Quelle transition énergétique ? 9782759809882

L'énergie est le carburant de notre économie moderne. Sans énergie, point de croissance, ni de développement. Au XI

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French Pages 113 [112] Year 2013

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Quelle transition énergétique ?

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Quelle transition énergétique ?

Henri Safa

17, avenue du Hoggar – P.A. de Courtabœuf BP 112, 91944 Les Ulis Cedex A

Mise en pages : Patrick Leleux PAO Imprimé en France ISBN : 978-2-7598-0807-6

Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les «-copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinés à une utilisation collective-», et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. © EDP Sciences, 2013

SOMMAIRE

CONTENTS Préface par Bernard Bonin........................................................... Introduction ..............................................................................

7 11

L’énergie ................................................................................. Histoire de l’énergie................................................................ Contenu énergétique .............................................................. Le facteur 100 000 ................................................................. L’avènement de l’électricité ...................................................... La conversion de l’énergie .......................................................

13 15 18 19 21 23

Très chère énergie .................................................................... L’énergie et le développement humain ....................................... Des besoins énergétiques toujours croissants .............................. La montée en puissance de l’électricité...................................... Le chauffage électrique ...........................................................

27 27 29 34 40

Les émissions de gaz à effet de serre ........................................ Le changement climatique ....................................................... Les émissions de gaz à effet de serre ........................................ Les émissions dues à l’énergie .................................................. Émissions de CO2 par source d’énergie ....................................... La taxe carbone .....................................................................

43 43 45 47 51 53

5

SOMMAIRE

6

La tromperie de la « transition énergétique »............................ Mettre des énergies renouvelables, c’est choisir le gaz ................. Le solaire, une énergie du passé ............................................... Le leurre des emplois verts ......................................................

57 58 61 66

Salauds de pauvres ! ................................................................ Les ressources énergétiques ..................................................... Une ressource réellement écologique : l’uranium ......................... L’indépendance énergétique ..................................................... Le prix de l’énergie ................................................................. Le coût des énergies renouvelables ........................................... La CSPE ou la taxe des pauvres ................................................. La tarte à la crème des « réseaux intelligents » ou « smart grids » ... L’énergie dans les pays en développement ..................................

71 71 75 77 79 81 84 87 89

Que faire ? .............................................................................. Le stockage d’énergie .............................................................. La géothermie ........................................................................ La récupération de la chaleur des centrales ................................ Le transport........................................................................... Développer le nucléaire ...........................................................

91 93 96 97 100 103

Conclusion ...............................................................................

105

QUELLE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ?

PRÉFACE

L

’énergie est indispensable à la vie et au développement économique. Alors que les besoins énergétiques de l’homme préhistorique se limitaient à la nourriture, celle-ci ne représente plus que quelques pourcents de la consommation totale de l’homme moderne, qui doit son développement économique fulgurant à une utilisation intensive des énergies fossiles. Le paysage de l’énergie bouge beaucoup en ce moment : - Sous les effets conjugués de la démographie et de la croissance économique, le monde entre dans une période de pénurie d’énergie. - On assiste à un véritable décollage des énergies renouvelables, largement poussées par les politiques gouvernementales, surtout en Occident. - L’émergence des gaz de schiste bouleverse l’évaluation des ressources et, par voie de conséquence, le prix des hydrocarbures. - Le printemps arabe modifie lui aussi le paysage géopolitique du pétrole et du gaz. - Le changement climatique, largement dû à l’exploitation des énergies fossiles, est plus rapide que les prévisions les

PRÉFACE

plus pessimistes, sans qu’aucune décision au niveau mondial n’émerge pour parer cette menace. - L’accident de Fukushima remet en question l’avenir du nucléaire, sans doute pas dans le monde, mais du moins en Occident. - Les flux énergétiques à travers les frontières ne cessent d’augmenter, ce qui rend les états de plus en plus interdépendants. Pourtant, l’absence persistante de politique énergétique au niveau européen a un impact désastreux sur la qualité des décisions prises au niveau des états-membres. - Par ailleurs, l’affaiblissement du pouvoir étatique face aux sociétés multinationales, lobbies et organisations non gouvernementales ne facilite pas non plus les décisions politiques. Il faut le redire : les choix énergétiques sont des choix politiques qui relèvent de l’État, voire de l’Union, et qui doivent être faits dans l’intérêt général, sans omettre des critères de base, comme l’indépendance énergétique, le changement climatique, l’économie, pour n’en citer que trois largement oubliés en ces temps troublés. Rude défi, à une époque où la controverse sur les énergies vire à la guerre de religion ! C’est dans ce contexte (houleux) que s’amorce le débat (bienvenu) sur la transition énergétique en France. On assiste depuis quelques années à la montée en puissance du concept de « transition énergétique ». Ce concept ne recouvre pas la même chose dans toutes les têtes. Pour certains, il s’agit de se détourner progressivement des énergies carbonées. Pour d’autres, il s’agit d’arrêter le nucléaire. Pour d’autres encore, il s’agit surtout de faire des économies d’énergie. En tout cas, il y a débat, et ce livre vient à point nommé pour l’éclairer. Ce livre ne se contente pas de montrer l’importance de l’énergie dans nos sociétés. Il remet aussi en question certaines idées reçues, en particulier sur les Nouvelles Technologies de l’Énergie, présentées partout comme une panacée mais qui ontelles aussi leurs inconvénients. 8

QUELLE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ?

PRÉFACE

Face au débat, qui devrait déboucher sur des choix de société, le citoyen d’un pays démocratique se doit d’être bien informé, afin de se forger un avis personnel, et de l’exprimer par la voie des urnes. La presse et les médias ont largement failli dans leur rôle d’information sur ce sujet complexe. C’est pourquoi une information directe, émanant d’un spécialiste qui a consacré une vie à se forger une vue d’ensemble sur les problèmes énergétiques, est particulièrement précieuse. Cette vue d’ensemble est rare. Il faut se réjouir de la voir ainsi communiquée au public sous une forme digeste et synthétique, par un physicien rompu à l’exercice de l’objectivité et de la raison par sa pratique scientifique. Ce livre courageux n’est pas politiquement correct. Il ne s’aligne pas sur la pensée unique malheureusement en train de se répandre en Europe. C’est le meilleur éloge que je puisse faire de son contenu. Il fâchera peut-être beaucoup de monde, pourtant, les vérités qu’on y trouvera sont difficilement contestables. Puisse ce livre trouver de nombreux lecteurs ! Bernard BONIN Commissariat à l’Énergie Atomique Direction de l’Énergie Nucléaire

9

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INTRODUCTION

É

tant donné les enjeux, le débat énergétique n’est pas prêt de se clore ni en France ni ailleurs dans le monde. Tous les pays sont confrontés à la même problématique : comment assurer au citoyen un accès à une vie meilleure dans un monde où les ressources énergétiques bon marché s’amenuisent ? Comment concilier croissance économique et préservation de la planète ? La transition énergétique est sur toutes les unes et de toutes les discussions. Mais de quelle transition énergétique parle-t-on ? Cet ouvrage tente de faire le point sur la situation énergétique à l’aube du XXIe siècle. Quelques notions de base sur l’énergie sont rappelées comme la transformation possible entre les différentes formes d’énergie. Les ordres de grandeur sont également très importants à avoir en tête. Il est assez frappant de constater que l’unité utilisée pour exprimer les consommations énergétiques d’une nation n’est pas l’unité physique officielle, le Joule, ni même l’une de ses dérivées comme le Mégawattheure, mais la tonne d’équivalent pétrole. L’énergie est partout dans notre vie quotidienne. Elle est en tout cas indispensable pour certaines de nos activités de base : 11

INTRODUCTION

chauffage, transport, cuisson, éclairage. Tout le fonctionnement de notre société moderne est basé sur un accès facile à de l’énergie. L’énergie est-elle trop ou pas assez chère ? Cela dépend bien entendu de la richesse disponible et du point de vue dans lequel on se place. Mais ce qui est sûr, c’est que l’énergie a un coût et que le prix de l’énergie est une variable très importante qui impacte à la fois notre mode de vie et notre production nationale. Un rapide panorama historique et actuel de l’ensemble des différentes énergies est brossé sans aucune complaisance ni a priori tout en essayant de rester le plus factuel possible. En particulier, certaines réalités physiques sont rappelées comme la densité d’énergie contenue dans un kilogramme de combustible ou la quantité d’énergie solaire reçue par mètre carré à la surface de la terre. Ces réalités sont incontournables, elles vont même quelquefois à l’encontre des souhaits ou des espoirs. Par ailleurs, il n’existe aucune énergie gratuite. Le coût de production des différentes énergies est souvent mis en exergue tout au long du livre car c’est un élément clé qui souvent détermine le développement ou non d’une énergie par rapport à d’autres. Un autre point central du débat énergétique est sans conteste, en ce début de siècle, le changement climatique. Notre mode de vie actuel est basé sur la consommation d’énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon) qui émettent de grandes quantités de gaz carbonique dans l’atmosphère terrestre. La conséquence prévisible est un réchauffement global du système terreatmosphère. Le risque principal est qu’un réchauffement trop important de notre planète ne provoque des modifications irréversibles du climat dans un futur proche. Que peut-on vraiment faire pour éviter ce risque ? Quatre voies sont exposées qui peuvent toutes offrir un potentiel énergétique couplé à des réductions massives des émissions de CO2. L’avenir nous dira si elles pourront être industriellement déployées et à temps pour sauver le climat. 12

QUELLE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ?

L’ÉNERGIE

Bien que le terme provienne du grec ancien et remonte à l’Antiquité, l’énergie est une notion relativement récente. Avant le formalisme de la thermodynamique statistique du XIXe siècle, on ne parlait que de force ou de puissance pour désigner une action physique pouvant par exemple mettre en mouvement un objet. Dans ses Principes de philosophie en 1644, Descartes introduisit la « quantité de mouvement » et, en 1676, Leibniz inventa la notion de « force vive » en précisant que cette grandeur restait inchangée lors de collisions. En réalité, c’est bien de l’énergie qu’il s’agissait et Leibniz venait tout simplement d’exprimer la loi universelle de conservation de l’énergie. Depuis la révolution française et Lavoisier (Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme) on sait que la matière n’apparaît ni ne disparaît mais ne fait que se décliner sous une forme différente. Il en va de même pour l’énergie. Il n’y a pas de sources d’énergie à proprement parler ni d’énergies renouvelables car l’énergie ne fait que simplement se transformer en passant d’une forme à une autre. Dans sa célèbre machine construite en 1843 (Figure 1), Joule a montré que l’énergie mécanique d’une masse tombant par gravité pouvait être intégralement transformée en chaleur 13

L’ÉNERGIE

par friction dans l’eau1. Ainsi, l’énergie potentielle de la masse relevée à une altitude donnée se transformait en énergie mécanique de mouvement et était convertie en chaleur. Il s’attacha à prouver expérimentalement que l’énergie2 nécessaire pour élever la température d’1 g d’eau d’un degré Celsius, soit la définition d’une calorie, valait très exactement 4,18 Joule. Il démontra également l’équivalence parfaite entre énergie électrique et quantité de chaleur. Les physiciens lui ont rendu hommage puisqu’en 1948 ils décidèrent de choisir d’exprimer l’unité d’énergie, de travail et de chaleur par son nom et la loi correspondant au dégagement thermique d’une résistance traversée par un courant électrique est connue comme la « loi de Joule ».

Figure 1 | Machine utilisée par James P. Joule pour démontrer la conversion de l’énergie mécanique en énergie thermique. En descendant, un poids met en rotation des pales qui sont freinées dans l’eau par friction. En mesurant l’élévation de température de l’eau, Joule en déduisit l’équivalence entre énergie potentielle du poids et chaleur.

1. «On the Existence of an Equivalent Relation between Heat and the ordinary Forms of Mechanical Power», James P. Joule, lettre à «Philosophical Magazine», 3, vol. XXVII, p. 205 (1845). 2. Joule parlait comme Leibniz de « vis viva » soit de force vive pour désigner l’énergie.

14

QUELLE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ?

L’ÉNERGIE

HISTOIRE DE L’ÉNERGIE Depuis Joule, on sait que l’énergie se manifeste sous différentes natures et qu’elle peut être parfaitement convertible d’une forme à l’autre. L’énergie thermique fut la première à être apprivoisée par l’homme. Dans la préhistoire, la maîtrise du feu par Homo erectus il y a plus de 400 000 ans lui a permis de se chauffer en hiver et de disposer d’éclairage la nuit, tout en se protégeant des bêtes sauvages. Ayant plus tard constaté que la chaleur pouvait également servir à cuire les aliments et notamment la viande, cela a radicalement transformé la manière de se nourrir en donnant accès à des aliments diversifiés et plus sains grâce à la destruction des bactéries, virus et autres germes. L’utilisation de l’énergie sous forme mécanique, qu’elle soit cinétique ou potentielle, est également apparue assez rapidement avec le travail des outils, notamment la fabrication d’armes qui a grandement facilité la chasse et la pêche. La sédentarisation de l’homme le pousse à redoubler d’ingéniosité pour s’affranchir de la force motrice humaine pour l’agriculture, l’élevage ou la fabrication d’outils. Ainsi, la traction par des animaux d’élevage remplace progressivement celle des hommes. À l’âge de fer, la conception de fours à hautes températures3 ouvre la voie à la métallurgie et au travail du fer. La sédentarisation autorise la fabrication et l’utilisation d’outils plus volumineux et peu transportables comme l’araire, ancêtre de la charrue. La construction de moulins à eau puis de moulins à vent permet de capter de l’énergie mécanique des cours hydrauliques ou des masses d’air en mouvement pour les transformer en énergie utile pour scier du bois ou moudre du grain, tâches pénibles

3. La température de fusion du fer est de 1538 °C, à comparer à 1084 °C pour le cuivre et encore moins pour le bronze (l’addition d’étain abaisse le point de fusion du cuivre). En conséquence, l’âge de fer est apparu après celui du cuivre et du bronze. 15

L’ÉNERGIE

et répétitives4. À cette époque, l’homme utilise principalement de la biomasse (bois, paille, huiles végétales ou animales) et de la traction humaine et animale pour ses besoins énergétiques. On estime qu’il dépensait en moyenne de l’ordre de 0,4 tep5 par habitant et par an. Il est intéressant de souligner que près de deux milliards de terriens vivent aujourd’hui encore en consommant une quantité d’énergie annuelle inférieure à 0,5 tep, soit l’équivalent de ce que consommait un Sumérien6. La découverte de mines de charbon vers la fin du XVIIe siècle en Angleterre marque un tournant dans la consommation énergétique des hommes. La combustion de la houille peut chauffer de l’eau qui se transforme en flux de vapeur à haute température. Grâce à ces machines à vapeur, on va pouvoir pomper de l’eau, entraîner des roues, filer des tissus et actionner des outils. La révolution industrielle est en marche. Les bateaux à vapeur vont transporter des marchandises plus rapidement sans se soucier des caprices du vent. Les batteuses et moissonneuses agricoles libèrent le paysan des durs labeurs de la terre. Le machinisme agricole élimine les disettes et accélère le développement des industries manufacturières de masse basées sur la production de textile puis sur la sidérurgie. Le développement du chemin de fer permet le transport des biens et des personnes sur de longues distances à peu de frais. L’européen industrialisé du XIXe siècle consomme déjà près de 2 tep par an c’est-à-dire l’équivalent de la consommation énergétique actuelle moyenne dans le monde. Mais au tournant du XXe siècle, moins d’un quart des 1,6 milliards d’habitants 4. Une meule d’un moulin à eau peut moudre 150 kg de blé à l’heure soit l’équivalent du travail de 40 humains. 5. 1 tep = 1 tonne d’équivalent pétrole soit 41,868 GJ (11,63 MWh), valeur souvent arrondie à 42 GJ. 6. L’apparition de l’agriculture en Mésopotamie 6 000 ans avant notre ère marque la fin de la préhistoire. Il est vrai que dans l’Antiquité, l’homme utilisait très mal l’énergie. Quand on allume un feu de bois en hiver à l’air libre pour se chauffer, le rendement énergétique réel est fort mauvais. 16

QUELLE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ?

L’ÉNERGIE

en bénéficie. Les trois quarts restants vivent encore avec moins de 0,5 tep/an. En 1900, la consommation énergétique totale n’excède guère 1 Gtep. La découverte du pétrole en abondance aux États-Unis va profondément modifier l’environnement énergétique mondial tout au long du XXe siècle. Cette matière liquide très aisément transportable, au contenu encore plus énergétique que le charbon, va complètement restructurer nos sociétés modernes. L’invention du moteur à essence généralise l’usage de l’automobile au point que tous les territoires même les plus reculés seront maillés selon des réseaux routiers pour faciliter la circulation de véhicules motorisés. La puissance motrice déployée est tellement grande7 qu’elle permet de faire voler des avions pesant plus de 200 tonnes emportant en un seul voyage jusqu’à 800 passagers à des milliers de kilomètres. Le pétrole est devenu la base de l’économie industrielle contemporaine, ses dérivés chimiques servant aussi à la fabrication d’une multitude de produits à usage courant comme les plastiques, les élastomères, les détergents, les engrais, les cosmétiques et autres lubrifiants. Ce produit énergétique miracle est devenu tellement indispensable et stratégique qu’il est à l’origine de plusieurs conflits ou guerres. On va le chercher de plus en plus loin et de plus en plus profond jusqu’au fond des océans ou dans les entrailles de la terre. En creusant pour chercher le pétrole, on tombait souvent sur des poches de gaz sous pression. On s’aperçut rapidement que ce gaz était inflammable, à haute valeur énergétique, et qu’il était principalement composé de méthane. Mais étant gazeux de faible densité, soit on se contentait de l’utiliser sur place soit on le brûlait dans des torchères. Ce n’est qu’après 1960 lorsque l’on a su le transporter par gazoducs ou par méthaniers sous

7. Le moteur d’une voiture moyenne développe 50 kW de puissance soit l’équivalent de 500 humains. 17

L’ÉNERGIE

forme liquéfiée8 qu’il a réellement pu être exploité à grande échelle. Avec la découverte récente de grands gisements de gaz non conventionnels, notamment les gaz de schistes américains, le marché du gaz est aujourd’hui en plein essor, remplaçant le plus souvent le charbon ou le fioul pour le chauffage domestique. Le XXe siècle a vu également l’émergence d’un combustible d’un genre nouveau et très particulier : l’uranium. Après la découverte de la radioactivité et la compréhension de la physique du noyau atomique, les scientifiques ont rapidement démontré que l’un des isotopes naturels de l’uranium pouvait libérer de l’énergie par fission nucléaire. La maîtrise de l’énergie atomique fut extraordinairement rapide. Moins de 12 ans après la divergence9 de la première pile atomique à Chicago en 1942, un réacteur nucléaire était construit et fournissait déjà de l’énergie électrique exploitable.

CONTENU ÉNERGÉTIQUE Le contenu énergétique est un paramètre important car il renseigne sur la quantité d’énergie pouvant être extraite d’une matière donnée. Une source d’énergie peut supplanter une autre dès lors que son contenu énergétique est plus élevé. En brûlant, le bois des arbres dégage une quantité d’énergie égale à 4 kWh par kg et ceci, bien entendu, à condition que le bois soit parfaitement sec. Pour un bois renfermant 50 % d’humidité, plus de la moitié de l’énergie de combustion va servir à évaporer 8. Contrairement au pétrole qui possède l’énorme avantage d’être liquide à température ambiante, le gaz naturel doit être refroidi à -162 °C (soit 111 K) pour passer en phase liquide. L’utilisation industrielle de cette technologie cryogénique est un handicap pour le stockage et le transport du gaz. 9. La divergence d’une pile atomique désigne l’obtention du processus auto-entretenu de la réaction en chaîne. 18

QUELLE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ?

L’ÉNERGIE

l’eau plutôt qu’à chauffer : son contenu énergétique va être réduit à 2 kWh/kg. L’anthracite, sorte de houille de qualité supérieure, peut libérer plus de 9 kWh/kg, alors que le lignite qui est une forme dégradée de charbon ne contenant que 50 % de carbone possède un contenu énergétique nettement plus faible (7 kWh/kg). Il reste cependant meilleur que le bois. Lorsqu’au XVIIIe siècle, l’on a pu transporter 3 fois moins de combustible pour une même quantité de chaleur produite, le charbon a été progressivement préféré au bois de chauffe. Ayant un contenu énergétique encore plus élevé que le charbon, le pétrole et le gaz règnent aujourd’hui en maîtres de l’énergie (12 kWh/kg). Si, à l’avenir, une matière pouvait fournir encore davantage d’énergie au kilogramme que le pétrole, elle aiguiserait très certainement l’appétit énergétique des humains et ferait l’objet de toutes les convoitises industrielles, économiques et politiques de l’ensemble des nations.

