydrophobe pour les protéger des graffitis.

Par sa position centrale, proche du nouveau quartier en plein développement de Zurich-Ouest, et du fait même de sa taille, le nouveau bâtiment est d’une grande importance à l’échelle urbaine. Il souligne la transition entre la ville et l’espace des voies, et signalent aux visiteurs entrant dans la ville par le train leur arrivée dans le centre de Zurich. EM2N

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ÉLÉVATION SUD COUPE A

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LES CONDITIONS DE LA PRATIQUE Jean-Paul Jaccaud

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Les vents dominants de la pratique contemporaine mondiale placent les architectes dans une position de plus en plus marginale qui limite leur participation à un semblant de vernis dans le processus de construction, qu’ils ne contrôlent plus, voire ne comprennent plus vraiment. Si ces vents soufflent bien sur les paysages alpins suisses, ils n’ont pas encore eu les mêmes effets dévastateurs que dans d’autres pays, où la voix de l’architecte est devenue difficile à entendre au milieu du brouhaha des clients indifférents, des grandes équipes de conception, des solutions industrielles standardisées et des contraintes économiques. Les architectes suisses, au regard des grandes tendances générales de la profession, jouissent de conditions de travail qu’on peut situer quelque part entre un rêve devenu réalité et un fragile anachronisme. On aurait tort d’idéaliser la production architecturale suisse ; un nombre incalculable de bâtiments horribles est construit chaque année dans le pays. Cependant, d’une certaine façon, un haut niveau de contrôle continue de s’exercer sur le processus de conception et de construction, qui rend possible la production d’une architecture cohérente de l’échelle urbaine jusqu’au moindre détail. Comment en sommes-nous arrivés là exactement ? C’est une question complexe à laquelle il n’est pas aisé de répondre. Je crois cependant que certains aspects clés ont joué un rôle important dans l’établissement de la forte culture architecturale dont jouit le pays et je voudrais essayer de comprendre et d’analyser de manière informelle certains de ces aspects. Les responsabilités des architectes suisses couvrent de nombreux aspects du processus de construction qui, dans d’autres pays, seraient laissés à d’autres professions. Les architectes suisses ne sont pas seulement responsables de la conception de leurs projets, ils doivent également garantir le coût estimatif annoncé, le contrôler, assurer la coordination de l’équipe de conception et la direction du chantier. Si cet éventail de compétences et de savoir-faire garantit un niveau incomparable de contrôle, les spécificités les plus importantes résident, selon moi, dans le contrôle des étapes du chantier et des coûts. Bien que les maîtres d’œuvre soient nombreux en Suisse, il y a encore une très forte présence de métiers spécialisés dont le savoir-faire est garanti par un système d’apprentissage bien établi. La plupart des projets sont encore attribués à différentes entreprises spécialisées, dont le travail est coordonné sur place par l’architecte. Ce rôle, qui est celui du maître d’œuvre dans d’autres pays, permet aux architectes de garder un contrôle extrêmement rigoureux sur tous les aspects du processus de construction et assure une faible déperdition entre les plans et leur mise en œuvre. Le contrôle des coûts, de l’estimation initiale jusqu’aux quantités détaillées et aux prix unitaires sur place, permet, parallèlement à la direction du chantier, de comprendre clairement ce qui est acheté, où est dépensé l’argent, et ce qui doit être supprimé si des économies sont nécessaires. Plusieurs facteurs ont contribué à cette situation privilégiée : principalement un réseau d’associations historiquement bien ancré, qui défend les intérêts de la profession, et un système éducatif qui favorise la connaissance approfondie du processus de construction. Les associations professionnelles ont joué un rôle historique considérable dans la culture architecturale suisse. Les deux principaux organismes – la Société suisse des Ingénieurs et des Architectes (SIA) et la Fédération des Architectes Suisses (BSA-FAS) – ont été fondés respectivement en 1837 et 1908 et ont toujours défendu différents aspects de la profession. Si la SIA englobe un champ professionnel plus large comprenant l’architecture et l’ingénierie, la BSA-FAS défend uniquement les intérêts des architectes, mais les deux organismes coordonnent fréquemment leur action. Le travail des associations professionnelles est essentiel pour garantir une définition et une compréhension claires du rôle de l’architecte, ainsi que les conditions contractuelles et financières qui permettent l’exécution d’un travail de grande qualité. Bien que cela puisse paraître évident, c’est loin d’être le cas dans la plupart des pays et rarement le rôle, le périmètre de travail et la structure tarifaire ne sont aussi clairement définis. Le cadre fourni permet aux architectes suisses de faire preuve d’une grande clarté quand ils discutent une commande avec leurs clients et leurs attentes peuvent donc être clairement entendues.

