Pierre de Jean Olivi - Philosophe et théologien 9783110240825, 9783110240818

Petrus Johannis Olivi (c. 1248–1298) is today considered one of the most important intellectuals of the second half of t

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French Pages 481 Year 2010

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Table of contents :
Frontmatter
Sommaire
Avant-propos
Le métier de théologien selon Olivi. Philosophie, théologie, exégèse et pauvreté
La parabole du bon Samaritain (Luc 10, 25–37) chez Pierre de Jean Olivi
Appunti sulla nobiltà in Pietro di Giovanni Olivi
Olivi et le formalisme ontologique. Lectures d’Aristote, d’Averroès, et critique d’Albert ?
Pierre de Jean Olivi et l’action instantanée
Materia spiritualis. Implications anthropologiques de la doctrine de la matière développée par Pierre de Jean Olivi
Intelligere verum creatum in veritate aeterna : la théorie de l’illumination intellectuelle chez Richard de Mediavilla et Pierre de Jean Olivi
Pietro di Giovanni Olivi e il dibattito sull’attualità della materia
La materia come ens in potentia tantum.Tra la posizione di Sigieri di Brabante e la critica di Pietro di Giovanni Olivi
Notes pour l’histoire de la réception de Pierre de Jean Olivi
Libertas proprie non est nisi in voluntate. Libertà e soggettività in Pietro di Giovanni Olivi
Bruno Nardi, Pietro di Giovanni Olivi e l’origine dell’anima umana in Dante (Pg XXV 37–79)
La sagesse chrétienne comme instance critique en philosophie : une introduction à la lecture du ‹De perlegendis philosophorum libris›
Petrus Johannis Olivi. Impugnatio quorund amarticulorum Arnaldi Galliardi, articulus 19
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Pierre de Jean Olivi - Philosophe et théologien
 9783110240825, 9783110240818

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Pierre de Jean Olivi Philosophe et the´ologien

Scrinium Friburgense Veröffentlichungen des Mediävistischen Instituts der Universität Freiburg Schweiz

Herausgegeben von Hugo Oscar Bizzarri · Christoph Flüeler · Marie-Claire Ge´rard-Zai Peter Kurmann · Eckart Conrad Lutz · Hans-Joachim Schmidt Jean-Michel Spieser · Tiziana Suarez-Nani

Band 29

De Gruyter

Pierre de Jean Olivi Philosophe et the´ologien Actes du colloque de Philosophie me´die´vale. 24−25 octobre 2008, Universite´ de Fribourg

E´dite´ par Catherine König-Pralong · Olivier Ribordy Tiziana Suarez-Nani

De Gruyter

Veröffentlicht mit Unterstützung des Hochschulrates Freiburg/Schweiz

ISBN 978-3-11-024081-8 e-ISBN 978-3-11-024082-5 ISSN 1422-4445 Bibliographic information published by the Deutsche Nationalbibliothek Die Deutsche Nationalbibliothek verzeichnet diese Publikation in der Deutschen Nationalbibliografie; detaillierte bibliografische Daten sind im Internet über http://dnb.d-nb.de abrufbar.

” 2010 Walter de Gruyter GmbH & Co. KG, Berlin/New York Satz: Olivier Ribordy Druck und Bindung: Hubert & Co. GmbH & Co. KG, Göttingen ⬁ Gedruckt auf säurefreiem Papier Printed in Germany www.degruyter.com

Sommaire C. König-Pralong, O. Ribordy, T. Suarez-Nani – Avant-propos . . . .

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I . Pratiques exégétiques Sylvain Piron – Le métier de théologien selon Olivi. Philosophie, théologie, exégèse et pauvreté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Fortunato Iozzelli – La parabole du bon Samaritain (Luc 10, 25–37) chez Pierre de Jean Olivi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Andrea Robiglio – Appunti sulla nobiltà in Pietro di Giovanni Olivi 113 Catherine König-Pralong – Olivi et le formalisme ontologique. Lectures d’Aristote, d’Averroès, et critique d’Albert ? . . . . . . . .

135

II. II Questions philosophiques William Duba – Pierre de Jean Olivi et l’action instantanée . . . . . .

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Olivier Ribordy – Materia spiritualis. Implications anthropologiques de la doctrine de la matière développée par Pierre de Jean Olivi . 181 Federica Caldera – Intelligere verum creatum in veritate aeterna : la théorie de l’illumination chez Richard de Mediavilla et Pierre de Jean Olivi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

229

Anna Rodolfi – Pietro di Giovanni Olivi e il dibattito sull’attualità della materia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

253

Antonio Petagine – La materia come ens in potentia tantum. Tra la posizione di Sigieri di Brabante e la critica di Pietro di Giovanni Olivi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Sommaire

III. III Perspectives Tiziana Suarez-Nani – Notes pour l’histoire de la réception de Pierre de Jean Olivi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

327

Peter Nickl – Libertas proprie non est nisi in voluntate. Libertà e soggettività in Pietro di Giovanni Olivi . . . . . . . . . . . .

355

Massimiliano Lenzi – Bruno Nardi, Pietro di Giovanni Olivi e l’origine dell’anima umana in Dante (Pg XXV 37–79) . . . . . . . . . . . . . . . 369 IV. IV Annexes Catherine König-Pralong, Olivier Ribordy, Tiziana Suarez-Nani – Pierre de Jean Olivi, ‹De perlegendis philosophorum libris›. Introduction et traduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

409

Sylvain Piron – Pierre de Jean Olivi, ‹Impugnatio quorundam articulorum Arnaldi Galliardi, articulus 19›. Édition et introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Avant-propos L’entrée progressive de Pierre de Jean Olivi au panthéon des grands auteurs de la scolastique médiévale procède de deux entreprises scientifie ques décisives. Dans le dernier tiers du XIX siècle, Franz Ehrle exhumait les textes scolastiques d’Olivi du fonds Borghèse de la bibliothèque vati1 cane et publiait un premier portrait de Pierre de Jean Olivi; il érigeait ainsi un tombeau au franciscain languedocien, destiné par les censures 2 médiévales à une damnatio memoriae que certains mouvements spirituels dissidents avaient alors contrée, forçant l’image d’un penseur mar3 ginal. Dans un second temps, l’édition critique des ‹Quaestiones in secundum Librum Sententiarum›, achevée entre 1922 et 1926 par 4 Bernardus Jansen, donnait le départ à une vaste entreprise d’éditions, patronnées pour bonne part par le Collegium S. Bonaventurae à Grotta___________________ 1

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Ehrle, Franz, Petrus Johannis Olivi, sein Leben und seine Schriften, dans : Archiv für Literatur- und Kirchengeschichte des Mittelalters 3 (1887), pp. 409–552. Les manuscrits du fonds Borghèse de la bibliothèque vaticane recelant les textes scolastiques d’Olivi proviennent de la bibliothèque des papes d’Avignon, où ils furent assemblés lors de la préparation du procès d’Olivi. Paradoxalement, la préparation de la censure et de la destruction des œuvres d’Olivi fut aussi l’instrument de sa redécouverte. À ce sujet, voir Piron, Sylvain, Censures et condamnation de Pierre de Jean Olivi : enquête dans les marges du Vatican, dans : Mélanges de l’École française de Rome, Moyen Âge 118 (2006), pp. 313–373 ; Anheim, Étienne, Transmission des manuscrits et histoire intellectuelle. À propos de la bibliothèque des papes d’Avignon, à paraître (contribution présentée à l’Institut d’Études Médiévales de l’Université de Fribourg, le 9 mars 2009). Voir Biget, Jean-Louis, Culte et rayonnement de Pierre Déjean-Olieu en e Languedoc au début du XIV siècle, dans : Pierre de Jean Olivi (1248–1298). Pensée scolastique, dissidence spirituelle et société, éd. Alain Boureau, Sylvain Piron (Études de philosophie médiévale 79), Paris 1999, pp. 277–308. Petrus Iohannis Olivi, Quaestiones in secundum librum Sententiarum, éd. B. Jansen, 3 vols, Quaracchi 1922–1926.

Avant-propos

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ferrata. Grâce à cet accès aux textes, la recherche put s’enrichir de monographies, d’études et d’entreprises de vulgarisation scientifique – des 6 traductions parurent peu à peu, en italien, allemand, français et anglais. La figure d’Olivi théologien et philosophe, acteur du débat scolastique, s’étoffait. Les Actes du colloque organisé par Alain Boureau et Sylvain Piron en 7 mars 1998 à Narbonne ont contribué de manière significative à l’étude de la dissidence spirituelle d’Olivi, de sa défense de la pauvreté et de ses doctrines de philosophie pratique – économiques, éthiques et politiques – dans une perspective d’histoire sociale et culturelle ; ce volume ouvrait aussi de nombreux chantiers en historiographie philosophique et théologique, dans une approche plus propre à l’histoire intellectuelle. Dix ans 8 plus tard, les 24 et 25 octobre 2008, l’‹Atelier de philosophie médiévale› organisé par la chaire de philosophie médiévale à l’Université de Fribourg (Suisse) projetait de continuer cette dernière ligne d’enquête et de faire un point sur le travail intellectuel d’Olivi lecteur des philosophes, commentateur de la Bible et intervenant des débats scolastiques. Les Actes de cette rencontre, publiés ici, présentent des enquêtes relatives aux sources philosophiques d’Olivi, à sa conception de l’étude, à son usage et à sa lecture des philosophes, à son herméneutique biblique, ainsi qu’à certains effets de ses élaborations jusque dans l’historiographie contemporaine. Les historiens de la philosophie ayant rapatrié la pensée d’Olivi au cœur des questions universitaires médiévales, il paraissait pertinent d’approcher son œuvre par le biais de thématiques scolastiques ‹classiques› – théorie de l’intellect, physique de la matière, ontologie de la substance, théorie du mouvement et anthropologie au sens large. Une attention particulière accordée aux contextes doctrinaux et historiques caractérise en outre les études réunies dans ce volume, qui adoptent cependant des focales très différentes. ___________________ 5 6 7

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Voir les ouvrages mentionnés dans la bibliographie donnée en annexe. Voir les traductions mentionnées dans la bibliographie donnée en annexe. Pierre de Jean Olivi (1248–1298). Pensée scolastique, dissidence spirituelle et société, éd. Alain Boureau, Sylvain Piron (Études de philosophie médiévale 79), Paris 1999. Ce colloque résultait d’une entreprise collective de traduction : Pierre de Jean Olivi, La matière. Texte latin introduit, traduit et annoté par Tiziana Suarez-Nani, Catherine König-Pralong, Olivier Ribordy et Andrea Robiglio, (Translatio. Philosophies Médiévales) Paris 2009.

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Grâce aux recherches de ces dernières décennies, le monde philosophique et théologique d’Olivi, l’univers scolastique du dernier tiers du e XIII siècle, s’est considérablement peuplé. Délimitant des contextes serrés, certaines contributions opèrent des rapprochements nouveaux, entre Albert le Grand, Roger Bacon, Siger de Brabant et Olivi par exemple. Dans une même optique étroitement définie, d’autres auteurs accordent une attention particulière à l’exégèse biblique et à la lecture des philosophes par Olivi. L’étude des pratiques d’écriture d’Olivi permet de relever des particularités mais aussi de nuancer sa prétendue originalité ; l’historien découvre de singulières similitudes entre certaines tournures et doctrines oliviennes et des élaborations comparables chez Richard de Mediavilla et Roger Bacon. Ouvrant l’angle de vue, quelques contributions versent à ce dossier des auteurs plus anciens ou récents, appartenant à d’autres mondes historiques – tels Averroès ou François de la Marche. Ceux-ci peuvent figurer comme sources d’Olivi, cibles de ses critiques ou témoins de son influence. Enfin, quittant le terrain scolastique, une enquête sur la présence d’Olivi comme source dantesque chez le jeune Bruno Nardi offre de précieux enseignements sur la manière dont les historiens ont vu (et parfois lu) Olivi à travers l’image construite par les études e e de la fin du XIX siècle et du début du XX siècle. Les contributions ont été regroupées en trois ensembles, sur le critère des différents types de matières abordées. 1. Un premier groupe de contributions s’intéresse aux ‹Pratiques exégétiques›, à la manière dont Olivi exerçait son métier de théologien et dont il en concevait les méthodes et les fins. Sylvain Piron livre un vaste portrait intellectuel du franciscain languedocien. Après avoir situé Olivi dans son monde culturel, souligné les particularités de sa figure d’intellectuel et précisé son projet, il enquête d’abord sur le début de sa carrière, mal connu encore, sur ses premières années d’études parisiennes (dès 1266 peut-être) et ses premiers travaux (durant les années 1270). À partir d’un dossier de questions disputées encore inédites et orientées par deux intérêts apparemment très divergents – la physique aristotélicienne et l’objet de la théologie –, S. Piron émet l’hypothèse d’un cours précoce sur la ‹Physique›, dont Bonaventure aurait pu être l’instigateur. Les traces de cet enseignement antérieur à 1275 constitueraient le plus ancien témoignage connu d’un commentaire d’Aristote dans un studium franciscain français. Cette description du début de la carrière d’Olivi débouche sur une série de courtes enquêtes ; S. Piron s’intéresse alors aux pratiques

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Avant-propos

herméneutiques d’Olivi, à ses relations à Bonaventure, à sa conception propre du métier de théologien et au rôle insigne de la christologie en théologie olivienne. Après cette présentation globale du projet intellectuel d’Olivi, la contribution de Fortunato Iozzelli introduit le lecteur au cœur d’une exégèse biblique particulière. L’enquête porte sur la parabole du bon Samaritain, donc sur le ‹Commentaire de Luc› (10, 25–37) rédigé entre 1282 et 1295, dont F. Iozzelli achève actuellement l’édition critique. À l’étude du commentaire de cette parabole, F. Iozzelli souligne d’une part les aspects traditionnels de l’exégèse olivienne, d’autre part certaines de ses spécificités : elle tisse des liens avec l’‹Apocalypse›, imprimant une forte couleur eschatologique au texte, et elle insiste surtout sur l’humanité du Christ, sa compassion et sa miséricorde ‹viscérales›, le rapprochant ainsi de l’image de Saint François produite par son ‹Testament›. L’étude suivante, de la plume d’Andrea A. Robiglio, propose une enquête sur la conception olivienne de la noblesse (nobilitas), qui passe par une lecture détaillée du ‹De studio›, discours inaugural scolaire dans lequel Olivi précise la valeur et la fonction de l’étude dans la gestion de la vie franciscaine. Le rapport de l’élève au maître – véritable ‹docteur spirituel› – y est caractérisé comme nexus nobilissimus. L’économie du salut trace par ailleurs un cadre anthropologique à cette description de la vie savante : l’homme y figure comme la créature la plus noble, dans la mesure où il est un ‹Christ possible›. La dernière contribution de ce premier ensemble dédié aux techniques de lecture et d’écriture regarde plus spécifiquement la philosophie. À l’étude de la problématique aristotélicienne de la définition des substances composées, Catherine König-Pralong reconstruit le champ idéologique et problématique des attaques d’Olivi contre les défenseurs de la thèse formaliste, selon laquelle seule la forme constitue la définition des substances matérielles, à l’exclusion de la matière. La lecture oliviennne d’Aristote et d’Averroès y apparaît tout à fait singulière : Averroès est certes extravagant aux yeux d’Olivi, mais il est moins fallacieux qu’Aristote sur cette question précise. Dans l’horizon contemporain, Albert le Grand pourrait figurer comme la cible implicite des critiques oliviennes. 2. Intitulée ‹Questions philosophiques›, la deuxième section présente cinq enquêtes portant sur des thématiques philosophiques très discutées e dans la seconde moitié du XIII siècle. Dans le champ de la philosophie

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naturelle, William O. Duba reconstruit la théorie olivienne de l’instant du changement, qui met en jeu la question de l’être permanent et de son premier instant. Deux applications oliviennes de ce chapitre de physique aristotélicienne sont particulièrement dignes d’intérêt dans l’horizon de la pensée franciscaine : la théorie de la volonté comme puissance simultanément capable d’actes opposés – doctrine dite de la ‹contingence synchronique› qui sera développée par Jean Duns Scot – et la critique de la théorie de la perception propre aux perspectivistes anglais (à Roger Bacon en particulier). Entre physique et anthropologie, la contribution d’Olivier Ribordy porte sur la question 16 des ‹Questions sur le deuxième livre des Sentences› d’Olivi. Cette importante question consacrée à la matière (soixantecinq pages dans l’édition de B. Jansen), placée rétrospectivement en tête du traité de la matière (qq. 16–21) alors que sa date de composition est postérieure à celles des questions 17, 18, 20 et 21, révèle la centralité du thème anthropologique dans les développements philosophiques d’Olivi et dans ses prises de position polémiques. O. Ribordy montre en effet que l’anthropologie traverse les réflexions d’Olivi sur la matière : la physique est anthropologiquement orientée. Travaillant quant à elle le champ de la noétique, Federica Caldera met en relation les réflexions de Richard de Mediavilla et d’Olivi sur la connaissance humaine. À l’examen des limites, des conditions et des fins de la connaissance chez Olivi et Richard succède une enquête sur les critères de scientificité internes à l’activité cognitive. Richard et Olivi rejettent tous deux la théorie augustinienne de l’illumination adaptée par Bonaventure, pour défendre des conceptions activistes de la connaissance intellectuelle, bien qu’Olivi accorde une moindre autonomie à la connaissance humaine. Tous deux rejettent par ailleurs une relation d’efficience entre le corps et l’âme, entre la sensation et l’intellection. Ce dualisme métaphysique et gnoséologique aboutit au confinement de la species reçue dans le domaine de la sensation. Cependant, Richard est cette fois-ci plus mitigé qu’Olivi ; dans certains textes du moins, il conserve la species comme production et résultat de l’acte cognitif intellectuel. Les deux contributions qui closent ce chapitre philosophique enquêtent sur le même thème, la question de la matière. Anna Rodolfi dessine une carte précise de ce débat scolastique pour y situer Olivi. L’édition des questions oliviennes sur la matière par B. Jansen ne permet en effet pas de se faire une idée du contexte de discussion concret d’Olivi, dans la mesure où elle n’identifie pas les sources implicites. En reconstruisant le débat des années 1260–1280, en peuplant le monde d’Olivi et en l’y ins-

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crivant, A. Rodolfi ajoute une pièce aux entreprises actuelles d’intégration d’Olivi à son milieu scolastique. Le lecteur y rencontre Thomas d’Aquin, Godefroid de Fontaines, Gilles de Lessines et Gilles de Rome d’une part, Bonaventure, Jean Peckham, Guillaume de la Mare et Henri de Gand d’autre part, sans oublier les prises de position d’Albert le Grand et des maîtres ès arts – notamment les thèses divergentes de Siger de Brabant et de Boèce de Dacie. Dans la prolongation de cette contribution, Antonio Petagine retrace de manière ciblée une filière : la question de la matière comme sujet ontologique du devenir substantiel et a fortiori des changements accidentels, telle qu’elle fut différemment traitée par Albert le Grand, Thomas d’Aquin et Siger de Brabant. L’enquête débouche sur une hypothèse historiographique : la doctrine de la matière de Siger pourrait être le point de démarcation des élaborations oliviennes. Dans cette optique, le franciscain ne critique pas seulement la psychologie de Siger, mais discute aussi sa lecture de la physique aristotélicienne ; les discussions qui mettent aux prises Albert, Thomas et Siger apparaissent en filigrane dans les questions d’Olivi sur la matière. 3. Les ‹Perspectives› ouvrent enfin trois lucarnes sur la postérité des élaborations oliviennes. Dans une étude comparatiste organisée par thématiques, Tiziana Suarez-Nani présente un chapitre d’une vaste histoire encore à écrire, celle de la réception d’Olivi au Moyen Âge. T. SuarezNani documente en particulier des influences très probables chez le frane ciscain François de la Marche au début du XIV siècle. En anthropologie, François suit Duns Scot dans la voie dimorphiste, subordonnant une forme de corporéité à l’âme intellectuelle. Pour expliquer la manière de cette subordination, il s’éloigne cependant de Scot et élabore sa solution propre en discutant (et critiquant) la théorie olivienne de la subordination dispositive. Lorsqu’il traite des activités des puissances de l’âme, volonté et intellect, François passe cependant d’une attitude critique visà-vis d’Olivi à une entreprise de réactualisation de ses solutions. La question de la réflexion et de la liberté, la doctrine de l’autodétermination de l’ange qui peut décider de se montrer ou de se soustraire au regard d’une autre substance intellectuelle, représentent autant d’autres points de contact possibles entre les deux pensées. La contribution de Peter Nickl signifie un changement d’approche important : les thèmes de la subjectivité et de l’affectivité conduisent le lecteur dans des réflexions transhistoriques qui relient le Moyen Âge à l’époque moderne. À partir de la philosophie de la liberté d’Olivi, P.

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Nickl met en relation les thèmes de la subjectivité et de l’affectivité, la théorie de la réflexivité – connaissance et conscience de soi –, et la doctrine de la conversion au plus intime de soi accomplie par la volonté parfaitement libre. Ces prolégomènes débouchent sur une évocation d’Olivi en philosophe de la première personne (du ‹je›), annonciateur de la philosophie moderne de la subjectivité. Enfin, Massimiliano Lenzi aborde la question de l’origine de l’âme humaine dans le contexte d’une enquête historiographique consacrée à l’entreprise de Bruno Nardi. L’historien italien avait en effet rencontré l’énigme posée par la présence de Siger dans le paradis de Dante et associé ce problème d’histoire de la philosophie à la thématique averroïste de l’intellect séparé et à la question plus vaste de l’origine et de la constitution de l’âme humaine. La résolution de cette énigme par Nardi connut deux phases bien distinctes : avant d’identifier en 1922 la source de la conception dantesque de l’âme humaine en l’espèce du ‹De natura et origine animae› d’Albert le Grand, Nardi voyait en Robert Kilwardby et Pierre de Jean Olivi les inspirateurs de la doctrine dantesque de l’âme humaine. M. Lenzi retrace les motifs institutionnels et intellectuels de cette attribution fallacieuse, traçant un dernier parcours olivien dans les voies de l’historiographie du tournant du siècle passé. 4. En annexe, les éditeurs de ce volume ont souhaité mettre à la disposition du lecteur quelques documents et outils utiles à une approche d’Olivi en philosophe et lecteur des philosophes. Sylvain Piron nous a permis de reproduire son introduction et son édition de l’‹Impugnatio quorundam articulorum Arnaldi Galliardi, articulus 19›, parue en 2006 dans le deuxième numéro de la revue électronique ‹Oliviana›. Pour l’occasion, il en a retravaillé certains aspects. Dans ce texte polémique de 1282, Olivi défend une conception activiste de l’intellection contre les conceptions aristotéliciennes de la connaissance, qui en privilégient la dimension réceptive. Nous avons en outre reproduit le texte latin du ‹De perlegendis philosophorum libris›, dont nous livrons une première traduction française. Cette traduction est accompagnée d’une introduction de Tiziana Suarez-Nani, qui présente et analyse le contenu de ce discours en forme de sermon dans lequel Olivi précise la valeur et l’utilité de l’étude de la philosophie. Enfin, le lecteur trouvera une bibliographie des éditions et des traductions des œuvres d’Olivi ; à défaut d’être exhaustive, cette bibliographie manifeste bien l’ampleur du chantier scientifique actuel et, a fortiori, l’importance de l’œuvre du franciscain languedocien.

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Avant-propos

Nous remercions chaleureusement l’Institut d’Études Médiévales (IEM) de l’Université de Fribourg ainsi que les éditions Walter de Gruyter (Berlin – New York) pour avoir accueilli cet ouvrage dans la collection Scrinium Friburgense. Que le responsable administratif de l’Institut d’Études Médiévales, Martin Rohde, soit particulièrement remercié pour l’aide qu’il nous a indéfectiblement offerte dans la phase de fabrication du livre.

Fribourg, janvier 2010 Catherine König-Pralong, Olivier Ribordy, Tiziana Suarez-Nani

I. Pratiques exégétiques

Le métier de théologien selon Olivi. Philosophie, théologie, exégèse et pauvreté Sylvain Piron (Paris)

À Alain Boureau

Dès les deux premiers articles qu’il a consacrés à Pierre de Jean Olivi, parus en 1971, David Burr a réussi un coup de maître en identifiant le point névralgique du projet intellectuel du théologien franciscain que les 1 travaux antérieurs n’avaient pas su isoler . Deux monographies consacrées à Olivi, les premières depuis les travaux de Franz Ehrle parus en 1886, avaient été publiées en Italie au cours des années 1950 ; Raoul Manselli traitait de son commentaire de l’Apocalypse et Efrem Bettoni, 2 de ses doctrines philosophiques . À lire ces deux ouvrages en regard l’un de l’autre, on est fondé à se demander s’ils parlent bien du même auteur, tant ces deux aspects de son œuvre y sont présentés de façon hermétiquement cloisonnée. Il existe pourtant une articulation précise entre les deux facettes de son travail que David Burr a su mettre en lumière : la critique d’Aristote développée par Olivi et son attitude face à la philosophie sont étroitement liées à ses attentes apocalyptiques. Les ___________________ 1

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Burr, David, The Apocalyptic Element in Olivi’s Critique of Aristotle, dans Church History 40 (1971), pp. 15–29 et id., Petrus Ioannis Olivi and the Philosophers, dans Franciscan Studies 31 (1971), pp. 41–71. Je reprends ici, en les développant, des éléments initialement présentés dans The Formation of Olivi’s Intellectual Project. « Petrus Ioannis Olivi and the Philosophers » Thirty Years Later, dans Oliviana. Mouvements et dissidences spirituels, XIIIe-XIVe siècles [en ligne], 1 (2003). URL : http://oliviana.revues.org/index8.html. Bettoni, Efrem, Le dottrine filosofiche di Pier di Giovanni Olivi. Saggio, Milano 1959 ; Manselli, Raoul, La Lectura super Apocalipsim di Pietro di Giovanni Olivi. Ricerche sull’escatologismo medioevale (Studi storici 19– 21), Roma 1955.

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Sylvain Piron

précurseurs de la secte de l’Antéchrist se reconnaissent à leur trop grand attachement aux choses de ce monde. Cela se traduit, dans leurs actes, par un rejet et un mépris de la pauvreté évangélique et dans leur pensée, par un aveuglement et un asservissement à la philosophie païenne d’Aristote. Cette séduction est d’autant plus dangereuse qu’elle s’exerce sur les élites 3 intellectuelles et religieuses de la chrétienté . La préparation aux combats e à venir, attendus pour le premier quart du XIV siècle, avant l’avènement d’un âge de paix spirituelle, réclamait donc une vigilance philosophique aigüe. La leçon doit être retenue : Olivi est une figure complexe qui a un pied dans la scolastique universitaire, un autre dans l’interprétation joachimite de l’histoire, et dont la personnalité est structurée par son identité franciscaine. Pour le comprendre, il importe donc de le lire en tenant compte de la globalité de son projet. Il n’y a pourtant pas lieu de ramener systématiquement chaque partie de son travail à cette perspective d’ensemble. Ses interventions dans des domaines très différents sont souvent marquantes et s’inscrivent fréquemment à contre-courant des positions dominantes, mais à chaque fois, elles s’énoncent en respectant les règles internes d’argumentation de chaque espace de discours savant (puisqu’il serait exagéré de parler ici de « disciplines »). Sa théorie de la connaissance, sa morale économique ou son exégèse biblique, pour ne citer que trois exemples, présentent toutes des originalités flagrantes mais s’expriment dans des expositions relativement conformes aux canons universitaires des genres concernés. Il est donc tout à la fois possible de lire chacune de ses interventions spécialisées dans l’horizon des débats contemporains et de procéder à une lecture transversale visant à faire apparaître l’articulation de ses différentes prises de position en fonction de ses visées ultimes. Un niveau d’analyse intermédiaire pertinent, pour saisir l’unité dynamique de la pensée olivienne, peut passer par l’examen de sa manière de procéder. ___________________ 3

Petrus Iohannis Olivi, Lectura super Apocalypsim, cap. 9, Paris, BnF lat. 713, f. 105va : sciendum quod casus stelle de celo in terram [… ] (Ap. 9,1) est quorundam altiorum et doctiorum et novissimorum religiosorum casus in terrenas cupiditates et in mundanorum philosophorum scientias curiosas et in multis erroneas et periculosas. Acceperunt enim ingenium et clavem ad aperiendam et exponendam doctrinam Aristotelis et Averroys, commentatoris eius [. . . ]. Le passage en question montre que l’hérésie cathare ne remplissait pas la condition nécessaire d’une séduction des plus doctes et des derniers ordres religieux, franciscain et dominicain.

Le métier de théologien selon Olivi

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Cet article visera ainsi à présenter sa conception de l’exercice du métier de théologien, en retenant principalement deux aspects. Dans un premier temps, on reviendra sur la question déjà bien balisée des rapports entre théologie et philosophie. Outre les travaux déjà cités de David Burr, 4 François-Xavier Putallaz est longuement revenu sur ce thème et j’ai ajouté quelques éléments en cherchant à identifier plus précisément les 5 thèses des « averroïstes » qu’il entend combattre . Je voudrais y revenir pour mieux exposer l’origine de cette attitude très particulière, formuler une hypothèse à ce propos et tâcher d’en indiquer les implications. Une thèse forte, et très caractéristique de la tonalité olivienne, tient à son abandon de la définition de la théologie comme science. Une telle prise de position, à la fin des années 1270, n’a rien de banal. Elle marque une prise de distance face à ce qui a fait le coeur de la démarche de la 6 théologie universitaire depuis les années 1230 . En contrepoint, l’exégèse du texte sacré revient au centre de l’activité théologique. Pour compléter le tableau d’ensemble, il sera donc nécessaire, dans un second temps, d’offrir une introduction à l’herméneutique biblique olivienne. La publication, par David Flood et Gedeon Gál, en 1997, du volume ‹Peter of John Olivi on the Bible›, a considérablement transformé l’image 7 que l’on pouvait se faire de son activité en ce domaine . L’attention s’était 8 trop longtemps focalisée sur son seul commentaire de l’Apocalypse . À la ___________________ 4 5 6

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Putallaz, François-Xavier, Insolente liberté. Controverses et condamnations au XIIIe siècle, Fribourg/Paris 1995, pp. 127–162. Piron, Sylvain, Olivi et les averroïstes, dans Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie 53 (2006), pp. 251–309. Oliva, Adriano, Les débuts de l’enseignement de Thomas d’Aquin et sa conception de la Sacra doctrina, avec l’édition du prologue de son commentaire des Sentences, Paris 2006. Flood, David et Gál, Gedeon, Peter of John Olivi on the Bible. Principia quinque in Sacram Scripturam. Postilla in Isaiam et in I ad Corinthios, St Bonaventure, New York 1997. Outre le volume de Raoul Manselli cité plus haut (note 2), voir principalement : Lewis, Warren, Peter John Olivi : Prophet of the Year 2000. Ecclesiology and Eschatology in the Lectura super Apocalipsim. Introduction to a Critical Edition of the Text, (Dissertation) Tübingen 1975 ; Vian, Paolo, Dalla gioa dello Spirito alla prova della Chiesa. Il tertius generalis status mundi nella Lectura super Apocalipsim di Pietro di Giovanni Olivi, dans : L’età dello Spirito e la fine dei tempi in Gioacchino di Fiore e nel gioachimismo medievale, éd. Antonio Crocco, San Giovanni in Fiore 1986, p. 165–215 ; Pàsztor, Edith, L’escatologia gioachimita nel francesca-

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suite de cette parution, de nombreux commentaires bibliques oliviens ont 9 été publiés ou sont en cours d’édition . Toutefois, ce sont principalement les énoncés de méthode, présents dans les ‹Principia› bibliques qui nous retiendront, ainsi que les principes d’exégèse exposés à l’occasion d’un commentaire de la ‹Hiérarchie céleste› du pseudo-Denys.

I. Avant d’en venir au fait, il peut être utile de souligner les difficultés que présente, pour le profane, l’œuvre de Pierre de Jean Olivi. La première tient à la forme dans laquelle elle est transmise. Le principal document qu’utilisent les historiens de la philosophie est une ‹Somme de questions théologiques› qui n’est conservée qu’en partie. Le terme de Summa est 10 abondamment attesté, y compris par l’auteur lui-même . Ce titre doit ___________________ nesimo : Pietro di Giovanni Olivi, dans : L’attesa della fine dei tempi nel Medioevo, éd. Ovidio Capitani, Jürgen Miethke, Bologna 1990, pp. 169– 193 ; Burr, David, Olivi’s Peaceable Kingdom. A Reading of the Apocalypse Commentary, Philadelphia 1993. J’utilise ici le dernier état de l’édition préparée par Warren Lewis, à paraître prochainement, que j’ai revue sur le manuscrit Paris, Bibliothèque nationale de France, lat. 713. 9 Les éditions récentes ou en préparation d’œuvres exégétiques sont les suivantes : Petrus Johannis Olivi, Expositio in Canticum canticorum, éd. Johannes Schlageter, Grottaferrata 1999 ; id., Lectura super Proverbia et Lectura super Ecclesiasten, éd. Johannes Schlageter, Grottaferrata 2002 ; Flood, David, Peter of John Olivi on the Acts of the Apostles, St Bonaventure, 2001 ; id., Peter of John Olivi on Genesis, St Bonaventure, 2007. Sont sous presse des éditions de la ‹Lectura super Lucam› par Fortunato Iozzelli, de la ‹Lectura super Epistolam ad Romanos› par Alain Boureau et de la ‹Lectura super duodecim prophetas› par une équipe dirigée par Gilbert Dahan. Alain Boureau prépare une édition de la ‹Lectura super Job›, Martin Morard de la ‹Lectura super Psalmos›, tandis qu’une entreprise collective, que je coordonne avec David Burr, vise à préparer une édition de la ‹Lectura super Mattheum›. 10 Doucet, Victorin, De operibus manuscriptis fr. Petri Ioannis Olivi in bibliotheca universitatis Patavine asservatis, dans : Archivum franciscanum historicum 28 (1935), pp. 408–442, voir pp. 410–413, a montré le premier que la ‹Summa› ne peut être confondue avec un commentaire des ‹Sentences›, conservé de façon très fragmentaire. Pour un exemple d’auto-citation, voir ‹Lectura super Apocalipsim›, Paris, BnF, lat. 713, f. 38ra : in prima parte

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donc être retenu, sans discussion possible. Cependant, sa forme se distingue de celle des deux ‹Sommes› de Thomas d’Aquin, composées dans une rédaction continue, ou de la ‹Somme de questions ordinaires› d’Henri de Gand, constituée progressivement selon un plan initialement défini. Dans le cas d’Olivi, il s’agit au contraire du rassemblement effectué à une date tardive (vers 1295) de textes produits au cours des vingt années précédentes, dans des circonstances et selon des formats très divers, et complétés par de nouveaux développements rédigés à l’occasion 11 de l’édition de cette ‹Somme› . L’intervention éditoriale de l’auteur se vérifie également dans la confection de tables des matières dans lesquelles des indications sont parfois données quant au contenu des questions ou à 12 leur valeur respective . La plupart des commentaires bibliques ont également été dotés, peut-être à la même occasion, de semblables tables énumérant les questions disputées au fil des chapitres. Un manuscrit autrefois conservé dans la bibliothèque pontificale d’Avignon contenait, comme une œuvre à part, des ‹Tabulas fratri Petri in omnibus operibus 13 suis› . Le volume publié par Lazzaro Soardi à Venise en 1505 reproduit une partie de ces tables concernant les écrits apologétiques, qui est décrite comme extraite d’une « coordination des questions faite par P. Jean lui14 même » . ___________________

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Summe, questione an Deus possit velle minuere caritatem alicuius. La numérotation habituelle des questions est celle présentée par Koch, Josef, Der Sentenzenkommentar des Petrus Iohannis Olivi, dans : Recherches de théologie antique et médiévale 2 (1930), pp. 290–310, repris dans : id., Kleine Schriften (Storia e Letteratura 127–128), Rome 1973, t. 2, pp. 168–189. Petrus Johannis Olivi, Quaestiones in secundum librum Sententiarum, éd. Bernhard Jansen, Quaracchi (Bibliotheca Franciscana Medii Aevi, IV-VI), 1922–1926, 3 vols, qui sera désormais cité comme ‹Summa› avec indication de la tomaison et de la pagination entre parenthèses. Les ajouts sont notés comme « appendix » aux questions 51 et 117. L’un des éléments de datation les plus nets tient à l’inclusion dans le quatrième livre de la ‹Somme› d’une question concernant la renonciation de Célestin V, rédigée à l’automne 1295 (Quaestio de perfectione evangelica, 13). Piron, Sylvain, Les œuvres perdues d’Olivi : essai de reconstitution, dans : Archivum franciscanum historicum 91 (1998), pp. 359–361. Voir Jullien de Pommerol, Marie-Hélène et Monfrin, Jacques, La Bibliothèque pontificale à Avignon et à Peñiscola pendant le grand schisme d’Occident et sa dispersion. Inventaires et concordances, Rome 1991, t. 1, p. 296, n° 149. Petrus Johannes Provenzalis, Quodlibeta, [Venetiis, 1505] f. 62r (74r) :

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De cette édition de la ‹Summa› soigneusement préparée par Olivi, nous ne possédons qu’un unique manuscrit (Vatican, Vat. lat. 1116) comportant la seule deuxième partie. Bernhard Jansen l’a pris comme base de son édition, en tenant également compte des différents témoins qui transmettent quelques-unes de ces questions, généralement dans des 15 versions antérieures . Seuls quelques fragments du premier livre sont conservés. Outre une question inaugurale portant sur le sujet de la théologie, B. Jansen a publié une série de questions ‹De deo cognoscendo› et Michael Schmaus une longue question de théologie 16 trinitaire , tandis qu’une importante question sur la science divine est 17 encore inédite . Aux trois manuscrits connus à ce jour contenant ce 18 e dernier texte , il convient d’ajouter un témoin copié au XV siècle, à présent conservé à GdaĔsk, où le texte se poursuit par une question apparentée, sur l’uniformité de l’exemplaire divin maintenue face à la 19 variété des choses contingentes . Sous toute réserve, on peut penser que ___________________ cohordinatio questionum ab ipsomet P. Johan[nis] facta. 15 La plupart de ces manuscrits ont été confisqués lors du procès mené contre Olivi en 1283. Sur ce point, voir Piron, Sylvain, Censures et condamnation de Pierre de Jean Olivi : enquête dans les marges du Vatican, dans : Mélanges de l’École française de Rome – Moyen Age, 118-2 (2006), pp. 313–373, voir pp. 324–329. 16 Les questions ont été publiées respectivement par Ernst Stadter, Offenbarung und Heilsgeschichte nach Petrus Iohannis Olivi, dans : Franziskanische Studien 44 (1962), pp. 2–12 (désormais cité Summa I, q. 1) ; Summa, t. 3, pp. 455–554 (Summa I, qq. 2–4) ; Michael Schmaus, Der liber propugnatorius des Thomas Anglicus und die Lehrunterschiede zwischen Thomas von Aquin und Duns Scotus, II Teil. Die trinitarischen Lehrdifferenzen, Münster 1930 (Beiträge zur Geschichte der Philosophie und Theologie des Mittelalters 29), t. 2, pp. 143*–228* (Summa I, q. 5). Pour la numérotation des questions, cf. Koch (note 10), pp. 168–189. 17 Sur ce texte, voir Piron, Sylvain, La liberté divine et la destruction des idées chez Olivi, dans : Pierre de Jean Olivi (1248–1298). Pensée scolastique, dissidence spirituelle et société, éd. Alain Boureau, Sylvain Piron (Études de philosophie médiévale 79), Paris 1999, pp. 71–89. Une traduction partielle en français est disponible dans le volume Sur la science divine, éd. JeanChristophe Bardout, Olivier Boulnois (Epiméthée), Paris 2002, pp. 208–225. 18 Les manuscrits en question sont : Vatican, B.A.V., Borgh. 322, ff. 169–179 et Borgh. 358, ff. 154–165 et Montefano (Fabriano) Archivio dei PP Benedettini-Silvestrini 19, ff. 135v–138v (témoin incomplet). 19 GdaĔsk, Biblioteka GdaĔska Polskiej Akademii Nauk, Mar. F 309, décrit dans Günther, Otto, Katalog der Handschriften der Danziger

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ce texte correspond à l’une des nombreuses questions perdues du premier 20 livre . La situation est aussi fragmentaire pour ce qui est du troisième livre dont trois ensembles ont été publiés (sur l’Incarnation, la Vierge et les vertus), tandis qu’une série de questions ‹De legalibus› demeure 21 inédite . En ce qui concerne le quatrième livre, un manuscrit sans doute copié à la chancellerie pontificale dans les premières décennies du quatorzième siècle (Vatican, Vat. lat. 4986) dérive probablement de l’édition de 1295, mais l’absence de tables des matières ne permet pas 22 d’en être parfaitement certain . Une note du copiste désigne le contenu ___________________ Stadtbibliothek, Danzig 1911, pp. 430–436. Ce volume, qui contient principalement une importante anthologie de textes de Raymond Lulle, débute par le ‹Principium› d’Olivi ‹Vacate et videte› (ff. 1r–2v). Les dernières pages contiennent la question ‹Utrum deus potuerit nolle quod voluit et vult etc.› (ff. 200ra–202vb) suivie d’une question, ‹Utrum divini exemplaris uniformitas stare possit cum multiplici rerum varietate et mutabilitate ac contingencia› (ff. 203rb–204vb), les deux textes étant anonymes. Après le traité de Thomas d’Aquin, ‹De unitate intellectus›, figure, également anonyme, la question 31 du deuxième livre de la ‹Summa› d’Olivi sur les raisons séminales, décrite comme « questio alchimistica ». Je n’ai malheureusement pas pu obtenir à temps une reproduction du manuscrit. 20 Pour une liste de ces questions, voir Les œuvres perdues d’Olivi (cité note 12). 21 Petrus Iohannis Olivi, Quaestiones de incarnatione et redemptione. Quaestiones de virtutibus, éd. A. Emmen, E. Stadter (Bibliotheca Franciscana Medii Aevi, XXIV), Grottaferrata 1981 (désormais cité comme Summa III). Il faut sans doute également inclure dans ce troisième livre les Quaestiones quatuor de Domina, éd. D. Pacetti, Quaracchi 1954, ainsi que les questions De legalibus qui constituent la première partie d’un traité sur ce thème, contenu dans le cod. Napoli, Bibl. Naz., XII.A.23, ff. 1ra–46rb. Je prépare une édition de cet ouvrage. 22 Pietro Maranesi, Il IV libro della Summa Quaestionum di Pietro di Giovanni Olivi. Un’ipotesi di soluzione, dans : Archivum Franciscanum Historicum, 95 (2002), pp. 53–92. L’inclusion des ‹Quaestiones de perfectione evangelica›, présentes dans ce manuscrit, au sein de la quatrième partie de la ‹Somme› est confirmée par la façon dont s’y réfère Jean de Roquetaillade, Liber ostensor quod adesse festinant tempora, édition critique sous la direction d’André Vauchez, par Clémence Thévenaz Modestin et Christine Morerod-Fattebert, avec la collaboration de Marie-Henriette Jullien de Pommerol, sur la base d’une transcription de † Jeanne Bignami Odier (Sources et documents d’histoire du Moyen Age 8), Rome 2005, p. 659 : sicut probat expresse frater Petrus Johannis in quarto libro Summe in questione de hac materia [sc. de

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de ce volume comme des « questions théologiques », ce qui est une façon utile de qualifier la nature de cette ‹Somme›. En effet, un certain nombre de questions ont été volontairement laissées de côté par Olivi et sont 23 encore inédites . Dans certains cas, la raison peut en être que l’auteur a changé d’opinion entre-temps : c’est le cas pour une question sur la localisation des anges, visiblement disputée avant mars 1277 et remplacée par un nouveau texte qui, sans mentionner la condamnation prononcée par l’évêque de Paris, évite toutefois d’évoquer l’argument de la 24 localisation des anges en raison de leur opération . Il est difficile de deviner, avant l’édition de ce texte, les raisons qui ont conduit à exclure la question ‹An esse rerum creatarum sit in genere substancie vel 25 accidentis›, originellement liée aux questions 9 et 10 du deuxième livre . Mais globalement, c’est avant tout l’absence de portée théologique qui paraît être la cause de l’exclusion de certains textes. L’ordonnancement de la ‹Summa› selon un ordre qui rappelle vaguement celui des ‹Sentences› de Pierre Lombard ne répond qu’au but pragmatique d’offrir à ses lecteurs des outils en vue de leurs propres enseignements. Aucune indication textuelle n’impose de retenir la référence à ce manuel de théologie dans le titre de la ‹Summa›. Les volumes publiés par B. Jansen ne peuvent donc se lire comme un ouvrage continu qui reflèterait un état stable de la pensée d’Olivi, mais au contraire comme la concrétion de plusieurs strates textuelles qu’il importe de distinguer. À ces premières difficultés s’en ajoutent d’autres qui tiennent aussi bien au contexte de rédaction de la plupart de ces questions qu’au style de l’auteur. Les interlocuteurs immédiats du théologien, dans les studia de Languedoc où il exerçait, ne sont que des fantômes dont nous connaissons au mieux le nom – dans le cas d’Arnaud Gaillard –, et quelques-unes de leurs thèses lorsqu’elles ont fait l’objet d’une critique ___________________ obedientia]. 23 Anneliese Maier, Zur handschriftlichen Überlieferung der Quodlibeta des Petrus Johannis Olivi, dans : Recherches de théologie ancienne et médiévale 14 (1947), pp. 223–228, repris dans : ead., Ausgehendes Mittelalter (Storia e Letteratura 105), Roma 1967, pp. 207–214, propose de qualifier ces questions de Quodlibets, mais cette désignation, qui correspond à d’autres écrits d’Olivi, ne convient pas dans ce cas. 24 Comparer la question : ‹utrum angelus sit in loco›, Vatican, B.A.V., Borgh. 322, ff. 23va–25rb et la question conservée dans la Summa : ‹an substantia angeli sit in loco corporali›, q. 32, t. 1, pp. 570–591. 25 Vatican, B.A.V., Borgh. 46, ff. 14r–16r et Borgh. 322, ff. 31v–33v.

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dans un texte polémique. La situation n’est guère plus favorable pour situer Olivi face aux positions prises par les docteurs parisiens, dont il semble avoir été assez bien informé. Au fil des questions, de très nombreuses opinions sont mentionnées, sans que les noms de leurs 26 défenseurs soient jamais prononcés, à de très rares exceptions près . L’édition de B. Jansen n’a pas fait l’effort d’identifier ces citations implicites, si bien que le travail d’examen des sources d’Olivi reste encore très largement à entreprendre. Une complication supplémentaire tient au fait que l’auteur semble souvent avancer ses propres thèses au nombre des opinions anonymes qu’il expose, en particulier lorsqu’il s’agit de défendre des positions inhabituelles. L’un des aspects les plus intéressants de son œuvre, qui est sans doute le plus déconcertant pour des philosophes, tient justement à sa créativité conceptuelle, qui ne s’enferme pas dans le carcan d’un vocabulaire aristotélicien communément partagé dans les dernières décennies du treizième siècle. I.1 Lecteur d’Aristote En mettant bout à bout les multiples renvois croisés qui scandent la plupart des travaux d’Olivi, on parvient à un résultat déconcertant. Certains des plus anciens textes conservés, encore inédits, présentent toutes les apparences de questions posées à l’occasion d’un commentaire de la Physique d’Aristote : les questions semblent avoir été soulevées à propos de points spécifiques du texte, l’auteur dit expressément vouloir exposer la doctrine du Philosophe (« et hec omnia dico sequendo doctrinam Aristotelis »), les seuls autres textes invoqués sont les commentaires d’Averroès, tandis qu’aucun usage n’est fait d’arguments 27 théologiques ou d’autorités patristiques . Il va de soi que seule une ___________________ 26 Les noms de Thomas d’Aquin et Bonaventure ne sont prononcés que dans les explications fournies dans des textes apologétiques, voir notamment Petrus Johannis Olivi, Epistola ad fratrem R., éd. Sylvain Piron, Cynthia Kilmer, Elsa Marmursztejn, dans : Archivum franciscanum historicum 91 (1998), pp. 33–64. Tendanciellement, les noms de contemporains sont un peu plus facilement cités, mais encore très modestement, dans les commentaires bibliques. 27 Une démonstration plus complète est proposée dans Piron, Sylvain, Les œuvres perdues (cité note 12), pp. 380–385. Les textes en question sont les suivants : Circa istam questionem qua queritur utrum tempus sit aliquid reale extra animam, Vatican, B.A.V., Borgh. 322, ff. 195va–198rb (texte étudié par Imbach, Ruedi et Putallaz, François-Xavier, Olivi et le temps, dans : Pierre

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édition critique de ces trois questions permettra de conforter définitivement cette hypothèse. Les mêmes critères formels permettent de repérer d’autres textes, dont certains ont été repris dans le deuxième livre de la ‹Summa›, qui pourraient également être liés à cette strate primitive de la production littéraire d’Olivi. C’est notamment le cas des questions 20-21, sur la matière, que le réseau des citations internes amène à placer relativement tôt. Elles ne mentionnent aucune autre autorité que celle d’Aristote et ne font pas usage d’arguments théologiques. Toutefois, leur genre littéraire originel pourrait avoir été un peu différent puisque ces questions ne paraissent pas directement posées à l’occasion d’un commentaire de la ‹Physique›. En outre, il est possible que l’exercice ait été mené dans le cadre d’un enseignement de théologie, puisque l’opinion soumise à la discussion, et qui est d’ailleurs abandonnée, est celle de 28 Bonaventure . De la même façon, on peut penser aux questions 23-25, elles aussi précoces, qui portent également sur des points de physique et 29 sont également dépourvues de références théologiques . Davantage que des épaves d’un éventuel commentaire des huit livres de la ‹Physique›, ces deux séries pourraient être issues de la reprise, sous forme de questions disputées, de points auparavant traités dans le cadre d’une exposition d’Aristote. Des échos de ce commentaire, dont des bribes n’ont survécu que par accident, pourraient éventuellement refaire discrètement surface en certains lieux où Olivi fait référence à des interprétations originales de la pensée du Philosophe. Il ne serait pas impossible que l’auteur renvoie de la sorte à sa propre lecture d’Aristote, qui aurait porté essentiellement 30 sur la ‹Physique› et la ‹Métaphysique› . Il est en tout cas hors de doute ___________________ de Jean Olivi (cité note 17), pp. 27–39, qui relèvent l’utilisation exclusive d’autorités philosophiques et notamment des formules telles que : « et hec omnia dico sequendo doctrinam Aristotelis », Borgh. 322, f. 197vb.) ; Circa questionem qua queritur utrum accidens habeat rationem seminalem vel potentiam vel materiam seu aliquid materiale, B.A.V., Borgh. 88, ff. 5v–7r ; Queritur de subiecto generacionis, Borgh. 88, ff. 10r–11r. L’attribution de ces textes à Olivi repose sur des arguments internes et externes, et notamment sur le fait que le cod. Borgh. 322 est un recueil copié à Paris en 1283 pour l’usage de la commission de ses censeurs. Dans l’hypothèse retenue, ces questions auraient été posées respectivement à propos de Phys. IV, 14 et I, 8. 28 Voir à présent, Pierre de Jean Olivi, La matière, textes introduits, traduits et annotés par Tiziana Suarez-Nani, Catherine König-Pralong, Olivier Ribordy et Andrea Robiglio, Paris 2009. 29 Summa, t. 1, pp. 422–446. 30 On peut par exemple penser à un passage de la q. II, 16, une longue

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que les textes qu’il a produits au cours des premières années de son activité littéraire démontrent simultanément un grand intérêt pour des questions de physique et une connaissance approfondie du corpus aristotélicien. Pour mieux cerner ce qui semble être le point de départ de sa démarche, il faut maintenant se tourner vers ce que l’on peut savoir de ses années de formation. Si l’on prend à la lettre les informations fournies dans le ‹Transitus sacri patris› – court récit de ses dernières heures que lisaient fréquemment les béguins de Languedoc lors de leurs réunions – il serait mort à Narbone, le 14 mars 1298, dans la cinquantième année de son âge 31 et la trente-huitième de son entrée en religion . En considérant ces durées comme indiquant des années non révolues, Olivi serait donc né entre mars 1248 et mars 1249 et aurait rejoint les frères mineurs au couvent de Béziers, à l’âge de 12 ans, en 1260/1261. Il n’est pas impossible que cette décision ait quelque chose à voir avec la tenue du chapitre général de l’ordre franciscain dans les environs, à Narbonne, à la Pentecôte 1260. S’il n’a pas rencontré Bonaventure à cette occasion, il dit l’avoir entendu huit ans plus tard à Paris, à l’occasion de ses ‹Collationes 32 de septem donis Spiritus Sancti›, données au printemps 1268 . Plusieurs autres témoignages montrent sa proximité, durant ces années, avec le ministre général qui séjournait souvent au couvent parisien. Lorsqu’Arnaud Gaillard présente, comme argument hostile à la doctrine de l’usus pauper, l’exemple du « relâchement » (laxatio) de Bonaventure, Olivi, indigné par cette attaque personnelle, répond en rappelant qu’il a ___________________ digression rapporte l’interprétation que certains font de Métaphysique VII, 10–11 (surtout 1036b32–34), sur les rapports entre les définitions du tout et de la partie, Summa, t. 1, pp. 337–339 : Vidi tamen quendam qui dicebat Aristotelem hic satis turpiter fuisse deceptum [… ]. 31 Deux versions de ce document sont conservées, l’une dans Bernard Gui, Manuel de l’Inquisiteur, éd. Guillaume Mollat, Paris 1926, pp. 190–192 et une autre publiée par Albanus Heysse, Descriptio codicis Bibliothecae Laurentaniae Florentinae S. Crucis plut. 31 sin. cod. 3, dans : Archivum franciscanum historicum 11 (1918), p. 269. 32 Burr, David et Flood, David, Peter Olivi : On property and revenue, dans : Franciscan Studies 40 (1980), p. 47 : sicut enim de ultima frater Bonaventura me audiente optime exposuit. Il s’agit de la huitième collation, prononcée le er 1 avril 1268, (voir Jacques-Guy Bougerol, Introduction à saint Bonaventure, Paris 1988, p. 232). Une autre référence à cette huitième collation figure dans Summa, t. 1, p. 98 : Unde quidam magnus doctor numerum bestiae, scilicet sescenti sexaginta sex, sic exponebat.

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souvent entendu ce dernier confesser humblement ses propres 33 faiblesses . Les références à des prêches donnés par le ministre général 34 Parisius in pleno capitulo, me astante , ne se rapportent pas à des interventions lors du chapitre général de 1266, mais plutôt à des sermons 35 adressés à l’assemblée des frères réunis dans la grande salle du couvent . En revanche, aucun témoignage direct n’atteste la présence d’Olivi lors des ‹Collationes in Hexamaeron› données devant l’ensemble de l’université parisienne au cours du printemps 1273. Une série d’indications indirectes semble pourtant signaler qu’il était également présent lors de ces conférences et que ces leçons eurent un grand impact sur lui. Il est tout d’abord certain qu’il a rapidement connu le texte des ‹Collationes› puisqu’une section entière de l’un de ses ‹Principia›, qui doit être daté de l’automne 1279, n’est autre chose qu’une 36 abréviation d’un passage de la première ‹Collatio› . Par ailleurs, David ___________________ 33 Petrus Ioannis Olivi, De usu paupere. The tractatus and the quaestio, éd. David Burr, Firenze 1992, p. 130 : Bonaventura et alii qui de hoc scripserunt secundum dicta istorum valde laxe vixerunt, ergo videtur quod non intellexerint usum strictum sue laxationi contrarium cadere sub voto. Ibid., p. 138 : Dico igitur quod de predicto patre sentio. Fuit enim interius optimi et piissimi affectus [. . . ] Fragilis tamen fuit secundum corpus et forte in hoc aliquid humanum sapiens, quod et ipse humiliter, sicut ego ipse ab eo sepe audivi, confitebatur. 34 Ibid., p. 138 : Nihilominus tamen in tantum dolebat de communibus laxationibus huius temporis quod Parisius in pleno capitulo, me astante, dixit quod ex quo fuit generalis nunquam fuit quin vellet esse pulverizatus ut ordo ad puritatem beati Francisci et sotiorum eius et ad illud quod ipse de ordine suo intendebat perveniret. Lectura super Apocalypsim, f. 80vb : Et hoc ipsum per claram et fide dignam revelationem est habitum, prout a fratre Bonaventura solemnissimo sacre theologie magistro ac nostri ordinis quondam generali ministro fuit Parisius in fratrum nostrorum capitulo, me audiente, solemniter predicatum. 35 La plupart des sermons prêchés au couvent de Paris sont ainsi présentés comme donnés in capitulo, cf. Bonaventura, Sermones de tempore. Reportations du manuscrit Milan, Ambrosienne A 11 sup, éd. Jacques-Guy Bougerol, Paris 1990. Ce vocable n’implique pas une identité de lieu, puisque la construction des bâtiments du cloître, comportant une salle capitulaire, débuta précisément en 1269, à la suite d’un don de Louis IX, cf. BeaumontMaillet, Laure, Le grand couvent des Cordeliers de Paris, Paris 1975, p. 237, 322–323. 36 Principium Cum essem, dans : Peter of John Olivi on the Bible (cité note 7), pp. 78–79, §§ 4–5 abrège Bonaventura, Collationes in Hexaemeron éd. PP.

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Burr a signalé que certains points essentiels de la théologie de l’histoire d’Olivi n’ont pas d’autre source ou équivalent que certaines notations furtives des ‹Collationes›. Comme Bonaventure, Olivi perçoit le sixième âge de l’Église, au sein duquel il se situe lui-même, comme une période 37 de renouveau spirituel . L’idée, très saisissante dans la construction historique d’Olivi, qu’il n’y aura pas seulement deux, mais trois avènements du Christ, la deuxième venue intermédiaire étant réalisée dans l’esprit avec le renouveau évangélique inauguré par François d’Assise, n’a pas d’autre point d’appui possible dans toute la tradition chrétienne qu’une formule allusive des ‹Collationes›, du moins dans la version alternative publiée par Ferdinand Delorme qui est sans doute dans l’ensemble plus proche de la parole vive du maître que la reportatio 38 officielle, revue et légèrement édulcorée . Par ailleurs, Robert Lerner note que l’allusion de Bonaventure à la reconstruction du Temple et l’exaltation de Jérusalem dans le septième et dernier âge, avant le Jugement dernier, pourrait avoir renforcé ou redoublé chez Olivi les 39 effets de sa lecture de Joachim . De son côté, Camille Bérubé suggère que sur un point précis, Olivi comprend le sens d’un passage (Coll. V, 30) sur lequel chacune des versions connues manifesterait une 40 incompréhension de l’intention de Bonaventure . La convergence de ces indications est telle qu’il semble raisonnable de lui accorder une valeur de preuve. Arrivé à Paris au plus tard dans l’année 1267–1268, Olivi se serait donc trouvé au moins, lors du printemps 1273, au terme de sa sixième année de présence au studium generale. Une présence continue d’une telle durée serait nettement supérieure à la norme de quatre années d’études initiales, prévue par les constitutions de l’ordre. Il est difficile de supposer qu’il ait alors été à l’orée d’un second séjour parisien en tant que bachelier : une ___________________

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Collegii S. Bonaventurae (Opera omnia 5), Quaracchi 1891, p. 331, § 11. Les éditeurs n’ont pas noté cette source implicite. Le Principium Vacate et videte contient aussi un parallèle moins littéral qu’on signalera plus loin. Burr, David, Olivi’s Peaceable Kingdom (cité note 8), p. 104, 116. Burr (note 8), p. 116. Lerner, Robert E., Peter Olivi on the Conversion of the Jews, dans : Pierre de Jean Olivi (cité note 17), p. 210, n. 5. Bérubé, Camille, De la philosophie à la sagesse chez saint Bonaventure et Roger Bacon, Roma 1976, pp. 243–244, 255–257, à propos d’un passage de I Sent. q. 4, dont d’autres points dépendent moins directement des Collationes.

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telle promotion, très convoitée, était réservée à des frères ayant fait leurs armes d’enseignant pendant quelques années dans d’autres studia de 41 l’ordre . De plus, le jeune Languedocien était encore loin d’approcher de l’âge de 35 ans requis pour l’obtention de la maîtrise en théologie. Tout paraît d’ailleurs indiquer qu’il n’a jamais atteint le statut de bachelier 42 parisien . De multiples indices suggèrent cependant qu’il a rapidement connu des travaux menés à Paris dans la première moitié des années 1270. Sous cet angle, ses rapports avec Henri de Gand mériteraient un examen approfondi, puisqu’il semble avoir connu de façon très précoce des thèses que ce dernier a développées en tant que maître régent, dans des travaux postérieurs à 1276, mais qu’il aurait pu avoir déjà défendues en tant que bachelier, à l’occasion de son commentaire des ‹Sentences› qu’il a choisi de ne pas publier. Inversement, Henri semble lui aussi avoir connu très tôt des positions d’Olivi qui auraient pu être exprimées dans des textes 43 diffusés à Paris avant 1276 . En mettant bout à bout les divers éléments relevés dans les pages précédentes, il est possible de formuler une hypothèse explicative forte. Le jeune Languedocien serait demeuré plus longtemps que de coutume ___________________ 41 Sur la distinction entre les deux cycles d’études, voir la mise au point de Courtenay, William J., The Instructional Programme of the Mendicant Convents at Paris in the Early Fourteenth Century, dans : The Medieval Church : Universities, Heresy and the Religious Life. Essays in Honour of Gordon Leff, éd. Peter Biller and Barrie Robson, Woodbridge 1999, pp. 77– 92. 42 Epistola ad fratrem R., p. 46 : Veritatem dico in Christo Jesu [. . . ] parisienses ambitiones perhorrescens, vobis et sociis vestris scribere non curavi, nisi aliquando et raro ex litteris mihi missis compulsus. Et longe ante predixeram, non ut vates propheticus, sed instinctu interioris sensus inspiratus, quia etsi mundus vellet me ad ambitiones humani magisterii sublevare, Christus hoc nullatenus pateretur. La lettre s’adresse probablement à un frère qui est luimême bachelier à Paris. Contrairement à ce que je pensais en 1998, il pourrait bien s’agir de Raymond Geoffroy qui fut bachelier avant d’être élu ministre général en 1289. 43 Imbach, Ruedi et Putallaz, François-Xavier, Olivi et le temps (cité note 27), signalent que la question sur le temps du cod. Borgh. 322 semble connaître une position qu’Henri n’a exprimée que dans son Quodlibet III de 1278. Cross, Richard, Absolute Time : Peter John Olivi and the Bonaventurean Tradition, dans : Medioevo 27 (2002), pp. 261–300, suggère que dès son premier Quodlibet, Henri de Gand aurait critiqué une position d’Olivi sur la successivité de l’aevum.

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au couvent parisien car il aurait été, au terme de son premier cycle d’études de théologie (ca. 1267–1271), chargé d’un enseignement de philosophie naturelle à destination de ses confrères fréquentant le studium generale (ca. 1271–1274), à la demande de Bonaventure luimême. Le fait peut sembler surprenant, mais il n’existe aucune trace antérieure d’un tel type d’enseignement donné dans le cadre de l’école franciscaine à Paris. Ce n’est pas avant la fin des années 1270 que l’ordre a fait une place à part aux études de philosophie naturelle, en séparant cet enseignement de celui de la théologie et en réservant sa fréquentation aux frères, à l’exclusion des auditeurs extérieurs. Le chapitre général d’Assise de 1279 qui a pris ces décisions cherchait visiblement à réguler une activité qui s’était développée au cours de la décennie précédente de 44 façon peu contrôlée . Avant cette date, le répertoire des commentaires aristotéliciens dressés par Charles Lohr ne permet de repérer qu’une seule trace écrite de tels cours, donnés à Oxford, avec les ‹Quaestiones super libros De caelo et mundo› de Thomas de Bungay qui sont sans 45 doute antérieures à sa régence en 1269–1270 . C’est seulement dans les années 1280 et surtout 1290 que de telles lectures d’Aristote se sont multipliées dans les studia de l’ordre, Oxford demeurant toujours le principal foyer de ces études, notamment avec Guillaume de Ware et Jean Duns Scot. Un sort à part doit être fait au cas de Roger Bacon. Ses propres commentaires aristotéliciens sont antérieurs à son entrée dans l’ordre (1257) ; il s’est ensuite consacré à des recherches linguistiques et bibliques 46 qui ne lui ont pourtant pas ouvert les portes de la maîtrise en théologie . Une décennie plus tard, écrivant à titre personnel pour le pape Clément ___________________ 44 Bihl, Michael, Statuta generalia ordinis edita in capitulis generalibus celebratis Narbonae an. 1260, Assisii an. 1279 atque Parisiis an. 1292, dans : Archivum franciscanum historicum 34 (1941), p. 76. 45 Lohr, Charles H., Medieval Latin Aristotle Commentaries, dans : Traditio 29 (1973), pp. 178–179. Voir aussi, Little, Andrew G., Pelster, Franz, Oxford Theology and Theologians, Oxford 1934, pp. 74–75, 105–108. Lohr, ibid., p. 182, signale également un commentaire perdu attribué à Thomas Good de Docking sur les Analytiques postérieurs qui pourrait aussi dater des années 1260. 46 Anheim, Étienne, Grévin, Benoît et Morard, Martin, Exégèse judéochrétienne, magie et linguistique : un recueil des ‘Notes’ inédites attribuées à Roger Bacon dans : Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Age 68 (2001), pp. 95–154.

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IV, il se plaignait d’avoir été tenu à l’écart du studium. Au cours de son séjour parisien, Olivi l’a certainement fréquenté et les rapports entre les deux penseurs mériteraient une étude approfondie : les ‹Quaestiones 47 logicales› d’Olivi portent l’empreinte du ‹De signis› de Bacon , leurs 48 critiques des averroistae présentent quelques éléments parallèles , mais en matière d’optique, le jeune Languedocien engage une critique radicale du modèle adopté par son aîné et son rejet de l’astronomie judiciaire est 49 sans appel . L’hypothèse d’un enseignement de philosophie naturelle ne peut être rejetée au seul motif des critiques célèbres d’Olivi à l’encontre d’Aristote et des philosophes arabes ; elle doit au contraire amener à réinterpréter le sens de cette opposition déclarée. On ne dispose pas d’éléments de datation précis pour le fameux traité De perlegendis philosophorum libris, 50 si ce n’est qu’il est assurément antérieur à 1283 . La forme littéraire de ce 51 texte, quant à elle, ne devrait plus faire le moindre doute . Il s’agit d’une leçon inaugurale à un enseignement de philosophie. Mais au lieu de faire, comme c’est l’usage, l’éloge des livres qui vont être commentés, elle met en garde les auditeurs face aux limites du savoir philosophique. Loin d’être l’indication d’un refus de fréquenter les livres des philosophes, elle ___________________ 47 Brown, Stephen F., Petrus Ioannis Olivi, Quaestiones logicales : Critical Text, dans : Traditio 42 (1986), p. 335, 344–345, suggère qu’Olivi prend pour source et parfois pour cible le Compendium studii theologiae, éd. H. Rashdall, Aberdeen 1911, mais plutôt que cet écrit tardif, Olivi semble avoir à l’esprit et suivre le plan du De signis, éd. K.M. Fredborg, L. Nielsen, J. Pinborg, dans : Traditio 34 (1978), pp. 75–136. 48 Hackett, Jeremiah, Roger Bacon and the Parisian Condemnations, dans : Vivarium 35 (1997), pp. 283–314. 49 Tachau, Katherine H., Vision and Certitude in the Age of Ockham : Optics, Epistemology, and the Foundations of Semantics, 1250–1345, Leiden 1988. 50 Delorme, Ferdinand, Fr. Petri Joannis Olivi tractatus De perlegendis philosophorum libris, dans : Antonianum 16 (1941), pp. 31–44. Le texte est conservé dans un manuscrit confisqué en 1283. En outre, on verra plus loin qu’à partir de l’automne 1279, Olivi a été principalement occupé par un enseignement biblique. 51 Partee, Carter, Peter John Olivi : Historical and Doctrinal Study, dans : Franciscan Studies 20 (1960), p. 258, n. 5, proposait d’associer ce texte au commentaire sur la première Épître aux Corinthiens. L’édition de ce qui subsiste de ce dernier ouvrage, publiée dans Peter of John Olivi on the Bible (cité note 7), pp. 350–364, montre qu’il s’agit d’un texte inachevé, postérieur à la Lectura super Apocalypsim achevée en 1297.

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constitue au contraire une préparation à leur lecture effective, en annonçant qu’il convient de les aborder en maître et non en esclave. Cette leçon ne semble cependant pas être celle qui aurait ouvert le cours parisien sur la ‹Physique›. Non seulement le ‹De perlegendis› démontre une certaine maturité qui s’accorderait mieux avec une date plus tardive. Mais surtout, la posture critique, énoncée au nom de considérations théologiques, semble difficilement compatible avec la forme d’un commentaire littéral, fût-ce sous forme de questions. Il conviendrait plutôt d’associer cette introduction à une autre strate textuelle produite après le retour d’Olivi en Languedoc, dans le cadre d’un studium de 52 théologie, entre 1274 et 1277 . À cette date, la discussion de questions physiques a été reprise en conservant la même prise de distance à l’égard des autorités philosophiques que l’on observe dans le ‹De perlegendis›. Une question sur le mouvement local qui semble appartenir à cette strate – mais qui n’a pas été reprise lors de l’édition de la ‹Summa› – contient une formulation révélatrice. L’auteur y exprime son dédain pour l’explication littérale du Philosophe dans des termes qui doivent retenir l’attention : « Pour moi qui ne me soucie guère des paroles d’Aristote et qui ne saisis pas l’efficacité de ses démonstrations, il semble plutôt [...] quoique je n’affirme pas cela, mais je ne parle qu’en recherchant la 53 vérité » . Ce dédain proclamé ne signifie en rien le choix d’une ignorance volontaire du corpus aristotélicien. Il exprime seulement qu’une démarche placée sous le signe de l’inquisitio veritatis ne doit pas être asservie à l’effort d’explicitation de l’intention des autorités philosophiques. Dans cette nouvelle phase, le travail d’interprétation littérale est désormais obsolète. Pour comprendre l’articulation entre ces strates d’écrits, deux voies sont disponibles. Il est bien entendu possible d’y voir le signe d’une ___________________ 52 Ces textes sont d’une part postérieurs aux Collationes in Hexaemeron de Bonaventure, et d’autre part antérieurs aux écrits d’Olivi qui font écho aux condamnations parisiennes de 1277, qui sont étudiés dans Olivi et les averroïstes (cité note 5). 53 Petrus Johannis Olivi, Utrum motus localis dicat aliquid absolutum supra mobile ipsum quod movetur localiter, dans : Maier, Anneliese, Zwischen Philosophie und Mechanik. Studien zur Naturphilosophie der Spätscholastik, Roma 1958, p. 301 : Mihi autem qui de dictis Aristotelis parum curo et efficaciam demonstrationum non capio, magis videtur quod [motus localis] nil dicat absolutum seu positivum supra mobile et magnitudinem, quamvis hoc non asseram, sed loquor inquirendo veritatem.

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rupture forte dans la formation intellectuelle du jeune franciscain. Mais le fait qu’un certain nombre de textes remontant à la strate initiale aient été retenus lors de l’édition de la ‹Summa› indique, au contraire, que l’auteur n’a pas renié le contenu de ses premiers travaux. En revanche, certains textes postérieurs, tels que la question précédemment citée, en ont été écartés. Le critère de sélection des questions retenues n’a pas été d’ordre chronologique. Il semble donc préférable d’adopter une interprétation continuiste, en percevant le changement d’intonation comme la marque d’une différence de genre littéraire, qui correspond probablement aussi à une nouvelle situation institutionnelle et géographique. La continuité entre ces étapes peut également se comprendre au sens d’une progression. En ce sens, Olivi se serait attelé à une lecture attentive des œuvres de philosophie naturelle d’Aristote, pour se préparer à engager ensuite la critique des philosophes sur leur propre terrain. Il n’est cependant pas impossible qu’un événement ait joué un rôle dans ce changement de tonalité. I.2 Olivi et Bonaventure, une fidélité paradoxale Il reste maintentant à justifier la dernière partie de l’hypothèse avancée plus haut : ces cours de philosophie auraient été donnés à la demande expresse de Bonaventure. Il ne s’agit bien entendu que d’une simple conjecture. Elle a toutefois l’intérêt de fournir une explication contextuelle forte de la nature inattendue des premiers écrits d’Olivi. Cette conjecture peut s’appuyer en premier lieu sur un argument institutionnel. Le ministre général était responsable des nominations d’enseignants au studium generale de Paris. Cette attribution concernait principalement la désignation des bacheliers en théologie, mais le contexte particulier du début des années 1270 donnait à la question des enseignements propédeutiques un relief très particulier. Bonaventure s’était personnellement engagé, depuis 1267, dans un combat contre la diffusion des erreurs philosophiques à la faculté des arts. Dans la même période, les commentaires de Thomas d’Aquin, notamment sur la ‹Physique› (1268–1269) et la ‹Métaphysique› (1270–1271), signalaient de nouvelles avancées de l’aristotélisme comme langage partagé du débat philosophique à l’université de Paris. Prenant conscience que les murs de l’enclos du grand couvent des frères mineurs ne suffiraient pas à endiguer cette marée montante, Bonaventure a pu choisir de lancer les jeunes théologiens franciscains sur la voie d’une acculturation péripatéticienne, afin de les préparer à mener le combat sur ce terrain. Il n’est d’ailleurs pas

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dit qu’Olivi ait été le premier à remplir cette tâche. Il est seulement, pour l’instant, le seul à qui l’on puisse attribuer des textes de cette nature. Quoi qu’il en soit, un seuil paraît avoir été franchi chez les franciscains formés à Paris vers 1270. Un frère de la même génération, Richard de Menneville (Mediavilla), semble également avoir bénéficié d’une éducation philosophique plus poussée que des confrères à peine plus âgés que lui, tels que Matthieu d’Aquasparta. Toutefois, on ne trouve pas chez Menneville les intonations de l’anti-aristotélisme apocalyptique et 54 prophétique du dernier Bonaventure . Olivi est le seul franciscain de cette génération qui ait clairement maintenu cette orientation. En ce sens, il a été son élève le plus fidèle. Outre cette parenté intellectuelle, une proximité personnelle semble avoir existé entre les deux hommes, comme l’ont suggéré les témoignages signalés plus haut. Dans ses questions disputées des années 1270, où Olivi ne mentionne presque jamais les auteurs contemporains par leur nom, le ministre général franciscain est désigné par des périphrases, 55 comme « l’un des plus puissants de mes maîtres » ou, par opposition à 56 Thomas d’Aquin, comme le docteur « non moins catholique » , ce qu’il faut bien sûr entendre comme un euphémisme. Plus clairement encore, il est nommément décrit dans les ‹Quaestiones de perfectione evangelica› 57 comme « le plus grand docteur de notre époque et de notre ordre » . L’admiration d’Olivi ne souffre aucune discussion. Elle est de surcroît exclusive puisqu’aucun autre auteur contemporain n’est cité de façon 58 comparable . Leur relation est pourtant très éloignée de celle d’un ___________________ 54 Je reprends la formule adoptée par Ratzinger, Joseph, La théologie de l’histoire de saint Bonaventure, Paris 1988, pp. 167–182. 55 Summa, t. 1, q. 31, p. 516 : Licet autem huic viae in nullo praeiudicare intendam, cum non solum sit magnorum sed etiam potissimorum magistrorum meorum. 56 Summa, t. 1, q. 9, p. 165 : Alii vero non minus catholici [… ] ; id., q. 33, p. 597 : sequendo tamen doctores in hac parte saniores et magis catholicos [… ]. 57 Petrus Ioannis Olivi, Quaestio de usu paupere (désormais QPE 9), dans : id., De usu paupere. The Quaestio and the Tractatus, éd. David Burr, Firenze 1992, p. 34 : Frater etiam Bonaventura, summus nostri temporis et ordinis doctor, pp. 32–33 : unus de sollemnioribus magistris ordinis huius. Petrus Johannis Olivi, Quaestio de altissima paupertate (désormais, QPE 8) dans : Schlageter, Johannes, Das Heil der Armen und das Verderben der Reichen, Werl 1989, p. 185 : summus nostri tempori doctor. 58 Par contraste, les quelques références explicites à Jean Peckham ne portent que sur ses écrits, le plus souvent son Tractatus pauperis. Voir aussi, Petrus

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disciple reproduisant et défendant les positions de son maître. À défaut d’une étude plus détaillée, on peut proposer de comprendre les rapports d’Olivi à Bonaventure sous la forme d’une fidélité d’inspiration qui se double d’un remaniement très profond. En effet, dans ces mêmes questions disputées, il est difficile de trouver un seul point sur lequel Olivi se conformerait strictement à l’enseignement du docteur séraphique. Au contraire, des thèmes essentiels pour ce dernier sont critiqués et abandonnés sans 59 ménagements, comme la doctrine des raisons séminales , le rôle des idées divines dans la production exemplaire des créatures et celui de 60 l’illumination divine dans la certitude de la connaissance . Pour prendre la mesure de cet écart, on peut effectuer un test sur les trois premières étapes de l’‹Itinéraire de l’esprit vers Dieu› qui correspondent aux premiers degrés d’une ascension vers Dieu par la contemplation de l’univers sensible : pas un seul argument ne ressort indemne des critiques 61 oliviennes . Si les créatures indiquent l’existence de Dieu, ce n’est pas en raison de leurs perfections, mais au contraire par leurs imperfections et 62 leur dissemblance . On peut comprendre dans la même perspective l’introduction de la preuve expérimentale en anthropologie, qui est l’une 63 des marques de fabrique les plus neuves d’Olivi . Elle ne vient pas simplement s’ajouter à d’autres formes de raisonnement. Elle prend surtout la place d’un thème classique qui tient une place considérable ___________________

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Johannis Olivi, Impugnatio XXXV articulorum, dans : Quodlibeta [Venise, 1505], f. 49va : Idem etiam vult, si bene recolo, frater Ioannes de Pecham in primo suo. Summa, t. 1, q. 31, pp. 508–570. Bérubé, Camille, Olivi, critique de Bonaventure et d’Henri de Gand dans : Studies honoring Ignatius Charles Brady Friar Minor, éd. Roman S. Almagno, Conrad L. Harkins (Franciscan Institute Publications, Theology Series 6), St. Bonaventure (N. Y.) 1976, pp. 57–121, repris dans : id., De l’homme à Dieu selon Duns Scot, Henri de Gand et Olivi (Bibliotheca seraphico-capuccina 27), Roma 1983, pp. 19–79. Piron, Sylvain, La liberté divine et la destruction des idées chez Olivi (cité note 17), pp. 71–89. Bonaventure, Itinéraire de l’esprit vers Dieu, trad. H. Duméry, (Bibliothèque des textes philosophiques), Paris 1994. Petrus Johannis Olivi, Summa, t. 3, q. I, 4, pp. 538–544. Voir à ce propos Bérubé, (note 60). Piron, Sylvain, L’expérience subjective chez Pierre de Jean Olivi dans : Généalogies du sujet. De saint Anselme à Malebranche, éd. Olivier Boulnois Paris 2007, pp. 43–54.

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chez Bonaventure – la description de l’âme comme image de la Trinité – 64 mais dont Olivi ne fait plus usage . L’auto-compréhension de soi ne part pas d’une expérience qui serait d’emblée d’ordre symbolique et religieux, mais de la saisie de la pleine consistance de la personne humaine, capable de se tourner librement vers Dieu. L’écart est suffisamment considérable pour autoriser à parler d’un changement d’univers spirituel. La distance prise par Olivi correspond pour une grande part à une volonté de se débarrasser de toute une gamme de thèses d’inspiration néo-platonicienne. L’un des signes les plus nets tient à son refus de prendre le moindre appui sur le ‹Liber de causis›, dont il connaît les 65 proximités avec Proclus . En différents lieux, et notamment dans les plus anciennes questions inclues dans la ‹Summa›, il évoque explicitement « les inconvénients dont Aristote montre qu’ils s’ensuivent de la doctrine 66 des idées de Platon » , tandis que certaines thèses de saint Augustin sont 67 rejetées en raison du platonisme de leur auteur . Au-delà de ces indices textuels, c’est l’orientation générale prise par Olivi qui peut se décrire 68 comme un projet de « déplatonisation du monde » , projet dans lequel ___________________ 64 L’argument est ruiné à la base, puisque les humains ne sont à l’image de Dieu que selon deux raisons, et non trois, Petrus Johannis Olivi, Summa, t. 2, q. 54, p. 250 : Unde et secundum isti duo [sc. intellectus et voluntas] dicimur facti ad imaginem Deo. 65 Summa, t. 1, q. 16, p. 300 : Omnes etiam philosophi, tam Platonici quam Peripatetici hoc idem videntur sentire, sicut patet in libro De causis et in libro Procli et in dictis Averrois. Le rapprochement entre le De causis et Proclus suggère qu’Olivi connaît la démonstration du rapport entre ces textes effectué par Thomas d’Aquin en 1272, ce qui peut par ailleurs être pris comme un indice de sa présence à Paris à cette date. 66 Summa, t. 1, q. 21, p. 381 : omnia illa inconvenientia quae ostendit Aristoteles sequi ad positionem Platonis de ideis. La même formule est employée q. 13, t. 1, p. 241. La thèse de la réminiscence est critiquée dans les mêmes termes, t. 3, (q. I, 4), p. 489. 67 Summa, t. 1, q. 38, ad 2, p. 679 : Beatus Augustinus tamquam in parte sequens dogma Platonicum credidit omnem intellectum illustrari a luce aeterna et immediate contueri aliquas aeternas regulas eius ac deinde cetera in regulis illis. Propter quod multo fortius credidit de primo homine ante lapsum et adhuc multo altius de angelis. Nos autem sequentes sententiam Dionysii et etiam Scripturae Sacrae. Pour d’autres exemples, voir q. 58, t. 2, pp. 482– 484 ; q. 73, t. 3, pp. 55–61. 68 Piron, Sylvain, Deplatonising the Celestial Hierarchy. Peter John Olivi’s Interpretation of the Pseudo-Dionysius, dans : Angels in Medieval

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Aristote peut être souvent un allié précieux. Cet écart est compensé par un effort pour sauver les thèses du docteur séraphique, en le traitant presque à la façon d’une autorité patristique, sans prendre ses arguments selon leur valeur intrinsèque, mais en essayant de fournir une expression plus adéquate à ses intentions supposées. La question sur les béatitudes traitée à l’occasion du commentaire sur Matthieu en fournit un bon exemple. Après avoir présenté et rejeté la position de Thomas d’Aquin et celle défendue par Bonaventure dans son commentaire des ‹Sentences›, pour développer une voie suggérée par Guillaume d’Auvergne, Olivi cherche à montrer que sa solution peut concorder avec un passage de l’‹Apologia pauperum› de 69 1269 . Le cas est loin d’être unique. Par exemple, dans la question sur la science et la volonté divine, après avoir présenté et écarté des opinions qui correspondent respectivement à celles de Thomas d’Aquin, Bonaventure, Richard Rufus et Arnaud Gaillard sur les idées divines, il montre comment la deuxième opinion présentée peut s’accorder avec la position qu’il privilégie, en ramenant les « expressions » de la lumière divine au statut d’une métaphore désignant l’actualité de l’intellection 70 divine . La situation dont il faut rendre compte est donc très particulière : la fidélité à l’égard d’un maître réclame l’abandon de thèses qui étaient centrales pour ce dernier. On peut y répondre par une simple distinction chronologique. Le Bonaventure auquel Olivi se veut fidèle est celui qu’il a connu personnellement, celui des conflits avec les Séculiers et les artiens des années 1267–1273, et non celui qui commentait les ‹Sentences› vingt ___________________ Philosophy Inquiry. Their Function and Significance, éd. Isabel Iribarren, Martin Lenz, Aldershot 2008, pp. 29–44. 69 Petrus Johannis Olivi, Lectura super Mattheum, 5, 3, Paris, BnF lat. 15588, ff. 40vb–41rb, dans : Thomas Murtaugh, Peter Olivi’s Commentary on Matthew : A Critical Edition of Chapter 5, Verses 1–26 with a Commentary, Phd, Melbourne College of Divinity 1992 : Et quidem differentiam quam isti inter dona et beatitudines ponunt non clare intelligo, sed quantum ad reliqua, principalis doctor huius positionis mentem suam clarius explicare videtur in sua Apologia [. . . ] in quibus satis cum tertia positione concordare videtur. 70 Petrus Johannis Olivi, Summa, q. I, 6, Vatican, B.A.V., Borgh. 358, f. 158vb : Secundus autem modus potest sane intelligi si lux divina sumatur pro actualitate et claritate divini intelligere, et si nomine expressionum suarum non aliud intelligatur quam ipsum Dei intelligere, ut est actualis expressio uniuscuiusque obiecti secundum suam propriam rationem, et hoc modo non differt ab ultimo modo.

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ans plus tôt. Cette fidélité est de l’ordre du projet et non de la défense de positions établies. La fréquentation du corpus aristotélicien, destinée à lutter contre les philosophes avec leurs propres armes, était voulue par ce projet ; elle agit en retour comme un agent corrosif à l’égard de la synthèse bonaventurienne. À rebours de la perspective d’une « réduction des arts à la théologie », la philosophie conserve son champ propre et ne mène pas nécessairement à la vérité. De plus, la démarche conduit à mettre en cause les opinions philosophiques incorporées dans les doctrines théologiques. En rectifiant les tendances platoniciennes de Bonaventure, Olivi peut penser à bon droit qu’il s’inscrit dans la ligne tracée par son ministre général. La dix-neuvième des ‹Collationes in Hexaemeron› trace un programme d’études qui place l’Écriture sainte au premier rang et ne justifie l’étude d’autres documents qu’à titre subsidiaire. Les originalia des Pères permettent d’éclairer les obscurités de la lettre, mais ils contiennent eux-mêmes des difficultés que les « Sommes des maîtres » peuvent aider à surmonter, et c’est uniquement parce que ces dernières s’appuient sur les paroles des philosophes que l’étude de ceux-ci est 71 justifiée . La ‹Summa theologiae› de Thomas d’Aquin est assurément l’une des principales cibles de ce discours. C’est afin de pouvoir lui donner la réplique qu’une maîtrise des textes philosophiques est requise. Ce programme correspond exactement à celui qu’Olivi a mis en pratique, jusque dans ses polémiques contre le maître dominicain qui est fréquemment dans la ligne de mire des critiques adressées aux philosophantes. Il n’est d’ailleurs pas anodin que ces pages de Bonaventure aient été résumées dans l’un de ses ‹Principia› qui doit dater 72 de ses premières années d’enseignement théologique . Cette reprise se ___________________ 71 Bonaventura, Collationes in Hexaemeron, pp. 421–422 : necessariae sunt Summae magistrorum, in quibus elucidantur illae difficultates. Sed cavendum est de multitudine scriptorum. Sed quia ista scripta adducunt philosophorum verba, necesse est, quod homo sciat vel supponat ista [. . . ] Maius autem periculum est descendere ad Summas magistrorum, quia aliquando est in eis error ; et credunt se intelligere originalia [sc. sanctorum] et non intelligunt, immo eis contradicunt. Unde sicut fatuus esset qui vellet semper immorari circa tractatus et nunquam ascendere ad textum ; sic est de Summis magistrorum. In his autem homo debet cavere, ut semper adhereat viae magis communis. 72 Principium Vacate et videte, dans Peter of John Olivi on the Bible (cité note 7), p. 27 : Rectus igitur ordo est primo inniti fidei et fonti Scripturae sacrae,

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prolonge par une distinction entre l’ordre dicté par l’axiologie et celui suivi par la pédagogie. Une fois connue la hiérarchie des savoirs, l’apprentissage doit commencer par les sciences inférieures pour s’élever 73 aux supérieures . Mais la lecture des philosophes est réservée aux esprits les plus subtils et les mieux préparés, signe que cette formation n’est pas une étape initale mais marque le point de passage vers des études avancées de théologie. C’est bien à ce stade du cursus qu’aurait pris place le cours sur la ‹Physique›, donné au studium parisien à des étudiants déjà bien formés en théologie. Le ‹Principium› qui s’adresse à des viri studiosi est visiblement contemporain du ‹De perlegendis› et appartient donc à la deuxième strate textuelle identifiée plus haut. Le fait que cette introduction aux études s’achève par une louange des ‹Sentences› de 74 Pierre Lombard , peut être pris comme indication qu’à cette date, peu de temps après 1273, Olivi était chargé d’un enseignement sententiaire, non pas à Paris où cette tâche était remplie par les bacheliers, mais plutôt dans un studium de Languedoc dans lequel il aurait également poursuivi – à l’occasion des classes introduites par le ‹De perlegendis› – sa lecture d’Aristote sur un mode ouvertement polémique. Pour en rester au stade de la conjecture, s’il faut identifier un événement qui aurait fait basculer l’intonation du jeune enseignant dans sa présentation des philosophes, l’audition de ces ‹Collationes›, dans lesquelles l’urgence apocalyptique se fait plus pressante que jamais, ___________________ deinde per libros sanctorum, quasi per rivos a primo fonte immediate defluxos ad irrigua hortorum magistralium descendere, et sic deinde ad stagna vel paludes mundanorum philosophorum deflecti. 73 Ibid. : Verumtamen in ordine addiscendi seu adquirendi, preassumpta primitus solidatione fidei et firmiter fundata in se aestimatione ordinis praefati, sunt primo videnda dicta paedagogica magistrorum, inchoando ascensiones suas ab inferioribus scientiis ac deinde procedendo per medias ad supremas. In his autem philosophorum libri duplici ex causa a solis subtilioribus sunt legendi. Primo quidem ut lumine fidei examinentur et confutentur errores eorum. Secundo, ut bene dicta ab eis tamquam ab iniustis possessoribus in usus manuductionis fidei utiles assumantur. In hoc autem secunda causa non magnum haberet locum, si veritas ab eis dicta diminute et confuse et cum impura commixtione errorum esset a catholicis tradita sincere et clare et defaecate, absque scilicet palea et faece errorum. 74 Vacate et videte, pp. 32-33 : In hiis autem tribus non solum consistit tota doctrina primae partis magistralium inquisitionum seu doctrinarum sive Sententiarum, sed etiam tota scientia Scripturarum sanctarum et theologorum.

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pourrait fournir une explication plausible. Plus généralement, la plupart des traits marquants du projet intellectuel d’Olivi peuvent être situés dans le prolongement de ces conférences – du primat de l’exégèse à la structure de sa théologie de l’histoire. Le décès de Bonaventure, intervenu l’année suivante, a également pu l’inciter à assumer lui-même plus fermement encore le combat contre les erreurs des philosophes. Un dernier point qui ne peut rester qu’à l’état de question concerne l’effet en retour qu’auraient eu sur Bonaventure les travaux menés par son protégé. Dans l’hypothèse où il aurait été attentif à la mise en œuvre de la mission qu’il lui aurait confié, on pourrait décrire le rôle du jeune franciscain, lisant de près Aristote comme lui-même n’avait jamais pris le temps de le faire, comme celui d’un « secrétaire philosophique » de son ministre général durant ses dernières années d’exercice. I.3 Le détachement des opinions Olivi est donc un théologien qui a commencé par lire, commenter, et critiquer Aristote en philosophe, avant d’entrer dans la discussion théologique, et ce dans les années où le débat sur les rapports entre philosophie et théologie était le plus vif. C’est là un point crucial qui permet d’éclairer l’ensemble de son parcours. Les conséquences qu’il en a rapidement tirées quant à l’étude de la philosophie pour elle-même sont 75 bien connues ; mais c’est également sa pratique de la théologie qui est guidée par les mêmes règles épistémologiques. En appelant à lire les philosophes en maître, et non en esclave, Olivi répondait aux mises en gardes qu’avait formulées Bonaventure contre la 76 vaine curiositas, à l’époque où il débutait ses études au studium parisien . Prise comme une fin en elle-même, la philosophie ne mène nulle part. S’il faut cependant descendre et s’attarder dans ces marécages (pour employer l’image proposée dans le ‹Principium› cité plus haut), c’est à la fois pour réfuter les erreurs des auteurs païens et pour reprendre possession des parcelles de vérité que les auteurs chrétiens n’ont pas 77 encore su correctement séparer des erreurs . Ces tâches imposent ___________________ 75 Voir les travaux cités aux notes 1, 4, 5. 76 Bonaventura, Collationes de donis Spiritus sancti (Opera omnia 5), p. 476 : Philosophica scientia est ad alias scientias ; sed qui vult stare cadit in tenebras ; p. 478 : Sunt qui scire volunt tantum, ut sciant, et turpis curiositas est. 77 Le programme du De perlegendis est résumé dans le passage du Principium

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d’entrer dans la discussion philosophique en suivant ses propres règles, celles d’une confrontation argumentée qui ne tolère aucune vénération idolâtre. Il ne s’agit pas simplement de comprendre ce qu’ont voulu dire les auteurs anciens, mais d’éprouver la validité des raisonnements qu’ils ont employés et d’en proposer, le cas échéant, de meilleurs. Reprenant aux maîtres ès arts leur exigence de méthode, Olivi souligne que l’argument d’autorité ne possède pas la moindre valeur en ce domaine : 78 « Aristote l’a dit, donc c’est vrai » n’est pas un syllogisme valable . Chaque énoncé doit être fondé en raison. Cette démarche ne l’engage pas uniquement dans des combats externes à l’ordre des frères mineurs. En exprimant son refus de considérer les livres des philosophes comme la source infaillible des sciences, Olivi s’en prend directement aux positions défendues par Roger Bacon et, pour ce qui est du domaine de l’optique, à tout le courant que ce dernier a inspiré chez les franciscains anglais, qui compte des représentants par ailleurs au-delà de tout soupçon et occupant des positions élevées, tel Jean Peckham, archevêque de 79 Canterbury . Cette critique des autorités vise en premier lieu à montrer que sur des questions difficiles, il n’y a pas lieu de tenir sans discussion les propos 80 d’Aristote pour des « premiers principes, ou même, pour la vraie foi » . ___________________ Vacate et videte, cité note 73. 78 Summa, t. 1, q. 27, p. 479 : Est que periculosus modus arguendi in fide dicere ‹Aristoteles non posuit hoc, ergo non est ita›, aut hec ‹Aristoteles hoc dixit, ergo est ita› ; hoc enim est occulte et etiam aperte astruere quod Aristoteles est regula infallibilis omnis veritatis ; q. 53, t. 2, p. 225 : Et breviter hic et ubique habe pro regula quod dicere ‹Aristotele et eius Commentator ita dixit, ergo ita est› non habet vim argumenti, quia nullo habitudo necessaria est inter conclusionem et premissas ; sed si rationem pro illa conclusione fecerunt, dicatur ratio, et si bona est concedetur, si vero falsa pro viribus dissolvetur. 79 Summa, t. 2, q. 58, p. 499 : indubitanter verum est quod positio destruens unam scientiam est insana, sed non minus verum est quod dicere librum seu inquisitionem unius Saraceni talem esse quod debeat sic firmiter censeri esse ipsa scientia perspectiva acsi ipse esset fons inerrabilis illius scientiae, est idolatrare. 80 Epistola ad fratrem R., p. 56 : In talibus autem recitationibus hoc super omnia intendebam quod non nimis secure inhereret homo dictis Aristotelis quasi principiis inerrabilibus, sed potius averteret quod in rebus difficillimis nimisque perplexis, sine omni ratione et contrarietatum discussione plura dixit, que hodie tanquam prima principia, immo tanquam vera fides tenentur.