LE FACTEUR 100 000 Le contenu énergétique des combustibles brûlant à l’air (pour être tout à fait précis, à l’oxygène) ne sont que la traduction de la réaction chimique qui transforme le carbone en CO2. Le carbone, élément à la base de la vie sur terre, forme une liaison covalente avec deux atomes d’oxygène pour donner une molécule très stable : le gaz carbonique. Il faut fournir pas moins de 9 kWh/ kg pour être capable de séparer les atomes de cette molécule10. À l’inverse, la formation de cette molécule, par ailleurs nocive 10. L’enthalpie standard de formation de la molécule de CO2 à la température ambiante est ∆H0 = − 393,52 kJ/mole. C’est une énergie assez élevée. À titre de comparaison, la molécule d’eau liquide H2O possède une enthalpie standard de formation de ∆H0 = − 285,82 kJ/mole. Il est donc plus aisé de séparer l’hydrogène de l’oxygène de l’eau que de séparer l’oxygène du carbone dans le gaz carbonique. 19

L’ÉNERGIE

pour le climat, dégagera cette même quantité d’énergie. L’énergie correspondante est celle des liaisons chimiques existantes liant les atomes entre eux. Pour la liaison carbone-oxygène du gaz carbonique, la liaison covalente qui met en commun deux orbitales électroniques possède une énergie de 5,5 eV11. C’est l’ordre de grandeur typique d’une liaison chimique. La liaison existante entre les nucléons (protons et neutrons) à l’intérieur du noyau atomique est autrement plus intense. Là, ce n’est plus la force électromagnétique entre un électron chargé négativement et le noyau chargé positivement qui est à l’œuvre. C’est une autre interaction fondamentale, la force nucléaire dite forte qui maintient les nucléons collés entre eux, même si certains de ces nucléons sont des protons ayant la même charge électrique (ils auraient tendance à se repousser sous l’influence de la force électrique). Comme son nom l’indique, l’interaction forte rend la liaison beaucoup plus solide et résistante qu’une liaison chimique. Pour séparer un nucléon du noyau atomique, il faut déployer une énergie de plusieurs millions d’électronvolts (MeV) soit 100 000 fois plus que l’énergie de liaison électronique exposée ci-dessus. C’est ce facteur 100 000 que l’on va retrouver lorsque l’on va comparer les énergies entre elles. La fission d’un atome d’uranium qui pèse 235 grammes par mole12 libère 200 MeV d’énergie. Un combustible nucléaire enrichi à 4 % en uranium 235 renferme donc une densité énergétique de 1 000 000 kWh/kg. C’est colossal. C’est 100 000 fois plus que le charbon ou le pétrole. Un seul gramme d’uranium peut fournir autant d’énergie que 5 barils de pétrole ou qu’une tonne de charbon. Tout d’un coup, avec l’énergie nucléaire, l’homme a enfin à sa portée une matière qui peut lui fournir cent mille fois plus d’énergie que le charbon qu’il doit extraire des mines ou que le pétrole qu’il est obligé d’extirper en creusant de profonds puits dans le sol. 11. Un électronvolt – noté eV – est une unité d’énergie qui vaut 1,6 × 10-19 Joule. Cette petite unité est utilisée au niveau atomique car elle représente l’énergie d’un électron porté à un potentiel de 1 Volt. 12. Une mole contient 6,02 × 1023 atomes. C’est le nombre d’Avogadro. 20

QUELLE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ?

L’ÉNERGIE

1 000 000 000

Densité d'énergie (Wh/kg)

18 000

16 000

Densité d'énergie des combustibles

_

14 000

11 600

12 000

12 500

10 000 8 000

8 000 6 000

4 000

4 000

2 000

0 Biomasse

Charbon

Pétrole

Gaz

Uranium

Figure 2 | Densité d’énergie des différents combustibles. L’uranium peut fournir 100 000 fois plus d’énergie que les combustibles fossiles par unité de masse.

L’AVÈNEMENT DE L’ÉLECTRICITÉ Lorsqu’à l’occasion de l’exposition internationale de l’électricité à Paris en 1881, Thomas Edison présente son ampoule à incandescence alimentée par une génératrice électrique basse tension, les visiteurs sont à la fois émerveillés et subjugués. En actionnant un simple commutateur, on peut allumer ou éteindre une lampe à loisir. Au-delà de l’effet lumineux, ce verre scellé sous vide contenant un filament qui peut fonctionner pendant plusieurs centaines d’heures annonce une véritable révolution de notre mode de vie. En parallèle, se développe le moteur électrique qui commence à être utilisé dans l’industrie (machines rotatives, machines à coudre) et pour le transport (tramway à Paris, voiture électrique, hélice de dirigeable). Ce qui fait dire à Jules Verne dans «Robur le Conquérant » : « Ce n’est ni à la vapeur d’eau ou autres liquides, 21

L’ÉNERGIE

ni à l’air comprimé ou autres gaz élastiques, ni aux mélanges explosifs susceptibles de produire une action mécanique, que Robur a demandé la puissance nécessaire à soutenir et à mouvoir son appareil. C’est à l’électricité, cet agent qui sera, un jour, l’âme du monde industriel. » Jules Verne voit juste. En quelques années, l’électricité se répand d’abord dans les grandes villes puis partout ailleurs. Nikola Tesla s’aperçoit assez vite que le courant alternatif à haute tension permet de transporter la puissance électrique sur de très grandes distances avec peu de pertes. Plutôt que de multiplier les petites génératrices, on préfèrera alors construire de grandes centrales qui fabriqueront de l’électricité en un endroit donné et la transporter par de simples fils en cuivre vers le lieu d’utilisation. D’autant que les premières centrales utiliseront les chutes d’eau naturelles comme force motrice pour produire le courant. En 1886, les premières turbines installées sur les chutes du Niagara aux États-Unis génèreront 75 MW électriques et alimenteront la ville de Buffalo située à 32 km de distance. Le paysage urbain se modifie et de grands pylônes électriques fleurissent alors un peu partout sur le territoire transportant de grandes quantités d’énergie électrique. C’est la naissance du réseau d’électricité alimentant en énergie aussi bien les usines des industriels que les habitations domestiques. Les réseaux s’étendent progressivement et s’interconnectent entre eux franchissant même les frontières politiques ou géographiques. On tire des câbles électriques sousmarins pour connecter des îles au continent et faire bénéficier aux insulaires du courant électrique. Le câble électrique offre un véhicule énergétique souple, commode, pratique, fiable et élimine les risques d’intoxications ou d’explosions. La demande en électricité croît très rapidement, surtout chez les industriels qui ont tendance à remplacer leurs machines à vapeur par des machines électriques. L’électricité, balbutiante en 1900, monte en puissance au cours des années 1900-1940, principalement grâce aux barrages hydrauliques. En 1923, l’État français lance un grand programme d’électrification de tout le territoire jusque 22

QUELLE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ?

L’ÉNERGIE

dans les zones rurales. Mais c’est surtout pendant la deuxième moitié du XXe siècle et les années prospères d’après-guerre que son usage se répand le plus dans les pays industrialisés. En 1965, l’énergie électrique ne représentait encore que 20 % de l’énergie primaire totale consommée dans le monde, un monde qui a doublé en population et qui consomme 4 fois plus d’énergie qu’en 1900. Peu à peu, l’électricité a tendance à se substituer aux autres formes d’énergies, notamment fossiles. Ce phénomène de substitution se poursuit toujours à l’heure actuelle et à moins d’un bouleversement majeur, continuera probablement à s’opérer dans les décennies qui viennent. Aujourd’hui, plus du tiers de l’énergie primaire mondiale est utilisée pour fabriquer de l’électricité. Nous nous dirigeons donc vers un monde de plus en plus dominé par l’usage de l’électricité.

LA CONVERSION DE L’ÉNERGIE On a vu précédemment dans la machine de Joule qu’une même quantité d’énergie pouvait se décliner sous plusieurs formes. Ainsi, l’énergie potentielle d’une chute d’eau peutelle être convertie en énergie mécanique laquelle pourra à son tour être entièrement récupérée en chaleur. Une machine à vapeur transformera l’énergie chimique en énergie thermique puis en un mouvement mécanique. Un alternateur couplé à une turbine pourra générer de l’électricité à partir de l’énergie magnétique induite par le rotor dans le stator. De même, notre corps peut bénéficier de la douce chaleur des rayons du soleil car le rayonnement visible absorbé par la peau humaine est partiellement transformé en chaleur. Si l’énergie chimique des éléments carbonés peut être libérée en chaleur par combustion dans l’air, on sait également convertir directement une énergie électrochimique en énergie électrique dans une pile ou un accumulateur. Ainsi, l’homme a progressivement inventé un 23

L’ÉNERGIE

composant ou découvert un procédé lui permettant d’être capable de convertir à loisir toute forme d’énergie en une autre selon son besoin propre. S’il veut se chauffer, il fabriquera de l’énergie thermique. S’il souhaite s’éclairer, il privilégiera l’énergie électromagnétique dans le domaine des longueurs d’ondes visibles. S’il souhaite se déplacer, il cherchera à obtenir une transformation vers une énergie mécanique. Certaines de ces technologies de conversion existantes sont indiquées dans la figure 3. Énergie

de rayonnement

Énergie hydraulique

barrage pompage

thermolyse combustion

Énergie chimique électrolyse

frottement

turbine

Énergie thermique

batterie

diode

fission

cellule photovoltaïque

Énergie nucléaire

électrolyse

Énergie alternateur mécanique moteur

Énergie électrique

Figure 3 | Transformation de l’énergie : quelques exemples de conversions énergétiques.

L’homme sait donc aujourd’hui transformer l’énergie pour en soutirer une utilité donnée : chauffage, force motrice, éclairage, cuisson, ventilation, etc. On appelle énergie primaire la quantité d’énergie de la première source d’énergie, celle qui fournira l’énergie de départ préalable à toute transformation. Quant à l’énergie utile, celle qui est recherchée pour un besoin précis donné, on la dénommera énergie finale. Le processus qui transformera l’énergie primaire en énergie finale n’étant pas idéal, seule une fraction de l’énergie primaire produite sera effectivement utilisée, le reliquat étant perdu le plus souvent 24

QUELLE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ?

L’ÉNERGIE

en chaleur. La question du rendement de conversion, ratio entre énergie finale et énergie primaire, est très importante. À titre d’exemple, lorsqu’on utilisait une lampe à incandescence à filament de tungstène pour s’éclairer13, une grande partie de l’énergie électrique était en réalité transformée en chaleur. Seule une faible fraction, de l’ordre de 2 %, était récupérée sous la forme de rayons lumineux visibles. D’ailleurs, tout un chacun pouvait constater lors d’un changement d’ampoules après utilisation que celles-ci étaient brûlantes. Les nouvelles ampoules du type fluo-compactes ou les diodes électroluminescentes (LED) ont un meilleur rendement lumineux (de 10 % à 20 %) et offrent une durée de vie plus longue. Quelquefois, la transformation entre l’énergie primaire et l’énergie finale utilise une forme intermédiaire d’énergie, par exemple sous forme électrique. C’est ainsi que l’énergie nucléaire, instantanément récupérée sous la forme d’une énergie thermique dans le cœur du réacteur, sera convertie en énergie électrique à l’aide d’un turboalternateur dans la salle des machines de la centrale. Considérons à présent une habitation française chauffée par des convecteurs électriques, ce qui est le cas d’un tiers des logements et bureaux. Dans cet habitat, l’électricité produite sera de nouveau transformée en chaleur thermique pour le chauffage. Ici, le rendement de conversion entre l’énergie 13. L’Union européenne préconise l’abandon total de la vente des lampes à incandescence fin 2012. L’argument affiché est la lutte contre le changement climatique. Il faut cependant signaler que l’éclairage représente moins de 3 % de la consommation d’électricité et qu’en France, plus de 90 % de l’électricité est déjà décarbonée (nucléaire et hydraulique). De plus, la chaleur générée par les ampoules à incandescence n’était pas entièrement perdue, loin de là. Elle chauffait les maisons en hiver et évitait partiellement le recours aux énergies fossiles. Tous calculs faits, bien que la quantité totale d’électricité finale consommée soit moindre, le bilan énergétique global, se traduit, tout au moins pour la France, non pas par une diminution des émissions de CO2 mais bel et bien par une augmentation significative de près de 3 Mt/an. 25

L’ÉNERGIE

primaire (l’énergie nucléaire) et l’énergie finale (la chaleur) est de 30 %, les deux tiers de l’énergie étant rejetés par le circuit de refroidissement de la centrale nucléaire lors de la conversion électrique. L’électricité est considérée comme une énergie noble car elle permet de réaliser quasiment tous les usages finaux. Mais, comme sa production a coûté de l’énergie primaire et qu’il a fallu concéder 66 % de pertes pour la fabriquer, elle sera valorisée à cette hauteur, soit 3 fois sa valeur énergétique intrinsèque exprimée en kWhe (kiloWattheures électriques). Un kWhe vaut donc 3 kWh d’énergie primaire14. À l’opposé, l’énergie thermique à basse température est considérée comme une forme dégradée de l’énergie car elle est généralement la résultante des pertes de conversion dans une opération de transformation énergétique. Elle est de ce fait peu valorisée, voire de valeur nulle et le plus souvent simplement rejetée dans l’environnement15.

14. Signalons l’amalgame fait par certains et souvent repris dans les médias entre le kWh électrique et le kWh thermique primaire. Pourtant, ils ne sont absolument pas équivalents ! 15. Ce n’est pas le cas de la chaleur produite à plus hautes températures qui possède d’autant plus de valeur intrinsèque que sa température est élevée. Nous reviendrons plus loin sur les utilisations possibles de la chaleur en fonction de la température. 26

QUELLE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ?

TRÈS CHÈRE ÉNERGIE

L’ÉNERGIE ET LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN L’être humain a besoin d’énergie pour se développer. Dès l’Antiquité, il brûlait déjà 0,5 tep par an. Il en dépense 4 fois plus en moyenne aujourd’hui mais avec des disparités notables selon les lieux. Si plusieurs régions pauvres de la planète vivent encore avec la consommation énergétique d’un égyptien du temps des pharaons, les habitants de certains pays développés en dépensent jusqu’à 20 fois plus. Pour bien illustrer la relation qui existe entre énergie et développement, on peut représenter l’un quelconque des 45 indicateurs suivis par l’ONU en fonction de l’énergie consommée par habitant pour chaque pays du monde. Prenons l’indice IDH (Indice de Développement Humain) qui est une moyenne entre un indicateur de santé (l’espérance de vie), un indicateur d’éducation (la durée de scolarisation) et un indicateur économique (le PNB par habitant exprimé en parité de pouvoir d’achat). Cet indicateur, qui est un nombre compris entre 0 et 1, fournit une assez bonne représentation du développement d’un pays. En 2011, cet indicateur s’étalait de 0,286 pour le pays le moins développé (le Congo) jusqu’à 0,984 pour le pays le plus développé (la Norvège). La France se situait au 20e rang mondial avec un indice de 0,884. 27

TRÈS CHÈRE ÉNERGIE

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Figure 4 | Indice de Développement Humain (IDH) de l’ONU en fonction de l’énergie dépensée par habitant en tep/an.

La Figure 4 appelle deux observations. Premièrement, endessous de 3 tep/an, il y a une corrélation très claire et directe entre la dépense énergétique et le développement humain. Comme on peut naturellement le subodorer, le développement technique et économique nécessite de l’énergie pour la fabrication des outils modernes servant à l’agriculture, à l’industrie, au transport, aux services et aux soins médicaux. Les conséquences tangibles de l’amélioration du niveau de vie se traduisent ainsi par un accès facilité à la santé et à l’éducation, les deux autres critères entrant dans le calcul de l’indice. Les trois critères sont intimement liés et vont souvent ensemble, sauf dans quelques rares pays très particuliers qui font exception à la règle16. Le second enseignement que l’on peut tirer de la Figure 4 est qu’au-delà de 3 tep/an, on ne constate plus vraiment de corrélation marquée entre les dépenses d’énergie d’un pays et une amélioration de son indice 16. Par exemple, les pays producteurs de pétrole ou de gaz où l’énergie est très bon marché. 28

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TRÈS CHÈRE ÉNERGIE

de développement. Tout semble donc indiquer que des dépenses énergétiques excessives relèveraient plutôt du confort que de la nécessité réelle. On pourrait même parler de gaspillage d’énergie. Une rationalisation des dépenses énergétiques des habitants de ces pays gros consommateurs ne nuirait probablement pas à leur niveau de vie. Dans certains cas, cela leur ferait même le plus grand bien17. À noter que ces deux conclusions restent valables quel que soit le critère de développement utilisé. Que l’on prenne l’un quelconque des 44 autres indicateurs de l’ONU ne modifierait en rien ni la forme de la courbe ni les corrélations observées. L’homme ne peut se passer d’énergie pour son développement mais un trop plein d’opulence mène au gaspillage.

DES BESOINS ÉNERGÉTIQUES TOUJOURS CROISSANTS L’Histoire nous apprend qu’à chaque découverte d’une nouvelle source ayant un contenu énergétique plus intéressant, l’être humain s’est empressé de l’utiliser sans toutefois renoncer aux précédentes. De ce fait, loin de se substituer les unes aux autres, les sources d’énergies s’additionnent au fil du temps. On ne remplace pas les anciennes sources. On les maintient, on continue même à les améliorer et on profite de la nouvelle découverte pour augmenter sa capacité de production. Ainsi, la biomasse traditionnelle est-elle toujours utilisée au même niveau depuis l’Antiquité, y compris dans nos pays développés. C’est que l’homme est assoiffé d’énergie. Plus il en a, plus il invente de nouvelles applications et plus il en réclame davantage. 17. Une énergie abondante peut entraîner un excès d’alimentation et un moindre travail du corps humain, ce qui peut nuire à la santé globale des habitants. Aux États-Unis, la consommation alimentaire moyenne est deux fois plus élevée que nécessaire (3800 kcal/j), ce qui a pour conséquence qu’un américain sur trois est obèse. 29

Énergie primaire (Mtep)

TRÈS CHÈRE ÉNERGIE

15 000 14 000 13 000 12 000 11 000 10 000 9 000 8 000 7 000 6 000 5 000 4 000 3 000 2 000 1 000 0

Consommation énergétique dans le monde

1850

Renouvelables Nucléaire Gaz Pétrole Charbon Hydraulique Biomasse

1900

1950

2000

Année Figure 5 | Évolution de la consommation d’énergie dans le monde. La courbe est croissante sous le double effet de la démographie et de l’augmentation du niveau de vie. On remarque que toutes les sources d’énergie sont continuellement croissantes. Les énergies renouvelables hors hydraulique sont à peine visibles sur cette échelle.