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Les concours d’architecture jouent un rôle majeur dans la culture architecturale suisse et les associations professionnelles les ont toujours soutenus dès le départ pour l’organisation, la supervision, et pour maintenir des jurys professionnels indépendants. Les années 1980–1990 ont vu de profonds changements dans les aspects économiques, culturels et techniques de la profession, et leurs effets sur l’urbanisme et l’architecture ont fait l’objet de vifs débats. Cela a conduit à l’instauration, en 1996, des lois inter-cantonales pour la soumission des projets publics qui garantissent que tous les marchés publics fassent l’objet d’appels d’offres systématiquement basés sur des projets anonymes, avec des jurys professionnels indépendants. Cela ne crée pas seulement les bases d’une solide culture architecturale, mais assure aussi que les agences les moins établies décrochent des commandes sur la seule base de la qualité de leur travail. La fluidité de ce système maintient en éveil tout le monde dans la profession et garantit l’absence de copinage et de commissions occultes dans le paysage des marchés publics. Les jeunes agences profitent énormément de ce système pourvoyeur de propositions toujours renouvelées qui assure le débat, la discussion et le questionnement permanent des idées établies. Il est intéressant de constater que la plupart des agences de premier plan travaillant en Suisse aujourd’hui se sont établies grâce à ce système de concours et que leur travail continue à évoluer du fait de la pression constante de cet environnement hautement concurrentiel. Les jeunes agences qui ont profité de ce système de concours ont été formées pour la plupart en Suisse et il existe une continuité singulière entre les institutions de formation et la profession. Adolf Loos, dans une phrase restée célèbre, décrivait l’architecte comme un maçon qui a fait du latin, et les écoles suisses continuent à privilégier la « maçonnerie » comme élément fondamental du cursus. La culture anglo- saxonne, entre autres, met considérablement l’accent sur le « latin » durant les années de formation, dans l’idée que plus tard, après le diplôme, il sera toujours temps d’apprendre la « maçonnerie ». Les jeunes architectes effectuent, dans ce cas, une sorte de maîtrise informelle dans les agences où ils choisissent de travailler et le système éducatif a délégué l’apprentissage des rudiments au monde professionnel. La formation architecturale en Suisse repose sur trois piliers : les deux Écoles polytechniques fédérales, à Zurich et à Lausanne, les Hautes Écoles spécialisées de Suisse occidentale (HES-SO) et l’apprentissage. Si les deux premières concernent surtout les futurs architectes, le dernier forme à la fois les architectes et les entrepreneurs spécialisés, appelés à jouer un rôle essentiel dans le processus de construction. Dans tous les cas, les étudiants sont confrontés aux aspects pluridisciplinaires de l’architecture et mis en contact étroit avec les ingénieurs et avec les méthodes de construction, pour s’assurer que leurs compétences leur permettront bien d’inscrire leur futur travail dans un système clairement défini. Cette approche a conduit à une grammaire spécifique de la culture architecturale avec la construction comme base et socle commun. La pratique et la formation s’entrecroisent dans de nombreux cas et se nourrissent l’une l’autre ; ainsi les travaux présentés en fin d’année par les étudiants sont une synthèse des positions du moment dans le débat professionnel et leurs recherches influencent souvent les participants aux concours. Sauf pendant une courte période de désarroi après Mai 68, notamment dans la partie francophone du pays, où les sciences sociales prirent une place prépondérante, la formation architecturale en Suisse a toujours été fondée sur la notion, propre aux Beaux-Arts, de « l’atelier », où les projets sont produits dans des conditions proches de celles du monde professionnel. Cela permet de comprendre les méthodes de la pratique professionnelle et en général évite les bases théoriques abstraites. Une partie du cursus de la formation en architecture inclut également une année de stage au sein d’un cabinet d’architectes. Les étudiants qui ont travaillé dans une agence y retournent souvent après leurs diplômes comme architectes à part entière, et les projets présentés pour le diplôme de fin d’études indiquent inévitablement où les étudiants ont effectué leur année de stage par les influences que révèle leur travail.

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La force des associations professionnelles, le haut niveau de contrôle exercé sur la conception de projet et sur la construction, le socle commun de la construction comme base de l’expression architecturale, le système de concours et un solide accompagnement pédagogique, tous ces facteurs réunis donnent à la pratique architecturale une base solide sur laquelle elle a pu se développer. La Suisse est certes un petit pays, cependant, il est extrêmement divers sur le plan culturel, linguistique et topographique. Les bases sur lesquelles repose la pratique architecturale permettent à des formes d’expression très variées d’émerger avec assurance, et on serait bien en peine de trouver une constante dans la culture architecturale contemporaine suisse. Les conditions de pratique sont libératrices pour la profession qui, sans avoir à se conformer à un dogme, peut affirmer des identités variées. On a maintes fois tenté de cataloguer l’architecture suisse en la présentant comme un ensemble cohérent, la « boîte suisse » de la fin des années 1990 étant la plus médiatisée. Je ne trouve pas, pour ma part, cette approche intéressante ni utile pour comprendre la culture architecturale actuelle. D’après moi, ce sont davantage les conditions de la pratique qui donnent à l’architecture suisse sa spécificité et les différentes propositions formelles qui peuvent émerger d’elles ne sont qu’une manifestation des saines fondations sur lesquelles reposent ces complexes et mouvantes constructions.