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Comme il le dit, en employant une expression hautement philosophique, son but est d’« apprendre à douter » (ut doceam dubitare) des nombreux 81 points qu’Aristote avance sans preuve suffisante . L’un des thèmes sur lesquels se concentre cette critique concerne la liste des dix catégories qui n’a jamais fait l’objet d’une démonstration probante. On note, sur ce terrain, une évolution intéressante. Dans les textes les plus anciens, datant de ce que j’ai appelé plus haut la première strate de ses écrits, Olivi 82 s’autorise de remarques d’Avicenne en ce sens , avant de parler plus fermement en son nom propre dans les écrits remontant à la strate 83 suivante . Mais jamais il ne donne l’impression de chercher à produire lui-même une nouvelle table des catégories. La critique n’a pas d’autre objectif que d’introduire le doute, et de montrer de la sorte que la discussion philosophique constitue un terrain de recherche ouvert. L’indifférence à l’égard de la valeur autoritative des écrits philosophiques conduit à rompre avec une ancienne tradition concordiste qui justifiait la lecture des philosophes païens au nom de leur intuition des vérités chrétiennes, et notamment de la Trinité. Cette perspective, qui 84 domine l’approche des philosophes chez Pierre Abélard , est encore à ___________________ 81 Summa, t. 2, q. 58, p. 447 : Hoc autem non approbando recito, sicut nec multa alia predicta, sed ut doceam dubitare de multis quae de praedicamentis Aristoteles posuit absque omni probatione. 82 Summa, t. 2, q. 25, p. 444 : praedicamentorum numerus et differentia quantum ad omnia non sumitur propter differentiam realem, sed aliquando propter differentiam solam rationis realis [. . . ] Unde non immerito dubitat Avicenna in Physicis suis super differentia et numero praedicamentorum ab Aristotele et forte ab aliis philosophis assignata. 83 Summa I, q. 5, éd. Schmaus, p. 194* : Quia enim philosophi pagani distinxerunt praedicamenta in decem, licet suam distinctionem nunquam probaverint, omnes tamen credunt hoc pro principio summo, et quod Aristoteles alicubi vocat ea decem res seu decem rerum genera, ideo multi credunt firmiter, ad si ab eo esset probatum, quod omnia dicant diversas essentiam et non solum diversas rationes ; Summa, t. 1, q. 28, p. 483 : Quidam enim sequentes Aristotelis credentes quod Aristoteles voluerit decem praedicamenta esse decem genera rerum inter se essentialiter distinctarum acceperunt quasi pro primo principio quod hoc ita se habeat, quamquam Aristoteles non inveniatur multum expressisse quod dicant semper necessario diversas essentias et multo minus inveniatur aliquam rationem sive necessariam sive probabilem ad distinctionem et numerum praedicamentorum probandum alicubi adduxisse. 84 En dernier lieu, Mews, Constant J., Abelard and Heloise, Oxford 2005.

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l’ordre du jour chez Roger Bacon, notamment pour ce qui est de 85 l’astrologie . Olivi prend le contre-pied de cette tentative de corroborer la révélation chrétienne par de tels écrits. Lorsqu’il souligne avec force le paganisme d’Aristote et la confession musulmane d’Averroès, ce ne sont pas des arguments qui les disqualifient en tant que philosophes, mais des circonstances aggravantes qui permettent d’attirer l’attention sur leurs 86 présupposés religieux qui les ont conduits à l’erreur . Il existe un domaine dans lequel l’illusion d’une convergence avec les doctrines chrétiennes est particulièrement dangereuse. Partout où les philosophes païens ont parlé des intelligences séparées, ce sont à leurs dieux qu’ils pensaient ; pour cette raison, il faut se garder d’attribuer les mêmes propriétés aux anges bibliques. Les plus graves erreurs découlent de cet arrière-plan polythéiste, telles que l’idée que chaque espèce angélique n’est composée que d’un seul individu et qu’il n’y a qu’un intellect 87 unique pour l’espèce humaine . On peut situer dans la même veine le rejet très inhabituel de la division entre intellect agent et intellect possible dont ni Augustin, ni aucun des autres Pères de l’Église n’ont jamais ___________________ 85 Rogerus Bacon, De viciis contractis in studio theologie, éd. Robert Steele, dans : Opera hactenus inedita Rogeris Baconi, 1, London 1905, p. 6 : Et tota philosophie intencio est per viam admiracionis universi devenire in cognicionem Dei [. . . ] De omnibus enim istis articulis, et insuper de Christo et lege Christiana, reperiuntur in libris philosophorum auctoritates pulcherrime et sentencie efficaces et exempla mira, que multum disponunt homines ad veritatem fidei Christiane recipiendam [. . . ] que ad defensionem et probacionem religionis Christiane necessario requiruntur. 86 Voir par exemple, Petrus Johannis Olivi, Summa, t. 2, q. 57, p. 341 : Si autem dicatur quod Averroes ponit primam, super VIII Physicorum et alibi, et quod videtur eam trahere ex verbis Aristotelis, sciendum quod similiter ponit unum intellectum in omnibus nobis et fuit Saracenus, Aristoteles autem paganus et idolatra, teste Augustino, VIII De civitate Dei, et praeterea, quaero quomodo probant eam, sciens quod eam supponunt, non probant. Dans cette invective, c’est la dernière clause qui est la plus importante. 87 Summa, t. 1, q. 33, p. 604 : Et si quis bene inspexerit omnia dicta philosophorum de pluralitate deorum, recte ille error omnia illa in se includit. Et isto etiam errore fortissime astruitur quod non sit in omnibus hominibus nisi unus intellectus, quia omnia illa per quae probatur universalitas naturae specificae in quolibet angelo possunt adduci aeque efficaciter ad probandum quod tota species intellectus humani est in una substantia universaliter recollecta ; ibid., q. 35, p. 628 : Et ideo in iis quae de intelligentiis dixerunt sic debemus eos fugere tanquam idolatras plures deos ponentes.

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parlé . Si le champ des questions légitimes cesse d’être coextensif à celui que définissent les traités des philosophes, des problématiques entières peuvent ainsi être abandonnées. Un aspect moins polémique et peut-être encore plus frappant de la démarche d’Olivi est son détachement vis-à-vis des opinions qu’il présente lorsque ces points n’engagent pas directement des dogmes de la foi. Face à la censure, il renonce à défendre une douzaine d’extraits du ‹Rotulus› « qui relèvent plus d’une matière philosophique que théologique ». Sur ces sujets, écrit-il dans son apologie de 1285, il n’a fait que réciter des opinions, sans en affirmer aucune, en les présentant sous la forme de doutes ou de difficultés, afin de montrer qu’elles peuvent convenir, aussi bien que d’autres, à la défense et l’explication de la foi. Il reconnaît surtout avoir avancé de telles opinions « lorqu’elles répugnent 89 à l’opinion commune de certains » . Il s’agissait, encore une fois, de mettre en doute un socle aristotélicien pris comme fondement trop assuré par ses contemporains. En réponse à Arnaud Gaillard qui lui reprochait d’avoir exposé de la sorte des opinions « ridicules et dangereuses » sans avoir résolu les difficultés qu’elles comportaient, Olivi rejette ces deux qualificatifs mais admet s’être ainsi comporté ; il explique justement que c’est en raison des difficultés présentées par ces arguments qu’il lui a semblé « très utile de les écrire », afin de montrer qu’une autre voie que la 90 seule orthodoxie aristotélicienne était possible . Ce genre de ___________________ 88 Summa, t. 2, q. 58, pp. 460–461 : Augustinus nunquam divisit intellectum in agentem et possibilem [. . . ] nullus de antiquis sanctis et doctoribus invenitur hanc divisionem posuisse aut tenuisse, sed quod tantum habet ortum ab Aristotele pagano et a quibusdam Saracenis sequacibus eius. 89 Petrus Johannis Olivi, Responsio ad aliqua dicta per quosdam magistros parisienses de suis quaestionibus excerpta, éd. D. Laberge, dans : Archivum franciscanum historicum 28 (1935), p. 405 : recitavi opiniones varias, nullam earum asserens, nisi quod ad illam partem, quae communi opinioni quorumdam repugnat, aliquando plures rationes adduco non respondens ad eas, in quo videor innuere quod illam partem plus approbo, quamvis in plerisque earum dicam eas esse cavendas et examinandas potius quam asserendas. Ego quidem idcirco recitavi eas, quia videbantur in se habere difficultates merito dubitabiles et quae ego nescirem dissolvere, et videbantur mihi ad fidem nostram explicandam et defendendam non minus accomodatis quam ceterae. 90 Petrus Johannis Olivi, De quantitate, dans : Quodlibeta, f. 39vb : imponitur mihi ab isto [sc. Arnaldo Galhardi] et ab eius consentaneis, quod ego opiniones aliquas ridiculosas et periculosas recito, dimittendo rationes earum

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propositions exploratoires, destinées à choquer Arnaud Gaillard, apparaissent notamment dans la longue question disputée qui cherche à définir la volonté comme une puissance active (‹Summa› II, 58) ; dans ce cas, l’argumentation concernant la théorie de la connaissance a été ultérieurement systématisée dans des textes moins polémiques (II, 72– 75). On relève également, dans certains cas, ce qui paraît être l’expression d’une véritable indécision. Ainsi, la question sur l’individuation de l’essence (II, 12) s’achève sur la formule suivante : « Laquelle de ces opinions est la plus vraie, je le laisse au jugement des plus savants. Si je devais toutefois en défendre une, ce serait la seconde, car elle est plus 91 solennelle et commune, bien que je ne saurais la défendre pleinement » . Pour rendre compte d’une telle déclaration d’incompétence, il faut d’abord rappeler que le statut de la parole d’un lecteur de studium provincial n’est pas celui d’un maître en théologie : il n’est pas autorisé à « déterminer » solennellement des questions théologiques et doit enseigner à ses étudiants les positions les plus communes tenues par les maîtres de l’ordre. La réserve qu’énonce Olivi revient en réalité à pointer l’insuffisance des arguments en faveur de la position commune qui ne lui paraît pas pleinement défendable. Dans des circonstances comparables, face à une opinion magistrale fermement partagée par tous les docteurs franciscains de son temps, il agit de la même façon en énonçant les unes après les autres toutes les limites que rencontrent les différentes doctrines 92 de l’illumination . Dans ce cas, l’opération équivaut à un abandon pur et simple. L’une des difficultés que rencontre le lecteur moderne d’Olivi tient à la façon dont il présente, à la troisième personne, des thèses originales qu’il semble souvent avoir été le premier à développer. Comme il l’écrit dans ___________________ insolutas, ex quo videor occulte eas approbare. Quamvis in paucis locis hoc mihi contigerit et solum in talibus in quibus nullum periculum fidei de facili latere posset, utpote in quibusdam materiis philosophicis et naturalibus [… ] Quod autem non respondi ad rationes opinionum talium, causa fuit quod nescivi nec adhuc scio ; et nihilominus videbatur mihi valde utile conscribere ipsas. 91 Summa, t. 1, q. 12, p. 231 : Quid autem de istis opinionibus verius sit sapientiorum iudicio derelinquo. Si tamen haberem aliquam tenere, secundam tenerem, quia solemnior et communior est, licet nullam scirem sustinere ad plenum. 92 Voir Bérubé, Camille, Olivi, critique de Bonaventure (cité note 60).

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la ‹Lettre à R.›, si on lui intimait de le faire, il serait prêt à reconnaître que ces opinions sont bien les siennes, mais il ne leur accorde précisément 93 que la valeur de simples opinions . Il les abandonnerait volontiers si on lui montrait une meilleure solution. Si son raisonnement n’est pas 94 satisfaisant, « qu’on cherche mieux » . La récitation des opinions peut être comprise de différentes façons. Si l’on veut lui attribuer principalement une valeur tactique, destinée à camoufler des prises de positions dangereuses, il faut admettre que dans le cas d’Olivi, censuré pour des thèses qu’il s’était volontairement retenu d’affirmer, l’opération n’a pas fonctionné. La dimension insitutionnelle a certainement compté, mais en fin de compte, c’est l’aspect épistémologique qui me semble prépondérant. Plutôt que de trancher, le lecteur des philosophes doit déployer autant d’alternatives que possible, puisque la philosophie n’est pas une sagesse mais un tâtonnement dans une obscurité que la foi 95 n’éclaire pas . La même démarche se prolonge dans l’examen de questions proprement théologiques. On observe là aussi une exigence de rigueur argumentative à nouveaux frais et un détachement à l’égard des simples opinions. Les formules de la réponse aux censeurs l’expriment fortement : « marquer une erreur d’un signe de croix ou dire : ‹cela est 96 faux et erroné› ne suffisent pas à mon instruction » . Si l’argument n’est pas valide, il faut le démontrer. S’il mène à des conclusions dangereuses, il faut également le prouver. En ce qui concerne les points qui n’ont pas été solennellement déterminés par l’Église, Olivi considère que la recherche est là aussi ouverte. Il est alors possible de mettre en doute les opinions, 97 certes respectables, des docteurs modernes et anciens . C’est ce que le ___________________ 93 Epistola ad fratrem R., pp. 61–62 : Si vero omnino urgentes a me requirant, an de diversis opinionibus a me non affirmatis sed recitatis alteram earum amplius credam, si de credulitate simplicis opinionis queritur, fateor quod sic. 94 Summa, t. 2, q. 57, p. 347 : si cui hoc placet, bene quidem ; sin autem, melius queratur. 95 Je dois cette formulation au compte rendu du colloque rédigé par Catherine König-Pralong, Bulletin de philosophie médiévale 50 (2008), p. 400. 96 Responsio ad aliqua dicta, p. 397 : Si autem et in hoc ipso iudicor errasse, ostendatur mihi hoc, et libenter volo corrigi et edoceri ; sed, meo iudicio, sola cruce signatio vel solum dicere : falsum et erroneum est, non sufficiunt eruditioni meae. 97 Epistola ad fratrem R., p. 61 : Humanas autem opiniones humana excogitatas ratione, si magnorum et fide dignorum sunt, eas humili et disciplinabili corde revereor, sed pro universo orbe non adhererem eis tanquam fidei catholice aut

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jeune franciscain se propose de faire, de façon assez solennelle, dans la question disputée qui ouvre son commentaire sur la ‹Hiérarchie céleste›. Revenant sur une position communément adoptée après les 98 condamnations de 1241 des « théophanies » de Scot Erigène , il entend montrer qu’il est possible d’affirmer que les anges supérieurs collaborent à la gloire substantielle des inférieurs, sans mettre pour autant en cause 99 l’accès de ces derniers à une vision immédiate de l’essence divine . La remise en cause de positions communes peut prendre des formes moins explicites. Ainsi, dans ses questions ‹De virtutibus›, Olivi semble faire totalement l’impasse sur une distinction établie depuis les années 1220 entre vertus infuses et vertus acquises. Il est possible que ce choix ait été davantage justifié dans des textes qui ne nous sont pas parvenus. Les écrits dont on dispose témoignent d’un refus de distinguer deux ordres de vertus, naturelles et surnaturelles. Le modèle alternatif est celui d’une même vertu dont la semence est infusée par Dieu, qui peut se déployer à différents degrés, selon que l’exercice des vertus vise leur fin prochaine 100 ou ultime . Si l’argumentation rationnelle peut servir à la défense et illustration de la foi, elle n’intervient que dans un second temps. La raison peut certes retrouver la vérité des articles de foi, mais la force du seul raisonnement ___________________ traditioni divine, cui contradicere nunquam licet, nec ab ea aliquatenus dissentire, nec de ea saltem leviter disputare, quin potius temerarium et in fide periculosum et quasi hereticum censeo, sic quibuscumque humanis adinventionibus adherere, quod non solum per rationes, sed etiam per plures auctoritates sanctorum et precipue Augustini probare possem. Hoc est enim dicta hominum quasi idola venerari, ex quo pericula sectarum et scismata oriuntur, ita ut quidam dicant ‹Ego› quidem ‹sum Pauli›, ego autem Aristotelis, ego vero Thome. 98 Chenu, Marie-Dominique, Le dernier avatar de la théologie orientale en e Occident au XIII siècle, dans : Mélanges A. Pelzer, Louvain 1947, p. 159– 181, reproduit dans La Théologie au douxième siècle, Paris 1976. 99 Quaestio de angelicis influentiis, éd. Ferdinand Delorme, dans : Bonaventura, Collationes in Hexaemeron et Bonaventuriana quaedam selecta, Quaracchi 1934, p. 366 : Licet enim cum reverentia sit tractandus, pro eo quod est omnius doctorum huius temporis, nisi tamen prius indubitabili fide claresceret quod est de mente et substantia catholicae fidei, non est ei tamquam catholicae fidei adhaerendum, sed solum tamquam humanam opinioni modernorum doctorum. 100 Summa III, q. 6, pp. 277–281. Sur la redistribution du partage entre naturel et surnaturel, voir aussi, Summa, t. 3, q. 115, p. 323.

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ne peut jamais entraîner l’adhésion complète que seule la foi peut procurer. De plus, ces raisonnements n’ont de valeur probatoire qu’en prenant systématiquement la forme d’une double négation. Ils ne consistent pas à affirmer positivement les articles de foi mais à leur reconnaître un tel degré de probabilité qu’il serait impossible de penser leur fausseté. Camille Bérubé a bien fait ressortir la reformulation de l’argument du ‹Proslogion› de saint Anselme à laquelle se livre Olivi, en s’appuyant sur sa lecture du pseudo-Denys : les perfections divines sont pensées par négation et dépassement des perfections appropriées aux étants. Si le plus grand qui se puisse penser est défini par l’absence de toute imperfection, il ne peut inclure une possibilité de ne pas être ; ce serait une imperfection suprême qui rendrait son concept faux et 101 contradictoire . On retrouve la même structure argumentative en théologie trinitaire. Les trois syllogismes qui démontrent la possibilité d’une production des personnes divines reposent sur un raisonnement qui fait passer du plus haut degré de probabilité à l’affirmation, par 102 l’impossibilité de penser le contraire . La question consacrée à la possibilité de l’Incarnation reprend la même démarche, en formulant des 103 remarques de méthode sur ce modus arguendi . Un argument semblable 104 revient dans une question sur l’eucharistie . Le commentaire sur l’‹Épître aux Romains› annonce le projet de démontrer, par la même voie 105 de négation et dépassement, l’ensemble des articles de foi . Si le ___________________ 101 Summa, t. 3, q. I, 4, pp. 518–554. Voir Bérubé, Camille, Olivi, interprète de saint Anselme, dans : id., De l’homme à Dieu (cité note 60), pp. 225–239. 102 I Sent., q. 5, éd. Schmaus, p. 163* : Summe tamen apparet probabile, quia illae tenent summum gradum probabilitatis, contra quas nulla potest dari ab homine vera instantia. 103 Summa III, pp. 25–26 (cité note 21). 104 Summa IV, q. 9, Siena, Biblioteca Comunale, U.V.5, f. 46ra : Item, impossibile est quod id quod est summe falsum et summe impossibile habeat summas condecentias et congruentias, idest, resonantias propositionis ordinis et significantie, idest deductione similitudinis ad res divinissimas et saluberrimas. Sed hic articulus est huiusmodi, ergo impossibile est quod sit falsum et impossibile. 105 Lectura super Epistolam ad Romanos, Paris, BnF lat. 15588, f. 141rb : [… ] omnes articuli fidei saltem secundum illud modum secundum quod fides eis adheret, tante sint altitudinis quod non semper nisi per negationes et superexcessus possunt apprehendi, sicut patet de Deo trino et uno, de Verbo incarnato, de existentia Christi in sacramento altaris, de ressurrectione corporum gloriosa et sic de aliis prout suis locis de unoquoque in speciali habet

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programme n’a pas été récapitulé dans un ouvrage unique, il avait déjà été accompli pour l’essentiel dans chacune des démonstrations proprement théologiques. La dernière particularité notable de la démarche olivienne qui doit être relevée tient à l’abandon de la définition de la théologie comme science. Celle-ci a certes besoin de l’ensemble des savoirs, mais elle-même n’est 106 pas une science constituée par un sujet unique . L’argument principal tient à ce que ce savoir ne porte pas uniquement sur les données universelles de la foi ; il concerne également de nombreuses choses singulières, la première étant la personne du Christ qui ne peut assurément pas être réduite à un prétexte pour saisir des principes généraux : cette personne singulière possède, par elle-même, « de 107 nombreuses utilités et efficacités » . Il n’est donc pas possible de ramener la théologie à un sujet qui pourrait être épuisé à l’aide de 108 propositions et de conclusions démonstratives . Un tel abandon du statut scientifique de la théologie, à la fin des années 1270, n’a rien de 109 banal . Pour en comprendre les raisons, il faut noter deux éléments. Olivi parle ici, non pas de sacra doctrina comme le fait Thomas d’Aquin à la même époque, mais bien de sacra Scriptura, en identifiant donc le champ de la théologie à ce qui est connu par l’Écriture seule. Comme ___________________ ostendi, cité d’après l’édition à paraître d’Alain Boureau. 106 Summa I, éd. Stadter, q. 1, p. 5 : Quidam alii dixerunt quod sacra Scriptura nullum habet unum subiectum proprie et univoce sumendo subiectum, ut dixerunt, pro eo quod non est proprie et univoce participans rationem et modum scientiae cum aliis scientiis. 107 Ibid., p. 6 : Nec potest dici, ut dicunt isti [sc. Olivi] quod haec [res particulares] ponantur tantum pro exemplis et experimentis ad sumendum et inducendum universales propositiones seu universalia fidei, quia haec sunt per se de substantia fidei sicut illa universalia, et per se multa utilia praeterquam ad inducendum huiusmodi principia universalia. Credo enim personam Christi singularem [. . . ] multas habere efficacias et utilitates praeter predictam. La remarque vise directement Thomas d’Aquin, Summa theologiae, Ia, q. 1, a. 2, ad 2 : singularia traduntur in sacra doctrina, non quia de eis principaliter tractetur : sed introducuntur tum in exemplum vitae […]. 108 Ibid., p. 6 : non possunt dividi universaliter et totaliter in subiectum et partes eius integrales et subiectivas et in passiones eius et causas eius, nec in propositiones aliquid probantes de subiecto et conclusiones in quibus concluditur aliquid de subiecto seu partibus eius. 109 Voir en dernier lieu, Oliva, Adriano (cité note 6).

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tous les théologiens de son siècle qui abordent la question, Olivi emploie 110 le concept de « science » au sens des ‹Analytiques postérieurs› . Le but de sa critique vise d’abord à pointer l’insuffisance de cette définition. Adaptée aux savoirs humains, elle ne convient pas à la théologie puisqu’elle ne permet pas de rendre compte de la richesse de l’Écriture. Celle-ci, comme il l’avait dit à peine quelques semaines plus tôt dans ses ‹Principia›, réclame un type de lecture qui n’a rien de commun avec la 111 lecture des textes humains . Olivi propose plutôt de la comprendre à l’image d’un « livre de raison » dans lequel un père de famille rassemble les différents savoirs, conseils, histoires et prévisions qui peuvent être 112 utiles à ses enfants et ses amis . La théologie peut faire l’objet d’une approche purement spéculative, son intelligence peut s’appuyer sur la raison, mais cette démarche ne permet pas de récapituler l’ensemble du savoir théologique. Le programme qui est proposé ici suggère que l’essentiel de ce travail doit passer par la lecture du texte sacré. Pour suivre Olivi sur ce terrain, il faut maintenant aborder son herméneutique biblique, dont on verra qu’elle est intimement marquée par sa provenance franciscaine.

___________________ 110 Summa I, q. 1, pp. 8–10 : Ad primum dicendum quod subiectum hic aliter accipitur quam ab Aristotele, I Posteriorum [… ] Ad sextum dicendum quod sumendo subiectum sicut accipit Aristoteles in Posterioribus. 111 Principium Cum essem, p. 100 : hoc enim nulli alii scripturarum vel scientiarum competit nisi ipsi. 112 Summa I, q. 1, pp. 7–8 : Dant enim isti huius rei tale exemplum : Ponitur enim quod aliquis pater familias, volens per scripturam praevidere filiis et amicis suis de distincto regiminae vitae, scribat eis aliquam brevem compilationem in qua continentur aliqua medicinalia et naturalia, et aliqua de mathematicis et physicis, et aliqua gesta nova patrum suorum aliorum sui generis, et hoc cum exhortationibus, praeceptis et comminationibus et increpationibus, prout ei utile visum fuerit compositis et moderatis, et cum aliquibus praenuntiationibus futurarum eventium : talis compilatio non poterit dici quod habeat unum aliquod subiectum eo modo quod scientiae dicunt habere subiectum unum, cum de multis scientiis particularibus vel generalibus multa contineat, et praeter hoc multa alia quae ad rationem scientiae non spectant.

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II. L’été et l’automne 1279 constituent l’une des périodes les plus intenses de la carrière d’Olivi. À la suite du chapitre général de l’ordre franciscain, tenu à Assise à la Pentecôte de cette année, une commission avait été mise en place par le pape Nicolas III pour préparer une nouvelle explication officielle de la Règle. Bermond d’Anduze, ministre provincial de Provence qui faisait partie de la commission, fit venir auprès de lui son protégé et lui demanda de composer un bref traité sur la pauvreté des 113 frères mineurs . En parallèle et de façon plus ambitieuse, Olivi rédigea la fameuse série des ‹Quaestiones de perfectione evangelica› qui fut complétée par quelques textes écrits après la publication de la bulle ‹Exiit 114 qui seminat›, émise par Nicolas III le 14 août 1279 . On peut dater de l’année universitaire qui suit ses premiers commentaires bibliques 115 conservés (‹Lectura super Matheum› et ‹super Isaiam›) . Entre-temps prend place une série d’exercices scolaires de haut vol : trois ‹Principia in sacram scripturam› et la question disputée sur le sujet de la théologie signalée plus haut. Ces leçons inaugurales marquent à coup sûr l’entrée en fonction sur une chaire importante. L’hypothèse la plus vraisemblable est qu’il s’est agit de celle de lecteur biblique au studium generale 116 franciscain de Montpellier . e Ces introductions à l’étude de l’Écriture ont été publiées au XVIII siècle dans une édition des œuvres complètes de Bonaventure difficilement accessible. David Flood et Gedeon Gál les ont à nouveau rendues disponibles, dans une bonne édition qui appelle toutefois 117 quelques précisions . Les cinq textes ont en effet été publiés dans un ___________________ 113 Ruiz, Damien, Le Tractatus de paupertate minorum de Pierre de Jean-Olivi, dans : Revirescunt chartae, codices, documenta, textus. Miscelleana investigationum medioevalium in honorem Caesaris Cenci OFM collecta, éd. Alvaro Cacciotti, Pacifico Sella, Roma 2002, vol. 2, pp. 1033–1064. 114 Sur la chronologie de ces questions, voir Burr, David, dans : De usu paupere, pp. xviii–xxv. 115 Burr, David, The Date of Olivi’s Commentary on Matthew, dans : Collectanea Franciscana 46 (1976), pp. 131–138. 116 Sur l’histoire de ce studium, j’ai proposé une vue d’ensemble dans : Les studia franciscains de Provence et d’Aquitaine (1275–1335), à paraître dans : Philosophy and Theology in the Studia of the Religious Orders and at the Papal Curia, éd. William J. Courtenay, Kent Emery Jr. 117 L’édition (citée note 7) sera désormais citée sous le titre des différents

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ordre qui ne correspond pas à celui dans lequel les présentent les deux manuscrits contenant la collection complète des ‹Principia›. En outre, les éditeurs ont choisi de désigner chacun de ces textes par des titres, absents des manuscrits. Pour éviter les confusions, je préfère les citer par leur incipit. Le tableau de concordance suivant permettra de s’y retrouver. ordre des manuscrits

Incipit

ordre Flood/Gál

Titres

1

Vidi in dextera

2

De causis

2

Quatuor animalia

5

De evangelis

3

Cum essem

3

De doctrina

4

Ingredere

4

De Christo

5

Vacate et videte

1

De studio

Le manuscrit parisien (lat. 15588), copié pour Pierre de Limoges puis légué par ce dernier à la bibliothèque de la Sorbonne en 1306, contient également la ‹Lectura super Mattheum›. On peut remarquer que cette recension est suivie d’une table des questions posées au fil du texte. Cet état correspond peut-être à la mise en forme réalisée par Olivi lors de l’édition finale de ses œuvres. Il est donc possible que l’ordre dans lequel figurent les ‹Principia› dans ce volume reflète également un choix éditorial voulu par l’auteur. Cette hypothèse est renforcée du fait qu’une disposition identique se retrouve dans le manuscrit du Vatican (vat. lat. e 918), qui a été pour partie copié par un chartreux de Styrie au XIV siècle et obtenu par B. Bonelli à Trente, en 1770, lors de la préparation de son édition des œuvres de Bonaventure. Certains ‹Principia› ont cependant circulé de façon autonome. ‹Cum essem› figure dans un manuscrit de Naples qui transmet une collection d’une soixantaine de ‹Principia›, 118 presque tous anonymes . Le seul ‹Vacate et videte› apparaît dans un ___________________ principia. Voir aussi les commentaires de Vian, Paolo, L’opera esegetica di Pietro di Giovanni Olivi, dans : Archivum franciscanum historicum 91 (1998), pp. 395–454, voir pp. 415–416. 118 Naples, Naz. VII.F.21, ff. 234b–243v, décrit par Cenci, Cesare, Manoscritti francescani della Biblioteca Nazionale di Napoli, Grottaferrata 1971, t. 2, pp. 547–552.

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volume conservé à GdaĔsk, qui n’a pas été pris en compte par l’édition . Il faut enfin signaler la présence de ‹Cum essem› et ‹Vidi in dextera› en tête d’une autre importante collection comportant plus d’une trentaine e de ‹Principia› anonymes, copiée dans la première moitié du XIV siècle de 120 la région de Montpellier . La tradition manuscrite devra donc être réexaminée à la lumière de ces nouveaux témoins. Les éditeurs n’ont pas procédé sans raison à un tel remaniement de l’ordre des ‹Principia›. Leur choix a consisté à écarter deux textes : ‹Vacate et videte›, considéré comme une introduction générale aux études, a été placé en tête de la série tandis que ‹Quatuor animalia›, 121 introduction aux Évangiles, a été rejeté à la fin . Cette exclusion est justifiée négativement par la grande unité que manifestent les trois autres textes, que j’appellerai par commodité les ‹Principia› « majeurs ». Ces trois leçons s’enchaînent et ont certainement été présentées l’une après l’autre à peu de distance. La ‹Lectura super Mattheum› contient un renvoi qui vise simultanément ces textes et la question sur le sujet de la théologie, ce qui suggère que ces documents ont constitué les actes d’entrée en fonction d’Olivi comme lecteur biblique dans un studium 122 generale à l’automne 1279 . Par contraste, les deux ‹Principia› « mineurs » semblent correspondre à d’autres circonstances. Comme on ___________________ 119 GdaĔsk, Biblioteka Polskiej Akademii Nauk, Mar. F 309, ff. 1–2v. Il a déjà été question de ce manuscrit plus haut, note 19. Par ailleurs, Thurn, Hans, Die Handschriften der Universitätsbibliothek Würzburg, Band 1, Die Ebracher Handschriften, Wiesbaden 1970, p. 147, signale un Principium d’Olivi dans le cod. Würzburg, UB, I.t.f. 615, ff. 55r–58r, mais sans en donner l’incipit. Il s’agit en fait d’un texte édité par Bonelli, que les éditeurs de Bonaventure rejettent comme inauthentique et que David Flood et Gedeon Gál n’attribuent pas à Olivi, cf. Peter of John Olivi on the Bible (cité note 7), pp. 7–8. Je remercie Claudia Heimann de son aide pour l’obtention d’une reproduction de ce texte. 120 Cf. Newberry Library-University of Notre Dame Ms. 12 (= N). Je remercie Ariane Bergeron de m’avoir permis de consulter ce volume. Les Principia d’Olivi figurent en tête de volume. Parmi les trente-cinq suivants, copiés d’une autre main, les seuls textes identifiables sont également franciscains et concernent notamment Giacomo da Tresanti, lecteur à Florence dans les années 1300. 121 Flood, D., Gál, G., Peter of John Olivi on the Bible (cité note 7), p. 9. 122 Petrus Johannis Olivi, Lectura super Mattheum, Paris, BnF lat. 15588, f. 38ra : sicut in generalibus principiis et in questione de subiecto theologie est aliqualiter ostensum.

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l’a vu plus haut, ‹Vacate et videte› est un ‹Principium› sententiaire, inaugurant une lecture cursive du recueil de Pierre Lombard dont le texte n’a pas été conservé. De son côté, ‹Quattuor animalia› présente des ressemblances notables avec le prologue de la ‹Lectura super Mattheum› qui a également pour fonction d’introduire généralement aux quatre 123 Évangiles, en traitant notamment des spécificités de chaque évangéliste . L’absence de renvoi entre ces textes plaide pour une antérorité du ‹Principium›, puisque tous les autres commentaires évangéliques font référence à la ‹Lectura› et à son prologue. Il faudrait donc considérer ‹Quattuor animalia› comme une leçon préliminaire à une lecture cursive des Évangiles. Ces deux leçons inaugurales devraient alors être identifiées à des traces de l’enseignement délivré, avant 1279, dans un studium de rang inférieur. Il s’agit probablement de celui de Narbonne, où l’on sait qu’Olivi exerçait dans les années 1277–1279. D’un point de vue stylistique et doctrinal, ‹Vacate et videte› présente des traits qui l’apparentent au fameux ‹De perlegendis›, lequel pourrait avoir été composé dans la même période, comme introduction à un cours de philosophie réservé à un groupe d’étudiants avancés. Lors du colloque de Narbonne, Gilbert Dahan s’est largement appuyé sur les ‹Principia› majeurs pour présenter les principaux aspects de la 124 démarche exégétique d’Olivi . Je voudrais ici chercher à prolonger ses conclusions, en m’appuyant également sur le commentaire de la ‹Hiérarchie céleste› du pseudo-Denys, produit à la fin de la même année scolaire et dont les premiers chapitres contiennent des réflexions 125 importantes pour expliciter cette démarche . ___________________ 123 Comparer, Lectura super Mattheum, f. 15va : Est enim in Christo quadruplex dignitas, scilicet regalis, magistralis pontificalis, supersubstantialis seu divina et eternalis et de hiis quatuor est evangelica doctrina [. . . ] Vel possumus dicere quod volavit in mundum veniens et ingrediens, per mundum progrediens, de mundo exiens, ad patrem rediens. ; Quattuor animalia, p. 144 : Habuit enim persona Christi dignitatem regalem, pontificalem, magistralem, divinam seu aeternalem. Et cum hoc fuit in statu quadruplici, quorum primum habuit mundum ingrediens per incarnationem et nativitatem ; secundum per mundum progrediens et per praedicationis veritatem et conversationis sanctitatem, tertium habuit mundum egrediens per passionis et mortis acerbitatem ; quatrum ad patrem rediens per ressurectionis et ascensionis caelestem novitatem. 124 Dahan, Gilbert, L’exégèse des livres prophétiques chez Pierre de Jean Olieu, dans : Pierre de Jean Olivi (cité note 17), pp. 91–114. 125 Pour une présentation et une datation de ce texte, voir mon article,

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II.1 La réversibilité de l’Écriture L’un des aspects les plus saisissants de ces ‹Principia› vient de ce qu’ils fournissent simultanément des règles d’exégèse et leur exemplification. Pour cette raison, il est nécessaire de les lire en regard des thèmes bibliques sous lesquels ils s’inscrivent, en tant qu’exercices d’exégèse appliqués aux passages dans lesquels l’Écriture fournit elle-même les clés de son déchiffrement. Le premier ‹Principium› majeur exploite ainsi toutes les résonances de son thème : « Je vis, dans la main droite de celui qui siège sur le trône, un livre écrit au dedans et au dehors, scellé de sept 126 sceaux » (Ap. 5, 1) . Si les visions de Jean à Patmos ont une valeur exceptionnelle aux yeux d’Olivi, ce n’est pas uniquement au titre d’unique livre prophétique du Nouveau Testament qui ouvre sur une histoire encore inaccomplie. Elles constituent également le dernier livre du canon, le livre qui, l’achevant, assure la clôture du texte sacré et permet de le saisir dans sa totalité. De plus, il fournit lui-même un modèle d’interprétation à l’ensemble de l’Écriture puisqu’il ne l’achève qu’en appelant à son ouverture renouvelée. La préfiguration des temps derniers prend l’image de l’ouverture des sceaux d’un livre écrit intus et foris, sur son intérieur et son extérieur. Elle montre ainsi comment le texte, se donnant à lire comme scellé, demande à être ouvert, comment il doit être compris tout à la fois dans son scellement et dans son ouverture, dans une circulation entre son envers et son endroit. Le commentaire de l’Apocalypse se concentre sur l’interprétation historique et prophétique de l’ouverture de ces sceaux, qui correspondent aux sept âges de l’Église. Le ‹Principium› s’attache ainsi à mettre en lumière ce que l’on peut désigner comme le principe de réversibilité de l’Écriture. Des trois ‹Principia› majeurs, ‹Vidi in dextera› est celui qui s’approche le plus d’un modèle universitaire, en se proposant de traiter des quatre causes de l’Écriture. En réalité, l’examen des causes efficiente (la sagesse divine), matérielle (la vérité de toutes choses) et finale (la contemplation de Dieu) est parcouru de manière relativement rapide. La raison en est que, si ces considérations sont nécessaires à l’intelligence du texte, elles ___________________ Deplatonising the Celestial Hierarchy (cité note 68). 126 Le même passage joue également un rôle crucial pour Joachim de Fiore, voir Potestà, Gian Luca, Il tempo dell’Apocalisse. Vita di Gioacchino da Fiore, Bari 2004, pp. 291–292, cf. Liber de Concordia Noui ac Veteris Testamenti, éd. E. Randolph Daniel, dans : Transactions of the American Philosophical Society, vol. 73, part 8, 1983, p. 52.

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n’en fournissent pas les clés, puisqu’elles ne traitent que des préalables ou de l’aboutissement de la lecture. La véritable entrée dans le texte est offerte par l’attention portée à la cause formelle du livre, c’est-à-dire à la forme dans laquelle il est consigné. C’est précisément à elle que s’applique la métaphore des sept sceaux, afin de montrer de quelle façon 127 la forme du texte correspond à sa matière et à son origine . Cette septupla clausura peut s’énoncer de manières diverses. Celle qui est offerte en premier lieu est d’ordre analytique. Elle exprime une 128 septuple division des étants . Il ne s’agit pas, à strictement parler, d’une nouvelle table des catégories qui viendrait remplacer les dix catégories de 129 l’‹Organon› . Il faut plutôt entendre cette liste en écho à la table des « six différences cachées des quiddités » que propose Bonaventure dans 130 sa quatrième conférence sur l’‹Hexaméron› . Cette liste n’est en outre fournie qu’en tant qu’instrument d’élucidation du texte sacré en énonçant une série de disjonctions à l’aide desquelles il doit être abordé : l’unité et la pluralité, la conformité et la contrariété, l’actualité et la potentialité, la généralité et la spécialité, la substance et l’accident, la relation et l’absolu. La dernière de ces oppositions, qui distingue l’être selon la chose ou selon l’appréhension, englobe les six précédentes et 131 coïncide avec chacune d’entre elles . Elle résume exactement la tension que produit un message divin exprimé en langage humain : « L’Écriture sacrée nous propose en effet des choses qui excèdent notre intellect et notre affect, d’une manière adaptée à notre proportion et nos ___________________ 127 Vidi in dextera, pp. 50–51 : Ut autem videas quomodo eius forma correspondet altitudini suae originis et suae materiae. 128 Sur ce point, le manuscrit N cité plus haut (note 120) permet de restituer la leçon correcte : secundum generalissimas et altissimas divisiones entis. Les deux autres témoins portaient les leçons dicentis ou dividens pour divisiones entis, ce qui conduisait les éditeurs à une correction discutable, cf. Vidi in dextera, p. 51. 129 Voir plus haut, notes 82–83. 130 Bonaventura, Collationes in Hexaemeron, pp. 350–351. Ces couples opposent substance et accident, universel et particulier, puissance et acte, un et multiple, simple et composé, cause et causé. Les deux dernières différences ne sont pas reprises par Olivi, qui réordonne les précédentes et leur ajoute les couples, conformité et contrariété, relation et absolu, selon la chose et selon l’appréhension. 131 Vidi in dextera, p. 51 : Et haec ulterius causa et ratio et finis est omnium praecedentium ; ibid., p. 60 : Et hoc, sicut dixi, causa fuit omnium aliorum.

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capacités » . Cette formule est en fait une simple paraphrase du pseudoDenys, parlant dans le premier chapitre de la ‹Hiérarchie céleste› de la 133 figuration sensible des anges . Olivi la comprend comme désignant le statut même de l’ensemble du texte qui excède infiniment, en réalité, le peu qui en est appréhendé. Les vérités ultimes seraient inaccessibles aux facultés humaines si Dieu n’avait voulu se rendre intelligible en empruntant une expression discursive. Cet écart appelle un travail d’interprétation qui est en premier lieu un travail sur la langue et les façons de parler (modi loquendi) de l’Écriture. Pour comprendre cette langue, il faut tenir compte des peuples auxquels elle a été donnée, de leurs mœurs et leurs tournures d’esprit et connaître la nature des 134 hommes auxquels elle s’adresse . Denys ajoute encore que cette figuration de l’ineffable, pour mieux indiquer la transcendance absolue de ce qu’elle représente, devait prendre 135 la forme des métaphores les plus dissemblables . Face à cette affirmation, Olivi feint de s’étonner : « il est surprenant que par cela même par quoi il veut que nous soient voilées et cachées les choses ___________________ 132 Vidi in dextera, p. 51 : Secundum omnem modum nostrae apprehensionis et affectionis judicamus et aestimamus de rebus. Scriptura autem sacra proponit nobis superexcedentia nostrum intellectum et affectum iuxta proportionem et capacitatem nostram, secundum Dionysium primo Angelicae hierarchiae. 133 Petrus Johannis Olivi, Lectura super librum Dionysii de hierarchia angelica, Vaticano, B.A.V., Urb. lat. 480, f. 132vb : Hic incipit secunda ratio, per quam probat quod procedendum est per similitudines sensibiles, aptas tamen ad nos sursum agendos et est sumpta ex parte nostre potentie, et potest sic formari. Unicuique debet tradi doctrina secundum proportionem sue capacitatis, et non aliter. Sed nos non sumus potentes capere intelligentiam divine lucis et celestium ierarchiarum nisi sub manuductione sensibilium figurarum, ergo sic debuerunt nobis tradi a Deo. 134 Vidi in dextera, p. 60 : Scriptura enim secundum varios modos linguarum et locutionum, intelligentiarum et affectionum varios habet in se loquendi modos [… ] Et ideo qui vult intelligere linguam Scripturarum multis debet intendere modis loquendi gentium et specialiter illius gentis a qua et cui tradebantur ; oportetque multum quod sciat intimare naturam hominum modosque intelligendi et vias affectuum ; Cum essem, p. 104 : mos est terrae Palestinae, seu esse solebat, loqui multum parabolice et per similitudines ; et in terra illa fuerunt prophetae. Unde praesumitur quod mos fuerit linguae sic loqui. 135 Le deuxième Principium, Cum essem, justifie longuement la nécessité de ces figures dissemblables, pp. 100–106.

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divines, il veut que nous soyons guidés et élevés vers leur saisie, comme si 136 d’un même geste, la même chose se cachait et se manifestait » . La réponse permet d’expliquer que telle doit être la condition du texte sacré : il attire l’attention sur des figures sensibles afin d’inciter à saisir à travers elles les vérités spirituelles qu’elles renferment : « De même que les nuages cachent en partie les rayons du soleil, et nous les révèlent en partie, de telle façon que leur densité nous voile les excès de sa luminosité qui nous est insupportable et incompréhensible, et qu’à l’inverse leur transparence et leur limpidité nous conduit vers lui, il en va de même 137 pour les signes de l’Écriture sainte » . Pour donner à saisir l’incompréhensible, le Livre doit bien être, tout à la fois, opaque et transparent. La meilleure métaphore qui permet à Olivi d’exprimer cette double qualité est celle du miroir, qui réfléchit dans l’opacité du langage une 138 lumière unique qui serait aveuglante dans une vision directe . La réfléchissant, elle en déforme et en inverse la vérité : ce qui est à gauche 139 passe à droite, le bas vient en haut . La première tâche de l’exégète est ___________________ 136 Lectura super librum de hierarchia angelica, f. 132vb : Sed mirum est quod per illud idem per quod vult nobis divina velari seu abscondi, per id ipsum vult nos ad illa contuenda manuduci et sursum agi, ac si per idem eadem res abscondatur et manifestetur. Ce thème central dans l’exégèse olivienne se retrouve également dans la Lectura super Iob, cap. 21, B.A.V., Urb. lat. 480, f. 66rb : maius est credere occulta et archana, ergo iudicia Dei nobis debent sic revelari quod et occultari, sic abscondi quod et monstrari, sic aperiri quod et claudi, et ad hoc valet commixtio predicta que aperit simul et claudit. 137 Lectura super librum de hierarchia angelica, f. 133ra : Rursus sciendum quod sicut nubes serena partim velat, partim revelat nobis radium solarem, ita quod densitate sua velat nobis excessum sue radiositatis nobis intolerabilem et incomprehensibilem, sua vero transparentia et perspicuitate deducit nos in ipsum, sic est de signis sacre Scripture. 138 Ibid., f. 132ra : sicut enim corporeus oculus tremere dicitur, cum palpebram eius fixe tenere non possumus quin eam quasi continue claudamus et apperiamus [… ] sic mentalis oculus, viciis et erroribus et nebulis fantasmatum infectus, non potest fide solida et contemplatione pura, serena et clara figi in luce divina aut in veritatibus profundissimis et abstractissimis. 139 Vidi in dextera, p. 54 : Est enim Scriptura in hoc similis speculis quae semper cum conformitate aliqua repraesentant, quod tamen sine difformitate non est accipiendum, alias nunquam falsitas vitabitur. Dextera enim apparet in sinistra, et alta infima, et erecta eversa, et exteriora videntur esse intra ipsum, et sic conformiter est in speculis Scripturarum sanctarum.

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d’enseigner le principe du miroir et de rétablir la vérité des termes inversés. De la même manière, les autres recommandations proposées à l’occasion de chacune des sept disjonctions disent comment retrouver la continuité du sens sous la discontinuité des paroles (ou l’inverse), les fruits dans les racines (ou l’inverse), le tout dans les parties (ou l’inverse), le sujet dans l’accident (ou l’inverse), etc. Mais la réflexion spéculaire permet aussi de varier les points de vue sur une image qui demeure identique à elle-même. De même qu’un œil humain voit par plusieurs regards ce qui ne pourrait être saisi par un seul, le miroir permet de cerner la chose par la variété des perspectives qu’il offre à l’œil qui se déplace devant lui. La diffraction, produite par le miroir et redoublée par la mobilité de l’interprète, introduit une profondeur dans l’image qui permet de retrouver, dans le miroir, une nouvelle dimension de la chose reflétée. L’art de l’exégète, dès lors, est art des combinaisons. Reliant entre eux les personnes, les lieux, les occupations et les noms que fournit l’Écriture, et multipliant les correspondances, lui seul permet de faire apparaître son infinie variété et de la reconduire à l’unité de son signifié. « Ainsi, celui qui est capable de diffracter (frangere) les Écritures à l’infini et de circuler et se déplacer très vite par des regards variés, celui-là a la puissance de composer presque à 140 l’infini des figures variées et les divulguer rapidement et infiniment » . Les techniques suggérées sont celles des divers types de concordances, ___________________ 140 Vidi in dextera, p. 58 : Sicut enim oculos per varios aspectus multa vidit quae uno aspectu non posset ; et sicut speculum per varios aspectus et reflexiones multa repraesentat quae uno non posset ; et sicut res per varios sui aspectus in diversis locis cerni potest et non aliter, sic per varias compositiones et collationes personarum, locorum et negotiorum et nominum et per varias combinationes eorum multae varietates in Scriptura apparent, quae aliter non viderentur [. . . ] Haec est potissima causa quare Scriptura per idem multa et quasi infinita repraesentat, et idem multis et quasi infinitis modis. Unde qui potens Scripturas infinitissime frangere et velocissime per aspectus varios regyrare et variare, potens est quasi in infinitum figuras varias componere et easdem celeriter et infinitissime ministrare. Le vocabulaire est très proche de celui employé pour décrire les opérations de l’imagination qui combine les espèces retenues dans la mémoire, cf. Summa, t. 2, q. 58, pp. 504–505 : Experimur enim in nobis quod quasi inifinitis modis possumus unam speciem cum altera componere et sic infinitas compositiones imaginum quas nunquam foris vidimus intra nos formare et cogitare [. . . ] et quando imaginantes unum integrum lapidem vel montem subito imaginamur eum frangi in multas partes.

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verbales ou thématiques, qui seront effectivement employées au cours 141 des commentaires bibliques . Elles permettent, conformément à l’enseignement de Bonaventure, de faire jaillir du texte une profusion 142 illimitée de figures . Le morceau d’exégèse qui accompagne et exemplifie cette image (sur Jean 11–12) est tout aussi remarquable. Le sépulcre de Lazare, comme celui de Jésus, était fermé d’une pierre qui représente « la dureté de la lettre, l’opacité des figures et le poids de l’autorité qui veut, selon la lettre, qu’elle soit fermement placée en son lieu, par une intention 143 spéciale » . Le poids de cette autorité littérale, qui n’est pas vaine mais insuffisante, mérite d’être souligné : c’est celle à laquelle s’arrêtent les « judaïsants », celle qui doit être, non pas rejetée puisqu’elle exprime l’intention spéciale de la lettre, mais reprise et dépassée dans une intelligence spirituelle. À l’image de Marthe et Marie, mû par l’inspiration de Jésus, l’exégète chrétien fait rouler cette pierre et lève les yeux vers un corps ramené à la vie. Sur ce modèle, c’est l’ensemble du 144 monument des Écritures qui demande à être ouvert . La réflexion sur la forme du texte permet ainsi de présenter les instruments rationnels que nécessite son investigation. Elle suggère un rapport entre la démarche exégétique et l’analyse métaphysique. Les distinctions employées sont identiques, mais il ne s’agit plus ici d’exercer un usage discriminant, de décrire les étants selon que leur convient tel ou tel terme de la différence. Au contraire, l’usage exégétique réclame de maintenir la vérité de chacun des termes opposés. La vérité de l’Écriture, 145 qui signifie selon les mots et les choses , est à la fois une et multiple, ___________________ 141 Dahan (note 124), pp. 95–104. 142 Bonaventura, Collationes in Hexaemeron, 19, 6, p. 421 : Tota scriptura est quasi una cithara, et inferior chorda per se non facit harmoniam, sed cum aliis ; similiter unus locus Scripturae dependet ab alio, immo unum locum respiciunt milla loca. Quoique le terme de figura soit sans doute davantage d’origine joachimite, le sens dans lequel Olivi l’emploie dans les Principia indique une inspiration bonaventurienne. 143 Vidi in dextera, p. 59 : Et haec est duritia litterae et opacitas figurarum et pondus auctoritatis, quo firmiter secundum litteram sunt in locis specialibus collocatis, et quadam speciali intentione. 144 Cum essem, pp. 94–95. 145 Cf. Bonaventura, Collationes de donis Spiritus sancti (Opera omnia 5), p. 476 : comparatur sacra Scriptura aquae maris propter multiformitatem sensuum [… ] Mirantur aliqui, quod in eadem Scriptura, habemus tot sententias [… ] Nec est inconveniens aequivoco multipliciter posito uti

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générale et spécifique, actuelle et potentielle, et ainsi de suite. Et si elle est telle, c’est qu’elle a pour fonction de faire voir une vérité ultime qui est 146 elle-même une et multiple . La règle d’interprétation qui se découvre de la sorte est celle de la réversibilité du texte. Elle fonctionne, en un premier sens, comme réversibilité partielle qui permet de comprendre les figures métonymiques ou métaphoriques que propose le texte en présentant la partie pour le tout ou un attribut pour un autre. Mais elle indique aussi, 147 plus profondément, une réversibilité générale de la lettre et de l’esprit . Si la lettre est placée « selon une intention spéciale », qui s’est voulue adaptée aux capacités humaines, l’intelligence spirituelle ne consiste pas à voir, sous un mode allégorique, autre chose au-delà de la lettre mais à comprendre le sens littéral dans sa disposition providentielle. Il s’agit à la fois de saisir la lettre dans son sens littéral, étant placée là où elle l’est, et de l’éclairer en la rapportant à l’ensemble du texte dont la structure reflète le plan divin. Cette disposition providentielle de la lettre indique que rien n’a été écrit par hasard ou par erreur. Le texte est intégralement signifiant. Ainsi qu’Olivi le dit dans le deuxième ‹Principium›, il n’y a rien de répugnant ___________________ aequivoce. In theologia significant res et voces. Voir aussi Collationes in Hexaemeron, 13, 10, p. 389. Pour un exemple de mise en œuvre chez Olivi, cf. Lectura super Iob, cap. 9, f. 44vb : Omnibus autem hiis modis salvatur verbum Iob hic positum et credo quod pro omnibus hiis modis simul iunctis fuit dictum. 146 Ingredere, pp. 134–135 : Sunt etiam multiformes et uniformes [. . . ] Sunt etiam multiformes, quia saepe ducunt simul historia cum legalibus et sapientialibus et prophetalibus [. . . ] Sunt etiam multiformes propter multitudinem figurarum et spiritualium intelligentiarum. Uniformes autem sunt, quia ab uno et ad unum et in uno. Quid sit subiectum Scripture Sacre et huius libri, éd. E. Stadter (cité note 16), p. 7 : Divina enim intelligentia aspicit praesentialiter totam aeternitatem, et omnia quae in ea sunt toto aspectu comprehendit et conspicit particularia, contingentia et actu non existentia, sicut universalia et necessaria et praesentia. Talis igitur esse debuit scriptura huius exemplaris, quod in se comprehenderet totum decursum temporis et ambitum divinae aeternitatis et ea quae sunt in ea mixta, quod est ens possibile, et quod in una littera comprehenderet multos sensus et intellectus [. . . ]. 147 Cf. Dahan (note 124), p. 112 : « il n’y aurait pas de cloison entre lettre et esprit, tout est lettre et esprit ».

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dans l’Écriture , rien qui répugne à la raison pour qui sait la lire. Mais cette lecture ne s’épuise pas dans la découverte d’un sens ultime, elle vise au contraire à faire apparaître une infinité de sens. Cette lecture illimitée est dictée par la nature même du texte. S’il parle de choses qui excèdent les facultés humaines, son déchiffrement ne peut s’achever dans une saisie univoque et assurée d’elle-même. La profondeur se révèle toujours mieux dans la variété des regards qui s’ajoutent les uns aux autres et qui, par 149 principe, sont incapables de venir à bout de l’immensité divine . Pris dans un sens absolu, un verset ne parle que de lui-même. Sa richesse de sens ne se révèle que par les mises en rapports que permettent ses fonctions latentes d’appel et de renvoi. Un même verset peut alors prendre une infinité de significations selon les combinaisons dans lesquelles il sera placé. Mais tous les points du texte n’ont pas à cet égard des propriétés identiques, Lazare ne se cache pas derrière chaque pierre. Pour qu’il puisse y avoir saisie et entrée dans le texte, il faut que s’y trouvent des infractuosités qui donnent prise à l’exégèse : les quelques 150 pailles d’or semées çà et là que seul un œil exercé peut reconnaître . Et c’est là le dernier point remarquable qui se dégage de ce premier ‹Principium›. Le rôle de l’interprète s’y trouve extraordinairement valorisé. La position qu’il occupe est, pourrait-on dire, celle d’un ___________________ 148 Cum essem, p. 94 : Et tunc apparebit quod in Scripturis non solum non est ibi aliquid repugnans aut falsus, quin potius omnia consona rationi et summa sapientia et veritate plena. Cf. Bonaventura, Collationes in Hexaemeron, p. 405 : Et frequentissime inculcabat, quod non sunt a casu et a fortuna ista et consimilia posita in Scriptura, sed maxima ratione et maximo mysterio ; sed qui non considerat nihil intelligit ; ibid., p. 408 : Et sic patet, quomodo Scriptura describit successiones temporum ; et non sunt a casu et fortuna, sed mira lux est in eis et multae intelligentiae spirituales. 149 Voir à nouveau Bonaventura, Collationes in Hexaemeron, p. 388 : Quis potest scire infinitatem seminum, cum tamen in uno sint silvae silvarum et postea infinita semina ? Sic ex Scripturis elici possunt infinitae theoriae, quas nullus potest comprehendere nisi solus Deus [. . . ] Unde si una gutta de mari extrahatur, sic sunt omnes theoriae, quae eliciuntur, respectu illarum quae possunt elici. C’est sans doute une des principales raisons pour lesquelles Olivi signale les différentes « adaptations » possibles des versets qu’il commente, sans toujours chercher à les approfondir. 150 Summa III, q. 1, p. 80 : Nam sicut grana auri sunt inter arenas dispersa et tacta, sic magnalia et humilia Christi sunt in Scripturis Veteris Testamenti per partes hinc inde dispersa, dans une reprise presque littérale de Lectura super Isaiam, pp. 198–199. Les deux textes datent de la même année 1279–80.

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révélateur de la révélation qui cherche à rendre lisible un texte voilé. Elle demande de lui un savoir encyclopédique, une critique vigilante face aux obscurités de la lettre, aux interprétations perverses et aux autorités trop 151 pesantes , ainsi qu’une créativité dans la composition des « figures ». Mais cette position ne se fonde sur aucun privilège, aucune autre grâce que celle de « captiver son intellect » par la foi. Si Olivi se met en position d’accueillir les révélations reçues par des visionnaires, c’est à nouveau pour les interpréter et les « réduire » au miroir de l’Écriture, comme on le verra plus loin. L’insistance mise, dans ce ‹Principium›, à présenter les instruments rationnels qui devront être employés dans la lecture de l’Écriture, ainsi que la forme du cours public, suggèrent que cette approche ne demande aucune initiation ésotérique. La divulgation des arcanes du texte sacré s’accompagnait certainement d’une dimension orale, plus secrète, qui nous échappe par principe et dont on n’observe 152 que des échos . L’enthousiasme qu’a suscité Olivi tient en grande partie à ses talents d’exégète, qui ont fait de lui, après sa mort, une figure 153 prophétique . Mais ce n’est pas comme tel qu’il considérait son travail. La meilleure façon de désigner la dimension inspirée de la lecture qu’il propose serait de le présenter comme un « prophète textuel », dont toute l’inspiration provient du texte et y retourne pour lui donner une nouvelle intelligence. S’il est illuminé, c’est uniquement par la lumière qu’il 154 parvient à faire surgir du texte . II.2 L’homme-Christ, milieu de l’Écriture Si le principe de réversibilité peut prendre une telle ampleur, c’est que l’ensemble du texte demande à être rapporté à un centre qui est la ___________________ 151 La critique du « poids de l’autorité » vise en premier lieu André de SaintVictor, mais il faut également souligner le peu d’autorités avancées dans les Principia, à l’exception notable du pseudo-Denys. 152 Principalement dans Epistola ad fratrem R. (cité note 26). 153 Il est, pour Prous Boneta et d’autres béguins, l’ange dont le visage brille comme le soleil, cf. May, William H., The Confession of Prous Boneta, Heretic and Heresiarch, dans : Essays in Medieval Life and Thought Presented in Honor of Austin Patterson Evans, éd. John H. Mundy et alii, New York 1955, pp. 29–30 et Burnham, Louisa A., The Visionary Authority of Na Prous Boneta, dans : Pierre de Jean Olivi (cité note 17), pp. 319–339. 154 Cum essem, p. 108 : Quod signanter prophetae fecerunt, ut per illa propria posset vir illuminatus discernere quod intentio fuerat prophetarum omnes illos sensus tradere et describere.

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réversibilité même. C’est ce qu’exprime le deuxième ‹Principium› qui se 155 présente sous la forme d’une louange de l’Écriture . Il a pour thème le premier verset d’Ezéchiel : « Comme j’étais au milieu des captifs, près de fleuve Chobar, les cieux s’ouvrirent et je vis des visions de Dieu ». Conformément au mode de construction des sermons, le texte exploite un à un les principaux termes de ce verset avant de proposer plusieurs séries de raisons pour lesquelles l’Écriture est transmise sous une forme 156 voilée . Le sens de cette lecture est fourni par une allusion à l’ascension de Paul au troisième ciel, qui entendit « des paroles inexprimables qu’il n’est pas permis à l’homme de dire » (II Cor. 12, 4). Mis en regard l’un de l’autre, ces deux versets expriment le deuxième moment de la démarche dionysienne. Après l’inspection des figures sensibles, dont le premier ‹Principium› a donné les règles, il s’agit maintenant de montrer comment 157 procéder à leur « réduction » , afin de parvenir à la contemplation de l’indicible. Le premier verset d’Ezéchiel permet d’en indiquer l’unique règle : il faut se tenir dans le milieu, s’en faire le captif, pour que le texte s’ouvre et laisse apparaître les visions spirituelles qu’il contient. « Ce milieu (medium) déductif est le médiateur de Dieu et des hommes, l’homme 158 159 Jésus-Christ » . Ce vocabulaire est celui de Bonaventure , dont Olivi 160 reprend peu après une page entière . Pourtant l’usage qu’il fait ici du ___________________ 155 Cum essem, p. 78 : In quo quidem laus et commendatio totius Pauli doctrinae, immo et totius Scripturae sacrae [. . . ]. 156 Cette division correspond respectivement aux paragraphes 4–14 (« milieu ») 15–17 (« captifs »), 18–24 et 52 (« fleuve »), 25–42 (« ouvrir »), 43–50 (« cieux »), 51 (« visions de Dieu »), 53 (« voir »), les §§ 1–3 et 54–55 reprenant l’ensemble du thème. 157 Olivi préfère ce terme à celui d’anagogie, qu’il n’emploie guère. Cf. Lectura super librum de hierarchia angelica, f. 131vb : Addit autem et ‹anagogice›, quod idem est quod reductive, vel sursum ductive. ‹Ana› enim hic est idem grece quod sursum, ‹gogos› vero est idem quod ductio, quia sic manifestat nobis divina per figuras sensibiles, quod per eas nos reducit et sursum ducit ad ipsa divina intellectualiter contuenda. 158 Cum essem, p. 78 : Eius enim deductivum medium est mediator Dei et hominum, homo Christus Iesus, Dei verus Filius, sub nomine ‹medii› hic designatus. 159 Bonaventura, Collationes in Hexaemeron, p. 329 : Secundo docet ubi debet incipere, quia a medio quod est Christus ; quod medium, si negligatur, nihil habetur. 160 Les §§ 4–5, pp. 78–79, abrègent Collationes in Hexaemeron, 1, 11. Cette

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terme medium incite les récents éditeurs du texte à le comprendre 161 également au sens de « langage de l’Écriture » . L’ambiguïté est bien réelle ; comme le dit Gilbert Dahan, le Christ semble pris ici pour 162 « l’Écriture même » . Pour comprendre cette ambiguïté, il peut être utile de rappeler la provenance dionysienne de l’expression « medium déductif ». Une question posée à l’occasion du premier chapitre de la ‹Hiérarchie céleste› cherche à clarifier le propos de Denys, qui semble dire à la fois que les rayons divins ne peuvent être saisis que par l’intermédiaire des figures sensibles et qu’ils sont pourtant saisis dans leur immatérialité. Il veut dire par là, explique Olivi, que les signes sont nécessaires comme objet fondamental, au début de la contemplation, mais non comme objet final, dans la consommation de cette contemplation qui s’obtient par négation et dépassement. Ils servent alors de medium déductif, non pas de terme de cette déduction. S’il faut en passer par eux, c’est uniquement afin 163 d’abstraire et de purifier ces signes de toute matérialité . Un autre ___________________ citation muette est particulièrement subtile. Elle permet à Olivi de rappeler brièvement que le Christ est le milieu de tous les savoirs, pour abandonner ensuite cette perspective d’une réduction des arts à la théologie, afin de mettre en valeur la singularité de la lecture de l’Écriture, Cum essem, p. 100 : hoc enim nulli alii scripturarum seu scientiarum competit nisi sibi. 161 Flood, David, Gál, Gedeon, Peter of John Olivi on the Bible (cité note 7), p. 73 : « The word medium plays an important role [… ] Scripture’s language (medium) is appropriate to its purpose [… ] The word medium gathers new resonance in the next Treatise, where it characterizes the Mediator at the very core of Scripture, a characterization already begun here ». 162 Dahan (note 124), pp. 105–106. 163 Lectura super librum de hierarchia angelica, f. 133va : Ulterius videtur quod ipse tam hic quam alibi sibi contradicat. Hic enim dicit quod radius Dei non potest nobis apparere nisi sub figuris sensibilium, et tamen supra dicit quod suscipientes ipsum radium intellectu immateriali, idest non inviscente istis sensibilibus, elevemur ad contemplandum ipsum prout est simplex. Et etiam infra eodem [capitulo] dicit quod ex hiis figuris reducamur ad reductiones, idest contemplationes simplices nullam figuram rei sensibilis in se habentes. Ad quod dicendum quod hec contradictio tripliciter solvitur. Primo per respectum ad initialem originem nostre contemplationis et ad eius finalem consummacionem. Vult ergo quod in sui inicio illis signis indigemus, sed non in sui plena consummacione. Secundo quia licet indigeamus ipsis ut fundamento et fundamentali obiecto, non tamen ut finali obiecto, sicut enim infra secundo capitulo magis tangetur.

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passage signale que le medium peut être plus précisément compris comme le sommet d’une hiérarchie : celui qui, étant plus proche de la fin, 164 permet aux inférieurs de s’en approcher . Moyen d’élévation du sensible vers l’immatériel qui demeure dans l’ordre des signes, le Christ-homme l’est assurément. Il est même le seul point de passage entre les deux ordres de réalité. C’est donc uniquement par lui que la matérialité de la lettre peut être surmontée. La partie centrale du ‹Principium› montre de quelle façon, grâce à ce medium, chacun des scellements du texte vole en éclat. La première de ces ouvertures, qui englobe les six autres, énonce le principe même de la réduction : « Pour quiconque en effet considèrera ce medium, qui est le plus abstrait, selon toute la hauteur de son immatérialité, reluira aussitôt, dans la pleine matérialité des saintes Écritures, la clarté la plus 165 abondamment immatérielle et supraintellectuelle des réalités divines » . Comme le vocabulaire employé suffit à la révéler, cette règle est issue de la lecture du pseudo-Denys ; des passages précédents avaient déjà rappelé que cette abstraction maximale ne peut être atteinte que par la négation 166 de tous les étants et de tous les concepts . Olivi y apportait sa touche spécifique en précisant que cette abstraction est davantage saisie par l’affect que par l’intellect, plus par un goût sensible que par un regard 167 visuel . Mais le recentrage de l’inspiration dionysienne sur l’humanité ___________________ 164 Quaestio de angelicis influentiis, pp. 374–375 : in coordinatione plurium ad unum finem illud quod est fini propinquius habet quasi rationem medii et reductivi respectu illius quod est remotius, ita quod illo mediante ipsum remotius attingit illum finem. 165 Cum essem, p. 89 : Statim in medio summae abstractionis aperitur omnis materialitas. Quicumque enim intuetur medium illud quod est immaterialissimum secundum altitudinem immaterialitatis suae, statim in tota materialitate Scripturarum sanctarum relucet abundantissime immaterialis et claritas divinorum ; ibid., p. 91 : Immaterialitas enim seu abstractio huius medii facit ad omnes apertiones inspiciendas. 166 Cum essem, p. 79 : Ad ostendendum autem quod medium huius Scripturae est abstractissimum [… ] Non enim plene potest attingi nisi per abnegationes omnium entium et omnium conceptuum, secundum quod vult Dionysius De mystica theologia et De angelica hierarchia. 167 Cum essem, p. 80 : Tantae etiam est abstractionis hoc medium quod magis potest attingi affectualiter quam intellectualiter et magis per sensualem gustum quam per visualem aspectum. Et ideo species gloriae Domini dicta est ignis ardens potius quam claritas refulgens seu lucens, licet sub nomine ignis et sub nomine speciei gloriae Domini summa Dei claritas exprimatur.

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du Christ produit ici une inflexion considérable. L’abstraction du medium permet d’appréhender, à partir d’une nature humaine, la divinité qui a choisi de l’assumer ; c’est de la sorte qu’elle donne à sentir, sous l’écorce de la lettre, le message divin qui s’est incarné dans le langage pour annoncer cette assomption de la nature humaine et le destin spirituel de l’humanité. Mais c’est dans la matérialité du texte que reluit l’immatérialité divine. Le medium déductif n’est pas abandonné, tel un moyen, au profit d’une pure saisie spirituelle. Il est seulement éclairé d’une nouvelle lumière. La réduction ne parvient pas à son terme. C’est que l’union des natures est indépassable. L’Incarnation du Verbe dans la chair offre le seul accès aux réalités divines, mais la chair ne peut jamais être abandonnée, pas plus que ne l’est la lettre de l’Écriture. La réversibilité de la lettre et de l’esprit correspondrait donc alors à celle qui lie le Verbe et la chair. C’est là sans doute la raison de l’ambiguïté qui entoure l’usage du terme medium, mais c’est aussi la source des traits les plus originaux de l’exégèse olivienne. Le deuxième des ‹Principia› majeurs s’achève sur un passage d’un 168 grand intérêt . Afin de rendre sensible les règles du déchiffrement des métaphores cachées dans l’Écriture, Olivi propose une autre métaphore. La lecture du texte sacré peut s’apparenter à l’observation d’une image. Pour composer le tableau d’un roi, le peintre doit accorder davantage d’espace et de couleur aux choses les plus extérieures (le trône, le pallium), et de moins en moins au fur et à mesure qu’il dépeint les diverses couches de vêtements, presque rien de sa peau et plus rien de ses organes internes. Celui qui connaît le principe de l’image – qui connaît à la fois la vérité de ce qui est représenté et les règles qui organisent sa représentation – est capable de fouiller du regard sa profondeur. Il sait passer de couche en couche, jusqu’à saisir l’invisible représenté et apprécier au passage le talent avec lequel le peintre a su donner l’illusion 169 de la profondeur en proportionnant les diverses couches d’habits . Ce passage est remarquable à plusieurs points de vue. On peut choisir de le prendre à la lettre, comme document d’une histoire du regard et de 170 l’œil . Il y a un « secret » de l’image, qui fait voir autre chose que des ___________________ 168 Cum essem, pp. 106–108. Une traduction de ce passage figure dans l’ouvrage d’Olivier Boulnois, Au-delà de l’image. Une archéologie du visuel au Moyen e e Âge, V -XVI siècles, Paris 2008, pp. 246–249. 169 Sur la commensuratio, cf. Baxandall, Michael, Patterns of Intentions. On the Historical Explanation of Pictures, New Haven 1985, pp. 112–113. 170 Havelange, Carl, De l’œil et du monde. Une histoire du regard au seuil de la

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taches de couleurs informes. Ce « secret » de la représentation, c’est celui de la composition qui, par des couches superposées, introduit de la profondeur dans une texture unique et donne à voir jusqu’à « la nature intérieure de l’âme ». Il est assez remarquable que ce texte ait été rédigé dans les années où Duccio réalisait ses premiers tableaux, après un court 171 séjour de l’auteur en Italie centrale . Le peintre, comme l’exégète, cherche à répondre à une demande de profondeur qui est encore très loin des principes de la perspective. L’œil du regard perspectif est un point 172 fixe qui organise à distance le relief . L’œil d’Olivi est doué de mobilité, il circule dans l’image, voyage dans la profondeur, passe de couches en couches. C’est bien, comme on l’a vu, en termes de mobilité qu’il décrit sa méthode de composition des figures. Mais il faut également noter combien cette mobilité est conforme à sa propre théorie de la vision comme activité. Rien ne s’interpose entre l’œil et la chose, aucune émanation d’espèces sensibles provenant de l’objet, ni extramission d’un 173 rayon venu de l’œil . C’est une tension virtuelle du regard qui atteint la chose, qui peut l’appréhender dans son ensemble (aspectus generalis) et se porter sur ses détails (aspectus particularis), qui circule autour d’elle pour en saisir les contours et peut fouiller l’image pour y atteindre la profondeur. Ce texte peut ainsi venir à l’appui de ce que Jean Wirth reconnaît comme « l’introduction progressive de l’accidentel dans 174 l’art » . De fait, c’est exactement en ces termes qu’Olivi décrit, peu avant, le déchiffrement des images comme l’opération qui consiste à voir 175 la substance invisible à travers les accidents . Mais pour goûter toute la saveur de ce passage, il faut également ___________________ modernité, Paris 1998. 171 On date le plus ancien – la Madonne aux trois franciscains de la Pinacoteca de Sienne – de peu avant 1280, cf. Stubblebine, James H., Duccio of Buoninsegna and his School, Princeton 1979, p. 20. 172 Un sermon de Bossuet, cité par Havelange (note 170), p. 325, qui retrouve le même vocabulaire, permet de saisir ce qui sépare les deux regards. En dépit de cet écart, dans les deux cas, c’est la percée du « secret » de l’image qui sert de métaphore à la découverte du sens. 173 Voir surtout Summa, t. 3, q. 73, pp. 52–106 et Tachau (note 49). e e 174 Wirth, Jean, L’image médiévale. Naissance et développements (VI -XV siècle), Paris 1989, p. 285. 175 Vidi in dextera, p. 57 : Clauduntur enim substantialia fundamenta [… ] sub ornatu eorum accidentalia. La référence faite dans ce passage au Cur Deus homo, 1, 4, permet de mesurer la distance qui sépare l’univers visuel d’Olivi de celui d’Anselme.

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entendre cet exemple au sens spirituel, comme y invite la suite du texte qui montre comment des mots apposés à côté de l’image permettent d’en faire mieux comprendre le sens. L’exemple n’est pas choisi au hasard. Ce qui est montré dans ce tableau final, c’est l’humilité du roi – c’est-à-dire la royauté paradoxale du Christ, dont il faut savoir atteindre la pauvreté sous ses habits de gloire. Un seul mot apposé à côté de l’image, une seule clé permet de saisir le sens de ce qui est représenté et de retrouver la superposition des sens cachés dans une image unique. II.3 Exégèse et pauvreté Pour apprécier pleinement la portée de cette démarche, il faut donc rappeler la question proprement franciscaine qui en constitue la toile de fond, celle de la pauvreté du Christ. Les prophètes annonçaient un Messie qui apporterait la victoire et les richesses : c’est bien ainsi « que sonne la superficie de la lettre ». Le Christ est venu dans la pauvreté et la défaite, démontrant que les prophéties annonçaient une abondance spirituelle et ouvrant ainsi une compréhension plus profonde de la 176 lettre . Mais c’est bien dans sa chair, c’est-à-dire à la lettre, qu’il a accompli ces prophéties. Pour convaincre qu’il était le Messie attendu, il était nécessaire que « l’intelligence spirituelle du Nouveau Testament 177 apparaisse presque littéralement dans l’Ancien » . Il faut insister ___________________ 176 QPE 8 (cité note 57), pp. 105–106 : Cum enim Lex et Prophetae secundum verborum superficiem promittant tempore Christi et per eum regnum Iudaeis dari plenum divitiis et opulentia inaestimabili et continens in se universale dominium mundi et ista sub miris metaphoris et figuris miro modo magnificent [… ] nulla tunc est ratio, quare Lex et Prophetae [. . . ] ad litteram de temporalibus divitiis non intelligantur, iuxta quod et superficies litterae sonat. Certum est autem Christum in abundantia divitiarum ad Iudaeos non venisse, immo una de praecipuis causis reprobationis eius fuit abiectio suae paupertatis [… ] Econtrario vero concesso quod haec paupertas sit melior, totus Iudaeorum error funditus enervatur. Sequitur enim ex hoc quod, quicquid Lex et Prophetae dicunt de divitiis regni Messiae seu Christi, intelligatur de spiritualibus divitiis et opulentiis [… ] et breviter, quicquid nos spirituale de Christo credimus, cogentur credere. Et sicut cuivi faciliter patere potest, concesso paupertatem istam esse meliorem, tota Scriptura Veteris Testamenti et maxime quantum ad omnia dicta de Christo clarissime et profundissime aperitur. 177 Ibid., p. 158 : Nisi etiam ostendatur spiritualiter Novum Testamentum esse in Veteri, converti non possunt. Et etiam si convertantur, impossibile est quin

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fortement sur ce point, car il permet de comprendre aussi bien les principes de l’exégèse olivienne que le cœur de sa doctrine de la perfection évangélique. Pour Bonaventure, l’humilité est la vertu cardinale des frères mineurs dont dérivent toutes les autres perfections. Dans ses propres ‹Quaestiones de perfectione evangelica›, Olivi attribue ce primat à la pauvreté volontaire en la comprenant comme une vertu qui est elle-même 178 source de toutes les vertus . Cette substitution d’un terme par l’autre signale un déplacement considérable. Pour Olivi, la pauvreté devient la valeur englobante du christianisme : elle exprime à elle seule le sens de l’Incarnation ; elle résume exactement la portée de l’inversion christique. Le Christ a choisi de naître parmi les humbles, de mener une vie pauvre et de mourir ignominieusement, pour signifier, dans sa chair humaine, 179 que son Royaume n’est pas de ce monde . « Cette pauvreté a mieux démontré le pouvoir universel du Christ que ne l’aurait fait quelque abondance de richesses humaines. [...] S’il n’avait manifesté qu’il méprisait et dédaignait au plus haut point les choses, il n’aurait pas pleinement montré sa souveraineté la plus spirituelle qui transcende toute 180 chose, même selon son humanité » . Etiam secundum humanitatem : par la pauvreté de sa vie terrestre, le Christ-homme fait signe vers sa divinité ; dans son humanité, il est déjà le sommet de toute hiérarchie créée. Prenant appui sur des formules déjà citées des premiers chapitres ___________________ tunc quasi litteraliter spiritualis intelligentia Novi Testamenti appareat in Veteri ; quia tunc manifeste appareret quod promissiones de Christo et illo magno regno Iudaeorum sub Christo currebant secundum intellectum evangelii et vitae Christi […]. 178 Comparer Bonaventura, Quaestiones disputatae de perfectione evangelica (Opera omnia 5), q. 1, pp. 119–124 et Olivi, QPE 8, pp. 85–124. La pauvreté devient pour Olivi la racine de l’humilité. 179 QPE 9 (cité note 57), pp. 28–29, s’inspirant de Bonaventura, Apologia pauperum (Opera omnia 8), p. 274. Voir aussi, Modus quomodo quilibet potest referre gratias Deo de beneficiis ab eo receptis, dans : Spirituali e beghini in Provenza, éd. Raoul Manselli (Studi Storici, Fasc. 31–34), Roma 1959, p. 275. 180 QPE 8, p. 135 : paupertas haec magis fuit ostensiva universalis potestatis Christi quam esset affluentiam quarumcumque humanarum divitiarum [… ] Si Christus non ostendisset se tamquam summum contemptorem et conculcatorem rerum, non plene ostendisset suum spiritualissimum dominium quo superfertur omnibus, etiam secundum humanitatem, passage repris in QPE 9, p. 29.

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de la ‹Hiérarchie céleste›, Olivi rappelle que la vérité spirituelle n’apparaît qu’une fois écartés tous les voiles sensibles, mais qu’elle n’apparaît toujours que dans le sensible : « Si le Christ n’avait pas enseigné au plus haut point que tous les biens temporels sont méprisables, il ne se serait pas montré (tant que cela était possible en cette vie) comme le miroir le 181 plus clair de la gloire et de la majesté divine » . C’est dans l’abjection d’une vie misérable que l’opacité de la chair peut se faire le miroir le plus clair de l’esprit. L’inversion radicale de la hiérarchie terrestre fait apparaître l’abîme qui sépare les deux ordres de réalités, entre lesquelles 182 l’Incarnation est l’unique médiation . Le Christ n’est pas venu établir une royauté temporelle. Il ne pouvait 183 disposer de la moindre parcelle de pouvoir sur les choses de ce monde . Mais il a choisi d’assumer la nature humaine dans ses faiblesses les plus communes – la peur de la mort, la faim, la soif et l’usage de provisions et d’argent en cas de nécessité – toutes choses dont il aurait pu se passer selon sa divinité. Il s’est abaissé aux seuls aménagements avec le monde matériel qui conviennent à la perfection possible d’une nature viciée par le péché originel, sans commettre d’autres imperfections spéciales au 184 regard de cette nature . C’est une vie pleinement humaine qu’il a vécue, ___________________ 181 QPE 8, p. 137 : Cum etiam speculum maiestatis aeternae et eius gloria clare non possit a nobis nec ab aliquo speculari nisi ab omni velamine sensibilium totaliter amoto secundum Dionysium in omnibus libris suis [. . .] Nisi Christus docuisset in summo omnia temporalia esse contemnenda, non exhibuisset se, prout erat etiam huic vitae possibile, tamquam speculum clarissimum divinae maiestatis et gloriae. 182 Les pages d’Olivi sur ce thème sont étonnamment proches des analyses de Marcel Gauchet, Le désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion, Paris 1985, « Un messie à l’envers », pp. 161–170. 183 QPE 8, pp. 137–138 : Aut ipse habuisset omnes mundi divitias et regna aut partem unam determinatam. Si primum, tunc non venisset ut per passionem nos redempturus, sed ut per potentiam in mundo temporaliter regnaturus. Et hic modus est verissime Antichristi [. . . ] Si autem in parte determinata [. . . ] Hoc etiam suae universali potestati et dominio non modicum derogasset scilicet quod ipse in modica parte mundi regnaret et alii in maiori. 184 QPE 8, p. 181 : Quibusdam tamen non inconvenienter visum est quod Christus in nullo condescenderit quod communitati hominum secundum statum huius vitae esset imperfectum, sed in illis dictus est condescendisse quae existentibus in statu perfectionis propter infirmitatem humanae naturae communiter contingere possunt sicut est timor naturalis non electivus in martyrio et sicut est providere sibi humano modo tempore necessitatis.

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sans quoi il n’aurait pas accompli la rédemption . Ce faisant, il a fourni à ses disciples le modèle (informatio) d’une existence qui peut se tenir à la limite des possibilités humaines. Il faut donc prendre à la lettre la pauvreté du Christ, de la manière la plus complète, pour qu’apparaisse la signification spirituelle des 186 annonces faites par les prophètes bibliques . À ce titre, cette pauvreté est bien la « lampe de notre foi », « la clé et la porte des Écritures », « le 187 fondement et la porte de la vie du Christ » . La démarche exégétique et la pratique de la pauvreté franciscaine s’impliquent mutuellement. La compréhension achevée, qui assume pleinement la lettre pour atteindre l’esprit de l’Écriture, doit également passer par des actes. Quiconque possède l’esprit de cette pauvreté perçoit immédiatement, par un goût ineffable, la métaphore des vérités éternelles incarnée dans le sensible, ___________________ Christus enim secundum potestatem suam divinitatis et supremae partis animae suae potuisset, si voluisset, omnem timorem a se excludere et absque victualibus vivere et absque omni provisione loculorum. Sicut igitur communes infirmitates nostrae naturae quae ad opus redemptionis et nostrae informationis erant utiles, in se accepit, non autem speciales, sic et in solis talibus nobis condescensit. Cf. Lambertini, Roberto, La difesa dell’ordine francescano di fronte alle critiche dei secolari in Olivi, dans : Pierre de Jean Olivi (cité note 17), pp. 193–205. 185 Summa III, p. 102 : [Christus] implevit [reparationem peccati] non solum actu morti se exponendo et mortem voluntarie sustinendo, sed etiam in assumptione mortalitatis et in actuali ordinatione naturae assumptae ad statum nostrae abiectionis et miseriae [. . . ] Ad nullum enim horum tenebatur Christus absolute aut alia ratione quam sola ratione satisfactionis et solutionis debitorum nostrorum. Voir aussi, ibid., pp. 118–119. L’ensemble de cette question constitue un écho évident au Cur Deus Homo de saint Anselme. 186 QPE 8, p. 186 : Si autem tanta evidentia litterae solum allegorice est accipienda, subvertitur eo ipso tota litteralis intelligentia scripturarum sanctarum ac per consequens totum fundamentum fidei nostrae et veritatis earum. 187 Id., p. 106 : Ut autem plenius appareat paupertatem istam esse lampadem nostrae fidei, sciat omnis homo quod et totum mundum audire et scire volo : quod in aestimatione nimia divitiarum communium sive propriarum est singulare fundamentum et singularis ianua sectae Antichristi [… ] Negato enim quod haec paupertas non sit melior et divinior omni modo habendi divitias [… ] necessario sequitur Christum non fuisse vere Christum quem Lex et Prophetae promittunt ; p. 112 : [paupertas haec] clavis est et ianua scripturarum sanctarum ; p. 155 : […] vita Christi cuius fundamentum et ianua est paupertas altissima.

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aussi bien dans le texte sacré que dans les créatures . La démarche engagée ne consiste pas simplement à s’élever de la lettre à l’esprit. Elle affirme la nécessité d’en revenir ensuite au sens « le plus littéral » 189 (litteralior), qui est en même temps « le plus spirituel » . Le ‹Principium Cum essem› expose cette démarche par l’exemple, en établissant une concordance entre la vision d’Étienne (Act. 7, 55–56) et l’ange de Philadelphie (Ap. 3, 7–12). L’un des éléments clés de la concordance est la couronne, qui revient à Étienne en tant que premier des martyrs, aussi bien qu’à cet ange (Ap. 3, 11), et à celui qui tient le livre ouvert (Ap. 10, 1), qui est lui-même placé sous l’ange du sixième sceau. L’identification de ce dernier avec saint François est tellement évidente qu’elle n’a pas besoin d’être énoncée expressément. Ce jeu de concordances ne vise qu’à en fournir une preuve supplémentaire. Toutes les façons dont le nom d’Étienne peut être compris lui conviennent parfaitement, y compris sa dignité sacerdotale qui est précisément celle qu’avait François d’Assise. « Et donc, à la lettre, l’ange du sixième sceau, 190 comme Étienne, avait rang de diacre » . Le sens le plus spirituel de la vision d’Étienne consiste à y voir l’annonce de la rénovation évangélique qui s’accomplit sous François ; il demande à être fondé sur la ___________________ 188 Id., p. 112 : Habenti enim spiritum huius paupertatis, quidquid in scripturis occurit sensibile aut mundanum, totum se exhibet ut speculum et imago spiritualium et aeternorum. Sentit enim quodam intimo et altissimo paupertatis sapore omne sensibile et temporale esse nihil ; et ideo statim sentit, cum sibi occurit quod propter alia designanda est ibi positum, et idem contingit sibi in omni creaturarum aspectu. 189 Lectura super Apocalypsim, cap. 7, f. 88ra-rb : Attamen quando litteralior sensus sic respicit finaliora bona vel facta, tunc ipse est spiritualior quam sint allegorici ipsum precurrentes, iuxta quod litteralius et magis proprie dicitur Deus esse vita et sapientia et summum bonum quam dicatur esse leo vel sol vel ros et mel. Et tamen primum litteralius dictum est spiritualius et perfectius quam sit secundum dictum, quod est translativum et allegoricum. 190 Cum essem, p. 96 : Convenienter igitur Stephanus iste, unus de septem primis diaconibus et primus Christi martyr, interpretatur regula vel coronatus vel speculans seu iudicans nos [. . . ] Et cum in perceptione coronae istius sit apertio ista, angelus autem sextae ecclesiae coronatus esse innuitur [. . . ] Et si bene inspicias, per istum et sub isto renovari debuit vita regulaque Christi [. . . ] Ipse etiam est diaconus, aperte legens evangelium Christi, habens clavem David et onus crucis Christi portans super humeros suos et immediate Christo sacerdoti ministrans. Unde et ad litteram angelus sexti signaculi, sicut Stephanus, in diaconii gradu fuit.

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concordance la plus littérale. On trouve fréquemment dans les commentaires bibliques d’Olivi de telles « adaptations » ou « appropriations » qui visent le plus souvent à mettre en lumière les différents versets qui annoncent les trois avènements du Christ (dans la chair, dans l’esprit et au Jugement). Elles 191 peuvent aussi bien s’appliquer à chacun des temps de l’Église . Toutes n’ont pas la même valeur. Les plus décisives sont celles qui parviennent à un tel retour de la métaphore à la littéralité. Comme l’explique la ‹Lectura super Apocalypsim›, il arrive souvent que des annonces prophétiques s’accomplissent d’abord dans un sens spirituel, avant d’être 192 réalisées à la lettre dans les derniers temps . Olivi ne fait guère usage de la typologie habituelle des quatre sens de l’Écriture. Plutôt que de parler ici d’un sens spirituel, allégorique ou anagogique, il est préférable de conserver le comparatif litteralior pour désigner ce sens prophétique qui, une fois vérifié à la lettre, devient le sens le plus littéral qui englobe tous les autres. Pour n’en donner qu’un exemple, c’est ainsi que sont compris les pauperes spiritu à qui est promis le royaume des cieux (Mt 5, 3). On peut certes entendre, avec Augustin, la formule comme une périphrase désignant l’humilité, mais il est plus littéral de la comprendre comme parlant des pauvres volontaires qui possèdent l’esprit de pauvreté et sont 193 ainsi, plus que tous autres, disposés à l’humilité . Dans la lecture qu’en fait Olivi, l’ensemble du texte sacré prend une valeur prophétique. La totalité du texte parle de la totalité de l’histoire, non pas d’une manière univoque, mais par des voies très précises qui ___________________ 191 La Lectura super Psalmos fait un usage particulièrement large et abondant de telles adaptations, du fait que les Psaumes n’ont pas le même ancrage historique que les livres prophétiques. Voir par exemple, B.A.V., Urbin. lat. 480, f. 165va : nota quod quando Psalmus est generaliter de iusto et iniusto seu de iustis et iniustis sicut est iste, tunc plurificantur et specificantur eius sensus applicando ipsum ad varia tempora et personas. 192 Lectura super Apocalypsim, f. 88ra : Sepe etiam a Christo et a prophetis dicuntur plura litteralius respicientia statum eterne glorie vel extremi iudicii, que tamen allegorice prius implentur in precursoriis gratiis vel iudiciis. 193 Lectura super Mattheum, 5, 3, Paris, BnF lat. 15588, f. 41rb, dans : Murtaugh, (note 69) : […] per pauperes spiritu, secundum Augustinum et Chrysostomum, intelliguntur humiles qui parum habent de inflante spiritu. Secundum vero Basilium in Regula sua [. . . ] Et secundum hoc le spiritu sumitur pro voluntate spirituali et fervida, ut sit sensus, pauperes spiritu, idest pauperes ex voluntate seu volontarii, et hic modus est litteralior, quamquam primus in hoc includatur.

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demandent un examen minutieux des fils de différentes couleurs dont il 194 est tissé . Chaque livre doit d’abord être lu dans sa propre histoire, selon son premier sens littéral. Ce sens peut ensuite être déplié, de façon à y lire le déploiement de l’histoire du peuple de Dieu. Toutefois, cette opération ne fait pas sortir d’un sens littéral ; elle l’approfondit seulement en montrant que l’esprit était déjà dans la lettre, comme « la roue dans la 195 roue» (Ez. 1, 16), et que le Christ est au centre de ces roues . Le pseudo-Denys est presque la seule autorité mentionnée dans les ‹Principia› ; l’herméneutique que présentent ces textes paraît faire appel à sa démarche. Pourtant, à considérer l’emploi qui en est effectivement fait, on remarque qu’Olivi inverse les termes du mouvement décrit dans la ‹Hiérarchie céleste›. Au lieu d’une circulation de la lumière divine qui ne fait que passer par les figures sensibles, on découvre ici un mouvement qui va des signes vers les signes, afin de restituer la lumière qu’ils contiennent, mais sans véritablement sortir du champ du langage. Comme on l’a vu, c’est l’inscription de l’humanité du Christ au sommet de la hiérarchie céleste qui en est la cause. Sur ce dernier point, il faut apporter une précision importante au parallélisme que l’on a suggéré plus haut entre le Christ et le texte. Si Jésus est le medium de l’Écriture, qui permet d’ouvrir une interprétation infinie de la lettre, c’est qu’il n’est pas lui-même enclos dans les limites du Livre. S’il l’éclaire, c’est d’abord qu’il le transcende. De la sorte, nouvelle réversibilité, le Christ n’offre une entrée dans le texte qu’afin que celui-ci ramène vers Lui.

___________________ 194 Lectura super Mattheum, cap. 23, Paris, BnF lat. 15588, f. 113va : sic in certis locis ponitur aliqua magis proprie spectantia ad unam et alibi magis spectantia ad aliam, quod cum sermo contexitur, continuatur, acsi de una sola ageretur. Cuius exemplum datum est aliquando in pictura regie ymaginis aut in trica vel textura cordule filorum diversi coloris, in quo modo apparet filum album, modo viride, modo rubeum, modo iacinctinum, ita quod secundum diversos situs sub una textura mutuo se revelant et mutuo se occultant, sicut ergo in prophetis totus textus verborum potest duci ad qualibet partium predictarum, quamvis quedam ad certa tempora magis proprie dirigantur, et ad quedam minus proprie. L’exemple de l’image du roi renvoie au passage de Cum essem présenté plus haut (note 168). 195 Ingredere, p. 128 : si igitur vis intueri veritatem christianae sapientiae, ingredere in medio rotarum, quod quidem medium est Christus Iesus [. . . ] Ipse autem, prout est medium Scripturarum sanctarum, optime designatur per medium rotarum.

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II.4 La discordance des Évangiles Le dernier point qu’il reste à envisager, pour achever le parcours de ce dispositif herméneutique, concerne précisément cet écart entre l’événement de l’Incarnation et sa trace écrite. Olivi a lui-même abordé la question de front, dans le prolongement immédiat des trois ‹Principia› majeurs. Les commentaires bibliques sur Matthieu et Isaïe débutent par l’exposé de questions à valeur générale, portant sur les Évangiles dans un cas et sur les livres prophétiques de l’autre. Seul le premier ensemble nous retiendra ici. Le prologue de la ‹Lectura super Matheum› est placé sous le signe de la quaternité des évangélistes. Le thème choisi provient une nouvelle fois du premier chapitre d’Ezéchiel et de la vision des 196 quatre êtres ayant chacun quatre visages et quatre ailes . Cette quaternité s’applique aux qualités que doit avoir l’auditeur de l’Écriture sainte, aux quatre aspects de l’Écriture que doit contempler le docteur, aux quatre dignités du Christ, ou à toutes les divisions quaternaires de son état, de ses œuvres, de sa doctrine ou de son parcours terrestre. Cet exercice de virtuosité se poursuit par une série de questions disputées qui cherchent à justifier, argumentativement, la forme sous laquelle le message évangélique a été transmis. La première d’entre elles pose directement le problème essentiel : « Pourquoi le Christ n’a-t-il pas rédigé lui-même la doctrine évangélique ? » Une fois acquise la réponse négative, les questions suivantes expliquent pourquoi la tâche a été confiée à quatre écrivains seulement, qui n’étaient pas tous des apôtres et témoins directs de la vie du Christ, et pourquoi leurs témoignages sont présentés dans l’ordre canoniquement retenu. Après avoir ensuite montré qu’ils n’écrivirent pas que sous la seule inspiration de l’Esprit Saint, mais également en tant qu’historiographes selon leur mémoire et leur information humaine, afin que leur témoignage soit plus crédible aux générations futures, Olivi justifie la nécessité des discordances entre leurs 197 narrations . ___________________ 196 Ez. 1, 6–7 : Quatuor facies uni et quatuor penne uni [. . . ]. 197 Les questions sont les suivantes (1) Quare Christus per seipsum non scripsit doctrinam evangelicam ; (2) quare fuerunt quatuor scriptores ad hoc electi ; (3) quare hii quatuor qui ad hoc electi sunt non fuerunt omnes apostoli Christi aut saltem de primis discipulis eius, qui eius facta et verba viderunt et audierunt et qui eum dum viveret sunt secuti ; (4) quare hii duo evangeliste, scilicet Marcus et Luchas fuerunt in scribendo in medio duorum aliorum collocati ; (5) an scripserint sua evangelia sicut ystoriographi, scilicet secundum propriam memoriam informatam ex hiis que viderant sive audiverant, aut

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Ce n’est pas seulement par humilité que le Christ n’a pas même permis 198 que rien ne soit écrit de son vivant . Ses œuvres devaient s’accomplir 199 avant que leur récit puisse être solennellement rédigé . L’événement ne pouvait prendre son sens qu’après l’achèvement de la passion et de la résurrection. Une autre série de raisons provient de la nécessité de laisser à l’Église le soin de cette rédaction, afin de mieux indiquer qu’il lui reviendrait à l’avenir l’autorité de promulguer et d’interpréter la vérité de 200 la foi . Un dernier motif tient à la nature de la loi évangélique qui n’était pas destinée à s’écrire dans la pierre, comme la loi mosaïque, mais dans 201 les cœurs . Les faits et paroles du Christ, qui sont d’eux-mêmes d’une 202 immense autorité, suffisaient à établir la fermeté de la foi . Leur rédaction n’a qu’une valeur de témoignage qui permet que cette doctrine soit transmise aux générations futures. Or le Christ ne pouvait être son ___________________

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sicut prophete, scilicet secundum revelationem sibi factam a spiritu sancto dictante eis quid scribendum et quantum et qualiter ; (6) quare non scripserunt omnes omnia et uniformiter, sed potius sub tam diverso modo et ordine quod sepe videntur sibi contrariari, Lectura super Mattheum, Paris BnF, lat. 15588, ff. 16ra-17vb, collationné avec le cod. Roma, Collegio San Isidoro, 1/56. Ibid., f. 16ra : ad commendandam Christi humilitatem [… ] de se nihil scripsit, nec dum viveret scribi fecit aut permisit, sed per alios post eius mortem sunt scripta. Ibid., f. 16rb : Fuit etiam ordo rectior quod prius Christi opera personalia consumarentur, antequam sollempniter scriberentur. Unde videmus quod non est consuetum prelia regum in annalibus ystoriis scribi, antequam sint triumphaliter obtenta et celebrata. Ibid., f. 16rb : Spiritus vero sanctus ea postmodum per ecclesiam catholicam sollempniter confitendo et approbando ac suscipiendo virtuti Christi [… ] Decuit enim ab eius initio ostendi, quod ipsa habet auctoritatem promulgandi et sollempnizandi et interpretandi et conscribendi fidei catholice veritatem, quod nullo modo melius fieri potuit quam quod sibi reservaretur auctoritas scribendi evangelium Christi. Ibid., f. 16va : ad ostendendam differentiam legis Christi, que est proprie lex spiritus, et legis Moysi que est proprie lex littere. Si enim Christus legem suam scripsisset in tabulis lapideis vel in carta, posset credi quod illa sic scripta esset proprie et principaliter lex ipsius [… ] Scriptura igitur littere huius legis debuit reservari Christi ministris in quorum cordibus ipse infuderat legem spiritus sui. Ibid., f. 16rb : Quantum enim spectat ad firmitatem fidei que ex Christo sumitur, sufficit eum sollempniter in propria persona fecisse et dixisse ea, que per ipsum facta et dicta tenemus.