On pourrait essayer d’infléchir cette tendance historique par la contrainte, mais la régulation énergétique s’est historiquement réalisée non par le rationnement imposé mais par la capacité physique de l’accès à la quantité. Non seulement la contrainte serait fort mal vécue mais le besoin de l’homme étant insatiable, la pression ne tiendrait pas longtemps, à moins de sombrer dans un régime vraiment totalitaire. De toute manière, si dans le futur l’on souhaite accéder à d’autres espaces, aller voir ce qui se passe au-delà de notre planète et de notre système solaire, il nous faudra beaucoup d’énergie. Énormément d’énergie. L’Homme ne pourra pas être éternellement confiné à la Terre. Il rêve toujours d’aller plus haut, plus loin et plus vite. Certes, pour faire ce que l’on fait aujourd’hui, nous utiliserons moins d’énergie. Mais nous aurons d’autres besoins, nous créerons de nouveaux modes de vie, de transport, de communication et de nouveaux objets technologiques qui réclameront davantage 30

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TRÈS CHÈRE ÉNERGIE

d’énergie. Au vu de la courbe précédente, il est fort probable que dans le futur, on ne consommera pas moins, mais plus d’énergie. Cependant, on la consommera certainement mieux et plus efficacement qu’aujourd’hui. Cette demande d’énergie continuellement croissante peut être parfaitement illustrée par le cas de la France. Comme on l’a vu précédemment, le XIXe siècle y voit l’expansion du charbon qui devient peu à peu la source principale d’énergie non seulement pour les foyers domestiques mais également pour fabriquer la vapeur industrielle nécessaire à la mécanisation. L’exploitation des mines s’étend peu à peu sur des gisements qui deviennent de véritables chantiers. Les mineurs de fond étaient contraints de s’enfoncer de plus en plus profond dans le sous-sol jusqu’à 1500 m pour extirper la houille. Ces gueules noires, comme on les appelait, travaillaient dans des conditions de pénibilité incroyables. Il fallait descendre de grandes quantités d’air frais dans les mines et en faire évacuer de grandes quantités d’eau. Dans les galeries, les piliers de soutènement étaient souvent fragilisés par le creusement de la roche. Si, par chance, les mineurs échappaient aux coups de grisou, aux éboulements ou aux inondations, ils survivaient rarement à la silicose qui les frappait dès l’âge de la retraite anticipée18. À la sortie de la deuxième guerre mondiale, la nationalisation des industries électriques et gazières pousse l’État français à favoriser le développement de l’hydroélectricité et du gaz naturel. Mais en 1950, le charbon représente encore 73 % de la consommation énergétique primaire de la France contre seulement 12 % pour le pétrole et le reste principalement en hydroélectricité et biomasse traditionnelle. C’est dans un contexte de pénurie énergétique et de rationalisation des charbonnages que l’idée d’un premier regroupement européen est concrétisée. En 18. La silicose est une inflammation pulmonaire provoquée par l’inhalation de poussières de silice. On estime à 34 000 le nombre de mineurs français décédés de cette maladie. Il y avait 358 000 mineurs en 1947 dont plus de la moitié (220 000) dans les bassins du Nord et du Pas-de-Calais. 31

TRÈS CHÈRE ÉNERGIE

1952, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) qui regroupe six pays (Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg et Pays-Bas) préfigure la construction européenne d’aujourd’hui. L’Europe se rassemble donc avant tout sur la mise en commun d’un bien très précieux : l’énergie, symbolisée à l’époque par la fameuse bataille du charbon. L’ouverture des frontières et la modernisation de l’extraction poussent à une restructuration sévère des techniques charbonnières. Mais ce sont les trente glorieuses et la montée en puissance du pétrole, notamment pour le transport, qui signent rapidement le déclin du charbon. Dès 1965, la France consomme davantage de pétrole que de charbon et huit ans plus tard, au moment du choc pétrolier de 1973, près des deux tiers de la consommation énergétique était devenue basée sur le pétrole alors que, corrélativement, la part du charbon se trouvait réduite à 15 %. A partir des années 1980, c’est le nucléaire qui prend le relais de la croissance énergétique et qui permet à chaque français de disposer aujourd’hui de l’équivalent d’environ 4 tep/an. Comme on le note très distinctement sur la Figure 6, la consommation énergétique française a toujours accompagné la croissance économique avec un rythme moyen d’environ 2 % par an. C’est également le taux de croissance moyen constaté dans le monde depuis plus d’un siècle19. À moins d’une récession économique conjuguée avec une natalité en berne, ce que l’on ne souhaite ni pour notre pays ni pour le reste du monde, on peut raisonnablement prévoir que l’augmentation de la demande d’énergie constatée depuis 200 ans se poursuivra dans le futur. Certes la croissance pourrait être un peu freinée grâce à l’amélioration de l’efficacité énergétique mais la consommation continuera d’augmenter à un rythme 19. Le taux de croissance énergétique suit la croissance économique et la démographie. Pour être plus précis, il a augmenté de 1,8 % sur la période 1830-2010, de 2,3 % sur la période 1900-2010 pour finir à 2,8 % sur la période récente 1945-2010. 32

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TRÈS CHÈRE ÉNERGIE

Énergie primaire (Mtep)

300

Consommation d'énergie en France Renouvelables Nucléaire Gaz Pétrole

200

Charbon Hydraulique Biomasse

100

0 1965

1975

1985

1995

2005

Année Figure 6 | Consommation totale d’énergie en France sur la période 1965-2010.

soutenu. Même en considérant un taux réduit de moitié, à 1 %, la consommation atteindra en 2050 près de 400 Mtep pour la France et dépassera les 20 Gtep dans le monde. Les scénarios énergétiques tablant sur des réductions drastiques de la consommation relèvent soit de l’utopie, soit de l’aveuglement pur et simple. Nous vivons dans un monde assoiffé d’énergie et qui ne ralentira pas par un coup de baguette magique. Même un scénario de simple stabilisation de la consommation au niveau actuel sera aujourd’hui considéré comme non crédible, tout au moins tant que l’on n’aura pas trouvé d’alternatives sérieuses aux énergies fossiles. Aujourd’hui, on manque d’énergie bon marché. On nous dit de nous serrer la ceinture, qu’on gaspille trop. Peut-être. On pourrait certainement mieux faire et économiser un peu d’énergie. Mais lorsque j’entends dire ici ou là : regardez comme les allemands sont vertueux car ils ont réduit leur consommation d’électricité, je m’étrangle car l’allemand moyen consomme davantage d’énergie que le français et émet presque deux fois 33

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plus de CO220 ! Réduire la consommation électrique ne veut pas dire être sobre énergétiquement ni être écologiquement propre. C’est même souvent l’inverse. La réduction de la consommation électrique se traduit généralement par une augmentation des autres énergies, souvent fossiles. Et le prix croissant des énergies n’incite absolument pas au gaspillage, loin de là. Je connais des personnes qui arrêtent volontairement leur chauffage en hiver pour réduire leur facture d’électricité. Pas pour des raisons bobo-écolo pour sauver la planète, mais bien parce qu’ils savent qu’ils ne pourront plus payer, pour alléger leur facture de fin de mois. Au XXIe siècle, dans un pays développé, on n’est plus en mesure d’assurer à nos concitoyens le confort thermique d’un homme des cavernes !

LA MONTÉE EN PUISSANCE DE L’ÉLECTRICITÉ La fée électricité fait très rapidement des adeptes au XXe siècle, surtout dans l’industrie et les services. C’est que l’électricité est un vecteur énergétique très souple, au transport aisé qui peut être effectué à longue distance avec peu de pertes. Pas besoin de remplir des réservoirs, de porter ou d’acheminer des tonnes de combustibles. On ne transporte aucune matière ni solide ni liquide et on achemine uniquement cette énergie quand on en a besoin. Pour ce faire, une simple paire de fils ou de câbles en cuivre fait l’affaire. De plus, elle permet quasiment tous les usages, de l’éclairage à la traction en passant par le chauffage 20. Un allemand consomme 3,8 tep/an alors que la dépense moyenne d’un français est de 3,7 tep/an. Ce faisant, il émet nettement plus de CO2 que le français (10 t/an à comparer à 6 t/an) car il utilise davantage d’énergies fossiles. Grâce au nucléaire, le français possède donc une empreinte écologique sur la planète significativement plus réduite que l’allemand. 34

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et la ventilation. Le moteur électrique, basé sur l’induction magnétique, peut transformer l’énergie électrique en énergie mécanique avec un rendement extraordinaire, proche de 100 %. Tous ces avantages font que l’électricité s’est peu à peu substituée à toutes les autres formes d’énergies, quand bien même le rendement de sa production est relativement faible (on a vu précédemment qu’il fallait brûler environ 3 kWh d’énergie primaire pour générer 1 kWh d’électricité). La tendance à la substitution ne semble pas marquer le pas, d’autant que toutes les nouvelles technologies sont conçues pour fonctionner exclusivement à l’électricité. Ainsi, la part de l’énergie primaire passant par la forme électrique représente aujourd’hui 37 % de la consommation totale d’énergie dans le monde et plus de 46 % en France. Si la croissance énergétique mondiale est de l’ordre de 2 % par an, celle de l’électricité dépasse les 3 %. Si cette tendance persiste, plus des deux tiers de l’énergie sera produite et consommée sous forme d’électricité en 2050. L’électricité est donc un enjeu majeur pour le futur de l’énergie. Mais l’énergie électrique possède un gros défaut : elle ne se stocke pas21. Contrairement aux combustibles fossiles qui forment intrinsèquement un réservoir d’énergie libérable à la demande, l’énergie électrique doit être consommée aussitôt qu’elle est produite. La centrale déverse son énergie produite sur le réseau électrique, énergie qui doit être immédiatement absorbée par les utilisateurs finaux. À chaque instant, l’opérateur du réseau22 se doit donc d’équilibrer parfaitement la demande et l’offre. Cet intermédiaire requiert donc du producteur un ajustement permanent avec la demande de ses clients. L’équilibre se fait en réalité par la fréquence du signal électrique. Pour faciliter les changements de tension sur le réseau et utiliser des 21. Du moins pas en grandes quantités. Nous reviendrons plus en détail sur la problématique du stockage dans le dernier chapitre. 22. En France, RTE (Réseau de transport d’électricité), filiale à 100 % d’EDF, est l’unique gestionnaire du réseau de transport d’électricité à hautes tensions, au-delà des 20 kV. 35

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transformateurs, le courant électrique est mis sous la forme d’une onde sinusoïdale à la fréquence nominale de 50 Hz23. Une demande instantanée supérieure à l’offre va entraîner une baisse de la fréquence réseau alors qu’à l’inverse, une offre supérieure à la demande va faire tourner la turbine plus rapidement et augmenter la fréquence. RTE tolère une variation de ±0,5 Hz mais tente de corriger le plus rapidement possible dès qu’il s’aperçoit que la fréquence s’écarte un tant soit peu de la valeur nominale de 50 Hz. Le producteur d’électricité se doit donc d’avoir sous le coude un volant de production qu’il peut faire varier rapidement dès que le réseau le lui demande. Pour cela, il se dote de moyens spécifiques comme des turbines à gaz ou des barrages hydrauliques. Historiquement, les premières centrales étaient hydroélectriques. Les grands barrages peuvent être considérés comme un moyen de stocker l’électricité. D’ailleurs, c’est exactement ce que fait le producteur EDF. Si la production est trop importante par rapport à la demande, par exemple la nuit, l’excédent électrique sert à actionner des pompes qui remonteront de l’eau dans le réservoir en amont du barrage. A l’inverse, lors d’un pic de forte demande, qui arrive souvent entre 19 h et 20 h le soir, une part de l’eau stockée dans les barrages est relâchée. Sa chute entraînera une turbine qui va produire le surplus demandé d’électricité. Les besoins en capacité de stockage se chiffrant en TWh24, seules les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) sont capables de stocker de l’énergie à cette échelle. La capacité

23. Cette valeur résulte d’une optimisation entre les pertes de transport dans les lignes et les gros composants, générateurs et transformateurs. Elle évite le désagrément de scintillement perceptible par l’œil humain à basse fréquence. Cependant, l’optimum est plat et on pourrait très bien choisir n’importe quelle autre fréquence proche de cette valeur. D’autres pays comme les États-Unis ont préféré utiliser la fréquence de 60 Hz. 24. Térawattheure = 1012 Wh = 1 milliard de kWh. 36

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hydroélectrique installée en France est aujourd’hui de 25 GW25, soit le quart de la capacité totale de production, toutes sources confondues. Elle assure régulièrement tous les ans environ 10 % de la production électrique. Les barrages, STEP compris, offrent donc la souplesse, la rapidité et la capacité nécessaires au réseau électrique. En plus du maintien de l’équilibre offre-demande, l’hydraulique permet également la régulation saisonnière. On remplit les barrages en période de faible consommation (au printemps et en été) pour accumuler de la réserve d’énergie pour la saison froide. Ainsi, les barrages pleins à 85 % en fin d’été sont progressivement vidés jusqu’à atteindre un minimum de 30 % au début du printemps. Cependant, le nombre et la puissance des barrages sont physiquement limités. Contrairement à d’autres pays, la France a la grande chance de disposer de régions montagneuses offrant du dénivelé. Mais une fois que l’on a équipé tous les fleuves et toutes les rivières de France, la puissance hydraulique exploitée sera maximale. On atteindra alors la limite de cette ressource naturelle. On pourrait construire si nécessaire quelques barrages artificiels (des STEP) mais ceux-ci ne génèreront pas de puissance hydraulique supplémentaire. Ils ne serviront au mieux qu’à gérer les variations journalières ou saisonnières de la demande, ce qui n’est déjà pas si mal. Une autre limitation intrinsèque provient de la surface occupée par ces barrages et de leur empreinte environnementale. Ce sont des gigantesques constructions d’une hauteur de 100 à 200 mètres utilisant des centaines de milliers de mètres cubes de béton. De plus, les grandes retenues d’eau occupent un territoire relativement

25. En France, la capacité hydroélectrique est de 14,256 GW pour 650 barrages et de 10,532 GW pour plus de 2000 centrales éclusées ou au fil de l’eau. Les turbines au fil de l’eau fonctionnent en permanence et dépendent du débit d’eau qui est variable avec les saisons et la pluviométrie. Leur électricité est fatale car subie par le réseau. Seuls les barrages permettent une régulation de la production. 37

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important26 et perturbent l’écosystème. La construction d’énormes barrages oblige souvent au déplacement des populations avoisinantes27 et certains lâchers d’eau peuvent entraîner des risques de noyade. Grâce à ses avantages multiples, l’hydroélectricité s’est développée tout au long du XXe siècle. Ses limites physiques ont rapidement été atteintes alors que la demande en énergie électrique n’a cessé de croître. La Figure 7 représente l’augmentation de la consommation d’énergie électrique en France depuis 1996. eQHUJLHpOHFWULTXHFRQVRPPpHVXUOHUpVHDXIUDQoDLV 



7:K 





 





























$QQpH Figure 7 | Évolution de l’énergie électrique consommée sur le réseau français. La croissance correspond à une demande additionnelle de 7 TWh/an.

Ce qu’indique clairement la courbe précédente, c’est que la demande croissante en électricité va se poursuivre, même si l’on réussissait à stabiliser la dépense énergétique globale. Ne seraitce que par le seul effet de substitution aux énergies fossiles, la 26. Le lac artificiel de Serre Ponçon dans les Hautes Alpes sur la Durance s’étend sur une surface de 28,2 km2. 27. Le plus grand barrage du monde, celui des Trois Gorges en Chine sur la Yangzi Jiang, peut développer une puissance de 18,2 GW. Sa construction, qui s’est étalée sur 15 ans, a inondé 1500 km2 de terres et nécessité le déplacement d’un million huit cent mille habitants. 38

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consommation électrique augmente de 1 % par an. La pente observée depuis deux décennies de +7 TWh/an correspond à la construction d’un réacteur nucléaire de type EPR tous les deux ans. Or, cela fait belle lurette qu’aucun nouveau réacteur nucléaire n’a divergé en France. Le prochain réacteur en construction à Flamanville ne fournira de l’électricité au réseau qu’en 2016. Le temps où l’on parlait de surcapacité électrique est bel et bien révolu. Il fut une période vers la fin du siècle dernier où notre seule capacité nucléaire suffisait à couvrir la totalité de la consommation du pays. Aujourd’hui, le cumul de dix années de non-construction engendre un écart de plus de 50 TWh/an. Écart qui se creuse encore un peu plus tous les ans. Ce déficit est d’autant plus crucial en saison hivernale que l’on se trouve maintenant dans l’obligation d’importer l’électricité de chez nos voisins, notamment d’Allemagne, car nos capacités ne suffisent plus. En attendant, il faut bien satisfaire la demande. Les énergies renouvelables n’offrant qu’un maigre apport et étant par nature intermittentes, on se rabat sur le gaz, faute de nucléaire. Et tant pis pour les émissions de CO2, tant pis pour notre balance commerciale et tant pis pour notre indépendance énergétique. Il est ainsi prévu d’ici 2015 la construction de 11 nouvelles centrales fonctionnant avec un cycle combiné à gaz (CCG28) pour une puissance installée additionnelle de 4800 MW29. Sur le réseau électrique, la capacité en énergie thermique à combustible gaz devrait quasiment doubler dans les 5 ans qui viennent, EDF prévoyant la connexion d’au moins 3 nouvelles centrales au gaz30. Le report permanent de la décision de construction de nouveaux réacteurs nucléaires 28. Les centrales à gaz modernes associent deux cycles thermodynamiques, l’un à gaz et l’autre à vapeur, pour augmenter le rendement global de conversion en électricité qui passe ainsi de 38 % à près de 60 %. 29. Ces centrales couvrent également des besoins d’industriels qui se dotent de capacités internes. Seule une partie de cette production sera déversée sur le réseau. 30. Il s’agit de la centrale de Blénod (Pont-à-Mousson) de 440 MWe inaugurée en février 2012 et des deux centrales à Martigues-Ponteau de 39

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implique la nécessité de construire de nouvelles centrales au gaz. De fait, dans la pratique, l’emploi du gaz apparaît comme la seule alternative crédible à l’énergie nucléaire.

LE CHAUFFAGE ÉLECTRIQUE À en croire certains, le chauffage français serait responsable de tous les maux car une grande partie de nos concitoyens a opté pour l’installation de convecteurs électriques dans leur habitat. Nous reviendrons plus loin sur les raisons notamment économiques qui mènent le plus souvent à ce choix. Mais avant de crier haro sur le baudet et de pointer du doigt le coupable idoine, apportons quelques précisions sur la réalité de la situation en la matière. Tout d’abord, il faut savoir que le chauffage électrique ne représente que 29 % de la consommation énergétique totale due au chauffage31. En effet, la plupart de nos compatriotes se chauffent au gaz (43 %) et au fioul32 (18 %). Si l’on rajoute les 5,4 % qui utilisent encore le charbon, plus des deux tiers de la consommation énergétique du résidentiel-tertiaire pour le chauffage reste à base d’énergies fossiles. On est donc très loin du tout électrique. Néanmoins, il suffit que l’atmosphère extérieure se refroidisse d’un degré Celsius en hiver pour que l’appel sur le réseau électrique augmente de 2300 MW. Cette sensibilité à la température est caractéristique de la situation française où l’utilisation du chauffage électrique est facilitée grâce 460 MWe chacune. Une autre centrale au gaz de 510 MWe est prévue pour 2015 sur le site du Bouchain (Nord). 31. Le chauffage est le principal poste de dépenses d’énergie dans un logement. Il représente en moyenne 69 % de la consommation énergétique totale dans le résidentiel et 45 % dans le tertiaire. 32. Étant donné le renchérissement du prix du pétrole, de plus en plus de particuliers remplacent leur chaudière au fioul par une chaudière au gaz, voire une chaudière électrique. 40

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TRÈS CHÈRE ÉNERGIE

à un coût de production relativement faible et compétitif avec les autres formes d’énergies. D’ailleurs qui ne possède pas chez lui un ou plusieurs radiateurs d’appoint électrique ? Un coup de froid hivernal qui fait brusquement chuter la température d’une dizaine de degrés et c’est une production électrique de 23 GW supplémentaires qu’il faudra générer. La capacité hydraulique d’ajustement n’étant plus suffisante, les électriciens vont mettre en route des centrales thermiques (au gaz, au charbon et même au fioul) pour faire face à ce surplus de demande. C’est cette pointe qui est responsable des émissions de gaz à effet de serre de l’électricité en France. Sans cette production thermique, la France pourrait se targuer d’avoir une électricité entièrement décarbonée. On n’aurait nullement besoin de rajouter d’autres sources d’énergie électrique dites « propres » puisque l’on dispose déjà de sources sans émissions de gaz à effet de serre : le nucléaire et l’hydraulique, comptant pour 90 % de la production totale. Chaque année, nous sommes régulièrement invités une heure durant à éteindre la lumière et tous nos appareils électriques dans le seul but d’émettre moins de CO2. C’est complètement ridicule et absurde. En France, ce jour-là33, l’électricité était produite à 100 % sans carbone34. Le fait d’arrêter brutalement 2,26 GW n’a donc eu strictement aucune conséquence sur l’environnement, mis à part induire un peu de fébrilité auprès des employés de RTE qui ont dû se préparer techniquement pour atténuer l’impact de ces variations brutales sur le réseau.

33. Le 31 mars 2012 entre 20h30 et 21h30. 34. La production électrique réalisée peut être consultée en ligne sur l’excellent site public de RTE http://clients.rte-france.com/lang/fr/clients_consommateurs/vie/prod/realisation_production.jsp. Le 31 mars entre 20h et 21h, les réacteurs nucléaires fournissaient 46.6 GW et l’hydraulique 4,95 GW, auxquels il convient de rajouter les productions fatales (fil de l’eau, éolien, solaire, etc.) soit un total bien supérieur à la consommation (49,75 GW). L’excédent de plus de 11 GW fut exporté vers nos voisins. La production thermique était quasinulle (pas de charbon ou de fioul, uniquement 0,2 GW de gaz). 41

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LES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE

LE CHANGEMENT CLIMATIQUE La modification d’origine anthropique du climat de la terre est une évidence incontestable. L’ensemble des activités humaines rejette des gaz à effet de serre qui ont une incidence sur l’absorption du rayonnement infrarouge émis par notre planète. Ce phénomène, connu depuis le XIXe siècle35, est appelé forçage radiatif. La mesure de la concentration en gaz carbonique dans l’atmosphère terrestre correspond aux estimations des émissions dues notamment à l’usage intensif des énergies fossiles depuis la révolution industrielle. Jamais, depuis plus d’un million d’années, l’atmosphère terrestre n’aura renfermé autant de gaz à effet de serre (Figure 8). Nous en sommes aujourd’hui à près de 400 ppm36 au lieu des 280 ppm de l’époque préindustrielle qui servent de référence aux climatologues. Et cette valeur augmente inexorablement d’environ 2 ppm par an. Si nous 35. Dès 1896, Svante Arrhénius avait déjà émis l’hypothèse d’une modification de l’effet de serre due à un changement de concentration en gaz carbonique dans l’atmosphère. 36. Très exactement 396 parts par million en volume. 43

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persistons dans l’utilisation massive de combustibles fossiles, nous atteindrons les 600 ppm en 2100.

 

 

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7HPSV QRPEUHGҋDQQpHVDYDQW Figure 8 | Concentration en CO2 dans l’atmosphère terrestre depuis 10000 ans37.

Si l’influence des activités humaines sur l’augmentation de la concentration atmosphérique en CO2 et autres méthane n’est nullement mise en doute, ses conséquences sur l’écosystème font l’objet de débats et de discussions scientifiques. Quel sera l’impact réel de la montée des mers, de la fonte des glaciers, de l’acidité des océans, de la circulation des courants marins, de la biodiversité des espèces ou de la température moyenne au niveau du sol ? Toutes ces questions sont étudiées par les scientifiques. Normalement, 37. Tiré du 4e rapport du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat, GIEC 2007 : Bilan 2007 des changements climatiques. 44

QUELLE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ?