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BIOGRAPHIES Anna Roos Anna Roos a étudié l’architecture à l’Université de Cape Town et obtenu un diplôme de troisième cycle à la Bartlett School of Architecture de l’University College London (UCL) de Londres, sous la direction de Niall McLaughlin. Elle s’installe à Berne en Suisse en 2000 où elle travaille comme architecte et conçoit des projets en Afrique du Sud, en Australie et en Écosse. Elle travaille également en freelance comme journaliste spécialisée en architecture depuis 2007 et écrit pour c3, A10, Ensuite Kultur Magazin, Monocle Magazine, et Swisspearl Architecture Magazine. De plus, elle est responsable d’édition pour de nombreuses maisons d’édition en Allemagne et en Suisse, comme Lars Müller Publishers, Birkhäuser Verlag, DOM, Gestalten, DETAIL Green, et Prestel Publishers. Anna Roos cherche à transmettre sa passion pour l’architecture à travers ses écrits sur cette discipline. R. James Breiding R. James Breiding est l’auteur de Swiss Made – tout ce que révèle le succès du modèle suisse. Disponible en sept langues, cet ouvrage est devenu une référence incontournable sur la « suissitude ». Ses écrits sur les questions suisses paraissent dans The Economist, Financial Times, Foreign Affairs, dans le New York Times, et le Wall Street Journal. Il a été élu fellow au Center for International Development de Harvard, il est le fondateur et le propriétaire de Naissance Capital, une société de placement basée à Zurich. Jean-Paul Jaccaud Jean-Paul Jaccaud est né à Hong Kong en 1971. Il a fait des études d’architecture à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), où il a obtenu son diplôme en 1995. Jean-Paul Jaccaud a travaillé avec Bernard Huet, David Chipperfield et Herzog & de Meuron avant d’ouvrir sa propre agence, Jean-Paul Jaccaud Architectes à Genève en 2004. En 2011, il fonde Jaccaud Zein Architects à Londres, en partenariat avec Tanya Zein. En 2014, Lionel Spicher devient son associé à Genève, l’agence de Genève est rebaptisée Jaccaud Spicher Architectes Associés. Jean-Paul Jaccaud est professeur invité à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et à l’Université Catholique de Louvain (UCL) en Belgique ; il est critique invité dans de nombreuses écoles d’architecture en Europe, aux États-Unis et au Moyen Orient. Irina Davidovici Architecte et universitaire, Irina Davidovici est l’auteur de Forms of Practice. German-Swiss Architecture 1980 –2000 (gta Verlag, 2012). Née à Bucarest, vivant à Zurich et à Londres, elle tire parti dans ses écrits de ses expériences professionnelles et culturelles plurielles, établissant des connexions entre la pratique, l’enseignement et l’interprétation critique de l’architecture. Elle est actuellement engagée dans un travail de recherches de 3 e cycle et un projet d’habilitation à la chaire gta d’Histoire de l’urbanisme de l’EPF de Zurich, où elle étudie l’autonomie et l’intégration des zones d’habitation à forte densité dans les villes européennes. Niall McLaughlin Niall McLaughlin est né à Genève en 1962. Il a fait ses études à Dublin et a obtenu son diplôme d’architecture de l’University College Dublin en 1984. Il a travaillé pour Scott Tallon Walker à Dublin et à Londres entre 1984 et 1989. Il ouvre son propre bureau d’études à Londres en 1990. Niall McLaughlin Architects réalise des bâtiments modernes de grande qualité en accordant une attention toute particulière aux matériaux et aux finitions. Niall McLaughlin remporte le prix du Jeune Architecte britannique de l’Année en 1998, il fait partie des BBC Rising Stars en 2001 et son travail représente la Grande Bretagne à l’occasion d’une exposition aux États-Unis, Gritty Brits (« rugueux Britanniques »), au Carnegie Mellon Museum. Ses projets ont remporté de nombreux prix en Grande-Bretagne, en Irlande et aux États-Unis, dont le RIAI Best Building in the Landscape et le RIBA Stephen Lawrence for the Best Building under £ 1 million ; il a été sélectionné pour le RIBA Stirling en 2013 et en 2015. Niall McLaughlin a été professeur invité d’architecture à l’University College London ainsi qu’à l’University of California de Los Angeles depuis 2012–2013 et il a été nommé Professeur Invité d’Architecture Lord Norman Foster à Yale pour 2014–2015. Il a été président du RIBA de 2007 à 2009. Il vit à Londres avec sa femme Mary, son fils Diarmaid et sa fille Iseult.