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propre témoin . De la même manière, Pierre et Paul ne pouvaient être en même temps juges et témoins de la foi ; c’est pourquoi ils ont laissé leur secrétaires, Marc et Luc, rédiger pour eux les récits qu’ils leur avaient 204 dictés . Les questions suivantes démontrent qu’il était nécessaire de transmettre plusieurs récits qui s’appuient et se confortent mutuellement. Leur discordance minime peut être prise comme indication de leur véridicité, en prouvant qu’ils ne résultent pas d’une conspiration 205 malicieuse . S’il était nécessaire de donner plusieurs témoignages, les premiers devaient laisser les suivants ajouter certaines choses (sauf Marc, 206 qui n’a fait qu’abréger Matthieu ), et ceux-ci n’avaient pas à répéter tout ___________________ 203 Ibid., f. 16va : Rursus, dato quod Christus de se ipso scripsisset, si nullus alius preter ipsum scripsisset sed se illa eadem vidisse et audisse, nullus esset testis verborum et factorum ipsius, nisi ipse solus. Si autem simul cum ipso alii scripsissent, aut non essent equalis auctoritas scripture ipsorum, aut si esset, non esset Christo honorificum, et nihilominus sufficeret quod alius alias cum illis loco eius scripsisset, ex quo equalis esset auctoritatis cum illo. Amplius laudes et preconia alicuius facilius et plenius creduntur a plebibus quando dicuntur per alios fide dignos, quam quando dicuntur ab ipso. 204 Ibid., q. 4, f. 17rb : Si vero contra predicta obiciatur quod melius fuisset Paulum loco Luche scripsisse et Petrum loco Marci, dicendum est quod sicut rationabilius est quod idem in eadem causa non sit iudex et testis, sic congruentius fuit quod Marcus esset scriptor et testis, Petrus vero approbator et iudex. Conveniencius etiam fuit quod hiis quibus Paulus in suis epistolis magistraliter et preceptorie scripserat, Luchas per ystoriam tam evangelii quam actuum apostolicorum famulatorie subserviret et concors testimonium subministraret. Marc et Luc sont présentés comme les secrétaires de Pierre et de Paul, q. 3, f. 16vb. 205 Ibid., q. 3, f. 17ra : […] quando a diversis et in diversis temporibus et statibus eadem veritas concorditer dicitur, eo ipso est credibilior quam si a solis hiis qui sunt eiusdem status in eodem loco et tempus diceretur, et precipue quia non potest quis ita de facili suspicari quod concordia primi modi contigerit ex maliciosa conspiratione testificantium ; q. 6, f. 17va : […] Et sic quod in aliquibus modicis dissonare videntur, maximum signum est veritatis, quia ex hoc aperte apparet quod simplici mente omnia sunt locuti. Unde et in humanis videmus quod quando testes quantum ad aliqua diversificantur, absque tamen lesura veritatis, et absque reali contrarietate, forcius creditur eis, saltem ab intuentibus realem concordiam ipsorum. Et sic est in proposito […]. 206 Ibid., q. 4, f. 17ra : Marcus enim debuit immediate subiungi Mattheo tamquam eius abbreviator. Pauca enim superaddit Mattheo, non videtur aliud facere quam abbreviare dicta illius.

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ce qui avait été rapporté avant eux. La dernière raison de l’utilité de cette pluralité des récits tient à la multiformité des mystères qui peuvent en 207 naître, et c’est là le point essentiel . Cette réflexion sur la discordance des Évangiles s’inscrit bien sûr dans une longue tradition de travail textuel, sur laquelle Olivi prend appui. Mais son propos ne vise pas seulement à surmonter les discordances apparentes. Il s’agit plus encore d’en tirer parti, afin de remonter du texte vers l’événement. La pluralité des récits et leurs omissions volontaires démontrent que le sens de l’Incarnation ne pouvait être enclos dans une narration univoque, sans aspérités ni accidents. La disparité des récits n’est pas un défaut mais une nécessité. Ces écarts sont indispensables puisqu’ils fournissent un point d’appui à la spéculation de la profondeur 208 abyssale des magnalia du Christ . C’est précisément à un tel procédé que recourt Olivi, dans la ‹Lectura super Johannem›, pour justifier la 209 réinterprétation de la plaie au côté . Une personne très sainte, habituée à de nombreuses extases, lui avait dit avoir reçu la révélation que la blessure de la lance aurait été portée du vivant du Christ. Pris de stupeur, Olivi cherche à vérifier si cette révélation peut s’accorder (salvari) avec le texte qui paraît indiquer le contraire. Constatant que l’ordre de la narration ne correspond pas toujours à la succession des événements, il 210 considère qu’il pourrait en aller de même ici . L’une des principales raisons d’accepter cette possibilité, outre le parallèle exact qu’elle permet d’établir avec les stigmates de saint François reçus simultanément de son vivant, tient à la nature de l’informateur sollicité. Jean est l’apôtre privilégié, le premier disciple, l’ami de Jésus et le protecteur de Marie, qui a pourtant écrit après tous les autres. Il a pu choisir de transmettre des secrets que lui seul connaissait sous une forme qui ne pouvait être ___________________ 207 Ibid., q. 6, f. 17vb : Septimo [valet] ad multiformitatem misteriorum que utique ex diversis modis scribendi eliciuntur et elici possunt. 208 Ibid., q. 6, f. 17vb : plura Christi facta et verba obmiserunt et scienter, sicut dicit Ioannis, capitulo ultimo [… ] si omnis penitus idem dixissent, credi posset quod omnia Christi magnalia narrassent, quod quidem non esset honorificum Christo nec utile sublevationi nostre speculationis in infinitam abissum magnalium Christi. 209 Doucet (note 10), p. 437. 210 Le principe en est exposé dans les Principia, Vidi in dextera, p. 52 : Multa etiam narrantur e contrario cum multa discontinuatione, quae secundum ordinem realem sunt continua. Multa enim anticipantur et praeposterantur in ea frequenter. La réduction de la vision aurait pu avoir eu lieu plus tôt.

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déchiffrée qu’après que François eut reçu les stigmates. Les Évangiles n’ont donc pas pour seule fonction de témoigner de l’événement ; ils servent également à mettre en perspective l’excès infini de son sens. Personne, pas même ses parents, ne pouvait saisir 211 l’intelligence complète des moindres faits et gestes du Christ . Les ‹Principia› l’énoncent plus généralement : « Lorsque le Christ est venu dans le monde pour sauver le genre humain, il a transmis aux humains de nombreuses choses à croire, tant par ses faits que par ses paroles, qui 212 semblent totalement inconcevables à l’intelligence humaine » . Les livres de l’Ancien Testament ne sont pas les seuls à se présenter sous une forme voilée. Les Évangiles sont tout aussi opaques, non par défaut, mais par excès de lumière. Il faut les lire en regard l’un de l’autre, comme les deux chérubins de l’arche d’alliance (Ex 25, 20), qui se regardent mutuellement, et dont les regards convergent vers le propitiatoire – c’est213 à-dire, le Christ . Cet écart entre le texte et l’événement reproduit en outre une distance intérieure qui était déjà inscrite au sein même du passage terrestre de la divinité. Son enseignement ne s’est pas résumé à des paroles humaines, à des préceptes dont le seul enregistrement suffirait à transmettre parfaitement le contenu. Le Christ a souvent parlé par paraboles, en 214 employant parfois l’ironie . En réalité, c’est l’ensemble de ses paroles, ___________________ 211 Lectura super Lucam, 2, 50, Florence, Bibl. Laur., Plut. X dext. 4, f. 127va : […] potest esse sensus quod quamvis hoc omnia intellexerit et iuxta proportionem sue perfectionis, ad plenum non tamen totam illam immensam plenitudinem quam Christus ibi intelligebat. Si vero dicas quod eadem ratione posset hic dici de quolibet verbo Christi, constat enim quod ipsa etiam ne beata non comprehendit totam infinitatem intelligentie quam Christus habet in quolibet minimo verbo vel facto. 212 Principium, Cum essem, p. 89 : Ex quo autem venit Christum in mundum genus humanum redempturus, tradidit hominibus multa credenda, tam in factis quam in verbis, tam in vita quam in doctrina, quae summe impossibilia videntur intellectibus hominum, ratiocinantibus ex principiis per sensuum experimentis collectis, seu procedentibus secundum elementa huius mundi. 213 Principium, Ingredere, p. 135 : est edita Scriptura instar duorum Cherubim mutuo se respicientium et suis aspectibu concurrentiuum in propitiatorium, id est Christum. Le thème tient une place importante chez Bonaventure, cf. Collationes in Hexaemeron, 3, 11 (Opera omnia 5), p. 345 ou Itinerarium mentis in Deum, 6, 4, p. 311. 214 Les passages qu’Olivi propose de lire ironice demanderaient une étude d’ensemble. Dans le commentaire sur Matthieu, ils semblent généralement

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pour claires et univoques qu’elles apparaissent parfois, qui doivent être comprises comme énigmatiques et paraboliques, du simple fait qu’elles traduisent dans un langage extérieur et sensible des vérités intérieures et 215 surintellectuelles . De plus, toute une dimension de son enseignement n’est passée que par des gestes que le récit ne peut pleinement restituer. Les franciscains y sont particulièrement attentifs, puisque leur ‹Règle› est en même temps décrite comme « vie évangélique ». Au-delà de l’obéissance aux conseils évangéliques, elle leur demande de se conformer à la vie même du Christ et des apôtres. Cet excès de sens n’indique pas simplement l’incompréhensibilité ultime des mystères divins. Olivi le comprend davantage comme une réserve de sens dont l’explicitation progressive constitue l’une des dimensions essentielles de l’histoire chrétienne. À la lettre, tout ce que Dieu a cru bon de révéler à l’humanité se trouve déjà dans l’Écriture. Il n’y aura pas de nouvel évangile. Toutefois, cette lettre appelle un travail d’approfondissement, de découverte et d’éclaircissement. Ce dévoilement progressif ne peut lui-même provenir de nouvelles interventions incompréhensibles de l’Esprit dans l’histoire. Il doit au contraire trouver son ressort dans l’histoire de l’Église, au sein d’un processus qu’Olivi comprend sur un mode conflictuel. C’est à l’occasion de l’apparition et 216 de la destruction des hérésies successives que le dogme se fixe . Les ___________________ provenir de Théopylacte (sur Mt 11, 19 ; 26, 45 ; 26, 51 ; voir aussi sur Luc 22, 36) connu à travers la Catena Aurea, cf. Bataillon, Louis-Jacques, Olivi utilisateur de la Catena Aurea de Thomas d’Aquin, dans : Pierre de Jean Olivi (cité note 17), pp. 115–120. 215 Lectura super Iohannem, Florence, Bibl. Laur., Plut X dext. 8, f. 73vb, cité par Burr, David, Olivi’s Peaceable Kingdom (note 8), p. 114 et p. 129, n. 46 : Nota quod omnis exterior et sensibilis locutio de divinis quantumcumque fiat per nomina propria est obscura et parabolica respectu interioris et superintellectualis locutionis qua Christi mentem interius de divinis clare illustrat et docet. Et consimile omnis interior locutio spiritus sancti spectans ad statum huius vite quantumcumque sit alta et clara est enigmatica et parabolica respectu illius que sit per Dei visionem beatificam et beatam. Christus secundum primum modum vult dicere quod tota doctrina sua exterior secundum quam homo de divinis usque nunc docuit est quasi parabolica et enigmatica seu similitudinaria et obscura respectu illius quam paulo post faciet per spiritum suum. 216 QPE 8, pp. 154–155 : Videmus autem quod in principio non fuit fides ita explicata aut declarata, sicut postea magis ac magis fuit per successionem temporum et per successivam pullulationem et destructionem haeresum [… ]

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hérésies sont nécessaires, comme mise à l’épreuve et manifestation de la 217 perfection de ceux qui savent y résister . C’est uniquement par l’expérience de l’erreur que la vérité se dévoile. Un tel processus conflictuel d’éclaircissement de la foi n’est qu’un aspect d’un progrès plus général vers la compréhension parfaite de l’Évangile, dont la dimension essentielle est de l’ordre de la pratique. La véritable compréhension dépasse non seulement l’écorce de la lettre, elle va même au-delà de l’opacité des paroles du Christ pour retrouver son esprit. Celui-ci ne peut être saisi que de l’intérieur, par l’imitation la plus littérale. De ce point de vue, l’expérience de la rénovation de la vie évangélique inaugurée par François d’Assise constitue le pivot de l’interprétation de l’histoire que propose Olivi. Il suffira d’une citation de la question sur la très haute pauvreté pour faire sentir le ressort de cette pensée de l’histoire : Il est certain que la vie du Christ est unique et qu’elle est meilleure que toute autre. Mais dans les cinq premiers états de l’Église, de nombreuses vies et modes de vie sont apparus successivement. On ne peut donc dire que dans chaque temps de l’Église, la vie du Christ s’est manifestée selon la pleine conformité de son unité et de son espèce, et d’aucun de ces états précédents, on ne peut dire qu’en toute chose et sous tous leurs aspects, ils ont suivis la vie du Christ et des apôtres. Si donc l’Église ne devait pas être totalement privée de sa fin, il fallait que la vie du Christ qui est la fin de tout le Nouveau Testament, apparaisse à la fin des temps [. . . ] Autrement, il semblerait que Dieu ne puisse jamais introduire 218 un tel état ni donner une perfection finale à son Église . ___________________ Et ideo in fine temporum facilius fuit et erit adhuc amplius introducere claram intelligentiam fidei et vita plenarie christiformem quam in principio. 217 QPE 8, p. 198 : Decebat enim secundum Dionysium, ut occultarentur divina immundis et indignis, ut non darentur ‹sancta canibus neque porcis›, et quia opportunum seu expediens fuit haereses esse, ut probati et perfecti manifestarentur et exercentur. Decuit etiam sic divinas perfectiones tradi quod unicuique proportionaliter se offerent iuxta modum suae capacitatis, ut sic diversi perfectionum gradus et status formari possent. 218 QPE 8, p. 157 : Certum est Christi vitam non esse nisi unam et ipsam esse omni alia meliorem, sed in quinque prioribus statibus ecclesiae multae vitae et multi modi vivendi successive apparuerunt. Ergo non potest dici quod in omni tempore ecclesiae vita Christi secundum plenam conformitatem suae unitatis et speciei apparuerit, nec de aliqua praedictarum potest dici quod in omnibus et per omnia modum tenuerint vitae Christi et apostolorum. Si igitur ecclesia privari non debet penitus fine suo, oportuit vitam Christi quae finis est totius Novi Testamenti, apparere in fine temporum [. . . ] Alias enim videretur quod

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III. Conclusion Ce long parcours nous a fait passer du rapport d’Olivi à la philosophie à son usage de l’exégèse, en arrivant de la sorte aux portes de sa théologie de l’histoire. L’articulation entre ces deux volets de son œuvre sont apparus, non pas sous l’angle d’une unité telle que la dégageait David Burr en la rapportant à la préparation aux combats contre l’Antéchrist, mais au contraire sous celui de la distinction des registres. D’un côté, comme l’écrit finement Catherine König-Pralong, l’objectif poursuivi vise à opérer une « domestication de la philosophie dans un but 219 théologique, mais par des moyens philosophiques » . De l’autre, la théologie est conduite à abandonner ses prétentions scientifiques, pour se recentrer sur l’interprétation de l’Écriture. Ce résultat n’est pas strictement conforme au programme souhaité par Bonaventure, d’où provient l’inspiration initiale de cette démarche. La hiérarchisation des domaines est maintenue, mais elle ne l’est pas au nom d’une hiérarchie des sources d’un savoir qui demeurerait un en dernier ressort. La rupture la plus profonde qui s’accuse entre l’élève et son maître tient à la déliaison de principe entre les ordres de connaissance. La question du langage permet de bien saisir cette articulation. L’une des discussions les plus intenses dans lesquelles s’engage Olivi concerne la critique de la « voie des propositions universelles » défendue par Henri 220 de Gand . À ses yeux, la vérité de telles propositions n’implique pas qu’elles soient nécessairement vérifiées dans un sujet actuel, ayant une certaine forme d’existence immuable dans l’intellect divin. Leur nécessité signifie seulement qu’elles ne peuvent être formées par l’intellect humain 221 sans être vraies . La relation de vérité est rapatriée dans le strict champ ___________________ Deus nunquam posset introducere talem statum nec finalem perfectionem ecclesiae suae dare. 219 König-Pralong (note 95), p. 400. 220 Sur cette thèse, cf. Porro, Pasquale, Enrico di Gand. La via delle proposizioni universali, Bari 1990, pp. 99–105. Pour sa critique, cf. Bérubé, Camille, Olivi, critique de Bonaventure et d’Henri de Gand (cité note 60), pp. 84–94. 221 Summa, t. 1, q. 13, p. 255 : Ad illud autem quod pro forti ratione assumitur de veritate propositionum necessarium quae sic semper sunt verae quod non possunt non esse verae, ut homo est animal et consimiles [… ] Propositiones autem huiusmodi non sunt verae, nisi quando sunt ; sed ideo dicuntur semper verae, quod nunquam possunt concipi vel formari, quin tunc sint verae. Ad

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du langage. Inversement, c’est à partir de l’affirmation de l’institution humaine du langage qu’il faut comprendre la concentration de son activité théologique sur le texte sacré. Si ce dernier réclame, et lui seul, une lecture de type symbolique, c’est qu’il a dû s’exprimer par symboles pour rendre sensibles et familières, dans un langage humain, des choses inscrutables et inexprimables. C’est ce que l’ensemble des ‹Principia› et une bonne part du commentaire de la ‹Hiérarchie céleste› cherchent à expliquer, et que ses commentaires bibliques mettent en application.

___________________ earum tamen veritatem non exigitur quod aliqua veritas realis sit in re, sicut nec ad veritatem intellectus.

La parabole du bon Samaritain (Luc 10, 25–37) chez Pierre de Jean Olivi Fortunato Iozzelli (Florence/Rome)

I. Introduction Dans le ‹De conformitate vitae beati Francisci ad vitam Domini Iesu›, Bartholomée de Pise († 1401) dédie une section aux loca (implantations) de la province des Frères Mineurs de Provence et rappelle que c’est de celle de Béziers que provenait le frère Pierre Jean Olivi, « très célèbre par sa vie et sa doctrine, lequel commenta avec beaucoup de profondeur presque toute la Bible, il écrivit des œuvres de théologie et publia de 1 nombreux autres opuscules ». ___________________ 1

Custodia Narbonensis habet locum […] de Biterris; de hoc loco fuit frater Petrus Ioannis, qui famosissimus fuit vita et scientia et quasi totam bibliam postillavit multum profunde, composuit in theologia opus et plura alia opuscula edidit; verum quaedam dixit, quae in capitulo generali per fratrem Hieronymum, tunc generalem et postmodum summum pontificem, fuit coactus retractare, et idipsum fecit in capitulo provinciali suae provinciae : Bartholomaeus de Pisa, De conformitate vitae beati Francisci ad vitam Domini Iesu, fructus 11, pars secunda (Analecta Franciscana 4), Quaracchi (Firenze) 1906, p. 540. Pierre de Jean Olivi naquit à Sérignan (diocèse de Béziers) vers 1248 et il entra dans l’Ordre des Frères Mineurs dans le couvent de Béziers vers 1260. Pour ce qui concerne les rapports difficiles qu’il a eus avec ses supérieurs à cause de ses doctrines, et auxquels se réfère Bartholomée de Pise, cf. Burr, David, L’histoire de Pierre Olivi. Franciscain persécuté (Vestigia 22), Fribourg/Paris 1997, pp. 95–194 (traduction française de: The Persecution of Peter Olivi, Philadelphia 1976). Sur la terminologie « locus e conventus », pour indiquer les implantations des Mineurs, voir Mailleux, Romain-Georges, Locus et conventus dans l’Ordre des Frères Mineurs avant 1517, dans : Frate Francesco 69 (2003), pp. 57–90.

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Il est significatif que Bartholomée de Pise attire l’attention sur le travail exégétique effectué par le frère de Sérignan durant son activité de lector au sein des studia de l’Ordre des Mineurs auquel il appartenait. L’expression « commenta avec beaucoup de profondeur presque toute la Bible » sonne juste en effet, car il s’avère que Olivi a lu et expliqué entre 1279 et 1298 (année de sa mort) 23 livres de l’Ancien Testament et 15 du 2 Nouveau. En 1989, un expert de Olivi, Paolo Vian, remarquait avec un certain désappointement que « presque tous ses commentaires de l’Ecriture sont encore inédits, par conséquent, à la différence de ce que nous avons constaté pour le philosophe-théologien, cette partie de l’œuvre olivienne 3 attend encore d’être mise à jour » ; mais heureusement, au cours des vingt dernières années, on a noté un progrès considérable en ce qui concerne l’édition des œuvres de Olivi. Quelques commentaires bibliques en ont bénéficié, et sont parus dans l’ordre suivant : ‹Les Lamenta4 5 tions›, ‹Isaïe›, ‹La Première Lettre aux Corinthiens›, ‹Le Cantique des 6 7 8 Cantiques›, ‹Les Actes des Apôtres›, ‹Les Proverbes›, ‹L’Ecclésiaste›, 9 ‹La Genèse›. ___________________ 2

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Cf. Piron, Sylvain, Parcours d’un intellectuel franciscain. D’une théologie vers une pensée sociale : l’œuvre de Pierre de Jean Olivi (ca. 1248–1298) et son traité De contractibus, thèse de doctorat d’histoire, École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris 1999, vol. I, pp. 183, 195 (aperçu chronologique des œuvres de Olivi) ; Ciceri, Antonio, Petri Iohannis Olivi opera. Censimento dei manoscritti (Collectio Oliviana 1), Grottaferrata 1999, pp. 24–60 (liste des commentaires bibliques avec indications des manuscrits) ; Vian, Paolo, L’opera esegetica di Pietro di Giovanni Olivi : uno status quaestionis, dans : Archivum Franciscanum Historicum 91 (1998), pp. 395–454, voir pp. 401–402. Pietro di Giovanni Olivi, Scritti scelti, éd. Paolo Vian (Fonti cristiane per il terzo millennio 3), Roma 1989, p. 105. Petrus Iohannis Olivi, Postilla super Lamentationes Ieremie prophete, éd. Marco Bartoli, La caduta di Gerusalemme. Il commento al Libro delle Lamentazioni di Pietro di Giovanni Olivi (Nuovi studi storici 12), Roma 1991, pp. 1–94. Petrus Iohannis Olivi, Postilla in Isaiam et in I ad Corinthios, éd. David Flood et Gédeon Gál, Peter of John Olivi on the Bible (Franciscan Institute Publications. Text Series No. 18), St. Bonaventure, (N. Y.) 1997, pp. 153– 365. Petrus Iohannis Olivi, Expositio in Canticum Canticorum, éd. Johannes Schlageter (Collectio Oliviana 2), Grottaferrata 1999, pp. 92–333.

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Parmi les œuvres exégétiques, il est bon d’attirer ici l’attention sur la 10 ‹Lectura super Lucam›, dont l’édition critique vient d’être publiée. Le texte de cette ‹Lectura› provient de trois manuscrits : 1. Assisi, Biblioteca Comunale (Sacro Convento) 52; 2. Firenze, Biblioteca Medicea Laurenziana, Santa Croce, plut. 10 dext. 4; 3. Città del Vaticano, Biblioteca 11 Apostolica Vaticana, Ottob. Lat. 3302. D’un point de vue chronologique, on situe la ‹Lectura› entre 1279–1280 et 1295 : c’est-à-dire après le commentaire de Matthieu (de 1279–1280) et celui de Jean (de 1281–1282) et avant le ‹Tractatus de emptionibus› (de 1295). Selon son habitude en effet, Olivi renvoie au cours de la ‹Lectura super Lucam› aux précédents commentaires de Matthieu et de Jean, tandis que dans le ‹Tractatus de 12 emptionibus› il se réfère au commentaire de Luc. Le commentaire de l’Évangile de Luc de Pierre Jean Olivi est constitué de quatre parties principales : la première (chapitres I–II) parle de la naissance et de l’enfance de Jésus, la deuxième (chapitres III–XXI) de son baptême et de sa prédication, la troisième (chapitres XXII–XXIII) de sa passion et de sa mort, et enfin la quatrième (chapitre XXIV) de sa résur___________________ 7

Petrus Iohannis Olivi, Lectura super Actus Apostolorum, éd. David Flood, Peter of John Olivi on the Acts of the Apostles (Franciscan Institute Publications. Text Series No. 25), St. Bonaventure, New York 2001, pp. 3–437. 8 Petrus Iohannis Olivi, Lectura super Proverbia et Lectura super Ecclesiasten, éd. Johannes Schlageter (Collectio Oliviana 6), Grottaferrata 2003, pp. 77– 233 (Ecclésiaste), 243–302 (Proverbes). 9 Petrus Iohannis Olivi, Super Genesim, éd. David Flood, Peter of John Olivi on Genesis, St. Bonaventure, New York 2007, pp. 1–605. 10 Petrus Iohannis Olivi, Lectura super Lucam et Lectura super Marcum, éd. Fortunato Iozzelli (Collectio Oliviana 5), Grottaferrata 2010. 11 Cf. Ciceri (note 2), pp. 50–51 ; Vian (note 2), pp. 432–433, 443–444. 12 Cf. Burr, David, Olivi e la povertà francescana. Le origini della controversia dell’usus pauper (Fonti e ricerche 4), Milano 1992, p. 56 (datation de la Lectura super Matthaeum ; traduction italienne de : Olivi and Franciscan Poverty : the Origins of the usus pauper Controversy, Philadelphia 1989) ; Piron (note 2), p. 183 (datation de la Lectura super Iohannem), p. 193 (datation du Tractatus de emptionibus) ; ibid., vol. III, pp. 137–140 (passages de la Lectura super Lucam, où Olivi se réfère à ses commentaires sur Matthieu et sur Jean) ; Petrus Iohannis Olivi, Tractatus de emptionibus et venditionibus, de usuris, de restitutionibus, éd. Giacomo Todeschini, Un trattato di economia politica francescana : il De emptionibus et venditionibus, de usuris, de restitutionibus di Pietro di Giovanni Olivi (Studi storici 125–126), Roma 1980, p. 75 (passage du traité où Olivi renvoie à la Lectura super Lucam).

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rection et de son ascension au ciel. Il n’est pas superflu de remarquer que les 24 chapitres de l’œuvre sont d’une ampleur inégale : certains sont très longs (par ex. les chapitres I et II), d’autres plus brefs (par ex. le chapitre VIII), d’autres encore de taille moyenne (par ex. le chapitre III). La raison principale de cette diversité réside dans le fait que Olivi développe davantage les parties de l’Évangile qui sont propres de façon exclusive à Luc, tandis que pour les autres péricopes communes à Matthieu, Marc et Jean, l’exégète de Sérignan, pour éviter de se répéter, renvoie à ses com13 mentaires précédents. Une des sections propres à Luc est la célèbre parabole du bon Samaritain (Lc 10, 25–37), que j’ai choisie comme thème pour cette intervention dans le but d’illustrer la méthode exégétique de Olivi. Il convient de signaler que la seconde partie principale de la ‹Lectura super Lucam› (chapitres III–XXI) est à son tour structurée en douze subdivisions : c’est au sein de la cinquième « sur l’envoi des disciples pour prêcher » (Lc 9, 1– 11, 13) que nous trouvons le commentaire de la parabole du bon Samaritain. Avant d’affronter l’explication de ce passage, Olivi applique un des critères de l’exégèse littérale, c’est-à-dire la division du texte. Dans la pratique, Olivi procède selon cet ordre : – tout d’abord, il examine les vv. 25–28 concernant la demande posée par le docteur de la loi à Jésus : « Maître, que dois-je faire pour avoir en 14 héritage la vie éternelle ? », et la réponse qui lui est donnée par le Seigneur sur l’observance du double commandement de l’amour ; – puis il prend en considération le texte lui-même de la parabole du bon Samaritain (vv. 29–37), qui illustre le précepte de l’amour envers le prochain ; – enfin Olivi s’arrête sur les vv. 38–42 du chapitre X (Jésus à la maison de Marthe et Marie), d’où il résulte que l’amour envers Dieu « est acte de 15 contemplation et d’oraison ».

___________________ 13 Intendo autem fere ubique omictere que Super Mattheo et Super Iohanne diffusius scripsi : Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 309, ll. 412–414. 14 Magister, quid faciendo vitam aeternam possidebo ? : Lucas 10, 25. Le texte de la Vulgata est ici et dorénavant cité d’après : Bibliorum Sacrorum iuxta Vulgatam Clementinam nova editio, éd. Aloisius Gramatica, [Milano] 1929. 15 […] de sollempni actu et exercitio caritatis Dei, qui est actus contemplandi et orandi : Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 408, ll. 322–324.

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II. Jésus et le docteur de la loi (vv. 25–28) Dans le commentaire de Luc 10, 25–28 Olivi recourt à trois formes 16 d’exégèse : la glossa, la quaestio et la nota. La glossa est une brève explication du texte biblique introduite par id est, scilicet, supple, quasi dicat. En répondant au docteur de la loi, qui lui demandait ce qu’il devait faire pour avoir la vie éternelle, Jésus « lui dit en le mettant à l’épreuve, c’est-àdire pour savoir s’il répondrait avec sagesse, il lui dit : Dans la loi qu’estil écrit ? ajoute, par rapport à ce que tu demandes, qu’est-ce que tu y lis ? comme pour dire : dans la loi, que tu étudies tout le jour, ceci est ensei17 gné clairement ». La quaestio est une demande qui jaillit devant une difficulté du texte biblique et à laquelle l’exégète donne une solution. Ainsi la réponse du docteur de la loi à Jésus : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces, et de tout ton esprit ; et ton 18 prochain comme toi-même » (Lc 10, 27), soulève un problème : comment se fait-il qu’ici, dans le texte de Luc, ce soit le docteur de la loi qui cite le commandement fondamental (Dt 6, 5 et Lv 19, 18), tandis que en Matthieu 22, 37–40 et en Marc 12, 29–31 c’est le Christ qui, à la demande d’un docteur de la loi, illustre le plus grand précepte de la loi ? Olivi résout le problème en se référant surtout à l’autorité 19 d’Augustin. Dans l’œuvre ‹De consensu evangelistarum›, destinée à ___________________ 16 Sur ces formes d’exégèse voir : Dahan, Gilbert, L’exégèse chrétienne de la e e Bible en Occident médiéval XII –XIV siècle, Paris 1999, pp. 121–134. 17 ‹At ille dixit ad eum› temptans eum, an scilicet sapienter responderet, ‹at ille dixit ad eum : In lege quid scriptum est ?› supple, de hoc quod queris, ‹quomodo legis ?› quasi dicat : ‹in lege›, quam tota die legis, hoc expresse docetur : Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 408, ll. 328–331. 18 Diliges Dominum Deum tuum ex toto corde tuo et ex tota anima tua et ex omnibus viribus tuis et ex omni mente tua et proximum tuum sicut teipsum. 19 Il faut remarquer que Olivi (note 10), p. 408 cite Augustin non pas directement, mais d’après Bonaventura, Commentarius in evangelium s. Lucae, c. 10, n. 47 (Opera omnia 7), Quaracchi (Firenze) 1895, p. 267, comme on peut le constater dans cette synopsis :

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réfuter ceux qui accusaient les évangélistes de contradictions, Augustin met en évidence que Matthieu et Marc d’un côté, et Luc de l’autre, ont transmis deux épisodes divers. Dans l’Évangile de Matthieu c’est le Christ qui répond au docteur de la loi que le commandement le plus grand consiste dans l’amour de Dieu et du prochain. Marc de son côté ajoute que le docteur de la loi répéta le commandement fondamental, entendant ainsi approuver la réponse de Jésus. En ce qui concerne Luc – observe toujours Augustin – nous sommes face à un récit qui ne suit pas le même ordre et qui est situé dans un contexte différent. De plus, dans le récit de Luc, le scribe a un comportement particulier : au début on affirme qu’il va chez Jésus pour le tenter, puis que c’est lui-même qui donne la réponse sur le commandement de l’amour de Dieu et du prochain, et à la fin qu’il est invité par le Seigneur à mettre en pratique ce qu’il a lui-même défini comme important (« Fais cela et tu vivras »). Ces remarques portent à le considérer comme quelqu’un de peu recommandable, bien différent de celui dont parlent de façon concordante Matthieu et Marc, lesquels le présentent dans une lumière tellement bonne que le Seigneur lui-même dût lui dire qu’il n’était pas loin du royaume de Dieu. ___________________ Bonaventura

Lectura super Lucam X, p. 408, ll. 334–340

Sed videtur contrarietas, quia hic dicitur, quod legisperitus respondit ; in Matthaei vigesimo secundo dicitur, quod Christus ; hic ponuntur quatuor conditiones, ibi tres. Sed patet, quod alia fuit ista quaestio, alia illa, sicut innuit Augustinus de Concordia Evangelistarum, ubi dicit, quod Christus primo respondit, secundum quod dicit Matthaeus, et deinde legisperitus iterando approbavit, sicut dicit Lucas, et quod utrumque fuerit, narratur Marci duodecimo. Et sic patet, quod Marcus hos duos ducit ad concordiam.

‹Ille autem respondens dixit›. Contra : Matthei uigesimo secundo dicitur Christus hoc respondisse.

Ad hoc respondet Augustinus, libro De consensu euangelistarum, quod Christus primo respondit secundum quod dicit Mattheus, deinde legis peritus iterando approbauit, et tunc respondit hoc sicut dicit Lucas. Et quod Christus hoc primo responderit, et postmodum legis peritus hoc ipsum repetierit, patet expresse ex Marci duodecimo.

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C’est pourquoi, conclut Augustin, il doit être considéré très probable20 ment comme un personnage différent de celui dont parle Luc. Olivi ne se limite pas à citer l’opinion de l’évêque d’Hippone, mais cherche à résoudre avec un argument tout à fait personnel la contradiction qui semble exister entre Matthieu, Marc et Luc. A son avis, la question posée à Jésus par le docteur de la loi en Matthieu et Marc porte sur le « mandatum magnum in lege » (Mt 22, 36; Mc 12, 28), tandis que en Luc, le scribe demande à Jésus ce qu’il doit faire pour avoir la vie éternelle (Lc 10, 25). Il s’agit donc de deux demandes différentes dans la forme, même si elles sont identiques dans la substance. Olivi rappelle, de plus, que le Christ a été interrogé trois fois sur la question du commandement principal : la première fois par le docteur de la loi, ce que rapporte Luc dans le chapitre 10 de son Évangile ; la deuxième fois par le jeune homme riche (Mt 19, 16–22 ; Mc 10, 17–22) ; la troisième fois par un autre docteur de la loi, dont parlent Matthieu et Marc (Mt 22, 37–40; Mc 12, 28– 34). Ces trois épisodes constituent, selon Olivi, une préfiguration du 21 mystère de la Trinité. La troisième forme d’exégèse utilisée par Olivi pour élucider le v. 27 est la nota. Cet impératif sert à attirer l’attention sur un passage biblique et à introduire une explication plus ou moins approfondie de celui-ci. Ainsi, en ce qui concerne le commandement d’aimer Dieu « de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces et de tout ton esprit », Olivi remarque d’abord que les quatre termes indiquent la totalité de l’amour 22 envers Dieu. En second lieu, s’inspirant du commentaire de Luc par Bonaventure, il spécifie que « de tout ton cœur [signifie] avec l’intellect sans erreur, de toute ton âme [veut dire] avec l’affection sans contradiction, de tout ton esprit [veut indiquer] avec la mémoire sans oubli, de 23 toutes tes forces [cela s’entend] avec toute la vertu sans fiction ». En troisième lieu, moyennant une nota, l’exégète de Sérignan pousse le dis___________________ 20 Augustinus, De consensu evangelistarum, 2, c. 73, éd. Franciscus Weihrich (Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum 43), Wien/Leipzig 1904, pp. 244–245. 21 Petrus Iohannis Olivi (note 10), pp. 408–409, ll. 341–352. 22 Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 409, ll. 358–360. 23 Vnde secundum quosdam sensus est : ‹Ex toto corde›, id est intellectu sine errore, ‹ex tota anima›, id est affectione sine contradictione, ‹ex tota mente›, id est memoria sine obliuione, ‹et ex omnibus uiribus tuis›, id est tota uirtute sine fictione : Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 409, ll. 364–368 ; cf. Bonaventura (note 19), c. 10, n. 48, p. 267.

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cours plus à fond, en soulignant que les quatre conditions de l’amour envers Dieu, « dans la mesure où elles disent la totalité de ce qui est nécessaire au salut, impliquent un précepte qui oblige sous péché mortel ; dans la mesure par contre où elles disent la totalité qui évite tout défaut coupable même le plus petit, elles tombent sous le précepte qui exige l’innocence originelle, de laquelle les régénérés sont à présent excusés par le mérite de la satisfaction et intercession du Christ. Et en quelque sorte nous accomplissons ce [précepte] par le mérite du Christ, mais nous le 24 réaliserons pleinement seulement dans la patrie céleste ». De même qu’il explique le commandement de l’amour envers Dieu, Olivi éclaire celui envers le prochain au moyen surtout de quelques gloses sur le texte : « et [tu aimeras] ton prochain comme toi-même [...], c’est-à-dire dans le but pour lequel [tu aimes] toi-même, c’est-à-dire en vue de Dieu et pour avoir la grâce et la gloire [...]. Comme toi-même, cela veut dire au-dessus de toutes les réalités irrationnelles, et au-dessus 25 de ton corps et au-dessous de Dieu : ainsi en effet tu aimes ton âme ». Cette interprétation est suivie d’une autre plus approfondie, introduite par l’impératif nota, en laquelle Olivi attire l’attention sur le fait que 26 l’adverbe sicut exprime l’idée de conformité et d’intimité.

___________________ 24 Et nota quod in omnibus predictis conditionibus intelligendum est quod, secundum quod dicunt totalitatem sufficientie ad salutem necessarie, sic cadunt sub precepto astringente ad mortale ; secundum uero quod dicunt totalitatem euitantem omnem defectum uitiosum, quantumcumque modicum, sic cadunt sub precepto exigente originalem innocentiam, a qua excusantur nunc regenerati per satisfactorium et intercessorium meritum Christi. Et quodam interpretatiuo modo implemus illud in merito Christi, realiter tamen non implebitur a nobis hoc modo nisi in patria : Petrus Iohannis Olivi (note 10), pp. 409–410, ll. 369–377. 25 ‹Et proximum tuum sicut te ipsum› [… ], id est ad quod ‹te ipsum›, scilicet ad Deum et ad gratiam et gloriam habendam [… ]. Vel ‹sicut te ipsum›, id est super omnes res irrationales, et super corpus tuum, et infra Deum : sic diligis enim animum tuum : Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 410, ll. 384–390. 26 Petrus Iohannis Olivi (note 10), pp. 410–411, ll. 391–403.

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III. Le sens littéral de la parabole (vv. 29–37) L’exégèse des vv. 25–28 étant épuisée, Olivi s’arrête de façon plus détaillée sur le texte lui-même de la parabole du bon Samaritain, en articulant l’exposition en quatre points : considération de caractère général, réponse de Jésus au problème (ad rem), réponse de Jésus à l’interlocuteur (ad hominem), doctrine de la parabole. III.1 Considérations de caractère général Dans les trois premiers points Olivi effectue l’explication littérale de la parabole, tandis qu’il réserve la spirituelle pour le quatrième. Le docteur de la loi, dans le but de se justifier ou plutôt de se montrer juste, demande à Jésus qui est son prochain. Peut-être croit-il qu’avec ce terme on doit comprendre l’ami ou le voisin, et estime-t-il avoir accompli le commandement principal de la loi. Avant de lui répondre, Jésus lève les yeux 27 au ciel comme pour indiquer qu’il s’apprête à dire des choses mysté28 rieuses et élevées. Dans sa réplique, sous forme de parabole, Jésus « confronte trois hommes avec un quatrième, malchanceux et déchu 29 d’une condition élevée et heureuse à un état de grande misère ». Au niveau du sens littéral, Olivi tient à préciser que Jésus s’est très probablement inspiré, dans son récit parabolique, d’un fait réellement advenu : en effet, se référant à Jérôme, l’exégète de Sérignan explique que beaucoup de brigands se cachaient dans la zone autour de la ville de Jéricho, lesquels attaquaient et dévalisaient les voyageurs qui allaient et venaient de Jérusalem. En outre l’attitude du prêtre et du lévite de la parabole visà-vis de l’homme dévalisé et malmené ne doit pas étonner : il arrive souvent – observe Olivi – que les prêtres et les ecclésiastiques qui sont plus enclins à recevoir qu’à donner, ne montrent pas de compassion envers leurs propres sujets, spécialement s’ils doivent, pour les aider, affronter 30 des sacrifices et des dépenses conséquentes. ___________________ 27 Suspiciens [alii codices habent : suscipiens] autem Iesus dixit : Lucas 10, 30. 28 Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 412, ll. 433–435. 29 Questio igitur Christi parabolica comparat tres uiros ad quartum miserum, et in grandem miseriam de statu sublimi et felici lapsum : Petrus Iohannis Olivi (note 10), pp. 441–442, ll. 425–427. 30 Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 412, ll. 436–446 ; cf. Hieronymus, Commentariorum in Matheum libri quatuor, c. 20, 31, éd. Marcus Adriaen (Corpus Christianorum, Series Latina 77), Turnhout 1969, p. 180, ll. 1126–1128.

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Mais il y a plus : l’exégète de Sérignan remarque que dans la parabole il y a des aspects qui peuvent apparaître un peu inhabituels. Il est étrange, par exemple, que le Samaritain porte l’homme blessé « in stabulum » (dans une étable), ce qui n’est pas, habituellement, un geste de grande piété : il aurait mieux fait de le conduire dans sa propre chambre. Selon Olivi, Jésus a utilisé le terme « stabulum » soit pour indiquer une autre réalité (sens allégorique), soit en référence à l’usage d’accueillir une personne étrangère et blessée non dans sa propre chambre, mais dans un lieu réservé aux serviteurs « qui s’occupent du soin des bêtes dans les éta31 bles ». Anticipant en quelque sorte le sens spirituel de la parabole du bon Samaritain, Olivi affirme que dans son enseignement, le Christ suit le plus possible les faits communs et habituels, parce que nous pouvons toujours y découvrir le reflet de la sagesse de Dieu. Il s’agit, en somme, de passer continuellement des événements tels qu’ils sont, aux figures et aux mys32 tères qui y sont cachés. III.2 La réponse de Jésus au problème Après ces remarques de caractère général, Olivi approfondit le sens littéral des vv. 36–37 avec trois questions. La première concerne la réponse que Jésus donne au docteur de la loi, qui lui avait demandé : « Mais qui 33 est mon prochain ? » (v. 29). On se demande spontanément pourquoi le Seigneur ne lui dit pas que le prochain est un tel, ou un tel, mais l’invite à agir comme le Samaritain vis-à-vis de l’homme frappé par les brigands. Selon l’explication adoptée par Olivi, la réponse de Jésus n’est pas évasive mais parfaitement relative à la question du docteur de la loi. En effet le Christ veut faire comprendre deux choses à son interlocuteur : tout d’abord, que quiconque a besoin d’amour et de miséricorde, même s’il s’agit d’un étranger (l’homme blessé est un juif, tandis que celui qui vient ___________________ 31 Quod igitur hic ponit uulneratum ‹duci in stabulum›, cum hoc non sit communiter magne pietatis, unde uidetur quod potius debuisset dixisse quod duxit eum in suam cameram : aut hoc dixit propter causam predictam et propter misterium stabuli infra tangendum, aut in hoc secutus est communem cursum materie, quia raro inueniretur quod uirum sic extraneum et uulneratum aliquis immediate poneret in sua camera. Consuetum est autem tales poni in loco ubi iacent gartiones seu famuli, qui utique pro custodia iumentorum iacent in stabulo : Petrus Iohannis Olivi (note 10), pp. 412–413, ll. 451–459. 32 Petrus Iohannis Olivi (note 10), pp. 412–413, ll. 449–451, 478–482. 33 Et quis est meus proximus ?

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à son secours est un samaritain ‹détesté›), doit être considéré comme le prochain/voisin ; en second lieu, que le précepte de la charité « doit être accompli envers lui de telle façon qu’une personne, soit par elle-même, soit par l’intermédiaire des autres, l’aide en toutes ses nécessités avec une piété profonde, avec soin et selon les possibilités comme s’il s’agissait du 34 propre fils unique ». C’est ce qui résulte clairement de l’affirmation du docteur de la loi contenue au v. 37 : interrogé par Jésus sur lequel des trois personnages de la parabole (prêtre, lévite, Samaritain) a été le prochain de l’homme blessé par les brigands, le scribe n’hésite pas à répondre : « Celui qui a fait 35 preuve de compassion envers lui ». Or cette proposition particulière en inclut une universelle : « en effet pour cette même raison selon laquelle celui qui eut compassion de l’homme blessé, appartenant à un autre peuple et pays, se fit son prochain, pour la même raison également quiconque se fait semblable à lui est le prochain de qui ressemble à l’homme 36 blessé, c’est-à-dire de quiconque a besoin et peut recevoir miséricorde ». Olivi poursuit alors son raisonnement en soulignant que le concept de prochain implique réciprocité : de même que l’autre est pour moi prochain/voisin/semblable, de même moi aussi je suis prochain/voisin/semblable pour lui. Ceci étant, l’exégète de Sérignan argumente ainsi : « chacun est prochain de quelqu’un d’autre, réciproquement celui-ci est prochain pour lui ; voilà pourquoi aussi tout homme qui est dans le besoin est 37 prochain [de celui qui le secourt] ». Olivi ajoute à cette assertion une autre liée aux paroles de Jésus au docteur de la loi : « Va et, toi aussi, fais de même » (v. 37). De façon extrêmement synthétique : il faut que celui ___________________ 34 Et ultra hoc intendit quod preceptum caritatis est sic in eo implendum, quod homo per se et per alios uiscerose ac sollicite et pro posse sic omnes illius necessitates et indigentias suppleat, ac si esset unigenitus eius : Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 414, ll. 495–498. 35 Quis horum trium videtur tibi proximus fuisse illi qui incidit in latrones ? At ille dixit: ‹Qui fecit misericordiam›. Et ait illi Iesus: ‹Vade et tu fac similiter› : Lucas 10, 36–37. 36 […] : qua enim ratione ille ‹qui fecit misericordiam› in uulneratum alterius gentis et patrie fuit eius proximus, eadem ratione et omnis consimilis est proximus consimili illi uulnerato, id est cuicumque egenti et susceptibili misericordie : Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 414, ll. 505–509. 37 […] : quicumque est proximus alicui, ille uersa uice est proximus ei ; sed omnis ‹faciens misericordiam› cuicumque egenti, quantumcumque extraneo, est proximus illi egenti ; ergo et omnis talis egens est proximus eius : Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 415, ll. 518–521.

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qui veut accomplir le commandement de l’amour envers le prochain ait compassion de lui, selon ce qu’exige la « pietas proximitatis » ; maintenant, cette dernière demande requiert que l’on agisse comme le bon Samaritain vis-à-vis de l’homme blessé : en effet c’est pour cela qu’il est retenu à juste titre prochain de ce pauvre malheureux ; d’où la conclusion 38 de Jésus : « Va et, toi aussi, fais de même ». Par une seconde question plus brève, Olivi précise ultérieurement qu’en disant au docteur de la loi « Va et, toi aussi, fais de même », Jésus inclut en cette phrase à la fois la réponse à la demande « qui est mon prochain » (= quiconque est dans le besoin est pour nous prochain, et nous pour lui), et la réalisation concrète du précepte de l’amour envers le prochain (= le prochain doit être aimé sur l’exemple du bon Samaritain). À ce propos, il ne faut pas oublier que le docteur de la loi avait soulevé la question « qui est mon prochain » après avoir cité le commandement 39 d’aimer son prochain comme soi-même. La troisième question porte sur comment le docteur de la loi a-t-il pu savoir que le Samaritain, qui avait eu compassion de l’homme frappé par les brigands, a été son prochain par antonomase : en soi, en effet, le qualificatif de prochain conviendrait davantage au prêtre et au lévite en raison des liens de nationalité, de patrie et de religion avec le juif laissé à moitié mort le long de la route. La réponse claire et pertinente fournie par Olivi se base – selon ce que je crois comprendre – sur la distinction entre la théorie et la pratique. En d’autres termes : théoriquement, le prêtre et le lévite ont tous les titres pour être plus que d’autres « débiteurs de proximité, c’est-à-dire de charité fraternelle » envers le compatriote juif rencontré le long de la route ; mais dans la pratique, ce ne sont pas eux, mais un samaritain (c’est-à-dire une personne qui, au temps de Jésus, était considérée hérétique et était exclue de tout rapport avec les Juifs) qui accomplit le précepte de la charité envers le pauvre malheureux. Le docteur de la loi est donc porté à affirmer que celui qui a eu compassion de l’homme blessé a été son prochain de fait, « par l’acte de charité fraternelle qui, surabondante chez le Samaritain, était complètement absente chez les deux autres [c’est-à-dire chez le prêtre et le lévite] ». Mais il y a plus : lorsque Jésus demande au scribe « lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui avait rencontré les brigands », il veut « parler de la réelle proximité de charité fraternelle ». Manifestement cette dernière avait été mise en œuvre seulement par le Samaritain, et non ___________________ 38 Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 415, ll. 522–528. 39 Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 415, ll. 531–542.

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par le prêtre et par le scribe. Donc le docteur n’a pas pu se tromper dans 40 sa réponse. III.3 La réponse de Jésus à l’interlocuteur Une fois examinée la réponse de Jésus « ad rem », Olivi illustre celle « ad hominem ». En substance, la parabole montre sous un jour défavorable le comportement des prêtres, des scribes et des pharisiens du temps de Jésus, justement parce qu’ils étaient « très durs et sans miséricorde », non seulement envers les étrangers, mais aussi envers leurs compatriotes. L’attitude du Samaritain est bien diverse : bien qu’étant « de nation et de 41 rite religieux différents », il se montre plein de miséricorde vis-à-vis du juif qu’il rencontre le long de la route. De cette façon Jésus veut dire au docteur de la loi qu’il n’a pas de raison de se justifier en ce qui concerne la charité envers le prochain, du moment que les prêtres, les scribes et les pharisiens sont « cruels » même envers leur peuple, tandis que le Samaritain les dépasse de loin dans l’accomplissement du précepte de la chari42 té. En dernière analyse, le Seigneur a voulu, avec la parabole, rabaisser une certaine arrogance montrée par le docteur de la loi dans la question 43 « qui est mon prochain », en laquelle se reflétait la tendance des scribes ___________________ 40 Petrus Iohannis Olivi (note 10), pp. 415–416, ll. 543–563. 41 On se rappellera que en 721 avant J.-C. les Assyriens, après avoir conquis la région de Samarie, avaient déporté une partie des habitants et y avaient installé des colons païens (2R 17, 1–6.24–41). Lorsque le grand prêtre Jean Hyrcan (134–109) réussit à reconquérir la région, la population locale se trouva composée de Juifs et de païens. Les descendants des Israélites avaient maintenu la foi de leur pères, mais des Écritures ils ne retenaient sacré que le Pentateuque (Torah) et considéraient leur mont Garizim (où avait été prononcée la bénédiction de Dieu sur Israël : Dt 11, 29 ; 27, 12) comme le véritable lieu de culte, en opposition au temple de Jérusalem. C’est pour ces raisons que les Juifs considéraient les Samaritains comme hérétiques et les méprisaient. Cf. Jeremias, Joachim, Le parabole di Gesù (Biblioteca di cultura religiosa 3), 2 Brescia 1973, pp. 248–249 ; Hieke, Thomas, Samariter/Samaritaner, dans : Neues Bibel-Lexikon, Zürich-Düsseldorf 1998, vol. III, pp. 430–433. 42 Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 416, ll. 564–576. 43 ‹Ille autem›. Hic specialiter docetur perfectus modus diligendi proximum. Et quia huius doctrine occasio sumpta est ex questione legis periti arroganter facta, ideo primo ponitur eius questio [… ] : Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 411, ll. 408–411.

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et des pharisiens à établir des limites au commandement de l’amour envers le prochain.

IV. La doctrine de la parabole Jusqu’ici Olivi a expliqué le sens littéral de la parabole du bon Samaritain, s’arrêtant en particulier sur le dialogue entre le docteur de la loi et Jésus. Avant de conclure l’exégèse du texte lucanien, Olivi concentre l’attention sur la doctrine exposée par Jésus à travers la parabole, en en clarifiant le sens allégorico-morale. L’épisode raconté par Jésus au docteur de la loi, en réponse à la demande « qui est mon prochain », n’est rien d’autre qu’une synthèse splendide de l’histoire du salut : « en effet, c’est tout d’abord l’état de notre condition première ou état de nature qui est décrit ; en second lieu la chute et l’état de la nature déchue ; troisièmement, l’état de la loi écrite ; quatrièmement, l’état du Christ rédempteur et de sa grâce rédemptrice et l’état de notre sequela Christi ou état de la perfection et de 44 la vie chrétienne ». Les quatre « états » indiqués par Olivi suivent de près les quatre moments narratifs autour desquels s’articule le texte de la parabole. IV.1. L’état de la nature 45

« Un homme descendait de Jérusalem ». Le nom « Jérusalem », interprété au sens spirituel, fournit à Olivi l’occasion d’illustrer l’« état de la nature », c’est-à-dire la condition de l’homme dans le paradis terrestre. 46 Selon Jérôme, Jérusalem signifie « vision de la paix ». À partir de cette définition, Olivi explique que dans la condition paradisiaque l’homme vivait « dans la magnifique, tranquille, pacifique et sublime contempla___________________ 44 [… ] : nam primo describitur status nostre prime conditionis seu status nature ; secundo, casus et status nature lapse ; tertio, status legis scripte ; quarto, status Christi redemptoris et sue reparantis gratie, statusque nostre ad ipsum sequele, seu status christiane perfectionis et uite : Petrus Iohannis Olivi (note 10), pp. 416–417, ll. 578–582. 45 Homo quidam descendebat ab Ierusalem : Lucas 10, 30a. 46 Hieronymus, Liber interpretationis hebraicorum nominum, de evangelio Matthaei, éd. Paulus de Lagarde (Corpus Christianorum, Series Latina 72), Turnhout 1959, p. 136, l. 5.

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tion de Dieu », jouissait de la santé du corps et était comblé de la grâce 47 divine. IV.2 La chute et l’état de la nature déchue « [Un homme descendait] à Jéricho, il tomba sur des bandits qui, l’ayant 48 dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à moitié mort ». Le verbe descendebat (descendait) et le nom « Jéricho » évoquent la rupture suite au péché originel de la relation d’amour de l’homme avec Dieu dans le paradis terrestre. En effet, selon l’interprétation de Jérôme, Jéricho 49 signifie « lune ». En raison de son aspect changeant (on parle de pleine lune, de lune croissante et de lune sur son décroît), la lune évoque la « mutabilité instable des choses inférieures », vers lesquelles l’homme 50 s’est tourné après s’être éloigné de Jérusalem, c’est-à-dire de Dieu. La représentation de Jéricho comme réalité négative (tel est justement le péché, la rébellion de l’homme contre Dieu, son Créateur et Père) est accentuée ultérieurement par Olivi qui se fonde sur quelques épisodes bibliques relatifs au siège de la cité par l’armée de Josué, à la condamnation à l’extermination de celle-ci, à la malédiction menaçant qui l’aurait reconstruite (Jos 6), à la capture du roi Sédécias par l’armée de Nabuchodonosor « dans la plaine de Jéricho » (2R 25, 5–7) et à la reconstruction de la cité au temps d’Elie, mais au prix de la vie des deux fils de Hiel 51 (1R 16, 34). La descente de l’homme à Jéricho s’accompagne de la rencontre avec les brigands, c’est-à-dire avec Satan. Poussé par l’envie, celui-ci a dé___________________ 47 Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 417, ll. 583–590. 48 […] in Iericho et incidit in latrones, qui etiam despoliaverunt eum et, plagis impositis, abierunt semivivo relicto : Lucas 10, 30b. 49 Hieronymus (note 46), p. 137, l. 9. 50 Pro lapsu uero et statu nature lapse, ponitur descensus ab alta metropoli et sede diuini cultus in Ierico, que interpretatur luna, id est in instabilem mutabilitatem istorum inferiorum, ad que conuersus est a supernis auersus : Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 417, ll. 591–594. Il faut remarquer que la dernière phrase du texte de Olivi est une réminiscence de la célèbre définition augustinienne du péché : Est autem peccatum hominis inordinatio atque perversitas, id est a praestantiore conditore auersio et ad condita inferiora conuersio : Augustinus, De diversis quaestionibus ad Simplicianum, 1, q. 2, 18, éd. Almut Mutzenbecher (Corpus Christianorum, Series Latina 44), Turnhout 1970, p. 45, ll. 550–552. 51 Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 417, ll. 594–606.

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pouillé la nature humaine « des ornements de la grâce » et lui a infligé les blessures des vices et la perte de l’immortalité. Suite à l’assaut du démon, l’homme a été laissé « à moitié mort », dans le sens où il lui est resté la 52 possibilité et l’espérance d’en être guéri. IV.3 L’état de la loi écrite « Il se trouva qu’un prêtre descendait par ce chemin ; il vit l’homme et passa outre. Un lévite de même arriva en ce lieu ; il vit l’homme et passa 53 outre ». Selon Olivi, ces versets veulent signifier l’« état de la loi écrite », caractérisé par l’ensemble de la loi mosaïque (contenant les prescriptions morales, juridiques et cultuelles) donnée par Dieu au peuple hébraïque, avec lequel il a stipulé un pacte d’alliance après l’exode du pays d’Égypte. En soi la loi est sainte et bonne, mais elle n’est pas en mesure de « faire remonter les hommes vers Dieu ». Elle sert à « montrer les blessures » causées par le péché originel, mais ne fournit pas les moyens de les soi54 gner. Comme l’affirme St Paul, « la loi ne donne que la connaissance du ___________________ 52 Petrus Iohannis Olivi (note 10), pp. 417–418, ll. 587–588 (envie de Satan), 606–612. L’affirmation de Olivi uerumtamen ‹homo relictus est semiuiuus›, quia remansit ut possibilis reparari, ac per consequens et in statu possibili ad merendum et in spe sanationis, s’inspire probablement de Thomas de Aquino, Catena aurea in quatuor evangelia, in Lucam 10, 30, n. 9, éd. Angelicus Guarienti, Torino-Roma 1953, vol. II, p. 152, qui reprend Theophylactus, Enarratio in evangelium s. Lucae, c. 10, 30 (Patrologiae Cursus Completus, Series Graeca, ed. J. P. Migne 123), Paris 1864, col. 847 C: Porro naturam humanam [daemones] semimortuam reliquerunt : vel quod anima immortalis, corpus autem mortale, et ita dimidium hominis morti subditum est : vel quod non omnino desperata erat humana natura. In Christo enim salutem se habituram esse sperabat. 53 Accidit autem ut sacerdos quidam descenderet eadem via et, viso illo, praeterivit. Similiter et levita, cum esset secus locum et videret eum, pertransiit : Lucas 10, 31–32. 54 Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 418, ll. 613–624. L’affirmation de Olivi que la loi non etiam potuit nostris uulneribus sanatiuum remedium dare, sed solum uulneratum uidere, id est uulnera monstrare, trouve un parallèle chez Beda, In Lucae evangelium expositio, c. 10, 31–32, éd. D. Hurst (Corpus Christianorum, Series Latina 120), Turnhout 1960, p. 223, ll. 2238–2241 : Sacerdos et leuita qui uiso saucio transierunt sacerdotium et ministerium ueteris testamenti est ubi per legis decreta mundi languentis uulnera monstrari tantum non autem curari poterant [… ].

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péché » ; « je n’ai connu le péché que par la loi. Ainsi je n’aurais pas 55 connu la convoitise si la loi n’avait dit : ‘Tu ne convoiteras pas’ ». En outre, Olivi met en évidence la « dureté » de la loi, représentée ici par le prêtre et par le lévite qui « passent outre » sans prendre soin de l’homme qui gît à demi-mort au bord de la route. En effet, la loi de l’Ancien Testament dénonce effectivement les péchés, mais « passe outre » dans le sens qu’elle ne montre ni pitié ni miséricorde envers 56 l’homme pécheur. La limite de l’ancienne loi, si fortement mise en évidence, n’est dépassée que par la venue du Christ Rédempteur. IV.4 L’état de la grâce « Mais un Samaritain qui était en voyage arriva près de l’homme : il le vit et fut pris de pitié. Il s’approcha, banda ses plaies en y versant de l’huile et du vin, le chargea sur sa propre monture, le conduisit à une auberge et prit soin de lui. Le lendemain, tirant deux pièces d’argent, il les donna à l’aubergiste et lui dit : ‹Prends soin de lui, et si tu dépenses quelque chose 57 de plus, c’est moi qui te le rembourserai quand je repasserai› ». Avec cette scène, nous sommes à l’apogée du passage évangélique, qui correspond pour Olivi à l’« état de la grâce ».

___________________ 55 […] ; per legem enim cognitio peccati : Ad Romanos 3, 20 ; [… ]. Sed peccatum non cognovi nisi per legem; nam concupiscentiam nesciebam, nisi lex diceret: ‹Non concupisces› : ibid., 7, 7. 56 Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 418, ll. 624–627. L’idée de la dureté de la loi se retrouve chez Bonaventura, Sermones dominicales, sermo 39, éd. Jacques-Guy Bougerol (Bibliotheca Franciscana Scholastica Medii Aevi 27), Grottaferrata 1977, p. 404, ll. 208–214 : Sed persona ‹transiens›, cum durissima fuit legalis iustitia, quae nec misericordiam nec medicinam praestabat. Unde Glossa Bedae : ‹Sacerdos Dei legem annuntiat. Descendit quidem lex in mundum per Moysem et nullam sanitatem contulit homini. Descendit levita, qui typum ostendit prophetarum, sed hic nullum sanat, quia lex peccata arguit, sed pertransit, cum indulgentiam non largitur›. 57 Samaritanus autem quidam iter faciens venit secus eum et videns eum misericordia motus est. Et appropians alligavit vulnera eius infundens oleum et vinum et imponens illum in iumentum suum duxit in stabulum et curam eius egit. Et altera die protulit duos denarios et dedit stabulario et ait : ‹Curam illius habe, et quodcumque supererogaveris ego, cum rediero, reddam tibi› : Lucas 10, 33–35.

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L’exégète de Sérignan explique que le terme « Samaritain » veut dire 58 « gardien » et que pour les Juifs, il désignait une personne « odieuse et quasi hors-la-loi », de par son appartenance à une race et à un culte religieux différents (cf. Mt 10, 5 ; Jn 4, 9). Sur la base de ces signalements, il n’est pas difficile de découvrir Jésus lui-même dans le Samaritain : « il est en effet le gardien et le pasteur de nos âmes, il est devenu pour nous odieux et a été considéré blasphémateur. ‹Il était en voyage›, c’est-à-dire 59 qu’il s’est fait pour nous voyageur et étranger ». Si l’identification du bon Samaritain avec Jésus est courante dans 60 l’exégèse patristico-médiévale de la parabole, Olivi la précise toutefois ultérieurement par quelques réminiscences bibliques. En effet, dans le texte cité ci-dessus, sont évoqués non seulement un passage de la ‹Première lettre de Pierre› (« Vous étiez égarés comme des brebis, mais main61 tenant vous vous êtes tournés vers le berger et le gardien de vos âmes ») , mais aussi des passages des Évangiles où Jésus affirme qu’il est haï par le monde (cf. Jn 7, 7 ; 15, 18.23–24) et en vient à être accusé d’être un blasphémateur (Mt 9, 3 ; 26, 65 ; Mc 2, 7; 14, 64 ; Lc 5, 21 ; Jn 10, 33.36), et la déclaration des disciples d’Emmaüs à Jésus : « Tu es étranger à Jérusalem 62 au point de ne pas savoir ce qui s’y est passé ces jours-ci ? ». Après cette présentation du bon Samaritain, Olivi prend le temps de commenter chaque geste accompli par lui en faveur de l’homme frappé par les brigands. Ainsi les expressions « venit secus eum et videns eum misericordia motus est » illustrent la véritable humanité du Christ, qui s’approche des pécheurs avec des sentiments de compassion « viscé___________________ 58 Hieronymus (note 46), de Luca, p. 142, l. 3. 59 […] : ipse enim est custos et pastor animarum nostrarum, factus pro nobis odiosus et habitus pro blasphemo, ‹et iter faciens›, id est pro nobis uiator et peregrinus effectus : Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 418, ll. 630–632. 60 Cf. Ambrosius, Expositio evangelii secundum Lucam, c. 10, 33, éd. Marcus Adriaen (Corpus Christianorum, Series Latina 14), Turnhout 1957, p. 239, ll. 759–766 ; Augustinus, Quaestiones evangeliorum, 2, q. 19, éd. Almut Mutzenbecher (Corpus Christianorum, Series Latina 44 B), Turnhout 1980, pp. 62–63, ll. 13–14 ; Beda (note 54), c. 10, 33, p. 223, ll. 2245–2254 ; Theophylactus (note 52), c. 10, 33, col. 849–850 A ; Bonaventura (note 19), c. 10, n. 64, p. 271. 61 […], eratis enim sicut oves errantes, sed conversi estis nunc ad pastorem et episcopum animarum vestrarum : Prima Petri 2, 25. 62 Tu solus peregrinus es in Ierusalem et non cognovisti quae facta sunt in illa his diebus ? : Lucas 24, 18.

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rale ». Les termes uiscerositas et uiscerosissime utilisés par Olivi en référence à Jésus, et peut-être empruntés à Luc 1, 78 (« Per viscera misericordiae Dei nostri […] »), rendent bien le sens implicite du verbe grec «splanchnízomai», qui dérive de «splánchna» c’est-à-dire entrailles. Puisque celles-ci étaient considérées comme le siège des passions instinctuelles (de la colère, du désir, de l’amour, etc.), le terme a acquis peu à peu le sens figuré de cœur, condescendance, compassion, amour. Dans la parabole du bon Samaritain le verbe «splanchnízomai» « cherche à exprimer la totale disponibilité dans une attitude existentielle d’ouverture aux autres prête à secourir, qui investit les propres capacités, le propre temps, 64 les propres forces et la vie elle-même ». En plus de ressentir la compassion, le bon Samaritain intervient pour soigner les blessures provoquées en nous par le péché : en effet, il verse dessus le vin « c’est-à-dire la grâce de la componction qui purifie » (ou « l’ardeur bouillonnante et enivrante de l’amour ») et l’huile c’est-à-dire « la grâce de la douce, féconde et joyeuse dévotion » (ou « la douceur de l’amour qui soulage et enrichit ») ; et puis il les panse « avec les bandes de 65 ses préceptes très salutaires qui nous orientent vers la vie parfaite ». Après avoir soigné les plaies de l’homme blessé, le bon Samaritain le charge sur la monture. Pour ce geste, Olivi, bien qu’il s’inspire de l’exégèse traditionnelle, développe quelques réflexions personnelles. Il commence en effet par une citation du Pseudo-Denys selon laquelle la grâce divine, qui descend d’en haut sur les hommes, suscite en eux la ___________________ 63 Petrus Iohannis Olivi (note 10), pp. 418–419, ll. 633–638. 64 H.-H. Esser, ıʌȜȐȖȤȞĮ, dans : Dizionario dei concetti biblici del Nuovo Testamento, éd. Lothar Coenen, Erich Beyreuther, Hans Bietenhard, Bologna 1976, p. 1020. 65 Tertio, subdit misericordie sue influxiuum et curatiuum effectum : ‹Et apropians›, scilicet per applicationem sui ad nostre curationis effectum, ‹alligauit uulnera eius› ligamentis saluberrimorum preceptorum artantium nos ad uitam perfectam, ‹infundens oleum et uinum›, id est gratiam purgatiue compunctionis designatam in uino, iuxta illud : ‹potasti nos uino compunctionis›, et gratiam suauis et pinguis et iocunde deuotionis designatam in oleo ; uel in uino, amoris ardor ebulliens et inebrians, et in oleo, amoris dulcor lenificans et impinguans : Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 419, ll. 639–647. Cf. Thomas de Aquino (note 52), in Lucam 10, 34, n. 9, p. 153, qui reprend Ambrosius (note 60), c. 10, 34, p. 239, ll. 769–772 : Sermo eius medicamentum est. Alius eius sermo constringit uulnera, alius oleo fouet, alius uinum infundit : constringit uulnera austeriore praecepto, fouet remissione peccati, sicut uino conpungit denuntiatione iudicii.

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tension vers le haut par sa puissance unifiante et les reconduit à Dieu, en 66 qui toute chose tire son origine. L’exégète de Sérignan applique ce passage au Christ bon Samaritain, pour expliquer qu’avec sa miséricorde il nous « incorpore à lui » et nous guide vers Dieu : « à l’instar d’une bête de somme » il « a porté nos péchés dans son corps sur le bois de la 67 croix » et de cette manière il nous a soulevés et introduits dans le 68 royaume des cieux. En partant de l’expression lucanienne « duxit in stabulum », Olivi met en évidence que la rédemption effectuée par le Christ en faveur des hommes continue dans l’Église. Le terme stabulum, compris par l’exégète de Sérignan dans son acception d’‹étable› pour les animaux est mis en relation avec la naissance de Jésus et avec l’Église : « Si en effet le Christ homme, en tant que tel, est la bête de somme de Dieu, et donc fut déposé, à peine né, dans une mangeoire, il n’est pas surprenant que [la chose se reproduise] également pour nous. C’est pourquoi l’Église, dans laquelle 69 nous vivons et sommes nourris, est dite de façon appropriée ‹étable› ». ___________________ 66 Ps.-Dionysius Areopagita, De caelesti hierarchia, c. 1, 1 (Patrologiae Cursus Completus, Series Graeca, ed. J. P. Migne 3), Paris 1857, col. 119–122 ; éd. Günter Heil (Sources Chrétiennes 58), Paris 1958, p. 70. 67 […] qui peccata nostra ipse pertulit in corpore suo super lignum : I Petri 2, 24. 68 Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 419, ll. 648–657. Cf. Thomas de Aquino (note 52), in Lc 10, 34, n. 9, p. 153, qui cite Ambrosius (note 60), c. 10, 34, p. 239, ll. 772–778 : ‹Et inposuit› inquit ‹in iumentum suum›. Audi quomodo te inponat. ‹Hic peccata nostra portat et pro nobis dolet›. Et pastor inposuit ouem lassam ‹super umeros suos›. Homo enim iumenti similis factus est et ideo supra iumentum suum nos inposuit, ne nos essemus ‹sicut equus et mulus›, ut per nostri corporis adsumtionem infirmitates nostrae carnis aboleret ; Beda (note 54), c. 10, 34, p. 223, ll. 2263–2267 : ‹Iumentum eius est caro in qua ad non uenire dignatus est›. In quo saucium imposuit quia ‹peccata nostra portauit in corpore suo super lignum› et iuxta aliam parabolam inuentam quae errauerat ouem umeris suis impositam reportauit ad gregem ; Theophylactus (note 52), c. 10, 34, col. 849–850 CD : Porro Dominus imposuit sauciam nostram naturam super proprium iumentum, hoc est, super corpus suum. Membra enim sua nos facit et participes sui corporis : nosque infimo loco sitos posuit in dignitatem illam, ut et eiusdem corporis simus. 69 Si enim Christus homo, in quantum homo, est Dei ‹iumentum›, unde et mox natus est in presepio reclinatus, non mirum si nos ; ergo Ecclesia, in qua pascimur et iacemus, congrue dicitur ‹stabulum› : Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 420, ll. 666–668. Pour ce qui concerne l’interprétation du mot «iumentum», Hugutius Pisanus affirme : Et a iuvo vel a iuvamentum, per sincopam,

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L’interprétation de stabulum comme Église se retrouve chez Ambroise, Augustin, Bède, Théophylacte et Bonaventure ; toutefois aucun de ces commentateurs ne met l’accent, comme le fait Olivi, sur la signifi70 cation de ‹étable›, insistant plutôt sur l’autre acception de ‹auberge›. À partir du v. 35 Olivi illustre comment s’accomplit dans l’Église le soin des âmes. Sur ce point encore, son explication tient compte de l’exégèse traditionnelle, mais présente quelques pointes originales. « Le lende71 main » c’est-à-dire après sa résurrection et son ascension au ciel, le Christ bon Samaritain confie les hommes qu’il a sauvés au stabulario, c’est-à-dire « aux ministres ou prélats de l’Église » : il s’agit de tous ceux (évêques, curés, supérieurs de communautés religieuses) à qui il revient 72 de soigner les âmes de par leur officium. L’exégèse olivienne des « deux pièces d’argent » que le bon Samaritain donne à l’aubergiste pour les dépenses nécessaires au soin de l’homme blessé apparaît particulièrement élaborée. Pour Augustin, les deux pièces veulent signifier « les deux préceptes de la charité que les apôtres reçurent en don de l’Esprit Saint et selon lesquels ils se mirent à prêcher l’Évangile ___________________ hoc ‹iumentum›, equus vel bos vel asinus : et dicuntur huiusmodi animalia iumenta, quia nostrum laborem vel onus suo adiutorio, subvectando vel arando, iuvent. Nam carpenta trahit bos et durissimas terre glebas vomere evertit ; equus et asinus portant onera et hominum in gradiendo laborem temperant : unde et iumenta appellantur quia iuvent homines : Derivationes, I 120 [2], éd. Enzo Cecchini (Edizione nazionale dei testi mediolatini 11. Serie I, 6), Firenze 2004, vol. II, p. 631. 70 Cf. Ambrosius (note 60), c. 10, 34, pp. 239–240, ll. 779–783 ; Augustinus (note 60), p. 63, ll. 19–21 ; Beda (note 54), c. 10, 34, p. 224, ll. 2269–2273 ; Theophylactus (note 52), c. 10, 34, col. 849–850 D ; Bonaventura (note 19), c. 10, n. 64, p. 272. 71 Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 420, ll. 670–678. Il faut remarquer qu’à cette interprétation traditionnelle de « altera die » - qu’on trouve chez Ambroise, Augustin, Bède et Bonaventure - Olivi ajoute la suivante : uel prima dies est eius illuminatio principalis et immediata, secunda est illuminatio secundaria et ministerialis et subprincipalis, que fit per intermedios ministros : p. 420, ll. 673–676. 72 Pour ce qui concerne le terme praelatus dans le vocabulaire théologique des e e XII et XIII siècles, voir : Iozzelli, Fortunato, Cardinali, legati e ‹cura animarum› in alcuni sermoni inediti di Odo da Châteauroux, dans : Revirescunt chartae. Codices documenta textus. Miscellanea in honorem fr. Caesaris Cenci OFM, éd. Alvaro Cacciotti et Pacifico Sella (Medioevo 5), Rome 2002, vol. II, pp. 881–957, voir pp. 902–909.

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aux autres, ou bien les promesses de la vie présente et de la vie future ». Par contre pour Ambroise, Bède, Théophylacte d’Achrida et Bonaventure, les « deux pièces d’argent » indiquent l’Ancien et le Nouveau Testament qui portent imprimée l’effigie du roi éternel. Bède et Bonaventure spécifient toutefois que les deux Testaments ont été livrés aux apôtres lorsque, grâce au don de l’Esprit, ils ont acquis une intelligence plus pro74 fonde des Écritures, de façon à pouvoir les prêcher à tous les hommes. De son côté, Olivi accumule diverses interprétations sur l’expression « deux pièces d’argent ». Il précise tout d’abord qu’elles symbolisent « la plénitude de la sagesse et de l’amour spirituel que [le Christ] a offert aux apôtres et à leurs imitateurs, après son ascension, au jour de Pente75 côte » . Puis il attire l’attention sur le fait que les « deux pièces d’argent » sont précieuses, solides et en même temps malléables (elles peuvent être fondues à la chaleur du feu) et qu’elles portent en elles l’image du souverain roi en tant que réfléchie dans l’intelligence et dans l’amitié. Enfin pour Olivi, les « deux pièces d’argent » rappellent à l’esprit un passage de l’Apocalypse, dans lequel on dit que les « deux ailes du grand aigle furent données à la femme, pour qu’elle s’envole au désert », après que son « en76 fant fut enlevé auprès de Dieu ». Le rapprochement de Luc 10, 35 avec le chapitre 12 de l’‹Apocalypse› n’est pas purement arbitraire ou fortuit, dans la mesure où il permet à Olivi d’interpréter les « deux pièces d’argent » en référence à la vie active et contemplative. En effet – poursuit l’exégète de Sérignan – avec l’expression « deux pièces d’argent » on entend également l’intelligence des deux Testaments, la perfection du double commandement de ___________________ 73 ‹Duo denarii› sunt uel duo praecepta caritatis, quam per Spiritum sanctum acceperunt apostoli ad euangelizandum ceteris, uel promissio uitae praesentis et futurae : Augustinus (note 60), p. 63, ll. 21–24. 74 Ambrosius (note 60), c. 10, 35, p. 240, ll. 788–794 ; Beda (note 54), c. 10, 35, p. 224, ll. 2278–2285 ; Theophylactus (note 52), c. 10, 35, col. 851–852 A ; Bonaventura (note 56), p. 405, ll. 238–242 (B. dépend de Bède par le moyen de la Glossa ordinaria biblica). 75 ‹Protulit duos denarios›, id est plenitudinem spiritualis sapientie seu intelligentie et spiritualis amoris, quam ‹protulit› apostolis et eorum imitatoribus post suam ascensionem in die Penthecostes : Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 420, ll. 676–678. 76 Et peperit filium masculum, qui recturus erat omnes gentes in virga ferrea ; et raptus est filius eius ad Deum et ad thronum eius [… ] ; et datae sunt mulieri alae duae aquilae magnae, ut volaret in desertum, in locum suum [… ] : Apocalypsis 12, 5.14 ; Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 420, ll. 679–686.

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l’amour, ou bien de la vie active et de celle contemplative : toutes ces composantes sont nécessaires aux prélats de l’Église pour pouvoir exercer 77 le soin des âmes de la façon la meilleure. Arrivé ici Olivi, après avoir insisté sur le sens allégorico-morale de la parabole, ne manque pas d’ébaucher le sens anagogique (ou eschatologique). L’occasion pour ce passage d’un sens à l’autre lui est offerte par la phrase « prends soin de lui, et si tu dépenses quelque chose de plus, c’est moi qui te le rembourserai quand je repasserai » (v. 35). Olivi remarque qu’ici le Christ bon Samaritain non seulement confère aux prélats les grâces nécessaires à l’exercice de leur charge et les somme dans le même temps de prendre effectivement soin des âmes, mais leur promet la récompense pour leur engagement pastoral quand il reviendra au jour du 78 jugement final. En dernière analyse, selon Olivi la parabole du bon Samaritain décrit en synthèse toute la vie du Christ : sa condition de voyageur (« Un Samaritain qui était en voyage [... ] » : v. 33), sa passion (« Puis il le chargea sur sa propre monture [...] » : v. 34), sa résurrection-ascension au ciel (« Le lendemain [...] » : v. 35), et enfin son second avènement à la fin des temps (« si tu dépenses quelque chose de plus, c’est moi qui te le rembourserai quand je repasserai » : v. 35). Le Christ qui, comme rédempteur, est le principal prochain de l’humanité blessée par le péché, enseigne à tous (et in primis aux prélats de l’Église) à travers la parabole la voie de la perfection évangélique, laquelle consiste dans l’amour : « Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres. Comme je vous 79 ai aimés, vous devez vous aussi vous aimer les uns les autres ».

___________________ 77 Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 420, ll. 686–689. 78 Petrus Iohannis Olivi (note 10), pp. 420–421, ll. 689–696. Cf. Ambrosius (note 60), c. 10, 35, p. 241, ll. 811–822 ; Beda (note 54), c. 10, 35, p. 224, ll. 2291–2294 ; Theophylactus (note 52), c. 10, 35, col. 851–852 A ; Bonaventura (note 19), c. 10, n. 64, p. 272. 79 Mandatum novum do vobis, ut diligatis invicem sicut dilexi vos, ut et vos diligatis invicem : Ioannes 13, 34 ; Petrus Iohannis Olivi (note 10), p. 421, ll. 697–710.

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V. Conclusion Au terme de cette exposition, il paraît opportun de résumer les aspects principaux ressortis de l’analyse du commentaire olivien à la parabole du bon Samaritain. Tout d’abord saute aux yeux le grand espace que l’exégète franciscain accorde à l’interprétation littérale du passage lucanien, en ayant recours pour cela à la technique de l’exégèse biblique universitaire : division du texte (très minutieuse), approfondissement du contexte historico-géographique de la parabole, solution des problèmes soulevés par quelques versets évangéliques au moyen des questions. C’est surtout dans ces digressions plus ou moins étendues que Olivi fait la preuve de son sens critique et de sa pensée spéculative et perspicace. À partir de ce qui a été dit des vv. 36–37 (réponse « ad rem »), on a l’impression qu’il réélabore la façon de parler de Jésus selon ses propres catégories philosophiques très linéaires, cohérentes et logiques. Si cette façon de procéder de la part de Olivi peut susciter aujourd’hui un certain ennui, il faut toutefois tenir présent qu’il y a là une finalité surtout didactique, c’est-à-dire destinée à éclaircir le plus possible le texte évangélique, à dissiper toute équivoque à laquelle il pourrait donner lieu, et à le rendre intelligible aux étudiants (pour la plupart Frères Mineurs, destinés à devenir prédicateurs de la parole de Dieu) auxquels est adressé le cours ou lectura sur Luc. L’exégèse spirituelle de la parabole elle-même (vv. 30–35) n’est pas moins intéressante que celle littérale. Dans cette partie du commentaire, Olivi met l’accent surtout sur le sens allégorico-morale, de façon à illustrer la doctrine que Jésus a voulu transmettre aux hommes à travers l’épisode du bon Samaritain. En s’inspirant à beaucoup d’égards de l’interprétation de la parabole donnée par quelques auctoritates (Ambroise, Augustin, Bède, Théophylacte et Bonaventure), Olivi tend à attribuer à chaque élément du récit (personnages, gestes, lieux, temps) un sens précis. Son analyse de la figure du bon Samaritain relue en clé christologique et ecclésiologique est particulièrement riche. Parfois l’exégète de Sérignan accumule plus d’un sens sur une même parole, laissant au lecteur l’embarras du choix. Mais au-delà de la technique exégétique et des nombreuses allégories héritées de la tradition patristique, il y a un aspect du commentaire de Olivi qui émerge clairement et qui sert pour ainsi dire de tissu connectif des divers points interprétatifs : il s’agit de la présentation globale de la parabole comme synthèse de l’histoire du salut, qui s’articule à travers quatre « états » ou phases : la condition paradisiaque, la chute dans le

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péché, le don de la loi écrite et enfin la rédemption opérée par le Christ. Il est bon de préciser que ce schéma interprétatif n’est pas propre à Olivi ni exclusif, étant donné qu’il se retrouve également chez d’autres auteurs (par exemple chez Bonaventure). Il a pourtant le mérite de l’avoir reproposé avec une plus grande netteté, et surtout d’avoir mis efficacement en lumière l’humanité du Christ, ses sentiments de compassion « viscérale » pour l’homme blessé par le péché, qu’il est venu sauver en se faisant son prochain, en s’abaissant jusqu’à son niveau pour lui restituer la dignité de fils de Dieu. Il ne faut pas exclure complètement que le frère mineur Pierre Jean Olivi, en commentant l’expression lucanienne « qui fecit misericordiam in illum », se soit rappelé l’expérience de François d’Assise parmi les lépreux, expérience qui l’a conduit à sortir de sa logique égocentrique pour acquérir celle évangélique du don gratuit de soi à tous. Ce n’est pas par hasard que François l’a synthétisée dans son Testament en une phrase prégnante qui fait écho à la parabole du bon Samaritain : «Et le Seigneur 80 lui-même me conduisit parmi eux et je leur fis miséricorde ».

___________________ 80 Et ipse Dominus conduxit me inter illos et feci misericordiam cum illis : Franciscus Assisiensis, Testamentum, 2, éd. K. Esser, Die Opuscula des hl. Franziskus von Assisi. Neue textkritische Edition. Zweite, erweiterte und verbesserte Auflage besorgt von Engelbert Grau (Spicilegium bonaventurianum 13), Grottaferrata 1989, p. 438. Pour une explication approfondie de ce texte, voir : Maranesi, Pietro, ‹Facere misericordiam›. La conversione di Francesco d’Assisi : confronto critico tra il Testamento e le Biografie (Viator 1), S. Maria degli Angeli-Assisi 2007.

Appunti sulla nobiltà in Pietro di Giovanni Olivi Andrea A. Robiglio (Groningen)

Homo iste est indubie dominus Jesus Christus qui est nobilissimus homo possibilis (John Wyclif)

I. L’emergenza della questione sulla nobiltà Il lessico della nobiltà spesseggia negli scritti del teologo francescano Pietro di Giovanni Olivi (1248–1298). Leggendo le ‹Quaestiones in secundum librum Sententiarum› il lettore s’imbatte frequentemente in espressioni del seguente tenore: «per formam altam et nobilem», «differentiĆ superioritatis», «ratione nobilitatis», «nobilissimus actus substantiae», «maxime forma nobilissima», «nobilius […] ergo maioris potestatis», «inferius et ignobilius», «nobilissimo modo», ecc. Si tratta, in molti casi, di passaggi-chiave, dal momento che, nelle diverse argomentazioni, le suddette espressioni giocano il ruolo di veri e proprî media argomentativi. Altre volte, invece, la terminologia assume una valenza metaforica, ma anche così essa orienta il procedere del ragionamento. Definire ‹nobili› nozioni come quelle d’attualità e vitalità, ad esempio, permette all’autore di sospingere il lettore in una direzione 1 ben precisa. Affermare che il libero arbitrio è altius, non si riduce ad una ___________________ 1

Questi ‹appunti› sono resi possibili dal sostegno della Alexander von Humboldt Stiftung. L’unico studio, tra quelli a mia conoscenza, ad accostare la questione messa qui a tema è quello di: Boulnois, Olivier, Vouloir, vœu et noblesse de la volonté, in: Cahiers du Centre de Recherches Historiques 16 (1996), pp. 57–64. Sul lessico dell’eccellenza, applicato dall’Olivi alla trattazione della nozione di vitalità, cf. Stadter, Ernst, Psychologie und Metaphysik der menschlichen Freiheit. Die ideengeschichtliche Entwicklung zwischen Bonaventura und Duns Scotus, München/Paderborn/Wien 1971, pp. 144–154, 195–199 e 204–206

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figura di stile; tale qualificazione costituisce invece un anello non trascurabile nella catena discorsiva volta a stabilire la saldatura tra la facoltà d’amare – la quale è detta anch’essa «altior et iucundior» –, la 2 volontà ed il principio metafisico d’eminenza. Ciò che veramente è nobile, in questo mondo, in tanto suggerisce la suprema perfezione ed immensitas del Creatore, in quanto testimonia la possibilità dell’incarnazione. L’argomentazione tradizionale ex gradu perfectionum, la quarta via di tommasiana memoria, ad Olivi non basta. Essa gli appare insufficiente, se si prescinde dal postulato teologico del 3 Figlio «umanato» di Dio. Sostenere che – prout hoc ponit fides christiana – l’unione personale tra Dio e la natura umana è possibile, altro non è che conferire preliminarmente all’Assoluto una nobiltà tale da escludere ogni 4 traccia d’imperfezione. Ma la nobiltà assoluta, avendo liberamente ___________________

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(segnalato anche da Boulnois, a p. 62, n. 19). Mi permetto di riportarne un brano significativo: «Die spezifisch personalen Kategorien der Würde und Ranghöhe (superpositio, altitudo), der Unbezwingbarkeit und Innerlichkeit gelten sowohl für das ‹cor› als auch für die ‹voluntas› [. . . ] Mit den Begriffen ‹vivacitas› und ‹actualitas vitae› ist einfach die [. . . ] auswirkende Dynamik des lebendigen Geistes bezeichnet. [… ] ‹Potentia› hat vielmehr den Sinn von aktiver ‹potestas›. Gerade die Attribute ‹vita›, ‹vigor›, ‹primus motor›, ‹potestas imperialis› usw. lassen die antiaristotelische Konzeption im Denken Olivis sichtbar werden» (pp. 205–206). Cf. Boulnois (nota 1), p. 60. Petrus Iohannis Olivi, Quaestiones de Deo conoscendo, ed. Bernardus Jansen, in: Id., Quaestiones in secundum librum Sententiarum, vol. 3 (Quaestiones 72–118), Quaracchi 1926, pp. 453–554. Segnatamente la q. 1, pp. 480 sqq. Importante la precisazione di p. 485: Licet imperfectum, in quantum imperfectum, non possit conosci sine cognitione perfecti: tamen id quod est imperfectum bene potest conosci sine cognitione perfecti. La via ex gradu, in altre parole, mostra efficacia solo all’interno di un’ermeneutica teologica che fissi alcuni postulati: peccato originale, incarnazione, redenzione. L’argomentazione metafisica non precede, ma segue, tali postulati. E ciò avviene per la natura stessa del principio, che è più nobile e non può sottostare a ciò che lo è di meno. La conoscenza di Dio, insegna Olivi sulla scorta di Dionigi lo Pseudo-Areopagita, vult – si noti il verbo – esse superiorem cognitioni quae est per negationem eorum tanquam in quodam superexcessu intellectualis operationis existentem (p. 480). Col ché viene disinnescata anche la possibilità di un accesso mistico di tipo intellettualistico, che non passi per il previo riconoscimento libero della sovranità e perfezione divina. De refulgentia divinarum perfectionum est quod quidquid de se dicens meram nobilitatem invenitur in creaturis cum imperfectionibus creaturae sibi connexis, sit in Deo ut segregatum ab omni imperfectione. Videmus autem quod de nobilitate suppositi creati est quod praeter suam essentiam plura alia possint in ipso firmari et

Appunti sulla nobiltà in Pietro di Giovanni Olivi

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assunto la natura umana, fonda anche la condizione di possibilità della nobiltà di quest’ultima: Deus, existens personaliter in natura humana, meruit seu debuit a Deo sic honorari in illa, quod staret in ea, et illa in ea, 5 sicut decet Deum. Olivi introduce, a questo proposito, la nozione di 6 condignitas. Da spunti del genere – frequentissimi, come si è detto – ha origine una questione ermeneutica finora trascurata dalla critica. Che cos’è, per Olivi, la nobiltà? Perché egli, magari a sproposito o volendo ragionare d’altro, così spesso vi fa riferimento? Una risposta meramente storica e contestuale – che si limitasse a ribattere: «perché così facevano anche altri autori» – sposterebbe il problema, senza risolverlo. Il fatto che il nostro teologo, nel suo ricorso al lessico della nobiltà, non rappresenti un’eccezione, non affievolisce la pertinenza della domanda. Le pagine che seguono intendono perciò suggerire l’importanza di una ricognizione della quaestio de nobilitate negli scritti del pensatore francescano e, senza ambire ad offrire una rassegna organica, mirano a rendere visibile una traccia che permetta di 7 mettere a fuoco piste d’indagine finora poco battute. ___________________

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existere, licet imperfectionis sit quod hoc non possit, nisi per aliquam [… ] rationem perfectibilitatis (Petrus Joannis Olivi, Quaestiones de incarnatione et redemptione, q. 1 ‹de possibilitate incarnationis›, ed. Aquilinus Emmen, Grottaferrata 1981, p. 12). Olivi, Quaestio de merito Christi Redemptoris, in: Olivi (n. 4), p. 99 [13–15]. Ibid., p. 98. Si noti anche il legame di dipendenza, istituito altrove da Olivi, tra la dignitas potestatis ed il riconoscimento, tanto originario e divino quanto umano e riflesso: Secunda [commendatio] fuit non solum ad praefatum amorem ei ostendendum, sed etiam ad condignitatem et promerentiam regalis coronae et potestatis sibi ingerendam, ut ex hoc fiduciam conregnandi cum sponso accipiat et ut etiam datorem suarum virtutum et sui meriti et ipsamet munera sibi data plenius recognoscat et regratietur et ut etiam ex suis laudibus ad ampliora promerenda et acquirenda consurgat. Quia quanto plus commendat Deus nostra bona, tanto plus ostendit se velle ea et eo ipso plus apparent bona et utilia et amanda seu appetenda (Petrus Iohannis Olivi, Expositio in Canticum Canticorum, ed. Johannes Schlageter (Collectio Oliviana 2), Grottaferrata 1999, p. 248). Cf. Thomas de Aquino, Summa theologiae, Ia–IIae partis, q. 114, a. 3 resp. Il censimento delle occorrenze lessicali pertinenti, alla luce dell’approccio prescelto, viene tralasciato; che la concettualizzazione della nobiltà risulti intimamente connessa all’impiego del glossario corrispondente va tuttavia tenuto presente. Il lettore potrà rintracciare un quadro generale dei differenti concetti di

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II. La prolusione ‹De studio› Non sembra inopportuno, per acclimatarci al percorso che ci attende, cominciare con l’analizzare uno scritto programmatico di Olivi, vale a dire la sua conferenza intitolata ‹De studio›. Si tratta di una prolusione accademica, sviluppata commentando analiticamente un versetto del 8 Salmo XLVI: «Fermatevi e sappiate che io sono Dio» . Attraverso di essa, Olivi introduce i giovani frati allo studio della Sacra Scrittura o, più 9 verosimilmente, della teologia. Fin dalle prime parole, l’insegnante punta a stabilire l’eccellenza del soggetto teologico, rispetto a qualsiasi altro argomento scientifico: «Tra tutti gli esseri non vi è nulla migliore (altius et melius) di Dio; allo stesso modo nessun sapere è più desiderabile e fausto (desiderabilior et fecilior) 10 della contemplazione e della scienza di Dio». In casi come questo, la «nobiltà» dell’oggetto e della scienza non è niente più d’un topos di scuola. La parola del salmista rappresenta per prima cosa un «invito», rivolto al credente perché miri alla «perfetta contemplazione» di Dio. Il primo ___________________ nobiltà nel saggio: Robiglio, Andrea A., The Thinker as a Noble Man (bene natus) and Preliminary Remarks on the Medieval Concepts of Nobility, in: Vivarium 44 (2006), pp. 205–247, segnatamente il § 12. 8 Vacate et videte quoniam ego sum Deus (Ps. 45, 11). 9 Cf. Peter of John Olivi on the Bible. Principia quinque in Sacram Scripturam; Postilla in Isaiam et in I ad Corinthos; Appendix: Quaestiones de oboedientia et Sermones duo de S. Francisco, a cura di D. Flood e G. Gál (Franciscan Institute Publications – Text series No. 18), St. Bonaventure, New York 1997, pp. 20–33; la numerazione da me seguita è quella proposta dagli editori, la cui introduzione si trova alle pp. 17–19. Sul genere letterario dei ‹Principia› e, più in generale, sull’insegnamento delle ‹Sentenze› tra gli anni cinquanta e sessanta del Duecento, si vedano: Oliva, Adriano, Les débuts de l’enseignement de Thomas d’Aquin et sa conception de la ‹sacra doctrina›: avec l’édition du prologue de son commentaire des Sentences, Paris 2006 (con la bibliografia ivi richiamata); e la Tesi di dottorato: Spatz, Nancy K., ‹Principia›: A Study and Edition of Inception Speeches delivered before the Faculty of Theology at the University of Paris, ca. 1180–1286 (Cornell University, 1992). Per focalizzare il contesto specificamente francescano cf. Brown, Stephen, Peter of Candia’s Sermons in Praise of Peter Lombard, in: Studies Honoring Ignatius Charles Brady Friar Minor, a cura di R.S. Almagno e C.L. Harkins (Franciscan Institute publications – Theology series 6), St. Bonaventure (N. Y.) 1976, pp. 141–156. 10 Olivi, De studio, § 1, ed. cit., p. 20.