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les carottages glaciaires ou les sédiments géologiques peuvent renseigner sur les climats passés. Mais notre planète n’ayant jamais expérimenté une telle configuration, il est assez difficile de prédire ce que sera la vie sur terre dans une atmosphère à forte teneur en gaz à effet de serre. En tout état de cause, le réchauffement climatique sera une réalité dont l’humanité devra bien s’accommoder. Toute la question est de savoir si une trop forte teneur en gaz carbonique ne va pas entraîner des phénomènes climatiques irréversibles en face desquels l’homme sera impuissant, confronté qu’il sera à l’impossibilité d’un retour en arrière quand bien même il décidait en fin de compte d’arrêter toute émission de gaz. En effet, de véritables basculements climatiques comme la fonte des glaciers du Groenland ou le changement de cours du Gulf Stream sont tout à fait plausibles. Si le changement climatique est inéluctable, peut-on prendre le risque d’une modification totalement irréversible ? Ne serait-il pas prudent d’atténuer le plus possible le réchauffement pour éviter une situation qui pourrait devenir totalement incontrôlable ? Le gain actuel tiré de l’exploitation des énergies fossiles vaut-il le risque encouru légué à nos descendants ? Telle est la question centrale posée depuis une vingtaine d’années et qui sous-tend toutes les actions coordonnées au niveau mondial pour la lutte contre une trop forte augmentation des rejets de gaz à effet de serre.

LES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE On appelle gaz à effet de serre les molécules dont la présence dans l’atmosphère peut modifier l’équilibre thermique de la Terre. La plus importante de ces molécules est la vapeur d’eau qui forme les nuages. Sans son forçage radiatif de 67 W/m2, la température de la terre serait tout bonnement glaciale à -18 °C. Les autres molécules sont, par ordre d’importance, le 45

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gaz carbonique, l’ozone, le méthane, le protoxyde d’azote, les fluorocarbures et l’hexafluorure de soufre38. La majorité des gaz à effet de serre ont pour origine des sources naturelles39. Le gaz carbonique étant le principal responsable de l’amplification de l’effet de serre, on exprime le pouvoir de réchauffement des autres molécules en équivalent CO2. En défrichant les forêts et surtout en brûlant des combustibles fossiles, les activités humaines libèrent de grandes quantités de CO2 dans l’atmosphère. Bien qu’elles soient nettement plus faibles que les émissions naturelles40, ce sont ces émissions qui focalisent l’attention générale car elles seraient responsables de la majorité du forçage radiatif des gaz à effet de serre d’origine anthropique. Les forêts terrestres sont capables d’absorber une partie de l’excédent de gaz grâce à la photosynthèse. Les océans peuvent dissoudre une partie du gaz carbonique de l’atmosphère, dissolution qui entraîne par ailleurs une acidification des mers et un risque de perturbation des équilibres chimiques des organismes marins. Cependant, les deux effets combinés des forêts et des océans ne parviennent qu’à contrebalancer à peine la moitié des émissions humaines annuelles41. L’autre moitié s’accumule donc dans l’atmosphère. Cette augmentation est responsable du changement climatique. 38. Les chlorofluorocarbures (CFC) ont été bannis en 1987 à cause de leur rôle dans la destruction de la couche d’ozone. Ils ont été remplacés par les gaz hydrofluorocarbures (HFC) non chlorés pour les mousses, bombes aérosols ou autres fluides de réfrigération. Quant à l’hexafluorure de soufre, il était utilisé comme isolant dans les transformateurs. 39. La vapeur d’eau provient de l’évaporation des mers, le gaz carbonique de la respiration animale et végétale, le méthane de la fermentation des matières organiques et le protoxyde d’azote des sols et des océans. 40. Les émissions dues à l’utilisation des énergies fossiles sont d’un ordre de grandeur inférieur aux émissions naturelles de la biosphère et de l’hydrosphère, estimées à 550 Gt/an. 41. On estime que les forêts peuvent absorber jusqu’à 9,5 Gt/an et que les océans dissolvent près de 8,1 Gt/an, alors que nos émissions de CO2 dépassent les 30 Gt/an. De plus, il faut prendre en compte le changement 46

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Tableau 1. Tableau des gaz à effet de serre. Grâce à la vapeur d’eau, la température moyenne de la terre est clémente (14 °C au lieu de -18 °C). Même si une molécule de méthane possède un pouvoir de réchauffement 24 fois plus élevé qu’une molécule de gaz carbonique, ce sont bien les émissions de CO2 qui génèrent l’essentiel du forçage radiatif d’origine anthropique. Gaz à effet de serre Concentration dans l'atmosphère

Molécule

Durée de séjour dans l'atmosphère

Pouvoir de réchauffement (sur 100 ans)

Forçage radiatif anthropique 2

(ppb)

(ans)

(par rapport au CO 2)

(W/m )

Vapeur d'eau

H2O

3 000 000

0.02

8

?

Dioxyde de carbone

CO 2

396 000

50 à 200

1

1,66

Ozone

O3

3,4

0,008

ns

0,30

Méthane

CH 4

1 774

4 à 12

24

0,48

Protoxyde d'azote

N2 O

319

114

300

0,16

HFC, PFC

0,144

1 à 10000

10000

0,25

SF6

0,005

3200

22800

0,08

Fluorocarbures Hexafluorure de soufre

LES ÉMISSIONS DUES À L’ÉNERGIE Il est relativement aisé de calculer les émissions annuelles de CO2 dues à la combustion d’énergies fossiles. En effet, si l’on suppose une combustion totale, chaque atome de carbone finit par s’allier avec deux atomes d’oxygène pour former une molécule de CO2. Ainsi, si l’on brûle entièrement une mole de charbon pesant 12 g, on génèrera une mole de CO2, soit 44 g. Il suffit donc de multiplier la consommation de charbon par 3,66 pour estimer la quantité totale de CO2 due à l’emploi du charbon. En opérant de manière similaire pour le pétrole et le gaz, on obtient les émissions totales de gaz carbonique en additionnant la contribution de ces trois principales sources d’énergie. Ainsi, d’affectation des sols (déforestation, agriculture) qui est équivalent à des émissions additionnelles. 47

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en 2011, la combustion d’énergie dans le monde a relâché plus de 34 Gt de gaz carbonique dans l’atmosphère. C’est trois fois plus que ce que le système terre ne peut supporter. Il faut néanmoins souligner qu’il existe de très importantes disparités entre les pays. Car non seulement certains dépensent plus ou moins d’énergie par habitant selon leur niveau de vie, mais, pour une énergie utilisée identique, les émissions de CO2 peuvent être très différentes selon les lieux et le mode de production. Prenons un pays développé comme l’Allemagne. En 2011, sa consommation d’énergie primaire était de 306 Mtep et ses émissions de CO2 de 803 Mt. Par comparaison, cette même année, la France a consommé 243 Mtep d’énergie primaire en émettant seulement 375 Mt de CO2. Ainsi, alors que le français moyen consomme peu ou prou la même quantité d’énergie que l’allemand moyen, il émet près de deux fois moins de gaz carbonique. La raison de cette différence notable est l’utilisation du nucléaire pour la génération d’électricité. D’ailleurs, la France affiche, avec la Suède, l’un des plus bas taux d’émissions de gaz à effet de serre des pays développés. Ce, alors même que le taux de pénétration des énergies renouvelables est encore très faible dans notre pays. Ce n’est donc pas en clamant haut et fort que l’on développe tous azimuts les énergies renouvelables que cela se traduira dans les faits par un comportement responsable et soucieux de l’environnement. N’en déplaise à certains, grâce à son nucléaire, la France est deux fois plus vertueuse que l’Allemagne en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Si les allemands souhaitent vraiment réduire leurs émissions d’une manière efficace, et ne pas uniquement avoir une posture d’affichage, ils seraient avisés de suivre l’exemple de leur voisin gaulois en matière énergétique. Par ailleurs, il faut savoir qu’aujourd’hui, un chinois émet davantage de gaz carbonique qu’un français, quand bien même sa consommation énergétique est deux fois plus faible et son niveau de vie moins élevé. Vu l’importance des enjeux liés au changement climatique, l’objectif ne devrait pas être de dépenser moins d’énergie, mais plutôt de dépenser 48

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mieux, sans émettre de CO2, en visant un ratio (émissions/ énergie) plus faible. Là où la Chine exhibe un ratio de 3,4 proche de celui du charbon pur, la France affiche un ratio de seulement 1,5 et pourrait certainement encore mieux faire. Un ratio de 1 pourrait être un but assigné atteignable à moyen terme, y compris au niveau mondial. Cet objectif ambitieux mais raisonnable serait certainement mieux accepté par les pays que la stricte restriction de dépense énergétique, totalement hors de portée et synonyme de décroissance. Tableau 2. Comparaison des émissions de gaz à effet de serre dans quelques pays ou régions du monde. Parmi les pays développés, la France est l’un des pays qui affiche les émissions les plus faibles par habitant.

PAYS

Consommation énergétique (hors biomasse)

Émissions de CO2

Ratio (tCO 2/tep)

(tep/an/hab)

(tonnes/an/hab)

États-Unis

7,1

18,9

2,7

Allemagne

3,8

9,8

2,6

Europe

3,5

8,1

2,3

Chine

1,9

6,7

3,4

France

3,7

5,7

1,5

Inde

0,5

1,5

3,2

1,8

4,9

2,8

MONDE

En 1998, le Conseil mondial de l’énergie a tenté de fournir des prospectives sur les évolutions possibles de la consommation énergétique mondiale au XXIe siècle. Les experts ont établi plusieurs scénarios regroupés en trois grandes tendances. Le premier scénario (Fig. 9) est celui dans lequel aucune contrainte autre qu’économique ne s’exercerait sur la fourniture d’énergie. Ce scénario A et ses variantes, dénommé « business as usual », était considéré comme insoutenable à long terme et menant droit à une catastrophe écologique à cause de l’effet de serre. La seconde tendance laissait faire le marché tout en imposant 49

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des pressions écologiques acceptables sur l’énergie. Ce scénario B était considéré comme équilibré et indiquait les efforts nécessaires à accomplir pour infléchir la courbe des émissions. La troisième tendance était à dominante purement écologique et visait à mettre tout en œuvre pour stopper les émissions, quitte à en payer le prix fort. Si ce troisième scénario était parfaitement irréaliste à l’échelle mondiale, il exhibait tout au moins un intérêt pédagogique en montrant l’inertie du système. Même avec des actions très volontaristes, il s’écoulerait plusieurs décennies avant que nos courbes d’émissions ne décroissent pour rejoindre la limite acceptable par la biosphère. Malheureusement, avec le recul d’une quinzaine d’années, il s’avère que notre monde énergétique est encore plus vorace que prévu, les émissions de gaz à effet de serre excédant les projections du scénario le plus pessimiste. C’est que les experts de l’époque n’avaient nullement anticipé la montée en puissance des pays asiatiques et notamment de la Chine. En une décennie, la demande énergétique chinoise a bondi de +250 %, suivant en cela l’augmentation extraordinaire du PIB de ce pays. En même temps qu’un géant économique, la Chine est devenue aujourd’hui le principal émetteur de gaz à effet de serre dans le monde. Son développement économique n’a pu se concrétiser que grâce à un développement énergétique de même ampleur en mobilisant ses immenses ressources en charbon. Un fait illustre parfaitement cette boulimie énergétique : chaque semaine, une nouvelle centrale électrique alimentée par du charbon est raccordée au réseau chinois. Il y a 25 ans, la Chine générait quasiment autant d’électricité que la France. Aujourd’hui, elle en produit 8 fois plus42.

42. La production d’électricité chinoise a atteint 4700 TWh en 2011. L’augmentation par rapport à 2010 est de +500 TWh, soit presque l’équivalent de la production annuelle française. 50

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Figure 9 | Prospectives de l’évolution de la consommation mondiale de l’énergie vue par le Conseil mondial de l’énergie. La bande hachurée représente le niveau maximal pouvant être absorbé par les forêts et les océans. Contre toute attente et malgré les appels à la modération pour cause de lutte contre le réchauffement climatique, la consommation réelle est en train de dépasser la courbe du scénario le plus pessimiste.

ÉMISSIONS DE CO2 PAR SOURCE D’ÉNERGIE Si la Chine pollue autant, c’est parce qu’elle a recours au charbon comme principale source d’énergie 43. Toutes les sources d’énergie ne sont pas équivalentes vis-à-vis des rejets de gaz à effet de serre. Afin d’établir une comparaison honnête entre les différentes sources, il convient d’estimer les rejets effectués pour la production d’une même grandeur physique : le kWh électrique. Pour ce faire, on comptabilise non seulement les émissions liées à la production proprement dite de la centrale électrique mais également les gaz qui ont 43. En Chine, la répartition de la consommation selon les sources d’énergie est la suivante : 70 % charbon, 18 % pétrole, 6 % hydraulique, 4 % gaz, 1 % nucléaire, 1 % renouvelables. 51

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été émis lors de la construction de la centrale et ceux qui le seront au cours des opérations de déconstruction et de démantèlement à la fin de vie de l’installation. Cette façon de procéder, appelée analyse du cycle de vie, est maintenant d’usage répandu dans l’évaluation du bilan carbone de toute activité humaine. En parcourant tout le cycle, de la mine au déchet, on prend en compte l’impact global de la chaîne de production. Ainsi, le bilan carbone de la génération d’un kilowattheure électrique sera la somme des émissions directes dues à la combustion et des émissions indirectes dues aux processus réalisés en amont et en aval de cette production. Bien entendu, l’essentiel du bilan carbone des énergies fossiles provient de leur combustion à l’air dans les centrales. Mais les autres énergies, hydraulique, nucléaire et renouvelables, n’en sont pas totalement exemptes. Bien que ne produisant aucun gaz à effet de serre en fonctionnement, elles possèdent un bilan carbone faible mais non nul. Car il faut bien consommer de l’énergie pour fabriquer le béton, extraire l’uranium des mines ou purifi er le silicium. En conséquence, on évalue l’ensemble des émissions indirectes et on les affecte à la totalité des kWh produits au cours de la durée de vie de l’installation. Le résultat des analyses de cycle de vie est montré sur la Figure 10. Avec 1000 gCO2 par kWhe, le charbon est la source d’énergie la plus polluante, deux fois plus que le gaz naturel. À l’opposé, grâce au fameux facteur 100 000 décrit au premier chapitre, l’électricité d’origine nucléaire est celle qui émet le moins de CO2 par unité d’énergie. On comprend ainsi pourquoi certains pays (comme la Chine) sont très polluants et pourquoi certains autres (comme la France) le sont beaucoup moins, malgré une dépense énergétique relativement élevée.

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Figure 10 | Émissions de gaz à effet de serre des différentes sources d’énergie44.

LA TAXE CARBONE Depuis le sommet de Rio en 1992, les scientifiques du GIEC45 alertent sur le réchauffement climatique. Vingt ans après, malgré la mobilisation médiatique à l’échelle internationale et les sommets mondiaux successifs, le constat est accablant. La contrainte climatique, diffuse et lointaine, ne semble pas suffisamment prégnante pour inciter à des actions importantes et rapides. Le scénario de l’AIE46 à 450 ppm qui préconisait de diviser par 2 les émissions d’ici à 2050 est d’ores et déjà caduc. Car les émissions déjà engagées nous feront indubitablement 44. Étude réalisée par l’auteur à partir d’une synthèse des publications suivantes : Imamura (2011), Safa (2011), IEA (2010), UFE (2009), EDF (2005 et 2009), ISA (2008), Weisser (2007), PSI (2007), ADEME (2005), Hondo (2005), WEC (2004) et Dones (2003). 45. Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat. 46. Agence internationale de l’énergie. 53

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excéder cette limite. Certes, il y a eu le Protocole de Kyoto en 1997 qui a été suivi par quelques efforts essentiellement concentrés en Europe. Mais le plus gros pollueur de l’époque, les ÉtatsUnis, l’ayant signé mais non ratifié, l’a superbement ignoré. Et le plus gros pollueur actuel, la Chine, n’y était pas contraint. Les gouvernements ont à leur disposition plusieurs instruments pour tenter d’infléchir les émissions de CO2 : autorisations de rejets, subventions, tarifs de rachat, crédits d’impôt, taxes. L’idée générale est de favoriser financièrement les énergies non émettrices et d’alourdir le coût pour les autres. Il serait a priori logique de faire supporter le coût du réchauffement climatique par les responsables de ce réchauffement, à savoir les émetteurs de gaz carbonique. Cependant, d’une part, personne n’est en mesure de chiffrer le véritable coût du changement climatique47. D’autre part, notre société étant basée à 80 % sur l’utilisation d’énergies fossiles, l’impact d’un renchérissement trop brutal de l’énergie serait dommageable pour la croissance économique. Le dosage de la contrainte climatique s’avère délicat à mettre en œuvre. Par ailleurs, une gouvernance mondiale est requise car si l’effort n’est pas réalisé au même niveau par l’ensemble des pays, d’une part, l’impact de l’action sera automatiquement limité et de l’autre, des distorsions économiques peuvent apparaître entre les différentes zones économiques. À titre d’exemple, le marché de quotas de CO2 instauré par l’Union Européenne en 2003, s’est révélé peu efficace et contreproductif. Le caractère fortement volatil de ce type d’instrument allié à des malversations financières (fraude à la TVA, vol de quotas) a manifestement démontré les limites d’un tel système. 47. Un rapport remis au gouvernement britannique en 2006 et coordonné par Nicholas Stern, « The Economics of Climate Change », a tenté d’évaluer le coût du changement climatique. Sa conclusion principale est que si rien n’est fait, le réchauffement climatique induirait une perte de 5 % de valeur en PIB chaque année. C’est une somme qui se chiffre en milliers de milliards de dollars par an pour le monde. La perte serait limitée à 1 % si des actions fortes étaient entreprises au niveau international. 54

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L’effondrement des prix du cours, que ce soit dans la première phase (2005-2007) au cours de laquelle une allocation excessive de permis gratuits d’émissions a été distribuée, ou dans la phase actuelle (2008-2012) indique clairement un fonctionnement complexe et peu lisible48. Une taxe mondiale fixe, instaurée à toute émission de gaz carbonique, serait certainement nettement plus simple et plus efficace. Son niveau pourrait être modulé en fonction des efforts à faire pour atteindre les objectifs globaux de réduction d’émissions. Malheureusement, plusieurs pays et non des moindres, s’opposent violemment à sa mise en place et contestent sa nécessité et même sa légitimité.

48. Le coût de la tonne de CO2 sur le marché EU-ETS est aujourd’hui aux alentours de 8 €. 55

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LA TROMPERIE DE LA « TRANSITION ÉNERGÉTIQUE »

Initialement, la « transition énergétique » signifiait vouloir se défaire des énergies fossiles : charbon, pétrole et gaz pour éliminer les émissions de CO2. Progressivement, et voyant que la société moderne ne pouvait se séparer facilement de ces énergies indispensables, un glissement sémantique s’est imperceptiblement opéré dans l’opinion et les médias, savamment entretenu par certains, si bien que cette transition est devenue quasiment synonyme de « sortir du nucléaire ». L’accident de Fukushima a partiellement contribué à accélérer cette mutation de point de vue et d’objectif. Ainsi, la « transition énergétique » ou « écologique », c’est selon, est ainsi comprise par tout un chacun comme « remplacer le nucléaire par des énergies renouvelables ». Comment en est-on arrivé là ? Comment se fait-il que le but initial de réduction des émissions de gaz à effet de serre soit ainsi dévoyé, au point de promouvoir en pratique l’inverse de ce que l’on souhaitait ? Car, comme on l’a vu au chapitre précédent, le nucléaire n’émet pas de CO2 et son remplacement par les renouvelables signifie incontestablement une augmentation de fait de nos émissions.

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LA TROMPERIE DE LA « TRANSITION ÉNERGÉTIQUE »

Le politique s’est emparé de cette notion de « transition énergétique » qui est devenue en quelque sorte une vertu vers laquelle le monde évolué devra tendre. Une sorte de Graal absolu ou dans un monde idéal, l’on ne vivrait que d’énergie gratuite fournie par le soleil, le vent ou la mer. Comme au paradis. Ce paradigme est maintenant assaisonné à toutes les sauces, mais en réalité sous cette dénomination se profilent des visions très différentes selon les personnes, les partis ou les états.

METTRE DES ÉNERGIES RENOUVELABLES, C’EST CHOISIR LE GAZ Mis à part l’hydraulique qui est une énergie traditionnellement utilisée pour produire de l’électricité, les énergies renouvelables recouvrent l’éolien, le solaire, la géothermie et les énergies marines. La biomasse et les biogaz, utilisés depuis la nuit des temps, ne sauraient être considérés comme renouvelables stricto sensu sauf si l’homme replante ce qu’il utilise comme combustible. En France, ni la géothermie ni les énergies marines, à l’exception notable du barrage de la Rance, ne sont réellement exploitées pour la production électrique49. Les 4000 éoliennes installées ces cinq dernières années produisent environ 2 % de l’électricité totale. Quant aux panneaux photovoltaïques, bien que le gouvernement ait fortement encouragé le développement de cette technologie grâce à des tarifs de rachat extrêmement

49. L’usine marémotrice de la Rance en Bretagne déploie une puissance de 240 MW grâce aux mouvements des courants marins remontant dans l’estuaire du fleuve. L’exploitation de l’énergie des marées n’est possible que dans les lieux où les marées sont importantes et où la zone de marnage est grande (15 mètres d’écart entre la marée haute et la marée basse). Peu d’endroits sur terre obéissent à ces critères. 58

QUELLE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ?