Bearth & Deplazes Valentin Bearth (né en 1957) a fait ses études à l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), où il a obtenu son diplôme en 1983 sous la direction de Dolf Schnebli. Entre 1984 et 1988, il a travaillé à l’Atelier Peter Zumthor. En 1988, Valentin Bearth ouvre un bureau d’études avec Andrea Deplazes. Depuis 2000, il est professeur de design à l’Accademia di Architettura à l’Università della Svizzera Italiana à Mendrisio ; entre 2007 et 2011, Valentin Bearth a été le directeur de l’école. Andrea Deplazes (né en 1960) a fait ses études à l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), où il a obtenu son diplôme en 1988 sous la direction de Fabio Reinhardt. En 1988, Andrea Deplazes ouvre un bureau d’études avec Valentin Bearth. Depuis 1997, il est professeur d’architecture et de construction au Département d’Architecture de l’EPF de Zurich ; entre 2005 et 2007, il dirige le Département d’Architecture de l’EPFZ. Daniel Ladner (né en 1959) a fait un apprentissage de maçon et suivi une formation de dessinateur spécialisé en génie civil. En 1988, il est diplômé du Technicum du soir HTW de Coire. Entre 1989 et 1994, Daniel Ladner a travaillé comme employé chez Bearth & Deplazes, puis de 1995 à 2000 comme partenaire. Depuis 2001, il est l’associé de Bearth & Deplazes. Durant les deux dernières décennies, le bureau d’études a reçu de nombreux prix, notamment en 1999 le 6 e Prix Mies van der Rohe, un prix international pour l’architecture européenne ; en 2008, le prix Balthasar Neumann et le prix bronze aux Holcim Awards Europe pour la cabane du Mont-Rose ; en 2010 le Prix Solaire Suisse pour leur chai Gantenbein. Buchner Bründler Buchner Bründler a été fondé par Daniel Buchner et Andreas Bründler à Bâle en 1997. L’entreprise est composée d’une équipe d’environ trente architectes, regroupant des architectes d’intérieur et des designers. Ses activités comprennent, en Suisse et à l’étranger, des travaux d’urbanisme et d’aménagement, la réalisation de bâtiments publics, d’immeubles d’habitation ou de bureaux, ainsi que le design d’intérieur. L’environnement et l’espace jouent un rôle central dans leur travail, qui se caractérise par une recherche et une expérimentation continues sur la forme, la lumière, la matière et la couleur. La conception de projets prend en compte la spécificité du lieu et de ses exigences conceptuelles. La réalisation intervient après d’intenses discussions avec les clients et les futurs utilisateurs. L’entreprise est également réputée pour ses ambitieux projets d’aménagement urbain. Les commandes en dehors de la Suisse sont une source croissante de travail pour Buchner Bründler. La rénovation des 200 pièces de l’AG du siège de l’ONU à New York a été achevée en 2003, et par la suite offerte à l’ONU par la Suisse. Après la réalisation réussie d’un pavillon pour le Jinhua Architecture Park en Chine, a suivi celle du pavillon de la Confédération helvétique pour l’Exposition universelle de Shanghai en 2010. Les projets conçus et réalisés par Buchner Bründler sont récompensés par de nombreux prix et font l’objet de publication dans des revues d’architecture nationales et internationales. En 2003, l’entreprise a reçu un des prix culturels les plus importants en Suisse, les Prix suisses d’art en Architecture et, en 2013, le Prix d’architecture béton 13 pour leur Casa d’Estate à Linescio et leur immeuble d’habitation au Bläsiring. Les architectes se consacrent par ailleurs à l’enseignement et à la recherche, ils donnent régulièrement des conférences en Suisse et à l’étranger. Ils ont enseigné à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) de 2007 à 2009 et donnent des cours à l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) depuis 2010. Gion A. Caminada Gion A. Caminada travaille comme architecte à Vrin, dans le canton des Grisons. Après un apprentissage de menuisier de chantier, il a suivi les cours de l’École d’arts appliqués de Zurich. Il obtient un diplôme de 3 e cycle en architecture à l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), où il est professeur d’architecture depuis 2008. Jürg Conzett Citoyen de Schiers (canton des Grisons), Jürg Conzett (né en 1956) a fait des études de génie civil à l’École polytechnique fédérale (EPF) de Lausanne et de Zurich et obtenu son diplôme en 1980. De 1981 à 1988, il est employé chez l’architecte Peter Zumthor à Haldenstein. Après cette expérience architecturale, il décide de travailler comme consultant indépendant en génie civil. Il dirige aujourd’hui un bureau d’ingénieurs d’environ 25 personnes avec comme associés Gianfranco Bronzini et Patrick Gartmann à Coire. Leur principale activité est la conception de structures de bâtiments en partenariat avec des architectes, ainsi que le travail sur des projets de ponts, construction et réfection. Jürg Conzett a enseigné le génie civil à l’Université technique et économique de Coire pendant près de 20 ans. En 2011, il a assuré une mission d’enseignement de trois mois à la Graduate School of Design d’Harvard.