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verbo, posto al modo imperativo (vacate), evoca una condizione preliminare, vale a dire la rinuncia a ogni distrazione. Il secondo verbo (videte) sollecita all’atto specifico della visione. L’ultima parte del versetto, infine, determina con precisione l’oggetto della contemplazione: obiectum principalissimum et gloriosissimum. Un invito del genere, per poter essere accolto con successo, richiede tuttavia l’incitamento e l’intervento dello Spirito Santo, il quale secondo tradizione è detto septiformis. Sette sono perciò gli ausilî procurati dalla soprannaturale guida: «La forza della necessità, l’efficacia dell’utilità, l’ardore della carità, il dolciore della giocondità, l’ordine naturale delle cose, l’edizione integrale della Scrittura, l’esemplare perfezione di tutte le gerarchie». Il primo ausilio si riferisce all’obbligo a cui l’uomo è tenuto nei confronti della conoscenza 11 di Dio e dei suoi precetti. Il secondo aspetto sottolinea il nesso tra la notitia divinorum e il conseguimento della salvezza spirituale (utilitas); tale nesso assicura la rilevanza della conoscenza di Dio nei diversi ambiti della vita del credente: la fede, il discernimento, l’azione responsabile, la 12 progettualità pratica e la sfera degli affetti. Il terzo sostegno è offerto dall’ardor dell’amore divino che, fomentato dalla sullodata notitia, viene attivato da ragioni oggettive, direttive, incitativae e – aggiunge Olivi con 13 lessico oltranzista – inabyssativae. Al quarto posto viene il dolciore, perché tanto «maggiore» è la conoscenza di Dio nell’uomo, tanto più gli è possibile contemplarLo. Qui il vocabolario del «più e del meno» si intensifica, dal momento che Olivi pone in equivalenza il tanto maius iniziale con una serie di comparativi perfettivi: intellectualius seu clarius; presentialius seu immediatius; universalius seu diffusius seu multiplicius; 14 intensius et tranquillius; ac per consequens dulcius et suavius. Una celeberrima autorità paolina (vale a dire Rom. 1, 20) introduce l’elemento dell’ordo naturae e permette di affermare che il fine ultimo della natura intellettuale altro non è che Dio stesso, et prima coniunctio 15 qua Deo unitur est ipsa cognitio Dei. In sesto luogo vi è la Sacra ___________________ 11 Ibid., § 4. 12 Ibid., § 5, p. 21. 13 Ibid., § 6. A proposito dei motivi ultimi offerti dalla conoscenza divina alla carità, troviamo infatti le [Rationes] inabyssativas, tradendo videlicet sibi sui dilecti rationes immensas et innumeras, trascendentes, extaticas et anagogicas (p. 21 [righe 19–20]). 14 Ibid., § 7, p. 21. 15 Ibid., § 8, p. 22.

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Scrittura, pubblicata solennemente dall’Autore divino. La Scrittura si articola in quattro generi letterari (storia, diritto, sapienza e profezia), in quattro sensi (letterale, morale, allegorico e anagogico) e in due 16 testamenti, quasi duo luminaria magna […] plena scientia Dei. Non mi dilungo su questa sezione, di natura esegetica; per noi è importante quel che segue. In settimo ed ultimo luogo tocca alla perfezione degli ordini sacri (perfectio hierarchiarum) spingere alla necessaria contemplazione. Olivi enumera qui quattro ordini gerarchici, tra loro gerarchicamente ordinati. Sul piano dell’esperienza sensibile si dà la gerarchia legale (legalis), cui segue, sul piano della fede nella Trinità, la gerarchia fidelis, quae coepit a Christo; l’ordine finalis, ulteriormente, è quello in cui si consuma la perfezione evangelica, laddove viene elargita la sapienza «sperimentale e superintelletuale di Dio ed il culto estatico di Lui». Non resta quindi che la hierarchia celestis, che consentirà all’uomo la visione 17 «faccia a faccia» del divino.

III. L’argomentazione retorica della prolusione Seppure si tratta di una prolusione, non di una quaestio disputata, il breve scritto che stiamo leggendo non manca d’una rassegna delle difficoltà. Contro l’ottenimento della «notizia delle cose divine», emergono una serie di ostacoli: quattro esterni al campo degli studi e altri quattro, invece, germinati dall’interno (ex nostris studiis). Ripercorriamo rapidamente le quattro difficoltà generali. Si tratta, nel primo caso, dell’estrema improbabilità di successo, che è motivo topico nelle introduzioni allo studio della teologia: Quia impossibile aut valde difficile videtur pertingere ad sufficientem scientiam divinorum, unde et 18 paucos aut nullos videmus hoc pertingisse aut pertingere posse. La ___________________ 16 Ibid., § 9, p. 22 [righe 23–24]. 17 Ibid., § 10, p. 23. Sulla nozione di gerarchia, che comporta la presenza d’ordini subordinati e d’interne inversioni tra questi ultimi, si vedano: Dumont, Luis, Il valore nei moderni e negli altri, in: Id., Saggi sull’individualismo, Milano 1993, pp. 261–302 e 305–306; Kolnai, Aurel, The Concept of Hierarchy, in: Ethics, Value and Reality: Selected Papers of Aurel Kolnai, a cura di B. Williams e D. Wiggins, London 1977, pp. 165–186. Intorno alle «redundantiae» tra sottordini, cf. Olivi, Expositio in Canticum (n. 6), p. 122. 18 Olivi (n. 10), § 12.

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seconda difficoltà è un’obbiezione suscitata dall’esempio degli uomini di Dio: si legge, infatti, che tanto gli apostoli e i padri del deserto (anachoretae), quanto la quasi totalità dei «santi più insigni (altiores)» non si sono dedicati allo studio o, se vi si sono dedicati, lo hanno fatto marginalmente e in misura assai modesta. Questo problema, dal momento che nasce all’interno dell’ermeneutica biblica e della ortoprassi ecclesiale, assume le tinte dell’obbiezione più imbarazzante. Il terzo ostacolo riguarda invece l’inutilità pratica dell’impegno intellettuale, il quale impedirebbe la coltivazione di altre più meritorie opere. Lo studio approfondito della Rivelazione, infatti, toglie tempo, da un lato, all’orazione e, d’altro lato, distoglie dalle opere di carità e dagli impegni 19 della vita attiva. Vi è infine il pericolo di mali molteplici legati, in un modo o nell’altro, allo studio: dalla presunzione all’eresia. Tra questi ultimi pericoli, che costituiscono il quarto genere d’ostacolo, vi sono altresì la vanagloria e l’animo contenzioso; la prima germoglia nell’animo degli studiosi (periti et litterati) in conseguenza del loro riconoscimento sociale, cioè ex admiratione et honore. In questo passaggio l’onore viene assunto da Olivi in un’accezione negativa: inteso come il prodotto della pubblica fama e del giudizio sociale, esso viene contrapposto all’onore autentico, che, al contrario, è frutto del riconoscimento divino. L’eccessivo spirito di disputa, d’altra parte, è connaturale con le pratiche scolastiche, poiché non è facile tollerare tranquillamente l’assalto dei 20 detrattori e dei critici. Quest’ultimo tipo di difficoltà, in realtà, appare più interno che non esterno al dominio delle pratiche intellettuali. Tramite esso, del resto, Olivi passa a considerare le obbiezioni intrinseche: i vizi dello studiare in quanto tale. L’autore ne elenca quattro. Due di questi vizi, egli spiega, si possono dedurre dalla causa finale dello studio; e l’autore ricorda che il fine, sul terreno della morale, detiene sempre il massimo valore (tenet principatum). In realtà si tratta di due aspetti dello stesso problema, tenuti separati da Olivi per opportunità di simmetria. L’uomo deve mantenere il giusto rapporto tra fine e mezzi, senza permettere che un’attività strumentale, eccedendo i proprî limiti, finisca per confliggere

___________________ 19 Ibid., §§ 13–14. 20 Ibid., § 15, pp. 23–24. Alle righe 23–25 di p. 24 leggiamo: Praeterea multiplici experimento probamus in collationibus seu disputationibus studentium innumeras esse contentiones garrulas, maledicas, superbas et iracundas.

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con un’altra. Lo studio è un mezzo in vista dell’unione con Dio, la quale 21 è attinta anche, ma non esaustivamente, attraverso la contemplazione. Ora, se il «mezzo» non avesse in sé alcuna attrattiva, non ci sarebbe 22 nulla da temere, perché esso non rischierebbe mai di sostituirsi al fine. Lo studio finalizzato all’amore di Dio è tuttavia un’attività gratificante, perché connaturale all’anima umana. Coloro che vi si dedicano corrono il rischio di fare della ricerca intellettuale un fine in se stesso e di tralasciare 23 tanto la pratica della carità quanto la propria crescita morale. Un rischio analogo consiste nel fare dello studio un pretesto per disattendere gli altri doveri del cristiano, come il servizio ai bisognosi ed agli infermi o la 24 preghiera. I vizi restanti sono rivelati dall’esperienza: Ex experimento certitudinaliter [videntur] comprobari. Non è difficile riscontrare come, al seguito della dedizione agli studi, un gran numero di persone divenga arrogante e superbo, perda la fede e si converta in materialista avido di commercio e di guadagno (magari con la scusa d’acquistare un maggior 25 numero di codici costosi). Consta inoltre che, al termine d’una vita ___________________ 21 Si veda quanto detto sopra, alla nota 3. Cf. Petrus Iohannis Olivi, Quaestio de beatificatione animae in hac vita, in: Id., Quaestiones de novissimis (ex ‹Summa super IV Sententiarum›), ed. Petrus Maranesi (Collectio Oliviana 8), pp. 65–112. La beatitudine è anche intellettuale; nella prolusione sullo studio accademico Olivi tiene a sottolinearlo. Ma non si dimentichi che, per lui, la beatitudine intellettuale non è che un livello intermedio di un intero che coinvolge i sensi, da un lato, e la volontà ‹ut dominus› dall’altro. 22 Cf. ibid., § 17, pp. 24–25. Olivi ricorre all’usato esempio della medicina: Cum in amara medicina nihil videtur diligibile, planum est quod non diligit eam nisi in quantum sanitatem diligit. Secus tamen esset si quis de se potum sapidum plus cupit quam sanitatem: patet quod dulcor illius potus movet eius appetitum propter se et non propter sanitatem (ibid., p. 25 [2–7]). 23 Ibid., p. 25 [7–10]: Videmus quod multi studentes nostri temporis ferventissimi sunt ad studendum et addiscendum, valde autem tepidi ad caritatem Dei et proximi et ad acquisitionem virtutum, quae utique sunt et esse debent finis boni studii. 24 Ibid., § 18. 25 Ibid., § 19, p. 25 [19–25]: Tertia ratio est: videmus enim quod frater longo tempore serviens leprosis aut infirmis aut in coquina, ut saepius, crescit ex hoc in simplicitate et humilitate et pietate et austeritate. E contra vero videmus multos ex studio litterarum fieri superbos et arrogantes, indevotos et carnales, garrulos et procaces, et negotiatores librorum et quaestores grandium pecuniarum pro multiplicatione librorum.

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dedicata alle lettere, chi vi si è così lungamente consacrato non ricordi con piacere la propria esistenza; anzi, nell’ora della morte, egli spesso se ne dolga amaramente – al contrario di quel che accade ai veri credenti, che hanno speso i loro giorni al servizio degli altri, trascorrendo un’umile 26 esistenza. Le obbiezioni fin qui avanzate possono venire superate a patto, rinterza Olivi, di ponderare con equilibrio la cosa.

IV. La dignità della grazia e l’indegnità della filosofia Le ragioni accidentali non vanno confuse con quelle sostanziali. Di conseguenza, argomenta il maestro, il fatto che da una cosa buona come lo studio possano derivare per accidens dei vizi, non intacca la bontà sostanziale del primo. È quindi opportuno mettere in luce qual è il modo corretto d’apprendimento e, infine, spiegare in che senso Cristo e i santi non si siano pressoché dedicati agli studî. Se si capisce il perché, infatti, si potrà evitare di pregiudicare che i cristiani, anche quelli idonei, non possano spendersi vantaggiosamente per la cultura, con profitto non solo 27 personale ma soprattutto comunitario ed ecclesiastico. Giunto a questo punto il maestro francescano stila un elenco di sette caratteristiche pertinenti alla perfezione dello studio. Il numero sette, anche qui, non è scelto a caso. La prima caratteristica è costituita dalla rilevanza: la materia di studio (scientialis ovvero doctrinalis) deve essere «necessaria». La perfezione è preclusa a chi investiga cose inutili o prive di frutto. Deve quindi venire presa in considerazione l’intenzione, la 28 quale ha da essere retta e focalizzata, anzitutto, ad Dei honorem e ___________________ 26 Ibid., § 20, p. 25 [26–32]: Quarta ratio est, quia vidimus quod praedicti, qui humilitatis et pietatis officia longo tempore pro Christo fecerunt, in hora mortis libentissime recolunt illa et maximam spem vitae aeternae concipiunt ex recordatione illorum. E contra vero videmus multos eorum qui longo tempore studuerunt, suum studium in hora mortis perhorrescere et de tanta occupatione sui in illo vehementer ingemiscere et dolere. 27 Ibid., § 21, pp. 25–26. 28 Senza addentrarmi nell’analisi del concetto d’onore in Olivi, mi permetto nondimeno di segnalare che per lui l’agire «per l’onore di Dio» va inteso, dopo l’avvento della Nuova Alleanza, in senso negativo e prendendo il genitivo «di Dio» in guisa di genitivo soggettivo. Non è che facendo qualcosa, ancorché con le migliori intenzioni, l’uomo dia corpo ad un riconoscimento che Dio possa

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secondariamente all’edificazione altrui. Olivi cita un famoso adagio tratto dal Commento al ‹Cantico dei cantici› di Bernardo di Clairvaux: il sapere coltivato per ottenere un titolo umano di onore (propter ambitionem […] dignitatis) si riduce a vana e colpevole curiosità. La vana curiositas allontana l’uomo dal fuoco della carità, all’opposto di quel che avviene nel caso dello studio condotto per onorare l’Imperatore dell’universo. La terza caratteristica, la ordinata affectio, ripropone, da nuova prospettiva, il legame tra l’attraente scientiale, da un lato, e ciò che è magis necessarium caritati. Più sottile da intendere è invece il quarto punto. Sul piano del sapere mondano non è possibile conseguire risultati affidabili se si rinuncia in partenza alle ricerche e agli insegnamenti altrui. «Colui che – scrive Olivi – desidera investigare ogni cosa dall’origine, da solo e senza l’aiuto né di un maestro (sine doctore) né del sapere stabilito (sine exteriori doctrina) dimostra di essere un pazzo». Solo ad un individuo onnisciente sarebbe accessibile una sovrana autonomia conoscitiva. Ma se questo è vero già sul piano del sapere mondano, lo è a maggior ragione sul piano della conoscenza teologica: Stultus est qui sine lumine divinae gratiae vult 30 penetrare divina. Il quinto elemento di metodo, conseguentemente, insiste sulla proporzione (proportionalis commensuratio) tra l’intelligenza individuale, l’erudizione opportuna e l’ausilio grazioso di Dio. Non a tutti è dato di approfondire gli aspetti ostici e i problemi più profondi, perché non tutti sono intelligenti allo stesso modo. Le dottrine elementari e, semmai, le questioni di morale sono le sole a rimanere aperte anche ai meno dotati, ai quali conviene arrestarsi alla superficie 31 della lettera biblica ovvero al senso morale della scrittura. ___________________ ricevere come omaggio. La prospettiva va rovesciata: l’«onore di Dio» (il solo che vale) è conferito da Cristo all’uomo, ch’Egli ha scelto per fare la volontà del Padre. Sull’equazione tra gli officia Dei hominis in natura assumpta e la oboedientia Christi, cf. Olivi, Quaestiones de incarnatione (n. 4), p. 52 [19–25]. 29 Olivi, De studio (n. 10), § 23, p. 26 [7–14]. 30 Ibid., § 25: Quartum est auxiliorum sufficientium debita requisitio. Sicut enim stulto labore teritur qui maria vult sine navi aut sine velo vel remige transmeare, aut qui sine debito lumine vult omnia circumspicere et videre, sic stultus est qui sine lumine divinae gratiae vult penetrare divina (p. 26 [22–26]). 31 Ibid., § 26: Quintum est proportionalis commensuratio sui studii, iuxta proportionem sui ingenii et divinae gratiae et devotissimae doctrinae extrinsece sibi assistentis. [… ] Unde quibusdam non expedit insistere inquisitionibus profundis et subtilibus, sed simplicibus et moralibus doctrinis. Et talibus est vacare

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L’ulteriore aspetto analizzato da Olivi è complessivo e riassuntivo: così nell’apprendimento come nella ricerca vale per lui la regola dell’ordine debito ovvero della gerarchia di criteri ermeneutici da mettere in atto di volta in volta. Gli articoli di fede e la Sacra Scrittura, per cominciare, rappresentano il fondamento più solido quoad se; sullo stesso piano, e tuttavia quoad nos, si situano l’orazione affettiva e la «devozione sperimentale». Segue, per ordine di validità, la ragione; e Olivi precisa: «la ragione tua e quella altrui» – nel caso del ragionare umano, infatti, la dimensione dialogica e la comunicazione sono imprescindibili. Su di un grado inferiore, infine, sta l’autorità non divina, che si articola, con valore decrescente, dalla venerabile autorità dei 32 dottori cattolici a quella, infima, del pagano Aristotele. Invertire quest’ordine equivale a stravolgere la gerarchia del valore, 33 come Olivi motiva ripetutamente. Se i filosofi hanno detto qualcosa di vero e di buono se ne tenga conto ma, trattando gli autori come illegittimi possessori di un patrimonio utile alla condotta di fede, si sceveri la verità dal letame dell’errore (absque palea et faece errorum). La ragione dimostrativa non è mai in grado di certificare la nostra comprensione, salvo che in regioni particolari delle scienze empiriche, le quali non riguardano tuttavia un oggetto nobile del sapere. Nelle conoscenze d’alto valore l’iniziativa spetta a Dio, che aiuta l’intelligenza dimentica di sé, quella veramente umile, e la colma di quel sapore spirituale (gustum spiritualem) che assicura ciascuno del possesso dell’ausilio divino: «La sapienza – ribatte Olivi – ci viene da Dio, non da 34 noi stessi». Il maestro giunge così alla settima ad ultima caratteristica del ___________________ soli textui sacro secundum exteriorem corticem vel moralem medullam quam profundis gurgitibus quaestionum (pp. 26[30]–27[2]). 32 Ibid., § 27: Et ideo tam in exercitando quam in innitendo omnino perverterunt ordinem qui plus innituntur dictis Aristotelis aut ceterorum philosophorum paganorum vel mundanorum quam dictis doctorum catholicorum, dictaque magistrorum modernorum praeferunt dictis sanctorum, dictaque sanctorum extra canonem praeferunt canoni Scripturarum sanctarum (p. 27 [7–13]). 33 Ibid., §§ 28–29, pp. 27–28. 34 Ibid., p. 28 [6, 9–16]: Constat quod sapientiam Dei potius habemus a Deo quam a nobis. [… ] Praeterea ratio etiam illa quae est demonstrativa non plene certificaret intellectum nostrum nisi in aliquo sensibili esperimento veritatem terminorum expediatur. Veritatem autem supernaturalium principiorum et terminorum nostrae fidei non possumus experiri per sensum alium quam per gustum spiritualem. Et ideo nemo sine ipso perfecte certificatur et illustratur de supernaturalibus et superintellectualibus nostrae fidei.

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buon sapere: la correlatio studii ad virtutes, ossia la coordinazione tra la beatitudine intellettuale e le restanti virtù cristiane, sicché l’uno non possa andare a detrimento delle altre.

V. La dignità umana fondata sul nesso nobilissimo Rimane da capire in che senso l’esempio «illetterato» di Cristo e dei primi santi, pur rappresentando il modello eccellente da imitare, non costituisca un’obbiezione allo studio inteso nel modo appena delineato. Anche qui le ragioni sono sette e vanno dalla testimonianza del ‹De doctrina christiana› agostiniano alla nozione di sussidiarietà, dall’esegesi 35 di passi neo-testamentari a preoccupazioni pedagogiche. Per il nostro proposito due giustificazioni risultano particolarmente interessanti: l’una fa leva sul concetto di dignità della condizione umana, mentre l’altra postula la necessità, per la crescita spirituale dell’uomo, della dimensione sociale. Analizziamo dapprima quest’ultima. Il legame della carità che unisce il maestro all’allievo, nella trasmissione del sapere, viene significativamente definito da Olivi nexus nobilissimus. In questo caso è in gioco il paradigma cristologico del doctor spiritualis, sul quale – 36 in altra sede – mi è accaduto di richiamare l’attenzione. Il nesso tra discepolo e maestro permette una comunicazione spirituale che, in tanto è frutto di carità, in quanto si assimila al nesso tra il credente e il «dottore comune» Cristo. L’aggettivo «nobilissimo» rimanda alla relazione umano-divina che mantiene il Verbum Dei come referente. L’argomento, come si può agevolmente osservare, non è privo di saldo legame con il precedente. Una premessa del ragionamento d’Olivi, ___________________ 35 Ibid., § 39: Septima est ratio, quia secundum hoc iste tantum, qui per solam Dei revelationem edoctus est, irrationabiliter affectat aliis exponere illa quae sibi sunt revelata; sed potius debet eos remittere Deo, ut a solo Deo illa addiscant, sicut et ipse fecit. Hae quidem sunt rationes Augustini (p. 30 [11–15]). 36 Mi permetto di rimandare a Robiglio, Andrea, La sopravvivenza e la gloria. Appunti sulla formazione della prima scuola tomista (sec. XIV), Bologna 2008, pp. 55–72, segnatamente p. 70. Il passo di Olivi recita: Ex hoc tolleretur quidam nobilissimus nexus caritatis inter homines quo doctor spiritualis suum animum refundit in discipulum, ita cum Paulo dicatur (I Cor. 4, 15): ‹In Cristo Iesu per evangelium ego vos genui›; et quo discipulus audiendo et assentendo et tandem venerando et imitando dulciter refundit suum animum et affectum in magistrum (pp. 29 [33]–30 [3]).

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rimasta implicita nell’ellittica tessitura della prolusione, merita di venire esplicitata. Se è vero che, in conseguenza del peccato originale, la natura umana ha perso la propria dignità, l’uomo conserva comunque la somiglianza con il suo Creatore. Questo non è un postulato antropomorfico, bensì teomorfico, perché non deriva dall’antropologia dell’Olivi quanto piuttosto dalla sua teologia: il fondamento di tale sapere, proprio perché ha da essere saldo, è costituito dalla rivelazione, la quale esce garantita dall’‹autorship› divina. Anche decaduto, l’uomo mantiene un titolo preziosissimo di nobiltà, sebbene esso non possa mai essere pienamente acquisito in via. La dignitas umana è perciostesso virtuale; essa consiste nella «possibilità» d’assimilarsi a Cristo, svuotandosi della propria individualità fittizia ed accettando, paradossalmente, di rappresentare l’unica autentica singularitas, della quale le altre individualità non sono che identificazioni minori. L’uomo, di conseguenza, è creatura nobilissima in quanto è un «Cristo possibile». Tale principio impedisce di considerare la natura umana completamente abietta, perché ciò si tradurrebbe in un’attribuzione d’abiezione allo stesso Figlio di Dio, uomo-Dio. Fatta questa premessa, il ragionamento del maestro risulta cristallino: qualora Dio avesse limitato per sé e per gli angeli l’amministrazione della grazia agli uomini, Egli avrebbe con ciò dimostrato l’abiezione della condizione umana. L’uomo santo sarebbe un mero prodotto, 37 completamente passivo, dell’azione dell’«ordine superiore». L’uomo di carne ed ossa non potrebbe perciò essere, contrariamente all’insegnamento paolino, il tempio dello spirito, si Deus de humano templo 38 responsa non redderet. La nobiltà della condizione umana, in maniera ___________________ 37 Vanno tenuti distinti, qui, due tipi di passività: quella che è svuotamento e annichilamento (come nel caso del soggetto umano che riceve la grazia di Dio) e quella che è assenza di vita e attività autonoma. Nel secondo caso non si potrebbe neppure parlare di «ricevere» in senso proprio. Ad un uomo privo di sensi è possibile donare una bottiglia, anche se egli non può fare nulla per procurarsela; invece un tavolo non riceve la bottiglia: quest’ultima vi è semmai posata sopra, ma non donata (se non in senso improprio). Qualche spunto, a questo proposito, in Boulnois, Olivier, Sans qualités. Le moi pauvre selon Augustin, Bernard, Eckhart, in: Compléments de substance. Études sur les propriétés accidentelles offertes à Alain de Libera, a cura di Christophe Erismann, Alexandrine Schniewind, Paris 2008, pp. 309–310. 38 Ibid., § 36: Quia si Deus solum per se et per angelos, non autem per homines, sua verba hominibus ministraret, nimis esset abiecta humana condicio. Nec videretur

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analoga a quanto visto in precedenza, si cela in una sorta di trasparenza cristiana. Dio, che parla attraverso l’uomo, santifica quest’ultimo e lo rende la più nobile tra tutte le creature. La concezione gerarchica dell’essere sta al cuore della concezione di 39 Olivi, come dimostra l’impiego ch’egli fa del principio di eminenza. Ma si tratta di un paradigma del continuo piuttosto che del discreto, teocentrico piuttosto che assiologico, in cui il termine assoluto comanda l’articolazione di tutti i termini subordinati, in maniera solo proceduralmente mediata, ma immediata, in realtà, dal punto di vista 40 formale. La personalità «sufficiente», pienamente affidabile, garante dell’ordine e priva d’intrinseca disparità, è nientemeno che di Dio stesso. A Lui spetta l’iniziativa della relazione con il mondo. Il legame tra Dio e mondo, posto da Dio nell’atto creativo, abilita le creature ad assimilarsi progressivamente all’ordine espresso dalla divina singolarità. La funzione del modello cristologico, in tale concezione, assume una portata decisiva e strutturale, tanto più marcante quanto più la gerarchia fondamentale 41 asseconda il modo della continuità. La prolusione ‹De studio›, con ___________________ homo sanctus esse sanctum templum Dei, si Deus de humano templo responsa non redderet (p. 29 [28–32]). 39 Ibid., § 40. 40 Si veda la q. 51 ‹An sensitiva hominis sit a generante›, in Olivi, In secundum librum Sententiarum, ed. Bernardus Jansen, vol. 2 (Quaestiones 49–71), Grottaferrata 1924, pp. 101–135. Olivi ricorre ad una metafora botanica a lui cara, quella dell’innesto: la stessa che Dante Alighieri utilizzerà, nel quarto libro del ‹Convivio›, per ragionare di nobiltà. Attraverso il modello dell’innesto successivo e perfettivo il francescano propone una figura concettuale originale per pensare la nobilitazione e spiritualizzazione progressiva (non però la dematerializzazione) della realtà naturale ed umana. Non mi pare che la presenza di passi oliviani interpretabili anche assiologicamente metta in crisi la predominanza del modo della continuità (che avrà del resto una vivacissima fortuna proprio nella tradizione francescana del secolo successivo, si pensi al caso rappresentato da Giovanni di Ripa). Un esempio d’affermazione leggibile in termini assiologici e «discreti» è invece il seguente: potestas regalis et sacerdotalis sunt de nobilissimis universi. Cf. Delorme, Ferdinand, Question de P. J. Olivi ‹Quid ponat ius vel dominium› ou encore ‹De signis voluntariis›, in: Miscellanea historica P. Livario Oligier septuagenario ab amicis et discipulis oblata, in: Antonianum 20 (1945), pp. 309–330; citazione da p. 317. 41 Sul duplice registro della nozione di gerarchia, quello del continuo e l’altro del discreto, cf. Kolnai (n. 17), pp. 170–171.

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motivo comune, si chiude per l’appunto sul tema della gloria del Verbo: Et videbimus gloriam eius, gloriam quasi unigeniti a Patre, plenum 42 gratiae et veritatis, in saecula saeculorum.

VI. La priorità della testimonianza autorevole nella costituzione del sapere Nel testo esaminato nei paragrafi precedenti il lessico della nobiltà si attiva in riferimento a Cristo, visto come modello della perfetta umanità. Due aspetti vanno sottolineati. Anzitutto la portata della tematica, che attraversa gli scritti dell’Olivi e riceve plurime conferme da altri luoghi della sua opera. Si pensi, ad esempio, alla ‹Quaestio› oliviana ‹de merito Christi Redemptoris›. Le similitudini maggiormente sviluppate cospirano a forgiare una nozione di nobiltà d’importanza decisiva per lo sviluppo delle differenti applicazioni. In secondo luogo, Olivi smantella de facto la struttura speculativa di tipo aristotelico, quella che poneva una proporzionalità indiretta tra la perfezione della conoscenza e la perfezione di ciò che è conoscibile. In filosofia, infatti, le cose più alte sfuggono alla presa sicura della conoscenza, la quale risulta invece efficace nel cogliere con successo le realtà elementari o inferiori. Ciò che è primo quoad se è ultimo quoad nos, e viceversa. Per il maestro invece ciò che è davvero primo nella realtà lo è anche nella vera conoscenza, che non è quella dei gentili, bensì quella del «crocefisso e dell’umanato». Nella quinta questione del terzo ‹Quodlibet›, ancorché con piglio sintetico, Olivi sostituisce al modello speculativo aristotelico la propria interpretazione del paradosso evangelico. Vediamo come. Il problema affrontato è quello della reductio ad unum: Quid est in quolibet genere idem unum minimum quod est mensura omnium illius 43 generis, an scilicet sit species specialissima. Il teologo, per prima cosa, risemantizza il ‹minimum› e lo intende come ciò che è intensivamente

___________________ 42 Olivi, De studio (n. 10), § 48, p. 33 [19–21]. Come il lettore coglie subito, la reminiscenza biblica sottesa è un passo che, insieme a quello paolino di Eph. I 10, riaffiorerà in alcuni snodamenti cruciali dell’opera oliviana: Io. I, 14–16. 43 Petrus Iohannis Olivi, Quodlibeta quinque, ed. Stephanus Defraia (Collectio Oliviana 7), Grottaferrata 2002, III, q. 5, pp. 180–183.

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ricco, contrapposto al maximum meramente estensionale. In secondo luogo, riconduce la problematica dal suo contesto scolastico standard, costituito dal primo capitolo del libro X della ‹Metafisica› aristotelica, al primo libro dell’agostiniano ‹De vera religione› (cap. 30). Egli introduce infine un’analogia che, dopo quanto abbiamo letto fin qui, non deve più stupire: «La vita perfettissima del Cristo vale come misura di perfezione 45 per la vita dei santi» e degli esseri umani tutti. Quanto precede comporta che non si adotti, come modello per la conoscenza perfetta, il paradigma intellettualistico e «speculativo», bensì quello «fideistico». Il punto delicato sta tutto nel cogliere la struttura precisa di tale paradigma, secondo cui il nostro autore articola la dimensione della conoscenza di fede. Non si tratta, dico subito, di un fideismo fondato su di un’opzione irrazionalistica. E neppure si ha a che fare con un volontarismo che avrebbe la meglio sulle ragione contrarie dell’intelletto. Nella concezione «fideistica» di Olivi è la questione della nobiltà che, ancorché ciò non sia evidente a prima vista, gioca un ruolo fondativo. Prendiamo il discorso un po’ alla larga. La presenza del vocabolario rivelatore è l’indizio più visibile, sebbene non unico, dell’importanza rivestita dalla problematica della nobiltà. Non solo è all’opera un 46 concetto assai elaborato di gerarchia, ma lo stesso tipo d’illustrazione risponde ad una gradazione lessicale. Le categorie privilegiate, ogniqualvolta l’autore le vuole descrivere o utilizzare, sono integrate nelle immagini della verticalità, dell’alto e del basso, del nobile e dell’ignobile. Un caso paradigmatico è quello offerto dall’analisi del concetto di 47 voto. Nel votum accade l’intensificazione e la manifestazione esemplare della concezione oliviana del volere umano, il quale costituisce il fondamento dell’intelligenza e delle altre funzioni razionali. Come più tardi per Descartes – e sebbene in maniera diversa da quest’ultimo – per ___________________ 44 Ibid., p. 180 [10–13]: Mensura debet esse unigenea, et etiam debet esse certissima, quanto autem generalior, tanto minus certa. Non etiam est genus generalissimum, quia hoc est maximum; illud autem debet esse minimum. 45 Ibid., p. 182 [61–62]: Perfectissima vita Christi est mensura perfectionis vitae sanctorum. 46 Riprendo qui la nozione d’illustrazione delineata da Perelman, Chaȓm, OlbrechtTyteca, Lucie, Trattato dell’argomentazione. La nuova retorica, Prefazione di N. Bobbio, Torino 2001, pp. 377–383. 47 Per una messa a fuoco della questione, cf. Boulnois (n. 1).

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Olivi è la volontà l’apex mentis, il punto di contatto tra il divino e l’umano. La fede, che germina dalla volontà, non ha perciò motivo di porsi come conoscenza inferiore rispetto alla visione intellettuale o all’argomentazione sillogistica. Il voto, dal canto suo, poiché ingaggia la volontà integralmente, è capace di evidenziare meglio di qualsiasi altro atto razionale le conseguenze filosoficamente più rilevanti. Si tratta, per cominciare, delle condizioni di possibilità della promessa: la permanenza del soggetto attraverso il tempo, il valore della parola data, il fondamento della fiducia sociale, la validità della testimonianza. L’affermazione del primato della libertà-possibilità è inoltre solidale con l’accento posto sulle nozioni d’autonomia, autarchia, sufficienza, existentia dominativa se ipsam possidens. Com’è facile notare, le qualifiche ora ripercorse sono quelle stesse che ritornano nella quaestio de nobilitate, segnatamente in discussioni come quella che si rintraccia 48 nel ‹Le Miroeur des simplex ames› di Margherita Porete. Il vocabolario oliviano, in questi casi, non sottolinea tanto la dimensione ontologica del «valore», ma insiste sull’idea di capovolgimento ovvero sul paradosso della debolezza che è vera forza, della povertà che si converte nell’unica ricchezza autentica. La lettera oliviana, immaginifica e continuamente nutrita di Scrittura, cospira efficacemente a tratteggiare i lineamenti del modello di nobiltà. Nobile è colui che testimonia il vero ed assurge così a garante della certezza, massime della certezza più alta, quella che riguarda le cose del Padre. Costui non può che essere il Figlio di Dio, l’unico vero maestro, 49 colui che garantisce l’unità della Chiesa, l’autenticità del canone, la sicurezza della rivelazione e, come la luce piena del giorno, staglia lontane da sé le ombre dell’errore e dell’eresia. Una volta raccolte le

___________________ 48 Per un percorso attraverso la concezione della Porete, la quale presenta forti analogie con la descrizione oliviana, cf. Meliadò, Mario, La dottrina mistica della nobiltà: Margherita Porete e Meister Eckhart, in: Rivista di Ascetica e Mistica (2008, 2/3), pp. 417–461. 49 Sul tema di Cristo garante del canone, mi permetto di rimandare a: Robiglio, Andrea A., A Thomistic Ring to Scotus’s Hermeneutics? The ‹Doctor Communis›, John Duns Scotus, and the Will, in: The Opera Philosophica of John Duns Scotus. The Quadruple Congress on John Scotus, I, a cura di M.B. Ingham e O.V. Bychkov (Archa Verbi, Subsidia 3), Münster 2010, pp. 57–78.

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insegne della nobiltà nell’exemplum Christi, Olivi impiega questo 50 «modello» come pivot del ragionamento teologico e pastorale. Com’egli spiega ai figli del re di Napoli, Carlo II d’Angiò, trattenuti prigionieri in Aragona, la «regalità» sta nel contemplare i crucis Christi magnalia e nel comprenderne la normatività. Le metafore marziali, l’immagine del duello come legittimazione e nobilitazione (non coronabitur, nisi qui legitime certaverit), il tema della costanza tra i pericoli, il concetto di ordo tanto militare quanto celeste, precipitano insieme, come in una reazione chimica, per produrre la nozione di 51 regalità: Agnus vincet illos tanquam rex regum et dominus dominorum. Il vero sovrano è colui che imita Cristo e, come Lui, si fa magnanimo, padrone di sé, assolutamente responsabile e capace di distacco; padrone della storia anche quando, agli occhi dei mortali, egli appare vittima degli eventi, reietto e disconosciuto. L’onore è un elemento chiave del ragionamento, ma si tratta di un’accezione «spirituale» della nozione che 52 capovolge quella mondana e la metamorfosa radicalmente. L’esempio del miles è ricorrente. Esso compare nella già ricordata ‹Quaestio de merito Christi›, laddove le idee di condignitas e potestas risultano essere i frutti di un innesto ben riuscito. Non, si badi, quello dell’azione virtuosa del cavaliere, valida per procurare a quest’ultimo, ratione sui operis, un riconoscimento sociale e mondano (dignitatem seu potestatem accipere in regno). L’innesto produttivo è quello ___________________ 50 Olivi, come altri autori scolastici, fornisce materiali interessanti a suffragio di quel genere di argomentazione che è stato definito, appunto, «per mezzo del modello». Cf. Perelman, Olbrechts-Tyteca (n. 46), p. 389. Il modello è attivo anche nei frequenti «ragionamenti per analogia», dove esso riveste il ruolo di «foro» supremo con cui si correlano, di volta in volta, i diversi «temi». 51 Il testo dell’epistola di Olivi a cui mi riferisco, risalente all’anno 1295, fu edito da Franz Ehrle in appendice alla sua pionieristica monografia sulla vita e gli scritti del pensatore francescano. Cf. Petrus Iohannis Olivi, Epistula ad regis Siciliae filios, in: Archiv für Literatur- und Kirchengeschichte des Mittelalters 3 (1887), pp. 534–540. 52 Multoque honorabilius – scrive il frate ai figli del re Carlo d’Angiò – michi fore censerem, si vos existentes in humili visitarem et familiatorie deservirem, quam si in vestri regni gloria exaltatos prosequerer obsequiis quibuscunque. Hic enim nostri minoratus gloria tenebrescit et periclitatur et toti orbi ambicionis et cupiditatis dehedificatoria species et imago monstratur, nisi sequela huius virtuosissimis et praeclariis circumstantiis adornetur; illic vero humilitas et pietas gratitudinisque fidelitas prima fonte relucent [… ] (Olivi, Epistula (n. 51), p. 538).

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dell’eminenza, della dignità del signore: Ex decentia seu exigentia 53 nobilitatis et excellentis bonitatis ipsius regis. Il riferimento alla magnanimità, a sua volta, risveglia il ricordo 54 dell’opuscolo ‹Miles armatus›, un testo per molti versi singolare. In questo breve scritto si ritrovano, affratellati nell’iconologia del cavaliere in armatura, i temi dell’opportuna singularis et superexcessiva fiducia in Christo et eius promissis et verbis e della constantia impavida et magnanimitas nihil dubitans. Quest’ultima, nella versione in volgare, viene recitata: «Costancia senes paor e de sobre gran cor, lo qual no dupta re ad esvasir sol que cresa que placia al seu amic». La risonanza con il lessico trobadorico del valore è intenzionale e fortissima.

VII. Il circolo della nobiltà: chi è affidabile merita fiducia Conviene compiere, a questo punto, una breve sosta sull’espressione latina fiducia, traduzione del provenzale «fizansa» che, a sua volta, ___________________ 53 Olivi, Quaestiones de incarnatione (n. 4), p. 98 [22–24]. Olivi chiarifica ulteriormente nelle righe che seguono: Et cum hoc decentia seu exigentia amicitiae et gratiae, ad quam primo liberaliter acceperat militem suum; ita quod opus et strenuitas militis non pensabitur absolute, nec quasi opus aut virtus solius militis, sed pensabitur velut opus factum tam magnifico regi et tamquam factum a milite in tanta gratia prius a rege suscepto, et ad hoc opus ab ipso rege magnificis et largissimis promissionibus destinato (pp. 98–99). La similitudine non permette equivoci: è la vehementia dell’elezione divina a costituire il fondamento della dignità umana. L’uomo che, volendo svuotarsi della propria volontà, non pone resistenza all’azione divina è divinizzato allo stesso modo in cui Cristo si è umanizzato, sicché Deus Deo nihil debet negare. 54 L’opuscolo ci è trasmesso in due versioni, latina (‹Miles armatus›) e provenzale (‹Cavalier armat›, costituente verosimilmente il testo originale); si tratta di un breve scritto d’argomento cavalleresco, già oggetto dell’attenzione di Raoul Manselli. La tradizione manoscritta è stata recentemente esplorata con cura da Antonio Montefusco, in una Tesi ancora inedita che ho avuto il privilegio di consultare grazie alla generosità di Sylvain Piron, che qui ringrazio. Il lettore può intanto tenere presente: Montefusco, Antonio, Un testo francescano multimediale: lettura del Miles armatus/Cavalier armat di Pierre de Jean Olieu, in: La parola del testo (2005, 2). Per l’edizione del testo provenzale si veda anche: Manselli, Raoul, Da Gioacchino da Fiore a Cristoforo Colombo. Studi sul francescanesimo spirituale, sull’ecclesiologia e sull’escatologismo bassomedievali, a cura di P. Vian, Roma 1997, pp. 416–420.

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risuona nella «fidanza» dilatata della ‹Divina Commedia›. L’espressione mette a tema la fede come fiducia, cioè come dono amicale e promessa di prossima unione; l’espressione italiana «fidanzamento», che rimbalza 56 subito all’orecchio, è parente stretta della fiducia latina. Un elemento essenziale della nozione di nobiltà, in Olivi, prende forma come fiducia; ma non si tratta d’una fiducia cieca, arbitraria, nemica e antagonista delle «ragioni». Si tratta, al contrario, di una qualità che certifica le ragioni e abilita la stessa ragione umana a scoprire la fonte della certitudo. Con uno scatto che, perché profondamente tessuto d’intertestualità evangelica ed agostiniana, potrebbe dirsi quasi pascaliano, Olivi non fa che trarre le conseguenze da un principio semplicissimo: Dio è l’essere nobilissimo, creatore del cielo e della terra, delle cose visibili e invisibili. Di fronte ad un signore che, attraverso il suo figlio, si rivela all’uomo e, nonostante la miseria di quest’ultimo, lo «assume» come proprio coerede, il sospetto o la mancanza di fiducia costituirebbero un’autentica villaneria. «Noblesse oblige». Impossibile est – insegna Olivi – Deum aliquid indecens et inordinatum velle et facere, hoc enim contradicit suae 57 summae decentiae et suo summo ordini. La superiorità, allorquando sia di natura spirituale come quella d’ogni libertas praedominativa, obbliga 58 ciò che le è inferiore. Possiamo avviarci ora alla conclusione, riassumendo i punti salienti del percorso. Una volta stabilita «per negationes et per sapientiam mysticam» la nobiltà di Dio, con un argomento distinto ma non dissimile da quello elenchico, Olivi dispone del fondamento per giustificare la superiorità della rivelazione cristiana – e quindi della Scrittura – rispetto alla ragione umana e filosofica. La rivelazione biblica offre all’uomo la verità dell’incarnazione, con il corteo di corollari cosmologici ch’essa ___________________ 55 Cf. Paradiso, XXII, 55. 56 Sulla fiducia come affidabilità, in un contesto teologico generale, rimando al volume: Sequeri, Pierangelo, Il Dio affidabile. Saggio di teologia fondamentale, Brescia 2000. Qualche elemento di metodo, per il contesto medievale, lo si rintraccia invece nel volume di saggi: La fiducia secondo i linguaggi del potere, a cura di Paolo Prodi, Bologna 2007, segnatamente le pp. 53–72. 57 Olivi, Quaestio de beatificatione (n. 21), p. 98. 58 Cf. Olivi, In secundum librum Sententiarum (n. 3), q. 115 ‹Quomodo originale peccatum probari valeat per Vetus et Novum Testamentum›, p. 323: Non omnis superioritas exigit quod inferiora in nullo sibi resistant, sed solum illam cuius libertas est praedominativa.

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comporta. L’incarnazione, contrariamente all’impianto scolastico tradizionale, precede logicamente e comanda la conoscenza della stessa 59 esistenza di Dio. L’uomo, a questo punto, è capace di guadagnare la certezza di sé, della propria dignità, anche della propria ragione, ma non grazie ad una qualche ratio obiectiva (che non si dà), ma in forza della libera fiducia nella condignità guadagnatagli da Cristo. La volontà, con un accento che anticipa un motivo delle cartesiane ‹Meditationes de prima philosophia›, appare come la facoltà umana dell’assoluto in quanto è essa facoltà assoluta. In quanto libero di volere, in quanto volontà, l’uomo ha titolo ad entrare in «ineffabile amicizia» con Dio: Maior autem non potest esse, 60 nisi habeat libertatem. Il tema dell’amicizia con Dio è tradizionale, ma viene declinato dall’Olivi con piglio personale: dall’ineguaglianza, dalla povertà, dall’estrema longitudo a Deo, l’electio divina, per mezzo di Cristo, apre all’uomo la aequalitas amicitiae. Ciò che è minimo (la ragione sul livello antropologico, la materia su quello cosmologico) si riconosce tale quando viene posta la distanza infinita che lo allontana dalla pienezza e perfezione. Tuttavia, in quanto esso può venire assunto da ciò che è nobilissimo, ciò che è minimo può adeguarsi alla misura assoluta del valore. Il formidabile motivo paolino della ƪƝƭƹƳƩƲ, che tanta parte avrà nella filosofia europea degli ultimi due secoli, mette sotto pressione alcuni ___________________ 59 Cf. Petrus Iohannis Olivi, Quaestiones de virtutibus, q. 9, ed. Ernestus Stadter, Grottaferrata 1981, pp. 316–357: Quaeritur an fides primo et principaliter innitatur alicui obiecto et per illud aliis, vel omnibus aequaliter et uniformiter. Leggiamone insieme un brano eloquente: Si non debeo credere Deum vel credere Deo, nisi ratione probetur, ergo non teneor nec debeo sibi inniti plus quam mihi et meae rationi, immo plus debeo inniti rationi meae et illi principio, per quod probo Deum esse et per quod probo esse vera illa, quae Deus vult me credi. Quod est absurdissimum, quia secundum hoc nunquam me habeo ad ipsum sicut a principium, nec sum sibi totaliter subiectus sicut summo dominatori, nec sequor eius legem et regulam tamquam primam et summam, nec eius volutati oboedio absolute, sed solum sub conditione, scilicet si prius mihi hoc probaverit per rationem (p. 323). Come il maestro ribadiva nella prolusione ripercorsa in apertura (cf. § 4), porre la ragione umana quale criterio della rivelazione comporta un peccato di lesa maestà, un pervertimento della giusta scala di valori, un misconoscimento di ciò che è nobile. 60 La categoria di amicizia visita, non a caso, il poderoso trattato di Olivi sul libero arbitrio, costituito dalla q. 57 in II Sententiarum: Olivi, Quaestiones (n. 40), pp. 305–394; citazione da p. 334.

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principi speculatici classici, come quelli dell’eminenza, della riconduzione all’unità in ciascun genere, della partecipazione e 61 comunicazione dell’essere. La quaestio de nobilitate, ancorché da prospettiva singolare, ci conduce così al cuore dell’esperienza speculativa oliviana, laddove conviene chiudere queste pagine, sulla soglia di temi che esulano non solo dalle ambizioni di questi appunti, ma soprattutto dalle competenze di chi scrive.

___________________ 61 Per un orientamento, tra i molti possibili, si veda Tomatis, Francesco, Kenosis del logos. Ragione e rivelazione nell’ultimo Schelling, Roma 1994, p. 302, n. 28. Se non sono infondate le cose osservate in questi appunti, affermazioni come quella di Dawe, Donald G., The form of a servant. A historical analysis of the kenotic motif, Philadelphia 1963, p. 22 (che la concezione medievale della ƪƝƭƹƳƩƲ, cioè, venne determinata dalla concezione greca dell’essere), si rivelano essere dei veri e propri fraintendimenti. Sul versante biblico-esegetico si apprende molto dalla lettura di Loofs, Friedrich, Das altkirchliche Zeugnis gegen die herrschende Auffassung der Kenosis-Stelle (Phil 2, 5–11), in: Id., Patristica, a cura di H.C. Brennecke, Berlin 1999, pp. 1–91; il saggio di Loofs risale al 1927.

Olivi et le formalisme ontologique. Lectures d’Aristote, d’Averroès, et critique d’Albert ? Catherine König-Pralong (Fribourg)

Vers le milieu du siècle dernier paraissaient plusieurs études relatives aux aspects philosophiques de la pensée d’Olivi et à sa lecture des philoso1 phes – notamment l’importante monographie d’Efrem Bettoni. Sous cette impulsion le célèbre petit traité programmatique et pamphlétaire ‹De perlegendis philosophorum libris› a été replacé dans l’ensemble de la production littéraire olivienne et l’entreprise intellectuelle d’Olivi inscrite e dans le monde des débats scolastiques de la fin du XIII siècle, autour de la philosophie et nourris par elle. Débarrassés du spectre de l’antiphilosophisme, les spécialistes établissent peu à peu la carte des positions 2 philosophiques et théologiques d’Olivi. Ils s’intéressent désormais aussi ___________________ 1

2

Bettoni, Efrem, Le dottrine filosofiche di Pier di Giovanni Olivi (Pubblicazioni dell’Università cattolica del S. Cuore. Nuova serie 73), Milano 1959. En même temps : Bettini, Orazio, Olivi di fronte ad Aristotele, dans : Studi Francescani 55 (1958), pp. 176–197. Une quinzaine d’années plus tard : Burr, David, Petrus Ioannis Olivi and the Philosophers, dans : Franciscan Studies 31 (1971), pp. 41– 71. Plusieurs spécialistes ont par ailleurs indiqué des proximités et des emplois d’Averroès par Olivi. Comme le résume Schneider, Theodor, Die Einheit des Menschen (Beiträge zur Geschichte der Philosophie und Theologie des Mittelalters. Neue Folge 8), Münster 1973, pp. 243–244 : «Schon J. Wieser und M.J. Scheeben haben die sachliche Nähe dieser Position Olivis zu ‹Averroes› angesprochen, und auch Bettoni führt aus, dass Olivi in seiner Abwehr der Einheitsthese sich die Hauptargumente der Averroisten zu eigen machte, wenngleich dies eine Art Allianz mit dem ‹Teufel selbst› war». Au vu de ces considérations, il paraît indiqué de distinguer les usages d’Averroès des doctrines ou des adhésions averroïstes. Cependant, la position idéologique d’Averroès est tout à fait intéressante chez Olivi : comme nous le verrons, Averroès est souvent moins erroné qu’Aristote selon Olivi.

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aux modalités concrètes et aux évolutions de la lecture olivienne des phi3 losophes. D’autre part, l’antithomisme d’Olivi a été affiné, prenant le visage d’un a-thomisme spécifique, quand des proximités sporadiques 4 entre les deux théologiens n’ont pas été soulignées. Je reprendrai ici le dossier de la lecture des philosophes par Olivi. Je m’intéresserai à un problème en particulier, dans le dessein d’approcher sa pratique concrète de lecteur. Si Sylvain Piron nous a proposé un portrait d’Olivi en théologien, je tenterai une esquisse d’Olivi en lecteur des philosophes. À cet égard, la ‹Summa quaestionum in Secundum Sententiarum› est une œuvre particulièrement intéressante déjà du point de vue formelle et documentaire : Olivi y expose les étapes de ses raisonnements. Avec profusion et dans les détails, il établit la carte des nombreuses positions en débat et explicite souvent ses motivations théoriques – pourquoi et contre qui il écrit – sans toujours trancher. Cette tournure critique du discours scolastique, associée à un éloignement par rapport à la lettre des ‹Sentences›, donne naissance à un nouveau genre littéraire qui fleurira ___________________ 3

4

Piron, Sylvain, Olivi et les averroïstes, dans : Les sectatores Averrois. Noétique et e e cosmologie aux XIII -XIV siècle, éd. D. Calma, E. Coccia (Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie 53), Fribourg 2006, pp. 251–309. Au sujet de l’intérêt d’Olivi pour la philosophie et de la situation intellectuelle et temporelle de la (courte) phase (1277–1279) de ses invectives anti-philosophiques, voir en particulier pp. 258–260. Dans l’Empire du livre (Histoire 85), Paris 2007, Alain Boureau fait un panorama peuplé et différencié du monde scolastique : Olivi y apparaît dans de multiples discussions et débats prenant corps dans la texture de la lectio de la Bible, des Pères et des philosophes. Dans L’histoire de Pierre Olivi (Vestigia 22), Fribourg/Paris 1997 [1976], pp. 149–179, David Burr étudie deux thématiques philosophiques controversées et leur traitement par Olivi : la question anthropologique et celle des catégories. Tiziana Suarez-Nani a par exemple souligné l’accord de faits (plutôt que d’intentions) entre Olivi et Thomas d’Aquin au sujet de l’identité de l’essence de la matière et de sa puissance. Voir son Introduction à Pierre de Jean Olivi, La matière (Translatio), Paris 2009, pp. 30–31. De telles accointances ne sont pas rares et elles ont été relevées par les spécialistes aux détours de leurs études. Au sujet de la problématique anthropologique, Schneider (note 2), p. 226, affirme même un accord avec Thomas au sujet de l’adoption d’un aristotélisme strictement défini : « [… ] zeigt sich doch auch hier deutlich, wie Olivi mit Thomas einig war in der Verwendung eines strengen aristotelischen Hylemorphismus». Bettoni (note 1), p. 376, constate également la parenté de la solution anthropologique olivienne avec celle de Thomas.

Olivi et le formalisme ontologique

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chez Guillaume de Ware : la somme de questions disputées sur les ‹Sen5 tences›.

I. Aristote et Averroès Le lieu philosophique discuté par Olivi dont il sera question ici est le chapitre 10 du célèbre livre Zeta de la ‹Métaphysique›. Aristote y traite de la définition : la définition des substances composées – en particulier des espèces naturelles – comporte-t-elle la mention de parties matérielles ou au moins une référence implicite à la matière, ou bien est-elle composée exclusivement des parties formelles de la chose définie ? Aristote semble opter pour la solution formaliste. Il présente deux exemples paradigmatiques : la syllabe ba et ses constituants b et a d’une part, le cercle divisé en deux demi-cercles d’autre part. Le premier cas, celui de la syllabe, illustre le modèle définitionnelle : l’articulation conjointe de b et a forme et réalise la syllabe ba, c’est pourquoi les parties qualitatives et formelles que sont b et a entrent nécessairement dans la définition de la syllabe ba ; à ce titre, elles sont dites antérieures au tout (au synolon) qu’est la syllabe ba. Par opposition, les deux demi-cercles sont des parties matérielles et quantitatives du cercle : elles résultent a posteriori d’une division du cercle. Elles lui sont de fait postérieures et n’entrent donc pas 6 dans sa définition. ___________________ 5

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Voir Hödl, Ludwig, Literar- und problemgeschichte Untersuchungen zum Sentenzenkommentar des Wilhelm von Ware O.M., dans : Recherches de Théologie ancienne et médiévale 57 (1990), pp. 96–141. Aristoteles Latinus, Metaphysica, VII, 10 (1035b3–1036a1), éd. Gudrun Vuillemin-Diem (Aristoteles Latinus 25/3), Leiden/New York, 1995, pp. 140– 141 [translatio anonyma sive ‹media›] et pp. 150–151 [recensio Guillelmi] (les variantes de la traduction de Guillaume de Moerbeke par rapport à la ‹media› sont données entre {} et remplacent le mot précédent, lorsqu’elles ne sont pas des ajouts) : Dictum est {add. quidem} igitur et nunc ipsum verum, et tamen amplius manifestius dicemus {dicamus} repetentes. Nam insunt {quecumque sunt} rationis partes, et in que {quas} dividitur ratio, ea {hee} sunt priora {priores} aut omnia {omnes} aut quedam ; recti vero ratio non dividitur in acuti rationem, sed que est acuti in que est recti ; utitur enim diffiniens acutum recto ; minor enim recto acutus. Similiter autem et circulus et emikiclium {semicirculus} se habent ; emikiclium {semicirculus} enim diffinitur circulo et digitus toto, talis enim hominis pars digitus. Quare quecumque sunt partes ut materia et in que dividitur ut in materiam,

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Le livre Z a posé de multiples problèmes aux lecteurs médiévaux comme aux interprètes modernes et contemporains. Sans parler de la tension générale existant entre les ‹Catégories›, où Aristote identifiait la substance première à l’individu concret, et ‹Métaphysique Z›, où l’eidos, la forme ou l’espèce de la chose concrète, se révèle la meilleure candidate au poste de substance (d’ousia), le chapitre 10 du livre Z semble égale7 ment contredire le premier chapitre du livre E. Là, Aristote prétendait que la matière doit entrer de quelque manière dans la définition des substances naturelles, comme le nez entre dans la définition du camus, qui est une concavité nécessairement réalisée dans le nez. Au Moyen Âge, l’implication anthropologique de cette problématique en exacerbe l’importance. Dans le chapitre 10 de ‹Métaphysique Z›, Aristote affirme en effet l’antériorité de l’âme et la postériorité du corps par rapport à l’animal tout entier. En toute logique, le corps, les notions de 8 chair et d’os doivent donc être exclues de la définition de l’homme. Pour __________________

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sunt posteriora ; quecumque vero ut rationis et substantiae secundum rationem, priora aut omnia aut quedam. « Cela a donc été dit et c’est maintenant vrai, et pourtant disons-le encore plus clairement en reprenant la question. Car {quelles que soient} les parties de la définition, en lesquelles la définition se divise, celles-ci sont antérieures, soit toutes soit certaines d’entre elles ; de fait, la définition de l’angle droit ne se divise pas en la définition de l’angle aigu, mais celle de l’angle aigu en celle de l’angle droit ; en définissant l’angle aigu on se sert en effet de la définition de l’angle droit : ‹un angle aigu est un angle plus petit qu’un angle droit›. Le cercle et le demi-cercle entretiennent un rapport semblable ; le demicercle est en effet défini par le cercle et le doigt par le tout : ‹le doigt est telle partie de l’homme›. Ainsi, toutes parties qui sont comme la matière et dans lesquelles une chose se divise comme en sa matière sont postérieures ; et toutes les parties qui sont comme les parties de la définition ou de la substance selon la définition sont antérieures, soit toutes, soit certaines d’entre elles. » Métaphysique E, 1, 1025b28 ss. Alors que les objets des mathématiques sont comme le concave (une courbure de la ligne), les objets de la physique sont comme le camus (une courbure d’une ligne incarnée dans le nez). Suite du texte de la note 6 supra : Quoniam vero animalium anima (hoc enim substantia est animati) {add. que} secundum rationem substantia et species et {add. quod} quid erat esse talis corporis {tali corpori} (quelibet quidem {uniuscuiusque enim} pars si diffinitur {diffiniatur} bene, non sine actu diffinitur {opere diffinietur}, quod non existit {existet} sine sensu), quare eius {huius} partes priores aut omnes aut quedam integro {simul toto} animali, et {add. secundum} unumquodque {add. itaque} similiter, corpus vero et huius partes posteriora sunt ea {hac} substantia, et dividitur in ea {hec} ut in materiam non substantia sed integrum {simul totum}. [… ] Sed rationis partes {add. que} speciei solum sunt, ratio vero est

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traduire l’implication de cette exclusion dans l’horizon intellectuel médiéval on peut énoncer la question suivante : l’homme peut-il être essentiellement homme sans corps ? On perçoit les implications théologiques d’une telle question dans un monde intellectuel qui a tranché en faveur de 9 la résurrection des corps. Pour l’instant, il convient cependant de rester encore un peu au ras du texte aristotélicien, hésitant et ouvert. Les traducteurs latins médiévaux (l’anonyme de la ‹media› et Guillaume de Moerbeke) traduisent logos (énonciation, définition) par ratio, ousia par substantia, et, ce qui est plus problématique, eidos par species. Il paraît en effet difficile de comprendre que l’espèce (au sens de la substance seconde des ‹Catégories›) soit identifiée à l’âme et qualifiée de quidité et d’acte du corps. Dans ce contexte, la traduction de eidos par forma offrirait une version plus cohérente avec l’ensemble de Z : la forme du corps est l’âme. En tant que forme, l’âme ne consiste pas en le composé tout entier, même si elle lui confère toute son actualité. Dans cette optique interprétative, l’âme jouit donc d’une antériorité par rapport au tout substantiel, consécutivement par rapport au corps, et elle constitue la définition du tout. Quant à la species, elle correspondrait plutôt au tout – au definitum et non pas au definiens – à l’espèce ‹homme› par exemple, dont Aristote n’exclut pas qu’elle désigne aussi des parties matérielles. En grande majorité, les lecteurs scolastiques s’opposeront à cette lecture formaliste, qui exclut de la définition toute mention de la matière 10 dans laquelle se réalise nécessairement les substances naturelles. Thomas __________________ {add. ipsius} uniuersalis ; circulum {circulo} enim esse et circulus et animam {anime} esse et anima idem. « Et puisque l’âme des animaux (c’est-à-dire la substance de l’animé) [est] selon la définition la substance, l’espèce et la quidité d’un tel corps (toute partie, en effet, si on la définit bien, n’est pas définie sans [sa] fonction, car elle n’existe pas sans la sensation), de fait, les parties de l’âme sont antérieures à l’intégralité de l’animal, soit toutes, soit certaines d’entre elles, et chaque chose de manière semblable ; quant au corps et à ses parties, ils sont postérieurs à cette substance et ce n’est pas la substance mais le tout intégral qui se divise en eux. [… ] Or les parties de la définition sont seulement les parties de l’espèce, et la définition n’est définition que de l’universel ; en effet, être un cercle et cercle, être une âme et âme, c’est la même chose. » 9 Au sujet de ce contexte, culturel et social, voir les précieuses études réunies dans Walker Bynum, Caroline, Fragmentation and Redemption. Gender Studies (Zone Books), New York 1991. 10 En contexte médiéval, il faut distinguer la question logique et ontologique des parties de la définition de celle, sémantique et noétique, de la nomination du singulier, de sa désignation par un nom et des modalités de sa signification. À ce

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d’Aquin l’attribuera à Averroès. Pourtant, comme l’a montré Matteo di Giovanni, la position d’Averroès est loin d’être aussi formaliste ; plutôt ‹relationaliste›, elle n’exclut pas de la définition une sorte de référence connexe ou de corrélation à la matière, même si les constituants notionnels de la définition coïncident avec les parties formelles de la chose défi11 nie. D’ailleurs, Averroès importe l’exemple du camus dans le commen12 taire de ce même lieu de ‹Métaphysique Z›. __________________ sujet, voir la récente synthèse de Brumberg-Chaumont, Julie, La nomination du singulier dans les Quaestiones super Metaphysicam de Geoffroy d’Aspall, dans : Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge 72 (2005), pp. 47–103. 11 Di Giovanni, Matteo, La definizione delle sostanze sensibili nel Commento Grande (Tafsir) di Averroè a Metafisica Z 10, dans : Documenti e studi sulla tradizione filosofica medievale 14 (2003), pp. 27–63. Voir également, avec un plus large rayon d’action : Amerini, Fabrizio, Aristotle, Averroes and Thomas Aquinas on the Nature of Essence, dans : Documenti e studi sulla tradizione filosofica medievale 14 (2003), pp. 79–122. Comme le révèlent ces deux études, retournée sur sa face ontologique la question de la définition reconduit à la question principale de Z, celle de la substance. En d’autres termes : comment traduire l’eidos de ‹Métaphysique Z›, qu’Aristote élit au rang de substance (ousia) plutôt que le sujet (la matière), l’essence et l’universel ? La lecture formaliste (celle de l’Averroès de Thomas d’Aquin) traduit par « forme » ; en termes scolastiques, la substance est alors la forma partis : l’âme rationnelle est par exemple la substance de l’homme (ce qu’il est véritablement). La lecture ‹compositionaliste› (Thomas d’Aquin) traduit par « espèce » ; en termes scolastiques, la substance coïncide alors avec la forma totius : l’homme tout entier, dont l’âme n’est qu’une partie. Comme l’a montré M. di Giovanni (p. 58), Thomas distingue la forma totius de la forma partis, car la substance naturelle est réellement composée d’une partie matérielle et d’une partie formelle. Par contre, Averroès n’y voit qu’une distinction de raison : toute l’actualité de la substance lui est conférée par sa forme concrète, ce qui n’empêche pas de la considérer comme relationnelle à sa matière, conçue comme principe de changement. Dans cette optique relationnelle, la matière est référée secondairement dans la définition, mais elle n’y entre pas à titre de partie constitutive. Dans le débat contemporain, l’interprétation formaliste a été privilégiée par Frede, Michael, Patzig, Günther, Aristoteles ‹Metaphysik Z›. Text, Übersetzung und Kommentar, München 1988, t. 1, p. 52 : la forme individuelle est antérieure au composé individuel et elle en est la substance. La position médiane d’Averroès est représentée, mutatis mutandis, par Gill, Mary Louise, Aristotle on Substance. The Paradox of Unity, Princeton 1989 (en particulier pp. 111–144). La thèse compositionaliste est quant à elle défendue par Loux, Michael J., Primary Ousia. An Essay on Aristotle’s Metaphysics Z and H, Ithaca-London 1991 (en particulier pp. 187–196). Au sujet de ce débat : Rapp, Christof, Aristoteles. Meta-

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II. La lecture d’Olivi Olivi lit et critique ce texte d’Aristote et certaines de ses interprétations dans la question 16 de sa ‹Summa› sur le second livre des ‹Sentences›. 13 Cette question rédigée probablement entre 1277 et 1279 défend une 14 position hylémorphique forte : toute substance créée est composée de matière et de forme, dont la corrélation est essentielle à sa constitution entitative. Ainsi, les anges et les substances intellectuelles, l’âme humaine y compris, possèdent une matière qui leur est appropriée, une matière spirituelle. ‹Métaphysique Z›, 10 est mobilisé dans une objection à la thèse oliviennne de la nécessaire et essentielle composition hylémorphique [Olivi 15 1] : selon Aristote, la matière n’entre pas dans la définition des substances composées. L’objection allie Aristote à l’interprétation d’Averroès [Olivi 2]. Celle-ci distingue le défini – qui peut bien désigner toute __________________

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physik. Die Substanzbücher (Z, H, Ĭ), Berlin 1996. Les tenants de la discussion scolastique et la lecture faite par Thomas d’Aquin de l’ensemble du livre Z sont exposés par Galluzzo, Gabriele, Aquinas’s Interpretation of Aristotle’s Metaphysics, Book Z, dans : Recherches de Théologie et Philosophie médiévale 74 (2007), pp. 423–481. Averroes Cordubensis, Metaphysicorum liber VII, comm. 34, Venetiis 1562– 1574, vol. 8 [réimpr. Frankfurt 1962], f. 184rb–184va : Materia vero dicitur secundum consyderationem ad substantiam compositam ex materia et forma esse pars substantiae. Secundum consyderationem vero ad substantiam declarantem essentiam rei non dicitur [materia] esse pars substantiae, sed esse deferens formam in suam definitionem. Verbi gratia simitas, cuius definitio est concavitas in naso, aut in carne nasi : nasus enim est pars substantiae eius, quod significat hoc nomen ‹simitas›, quod est congregatio nasi et simitatis, et non est pars definitionis concavitatis, sed est subiectum eius. [. . . ] et differentia inter formam et materiam est, quoniam forma praedicatur per se de habente formam, secundum quod declarat quidditatem eius substantialem ; materia vero non praedicatur de habente formam vera praedicatione, nedum ut praedicetur per se. Idolum enim non dicitur esse cuprum, nec homo caro, nec simus nasus. Au sujet de cette datation, voir Suarez-Nani (note 4), pp. 26–27, ainsi que Piron (note 3), pp. 255–258. À ce sujet, voir Schneider (note 2), pp. 234–235. Cette indication renvoie à un endroit du dossier de textes olivien donné en annexe de cet article et porteur des mêmes repères. La même remarque vaut pour toutes les autres références aux textes d’Olivi qui sont indiquées dans le corps du texte entre crochets.

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l’essence ou l’espèce – de la définition, c’est-à-dire de la forme qui constitue la chose en son espèce. Dans cette lecture formaliste d’Aristote, la matière ne se révèle même pas nécessaire à l’existence de la chose. Elle est grevée de postériorité sur le plan ontique comme dans l’ordre noétique de la définition. L’objection signale cependant une nuance relationniste apportée par l’interprétation d’Averroès : la matière est concernée par la définition de manière secondaire, compte tenu de la corrélation existant entre la forme et la matière au sein du composé concret. Dans sa réponse à l’objection, Olivi adopte cette lecture formaliste d’Aristote et d’Averroès pour la rejeter au profit d’une thèse propre, compositionaliste, où la matière entre dans la définition des substances [Olivi 3]. Dans la définition, le genre – l’animalité de l’homme par exemple – réfère nécessairement à la matière – au corps sujet de la sensation et des activités végétatives. Dans une opposition assumée à Aristote, Olivi affirme l’antériorité non seulement de l’âme mais aussi du corps par rapport au tout, à la chose composée [Olivi 3']. Comme souvent, il introduit son argumentation en disant « J’ai vu quelqu’un qui disait ». Cette opposition ouverte à Aristote, alliée à une lecture formaliste du type de celle conduite aujourd’hui par M. Frede et G. Patzig, est significative dans le contexte médiéval : rares sont les lecteurs scolastiques qui n’ont pas essayé de sauver Aristote en imputant à Averroès l’erreur formaliste. Olivi en est conscient : il combat la lecture charitable d’Aristote tentée par de nombreux collègues, selon laquelle Aristote n’aurait exclu de la définition que les parties matérielles concrètes et individuées (cette chair et ces os par exemple) mais pas la notion abstraite de cette matérialité (‹chair› et ‹os›) [Olivi 5 et 6]. La carte scolastique des positions et la stratégie interprétative traditionnelle sont bouleversées par Olivi. Dans sa reconstruction de la question, les interprètes d’Aristote se sont unanimement trompés et Averroès apparaît moins fallacieux qu’Aristote : la position d’Averroès est certes extravagante [Olivi 4], mais elle est moins radicale et éloignée de la vérité que celle d’Aristote, puisqu’elle admet la matière dans la définition à titre de corrélatif [Olivi 5 et 6]. Un dernier élément doit être porté au dossier : dans cette question 16 comme dans la question 51, à peu près contemporaine et qui traite précisément des formes anthropologiques, Olivi paraît viser en particulier quelque interprétation contemporaine d’Aristote. D’une part, certains maîtres exposent l’exemple du cercle et du demi-cercle en disant que la quantité divisible est la matière du cercle, qu’elle est donc une sorte de matière mathématique [Olivi 7]. Ce que récuse Olivi : le demi-cercle n’est aucunement une partie du cercle, pas même une partie matérielle,

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mais il constitue une autre figure mathématique à part entière [Olivi 3']. D’autre part, la thèse formaliste est attribuée dans la question 51 à des 16 « averroïstes » [Olivi 8]. Le même texte pointe l’inutilité d’une explication que l’on pourrait qualifier de thèse des deux formes : elle distingue en chaque chose composée la forme du tout, principe agrégatif de la forme et de la matière, de la forme proprement dite, qui consiste en la partie actuelle de la substance. La question de la définition apparaît à nouveau dans les ‹Quaestiones logicales› composées après 1280. Les averroïstes de la ‹Summa› ont cependant disparu et la même erreur est simplement attribuée à Averroès [Olivi 8'].

III. Une énigme historiographique : qui est formaliste vers 1270 ? Dans une importante enquête intitulée ‹Olivi et les averroïstes›, Sylvain Piron a fait de l’attribution de cette thèse formaliste à des « averroïstes », 17 c’est-à-dire à des contemporains, une énigme historiographique. Après avoir passé en revue les sources éditées, l’historien aboutit à la conclusion qu’aucun texte des années concernées connu à ce jour ne comporte la thèse formaliste qui évacue la matière de la définition. Au contraire, on rencontre la position opposée chez Siger de Brabant, chez Boèce de Da18 cie et chez l’anonyme de Van Steenberghen. À cette liste de défenseurs ___________________ 16 Dans cette question, une constellation originale d’auteurs figurent aux côtés des averroïstes. Olivi combat en effet une conception, qu’il attribue aux platoniciens, aux pythagoriciens et à Origène, selon laquelle le corps humain ne serait qu’un ajout subséquent à la chute ; l’homme serait cependant plus parfaitement homme s’il n’était qu’âme. La lecture olivienne est intéressante dans la mesure où elle parvient non seulement à démarquer Averroès (le Commentateur) d’Aristote, mais aussi à le rapprocher d’un certain platonisme des formes. 17 Piron (note 3), pp. 288–294. 18 Piron (note 3), pp. 288–294. Les ‹Quaestiones de anima› anonymes éditées par Fernand Van Steenberghen datent des années 1273–1277 et sont peut-être dues à Boèce de Dacie. La question de la définition est très clairement tranchée dans le sens compositionnaliste : In definitione compositi naturalis ponitur materia quia illud quod pertinet ad essentiam compositi ponitur in definitione eius ; sed ad quidditatem compositi naturalis pertinet materia. (q. 16, éd. Fernand Van Steenberghen, dans : Trois commentaires anonymes sur le traité De l’âme d’Aristote, éd. Maurice Giele, Fernand Van Steenberghen, Bernardo Bazán (Philosophes

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artistes de la thèse compositionaliste, on pourrait ajouter Pierre d’Auvergne, dans ses questions inédites sur la ‹Métaphysique›, ou encore 19 Henri Bate, qui fut maître ès arts à Paris avant 1274. Sylvain Piron invoque cependant le ‹Compendium studii theologiae› de Roger Bacon, 20 achevé vers 1292 , qui impute lui aussi la théorie formaliste à des adversaires dénommés « Averroistae » ; à l’appui de ce document, l’historien défend l’hypothèse d’auteurs ayant réellement adopté la thèse formaliste __________________ médiévaux t. 11), Louvain/Paris 1971, p. 188. Du côté de Boèce de Dacie, on consultera les ‹Quaestiones super libros Physicorum› (Corpus philosophorum Danicorum medii aevi 5), éd. Gésa Sajó, Hauniae 1974, pp. 209–210, ainsi que les ‹Quaestiones super librum Topicorum› (Corpus philosophorum Danicorum medii aevi 6, pars 1), éd. Nicolaus G. Green-Pedersen, Joannes Pinborg, Hauniae 1976, pp. 288–290. Je reviendrai plus en détail sur Siger de Brabant. 19 Pierre d’Auvergne étudie en Faculté des arts à Paris avant 1274, année où il est élu recteur de la Faculté. Dans ses ‹Quaestiones in Metaphysicam I–IX et XII›, Liber VII, q. 27, il défend la thèse que materia pertinet ad quiditatem substantiarum compositarum (Österreichische Nationalbibliothek, Wien, lat. 2330, f. 90va). Le ‹Speculum divinorum et quorundam naturalium› d’Henri Bate est sans doute postérieur à 1274. On y voit paraître la solution compositionaliste thomasienne. La matière individuelle concrète n’entre certes pas dans la quidité, car il n’y a pas de définition de l’individuel, mais la matière abstraitement conçue entre dans la quidité (i.e. dans la définition) à titre de partie essentielle : Partes igitur quidditatis, secundum quod quidditas, non sunt partes individui, secundum quod individuum, neque manifestativae similiter ipsius individui, secundum quod individuum, sed partes speciei, quae sunt materia et forma sub universali ratione. (Quarta Pars, cap. 26, dans : Henricus Bate, Speculum divinorum et quorundam naturalium. Parts 4/5 : On the nature of matter. On the intellect as form of man (Ancient and medieval philosophy. Series 1 9), éd. Carlos Steel, Leuven 1993, p. 63). 20 Roger Bacon, Compendium of the Study of Theology, éd. Thomas S. Maloney (Studien und Texte zur Geistesgeschichte des Mittelalters 20), Leiden/New York 1988, pp. 80–82. Dans une perspective sémantique, Roger conteste d’abord la réponse averroïste à la question de la nomination des choses : selon Averroès, le nom de la chose réfère plus principalement à la forme qu’au composé. Il conteste ensuite le formalisme sur le plan ontologique et introduit à cette occasion les averroïstes dans le débat : Nec Averroistae impedire possunt haec, licet sentiunt cum eo quod forma dat esse aggregato, nam non solum forma dat esse aggregato, sed materia, licet forma plus. Materia enim non nihil est, sed vera natura et essentia, habens esse suae essentiae. Et ideo cum cedat in essentiam compositi, essentia compositi et esse eius dependent essentialiter a materia, licet forte magis a forma.

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aux alentours de 1270 : il y aurait des averroïstes encore invisibles à l’histoire, qui furent combattus par Olivi et Bacon. Pour revenir au dossier de textes olivien, il laisse le champ à deux interprétations : celle, pironienne, de l’occurrence historique de cette posie tion au XIII siècle d’une part, une solution indémontrable d’autre part, selon laquelle le climat d’après 1277 explique l’attribution de cette erreur aux averroïstes, abstraitement et confusément désignés comme boucs émissaires généralisés. Les ‹Quaestiones logicales› plaident en faveur de cette seconde hypothèse : après 1280, le climat de 1277 quelque peu dissipé, Olivi rend à Averroès ce qui est à Averroès [Olivi 8']. Cependant, le problème n’est pas si facile à évacuer. Le témoignage de Bacon n’est pas isolé. Dans ses ‹Questions sur la Métaphysique›, rédigées autour de 1300, Jean Duns Scot semble lui aussi viser une telle position contemporaine, conforme à Averroès. En note, les éditeurs du texte avouent n’avoir pas 21 identifié de source. Par ailleurs, la question des parties de la définition était classique dans les lectures de ‹Métaphysique Z› programmées à la Faculté des arts. Dans la liste des commentaires inédits de la ‹Métaphysique› établie par Albert Zimmermann, on rencontre au moins trois questions qui demandent si la 22 matière entre dans la quidité des substances composées. L’une d’entre ___________________ 21 Jean Duns Scot, Quaestiones super libros Metaphysicorum Aristoteliis, éd. Robert Andrews, Girard J. Etzkorn, Gedeon Gál et alii (B. Ioannis Duns Scoti Opera philosophica 3–4), New York 1997, p. 311, 314 : [Q. 16 : Utrum in rebus materialibus materia sit pars quiditatibus rei] [… ] Dicitur secundum Commentatorem isto capitulo, commento 3, quod non pertinet ad definitionem. Unde dicit quod quaedam definitio est ubi apparet materia, quaedam ubi non apparet ; sed ubi apparet materia, ibi una pars posita non pertinet, scilicet materia ; ubi non apparet, quaelibet pars posita pertinet. La note 24 de la page 314 dit « Non invenimus » et renvoie à l’Ordinatio III, d. 22, q. unica (ed. Vivès, t. 14, 760b–761b). 22 Il s’agit de a) Galfridi de Aspal Quaestiones in Metaphysicam I-X, Gonville and Caius College, Cambridge, cod. 509/386, f. 52ra–123rb : Liber VII, q. 26 : Utrum materia sit de quidditate rei vel non (f. 104rb–104va) ; b) Petri de Alvernia Quaestiones in Metaphysicam I–IX et XII, Peterhouse, Cambridge, cod. 152, f. 117ra–224vb : Liber VII, q. 27 : Utrum materia pertineat ad quidditatem substantiarum compositarum (f. 205ra–205va) (autre tradition manuscrite : Österreichische Nationalbibliothek, Wien, lat. 2330, f. 60ra–98vb, ici f. 90va–90vb) ; c) Quaestiones in Metaphysicam I–IX (anonymes), Peterhouse, Cambridge, cod. 152, f. 1ra–49vb : Liber VII, q. 27 : Utrum ad quidditatem rerum materialium pertineat materia (40va–40vb). La similitude des listes de questions de ces com-

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elles, celle de Geoffroy d’Aspall, passablement différente des autres, peut 23 être datée des environs de 1257 déjà. Nul doute que la thématique faisait partie de l’horizon problématique aristotélicien ; reste à déterminer si la lecture formaliste d’Aristote a été non seulement opérée, ce qui est le cas chez Olivi, mais aussi adoptée comme position propre par quelque maître. Sylvain Piron me semble avoir indiqué une bonne piste en pointant l’anthropologie d’Albert le Grand, sa doctrine de l’âme et de la conjonction avec l’intellect agent. Dans son ‹Liber de natura et origine animae›, 24 Albert réduit en effet l’homme tout entier à son âme rationnelle. Si la thèse définitionnelle formaliste n’apparaît pas expressis verbis dans les œuvres psychologiques d’Albert, il ne faut donc pas désespérer de la rencontrer dans son lieu originel : le commentaire de Z. Un indice a posteriori indique encore la piste albertinienne : la thèse définitionnelle for25 maliste sera adoptée vers 1300, en Allemagne, par Dietrich de Freiberg , __________________ mentaires est symptomatique d’une pratique automatisée de la leçon. Pour ce que j’ai pu lire sur les manuscrits, ces maîtres défendent plutôt une position mitigée, qui ménage une place à la matière dans la quidité des choses matérielles. 23 Voir Brumberg-Chaumont (note 10), p. 48. 24 Albert der Grosse, Liber de natura et origine animae, Tract. I, cap. 6, übersetzt und eingeleitet von Henryk Anzulewicz (Herders Bibliothek der Philosophie des Mittelalters 10), Freiburg/Basel/Wien 2006, p. 92 : Anima autem rationalis, eo quod quidem est forma hominis, facit hominem esse hominem totum. Au chapitre 5 du même premier traité (p. 88), Albert fait de l’âme rationnelle et de l’intellect la cause essentielle de l’homme et son principe d’individuation : [… ] sed per rationem et intellectum homo est homo et ponitur in numerum. À cet égard, l’anthropologie d’Albert est bien divergente de celle de Thomas d’Aquin. 25 Dietrich de Freiberg, De quiditatibus entium 2 (4), 8 (4), éd. Ruedi Imbach, JeanDaniel Cavigioli (Dietrich von Freiberg, Opera omnia 3), Hamburg 1983, p. 100 et p. 112 : Quod autem assumitur, quod quiditas est principium secundum actum, removetur materia, quae est altera pars compositi, vel quod modum materiae habet in composito. Ex hoc enim, quod huiusmodi materiale principium est principium secundum potentiam quantum ad proprietatem suae naturae, nec quidificativum nec notificativum est eius rei, cuius est principium. Quiditas igitur est aliquid formale intrinsecum rei quantum ad actum rei. Et ideo additur, quod ab ipso sumitur ratio rei et quantum ad rationem essendi et quantum ad rationem notificandi seu innotescendi ipsam talem rem. [… ] Hoc principium intrinsecum secundum actum, quod est forma rei et quiditas substantiae compositae, ex cuius formali actualitate et essentiali unitate tota entitas et unitas essentialis substantiae compositae dependet et secundum rationem essendi et secundum rationem notificandi, investigat Philosophus in VII ex proprietate et modo definitionis et quaestionis per ‹quid est› vel ‹quare est› ostendens, quod quiditas, quae vere et simplici-

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dont on sait qu’il élabore souvent ses thèses dans la lignée d’Albert ou en se positionnant par rapport à Albert. Ce faisceau d’indices et cette conjonction d’énigmes invitent à reprendre le dossier à partir des lectures de Z, en remontant le temps d’Olivi à Albert.

IV. Une reconstruction du dossier : les positions en présence entre 1273 et 1263 IV.1 Siger de Brabant Les ‹Questions sur la Métaphysique› de Siger de Brabant figurent sans conteste comme l’un des commentaires importants de la ‹Métaphysique› antérieurs à l’intervention d’Olivi. Ces questions sont datées des alentours de 1273. Siger n’est manifestement pas l’averroïste que fustige Olivi. En commentant Z 10, il adopte une position compositionaliste avec laquelle celle d’Olivi entretient des similitudes et qui semble par ailleurs rallier la majorité des suffrages chez les artistes – de Pierre d’Auvergne à Boèce de Dacie en passant par divers anonymes. Comme Olivi plus tard, Siger admet la matière dans la définition : la matière communément comprise – et non la matière individuelle de la chose concrète – fait partie de l’espèce définie. En cette acception, la matière – le corps humain par 26 exemple – est une partie antérieure au tout. En une formule qui contre__________________ ter est quiditas, in solis substantiis invenitur et quod solum substantiae proprie et simpliciter habent definitionem, quae secundum Philosophum et Commentatorem solam formam significat, quamvis definiat totum compositum. J’ai consacré deux petites études à ce formalisme et à sa genèse antithomiste : König-Pralong, Catherine, Figures fantômes de Platon dans la philosophie scolastique. La traduction synolon–simul totum, dans : Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie 54/3 (2007), pp. 386–406 et Id., Dietrich de Freiberg : métaphysicien allemand antithomiste, dans : Revue thomiste 108 (2008), pp. 57–79. 26 Ad intellectum vero eorum quae hucusque ponit Aristoteles, sciendum est quod partes quae sunt partes speciei sunt partes rationis, quae autem individui nequaquam. Cuius ratio est quia species definitur, individuum autem non. Quae autem sint partes speciei intelligendum est quod universaliter partes formae sunt partes speciei ; nec intelligo formam habere partes in essendo, sed in cognoscendo. Partes autem materiae quaedam sunt materiae communis et quaedam materiae individualis. Primae autem partes, quamvis non sint partes formae, prout distinguitur contra materiam, sunt tamen partes speciei, quae quodammodo forma est respectu

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dit littéralement la thèse énoncée par Albert dans le ‹De natura et origine 27 naturae› , Siger refuse l’identification de la quidité de l’homme à son 28 âme : Et ideo quod quid est hominis non est forma tantum. La différence majeure entre Siger et Olivi ne réside donc pas dans leurs positions respectives, mais dans leurs visions des forces en présence : Siger a une tout autre lecture d’Aristote qu’Olivi. Il souligne en particulier la confusion, puis l’obscurité des propos d’Aristote dans Z. Comme les interprètes d’aujourd’hui qui pointent l’ambiguïté du concept d’eidos, il précise qu’Aristote n’a pas bien distingué les notions de forme, c’est-àdire de forma partis, et d’espèce, ou de forma totius. En un tour de force, il prétend rétablir la véritable intentio d’Aristote : les parties formelles à qui revient le privilège de constituer la définition sont les parties de __________________ individui, et ideo sunt partes rationis. [… ] partes autem materiae communis similiter priores sunt. Partes autem materiae individualis posteriores sunt toto quid est species [… ]. Siger de Brabant, Quaestiones in Metaphysicam (Reportation de Cambridge), VII, comm. 8, éd. Armand Maurer (Philosophes médiévaux 25), Louvain 1983, pp. 369–370. Dans le Liber V, q. 6 de la même reportation de Cambridge, Siger défend également la lecture compositionaliste, en insistant cependant sur la primauté de la forme par rapport à la matière (éd. Armand Maurer, Louvain, Peeters, 1983, p. 200). Dans l’introduction au Liber VII de la reportation de Paris, il explique l’exemple du cercle comme le fera ensuite Olivi, avec quelques nuances (éd. Armand Maurer, Louvain 1983, p. 460) : Circulum autem dividi in semicirculos non contingit inquantum circulus, sed inquantum hic circulus. Kurt Flasch a abordé ces aspects de l’ontologie de Siger en rapport à celle de Dietrich de Freiberg : Dietrich von Freiberg und Siger von Brabant. Eine Studie zur ‹Schule› Alberts des Großen, dans : Per perscrutationem philosophicam. Neue Perspektiven der mittelalterlichen Forschung. Zum 60. Geburtstag Loris Sturlese gewidmet, éd. Alessandra Beccarisi, Ruedi Imbach, Pasquale Porro (Corpus philosophorum teutonicorum medii aevi. Beihefte 4), Hamburg 2008, pp. 127–141. 27 Selon la synthèse de la question proposée par Henryk Anzulewicz, la datation de ce traité doit être avancée en 1258 déjà (voir Einleitung, dans : Albert der Grosse, Liber de natura et origine animae, Freiburg/Basel/Wien 2006, pp. 9–34, en l’occurrence p. 21). Concernant la thèse d’Albert contredite par Siger, voir supra note 24. 28 Siger de Brabant, Quaestiones in Metaphysicam (Reportation de Cambridge), VII, comm. 8, éd. Armand Maurer (Philosophes médiévaux 25), Louvain 1983, p. 370 : Et ideo Aristoteles superius, capitulo in quo docuit quid est quod quid est, dicit quod illud quod quid est esse est rem esse, dicit, quid est ipsum. Homo autem non est id quod sua forma, nec hominem esse est formam hominis esse. Et ideo quod quid est hominis non est forma tantum.

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l’espèce, à savoir la forme et la matière communément admises. Non content de sauver Aristote, Siger excuse aussi Averroès : induit en erreur par l’obscurité du texte aristotélicien, Averroès est présenté comme un 29 formaliste malgré lui. Dans le champ des positions établi par Siger, le formalisme assumé et conséquent est incarné par de génériques « platoniciens » dont on apprend seulement qu’ils identifient sciemment la forme 30 et l’espèce , contrairement à Aristote. Par rapport à l’échiquier disposé par Siger, Olivi va opérer le roque d’Averroès : il va d’un même coup repousser Aristote dans l’erreur, dans une position d’extrême fausseté, et rapprocher Averroès de la position médiane. Je ne sous-entends pas qu’Olivi a lu ce texte de Siger et qu’il le met au rang des interprètes trop ___________________ 29 Ibid., p. 370 : Est autem intelligendum quod verba Aristotelis in hoc capitulo aliquantulum obscura sunt, eo quod non distinguit inter formam et speciem, quasi utrumque appellans nomine ‹formae› ; quandoque nec etiam distinguit inter compositum commune et compositum individuale, sed utrumque indifferenter appellat simul totum. Nec distinguit inter materiam communem et individualem. Et ideo ista reddiderunt Aristotelis intentionem in hoc capitulo difficilem, intantum ut etiam Commentator videbatur dicere quod ad essentiam, seu quod quid est speo cierum, non pertineat materia, sed forma tantum : unde et VI huius quod in definitione naturalium apparet materia tamquam aliquid extrinsecum ab essentiis eorum. Sed ex dictis apparet quod non est haec intentio Aristotelis. Nam quod quid est res est illud quod res ipsa est. Dans ce texte, il me semble que Siger mentionne également la mauvaise lecture faite par Averroès de ‹Métaphysique E› 1, plutôt qu’il n’invoque ce texte (comme le suggère la note de l’éditeur). Dans son commentaire, Averroès insiste en effet sur la primauté de la forme, pour y reconduire la matière de manière seconde : Naturalis habet consyderare in utroque, scilicet de forma, quae est in materia, et de materia propter consyderationem de composito : sed consyderatio eius de formis naturalibus est prima intentione, et de materia propter formam. Averroes Cordubensis, Metaphysicorum liber VI, comm. 2, Venetiis 1562–1574, vol. 8 [réimpr. Frankfurt 1962], f. 146rb. 30 Ibid., p. 369 : Verum tamen est quod quidam, ut Platonici, dixerunt quod species est forma tantum, et secundum eos nullius materiae partes inhaerunt in ratione speciei. À cet égard, il n’est peut-être pas anodin, ni fortuit, qu’Olivi lui aussi associe la thèse formaliste à un certain platonisme. Voir Quaestiones in Secundum Librum Sententiarum, Quaestio 51, éd. Bernardus Jansen (Bibliotheca Franciscana Scholastica Medii Aevi 5), Quaracchi 1924, p. 119 : Et tunc verus esset error Origenis qui posuit quod corpora erant data animabus in poenam et quod unio earum in corporibus erat directe eis nociva. Et hoc ipsum senserunt Platonici et Pythagorici. [… ] Istum igitur errorem relinquo Averroistis saracemetantibus qui ponunt quod materia non intrat quidditatem entium tanquam pars eius, sed solum sicut unum correlativorum [… ].