LA TROMPERIE DE LA « TRANSITION ÉNERGÉTIQUE »

attractifs et que plus de 2000 MWc50 de puissance ait été installée, ils ne contribuent qu’à hauteur de 0,1 % de la production électrique. C’est tout à fait marginal car le rendement global d’une cellule solaire est très faible51. Mais le problème principal de ces énergies renouvelables, c’est qu’elles sont intermittentes. Une éolienne ne tourne que s’il y a du vent52. Et une cellule photovoltaïque ne produit de l’électricité que s’il y a du soleil. Le vent peut parfois souffler en rafales ce qui fait des à coups sur l’éolienne. Si la nuit, il ne faut pas espérer obtenir le moindre kWh d’un panneau photovoltaïque, le simple passage d’un nuage peut provoquer des baisses de courant significatives en journée. Il faut donc assurer la fourniture du courant électrique par une autre source d’énergie53. On appelle cela du « back-up » ou réserve d’énergie en support54. Cette énergie devra être assez 50. Pour un panneau solaire photovoltaïque, on utilise le Watt-crête (noté Wc). C’est la puissance électrique maximale que peut fournir le panneau lorsque le soleil est au zénith. Un panneau industriel d’une surface d’un mètre carré peut fournir 150 Wc. 51. Le rendement d’un panneau photovoltaïque dépend de l’ensoleillement du lieu. Le rendement moyen en France est de l’ordre de 10 % sur l’année, soit de 900 heures en équivalent pleine puissance. Typiquement, un panneau de 1 kWc va générer 1 MWh électriques sur l’année, l’essentiel de la production étant réalisé les journées de fort ensoleillement pendant l’été. 52. Les éoliennes ne fonctionnent correctement que dans une plage de vitesse de vent définie, typiquement entre 15 km/h et 90 km/h. Si le vent est trop faible, l’hélice ne tourne pas. À l’inverse, si le vent est trop violent, les pales sont alors volontairement mises en drapeau car il y a un risque de rupture mécanique. 53. L’idée de foisonnement qui consiste à dire qu’il y a toujours du vent ou du soleil quelque part est une pure vue de l’esprit. Lorsqu’un anticyclone s’installe sur la France, il couvre l’essentiel des pays européens et lorsqu’il fait nuit en France, il fait nuit dans toute l’Europe. 54. Pour l’instant, en France, les puissances installées (6 GW d’éolien et 2 GWc de solaire) sont encore gérables par le réseau actuel. Mais si l’on s’achemine vers des puissances installées nettement plus élevées, elles nécessiteront des centrales au gaz en support. 59

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puissante et en même temps assez souple pour être démarrée rapidement car les coups de vent se prévoient difficilement à l’avance55. La seule capable de telles variations est la turbine à gaz. Donc, lorsqu’on installe un parc d’éoliennes ou un parc photovoltaïque, on installera en même temps une centrale à gaz qui devra assurer le « back-up ». Le terme de « back-up » est en fait assez impropre car comme l’éolienne fonctionne 22 % du temps56 et les cellules solaires seulement 10 %, c’est en réalité la centrale au gaz qui assurera l’essentiel de l’énergie. Cette centrale en support pourra fonctionner jusqu’à 78 % du temps lorsqu’elle est adossée à un parc d’éoliennes et 90 % si elle est connectée à du solaire. Les énergies renouvelables n’apporteront donc qu’une faible partie de l’énergie produite, un supplément en quelque sorte. Construire une centrale à gaz pour ne produire uniquement que quelques centaines d’heures par an n’est certainement pas économiquement rentable. L’on préfèrera alors naturellement utiliser cette source d’énergie au mieux. Tout se passerait alors comme si la centrale au gaz fonctionnait la majorité du temps et qu’on l’aidait un petit peu en apportant un complément en énergies renouvelables lorsque celles-ci sont productives. Installer des énergies renouvelables, solaires ou éoliennes, c’est donc choisir le gaz comme source principale d’énergie.

55. Autant le cycle circadien est parfaitement prévisible, autant la prévision temporelle précise du niveau de vent reste aléatoire. Il s’ensuit un décalage souvent constaté à la fois en intensité et surtout en temps entre les prévisions et la production réelle effective des éoliennes. 56. Plus précisément, ce pourcentage est le ratio entre l’énergie produite et l’énergie totale qui serait produite si l’installation fonctionnait tout le temps à sa puissance nominale. Les éoliennes en mer peuvent fournir jusqu’à 35 % de l’énergie maximale. Mais les régimes de vent au large sont tout aussi intermittents voire davantage que ceux des vents terrestres. 60

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LE SOLAIRE, UNE ÉNERGIE DU PASSÉ L’utilisation de l’énergie solaire par l’homme ne date pas d’hier. On raconte qu’Archimède aurait utilisé la réflexion du soleil sur des miroirs pour incendier les voiles des bateaux romains assiégeant Syracuse. À la suite du premier choc pétrolier en 1973, l’État français, en même temps qu’il faisait la « chasse au gaspi », a décidé de lancer en parallèle plusieurs démonstrateurs industriels avec pour seul objectif de s’affranchir de la dépendance au pétrole. Dans cette politique de recherche tous azimuts sur les systèmes de production, l’utilisation de l’énergie solaire pour la génération d’électricité faisait bonne figure. C’est ainsi que la première centrale solaire à concentration, baptisée Thémis fut inaugurée à Targassonne dans les Pyrénées en 1983. Elle fut raccordée au réseau électrique pour être abandonnée quelques années plus tard en 1986 par l’exploitant EDF. C’est que l’électricité issue de cette technologie si attractive offrant une source d’énergie en apparence gratuite ressortait quasiment 20 fois plus chère que le kWh issu des premières centrales nucléaires57. L’échec de Thémis n’était ni technologique, ni organisationnel car le projet avait pleinement bénéficié des aides de l’État pour la recherche, le développement et la construction de la tour solaire58. Il est intrinsèquement lié à la quantité d’énergie qui peut être effectivement récupérée du rayonnement solaire. Le rayonnement solaire au sol dépasse les 1000 W/m2 lorsque le soleil est au zénith, mais la terre ne reçoit en moyenne que 57. EDF a évalué en 1986 le coût du solaire thermodynamique produit par Thémis à 5000 FF/MWh comparé à 230 FF/MWh pour l’électricité nucléaire. En coûts actualisés, cela reviendrait à plus de 1000 €/MWh alors que le coût du nucléaire estimé à l’époque et actualisé se révèle être très proche du coût réel récemment validé par la Cour des Comptes en janvier 2012, soit 50 €/MWh. 58. La construction de Thémis a coûté 300 millions de francs de l’époque. 61

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342 W/m2 dans la haute atmosphère et 168 W/m2 au niveau du sol. Quoi que l’on fasse, ce rayonnement sera rigoureusement nul la nuit et très faible au lever et au coucher du soleil. En moyenne annuelle, l’on n’excèdera guère 150 W/m2 sous nos latitudes. Si l’on souhaite produire de l’électricité, le rendement thermodynamique de Carnot fera qu’aucune centrale solaire ne pourra physiquement délivrer plus de 400 kWhe/m2/an. En pratique, comme il faut tenir compte des imperfections des héliostats, des échangeurs thermiques et des pertes, la surface occupée au sol devient significativement plus élevée que celle couverte par les capteurs. Il faut donc réserver des surfaces disponibles énormes (plusieurs hectares) pour obtenir ne seraitce qu’une production équivalente à un seul MW électrique. Par exemple, Thémis déployait 10 800 m2 de surface de miroirs et 7 ha de terrains pour générer moins de 100 kWhe/m2/an. Il y a peu d’espoir de progrès significatifs en la matière car l’irradiation solaire est rigoureusement indépendante de la technologie59. Le constat est similaire pour le solaire photovoltaïque, voire pire, car le rendement de la conversion directe de l’énergie lumineuse en énergie électrique des cellules solaires est aujourd’hui plus faible (entre 10 % et 20 %) que celui du solaire à concentration. Ce maigre rendement rend le solaire photovoltaïque moins performant que le solaire thermodynamique, lui-même nettement moins intéressant que le solaire thermique. En résumé, il vaut toujours mieux utiliser le soleil pour chauffer de l’eau que pour générer de l’électricité. Par ailleurs, la fabrication des panneaux photovoltaïques requiert elle-même de l’énergie. Il faut dépenser environ 2500 kWh pour construire un panneau de 1 kWc60. La simple récupération de l’énergie qu’il a fallu 59. À titre de démonstration, la plus grande centrale solaire à concentration d’Europe construite en 2008 en Andalousie (Espagne) occupe 195 ha pour 50 MWc soit 4 ha/MWc alors que Thémis, construite pourtant 30 ans plus tôt, occupait 7 ha pour 2,5 MWc, soit 3 ha/MWc. 60. Pour des cellules au silicium polycristallin, la décomposition de l’énergie dépensée est la suivante : 40 % pour le raffinage du silicium, 62

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dépenser pour la fabrication de l’objet nécessitera au moins deux ans et demi de fonctionnement. Ce n’est qu’au bout de la troisième année que le bilan énergétique global commencera à être positif. De plus, les émissions de gaz à effet de serre associées à la fabrication du panneau lui-même sont relativement élevées. L’analyse du cycle de vie sur la durée de vie d’un panneau solaire photovoltaïque conclut à un équivalent d’émissions de 70 g CO2 par kWh électrique fourni61. Ceci, à condition que le panneau soit fabriqué en France. Si le panneau est en provenance de Chine, ce qui est le cas de 80 % des panneaux installés en France, les émissions peuvent grimper à 130 gCO2/kWh, car l’énergie chinoise est à base de charbon, combustible très polluant. Pour corser le tout, il y a un effet supplémentaire qui plaide en défaveur de l’utilisation de l’énergie solaire. En installant un capteur solaire au sol, on soutire une certaine quantité d’énergie à la biosphère. Sous le capteur, point de végétation ou d’organismes vivants car aucune plante ne peut pousser sans soleil. Certes, les surfaces couvertes, bien que considérables, seraient faibles comparées à la superficie de la terre62, mais la ponction réalisée est brutale et quasi complète. Comme la surface requise est très grande, les coûts de production et d’installation sont nécessairement élevés. Une installation complète comprend outre les panneaux solaires, des structures de support, des onduleurs et un certain nombre de composants électriques pour la gestion de l’électricité produite comme des régulateurs ou des transformateurs. Les panneaux solaires fabriqués en Chine se 28 % pour la cristallisation, 10 % pour la mise en forme, 15 % pour la fabrication du module et 6 % pour les périphériques. 61. « Systèmes photovoltaïques : fabrication et impact environnemental », synthèse publiée par HESPUL en juillet 2009. 62. Si l’ensemble de la consommation énergétique mondiale devait être assurée exclusivement par de l’énergie solaire, à supposer que l’on ait suffisamment de capacité de stockage d’énergie, il faudrait couvrir environ 3 % des terres arables de capteurs solaires, ce qui représente une surface considérable (1 million de km2). 63

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vendent aujourd’hui à prix cassés à cause d’une surproduction mondiale par rapport à la demande. Si l’on peut admettre que des cellules solaires peuvent être produites avec de la main d’œuvre étrangère bon marché à un coût inférieur à 1 €/Wc, il n’en va pas de même des éléments de support. La fabrication et l’installation de structures de grandes dimensions pour intégrer les modules photovoltaïques vont nécessiter de la main d’œuvre locale pour un coût non négligeable. En définitive, il sera très difficile de réaliser pratiquement des installations à un coût inférieur à 2 €/Wc63, ce qui correspondrait à 200 €/MWhe. Aujourd’hui, le coût de production du MWh électrique d’une ferme solaire s’établit aux alentours de 300 €/MWhe64. C’est 6 fois plus cher que le prix de vente moyen constaté sur les réseaux électriques. La différence de coûts, intégralement à la charge du consommateur, est reversée aux investisseurs à travers les tarifs très avantageux d’obligation de rachat d’électricité65. Jusqu’à quand et jusqu’à quel niveau le consommateur acceptera t-il de financer de l’électricité à ce prix-là ? On peut fournir un premier élément de réponse en examinant de plus près un cas réel : celui de l’Allemagne. Depuis plus de dix ans, l’état allemand s’est très fortement engagé dans la promotion de l’énergie solaire photovoltaïque. Instaurant une taxe spécifique sur le prix de vente du kWhe, les gouvernements successifs ont favorisé l’installation massive de l’électricité solaire en offrant des 63. Un exemple typique peut être donné. La construction de la centrale solaire de Toul affichant la plus grande capacité installée sur le territoire français et récemment inaugurée (mai 2012) est estimée à 2,87 €/Wc. Le coût pour un particulier qui installe des panneaux photovoltaïques sur son toit s’élève à 5 €/Wc. 64. Le prix du marché des modules photovoltaïques peut être suivi en ligne sur www.solarbuzz.com 65. Le tarif de rachat de l’électricité solaire en France en décembre 2011 est de 406,3 €/MWh (pour une puissance inférieure à 9 kWc et des panneaux intégrés au bâti), tarif garanti sur 15 ans puis dégressif les 5 années suivantes. 64

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tarifs de rachat très alléchants, bien au-delà du coût de revient des autres moyens de production. Longtemps durant, le marché allemand est resté le premier marché mondial, dépassant de loin tous les autres pays. Plus de 50 % des panneaux photovoltaïques fabriqués dans le monde étaient à destination de l’Allemagne. Y voyant une opportunité de développement potentiel sur le marché européen, plusieurs industriels chinois se sont lancés dans la production à bas coûts de panneaux photovoltaïques visant principalement le marché allemand. Tant et si bien qu’il y a aujourd’hui 25 GWc de panneaux solaires installés qui ne couvrent cependant que 3 % des besoins électriques du pays. L’effort financier correspondant consenti par la population allemande peut être estimé à 100 milliards d’euros66. C’est une somme gigantesque pour si peu d’électricité produite. Le marché, reposant exclusivement sur des tarifs garantis par la loi et non sur le prix réel de l’électricité, ne pouvait perdurer éternellement. Voyant que la facture s’alourdissait d’année en année, l’État allemand a décidé en 2012 de réduire significativement les tarifs de rachat. Le marché solaire allemand s’est instantanément écroulé. Comme les usines chinoises continuaient de tourner à plein régime et de produire, les modules chinois déversés sur le territoire allemand ont été cédés à prix bradés. Ne pouvant soutenir la concurrence, la majorité des entreprises allemandes fabriquant des panneaux photovoltaïques ont, en l’espace de quelques mois, fait faillite67.

66. Dont la moitié à travers la taxe EEG (Erneuerbare-EnergienGesetz), l’équivalent de notre CSPE, prélevée sur le prix du kWh électrique. Cette taxe augmente tous les ans et vaut aujourd’hui 35 €/MWhe, soit un total collecté de 21 milliards d’euros pour la seule année 2012. Plus de 60 % de cette taxe est affectée au solaire photovoltaïque. 67. L’action de Q-cells, la plus grosse compagnie allemande de photovoltaïque, qui approchait les 100 € en décembre 2007 ne valait plus que 0,14 € en mars 2012. L’entreprise a déposé son bilan en avril 2012. 65

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LE LEURRE DES EMPLOIS VERTS Ce n’est pas parce que l’on crée une filière nouvelle avec des emplois nouveaux que l’économie associée est forcément positive. Bien entendu, le chômage est une plaie de la société moderne et la réduction du nombre de chômeurs doit être une priorité de tout gouvernement. Mais le problème n’est pas la création d’emplois en tant que telle, c’est la création de valeur rattachée à un emploi donné. On pourrait très facilement créer des millions d’emplois à valeur faible. A l’époque de l’union soviétique, tout le monde avait un travail. Dans les hôtels accueillant les étrangers, on pouvait trouver, en sus d’une multitude de réceptionnistes à l’entrée, une employée affectée à chaque étage de l’hôtel, une responsable d’étage en quelque sorte. On pourrait faire de même en France et réinstaurer par exemple les poinçonneurs du métro parisien qui existaient jusque dans les années 1970. Cette initiative génèrerait des milliers de nouveaux emplois à la RATP. On pourrait rémunérer des millions de chômeurs à « peindre la girafe ». Durant toute son histoire passée, l’Homme a cherché à se libérer le plus possible du travail pénible en remplaçant dès qu’il le pouvait l’énergie humaine par une énergie alternative, animale ou mécanique. Ce faisant, il a ainsi pu consacrer davantage de temps à la création, aux loisirs et au progrès qu’il soit technologique, culturel ou de société. La recherche du bien-être a toujours coïncidé avec une production énergétique réclamant moins de travail humain. Certains voudraient nous faire croire qu’il faudrait maintenant faire exactement le contraire en produisant moins d’énergie avec davantage d’emplois. C’est absurde. Comme tout équilibre physique stable, la quête énergétique humaine ira constamment vers une production réclamant le minimum de ressources, qu’elles soient matérielles ou humaines. L’énergie n’est pas une fin en soi, elle n’est d’utilité que pour la fabrication industrielle des objets nécessaires à l’activité humaine (agriculture, transports, communication, santé) ainsi 66

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que pour le confort (chauffage, climatisation, ventilation). Si l’on souhaite comparer entre elles deux sources de production différentes, il faut prendre en compte la véritable valeur économique apportée à la société par chaque produit. Les promoteurs du développement des énergies renouvelables mettent souvent en avant les créations d’emplois nouveaux associées à leurs activités. Mais ce paradigme est ébréché par la dure réalité liée à toute activité économique adossée non aux subventions publiques mais à la création de valeur. Le leurre des emplois verts a été très justement analysé par un économiste britannique68 dont le constat peut être résumé en deux points. Primo, le critère de jugement des politiques énergétiques devrait être le gain économique associé à la filière et non l’emploi créé. Secundo, il existe des fondements macroéconomiques solides qui tendent à démontrer que les politiques de développement des énergies renouvelables n’induiront aucun emploi pérenne à long terme. Une illustration de cette dernière assertion peut être vue dans les emplois créés dans la filière photovoltaïque allemande. Plus de 120 000 emplois, soutenus à bout de bras par les pouvoirs publics et les taxes, sont en train de disparaître avec la réduction progressive des tarifs de rachat. Tant et si bien que le patron de la branche des énergies renouvelables du géant énergétique Eon nous prédit que dans moins de 5 ans, plus aucun employé ne travaillera plus pour une entreprise allemande spécialisée dans l’énergie solaire photovoltaïque car elles déposeront toutes leur bilan69. Il est complètement artificiel de soutenir une technologie par des tarifs de rachat imposés et exorbitants. Lorsque l’on souhaite aider à la mise en place d’une filière industrielle, on peut rembourser une partie de son coût de production (typiquement entre 25 % et 50 %) par divers mécanismes de crédits ou 68. Gordon Hughes, « The Myth of Green Jobs ». 69. Klaus-Dieter Maubach, interrogé à New York le 20 mars 2012 en marge du sommet sur le financement des énergies renouvelables. 67

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d’allègements de taxes. Mais lorsque l’économie d’un produit repose quasiment intégralement sur un prix de rachat fixé par les pouvoirs publics, cela ne peut être viable sur le long terme. Si le prix du kWhe solaire était aligné sur le prix du marché de l’électricité, il devrait être vendu autour de 40 € le MWh. Lorsque l’État oblige EDF à racheter le MWh solaire à 600 €, soit 15 fois le prix réel, il crée forcément une forte distorsion du marché. Du coup, les investisseurs financiers se précipitent dans ce qui peut apparaître comme une pure machine à fric à rentabilité garantie. La valeur réelle du produit étant réduite à 6 % du prix de rachat, 94 % de l’activité revient à une opération purement financière entièrement à la charge de la collectivité. A ce niveau de soutien, la production par elle-même n’a plus aucune espèce d’importance, elle sert simplement comme compteur pour déterminer le montant de la rémunération de l’investisseur. On pourrait même trouver d’autres moyens de rétribution totalement indépendants de la quantité d’énergie produite. Imaginons que l’on instaure des tarifs de rachat pour une installation de simples structures soutenant un double vitrage en verre en lieu et place du panneau photovoltaïque. Bien entendu, comme il n’y aucune production d’électricité, le tarif serait calculé sur la production théorique que fournirait l’équivalent en surface posée de panneaux solaires et les sommes correspondantes reversées à l’installateur tous les ans. Que se passerait-il ? On constaterait alors que : 1. Il n’y aurait strictement aucune incidence sur le réseau, la contribution des panneaux solaires étant tout à fait marginale (0,1 %). Au contraire, EDF économiserait sur la gestion des installations complexes des petits producteurs et de l’intermittence. 2. On gagnerait l’importation massive de panneaux photovoltaïques (plus de deux milliards d’euros par an70), 70. Les statistiques 2011 des douanes donnent 2,365 milliards d’euros d’importation de cellules photovoltaïques dont 1,427 milliards en provenance d’Asie. 68

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ce qui soulagerait notre balance commerciale et de plus, réduirait le coût des installations71. Le coût supporté par la collectivité à travers les taxes serait également moindre, dans la même proportion. 3. On maintiendrait rigoureusement le même nombre d’emplois en France que ce soit pour la fabrication des structures ou du verre ou pour les installateurs et les réseaux de distribution. Une filière « panneaux en verre » remplacerait la filière « panneaux solaires ». Ainsi, la collectivité serait gagnante sur tous les tableaux : économie, emploi et déficit commercial sans préjudice aucun puisque le peu de valeur apportée par la production d’électricité d’origine photovoltaïque sera plus que largement compensé par l’économie réalisée sur l’achat des panneaux solaires. La démonstration ci-dessus montre à l’évidence l’absurdité du choix politique effectué de financer une filière à plus de 94 % non pas par sa valeur intrinsèque mais par des aides prélevées sur les consommateurs. Il vaut nettement mieux installer un objet qui ne produit rien (du verre) que des panneaux photovoltaïques. De plus, on pourrait même transformer les installations fictives décrites ci-dessus en serres et profiter ainsi de la lumière du soleil traversant le verre pour produire quelque chose de réellement utile à la société.