Diener & Diener Le cabinet d’architecture Marcus Diener Architekt, fondé en 1942, est devenu en 1980 Diener & Diener. Aujourd’hui, Diener & Diener possède deux agences : l’une à Bâle et l’autre à Berlin. Avec sa filiale de Berlin, l’agence de Bâle est dirigée depuis 2011 par Roger Diener, avec Terese Erngaard, Andreas Rüedi et Michael Roth. Entreprise initialement centrée sur des projets résidentiels, aujourd’hui, Diener & Diener produit aussi régulièrement des projets d’aménagement urbain, ainsi que des projets de rénovation et d’extension de bâtiments historiques. Son travail est basé sur une perception de la ville européenne dans toute sa diversité et sa continuité. Au cours des quinze dernières années, Diener & Diener a élaboré de nombreux projets fondés sur une étroite coopération avec des artistes – par exemple le siège de Novartis à Bâle, avec Helmut Federle. On compte parmi les projets récents de Diener & Diener la reconstruction de l’aile est du Musée d’histoire naturelle de l’Université Humboldt de Berlin et le Mémorial de la Shoah à Drancy, près de Paris. En 1976, l’architecte bâlois Roger Diener (né en 1950) est diplômé de l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ). Il intègre l’agence Marcus Diener Architekt, fondée par son père à Bâle en 1942, avant de devenir son associé en 1980. De 1987 à 1989, Roger Diener est professeur à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Il enseigne à l’EPFZ (antenne de Bâle) depuis 1999. L’Académie d’Architecture de Paris a récompensé son travail avec la Grande Médaille d’Or en 2002. Il a reçu le Prix Meret Oppenheim en 2009 et, en 2011, la médaille d’or Heinrich Tessenow. EM2N Mathias Müller (né en 1966) et Daniel Niggli (né en 1970) ont fait ensemble leurs études d’architecture à l’EPF de Zurich. Leur agence, EM2N, établie à Zurich en 1997, compte 75 collaborateurs à Zurich et Berlin travaillant sur des projets de construction et de concours en Suisse et à l’étranger. Outre une série de récompenses (comme l’Umsicht-Regards-Sguardi), ils ont remporté les Prix suisses d’art en Architecture en 2004. Ils ont été professeurs invités à l’EPFL et à l’EPFZ, ainsi que membres des comités d’urbanisme à Berlin et à Zurich. Andreas Fuhrimann Gabrielle Hächler Gabrielle Hächler (née en 1958) a étudié l’histoire de l’art à l’université de Zurich et l’architecture à l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), elle a obtenu son diplôme en 1988. Gabrielle Hächler a travaillé pendant quatre ans comme chargée de cours au département Construction de l’EPF de Zurich. Elle ouvre sa propre agence d’architecture en 1988 et, depuis 1995 travaille en partenariat avec Andreas Fuhrimann. Entre 2009 et 2011, elle a été professeure invitée à l’EPF de Zurich et, de 2012 à 2014, professeure à l’Université des arts (UdK) de Berlin. Andreas Fuhrimann (né en 1956) a étudié la physique et l’architecture à l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) et obtenu son diplôme d’architecture en 1985. Après une année au bureau d’architecture Marbach + Rüegg, Andreas Fuhrimann a collaboré avec Christian Karrer à partir de 1987. En 1988, il est chargé de cours en architecture d’intérieur à la School of Design and Crafts. Il ouvre une agence avec Gabrielle Hächler en 1995. Entre 2009 et 2011, Andreas Fuhrimann est professeur invité à l’EPF de Zurich et, de 2012 à 2014, professeur à l’Université des Arts (UdK) de Berlin. Carlo Fumarola (né en 1978) a étudié l’architecture à l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) et obtenu son diplôme d’architecture en 2005. Depuis 2005, Carlo Fumarola travaille chez Andreas Fuhrimann Gabrielle Hächler. Entre 2009 et 2011, il est chargé de cours à l’EPF et, depuis 2012, il est associé de Andreas Fuhrimann Gabrielle Hächler. Gilbert Isermann (né en 1978) a étudié l’architecture à l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) et obtenu son diplôme d’architecture en 2004. De 2004 à 2007, Gilbert Isermann a travaillé chez Gigon Guyer Architekten et depuis 2007 il travaille chez Andreas Fuhrimann Gabrielle Hächler. Depuis 2012, Gilbert Isermann est associé de Andreas Fuhrimann Gabrielle Hächler.