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charitables d’Aristote, je me contente de souligner leur accord philosophique, jusque dans le rapprochement du formalisme et d’un certain platonisme, et leur divergence de jugement historique eu égard aux positions respectives d’Aristote et d’Averroès. IV.2 Thomas d’Aquin Pour remonter encore un peu le temps, le contexte théorique et la base documentaire des discussions de Siger sont souvent déterminés par les élaborations de Thomas d’Aquin. Siger connaissait et utilisait vraisemblablement la ‹Sentencia super Metaphysicam› de Thomas, datée autour 31 de l’année universitaire 1270/1. Dans ce commentaire, Thomas établit une carte des positions très claire à l’endroit de Z 10. Il oppose une mauvaise lecture d’Aristote, formaliste, qu’il attribue à Averroès et à ses partisans, à la bonne interprétation, compositionaliste, dont Avicenne est le héraut arabe. La solution de l’apparente aporie de Z passe par la distinction de l’espèce, forma totius ou quidité composée de la forme et de la matière, et de la forme qui compose avec la matière, autrement dit la forma partis. Avec cette distinction, Thomas conteste l’identification de l’essence à la forme partielle, par conséquent de l’homme à son âme, qui 32 est opérée par les « sequentium Averrois ». ___________________ 31 Pour un petit point sur la question et les références à la littérature secondaire ad hoc, voir König-Pralong, Catherine, Avènement de l’aristotélisme en terre chrétienne. L’essence et la matière entre Thomas d’Aquin et Guillaume d’Ockham (Études de philosophie médiévale 87), Paris 2005, pp. 37 ss. 32 Thomas d’Aquin, In libros Aristotelis Metaphysicorum, VII, lect. 9, éd. M.-R. Cathala, Raimundo M. Spiazzi, Taurini-Romae 1964, pp. 358–359 : Ad evidentiam autem horum, quae in hoc capitulo dicuntur, sciendum est, quod circa definitiones rerum, et earum essentias duplex est opinio. Quidam enim dicunt, quod tota essentia speciei est ipsa forma, sicut quod tota essentia hominis est anima. Et propter hoc dicunt, quod eadem secundum rem est forma totius quae significatur nomine humanitatis, et forma partis, quae significatur nomine animae, sed differunt solum secundum rationem : nam forma partis dicitur secundum quod perficit materiam, et facit eam esse in actu : forma autem totius, secundum quod totum compositum per eam in specie collocatur. Et ex hoc volunt, quod nullae partes materiae ponantur in definitione indicante speciem, sed solum principia formalia speciei. Et haec opinio videtur Averrois et quorumdam sequentium eum. Sed videtur esse contra intentionem Aristotelis. Dicit enim superius in sexto, quod res naturales habent in sui definitione materiam sensibilem, et in hoc differunt a mathematicis. Non autem potest dici, quod substantiae naturales definiantur per id quod non sit de essentia earum. Substantiae enim non habent definitionem ex

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Deux points sont particulièrement dignes d’intérêt. D’abord Thomas pourrait bien être l’auteur de la distinction entre forma totius et forma partis dont Olivi vitupère l’inutilité dans la question 51 de sa ‹Summa› [Olivi 9]. La présentation de la problématique dans la ‹Question 16› paraît également supposer une connaissance de l’ensemble du commentaire de Thomas à Z 10. Si Olivi n’a peut-être pas lu ou entendu Siger, il est raisonnable de faire l’hypothèse d’une connaissance du commentaire thomasien. Thomas pourrait également figurer comme l’un des lecteurs trop charitables d’Aristote critiqué par Olivi. Ma deuxième remarque conforte cette hypothèse : Thomas est sans doute le premier auteur qui a tant insisté sur les implications anthropologiques des livres ontologiques de la ‹Métaphysique›, et en particulier de ce chapitre de Z. Dans les ‹Quaestiones de anima› datant de 1265/6 et dans la ‹Sentencia libri de anima› de 1267/8, Thomas tisse des liens explicites entre le problème de la définition des substances composées tel qu’il apparaît en ‹Métaphysique Z› et la question anthropologique de l’union substantielle du corps et 33 de l’âme. Or c’est bien dans ce contexte anthropologique qu’intervient __________________ additione, sed sola accidentia, ut supra est habitum. Unde relinquitur quod materia sensibilis sit pars essentiae substantiarum naturalium, non solum quantum ad individua, sed etiam quantum ad species ipsas. Definitiones enim non dantur de individuis, sed de speciebus. Unde est alia opinio, quam sequitur Avicenna ; et secundum hanc forma totius, quae est ipsa quidditas speciei, differt a forma partis, sicut totum a parte : nam quidditas speciei, est composita ex materia et forma, non tamen ex hac forma et ex hac materia individua. Ex his enim componitur individuum, ut Socrates et Callias. Et haec est sententia Aristotelis in hoc capitulo, quam introducit ad excludendum opinionem Platonis de ideis. Dicebat enim species rerum naturalium esse per se existentes sine materia sensibili, quasi materia sensibilis non esset aliquo modo pars speciei. Ostenso ergo, quod materia sensibilis sit pars speciei in rebus naturalibus, ostenditur quod impossibile est esse species rerum naturalium sine materia sensibili, sicut hominem sine carnibus et ossibus, et sic de aliis. Au sujet de la lecture thomasienne de l’ensemble de Z : Galluzzo (note 11). 33 Thomas d’Aquin, Quaestiones disputatae de anima, q. 9, n. 7, éd. Bernardo Bazán (Commissio Leonina. Opera omnia 24/1), Roma/Paris 1996, p. 77 : In diffinitione cuiuslibet forme ponitur propria materia eius. Set in diffinitione anime, in quantum est forma, ponitur corpus physicum organicum, potentia uitam habens, ut patet in II De anima. Ergo anima unitur huiusmodi corpori sicut proprie materie. Set hoc non potest esse nisi per aliquam formam, scilicet quod sit aliquod corpus physicum organicum, potentia uitam habens. Thomas d’Aquin, Sentencia libri de anima, Lib. II, cap. 1, éd. Commissio Leonina (Opera omnia 45/1), Roma/Paris 1984, pp. 68b-69a : Sciendum est autem quod, sicut docet Philosophus in

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la petite exégèse de Z conduite par Olivi, comme d’ailleurs celle qu’on peut lire dans les ‹Quaestiones de anima› anonymes éditées par F. Van 34 Steenberghen. Par contre, si la filière textuelle se vérifiait elle signifierait aussi une forte démarcation olivienne relativement à la situation d’Aristote. Thomas le place résolument de son côté, dans l’opposition au formalisme, alors qu’Olivi le repousse aux confins de l’erreur. Un dernier fait paraît symptomatique à cet égard : alors que Siger et Thomas mobilisent tous deux ‹Métaphysique E› 1 pour asseoir l’interprétation compositionaliste d’Aristote, Olivi fait l’impasse sur ce texte. Il n’a pas pour dessein de sauver Aristote, au contraire. Enfin, Thomas n’est pas le premier défenseur de la thèse compositionaliste. Par exemple les ‹Questiones supra libros prime philosophie Aris35 totelis› de Roger Bacon, très probablement antérieures à 1268 , propo36 sent déjà une telle interprétation de ‹Métaphysique Z›. L’énigme du formalisme pointé par Olivi demeure. IV.3 Albert le Grand Le premier théologien professionnel à livrer un commentaire de la ‹Métaphysique› est Albert le Grand. Le commentaire d’Albert est achevé aux alentours de 1263 et il est connu à Paris dans les années 1270. Alors que 37 Thomas et Siger utiliseront, conjointement à d’autres versions , la tra__________________

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VII Metaphisice [… ] diffinitur enim unaqueque substancia per sua principia materialia et formalia [… ]. [. . . ] in omni autem diffinitione forme ponitur aliquid quod est extra essenciam forme, scilicet proprium subiectum eius siue materia. Unde, cum anima sit forma, oportet quod in diffinitione ipsius ponatur materia siue subiectum eius. Voir supra note 18. Hackett, Jeremiah, Roger Bacon, dans : Stanford Encyclopedia of Philosophy, First published Thu Apr 19, 2007 : http://plato.stanford.edu/entries/rogerbacon/. Roger Bacon, Questiones supra libros prime philosophie Aristotelis (Metaphysica I, II, V–X), éd. Robert Steele, Ferdinand Delorme (Opera hactenus inedita Rogeri Baconi 10), Oxford 1930, pp. 236–237. La ‹Sentencia› de Thomas recèle encore beaucoup de mystères. Les spécialistes de la Commission Léonine (en particulier Adriano Oliva, qui prépare l’édition critique du texte) inclinent à penser que l’usage avéré de différentes traductions de la ‹Métaphysique› pourrait témoigner de différentes phases d’élaboration. Quant à Siger, il signale son usage de plusieurs versions du texte, notamment la traduction

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duction révisée par Guillaume de Moerbeke en 1270, en matière de traduction gréco-latine Albert ne dispose encore que de la version anonyme 38 dénommée aujourd’hui ‹media›. L’importance de la traduction arabolatine du commentaire d’Averroès et des lemmes du texte aristotélicien qu’il comporte est en outre primordiale chez tous ces auteurs, y compris 39 chez Olivi , qui démarque en toute connaissance de cause Averroès et 40 Aristote sur plusieurs objets. __________________ arabo-latine : In translatione arabica deficit distinctio omnium istorum nominum [… ]. (Quaestiones in Metaphysicam, Liber V, com. 7, reportation de Cambridge, éd. Armand Maurer (Philosophes médiévaux 25), Louvain 1983, pp. 242–243). Je remercie Dragos Calma de m’avoir indiqué ce texte. 38 Sur les conséquences de ce fait : König-Pralong (note 26). Au sujet des traductions médiévales de la ‹Métaphysique› : Brams, Jozef, La riscoperta di Aristotele in Occidente (Eredità medievale 03/22), Milano 2003 ; id., Der Einfluß der Aristoteles-Übersetzungen auf den Rezeptionsprozeß, dans : Albertus Magnus und die Anfänge der Aristoteles-Rezeption im lateinischen Mittelalter. Von Richard Rufus bis zu Franciscus de Mayronis, éd. Ludger Honnefelder, Rega Wood et alii (Subsidia Albertina 1), Münster 2005, pp. 27–43 ; Burnett, Charles, Translating from arabic into latin in the Middle Ages, dans : Éditer, traduire, interpréter. Essais de méthodologie philosophique, éd. S.G. Lofts, P.W. Rosemann (Philosophes médiévaux 36), Louvain/Paris 1997, pp. 55–77. 39 Olivi cite parfois l’Aristote de la transmission arabo-latine. Par exemple, Pierre de Jean Olivi, Quaestiones in Secundum Librum Sententiarum, Quaestio 20 (Bibliotheca Franciscana Scholastica Medii Aevi 4), éd. Bernardus Jansen, Quaracchi 1922, p. 372 : Item, Aristoteles, II Metaphysicae, dicit quod in fundamento naturae nihil est distinctum ; ergo et cetera, qui correspond à Aristote, Métaphysique, I, 8, 989b6 tel que ce passage apparaît dans la version arabo-latine d’Averroès : Aristotelis opera cum Averrois commentariis, Metaphysicorum liber I, textus 17, Venetiis 1562–1574, vol. 8 [réimpr. Frankfurt 1962], f. 14rb F : Quoniam autem in fundamento naturae non est aliquid distinctum, manifestum est quod [… ]. La même citation réapparaît chez Olivi dans la question suivante (q. 21, p. 379). Il faut pourtant se garder d’en tirer des conclusions hâtives : on lit la même citation chez Bonaventure (Sent. II, dist. 18, art. 1, q. 3 (Ed. Collegii S. Bonaventurae), Quaracchi 1885, p. 440), qu’on sait être une source de première main d’Olivi. Bonaventure signale toutefois qu’il s’agit là d’une affirmation du Commentateur. Si Olivi a puisé à une autre source qu’Averroès lui-même, c’est donc probablement aux ‹Auctoritates Aristotelis›, où la sentence figure en bonne place (éd. Jaqueline Hamesse (Philosophes médiévaux 17), Louvain/Paris 1974, p. 117, n. 31). 40 Nous l’avons vu concernant la définition et nous le verrons au sujet des raisons séminales. Dans la question 3 (éd. Bernardus Jansen, p. 71) le Commentateur est

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Fait extraordinaire : la position d’Albert est clairement formaliste et en 41 ce sens averroïste. L’homme comme composé – le tout intégral dans le vocabulaire d’Albert – est défini par l’âme – c’est-à-dire la forme ou le tout essentiel. Une partie du tout intégral – la forme ou la quidité séparée de la matière – jouit d’une antériorité par rapport au tout intégral ; elle constitue donc elle-même un tout, essentiel et plus parfait, auquel participe le tout intégral. Plus loin, Albert utilise et interprète le célèbre cas du 42 ‹camus› de manière symptomatique, très inhabituelle : il précise en effet qu’il est impossible de définir le ‹camus› – qui est une concavité du nez – sans que l’énonciation de ce qu’il est comporte la forme ‹concavité› ; mutatis mutandis il est impossible de dire ce qu’est l’homme et le corps humain sans mobiliser l’âme. (Thomas prétendra au contraire qu’il est impossible de définir l’homme sans faire référence au corps, comme il est impossible de définir le camus sans y inclure le nez, c’est-à-dire son sujet matériel ; quant à la concavité, qui est la forme du camus, elle entre évidemment dans sa définition, mais tel n’est pas le point problématique.) Dans la lecture d’Albert, le corps figure comme un accident de l’âme : il lui est postérieur (il s’y ajoute et la réalise extérieurement) et il en est l’instrument (l’organe). __________________ mentionné en bonne part, pour réfuter la possibilité d’un infini actuel. Dans la question 72 (éd. Bernardus Jansen, p. 37), Olivi distingue les « Averroistae » des « Aristotelici ». 41 Albert le Grand, Metaphysica, VII, tract. 3, cap. 4, éd. Bernardus Geyer (Opera omnia 16/2), Münster 1964, p. 361 : Et sic totum integrum compositione membrorum corpus non diffinitur bene nisi per animam, quae est actus eius, et nihil tamen est de esse ipsius animae [. . . ]. [. . . ] corpus enim et partes corporis sunt materialia et posteriora tali substantia totius, et totum animal dividitur in ea sicut in materiam, et quod dividitur in haec, non est quaedam substantia quae est quiditas, sed est ipsum integrum, quod est compositum ex anima et corpore, participans illam substantiam quae est quiditas. Quia autem quaelibet pars suo toto prior est, eo quod constituit ipsum, ideo etiam tales materiae partes sunt integro toto quantitativo priores, sed non sunt priores quiditate, quia non sunt partes eius. [. . . ] Sic igitur clare patet, quod partes rationis sunt ea in quae resolvitur ratio, et illae sunt ratione priores, et partes materiae sunt, in quae resolvitur integrum, quod ratione participat, et illa sunt integro quidem priores, sed quiditate posteriores. [. . . ] Sic igitur a nobis dictum est, quomodo se habet de toto et parte, de toto, inquam, essentiali et toto integro et de parte essentiali et integrali et de prioritate partis et totius. 42 Albert le Grand, Metaphysica, VII, tract. 3, cap. 4, éd. Bernardus Geyer (Opera omnia 16/2), Münster 1964, p. 367.

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Au vu de cette position et de l’interprétation formaliste d’Aristote qui la fonde, il n’est pas impossible qu’Albert soit dans la cible d’Olivi. Un autre élément plaide en faveur de ce rapprochement. On se souvient qu’Olivi critique une interprétation selon laquelle la quantité joue le rôle de matière des choses mathématiques. Or telle est la thèse qu’Albert ex43 pose et adopte à l’endroit où il commente Z 10. Sur la base de ce court dossier, il serait certes aventureux de prétendre avoir identifié l’un des 44 formalistes averroïstes attaqués par Olivi. Cependant, les histoires de la scolastique sous-estiment parfois l’impact parisien d’Albert et sa potentielle image négative. J. Hackett a montré que Roger Bacon critique Albert à de nombreuses reprises, parfois en le désignant par son nom : aux yeux du franciscain, Albert a eu l’outrecuidance de se faire passer pour 45 un auteur, alors qu’il n’est qu’un piètre philosophe. Le témoignage isolé de Bacon serait peut-être peu de chose, en raison de la relative marginali___________________ 43 Albert le Grand, Metaphysica, VII, tract. 3, cap. 4, éd. Bernardus Geyer (Opera omnia 16/2), Münster 1964, pp. 357–359 : [… ] ideo quidam dicunt quantitatem esse intellectualem materiam. Et hoc quidem verum est, sed dictum ipsum non est sufficiens [… ]. Sic igitur elementa sunt partes rationis diffinitivae syllabae quasi species et formae quaedam et non ut materia. Incisiones vero huius circuli demonstrati sic sunt partes quasi materia huius integri quod est haec rotunda quantitas sive rotundum quantum, et sunt partes, in quibus fit ipse formalis circulus. [. . . ] Et ideo distinguunt quidam inter materiam, quae vere est materia, et materiam, quae est ut materia ; et materia quidem, quae vere est materia, est quae est subiectum omnium et fundamentum formarum. Id autem quod est ut materia, est quantitas, cuius mensuram sequuntur formae corporales [… ]. Utriusque autem partes dicuntur partes secundum materiam et non referuntur ad definitionem. [… ] Speciei vero, quae non est ex talibus, et illius naturae cuius est ratio diffinitiva per se, non est aliqua talis pars secundum materiam dicta, quia quiditas ipsa tota est ante hoc [… ]. 44 Une enquête subsidiaire sur Godefroid d’Aspall projetterait une lumière supplémentaire sur la question. Dans ses questions sur Métaphysique Z (cf. ms mentionné dans la note 22 supra) on rencontre la modalité « metaphorice » de la forme du tout (Gonville and Caius College, cod. 509/386, f. 104va). 45 Hackett, Jeremiah, The Attitude of Roger Bacon to the Scientia of Albertus Magnus, dans : Albertus Magnus and the Sciences. Commemorative Essays 1980, éd. J.A. Weisheipl (Studies and Texts / Pontifical Institute of Mediaeval Studies 49), Toronto 1980, pp. 53–72. On lit les critiques d’Albert aux endroits suivants : Opus tertium, éd. John S. Brewer, London 1859, pp. 14, 30–33, 37–42, 61 ; Compendium studii philosophiae, ibid., pp. 425–430 ; Opus minus, ibid., pp. 326– 328 ; Communia naturalium, Roger Bacon, éd. Robert Steele (Opera hactenus inedita 3), Oxford 1911, pp. 11–12.

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té de son auteur. Mais Siger lui-même rejette la distinction albertinienne 46 de l’être et de l’essence, en parlant explicitement d’opinio Alberti. Enfin, on pourrait montrer que certains passages de la ‹Sentencia Libri Ethicorum› de Thomas d’Aquin sont dirigés contre la lecture albertinienne du livre X de l’‹Éthique à Nicomaque›, là où Albert défend la thèse de la 47 conjonction de l’âme avec l’intellect. ___________________ 46 Siger de Brabant, Quaestiones in Metaphysicam, Introductio, q. 7 (Reportation de Cambridge), éd. Armand Maurer (Philosophes médiévaux 25), Louvain 1983, p. 32 : Fuit etiam opinio Alberti. Et ratio eius ad hoc est quia res est id quod est per essentiam suam et non per causam aliam. Res tamen est per aliam causam, ut homo est homo per se et non per aliam causam ; homo tamen est per causam aliam : esse enim hominis est ex alio, ut ex Primo. Quare differt homo et esse hominis. Similiter super istam rationem se fundabat AVICENNA, quia, si entia causata essent entia per essentiam suam, tunc ex se haberent esse. Sed ratio ALBERTI non videtur concludere. Nihil enim est in homine quod non sit effectus ipsius Primi. Quomodo ergo in homine distingues esse ab essentia per hoc quod unum sit effectus Primi, aliud autem non ? 47 Dans le ‹Super Ethica› d’Albert le Grand, rédigé vers 1250, l’obumbratio, la connaissance tâtonnante et discursive, est le revers de la coniunctio, la connaissance parfaite et acquise ; ces deux états représentent les deux dimensions de l’âme humaine : elles polarisent l’humain et le divin en l’homme. Autour de ce jeu de polarités, un différend va opposer Thomas d’Aquin à son ancien maître Albert. Selon Albert, l’obumbratio peut être retournée en coniunctio par l’étude de la philosophie, sur terre et sans intervention divine. Thomas reporte toutefois la possibilité de cette félicité intellectuelle maximale dans l’au-delà et il la suspend au don surnaturel de la lumière de gloire (lumen gloriae) (Summa theologiae, Ia, q. 12, art. 5 : Ad tertium dicendum quod dispositio ad formam ignis non potest esse naturalis nisi habenti formam ignis. Unde lumen gloriae non potest esse naturale creaturae, nisi creatura esset naturae divinae : quod est impossibile. Per hoc enim lumen fit creatura rationalis deiformis, ut dictum est.) Par opposition, l’anthropologie d’Albert le Grand est intellectualiste, superlative et duelle. Elle est fondée sur une bipolarisation de l’âme humaine. L’âme comporte la raison créée dans l’ombre et à la limite inférieure de l’intelligence, mais elle acquiert ou participe aussi à l’intelligence. (Super Ethica, Liber I, lectio VII, éd. Wilhelm Kübel (Opera omnia 14/2), Münster 1987, pp. 32–33 : Natura autem animae rationalis, per quam homo est homo, potest dupliciter considerari : aut secundum se, et sic est rationalis, aut secundum suam summitatem, qua attingit intellectum, quia ratio creatur in umbra et horizonte intelligentiae, et sic est intellectualis ; unde Commentator dicit, quod anima est intellectualis participatione, intelligentiae vero sunt intelligibiles per essentiam.) Ce constat avancé dans le premier livre du ‹Super Ethica› est exploité dans le dixième livre. L’exercice virtuose de la pen-

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__________________ sée retourne l’âme sur son autre face, la face intellectuelle. En une forme de sortie ascensionnelle, l’âme humaine se libère des conditions spatio-temporelles du monde sublunaire et accède au statut supérieur d’intelligence astrale. Elle s’extrait des aléas du monde sublunaire et s’unit aux substances séparées de la matière, aux intelligences astrales de la noéto-cosmologie avicennienne. L’âme jouit alors de la félicité contemplative (Super Ethica, Liber X, lectio XI, éd. Wilhelm Kübel (Opera omnia 14/2), Münster 1987, p. 749 : Dicendum, quod omnis ratiocinativa cognitio est in quadam collatione, sive sit contingentium, quae, secundum quod in sexto dictum est dicitur ratiocinativa, sive sit scientifica, quae procedit etiam deducendo causam in causatum ; et hoc accidit sibi ex hoc quod radius cognoscitivae virtutis obumbratur in ipsa ad continuum et tempus, dum quiditates rerum non accipit in sui simplicitate, sed vel cum quantitate tantum, sicut est in mathematicis, vel cum quantitate et qualitate contrarietatem habente, sicut in naturalibus, quae permixta sunt tempore. Et ideo complementum rationalis naturae est, ubi pertingit ad simplices quiditates ; in hoc enim coniungitur superioribus substantiis separatis, quarum talis est cognitio. Et ideo felicitas contemplativa ipsius est secundum intellectum, secundum quem pertingit ad huiusmodi operationem.). Dans le ‹De anima› (Liber III, Tract. 3, cap. 11, éd. Clemens Stroick (Opera omnia 7/1), Münster 1968, p. 221b et p. 222a) Albert fonde la possibilité de cette coniunctio dans la psychologie. L’attitude de Thomas d’Aquin envers la doctrine albertinienne de la félicité mentale est critique ; la position de Thomas sur ce problème va crescendo, du ‹Commentaire des Sentences› datant des années 1252–1256 à la ‹Sentencia› sur l’EN de 1271/2. Dans son ‹Commentaire des Sentences› (Super Sent., lib. 2, d. 16, q. 1, a. 3 co.) Thomas adopte la thématique de l’obombration, mais il laisse définitivement l’âme humaine dans l’ombre qui caractérise la raison discursive : la connaissance intellectuelle humaine part toujours de la connaissance empirique et elle procède toujours en passant d’une conception à une autre. Contrairement aux anges qui connaissent dans la pleine lumière de l’intelligence, l’homme a besoin de son corps pour parfaire sa puissance rationnelle. Dans la première partie de la ‹Somme de théologie›, qui date des années 1265–1268, Thomas précise sa psychologie. Il reprend l’enseignement du ‹Commentaire des Sentences› en affirmant clairement que la raison et l’intellect ne peuvent être deux puissances distinctes en l’homme. Le partage albertinien de l’âme humaine est contesté (Summa theologiae, Ia, q. 79, art. 8). Enfin, dans la ‹Sentencia› sur l’EN, à l’endroit du livre X, Thomas repousse très explicitement la possibilité pour l’homme d’une conjonction à l’intellect agent ; il utilise le vocable continuatio et signale que « certains s’imaginent/feignent » la possibilité de cette félicité mentale en cette vie. Il déplace la félicité parfaite, intellectuelle et amoureuse à la fois, dans l’autre vie. Contre la prescription aristotélico-albertinienne de ne pas se contenter de vivre en homme, sa lecture actualise un autre Aristote, celui du livre I de l’EN, où il est dit que les vertueux à qui les nécessités vitales ne font pas défauts sont « heureux comme des hommes » (Robert Grosseteste, Aristoteles. Ethica Nico-

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V. Conclusion : Olivi lecteur des philosophes et critique d’Albert ? Pour conclure avec ce portrait d’Olivi en lecteur des philosophes, je signalerai une autre convergence possible entre Albert et la cible des critiques d’Olivi. Dans la question 31 de sa ‹Summa›, Olivi réfute l’interprétation bonaventurienne des rationes seminales d’Augustin. Selon Bonaventure, les raisons séminales des choses à venir seraient des potentialités déjà actives, présentes dans la matière. La bipolarité matière/forme – ou puissance/acte – à laquelle Olivi tient tant sur le plan ontologique comme sur le plan anthropologique, est de fait fragilisée ou diffractée. Olivi désigne Bonaventure sous le syntagme pluriel « magno48 rum sed etiam potissimorum magistrorum meorum ». Au cours de cette réfutation de Bonaventure, il introduit cependant une critique de la manière dont ses adversaires utilisent Averroès et le cite hors contexte. Rétablissant les thèses d’Averroès dans leur contexte d’énonciation, il revendique une connaissance experte de ses textes pour en contester 49 certains usages. À nouveau, la lecture d’Olivi paraît très informée : Averroès a effectivement critiqué la version actualiste des raisons séminales en rejetant la théorie avicenienne des raisons séminales et son fonde50 ment cosmologique. Chez Avicenne, les raisons séminales étaient en effet insinuées dans les choses par l’intelligence agente, le dator forma__________________ machea, I, 11, éd. René-Antoine Gauthier (Aristoteles Latinus 26,1–3, fasc. 4), Leiden-Bruxelles, p. 158. [EN 1101 a20] : Si autem ita, beatos dicemus vivencium quibus existunt et existent que dicta sunt, beatos autem ut homines.). Thomas d’Aquin, Sentencia Libri ethicorum, Liber X, 13, éd. Commissio Leonina (Opera omnia 47/2), Roma/Paris 1969, p. 595b : Ex quo patet quod ultimam felicitatem humanam ponit Aristotiles in operatione sapientiae de qua supra in VI determinavit, non autem in continuatione ad intelligentiam agentem, ut quidam fingunt. Attendendum etiam quod in hac vita non ponit perfectam felicitatem, sed talem qualis potest competere humanae et mortali vitae ; unde et supra in I dixit : ‹Beatos autem ut homines›. 48 Quaestiones in Secundum Librum Sententiarum, Quaestio 31, éd. Bernardus Jansen (Bibliotheca Franciscana Scholastica Medii Aevi 4), Quaracchi 1922, p. 516. 49 Ibid., pp. 550–551 et 560 : Verba enim Commentatoris in articulo posita sunt truncate [… ]. 50 Averroes, Metaphysicorum liber VII, comm. 31, Venetiis 1562–1574, vol. 8 [réimpr. Frankfurt 1962], f. 180r–181v.

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rum. Dans la question 31 Olivi mentionne explicitement la théorie avice51 nienne du dator formarum. Or cette théorie n’apparaît pas dans les trois questions consacrées par Bonaventure aux raisons séminales à divers 52 endroits de son ‹Commentaire du deuxième livre des Sentences›. Non seulement la théorie avicennienne est absente du texte bonaventurien, mais celui-ci accorde à peine plus d’attention à Averroès, qui n’est men53 tionné qu’une fois dans ces pages. De fait, Olivi n’a pas le même dossier de textes que Bonaventure ; la part arabe y est beaucoup plus importante. Or qui cherche une discussion du dator formarum d’Avicenne en relation avec la question des rationes seminales rencontrera probablement le ‹Commentaire de la Métaphysique› d’Albert. La théorie avicennienne y est critiquée en des développements qui ménagent par ailleurs une place 54 importante à Averroès. Si Bonaventure est assurément critiqué par Olivi, une convergence de la critique sur Bonaventure et Albert ne peut être exclue, car Albert défend lui aussi une conception des raisons séminales comme puissances actives inscrites dans la matière et il le fait en discutant 55 les doctrines d’Avicenne et d’Averroès. Selon la reconstruction livrée par A. Rodolfi, Albert critique Avicenne pour suivre la voie averroïste, mais il y ajoute un complément néoplatonicien, du fait de l’inscription de 56 sa solution dans le contexte d’une cosmologie des intelligences. ___________________ 51 Ed. cit., pp. 509 ss. 52 Sent. II, dist. 7, pars 2, art. 2, q. 1, Ed. Collegii S. Bonaventurae, Quaracchi 1885, pp. 196–199 ; Sent. II, dist. 15, art. 1, q. 1, pp. 372–377 ; Sent. II, dist. 18, art. 1, q. 3, pp. 439–444. 53 Sent. II, dist. 18, art. 1, q. 3, p. 440. 54 Albert le Grand, Metaphysica, I, tract. 5, cap. 8, éd. Bernardus Geyer (Opera omnia 16/1), Münster 1964, p. 79 ; et Albert le Grand, Metaphysica, XI, tract. 1, cap. 8, éd. Bernardus Geyer (Opera omnia 16/2), Münster 1964, pp. 468–471. 55 Albert expose sa théorie des raisons séminales dans son ‹Commentaire de la Métaphysique› (I, tract. 5, cap. 8 et XI, tract. 1, cap. 8), dans sa ‹Summa theologiae› (II, tract. 1, q. 4) et dans son ‹Commentaire des Sentences› (II, dist. 1, art. 12). 56 Rodolfi, Anna, Il concetto di materia nell’opera di Alberto Magno (Corpus philosophorum medii aevi. Testi e studi 18), Firenze 2004, p. 116. La cosmologie des intelligences constitue d’ailleurs un autre point d’opposition entre Olivi et Albert. On pourrait y ajouter la question de l’universel et de son statut in re, affirmé par Albert, contesté par Olivi.

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À juste titre, Alain de Libera a insisté sur le rôle séminal d’Albert dans la constitution de l’averroïsme parisien. Il n’est pas indu d’élargir le spectre de cette influence à l’ensemble des acteurs intellectuels du moment et surtout à l’éventail entier des disciplines philosophiques. Albert est en effet le premier à livrer un cycle complet de commentaires aristoté58 liciens. L’hypothèse d’une connaissance précise d’Albert par Olivi et de la stigmatisation du dominicain en formaliste averroïste doit bien sûr être prise avec prudence et mise à l’épreuve d’autres enquêtes sectorielles. Par contre, une lecture cursive de la ‹Summa› d’Olivi ne peut que conforter l’historien dans la conviction d’une connaissance différenciée d’Averroès par Olivi. D’une part, les Averroistae et les Aristotelici sont par endroits présentés comme deux factions philosophiques différentes. D’autre part, Averroès est souvent distingué d’Aristote et, qui plus est, il apparaît sou59 vent moins faux qu’Aristote. Sur ce dernier point, Olivi se distingue résolument de ses confrères théologiens scolastiques.

___________________ 57 De Libera, Alain, Métaphysique et noétique. Albert le Grand (Problèmes et controverses), Paris 2005, pp. 54 ss. 58 Le projet est achevé en 1268 par le commentaire du ‹Livre des causes› ; en 1263, le commentaire de la ‹Métaphysique› clôt cependant le cycle authentiquement aristotélicien, débuté en 1250 avec le ‹Super Ethica›. À ce sujet : Sturlese, Loris, Storia della filosofia medievale tedesca nel medioevo. Il secolo XIII (Accademia toscana di scienze e lettere «La colombaria». Studi 105), Firenze 1996, p. 78. 59 Voir la section II supra.

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VI. Annexe : le dossier de textes olivien Un peu après 1277 (Narbonne) : Pierre de Jean Olivi, Quaestiones in Secundum Librum Sententiarum, Quaestio 16, éd. Bernardus Jansen (Bibliotheca Franciscana Scholastica Medii Aevi 4), Quaracchi 1922, pp. 294–295, 336–338. [Q. 16 : Quaeritur an in angelis et in omnibus substantiis intellectualibus sit compositio materiae et formae] [Quod non : 6.] Item, ad idem : Quod non cadit in definitione alicuius nisi per accidens non est de constitutione suae essentiae nisi per accidens et non per se ; sed in definitione substantiarum non cadit materia nisi per accidens secundum Aristotelem, VII Metaphysicae. Vult enim ibidem quod in definitione totius non cadunt partes materiales sed solum formales, quin potius e contrario totum cadit in definitione partium materialium. Averroes etiam vult ibidem quod cum definitum dicat totam essentiam et speciem definiti, forma autem constituat rem in specie nec materia sit necessaria nisi ad actualem existentiam speciei, quia secundum eum si forma posset esse per se, completior esset res secundum suam speciem quam sit nunc cum materia : [Averroes] vult, inquam, quod materia non intret definitionem substantiarum nisi sicut unum correlativum intrat definitionem sui correlativi, ad determinandum scilicet dependentiam et respectum ipsius formae. [Solutio ad 6.] Ad sextum dicendum quod in definitionem substantiae compositae ex materia et forma oportet quod intret materia seu ratio materiae ; alias non dicet totam essentiam compositi. Verum est autem quod materia ponitur ibi oblique, sicut et forma concretive ; de substantia enim sic composita non potest aliqua eius pars praedicari directe et in quid. Unde genus quod praedicatur in quid dicit compositum ex materia et forma ; unde in eo, quod genus ponitur in

Olivi 1 [Erreur d’Aristote]

Olivi 2 [Nuance d’Averroès]

Olivi 3 [Opinion propre d’Olivi]

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definitione, ponitur ibi materia. Alias quis posset definire hominem nulla facta mentione de corpore humano, non solum per modum correlativi, sed etiam per modum partis hominis essentialis ? nonnisi qui diceret quod homo non sit aliud quam anima corporis humani. Averroes igitur hic sicut et in multis aliis insanit. Non enim forma rerum habentium materiam dicit totam quidditatem ipsarum, sicut ipse vult, sed oportet quod dicat aggregatum ex forma et materia, sicut facit humanitas quam quidam vocant formam totius, quamvis secundum veritatem non possit dici forma nisi metaphorice ; alias oporteret quod aliquam materiam veraciter informaret et quod cum ea constitueret tertiam naturam et multa alia inconvenientia alibi tacta. Aristoteles etiam non hoc videtur ibi sentire, licet mihi non sit cura quid hic vel alibi senserit ; eius enim auctoritas et cuiuslibet infidelis et idolatrae mihi est nulla, et maxime in iis quae sunt fidei christianae aut multum ei propinqua. A multis enim ibidem exponitur quod non loquatur de materia aut partibus materialibus in communi acceptis, sed solum de eis, prout sunt particulares et individuatae ; alias verba eius [Aristotelis] sunt etiam contra dictum Averrois, cum ipse velit quod intrent definitionem per modum correlativi ; et eo modo quo intrat definitionem oportet quod sit prior definito. Aristoteles autem utrumque negat a partibus materialibus ; vult enim quod non intrent definitionem totius, sed potius quod totum intret definitionem earum et quod non sint priores suo toto sed posteriores quantum ad intellectum et quantum ad viam definiendi, dans exemplum de circulo et semicirculo et de recto angulo et acuto qui est quaedam pars anguli recti, et de digito et homine cuius est. Vidi tamen quendam qui dicebat Aristotelem hic satis turpiter fuisse deceptum, in exemplis scilicet quae causa probationis ponit. Semicirculus enim et angulus acutus, prout in eorum definitionibus cadunt circulus et

Olivi 4 [Extravagance d’Averroès]

Olivi 5 [Une interprétation charitable d’Aristote, en accord avec Averroès]

Olivi 6 [Interprétation olivienne d’Aristote, qui ne concorde pas avec Averroès] [= Olivi luimême : Olivi 3']

Olivi et le formalisme ontologique

rectus angulus, non erant, ut dicebat, partes eorum, sed potius sumuntur ut quaedam tota ab eis et ab aliis partibus eorum divisa. Angulus enim acutus, prout est pars recti anguli, non debet dici angulus acutus nec etiam angulus. Et similiter semicirculus, prout est actualis pars circuli, non debet dici figura semicircularis nec etiam semicirculus ; in quantum enim est pars eius, non est figura sed pars figurae, nec debet aliquo modo intelligi ut divisus, sed ut unitus. De digito vero et consimilibus partibus dicebat quod duplex est modus partium. Quaedam enim sunt ex quibus simpliciter constituitur ipsum totum, ita quod sine eis nullo modo esse potest, ut sunt in homine corpus et anima et in corpore humano cor et caput ; quaedam vero aliae sunt quae non faciunt ad eius esse simpliciter, sed solum ad perfectum esse, substantiale tamen. Et primae quidem simpliciter sunt priores toto, etiam quantum ad intellectum, aut saltem simul et aliquo modo oportet quod in eorum definitionibus cadant ; secundae vero nec quantum ad suum materiale nec quantum ad suum formale intrant definitionem totius, si per definitionem non indicetur eorum essentia completa et complete, sed solum eorum essentia simpliciter ; quia illo modo non sunt partes illius totius. Et sic dicebat esse in digito et consimilibus. Qui autem nituntur Aristotelis exempla exponere dicunt quod quantitas est materia circuli et anguli et breviter omnium figurarum. Incisio autem non competit figuris nisi per quantitatem quae secundum eos est earum materia et pars materialis ; et ideo dicunt quod incisiones semicirculorum non competunt circulo secundum suam speciem, sed solum huic vel illi circulo per materiam suam, quantitatem scilicet individuatam.

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Olivi 7 [Une interprétation d’Aristote à partir d’Averroès, Metaph. VII, comm. 35, 186vb–187ra : Thèse de la quantitématière]

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Un peu après 1277 (Narbonne) : Pierre de Jean Olivi, Quaestiones in Secundum Librum Sententiarum, Quaestio 51, éd. Bernardus Jansen (Bibliotheca Franciscana Scholastica Medii Aevi 5), Quaracchi 1924, p. 119. Istum igitur errorem relinquo Averroistis saracemetantibus qui ponunt quod materia non intrat quidditatem tanquam pars eius, sed solum sicut unum correlativorum intrat definitionem alterius, non intelligentes quod compositum habet essentiam et quidditatem compositam cuius altera pars est essentia materiae. Forma vero ipsius materiae non habet materiam tanquam partem suae essentiae, sed solum tanquam terminantem et suscipientem respectum et inclinationem ipsius formae. Et consimiliter est de materia. Nec tamen propter hoc oportet dicere quod compositum habeat intra se duas formas quarum una sit forma partis seu ipsius materiae et alia forma et quidditas totius, quia quidditas ipsius compositi non dicitur forma ipsius compositi nisi metaphorice […].

Olivi 8 [L’erreur des «averroïstes»]

Olivi 9 [Thèse vaine des deux formes]

Après 1280 (Narbonne ou Montpellier) : Pierre de Jean Olivi, Quaestiones logicales, Quaestio 14, éd. Stephen F. Brown, dans : Traditio 42 (1986), pp. 335–388, ici p. 365, 367. 4. Item, unitas, veritas et quidditas generum et specierum videntur consistere in formis, ita quod materia nihil videtur facere ad rationem ipsorum, nisi solum quod sustinet formas sive quidditates eorum. Quia si per impossibile possent poni formae absque materia, prior et actualior esset in eis quidditas specierum et generum entis. Ad quartum dicendum quod licet Averroes, Commentator Aristotelis, videatur sensisse hoc praedicta ratio dicat et arguit, nihilominus a parte rei est falsum, quia indubitanter materia est sic pars constitutiva substantiarum compositarum quod absque ipsa non possunt habere nec re nec intellectu suam completam et integram rationem et quidditatem. Unde nec anima separata habet integraliter totam essentiam

Olivi 8' [L’erreur d’Averroès]

Olivi et le formalisme ontologique

hominis, quantuncumque miraculose Deus faceret formas substantiarum absque materia sua, semper haberent rationem entis partialis et incompleti respectu sui compositi.

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II. Questions philosophiques

Pierre de Jean Olivi et l’action instantanée *

William Duba (Fribourg)

La pensée de Pierre de Jean Olivi figure comme l’une des sources de la doctrine de la ‹contingence synchronique›, traditionnellement associée à 1 Jean Duns Scot. La théorie de la ‹contingence synchronique› a été saluée comme un développement révolutionnaire de la théorie des modalités, marquant une rupture par rapport au précepte aristotélicien selon lequel omne quod est, quando est, necesse est esse (« tout ce qui est, quand il est, 2 est nécessairement »). Olivi contribue à cette rupture de l’histoire de la philosophie lorsqu’il prétend qu’à l’instant où se produit une action contingente, l’agent a la possibilité de réaliser l’action opposée. Cette théorie de la ‹contingence synchronique› procède d’une insistance sur la dimension instantanée de l’action – thèse qu’Olivi développe en réaction à la doctrine de la connaissance et de l’intellection élaborée par les perspectivistes. Pierre de Jean Olivi élabore cette théorie en tirant les conséquences d’un autre principe aristotélicien, selon lequel la cause et l’effet sont simultanés : causa et effectus simul sunt et non sunt (« la cause et 3 l’effet existent et n’existent pas simultanément »). Lorsqu’ils abordaient la question du changement, les penseurs de la fin e du XIII siècle adoptaient souvent une division des êtres en êtres permanents et êtres successifs. Se fondant sur une division aristotélicienne, les médiévaux concevaient les êtres successifs comme des êtres dont les par___________________ *

Je remercie Catherine König-Pralong pour la traduction française. Sur la contingence synchronique et le rôle d’Olivi comme source de Scot, voir Dumont, Stephen D., The Origin of Scotus’s Theory of Synchronic Contingency, dans : The Modern Schoolman 72 (1995), pp. 149–167. 2 Aristote, De interpretatione, c. 9 (19a23–25) ; cf. Les Auctoritates Aristotelis : un florilège médiéval. Étude historique et édition critique, éd. par Jacqueline Hamesse, Leuven 1974, p. 306, n. 20. 3 Hamesse (note 2), p. 146, n. 72 ; cf. Aristote, Physica II, c. 3 (195b16-18) ; (Aristoteles Latinus VII.1, pp. 61–62 : Omnes autem aut operantes aut secundum potentiam sunt, differunt autem, quod operantes quidem et singulares simul sunt et quorum sunt cause.).

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ties différaient dans le temps et les êtres permanents comme des êtres 4 possédant des parties simultanées. La distinction démarque par conséquent les changements relatifs à la qualité, à la quantité et au lieu, des états achevés et des êtres complètement réalisés. Elle suppose une division parallèle des types de changements : le mouvement englobe les changements qui se produisent dans le temps et impliquent un passage à travers une succession d’êtres, alors que la mutation est un changement 5 instantané d’un être permanent en un autre. Selon Pierre de Jean Olivi, puisque la mutation se produit dans l’instant, sa cause doit aussi agir à ce même instant (causa et effectus simul sunt et non sunt). Cette coexistence de la cause et de l’effet forme la base de la doctrine olivienne de l’action instantanée, que le maître franciscain applique dans certaines de ses analyses les plus influentes. Quand Olivi traite de la sensation, le maître franciscain se sert de l’action instantanée pour réfuter la thèse des perspectivistes affirmant que les species sensibles se propagent dans un milieu ; sur la question de l’action volontaire, la conception de l’action instantanée conduit à la doctrine de la contingence synchronique, défendue par Olivi puis rendue célèbre par Scot. L’analyse olivienne du premier instant des êtres permanents et son application à des objets aussi disparates que la lumière du soleil et la volonté sont révolutionnaires. La théorie olivienne rencontre l’instant du changement en discutant de la relation existant entre la puissance (comme capacité de vouloir) et l’actualité de la chose voulue. Dans ses ‹Sentences›, à la distinction 42 du deuxième livre, Olivi élabore une doctrine en laquelle Stephen Dumont a vu un antécédent de la notion scotiste de 6 contingence synchronique. Dumont a identifié dans l’œuvre d’Olivi ___________________ 4

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Kretzmann, Norman, Incipit/Desinit, dans : Motion and Time, Space and Matter : Interrelations in the History of Philosophy and Science, éd. Peter K. Machamer, Robert G. Turnbull, Columbus OH, 1974, pp. 101–136, voir 110–113. Brower-Toland, Susan, Instantaneous Change and the Physics of Sanctification : ‹Quasi-Aristotelianism› in Henry of Ghent’s Quodlibet XV q. 13, dans : Journal of the History of Philosophy 40 (2002), pp. 19–46 ; Dumont, Stephen D., Time, Contradiction and Free Will in the Late Thirteenth Century, dans : Documenti e Studi sulla Tradizione Filosofica Medievale 3.2 (1992), pp. 561–597 ; Knuuttila, Simo, Lehtinen, Anja Inkeri, Change and Contradiction : A Fourteenth-Century Controversy dans : Synthese 40 (1979), pp. 189–207. Dumont (note 1), pp. 160–167.

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plusieurs concepts-clés de la célèbre théorie scotiste, en particulier la distinction de plusieurs aspects présents dans l’instant du vouloir et révélant un rapport de priorité et de postériorité : l’action de vouloir quelque chose se produit en un instant qui peut être divisé en une cause par nature antérieure, la capacité de vouloir les opposés, et un effet postérieur par nature, ce qui est actuellement voulu. La description olivienne de l’action volontaire instantanée a très probablement influencé Jean Duns e Scot et, à travers lui, la tradition scolastique du XIV siècle. La focalisation olivienne sur la volonté n’est pas fortuite. La liberté de la volonté constitue un principe qui détermine nombre de ses décisions philosophiques. Comme l’a montré Katherine Tachau, Olivi s’oppose par ce moyen aux perspectivistes, avant tout à Roger Bacon : il argumente contre la théorie de la connaissance sensible supposant une multiplication des species, en faveur de l’action immédiate des puissances sensitives. Les arguments invoqués par les philosophes pour affirmer que les sens sont purement passifs peuvent en effet être utilisés pour montrer 7 que la volonté elle-même n’agit pas. La présente étude relie les deux domaines et montre dans quelle mesure l’influente théorie olivienne de la contingence synchronique peut être envisagée comme un cas spécifique d’une doctrine plus large, celle de l’action instantanée, qui fut développée par Olivi en réaction à la théorie de la connaissance des perspectivistes. Dans cette optique, elle entend montrer ce que signifie la contingence synchronique pour Olivi ; elle abordera ensuite le cas de l’action instantanée et montrera comment ce système olivien garantit non seulement la liberté de la volonté, mais aussi la certitude épistémologique. Alors que le projet d’Olivi est ambitieux par sa visée et rigoureusement systématique, mon effort sera ici plutôt modeste, avoisinant l’arbitraire ; je me limiterai à la vision exposée par Olivi dans deux questions du deuxième livre de son commentaire des 8 ‹Sentences›, les questions 42 et 26, dans cet ordre-là. En premier lieu, la théorie olivienne de la contingence synchronique insiste sur la liberté de la volonté à l’instant où son effet est produit ; elle rompt ainsi avec la tradition affirmant que l’on ne peut vouloir que des actes futurs. En réponse à la question 42 qui demande si un ange peut ___________________ 7

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Tachau, Katherine H., Vision and Certitude in the Age of Ockham : Optics, Epistemology and the Foundations of Semantics 1250–1345, Leiden 1988 (Studien und Texte zur Geistesgeschichte des Mittelalters 22), pp. 39–54. Petrus Ioannis Olivi, Quaestiones in secundum librum Sententiarum (= In II Sent.), éd. Bernardus Jansen, Quaracchi 1922–1926.

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pécher au premier instant (nunc) de sa création, Olivi soutient qu’il ne le peut pas. Olivi affirme qu’un ange ne peut pécher au premier instant de son existence, car, pour pécher véritablement, il aurait dû avoir la vertu contraire au péché. Puisque les contraires ne peuvent exister en la même chose au même instant, l’acte de pécher n’a pu être que temporellement 9 postérieur à l’acte de création de l’ange. Comme l’a noté Dumont, en traitant ce cas Olivi rejette la conception classique (« classic view ») de la puissance : la seconde raison [fallacieuse] attribuée à Hugues de Saint-Victor affirme la liberté de la puissance, dans le sens où celle-ci n’est capable des opposés que relativement à des actes futurs ou à des actions qui n’ont pas encore été accomplies, puisqu’un acte qui s’est produit ou a été accompli n’est pas en mesure de ne pas être produit. Dans cette optique, la puissance de pécher, pour l’ange, ne 10 concerne que le futur, au premier instant de cette puissance.

Selon Olivi, le problème inhérent à cette position consiste en une disjonction temporelle entre nos puissances actives et leurs actions. Il est bien clair que nous ne pouvons rien accomplir dans quelque instant (nunc) futur avant que cet instant n’arrive ; ainsi, aucune de nos puissances n’est pleinement et définitivement capable de produire un acte qui doit se réaliser à quel11 que instant futur, avant que cet instant futur ne soit présent.

En résumé, le vouloir est un cas d’action instantanée. Olivi poursuit sa réfutation, en faisant référence à un ordre de nature dans l’instant : L’acte mentionné auparavant possède en un même instant (nunc) une double relation : premièrement en tant que, dans l’instant, l’acte est naturellement postérieur à sa cause, en tant qu’il sera produit par elle, deuxièmement en tant qu’il existe en lui-même comme quelque chose de déjà produit. Une fois qu’il est sous ce second rapport, l’acte n’est plus en mesure de ne pas advenir. Il est en mesure ___________________ 9 Petrus Ioannis Olivi (note 8), q. 42 (t. 1, p. 711). 10 Ibid., (t. 1, pp. 705–706) : Secunda ratio quae Hugoni de Sancto Victore adscribitur est : quia potestas non est libera seu potens in opposita nisi respectu actuum futurorum seu nondum factorum, quia actus, dum fit vel est factus, non potest non fieri ; ergo potestas qua angelus potuit peccare fuit tantum respectu futuri ad primum nunc suae potestatis. 11 Ibid., (t. 1, p. 706) : Constat enim quod nihil possumus agere in futuro nunc, usquequo illud futurum nunc advenerit ; unde nulla potentia nostra est plene et ultimate potens exire in actum fiendum in futuro nunc, usquequo illud futurum nunc sit praesens.

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de ne pas advenir aussi longtemps qu’il est sujet au premier rapport, pour autant 12 que sa cause soit libre de produire des opposés.

Lorsque la volonté détermine quelque chose à être, cette chose peut aussi ne pas être à l’instant même où elle advient à l’être, et cette contingence exprime simplement la relation de l’effet à la cause, c’est-à-dire la relation de l’acte de vouloir à la volonté comme puissance des opposés. L’application de cette conception de l’action instantanée au cas de l’ange voulant pécher soulève quelques objections. Puisqu’Olivi insiste sur la nécessaire présence de la vertu antérieurement à l’acte de pécher, on pourrait en inférer qu’à l’instant où l’ange veut pécher, la vertu opposée au péché est également présente en lui. En réponse à cette objection, Olivi affirme que le terme proprement dit de la durée d’exercice de la vertu « n’a pas lieu au moment où la vertu est écartée, mais seulement 13 dans l’instant ou le temps précédent » . Il explique en outre qu’à l’instant du péché, la vertu – comme le péché – existe dans sa cause, qui lui est naturellement antérieure, en tant que l’un des actes possibles de la volonté, mais qu’elle n’existe pas en elle-même, du moment où la volonté a 14 voulu un acte qui lui est opposé. En affirmant que l’action de pécher doit se produire à l’instant même de la détermination dépravée de la volonté de l’ange, Olivi applique sa thèse générale de l’action instantanée au cas spécifique de l’ange. Dans la ___________________ 12 Ibid. : Praedictus enim actus habet in eodem nunc duplicem respectum. Quorum primus est, prout in eodem nunc est naturaliter posterior sua causa tanquam fiendus ab ipsa ; secundus est, prout iam est factus et in se ipso existens. Postquam autem est sub hoc secundo respectu, non potest non fieri ; potest tamen, quamdiu est sub solo primo, si eius causa est libera in opposita. 13 Ibid., (t. 1, p. 714) : si quis, inquam, ex hoc arguat quod potestas ad opposita est et esse potest respectu nunc futuri, prout tertia ratio superius data dicit : dicendum quod ex hoc non sequitur, quia non est sensus quod ex hoc quod habuit virtutem in praecedenti tempore potuerit in sequenti nunc mereri, nisi pro quanto in hoc supponitur quod virtus potuit in sequenti nunc perdurare ; constat enim quod absque hac duratione non potuit a virtute exire actio meriti ex hoc solo quod virtus praeextitit in tempore immediate praecedenti. 14 Ibid., (t. 1, p. 713) : Quia tamen effectus prius naturaliter est in sua causa quam in propria existentia, idcirco nihil inconveniens, si virtus in suis causis prius naturaliter extitit in aliquo nunc quam secundum propriam existentiam extiterit in illo aut antequam secundum propriam existentiam esset delata in illo. Igitur pro quanto virtus in suis causis prius naturaliter extitit in illo nunc in quo secundum se desiit esse : pro tanto potentia volitiva potuit in illo nunc per eam bene agere et vitare et odire peccatum.

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question 26, il précise cette doctrine générale en répondant à la question : « Les premières impressions de tous les agents sont-elles produites par eux dans l’instant ? ». Par « premières impressions de tous les agents », Olivi réfère à la doctrine de la sensation. Il engage sa réponse par une critique de ceux pour qui la sensation se produit par la voie de la multiplication des species sensibles : Au sujet de cette question, l’opinion de certains perspectivistes, comme l’auteur de la Perspectiva, veut que les agents corporels produisent leurs impressions 15 dans le temps, bien que ce temps nous soit imperceptible.

Olivi expose deux manières de comprendre cette action temporelle et accuse ses adversaires de les adopter toutes deux. La première affirme que la propagation des espèces dans le medium se produit dans le temps, comme lors d’un mouvement local ; la seconde prétend que la réception d’une impression prend du temps, comme le devenir d’un être successif. Pour Olivi, la deuxième théorie, qui postule la réception d’une impression à la manière d’un être successif, est superflue, car [… ] lorsque l’agent et le patient sont présents et lorsque la puissance active [virtus] de l’agent est dans sa dernière actualité ou dans une actualité suffisante pour agir, quelque chose passe immédiatement de l’agent au patient ; si pour quelque raison cela ne se produit pas immédiatement, pour la même raison cela ne se produira jamais. Mais ce qui passe d’abord de l’agent au patient est son effet et 16 sa similitude. ___________________ 15 Petrus Ioannis Olivi (note. 8), q. 26 (t. 1, p. 448) : Circa quaestionem istam est quorundam perspectivorum opinio, ut auctoris Perspectivae, quod agentia corporalia agunt impressiones suas in tempore, licet nobis imperceptibili. Sed an velint hoc dicere pro tanto quod scilicet in toto medio seu in omnibus partibus patientis non fiant simul, sed species quae est in priori parte successive generet sibi similem in altera, ita tamen quod in eo quod est sibi immediatum generet immediate seu in instanti, aut pro tanto hoc velint quod in quocunque generatur successive generetur, ita quod usque ad certum terminum illius temporis non possit dici facta, sed solum in fieri, sicut est in illis quae de potentia materiae educuntur, aut velint hoc propter utrumque : ex dictis eorum non est multum clarum, licet quondam dicta satis innuant quod pro utroque hoc intendunt. 16 Ibid. : Ex parte quidem agentis : quia praesente agente et patiente et virtute agentis existente in ultima actualitate sua vel ad agendum sufficienti statim sequitur aliquid ab agente in patiens ; qua enim ratione non statim, eadem ratione nec postea unquam ; quod autem primo sequitur ab agente in patiens est eius effectus et similitudo.

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Si le patient a la capacité de recevoir l’impression immédiatement, à quoi peut bien servir une réception temporelle ? De plus, le fait de poser un être successif ne ferait qu’engendrer une complication ontologique : [… ] ce dont le devenir précède l’être dans le temps n’est pas la première impression du patient, mais plutôt son devenir, et cette chose est le terme de son devenir, différant de lui spécifiquement à la manière dont l’instant (nunc) diffère du temps et la mutation du mouvement ; s’ils appartenaient à la même espèce, son devenir et son être seraient identiques, contrairement à ce que cette voie sup17 pose.

Deux aspects méritent en particulier notre attention. Premièrement, Olivi affirme que la manière dont une impression se produit requiert qu’elle soit un être permanent. Il n’existe en effet qu’une espèce d’impressions ; si la succession n’implique rien d’autre qu’un être successif, elle a cependant son terme dans un être permanent spécifiquement différent de cet être successif. C’est pourquoi toute conception d’une impression comme être successif ne peut qu’entraîner des complications inutiles, car elle implique qu’une impression résulte également d’un être permanent. Deuxièmement, Olivi distingue les êtres permanents des êtres successifs à la manière dont il démarque le maintenant – l’instant présent – du temps et la mutation du mouvement. Selon Olivi, si le temps est la mesure du mouvement selon l’antérieur et le postérieur, l’antérieur et le postérieur de la mutation sont instantanés et incommensurables. L’argumentation pointant le caractère superfétatoire d’une conception de l’impression comme être successif débouche sur une critique de la théorie de la propagation temporelle des espèces dans le milieu. Selon l’interprétation olivienne de cette théorie, la transmission d’une espèce dans la première partie du milieu doit être instantanée. Et ainsi de suite pour l’entièreté de sa transmission à travers le milieu. Ainsi la propagation des espèces ne se produit-elle pas dans le temps, mais dans l’instant. De plus, si l’espèce était ainsi multipliée, il faudrait poser un infini actuel. Olivi achève sa critique de la multiplication des espèces dans le temps par un appel à l’expérience. D’abord il mentionne la critique adressée par ___________________ 17 Ibid., (t. 1, p. 449) : Ex parte vero speciei seu impressionis sic arguunt : primo quidem, quia id cuius fieri praecedit tempore suum esse non est prima impressio patientis, sed potius eius fieri, et ipsum est terminus sui fieri et alterius speciei, eo modo quo nunc differt a tempore et mutatio a motu ; si enim essent eiusdem speciei, tunc idem esset fieri eius et suum esse, cuius contrarium modus ille ponit.

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Aristote à Empédocle, selon laquelle nous n’observons pas de mouvement de la lumière, même lorsque celle-ci traverse une grande distance. Ensuite il signifie que notre certitude est en jeu dans cette question : Mais, outre l’autorité d’Aristote et les nombreuses raisons qui se trouvent dans sa doctrine, il peut être clairement montré que la vision est dans l’instant par l’argument suivant : si nous appréhendions d’abord une partie du visible, puis une autre, et si nous le faisions selon l’extension, l’intension ou selon les deux [modes] à la fois, nous n’aurions de certitude d’aucune chose visible ou sensible, car à aucun instant (nunc) ne serait appréhendé quelque chose à son sujet ni aucune chose ne serait jamais appréhendée simultanément et, de fait, rien ne serait 18 appréhendé de manière déterminée.

La thèse perspectiviste de la propagation temporelle des espèces est grevée du défaut de ne pouvoir expliquer la manière dont peut se former une perception cohérente des divers éléments de la chose, lesquels arrivent à différents moments, représentent différentes parties de la chose et sont connus dans des durées différentes. Dans la forme olivienne du réalisme, les sens doivent être en contact immédiat avec le monde extérieur, pour que la certitude épistémique soit garantie. En outre, argumente Olivi, si le processus de perception était temporel, l’apperception et la perception seraient diachroniques. « Car » – dit-il – « lorsque nous sentons dans notre pied ou dans une autre partie de notre corps, nous sentons immédiatement par notre sens commun que nous avons là une sensation, et nous ne le pourrions d’aucune manière si ne se produisait pas au même instant dans les deux sens une espèce pro19 pre et un acte propre. » Dans cette question, Olivi rejette la thèse perspectiviste de la sensation principalement pour la raison que la sensation doit se produire instantanément : la sensation est une espèce de mutation et, en tant que telle, elle ___________________ 18 Ibid., (t. 1, p. 452) : Quod autem visio sit in instanti praeter auctoritatem Aristotelis et praeter rationes multas quae habet in sua materia locum suum per hoc patere potest : quia si prius unam partem visibilis et postea aliam apprehenderemus et hoc sive secundum extensionem sive secundum intensionem sive secundum utrumque, de nullo visibili aut sensibili haberemus certitudinem ; quia in nullo uno nunc aliquid apprehenderetur de eo nec unquam aliquid simul et ita nihil determinate. 19 Ibid., (t. 1, p. 451) : Statim etiam sicut sentimus in pede aut in quacunque corporis parte, sentimus per sensum communem nos ibi sentire ; et hoc nullo modo possemus, nisi in eodem instanti sit facta in utroque propria species et proprius actus.

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ne peut être mesurée par le temps. Il n’est pas seulement inutile de poser que la sensation se produit dans le temps ; cette thèse met aussi en danger la certitude que nous avons au sujet du monde extramental. Cependant, la théorie de la sensation instantanée pose aussi quelques problèmes propres. Si le mécanisme complet de la sensation se produit dans l’instant, comment peut-il être temporellement étendu ? Si une personne regarde fixement à travers la rue et aperçoit immédiatement un homme attendant un autobus, comment se fait-il qu’une seconde plus tard elle puisse toujours être en train d’apercevoir ce même homme ? Olivi affirme qu’on a alors soit la même perception de la même chose, soit une perception continuellement différente (semper alia et alia), ou peut-être encore une perception qui change seulement lorsque l’agent ou le patient change, par exemple lorsque l’homme monte dans le bus ou l’observateur tombe de sa chaise. Bien qu’Olivi considère comme improbable la thèse de la perception identique et préfère la troisième explication, basée sur les changements d’états, il n’adhère pas de manière ferme à une conception particulière ; la seule chose qui importe vraiment à ses yeux est que l’action se produise dans l’instant. Si l’action instantanée se produit de la troisième manière, se modifiant seulement lorsque l’agent ou le patient subit un changement, il est alors possible – selon Olivi – d’y appliquer les arguments relatifs aux êtres 20 éviternels , comme les anges et les âmes humaines : ces créatures sont créées instantanément et possèdent cependant une permanence qu’elles doivent à leur dépendance continue envers Dieu, dépendance signifiant le 21 maintien continu de leur être permanent. De même, on commence à percevoir un objet à un instant et la permanence de cette sensation est continuellement dépendante de la visibilité de l’objet et de l’attention sensitive à l’objet. ___________________ 20 Ibid., (t. 1, p. 456) : Ad secundum dicendum quod si semper fit eadem, tunc tota erit in primo instanti et tota in sequenti tempore, sicut de aeviternis dicitur ab iis qui ponunt aevum successivum et sicut de primo mobili ponunt omnes. Unde non propter hoc sequetur quod eius fieri mensuretur solo instanti, quia in ipso fieri erit dare veram continuationem, sicut et in esse ipsius speciei ; initium autem continuationis solum erit in instanti vel instans, tota vero continuatio in tempore vel tempus ; quod quomodo possit fieri in quaestionibus de tempore et aevo habet tangi. 21 Sur la réitération des éviternels, voir Cross, Richard, Absolute Time : Peter John Olivi and the Bonaventurean Tradition, dans : Medioevo 27 (2002), pp. 261–300.

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Si l’on pose que l’action instantanée diffère continuellement (semper alia et alia), on rencontre le problème des instants contigus : si le temps est un continuum, il doit nécessairement y avoir un intervalle entre deux points quelconques ; or si nous posons une action qui se produit à un instant donné et qui est différente à chaque instant, la conception continue de l’action semble impliquer qu’elle se produit comme une série d’instants. Tel n’est pourtant pas le cas, selon Pierre de Jean Olivi. Dans le cas d’une action instantanée, continue et inchangée, comme si le soleil était arrêté et illuminait un patient immobile, l’action serait spécifiquement la même aux différents instants et l’illumination continue pourrait être mesurée par son premier et son dernier instant. La première et la dernière impression ou illumination seront alors relatives aux impressions intermédiaires comme le commencement du mouvement au mouvement, comme l’instant au temps, et comme la lumière en surface à ce qui est en profondeur ; et elle différera d’elle comme l’indivisible du divisible. Cependant elle n’en différera pas pour autant spécifiquement, comme la surface de la profondeur, car l’espèce lumineuse n’inclut pas la notion de telle ou telle dimension, comme le font la surface et la profondeur. Ainsi, les dimensions de ces illuminations seront spécifiquement différentes, et non ces illuminations elles-mêmes ; de plus, ces différences ne seront pas plus réelles que celle de l’instant par rapport au temps et du point par rapport à la ligne : ceux-ci n’en diffèrent pas comme si l’instant ou le point signifiaient quelque chose d’extérieur au temps ou à la ligne ou à part d’eux, comme il a été montré ailleurs. Ainsi, la première impression deviendra continuellement autre, de sorte à être les parties d’une seule espèce possédant la continuité. En fonction de cela, apparaît clairement ce qui a été abordé dans la réponse précédente : bien que la première impression se produise dans l’instant, l’impression suivante ne se produira pas dans l’instant, mais toute impression qui se produira à un quelconque instant sera seulement par la 22 médiation du temps qui suit le premier instant. ___________________ 22 Ibid., (t. 1, p. 457) : Secundum autem tertium modum [continuitatis, scil. secundum agentis et subiecti successivam secundum unius et eiusdem speciei temporalem permanentiam et durationem] erit sic accipere : supposito enim secundum viam secundam superius positam quod sole immoto et patiente non variato fiat semper alia et alia lux, sicut in eadem parte patientis in eductionibus formarum, quamdiu durat motus, fit semper alia et alia pars formae aut sicut in eadem parte patientis fit semper alia et alia pars et alia pars motus, ut alterationis, ab agente seu alterante : sic erit dare tunc et in proposito. Et tunc prima et ultima impressio seu illuminatio habebunt se ad intermedias sicut initium motus ad motum et sicut instans ad tempus et sicut lux quae in superficie est ad eam quae in profundo differetque ab ea sicut indivisibile a divisi-

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Après avoir insisté sur le caractère instantané de l’action, Olivi nous surprend : de telles actions, à l’instar de l’illumination, n’incluent pas la temporalité dans leur définition, exactement comme la lumière n’inclut pas la tridimensionnalité dans sa définition. De fait, il s’agit d’une activité qui peut avoir lieu à travers le temps ou dans un instant, selon les cas : si nous considérons son premier instant, l’action est instantanée ; si nous considérons l’étendue de sa durée, elle perdure dans le temps. Décrivant la conception olivienne de la relation entre les êtres éviternels et le temps, Richard Cross note : One consequence of Olivi’s view is the redefinition of the two terms ‹permanent› and ‹successive›. Permanence, for Olivi, is no longer associated with the lack of temporal parts. Rather, permanence is equivalent to duration : some objects endure (perdure, as we would say) «by the continuous generation of their parts» – motion, for example, perdures in this fashion ; others endure by repetition. Equally, succession no longer entails the possession of temporal parts. Rather, succession appears to be just a way of talking about the manner of creaturely duration : either by perdurance (the possession of temporal parts) or by 23 endurance (by reiteration).

Cross conclut : « All creatures, we might say, are permanent by means of being successive : they persist either by perduring or enduring. » Alors que nous serions tentés d’affirmer que toutes les créatures sont permanentes, comme le note Cross, Olivi ne le fait pas : il maintient la différence entre êtres successifs et êtres permanents, même s’il paraît bien concevoir les items permanents comme des êtres perdurant en vertu d’une réitération. Conçus de cette manière, les êtres permanents et les êtres successifs ont des actions causales respectivement différentes, selon les dires d’Olivi : aux êtres successifs correspondent les actions qu’il qua___________________ bili. Nec tamen propter hoc erit specie diversa, sicut superficies a profundo ; quia lux non dicit de sua specie rationem huius vel illius dimensionis, sicut superficies et profundum. Dimensiones igitur illarum illuminationum erunt diversae specie et non ipsae illuminationes ; nec ista differentia erit plus realis quam illa qua instans differt a tempore et punctus a linea, quae non sic differunt quasi instans et punctus dicant aliquid extra seu ultra partes temporis et lineae, sicut habet alibi ostendi. Sic igitur semper fiet alia et alia quod erunt partes unius speciei continuitatem habentis. – Et secundum hoc patet ad illud quod superius in responsione tangebatur : licet enim prima impressio fiat in instanti, sequens tamen immediate non fiet in instanti, sed solum illa quae fiet in quocunque instanti mediante tempore sequenti post primum. 23 Cross (note 21), p. 293.

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lifie de non-instantanées, celles qui se produisent dans le temps, alors que les actions instantanées produisent des êtres permanents. Comme nous l’avons vu, Olivi affirme expressément que les facultés sensitives, le sens commun et la volonté fonctionnent tous sur le mode de l’action instantanée, dans laquelle la cause et l’effet sont synchroniques. Selon toute probabilité, l’intellect est également capable d’agir instantanément. La théorie olivienne de l’action instantanée a pu naître en réaction à la doctrine perspectiviste de la sensation ; elle est au centre de la critique olivienne de la multiplication des espèces : pour garantir une certitude à la connaissance du monde extérieur, la perception doit se produire dans l’instant ; de même, les facultés de l’âme rationnelle agissent elles aussi instantanément. De manière alternative, cette théorie a aussi pu être développée dans le prolongement de la notion-clé de contingence synchronique, qu’Olivi considérait comme centrale pour la liberté de la volonté et qui exercera une influence notable sur Jean Duns Scot et ses successeurs. Elle a enfin pu procéder tout naturellement de la doctrine olivienne du temps. L’enseignement d’Olivi relatif à l’action se produisant à l’instant du changement représente un moment crucial pour la pensée franciscaine : il fait le lien entre les théories perspectivistes de l’âge de Roger Bacon et de Jean Peckham et la doctrine de la causalité contingente développée par Jean Duns Scot. Il ne constitue cependant le dernier instant des premières théories que de manière extrinsèque, alors qu’il est intrinsèquement le premier instant de la pensée franciscaine de la fin du Moyen Âge. Toutefois, comme le montre Olivi, le moment où une doctrine apparaît est tout à fait différent de ceux qui suivent.

Materia spiritualis. Implications anthropologiques de la doctrine de la matière développée par Pierre de Jean Olivi Olivier Ribordy (Fribourg)

Dans les dernières années de sa vie, le franciscain Pierre de Jean Olivi procède à une édition de nombreuses questions et traités qu’il avait eu l’occasion de développer. Le fruit de ce patient travail de révision correspond entre autres aux ‹Questions sur les Sentences›, également désignées comme ‹Summa quaestionum super Sententias›, et dont la rédaction défi1 nitive se situe vers 1294/95 . Apparemment isolé à Narbonne, Olivi est en réalité très au fait des débats intellectuels de son temps. Il a d’ailleurs largement contribué à l’alimenter au moyen de théories originales, au rang desquelles figure notamment sa conception sur la matière. Olivi la transcrit dans les questions XVI–XXI de sa ‹Summa›. Dans le cadre de la question XVI, le penseur languedocien présente une série de thèses qui s’avèrent véritablement fondatrices pour sa conception de l’homme. On peut du moins s’étonner du nombre important de références à la dimension humaine que comporte cette question 2 sur les anges. Plusieurs indices en présagent : (I) premier indice, les ren___________________ 1

2

Cf. Sylvain Piron, Les œuvres perdues d’Olivi : essai de reconstitution, dans : Archivum Franciscanum Historicum 91 (1998), p. 377 ; id., Olivi et les averroïstes, dans : Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie 53 (2006), pp. 254–255 et p. 278, n. 88, où il indique la date de 1287–1289 pour le ‹Commentaire des Sentences›. Il importe en effet de distinguer ce ‹Commentaire› de la ‹Summa quaestionum super sententias› ; voir en dernier lieu, id., Le métier de théologien selon Olivi. Philosophie, théologie, exégèse et pauvreté, supra, p. 20, n. 10. Sur l’élaboration et la composition de cette ‹Summa›, cf. Pietro Maranesi, Il IV libro della Summa Quaestionum di Pietro di Giovanni Olivi un’ipotesi di soluzione, dans : Archivum Franciscanum Historicum 95 (2002), pp. 53–92, surtout pp. 55–66. Cf. Petrus Iohannis Olivi, Quaestiones in secundum librum Sententiarum, ed. Bernardus Jansen, Quaracchi 1922, t. I, q. XVI, p. 291 : Primo quaeritur an in angelis et in omnibus substantiis intellectualibus sit compositio materiae et formae.

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vois explicites aux questions anthropologiques. En effet, parmi la cinquantaine de renvois relevés dans la question XVI, une partie non négligeable fait explicitement référence à certaines questions dites anthropologiques de la ‹Summa›, à savoir q. LI, q. LIV et q. LVII. (II) Deuxième indice, l’utilisation raisonnée de certaines sources. Olivi construit notamment sa théorie de la matière en opposition à une thèse à forte connotation anthropologique, la thèse de l’unicité de l’intellect. Cet indice fournira également une occasion privilégiée pour observer comment Olivi élabore son argumentation en dialogue avec philosophes et théologiens. (III) Troisième indice, quelques particularités structurelles de l’argumentation. De par l’ordonnancement même de différents arguments, Olivi semble souligner la nécessité de la matière et considérer l’expérience subjective de l’homme comme une preuve à part entière, pouvant confirmer la doctrine des saints et les arguments rationnels. (IV) Quatrième indice enfin, l’utilisation récurrente de la notion de materia 3 spiritualis. Ce concept, valable aussi bien pour les anges que pour les hommes, est précisément décrit dans la question XVI et se révèle central pour la thématique de l’unité substantielle entre corps et esprit – unité caractéristique de l’être humain. Avant d’illustrer ces quatre indices au travers de passages extraits de la question XVI, relevons en préambule qu’Olivi s’était lui-même proposé d’y considérer les anges ‹ainsi que› toutes les substances intellectuelles. À l’intitulé de la question XVI – « En premier lieu, on demande si dans les anges ‹et› dans toutes les substances intellectuelles il y a composition de matière et de forme » – fait pour ainsi dire écho la structure argumentative. Subdivisé en quatre points, l’argumentaire d’Olivi se focalise sur les voies communes à tous les étants, puis sur les voies propres aux substan4 ces intellectuelles. Selon ce plan argumentatif, les deux premiers points ___________________ 3

4

Concernant plus particulièrement la notion de materia spiritualis, P. Bissels e avait relevé l’horizon du débat au XIII siècle, cf. Paul Bissels, Die sachliche Begründung und philosophiegeschichtliche Stellung der Lehre von der ‹materia spiritualis› in der Scholastik, dans : Franziskanische Studien 38 (1956), pp. 241–295. Alberto Ara a récemment proposé un vaste panorama sur la matérialité angélique et considéré plus particulièrement les thèses de Bonaventure dans : Angeli e sostanze separate : l’idea di ‹materia spiritualis› tra il secolo XII e il secolo XIII, Firenze 2005. Cf. Quaest. in II Sent., q. XVI, resp, pp. 304–305 : Ad huius autem pleniorem intelligentiam quatuor sunt notanda ; quorum duo sunt communia omnibus substantiis intellectualibus propria ; oportet enim primo videre quae sit ratio

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relèvent de tous les étants, le troisième point concerne spécifiquement la nature angélique, alors que le dernier point mentionne pour sa part les autres substances intellectuelles. De plus, lorsqu’Olivi aborde dans le corps du texte les voies propres aux substances intellectuelles, il invoque les arguments d’autorité, avant de souligner dans sa démonstration par la raison les « quatre [propriétés] qui, d’un commun avis, se trouvent dans les anges ‹et› dans toutes les substances intellectuelles, à savoir 5 l’incorruptiblité, l’inextensibilité, l’intellectualité et la liberté » . Ainsi, dans l’intitulé de la question XVI, la structure argumentative et le texte lui-même, Olivi semble bien vouloir rapprocher l’ange ‹et› les substances intellectuelles, parmi lesquelles s’inscrit l’âme humaine. Par ailleurs, dans la table introduisant la ‹Summa›, Olivi annonce cette question XVI en des termes qui diffèrent quelque peu du libellé formulé dans le texte : « En premier lieu, on demande si dans toutes les substances, soit intellectuelles soit corporelles, il y a composition de matière et de forme. En effet, bien que j’ai rédigé cette question spécialement au 6 sujet des anges, elle est néanmoins générale pour toutes les substances. » Une telle question paraît donc à bien des égards primordiale. N’occupet-elle d’ailleurs pas, avec ses quelques 65 pages dans l’édition Jansen la majeure partie du traité sur la matière, soit presque deux fois la place réservée aux 5 autres questions réunies ? N’a-t-elle pas, selon les derniers éléments de datation disponibles, été écrite après les condamnations de 1277, alors que les questions XVIII, XX et XXI précèdent le syllabus chapeauté par Étienne Tempier ? Et ne figure-t-elle pas, selon le souhait éditorial d’Olivi lui-même, en tête des réflexions dédiées à la matière ? Pour saisir l’importance de la question XVI dans le projet intellectuel du spirituel languedocien et mieux cerner sa portée anthropologique, abor___________________

5 6

materiae quam per suum nomen directe significare intendimus ; secundo autem quae sit eius necessitas ad constitutionem entium ; tertio oportet videre an ratio et natura materiae cum proprietatibus naturae angelicae possit se compati ; quarto an natura angelica et aliarum substantiarum intellectualium possit sine materia salvari in complemento suae existentiae et speciei. Quaest. in II Sent., q. XVI, resp., p. 300. Cf. Quaest. in II Sent., p. 2* : Primo, an in omnibus substantiis, sive intellectualibus sive corporeis, sit compositio materiae et formae. Licet enim specialiter quaestionem hanc scripserim de angelis, est nihilominus generalis ad omnes substantias ; ainsi que l’introduction de Tiziana Suarez-Nani à la traduction des qq. XVI–XXI dans : Pierre de Jean Olivi, La matière, Paris 2009, p. 25, n. 1.

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dons les quatre indices mentionnés, en commençant par les renvois internes. Ces jalons placés au fil du texte par le franciscain tissent des liens étroits entre les questions sur la matière et laissent deviner la façon dont cet ensemble est organisé.

I. Renvois explicitement mentionnés par Olivi Soulignons tout d’abord la soixantaine de renvois figurant dans les questions XVI à XXI – simple illustration des quelque 1’000 renvois disposés 7 par Olivi dans toute son œuvre. Alors que les questions XVII–XXI ne contiennent qu’une dizaine de renvois, la question XVI en concentre à 8 elle seule pas moins d’une cinquantaine , lesquels reflètent la savante argumentation établie par Olivi dans cette quaestio. Inaugurant le traité sur la matière, la question XVI se caractérise par une structure que l’on pourrait décrire comme habituelle, mais très dé9 taillée , puisque Olivi avancera 22 arguments contraires et 6 arguments favorables, avant de donner sa réponse, de réfuter les 22 objections et de préciser les arguments favorables. Soucieux du détail de son argumentation, Pierre de Jean Olivi veille à scrupuleusement distinguer chaque point et opère des renvois au sein même de cette question XVI. Ainsi, la structure élaborée se voit-elle étayée par quelque 18 renvois internes qui permettent au franciscain entre autres de reprendre certains exemples ou alors d’abréger l’une ou l’autre démonstration. Tout aussi instructifs sont les 32 renvois dans la question XVI, au moyen desquels le penseur fait cette fois référence à d’autres questions, mentionnant souvent leur objet de recherche ou leur intitulé, mais se contentant parfois d’un sicut alibi ___________________ 7

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Pour une analyse d’ensemble, cf. Sylvain Piron, Parcours d’un intellectuel franciscain. D’une théologie vers une pensée sociale : l’œuvre de Pierre de Jean Olivi (ca. 1248–1298) et son traité ‹De contractibus›, Paris 1999 (inédit). Les renvois, ainsi que les questions auxquelles ils font référence, ont été indiqués en note de la traduction (note 6). Ces deux qualificatifs sont choisis par Tiziana Suarez-Nani, Pierre de Jean Olivi et la subjectivité angélique, dans : Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Age 70 (2003), p. 246 pour dépeindre la question XVI. La minutie – parfois même relayée par une certaine acribie – semble être une caractéristique du penseur franciscain, comme l’avait déjà relevé l’éditeur du texte Bernhard Jansen, Die Erkenntnislehre Olivis. Auf Grund der Quellen dargestellt und gewürdigt, Berlin 1921, p. 20.

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ostensum est. Notons que ces renvois désignent tout d’abord des questions intégrées à la ‹Summa› : i) Soit placées avant celles sur la matière, comme notamment la question sur la création (q. I), la question sur l’être et l’essence (q. VIII) ou les questions sur l’individuation, (qq. XII–XV, en fait surtout qq. XII–XIII) ii) Soit des questions qui feraient suite à la question XVI, comme la question XXXIII qu’Olivi désigne à plusieurs reprises comme in quaestione sequenti iii) Soit des questions situées après celles sur la matière, mais qui y sont thématiquement liées et où le franciscain propose des argumentations complémentaires comme dans les questions XXIV, XXVIII, XXXII, mais surtout dans les questions LI, LIV et LVII de résonance 10 plus particulièrement anthropologique iv) Soit encore lorsque cette question XVI renvoie aux autres questions sur la matière, auxquelles Olivi se réfère avec des formules comme 11 in quaestionibus aliis de materia , sicut in quaestione alia de materia est 12 tactum ou encore in alia quaestione de materia est concessum. Pareilles ___________________ 10 Pour les renvois aux questions concernant particulièrement l’être humain, cf. surtout Quaest. in II Sent., q. XVI, pp. 343, 351, 353. Dans ce dernier passage, Olivi stipule : Qualiter autem hoc possit fieri et specialiter a forma rationalis animae in quaestione an sensitiva hominis in substantia animae rationalis radicetur sufficienter pro posse meo est tactum. Plusieurs études mettent en relief les liens thématiques réunissant les qq. XVI, XXXI, L, LI, LIV et LIX. Cf. par exemple Theodor Schneider, Die Einheit des Menschen. Die anthropologische Formel ‹anima forma corporis› im sogenannten Korrektorienstreit und bei Petrus Johannis Olivi. Ein Beitrag zur Vorgeschichte des Konzils von Vienne (Beiträge zur Geschichte der Philosophie und Theologie des Mittelalters, Neue Folge, Bd. 8), Aschendorff 1973, p. 241, n. 148 ; Sylvain Piron (note 1), Olivi et les averroïstes, p. 256. Des liens également soulignés en préambule de la traduction de la q. LVII, Petrus Johannis Olivi, Über die menschliche Freiheit, lateinisch-deutsch, übersetzt und eingeleitet von Peter Nickl, Freiburg im Br. 2008, Einführung, p. 17, n. 37. 11 Cf. Quaest. in II Sent., q. XVI, p. 310 : Quomodo autem hoc non oporteat sequi in quaestionibus aliis de materia est actum. Ce renvoi n’est pas anodin, puisqu’il désigne expressément les réflexions concernées comme d’« autres questions sur la matière » et pointe plus précisément la Q. XVII, pp. 358–360 ainsi que la Q. XX, pp. 373–375 (et même p. 376). 12 Cf. Quaest. in II Sent., q. XVI, p. 350 : Ad decimum quartum dicendum quod materia angelorum est ex sua specie et essentia determinata ad formas intellectuales, non tamen tali determinatione quae dicat aliquem actum

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expressions soulignent les connexions, délibérément établies par l’auteur, entre les questions consacrées à la matière et suggèrent que Pierre de Jean Olivi souhaitait bel et bien composer un traité sur la matière. Attardonsnous sur la dernière mention : Ex nullo autem istorum trium modorum potest concludi materiam non esse in rebus incorruptibilibus aut non esse unam genere in omnibus, quamvis ex primo modo sequatur quod non sit eiusdem speciei in intellectualibus et corporalibus ; quod in alia quaestione de materia est concessum. (Quaest. in II Sent., q. XVI, p. 350)

Cette indication (q. XVI, p. 350) se rapporte précisément à la q. XX, pp. 376–377, où Olivi distingue materia spiritualis et materia corporalis, leur accordant certes une raison commune de matière, mais spécifiant que la matière corporelle possède des parties potentielles, alors que la matière spirituelle n’en possède pas. De plus, parmi ces 32 renvois, certains désignent également des questions qui n’appartiennent pas au deuxième livre de la ‹Summa› ; ils se réfèrent en quelque sorte à des thèmes traités par la suite comme : v) La question relative à l’accroissement de la charité et des autres ver13 tus, développée dans les ‹Quaestiones de virtutibus›, q. V 14 vi) Une question sur le sacrement de l’Eucharistie 15 vii) ‹Quodlibet› I, q. 5 et ‹Quodlibet› III, q. 8. ___________________ formalem ; sicut nec materia corporalis est determinata ad primas formas corporales per aliud quam per ipsam. Talis enim determinatio non dicit aliud quam quandam conditionem materialem ipsius possibilis ; sicut in quaestione alia de materia est tactum [cf. Quaest. in II Sent., q. XVII, p. 357 et q. XX, p. 377]. Quamvis autem materia angelica, quantum est de se, sit indifferens ad formas intellectuales : non tamen propter hoc est mobilis ad illas, causis supra iam dictis. 13 Cf. Quaest. in II Sent., q. XVI, p. 332 : sicut in quaestione de augmento caritatis et aliarum virtutum habet tradi ; cf. Quaestiones de virtutibus, q. V, ed. E. Stadter, pp. 242–269. 14 Cf. Quaest. in II Sent., q. XVI, p. 332 : sicut in quaestionibus de sacramento Eucharistiae magis habet tangi ; cf. Questions sur les sacrements (inédites) ou Question sur la quantité (édition de 1505). 15 Cf. Quaest. in II Sent., q. XVI, pp. 315–316 : Quomodo autem hoc clament singulariter potentiae animae et cuiuslibet intellectualis naturae in ‹Quolibet› de potentiis animae satis est tactum [… ] quod quidem implicant aliquo modo omnes animae potentiae, sicut ibidem est tactum et probatum : propter quod huiusmodi probationem hic omitto et quia etiam ex sequentibus hoc magis

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D’autres de ces renvois se réfèrent même à des œuvres perdues comme par exemple : viii) Une question sur l’existence des formes engendrables et corrupti16 bles 17 ix) Une question sur les corps glorieux. De cette liste de renvois, l’on peut déduire que la question XVI est très bien intégrée dans les ‹Quaestiones in secundum librum Sententiarum›, dont elle constitue l’une des pièces majeures. Dans ce vaste ensemble de questions, elle assume à plusieurs égards une fonction charnière. Les distinctions centrales présentes dans cette question XVI paraissent justifier de sa place de première question du traité sur la matière : présupposant des arguments développés dans les questions XVII à XXI, dont notamment la distinction entre materia spiritualis et materia corporalis, la q. XVI semble bien avoir été rédigée parmi les dernières questions sur la matière – seule la q. XIX lui serait postérieure. Par ailleurs, Olivi n’hésite pas à rappeler dans les questions suivantes les réflexions fondamentales, synthétisées en introduction dans la q. XVI. En effet, si l’on a relevé plusieurs renvois de la q. XVI vers les autres questions sur la matière, symétriquement on peut aussi repérer au fil des autres questions du traité plusieurs renvois à cette q. XVI. C’est notamment le cas dans la q. XVII, lorsque le franciscain, ayant admis la distinction entre la raison de puissance et la raison d’essence, précise sa thèse d’une identité parfaite entre la puissance et l’essence de la matière dans la réalité. Au cours du raisonnement visant à expliciter cette thèse, le penseur franciscain indique tout d’abord ce qu’il faut entendre par puissance de la matière et invoque à cette occasion la démonstration qu’il avait produite dans la q. XVI. Notons qu’Olivi désigne alors cette dernière

___________________ patebit. Cf. Petri Iohannis Olivi, Quodlibeta quinque, curavit Stephanus Defraia, Ed. Collegii S. Bonaventurae ad Claras Aquas (Collectio oliviana 7) Grottaferrata (Roma) 2002, pp. 18–22, Textus quodlibetorum, quodlibetum primum, q. V : An noster intellectus possit immediate uidere exteriora sensibilia, absque omni actu sensitiue. ; quodlibetum tertium, q. VIII : An intellectus humanus per unam speciem possit intelligere plura secundum speciem inquantum talia. 16 Cf. Piron (note 1), p. 369, n. 58. 17 Ibid., p. 377.

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comme « question sur la matière des substances intellectuelles » . La formule, qui n’est pas sans rappeler les tournures soulignées en préambule, pointe en l’occurrence les substances intellectuelles, passant même sous silence le terme d’anges. En outre, la portée anthropologique de la q. XVI se dessine au travers des renvois, insérés par Olivi, à des questions relevant principalement de 19 l’être humain. Dans ses ‹Questions sur les Sentences› le franciscain développe entre autres ses réflexions anthropologiques dans le cadre de questionnements portant sur la constitution de la personne humaine (q. L) et (q. LI) – où il s’engage dans le débat sur la pluralité des formes – ou encore sur la liberté humaine (q. LVII). De surcroît, Olivi mentionne à plusieurs reprises des aspects de la définition de l’homme dans la q. 20 XVI. Il reste néanmoins à déterminer si les indications fournies par les jalons que représentent ces renvois textuels explicites se laissent corroborer par une analyse des arguments philosophiques, produits au cours des questions sur la matière. Olivi y convoque-t-il des sources particulières ? Dans quel ordre agence-t-il ses arguments ? Qu’en est-il de certains aspects de sa théorie sur la matière et notamment de la notion-clé de materia spiritualis ? L’étude des occurrences de ce concept dans l’ensemble du traité sur la matière confirme-t-elle l’ordre suggéré par les renvois, à sa___________________ 18 Cf. Quaest. in II Sent., q. XVII, p. 357 : Nemo autem rationabiliter dicere potest quod potentia materiae sit forma, cum per eam non significemus nisi solum ordinem materiae ad formam. Et praeterea constat quod non posset esse forma substantialis, quia talis dat materiae esse substantiale actu determinatum, quod nullo modo potest convenire ipsi potentiae ; nec forma accidentalis esse potest nec etiam aliquo modo accidens, sicut in quaestione de materia substantiarum intellectualium est ostensum ex parte rationis ipsius accidentis et rationis subiecti seu suppositi et rationis ipsius potentiae et corporalis materiae et potentiarum animae. L’indication mise en évidence renvoie aux distinctions mentionnées dans la q. XVI, pp. 297, 308 et 316–318. 19 Outre les connexions explicites opérées par Olivi au sein de la question XVI (pp. 343, 347, 351, 353) avec les questions anthropologiques, le franciscain effectue à l’inverse divers renvois à la question XVI, notamment à l’occasion des questions sur la liberté humaine. Cf. par exemple q. LVII, p. 363 : Et ad minus, alterationes spirituales, quales solum in potentiis intellectualibus poni possunt, nullo modo includunt aliquam corruptibilitatem in substantia intellectuali, sicut in quaestione de materia substantiarum intellectualium et specialiter in responsione duodecimi argumenti plenius est tactum. 20 Cf. Quaest. in II Sent., q. XVI, pp. 328, 339, 342, 352–354.

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voir par exemple que la question XIX est selon toute vraisemblance écrite dans le prolongement de la question XVI ?

II. Les sources convoquées dans la question XVI Dans la question XVI, le franciscain de Sérignan se réfère aussi bien aux théologiens chrétiens, qu’aux philosophes païens. Il n’hésite toutefois pas à sévèremment critiquer ces derniers, comme le laisse entendre la première phrase de la réponse : À cette question il faut répondre ceci : malgré le fait que certains ont soutenu et soutiennent que dans les substances intellectuelles il n’y a ni matière, ni composition de matière et de forme, je crois cependant, conformément à l’opinion plus commune, qu’il y a en elles composition de matière et de forme, et je suis de l’avis que cette opinion est plus saine et plus sûre du point de vue de la foi, alors que l’autre s’apparente pour beaucoup à l’erreur de l’incroyance philosophique et païenne. (Quaest. in II Sent., q. XVI, p. 304, resp.)

I.1 Choix des sources Afin de cerner les autorités invoquées par Olivi dans ses réflexions sur la matière et d’ébaucher la stratégie argumentative du franciscain, laissant volontiers dialoguer, se compléter ou s’affronter de nombreuses sources, il n’est pas inutile d’énumérer les textes considérés dans la question XVI, en se focalisant tout d’abord sur les Écritures et les autorités théologiques, puis sur les philosophes. Dans le raisonnement à forte orientation philosophique de la question XVI, Olivi cite à deux reprises et explicitement les Écritures : il se réfère (p. 321) au passage de l’Évangile de Jean, 5, 26 et invoque également selon sa formule générale (p. 345) « presque toute l’Écriture sainte ». Relativement aux autorités théologiques, rappelons qu’Olivi est avant 21 tout l’auditeur attentif des ‹Conférences› de Bonaventure . Même s’il ne ___________________ 21 Cf. Burr, David, Petrus Ioannis Olivi and the Philosophers, dans : Franciscan Studies 31 (1971), pp. 41–71, voir p. 62, nn. 83–84 ; Piron, Sylvain, The Formation of Olivi’s Intellectual Project, dans : Oliviana, (mis en ligne le 31 décembre 2003. URL : http://oliviana.revues.org/document8. html.), n. 16. Pour les références, présentes dans l’œuvre d’Olivi, sur ses études à Paris, cf. Burr, David, L’histoire de Pierre Olivi. Franciscain persécuté, traduction et

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cite pas directement le maître franciscain dans la question XVI, Olivi semble résumer par endroit – notamment dans le Principium ‹De Doctrina Scripturae› rédigé à l’automne 1279, soit peu après la question XVI – 22 les ‹Collationes in Hexaemeron› de Bonaventure. D’autres passages 23 d’Olivi, comme les ‹Quaest. in II Sent.›, q. V, p. 98 ou ‹Quodlibet II›, q. 24 5 , laissent presque transparaître en filigrane certaines explications données par Bonaventure dans les ‹Collationes de septem donis Spiritus 25 sancti›. Bonaventure y critiquait outre l’éternité du monde, notamment la thèse de l’unité de l’intellect – thèse également contredite par Olivi 26 dans la question XVI. De plus, relativement à la materia spiritualis, Olivi paraît s’inspirer de son maître franciscain, tout en infléchissant ses paroles dans une nouvelle direction. Du moins est-il vraisemblable qu’Olivi ait eu écho des thèses angélologiques des ‹Collationes in 27 Hexaemeron› . Il n’a toutefois pas hésité à préciser certaines des distinctions que Bonaventure avait opérées entre septembre 1250 et juin 1252 à l’occasion de sa lecture des ‹Sentences›, et tout particulièrement ‹In II Sent.›, d. 3 ou d. 17. Justement là où le maître franciscain évoque ses principales motivations à adopter une materia spiritualis dans les anges, à savoir pour garantir l’individuation des substances séparées et pour pouvoir les comprendre selon l’acception chrétienne de la personne, ainsi que dans l’âme rationnelle, à savoir pour l’expliquer en tant que substance ___________________

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préface par François-Xavier Putallaz (Pensée antique et médiévale, Vestigia 22) Paris/Fribourg 1997, p. 3, n. 5. À ce sujet, cf. Piron, Le métier de théologien, supra, p. 65, n. 160. Pour ces indications, cf. ibid., p. 26, n. 32. Cf. Quodlibet II, q. 5, éd. Defraia (note 15), pp. 101–105, voir p. 104(129) – p. 105(145). Cf. Bonaventure, Coll. III, éd. 1964, pp. 244–246 et Coll. VII, p. 268. Cf. aussi notamment Sent II, d. 1, p. 1, a. 1, q. 2 (Utrum mundus productus sit ab aeterno, an ex tempore), Opera omnia, vol. II, Quaracchi 1885, 19a–25b : Si tu dicas propter hoc, quod circulatio est in animabus, vel quod una anima est in omnibus hominibus ; primum est error in philosophia, quia, ut vult Philosophus, ‹proprius actus est in propria materia› : ergo non potest anima, quae fuit perfectio unius, esse perfectio alterius, etiam secundum Philosophum. Secundum etiam magis est erroneum, quia multo minus una est anima omnium. Cf. Camille Bérubé, Olivi, critique de Bonaventure et Henri de Gand, dans : Studies Honoring Ignatius Charles Brady Friar Minor, éd. Romano Stephen Almagno, Conrad L. Harkins, The Franciscan Institute, St. Bonaventure (N.Y.) 1976, pp. 57–121, voir pp. 58–61 et 99–121. Sur les Collationes in Hexaemeron II, IV, V, cf. Ara (note 3), pp. 718–735.

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indépendante du corps et pour élucider son opération propre. Bonaventure précisera encore qu’il ne lui semble pas suffisant de dire que dans l’âme rationnelle il n’y a qu’une composition de quo est et quod est, à moins que l’on n’ajoute qu’il y a en elle composition de matière et de 28 forme. Pour ce qui relève des sources explicitement mentionnées, le spirituel languedocien y renvoie principalement à Augustin (‹Confessions›, ‹La Genèse au sens littéral›, ‹La vraie religion›, ‹La Trinité› et ‹L’immortalité 29 de l’âme›) , Anselme de Cantorbéry (‹De concordia praescientiae et 30 praedestinationis et gratiae Dei cum libero arbitrio›) et au PseudoDenys l’Aréopagite, dont il cite à une dizaine de reprises le ‹Traité des 31 Noms divins› et par deux fois ‹La Hiérarchie céleste›. En lecteur attentif, Olivi mentionne encore un livre sur l’unité « pour 32 autant qu’il soit authentique » de Boèce ainsi que le ‹De fide orthodoxa› de Damascène, dont il cite un extrait. Ces deux sources méritent une mention particulière, car elles permettent non seulement d’esquisser ___________________ 28 Cf. Bissels (note 3), pp. 254–256 et sur la distinction bonaventurienne ‹II Sent.›, d. 3, p. 1, a. 1, qq. 1-2, cf. Ara, (note 3), pp. 638–653. 29 Dans ses quelques 25 renvois explicites à l’évêque d’Hippone, Olivi se réfère par ordre d’importance à ‹Confessions›, XII, dont il exploite surtout les chapitres 6–9, 12, 15–18, 20–29, ainsi que ‹Confessions›, XIII, 2 ; ‹La Genèse au sens littéral›, I, 2, 5, 14 et 15 ; III, 24 ; IV, 29, 31 et 32 ; V, 5 ; VII, 6, 12 ; ‹La vraie religion›, c. 18 et c. 44 ; ‹La Trinité›, XIV, 12, 17 et XV, 15 ; ‹L’immortalité de l’âme›, 12. 30 Le franciscain mentionne à une seule reprise (p. 345) Anselme de Cantorbéry, ‹De concordia praescientiae et praedestinationis et gratiae Dei cum libero arbitrio›, q. 3, c. 13, PL 158, col. 538 ; éd. F. S. Schmitt, t. 2, pp. 286–287. 31 Dans la question XVI, Olivi renvoie au ‹De divinis nominibus›, 1, 4 ; 2, 5–7 ; 4, 7 ; 5, 3, 5–7 ; 7 ; 11, 6 et mentionne également (p. 299) ‹De coelesti hierarchia›, c. 2 et c. 4, 1 ainsi que (p. 342) ‹De coelesti hierarchia›, c. 1, 3 et c. 2, 1. Cf. Piron, Sylvain, Deplatonising the Celestial Hierarchy. Peter John Olivi’s Interpretation of the Pseudo-Dionysius, dans : Angels in Medieval Philosophical Inquiry : Their Function and Significance, ed. Isabel Iribarren, Martin Lenz, Aldershot 2008, pp. 29–44, voir pp. 33–34. 32 Cf. Quaest in II Sent., q. XVI, p. 330 : Boethius etiam, libro De unitate, si tamen suus est liber, dicit quod aliud dicitur esse unum essentiae simplicitate, ut Deus, aliud simplicium coniunctione, ut angelus et anima quorum unumquodque est unum coniunctione materiae et formae. — Patet igitur quod sic senserunt sancti.