71. Le coût serait par exemple de 200 €/m2 installé pour l’industriel construisant une ferme en verre (une serre) et de 400 €/m2 pour le particulier installant un panneau intégré au bâti sur le toit de sa maison (l’équivalent d’un Vélux). 69

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LES RESSOURCES ÉNERGÉTIQUES La conquête spatiale a permis de mieux se rendre compte à quel point notre terre forme en réalité un espace fini et limité. En observant notre planète dans sa globalité, les astronautes nous montrent à quelle point celle-ci apparaît nettement moins étendue que notre vue du sol ne pourrait le laisser croire. Ainsi en va-t-il des précieuses ressources qu’elle renferme, elles mêmes en quantités finies. Il s’agit donc d’en faire bon usage et de ne pas en gaspiller. Jusqu’au premier choc pétrolier, le monde s’est relativement peu soucié de la finitude des ressources et en particulier des ressources énergétiques. En 1972, un groupe d’économistes, le Club de Rome, a le premier tiré la sonnette d’alarme72. Si l’humanité continue de brûler ses réserves sans compter et sans réelle gestion des ressources, la décroissance 72. Le rapport Meadows, appelé également rapport du Club de Rome, a été publié en 1972 sous le titre « The Limits to Growth ». Il a été récemment traduit en 2012 sous le titre «Les limites à la croissance (dans un monde fini)». 71

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serait inévitablement au rendez-vous. Les prédictions du Club de Rome sont proprement apocalyptiques : dans le scénario de base envisagé, l’épuisement des ressources et la pollution entraînent une décroissance économique et impactent l’agriculture ce qui fait brutalement effondrer une population humaine affamée et malade. Guerres, famines et rationnement seraient attendues pour le XXIe siècle. Fort heureusement, leur analyse s’est révélée un peu trop pessimiste sur plusieurs points. D’abord, depuis 40 ans, l’Homme a su fortement augmenter le rendement des terres pour pouvoir aujourd’hui nourrir 7 milliards d’habitants sans trop détériorer la qualité des sols arables73. Deuxièmement, l’amélioration du rendement énergétique et de l’efficacité de production permet aujourd’hui de faire plus avec moins de ressources naturelles. Enfin, si un futur contrôle actif de la pollution est mis en œuvre, il devrait permettre de réduire l’empreinte écologique réelle par individu. Dans son nouveau rapport mis à jour en 2002 soit 30 ans plus tard, Meadows élargissait l’éventail des scénarios futurs potentiels et, tout en confirmant son pessimisme, esquissait en quelque sorte un chemin possible vers un monde stabilisé. Il n’en reste pas moins que le point principal sur lequel repose toute son argumentation est éminemment valable : les ressources terrestres sont en quantité limitée. Nous avons hérité de cette terre il y a près de 4,5 milliards d’années. Il faudra faire avec quoiqu’il arrive. À moins d’aller chercher de la matière sur d’autres planètes, il faudra se contenter de ce que la nôtre est capable de nous fournir. En matière énergétique, nous avons vu que notre civilisation repose sur l’emploi massif des énergies fossiles : charbon, pétrole 73. À titre d’exemple, le rendement moyen des récoltes de maïs a été multiplié par près de 4 en un demi-siècle pour atteindre 4 tonnes à l’hectare. La tendance à l’amélioration de ce rendement devrait certainement se poursuivre dans le futur étant donné que d’une part, dans certains pays comme les États-Unis, on produit déjà 10 t/ha et que de l’autre, de nouveaux hybrides plus résistants au manque d’eau ont été développés. 72

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et gaz. On peut certes le regretter ou souhaiter s’en affranchir, mais pour l’heure cela relève davantage de l’utopie. Ceux qui préconisent l’emploi d’énergies dites renouvelables militent en réalité pour un renforcement de la part du gaz. D’autres qui défendent la capture et le stockage du gaz carbonique considèrent que l’emploi du charbon sera incontournable. En réalité, aujourd’hui, seule l’énergie nucléaire permet à la fois un fonctionnement de production d’électricité en base et existe véritablement par un déploiement à grande échelle le recours à des énergies d’origine fossile. Or, les ressources fossiles sont limitées. À strictement parler, les énergies fossiles peuvent théoriquement se renouveler, mais avec une constante de temps d’une lenteur géologique. Il a fallu des dizaines de millions d’années pour que la décomposition des organismes vivants ne finisse en kérogène qui se transforme en combustibles fossiles par pyrolyse sous haute pression. La quantité exacte de combustibles fossiles accessibles sur terre est assez difficile à évaluer. En réalité, il convient de parler de ressources à un certain coût économique. Quelle que soit la ressource considérée, on peut toujours en trouver davantage, mais à condition d’y mettre un prix plus élevé. S’il faut forer dans des régions arides ou glaciaires et à de grandes profondeurs dans le sol ou dans les fonds marins, l’extraction du précieux liquide noir coûtera certainement plus cher que l’affleurement de nappes dans le désert arabo-persique. Les spécialistes différencient les réserves connues des ressources potentielles. De plus, les réserves et les ressources sont comptabilisées dans différentes catégories entre celles qui sont avérées, accessibles au coût économique actuel et celles qui sont supposées être récupérables ou hypothétiques. Selon la communauté, on entend parler de réserves 1P, 2P ou 3P pour le pétrole, de ressources prouvées, probables ou possibles pour le charbon ou encore de ressources assurées, pronostiquées ou spéculatives pour l’uranium. Il est également clair que les techniques d’extraction évoluant, l’estimation des ressources 73

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est continuellement révisée, généralement à la hausse. En témoigne la récente envolée des gaz de schistes. La fracturation hydraulique a permis l’exploitation de ces gisements qui étaient jusqu’alors considérés comme très difficiles à récupérer. Bien que décriée, cette technologie permet aujourd’hui aux ÉtatsUnis d’Amérique de redevenir exportateur net d’énergie. Quoi qu’il en soit, et quelles que soient les différentes approches d’évaluation des ressources, on peut tout de même tenter de fournir une estimation de la quantité totale des réserves et des ressources existantes sur terre (Figure 11).

Figure 11 | Réserves et ressources mondiales exprimées en années de consommation actuelle.74

Pour simplifier, on peut considérer qu’au rythme actuel de consommation, l’Homme disposerait d’une centaine d’années d’utilisation de la ressource pétrolière, de deux siècles d’exploitation du gaz sous toutes ses formes et d’un bon millier d’années de charbon. Ces ressources sont loin d’être négligeables. Trois constatations s’imposent : 74. Données du World Energy Council pour les fossiles et de l’OCDE/ AEN pour l’uranium. 74

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1. Il n’y a pas à craindre de pénurie à court terme. D’ailleurs, les réserves de pétrole déclarées par les États ont toujours été estimées à une quarantaine d’années depuis le premier choc pétrolier il y a de cela précisément 40 ans. Même dans deux siècles, l’Homme disposera toujours de cette ressource. Mais à quel prix ? Ne vaut-il pas mieux la réserver à des usages non énergétiques (lubrifiants, cires, plastiques, élastomères, …) plutôt qu’à de la traction de véhicules ? 2. Le charbon sera amené à jouer un rôle prépondérant du fait de son abondance. Étant donné que c’est l’énergie la plus polluante, cela pose un sérieux problème vis-à-vis du changement climatique. Saura-t-on gérer cette pollution ou faudra t-il intégrer dans le prix du charbon l’impact de la gestion des polluants ? 3. Le renchérissement du coût des énergies fossiles paraît inéluctable. Il est clair qu’au XXIIe siècle, c’en sera fini du pétrole et du gaz bon marché. A moins de trouver par miracle de nouveaux gisements gigantesques insoupçonnés, le « peak oil » si tant est qu’il existe est probablement déjà derrière nous et le « peak gas » sera pour bientôt.

UNE RESSOURCE RÉELLEMENT ÉCOLOGIQUE : L’URANIUM Enfin, un dernier mot concernant les ressources en uranium. L’uranium est abondant sur terre, mais à des teneurs très faibles dans la croûte terrestre (3 ppm). C’est pourquoi les gisements exploitables au coût actuel se doivent de contenir des teneurs dépassant au minimum les 500 ppm pour susciter un quelconque intérêt de la part des industriels. Ainsi, les ressources totales sont aujourd’hui estimées à 300 ans de consommation des réacteurs existants. Cependant, contrairement aux énergies fossiles, le coût 75

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du combustible nucléaire ne représente qu’un faible pourcentage du coût de l’énergie produite par les centrales. Un renchérissement de la matière première ne modifierait qu’à la marge le coût du MWh nucléaire. Il est donc parfaitement envisageable d’extraire davantage de ressources que ne laisserait supposer le prix actuel du kg d’uranium sur le marché international, marché d’ailleurs nettement plus restrictif que celui du pétrole. D’autre part, avec l’avènement de la technologie des réacteurs de 4e génération, attendus pour le milieu de ce siècle, l’utilisation des mêmes ressources peut être instantanément multipliée par un facteur important, compris entre 25 et 100. Ce véritable basculement technologique chiffrerait la ressource uranium non plus en siècles, mais en millénaires, voire en dizaines de milliers d’années. En tout état de cause, bien au-delà de ce que notre horizon temporel peut esquisser d’une quelconque perspective énergétique. Il nous paraît pour le moins présomptueux de projeter notre vision actuelle du futur énergétique au-delà de quelques siècles. À cette échelle de temps, la ressource uranium peut être considérée comme extrêmement abondante et non assujettie à quelque rationnement que ce soit. Ce constat d’abondance de la ressource nucléaire n’est autre que la traduction quantitative du fameux facteur 100 000 évoqué au premier chapitre. Là où il est nécessaire d’extraire un milliard de tonnes de charbon des entrailles de la terre, il nous suffit de 10 000 tonnes d’uranium – soit cent mille fois moins – pour produire une quantité équivalente en énergie. À ce titre, l’énergie nucléaire, bien que catégorisée à juste raison dans les ressources non renouvelables, peut être pratiquement considérée comme la ressource la plus respectueuse des matières premières terrestres, c’est-à-dire la plus parcimonieuse, en un mot la plus écologique au sens primaire du terme. C’est l’énergie qui utilise la plus faible quantité de matière issue de notre planète par unité d’énergie produite. Aucune énergie n’est totalement exempte d’utilisation de ressources terrestres. Même les énergies dites renouvelables comme le solaire ou l’éolien utilisent et transforment de la matière ne serait-ce que pour la fabrication 76

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des composants et des structures nécessaires aux modules solaires ou aux générateurs des éoliennes.

L’INDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE Le premier choc pétrolier a mis en exergue la dépendance énergétique des pays occidentaux vis-à-vis des pays producteurs. Une servitude trop grande aux sources d’énergie extérieures peut rendre les gouvernements assujettis à des pressions financières et politiques insupportables. Comme l’ensemble du tissu économique est basé sur l’accès à l’énergie, les états ont cherché tous les moyens possibles pour accroître leur taux d’indépendance énergétique. Ce taux est défini comme le rapport entre l’énergie primaire produite sur celle consommée dans le pays. Lorsque la source est une énergie fossile, charbon, pétrole ou gaz, il est clair que c’est l’accès à la matière première qui définit l’accès à l’énergie. Sans matière première, point d’énergie. Corrélativement, il est presque technologiquement trivial de produire de l’énergie lorsque l’on dispose de la matière en question car il s’agit d’une simple combustion à l’air. Le taux d’indépendance énergétique revient alors à un simple ratio entre production et consommation de matières premières. Par contre, cela est radicalement différent pour l’énergie nucléaire. En effet, d’une part, pour produire de l’énergie nucléaire, il ne suffit pas de disposer de la matière uranium, loin de là. Il faut non seulement être capable de construire et de faire fonctionner un réacteur nucléaire mais également posséder l’ensemble de la chaîne de fabrication du combustible en amont et du traitement du combustible usé en aval. Le cœur du processus est la maîtrise de la technologie complète de production nucléaire et non la matière première elle-même. D’autre part, l’uranium n’est pas vraiment considéré comme extrêmement stratégique. En effet, nous avons vu que la quantité requise est faible, 100 000 fois moindre que les matières premières fossiles nécessaires pour obtenir la même quantité d’énergie. Pour un pays comme la 77

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France, les besoins se chiffrent en milliers de tonnes d’uranium par an au lieu de centaines de millions de tonnes en combustibles fossiles. La différence est de taille. De plus, l’uranium est disponible partout sur terre. S’il est très facile de le récupérer dans des mines au Canada, au Niger ou au Kazakhstan car le minerai se trouve là-bas à haute concentration, il serait tout à fait envisageable, si besoin était, de l’extraire de certaines régions françaises comme le Limousin ou l’Auvergne, quand bien même la teneur y est plus faible. D’ailleurs, les mines françaises étaient encore exploitées jusque il y a encore une douzaine d’années. C’est simplement une question de prix. Il serait un peu plus cher à exploiter en France. Comme, contrairement aux fossiles, le prix de la matière première uranium ne pèse que quelques pourcents du coût de production, ce ne serait absolument pas dramatique d’utiliser de la matière en provenance de notre propre territoire en lieu et place de l’uranium importé. Ainsi, la production primaire d’énergie nucléaire est-elle considérée comme une production locale quand bien même la provenance de la matière première est étrangère. Pour cette énergie, c’est la maîtrise de la technologie nucléaire qui assure l’indépendance et non la matière première elle-même. En ce qui concerne l’hydraulique, c’est la géographie du territoire qui détermine les capacités hydroélectriques nationales. Notre pays est doté de montagnes qui nous prodiguent bon an mal an environ 10 % de notre consommation électrique. Ainsi, grâce à l’énergie nucléaire et à l’hydraulique, la France est devenue quasiment totalement autonome pour sa production électrique. Par contre, nous ne détenons guère de ressources pétrolières, avons abandonné l’exploitation des mines de charbon et ne sommes pas encore disposés à exploiter les gaz de schistes. Ceci fait que la France est presque entièrement dépendante de l’étranger pour ses besoins en énergies fossiles comme le pétrole, matière aujourd’hui indispensable pour le transport. L’électricité comptant pour près de la moitié de l’énergie primaire, le bilan général est un taux d’indépendance énergétique global de 50 %. C’est bien, mais on ne peut guère s’en contenter. 78

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LE PRIX DE L’ÉNERGIE Comparativement à la richesse produite, l’énergie est relativement bon marché. Quelle que soit la source de production, l’ordre de grandeur du prix payé par tout un chacun est d’une centaine d’euros par MWh d’énergie. Rapporté au salaire moyen, ce prix est relativement faible. Mais les besoins énergétiques par personne augmentent continuellement. En France, nous consommons environ 30 MWh par an et par habitant, ce qui correspond à un coût annuel de 3000 €/an par personne. En 1960, on consommait deux fois moins pour un salaire deux fois moindre. Cette proportionnalité constatée entre richesse et consommation énergétique s’avère pratiquement être une constante de lieu et de temps. Malgré une efficacité énergétique en nette progression depuis un siècle, la consommation énergétique suit l’évolution du produit intérieur brut. Plus l’on est riche, plus l’on consomme de l’énergie. Le ratio entre énergie et le Produit Intérieur Brut (PIB) était pratiquement identique il y a un siècle, la consommation énergétique par terrien ayant triplée pour un PIB actualisé 5 fois plus élevé. C’est que l’énergie est à la base de toute activité humaine qu’elle soit industrielle, privée ou de loisir. C’est également le moteur principal de l’économie. Si plus l’on s’enrichit, plus l’on dépense, la réciproque est également vraie : plus l’on dépense d’énergie, plus l’on s’enrichit. Ainsi, la mesure de la dépense énergétique constitue un bon indicateur de la santé économique d’un pays ou d’une région. La dépense énergétique pèse environ 10 % du PIB, mais son impact sur l’économie est encore plus important car une part significative des activités humaines présuppose un accès facilité à l’énergie. Il est évident que certaines industries comme la métallurgie, la chimie, la cimenterie ou la papeterie sont directement dépendantes de l’énergie pour la fabrication de leurs produits. La plupart des services marchands ont besoin des transports ou de l’habitat qui s’appuient en grande partie sur l’énergie. Cet effet de levier d’un facteur 4 fait qu’environ la moitié de l’économie globale d’un pays repose directement sur l’énergie. Baisser la 79

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consommation énergétique à niveau de vie constant relève donc de la gageure. Dans les faits, une perte de consommation énergétique de 3 % se traduirait quasi instantanément par une baisse de PIB de 1 % et vice versa. Les deux volets économique et énergétique sont si intimement liés qu’il est difficile de savoir exactement lequel entraîne l’autre. Ils vont simplement de pair. L’exemple récent du Japon est une démonstration en vraie grandeur de cette imbrication entre énergie et économie. L’accident de Fukushima ayant non seulement provoqué la perte effective de 4 réacteurs nucléaires, mais également entraîné la mise à l’arrêt progressif des autres, le Japon s’est brutalement retrouvé avec une production d’électricité réduite de 15 %. Le gouvernement japonais a bien essayé de lancer en urgence la construction d’autres sources de production, essentiellement fossiles comme des turbines à gaz. Mais le temps nécessaire à la mise en place de ces nouveaux centres de production n’a pas permis de compenser intégralement la perte de production des réacteurs nucléaires. Le pays s’est donc retrouvé dans la contrainte de gérer une pénurie d’énergie d’environ 3 %. On pourrait croire que cette petite baisse serait très facilement supportable. 3 % me direz-vous, ce n’est pas grand-chose, il suffirait de se serrer un peu la ceinture, de gaspiller moins et l’on saurait aisément économiser 3 % d’énergie. Mais il n’en est rien. Pour pallier à ces 3 % de pertes, le Japon a dû mettre en œuvre un plan d’urgence national d’une ampleur inégalée depuis la seconde guerre mondiale. Ce véritable effort collectif, baptisé « setsuden »75, a mis à contribution les industriels, les particuliers et les institutionnels, y compris les hôpitaux et les maisons de retraite. Il a fallu imposer des coupures d’électricité tournantes aux industriels76 et demander aux particuliers de restreindre leur consommation d’électricité de manière drastique. Plus de climatiseurs réglés en-dessous de 28 °C, 75. Setsuden pourrait être traduit par économiser l’électricité. 76. La perte de production japonaise a affecté le monde entier, y compris la France, le Japon étant le principal fournisseur de composants électroniques utilisés dans plusieurs branches industrielles comme l’automobile. 80

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réduction du chauffage, de l’éclairage et utilisation parcimonieuse des appareils électroménagers. Le gouvernement a publié un petit guide pour économiser l’énergie dans les habitations comportant 10 actions allant du réglage de la température des climatiseurs à la bonne gestion du réfrigérateur en passant par l’abandon des sièges de toilettes électriques, très prisées là-bas. Tout cela pour simplement économiser 3 % d’énergie. Quand bien même les japonais ont docilement suivi les instructions et les restrictions, l’impact de la réduction énergétique s’est fait douloureusement sentir sur l’économie japonaise. La perte de 3 % d’énergie s’est traduite pour l’année 2011 par une perte économique de 0,9 % de PIB, soit -90 G€, combinée à une importation massive de combustibles fossiles (pour un coût de 42 G€). Ce n’est pas tant l’accident nucléaire lui-même qui a coûté à l’économie que l’incapacité à suppléer la perte de production qui a suivi l’absence de décision de redémarrage des centrales nucléaires japonaises.