Herzog & de Meuron Herzog & de Meuron est un partenariat entre cinq associés principaux : Jacques Herzog, Pierre de Meuron, Christine Binswanger, Ascan Mergenthaler et Stefan Marbach. Jacques Herzog et Pierre de Meuron ont établi leur bureau d’études à Bâle en 1978. Le partenariat a pris de l’ampleur au fil des années – Christine Binswanger a rejoint l’agence comme associée en 1994, suivie par Robert Hösl et Ascan Mergenthaler en 2004, Stefan Marbach en 2006, Esther Zumsteg en 2009, Andreas Fries en 2011, Vladimir Pajkic en 2012, Jason Frantzen et Wim Walschap en 2014. Une équipe formée de 41 associés et d’environ 380 collaborateurs travaille sur des projets à travers l’Europe, les Amériques et l’Asie. Le siège de l’entreprise est basé à Bâle avec des antennes à Hambourg, Londres, Madrid, New York et Hong Kong. Herzog & de Meuron a réalisé toutes sortes de projets, allant de celui de petite taille comme la maison privée à celui de grande envergure comme l’aménagement urbain. Si beaucoup de ses projets sont des installations publiques très reconnues, comme les stades et les musées, Herzog & de Meuron a aussi réalisé de nombreux projets privés comprenant des immeubles de logement, des bureaux et des usines. L’agence a reçu de nombreuses récompenses, comme le prix Pritzker en Architecture (États-Unis) en 2001, la Médaille d’or royale du RIBA (Royaume-Uni) et le Praemium Imperiale (Japon), tous deux en 2007. En 2014, Herzog & de Meuron a reçu le Mies Crown Hall Americas Prize (MCHAP). Miller & Maranta Quintus Miller (né en 1961) a étudié l’architecture à l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) et obtenu son diplôme d’architecture en 1987. De 1990 à 1994, Quintus Miller a été chargé de cours assistant en design à l’EPF de Lausanne et de Zurich. En 1994, il ouvre sa propre agence à Bâle, Miller & Maranta, avec Paola Maranta. De 2000 à 2001, il est professeur invité à l’EPF de Lausanne et, de 2007 à 2008, à l’Accademia di Architettura de l’Università della Svizzera Italiana de Mendrisio. De 2008 à 2010, il est professeur invité à l’EPF de Zurich. Depuis 2009, Quintus Miller est titulaire de la chaire d’architecture à l’Accademia di Architettura de l’Università della Svizzera Italiana de Mendrisio. De 2004 à 2008, il a été membre de la commission d’aménagement urbain et d’architecture de Lucerne, ainsi que de la commission d’arts visuels à Riehen. Depuis 2005, Quintus Miller joue un rôle actif dans la commission de conservation du patrimoine des villes à Zurich et à Bâle. Paola Maranta (née en 1959) a étudié l’architecture à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et à l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) et obtenu son diplôme en 1986. En 1990, Paola Maranta a obtenu un master d’administration des affaires à l’IMD de Lausanne. De 1991 à 1994, elle est consultante en gestion à Zurich et de 2000 à 2001 professeure invitée à l’EPF de Lausanne. En 1994, elle ouvre Miller & Maranta avec Quintus Miller à Bâle. De 2007 à 2008, elle est professeure invitée à l’Accademia di Architettura de l’Università della Svizzera Italiana de Mendrisio, et de 2008 à 2010 elle est professeure invitée à l’EPF de Zurich. De 2001 à 2005, P. Maranta est membre de la commission d’aménagement urbain et d’architecture de Bâle et depuis 2003 elle est membre de la commission de la ville de Riehen près de Bâle. Jean-Luc von Aarburg (né en 1975) a étudié l’architecture à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), à l’Université de technologie de Delft (TU Delft) ainsi qu’à l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ). Depuis l’obtention de son diplôme en 2001, il collabore avec Miller & Maranta. En 2013, il devient associé de Miller & Maranta. Jean-Luc von Aarburg a été professeur invité à l’EPF de Zurich en 2010. :mlzd Associés : Claude Marbach, Pat Tanner, Daniele Di Giacinto, David Locher, Andreas Frank. :mlzd a été créé à Biel/Bienne en 1997. Il s’agit d’une équipe polyvalente d’architectes, qui, à ce jour, a remporté plus de 30 premiers prix dans des concours internationaux et a réalisé plus de 40 projets de bâtiments sous son nom. Ses activités recouvrent un large spectre. Ses plus importantes réalisations comprennent la rénovation des antichambres présidentielles de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York (2004), ainsi que l’extension du Musée d’histoire de Berne (2009) et le Musée municipal de Rapperswil (2011). :mlzd emploie actuellement 30 personnes, dont la dynamique donne naissance à des projets d’une grande variété. Une des caractéristiques communes à tous ces projets, c’est qu’ils témoignent d’une attitude confiante et très respectueuse du cadre architectural et de leur amour du détail.