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l’acribie de Pierre de Jean Olivi, mais encore d’évoquer sa conception de la matière spirituelle, présente dans les anges comme dans l’âme rationnelle. Relativement au livre ‹De unitate› faussement prêté à Boèce, Olivi ne le désigne certes pas comme dû à Gundissalinus, mais souligne bien que son attribution à Boèce pourrait ne pas être authentique – alors que 33 beaucoup d’auteurs ultérieurs continueront à associer les idées principales de ce traité au nom de Boèce. À défaut d’identifier nommément les sources, Olivi suggère une autre filiation théorique à propos de « l’unité de ce qui est composé d’éléments simples, comme l’ange ou l’âme ». Et en effet, c’est plutôt Dominicus Gundissalinus qu’il faudrait lier au traité sur l’unité. Cet auteur semble avoir contribué à diffuser l’hylémorphisme universel, prôné par Ibn Gabirol dans son 34 Alors que Thomas d’Aquin tout en critiquant ‹Fons Vitae›. l’universalisme hylémorphique gabirolien avait été l’un des premiers à 35 reconnaître la contribution spécifique de celui qu’il appelait Avicébron , Gundissalinus aurait pour sa part largement transmis les textes de ce penseur andalou, puisqu’il reprendra l’universalisme hylémorphique dans son ‹De processione mundi›. Gundissalinus, archidiacre de Cuéllar, a même participé dans le milieu de Tolède, aux côtés d’un certain Magister Johannes, à la traduction du ‹Fons vitae›. De plus, Gundissalinus est également l’auteur d’un ouvrage ‹De unitate et uno›, lequel résume en ___________________ 33 À l’instar, par exemple, de Landulphus Caracciolo, In secundum Sententiarum, d. 12, q. 2 : Secundo, omne esse est a forma, secundum Boetium, cf. William Duba, What is Actually the Matter with Scotus? Landulphus Caracciolo on Objective Potency and Hylomorphic Unity, dans : Lo scotismo nel Mezzogiorno d’Italia, Bitonto 25–28 marzo 2008, éd. Francesco Fiorentino, 2010 (à paraître). 34 Si Aristote avait affirmé notamment en ‹De Caelo› IV, 3, 310b 14–15 que « toujours le corps supérieur est à celui qui est au-dessous de lui ce que la forme est à la matière » – une réflexion poursuivie en IV, 4, 312a 12–18 –, Ibn Gabirol renversera ce propos dans le ‹Fons Vitae›. Sur le lien entre Ibn Gabirol et Gundissalinus, cf. Fidora, Alexander, Die Wissenschaftstheorie des Dominicus Gundissalinus. Voraussetzungen und Konsequenzen des zweiten Anfangs der aristotelischen Philosophie im 12. Jahrhundert, Berlin 2003, p. 30 et 196 ; Vom Einen zum Vielen : der neue Aufbruch der Metaphysik im 12. Jahrhundert : eine Auswahl zeitgenössischer Texte des Neoplatonismus, éd. Alexander Fidora, Andreas Niederberger, Frankfurt 2002, pp. XXVIII– XXXI et 66–79 ; Bissels (note 3), pp. 250–251. 35 Thomas d’Aquin, De ente et essentia, c. 5.

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quelque sorte les arguments principaux développés dans les écrits antérieurs. Et c’est précisément cette œuvre qu’Olivi invoque, sans en connaître l’auteur, mais en prenant soin de remettre en question son 36 attribution à Boèce. Hormis cette indication quasi philologique, le spirituel languedocien précise encore à l’occasion de la question XVI sa thèse philosophique, à savoir la composition hylémorphique dans les anges comme dans les âmes, ou selon ses propres termes : Dans le livre sur L’unité – pour autant qu’il soit authentique –, Boèce écrit lui aussi qu’il faut entendre autrement l’unité de ce qui est un par la simplicité de son essence, comme Dieu, et l’unité de ce qui est composé d’éléments simples, comme l’ange ou l’âme, qui sont tout deux un par la conjonction d’une matière et d’une forme. — Il est donc clair que tel était bien l’avis des saints. On parlera des opinions des philosophes païens lors de la réponse aux arguments contraires. 37 (‹Quaest. in II Sent.›, q. XVI, p. 330)

Pour Damascène, Olivi en invoquant « le deuxième livre, au chapitre 2 » cite (p. 342) en fait un passage issu du traité ‹De fide orthodoxa› II, 3, en ces termes : Incorporeus autem et immaterialis dicitur quantum ad nos ; omne enim comparatum ad Deum qui est solus incorporalis et grossum et ___________________ 36 À propos des sources, Olivi ira même jusqu’à indiquer dans l’appendice de la q. LVI (p. 360 : hoc est dictum huius seu potius aliorum a quibus hoc sumpsit) que Vital du Four emprunte certains arguments qu’il avance, comme l’a remarqué Sylvain Piron, Les studia franciscain de Provence et d’Aquitaine (1275–1335), n. 35. Je remercie Sylvain Piron pour la mise à disposition de son texte, à paraître en 2010. 37 Cf. Gundissalinus (Dominicus Gundisalvi), De unitate et uno, éd. P. Correns, p. 9 ; éd. M. Alonso, p. 11 (75), ici selon le texte traduit (note 34), ll. 68– 82, ll. 105–120 et principalement ll. 92–100 : Sic paulatim variatur unitas propter varietatem materiae, quae sustinet eam. Nam quia aliquid materiae est spirituale, et aliquid eius corporale, est aliquid eius purum et lucidum, et aliquid eius est spissum et obscurum. Et hoc propter quantitatem, cuius partes in aliquibus sunt rariores ut in aere, in aliquibus vero constrictiores ut in lapide. Ideo unaquaeque pars materiae secundum gradum suae elongationis a prima unitatis origine recipit unitatem, qua dignior est ex sua aptitudine. Cf. aussi ll. 137–142 : Et propter hanc diversitatem formae unitatis non uno modo sed pluribus dicitur aliquid esse unitate unum. Unum enim aliud est essentiae simplicitate unum, ut Deus. Aliud simplicium coniunctione unum, ut angelus et anima, quorum unumquodque est unum coniunctione materiae et formae. Aliud est continuitate unum, ut arbor vel petra. La dernière ligne du traité en résume assez bien la teneur, l. 183 : Unitas igitur est qua unaquaeque res est una et est id quod est.

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materiale invenitur ; solus enim essentialiter immaterialis et incorporalis Deus est. Mis à part le décalage de chapitre, cette citation correspond très largement au texte de la versio Burgundionis éditée par E.M. Buytaert, p. 69 : Incorporeus autem et immaterialis dicitur, quantum ad nos. Omne enim comparatum ad Deum, qui solus incomparabilis, et grossum et materiale invenitur : solus enim essentialiter immaterialis et incorporeus Deus est. – sans toutefois exclure de prime abord le recours par Olivi à d’autres textes comme par exemple la traduction de Grosseteste ou le 38 ‹Correctorium fratris Thomae› de Guillaume de la Mare . Pierre de Jean Olivi reprend quelques pages plus loin (p. 345) une autre thèse défendue par Damascène dans ce même chapitre 3, à savoir le mouvement local des anges. Le penseur de Sérignan y reviendra d’ailleurs plus en détail à l’occasion de la q. XXXII. 39 Au niveau des auteurs contemporains – les moderni – Olivi considère notamment des argumentations défendues par Thomas d’Aquin ou en40 core Henri de Gand : des auteurs qui demeurent néanmoins anonymes, dissimulés comme de coutume dans nombre de traités médiévaux sous un quidam ou parmi des a multis. Olivi semble d’ailleurs avoir tiré parti de cet anonymat pour glisser dans la question XVI, sous un discret quendam, une position qui manifeste à tout le moins d’étranges similitudes avec la sienne, puisqu’elle correspond ici à une virulente critique envers le Stagirite : « J’ai vu quelqu’un (quendam) qui disait qu’Aristote s’était assez honteusement trompé à cet endroit, c’est-à-dire dans les exemples 41 qu’il avance en guise de preuve. »

___________________ 38 Dans ses ‹Quaest. in II Sent.›, Olivi semble bien emprunter au ‹Correctorium fratris Thomae› certaines citations de Damascène : tel paraît être le cas à la q. XXXIII, p. 605 (suivant immédiatement la q. XVI). Cf. Piron (n. 1), Olivi et les averroïstes, p. 256, n. 16. 39 Cf. Quaest. in II Sent., q. XX, p. 373 (resp.) : Ad quaestionem istam dicendum quod quidam aliquando voluerunt dicere, etiam moderni [… ]. 40 Au sujet de la démarche d’Olivi, relativement aux ‹Quaestiones de Deo cognoscendo› (Quaest. in II Sent., t. III, Appendix, pp. 455–554), cf. Berubé (note 26), pp. 99–121. 41 Cf. Quaest. in II Sent., q. XVI, p. 337. Pareille pratique argumentative, consistant à prêter en quelque sorte à une tierce personne anonyme sa propre thèse, est au demeurant observable dans d’autres questions d’Olivi, notamment à la q. XXIII (p. 424) ou à la q. LVIII (p. 410), comme l’ont signalé David Burr (note 21), p. 47 et Sylvain Piron (note 1), p. 385.

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Pour les philosophes, Olivi se réfère surtout à Aristote, (‹Métaphysi42 43 44 45 que› , ‹Physique› , ‹De l’âme› , ‹De la génération et de la corruption› , 46 47 48 ‹Éthique› , ‹Catégories› , ‹Du Ciel› ), à Averroès (Commentaire à la 49 50 51 52 ‹Métaphysique› , à la ‹Physique› , au ‹De anima› , au ‹De caelo› , ainsi ___________________ 42 Olivi utilise abondamment les livres aristotéliciens sur la substance (Z,H, Ĭ), renvoyant notamment à ‹Métaphysique› VII, 1, 1028a10ss. ; VII, 3, 1029a8ss., 1029a20ss. ; VII, 7, 1032a17ss., 1032a20ss., 1032b14ss., 1032b17ss., 1032b32ss. ; VII, 8, 1033a24ss. ; VII, 10, 1035a1ss., 1035b2ss. ; VII, 11, 1036a31ss. ; VIII, 1, 1042a25ss. ; VIII, 2, 1043a26ss. ; VIII, 3, 1043b28ss. ; VIII, 4, 1044a15ss. ; VIII, 5, 1044b21ss. ; VIII, 6, 1045a23ss., 1045a36ss., 1045b1ss. et IX, 8, 1050a15ss. Le franciscain accorde également une attention particulière aux passages suivants ‹Métaphysique› II, 2, 994b26ss ; III, 3, 998b22 ; X, 10, 1058b26ss ; ainsi qu’à certains extraits du livre des définitions comme V, 6, 1016b31ss. ; V, 7, 1017a22ss. ; V, 8, 1017b13ss. ; V, 28, 1024b9ss. Sur ces lectures d’Olivi, cf. la contribution de Catherine König-Pralong, Olivi et le formalisme ontologique. Lectures d’Aristote, d’Averroès et critique d’Albert ? (supra, pp. 135–165). 43 Dans la q. XVI, Olivi exploite ‹Physique›, I, 7–9, 189b30ss. ; I, 7, 191a8ss. ; I, 9, 192a27ss. ; II, 1, 193a26ss., 193a29ss. ; II, 2, 194a12ss. ; II, 3, 194b23ss. ; IV, 2, 209b7ss. ; V, 1, 224b11ss. ; V, 2, 225b10ss., 226a10ss., 226b23ss ; VIII, 5, 256a13ss. ; 258b1ss. 44 Pour le traité ‹De l’âme›, le franciscain se base surtout sur I, 4, 408a34ss. ; II, 1, 412a10ss. ; II, 12, 424a17ss. ; III, 4, 429a10ss., 429a13ss. ; III, 5, 430a10ss. 45 Relativement au traité ‹De la génération et de la corruption›, Olivi invoque I, 7, 323b1ss., 324b17ss. ; I, 10, 328b ; II, 4, 331a7ss. ; II, 9, 335a32ss., 335b30ss. 46 Olivi ne renvoie qu’à ‹E.N.› I, 4, 1096a23ss. ; II, 1, 1103a17ss., b14ss. ; VI, 13, 1144b1ss. 47 En ce qui concerne les ‹Catégories›, Olivi utilise principalement c. 5, 2a11ss. ; c. 5, 4a10ss. ; c. 14, 15a13ss. 48 Olivi invoque ici surtout le passage I, 9, 278a11ss., bien que l’on retrouve la thématique de la matière première en d’autres endroits comme ‹De generatione› B, 1 et ‹De Caelo›, III, 4, 312a8–5, 313a13. Dans son étude Catherine Dalimier, Les enjeux de la reformulation syllogistique chez les commentateurs grecs du De Caelo d’Aristote, dans : Le Commentaire entre tradition et innovation, éd. Marie-Odile Goulet-Cazé, Paris 2000, p. 383 en renvoyant au commentaire de Simplicius, ‹In De Caelo›, p. 134, 24–25 précise que matière céleste et matière sublunaire ne sont pas identiques. À tout le moins, Olivi ne semble pas ignorer certaines parties du travail d’interprétation effectué par Simplicius, dont il mentionne d’ailleurs dans la q. XVI (p. 348) le Commentaire aux ‹Catégories›. 49 Cf. ‹Aristotelis opera cum Averrois commentariis, Metaphysicorum›, liber VII, comm. 3 (154r) ; liber VII, comm. 8 (158vI–159vG) ; liber VII, comm.

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que le ‹De Substantia Orbis› ), à Boèce (surtout ‹De Trinitate›, ‹In Cate54 gorias Aristotelis›), au ‹Livre des Causes› – qu’Olivi veille à distinguer des commentaires aristotéliciens – ainsi qu’à Proclus (‹Institutio theologica›) et à Simplicius (Commentaire aux ‹Catégories›). Pareille liste des principales sources exploitées par Olivi mériterait toutefois d’être nuancée et flanquée de quelques-unes des connexions possibles, encore largement à démêler, reliant les thèses du franciscain à la pensée d’autres scolastiques. Signalons à tout le moins qu’Olivi élabore dans les questions sur la matière nombre d’arguments qui montrent certains parallèles avec ceux entre autres avancés par Matthieu d’Aquasparta, Guillaume de la Mare, Siger de Brabant, Boèce de Dacie, Gilles de Rome, 55 Roger Bacon, Jean Peckham, Richard de Mediavilla, Avicenne ou Al___________________

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21 (171vI–K) ; liber VII, comm. 33–35 (182vI–187r) ; liber VII, comm. 35 (186vH–187rE) ; liber VII, comm. 35 (186rb ss. et 189ra) ; liber XII, comm. 5 (292va ss.). Cf. ‹Aristotelis opera cum Averrois commentariis, Physicorum› VIII, summa 3, c. 2, 3, 5, 400 ra ss. ; ‹Physicorum› VIII, summa 4, 423ra ss. Cf. ‹Aristotelis opera cum Averrois commentariis, De anima›, liber III, summa 1, c. 1–3, 136r ss. Cf. ‹Aristotelis opera cum Averrois commentariis, De Caelo› I, summa 4, 4 vb ss. ; ‹De caelo› I, summa 6, 14 rb ss. Il serait également intéressant de considérer Thomas d’Aquin, Commentaire des ‹Sentences›, d. XII, q. 1, a. 1, resp. ainsi que a. 4, resp., lequel y considère précisément les positions d’Avicenne et d’Averroès. Dans la question XVI, Olivi exploite surtout un passage du traité ‹De substantia orbis›, à savoir c. 3–5, 8va ss. Olivi considère la proposition VII (sixième chapitre) du ‹Livre des causes›. Avicenne avait déjà indiqué différents aspects de la matière, analysés par Olivi dans sa réponse de la q. XVI, pp. 305–330. Cf. Avicenne, Métaphysique, traité II, §2, 67, l. 15 – 68, l. 10 : « Nous répondrons : que la substance de la hylè et le fait qu’elle soit en acte ‹hylè› n’est pas autre chose que le fait d’être une substance préparée à telle chose. Et la substantialité qu’elle a ne la rend pas en acte une chose parmi les choses, mais la dispose à ce qu’elle soit en acte quelque chose par la forme. Sa substantialité ne veut rien dire d’autre [que ceci] : elle est quelque chose qui n’est pas dans un sujet. [… ] Sa différence, c’est qu’elle est ‹disposée› pour toute chose. Et la forme qu’on lui suppose, c’est qu’elle soit disposée, réceptive. [… ] Par conséquent en elle-même et par rapport à sa propre existence, elle est puissance. » Une argumentation que l’on pourrait confronter, entre autres passages, aux réflexions proposées

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bert le Grand. De tels parallélismes argumentatifs pourraient suggérer certaines connaissances directes, à élucider au cas par cas. I.2 Argumentations engagées par Olivi, en dialogue avec philosophes et théologiens Le choix et l’utilisation des sources permettent toutefois de sérier quelque peu et d’esquisser certaines lignes argumentatives suivies par Olivi. Pour élaborer sa conception de la matière, le franciscain recourt d’une part aux philosophes, soit surtout à Aristote et à ses sectateurs. Se refusant toutefois à accepter servilement leur autorité, Olivi récupère au besoin leurs arguments, critique leurs erreurs et pointe les thèses auxquelles il n’adhère pas, comme notamment la thèse de l’unité de l’intellect. De cet argumentaire philosophique serré, le spirituel languedocien peut ainsi dégager ses propres thèses, qu’il s’empresse d’autre part de confirmer en invoquant l’autorité des théologiens comme Pseudo-Denys l’Arépoagite, Augustin et Boèce. Afin de montrer que les thèses philosophiques qu’il avance sont valables, Olivi souligne donc qu’elles correspondent bien à l’opinion établie des saints (sancti). La principale question dédiée à la matière s’avère ainsi un texte privilégié pour observer Pierre de Jean Olivi en philosophe et en théologien, n’ayant cesse de confronter ses thèses aux plus solides objections. Suivons pas à pas la démarche du penseur languedocien. Ainsi convient-il de relever l’attitude très critique d’Olivi par rapport aux 57 philosophi mundani , et tout particulièrement dans la q. XVI. Faut-il ___________________ par Olivi, Quaest. in II Sent., XVI, pp. 307–308, et sur lesquelles nous reviendrons plus avant (infra, note 84). 56 Sur les sources explicites et implicites convoquées par Olivi (q. XVI, pp. 304–311) dans sa discussion de la thèse de l’identité entre matière et puissance, cf. la contribution d’Anna Rodolfi, Pietro di Giovanni Olivi e il dibattito sull’attualità della materia, infra, pp. 253–293. 57 Dans son étude détaillée, David Burr (note 21), pp. 41–71, établit d’ailleurs une équivalence entre philosophi mundani d’une part et Aristote et ses sectateurs d’autre part (p. 60, n. 78). Il donne également un aperçu du recours d’Olivi à la philosophie et notamment l’usage qu’il en fait dans plusieurs traités, dont le ‹Commentaire des Sentences› (pp. 49–50), mais surtout les ‹Questions sur les Sentences›, et en particulier dans la question XVI (pp. 57–58). En outre, il intègre au florilège des passages, où le franciscain révèle son attitude critique face à Aristote, ‹Quaest. in II Sent.›, q. LVII, p. 341 : Olivi y

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voir dans cette attitude une caractéristique récurrente dans toute l’œuvre 58 de Pierre de Jean Olivi , une particularité liée à certains écrits plus pro59 prement philosophiques ou plutôt une opposition engagée selon les 60 sujets abordés ? Même si la critique à l’égard d’Aristote traverse l’œuvre d’Olivi et se profile différemment au gré des thèmes traités, elle se fait plus insistante et acerbe dans les questions rédigées entre les condamna61 tions de 1277 et l’été 1279 , période durant laquelle le franciscain était actif au studium de Narbonne. Dans la question XVI, Olivi oppose ainsi 62 à plusieurs reprises les sancti aux philosophi pagani , mais sait aussi réunir ces deux types de sources, par le truchement d’une relecture atten63 tive et personnelle des textes invoqués , montrant leurs implications et, le cas échéant, leur concomittance avec ses propres thèses. ___________________

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rappelle qu’Averroès a défendu la thèse de l’unicité de l’intellect. Cf. aussi id., The Apocalyptic Element in Olivi’s Critique of Aristotle, dans : Church History 40 (1971), pp. 15–29. Cf. notamment d’Alverny, Marie-Thérèse, Un adversaire de Saint Thomas : Petrus Ioannis Olivi, dans : St. Thomas Aquinas 1274–1974, Commemorative Studies II, Toronto 1974, pp. 184–185 qui avait souligné la vigueur de la critique du franciscain à l’endroit d’Aristote, ainsi que la constance, dans toute son œuvre, de son attitude à l’égard des théologiens partisans du Stagirite. Les œuvres rédigées alors qu’Olivi était lector artium, ou du moins des écrits vraisemblablement antérieurs à 1277, comme par exemple les ‹Quaest. in II Sent.› XX–XXI ne semblent pas marquées par une telle virulence envers Aristote. Cf. Bettini, Orazio, Olivi di fronte ad Aristotele. Divergenze e consonanze nella dottrina dei due pensatori, dans : Studi Francescani 55 (1958), pp. 176– 197. Cf. Piron (note 1), Olivi et les averroïstes, pp. 258-259 : « En réalité, ces attaques sont la marque presque exclusive de cette série de textes. Dans des écrits antérieurs ou plus tardifs, son expression est nettement plus mesurée. Au cours des années précédentes, des thèmes aristotéliciens pouvaient être étudiés sans la moindre animosité à l’égard de leur auteur ; [… ] ». Quaest. in II Sent., q. XVI, p. 330 (cité supra, p. 193). Cf. Quaest. in II Sent., q. XVI, pp. 318–319 : Iis autem attestantur Augustinus et Aristoteles et omnes eius sequaces, quoniam non per aliam viam nec per aliam rationem probaverunt materiam esse in rebus corporalibus nisi per hoc quod in toto motu et sub contrariis terminis eius oportebat dare unum commune subiectum mobile et mutabile, hoc autem necessario ponunt esse materiam et nullo modo formam, où l’on relèvera l’ordre des autorités invoquées.

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Pour autant, il n’est pas interdit de deviner dans les traités d’Olivi, à tout le moins une activation délibérée de la critique polémique contre 64 Aristote , contre ses sequaces, ou même contre d’autres penseurs francis65 cains. En nuançant, l’on peut établir des connexions plus précises entre les questions, et notamment concernant celles sur la matière. En effet, il semble ainsi possible de considérer chacune de ces questions dans son contexte d’origine – sans pour autant « remettre en question », au sens propre comme figuré, l’édition du spirituel languedocien – et retracer les différentes étapes du raisonnement d’Olivi, lesquelles s’avèrent parfaitement conciliables et seront d’ailleurs réunies par l’auteur lui-même dans un ensemble sur la matière. Ainsi, les questions XVIII, XX et XXI, aucunement polémiques contre Aristote, précéderaient le 7 mars 1277, alors que la question XVI plus acerbe à l’endroit du Stagirite ferait suite à cette 66 condamnation, mais aurait été terminée avant l’été 1279. Pareilles caractérisations, soulignant les aspects polémiques, n’indiquent que des lignes 67 directrices. Néanmoins, elles pourraient contribuer à mieux situer la q. XVII – laquelle semble avoir été rédigée au cours de l’année 1277 –, où 68 Olivi écorne cette fois l’autorité d’Averroès. Par ailleurs, la question 69 XXII , annoncée dans la ‹Tabula› comme connexe aux questions XVI– ___________________ 64 Contre l’autorité d’Aristote, cf. pour rappel la formule de la q. LVIII, p. 482 : Aristoteles nulla sufficienti ratione, immo fere nulla ratione probat suum dictum, sed absque ratione creditur sibi tanquam deo huius saeculi. 65 Pour les débats polémiques engagés contre le franciscain Arnaud Gaillard, cf. l’‹Impugnatio XXXVIII articulorum›, dont l’article 19 est édité en annexe. 66 Cf. l’introduction de Tiziana Suarez-Nani (note 6), pp. 24–29. 67 Sur les indications chronologiques fournies par les polémiques qu’Olivi connaîtra au sein même de l’ordre franciscain, entre autres lors de ses enseignements aux studia de Narbonne (où il est vraisemblablement lector vers 1275–1279, puis vers 1295–1298) et de Montpellier (où il officie comme lector biblicus dès l’automne 1279), cf. Piron (note 36), nn. 9–12. Plus généralement, sur les ‹Quodlibet› et ‹Principa› qu’Olivi a vraisemblablement présentés dans ces deux studia, cf. ibid., nn. 147–153 et l’annexe ainsi que id., Franciscan Quodlibeta in Southern Studia and at Paris (1280–1300), dans : Theological Quodlibeta in the Middle Ages. The Thirteenth Century, éd. C. Schabel, Leiden 2006, surtout pp. 415–416, 435–437. 68 Cf. Quaest. in II Sent., q. XVII, p. 360 : Si autem aliud sensit Averroes, non curo, quamvis verba eius satis possint ad hoc trahi ; aussi infra, n. 74. 69 Comme l’ont signalé D. Burr, The Apocaliptic Element in Olivi’s Critique of Aristotle (note 57), pp. 15–29 et S. Piron (note 1), Olivi et les averroïstes, pp. 263–264, c’est d’ailleurs dans cette question XXII que l’on trouve une

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XXI, est également caractérisée par une critique d’Aristote, et pourrait donc, de ce point de vue, être rapprochée du traité sur la matière. En tous les cas, l’on peut noter au fil de la q. XVI qui ouvre ce traité, toute une série de passages, où Olivi se montre fort polémique à l’encontre d’Aristote, comme par exemple p. 337, p. 346, p. 347, p. 353, p. 355. Le franciscain critique en connaissance de cause, car il s’est longuement affairé à étudier les écrits du Stagirite et tout particulièrement la ‹Physique›. La thèse d’une lecture attentive de la ‹Physique›, qu’Olivi aurait effectuée un peu avant 1277 – peut-être même à l’occasion d’un enseignement propédeutique auprès d’un studium franciscain –, pourrait se voir corroborée par les questions sur la matière. En effet, selon cette hypothèse, certaines questions de philosophie naturelle n’auraient certes 70 pas pu intégrer la rédaction définitive des ‹Questions sur les Sentences› mais s’en rapprocheraient thématiquement. Aussi n’est-il pas sans intérêt de constater qu’en exceptant une petite confusion, presque tous les livres ème de la ‹Physique›, sauf le VI , sont exploités par Olivi dans les questions 71 XVI–XXI ; et de surcroît souvent en y rappelant des arguments aristotéliciens précis. Dans les ‹Quaest. in II Sent.›, on relève même des références textuelles fournies par le franciscain : au sein de la q. XVI, outre deux indications générales « libro Physicorum » (p. 295) et « in Physicis » (p. 319), figurent les mentions explicites « I Physicorum » (p. 305 et 340) ; « II Physicorum » (p. 334) ; « V Physicorum » (p. 319) ; « VII Physico72 rum » (p. 346) – où Olivi renvoie en fait à ‹Physique› V ; « VIII Physicorum » (p. 354). Il faudrait ajouter à cette liste les références produites dans la q. XVII, à savoir « III Physicorum » (p. 361) et dans la q. XX « II Physicorum » (p. 370).

___________________ critique, à dimension eschatologique, de l’adhésion à Aristote. Cf. ‹Quaest. in II Sent.›, q. XXII, p. 410. 70 Cette thèse est étayée par Sylvain Piron dans plusieurs de ses contributions, cf. principalement id., (note 1), Les œuvres perdues d’Olivi, pp. 380–385 ; id., (note 1), Olivi et les averroïstes, p. 274 ; id., (note 36). Pour quelques nuances, cf. id., Le métier de théologien, supra, pp. 17–85. 71 Pour le détail des passages utilisés dans la q. XVI, cf. note 43. 72 La confusion, à une seule occasion (p. 346), entre les livres VII et V de la ‹Physique› ne semble pas trop préjudiciable, d’autant que pareille confusion s’était également produite pour Augustin, entre les livres XIII et XII des ‹Confessions› (p. 329).

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Toujours est-il que le franciscain évoque volontiers dans la question XVI Aristote et ses sectateurs, même si c’est pour les critiquer et s’en démar73 quer , afin d’esquisser sa propre conception – conception originale qu’il prend ensuite garde de consolider avec l’autorité des théologiens. Pareille stratégie argumentative paraît bel et bien déployée au début du traité sur la matière, où l’autorité du Stagirite et de ses sectatores semble passablement égratinée. À la question XVI, Olivi avance en effet qu’Averroès, en affirmant que l’homme n’est rien d’autre que l’âme d’un corps humain, 74 «délire» et qu’Aristote, qui soutient qu’il n’y a pas de matière dans les substances séparées, ne serait qu’un «insensé». Bien qu’Olivi se distancie de ces auteurs, les affublant respectivement des vocables d’insanis et d’insanit, il n’en recourt pas moins aux arguments des philosophes pour échafauder ses conceptions sur la matière. À la fin de la réponse à la question XVI, alors qu’Olivi veut montrer que les substances intellectuelles ne peuvent être maintenues dans la complétude de leur existence et de leur espèce sans matière, il affirme ainsi : […] En effet, l’absence de matière – celle-ci étant conçue dans l’acception adoptée auparavant – postule dans les étants [ainsi privés] une essence qui ne peut absolument pas être participée et qui est tout à fait non participée, qui est par 75 conséquent égale à Dieu, comme il apparaîtra mieux dans la question suivante . 76 [… ] Et comme il apparaîtra dans la question suivante , il résulte de cette thèse l’unité de l’intellect pour tous les hommes. En effet, les conclusions opposées impliquent nécessairement une puissance réceptive ou participante, et par conséquent la matière telle qu’elle a été définie précédemment. — Et il découle ___________________ 73 Cf., entre autres, Quaest. in II Sent., q. XVI, p. 342 et ici p. 353 : « Aux arguments opposés tirés des dires des philosophes, ceux qui se fient aux philosophes, du moins les sectateurs d’Aristote, répondent que ceux-ci n’ont pas posé de matière dans les substances intellectuelles ; or, bien que je n’aie cure de ce qu’ils ont bien pu penser, il me semble plutôt qu’ils n’ont pas posé en elles de matière envisagée de la manière définie ci-dessus. » 74 Cf. Quaest. in II Sent., q. XVI, p. 337 : « Dans le cas contraire, qui pourrait définir l’être humain sans faire mention du corps humain, non seulement comme corrélatif, mais aussi comme partie essentielle de l’homme ? Personne, sauf celui qui dirait que l’homme n’est rien d’autre que l’âme d’un corps humain. — Sur ce point, comme en de nombreux endroits, Averroès délire. En effet, la forme des choses qui possèdent une matière ne signifie pas leur quiddité tout entière, comme Averroès le prétend, mais il est nécessaire qu’elle signifie l’agrégat de forme et de matière ; [… ] ». 75 Cf. Quaest. in II Sent., q. XXXIII. 76 Plus précisément, Quaest. in II Sent., q. XXXIII, p. 604.

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de cette thèse que l’âme rationnelle demeure en elle-même de manière tellement absolue et parfaite qu’elle ne pourrait en aucune façon être unie substantiellement au corps ou à quelque autre étant, et encore moins comme ce qui est participé dans ce qui en participe et comme ce qui est reçu dans ce qui reçoit. (Quaest. in II Sent., q. XVI, pp. 327–328, resp.)

Les arguments développés par Olivi et sa compréhension de la matière s’inscrivent donc en opposition à la thèse de l’unité de l’intellect pour tous les hommes, une thèse à forte résonance anthropologique et épistémologique. Olivi indique de plus que si les substances intellectuelles étaient privées de matière, il y aurait des implications majeures pour l’homme, et principalement que l’âme rationnelle ne serait plus liée au corps. Les questions de l’unicité de l’intellect et de la composition de ème l’âme, âpremement débattues durant le XIII siècle, sont ainsi directement reliées à la théorie de la matière par Olivi lui-même. Il ne saurait être ici le lieu de préciser les traits d’un adversaire qu’Olivi n’indique pas nommément – contrairement aux cinq mentions explicites des « averroistae » dans les questions connexes XXXIII, LI, 77 LVII et LVIII . Il est néanmoins troublant de constater qu’Olivi renvoie 78 dans cet extrait expressément à la question XXXIII et qu’il élabore dès la question XVI son argumentation en opposition à la thèse de l’unité de l’intellect pour tous les hommes. Le franciscain ne réfute certes pas ex79 pressément et en détail pareille erreur , mais l’exploite comme contrepoint à sa théorie de la matière. Bien plus, fidèle à l’adage qu’il avait formulé dans son ‹De perlegendis libris philosophorum›, à savoir lire les 80 philosophes en maître et non servilement , le franciscain infléchit bel et ___________________ 77 À propos des imbrications entre le débat sur l’unité de l’intellect et celui sur la forme substantielle unique en l’être humain, cf. Piron (note 1), Olivi et les averroïstes, pp. 280–281. 78 Cf. Quaest. in II Sent., q. XXXIII, p. 604 : Et si quis bene inspexerit omnia dicta philosophorum de pluralitate deorum, recte ille error omnia illa in se includit. Et isto etiam errore fortissime astruitur quod non sit in omnibus hominibus nisi unus intellectus, quia omnia illa per quae probatur universalitas naturae specificae in quolibet angelo possunt adduci aeque efficaciter ad probandum quod tota species intellectus humani est in una substantia universaliter recollecta. 79 Alors que notamment Jean Peckham (‹Quaestiones de anima›, q. 5) avait lui réfuté ce « parangon des errements philosophiques », comme le souligne Piron (note 1), Olivi et les averroïstes, p. 276. 80 Cf. Pierre de Jean Olivi, ‹De perlegendis philosophorum libris›, ed. F. Delorme, p. 37 : Ut sciamus quali modo intrandum sit ad perlegendos Philoso-

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bien des textes aristotéliciens pour leur faire dire, dans les 6 arguments favorables, qu’il y a de la matière dans les anges. Réitèrant sa désapprobation à suivre l’autorité aristotélicienne telle une norme rationnelle et s’employant à l’analyse des argumentations philosophiques avancées par 81 le Stagirite , le spirituel franciscain semble-t-il à tout le moins très bien 82 connaître nombre de traités d’Aristote et inspecter de près ses doctrines. Olivi discute, et parfois accepte volontiers, les arguments aristotéliciens, mais se refuse à accorder au Philosophe une autorité a priori. Si ce point de méthode a été globalement identifié comme dénominateur commun 83 des questions plus polémiques rédigées entre 1277 et 1279 , il mérite une exemplification pour la q. XVI. Trois extraits de cette question serviront à illustrer successivement son analyse des implications engagées par les thèses aristotéliciennes, ses indications relatives aux dissonances entre ___________________ phorum libros, occurrit praedictum Apostoli verbum docens nos quatuor, quae sunt in mundana philosophia praecipue attendenda, scilicet falsitas erroris, veritas rationis, vanitas traditionis, particularitas seu modicitas perscrutationis. ; texte que l’on pourrait rapprocher du programme annoncé par le franciscain Roger Bacon, ‹Opus maius›, prima pars, éd. J.H. Bridges, vol. 1, p. 2 : Quatuor vero sunt maxima comprehendere veritatis offendicula, quae omnem quemcumque sapientem impediunt, et vix aliquem permittunt ad verum titulum sapientiae pervenire, videlicet fragilis et indignae auctoritatis exemplum, consuetudinis diuturnitas, vulgi sensus imperiti, et propriae ignorantiae occultatio cum ostentatione sapientiae apparentis. Au demeurant, ce programme ne semble pas si éloigné d’Averroès, Junctas, t. c. 34, 117E-H, d’ailleurs repris par Nicole Oresme, dans son ‹Traité du ciel et du monde›, 104c. 81 Pour une étude de cette démarche sur plusieurs questions philosophiques précises, à l’instar de l’éternité du monde (‹Quaest. in II Sent.›, q. V), de l’aevum (‹Quaest. in II Sent.›, q. IX) ou des anges comme espèces séparées (‹Quaest. in II Sent.›, q. XXXIII), cf. notamment Burr (note 21), pp. 58–66 et Bettini (note 60), pp. 176–197. 82 Selon une formule d’Olivi lui-même, cf. ‹Quaest. in II Sent.›, q. IX, p. 177 : sicut apparet inspicenti subtiliter dicta eorum et maxime sequacium Aristotelis. 83 Cf. Piron (note 1), Olivi et les averroïstes, p. 260 : « Ce contraste permet de mieux faire ressortir le point de méthode qui est ici mis en œuvre. Il ne tient évidemment pas à un rejet global de l’aristotélisme ou de la philosophie en tant que telle, ni même à un refus de son autonomie vis-à-vis de la théologie. Seule l’invocation des philosophes comme autorité est refusée. Ce fait n’interdit aucunement d’accepter, le cas échéant, leurs argumentations. »

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Aristote et ses sectateurs et sa mise en garde à l’encontre de la philosophie aristotélicienne. Il faut donc soutenir, comme je le crois, que la matière n’est pas seulement puissance, mais qu’elle est en sus quelque chose de solide qui possède en elle-même la raison non pas d’une seule, mais de plusieurs puissances, comme Aristote lui84 même le soutient. (‹Quaest. in II Sent.›, q. XVI, resp., p. 307) À la dixième objection il faut répondre que seules l’Écriture sainte et la foi catholique doivent servir d’assise et d’autorité suprêmes pour l’homme chrétien. C’est pourquoi, à supposer que tous les païens, ou certains d’entre eux, aient faussement soutenu quelque chose de contraire à l’opinion dudit philosophe, je n’en ai cure. Bien qu’à ce sujet différentes opinions aient été défendues par différents auteurs, ayant réfléchi à tout ce que j’ai pu lire de leurs écrits, ils me semblent toutefois avoir plutôt soutenu que dans les anges il n’y a pas de matière comprise selon la modalité définie auparavant. Mais ceci sera davantage traité à l’occasion de certains arguments produits en faveur de la bonne solution. (‹Quaest. in II Sent.›, q. XVI, ad. 10, p. 342)

À la dernière phrase de la question XVI, au moment où il clôt la discussion des arguments en faveur de sa thèse, Olivi revient sur ce point et affirme (p. 355) : « Or bien que ces considérations soient en elles-mêmes totalement fausses, j’ai sciemment présenté ces arguments, afin d’éviter ___________________ 84 Une formule qui avait pour le moins étonné Th. Schneider, lequel remarque qu’Olivi soutient d’une part l’actualité de la matière, mais insiste d’autre part sur la potentialité de la matière. À propos du passage en question, Th. Schneider affirmera ainsi, (n. 10), pp. 224–225 : « Zwar sprach Olivi von einer gewissen Aktualität der Materie (an einer Stelle [= Quaest in II Sent, q. XVI, p. 307] nannte er sie mißverständlich sogar quiddam solidum), aber dennoch war er stets darauf bedacht, ihre Potentialität gegenüber der Form zu wahren. Die mit allen Pluralisten geforderte actualitas der Materie hatte paradoxerweise den Sinn, eine ‹wirkliche› Potentialität (eine, die in keiner Weise formalen, vervollkommnenden Charakter in sich trage) behaupten zu können. Und genau diese konsequent aristotelische Sicht von empfangender Materie und verleihender Form war sein eigentlicher philosophischer Einwand gegen eine Ansiedlung anfanghafter Formkräfte in der Materie ». Face à la formule ‹malheureuse› d’Olivi (« infelice terminologia usata »), E. Bettoni explique que le franciscain voulait simplement dire, au vu du contexte, que la matière première est un quid absolutum, soit quelque chose de réel indépendamment de la forme, un quiddam solidum avec une consistance métaphysique et non physique. Cf. Efrem Bettoni, Le dottrine filosofiche di Pier di Giovanni Olivi, Milano 1959, p. 268.

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en ces erreurs et en d’autres la vaine et fallacieuse philosophie d’Aristote et de ses sectateurs. » Afin de montrer que les arguments qu’il avance sont valables, Olivi stipule qu’ils correspondent aux thèses des sancti, et en premier lieu à celles 85 de l’évêque d’Hippone. Le franciscain laisse deviner au travers de quel86 ques brèves remarques ses lectures précises d’Augustin – qu’il critiquera même, le cas échéant. Ainsi Olivi prend-il soin d’indiquer la présence de 87 petits chapitres (de nostris capitulis parvis) divisant le texte , qu’il a sans doute consulté lui-même. Pareilles remarques viennent conforter le regard aiguisé, dont il avait fait preuve en se référant au ‹De unitate›, en citant Damascène à la lettre, ou encore en rapprochant – sans doute à la 88 suite de Thomas – Proclus et le ‹Liber de Causis›. La perspicacité du franciscain se double d’une attention particulière aux sources. En tous les cas, c’est en référant à l’interprétation retenue par Augustin pour expliquer le premier verset de la ‹Genèse› qu’Olivi utilise la materia spiritualis. C’est pourquoi, en expliquant dans l’ordre que chaque interprétation est vraie, il [Augustin] dit qu’est vraie celle d’après laquelle le verset ‹Au commencement Dieu a fait le ciel et la terre› signifie que Dieu a produit la matière informe de la nature spirituelle et corporelle dans son Verbe coéternel. À partir de là et jusqu’à la fin du même livre [‹Confessions›, XII], il mentionne à de nombreuses reprises ___________________ 85 Cf. Quaest. in II Sent., q. XVI, p. 307, où la caractérisation de la matière selon Augustin et tous les philosophes est renforcée par la raison. 86 Notamment relativement à certaines dimensions de la théorie de l’illumination, cf. Camille Bérubé (note 26), pp. 101, 112–118 et la contribution de Federica Caldera, cf. infra, pp. 229–252. 87 Cf. Quaest. in II Sent., q. XVI, p. 330 : Item, V Super Genesim, capitulo 10 de nostris capitulis parvis, ‹non itaque›, inquit, ‹corporali sed causali ordine prius facta est informis formabilisque materies et spiritualis et corporalis›. 88 Cf. Quaest. in II Sent., q. XVI, p. 300 : Omnes etiam philosophi, tam Platonici quam Peripatetici hoc idem videntur sentire, sicut patet in libro De causis et in libro Procli et in dictis Averrois. Sur les rapprochements doctrinaux suggérés par la fin de cette formulation, cf. Piron (note 1), Olivi et les averroïstes, p. 295 ; sur l’effort d’identification et de précision des sources consultées, cf. Louis-Jacques Bataillon, Olivi utilisateur de la Catena Aurea de Thomas d’Aquin, dans : Pierre de Jean Olivi (1248–1298), Pensée scolastique, dissidence spirituelle et société, éd. Alain Boureau, Sylvain Piron, Paris 1999, pp. 115–120, voir pp. 119–120, où il montre qu’Olivi pense déceler sous le secundum aliorum sanctorum expositionem de ST Ia-IIae, q. 108, ad. 2, les dires de Chrysostome.

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la matière spirituelle et intelligible de la créature spirituelle et intelligible. (‹Quaest. in II Sent.›, q. XVI, p. 329)

Ainsi, les ‹Confessions› (XII), ‹La vraie religion› et le ‹Commentaire de la Genèse› (I, V, VII) sont-ils explicitement cités par Olivi pour justifier de 89 la materia spiritualis. Le franciscain réunit au travers de ces lectures augustiniennes un florilège de passages où l’évêque d’Hippone avait explicité la notion de matière, principalement au regard de l’interprétation de l’œuvre des six jours. Par cet exposé synthétique, Olivi peut mettre en exergue l’usage que fait Augustin du terme de matière et en dégager des affirmations centrales. Aussi, Olivi affirme-t-il qu’en « usant expressément du nom ‹matière›, Augustin dit qu’il y a de la matière dans les anges » ou encore qu’Augustin «ne désigne pas la matière seulement comme quelque chose d’informe, mais aussi comme une ébauche des 90 étants ». Augustin a en effet placé la matière informe au cœur des ré91 flexions qui ont retenu Olivi : le verset biblique Sap. XI, 18 est invoqué 92 dans ‹De Gen. ad litt.› et ‹Confessions› XII , des textes abondamment exploités ici, dans la q. XVI, par Olivi. De surcroît, Olivi glâne dans les textes d’Augustin des précisions à propos de la materia spiritualis. Le 93 spirituel languedocien relève ainsi : « De plus, vers le début du septième ___________________ 89 Pour les renvois à Augustin, cf. particulièrement ‹Quaest. in II Sent.›, q. XVI, pp. 329–330 ainsi que ibid., p. 307, où la caractérisation de la matière selon Augustin et tous les philosophes est renforcée par les arguments de la raison. 90 Quaest. in II Sent., q. XVI, p. 329. 91 Sap. XI, 18 (dans la version de la Septante) : « C’est toi, en effet, Seigneur, qui as fait le monde d’une matière informe, [que du néant tu as faite presque néant, pour faire de là les grandes choses que nous admirons, nous les fils des hommes]. » 92 Cf. par exemple ‹De Gen. ad litt.› XIV, 28 et ‹Confessions›, XII, viii, 8, ll. 2730. Cf. aussi ‹De Gen. ad litt.› V, 5(13) : Non itaque temporali, sed causali ordine prius facta est informis formabilisque materies, et spiritalis et corporalis, de qua fieret, quod faciendum esset, cum et ipsa, priusquam instituta est, non fuisset, nec instituta est nisi ab illo utique summo Deo et uero, ex quo sunt omnia – texte qui correspond largement au dixième petit chapitre (supra, n. 87) ; ‹De Gen. ad litt.› IV, 9, où Augustin se demande an cum primum fiebat informitas materiae siue spiritalis siue corporalis, non erat dicendum ‹dixit Deus : fiat›. 93 À propos des expressions ‹materia spiritualis› et ‹spirituel›, cf. infra, note 149. Cf. François-Xavier Putallaz, Petrus Johannis Olivi. Verteidigung der Armut und Kritik der Kirche, dans : Die Kirchenkritik der Mystiker. Prophetie aus

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livre du ‹Commentaire de la Genèse›, Augustin demande comment, encore auparavant, la nature angélique fut créée en même temps que les premières œuvres des six jours ; il ajoute une interprétation selon laquelle on pourrait dire que la matière spirituelle pouvant constituer la nature angélique fut créée en ces jours-là, avant d’être formée selon son espèce. Mais après avoir rapporté cette interprétation, voulant montrer que de ce point de vue il n’y a pas d’inconvénient à poser de la matière dans l’âme rationnelle, il dit […] » En suivant l’ordre de cet exposé, on s’aperçoit qu’Olivi relie bien des réflexions d’Augustin sur la nature angélique à celles sur l’âme rationnelle – et ce dans le cadre d’une explication de la materia spiritualis. L’implication anthropologique de cette notion, constitutive des anges, semble bien préoccuper Olivi, lecteur assidu d’Augustin. Dans la perspective de corroborer sa propre doctrine de la matière spirituelle, présente dans les substances séparées et dans l’âme rationnelle, 94 Olivi renverra encore au « théologien très chrétien » qu’est PseudoDenys l’Aréopagite. Le spirituel languedocien connaît bien les traités concernés : plusieurs renvois effectués dans la q. XVI aux textes de Pseudo-Denys semblent attester d’une connaissance détaillée des écrits 95 dyonisiens par Olivi. De plus, le franciscain mentionne expressément, en prenant soin de les expliquer brièvement, les chapitres 1, 2, 4, 5 et 11 du traité ‹Sur les Noms divins›. Olivi ne néglige pas non plus celui ‹Sur la hiérarchie céleste› – traité qu’il commentera peu de temps après la ques96 tion XVI, en 1280. La ‹Lectura super librum de Hierarchia Angelica›, ___________________ Gotteserfahrung, Bd. I : Mittelalter, éd. Mariano Delgado, Gotthard Fuchs, Fribourg 2004, p. 205, nn. 1–2. 94 Quaest. in II Sent., q. XVI, p. 325 : Et praeterea, Dionysius tanquam christianissimus theologus, 4 capitulo De divinis nominibus, dicit quod [… ] In quo expresse dicere intendit quod in Deo non differunt pulchrum et pulchritudo, in aliis autem a Deo differunt sicut participans et participatum. 95 Cf. particulièrement Quaest. in II Sent., q. XVI, p. 326 : Et circa medium capituli id ipsum quod postea dicit capitulo 11 ponit, quod ‹scilicet per se vita et per se sapientia et per se deitas et per se esse sunt participationes quibus existentia participantia participant› ; p. 342 : Patet etiam hoc ipsum per Dionysium qui crebro in suis libris dicit nostrum intellectum esse materialem et passibilem, [… ] ; ainsi que supra, n. 31. 96 Olivi disposait sans doute comme son maître Bonaventure du corpus dionysien aménagé par les franciscains ; pour son commentaire, Olivi aurait même utilisé la traduction de Robert Grossetesste (achevée en 1243), cf. Piron (note

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d’ailleurs préparée par une question disputée intitulée ‹Quaestio de angelicis influentiis›, se rapprocherait ainsi thématiquement et chronologiquement de la question XVI. S’il importe certes de considérer les réflexions méthodologiques avancées par Olivi dans le prologue de sa ‹Lectura›, il semble bien que le penseur franciscain donne quelques clés pour comprendre sa lecture – plutôt théologique – du traité dyonisien sur la hiérarchie céleste déjà dans les questions – à caractère plutôt philosophique – sur la matière. En tous les cas, la similitude entre l’intellect humain et l’intellect de l’ange, comprenant tous les deux de la materia 97 spiritualis, se trouve déjà mentionnée dans la q. XVI : Cela apparaît aussi chez Denys, qui affirme fréquemment dans ses livres que notre intellect est matériel et passible du fait que nous appréhendons les réalités divines à travers les réalités sensibles et corporelles, de manière pour ainsi dire conforme à ces réalités sensibles et corporelles ; [… ] Cela mis à part, notre intellect n’est pas plus matériel que celui de l’ange. (‹Quaest. in II Sent.›, q. XVI, p. 342, ad 9)

Pour résumer ce deuxième indice sur les sources et leur usage, Olivi gagne sa propre conception de la matière au moyen d’une confrontation intellectuelle critique avec les philosophes, surtout Aristote et ses sectatores. Pour autant, le franciscain n’oublie pas de confirmer sa position par les écrits d’Augustin, du Pseudo-Denys l’Aréopagite et de Boèce, dont il a opéré une lecture attentive et proposé une interprétation originale, synthétisant les passages relevants. Divers aspects de la matière dans son 98 acception olivienne sont dès lors à mettre en exergue : à savoir que la ___________________ 30), pp. 33–34. Par ailleurs, Olivi semble avoir été conscient de la difficulté des traductions, cf. B. Jansen, Petrus Johannis Olivi. Ein lang verschollener Denker (Stimmen der Zeit 96), Freiburg i. Br. 1918, p. 115. 97 Sur l’identité spécifique de ces deux intellectualités, cf. q. LVIII, q. LVI et l’analyse qu’en livre Tiziana Suarez-Nani (note 9), pp. 297–303. Piron (note 31, pp. 36–38) met en parallèle la q. LVIII, (p. 759) et la ‹Lectura super librum de Hierarchia Angelica›, (ff. 131ra et 142va-b). Ces deux études soulignent que l’égalité posée par Olivi entre la partie intellectuelle de l’âme humaine et l’esprit angélique a comme corollaire que seul le Christ peut véritablement assumer la médiation entre l’homme et Dieu. 98 Cf. la synthèse proposée par Tiziana Suarez-Nani (note 6), pp. 39–41 qui renvoie pour l’actualité de la matière à q. XVI, pp. 305-307, pour sa capacité de réceptivité à q. XVI, p. 309 et pour le fait qu’elle ne puisse subsister sans la forme à q. XVI, p. 310. Ce dernier aspect correspond en quelque sorte à la solution suggérée, mais pas établie dans la question XIX.

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matière n’est pas uniquement puissance, mais qu’elle possède la raison de plusieurs puissances ainsi qu’une actualité propre. Il serait encore à relever que la matière ne peut pas subsister sans la forme. Au début de la réponse à la question XVI, Olivi aura d’ailleurs cette formule forte, qui montre en prime son recours aux arguments philosophiques : Par conséquent, lorsque Aristote nomme la matière ‹étant en puissance› et dit qu’elle est indistincte et infinie, il ne veut pas nécessairement dire qu’elle n’est rien d’autre qu’une pure puissance ou qu’elle ne possède pas une essence distincte par soi de l’essence de la forme, mais il veut seulement dire que la matière est un étant dont l’actualité ne s’oppose pas au fait d’être en puissance et d’être indéterminée. (‹Quaest. in II Sent.›, q. XVI, resp., p. 309)

Passage que l’on peut mettre en parallèle du texte élaboré dans la question suivante (‹Quaest. in II Sent.›, q. XVII, p. 358), où Olivi donne sa propre définition de la matière : En outre voici la définition de la matière : étant en puissance ou étant possible ; la possibilité ou la puissance est donc une partie de la définition de la matière, et par conséquent, elle est pour le moins une partie de son essence ; or elle ne saurait en être une partie sans être parfaitement identique à son essence tout entière, puisque la matière est l’un des principes premiers et qu’elle ne peut donc être composée de principes divers, dont l’un serait genre, l’autre différence du genre. (‹Quaest. in II Sent.›, q. XVII, p. 358)

Olivi développe sa théorie de la matière sur la base d’une relecture pointilleuse des philosophes et des théologiens, n’hésitant pas à affiner les arguments avancés et à illustrer leurs implications, réagissant d’une part à 99 des thèses philosophiques concernant au premier chef l’être humain, recherchant d’autre part à s’adjoindre l’appui de différentes autorités théologiques. Le franciscain s’évertue ainsi à rectifier les erreurs des philosophes et à obtenir par là-même une thèse plus conforme à la vérité de la foi, « une opinion plus commune et plus saine » : la composition hylé100 morphique des substances intellectuelles. De surcroît, l’argumentation déroulée par Olivi suit, dans certaines articulations, une structure révélatrice de ses intérêts anthropologiques. Passons dès lors au troisième indice, soit à l’examen des particularités structurelles de la question XVI. ___________________ 99 L’érudition philosophique d’Olivi n’avait d’ailleurs pas échappé à l’éditeur des ‹Quaestiones›, cf. B. Jansen (note 9), pp. 12–13. 100 Cf. Quaest. in II Sent., q. XVI, p. 304 (cité p. 184). Sur la démarche suivie par Olivi dans sa réponse, cf. Suarez-Nani (note 9), p. 247.

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III. Particularités structurelles et arguments de l’expérience subjective Bien que la réponse de la question XVI constitue à n’en pas douter son élément principal, quelques particularités concernant sa structure et son articulation méritent une brève mention. Notons ainsi que le libellé de la question XVI est accepté par Olivi : un peu comme s’il avait voulu mettre en évidence, au début de sa philosophie de la matière et dans l’énoncé même de la première question du traité, sa propre conception, à savoir une composition de matière et de forme dans les anges et dans toutes les substances intellectuelles. Dans sa réponse, Olivi scandera également dès les premières lignes sa propre thèse, rappelant au passage la perspective 101 envisagée. De plus, une particularité structurelle présente dans les arguments qui précèdent la réponse retiendra notre attention. En effet, tout au début de cette question, Olivi, en relevant les arguments contre une composition de matière et de forme, déclare : Et il semble que non. On procède d’abord par des voies communes à tous les étants créés, ensuite par des voies propres aux substances intellectuelles. Les voies communes produites à cet effet sont au nombre de quatre. En premier lieu, on le démontre à partir de la puissance divine sur les choses créées ainsi qu’à partir des marques de noblesse participées par les créatures. [… ] En deuxième lieu, on démontre cette thèse à partir de la quiddité et de la raison de matière aussi bien que de forme. [… ] En troisième lieu, la même thèse est démontrée à partir des conditions attribuées à la matière en tant qu’elle est matière. [… ] En quatrième lieu, on démontre cette thèse à partir de la possibilité de composition [de la matière et de la forme] et de leur composition effective. [… ] En cinquième lieu, cette thèse est démontrée à partir de la nécessité de la matière. (8) [… ] On peut encore argumenter en faveur de la même thèse [que dans les anges et dans toutes les substances intellectuelles il n’y a pas de composition de matière et de forme] par des voies propres aux substances intellectuelles. (‹Quaest. in II Sent.›, q. XVI, pp. 295–299)

Relativement au plan initial en quatre points, Olivi en ajoute un cin102 quième qui porte précisément sur la nécessité de la matière. Cet argu___________________ 101 Pour une analyse détaillé du corpus de la question, cf. Suarez-Nani (note 9), pp. 233–316, voir pp. 245–262. 102 Par rapport au plan, resté en quatre points, Olivi se réfère dans le raisonnement au cinquième argument comme à un ajout. Signes en sont les termes introduisant les trois aspects discutés, à savoir Quaest. in II Sent., q. XVI p.

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ment, bien plus ample que les quatre autres, s’étend sur trois aspects : i) le mouvement et la réceptivité, ii) l’individuation et iii) la substantification. Plus intéressant encore, au moment de réfuter cet argument supplémentaire consacré à la nécessité de la matière, Olivi ne s’y oppose pas du tout et va même jusqu’à avaliser les aspects soulevés : À la huitième objection il faut répondre ainsi : comme cela apparaît suffisamment à partir des développements précédents, la forme ne peut en aucune manière être par soi sujet de réception ou de mouvement, puisqu’elle ne peut aucunement avoir la raison de puissance ou de possible, si ce n’est tout à fait par accident, comme il est supposé dans cette objection ; c’est pourquoi, il n’en va pas de l’antérieur et du postérieur comme de l’acte et de la puissance, ainsi qu’il a été suffisamment montré dans les propos précédents. — Je concède cependant les arguments avancés dans l’objection mentionnée et qui prouvent que la puissance de recevoir par le truchement de la matière ne peut convenir aux formes, comme si elles avaient, en elles-mêmes, une puissance passive en sus de celle qui est propre à la matière ; en effet, je crois que ces arguments sont fort concluants. — Concernant ce qui est ajouté à propos de l’individuation, il faut réaffirmer ce qui a été dit dans la question sur l’individuation. [… ] Quant à ce qui est ajouté relativement à la substantification, il faut répondre que la substantification ne requiert pas la matière comme cause totale, mais comme cause concourrante, et sur un mode moins noble que la forme. (‹Quaest. in II Sent.›, q. XVI, p. 342)

Si Olivi, en brisant exceptionnellement l’ordre du plan initial annoncé, rajoute et met en évidence un argument (en l’occurence celui de la nécessité de la matière), il lui arrive a contrario en suivant un ordre précis de mettre en parallèle des dimensions qui se complètent. Tel est le cas du 103 passage suivant, où le franciscain renvoie à l’expérience comme élément à part entière de son raisonnement. ___________________ 341 : « – Concedo autem rationes in praedicto argumento adductas […] – Ad id autem quod additur de individuatione […] – Ad id autem quod additur de substantificatione […] ». L’on peut sans doute y deviner les traces du travail de révision opéré par Olivi ou à tout le moins l’indice d’un approfondissement de ses réflexions sur la matière. 103 La notion d’expérience est spécifiquement étudiée par plusieurs franciscains, dont Guillaume d’Ockham (‹Summa Logicae›, III, 2–10), Roger Bacon (‹Opus maius› II, éd. J.H. Bridges, p. 169) ou encore Bonaventure qui définit la cognitio experimentalis (‹Sent. III›, d. 23, q. 5). Ces différentes indications sont fournies par Ruedi Imbach, Wilhelm von Ockham. Texte zur Theorie der Erkenntnis und der Wissenschaft, Stuttgart 2001, pp. 227–228 et Klaus Hedwig, Roger Bacon’s Scientia experimentalis, dans : Philosophen des Mittelalters, éd. Theo Kobusch, Darmstadt 2000, p. 149.

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Et lorsqu’on ajoute que dans les anges il n’y a pas de puissance à l’égard d’une forme accidentelle qui pourrait être produite et corrompue par le biais d’un mouvement, cela s’oppose à la doctrine des Saints, à la raison et à l’expérience et – je crois – à la foi catholique. (‹Quaest. in II Sent.›, q. XVI, p. 345)

Sans pouvoir nous y attarder, soulignons que l’expérience vient ainsi conforter la doctrine des Saints et la raison. Quelques lignes plus loin, cette expérience est même explicitée et signifiée par les termes manifeste experimur lorsque Olivi affirme : « Ce qui a été dit va aussi à l’encontre de l’expérience ; en effet, nous expérimentons manifestement que notre volonté s’élève successivement, se plie et se dilate progressivement ou, d’une certaine manière, se rétracte en elle-même au gré des affects ; et il 104 en va de même pour les autres modalités des mouvements de l’esprit. » Cette mention dans la q. XVI pourrait ainsi être versée, au côté d’autres 105 passages dans le traité sur la matière , au dossier engagé sur la notion 106 capitale pour Olivi de l’expérience subjective. Le concept d’experientia se révèle fondamental : d’autant que, comme pour la materia spiritualis, le spirituel languedocien semble nuancer une notion en partie empruntée à 107 son maître Bonaventure. De plus, cette notion d’expérience subjective qui ressort tout particulièrement dans le texte de l’‹Impugnatio› est également présente dans certaines questions anthropologiques de la ‹Summa quaestionum super Sententias› (q. LVII, q. LVIII), où elle a là aussi, comme dans l’extrait mentionné de la q. XVI (p. 345), valeur de preu108 ves. ___________________ 104 Cf. Quaest. in II Sent., q. XVI, p. 345. 105 Cf. notamment Quaest. in II Sent., q. XVIII, p. 364 : Huius autem experimentum in omnibus agentibus est evidens : videmus enim quod illuminabile nunquam potest illuminare, nisi prius in se habeat actum seu formam lucis [… ]. 106 Cf. Piron, Sylvain, L’expérience subjective, dans : Généalogie du sujet. De saint Anselme à Malebranche, éd. Olivier Boulnois, Paris 2007, pp. 43–54 qui en fait (p. 44) : « l’un des principaux traits distinctifs de son projet intellectuel. » 107 Voir supra, note 103. Par certains aspects, l’expérience subjective semble même rejoindre la subjectivité angélique. Cf. ‹Quaestio de locutionibus angelorum›, cap. 7, q. 7 : Tercio quia detur quod angelus cui loqui volumus sit totus ad alia attentissime conversus [… ] et la remarque de Ruedi Imbach, dans : Oliviana, (mis en ligne le 31 décembre 2003. URL : http://oliviana.revues.org/index18.html et index27.html). 108 Cf. Bérubé (note 26), p. 119 et Piron (note 106), p. 46 : « Des propositions régies par des clauses telles que ‹nous faisons l’expérience intime de ceci› [sc.

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La question XVI participe aussi de cette dimension introspective, aux larges implications anthropologiques, permettant à l’homme de se 109 connaître lui-même, dans une certaine mesure sans intermédiaire. À tout le moins, l’immédiateté rejaillit dans sa conception de la perception, où Olivi s’oppose aux species intermédiaires soutenues par nombre de 110 perspectivistes dont Jean Peckham ou Roger Bacon ; dans sa théorie de la connaissance, où Olivi refuse les espèces intelligibles et affirme l’accès 111 direct de l’intellect aux réalités matérielles extramentales ; dans ses considérations sur la volonté, laquelle a une part déterminante dans le processus cognitif et une prise directe sur l’intellect, en l’orientant sur les objets de connaissance ; mais également au travers de diverses réflexions considérant l’expérience subjective. Pour Olivi, c’est d’ailleurs une expérience subjective (sentimus in nobis, q. LVIII, p. 487) qui confirme la présence immédiate, sans le truchement d’espèces intelligibles intermédiaires, de l’intellect aux réalités extérieures. Davantage, cette immédiaté de l’homme au monde extérieur rapproche l’être créé de lui-même et du ___________________ Q. 57, II, 334 : intimo experimur] ou ‹nous sentons par un certain sens intérieur› [sc. Q. 58, II, 413 : intime sentimus] reçoivent une valeur démonstrative ; elles sont même prises comme preuve la plus certaine. » 109 Cf. Kobusch, Theo, Petrus Johannis Olivi: ein franziskanischer Querkopf, dans : Querdenker. Visionäre und Außenseiter in Philosophie und Theologie, éd. Markus Knapp, Theo Kobusch, Darmstadt 2005, pp. 106–116, particulièrement p. 112 : « Die innere Erfahrung vermittelt uns das intimste Wissen überhaupt, nämlich von der Autorschaft unserer eigenen Akte ; wir erfahren sie als solche, die von uns selbst stammen (q. 57, 330 ; q. 58, 413). » 110 Cf. Perler, Dominik, Théories de l’intentionnalité au Moyen Âge (Conférences Pierre Abélard), Paris 2003, pp. 43–75, ici pp. 48–56, et en particulier p. 49, n. 1, signalant que les tenants de la thèse adverse sont désignés par Olivi comme sequentes perspectivam Arabum (‹Quaest. in II Sent.›, q. LVIII, p. 491). 111 Malgré diverses restrictions concernant la connaissance d’objets non directement présents à l’intellect – pour lesquels Olivi recourt à une species memoriales, qui toutefois « n’informe par la pointe de la puissance [… ] et n’est pas le terme extrinsèque de son attention et de l’acte cognitif » (Q. LXXIV, p. 116), mais se contente seulement de présenter à la puissance cognitive un objet absent – le franciscain réfute la théorie des species, comme le montre Perler (n. 110), p. 74, n. 1 et id., Zweifel und Gewissheit. Skeptische Debatten im Mittelalter, Berlin 2006, pp. 169–170. Cf. également Bettoni (note 84), p. 493.

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Créateur, qu’il ne saurait connaître immédiatement. Olivi utilise d’une part la preuve constituée par l’expérience subjective immédiate, liée à sa propre volonté, mais explique d’autre part que l’homme, pour connaître sa propre âme et s’élever vers Dieu, recourt souvent aux objets de connaissance. L’appréhension de l’objet extérieur se voit en fait initiée par une capacité libre et autoréflexive, assimilée à la volonté – pour ainsi dire au cœur de l’homme – laquelle décide délibérément d’orienter 113 l’intellect vers un objet, y compris et surtout vers lui-même. La materia spiritualis semble dès lors pouvoir endosser un double rôle, à savoir, en tant que principe constitutif, composer intrinsèquement l’être humain, mais également lui offrir en quelque sorte un support pour sa propre connaissance de l’âme. Seule la matière spirituelle permet à la forme qu’est l’âme intellective une composition, garantissant à l’homme son unité, lui donnant un accès épistémologique à lui-même et lui octroyant 114 une perfectibilité par le caractère déterminable propre à toute matière. Aucune matière corporelle étendue ne saurait intrinsèquement et directement se combiner avec une forme spirituelle, comme l’âme rationnelle. Si à la fin de la q. XVI (ad 21) Olivi fait allusion à la façon dont il comprend l’unité substantielle de l’homme, le franciscain invoque au cours de la question XX, dans les arguments contre sa propre position, l’exemple suivant, concernant l’âme rationnelle : [… ] or toute matière ne peut être ordonnée à toute forme et, existant comme telle, toute matière n’est pas possible à l’égard de toute forme : par exemple la matière de la pierre [n’est pas possible] à l’égard de l’âme rationnelle ou encore la matière d’un élément simple, comme le feu, à l’égard de la forme de l’or ; (‹Quaest. in II Sent.›, q. XVI, p. 371)

___________________ 112 Pour une analyse de l’épistémologie d’Olivi, à l’aune des ‹Quaest In II Sent.›, Appendix : Quaestiones de Deo cognoscendo, qq. I–III, pp. 455–554, cf. Bérubé (note 26), pp. 107, 114–119, ici p. 117 qui signale Q. de Deo cogn., I, p. 492 : Et quia unusquisque habet animum proprium sibi notum, et aliorum animorum signa et effectus possunt unicuique per proprios sensus innotescere : ideo omnes possunt ex iis quae in rebus et in se experiuntur partes definitionis animi et totam definitionem eius abstrahere et intelligere. 113 Cf. supra n. 104 ; Quaest In II Sent., q. LVII, pp. 323–335 et les explications qu’en donnent Ernst Stadter, Psychologie und Metaphysik der menschlichen Freiheit. Die ideengeschichtliche Entwicklung zwischen Bonaventura und Duns Scotus, München/Paderborn/Wien 1971, pp. 186–194, 200. 114 Cf. Schneider (note 10), pp. 228–229 et Piron (n. 106), p. 51.

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Qu’en est-il au juste de cette âme rationnelle et de la materia spiritualis qui lui revient, à elle comme aux anges ? Tentons de synthétiser les éléments glânés dans les chapitres précédents sur la materia spiritualis et de les préciser avec les occurrences de cette notion dans le traité sur la matière.

IV. Aspects de la materia spiritualis Commune à l’ange et à l’homme, la notion de materia spiritualis apparaît explicitement dans plusieurs des questions que Pierre de Jean Olivi dédie 115 116 à la matière , à savoir q. XVI, q. XIX et q. XX. Comme l’avait déjà fait remarquer Bissels en s’intéressant à certains tenants scolastiques de cette doctrine, dont Bonaventure, la ‹Summa Halesiana› et Roland de Crémone, le concept de materia spiritualis n’implique pas inexorablement 117 une contradiction. Pour éviter un contre-sens, il importe en effet de distinguer les concepts de matière et de corps. Concernant la compréhension de la matière, force est de constater qu’il est possible, à l’instar de Bonaventure, de défendre une unité de la matière, rendue ainsi commune pour l’ensemble des êtres. Si Bonaventure met en avant le caractère unique de la matière pour toute la réalité créée (‹II Sent.›, d. 3, p. 1, a. 1, q. 118 3) , il avait même précisé au préalable que la matière considérée en elle___________________ 115 Pour d’autres lieux, cf. la tabula rerum établie par B. Jansen pour le terme materia (III, pp. 610–611), soit en regroupant ces occurrences conformément à l’ordre de l’édition souhaitée par Olivi : Q. XXXI (I, 508sqq.) ; Q. XLVIII (I, 757) ; Q. LI (II, 101sqq. ; 132, 134) ; Q. LII (II, 204) ; Q. LIII (II, 210) ; Q. LV (II, 294) ; Q. LIX (II, 539sq.) ; Q. LXII (II, 589). De plus, Schneider (n. 10), p. 230, nn. 109–110 renvoie avec raison à la solution des neuf premières objections présentées dans la question L (II, pp. 35–40). Pour les liens entre l’homme et l’ange, on pourrait encore y ajouter la question LVI. 116 Les occurrences de la matière spirituelle (materia spiritualis) sont listées dans l’index de la traduction (note 6), p. 358. 117 Cf. Bissels (note 3), pp. 241–248, où il indique en note, aux côtés de passages tirés surtout de ‹Summa Halesiana› I et II, des distinctions centrales établies par Bonaventure, dont principalement ‹II Sent.›, d. 3, p. 1, a. 1, qq. 1–3 ; d. 3, p. 1, a. 2, qq. 1–3 ; d. 12, a. 1, q. 1, (c. et ad 1, ad 2, ad 3) ; d. 17, a. 1, q. 2 ; d. 23, a. 1, q. 1, (fund. 4). 118 Dans l’édition (Opera omnia II, p. 100) : Respondeo : Dicendum, quod positio philosophorum et physicorum virorum haec fuit et est, quod materia in

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même n’est ni spirituelle, ni corporelle et que pour cette raison la capacité résultant de l’essence de la matière se comporte indifféremment à l’égard d’une forme, soit spirituelle, soit corporelle (‹II Sent.›, d. 3, p. 1, a. 1, q. 2, ad 3). Il pose néanmoins que dans les êtres spirituels la matière [spirituelle] n’est un support que pour la forme substantielle (‹II Sent.›, d. 3, p. 1, a. 1, q. 2, c). Au contraire, il est aussi envisageable de refuser pareille 119 unité pour la matière, comme Thomas d’Aquin. Ibn Gabirol mettra pour sa part l’universalité de la matière en avant. Olivi intègre lui aussi la 120 materia spiritualis au cœur de ses réflexions. Considérons les mentions de la matière spirituelle dans la question XVI, selon leur ordre d’apparition, et tâchons de rassembler les éléments de réponse déjà présentés. IV.1 Caractéristiques dégagées dans la question XVI Les deux premières mentions ont déjà été analysées, puisqu’elles correspondent respectivement au passage où Olivi construit son raisonnement 121 en opposition à la thèse de l’unité de l’intellect ainsi qu’au passage où le franciscain allègue la compréhension de la materia spiritualis proposée par Augustin dans sa lecture de la ‹Genèse›. Si Olivi ne manque pas d’infléchir à certains égards la théorie augustinienne de la matière, il partage sa distinction entre la matière composant les êtres spirituels et celle ___________________ quibuscumque est, per essentiam est una et una numero. Cf. Bissels (note 3), p. 246, n. 22 et p. 247, n. 25 et n. 26. 119 Cf. Thomas d’Aquin, ST, q. 66, a. 2, où après avoir élaboré un status quaestionis en discutant les doctrines de Platon et des philosophes antérieurs à Aristote, du Stagirite, d’Avicebron et d’Averroès, il formule en ces termes sa propre thèse : Et sic non est eadem materia corporis caelestis et elementorum, nisi secundum analogiam, secundum quod conveniunt in ratione potentiae. Une conclusion encore radicalisée en SCG, II, 40, 6 : « La distinction des espèces dans les choses, qui vient de la forme, n’est pas en vue de la matière, mais c’est plutôt les matières qui sont créées diverses pour convenir à des formes diverses. » 120 Sur différents aspects de la composition hylémorphique selon Olivi, cf. les études de E. Bettoni (note 84), pp. 263–299 ; Th. Schneider (n. 10) ; ainsi que D. Burr, L’histoire de Pierre Olivi (note 21), pp. 151–156. 121 Cf. Quaest. in II Sent., q. XVI, pp. 328–330, (cité supra, p. 202) et pour la discusssion sur l’intellect agent q. LVIII. Pour des indices délivrés par Pierre de Trabes à propos de distinctions (perdues) opérées par son maître Olivi sur l’intellect agent et l’intellect possible, cf. Piron (note 1), p. 278, n. 88.

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relevant des êtres corporels. Le troisième passage faisant mention de la materia spiritualis présuppose la distinction, établie dans les qq. XX et XXI, entre matière spirituelle et matière corporelle : En effet, lorsque la matière est déterminée à l’égard de certaines formes par son essence et son espèce, elle ne peut en aucune façon tendre vers d’autres formes ; par exemple, la matière corporelle ne peut en aucune façon recevoir des formes spirituelles, ni être mue vers elles de manière à ne posséder aucune forme corporelle et à devenir spirituelle et simple grâce à elles. Pareillement, la matière spirituelle est déterminée à l’égard des formes spirituelles de sorte à ne pouvoir d’aucune façon en être totalement dénuée afin de se revêtir de formes corporelles. La matière spirituelle ne possède donc pas en elle-même la puissance qui rendrait possible en elle la corruption du spirituel et sa mutation en corporel, tout comme inversement la matière corporelle ne possède pas la puissance contraire. Par ailleurs, [la possibilité d’être et de ne pas être] ne relève pas de la matière seule : bien au contraire, la cause de ce fait résulte en partie de la forme. 122 (‹Quaest. in II Sent.›, q. XVI, ad 11, p. 343)

Olivi introduit des raisons réelles dans la matière qui en précisent la capacité de réception. Ainsi, il refuse tout transfert entre matière spirituelle et matière corporelle, attribuant à chaque étant une place individuelle dans la hiérarchie des êtres, tout en lui garantissant une amélioration possible au sein même de son ordre. La quatrième mention de la materia spiritualis résume presque à elle seule l’anthropologie olivienne ou du moins en contient les principaux élé123 ments de manière condensée. À la vingt et unième objection il faut répondre que, même si l’âme rationnelle possède une matière spirituelle, elle ne doit cependant jamais être dite substance complète par soi, mais plutôt substance incomplète, car elle a de surcroît une ___________________ 122 Sur ce point, cf. Suarez-Nani (note 6), p. 38: « Il apparaît ainsi que par sa distinction entre matière corporelle et spirituelle, Olivi satisfait une double exigence : sauvegarder la matérialité du créé et assurer son homogénéité d’une part (toute réalité créée – y compris l’âme humaine et les anges – comporte une matière) ; et, d’autre part, garantir la diversification essentielle de la matière et promouvoir la singularité et l’unicité de toute chose (la matière est essentiellement distincte en chaque chose) ». 123 Cf. Quaest. in II Sent., q. XIX, p. 367, passage où la mention de la matière spirituelle suit là aussi directement une réflexion sur les corps organisés comme l’est le corps de l’homme. Cf. infra, n. 128.

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relation essentielle au corps humain, comme une forme qui se rapporte à sa matière. (‹Quaest. in II Sent.›, q. XVI, ad 21, p. 352)

À plusieurs reprises dans son étude sur l’anima forma corporis Theodor Schneider laisse comprendre que la question centrale de l’unité substantielle entre corps et esprit constituait l’un des points d’ancrage fondamentaux des réflexions d’Olivi – un point que ses adversaires eux-mêmes ne se lasseront d’ailleurs pas de mentionner dans leur accusation et qu’Olivi confirmera. Alors que le franciscain l’avait entre autres déjà soulevé dans 124 ‹Quaest. in II Sent.›, q. LI et q. LIX , ce point sera relevé dans l’accusation de 1283 (‹Littera septem sigillorum›, p. 52). Olivi reprendra lui-même son propos dans la ‹Lettre à R.› – (f. 51(63)v), où il renvoie explicitement à ‹Quaest. in II Sent.›, q. LI – et dans la réponse de 1285 (‹Responsio II›, p. 155), avant qu’il ne soit notamment retranscrit en 1311 125 au concile de Vienne, respectivement le 6 mai 1312 dans le Décret ‹Fi126 dei catholicae›. Schneider avait bien remarqué qu’Olivi souhaite maintenir d’une part 127 un concept strict de la ‹forme› et d’autre part une pluralité des formes. Si le franciscain avait pu préciser le concept de matière, à propos de la forme il paraît en effet devoir concéder certains compromis. Ainsi, le concept strict de forme ne semble applicable qu’aux parties formelles – végétative, sensitive et intellective – et non plus à la forma totalis. Par ailleurs, la forma totalis de l’âme, en tant que la réunion des trois parties ___________________ 124 Cf. Quaest. in II Sent., q. LIX, p. 539. 125 Ed. Friedberg, t. 2, 1132 : Item docuit, quod anima rationalis non est forma corporis humani per se ipsam, sed solummodo per partem sensitivam ; adiciens, quod si esset forma corporis, sequeretur, quod aut communicaret corpori esse immortale aut ipsa non haberet esse immortale de se ; Denzinger, Hein40 rich, Petrus Hünermann, Enchiridion symbolorum, Freiburg et alii 2005, N° 902. 126 Sur les liens complexes entre les différentes formulations de cette thèse importante, cf. notamment Franz Ehrle, Zur Vorgeschichte des Concils von Vienne, dans : ALKGMA II (1886), p. 369 ; Schneider (note 10), pp. 230– 231, 237, 250, 254–257 et surtout p. 240 ; Burr (note 21), pp. 95–118 et concernant la matière spirituelle, pp. 149–156 ; Piron, Sylvain, Petrus Ioannis Olivi, Epistola ad fratrem R., dans : Archivum Franciscanum Historicum 91 (1998), pp. 50–51 (thèse 7 : Quod anima intellectualis non informet corpus, sed tantum per sensitivam). 127 Cf. Schneider (note 10), pp. 239, 241 et surtout p. 235 repris ici, souligne l’importance de la materia spiritualis dans la q. LI (notamment au début de la réponse, p. 104).

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formelles, peut néanmoins être une certaine forme à l’égard du corps par 128 l’intermédiaire d’une materia spiritualis. En effet, les différentes puissances de l’âme sont des parties formelles, qui se partagent toutes les trois une matière spirituelle commune et se retrouvent ainsi réunies par une colligantia naturalis pour devenir une unité non pas formelle, mais bien 129 substantielle, comme l’explique Schneider. C’est toute cette théorie de l’unité du composé humain, rappelée à grands traits, qui semble résumée dans la courte objection 21 et la courte objection 22 qu’Olivi conclut ainsi : « Cependant, quant à la manière dont cela peut se réaliser, en particulier par la forme de l’âme rationnelle, j’en ai déjà suffisamment parlé, dans la mesure de mes capacités, dans la question qui demande si la faculté sensitive de l’homme s’enracine dans la substance de l’âme ration130 nelle. » Dans la question LI, où il en traite , Olivi insiste sur le fait que la faculté sensitive de l’homme ne s’enracine pas dans la substance ou dans la matière spirituelle de la partie intellective, car pareille allégation est non seulement fausse, mais également dangereuse du point de vue de la foi – une formule qui n’est pas sans évoquer la phrase inaugurant la 131 réponse de la q. XVI. ___________________ 128 Cf. aussi Q. XVII, ad 3 (in fine), p. 362 : « Mais, lorsque la forme qui confère cette capacité est substantielle, commme l’est l’organisation corporelle, alors cette puissance appartient au genre de la substance aussi bien quant à son aspect matériel que quant à son aspect formel, et ceci est d’autant plus vrai lorsque la forme à l’égard de laquelle la puissance est habilitée est substantielle, comme c’est le cas de l’âme à laquelle la matière corporelle est ordonnée par la forme de l’organisation corporelle. » 129 Th. Schneider relèvera (n. 10, p. 237) certes un avantage de la conception d’Olivi, qui semble mieux rendre compte de l’unité interne et de la réciprocité entre les parties de l’âme que ne le font les autres conceptions pluralistes ; il atténuera aussitôt pareil avantage, en indiquant que cette unité restait uniquement substantielle et non formelle entre la pars intellectiva et la materia corporalis. Cf. Tonna, Ivo, La pars intellectiva dell’anima rationale non è la forma del corpo (Dottrina di Pierre Jean-Olieu sull’unione tra anima e corpo), dans : Antonianum 65 (1990), pp. 277–289. 130 Un passage identifié comme Quaest. In II Sent., q. LI, pp. 121–126, où l’on peut d’ailleurs lire (pp. 121–122) : […] Quod, ut credo, non solum est falsum, sed etiam in fide periculosum, sicut et primum. 131 Une comparaison entre les qq. LI et XVI qui semble se prolonger relativement aux anges et aux hommes (ibid., p. 122) : […] Si enim pars intellectiva non potest esse per se forma corporis, sicut ex praehabitis satis patet, et non est dare viam quomodo aliam existentiam non inclinat. Verum est tamen quod

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Sur la base des passages de la question XVI brièvement analysés, nous constatons qu’Olivi élabore sa conception de la matière en opposition à la thèse de l’unicité de l’intellect pour tous les hommes, qu’il distingue expréssement materia spiritualis et materia corporalis et qu’il considère le composé humain comme une unité substantielle et non formelle. La teneur anthropologique des arguments retenus semble ainsi se dégager des 132 réflexions mêmes qu’Olivi développe dans cette question XVI. Reste à considérer les autres mentions de la materia spiritualis dans le traité sur la matière. IV.2 Contours dessinés dans les autres questions du traité sur la matière Il faut tout d’abord consulter la question XIX dont l’énoncé est : « En quatrième lieu, on demande si Dieu peut produire la matière sans aucune 133 forme. » Question à laquelle Olivi ne répondra pas vraiment, se satisfaisant d’une remarque lapidaire : « Je laisse aux autres le soin de décider laquelle de ces opinions est plus vraie. Quant à moi, il me suffit de penser que si cela n’implique pas de contradiction, Dieu le peut, alors que s’il en 134 implique une, Dieu ne le peut pas. » La q. XIX regroupe par ailleurs plusieurs mentions de la materia spiritualis dans l’extrait suivant : D’autres estiment que poser la matière dans l’être sans la forme implique une contradiction, si bien que Dieu ne pourrait pas le faire, car pouvoir cela, ce ne serait point pouvoir. Or ils démontrent cette thèse aussi bien pour la matière corporelle que pour la matière spirituelle et pour la matière considérée d’une manière générale et absolue. [… ] Ils prouvent encore cela par rapport à la ma___________________ in hoc differt intellectiva nostra ab intellectiva angeli quod cum illa non compatitur se inclinatio ad aliam materiam, cum nostra vero se compatitur. 132 Cf. également Bettoni (note 84), pp. 333–379. 133 Véritable locus classicus, dont la réponse formulée par Olivi se retrouve d’ailleurs chez beaucoup de penseurs médiévaux. Cf. Catherine KönigPralong, L’avènement de l’aristotélisme en terre chrétienne, Paris 2005, p. 130 ainsi que id., Form/Matter, dans : Springer Encyclopedia of Medieval Philosophy (à paraître). Je remercie à cette occasion Catherine KönigPralong pour la mise à disposition de son texte avant parution. 134 De nombreux penseurs franciscains de cette époque soutiennent cette thèse, qu’Olivi précise au demeurant en ces termes, Quaest. in II Sent., q. XIX, p. 365 : « Ceux-ci soutiennent donc que Dieu peut produire la matière sans la forme mais non sans l’être formel, car s’il la produisait sans l’être formel, il la ferait être et ne pas être à la fois. » Les opposants à cette thèse se recrutent plutôt parmi les dominicains, cf. notes de la traduction (n. 6), pp. 280–283.

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tière spirituelle. En effet, elle ne peut pas être sans un mode d’exister simple et déterminé – le mode d’exister simple propre à la simplicité intellectuelle qui ne semble pas pouvoir être conçue sans la forme de la vie et de l’intellect ou sans la forme de la simplicité intellectuelle ; il apparaît donc que poser la matière spirituelle dans l’être sans forme reviendrait à poser qu’elle est et qu’elle n’est pas à la fois. (‹Quaest. in II Sent.›, q. XIX, pp. 365–367)

Puisqu’Olivi se garde bien de trancher la question – comme il le répètera 135 pour sa défense –, passons directement à la question suivante, où il précise encore la notion de materia spiritualis. Dans la question XX, la différenciation établie dans la question XVI entre materia spiritualis et materia corporalis est reprise à plusieurs endroits, comme l’illustre notamment le passage suivant. 2. De même, la matière corporelle diffère essentiellement de la matière spirituelle par le simple et le composé, par le fait d’avoir des parties ou de ne pas en avoir, ainsi que par le corporel et le spirituel ; ces conditions signifient donc des différences essentielles ajoutées à la matière. En effet, la matière ne tient pas ces conditions de la forme, mais plutôt d’elle-même, du fait qu’une forme spirituelle ne peut se trouver que dans une matière spirituelle et une forme corporelle que dans une matière corporelle ; il en ira donc de même pour les autres conditions. (‹Quaest. in II Sent.›, q. XX, p. 370)

La matière corporelle et la matière spirituelle diffèrent selon leur raison essentielle, mais convergent en la raison commune de matière. Ces nuances développées dans la question XX semblent bien présupposées par la question XVI, comme le laissait entendre le renvoi explicite in alia 136 quaestione de materia est concessum . Olivi y affûte sa doctrine de la materia spiritualis. Ainsi, après avoir réfuté la thèse selon laquelle il y 137 aurait des différences matérielles dans la matière , puis celle selon la___________________ 135 En écho aux attaques soulevées à son endroit, Olivi réplique dans l’‹Epistola ad fratrem R.›, p. 51, art. 8: De hoc in quaestionibus de materia recitavi duas opiniones, nullam earum asserens, sed solum in fine dicens quod si in hoc aliqua contradictio implicatur, Deus hoc non potest. Si autem non implicatur, Deus hoc potest. Quod si dixerit, quon non debui hoc ponere in dubio, ostendatur mihi solide certitudo, et libentissime cedam, comme l’indique Tiziana Suarez-Nani (note 6), p. 36. Par ailleurs, la thèse énoncée à la q. XXI et rappelée dans cet art. 8, (Quod Deus non potest facere materiam sine forma) est également l’objet de l’art. 108 du ‹Correctorium› de Guillaume de la Mare (éd. Glorieux, pp. 409–410). Cf. ibid. (note 6), p. 280. 136 Quaest. in II Sent., q. XVI, p. 350 et supra, p. 186. 137 Quaest. in II Sent., q. XX, pp. 373–375.

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quelle la matière dépouillée de toute forme serait simplement une selon 138 l’essence et la puissance dans toutes choses , Olivi présente une voie moyenne : Il semble donc qu’il faille suivre ici une voie moyenne et dire que la matière ne porte pas en elle des différences formelles réellement distinctes d’elle et réellement composées avec elle, à la façon dont une forme compose avec une autre forme dans une matière tierce. Et cependant la matière corporelle et la matière spirituelle convergent en la raison [commune] de matière ainsi : la matière corporelle est définie de façon différente de la matière spirituelle – car à la première s’ajoute une autre raison [propre], à savoir le fait de posséder des parties potentielles ou en puissance, alors que le propre de la seconde est de ne pas posséder de telles parties, mais de posséder plutôt une simplicité potentielle ou en puissance ; ces raisons n’ajoutent toutefois rien de réel à l’essence de la matière de chacune d’elles, car dans la matière spirituelle les deux raisons sont impliquées sans qu’il n’y ait de différence réelle, et il en va de même pour la matière corporelle. — Il faut donc dire que dans la matière il n’y a pas de différences matérielles qui ajouteraient réellement quelque chose à son essence, de manière à y introduire une union et une composition réelle. (‹Quaest. in II Sent.›, q. XX, p. 376)

Au travers de quatre arguments, Olivi veut encore préciser sa pensée. Aussi souligne-t-il dans le deuxième argument : « Mais c’est par son essence que la matière corporelle est la matière propre des réalités corporelles et la matière spirituelle celle des réalités spirituelles, et non par quelque chose de réel ajouté à quelque nature matérielle qui, sans cette différence, serait commune à la forme spirituelle et à la forme corporelle ; 139 […] ». Le franciscain a ainsi défini la matière spirituelle comme possédant une simplicité potentielle. Cette description s’intègre parfaitement à ses explications antérieures, où en explicitant la définition aristotélicienne de la matière comme étant en puissance, Olivi avait indiqué que la matière a une essence propre, distincte de la forme, à savoir le fait d’être en 140 puissance. La matière spirituelle partage donc bien la raison de puissance avec la matière corporelle, mais s’en distingue par l’absence de parties. Dans la perspective de l’homme, la materia spiritualis se révèle ___________________ 138 Cf. Quaest in II Sent., q. XX, pp. 375–376 : Differunt igitur veraciter materia corporalis et spiritualis secundum definitiones et rationes sibi essentiales, quia haec habet vere multitudinem partium, sed non talem quae possit existere nisi sub forma et per formam, quia nec essentia materiae est alterius modi. 139 Quaest. in II Sent., q. XX, p. 377. 140 Cf. supra, p. 209.

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comme un dénominateur commun entre les trois parties formelles (végétative, sensitive et intellectuelle), lui assurant une unité substantielle et n’empêchant pas pour autant la partie formelle sensitive et la partie formelle végétative de se lier à la materia corporalis.

V. Conclusion Sans prétention à l’exhaustivité, tentons finalement de faire ressortir quelques conclusions principales au sujet de la question XVI et de sa 141 place primordiale au sein des questions sur la matière , en se concentrant ici essentiellement sur sa portée anthropologique et sur la materia spiritualis. La question XVI se révèle fondamentale non seulement pour com142 prendre la conception de la matière ou certaines thèses angélologiques , mais également pour saisir la vision de l’homme défendue par Olivi. Cette longue quaestio portant sur l’ensemble des substances laisse ainsi transparaître une focalisation, amorcée dès l’intitulé de la question, sur les anges et toutes les substances intellectuelles. Au travers de quatre indices, les liens entre les anges et les hommes ont été soulignés, afin de faire ressortir les implications anthropologiques contenues dans un texte 143 saillant des ‹Quaestiones in secundum librum Sententiarum›. (I) Du ___________________ 141 Cf. Tiziana Suarez-Nani (note 6), p. 25 : « L’emplacement des six questions sur la matière – qui constituent une unité et forment un véritable traité – plaide en faveur de leur importance stratégique dans l’ontologie olivienne et de leur fonction de pierre angulaire dans sa conception de l’ensemble de la réalité. Il importe en effet de relever qu’elles précèdent les questions sur les anges et que la question XVI – sur la composition hylémorphique des créatures spirituelles – a été délibérément placée avant celles qui traitent de la matière, car elle a valeur de présupposé général pour l’examen de toutes les substances créées. » ; ainsi que le bilan provisoire dressé ibid., pp. 44–45. 142 D’autres thèses angélologiques proposées par Olivi connaîtront des fortunes diverses : l’opinio Petri sera en tous les cas considérée, par exemple par Pierre d’Aquila dans Sent., II, d. 4, q. 1, t. II, pp. 169–171, comme l’indique Fabrizio Amerini, La dottrina dell’univocità dell’essere nel Commento alle Sentenze di Pietro d’Aquila (à paraître). 143 Déjà Jansen l’avait relevé dans l’introduction à son édition (note 2), Prolegomena, p. XIII : Ne longiore enumeratione animum lectoris teram, sufficiat attentionem eius ad duas quaestiones in hoc primo tomo contentas dirigere

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moins le spirituel languedocien s’applique-t-il dans cette q. XVI à explicitement renvoyer aux questions anthropologiques, où il expose ses positions sur l’âme humaine, les puissances de l’âme et la liberté, soit princi144 et LVII. (II) C’est de plus en palement les questions LI, LIV opposition à une thèse répandue parmi les philosophes, et touchant directement l’homme, à savoir celle de l’unicité de l’intellect, qu’Olivi développe sa conception sur la matière. Dans sa démarche, le franciscain ne renonce pas à recourir aux arguments des philosophes, mais se refuse par contre à les suivre servilement. Il critiquera ainsi sévèrement Aristote, dont il semble connaître avec précision la ‹Physique›, mentionnant tous ème les livres sauf le VI , dans les qq. XVI–XXI. Olivi s’emploiera à réajuster la thèse aristotélicienne sur la matière pour en tirer sa propre doctrine : la matière est un étant en puissance, par essence. Une conception que le franciscain s’évertue à confronter à différentes autorités théologiques, telles que Pseudo-Denys l’Aéropagite, Augustin ou Boèce, sans oublier les mentions d’Anselme de Cantorbéry ou de Damascène. Attentif à ses sources, Olivi relèvera notamment que le traité ‹De unitate› pourrait ne pas devoir être attribué à Boèce. En philosophe et en théologien, Pierre de Jean Olivi exploite ainsi savamment les arguments des uns et des autres ; il ne manque pas de les jauger avec précision et les intègre dans des raisonnements complexes, où se profile sa pensée originale. (III) En outre, nombre de notions anthropologiques centrales se trouvent annoncées par l’ordonnancement même de certains arguments de la q. XVI, telle par exemple l’expérience subjective. (IV) Enfin, la distinction entre materia corporalis et materia spiritualis, notions capitales pour saisir l’unité substantielle propre à l’être humain, se trouve répétée à plusieurs reprises dans les qq. XVI–XXI. La notion même de materia spiritualis contribue à éclairer l’ordre choisi par Olivi pour former son traité sur la matière. Véritable construc___________________ quae viri evolutionis historicae philosophiae scholasticae studiosi quam maxime intersunt et quae ab Olivi speciali praedilectione et abundanti copia speculativa et historica tractantur. Q. 16 agit de compositione spirituum ex materia et forma quam auctor, in hac re fidelis Augustinissimi et veteris scholae Franciscanae discipulus, viriliter sustinet ; q. 31 […]. Cf. également id., Die Lehre Olivis über das Verhältnis von Leib und Seele, dans : Franziskanische Studien, Münster W., 5. Bd., 1918, pp. 153–175 ; 233–258. 144 La question LIV rapproche elle aussi âmes et anges : Deinde quaeritur an potentiae vel angeli sint totaliter eaedem cum substantia eorum et ad se invicem aut totaliter diversae aut partim eaedem aut partim diversae.