LE COÛT DES ÉNERGIES RENOUVELABLES Le risque associé au changement climatique nous incite à reconsidérer l’utilisation possible des énergies renouvelables, l’éolien et le solaire en particulier. Celles-ci avaient déjà été envisagées juste après le premier choc pétrolier. Ces énergies coûtent cher à la production, généralement beaucoup plus cher que les autres sources que sont les énergies fossiles, le nucléaire ou l’hydraulique77. De plus, ce sont des sources fatales78 et intermittentes. Il faut donc demander aux autres moyens de 77. Bien que l’hydraulique soit une énergie renouvelable et comptabilisée comme telle, elle est considérée comme traditionnelle et mature. Les nouvelles énergies renouvelables s’entendent souvent hors hydraulique. 78. Une source d’énergie est dite fatale lorsqu’elle est non contrôlable (par exemple une source d’origine naturelle) et qu’elle doit être récupérée et utilisée instantanément sous peine d’être perdue. 81

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production de s’effacer lorsqu’elles produisent, ce qui ne facilite ni la gestion du réseau électrique ni la rentabilité économique. Cette manière d’opérer rend les moyens de production supplétifs en gaz plus chers que s’ils fonctionnaient intégralement en base ou semi-base. Le surcoût induit par l’effacement forcé devrait théoriquement être imputé sur les énergies renouvelables, ce qui n’est jamais réellement le cas dans les analyses. Par ailleurs, l’implantation de nouvelles énergies renouvelables nécessite de repenser totalement l’agencement des réseaux électriques. L’éolien en mer, forcément récupéré le long des côtes maritimes, requiert la construction de nouvelles lignes à haute tension de forte puissance pour acheminer la production vers l’intérieur des terres. De même, comme il est à la fois plus efficace et plus logique d’installer les centrales solaires dans les régions chaudes de l’Europe du sud, il faudrait être capable de déverser cette production dans les pays du nord. Pour ce faire, il sera nécessaire d’installer de nouvelles lignes électriques de grande puissance qui traverseraient tout le continent, ce qui coûte excessivement cher. Lorsque l’on évalue le prix des énergies renouvelables, la modification du réseau électrique est souvent passée sous silence. Au mieux, on la cite comme condition nécessaire, sans toutefois imputer le coût exorbitant associé à la construction de ce nouveau réseau aux sources susnommées79. Pour compléter le tableau, il y a le coût du stockage. À cause de leur intermittence, on ne saurait envisager un développement conséquent et massif des énergies renouvelables sans pouvoir stocker de l’électricité à grande échelle. Sans stockage, ces énergies atteignent très rapidement leurs limites. Or, comme on l’a vu au chapitre II, le seul moyen aujourd’hui disponible permettant de stocker de l’électricité en

79. Dans son rapport 2012, l’ENSTOE (European Network of Transmission System Operators for Electricity) a évalué le coût de modernisation du réseau européen à 104 G€ sur 10 ans principalement pour permettre l’intégration des énergies renouvelables. 82

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grande quantité est la forme hydraulique80. Le développement des énergies renouvelables est donc conditionné par la construction sur le territoire national d’un certain nombre d’ouvrages de type STEP81 comprenant des étendues d’eau s’étalant sur des centaines de km2. Cette nécessaire capacité de réserve, outre qu’elle risque de poser de sérieux problèmes environnementaux, alourdit d’autant le coût des énergies renouvelables intermittentes. Source

Coût de production

Coût du réseau

Coût du stockage

Coût total

Coût du CO2

Coût total avec CO2 (€/MWhe)

(€/MWhe)

(€/MWhe)

(€/MWhe)

(€/MWhe)

(€/MWhe)

Nucléaire

50

30

10

90

0.1

90

Gaz

99

30

10

139

15

154

Charbon

82

30

10

122

30

152

Fioul

168

30

10

208

27

235

Biogaz

118

30

10

158

2,2

161

Éolien terrestre

79

40

54

173

0,5

174

Éolien en mer

138

50

38

226

0,8

227

Photovoltaïque

305

45

24

374

2,1

376

Figure 12 | Coût des différentes énergies en France en 2012. Les hypothèses prises sont les suivantes : prix du baril de pétrole à 100 $, prix du gaz à 24 €/MWh, prix du charbon à 100 € la tonne, nucléaire actuel non amorti82 (Cour des Comptes 2012), biogaz à partir de résidus agricoles à 40 € la tonne. Le coût de la tonne de CO2 a été arbitrairement fixé à 30 €.

80. Tous les autres moyens existants allant du stockage à air comprimé aux accumulateurs et autres batteries en passant par les gaz hydrogène ou méthane concernent de trop faibles quantités d’électricité comparativement aux besoins et sont encore techniquement au stade de la recherche et du développement. 81. Il existe une dizaine de stations de transfert d’énergie par pompage en France dont la plus importante est celle du barrage de Grand Maison qui développe une puissance de 1800 MW. Son lac réservoir amont qui contient un volume d’eau de 137 millions de m3 s’étale sur une superficie de 219 ha. 82. Le parc nucléaire français étant largement amorti, le coût de production réel du MWh nucléaire est aujourd’hui à 33,5 €, ce qui fait un coût global, CO2 compris, à 74 €/MWh. 83

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On peut certes encourager le développement des énergies renouvelables, surtout lorsqu’elles peuvent se substituer aux énergies fossiles et tenter d’émettre en définitive moins de CO2. Mais il faut être conscient que cette politique coûte cher au contribuableconsommateur. De plus, elle entraîne de sérieuses difficultés technologiques liées au transport et au stockage de l’électricité. Enfin, cette politique n’a réellement aucun sens dans les pays qui, comme la France, possèdent déjà de l’électricité décarbonée. En effet, les renouvelables présentent des émissions de gaz carbonique bien supérieures au nucléaire ou à l’hydraulique. Remplacer le nucléaire par des renouvelables signifie une augmentation et non une diminution des émissions de CO2. En résumé, l’intégration des énergies renouvelables revient cher, nécessite des centrales thermiques brûlant des combustibles fossiles en support et finit par rendre la production électrique plus polluante. L’objectif assigné à tous ses membres par la Commission européenne de porter à 20 % la part de renouvelables dans leur consommation énergétique en 2020 peut se révéler être un contresens écologique. Ce qui compte pour la lutte contre le réchauffement climatique, c’est le pourcentage des énergies décarbonées et non celui des seules énergies renouvelables.

LA CSPE OU LA TAXE DES PAUVRES Instaurée en 2000, la Contribution au Service Public de l’Electricité était censée servir à compenser les charges de service public que l’opérateur se devait d’assumer dans un marché dérégulé, à savoir la péréquation tarifaire83, la solidarité avec les plus démunis et le soutien à l’efficacité énergétique et aux 83. L’électricité dans les zones isolées (Corse, DOM, Mayotte) coûte plus cher à produire que sur le continent. Le surcoût est pris en charge par la collectivité à travers la péréquation. 84

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énergies renouvelables. Initialement limitée par la loi à 7 % de la facture, elle fut longtemps fixée à 4,5 €/MWh, niveau encore supportable par le consommateur. Mais la politique de tarifs de rachat très avantageux en faveur des énergies renouvelables, éolien et solaire en tête, a obligé l’État à modifier la loi initiale pour pouvoir augmenter cette contribution. Passée en quelques mois de 4,5 €/MWh en 2010 à 7,5 €/MWh en 2011 puis à 9 €/ MWh et 10,5 €/MWh en 2012, elle devrait encore augmenter en 2013. Elle nous coûte aujourd’hui pas moins de 5,2 milliards d’euros par an dont un tiers est consacré à la seule aide à l’énergie solaire photovoltaïque, qui, pour mémoire, ne représente que 0,1 % de l’électricité produite. C’est d’ailleurs cette énergie qui est la cause principale de l’augmentation récente de la CSPE. Où va-t-on s’arrêter ? Ira-t-on, comme en Allemagne, jusqu’à une taxe de 35 €/MWh voire davantage ? À ce niveau, notre facture sera quasiment doublée et nous paierons alors plus pour les énergies renouvelables que pour l’ensemble de la production nucléaire française84. Cette contribution, qui est de fait une taxe, s’applique à tous. Elle pèse donc bien davantage sur les foyers modestes qui commencent à avoir des difficultés à régler leur facture d’électricité. C’est qu’un triplement de la CSPE en quelques mois fait des ravages parmi les catégories sociales défavorisées, même si les biens pensants viennent leur expliquer que c’est pour faire la transition écologique. Certains en sont même contraints à réduire leur chauffage en hiver pour économiser l’électricité, devenue un luxe pour eux. Le même constat peut être fait pour l’habitat. Certes, l’énergie des bâtiments est un enjeu important pour la réduction de la consommation énergétique et une division par 2 des pertes thermiques permettrait d’économiser jusqu’à 20 Mtep/an85. Il convient donc de mieux isoler, mais à quel prix ? En ce qui 84. Le coût du nucléaire actuel a été évalué à 33 €/MWh par la Cour des Comptes. 85. En 2009, le poste chauffage représenterait 29,4 Mtep dans le résidentiel et 9,7 Mtep dans le tertiaire. 85

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concerne le parc ancien, la messe est dite. Qui accepterait d’investir 30 000 € en rénovation pour gagner au mieux 100 kWh/an/m2, soit en moyenne 8 MWh/an (l’équivalent de 800 €/ an)86 ? En termes de rentabilité économique, c’est aberrant. Même en incluant les aides et subventions potentielles, de toutes manières que ce soit le consommateur ou le contribuable qui paie, la facture revient rigoureusement au même. À part quelques exceptions, personne ne se lancera dans une telle aventure, même sous la contrainte, et surtout pas ceux qui en auraient le plus besoin qui sont généralement les mêmes qui ne peuvent se payer une rénovation complète. Le coût global de la mise aux normes BBC (Bâtiment à Basse Consommation)87 de l’ensemble des logements existants peut être évalué à 800 G€, ce qui est une somme colossale, impossible à mobiliser sur une courte période. Il faudra donc attendre que les nouvelles constructions intégrant les normes énergétiques récentes remplacent progressivement les anciens logements détruits. Le rythme de renouvellement actuel de 1 % /an laisse à penser qu’il s’écoulera au minimum 100 ans avant de disposer d’un parc de logements français entièrement BBC.

86. Le parc actuel se compose de 26,3 millions de logements d’une surface moyenne de 87 m2, aux ¾ dans le résidentiel et ¼ dans le tertiaire. La consommation énergétique moyenne est de 150 kWh/m2/an. 87. La norme RT2012 vise un objectif de 50 kWh/m2/an. Il sera de toutes manières très difficile d’obtenir en pratique une consommation plus faible. Les bâtiments présentés comme à énergie positive sont une déformation de la réalité. Ceux-ci tablent généralement sur un surplus de production en période chaude (solaire en été) pour compenser une dépense en période froide (chauffage en hiver). Or, ce qui compte, c’est l’énergie dépensée en hiver car l’énergie solaire récupérée en été n’est pas stockée mais déversée sur le réseau électrique. De plus, le calcul théorique présuppose qu’aucune ouverture de portes ou fenêtres n’est effectuée, ce qui n’est pas le cas dans la réalité d’une habitation standard normalement occupée. 86

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Nonobstant l’isolation, le mode de chauffage envisagé peut également permettre de réduire la consommation énergétique d’un habitat. Là encore, si beaucoup de personnes et principalement les plus modestes optent pour le chauffage électrique, ce n’est pas par conviction écologique. Mais bien parce que le coût d’installation de convecteurs électriques qui se composent d’une simple résistance chauffante est nettement meilleur marché que tous les autres choix disponibles. On peut équiper un appartement en convecteurs électriques pour moins de 500 €, là où le prix d’une chaudière est au minimum dix fois plus élevé et que toutes les technologies récentes pour l’amélioration énergétique des bâtiments reviennent encore plus chères. Même si les coûts de fonctionnement annuels sont légèrement plus élevés comparativement aux autres énergies, il vaut mieux payer significativement moins à l’investissement quitte à régler une facture énergétique annuelle plus chère88. De plus, l’électricité ne nécessite aucun entretien et n’induit pas de risques d’intoxication ou d’explosion tout en présentant un bilan global en CO2 nettement plus faible.

LA TARTE À LA CRÈME DES « RÉSEAUX INTELLIGENTS » OU « SMART GRIDS » L’intermittence des énergies renouvelables impacte fortement le réseau électrique, qui ne peut gérer de variations trop brutales d’injection. Le réseau actuel s’est lentement construit au fil du temps établissant des interconnexions progressives à partir de sources centralisées et puissantes. Or, les énergies renouvelables 88. Les coûts annuels pour un logement standard sont de 1200 € pour un chauffage au gaz de ville ou au bois, 1700 € pour le fioul ou l’électrique et 2200 € pour le propane. L’installation de pompes à chaleur réduit la facture électrique de moitié. 87

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sont plutôt distribuées et de faible puissance unitaire. Cette multiplication des sources complique l’équilibrage et requiert davantage d’informatique dans la gestion des sous-stations du réseau. L’introduction des nouvelles technologies de communication devrait théoriquement permettre d’économiser un peu d’énergie en réduisant les pertes et surtout d’améliorer la sécurité du réseau en prévenant les coupures. C’est ce qu’on a choisi de désigner sous le terme de réseau intelligent (on préfère utiliser le terme anglais de smart grid)89. En réalité, ce dont souffre l’introduction massive d’énergies renouvelables, c’est surtout de centrales de production en support pouvant prendre le relais en cas de défaillance et de lignes à très hautes tensions (THT) capables d’absorber de grandes puissances et de gérer les grandes variations brutales. Mais comme la construction de lignes THT n’a pas bonne presse dans le public, on préfère parler de « smart grid ». La modernisation du réseau actuel pour la gestion de l’intermittence va entraîner des surcoûts très importants liés à la construction de ces nouvelles lignes, surcoûts qui seront répercutés sur la facture électrique. Pour la seule Europe, on parle de 50 000 km de lignes supplémentaires d’ici à 2020, pour un coût dépassant les 100 milliards d’euros. De plus, on a souvent tendance à confondre la transmission de l’électricité et sa distribution. Les lignes à très hautes tensions sont du ressort de RTE alors que c’est ERDF90 qui prend en charge la distribution. Quant au particulier, il s’occupe normalement de la répartition électrique dans son logement en aval du compteur ERDF. Lorsqu’ERDF, soutenu par la CRE91, veut imposer à tout 89. Il n’y a pas de définition précise et établie d’un réseau intelligent. En pratique, l’idée générale est de disposer sur chaque composant du réseau (sous-stations, transformateurs, répartiteurs, commutateurs) d’une possibilité de communication et/ou de commande à distance. Il s’agit donc de tirer un réseau informatique parallèle au réseau électrique qui assurerait la communication dans les deux sens avec les composants. 90. Électricité Réseau Distribution France. 91. Commission de régulation de l’énergie. 88

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le monde le fameux compteur Linky appelé pompeusement compteur intelligent, c’est au nom de la mise en place des réseaux intelligents. On comprend bien l’intérêt d’ERDF qui n’aura plus besoin d’envoyer des personnes physiques dans chaque habitat pour relever les compteurs et qui pourra suivre en temps réel les flux individuels et mieux gérer les périodes de congestion. Mais quel bénéfice réel le particulier peut-il tirer de la mise en place de ce compteur qui va lui coûter au bas mot 200 € ? La CRE nous indique que nous pourrions alors mieux gérer les appareils électriques en délestant par exemple le chauffage à certaines périodes de pointe. Certes, mais nul besoin d’ERDF ni de compteur intelligent pour cela. Tout un chacun peut très bien installer un délesteur en aval de son compteur pour gérer ses propres appareils. Pour le consommateur, le gain réel estimé n’excèdera guère 10 €/an et ne justifie nullement la généralisation imposée de ce type de compteur. Encore une fois, sous couvert de modernisation, la charge financière supplémentaire correspondante sera entièrement supportée par le consommateur sans qu’il n’en ressente aucune amélioration tangible de son quotidien électrique en contrepartie.

L’ÉNERGIE DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT La mise en place des énergies renouvelables demandant un effort financier considérable, elle ne saurait avoir lieu que dans les pays riches, voire très riches. Il est évident qu’elle aura beaucoup de mal à s’implanter dans les pays en voie de développement. Comment pourraient-ils se payer de l’électricité à 300 € le MWh, alors qu’ils sont déjà en manque criant de moyens énergétiques à 50 €/MWh? Or, nous avons vu que l’énergie et l’économie sont très interdépendantes. Les pays les plus pauvres de la planète ne se développeront pas s’ils ne disposent pas d’une énergie bon marché. Il faut savoir 89

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qu’il y a 1,4 milliards d’habitants qui n’ont toujours pas accès à l’électricité92 et que plus d’un milliard supplémentaire n’y accèdent que d’une manière partielle ou intermittente. Leur imposer des énergies requérant des technologies modernes et chères serait les enfoncer un peu plus dans la pauvreté tout en les rendant encore plus dépendant des pays développés. Ces pays ont surtout besoin de construire des infrastructures simples pour un prix raisonnable qui puissent leur fournir de l’énergie et de l’eau à un coût abordable. Les énergies renouvelables sont largement au-dessus de leurs moyens.

92. 600 millions en Afrique, principalement en Afrique sub-saharienne et 675 millions en Asie du Sud-Est dont la moitié en Inde. 90

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QUE FAIRE ?

En définitive, sommes-nous condamnés à continuer à utiliser massivement les énergies fossiles et à polluer l’atmosphère avec nos rejets de gaz carbonique ? Sachant que les énergies alternatives n’apporteront pas la solution, n’y a-t-il aucune autre perspective que de vivre avec une terre qui se réchaufferait inexorablement ? Le sombre scénario du Club de Rome est-il une fatalité pour l’humanité ? Les réponses à ces questions dépendent des actions que nous pouvons entreprendre à court terme. Il existe des pistes qui peuvent, si elles sont mises en œuvre, nous fournir quelques lueurs d’espoir. Tout d’abord, il convient d’être réaliste et non utopique ou dogmatique. Une transition énergétique ne pourra se construire que dans la durée et ne saurait être programmée et engagée pour simplement quelques années. L’effort doit être continu, piloté par une constance de stratégie non sujette à des à-coups ou des va-et-vient épisodiques au gré des changements politiques. La construction de toute nouvelle centrale de production électrique est généralement faite pour durer au moins 40 ans, voire 60 ans pour les réacteurs nucléaires. En conséquence, les énergies fossiles resteront très présentes dans le paysage énergétique mondial 91

QUE FAIRE ?

dans les décennies qui viennent. Il faudrait également arrêter de faire croire qu’il existe des solutions miracles et éviter de promouvoir des solutions inapplicables, soit industriellement infaisables, soit économiquement exorbitantes. À ce titre, les énergies renouvelables, même si elles peuvent apporter un complément utile et répondre à des besoins spécifiques dans des contrées isolées ou dans des lieux peu denses, sont loin d’être satisfaisantes. Quatre axes majeurs de développement se dessinent : le stockage d’énergie à grande échelle, la récupération de la chaleur, le transport électrique et le nucléaire industriel. Chacun de ces axes porte en lui-même une potentialité de gain en émissions de gaz à effet de serre suffisamment importante pour être au minimum étudié de très près et éventuellement implémenté le plus rapidement possible à grande échelle. Une combinaison simultanée de ces 4 axes d’améliorations positionnerait la France comme un pays modèle dont l’exemple serait à suivre en matière énergétique. En effet, si toutes ces technologies étaient mises en application, nos émissions de CO2 pourraient passer sous la barre de la tonne de CO2 par an et par habitant tout en conservant une dépense énergétique très confortable et compatible avec notre niveau de vie élevé. Ainsi, notre pays montrerait qu’il est parfaitement possible de concilier développement technique, croissance économique et lutte contre le réchauffement climatique et préservation des ressources.

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QUELLE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ?

QUE FAIRE ?

LE STOCKAGE D’ÉNERGIE Un stockage d’énergie efficace devra combiner deux caractéristiques : disposer d’une grande capacité de stockage et offrir un rendement élevé. Pour l’heure, les différents moyens de stockage existants ou à l’étude sont relativement limités en capacité. En ce qui concerne l’énergie, nous avons vu au premier chapitre que les carburants liquides offraient des densités d’énergie très intéressantes. Ces composés chimiques (essence, gazole, kérosène, fioul) sont de fait un moyen de stockage que l’on utilise en permanence dans les réservoirs de nos voitures ou dans les caves de nos habitations. On peut également utiliser un stockage sous forme de carburants gazeux (méthane, propane, hydrogène) à condition de disposer de volumes de stockage suffisants et de réservoirs sous pression. Mais le stockage d’électricité est une autre paire de manche. Bien entendu, tout le monde connaît les batteries et autres accumulateurs dont on se sert quotidiennement pour nos usages courants. Mais leur capacité de stockage est limitée. Même une batterie moderne au lithium-ion d’un ordinateur portable ne dépasse guère les 100 Wh. Pour obtenir une capacité de stockage d’1 TWh, il faudrait en installer 10 milliards en parallèle pour un coût qui se chiffrerait également en centaines de milliards d’euros. Or, le coût du stockage électrique est un élément primordial qui rentre dans le calcul du coût de la fourniture électrique. Plus il y aura de stockage et plus l’électricité sera chère. C’est pourquoi le stockage de l’électricité concentre aujourd’hui énormément d’efforts de recherche dans le monde, d’autant que l’introduction à marche forcée des énergies renouvelables ne pourra se réaliser sans stockage massif.

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QUE FAIRE ?

Figure 13 | Puissance et coûts par MWh des différents moyens de stockage d’électricité. Le seul moyen disponible à grande échelle (TWh) et à un coût raisonnable est le pompage hydraulique. STEP = Station de transfert d’énergie par pompage, CAES = Stockage d’énergie par air comprimé, SMES = Stockage d’énergie magnétique supraconducteur.

Comme illustré sur la Figure 13, toutes les méthodes de stockage d’électricité sont aujourd’hui soit non réalistes soit non économiques (air comprimé, batteries, piles à combustible, volant d’inertie, supraconducteurs magnétiques, supercapacités, etc.) Seul le stockage hydraulique par STEP offre les conditions acceptables en termes de capacité et de coûts. Mais, comme on l’a vu au chapitre II, les endroits du territoire où ces stations peuvent être implantées ne sont pas pléthoriques. Par ailleurs, il ne serait pas envisageable de construire quantité de STEP artificielles car elles couvriraient d’immenses zones (des dizaines de km2 par TWh) induisant de grands dégâts environnementaux. Pour finir, on pourrait tenter de transformer l’électricité en carburants liquides ou gazeux. C’est techniquement faisable, les carburants étant en définitive un moyen de stockage d’énergie tout à fait pratique et dense. Les voies de transformation d’une 94

QUELLE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ?