Nickisch Walder Selina Walder a obtenu son diplôme à l’Accademia di Architettura de Mendrisio avec Valerio Olgiati en 2004. De 2004 à 2006, elle enseigne en qualité d’assistante à la chaire de design architectural dirigée par Valerio Olgiati. Depuis 2004, elle travaille comme architecte indépendante dans sa propre agence créée à Flims – et depuis 2005 avec Georg Nickisch. En 2009/2010, Selina Walder est la commissaire de l’exposition « DADO – Built and Inhabited by Rudolf Olgiati and Valerio Olgiati ». Georg Nickisch a fait ses études au Prince of Wales Institute of Architecture (Royaume-Uni), à l’Université de Bath (Royaume-Uni) et est diplômé en architecture de l’Accademia di Architettura de Mendrisio avec Peter Zumthor en 2005. Entre 2007 et 2013, il enseigne en qualité d’assistant à la chaire de Jonathan Sergison (Sergison Bates Architects). En 2008, Selina Walder et Georg Nickisch ont remporté le concours lancé pour le nouvel auditorium Weber du Plantahof Landquart en collaboration avec Valerio Olgiati. En 2010, ils remportent le premier prix d’un concours pour un immeuble de logement et la rénovation d’une ferme classée monument historique à Davos. La même année, ils remportent l’appel d’offres pour une villa située dans le canton de Thurgovie. En 2011, Selina Walder et Georg Nickisch ont obtenu le second prix d’un concours public pour la chancellerie de l’ambassade suisse à Nairobi. Valerio Olgiati Valerio Olgiati (né en 1958) a fait ses études d’architecture à l’EPF de Zurich. Ayant d’abord vécu et travaillé à Zurich puis à Los Angeles quelques années, il ouvre sa propre agence à Zurich en 1996, puis en 2008, avec sa femme Tamara, à Flims. Dès 1999, Valerio Olgiati obtient un succès international avec son projet de musée, la Maison Jaune de Flims en Suisse. Il crée, à l’occasion d’un concours remporté en 2008, un emblème avec le Musée d’art contemporain de Perm, en Russie. Les bâtiments les plus importants d’Olgiati comprennent l’école de Paspels, le musée de La Maison Jaune à Flims, l’Atelier Bardill, une maison conçue pour un musicien, à Scharans, le complexe résidentiel Schleife à Zoug et la Villa Além à Alentejo. Ses principaux projets d’aménagement sont l’établissement viticole de Carnasciale en Italie, le gratteciel San Felipe à Lima, un presbytère en Bavière et le siège social de Bâloise Assurances à Bâle. On compte de nombreuses monographies sur son œuvre. Une grande exposition personnelle lui a été consacrée en 2012 au MoMa de Tokyo. Parmi ses activités universitaires, il dirige la chaire Kenzo Tange de la Harvard University en 2009. Depuis 2002, Valerio Olgiati est professeur titulaire à l’Accademia di architettura Mendrisio à l’Università della Svizzera italiana. Savioz Fabrizzi Savioz Fabrizzi est une association fondée en 2004 regroupant les architectes Laurent Savioz (né en 1976) et Claude Fabrizzi (né en 1975) pour répondre le mieux possible aux besoins des clients. L’agence offre tous les services architecturaux depuis la conception jusqu’à la réalisation. Leur méthode repose sur l’analyse du site vierge ou déjà construit pour identifier les éléments essentiels susceptibles de revaloriser ou de préserver ce site. De cette manière, ils pensent pouvoir renforcer le rôle culturel de l’architecture, en partant de l’analyse des fonctions, des programmes et des lieux, dans l’histoire et la culture d’une région. Studio Vacchini Eloisa Vachhini est titulaire de l’atelier Studio Vacchini, elle a obtenu son diplôme à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne en1997. Travaille avec différents ateliers d’architecture à Sydney, Australie (1994–1995). Travaille avec l’atelier d’architecture Daniel D’Andrea à Buenos Aires, Argentine (1998–1999); en particulier sur un projet d’assainissement d’édifices à l’Havana, sur invitation du gouvernement de Cuba. De 1999 en 2007 travaille avec le Studio di architettura Livio Vacchini à Locarno. Depuis avril 2007 est titulaire de l’atelier Studio Vacchini architetti à Locarno.

Peter Zumthor Peter Zumthor est né à Bâle en 1943 et a grandi à Oberwil, dans le canton de Bâle-Campagne. Entre 1958 et 1962, il est formé à la menuiserie dans l’atelier de son père, Oscar Zumthor. De 1963 à 1967, il étudie le dessin et l’architecture à la Kunstgewerbeschule (École des arts et métiers) de Bâle, ainsi qu’au Pratt Institute de New York. À partir de 1967, Peter Zumthor travaille comme consultant et documentaliste pour la construction et l’aménagement dans les villages historiques avec l’Office de la conservation du patrimoine du canton des Grisons en Suisse. De plus, il a réalisé diverses rénovations. En 1978, il ouvre sa propre agence architecturale à Haldenstein, en Suisse. Il a été professeur invité au Southern California Institute of Architecture (SCI-Arc) de Los Angeles (1988) ; à la Technische Universität de Munich (1989) et à la Graduate School of Design de Harvard (1999). Entre 1996 et 2008, Peter Zumthor a été professeur à l’Accademia di Architettura de l’Università della Svizzera italiana de Mendrisio. Choix de prix : Mies van der Rohe Award for European Architecture, Barcelona (1998) ; Prix Meret Oppenheim, Switzerland (2006) ; Praemium Imperiale, Japan Art Association (2008) ; The Pritzker Architecture Prize, The Hyatt Foundation (2009) ; RIBA Royal Gold Medal, Royal Institute of British Architects (2013) ; Nike, Architecture Prize, Bund Deutscher Architekten BDA (2013)