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tion argumentative remaniée par l’auteur, la structure définitive de ce traité se fait en quelque sorte l’écho des développements philosophiques envisagés. Au cœur de cette entreprise cohérente dans son ensemble, certains éléments semblent sujets à adaptation, d’autres se trouvent renforcés – comme l’argument supplémentaire sur la matière (q. XVI, pp. 341–342) – et manifestent le continuel travail réflexif du franciscain. Alors que la critique adressée par Olivi à l’encontre d’Aristote paraît s’aiguiser au lendemain des condamnations de 1277, la distinction entre materia spiritualis et materia corporalis paraît elle demeurer comme une constante, au-delà même des condamnations, à travers tout le traité. Notons ainsi que la question XVI, écrite après les condamnations du 7 mars 1277, reprend la distinction entre matière spirituelle et corporelle, déjà établie dans la question XX, rédigée pour sa part avant les condamnations parisiennes. De plus, cette même distinction, présente dans la question XX puis reprise dans la question XVI, sera encore réitérée dans la question XIX, écrite dans leur prolongement. En combinant ces questions, Olivi cherche à préciser cette notion de materia spiritualis, dont le propre est de posséder une simplicité potentielle. Plus généralement, même si elle transcende un contexte purement anthropologique, la théorie de la matière – une notion si dense qu’elle a des 145 répercussions bien au-delà du champ physique – connaît de fortes implications pour la compréhension de l’homme. La notion de matière, présentée par la q. XVI, se retrouve au centre des débats ou pour ainsi dire à la croisée des chemins : c’est en effet la matière qui réunit l’ensemble du créé. Tout étant créé est composé de matière et de forme, 146 se distinguant de la parfaite simplicité propre au Créateur . Les substances intellectuelles, composées de materia spiritualis et de forma spiritualis, n’échappent pas à cette règle. Même l’ange perd de la sorte son statut privilégié pour partager avec l’homme une composition hylémorphique. 147 Le processus d’« humanisation de l’ange » semble ainsi bien avoir ___________________ 145 Cf. Pasnau, Robert, Olivi on the Metaphysics of Soul, dans : Medieval Philosophy and Theology 6 (1997), pp. 109–132. 146 Cf. Bettoni (note 84), pp. 264–266, où est considérée une autre composition, à forte inspiration boécienne, répandue chez les confrères contemporains d’Olivi entre le quod est et le quo est ; cf aussi, pp. 270–271. 147 Sur l’humanisation de l’ange et les exigences d’une pareille conception, cf. Suarez-Nani (note 9), pp. 297–309. Cf. aussi Piron (note 31), p. 42 : « As was made clear, with him angels become more akin to humans than they do with most theologians. Thus, an inquiry into their properties and actions could

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comme points de références l’ange et l’homme lui-même. En rapprochant ces deux étants d’une manière particulière, Olivi souligne leur similitude et leur principe constitutif commun. Aussi bien l’âme humaine que la subjectivité angélique comporte de la materia spiritualis. Néanmoins, chaque individu se distingue par une matière déterminable et perfectible qui lui est essentiellement propre, le rendant unique. Dès lors diverses réflexions sur l’individualité et la personnalité, connexes aux implications anthropologiques, seraient encore à considérer. Pour sa part, Olivi se sera en tous cas signalé parmi les franciscains dits 148 spirituels comme un doctor speculativus, selon le mot d’Ubertin de 149 Casale ou encore comme un vir angelicus, aux yeux de Bernardin de 150 Sienne . Le terme complexe « spirituel », rempli de nuances, invite ainsi à d’autres approfondissements, bien au-delà de la perspective de la matière. Du moins, avons-nous tenté d’esquisser les orientations anthropologiques développées dans la question XVI et de souligner par là quelques aspects de la théorie de la matière. Une théorie centrale qu’Olivi luimême souhaite faire figurer en bonne place dans sa ‹Summa quaestionum super Sententias›, une théorie pour laquelle il paraît presque manquer de 151 mots. Laissons-lui à bon droit le mot de la fin : ‹Quaest. in II Sent.›, q. XVI, p. 333 : « La réponse à la troisième objection résulte de ce qui a été dit au début de la réponse principale. En effet, bien que la matière signifie un acte et une essence, elle signifie pourtant un acte et une essence qui diffèrent essentiellement de l’acte et de l’essence formels, car l’acte et l’essence matériels comportent essentiellement une privation qui relève de l’absence de ___________________

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serve as a teste-case for the discussion of anthropological issues on the idealized conditions that non-corporeal natures allow. » Sans pour autant en faire le chef de file des spirituels, comme le signalent Manselli, Raoul, Spirituels et béguins du Midi, trad. fr. J. Duvernoy, Toulouse 1989, p. 111 et 123 ; D. Flood, Petrus Johannis Olivi. Ein neues Bild des angeblichen Spiritualenführers, dans : Wissenschaft und Weisheit 34 (1971), pp. 130–141 ; Kobusch (note 109), n. 1. Ubertino da Casale, Arbor Vitae crucifixae Jesu, Venise 1485 (reprint : Toronto 1961), Prol. I, 4b, comme le note David Burr, The Spiritual Franciscans : From Protest to Persecution in the Century after Saint Francis, Pennsylvania 2001, pp. 39–41, 47–48. Cf. Péano, Pierre, Dictionnaire de spiritualité, XI, Paris 1982, pp. 751–762, voir p. 760 et Suarez-Nani (note 9), p. 235. Alors que les tenants de la théorie pluraliste cachaient précisément leur embarras sous des mots, comme le relève Theodor Schneider (n. 10), p. 237.

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forme, une indétermination quant à l’être, un rapport de potentialité et de perfectibilité, et quelque chose qui leur est plus absolu et que nous ne parvenons pas bien à rendre au moyen de mots ».

Intelligere verum creatum in veritate aeterna : la théorie de l’illumination intellectuelle chez Richard de Mediavilla et Pierre de Jean Olivi Federica Caldera (Vercelli)

Le Commentaire sur les ‹Sentences› (1285–1295) de Richard de Mediavilla a sa marque distinctive dans les procédés d’examen des textes et dans la méthode analytique que Richard utilise pendant ses cours universitaires: la technique de commentaire choisie par le franciscain est assez anormale par rapport au style courant de la ‹rationalité scolastique›. En réfléchissant sur la tradition de pensée à laquelle il appartient et en évoquant parmi les auctoritates non seulement les grands auteurs du passé (philosophes ou Saints), mais aussi ses contemporains, Richard de Mediavilla se mesure constamment aux théories d’autrui, de sorte que ses questions assument une structure toujours plus complexe et articulée. Dans la recherche des sources du maître franciscain, en examinant les influences réciproques ainsi que les stratégies de citation, j’ai essayé d’identifier les innombrables quidam (presque toujours anonymes) auxquels Richard fait référence et avec lesquels il a dialogué. Pierre de Jean Olivi a bien sûr une place remarquable parmi les confrères avec lesquels le Doctor Solidus a souvent instauré une confrontation (critique). À cause des problèmes de datation des œuvres philosophiques et théologiques des deux franciscains (datation qui est controversée dans le cas 1 d’Olivi et incertaine dans le cas de son censeur Richard), l’analyse des ___________________ 1

Cf. Piron, Sylvain, Parcours d’un intellectuel franciscain. D’une théologie vers une pensée sociale : l’œuvre de Pierre de Jean Olivi (ca. 1248–1298) et son traité ‹De contractibus›, Thèse de doctorat d’histoire, École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris 1999, Tome I, Partie I, chapitre 3, pp. 125– 168 ; chapitre 4, pp. 169–197 ; chapitre 5, pp. 198–213 ; Tome III, Annexe 2 : « Matériaux pour la chronologie des œuvres d’Olivi », pp. 7–87 et pp. 154–

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rapports doctrinaux entre eux constitue une question très épineuse. Je n’ai pas la prétention d’établir si Richard a été source de Pierre de Jean Olivi ou inversement, mais, en considérant qu’ils écrivent presque à la même période et qu’il est raisonnable d’imaginer qu’ils ont partagé bien des idées, des textes et des réflexions, je voudrais plutôt souligner certains traits communs de leur enseignement, ainsi que les raisons de leur désaccord sur d’autres points. Parmi les thèmes qui pourraient se prêter à cette fin, la théorie de l’illumination intellectuelle, avec toutes ses répercussions sur la phénoménologie de l’acte d’intellection, est particulièrement intéressante. Richard de Mediavilla assigne une grande importance théorique à la réflexion sur les conditions, les limites et les finalités de la connaissance humaine. En discutant les critères de scientificité de la connaissance naturelle, il s’éloigne de la leçon d’Augustin et de Saint Bonaventure, refuse la doctrine de l’illumination divine et cherche à dépasser la dualité entre le caractère absolu de la connaissance de Dieu et la relativité du savoir de l’homme, en soutenant l’autonomie de ce dernier. Richard partage cette interprétation critique de la théorie de l’illumination intellectuelle non 2 seulement avec Pierre de Trabibus et Guillaume de Ware , mais aussi avec ___________________

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198 ; id., Olivi et les averroïstes, dans : Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie 53 (2006), pp. 251–309. Cf. Petrus de Trabibus, In I Sententiarum, d. 3, a. 3, q. 2, éd. Antonio Di Noto, dans : id., La théologie naturelle de Pierre de Trabibus, O.F.M., Padova 1963, pp. 107–111. Cf. aussi Doyle, Patrick J., The Disintegration of Divine Illumination Theory in the Franciscan School, 1285–1300 : Peter of Trabes, Richard of Middleton, William of Ware, PhD. Dissertation, Marquette University 1984, pp. 120–131. Sur Guillaume de Ware, cf. Daniels, Augustinus, Wilhelm von Ware über das menschliche Erkennen, dans : Festgabe zum 60. Geburtstag Clemens Baeumker (Beiträge zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters, Supplementband I), Münster 1913, pp. 309– 319 ; Bonafede, Giulio, Il pensiero francescano nel secolo XIII, Palermo 1952, pp. 172–174 ; Doyle (note 2), pp. 295–304 et pp. 344–345 ; Marrone, Steven P., The Light of Thy Countenance. Science and Knowledge of God in the Thirteenth Century, Leiden/Boston/Köln 2001, vol. II, P. IV (passim). Cf. aussi Hödl, Ludwig, Untersuchungen zum scholastischen Begriff des Schöpferischen in der Theologie des Wilhelm von Ware, dans : Historia Philosophiae Medii Aevi : Studien zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters. Festschrift für Kurt Flasch zu seinem 60. Geburtstag, éd. Burkhard Mojsisch, Olaf Pluta, Amsterdam/Philadelphia 1991, pp. 387–408.

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Pierre de Jean Olivi, qui a mis en discussion la version traditionnelle de la doctrine de l’illustratio Dei. En lisant les textes de Richard et d’Olivi, on repère aisément les questions auxquelles il est fondamental de répondre afin de bien comprendre leurs théories gnoséologiques, à savoir : doit-on admettre une liaison entre l’intellect divin ou vérité archétypale et la connaissance naturelle humaine ? Et, dans le cas affirmatif, comment pourrait-on la démontrer ? Comment faudra-t-il définir les modalités de dépendance du savoir humain par rapport aux raisons idéales ? À propos du rôle des règles éternelles dans la connaissance naturelle de l’homme, Richard de Mediavilla et Pierre de Jean Olivi soutiennent tous les deux qu’on ne doit pas attribuer un fondement théologique à la pensée humaine au risque de lui imposer une limitation théorétique inadmissible. Voyons plus en détail leurs textes. Richard de Mediavilla discute le problème de l’illumination dans le ème Commentaire sur le deuxième Livre des ‹Sentences› et dans la 13 ‹Question disputée›, dans laquelle il dit qu’il ne faut pas affirmer la dé3 pendance du connaître humain à la vérité éternelle sans restrictions. En effet, selon Richard, connaître la vérité créée sur la base de ce qu’elle est (secundum id quod est) n’est pas la même chose que la connaître dans la mesure où elle est vérité (sub ratione qua verum). Cette conclusion est tirée de l’article premier (q. 2) de la ‹Summa quaestionum› d’Henri de Gand, qui avait distingué la connaissance avec laquelle on connaît une chose (ce qu’il y a de vrai dans une certaine créature) de la connaissance 4 avec laquelle on connaît sa vérité. Selon Henri, pour atteindre l’être des ___________________ 3

4

Cf. Richardus de Mediavilla, Quaestio disputata 13, a. 1, resp., dans : De humanae cognitionis ratione anecdota quaedam Seraphici Doctoris Sancti Bonaventurae et nonnullorum ipsius discipulorum, studio et cura PP. Collegii a S. Bonaventura, Ad Claras Aquas (Quaracchi) 1883, p. 225 : Ad istam quaestionem respondeo quod Angelus vel homo potest naturaliter intelligere verum creatum in veritate aeterna aliquo modo, et aliquo modo non. Cf. Bonafede (note 2), pp. 174–177 ; Bérubé, Camille, Olivi critique de Bonaventure et d’Henri de Gand, dans : Studies honoring Ignatius Charles Brady Friar Minor, éd. Roman S. Almagno, Conrad L. Harkins, (Franciscan Institute Publications. Theology Series 6), St. Bonaventure (N. Y.) 1976, pp. 98– 99 ; id., De l’homme à Dieu selon Bonaventure, Henri de Gand et Jean Duns Scot, Roma 1983, pp. 57–58 ; Doyle (note 2), chapter 4, pp. 212–222 ; pp. 340–344 ; pp. 363–364. Henricus de Gandavo, Summa quaestiones ordinariae art. I–V, a. 1, q. 2, éd. Gordon A. Wilson (Ancient and Medieval Philosophy. Series 2), Leuven

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choses, la lumière naturelle de l’intellect humain suffit, tandis que pour connaître leur vérité le concours de Dieu est indispensable : à travers l’abstraction, l’homme découvre les choses dans leur apparence mais il ne pénètre pas dans leur intimité ontologique, où se cache la raison (exem5 plaire) de leur essence et intelligibilité. Dans le sillage d’Augustin , Henri distingue deux niveaux de vérité : l’un que l’on peut obtenir avec nos connaissances d’origine sensible et l’autre (la sinceritas) que l’on gagne seulement avec l’illumination et la perception des règles éternelles. En soutenant cette distinction entre vrai et vérité, Henri défend l’autosuffisance de la raison humaine dans la connaissance de la vérité logique, sans en oublier l’insuffisance dans la connaissance de la vérité 6 ontologique. ___________________

5

6

2005, Opera Omnia XI, pp. 35–36 : Quantum autem est ex parte intellectus et cognitionis intellectivae, cuius cognoscere proprie dicitur scire distinguendum est. Quamquam enim secundum Augustinum 83 Quaestionibus ‹nihil scitur nisi verum›, aliud tamen est scire de creatura id quod verum est in ea, et aliud scire eius veritatem, ut alia sit cognitio qua cognoscitur res, alia qua cognoscitur veritas eius. Omnis enim virtus cognoscitiva per suam notitiam apprehendens rem, sicut habet esse in se extra cognoscentem, apprehendit quod verum est in ea, sed non per hoc apprehendit eius veritatem. [… ] Cognitione igitur intellectiva de re creata duplex potest haberi cognitio : una qua praecise scitur sive cognoscitur simplici intelligentia id quod res est ; alia qua scitur et cognoscitur intelligentia componente et dividente veritas ipsius rei. Cf. Jolivet, Régis, La doctrine augustinienne de l’illumination, dans : Revue de philosophie 30 (1930), pp. 401–402 ; Portalupi, Enzo, Il lessico della sincerità in Tommaso d’Aquino. Studio preliminare, dans : Medioevo 18 (1992), pp. 21–51 ; id., Osservazioni sui lemmi sincerus e sinceritas nei testi patristici e medievali, dans : Archivum Latinitatis Medii Aevi 59 (2001), pp. 75–138 ; id., Sincerus, sinceritas e lemmi affini da Tertulliano a Tommaso d’Aquino. Un’analisi storico-semantica con annesso archivio lessicografico in cd-rom (Subsidia mediaevalia patavina), Padova 2006, voir pp. 123–125. Plus généralement, on peut voir aussi La sincérité. L’insolence du cœur, éd. Christine Baron, Catherine Doroszcuzuk (Morales), Paris 1995 et Tagliapietra, Andrea, La virtù crudele. Filosofia e storia della sincerità (Biblioteca Einaudi 169), Torino 2003, voir pp. 3–127. Celle du vrai est une simplex intelligentia ou cognitio simplicis notitiae qui nous conduit à connaître id quod res est ; celle de la vérité est une connaissance effectivement scientifique et discursive, une cognitio discretiva ou intelligentia componente et dividente, qui nous présente le quid est des choses et nous permet la formation des jugements. Henri propose une stratification précise des valeurs de vérité : l’id quod verum est coïncide avec le verum au-

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Dans l’article premier de la ‹Quaestio disputata 13›, héritier de la leçon 7 d’Henri de Gand , Richard de Mediavilla radicalise sa source et démontre ___________________

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gustinien, objet des sens ; la veritas incompleta et imperfecta est la vérité qu’on obtient par abstraction ; la sincera veritas, enfin, est celle connue avec l’aide de la lumière divine. Cf. Henricus de Gandavo, Summa quaestiones ordinariae art. I–V (note 4), a. 1, q. 2, éd. Gordon A. Wilson, pp. 29–69. Cf. Bettoni, Ephrem, Il processo astrattivo nella concezione di Enrico di Gand, Milano 1954, pp. 39–60 et 81–88 ; Brown, Jerome V., Divine Illumination in Henry of Ghent, dans : Recherches de théologie ancienne et médiévale 41 (1974), pp. 177–199 ; id., Intellect and Knowing in Henry of Ghent, dans : Tijdschrift voor Filosofie 37 (1975), pp. 490–512 et 693–710 ; id., Henry’s Theory of Knowledge: Henry of Ghent on Avicenna and Augustine, dans : Henry of Ghent. Proceedings of the International Colloquium on the th Occasion of the 700 Anniversary of His Death (1293), éd. W. Vanhamel (Ancient and Medieval Philosophy 1,15), Leuven 1996, pp. 19–42 ; Cannizzo, Giuseppina, La dottrina del verbum mentis in Enrico di Gand, dans : Rivista di filosofia neoscolastica 54 (1962), pp. 243–266 ; Decorte, Jos, Henri de Gand et la définition classique de la vérité, dans : Recherches de théologie ancienne et médiévale 68 (2001), pp. 34–74 ; Doyle (note 2), pp. 346–353 ; Emery, Kent, Jr., The Image of God Deep in Mind : the Continuity of Cognition According to Henry of Ghent, dans : Nach der Verurteilung von 1277, éd. Jan A. Aertsen, Kent Emery Jr., Andreas Speer (Miscellanea Mediaevalia 28), Berlin/New York 2001, pp. 59–124 ; Marrone (note 2), vol. II, pp. 259–388 (les parties sur Henri) ; Macken, Raymond, L’illumination divine concernant les vérités révélées chez Henri de Gand, dans : Journal philosophique 5 (1985), pp. 261–272 ; Marrone, Steven P., Matthew of Aquasparta and Henry of Ghent and Augustinian Epistemology After Bonaventure, dans : Franziskanische Studien 65 (1983), pp. 252–290 ; id., Truth and Scientific Knowledge in the Thought of Henry of Ghent (Speculum Anniversary Monographs), Cambridge 1985 ; Pasnau, Robert, Henry of Ghent and the Twilight of Divine Illumination, dans : The Review of Metaphysics 49 (1995–96 I), pp. 49–75 ; id., Theories of Cognition in the Later Middle Ages, Cambridge 1997, pp. 221–229 et 306–310 ; Porro, Pasquale, Enrico di Gand. La via delle proposizioni universali, Bari 1990 ; id., Sinceritas veritatis. Sulle tracce di un sintagma agostiniano, dans : Augustinus 39 (1994), pp. 413–430 ; Sorge, Valeria, Gnoseologia e teologia nel pensiero di Enrico di Gand, Napoli 1988, pp. 77–108 ; Speer, Andreas, Certitude and Wisdom in Bonaventure and Henry of Ghent, dans : Henry of Ghent and the Transformation of Scholastic Thought. Studies in Memory of Jos Decorte, éd. Guy Guldentops, Carlos Steel (Ancient and Medieval Philosophy. Series 1,31), Leuven 2003, voir pp. 75–79 ; Spruit, Leen, Species intelligibilis from Perception to Knowledge, Leiden/Boston/Köln 1994, pp. 205–212.

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la possibilité de connaître la vérité naturelle même indépendamment de la conformité à son exemplaire incréé : Veritas ergo essentiae creatae super ipsam essentiam creatam addit conformitatem ad suum exemplar, quod habet in aeterna veritate. Haec autem conformitas relatio quaedam est ; absolutum autem potest intelligi non intellecta sua relatione : ergo essentia creata potest intelligi non intellecta illa conformitate quam habet ad suum exemplar in aeterna veritate. Ergo essentia creata intelligi potest secundum id quod est, absque hoc quod intelligatur sub ratione qua conformis praedicto exemplari, et ex consequenti absque hoc quod intelligatur sub ratione qua vera : non est ergo idem cognoscere verum creatum secundum id quod est et 8 cognoscere ipsum sub ratione qua verum.

À son avis, l’intellect de l’homme et de l’ange disposent d’une connaissance naturelle de la vérité finie, quoique d’un niveau infime. Il faut donc garantir à la faculté intellective de l’homme l’inhérence et l’exercice d’une 9 capacité de connaître naturelle et intrinsèque, bien qu’imparfaite . Les passages que je viens de résumer autorisent à placer Richard parmi les défenseurs du soi-disant « activisme cognitif ». Dans la suite de sa question il affirme en effet que la nécessité de l’illumination surnaturelle n’est pas requise pour tout acte d’intellection : elle n’est jamais explicitement attestée par la Sainte Écriture et ne trouve pas non plus des confirmations empiriques ou rationnelles. Plus précisément, les textes bibliques habituellement évoqués en faveur de l’illumination divine, en réalité, se réfèrent à la connaissance béatifique et surnaturelle, ou sinon indiquent simplement que la lumière naturelle de l’intellect est donnée à l’homme par Dieu : ___________________ 8 9

Richardus de Mediavilla, Quaestio disputata 13 (note 3), a. 1, resp., p. 225. Richardus de Mediavilla, Quaestio disputata 13 (note 3), a. 2, resp., pp. 226– 227 : Sed aliquid, quod est verum creatum, ab Angelo vel homine naturaliter cognosci potest secundum aliquem gradum infimum cognitionis : ergo aliquid, quod est verum creatum, ab intellectu angelico vel humano in aliquo naturali lumine cognosci potest, quamvis secundum aliquem gradum infimum cognitionis. [. . . ] Omnis naturalis potentia potest in aliquam operationem naturalem sibi debitam, in quantum est talis potentia : ergo et intellectus potest in aliquam operationem naturalem sibi debitam, in quantum est potentia intellectiva. [. . . ] quamvis ex perfectione potentiae quandoque contingat quod ex puris naturalibus non possit in complementum sui actus, tamen omnino contra perfectionem naturae esset quod potentia ex naturalibus non posset in actum suum neque complete neque incomplete.

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Sed lumen supernaturale, informans animam, esse necessarium ad quemcumque actum intelligendi cum naturali lumine probari non potest per sacram Scripturam. Non sum enim memor quod aliqua auctoritas sacrae Scripturae hoc expresse dicat. [… ] ; sed quaedam loquuntur de cognitione patriae, quaedam de cognitione supernaturali viae, et quaedam etiam Deum dicunt illuminare intellectum lumine naturae, inquantum etiam lumen naturale est ab eo. Non ergo possunt 10 probare suum propositum ex sacra Scriptura.

L’expérience, à son tour, ne justifie pas l’intervention divine sur la connaissance humaine. Au contraire, elle l’exclut. S’il n’y a pas des empêchements physiques au fonctionnement normal des organes corporels, les facultés sensibles sont en effet suffisantes pour que l’homme connaisse les choses autour de lui : Neque etiam per experientiam, quia omnes homines, existentes in aetate debita et non habentes corporale impedimentum, maxime in organis virium sensitivarum, possunt aliquid intelligere vel fortiter vel debiliter, vel clare vel obscure. Ergo experiri non possunt quod nihil possumus intelligere in virtute luminis naturalis 11 sine adiutorio luminis supernaturalis intellectum informantis.

Enfin, il n’y a pas d’arguments de raison valables et les auctoritates ont été mal interprétées : Non recolo etiam me vidisse quod ad hoc habeant aliquam rationem sufficientem, immo magis mihi videntur rationes ad contrarium. Si autem dicis quod ab insufficienti procedo, dicendo quod pro sua parte habent auctoritates multas in originalibus beati Augustini [… ], dico quod istae auctoritates non sic debent 12 intelligi, sicut accipiunt.

Quelle est donc la conclusion à tirer des textes de Richard que je viens de commenter ? Selon le maître franciscain, il ne faut supposer aucun contact avec les raisons éternelles ni aucune influence spéciale et directe de celles-ci pour illuminer l’intelligence humaine. En théorisant à son tour une conception qui valorise la ‹nature active› de la connaissance humaine, Pierre de Jean Olivi explique que les actes intellectuels proviennent directement de la partie la plus intime de nos facultés et il réclame la possession active des objets que nous connaissons, abstraction faite des secours surnaturels. À ce propos ce qu’on lit dans le respondeo de la question 74 de sa ‹Summa quaestionum› est très indicatif : ___________________ 10 Richardus de Mediavilla, Quaestio disputata 13 (note 3), a. 2, resp., p. 228. 11 Ibid. 12 Ibid.

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Sextum autem, quod scilicet actus cognitivus efficiatur ab ipsa potentia tanquam a vi activa, probatur. Primo, eisdem rationibus quibus probatur quod voluntas est potentia activa. [… ] Secundo, probat hoc intima et continua experientia. Nam ab intimo nostrarum potentiarum sentimus fieri et exire nostros actus cogitationis et per ipsos active quodammodo capere et tenere ipsa obiecta. [… ] Tertio, probatur hoc, quia si potentiae animae non sunt activae suorum actuum, tunc ipsa cum suis potentiis est sicut truncus et quasi moles materialis, quia mens nullum actum facit nisi per suum scire et velle. [… ] Sexto, quia nobilissimi et potentissimi actus exeunt a principio nobilissimo et potentissimo. Sed actus scitivi et volitivi sunt ex suo genere omnium nobilissimi et dominativi. Ergo activum principium eorum 13 est nobilissimum et potentissimum et imperiosum.

Ici, Olivi affirme que la faculté intellective, à condition d’être bien disposée à l’examen, peut connaître ses objets de façon adéquate sans besoin d’aide surnaturelle. Dans le texte de Richard, comme dans celui d’Olivi, on affirme que notre expérience nous atteste continuellement que la source première et principale de l’intellection est à identifier avec la faculté rationnelle de l’âme. Bien qu’il soit convaincu de l’autonomie de la connaissance humaine, à propos du contact de la puissance intellective avec les règles éternelles, Olivi est bien plus prudent que Richard de Mediavilla. Ce dernier, en effet, dans la question ‹Utrum intelligamus substantiam per propriam ___________________ 13 Petrus Johannis Olivi, Quaestiones in secundum librum Sententiarum [dans la suite ‹Summa quaestionum›], éd. Bernhard Jansen (Bibliotheca Franciscana Scholastica Medii Aevi 4–6), Quaracchi 1922–1926, q. 74, vol. III, pp. 124– 126. Cf. Bettini, Orazio, Attivismo psicologico-gnoseologico nella dottrina della conoscenza di Pier di Giovanni Olivi, OFM, dans : Studi francescani 50 (1953), pp. 31–64 et 201–223 ; id., Fondamenti antropologici dell’attivismo spirituale in Pietro Olivi, dans : Studi francescani 52 (1955), pp. 58–72 et 54 (1957), pp. 12–39 ; Belmond, Seraphin, Le mécanisme de la connaissance d’après Pierre Olieu, dit Olivi, dans : La France franciscaine 12 (1929), pp. 291–323 et 463–487 ; Bettoni, Ephrem, Attivismo della forma e attivismo della materia in Olivi?, dans : Studi francescani 52 (1955), pp. 41–57 ; id., I fattori della conoscenza umana secondo l’Olivi, dans : Rivista di filosofia neoscolastica 47 (1955), pp. 8–29 ; id., Le dottrine filosofiche di Pier di Giovanni Olivi. Saggio, Milano 1959, pp. 467–500 ; Simoncioli, Feliciano, Il vero fondamento metafisico del dinamismo oliviano, dans : Studi francescani 51 (1954), pp. 127–139 ; Spruit (note 7), pp. 215–224 ; Pasnau (note 7), pp. 67– 69, 130–134, 168–181, 236–247, 271–277 ; Piron (note 1), Tome I, Partie II, chapitre I, pp. 287–292 ; Perler, Dominik, Théories de l’intentionnalité au Moyen Âge, Paris 2003, pp. 43–75.

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speciem ipsius substantiae› (‹In II Sententiarum›, d. 24) , exclut sans hésitations que la médiation exclusive de l’essence divine puisse nous conduire à la connaissance de la substance créée. Selon Richard, l’idée divine n’informe pas notre intellect et elle n’est pas une forme qui assiste 15 le développement de notre faculté intellective. Il justifie ces deux conclusions en disant que l’essence de Dieu n’informe rien et que si elle était une composante si intrinsèque du connaître humain (sans toutefois l’informer), alors elle serait l’agent instrumental de notre intellect, mais ce n’est pas le cas, puisque un instrument est toujours muable, tandis que Dieu ne change jamais. Dans le dernier article de la ‹Quaestio disputata 13› (le sixième), Richard précise ultérieurement son argumentation introduisant l’idée que la lumière naturelle avec laquelle nous atteignons la vérité créée a été imprimée par Dieu sur notre intellect. Il explique que l’intellect créé ne peut pas connaître la vérité finie dans la lumière éternelle comme si celle-ci était une cause immédiate de sa connaissance et si elle l’informait directement. Toutefois, l’intelligence de l’homme a une connaissance naturelle de la vérité créée dans la vérité incréée à travers la médiation de la lumière naturelle que celle-ci nous donne : ___________________ 14 Richardus de Mediavilla, In II Sententiarum, d. 24, a. 3, q. 3, dans : id., Supra IV libros Sententiarum Petri Lombardi quaestiones subtilissimae nunc demum post alias editiones diligentius, ac laboriosius (quoad fieri potuit) recognitae, et ab erroribus innumeris castigatae, éd. Tommaso Bozzola, Brixiae 1591, Tomus II, pp. 309–311. 15 Richardus de Mediavilla, In II Sententiarum (note 14), d. 24, a. 3, q. 3, resp., pp. 309–310 : Respondeo quod nos in statu corruptibili non cognoscimus per naturam de lege communi substantiam per propriam eius speciem, [… ] : non enim cognoscimus eam immediate, per suam speciem increatam, quae est idea, quia per ipsam ideam non cognoscimus eam per modum formae intellectus informantis ; quia idea realiter idem est quod divina essentia, quae nullius est forma. Nec per modum formae intellectivae assistentis, quia forma quantumcumque esset intima alicui rei, dum tamen rem illam non informaret, res ipsa non posset dici agere per eam immediate, nisi esset talis forma, quae respectu illius actionis haberet rationem instrumentalis agentis : [… ]. Cum ergo divina idea non possit habere rationem instrumentalis agentis respectu nostri actus intelligendi, cum instrumentum sit transmutabile a principali agente et ab ipso aliquam virtutem recipiat, dum principale agens agit per ipsum, et divina essentia, cum sit idem realiter quod Deus omnino sit intransmutabilis, nec ab alia essentia aliquam possit recipere virtutem.

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quapropter dici potest lumen aeternae veritatis, quia in nobis est immediate ab aeterna veritate [… ] possumus dicere quod naturaliter possumus intelligere aliquod verum creatum in aeterna veritate sicut in ratione cognoscendi, mediante 16 lumine naturali nobis impresso ab ipsa.

C’est grâce à cette lumière (et non immédiatement) que Dieu, par rapport à la raison humaine, se pose comme ratio intelligendi naturaliter : quamvis intellectus creatus non possit naturaliter intelligere verum creatum in aeterna veritate tanquam in ratione intelligendi tantum immediate, eo quod veritas aeterna per se ipsam intellectum creatum informare non potest, tamen intellectus creatus potest intelligere naturaliter verum creatum in aeterna veritate tanquam in ratione intelligendi, mediante lumine naturali, quod mediante Deus est intellectui ratio intelligendi naturaliter, sicut sol est oculo corporali ratio 17 videndi, mediante suo lumine corporali.

Comme le montre un passage du Commentaire sur les ‹Sentences›, la vérité éternelle n’est ni le premier objet de notre intellect ni per se le premier principe de notre connaître : elle est cause efficiente, exemplaire et 18 finale de la vérité finie mais elle n’est pas cause formelle. Cette solution de Richard est fondée sur une réévaluation critique de l’intentio Augustini. Richard de Mediavilla, en effet, propose une lecture très originale des textes d’Augustin, affirmant que l’évêque d’Hippone aurait soutenu que Dieu est per se ipsum et immediate ni la raison cognitive qui cause l’intellection de l’homme, ni le moyen qui lui assure la 19 connaissance des autres choses. Selon Richard, les choses sont intelligi___________________ 16 Richardus de Mediavilla, Quaestio disputata 13 (note 3), a. 6, resp., p. 235. 17 Ibid., pp. 237–238. 18 Richardus de Mediavilla, In II Sententiarum (note 14), d. 4, a. 1, q. 2, resp., p. 67 : Incommutabilis veritas quae Deus est, est ratio effectiva cognoscendi quicquid cognoscimus. Sed non est ratio formalis qua cognoscimus, nisi mediante aliqua eius influentia, qua noster intellectus informatur, quod est lumen naturale, quantum ad naturalem cognitionem. Et ratione illius luminis dicimur naturaliter cognoscere in prima veritate. Sicut dicimur videre in Sole, quia videmus in lumine influxo a Sole. 19 Richardus de Mediavilla, Quaestio disputata 13 (note 3), ad decimum, pp. 244–245 : dico quod auctoritas non debet intelligi quod Deus per se ipsum, non mediante lumine creato, sit mihi ratio intelligendi, aut quod sit obiectum intellectum a me naturaliter cognitione immediata, in quo obiecto ceteras res intelligam. [… ] ipsae creaturae sunt intelligibiles, inquantum imitantur claritatem Dei ; hanc autem claritatem imitantur, inquantum imitantur Dei veritatem et entitatem, et hoc est ratio intelligibilitatis in eis. [… ] Unde propter

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bles dans la mesure où elles imitent Dieu en reproduisant, comme dans un miroir, son être et sa vérité. Puisque Dieu illumine la réalité créée de la même façon que le soleil l’éclaire, l’intelligibilité du monde est la conséquence la plus logique de cette illumination. Plutôt que de l’illumination de l’intellect, Augustin aurait donc parlé de l’illumination des choses : c’est-à-dire qu’il aurait envisagé le problème de leur intelligibilité plus 20 que celui du fondement du connaître et de l’origine de nos concepts. La question du lumen impressum et de l’exégèse d’Augustin est bien intéressante puisqu’elle me permet de mieux préciser les correspondances et les divergences entre les textes de Richard de Mediavilla et de Pierre de Jean Olivi. Les deux confrères parviennent à nier que la lumière divine soit cause formelle de la connaissance humaine. J’ai déjà résumé ci-dessus l’argumentation de Richard. Je me tourne maintenant vers Olivi. Dans la deuxième des ‹Quaestiones de Deo cognoscendo› il vise de façon critique certains penseurs très influents (quidam magni) qui considèrent les raisons éternelles comme le moyen à travers lequel nous connaissons tout le reste et Dieu comme la cause exclusive de notre intellection. Olivi remarque que les défenseurs de cette thèse sont en fait incapables de la justifier efficacement : au lieu d’introduire des argumentations exhaustives en sa faveur, ils laissent sans solution plusieurs questions importantes : la raison éternelle présente à l’intellect tout ce que nous savons avec certitude d’une façon claire (distincte) ou seulement de manière confuse et en général ? Et cette représentation est immédiate ou la raison éternelle imprime dans l’intellect une similitude d’elle-même, de sorte que nous compre___________________ veritatem creaturarum, quae consistit in ipsis imitando primam veritatem, dixit ipsas creaturas ab ipso Deo quasi suo sole illustrari, et per hoc intelligibiles esse, quia, sicut res illustrata a sole corporali ex hoc efficitur clara et ex conseguenti visibilis, ita ex hoc quod creatura imitatur Creatorem, est in ea ratio veritatis et ratio intelligibilitatis. 20 Ibid. : Si autem intendat loqui de illustratione intellectus, tunc dico quod intelligit quod ad hoc quod intellectus creatus naturaliter intelligat, oportet ipsum illustrari a Deo sicut suo sole, mediante lumine creato et naturali, sicut videmus quod ista inferiora, quae a sole illustrantur, non illustrantur ipsa essentia solis immediate, sed lumine quodam effluxo ab ea, sive a luce, quae est in sole. Ita dico quod intellectus creatus illustratur a Deo sicut suo sole, mediante lumine creato et naturali, quod est aliquid effluxum a Deo ; et haec illustratio necessaria est in omni cognitione. Illustratur etiam bene a Deo lumine supernaturali. Sed haec illustratio non esset necessaria ad infimum gradum cognitionis.

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nons avec la médiation de l’espèce qu’elle engendre ? On lit dans le texte d’Olivi : Isti igitur his et consimilibus rationibus sic ponunt, licet in speciali dubium sit quomodo hoc ponere intendant, an videlicet velint quod ratio aeterna repraesentet omnia quae certitudinaliter scimus et intelligimus expresse et distincte et in speciali, aut solum confuse et indistincte et in generali, et an velint quod ipsa ratio aeterna immediate et per se repraesentet intellectui ea quae intelligimus, aut quod ratio aeterna imprimat et ingignat sui similitudinem in acie intellectus, ita quod non repraesentet intellectui nostro intelligibilia per se et immediate, sed mediante specie quam ingignit. Ideo autem dubium est quid horum amplius intendant, quia alicubi videntur velle quod exprimat omnia distincte et in speciali, alicubi vero quod solum indistincte et in generali. Et aliquando videtur velle quod repraesentet immediate, aliquando autem quod sui speciem ingignat in acie 21 intellectus.

Bien qu’en soutenant à ce propos des points de vue différents, les penseurs évoqués par Olivi sont tous convaincus que la lumière divine participe à l’intellection humaine non seulement en tant que raison qui représente les choses intelligibles, mais aussi en tant que raison qui illumine notre faculté intellective. Cette conclusion est jugée inadmissible autant par Olivi que par Richard. Tout en réfléchissant à partir de ces présupposés théoriques communs, les deux auteurs défendent cependant deux théories alternatives à propos de l’hypothèse que la lumière divine est principe de l’intelligibilité des choses par voie de médiation. En outre, ils caractérisent de manière différente la nature de l’intervention divine sur notre connaître. Comme nous avons vu, selon Richard, l’interprétation la plus répandue de l’intentio Augustini est fortement controversée. En étant convaincu que les arguments d’autorité ont été mal interprétés, il soutient que l’idée divine n’informe pas notre intellect et qu’elle n’assiste pas au développement de notre faculté intellective : l’accès de l’homme à la vérité dépend donc d’une lumière naturelle qui a été imprimée par Dieu dans notre intellect. C’est seulement par le truchement de cette lumière et à travers une influence générale que Dieu peut être envisagé, par rapport à la raison humaine, comme la ratio intelligendi naturaliter. Dans la deuxième des ‹Quaestiones de Deo cognoscendo›, Olivi s’occupe expressément de la théorie selon laquelle la lumière de l’intellect agent est la similitude de la ___________________ 21 Petrus Johannis Olivi, Quaestiones de Deo cognoscendo, q. 2, resp., dans : Summa quaestionum (note 13), éd. Bernhard Jansen, vol. III, appendix, pp. 502–503.

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Vérité Première et l’intellect agent est un instrument de Dieu. Il n’hésite pas à contester cette hypothèse qui, au contraire, rencontre la faveur de son confrère Richard. Olivi refuse résolument cette exégèse des textes d’Augustin qui, à son avis, en trahit les vraies intentions, chose qu’il juge assez évidente même sans grands efforts d’intelligence : Praeterea autem, istorum expositio satis parum videtur distare a modo illo erroneo superius improbato, maxime si ipsi intenderunt Augustinum voluisse quod species intellectus essent ab ideis sicut a primis obiectis. Modus autem ultimus quo Augustini dicta exponunt etiam modicum intelligenti faciliter apparire potest 23 quia non sapit mentem Augustini.

Dans le sillage de certains maîtres, solemni et catholici, qui ont donné l’interprétation la plus correcte possible d’Augustin, Olivi considère les raisons éternelles selon trois niveaux, c’est-à-dire en envisageant leur façon d’informer l’intellect humain, leur manière de représenter l’intelligible et leur coopération dans l’acte d’intellection. En lisant les textes d’Olivi, on repère certains points communs avec les conclusions de Richard de Mediavilla, mais aussi certaines divergences doctrinales. Plus précisément, quant au modus informandi, la solution d’Olivi est peutêtre moins tranchante que celle de Richard. Si le Doctor Solidus exclut tout concours de l’essence divine comme cause formelle de l’intellection humaine, Olivi affirme qu’il est certain que les idées éternelles ne sont pas vraiment la forme de notre intellection dans le sens que leur assistance ne confère à notre esprit aucune perfection formelle. Toutefois, selon Olivi, elles sont sûrement ce qui nous rend intelligents : Circa autem modum informandi est attendendum quod veritas et ratio increata non ponatur taliter se habere ad intellectum nostrum, ex quo sequatur quod vere informet ipsum et ponat eum in aliquo actu essendi formali. Ab omnibus enim ponentibus species et rationes intelligendi secundum viam philosophorum, et maxime Aristotelis, ponitur quod intellectus constituitur in actu primo per huiusmodi species seu rationes, ita quod sine eius est tantum in potentia passiva respectu actus intelligendi. [… ] : sic volunt quod intellectus noster possibilis sine speciebus seu rationibus intelligendi non possit intelligere et quod per eas tan___________________ 22 Quaestiones de Deo cognoscendo, q. 2, resp., p. 505 : Dicunt enim quod lumen intellectus agentis, de quo, ut dicunt, scriptum est, signatum est vultus tui super nos, est similitudo primae veritatis. Et ideo quae videntur in lumine dicuntur ab Augustino in lumine primae veritatis, et etiam quia effectus instrumentalis agentis potest attribui agenti principali, intellectus autem agens instrumentum est Dei, sicut et omne agens creatum. 23 Ibid.

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quam per formas suas exeat in actum intelligendi et quod per eas sit factus habitualiter et formaliter sciens. Et ideo oportet quod, quantumcunque ideae aeternae assistant intellectui nostro, quod propter huiusmodi assistentiam intellectus non sit formaliter perfectior neque potentior respectu alicuius habitus vel actus 24 intelligendi, sed ita formaliter impotens sicut si non assisterent ei.

En ce qui concerne le modus repraesentandi, la position d’Olivi coïncide avec celle de Richard : il soutient en effet que les raisons éternelles ne peuvent pas nous représenter les intelligibles comme objets déjà connus précédemment puisque, dans ce cas-là, elles seraient immédiatement visibles. Elles ne peuvent pas représenter les intelligibles par assimilation puisqu’elles seraient la forme de notre intellection et l’homme pourrait connaître toujours en acte et avec certitude. Elles représentent donc 25 l’intelligible en engendrant une similitude d’elles-mêmes. Selon Olivi, la représentation n’est pas spéciale (cas dans lequel l’homme pourrait tout savoir sans les espèces créées et abstraites des choses), mais générale et 26 confuse (semiplene et obscure et imperfecte ). À propos du modus cooperandi, enfin, Olivi – plus original que Richard – précise que l’opération des raisons idéales n’est pas comparable à celle d’un agent naturel, qu’il ___________________ 24 Quaestiones de Deo cognoscendo, q. 2, resp., pp. 505–506. 25 Ibid, p. 507 : Quantum autem ad modum repraesentandi est praecavendum quod non ponantur repraesentare nobis intelligibilia per modum obiecti prius inspecti et cogniti, sicut facit species quae est in memoria secundum Augustinum, aut sicut facit imago picta in tabula vel cera ; quia tunc sequeretur quod rationes aeternae a nobis immediate viderentur eo modo quod error suprapositus asserebat. Non debent etiam poni quod repraesentent per modum assimilantis aciem intuentis, ita quod se ipsis assimilent eam formaliter, sicut facit species quae est in acie, quia tunc sequeretur quod vere essent forma eius. Sequeretur etiam tunc quod homo semper actu et certitudinaliter intelligeret omnia quae repraesentant et ad quae assimilant. Si enim se ipsis assimilarent, semper uniformiter assimilarent. 26 Ibid., pp. 507–508 : Cavendum est etiam a nobis quod non ponantur repraesentare distincte et in speciali, quia tunc sine speciebus creatis a rebus abstractis posset homo ab initio intelligere omnia quae per doctrinam vel per inquisitionem possumus scire. Si autem ponantur repraesentare solum in generali et indistincte, tunc est attendendum prius quid per hoc significetur, an scilicet dicantur repraesentare in generali solum, quia tantum repraesentant generales rationes entium, ut est ratio entis et consimilium, non autem speciales, ut est ratio hominis, bovis et consimilium, aut quod ex hoc dicantur repraesentare in generali solum et indistincte, quia repraesentant rationes entium tam speciales quam generales, sed nonnisi semiplene et obscure et imperfecte.

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soit total, instrumental ou secondaire. Ces raisons ne prennent pas part à l’intellection dans la mesure où elles sont, par leur essence, représentatives, ou parce qu’elles impriment leur similitude dans l’intellect, ou parce qu’elles causent l’acte d’intellection en qualité de principes formels. Plutôt que comme idée représentative de l’intelligible, selon Olivi, Dieu est le principe premier et immédiat de notre connaître à titre de volonté efficiente : Quantum autem ad modum cooperandi est attendendum quod non attribuatur eis operatio sicut naturali principio aut sicut totali aut sicut instrumentali seu secundario. A Deo enim nihil creatum nec aliqua actio creaturae exit nisi voluntarie et sicut ab artifice potius quam ut a naturali agente. Et ideo rationes aeternae non possunt poni cooperari ad actum intelligendi per hoc quod ex natura sua habeant nobis repraesentare aut naturali ordine similitudinem suam intellectum imprimere aut per modum formalis principii actum intelligendi originare. Unde quomodocunque cooperentur, immediatius principium illius cooperationis est Deus, in quantum est voluntas et voluntarium efficiens, quam 27 inquantum idea aliquid repraesentans.

À la lumière des textes que je viens de commenter, il est facile de comprendre qu’aussi bien Richard de Mediavilla que Pierre de Jean Olivi s’intéressent à la théorie de l’illumination non seulement comme mécanisme qui donne origine aux concepts mais surtout en référence à la question épistémologique de la vérité. Par conséquent, il me paraît indispensable de préciser brièvement comment ces deux penseurs présentent l’objet et les caractères de la connaissance scientifique et comment ils déterminent les critères de la certitude spéculative. N’ayant pas le temps d’aborder dans le détail la phénoménologie de l’acte d’intellection chez les deux franciscains, je m’arrête seulement sur certaines suggestions qui me semblent significatives. La littérature critique, avec raison, considère Olivi comme le porteparole le plus représentatif du soi-disant « activisme cognitif ». Parmi les textes qui offrent des indications intéressantes en ce sens, on peut lire un passage tiré de la question 58 de la ‹Summa quaestionum› où Olivi affirme que l’acte intellectif, dans son essence, a un caractère si éminemment spirituel qu’il ne peut que procéder de l’intellect. Le franciscain souligne la vitalis simplicitas et spiritualitas de la faculté intellective de

___________________ 27 Quaestiones de Deo cognoscendo, q. 2, resp., pp. 508–509.

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l’homme. En visant la phénoménologie du procès d’intellection il affirme l’indépendance la plus absolue de l’âme humaine par rapport à ses 29 objets et il remarque son autosuffisance à produire nos connaissances. ___________________ 28 Petrus Johannis Olivi, Summa quaestionum (note 13), éd. Bernhard Jansen, q. 58, resp., vol. II, pp. 412–413 : Tertio clamat hoc nostrae mentis et actuum eius vitalis simplicitas et spiritualitas. Omnis enim actus trahit a sua causa effectiva rationes suae essentiae essentialissimas et nobilissimas. Summae autem rationes quae sunt in actibus mentis nostrae sunt ratio vitae seu vivi et simplicitatis et intellectualitatis et consimiles. Actus enim intelligendi et volendi sunt per essentiam suam vivi et simplices et spirituales et intellectuales ; [. . . ]. Si ergo ab aliquo agente possunt ista conditiones trahere, multo magis poterunt eas trahere ab illo cui soli per se et primo competit ratio vitae et intellectualitatis et spiritualis simplicitatis et libertatis, qualis est forma substantialis mentis nostrae et angelorum. Praeterea, quis dicet quod forma quae est vita pura et intellectualis et libera nullum actum intellectualem, simplicem et liberum possit producere, cum omnis forma possit aliquam actionem sibi similem producere ? Quis etiam dicet quod illud agens quod efficit seu producit praedictas rationes actuum nostrorum non sit vere vivum et intellectuale et liberum ? Nec enim poterit dici quod rationes praedictae ipsorum actuum non habeant aliquam causam efficientem seu producentem, cum nihil possit fieri per se nisi ab aliquo efficiente in quantum tali. 29 Ibid., p. 413 : Quarto ostendit hoc praedictorum actuum intimitas. Illi enim actus quos intime sentimus esse a nobis et quos summe sentimus esse in potestate nostra dicere quod non sunt a nobis est negare omnem sensum intimum et certissimum nobis. Si autem non sunt a nostra forma substantiali per se et immediate sive immediantibus aliquibus potentiis a se originatis, tunc quasi omnino per accidens dicetur esse a nobis, quia tunc aut erunt solum ab obiectis aut ab aliquibus accidentibus non plus radicatis in nobis quam lumen infusum aeri radicetur in aere. Praeterea, actus seu agere, secundum hoc quod active sumuntur, potius denominant mentem nostram et potentias nostras quam obiecta sua vel quam aliqua alia agentia, nos enim dicimur volentes et intelligentes, obiecta vero solum dicuntur intellecta et volita. Immo etiam si intelligere et velle intelligantur fieri in nobis ab alio quam a nobis, nullus homo reputabit aut sentiet quod nos per hoc debeamus dici intelligere et velle. Praeterea, si sunt ab alio quam a nobis, non poterunt fieri in nobis ab aliquo agente cuius virtus et aspectus non attingit intimissime interiora nostrae mentis, quia nihil nobis intimius quam actus nostrae mentis et quam intrinseca principia eorum ; in tantum enim sunt nobis intimi quod non possunt videri nobis nolentibus ab alio quam a Deo. Ergo oportebit quod virtus producens ipsos aut producens eorum principia intrinseca, sicut sunt habitus nostrae mentis, sit praesentissima non solum ipsis, sed etiam subiecto eorum, cum

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Selon Olivi, la connaissance humaine est active parce qu’elle s’adresse directement à ses objets, parce que notre esprit est autonome dans l’exercice de ses actes et parce que l’intellection est strictement liée au 30 sujet connaissant. Ce discours d’Olivi se lie à sa réflexion sur la fonction des images par rapport à l’origine et au développement de la connaissance humaine. Sans aborder la question dans le détail, il suffira de remarquer certains aspects de l’argumentation olivienne. Selon Olivi, les espèces intelligibles (images ou formes intentionnelles des choses connues) ne sont pas la source de 31 l’intellection en tant que causes efficientes. Par conséquent, pour se diriger vers ses objets, la faculté intellective n’a pas besoin d’en recevoir les espèces ou d’être informée et actualisée par celles-ci. Puisqu’il l’emporte sur la matière, notre esprit ne subit aucune influence du corps. Entre l’âme et le corps il n’y a donc aucune relation d’efficience. Les espèces en effet sont inadéquates par rapport à la simplicité et à la spiritualité de l’âme qu’elles auraient à informer et à laquelle elles ne peuvent pas présenter les objets qui les engendrent. À cause de leur corporéité, ces espèces ne s’harmonisent pas avec le caractère spirituel des opérations 32 cognitives et de l’intimité du procès d’intellection. Selon Olivi, en bref, ___________________ omne agens immediatum sit praesentissimum suo immediato effectui, saltem praesentia virtuali seu virtualis aspectus. 30 Petrus Johannis Olivi, Summa quaestionum (note 13), éd. Bernhard Jansen, q. 74, resp., vol. III, p. 124 : Sextum autem, quod scilicet actus cognitivus efficiatur ab ipsa potentia tanquam a vi activa, probatur. Primo, eisdem rationibus quibus probatur quod voluntas est potentia activa. [… ] Secundo, probat hoc intima et continua experientia. Nam ab intimo nostrarum potentiarum sentimus fieri et exire nostros actus cogitationis et per ipsos active quodammodo capere et tenere ipsa obiecta. 31 Ibid., pp. 119–120 : Quartum autem, quod scilicet in acie potentiae cognitivae non formet anima speciem per quam tanquam per formam activam efficiat actum cognitivum, probatur. Primo, quia superflue ponitur eam generare, quia qua ratione per suam nudam essentiam poterit generare hanc speciem, eadem ratione poterit per solam se ipsam generare actum. 32 Summa quaestionum, q. 74, pp. 122–123 : Quintum autem, quod scilicet nulla species aciem informans sit necessaria ad actum cognitivum, patet aliqualiter ex iam praemissis. Et praeter hoc probatur. [… ] Tertio, quia non exigitur ad repraesentandum obiectum, et tamen hoc est illud pro quo magis videbatur exigi. Quod autem ad hoc non exigatur probatur. Primo, quia obiectum praesens aspectui in ipso converso et intento sufficienter se praesentat ei per semetipsum, immo et melius, quam per aliquam speciem creatam ab

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la faculté intellective et les espèces ne sont pas deux causes efficientes qui concourent à produire un seul effet. Il ne faut pas nier à la faculté intellective la possibilité de produire l’acte de connaissance en tant que son effet, sans le concours de l’espèce intelligible : Tertium autem, quod scilicet non sint partim ab ipsis speciebus et partim a potentiis, hoc modo probant : Quia cum actus intelligendi et sentiendi sint simplices et ad minus non sint compositi ex essentiis diversarum specierum et generum et multo minus sint compositi ex diversis actionibus, cum actio non sit tale ens quod cum alia actione possit proprie concurrere ad constituendam unam tertiam essentiam, non possunt autem esse partim a potentia et partim a speciebus, quin haec omnia eis contingant, quia tunc unam partem accipient a potentia et aliam a speciebus quae non habent idem genus cum potentia, et illud etiam quod ab utroque accipient, actio erit. – Praeterea, illud quod per se faciet ibi ipsa potentia, poterit facere absque specie, quia quantum ad illud habebit sufficientem rationem prin33 cipii activi.

Dans son texte Olivi expose tout ce qu’il considère comme inadmissible, c’est-à-dire : 1) que la species engendre dans la faculté intellective une disposition qui la rend capable d’agir ; ___________________ eius solida entitate et propria veritate deficientem, obiectum vero absens sufficienter repraesentatur aspectui per speciem memorialem. Secundo, quia frustra ponitur species repraesentans obiectum aspectui, nisi aspectus intendat in ipsam, intendere autem in ipsam est idem quod aspicere eam tanquam obiectum primum. Quod respectu actus cognitivi potius habet rationem termini seu terminativi quam principii effectivi. Tertio, quia aut aspectus sic intendet in speciem quod non transeat ultra ad aspiciendum obiectum aut sic quod transeat ultra. [… ] Quarto, quia ex hoc quod species ponitur in acie tanquam ipsam informans et tanquam radicale principium actus cognitivi, ergo quando acies convertet suum aspectum ad eam, reflectet se potius ad se et ad sua interiora quam protendat se versus extrinsecum obiectum. Ergo per hoc potius avertetur a videndo obiectum quam ducatur per hoc ad videndum obiectum. Multo magis autem patet quod, huiusmodi species non est species corporalis ; tum quia illa non posset informare simplicem et spiritualem aciem potentiae ; tum quia non potest esse principium intrinsecum actus cognitivi, ut in prioribus quaestionibus est probatum ; tum quia nulla species corporalis in sensu existens potest repraesentare rem, prout est in se cum proprietatibus suis, prout est in secunda quaestione probatum ; tum quia potentia spiritualis et species corporalis non possunt concurrere, ut sint simul unum immediatum principium unius simplicis actionis. 33 Petrus Johannis Olivi, Summa quaestionum, q. 58, resp., vol. II, p. 466.

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2) que l’objet est bien conformé à la faculté intellective seulement à travers l’espèce intelligible : l’espèce, dans ce cas-là, serait inutile puisque la similitude intentionnelle de l’objet ne pourrait surgir que s’il est déjà présent à la puissance de l’âme ; elle serait en outre un obstacle dans le sens que les facultés, au lieu de se tourner vers les objets, se dirigeraient 34 directement vers l’espèce ; 3) que la faculté intellective produit l’acte de connaissance comme agent principal, en utilisant l’espèce comme un instrument (sinon, la puissance cognitive serait principe d’autres opérations à côté de celle du 35 connaître ). Olivi souligne ainsi un dualisme en même temps métaphysique et gnoséologique : comme la matière est essentiellement inadéquate à l’esprit, ainsi le sujet connaissant transcende son objet de connaissance. Les actes d’intellection dépendent donc exclusivement et intimement de la faculté rationnelle : l’espèce intelligible n’a aucun rôle actif en tant que cause efficiente du connaître. Une position analogue à celle que je viens de résumer est exprimée par Richard de Mediavilla, lorsque celui-ci, s’occupant de la phénoménologie de l’acte intellectif, soutient que l’intellect produit son acte sans aucune médiation de l’espèce, de sorte que l’intellection est une activité immanente à la raison. Malheureusement, le maître franciscain ne spécifie pas la nature de cette immanence ; ses textes, au contraire, contiennent de nombreuses ambiguïtés et incohérences. À titre d’exemple, on peut lire un passage tiré de la ‹Quaestio disputata 43› où Richard affirme que pour ___________________ 34 Ibid., p. 469 : Praeterea, nulla species ita repraesentat obiectum sicut ipsummet obiectum repraesentat se ipsum ; ergo quando aspectus potentiae praesentialissime figetur in ipso obiecto, non oportebit quod per aliud sibi repraesentetur quam per semetipsum, immo si aliquid aliud interponeretur inter aspectum potentiae et ipsum obiectum, illud potius velaret rem et impediret eam praesentialiter aspici in se ipsa quam ad hoc adiuvaret. 35 Ibid.: Quia cum omne principale agens habeat actionem propriam per quam movet agens instrumentale, quod non resultat ab agente principali, [… ], tunc oportebit quod potentia quae hic ponitur pro agente principali habeat aliquam actionem per quam moveat ipsam speciem ad actionem immediate eliciendam ab ipsa specie. Haec autem esse non possunt, quia primus et proprius actus potentiae est apprehensio seu cognitio, nec alius actus potest sibi attribui, nisi forte quod converteret se ad obiectum, quod nulla potentia potest facere nisi sola voluntas, quia nulla praeter ipsam potest se ipsam movere, et praeterea species haec non potest fieri in potentia, nisi ipsa primo fuerit ad obiectum conversa.

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la connaissance des hommes in via l’espèce intelligible n’est pas cause mais seulement conséquence de l’acte intellectif, et que la première chose que l’intellect agent produit dans l’intellect possible à travers le phantasme n’est pas l’espèce intelligible mais l’acte de connaissance en tant que tel : Aliqui autem voluerunt dicere quod primum quod causat in intellectu possibili intellectus agens, mediante phantasmate sicut instrumentali agente, est actus intelligendi et mediante illo actu causat speciem intelligibilem, quae non est nobis ratio intelligendi, dum sumus in hac corruptibili vita, sed ex nostro actu intelligendi causatur ; ipsi autem animae separatae illae species erunt ratio intelligendi. Tunc enim poterit se reflectere immediate super eas aut dirigi per eas, modo autem non, sicut ipsi dicunt propter hoc quod aggravatur a corruptibilitate corporis. Et ideo dicunt ipsi in quolibet actu intelligendi nostro de lege communi 36 necessarium est ipsum intellectum recurrere ad phantasma.

Pour ce qui concerne l’autosuffisance de l’âme par rapport à la production de l’acte intellectif, on peut prendre en compte aussi une question de la distinction 24 du Commentaire au deuxième Livre des ‹Sentences› (‹Utrum in intellectu sit aliqua actio vel passio ordine naturae ante intelli37 gere› ), où Richard se mesure avec les deux descriptions les plus influen38 tes de l’acte d’intellection – celle aristotélicienne et celle augustinienne – contraires entre elles, mais laisse tomber le problème sans prendre expressément position en faveur de l’une ou de l’autre théorie. En exposant la thèse de l’activisme cognitif, par la bouche de ses sources anonymes, Richard de Mediavilla introduit une distinction décisive entre l’acte intel___________________ 36 Richardus de Mediavilla, Quaestio disputata 43, a. 4, resp., Roma, Biblioteca rB Vaticana, ms. Vat. Lat. 868, f. 124 (lignes 6–16). 37 Richardus de Mediavilla, In II Sententiarum (note 14), d. 24, a. 3, q. 1, pp. 306–307. Cf. Wittebruch, Wilhelm, Die Gewissenstheorie bei Heinrich von Gent und Richard von Mediavilla, Elbefeld 1929, pp. 23–39. 38 Cf. Fedele, Angela, Qualche osservazione sull’impossibilità di pensare senza immagine e senza continuo in Aristotele, dans : Imago in phantasia depicta. Studi sulla teoria dell’immaginazione, éd. Lia Formigari, Giovanni Casertano, Italo Cubeddu, Roma 1999, pp. 105–122 ; Illuminati, Augusto, Quasi una fantasia. Funzioni cognitive dell’immaginazione nei commentatori di Aristotele, ibid., pp. 149–166 ; Labarrière, Jean-Louis, Nature et fonction de la phantasia chez Aristote, dans : De la phantasia à l’imagination, éd. Danielle Lories, Laura Rizzerio (Collection d’études classiques), Louvain 2003, pp. 15–30 ; Solère, Jean-Luc, Les images psychiques selon S. Augustin, ibid., pp. 103–136.

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lectif en tant que tel et la production de l’espèce intelligible. Selon les auteurs nommés par Richard (vraisemblablement à identifier avec Henri 39 de Gand, Godefroid de Fontaines et Pierre de Jean Olivi ), il y a une différence fondamentale entre dire qu’une certaine activité de la raison précède selon son essence l’acte de connaissance et dire qu’une certaine activité, en vertu de son essence, se trouve dans la raison avant l’acte de connaissance. En effet, l’action de l’intellect agent (c’est-à-dire conduire à l’acte les intelligibles) est celle qui vient la première dans l’ordre de nature, mais, bien que cette action coïncide avec l’intellect puisqu’elle vient de lui, elle n’est pas une action autoréférentielle parce qu’elle s’exerce sur le phantasme qui est l’élément passif de la connaissance humaine. Cette action de l’intellect agent est la seule action qui puisse précéder l’acte d’intellection ; il faut exclure toute hypothèse différente, y compris celle selon laquelle la formation de l’espèce intelligible dans l’intellect précède son intellection. On lit dans le texte de Richard : Ad istam quaestionem dixerunt aliqui quod differt dicere aliquam actionem intellectus ordine naturae praecedere actum intelligendi, et aliquam actionem esse in intellectu ordine naturae ante actum intelligendi : actio enim intellectus agentis, quae consistit in facendo intelligibile in potentia intelligibile in actu ordine ___________________ 39 Cf. Henricus de Gandavo, Quodlibet IV, q. 21, dans : Quodlibeta magistri r Henrici Goethals a Gandavo, éd. Ascensius Badius, resp., f. 137 ; Quodlibet rv V, q. 14, ibid., resp., ff. 174 ; Godefridus de Fontibus, Quodlibet V, q. 10, dans : Les Quodlibet cinq, six et sept de Godefroid de Fontaines, éd. Maurice De Wulf, Jean Hoffmans (Les Philosophes Belges. Textes et études Tome III) Louvain 1914, pp. 36–37 ; Quodlibet VI, q. 15, ibid., p. 251 et 253–254 ; Quodlibet IX, q. 19, dans : Le neuvième Quodlibet de Godefroid de Fontaines, éd. Jean Hoffmans (Les Philosophes Belges. Textes et études Tome IV, fascicule II), Louvain 1924, pp. 274–275 ; Petrus Johannis Olivi, Summa quaestionum (note 13), q. 72, resp., vol. III, p. 22 ; q. 74, resp., vol. III, pp. 122–123, 124 et 126–127. Sur Godefroid de Fontaines cf. Wippel, John F., The Role of the Phantasm in Godfrey of Fontaines’s Theory of Intellection, dans : L’homme et son univers au Moyen âge, Actes du septième Congrès international de Philosophie médiévale (30 août-4 septembre 1982), éd. Christian Wenin (Philosophes médiévaux 26–27), Louvain-la-Neuve 1986, vol. II, pp. 573–582 ; id., Godfrey of Fontaines on intelligible species, dans : Intellect et imagination dans la Philosophie médiévale (Rencontres de e Philosophie médiévale), Actes du XI Congrès International de Philosophie médiévale de la SIEPM (Porto, 26–31 août 2002), éd. Maria Cândida Pacheco, José Francisco Meirinhos, Turnhout 2006, vol. II, pp. 1131–1141 ; Spruit (note 7), pp. 212–215.

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naturae prius est quam actus intelligendi. Sed, quamvis haec actio sit intellectus inquantum est ab eo, non tamen est in eo, sed in phantasmate, quod est passum : [… ]. Cum ergo nulla actio intellectus alia ab ista quae dicta est praecedat ordine naturae actum intelligendi, dicunt quod in intellectu non est aliqua actio prior ordine naturae quam actus intelligendi. Et si dicatur eis quod prius formatur ordine naturae species intelligibilis in intellectu quam intellectus intelligat, dicunt 40 hoc esse falsum.

Cette thèse assigne à l’intellect la causalité totale et exclusive de son acte, pose un contact direct entre la pensée et la réalité et nie tout concours des formes intentionnelles par rapport au développement de l’acte cognitif, en disant donc que l’intellect dérive seulement de soi-même ses contenus intelligibles. Et, encore, ce que nous avons dit ci-dessus à propos de la révision critique de la théorie de l’illumination divine confirme indirectement que Richard soutient l’activisme cognitif dans la mesure où il reconnaît à l’intellect agent immanent à l’âme humaine la possibilité de découvrir le fondement épistémique du vrai. À côté de ces textes qui insistent sur l’autonomie de l’intellect agent dans la formation de l’acte de connaissance, il y en a d’autres dans lesquels, au contraire, le franciscain souligne la nécessité de l’espèce intelligible comme principe d’action de l’intellect et comme facteur qui engendre l’intellection. Dans un passage du Commentaire sur le deuxième livre des ‹Sentences›, Richard de Mediavilla reprend et précise la théorie aristotélicienne de l’abstraction et il insiste sur la fonction représentative des espèces intelligibles, en identifiant la production de l’espèce et le développement de l’acte cognitif : Cum ergo intelligimus est in nostro intellectu species alia, quae in nostro intellectu non manet nisi quamdium sumus in actu intelligendi, quam speciem aliqui valde probabiliter dicunt non esse aliud quam ipsam intellectionem quam intellectus agens mediante fantasmata causat in intellectu possibili, non mediante alia specie. Non enim videtur ratio quare intellectus agens mediante fantasmate posset causare in intellectu possibili speciem intelligibilem et non ipsam intellectionem. Cum etiam intellectio sit expressior similitudo rei quam quaecumque alia specie, quasi habitualiter remanens transeunte intellectione, rationabilius videtur dicere istam speciem causari mediante intellectione quam e 41 converso. ___________________ 40 Richardus de Mediavilla, In II Sententiarum (note 14), d. 24, a. 3, q. 1, resp., p. 306. 41 Richardus de Mediavilla, In II Sententiarum, d. 25, a. 5, q. 1, ad quartum, p. 332.

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J’ai déjà souligné que, à la différence d’Olivi, dans son analyse de la phénoménologie de l’acte d’intellection, Richard n’est pas tranchant : il constate la tension entre les doctrines, qu’il expose (activisme cognitif d’un côté et théorie de l’abstraction de l’autre), sans toutefois la résoudre, sans se soucier de la problématisation du status quaestionis, sans offrir une determinatio magistralis personnelle et critique. Dans ma contribution, en essayant d’éclairer la lecture que Richard de Mediavilla et Pierre de Jean Olivi ont donnée de la théorie augustinienne de l’illumination divine, j’ai abordé plusieurs questions épineuses : comment faut-il entendre la fonction épistémique de l’illustratio Dei ? Dans quelle mesure les règles éternelles concourent-elles à produire l’acte d’intellection humaine ? Quel est le rôle des espèces intelligibles par rapport à la connaissance humaine ? Pourquoi peut-on défendre l’autonomie et l’activité de la faculté rationnelle de l’âme dans l’exercice de ses actes ? À titre de conclusion, il convient de se demander aussi quel est le dernier mot de Richard de Mediavilla et de Pierre de Jean Olivi à propos de la doctrine de l’illumination. Pour faire bref, on pourrait dire qu’ils suspendent tous les deux leur jugement. Dans la conclusion du respondeo du sixième article de la ‹Quaestio disputata 13› Richard de Mediavilla souligne que sa solution au problème du fondement du connaître n’est pas à entendre comme une réfutation totale de la doctrine de l’illumination, il ne se prononce pas d’ailleurs sur le rôle et la signification de cette théorie, en s’abritant derrière un prudent silence. Quant à la possibilité qu’il existe une lumière surnaturelle qui nous permette de connaître (et de mieux connaître) ce que nous ne pouvons pas connaître rationnellement, Richard commente à la lettre : je ne le nie pas, mais à présent je ne m’engage pas : Utrum autem sit aliquod lumen supernaturale, quod ex liberalitate divina superinfundatur cuilibet suppositio rationalis vel intellectualis creaturae, in quo multa intelligimus, quae non possemus intelligere in solo naturali lumine, et per quod etiam clarius cognoscimus aliqua quae per lumen naturale per se cognoscere 42 possemus : hoc ego non nego, nec de hoc intromitto me ad praesens.

De la même façon, Pierre de Jean Olivi soutient l’hypothèse de l’illustratio Dei, mais avec prudence et sans cacher les problèmes que cette doctrine laisse irrésolus. L’aporie principale consiste dans le fait que les raisons éternelles ne peuvent pas être envisagées comme principe total de notre intellection (sinon, celle-ci cesserait d’être (aussi) une activité ___________________ 42 Richardus de Mediavilla, Quaestio disputata 13 (note 3), a. 6, resp., p. 236.

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intrinsèque à l’esprit de l’homme), mais en même temps, elles ne peuvent pas être considérées comme des agents secondaires. La doctrine de l’illumination divine est sûrement digne de respect parce qu’elle a été défendue par des maîtres de grande autorité, mais Olivi préfère garder le silence sur la signification authentique et sur le fondement dernier de cette théorie : Et ideo dico quod positio ista de rationibus aeternis caute est intelligenda. [… ] Ista, quia plene exponere nescio, idcirco solum tamquam cavenda propono, quia licet praedicta positio in se sit solemnis et sana, istis tamen non diligenter observatis posset esse valde periculosa. Et ideo praedictam positionem secundum se teneo, quia virorum valde solemnium est. Praedictorum tamen expositionem 43 eorum sapientiae derelinquo.

Le passage que nous venons de lire nous présente la position d’Olivi : une sorte de ‹dissociation de responsabilité› qui rappelle les restrictions exprimées, de façon plus radicale, par Richard de Mediavilla.

___________________ 43 Petrus Johannis Olivi, Quaestiones de Deo cognoscendo, dans : Summa quaestionum (note 13), éd. Bernhard Jansen, q. 2, resp., vol. III, appendix, pp. 512–513.

Pietro di Giovanni Olivi e il dibattito sull’attualità della materia Anna Rodolfi (Firenze)

«Noi veggiamo che tutte le forme naturali cessano dalla materia, e novamente vegnono nella materia: onde par realmente nessuna cosa esser costante, ferma, eterna e degna di avere esistimazione di principio, eccetto che la materia» (Giordano Bruno, ‹De la causa, principio et uno›, III, ed. Giovanni Aquilecchia, Firenze 1985, p. 273).

1. La dottrina della materia di Pietro di Giovanni Olivi, la cui esposizione si trova nelle ‹Quaestiones in secundum librum Sententiarum›, redatte 1 verso la fine degli anni ’70 e in seguito rielaborate tra il 1295 e il 1296 , si 2 presenta con alcune caratteristiche generali. a) Innanzitutto, il genere ___________________ 1

2

Cf. Bartoli, Marco, Opere teologiche e filosofiche di Pier di Giovanni Olivi, dans: Archivum Franciscanum Historicum 91 (1998), pp. 455–468, in particolare pp. 457–458; Piron, Sylvain, Les œuvres perdues d’Olivi: essai de reconstitution, dans: Archivum Franciscanum Historicum 91 (1998), pp. 357–394, in particolare pp. 377–380; id., Olivi et les averroïstes, dans: Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie 53 (2006), pp. 251–309, in particolare, p. 255. Per una presentazione della dottrina della materia di Olivi, cf. Bettoni, Efrem, Le dottrine filosofiche di Pier di Giovanni Olivi, Milano 1959, pp. 263–292; Perez Estevez, Antonio, La materia. De Avicena a la escuela francescana, Maracaibo 1998, in particolare pp. 281–332; Suarez-Nani, Tiziana, Pierre de Jean Olivi et la subjectivité angélique, dans: Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge 70 (2003), pp. 233–316, in particolare pp. 235–262; Suarez-Nani, Tiziana, Introduction, dans: Pierre de Jean Olivi. La matière, Textes introduits, traduits et annotés par Tiziana Sua-

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della trattazione è legato all’esercizio del commento alle ‹Sentenze› anche se, in questo caso, tale esercizio si articola sotto la forma, meno usuale, di quaestiones. Ciò indica che il contesto di partenza della trattazione si situa nell’ambito della teologia e dell’esegesi. Ora, tale collocazione, di per sé del tutto tradizionale, non era l’unica scelta possibile all’epoca. b) Più precisamente, Olivi, si interessa al tema della materia al momento di discutere la dottrina più generale dell’ilemorfismo, una dottrina a cui dedica la quaestio XVI Primo quaeritur an in angelis et in omnibus substantiis intellectualibus sit compositio materiae et formae. Come è noto, la dottrina dell’ilemorfismo era sostenuta in particolare da molti rappresentanti dell’ordine francescano, a partire dalla metà circa del XIII secolo : per questi autori, la materia rappresenta il sostrato comune di ogni sostanza creata – corporea, ma anche spirituale – e, per ciò stesso, un punto di demarcazione fondamentale tra le sostanze create composte e la semplicità del loro creatore. Il riferimento all’ilemorfismo costituiva 3 perciò, in qualche misura, il segno d’appartenenza ad una scuola. c) A partire da un siffatto quadro problematico, Olivi non esita tuttavia a spostare la discussione della questione della materia su un piano più 4 propriamente filosofico e metafisico : così, ciò che passa in primo piano è la nozione di materia in quanto tale e la definizione della sua essenza: Ad huius autem pleniorem intelligentiam […] oportet enim primo videre quae sit ratio materiae quam per suum nomen directe significare 5 intendimus . d) Questo approccio generale è poi sviluppato in un gruppo ___________________

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rez-Nani, Catherine König-Pralong, Olivier Ribordy, Andrea Robiglio, (Translatio. Philosophies Médiévales), Paris 2009, pp. 24–48. La dottrina dell’ilemorfismo universale è condivisa da molti dei maggiori rappresentanti dell’ordine francescano, cf. Perez Estevez (nota 2), pp. 202– 221; Sharp, Dorothea Elizabeth, Franciscan Philosophy at Oxford in the Thirteenth Century, Oxford/London 1930, in particolare pp. 130ss.; Zavalloni, Roberto, Richard de Mediavilla et la controverse sur la pluralité des formes (Philosophes médiévaux 2), Louvain 1951, pp. 303–319. Da questo punto di vista, Olivi può essere annoverato tra i rappresentanti di quel processo di ‹teologizzazione del discorso fisico› che ebbe luogo a cavallo tra il XIII e il XIV secolo, cf. Bianchi, Luca, Il vescovo e i filosofi. La condanna e l’evoluzione dell’aristotelismo scolastico (Quodlibet 6. Ricerche e strumenti di filosofia medievale), Milano 1990, in particolare p. 123. Petrus Iohannis Olivi, Quaestiones in secundum librum Sententiarum (Bibliotheca Franciscana Scholastica Medii Aevii 4-6), ed. Bernhard Jansen, Quaracchi 1922–1926, 3 voll., q. 16, I, p. 304. Sull’interpretazione di Olivi dell’ilemorfismo universale, cf. Bettoni (nota 2), pp. 263–332; Perez Estevez

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di quattro quaestiones dedicate a problemi particolari, questioni che gli consentono di precisare e di affinare la propria concezione. Gli argomenti trattati sono i seguenti: se la materia può fungere da causa efficiente; se è corretto stabilire una distinzione tra la materia e la sua potenza; se Dio può creare la materia senza la forma; e, infine, la dottrina delle rationes seminales, alla quale Olivi dedica un’analisi lunga e originale. Nel suo insieme, la trattazione della materia del frate francescano finisce così per essere caratterizzata da una notevole ampiezza e complessità. Da dove proveniva tanto interesse? Quale era la posta in gioco di tale questione? La riflessione filosofica sulla nozione di materia aveva conosciuto un ritorno d’interesse molto forte proprio negli 6 anni in cui Olivi si occupa di questo argomento. In quale misura egli era al corrente della discussione in corso? Ha preso parte al dibattito, anche se solo indirettamente? E in che misura lo era? Secondo una rappresentazione tradizionale, la figura di Olivi è stato spesso interpretata come quella di un autore eccentrico o isolato rispetto alle 7 ‹scuole› e alle ‹correnti› filosofiche dell’epoca. Un’analisi, come quella che vorremmo proporre di seguito, potrebbe forse essere d’aiuto per valutare la consistenza di una tale immagine una volta messa alla prova di un caso concreto e circoscritto, come la questione dell’attualità della materia. ___________________

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(nota 2), pp. 310–314; Suarez-Nani (nota 2), pp. 248–262; ead. (nota 2), pp. 36–44. Cf. Donati, Silvia, La discussione sulla materia nella tradizione di commento della Fisica: commentatori inglesi degli anni 1240–1270, dans: Il commento filosofico nell’Occidente latino (secoli XIII–XV). Atti del colloquio Firenze/Pisa, 19–22 ottobre 2000, a cura di Gianfranco Fioravanti, Claudio Leonardi e Stefano Perfetti, Turnhout 2002, pp. 185–232; König-Pralong, Catherine, Avènement de l’aristotélisme en terre chrétienne. L’essence et la matière entre Thomas d’Aquin et Guillaume d’Ockham, Paris 2005, in particolare, pp. 137–188; McAleer, Graham J., Augustinian Interpretations of Averroes with respect to the Status of Prime Matter, dans: The Modern Schoolman 73 (1996), pp. 169–172; Perez Estevez, (nota 2). Sulla particolare interpretazione del cosiddetto agostinismo cf. Ehrle, Franz, L’Agostinismo e l’Aristotelismo nelle Scolastica del secolo XIII. Ulteriori discussioni e materiali, dans: Xenia Thomistica 3 (1925), pp. 517–588, in particolare pp. 580–587; Koch, Josef, Der Sentenzenkommentar des Petrus Iohannis Olivi, dans: Recherches de théologie ancienne et médiévale 2 (1930), pp. 290–311, in particolare pp. 303–305.

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2. Può valer la pena ricordare, molto rapidamente, i tratti salienti del dibattito sulla natura della materia, come ebbe luogo e si sviluppò nei decenni che precedono le ‹Quaestiones› di Olivi. In primo luogo, il dibattito sulla materia si articolava naturalmente nel quadro teorico definito da alcuni riferimenti canonici, tra cui in particolare Aristotele e 8 Agostino : si trattava di passaggi obbligati, senza dubbio, ma che, quanto alla loro interpretazione, erano ben lungi dall’essere completamente univoci. Il riferimento ad Aristotele, in particolare, senza tener conto 9 della mediazione degli autori arabi – e pur tuttavia assai importante per gli autori implicati nel dibattito del XIII secolo, e non solo per i 10 cosiddetti averroisti latini –, il riferimento ad Aristotele, si diceva, 11 poteva oscillare tra alcuni testi (‹De generatione› I, 3 ; ‹Metafisica› VII, ___________________ 8

Per un esame approfondito della nozione agostiniana di materia nel contesto esegetico dei primi versetti del ‹Genesi›, con particolare riferimento al tema del suo essere informe, cf. Van Riel, Gerd, Augustine’s Exegesis of «Heaven and Earth» in ‹Conf.› XII: Finding Truth amidst Philosophers, Heretics and Exegetes, dans: Quaestio 7 (2007), pp. 191–228. 9 Sulla dottrina dell’essenza della materia in Averroè, cf. McAleer (nota 6), pp. 165–167; Caravalho, Mario A. Santiago de, A essência da matéria prima em Averróis Latino (com uma referência a Henri de Gand), dans: Revista portoguesa de filosofia 52 (1996), pp. 197–221; Listfeldt, Hans-Günther, Some Concepts of Matter of Avicenna, Averroes, St. Thomas and Heisenberg, dans: Aquinas 17 (1974), pp. 310–321; Perez Estevez (nota 2), pp. 105–132; Guerrero, Rafaél Ramón, Sobre el concepto de materia en Averroes a propósito de la Izquierda Aristotélica en la filosofía árabe, dans: Al encuentro de Averroes, ed. Andrés Martínez Lorca, Madrid 1993, pp. 71– 92; Donati, Silvia, Materia e dimensioni tra XIII e XIV secolo: la dottrina delle dimensiones indeterminatae, dans: Quaestio 7 (2007), pp. 361–395, in particolare, pp. 364–367. Per la nozione di materia in Avicenna con particolare riguardo alla complessa terminologia utilizzata, cf. Marienza Benedetto, La dimensione fondante della realtà: la materia in Ibn Gabirol e Shem Tov ben Yosef ibn Falaquera, Quaestio 7 (2007), pp. 229–244, in particolare pp. 230–234; Amos Bertolacci, The Doctrine of Material and Formal Causality in the ‹IlƗhiyyƗt› of Avicenna’s ‹KitƗb al-ŠifƗ›, dans: Quaestio 2 (2002), pp. 125–154; Perez Estevez (nota 2), pp. 75–102; Guerrero, Rafael Ramón, De nuevo sobre la ‹izquierda aristotélica›. Materia y possibilidad en el Al-Farabi y Avicena, dans: Anales del Seminario de Metafísica 1 (1992), pp. 965–986. 10 A proposito delle allusioni agli Averroistae e degli echi della condanna del 1277 presenti nelle ‹Quaestiones› di Olivi, cf. Piron (nota 1). 11 Aristotele, De generatione et corruptione, I, 3, 317 b 16–18.

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3 o VIII, 2 ) in cui la natura della materia è definita come pura potenzialità e quei passaggi in cui, al contrario, Aristotele parla della 14 15 16 materia come «sostanza» , o «ricettacolo» o «sostrato» , giungendo ad attribuirle così, almeno prima facie, una consistenza ontologica più 17 18 marcata. Il passaggio della ‹Fisica› II, 3 è, in qualche misura, il luogo deputato per valutare l’ambiguità e la complessità della posizione aristotelica: «In un senso, dunque, si dice causa in senso primario ‹ciò da cui› una cosa si genera, come ad esempio il bronzo rispetto alla statua». Qual è dunque la natura della materia? Possiede un’essenza che le è propria e, in tal caso, di che tipo è tale essenza? La nozione filosofica e, in particolare, aristotelica della materia, di cui disponevano gli autori del XIII secolo, era lontana dall’essere chiara e definita una volta per tutte: si tratterà allora di verificare quale sia l’interpretazione che ne offre Olivi. Abbiamo poi, in secondo luogo, una maggiore articolazione del dibattito, articolazione che il passaggio della ‹Fisica› appena evocato può servire ad illustrare. Accanto al modo aristotelico di intendere il ruolo del bronzo/materia nei termini di pura potenzialità, alcuni autori privilegiarono una possibile interpretazione alternativa. In effetti, riguardo alla produzione della statua – di cui si parla nel brano – il bronzo, come materia, può svolgere una duplice funzione: considerato come materia ‹da cui› (ex qua) la statua viene all’essere, esso è qualcosa di potenziale; come materia ‹in cui› (in qua) la statua viene all’essere, esso 19 rappresenta un principio soggiacente ad essa. Così, abbiamo da una ___________________ 12 Aristotele, Metafisica, VII, 3, 1029 a 20–21. 13 Aristotele, Metafisica, VIII, 2, 1042 b 9–10; XII, 2, 1069 b 18–20; cf. anche Fisica I, 9, 192a 27–29. 14 Aristotele, Metafisica, VIII, 1, 1042 a 24–b 8. 15 Aristotele, De generatione et corruptione, I, 4, 320 a 2-3. 16 Aristotele, Fisica, I, 9, 192 a 31–32. 17 Sulla molteplicità di significati attribuiti da Aristotele alla materia oltre allo studio classico di Happ, Heinz, Hylé. Studien zum aristotelischen MaterieBegriff, Berlin/New York 1971, pp. 273–309, 559–581, 678–807, si veda il recente studio di Berti, Enrico, La materia come soggetto in Aristotele e nei suoi epigoni moderni, dans: Quaestio 7 (2007), pp. 25–52. 18 Aristotele, Fisica, II, 3, 194 b 23–26. Cf. in particolare, Perez Estevez (nota 2), pp. 50–51. 19 Si tratta di due modi di intendere il ruolo giocato dalla materia nel processo della generazione per altro già rintracciabili nel XII secolo, ad esempio in Bernardo di Chartres, nell’ambito della ricezione della dottrina della materia

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parte gli autori che seguono da vicino la prima alternativa del dilemma (materia ex qua), e dunque sostengono l’equivalenza tra materia e 20 potenza: Tommaso d’Aquino e, sulla scia, Egidio Romano , Egidio di 21 22 Lessines , Goffredo di Fontaines . Dall’altra, ci sono quegli autori che, a partire dalla suggestione implicita nel secondo corno dell’alternativa (materia in qua) e dalla definizione della materia come sostrato, 23 attribuiscono alla materia una certa attualità. In qualsiasi modo si intenda poi tale attualità: è forse grazie alla varietà delle interpretazioni di cui l’attualità della materia è suscettibile, che questa tesi finisce per avere, sempre nel XIII secolo, un numero nutrito di sostenitori, soprattutto tra 24 gli appartenenti all’ordine francescano, ad esempio Ruggero Bacone , 25 26 27 Giovanni Peckham , Riccardo di Mediavilla , Roger Marston , Vital du

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platonica del ‹Timeo›, cf. Caiazzo, Irene, La materia nei commenti al ‹Timeo› del secolo XII, dans: Quaestio 7 (2007), pp. 245–264, in particolare, p. 254. König-Pralong, Catherine, Corps, cadavre, matière. Autour de Gilles de Rome, Henri de Gand et Dietrich de Freiberg, dans: Quaestio 7 (2007), pp. 339–359, in particolare, p. 347. Cf. inoltre in appendice, tabella XVI, punto 1 pro. Cf. Aegidius de Lessines, De unitate formae, II, c. 4 (cit. in: Zavalloni (nota 3), p. 250, nota 10). Cf. Henricus de Gandavo, Quodlibeta, I, q. 4 (cit. in: Zavalloni (nota 3), p. 306, nota 6); Macken, Raymond, Le statut philosophique de la matière selon Bonaventure, dans: Recherches de théologie ancienne et médiévale 47 (1980), pp. 188–230, in particolare, p. 137, nota 22. Cf. in appendice tabella XVI, punto 1 contra. Come è noto, nei ‹Communia naturalium›, Bacone propone un’interpretazione assai complessa ed originale delle nozioni di materia e forma, rivedendo interamente la dottrina aristotelica sia da un punto di vista metafisico che da un punto di vista logico, cf. Sharp (nota 3), pp. 130–151; Zavalloni (nota 3), p. 304, nota 3; König-Pralong, Catherine, La causalité de e e la matière. Polémiques autour d’Aristote aux XIII et XIV siècles, dans: Revue philosophique de Louvain 97 (1999), pp. 483–509, in particolare, pp. 494–497. Cf. Perez Estevez (nota 2), pp. 227–232; Sharp (nota 3), pp. 180–182. Cf. Zavalloni (nota 3), p. 304, nota 3; McAleer (nota 6), pp. 161–165; Perez Estevez (nota 2), pp. 333–362; König-Pralong (nota 24), pp. 490–493; Sharp (nota 3), pp. 220–222. McAleer (nota 6), pp. 168–172; Perez Estevez (nota 2), pp. 251–258; KönigPralong (nota 24), p. 493, nota 38.

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Four – il grande critico d’Olivi –, ma anche Enrico di Gand , 30 31 Guglielmo di Ware , Giovanni Duns Scoto e Guglielmo d’Occam. Per ___________________ 28 Cf. Iohannis Scoti, De rerum principio, qq. VII–XII, dans: Opera Omnia, ed. Lucas Wadding, Lyon 1638, (rist. anast. Hildesheim 1968–1969), III, q. VIII, a. 1, p. 47: [… ] actus praedictus materiae est in potentia respectu istius tertii actus quem habet a forma [… ]. Esse autem actuale non habet ab ipsa [scilicet: forma] formaliter; nec enim materia formaliter per formam est actu; sed per formam est talis, puta lignea, vel terrea [… ]; sic ergo patet de esse essentiae, vel in se, vel respectu ad formam; anche sul rapporto materia/potenza Vitale la pensa come Olivi, cf. ibid.: Ad videndum igitur naturam huius potentiae, est sciendum, quod materia et sua potentia, per quam est formarum substantialium susciptiva, sunt omnino idem re, differentia solum ratione. Per un profilo storico e dottrinale di questo autore cf. Delorme, Ferdinand M., L’œuvre scholastique de Vital du Four, dans: La France franciscaine 9 (1926), pp. 421–471. La critica di Vitale riguarda principalmente la concezione dell’anima di Olivi (cf. Mauro, Vincenzo, La disputa ‹de anima› tra Vitale du Four e Pietro di Giovanni Olivi, dans: Studi medievali 38 (1997), pp. 89–138, in particolare, pp. 94–107), ma anche la tesi delle rationes seminales (cf. Vitalis du Four, ‹Quodlibeta tria›, ed. Ferdinand M. Delorme, Roma 1947, in particolare, p. XXIII e p. XXX). Sui ‹debiti› dottrinali di questo autore nei confronti dello stesso Olivi, cf. Maier, Anneliese, Zur handschriftlichen Überlieferung der Quodlibeta des Petrus Johannis Olivi, dans: Recherches de théologie ancienne et médiévale 14 (1947), pp. 223–228, in particolare, p. 226 (= Ausgehendes Mittelalter II, pp. 207–213). Sulla corretta attribuzione del ‹De rerum principio›, cf. Longpré, Ephrem, Pour la défense de Duns Scot, dans: Rivista di filosofia neoscolastica 18 (1926), pp. 32–42, in particolare, p. 35. 29 Caravalho (nota 9), pp. 208–216; König-Pralong (nota 6), pp. 151–156; Macken, Raymond, Le statut de la matière première chez Henri de Gand, dans: Recherches de théologie ancienne et médiévale 46 (1979), pp. 130–182; McAleer (nota 6), pp. 165–168. 30 Gál, Gedeon, Guillelmi de Ware, O.F.M. Doctrina philosophica per summa capitula proposita, dans: Franciscan Studies 14 (1954), pp. 155–180 e pp. 265–292, in particolare, pp. 275–279. 31 Sulla concettualizzazione della materia da parte di Occam e Scoto si veda König-Pralong (nota 6), in particolare, pp. 156–172 (su Occam), 179–188 (su Duns Scoto); ancora su Occam, cf. Wolter, Allan B., The Ockhamist Critique, dans: The Concept of Matter in Greek and Medieval Philosophy, ed. Ernst McMullin, Notre Dame (IN) 1963, pp. 124–146; su Occam e la quantitas materiae, cf. Weisheipl, James A., The Concept of Matter in Fourteenth Century Science, dans: The Concept of Matter, pp. 147–169, in particolare, pp. 156–162. Su Scoto, cf. ancora William Duba, Aristotelian Tradi-

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sua esplicita ammissione, Olivi fa parte di questo secondo gruppo: 32 tenendum est igitur, ut credo, quod materia non sit solum potentiam . In terzo luogo, va sottolineata la posta in gioco del dibattito, che presenta a sua volta due aspetti. La tesi dell’attualità della materia sollevava in effetti due distinti ordini di questioni. Il primo, propriamente filosofico, riguardava il rapporto tra la materia e la potenza, una volta che la loro equivalenza è stata messa in discussione. Il secondo ordine di questioni è di carattere teologico, in quanto connesso alla dottrina della creazione: se la materia non è semplicemente riducibile alla sua potenza, è possibile per Dio crearla senza la forma? La possibilità di una creazione immediata della materia da parte di Dio definisce, per così dire, la radice 33 di quello che è stato definito l’‹argomento francescano› per eccellenza. Queste problematiche di carattere generale non esauriscono naturalmente l’insieme delle articolazioni e sviluppi di cui è oggetto la riflessione sulla materia nei testi del XIII secolo. Nondimeno, la maggior parte degli autori menzionati considerano le due questioni appena indicate – e cioè la relazione tra materia e potenza, la creazione immediata della materia – come intimamente connesse e tali da costituire il nucleo teorico della riflessione sulla materia: in effetti, è possibile parlare di un dibattito sulla materia e non semplicemente di una serie di ricerche parallele proprio perché un numero significativo di autori si confronta sul terreno comune costituito da queste due questioni, fino al caso limite di posizioni almeno in parte deliberatamente costruite in maniera antitetica e speculare attorno a questo centro, come nel caso di Enrico di Gand rispetto a Tommaso. A questo punto, ci si può chiedere se tale nucleo di questioni sia preso in esame anche da Olivi e in base a quale approccio. Infine, un tentativo di periodizzazione. È stato giustamente osservato che, nel momento in cui Olivi se ne interessa, la riflessione sulla materia 34 aveva già «une longue histoire derrière elle» . Il terreno comune – di riferimenti, argomenti, di questioni in gioco – di cui si è appena parlato, consente di definire in modo un po’ più preciso questo momento storico ___________________ tions in Franciscan Thought: Matter and Potency according to Scotus and Auriol, dans: The Origins of European Scholarship, Stuttgart 2006, pp. 147– 161; Perez Estevez (nota 2), pp. 401–416; Sharp (nota 3), pp. 292–295. 32 Petrus Iohannis Olivi, Quaestiones in secundum librum Sententiarum, q. XVI, p. 307. 33 Cf. McAleer (nota 6), p. 167. 34 Tiziana Suarez-Nani (nota 2), p. 10.