QUE FAIRE ?

énergie électrique vers une énergie chimique (et vice versa) sont également très étudiées, analysées et même démontrées expérimentalement. C’est là que l’on se heurte au second grand défi du stockage d’électricité : le rendement. Lorsque l’on cherche à stocker 1 MWh d’électricité dans un système quelconque, on aimerait pouvoir en récupérer une partie non négligeable lors de l’utilisation. Si les pompages hydrauliques ou les batteries électrochimiques offrent des rendements élevés (supérieurs à 80 % voire 99 % pour certains accumulateurs), il n’en va pas de même des processus de transformations chimiques. Un exemple encore très prisé il y a peu est l’utilisation de l’électricité pour la production du carburant hydrogène. Le rendement global des techniques de production d’hydrogène, que ce soit par voie thermochimique ou par électrolyse alcaline ou à haute température atteint péniblement les 30 %. Pour 1 MWh stocké dans ces conditions, on ne récupère que 0,3 MWh utiles. L’hydrogène coûte donc très cher à la production93. Son stockage et sa distribution posent également de sérieux problèmes à la fois technologiques et de sûreté94. L’idée que l’on puisse utiliser de l’électricité gratuite la nuit pour le produire est une pure vue de l’esprit. Il n’y a plus de surproduction électrique. Même à 3h du matin, EDF vend de l’électricité sur les marchés à plus 93. L’hydrogène industriel est principalement utilisé pour la production d’ammoniaque (51 %), la désulfurisation du pétrole raffiné (35 %) ou la production de méthanol (8 %). Il est généré à 96 % par reformage du gaz méthane. Sa production émet donc du gaz carbonique. Les 4 % restants le sont par électrolyse alcaline de l’eau liquide. Tous les autres moyens de production d’hydrogène à partir de l’eau (thermochimie, électrolyse haute température, thermolyse, …) sont encore au stade expérimental du laboratoire. Les coûts de production s’étalent entre 2 €/kg pour le reformage de méthane à 12 €/kg pour les voies thermochimiques, en passant par 4 €/kg pour l’électrolyse. 94. L’hydrogène est un gaz léger et inflammable. Il est facilement perméable, même à travers des parois en acier. Soit on le liquéfie en-dessous de 20,28 K – cela coûte beaucoup d’énergie et d’argent – soit on le stocke dans des bouteilles sous très hautes pressions (700 bars). 95

QUE FAIRE ?

de 30 € le MWh. Chaque MWh d’hydrogène stocké reviendrait donc au bas mot à 300 €. À ce prix, il est clair que la civilisation hydrogène n’est pas pour demain.

LA GÉOTHERMIE C’est la grande oubliée des énergies renouvelables. Sous prétexte que la puissance rayonnée par la terre n’excède guère 40 TW95, certains négligent purement et simplement cette énergie (pour mémoire, le solaire rayonne 80000 TW). Certes, la chaleur de la terre fait qu’il nous faut creuser à 1000 mètres de profondeur pour y puiser une température simplement 33 °C plus chaude qu’à la surface. Mis à part certains endroits spécifiques du globe comme en Islande où des geysers brûlants peuvent directement jaillir des profondeurs, la chaleur géothermique est assez difficilement exploitable. Cependant, la géothermie peut et doit surtout nous servir de stockage de chaleur et non de source d’énergie à proprement parler. Pour cela, nul besoin de plonger en grande profondeur. Il nous suffit d’utiliser la grande capacité calorifique de la terre. Cette capacité peut aisément rendre le stockage saisonnier possible, récupérant en hiver le trop plein de calories mises de côté pendant les périodes chaudes. De plus, un tel système pourra être déployé comme une distribution d’éléments à petite échelle pouvant aller jusqu’au niveau individuel pour la maison d’un particulier. Dans un 95. L’émission thermique de la terre a pour origine trois composantes. Depuis sa formation il y a 4,5 milliards d’années, la sphère terrestre se refroidit dans l’espace par rayonnement infrarouge. Aujourd’hui, ce refroidissement naturel émet 12 TW de puissance. S’y ajoutent les 20 TW générés par les éléments naturels radioactifs concentrés dans la croûte (uranium, thorium, potassium). Enfin, la convection dans le manteau contribue pour environ 8 TW. 96

QUELLE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ?

QUE FAIRE ?

pays tempéré comme la France qui affiche une température annuelle moyenne de 13 °C96, le besoin en chauffage additionnel pourra être facilement divisé par 2. L’addition de pompes à chaleur ayant un coefficient de performance de 3 réduirait les factures énergétiques du chauffage à 1/6ème de la consommation actuelle et ceci à performance énergétique constante du bâtiment, sans engager aucune modification significative de l’habitat ni d’onéreux travaux d’isolation thermique. À moins de 20 kWh/m2/an, il ne serait plus ni économiquement utile, ni techniquement avantageux d’engager d’importantes modifications dans le bâtiment.

LA RÉCUPÉRATION DE LA CHALEUR DES CENTRALES Comme nous l’avons vu au premier chapitre, la transformation de la chaleur en électricité dans les centrales électriques s’obtient avec un rendement thermodynamique de l’ordre de 33 %. La génération d’électricité délaisse donc les deux tiers de l’énergie produite sous la forme de chaleur qui sera tout simplement dissipée dans l’environnement. Une centrale à tour aéroréfrigérante (le fameux panache blanc de vapeur d’eau visible à des lieues à la ronde) ne réchauffe donc que les petits oiseaux alors qu’une centrale située en bord de mer ou de rivière chauffe les petits poissons. De fait, une grande partie de cette chaleur peut techniquement être récupérée pour chauffer non pas l’environnement mais les grandes agglomérations97. Le gisement en économie d’énergie correspondant à la récupération de cette chaleur perdue est gigantesque. Toutes 96. La moyenne annuelle des températures en France varie localement de 10 °C dans le nord à 16 °C sur la Côte d’Azur. 97. «Heat Recovery from Nuclear Power Plants» , H. Safa, Electrical Power and Energy Systems 42 (2012) p. 253. 97

QUE FAIRE ?

centrales confondues, qu’elles soient nucléaires ou thermiques, l’énergie récupérable se chiffre à près de 700 TWh par an ce qui correspond à 60 Mtep/an. C’est bien davantage que la totalité de la consommation du chauffage résidentiel et tertiaire en France qui se monte à 39,2 Mtep/an. La valorisation de la chaleur des centrales électriques pourrait donc chauffer la France entière et ce, sans construire aucune nouvelle centrale ni thermique ni nucléaire et sans brûler le moindre gramme de combustible fossile. Pour ce faire, il convient de développer les réseaux de chaleur urbains. Ces réseaux sont très en vogue dans les pays nordiques qui, il est vrai, en font un usage plus prononcé que nous tout au long de l’année. Cependant, ils s’avèrent quasiment inexistants sous nos latitudes. D’une manière générale, ni l’État ni les collectivités locales n’ont réellement intégré la dimension collective de la distribution de chaleur préférant laisser à l’individu son libre arbitre en la matière. Du coup, quand bien même les réseaux urbains sont reconnus utiles et profitables à toute la communauté, peu de villes françaises ont investi dans la construction de ces infrastructures. Un avantage de ces réseaux, c’est qu’ils peuvent très bien se construire petit à petit, au rythme des besoins et des capacités d’investissements en prenant le temps nécessaire. À titre d’exemple, la première ligne de chaleur de la ville de Paris a vu le jour en 1927. Elle servait à préchauffer les locomotives à vapeur de la Gare de Lyon. Son extension progressive fait qu’aujourd’hui le sous-sol de notre capitale abrite déjà un réseau long de 2 x 440 kilomètres de canalisations transportant de la chaleur et desservant un quart des habitations et immeubles de la ville. Plus du tiers du chauffage collectif parisien est alimenté grâce à ce réseau98. Le seul hic, c’est que la majorité (près des deux tiers 99) de cette chaleur est produite par des centrales à combustibles 98. Le lecteur curieux pourra consulter à bon escient le site de la Compagnie parisienne de chauffage urbain www.cpcu.com 99. Le tiers restant est obtenu à partir d’usines d’incinération d’ordures ménagères. 98

QUELLE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ?

QUE FAIRE ?

fossiles (charbon, gaz et fioul) situées en proche banlieue. La récupération de la chaleur de la plus proche centrale nucléaire (Nogent-sur-Seine) pour alimenter le chauffage parisien en période hivernale éviterait à la région de Paris l’émission de quelques 1,7 millions de tonnes de gaz carbonique chaque année. De plus, la cogénération nucléaire réduirait le recours à du chauffage électrique d’appoint lors des jours de grand froid, principal responsable des pics de consommation électrique sur le réseau. Combinant efficacité énergétique, économie de chauffage et écologie, la valorisation de la chaleur devrait être une priorité nationale en matière d’énergie. Près d’un siècle après avoir électrifié l’ensemble du territoire, la France pourrait lancer une grande campagne d’installations de réseaux de chaleur dans toutes les agglomérations. La chaleur pour tous viendrait parfaitement compléter l’électricité pour tous pour achever d’assurer l’énergie pour tous. &RJpQpUDWLRQ1XFOpDLUH &LUFXLWSULPDLUH *pQpUDWHXU GHYDSHXU

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Réseau de chaleur

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Réacteur nucléaire

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Figure 14 | La récupération de a chaleur non valorisée des centrales nucléaires pourrait couvrir la totalité des besoins en chauffage du pays.

99

QUE FAIRE ?

LE TRANSPORT Le transport des biens et des personnes représente le plus gros poste de consommation énergétique en France avec 50 Gtep par an. Le combustible utilisé à une écrasante majorité (93 %) pour nos transports est sans conteste le pétrole. Afin de réduire notre dépendance à ce combustible, deux pistes s’offrent à nous : le véhicule électrique et les carburants de synthèse. En ce qui concerne la voiture électrique, le point clé réside dans la mise au point de batteries de stockage comprenant deux objectifs majeurs : la performance et le prix. L’objectif de performance est essentiel : il faut savoir développer des batteries qui atteignent ou dépassent les 400 Wh/kg pour que l’autonomie des véhicules puisse être acceptable par le particulier. À part quelques flottes captives, personne n’achètera une voiture électrique si elle risque de tomber en panne d’énergie au bout de 30 kilomètres. Pour ce faire, la recherche, y compris la recherche fondamentale devra être mise à contribution car les problèmes électrochimiques sont de cette nature. Cet enjeu primordial a souvent été délaissé ces derniers temps au profit d’objectifs d’intégration industrielle rapide de batteries existantes, le plus souvent développées à l’étranger. Or, même les meilleures de ces batteries atteignent rarement les 200 Wh/kg. Il faut donc d’abord gagner au minimum un facteur 2 en laboratoire avant de penser à une quelconque industrialisation à grande échelle. Le prix actuel dissuasif d’un module de batteries électriques (12 000 € pour 40 kWh) est un autre enjeu d’importance. Ce prix pourrait le cas échéant être réduit si l’on combinait d’une part l’amélioration des performances techniques et de l’autre la fabrication en série des dites batteries. Un objectif raisonnable de diminution d’un facteur 3 (soit 100 €/kWh) pourrait être envisagé à moyen terme, ce qui ouvrirait définitivement la voie à la percée du véhicule électrique. Nonobstant, le carburant liquide demeure un moyen de stockage d’énergie inégalé. Avec plus de 10 000 Wh/kg et sa 100

QUELLE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ?

QUE FAIRE ?

grande facilité et simplicité d’utilisation dans des conditions normales de pression et de température, l’essence restera encore incontournable pour remplir nos réservoirs pendant des décennies. Son problème majeur : sa combustion émet du gaz carbonique. Il convient donc de lui trouver un substitut. Si le raffinage de pétrole produit naturellement les carburants des véhicules, on sait fabriquer chimiquement de l’essence à partir d’autres matières carbonées, en particulier de la biomasse. Ce sont les carburants dits de synthèse. Cependant, la biomasse a besoin de surfaces agricoles pour se développer. Les rendements à l’hectare étant ce qu’ils sont, on arrive assez rapidement à un conflit d’espace disponible entre la nourriture des hommes et des animaux et la production de carburants. Manger ou conduire, il faudrait donc choisir. Il faut savoir qu’aujourd’hui, les 2/3 des champs de colza qui fleurissent notre beau territoire national finissent dans nos réservoirs de voitures100. Et chaque litre de gazole distribué à la pompe contient près de 7 % de biodiesel issu de la culture d’oléagineux101. L’essence n’est pas en reste car il contient également une proportion identique de bioéthanol102. Ces biocarburants dits de première génération sont à éviter car ils mettent directement en concurrence les carburants avec des besoins alimentaires. Il vaut mieux 100. En France, 1.45 millions d’hectares sont cultivés pour la seule fabrication de biodiesel sur un total de 2.264 Mha réservés aux oléagineux (colza, tournesol). L’huile des plantes est transformée en ester méthylique d’huile végétale (EMHV) qui est directement incorporé au gazole à hauteur de 6,5 %. Son contenu énergétique est 10% moins élevé que celui du gazole (33 MJ/litre au lieu de 36 MJ/litre). 101. « La politique d’aide aux biocarburants », rapport de la Cour des Comptes, janvier 2012. 102. Le bioéthanol est un alcool produit à partir de la fermentation des sucres de betteraves ou de cannes à sucre. L’hydrolyse de l’amidon des céréales (blé, maïs) génère également de l’éthanol. Le parc de véhicules français étant fortement diésélisé, seuls 0,22 Mha des surfaces cultivées de céréales sont consacrées au bioéthanol. Les grands pays producteurs de bioéthanol sont les États-Unis (maïs) et le Brésil (canne à sucre). 101

QUE FAIRE ?

d’abord nourrir l’humain avant de chercher à le transporter à moindre coût. De plus, le bilan global en émissions de CO2 de ces biocarburants n’est pas très brillant103. Pour éviter la compétition nourriture/carburants, il faut développer les biocarburants dits de seconde génération qui exploitent non la partie énergétique de la plante (graine, sucre ou amidon), mais sa partie fibreuse, la cellulose des plantes, ainsi que les résidus et déchets agricoles. La gazéification de la biomasse lignocellulosique suivie de la synthèse de carburants liquides sont des procédés aujourd’hui en développement mais qui offrent un potentiel énergétique allant au-delà de la simple production des biocarburants actuels. Certaines parties du processus de transformation chimique requièrent de l’hydrogène et/ou de la chaleur et peuvent être assistées par l’utilisation des énergies non carbonées (nucléaire et renouvelables) pour leur production. Pour finir, il reste la question du transport aérien, en augmentation constante depuis un demi-siècle. En 2010, les carburéacteurs ne représentaient pas moins de 6,9 Mtep/an soit 15 % de la consommation de pétrole dédiée au transport. Autant l’on pourrait envisager de développer au sol le véhicule électrique, autant il sera très difficile de substituer l’usage d’un carburant liquide dans un avion. La solution ultime réside dans les carburants de synthèse de seconde génération104. Avec un rendement de 7 tonnes à l’hectare, il faudrait consacrer environ 3 millions d’hectares de surfaces agricoles pour pouvoir fabriquer suffisamment de kérosène de synthèse pour couvrir la totalité des besoins. Ce qui mobiliserait déjà davantage de terres agricoles que l’ensemble de la surface aujourd’hui dédiée 103. Une analyse complète du cycle de vie des biocarburants de première génération montre une réduction des gaz à effets de serre associée assez limitée, variant entre 0 % et 50 % selon les études. 104. Il existe également une filière dite de troisième génération de fabrication de biodiesel à partir de lipides synthétisés par des algues ou microalgues. Cependant, les rendements existants ne laissent pas espérer un débouché industriel rapide de cette filière, même à longue échéance. 102

QUELLE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ?

QUE FAIRE ?

à la production de biocarburants. C’est à la limite de ce que la France pourrait raisonnablement tolérer de consacrer à la production de carburants liquides à partir de biomasse.

DÉVELOPPER LE NUCLÉAIRE Le dernier axe d’amélioration concerne la filière nucléaire. Le contenu énergétique de l’uranium étant 100 000 fois plus élevé que celui du pétrole, cela veut dire que l’on utilise 100 000 fois moins de matières premières pour produire la même quantité d’énergie. Ce facteur 100 000 explique en grande partie les avantages communément attribués à l’utilisation de l’énergie nucléaire à savoir l’indépendance énergétique, son faible coût de production et la petite quantité de déchets produits. Mais la technologie nucléaire est encore jeune et reste largement perfectible. Avec la technologie des réacteurs à eau en fonctionnement dans le monde, on ne brûle réellement que moins de 1 % de l’uranium extrait des mines. Plus de 95 % de l’uranium contenu dans les combustibles nucléaires ne participe guère à la production d’énergie. En introduisant les réacteurs de 4e génération, on pourrait être en mesure de brûler sinon la totalité, du moins une grande partie de l’uranium des combustibles. Cette filière de réacteurs, dont la maîtrise est à portée de main en France, consommerait nettement moins de matières premières par unité d’énergie que les réacteurs actuellement en opération ou en construction. Les réserves énergétiques de la planète s’en trouveraient instantanément multipliées par un facteur d’au minimum 25. Cette nouvelle technologie nucléaire offrirait la possibilité pour l’humanité de disposer de réserves énergétiques se chiffrant en dizaines de milliers d’années. Soit très largement plus que les combustibles fossiles qui pourvoient notre société. Une autre voie de 103

QUE FAIRE ?

progrès technologique envisageable dans un futur proche tient à la possibilité d’un usage non exclusivement électrogène du nucléaire. Aujourd’hui, les réacteurs nucléaires sont construits pour produire quasi exclusivement de l’électricité. Cependant, ils pourraient être également capables de générer de la chaleur ou d’autres produits énergétiques directement utiles à alimenter nos usines comme par exemple de la vapeur d’eau ou de l’hydrogène. Une multitude d’applications industrielles seraient concernées allant de la production de papier à la métallurgie en passant par le raffinage de pétrole et les procédés chimiques. Là encore, pour chaque application, des gains énergétiques significatifs peuvent être attendus. D’une manière objective, sans doute que le nucléaire sera une énergie qui sera déployée demain à grande échelle car ses avantages l’emportent très largement sur ses inconvénients. Les différents accidents nucléaires survenus dans le monde (Three Mile Island, Tchernobyl, Fukushima) ont forcé les ingénieurs à une réévaluation permanente de la sûreté nucléaire et à intégrer de multiples améliorations progressivement implémentées au fil des ans. Les progrès obtenus dans ce domaine rendent de plus en plus robustes les concepts récents et laissent penser qu’à l’avenir les conséquences humaines et environnementales d’un accident nucléaire même majeur seront de plus en plus limitées. Les axes de recherche devront alors s’atteler à la simplification des systèmes et à la réduction des coûts de construction des prochaines générations de réacteurs. Le nucléaire du futur pourra apporter à l’humanité une partie de l’énergie nécessaire à son développement tout en atténuant les risques induits par le changement climatique. N’en déplaise à certains, le nucléaire apparaît de plus en plus comme la plus écologique des énergies aujourd’hui à disposition de l’être humain.

104

QUELLE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ?

CONCLUSION

La modification quasi certaine du climat terrestre due à notre mode vie énergétique appelle une action d’envergure pour limiter nos émissions de gaz carbonique. Le nucléaire peut offrir une énergie qui présente le double avantage de ne pas dégager de CO2 tout en consommant très peu de ressources terrestres, ce qui peut nous garantir une durabilité à longue échéance. Quant aux énergies renouvelables, elles sont intermittentes et requièrent une énergie en support qui ne saurait aujourd’hui techniquement être que le gaz. Installer massivement les énergies renouvelables, c’est opter pour une énergie basée sur la ressource gaz. En définitive, nous n’avons réellement le choix qu’entre le nucléaire et le gaz. Il n’y aura pas d’autre alternative tant qu’un moyen de stockage massif d’énergie ne sera pas disponible. Nucléaire ou gaz, il nous faut donc choisir. Or, tout porte à croire que le choix du gaz pourrait s’établir plutôt par défaut que par réelle conviction ou par une volonté politique affirmée. Une réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique signifierait automatiquement une augmentation de celle du gaz à due proportion. Cela impliquerait également une plus grande dépendance vis-à-vis des pays exportateurs de gaz et de surcroît une augmentation de nos émissions de gaz 105

CONCLUSION

carbonique. Le souhaite-t-on vraiment ? Ce choix devrait être très clairement expliqué aux français. Et si l’on veut proposer au peuple un choix énergétique démocratique par exemple à travers un référendum, la vraie question qui se pose n’est pas « voulez-vous sortir du nucléaire ? ». Ce serait trop simple pour ne pas dire démagogique, car la réponse à cette question ne règle absolument pas la question énergétique. Si d’aventure l’État décidait une réduction sensible de la part du nucléaire, voire un abandon total, le délicat problème qui s’imposerait serait de savoir par quelle énergie primaire la remplacer. La seule question qui vaille d’être posée pourrait être : « Souhaitezvous le remplacement des centrales nucléaires par des centrales au gaz ? ». Alors le référendum aurait un sens et le choix énergétique serait assumé par les citoyens en connaissance de cause. Avec toutes les conséquences qui en découlent. Nucléaire ou gaz, tel est le seul choix possible aujourd’hui.

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QUELLE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ?

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Composition :

14123 Fleury-sur-Orne

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