REMERCIEMENTS Un grand merci pour leur soutien et leurs encouragements à : Peter Zumthor, Ralf Daab, Alexander Felix, Katharina Kulke, Res Eichenberger, Adriano Biondo, Andri Pol, Sylwia Chomentowska, Olga Funk, Quintus Miller, Jørg Himmelreich, Jean-Paul Jaccaud, Irina Davidovici, Niall McLaughlin, James Breiding, Gaudenz Danuser, Wilfried Dechau, Matthieu Gafsou, Michael Hanak, Hugo Bütler, Elena Pascolo, Stephen Gelb, David Best, Melanie Best, Magriet Cruywagen, Ernst Steinmann, Mascia Buzzolini, Bruno Tobler (Foto Vision), Marianne Gauer, Peter Dömötör, Petra Küchler, Nicky Boustred, Tkalcec Hrvoje, et particulièrement à Louise et Conal Gain pour l’aide et le soutien qu’ils m’ont apportés par leur relecture attentive, ainsi qu’à mon mari, Hendrik, qui a partagé ce long voyage avec moi. Pour finir, je remercie tous les architectes et photographes qui ont rendu possible par leur la précieuse contribution la publication de cet ouvrage.

CRÉDIT DES ILLUSTRATIONS Tonatiuh Ambrosetti 191–194, 201–204 Adriano Biondo 5, 25, 53, 121, 219 Iwan Baan 61, 64 (en haut) Hélène Binet 123, 132 Markus Bühler-Rasom 62, 63, 64 (en bas) Gaudenz Danuser 81, 83–88, 91– 93, 94 (en bas) Wilfried Dechau 113, 115, 116 Lucia Degonda 105 –109 Ralph Feiner 94 (en haut), 209 Leonardo Finotti 55, 56 Roger Frei 231, 232, 233, 234 (en haut) Matthieu Gafsou 1, 247 Alexander Gempeler 211– 214 Christian Grund 143 Maurice Haas 189, 229 Thomas Jantscher 45–149, 153–158 Valentin Jeck 163 –166 Alexandre Kapellos 221 Antonio Martinelli 130, 131 Simon Menges 234 (en bas) Giuseppe Micciché 27, 28, 30, 42– 44 Office fédéral de topographie swisstopo page de garde Archive Olgiati 173–175, 180 –182 Andri Pol 99, 161 Stephan Rappo 171 Christian Richters 73–76 Hendrik Roos 124, 125, 129 René Rötheli 222, 223, 224 Ruedi Walti 7–12, 17–20, 29, 33–36, 41 Dominique Marc Wehrli 179 La carte de Suisse et tous les autres plans figurant dans cet ouvrage sont orientés avec le nord en haut.

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SENSIBILITÉ SUISSE La culture de l’architecture en Suisse Anna Roos Traduction de l’anglais : François Mortier Révision : Noëmie Gervais Coordination éditorial : Alexander Felix, Katharina Kulke Conception graphique, réalisation : Res Eichenberger Design, Zurich Production : Heike Strempel Papier : Munken Lynx Rough 120 g/m² Impression : DZA Druckerei zu Altenburg GmbH Library of Congress Cataloging-in-Publication data A CIP catalog record for this book has been applied for at the Library of Congress. Information bibliographique de la Deutsche Nationalbibliothek La Deutsche Nationalbibliothek a répertorié cette publication dans la Deutsche Nationalbibliografie ; les données bibliographiques détaillées peuvent être consultées sur Internet à l'adresse http://dnb.dnb.de. Les droits d’auteur de cet ouvrage sont protégés. Ces droits concernent la protection du texte, de l’illustration et de la traduction. Ils impliquent aussi l’interdiction de réédition, de conférences, de reproduction d’illustrations et de tableaux, de diffusion radiodiffusée, de copie par microfilm ou tout autre moyen de reproduction, ainsi que l’interdiction de divulgation, même partielle, par procédé informatisé. La reproduction de la totalité ou d’extraits de cet ouvrage, même pour un usage isolé, est soumise aux dispositions de la loi fédérale sur le droit d’auteur. Elle est par principe payante. Toute contravention est soumise aux dispositions pénales de la législation sur le droit d’auteur. Ce livre est aussi paru en e-book (ISBN PDF 978-3-0356-0938-7) et en version allemande (ISBN 978-3-0356-1130-4) et anglaise (ISBN 978-3-0356-1128-1) © 2017 Birkhäuser Verlag GmbH, Bâle Case postale 44, 4009 Bâle, Suisse Membre de Walter de Gruyter GmbH, Berlin/Boston Imprimé sur papier sans acide, composé de tissus cellulaires blanchis sans chlore. TCF ∞ Imprimé en Allemagne ISBN 978-3-0356-1131-1 9 8 7 6 5 4 3 2 1 www.birkhauser.com

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