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particolarmente intenso per l’elaborazione concettuale della nozione di materia. Gli elementi che la contraddistinguono si trovano già in una ‹prima fase› del dibattito, intorno alla metà del XIII secolo, in autori come Bonaventura da Bagnoregio e Alberto Magno. La loro riflessione a riguardo è di norma inserita in contesti più generali: i luoghi del commento alle ‹Sentenze› dedicati a Dio e alla sua semplicità, con l’aggiunta, per Alberto, di alcuni luoghi sparsi nei commenti alla ‹Fisica› e alla ‹Metafisica› di Aristotele dove si tratta di confutare il panteismo di 35 David di Dinant e allorché si intende spiegare in che modo la materia possa costituire il sostrato permanente delle forme senza mai venir 36 meno , ovvero della materia come principio. La tesi dell’attualità della 37 materia che entrambi sostengono , non perviene tuttavia nel loro caso ad una esplicita messa in discussione della strumentazione concettuale aristotelica (forma, materia; atto, potenza; privazione, ecc.): la stessa cosa può essere affermata, naturalmente e per ragioni completamente diverse, anche per Tommaso. È precisamente questa messa in discussione che ___________________ 35 Su David di Dinant, cf. Casadei, Elena, I testi di David di Dinant. Filosofia della natura e metafisica a confronto col pensiero antico, Spoleto 2008. Per quanto riguarda la critica albertina al panteismo di David di Dinant, cf. Anzulewicz, Henryk, Person und Werk des David von Dinant im literalischen Zeugnis Alberts des Grossen, dans: Mediaevalia Philosophica Polonorum 34 (2001), pp. 15–58; Petagine, Antonio, Aporie del subiectum. La critica di Alberto Magno alle concezioni della materia di David di Dinant e di Platone, dans: Rivista di Filosofia Neo-Scolastica 4 (2007), pp. 609–654, in particolare, pp. 609–639. 36 Si può ad esempio menzionare un brano tratto dal commento alla ‹Metafisica› di Alberto in cui si nega espressamente che la forma possa essere considerata causa formale della materia: Materia enim non est causa substantiae formae, quia id quod est in potentia non est causa eius quod est in effectu, forma autem secundum suam naturam actus est, forma etiam non est causa quare materia sit substantia vel quare materia sit materia (Albertus Magnus, Metaphysica, ed. Bernhardt Geyer, (Ed. Coloniensis 16/1–2), Münster 1971, V, 2, 4, p. 239). 37 Sul modo di intendere l’attualità della materia in questi due autori, cf. Macken (nota 22); Perez Estevez (nota 2), pp. 171–201; Rodolfi, Anna, Il concetto di materia nell’opera di Alberto Magno (Corpus Philosophorum Medii Aevi. Testi e studi 18), Firenze 2004, in particolare pp. 166–171; ead., L’idea di materia in Dio. Essenza ed esistenza della materia nel dibattito teologico nella seconda metà del XIII secolo, dans: Quaestio 7 (2007), pp. 317–337, in particolare pp. 327–329 e pp. 331–334.

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emerge in modo caratteristico nella ‹seconda fase› del dibattito, attorno al 38 1270, grazie in particolare a Enrico di Gand e ai maestri delle arti, come Boezio di Dacia e Sigieri di Brabante che si affrontano esattamente sulla 39 questione della materia. Allo stesso tempo, il problema della materia è trattato in questioni specifiche e dà luogo ad una serie di argomenti puntuali che continueranno ad essere impiegati anche negli autori 40 posteriori, fino a Duns Scoto, Occam e Pietro Aureolo. La riflessione di Olivi, da un punto di vista fattuale, cioè cronologico, fa parte di questa ‹seconda fase› del dibattito: possiamo tuttavia chiederci se ne fa parte di diritto, cioè sotto il profilo teorico. 3. A partire da questi elementi, intendiamo procedere nel modo seguente: innanzitutto tenteremo una schematizzazione, una sorta di censimento, dei punti testuali di contatto – espliciti ed impliciti – che legano di fatto le questioni di Olivi a un corpus di altri testi dedicati al tema della materia. Questa operazione non pretende una validità di ordine propriamente filologico. La sua principale finalità consiste invece nel situare la trattazione di Olivi su un piano storico filosofico, inserendola in quel contesto dottrinale più ampio e differenziato di riferimenti, d’auctoritates e di argomenti, che costituisce per noi il dibattito del XIII secolo sulla nozione di materia. Dopo questa operazione prevalentemente descrittiva, tenteremo, nella seconda parte di questo lavoro, di analizzare la posizione di Olivi riguardo ad alcuni punti cruciali e di valutare sommariamente, sempre per via comparativa, il significato e il grado di originalità delle sue scelte. Questi risultati saranno riassunti in tre tabelle che seguono la conclusione. Esse mirano ad organizzare, per ogni questione esaminata (quaestiones XVI in parte, XVII e XIX), gli argomenti pro e contra presi in esame da Olivi. Accanto ai rinvii ai ___________________ 38 Sul contesto teorico in cui prese forma la riflessione di Enrico, cf. Fioravanti, Gianfranco, «Forma» ed «esse» in Enrico di Gand: preoccupazioni teologiche ed elaborazione filosofica, dans: Annali della Scuola Normale Superiore di Pisa 5 (1975), pp. 985–1031. 39 Cf. Rodolfi (nota 37), pp. 175–179. Sulla concezione della materia di Sigieri, cf. Calma, Dragos, Coccia, Emanuele, Un commentaire inédit de Siger de Brabant sur la Physique d’Aristote (ms. Paris, BNF, lat. 16297), dans: Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge 73 (2003), pp. 283– 349, in particolare pp. 307–310, e il saggio di Antonio Petagine (Substantia nobis ignota: la materia in Sigieri di Brabante) in questo stesso volume. 40 Su Aureolo, cf. Duba (nota 31), in particolare, pp. 153–155.

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passaggi del testo, inseriremo, nelle colonne interne, i riferimenti espliciti che Olivi fa agli autori ‹canonici›: Agostino e Aristotele, la cui presenza nelle due colonne pro e contra di uno stesso argomento riflette evidentemente l’ambivalenza che la loro dottrina presentava per gli autori del periodo; infine, Averroè, il solo autore arabo ad essere esplicitamente citato (Commentator), secondo una modalità che pare essere più ‹economica› o selettiva (si rileva ad esempio l’assenza di riferimenti ad 41 un’opera spesso citata in questi contesti come il ‹De substantia orbis› ), o addirittura reticente, se paragonata a quella di autori quali Sigieri e 42 Boezio. Accanto a questo primo ordine di riferimenti espliciti, ho indicato, nelle colonne esterne, i punti di contatto che il testo di Olivi presenta con i testi di alcuni autori contemporanei (in particolare 43 Tommaso d’Aquino, Bonaventura da Bagnoregio , Alberto Magno, Enrico di Gand, Sigieri e Boezio), autori ai quali naturalmente egli si 44 riferisce solo in maniere indiretta (quidam, alii) . ___________________ 41 Il riferimento a questo testo a favore di una distinzione tra essenza e potenza della materia è presente anche nel commento al ‹De coelo› di Alberto Magno, cf. Albertus Magnus, De coelo et mundo, ed. Paul Hossfeld, (Ed. Coloniensis 7,1), Münster 1971, I, 3, 4, p. 62 (cit. in Rodolfi (nota 37), p. 192). 42 Questo testo e, più in particolare, una diversa interpretazione di un passo del primo capitolo (cf. Averrois Commentaria in Aristotelis omnia quae extant Opera, Venetiis 1574 (rist. Frankfurt am Main 1962), De substantia orbis, c.1, VII, fol. 3 K-M) sembrano costituire il terreno di un confronto tra Sigieri, Boezio e l’anonimo autore delle ‹Quaestiones in Physicam›, ms. Lipsia 1386 (cf. Fioravanti, Gianfranco, il ms. 1386 Universitätsbibliothek Leipzig, Egidio Romano, Sigieri di Brabante e Boezio di Dacia, dans: Medioevo 10 (1984), pp. 1–40), cf. Rodolfi (nota 37), pp. 183–186. Come si vedrà, al di là di questo mancato riferimento, esistono altri punti di contatto tra la concettualizzazione di Olivi e quella di Boezio sulla materia, cf. infra, p. 268. 43 Durante il suo soggiorno di studi a Parigi, Olivi avrebbe assistito, con ogni probabilità, alle conferenze di Bonaventura sui sette doni dello Spirito Santo (1268) e a quelle sui sei giorni della creazione tenute nella primavera del 1273, cf. Piron (nota 1), p. 264 e p. 271; id., The Formation of Peter John Olivi’s intellectual Projet. ‹Olivi and the Philosophers› Thirty Years After, dans: Oliviana 1 (2003), http://www.oliviana.org/document8.htlm. 44 A proposito di questo modo di riferirsi la storiografia tradizionale ha offerto giustificazioni di carettere diverso: per Koch il ricorso a questo tipo di formule sarebbe il segnale di una mancanza di competenze ufficiali da parte del frate francescano, cf. Koch (nota 7), p. 307. Per lo Jansen – stando a De

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Senza voler sopravvalutare il valore solo indicativo e ipotetico di questi riferimenti, è comunque lecito segnalare che la trattazione di Olivi finisce per costruire, più o meno esplicitamente, una trama di rinvii e di allusioni a problemi effettivamente dibattuti nel contesto degli anni ’60– ’70 del secolo. Questa trama di rinvii sembra abbastanza serrata, se confrontata con quelli di altri autori, che evidentemente svilupparono la loro riflessione sul tema in modo più indipendente – è il caso di Alberto Magno. Da questo punto di vista, è la quaestio XVII che attira in modo particolare l’attenzione. Nella quaestio XVI, Olivi, in effetti, si esprime su di un problema, l’essenza della materia, che era già stato al centro di quella che abbiamo denominato ‹prima fase› del dibattito del XIII secolo. La sua analisi si sviluppa all’interno di un quadro di riferimenti divenuti canonici: Aristotele e Agostino esplicitamente; Tommaso sullo sfondo. La questione successiva (quaestio XVII), al contrario, prende un andamento differente, più puntuale e ‹tecnico›, per così dire. Mentre i riferimenti ad Aristotele diventano più rari, come se l’analisi non si basasse più soltanto sull’esegesi delle sue tesi, lo stesso titolo della questione (an potentia materiae addat aliquid realiter diversum ad essentiam eius) e alcuni degli argomenti utilizzati (pro e contra) rinviano abbastanza direttamente alla ‹seconda fase› del dibattito e ai suoi 45 protagonisti: Sigieri di Brabante e Boezio di Dacia. La questione XIX, infine, deve il suo interesse soprattutto al fatto che, a proposito del tema dell’onnipotenza divina rispetto alla creazione della materia, sembra restituire l’eco della stagione delle condanne dottrinali, ___________________ Wulf – si tratterebbe di una espediente per esporre tesi proprie mettendosi a riparo da eventuali attacchi personali: «Jansen [… ] attribuisce a calcolo prudente al circospezione con cui [Olivi] presenta le proprie idee: dove la questione vien trattata ex professo esita e sembra che si contenti della rassegna delle opinioni altrui, senza palesare il proprio parere, che poi si rivela in modo accidentale e quasi di sfuggita a proposito d’altro; gli attacchi di cui era stato oggetto lo avevano reso diffidente», cf. De Wulf, Maurice, Storia della filosofia medievale (trad. it.), Firenze 1957, p. 253. Questo tipo di congetture si dimostrano infondate alla luce dell’interpretazione assai più convincente proposta da Piron, Sylvain, Le métier de théologien selon Olivi. Philosophie, théologie, exégèse et pauvreté, in questo stesso volume. 45 Cf. infra, p. 267. Va ricordato che già nel XII secolo vi sono tracce della discussione relativa allo statuto della materia e al suo rapporto con la potenza. Ne discute, ad esempio Bernardo di Chartres nelle glosse al ‹Timeo› ([hyle] quid sit, substantia scilicet accidens?), cf. Caiazzo (nota 19), p. 256.

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delle cui formulazioni Olivi sembra tener conto. Sembra dunque possibile affermare ad un livello generale che Olivi struttura le sue questioni sulla materia sulla base di una conoscenza piuttosto precisa del dibattito che lo aveva preceduto, una conoscenza che gli suggerisce, per così dire, l’agenda degli argomenti da affrontare: il loro ordine, la loro formulazione, la loro rilevanza; che interviene non solo su temi di carattere generale, come la questione del rapporto tra materia e la sua potenza che era stata discussa più o meno apertamente già da Alberto Magno, Bonaventura e Tommaso, ma anche in merito a problemi più puntuali legati all’attualità della materia, sollevati più recentemente dai maestri delle Arti. Interamente situato all’interno di un siffatto contesto dottrinale, l’intervento di Olivi obbedisce di fatto ad una preoccupazione di ‹messa a punto› delle questioni la quale, già di per sé, possiede un interesse storiografico e che eccede largamente il quadro tradizionale del genere del commento alle ‹Sentenze›. Ci si può infine domandare se, al di là di questa funzione ‹ordinatrice›, l’intervento di Olivi costituisca anche una presa di posizione originale all’interno di un dibattito che, nel momento in cui egli redige le sue ‹Quaestiones›, era già molto articolato, se non persino sovraccarico da un punto di vista teorico. Questo sarà l’ultimo punto che verrà preso in considerazione. 4. Non è ovviamente possibile analizzare in dettaglio tutte le argomentazioni del frate provenzale. Vorremmo dunque concentrarci su due punti in particolare, che ci paiono i più propizi a valutare la specificità della sua posizione: la natura della materia e il suo rapporto con la creazione, cioè la possibilità per la materia di esistere senza la forma almeno per effetto dell’azione divina. Sono appunto i problemi che costituiscono il terreno principale (o almeno il più condiviso) – il nucleo – del dibattito, come si è già ricordato sopra. Dunque, in primo luogo, la natura della materia. Abbiamo notato che Olivi si considera tra coloro – quidam – che sostengono la tesi dell’attualità della materia. A questo punto si tratta di provare a precisare il senso di questa appartenenza. Innanzitutto, va segnalato che l’attualità della materia è presentata da Olivi – diversamente ad esempio da

___________________ 46 Come è stato notato da Sylvain Piron, cf. (nota 1), p. 256.

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Giovanni Peckham – come una conseguenza diretta della concezione 48 aristotelica della materia. La trattazione di Olivi al riguardo è molto articolata. Ci limiteremo a sottolineare due passaggi nella sua analisi, da cui dipende il senso generale della sua posizione. Il primo e preliminare riguarda il significato stesso della predicazione di attualità per la materia; il secondo, per così dire, il ‹contenuto› di questa predicazione. Innanzitutto, quando si afferma che la materia possiede una propria attualità, precisa Olivi, questo atto di cui si parla non è una nozione univoca, univocamente definita attraverso la sua equivalenza con la 49 forma. Nel caso della materia, si dovrebbe al contrario distinguere ___________________ 47 Nel suo caso, il riconoscimento dell’attualità della materia sembra più direttamente influenzato dalla discussione della dottrina agostiniana delle rationes seminales, cf. Perez Estevez (nota 2), pp. 227–232. 48 Cf. Petrus Iohannis Olivi, Quaestiones in secundum Sententiarum, q. XVI, p. 307: materia non sit solum potentia, sed praeter hoc quiddam solidum habens in se rationem non solum unius potentiae, sed etiam plurium, sicut ipsemet Aristoteles vult; ad contrarias et disparatas diversas habet secundum eum potentias, quod tamen esse non posset, si ipsa non esset aliud quam mera potentia; ibid., p. 309: Quod igitur Aristoteles vocat eam ens in potentia [… ] non oportet quod per hoc velit dicere quod non sit aliud quam pura potentia aut quod non habeat essentiam per se distinctam ab essentia formae, sed solum quod ipsa sic est ens quod eius actualitati non repugnat esse in potentia et esse indeterminatam. Atto e potenza non sono dunque per Olivi termini che si escludono a vicenda. Ricordiamo che Tommaso rifiuta, anche in base a questa secca alternativa (si veda la trattazione di Aristotele nel IX libro della ‹Metafisica›), di attribuire alla materia un’essenza propria, che ad essa corrisponda un’idea specifica (distinta da quella del composto) nella mente divina, e che essa possa esistere senza la forma, cf. ad esempio il III ‹Quodlibet› (Thomas de Aquino, Quaestiones Quodlibetales, Q. III, q. 1, a. 1, resp., ed. Raimondo Spiazzi, Roma/Taurini 1956, p. 40). 49 Olivi rifiuta dunque apertamente l’identificazione tra l’atto, l’essenza e la forma che diventano rispettivamente actus totalis e actus partialis. La riformulazione della nozione di atto connessa all’affermazione dell’essenza della materia sostenuta da Olivi non è un’operazione esclusiva nel nostro autore. Già Enrico di Gand, ma anche Riccardo di Mediavilla e Ruggero Marston (quest’ultimo espressamente contro Tommaso, cf. McAleer (nota 6), pp. 168–171; Perez Estevez (nota 2), pp. 251–258) se ne servono nel medesimo contesto di discussione. Si tratta, come è stato notato da Zavalloni, di uno dei principi cardine condivisi dai sostenitori della dottrina della pluralità delle forme. Una distinzione tra due distinte accezioni di atto simile a quella di Olivi si trova in Guglielmo d’Occam, proprio in relazione alla

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un’accezione larga e un’accezione stretta di attualità. Secondo la prima accezione, la materia può esser detta ‹attuale› per analogia con la forma, il composto e l’accidente. Nell’accezione ‹stretta› , la forma e la materia si distinguono in modo netto a partire – è questo il punto più rilevante – da una differenza nel tipo di attualità che è loro propria: l’atto della forma (actus formalis, cioè l’attualità che la forma trasmette alla materia) è un atto determinativus et indeterminabilis, l’atto della materia (actus materialis) è un atto de se possibilis et informabilis: Quod autem dicitur eam non posse distingui a forma secundum hunc modum, quia forma et actus idem sunt: sciendum quod si actus sumatur generaliter secundum quod est analogum ad essentiam materiae, formae et compositi et ad essentias accidentium, sic forma non est ita commune sicut actus, immo addit aliquam specialem rationem ad ipsum. Forma enim non est actus qualiscunque, sed solum actus determinativus et indeterminabilis et quia huiusmodi actus nullam habet in se potentialitatem, sicut habet actus materiae: ideo illum actum distinguimus ab isto sicut actum a potentia, non intendentes per hoc significare differentiam seu rationem differentialem per quam actus materialis distinguitur a formali; quia scilicet iste est de se possibilis et informabilis, ille autem nullo 50 modo.

Detto in altre parole, l’attualità può essere predicata della materia a due riprese, che Olivi distingue con cura: l’attualità formale, che la materia riceve attraverso la forma e per mezzo della quale la materia diviene parte di una sostanza specifica; ma anche, e anteriormente (a livello logico), l’attualità materiale che la materia possiede in sé, indipendentemente dalla sua composizione con la forma e in virtù della quale la materia diviene un 51 quiddam solidum : questa seconda è anzi, per Olivi, la natura specifica della materia. È necessario a questo punto precisare il contenuto di questa predicazione d’attualità. L’attualità specifica, in cui deve essere ___________________ discussione sulla sostanzialità della materia, cf. Wolter (nota 31), pp. 133– 134. 50 Quaestiones in secundum Sententiarum, p. 309. In questo modo Olivi sfugge alla principale obiezione (l’impossibilità di distinguere materia e forma) formulata dai sostenitori della materia come pura potenza. La capacità della materia di ricevere infinite forme costituisce, anche per Alberto Magno, il criterio fondamentale per distinguere essenzialmente la materia dalla forma che è perfetta attualità, cf. Albertus Magnus, Metaphysica, I, 4, 8, p. 58, (cit. in Rodolfi (nota 37), p. 100). 51 Quaestiones in secundum Sententiarum, p. 307.

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individuata l’essenza stessa della materia, non è altro che il suo essere in potenza, ovvero la sua capacità di ricevere un numero infinito di forme: ciò che Olivi mette in evidenza è precisamente l’equivalenza razionale – Olivi parla difatti di rationes – tra l’attualità della materia e il suo stato di potenza, essendo il secondo aspetto o la seconda ratio (potenza, essere potenziale) la determinazione della predicazione più generale espressa tramite il primo (attualità, essere attuale): l’equivalenza razionale e non la 52 combinazione effettiva nella materia di atto e potenza. In altre parole, la relazione che Olivi stabilisce tra l’attualità e la potenzialità della materia è di ordine logico, e essa non deve essere confusa con l’affermazione – che rimane ai suoi occhi contraddittoria come lo era per Tommaso – di una coesistenza reale d’atto e di potenza nella materia: Non etiam oportebit propter hoc materiam esse compositam ex potentia et actu, quia secundum idem realiter erit actus et potentia, cum actus suus per essentiam suam sit potentialis: quamvis alia ratio sit secundum quam est actus et alia secundum quam est in potentia. [… ] Posito etiam quod ex hoc sequeretur eam esse compositam ex actu et potentia: haec compositio non esset duarum partium constituentium unum ens, sed solum sicut subiecti et propriae passionis; esset enim 53 potentia propria passio ipsius materiae et actualitatis eius.

Se talvolta, nella definizione proposta da Olivi dell’attualità della materia in termini di potenza, si è stati tentati di vedere una sorta di 54 contraddizione , ovvero un gioco di parole, è forse perché non si è sufficientemente considerato lo sfondo teorico di questa definizione: tale sfondo consiste in una complessa riformulazione delle nozioni ___________________ 52 Quaestiones in secundum Sententiarum, p. 357: [… ] licet quidam dixerint quod potentia sit accidens materiae et ita quod addat aliquid secundum rem diversum ad ipsam, moti ex rationibus praedictis et etiam quia ubique est diversitas rationum realium, semper est ibi diversitas essentialis, constat autem rationem potentiae et rationem essentiae ipsius materiae esse rationes diversas, et ita quod quaelibet earum est in materia secundum rem et non solum secundum modum intelligendi: credo tamen cum aliis quod penitus sint eadem secundum rem. 53 Quaestiones in secundum Sententiarum, p. 310. 54 Perez Estevez (nota 2), p. 295. La materia è in sostanza per Aristotele, secondo l’interpretazione che ne offre Olivi, dotata di una propria essenza e, nondimeno, è in potenza: ciò non repugnat (non è contraddittorio) dal momento che la potenza che la materia possiede non è, come osserva Olivi, relativa alla sua stessa natura, ma ha il proprio termine di realizzazione al di fuori di essa, in quelle forme rispetto alle quali essa funge da fondamento.

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fondamentali dell’ilemorfismo aristotelico, attraverso la quale la materia, in quanto actus potentialis, è dissociata dall’equivalenza concettuale con la potenza, e la potenza a sua volta, in quanto passio ipsius materiae, non appare più come inerente unicamente alla categoria della relazione. Anche ammettendo che la potenza sia la determinazione specifica di una essenza più generale della materia (propria passio ipsius materiae et actualitatis eius), resta da chiedersi se questa affezione (passio) della materia non rappresenti, sul piano ontologico, un vero e proprio accidente predicato della materia, così come Sigieri di Brabante ed Egidio 55 d’Orléans avevano suggerito. Questo problema è discusso da Olivi, nella questione XVII an potentia materiae addat aliquid realiter diversum ad essentiam eius – formulazione che ricorda direttamente quella di Boezio di Dacia, che su questo punto si era opposto a Sigieri. La chiave di volta dell’analisi di Olivi è del resto un passo del terzo libro della ‹Fisica›, sulla cui interpretazione si erano già misurati Tommaso e 56 Sigieri. In questo passo, Aristotele aveva distinto la materia in quanto tale dalla potenza a divenire qualcosa (il bronzo in sé dal fatto che è una statua in potenza); dall’altro il sostrato degli stati contrari di cui è suscettibile (ad esempio il corpo, sostrato di due stati contrari, la salute e 57 la malattia). Sigieri, nelle ‹Quaestiones in Metaphysicam› (1273/74), accostando Aristotele ad Averroè (‹De substantia orbis›), ne aveva tratto un argomento d’autorità favorevole alla distinzione tra l’essenza della materia e la sua potenza, in quanto le potenze che la materia contiene in sé sono una pluralità mentre l’essenza della materia rimane una sola. Tommaso, al contrario, (nel ‹Commento alla Fisica›, composto due anni prima delle ‹Quaestiones› di Sigieri), aveva risolto il problema distinguendo il piano ontologico da quello delle rationes: si può parlare razionalmente (ratione) di una pluralità di potenze nella materia se si considera l’habitudo, che la materia può contrarre, ad assumere delle forme differenti, ma questo non impedisce che la materia/potenza sia una sola, perché la molteplicità si riferisce propriamente alle forme, e non alle 58 potenze reali. Ora, è proprio un argomento di questo tipo, fondato ___________________ 55 56 57 58

Cf. in appendice, tabella XVII, punto 2. Cf. in appendice, tabella XVII, punto 10. Fisica, III, 1, 201 a 30–201 b 2. Cf. Thomas de Aquino, In octo libros Physicorum I, lect. 14, n. 131, p. 67: potentia materiae subiecto est una respectu multarum formarum; sed ratione sunt multae potentiae secundum habitudinem ad diversas formas. Unde in

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sull’opportunità di non confondere essentiae e rationes, che Olivi evoca al momento di interpretare il passaggio di Aristotele, rifiutando allo stesso tempo l’autorità di Averroè, sulla quale Sigieri aveva fondato la sua posizione: Si autem aliud sensit Averroes, non curo, quamvis verba eius 59 satis possint ad hoc trahi . Ma la conoscenza che Olivi mostra di avere del dibattito tra gli artisti sul rapporto tra essenza e potenza della materia non si ferma qui. Nell’ambito della confutazione della distinzione tra materia e potenza, anche Olivi, come già Tommaso e Boezio, opera una reductio ad absurdum di questa tesi, mettendo in evidenza le conseguenze discutibili che ne derivano. Si tratta, in primo luogo, della precedenza inammissibile 60 che si darebbe dell’accidente sulla forma sostanziale. Un’altra conseguenza assurda, sempre dipendente dalla distinzione, è il darsi di un regresso all’infinito nell’ordine della potenza passiva, evidenziato anche 61 da Boezio. Affermare che la potenza è un accidente della materia significa, per Olivi, andare contro il significato che comunemente attribuiamo a tale nozione, cioè l’essere ordine alla forma; ciò perché 62 l’accidente stesso altro non è che un tipo di forma, ovvero la forma accidentale, non potendo essere una forma sostanziale, dal momento che quest’ultima è ciò che determina la materia stessa, prerogativa che, per definizione, non appartiene alla potenza: […] necesse est quod omne accidens sit forma. Nemo autem rationabiliter dicere potest quod potentia materiae sit forma, cum per eam non significemus nisi ordinem materiae ad formam. Et praeterea constat quod non posset esse forma

___________________

59 60

61 62

tertio huius dicetur quod posse sanari et posse infirmari differunt secundum rationem. Quaestiones in secundum Sententiarum, q. XVII, p. 360. Ibid., q. XVII, p. 359: [… ] si potentia diceret aliquid concreatum ipsi materiae diversum ab ipsa, illud esset aut forma substantialis aut accidentalis. Nemo autem unquam posuit quod esset forma substantialis; si autem est accidentalis, praecessit forma substantialis, et ita praecessit potentia ad formam substantialem. Cf. inoltre in appendice tabella XVII, punto 7. Cf. in appendice, tabella XVII, punto 4. Stando a questa precisazione, per Olivi, diversamente da alcuni suoi confratelli – quelli che si avvalgono dell’argomento dell’eucarestia per affermare che la materia può esistere senza forma se Dio lo vuole – l’accidente possiede uno statuto ontologico maggiore della materia, cf. infra, p. 272.

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substantialis, quia talis dat materiae esse substantiale actu determinatum, quod 63 nullo modo potest convenire potentiae.

Anche l’argomento di Averroè, basato sulla considerazione di una pluralità di potenze rispetto all’unicità della materia, ispirato al III della ‹Fisica›, risulta paradossale nelle sue conseguenze: chi assume tale pluralità in senso stretto, come cioè corrispondente sul piano della realtà, 64 deve anche ammettere che tali potenze costituiscono un infinito in atto. L’interpretazione realista del passo della ‹Fisica›, osserva Olivi, contrasta inoltre con altri luoghi dell’opera aristotelica in cui il Filosofo parla di 65 un’unica potenza dei contrari, come ad esempio nel ‹De generatione›. Una corretta interpretazione della nozione di materia diventa così centrale nella trattazione del frate francescano. L’intento è quello di mostrare l’eccesso di realismo su cui si basano gli argomenti portati a favore della distinzione tra materia e potenza. Tale errore è visibile, per Olivi, quando si afferma che ogni forma che determina una materia la esaurisce interamente e non solo rispetto a quella specifica potenza cui 66 corrisponde la forma in atto o come quando si deduce la distinzione tra ___________________ 63 Quaestiones in secundum Sententiarum, q. XVII, p. 357. 64 Ibid., q. XVII, p. 360: materia non habet plures potentias passivas essentialiter inter se differentes, sed in sua essentia includuntur rationes plurium potentiarum absque omni diversitate reali; alias sequeretur quod potentiae actu infinitae sunt. Contro il realismo della posizione avversa, Olivi precisa il suo pensiero, istituendo un paragone tra Dio e la materia, tra la molteplicità di rationes che si trovano in Lui (senza che l’unità dell’essenza ne sia minacciata) e le rationes della materia cui corrispondono potenze distinte, cf. ibid. Già in una precedente questione (q. III An Deus infinitum facere possit, ed. cit., p. 54) il frate francescano aveva precisato che le infinite potenzialità della materia non possono essere assunte come esempio di infinito in atto: Materiae enim ex sua essentia competit quadem infinitas quae sonat in defectum actualitatis et unitatis et stabilitatis; et haec est infinitas potentialis secundum quam aliquid dicitur esse infinitum in potentia; ergo infinitas actualis ei opposita oportet quod dicat summam et immensam actualitatem, unitatem et stabilitatem; ergo infinitas actualis summe repugnat omni multitudini et omni essentiae materiali et imperfectioni eius. 65 Ibid., q. XVII, p. 361. 66 Ibid.: licet tota essentia materiae attingatur aliquo modo a qualibet forma, non tamen attingitur secundum omnes rationes suas nec secundum omnes suos respectus attingatur; ergo tota secundum aliquam unam rationem et respectum [… ] Simpliciter tamen non dicuntur attingi omnes potentiae eius,

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materia e potenza sulla base della considerazione per cui nel processo di generazione, il venire meno di una specifica potenza (mediante l’acquisizione della forma correlata) non implica il venire meno della materia stessa che permane. Alla base di queste considerazioni sta l’idea che la potenza sia una relazione reale nella materia. Ma è veramente così? La potenza, osserva Olivi, altro non è che un ordo, un respectus, qualcosa di puramente formale. La potenza, come ordo, si conserva. Ciò che muta è solo il suo riferimento: la forma assente prima, la forma presente in atto poi. Con l’avvento della forma in atto, muta solo il modo attraverso cui la materia si riferisce a quella forma: prima in quanto assente (in 67 potenza), ora in quanto presente. Non è corretto concepire la potenza come se fosse una relazione che aggiunge qualcosa di reale nella materia, dal momento che il termine di questa relazione è, per definizione, non ancora esistente; perciò con l’avvento della forma niente si distrugge, ma muta solo il termine di riferimento della potenza, mentre la materia conserva la molteplicità dei suoi respectus: Si autem ultra hoc aliquis obiciat quod adveniente forma ad quam prius materia erat in potentia destruitur ipsa potentia, essentia materiae remanente, quia modo non est in potentia ad formam, sed potius habet eam actu, quod fieri non posset, si potentia esset penitus eadem cum essentia materiae: dicendum quod essentia potentiae quam adventum formae habebat tota remanet post adventum formae, sed solum ordo et habitudo eius variatur, quia prius ordinabatur ad formam ut ad absentem, modo vero ut ad praesentem, unde et materia habet adhuc in se potentiam in qua ipsa forma est recepta et fundata. Quando vero dicimus quod materia est potentia ad talem formam, intendimus significare ordinem distantiae quo se habet ad formam ut ad absentem. Qui ordo si dicit tale quid quod realiter tolli possit: constat quod est aliquid formale; si vero supra ordinem quem potentia materiae habet ad formam iam praesentem non dicit nisi solam negationem ipsius formae et praesentiae eius: tum per adventum formae huius potentiae sola negatio tollitur; et quidem praeter dispositiones contrariasquae ante adventum formae corrumpuntur reliquae dispositiones formales quae ad formae ipsius receptionem disponebant non videntur tolli per adventum formae, sed potius 68 conservari et compleri. ___________________ quia potentiae nominant rationes et respectus ipsius materiae secundum quas ipsa potest diversi mode attingi et non attingi. 67 Cf. in appendice, tabella XVII, punto 11. 68 Ibid., q. XVII, pp. 362–363. Su questo punto vi è un’analogia con Boezio di Dacia, cf. tabella XVII, punto 11. Contro la reificazione della potenza della materia si esprime anche Guglielmo d’Occam, cf. Wolter (nota 31), p. 135.

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Siamo così arrivati all’ultima questione, la possibilità di una creazione immediata della materia prima. Nella maggior parte degli autori del XIII secolo, la possibilità che la materia sia creata da Dio indipendentemente dalla sua unione con la forma deriva direttamente dalla premessa filosofica dell’attualità della materia: è perché la materia è provvista di una certa attualità che essa può essere oggetto, almeno a livello teorico, di una creazione separata e, reciprocamente, il potere che Dio ha di dare l’esistenza a qualsiasi cosa, ivi compresa la materia, implica che la materia possa esistere in atto in modo indipendente. Anche in questo caso, Olivi descrive le alternative in gioco – a favore o contro la possibilità della creazione separata della materia – con una puntualità che difficilmente avrebbe avuto se non fosse stato al corrente del dibattito in corso su questo tema. Da una parte, scrive Olivi, ci sono coloro che, una volta stabilito che la forma non è la causa dell’essere formale (o essenza) della materia, ammettono la possibilità della creazione separata di 69 quest’ultima. È la posizione tipicamente francescana sostenuta anche da 70 Enrico di Gand , ma Olivi avrebbe potuto pensare inoltre a Guglielmo 71 72 de la Mare, o a Giovanni Peckham (Bonaventura era stato al riguardo 73 meno esplicito ). Dall’altro, vi sono coloro che negano la possibilità stessa di una creazione separata, nella misura in cui porterebbe a una 74 trasgressione del principio di non contraddizione : una posizione, quest’ultima, che Tommaso aveva fatta sua e che era stata condannata a Parigi nel 1277 e nel 1278 a Londra. La trattazione di Olivi è in questo ___________________ 69 Cf. in appendice, tabella XIX, punto 1 e 3 contra. 70 Henricus de Gandavo, Quodlibet I, q. 10, ed. Raymond Macken (Henrici de Gandavo Opera Omnia 5), Leuven 1979, pp. 66–67. 71 Guillelmus de Mara, Correctorium fratris Thomae, dans: Glorieux, Palémon, Les premières polémiques thomistes: I. Le correctorium corruptorii ‹Quare› (Bibliothèque thomiste 9), Kain 1927, pp. 409–410. Sull’uso che Olivi fa di quest’opera, cf. Piron (nota 1), p. 256, nota 16. 72 Iohannes Pecham, Quodlibet romanum, q. 1, in Id., Quodlibeta quattuor, ed. Girard J. Etzkorn, Ferdinand Delorme, Quaracchi (Biblioteca Francescana Scolastica Medii Aevi 25), Grottaferrata 1989, p. 175: [… ] et ideo sicut producit materiam de nihilo, non per formam, quam tamen conservat in esse completo mediante forma, ita potest eam, si velit, facere esse sine forma, cum in infinitum plus dependeat a Creatore quam a forma. 73 Bonaventura de Balneoregio, Commentarius in I Librum Sententiarum, d. 3, a. 1, q. 1, (Doctoris Seraphici Sancti Bonaventurae. . . Opera Omnia 1), Quaracchi 1882, p. 91. 74 Cf. in appendice, tabella XIX, punto 5 pro.

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caso molto articolata, soprattutto a proposito della tesi contra (quella di Tommaso), ma, diversamente da quanto aveva fatto nelle questioni precedenti, non rende esplicita la sua posizione fin dall’inizio, con un effetto di reticenza che continua tra l’altro fino alle ultime righe della questione: Quae igitur istarum opinionum sit verior aliorum iudicio 75 derelinquo. Questo rifiuto, almeno apparente, di prendere posizione si può forse spiegare per motivi di prudenza, almeno se si accorda ad Olivi, cosa che i suoi accusatori non esitarono a fare, una preferenza per la posizione condannata, contraria alla possibilità della creazione separata 76 della materia. Ad una lettura attenta, tuttavia, il testo della questione pare confermare alcuni indizi, di cui solo il contesto più ampio della discussione lascia intravedere il senso, e a partire dai quali la soluzione di Olivi appare meno imparziale di quanto sembrerebbe a prima vista, e molto lontana da una vera indisponibilità a prendere posizione: si tratta, ad esempio, della tesi – evocata in modo apparentemente accidentale, ma ripetuta a più riprese nella questione XVI – secondo la quale la materia, indipendente a livello dell’essenza, non può che passare dalla forma per 77 o ancora la citazione solo marginale passare all’esistenza, dell’argomento teologico basato sull’eucaristia a favore della possibilità di una creazione separata della materia, valorizzato da molti autori 78 francescani. È anche alla luce di queste premesse implicite che la scelta finale da parte di Olivi del principio di non contraddizione come criterio 79 per giudicare se Dio può creare la materia senza la forma o no, sembra equivalere di fatto a una dichiarazione in favore della tesi condannata: l’impossibilità di fare ciò che è contraddittorio era infatti l’argomento impiegato da Tommaso per negare la possibilità di una creazione separata, mentre nella sua forma più diffusa, l’argomento francescano attribuiva a Dio la possibilità della creazione in questione anche e soprattutto a dispetto di questo principio come si può vedere ad esempio 80 81 in Guglielmo de la Mare o Giovanni Duns Scoto. ___________________ 75 76 77 78

Quaestiones in secundum Sententiarum, q. XIX, p. 370. Cf. Suarez-Nani (nota 2), p. 35. Quaestiones in secundum Sententiarum, q. XVI, p. 310 e p. 334. Cf. Perez Estevez (nota 2), pp. 232–235, pp. 259–260 e pp. 405–416. Cf. in appendice, tabella XIX, punto 3 e 4 pro. 79 Quaestiones in secundum Sententiarum, q. XIX, p. 370. 80 Di fatto, da queste premesse implicite Olivi trae una conseguenza che, sebbene non imprevista dato il contesto dell’argomentazione, è nondimeno molto poco canonica, nella misura in cui scinde il legame che la maggior

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5. La trattazione del problema dell’attualità della materia nelle ‹Quaestiones› d’Olivi si caratterizza dunque per il tentativo, per così dire, ‹metateorico›, di mettere in discussione e di riformulare parzialmente la griglia concettuale (materia/potenza, forma/atto) ereditata della tradizione aristotelica; questo tentativo, condotto da Olivi, in modo piuttosto sofisticato, consente di mettere a confronto il suo approccio con quello assunto, di fronte alle stesse problematiche, dai protagonisti di quella che abbiamo chiamato la ‹seconda fase› del dibattito del XIII secolo sulla nozione di materia, come Sigieri, Boezio e Enrico di Gand. Allo stesso tempo, la posizione alla quale approda Olivi è lontana dal poter essere semplicemente ridotta ad una qualunque delle posizioni già in gioco. Se la ripresa della tesi dell’attualità della materia gli consente di discostarsi dalla posizione di Tommaso o Egidio Romano, il modo peculiare in cui sviluppa gli argomenti formulati dai maestri delle arti, lo porta in altri casi, e contrariamente a quello che ci si aspetterebbe, ad adottare posizioni vicine a quelle dell’Aquinate, o almeno a prendere più o meno prudentemente le distanze dall’orientamento favorevole alla possibilità della creazione separata della materia. Questi tratti di originalità delle posizioni di Pietro di Giovanni Olivi non nascono tuttavia nell’isolamento di una riflessione decontestualizzata, ma emergono, al contrario, grazie ad una dialettica complessa con gli autori della sua epoca e le questioni specifiche che si erano posti.

___________________ parte degli autori aveva stabilito tra l’attualità della materia e la possibilità di una sua creazione separata da parte di Dio: per Olivi, infatti, la materia è dotata di una sorta di attualità, ma non può essere creata da Dio senza la forma. Il frate francescano sembra dunque costituire una vera e propria eccezione, rispetto al rapporto di coimplicazione tra le due tesi per lo più sostenuto dai suoi confratelli delle cui posizioni rende conto la storiografia (cf. Caravalho (nota 9), p. 204; McAleer (nota 6), p. 159 e p. 167; Perez Estevez (nota 2), p. 340; Sharp (nota 3), p. 377; Wolter (nota 31), p. 131, Zavalloni (nota 3), p. 306). 81 Cf. Zavalloni (nota 3), p. 306.

1)

Implicite

‹Quaestiones de Veritate›, III, a. 5, ad secundum, ed. Marietti, p. 71: materia proprie loquendo non habet essentiam, sed est pars essentiae totius

‹Summa Theologiae›, I, q. 115, a. 1, ed. Marietti, p. 539: sed hoc est materia prima quae est potentia pura.

Tommaso d’Aquino, ‹Quaestiones de Anima›, q. un., a. 12, ad 12, ed. Marietti, p. 327: materia prima est in potentia ad actum substantialem, qui est forma; et ideo ipsa potentia est ipsa essentia eius

Pro

Esplicite Aristotele, ‹Fisica› I, ‹De generatione et corruptione› I, ‹Metafisica› II e VII

p. 305: Quidam dixerunt materiam esse puram potentiam

Tesi generale : la materia è identica alla potenza

Aristotele, ‹Metafisica› VII, 7, 1032 b 14 ss.; VIII, 4, 1044 a 15 ss

Agostino, ‹Confessioni› XII, 20; XII, 7, 8, 12, 15, 21

Esplicite

(‹Respondeo›, pp. 304–311: quae sit ratio materiae)

Enrico di Gand, ‹Quodlibeta› I, q. 10, ed. Macken, p. 65: licet materia esse suum habet in composito, non tamen habet id quod est a forma, sed tantum esse eius, quod scilicet sit pars compositi. Et ideo forma est forma materiae, non autem causa formalis

Aristotele, ‹Metafisica› VII, 1, 1042 a, 24–b, 8 (Olivi: unde dicunt substantiam dici analogice de materia et forma et composito, p. 307)

Implicite

Contra

Q. XVI : « an in angelis et in omnibus substantiis intellectualibus sit compositio materiae et formae »

276 Anna Rodolfi

Ruggero Bacone, ‹Communia naturalium›, I, pars II, cc. 1–4 e c. 6, ed. Steel, pp. 50–64 e pp. 90–91 Bonaventura da Bagnoregio, ‹Commentarius in primum librum Sententiarum› I, d.33, a. un., q. 1, (Doctoris Seraphici Sancti Bonaventurae. . . Opera Omnia, I, p. 571b)

Egidio Romano, ‹Theoremata de corpore Christi›, Romae 1554, prop. 16 e 17, f. 10 (cit. in Macken (nota 29), p. 137, nota 23)

‹Commentarius in secundum librum Sententiarum› II, d. 12, q. 3, a. 1: Quidam moderni temporis dixerunt in scriptis suis materiam ut recipit formas, de re dicere aliquid in actu [… ] claro ergo clarius patet [… ] quod materia de se nullum actum importat, imo est secundum se pura privatio et carentia omnis

materiae sed solius compositi, (cf. Olivi, p. 310: [… ] Non etiam est intelligendum sic eam suscipere a forma esse simpliciter quod totum esse quod habet ab ea suscipiat, sed solum esse formale et non esse materiale)

Olivi e il dibattito sull’attualità della materia 277

actus. (cit. in König-Pralong [nota 20], p. 347)

Riccardo di Mediavilla: Non est res pure possibilis simpliciter, quamvis sit pure possibilis respectu formarum quae recipiuntur in ea (‹Commentarius in secundum librum Sententiarum› II, d. 12, a. 1, q. 1, p. 143, cit. in McAleer [nota 6], p. 162, nota 13) ‹De gradu formarum›: plus quam nihil (cf. ed. Zavalloni, p. 120)

Giovanni Pecham, ‹Quodlibet› IV, p. 174 (ed. Etzkorn) certum est quod materia sit alia essentia quam forma, cum materia et forma sint duo principia essentialiter differentia. [… ] Habet igitur actum essentiae incompletae ordinatum principaliter ad receptionem formarum.

278 Anna Rodolfi

Olivi, p. 310: nulli fideli debet esse dubium quin Deus ita cognoscat essentiam materiae per se

3)

Tommaso d’Aquino, ‹Quaestiones de Veritate› III, a. 5, ad primum in contrarium, p. 71: materia non procedit a Deo nisi in composito et sic ei idea, proprie loquendo non respondet

p. 306: Praeterea nihil potest fundari et stabiliri actualiter in eo quod de se nihil habet actualitatis; ergo nec potentia passiva nec forma aliqua poterit fundari in materia, si ipsa per se nihil habet actualitatis

2)

Alberto Magno, ‹Commentarius in primum librum Sententiarum› I, d. 36, a. 10, ed. Borgnet, p. 195: Absurdum est dicere, quod tu dicas Deum accipere cognitionem unius per alterum, sicut nos accipimus [… ]. Sine

Averroè, ‹De substantia orbis›, réimpr. Frankfurt a. M., vol. IX, c. 1, f. 3 K– M

Avicenna, ‹Metaphysica›, IV, c. 2: Non enim pura potentia videtur posse dici substantia nec quaedam pars principalis [… ] nec videtur posse dici fundamentum omnium [… ] immo secundum rationem videtur potius dicere aliquid in aliquo fundatum (ed. Van Riet, pp. 209–210)

Olivi e il dibattito sull’attualità della materia 279

Enrico di Gand, ‹Quodlibeta› I, q. 10, ed. Macken, p. 65

Bonaventura da Bagnoregio, ‹Commentarius in primum librum Sententiarum› I, d. 36, a. 3, concl., (Doctoris Seraphici Sancti Bonaventurae. . . Opera Omnia, I, p. 629): divinum exemplar esprimit rem secundum totum, alioquin non perfecte cognosceret; ergo quidquid est de re, habet exemplar; sed materia est de rei constitutione [… ] ergo [… ]

praeiudicio dico, quod Deus cognoscit materiam et facit immediate per ideam materiae

280 Anna Rodolfi

4) p. 317: [. . . ] unde qui hoc imaginatur videtur imaginari quod ipsa ratio potentiae subiciatur formis et recipiat esse ab eis, ita quod non eius essentia, et eodem modo quod ipsa ratio formae seu actus sic sit forma quod tamen non haec sit eius essentia; quae imaginatio sit ridiculosa Enrico di Gand, ‹Quodlibeta› I, q. 10, ed. Macken, p. 63: [… ] primo opertet excludere falsam imaginationem quam habent quidam de materia, videlicet quod nihil sit nisi potentia quaedam

Agostino, ‹Confessioni›, XII, 6

Olivi e il dibattito sull’attualità della materia 281

1)

Implicite

Pro

Esplicite Averroè, ‹In Metaphysicam› XII, summa 1, c. 2 (vol. VIII, f. 297rb): prima materia est una secundum subiectum et multa secundum habilitates

p. 356: Huic autem rationi videtur consentire Commentator, super XI Metaphysicae [… ]

Tesi generale : la potenza è un accidente della materia, ovvero un accidente reale Esplicite

Cf. in modo più generico: Bonaventura, ‹In Sent.› I, d. 26, q. 1, (Doctoris Seraphici Sancti Bonaventurae...Opera Omnia, I, p. 453): […] tamen nec materia est suus respectus nec forma, quia non habet omnimodam semplicitatem

Boezio di Dacia, ‹Quaestiones in libros Physicorum›, éd. Sajò, q. 35, p. 197, ad secundum: Commentator vocat potentiam habilitatem materiae ad formam [… ]

Implicite

Contra

Q. XVII: an potentia materiae addat aliquid realiter diversum ad essentiam eius

282 Anna Rodolfi

2)

Egidio d’Orléans, ‹Quaestiones super de generatione› I, 18, Utrum potentia materiae sit de essentia eius, éd. Kuksewicz, pp. 69–76: accidens

Sigieri di Brabante, ‹Quaestiones in Metaphysicam›, éd. Dunphy, p. 262, ll. 36–39: Materia autem est aliquid per se subsistens per rationem suam, et accidit ei respectus ad aliud; quare accidit ei potentia [… ] Et ex hoc apparet quod potentia est aliquid accidens substantiae materiae

p. 356: Quidam dixer[u]nt quod potentia sit accidens materiae

Alberto Magno, ‹Physica› I, 3, 13 (ed. Colon. IV/1, p. 63): [… ] potentia, qua subiectum esse potest, diversa est a materia. Sed non dicit rem, sed rationem, qua refertur ad formam

Olivi e il dibattito sull’attualità della materia 283

4)

3)

Sigieri di Brabante, ‹Quaestiones in Metaphysicam›, éd. Dunphy, p. 332: [… ] bene materia potest esse in potentia ad suam potentiam, qua potentia careat, licet non sit in potentia ad potentiam quam habet [… ] ita non erit procedere in infinitum, sicut arguebas, quia non est in potentia nisi ad potentiam qua caret

immediate consequens ab essentiam materiae, sicut risibile ad hominem (cit. in Fioravanti, ‹Magistri anonymi, Quaestiones in Physicam›, ms. Lipsia 1386 (in corso di stampa)) Averroè, ‹Physica› I, com. 70, éd. cit., f. 32r C p. 356: quaelibet forma, maxime substantialis, attingit totam essentiam suae materiae et tamen non attingit totam potentiam eius [. . . ]. p. 357: Si enim essent diversae [scilicet materia et potentia], tunc potentia esset recepta in essentia materiae […] et sic iretur ad infinitum (cf. anche q. XVI, pp. 313–314: si potentia ista esset accidens, cum omne accidens sit in alia receptum, adhuc oporteret dare aliud recipiens et

Boezio di Dacia, ‹Quaestiones in libros Physicorum›, éd. Sajò, q. 35, p. 196: si potentia materiae esset aliqua res addita materiae, tunc esset in potentiam ad potentiam, quia nihil est in materia nisi illud quod a materia fuerit in potentia, et ita erit processus in infinitum

284 Anna Rodolfi

6)

5)

aliam potentiam receptivam) p. 357: Oporteret etiam quod ipsa potentia esset quaedam forma, quia omne quod inhaeret materiae et quod determinat eam in aliquo modo est forma [… ] Nemo autem rationabiliter dicere potest quod potentia materiae sit forma p. 358: [. . . ] ita se habet materia ad suam possibilitatem sicut forma ad suam actualitatem et ita immediate materia refertur ad formam Tommaso d’Aquino, ‹Commentarius in primum librum Sententiarum› I, d. 3, q. 4, a. 2, ad 4, éd. Busa, p. 14:

Boezio di Dacia, ‹Quaestiones in libros Physicorum›, éd. Sajò, q. 35, p. 196: sicut potentia activa se habet ad formam, sic potentia passiva ad materiam

Boezio di Dacia, ‹Quaestiones in libros Physicorum›, éd. Sajò, q. 35, p. 196: Omnis res addita materiae aliqua forma est, vel substantialis vel accidentalis; sed potentia materiae non est forma

Olivi e il dibattito sull’attualità della materia 285

7)

Sigieri di Brabante, risponde a questa stessa obiezione, cf. ‹Quaestiones in Metaphysicam›, éd. Dunphy, p. 333: […] dico quod accidens quod est potentia materiae non est accidens reale quod in materia secundum esse precedat formam substantialem […]

p. 359: [… ] si potentia diceret aliquid concreatum ipsi materiae diversum ab ipsa, illud esset aut forma substantialis autem forma accidentalis. Nemo autem unquam posuit quod esset forma substantialis; si autem esset accidentalis, praecessit forma substantialis, et ita praecessit potentia ad formam substantialem [… ] quod nullus sanae mentis dicet

[… ] hoc modo se habet materia prima, quae est primum recipiens, ad potentiam passivam, sicut se habet Deus, qui est primum agens, ad potentiam activam Tommaso d’Aquino, ‹De spiritualibus creaturis›, q. un., a. 11, ad 15, éd. Marietti, p. 412: [… ] materia prima est idem quod sua potentia. Non enim potest dici quod potentia materiae sit accidens eius; quia sic accidens praeexisteret formae substantiali [… ] ita relinquitur quod potentia materiae sit ipsa essentia materiae

286 Anna Rodolfi

10)

9)

8)

Sigieri di Brabante, ‹Quaestiones in Metaphysicam›, éd. Dunphy, p. 248, 37–55: Quod autem materia non sit essentialiter in potentia, manifeste apparet ex

Bonaventura da Bagnoregio, ‹In Sent.› I, d. 3, a. 1, q. 3, (Doctoris Seraphici Sancti Bonaventurae. . . Opera omnia, I, p. 84): [. . . ] materia non est sua potentia per essentiam [… ] tamen ipsa potentia materiae essentialis ipsi materiae

Aristotele, ‹Fisica› III, 1, 201 a 35 ss.

p. 360: [. . . ] materia non habet plures potentias passivas essentiales inter se differentes, sed in essentia sua includuntur rationes plurium potentiarum absque omni diversitate reali; alias sequeretur quod potentiae actu infinitae essent in ea p. 360: [… ] in materia dicuntur esse plures potentiae propter hoc solum, quia ipsa est per suam essentiam possibilis ad

p. 359: Si autem aliquis dicat quod partim est eadem cum essentia materiae, partim diversa [… ]

Tommaso d’Aquino, ‹In octo libros Physicorum› I, lect. 14, n. 131, p. 67: [… ] potentia materiae subiecto est una respectu multarum formarum; sed

Boezio di Dacia, ‹Quaestiones in libros Physicorum›, éd. Sajò, q. 36a, p. 198: omnes potentiae quae sunt in materia, simul sunt. Si igitur potentiae materiae essent infinitae, infinita essent simul

Olivi e il dibattito sull’attualità della materia 287

11)

Averroè, ‹In Physicorum libros› I, 41D: [… ] si potentia esset in substantia eius, tunc substantia eius corrumperetur apud generationem, et esset in

dicto Aristotelis III Physicorum: dicit enim quod, cum aes sit aes in potentia statua, alia ratio est aeris secundum quod aes et secundum quod in potentia statua […]

pp. 362–363: Si autem ultra hoc aliquis obiciat quod adveniente forma ad quam prius materia

plures formas absque omni diversitate reali [… ]

Boezio di Dacia, ‹Quaestiones in libros Physicorum›, éd. Sajò, q. 35, p. 196: Item, potentia corrumpitur,

Boezio di Dacia, ‹Quaestiones in libros Physicorum›, éd. Sajò, q. 35, p. 197: [… ] una substantia materiae comparata ad plures formas dicitur multae potentiae, unde Aristoteles: id quod est unum, multae potentiae passivae in materia non sunt nisi una substantia relata ad multas formas

ratione sunt multae potentiae secundum habitudinem ad diversas formas. Unde in tertio huius dicetur quod posse sanari et posse infirmari differunt secundum rationem

288 Anna Rodolfi

predicamento ad aliquid, non in predicamento substantiae. Ex his igitur patet quod istud subiectum est substantia non potentia erit in potentia destruitur ipsa potentia, essentia materia remanente, quia modo non est in potentia ad formam, sed potius habet eam in actu, quod fieri non posset, si potentia esset penitus eadem cum essentia materiae: dicendum quod essentia potentiae quam ante adventum formae habebat tota remanet post adventum formae, sed solum ordo et habitudo eius variatur, quia ordinatur ad formam ut ad absentem, modo vero ut ad presentem [… ] tum per adventum formae huius potentiae sola negatio tollitur Commentator, substantia materiae manet; ergo potentia est aliquid additum materiae. p. 197 (risposta): Commentator vocat potentiam habilitatem materiae ad formam, et hoc modo accipit Aristoteles potentiam libro Perihermeneias. Quod potentia coniuncta est actui aliquando vocat potentiam habilitatem materiae: cum carentia formae inducitur. Et huiusmodi potentia praecedit actum; de secunda potentia intelligitur quod potentia corrumpitur, quia apud generationem formae corrumpitur ipsa carentia

Olivi e il dibattito sull’attualità della materia 289

Agostino ‹Confessioni› XII, c. 29

p. 365: Quibusdam autem aliis videtur

Tommaso d’Aquino, ‹Quaestiones quodlibetales› III, q. 1, a. 1, resp.,

2)

Esplicite p. 365: Quibusdam enim videtur quod sic, pro eo quod supponunt quod esse formale sit aliud ab essentia formae et ita quod sit quidam effectus ab ipsa manans in materiam, cum autem Deus possit facere effectus causarum secundarum sine ipsis [… ]

Implicite

Tesi generale : Dio non può creare la materia indipendemente dalla forma

1)

Pro

Esplicite

Enrico di Gand, ‹Quodlibeta› I, q. 10, éd. Macken, p. 65

Implicite

Contra

Q. XIX: an Deus possit facere esse materiam sine omni forma

290 Anna Rodolfi

3)

Bonaventura, ‹In Sent.› II, d. 3, a. 1, q. 1, (Doctoris Seraphici Sancti Bonaventurae. . . Opera Omnia, I, p. 91)

Egidio Romano, ‹Apologia›, éd. Wielockx, p. 59, art. 47 Tommaso d’Aquino, ‹Quaestiones quodlibetales› III, q. 1, a. 1, resp., éd. Marietti, p. 40: [… ] quia Deus potest producere omnes actus secundarum causarum absque ipsis causis secundis, potest conservare in esse accidens sine subiecto. Sed materia secundum esse suum actuale dependet a forma in quantum forma est ipse actus eius; unde non est simile

éd. Marietti, p. 40: Dicere ergo quod materia sit in actu sine forma, est dicere contradictoria esse simul; unde a Deo fieri non potest quod ponere materiam in esse absque forma implicet in se contradictionem, et sic quod Deus hoc non possit, quia hoc posse non esset posse p. 369: Quando autem ab istis quaeritur quare per miraculum potest Deus facere formam sine materia, sicut facit in sacramento eucharistiae, potius quam materiam sine forma, cum non minus videatur forma dependere a materia quantum ad subsistentiam sui esse quam materia a forma: respondent quod nulla res potest aliquo modo esse sine aliquo modo essendi determinato; esse Giovanni Peckham, ‹Quodlibet romanum›, q. 1, éd. Etzkorn, p. 175, n. 7: Deus [. . . ] omnia essentialiter diversa potest separare, cum eiusdem sit componere et dividere, posset ergo si vellet facere materiam esse sine omni forma, multoque magis est hoc possibile quam accidentia, quorum esse est in subiecto esse, esse sine subiecto. Ratio autem quare potest facere accidentia sine subiecto est quia accidentia plus dependent a Deo qui est causa prima, quam a subiecto quod est eorum

Olivi e il dibattito sull’attualità della materia 291

4)

Tommaso d’Aquino, ‹Quaestiones de Potentia› IV, a. 1, ad 3, éd. Marietti, p. 33: si Deus faceret ens in potentia tantum, minus faceret quam natura, quae fecit ens in actu

p. 369: Negant etiam isti quod [… ] addentes quod hoc dicere est in fide periculosum

enim actuale eo ipso quo est actuale est aliquod esse speciale [… ] ideo non est contra rationem ipsius esse actualis formam fieri sine materia Guglielmo de la Mare, ‹Correctorium fratris Thomae›, éd. Glorieux, p. 409: [… ] Accidens plus dependet a subiecto quam materia a forma [… ] Sed Deus immo facit accidens esse sine subiecto ut patet in sacramento altaris. Ergo potest facere materiam sine forma Enrico di Gand, ‹Quodlibeta› I, q. 10, pp. 66–67: Unde qui modo negant materiam Dei actione posse stari sine materia, nisi esset clarum quod fide tenendum est quod accidentia subsistunt sine subiecto in sacramento altaris, multo magis negarent Dei actione accidens posse stare sine subiecto

causa secunda [… ]

292 Anna Rodolfi

5)

Tommaso d’Aquino, ‹Quaestiones quodlibetales› III, q. 1, a. 1, resp., éd. Marietti, p. 40: Dicere ergo quod materia sit in actu sine forma, est dicere contradictoria esse simul; unde a Deo fieri non potest

p. 370: [… ] mihi enim sufficit hoc tenere quod si in hoc contradictio non implicatur, Deus hoc potest, si autem implicatur, Deus hoc non potest Guglielmo de la Mare, ‹Correctorium fratris Thomae›, éd. Glorieux, p. 410: Ad illud de contradictione, dicendum quod implicat contradictionem potest intellegi dupliciter, scilicet simpliciter secundum omne tempus [… ] aut secundum cursum naturalem qui est nunc in rebus [… ] illud quod implicat contradictionem secundo modo scilicet tantum ut nunc, Deus potest bene facere

Olivi e il dibattito sull’attualità della materia 293

La materia come ens in potentia tantum. Tra la posizione di Sigieri di Brabante e la critica di Pietro di Giovanni Olivi Antonio Petagine (Milano)

I. Premessa L’opportunità di accogliere, in una sede come questa, uno studio sulla concezione della materia in Sigieri di Brabante può essere riconosciuta sotto diversi punti di vista. Certamente infatti possiamo affermare che non solo in ambito psicologico-noetico, ma anche in quello fisico l’insegnamento di Sigieri esercitò un’indubbia influenza in ambiente 1 parigino, a cavallo tra i secoli XIII e XIV. Inoltre, Pietro di Giovanni ___________________ 1

Cf. Donati, Silvia, Commenti parigini alla Fisica degli anni 1270–1300 ca, in: Die Bibliotheca Amploniana. Ihre Bedeutung im Spannungsfeld von Aristotelismus, Nominalismus und Humanismus, éd. Andreas Speer (Miscellanea Mediaevalia 23), Berlin/New York 1995, pp. 136–256, vedi p. 219. Fondamentale, per conoscere in modo sempre più puntuale l’insegnamento di Sigieri in ambito fisico e metafisico, è stato il lavoro di edizione dei suoi testi, che proprio negli ultimi decenni ha messo a disposizione degli studiosi – ex novo o rieditando – parti importanti del suo insegnamento. Cf. Zimmermann, Albert, Les ‹Quaestiones in Physicam› de Siger de Brabant, in: Siger de Brabant, Écrits de logique, de morale et de physique, éd. Bernardo Bazán, Louvain/Paris 1974, pp. 141–184; Siger de Brabant, ‹Quaestiones in Metaphysicam›. Édition revue de la reportation de Munich (d’ora in poi rep. M). Texte inédit de la reportation de Vienne (d’ora in poi rep. V), éd. William Dunphy, Louvain-la-Neuve 1981; Siger de Brabant, ‹Quaestiones in Metaphysicam›. Texte inédit de la reportation de Cambridge (d’ora in poi rep. C). Édition revue de la reportation de Paris (d’ora in poi rep. P), éd. Armand Maurer, Louvain-la-Neuve 1983; tra il materiale più recentemente edito, si può aggiungere l’edizione delle questioni sulla ‹Fisica› contenute nel manoscritto parigino BnF Lat. 16297, ff. 70va–73va, ff. 76ra–76vb, pubblicata nel 2006 da Coccia e Calma: Calma, Dragos, Emanuele Coccia, Un

296

Antonio Petagine

Olivi mostra di avere ben presente i dibattiti che negli anni Settanta del tredicesimo secolo avevano avuto per protagonisti teologi e maestri delle 2 arti, inserendovisi direttamente. Nel caso specifico della concezione della materia, la considerazione delle dottrine sigieriane appare un tassello importante per ricostruire il contesto speculativo entro cui Olivi si è mosso, come suggerisce già solo lo spazio dedicato dal maestro francescano alla confutazione della tesi – che Sigieri ha certamente sostenuto – secondo cui la potenza va 3 considerata un accidente della materia. Ciò che in questo nostro contributo vorremmo fare emergere della posizione di Sigieri è il caratteristico punto di osservazione che egli offre sulla tesi secondo cui la materia è un ens in potentia tantum. Nella questione XVI sul secondo libro delle ‹Sentenze›, Olivi spiega che coloro che la sostengono inseriscono certe espressioni di Aristotele in un quadro speculativo retto da ben determinate opzioni, quali l’identificazione di forma e atto, l’impossibilità che la materia esista senza la forma, l’inconoscibilità della materia se non per analogia alla forma, la peculiare 4 semplicità che alla materia bisogna pur sempre riconoscere. Nel sintetico ed efficacissimo profilo che Olivi fornisce, si possono così scorgere i ___________________

2

3

4

Commentaire inédit de Siger de Brabant sur la ‹Physique› d’Aristote (Ms. Paris, BnF, Lat. 16297), in: Archives d’Histoire Doctrinale et Littéraire du Moyen Âge 73 (2006), pp. 283–349. In particolare, si osservino gli argomenti avanzati a favore della paternità sigieriana dell’insegnamento ivi riportato e lo status quaestionis in merito agli altri commentari, inediti o meno, potenzialmente attribuibili a Sigieri: ibid., pp. 284–293, 295–317. Come osserva Piron, va certamente superato il cliché storiografico che spinge a porre i pensatori francescani ai margini della cosiddetta «crisi averroista». Cf. Piron, Sylvain, Olivi et les averroïstes, in: Les sectatores Averrois. Noétie e que et cosmologie aux XIII –XIV siècles, éd. Dragos Calma, Emanuele Coccia, Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie 53, 1/2 (2006), pp. 251–309. Cf. Petrus Johannis Olivi, Quaestiones in secundum librum Sententiarum, q. XVII, ed. Bernardus Jansen (Bibliotheca Franciscana scolastica Medii Aevi 4), Quaracchi 1922, pp. 356–359; che Sigieri fosse una delle principali voci del contesto entro cui Olivi si è mosso è stato segnalato in Suarez-Nani, Tiziana, Introduction à Pierre de Jean Olivi, La matière. Textes introduits, traduits et annotés par Tiziana Suarez-Nani, Catherine König-Pralong, Olivier Ribordy et Andrea Robiglio (Translatio. Philosophies médiévales) Paris 2009, pp. 30–31, vedi anche ibid., pp. 254–255. Cf. Petrus Johannis Olivi (nota 3), q. XVI, respondeo, p. 305.

La materia come ens in potentia tantum

297

principali aspetti di una linea esegetico-speculativa che trova senz’altro la sua matrice tra le pagine di Alberto Magno e di Tommaso d’Aquino. Come emergerà dalle pagine seguenti, Sigieri ha certamente collocato la propria concezione della materia su questa linea, ma ha anche fatto valere, ora nei confronti di Tommaso, ora di Alberto, istanze critiche che si possono riscontrare anche nella pagina oliviana, istanze che però il maestro francescano ha utilizzato in favore di un’opzione che Sigieri non avrebbe potuto condividere: quella di superare il «dogma» dell’impossibilità di attribuire alla materia una qualunque attualità.

II. La materia, subiectum in potenza: Alberto Magno Aristotele considera la materia sia come il soggetto primo nel divenire sostanziale, sia come principio costitutivo, strutturale e strutturante, 5 insieme alla forma, della sostanza in atto. Nel primo libro della ‹Fisica›, lo Stagirita giunge al concetto di materia istituendo un’analogia tra il divenire sostanziale e quello accidentale: come nel caso dell’uomo non musico che diventa musico e come in quello della statua che viene prodotta con il bronzo, così anche per la generazione, che è venire all’essere di una nuova sostanza, è necessario che ci sia un soggetto che 6 sottostà al divenire. Nella linea aristotelica che Alberto, Tommaso e Sigieri condividono, è proprio per poter svolgere tale compito che la materia deve essere ente «solamente» in potenza. E questo per due ragioni fondamentali. Innanzitutto, l’elargizione dell’essere e la trasmissione dell’atto sono 7 compito specifico della forma. In secondo luogo, per potere davvero ___________________ 5

6

7

Cf. Aristoteles, Physica, l. 1, cc. 7–9, éd. Immanuel Bekker, Berlin 1831, 189 b 30 – 192 b 4; id., Metaphysica, l. 7, c. 3, éd. Bekker, Berlin 1831, 1029 a 2– 26; ibid., l. 8, c. 1, éd. Bekker, 1042 a 27–28; id., De generatione et corruptione, l. 1, cc. 2–4, éd. Bekker, Berlin 1831, 315–320. Cf. id., Physica, l. 1, c. 7, 189 b 30 – 191 a 22; id., Metaphysica, l. 8, c. 1, 1042 a 32 – 1042 b 8; id., De generatione et corruptione, l. 1, c. 4, 319 b 25 – 320 a 5. Cf. Albertus Magnus, Summa de creaturis, I, tr. 1, q. 2, a. 1, solutio, éd. S. C. A. Borgnet (B. Alberti Magni Opera omnia 35), Paris 1895, pp. 320–321; ibid., tr. 1, q. 2, a. 2, ad difin. 3, ad 1, p. 325; id., Metaphysica, l. 7, tr. 1, c. 5, éd. Bernardus Geyer (Alberti Magni Opera Omnia 16/I–II), Münster i. W. 1960–1964, p. 324, ll. 73–80; ibid., l. 1, tr. 4, c. 10, p. 60, ll. 24–27; Thomas de

298

Antonio Petagine

ricevere tutti gli atti e tutte le forme sostanziali, la materia non può 8 esserne o possederne previamente nessuno. 9 Riprendendo l’esegesi aristotelica di Averroè, Alberto ritiene che, per potere fungere da sostrato del divenire, la sostanza della materia non possa identificarsi con la sua potenza alla forma. Sostenere il contrario, infatti, significherebbe porre una palese confusione tra l’essere in potenza 10 qualcosa e l’essere la potenza di qualcosa. In quanto fondamento dell’essere sensibile, la materia sostiene, riceve e sottostà; in quanto invece è in potenza alla forma, essa si costituisce come sostrato del 11 movimento. È la materia a possedere la vis substandi e a trasmetterla al ___________________ Aquino, De ente et essentia, c. 2, éd. Fratrum Praedicatorum (Opera omnia iussu Leonis XIII P. M. edita 43), Roma 1976, pp. 367–381, vedi p. 370, ll. 31–35; id., Quaestiones disputatae De veritate, q. 9, a. 3, ad 6, éd. Fratrum Praedicatorum (Opera omnia iussu Leonis XIII P. M. edita 22), p. 286, ll. 153–166; ibid., q. 28, a. 7, responsio, p. 840, ll. 146–150; id., Quaestiones disputatae De anima, q. 9, responsio, éd. Bernardo Carlos Bazán (Opera omnia iussu Leonis XIII P. M. edita 24/1), pp. 79–80, ll. 141–154; id., Quaestiones disputatae De spiritualibus creaturis, a. 3, responsio, éd. J. Cos (Opera omnia iussu Leonis XIII P. M. edita 24/2), Roma/Paris 2000, pp. 38– 39, ll. 231–238; Siger de Brabant (nota 1), rep. C, l. 5, q. 5, p. 199, ll. 27–32. 8 Cf. Albertus Magnus, Summa de creaturis (nota 7), I, tr. 4, q. 72, p. 738; Thomas de Aquino, De veritate (nota 7), q. 10, a. 8, respondeo, p. 322, ll. 261–269; Siger de Brabant (nota 1), rep. C, l. 2, qq. 14 e 15, pp. 58–61; Averroes, Commentarium magnum in Aristotelis Physica, l. 1, comm. 70, in: Aristotelis Opera cum Averrois Commentariis, IV, Venezia 1562, f. 41 E. 9 Cf. ibid., f. 41 C–G; Perez-Estevez, Antonio, La materia en Averroes (1126– 1198). En el 800 aniversario de la muerte del Cordobés Ibn Rush o Averroes, in: Anales del Seminario de Historia de la Filosofia 15 (1998), pp. 199–221, spec. pp. 203–215; Rodolfi, Anna, Il concetto di materia nell’opera di Alberto Magno (Corpus Philosophorum Medii Aevi. Testi e studi 18), Firenze 2004, pp. 185–190. 10 Albertus Magnus, Summa de creaturis (nota 7), I, tr. 1, q. 2, a. 4, solutio, p. 330; id., Physica, l. 1, tr. 3, c. 13, éd. Paul Hossfeld (Alberti Magni Opera Omnia 4/I–II), Münster i. W. 1987–1993, p. 62, ll. 90–92. Come nota Rodolfi, nella ‹Fisica› la distinzione tra potenza e sostanza della materia viene utilizzata da Alberto anche per distinguere, contro David di Dinant, il senso per cui la materia è semplice da quello per cui la semplicità è attribuibile solo a Dio. Cf. Rodolfi (nota 9), p. 64. 11 In his autem omnibus est commune accipere, quod id quod est potentia aliquid et non actu, dicitur materia, cum sit potentia sic, quod recipiat id quod fit ex ipso, vel habeat illud ut subiectum vel mutetur ad ipsum. Et ideo mate-

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composto, rendendo la sostanza sensibile a sua volta soggetto degli accidenti; è dunque specificatamente ratione subiecti che la materia è un 12 certo primum. Nell’economia della concezione albertina, la condizione di fondamento ultimo e di soggetto primo è quella che coincide con il livello ontologico di massima imperfezione e indeterminatezza. Segnalando che su questo punto Agostino e Aristotele concordano, Alberto spiega che il fondamento è ciò che possiede il modo più povero di essere, prope nihil: è infatti ciò che è manchevole, indeterminato e imperfetto che possiede l’appetito verso ciò che dona essere e perfezione, 13 sottostando alla sua ricezione e alla sua attualizzazione. Alberto avverte che si può però rischiare di non comprendere adeguatamente queste cose se si concede terreno alle posizioni di David di Dinant e dei platonici. Il primo, seguendo gli antichi filosofi naturalisti e abbracciando la tesi «epicurea» promossa – per quel che gli risulta – da Alessandro di Afrodisia, è giunto ad identificare il fondamento e il primum subiectum con Dio, affibbiando così a ciò che è «essere» nel modo più proprio e più ricco i caratteri di ciò che lo è nel modo più povero e meno perfetto. Substare e fare esistere sono compiti differenti, che dipendono da principi differenti: proprio perché desideroso di ___________________ ria est subiectum mutationis per hoc quod est in potentia, et fundamentum rei per hoc quod est suscipiens et habens et substans. Et per haec et similia satis potest cognosci materia, Albertus Magnus, Metaphysica (nota 7), l. 5, tr. 1, c. 3, p. 215, ll. 81–88; cf. anche id., Physica (nota 10), l. 1, tr. 3, c. 9, p. 55, ll. 19– 50. 12 Cf. Albertus Magnus, Metaphysica (nota 7), l. 1, tr. 4, c. 8, p. 58, ll. 58–59; ibid., l. 5, tr. 2, c. 1, p. 236; ibid., l. 7, tr. 1, c. 5, pp. 322–323; ibid., l. 7, tr. 1, c. 3, p. 319; cf. anche id., Summa de creaturis (nota 7), I, tr. 1, q. 2, ad difin. 1, ad 1, p. 323; ibid., ad 2–5, p. 324; id., Physica (nota 10), l. 1, tr. 3, c. 11, pp. 57–58; ibid., l. 5, tr. 1, c. 5, p. 406; id., De generatione et corruptione, l. 1, tr. 2, c. 6, éd. Paul Hossfeld (Alberti Magni Opera Omnia 5/II), Münster i. W. 1980, pp. 138–139. 13 Ad hoc quod objicitur ex verbis suis in libro Confessionum, dicendum quod ipse capit ibi ante et post fieri secundum ordinem naturae, quo fundamentum naturae est ante omnia fundata in ipso. Fundamentum autem, ut dicit Philosophus, neque quale, neque quantum est, neque habens aliquam formam: et ideo est in potentia sola, et secundum rationem: et hanc rationem prosequitur Augustini, Albertus Magnus, In II librum Sententiarum, d. 12, B, a. 1, ad 4, éd. S. C. A. Borgnet (B. Alberti Magni Opera Omnia 27), Paris 1894, p. 233.

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perfezione e compimento, ciò che fa da soggetto va associato a ciò che è 14 imperfetto e incompiuto. Pensare quindi che il fungere da soggetto di tutte le cose si identifichi con il fare esistere tutte le cose è, secondo Alberto, un abbaglio clamoroso. Quanto invece alla posizione platonica, essa ha la grave pecca, già messa in luce da Aristotele, di non avere riconosciuto la privazione e di avere concepito la materia come un certo materiale in atto, rendendosi incapace di stabilire adeguatamente il rapporto che la materia ha con le forme e, in ultima analisi, con Dio 15 stesso. Il modo in cui, nel primo libro della ‹Fisica›, Aristotele è giunto al concetto di materia, estendendo cioè analogicamente alla generazione la triade soggetto-privazione-forma con cui si descrive il divenire accidentale e la produzione artificiale, sembra sollevare una seria questione: tanto il soggetto del divenire accidentale, quanto il «materiale» del prodotto artificiale possono essere soggetti delle forme ___________________ 14 Materia autem sive hyle pauperrima est omnino, nihil de esse largiens, cum totum esse sit effectus formae, et avara est, omnia suscipiens, et turpis, omnibus indigens. Et quod ulterius [Xenophanes] inducit, eam in omnibus dare, quod sunt, omnino falsum est, quia hoc dat forma per hoc quod est aliquid de esse divino; fundamentum tamen est, in quo recipitur et fundatur esse et contrahitur ad hoc quod sit esse huius, secundum quod est hoc, et hoc est pauperitatis et particularitatis ipsius, Albertus Magnus, Metaphysica (nota 7), l. 1, tr. 4, c. 8, p. 58, ll. 29–38. Cf. anche ibid., l. 7, tr. 1, c. 5, pp. 323–325; id., Summa de creaturis (nota 7), I, tr. 1, q. 2, ad difin. 3, ad 1, p. 325; sull’impossibilità schiettamente «fisica» per la quale la materia prima non può esistere senza forma corporea, cf. id., Metaphysica (nota 7), l. 5, tr. 2, c. 3, pp. 238–239. 15 Per un’analisi della critica di Alberto a David di Dinant e a Platone, con rimandi alla bibliografia sull’argomento, mi permetto di rinviare direttamente al mio: Petagine, Antonio, Aporie del subiectum. La critica di Alberto Magno alle concezioni della materia di David di Dinant e di Platone, in: Rivista di Filosofia Neoscolastica 99 (2007), pp. 609–654. Per la concezione delle correnti della filosofia greca esibita da Alberto Magno nelle sue opere, cf. De Libera, Alain, Épicurisme, stoïcisme, péripatétisme. e e L’histoire de la philosophie vue par les Latins (XII –XIII siècle), in: Perspectives arabes et médiévales sur la tradition scientifique et philosophique grecque. Actes du Colloque de la SIHSPAI (Société internationale d’histoire des sciences et de la philosophie arabes et islamiques). Paris, 31 mars – 3 avril 1993, a cura di Ahmad M. Hasnawi, Abdelali Elamrani-Jamal, Maroun Aouad (Orientalia Lovaniensia Analecta 79), Leuven/Paris 1997, pp. 343– 364.

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sopravvenienti proprio perché possiedono già quel certo atto che permette loro di essere in potenza alla nuova forma, ma non a se stessi. È chiaro infatti che non si può dire che sia l’essere in potenza alla statua che permette al bronzo (in potenza) di essere bronzo (in atto); così pure il passaggio da uomo non musico a musico è possibile perché il soggetto è già uomo secondo l’atto sostanziale, secondo un atto cioè che lo rende in grado di sottostare ad una tale forma di cambiamento. Come fa dunque la materia ad essere quel certo hoc aliquid che si trovi in potenza a questa o a quella forma, ma non a se stessa, se è ente soltanto in potenza? Alberto pretende di superare questa difficoltà legando il principio aristotelico della privazione all’inchoatio formae. Nella materia è presente un orientamento alla forma che le è sì intrinseco, ma che non potrebbe possedere semplicemente in forza della propria sostanza. Esso le deriva piuttosto dal fatto di essere strutturalmente e indissolubilmente mescolata a qualcosa di imparentato con l’atto e con la forma: tale è la 16 privazione. In altri termini, la materia può essere sostrato del divenire perché ha già in sé qualcosa della forma, qualcosa che certamente non è ancora la forma in atto, ma che è pur tuttavia imperfettamente, 17 potenzialmente, confusamente la forma stessa. Il possesso di una tale attualità incipiente consente di giustificare il fatto che la materia si costituisce come principio sostanziale di un ente sì composto, ma genuinamente unico, perché si trova in potenza a quella 18 stessa forma che, incoata, essa possiede già; consente anche di spiegare ___________________ 16 Nihil appetit aliud nisi per similitudinem incompletam, quam habet ad ipsum. Et ideo appetit compleri per transmutationem ad ipsum, quod appetit; licet enim ens completum salvari appetat, tamen appetitus transmutationis non est nisi incompleti. Et ideo talis appetitus est materiae, quae per mixturam privationis cum ipsa formae habet inchoationem, ad quam transmutari desiderat, Albertus Magnus, Physica (nota 10), l. 1, tr. 3, c. 16, p. 72, l. 92 – p. 73, l. 6. Privationes autem relinquuntur subiectum cum aptitudine. Aptitudo autem dicit habitus et formae confusam incohationem, quod non convenit materiae secundum esse materiae, sed potius per hoc quod aliquid accidit ipsi de esse formae quod est in ipsa, id., Metaphysica (nota 7), l. 7, tr. 1, c. 5, p. 234. Cf. anche id., Physica (nota 10), l. 1, tr. 3, c. 9, pp. 54–55; ibid., c. 14, p. 67; id., De generatione et corruptione (nota 12), l. 1, tr. 1, c. 19, p. 127; ibid., l. 1, tr. 1, c. 30, pp. 135–136. 17 Cf. Albertus Magnus, Physica (nota 10), l. 1, tr. 3, c. 15, p. 68, ll. 63–71; id., De generatione et corruptione (nota 12), l. 1, tr. 1, c. 22, p. 130. 18 Constat […] materiam non esse subiectum nisi per aliquid formae, quod inchoative est in ipsa; hoc autem est esse formae in potentia; esse igitur formae

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l’affinità tra materia e genere e il fatto che la materia possa essere 20 conosciuta solo per analogia rispetto alla forma. Così, per quanto sia il nostro intelletto a distinguere, nella materia, tra sostanza e potenza, tuttavia questa distinzione poggia su un fondamento in re, che proprio il 21 legame tra privazione e incoazione della forma giustifica. Alberto appare quindi ben convinto che la tensione e l’attitudine che la materia possiede nei confronti della forma non potrebbero darsi se la privazione si identificasse con la semplice carenza di forma nel soggetto. La distinzione tra sostanza e potenza della materia, il riconoscimento alla materia della ragione propria di subiectum e il legame tra privazione e inchoatio formae sono tesi così strettamente interconnesse che è solo attraverso il loro inscindibile legame che Alberto ritiene di avere raggiunto tanto la corretta esegesi della posizione peripatetica, quanto la verità in merito al modo in cui la materia è sostrato primo del divenire sostanziale e ad un tempo, insieme alla forma, principio costitutivo della sostanza in atto. Le soluzioni che forniranno Tommaso e Sigieri si allontaneranno del tutto (Tommaso) o in parte (Sigieri) da questa sintesi albertina. Infatti, come aveva notato già Nardi, Tommaso giustificherà la natura potenziale della materia con argomenti che vanno nella direzione opposta rispetto a ___________________ et in potentia esse sunt unius iterati, quia esse formae, qualecumque sit, materiae dat unitatem et esse tale quale competit materiae, quando non est actu per formam. Esse autem tale, in eo quod tale, non est nisi simplicis unius. Potentialitas autem ipsius est ex hoc quod cum privatione permixtum est, Albertus Magnus, Metaphysica (nota 7), l. 1, tr. 4, c. 2, p. 49, ll. 33–43. Apud me omnis potentiae causae est privatio, et quod non subjacet privationi, tantum habet de potentia et non plus: et ideo dicit Philosophus quod generabilium et incorruptibilium non est materia una, nec genus unum: cum tamen utrorumque sit materia et genus, sed non unius rationis, id., In II librum Sententiarum (nota 13), d. 1, A, a. 4, p. 14. 19 Cf. id., Metaphysica (nota 7), l. 5, tr. 6, c. 10, p. 291, ll. 46–52. 20 Cf. ibid., l. 3, tr. 3, c. 11, p. 149, ll. 71–77; id., Physica (nota 10), l. 1, tr. 3, c. 15, p. 70, ll. 6–21. 21 Cf. id., Metaphysica (nota 7), l. 11, tr. 1, c. 7, pp. 467–468; id., Physica (nota 10), l. 1, tr. 3, c. 13, p. 63, ll. 80 e ss. Su questa linea, cf. Hossfeld, Paul, ‹Erste Materie› oder ‹Materie im Allgemeinen› in den Werken des Albertus Magnus, in: Albertus Magnus – Doctor Universalis. 1280/1980, éd. Gerbert Meyer, Albert Zimmermann (Walberberger Studien. Philosophische Reihe 6), Mainz 1980, pp. 205–234, vedi p. 215.

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quella intrapresa dal proprio maestro. Per quel che riguarda Sigieri, anche noi, come ha già fatto Anna Rodolfi, non potremo che riconoscere una fondamentale continuità tra la sua concezione della materia e quella 23 di Alberto. Tuttavia nemmeno Sigieri intenderà seguire del tutto il maestro coloniese, rifiutando anch’egli, con ragioni simili a quelle di Tommaso, la dottrina dell’inchoatio formae e approdando così ad una concezione della materia irriducibile a quella di entrambi i teologi domenicani.

III. Materia e funzione di soggetto: Tommaso d’Aquino In un recente articolo, Snyder ha criticato lo schema interpretativo di Nardi, il quale avrebbe esagerato la distanza tra la concezione della 24 materia di Alberto e quella di Tommaso. A noi sembra che, per quanto non si possa negare che Alberto e Tommaso condividessero quella medesima linea esegetico-speculativa che fa della materia in sé un ente soltanto in potenza, non si possa però trascurare il fatto che siano state oggetto di un fermo e costante rifiuto da parte di Tommaso proprio quelle tesi appena richiamate che, nell’ottica di Alberto, sono irrinunciabili per giungere ad una corretta visione della materia. Secondo l’Aquinate, infatti, l’apparentamento tra privazione e inchoatio formae è provocato dalla confusione tra la potenzialità passiva e quella attiva, che non può in alcun modo essere ricondotta alla materia qua talis. Per quanto infatti intenda mantenere fede all’istanza aristotelica secondo la quale la materia coopera efficacemente al divenire, Tommaso non accetta di concludere che tale cooperazione dipenda dall’intrinseca presenza nella materia di un qualche embrionale principio attivo. Al ___________________ 22 Nardi, Bruno, Studi di Filosofia Medievale (Storia e Letteratura 78), Roma 1960, pp. 81–85, 96–98. 23 Cf. Rodolfi (nota 9), p. 192. Sul carattere «averroistico» della dottrina di Sigieri, cf. Hödl, Ludwig, Die «averroistische» Unterscheidung zwischen Materie und Möglichkeit in den naturphilosophischen Schriften des Siger v. Brabant, in: Actas del V Congreso Internacional de filosofia medieval, vol. 2, Madrid 1979, pp. 831–841. 24 Cf. Snyder, Steven C., Albert the Great, Inchoatio Formae, and the Pure Potentiality of Matter, in: American Catholic Philosophical Quarterly 70 (1996), pp. 63–82, spec. pp. 65–72.

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contrario, è proprio perché non potrebbe esserci divenire senza un principio schiettamente passivo che sottostia all’avvento della forma, che 25 la cooperazione della materia risulta indispensabile. Chi pensa altrimenti non solo non ha ben chiaro in che cosa consista la causalità propria dei principi attivi, ma manca anche il bersaglio: ogni cosa infatti è attiva per il proprio atto; se la forma inchoata non è atto, ma soltanto un’attitudine ad esso, come potrà essere in grado di cooperare attivamente alla generazione sostanziale? Se poi, spiega Tommaso, per non cadere in questo inconveniente si sostenesse che la forma inchoata è già in qualche modo un atto e non solo un’attitudine ad esso, allora a rigore si dovrebbe riconoscere che viene chiamata inchoata una forma che in realtà, come potrebbe dire un Anassagora, è soltanto latente: anche in questo caso, la generazione non sarebbe una vera produzione, un genuino passaggio dalla potenza all’atto, ma soltanto una più piena manifestazione di ciò che nella materia c’è già, conclusione che Aristotele 26 non avrebbe mai accettato. ___________________ 25 Cf. Thomas de Aquino, In II Sententiarum, d. 18, q. 1, a. 2, solutio, éd. Pierre Mandonnet, Paris 1929, pp. 451–453; id., Commentaria in octo libros Physicorum Aristotelis, l. 2, c. 1, lect. 1, n. 3, éd. Fratrum Praedicatorum (Opera omnia iussu impensaque Leonis XIII. P. M. edita 2), Roma 1884, p. 56. Cf. su questo punto, le analisi contenute in Forest, Aimé, La structure métaphysique du concret selon saint Thomas d’Aquin (Études de philosophie médiévale 14), Paris 1931, pp. 233–234; cf. anche Wippel, John F., The Metaphysical Thought of Thomas Aquinas. From Finite Being to Uncreated Being (Monographs of the Society for Medieval and Renaissance Philosophy 1), Washington D. C. 2000, pp. 299–302. 26 Cf. Thomas de Aquino, In duodecim libros Metaphysicorum Aristotelis Expositio, l. 7, lect. 8, n. 1442δ, editio iam a M.-R. Cathala exarata retractatur cura et studio Raymundi M. Spiazzi, Torino/Roma 1950, pp. 352–353. Sull’accostamento del nome di Anassagora alla tesi della latitatio formarum cf. ibid., lect. 7, n. 1430, p. 350; ibid., l. 11, lect. 6, n. 2227, p. 529; id., In II Sententiarum (nota 25), d. 1, q. 1, a. 4, ad 4, p. 26; id., Quaestiones disputatae de potentia, q. 3, a. 8, arg. 9–10, respondeo, ad 9–10, éd. Paolo M. Pession (S. Thomae Aquinatis Quaestiones disputatae 2), Torino/Roma 1965, pp. 1–276: pp. 60–62; id., Quaestiones disputatae de virtutibus in communi, q. 1, a. 8, respondeo, éd. Egidio Odetto (S. Thomae Aquinatis Quaestiones disputatae 2), Torino/Roma 1965, pp. 701–751, vedi p. 727; id., Super Epistolam ad Hebraeos lectura, c. 11, lect. 2, éd. Raffaele Cai (S. Thomae Aquinatis Super Epistolas S. Pauli Lectura 2), Torino/Roma 1953, pp. 335–506, vedi p. 461. Cf. Aristoteles, Physica, l. 1, c. 4, 187 a 24 – b 1.

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Tommaso prende anche atto che nella direzione delle inchoationes formarum, diversi contemporanei interpretavano pure le agostiniane rationes seminales. Tommaso afferma che questa non gli sembra l’esegesi 27 migliore del pensiero di Agostino, dal momento che con rationes seminales Agostino sembra indicare piuttosto le virtù attive e passive che Dio ha elargito ai diversi enti per produrre i propri effetti, non una 28 confusa presenza della forma nella materia. Al di là comunque della questione interpretativa del dettato agostiniano, rimane in ogni caso che la privazione di cui parla Aristotele non può essere intesa che come quella carenza di forma che si identifica con la presenza della contrarietà 29 nel sostrato. Anche per quanto riguarda la considerazione della materia come subiectum, è possibile riscontrare un’ulteriore differenza tra la posizione albertina e quella tommasiana, differenza questa che forse non è stata sottolineata dagli studiosi come avrebbe meritato. Mentre infatti nella speculazione di Alberto la materia si identifica con il principio che incarna la ratio subiecti e la trasmette alla sostanza sensibile, che di materia si compone, nella concezione tommasiana l’essere subiectum si dice della materia soltanto in un senso improprio. Fin dal ‹De principiis naturae›, Tommaso spiega infatti che il soggetto, in senso proprio, è esclusivamente la sostanza in atto rispetto agli accidenti, non la materia rispetto alla forma, per quanto la nozione di materia e quella di soggetto 30 appaiano frequentemente sovrapposte. Tommaso, d’altra parte, non ___________________ 27 Cf. Thomas de Aquino, De veritate (nota 7), q. 5, a. 9, ad 8, p. 166, ll. 398– 423; Augustinus, De Trinitate, l. 3, c. 8, éd. W.J. Mountain (CCSL 50), Turnhout 1968, p. 139; id., De Genesi ad litteram, l. 9, c. 17, éd. Jacques-Paul Migne (PL 34), Paris 1887, 406 b. 28 Cf. Thomas de Aquino, In II Sententiarum (nota 25), d. 13, a. 1, solutio, p. 327. Cf. anche ibid., d. 12, q. 1, a. 2, solutio, p. 306; id., De veritate (nota 7), q. 5, a. 9, ad 8, p. 166, ll. 398–423; id., Summa Theologiae. Prima pars, q. 62, a. 3, respondeo, éd. Fratrum Praedicatorum (Opera omnia iussu Leonis XIII P. M. edita 5), Roma 1889, p. 112; ibid., q. 115, a. 2, respondeo e ad 4, pp. 540–541. 29 Patet ergo secundum intentionem Aristotelis quod privatio, quae ponitur principium naturae per accidens, non est aliqua aptitudo ad formam, vel inchoatio formae, vel aliquod principium imperfectum activum, ut quidam dicunt, sed ipsa carentia formae vel contrarium formae, quod subiecto accidit, Thomas de Aquino, In Physicorum (nota 25), l. 1, c. 7, lect. 13, p. 45. 30 Proprie loquendo, quod est in potentia ad esse accidentale dicitur subiectum, quod vero est in potentia ad esse substantiale, dicitur proprie materia. Quod

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troverà la loro relativa sovrapposizione ingiustificata, ma ben presente, nel testo stesso di Aristotele, per rimarcare l’effettiva partecipazione al sottostare ricettivo da parta sia della materia, sia della sostanza 31 particolare. Riconosciuto questo, Tommaso ritiene in ogni caso necessario chiarire che ciò di cui il soggetto è «soggetto» in senso proprio sono gli accidenti: se la materia prima fosse in senso proprio soggetto della forma, ciò significherebbe farne – più o meno implicitamente – un ente già dotato di una sua propria attualità, cosa del tutto incompatibile con il suo statuto di ente puramente potenziale. Per questa ragione, fin dal ‹De principiis naturae› Tommaso richiama l’opportunità di distinguere tra materia ex qua, che è quella che sta direttamente in relazione con la forma sostanziale, e materia in qua, la quale, indicando il principio remoto della ricettività della sostanza sensibile che è già in atto, si può più propriamente considerare «soggetto» delle forme accidentali 32 sopravvenienti. In uno scritto decisamente successivo come il Commento alle ‹Metafisica›, Tommaso ripropone quasi con le stesse parole tali puntualizzazioni, come pure la spiegazione dell’usuale

___________________ autem illud quod est in potentia ad esse accidentale dicatur subiectum, signum est quia; dicuntur esse accidentia in subiecto, non autem quod forma substantialis sit in subiecto. Et secundum hoc differt materia a subiecto: quia subiectum est quod non habet esse ex eo quod advenit, sed per se habet esse completum, sicut homo non habet esse ab albedine. Sed materia habet esse ex eo quod ei advenit, quia de se habet esse incompletum. Unde, simpliciter loquendo, forma dat esse materiae, sed subiectum accidenti, licet aliquando unum sumatur pro altero scilicet materia pro subiecto, et e converso, Thomas de Aquino, De principiis naturae ad fratrem Sylvestrum, c. 1, éd. Fratrum Praedicatorum (Opera omnia iussu Leonis XIII P. M. edita 43), Roma 1976, pp. 1–47, vedi p. 39, ll. 20–35. 31 Cf. Thomas de Aquino, In librum primum Aristotelis De generatione et corruptione expositio, c. 4, lect. 10, n. 9, éd. Fratrum Praedicatorum (Opera omnia iussu Leonis XIII P. M. edita 3), Roma 1886, pp. 259–322, vedi p. 301; cf. anche ibid., c. 3, lect. 7, n. 6, p. 289; id., De potentia (nota 26), q. 3, a. 2, respondeo, pp. 41–42. 32 Cf. id., De principiis naturae (nota 30), c. 1, p. 39, ll. 9–19.

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sovrapposizione dei concetti di materia e subiectum, ribadendo che il 34 significato proprio di «soggetto» è tenuto dalla sostanza particolare. Se è la sostanza rispetto ai propri accidenti ad essere propriamente soggetto, si potrà allora focalizzare anche un aspetto decisivo della nota critica che Tommaso dirige ad Avicebron. Secondo Tommaso, Avicebron è responsabile di una concezione in cui tutte le forme sopraggiungono in 35 un’unica materia subiecta, secondo una certa gradualità ; se non viene dichiarata improprio il modo in cui la materia viene detta «soggetto», non apparirà illegittimo concludere che ciascuna forma inerisce 36 accidentalmente all’unica vera sostanza, che sarà quella della materia. Tommaso potrà così accusare la visione gabiroliana di favorire il regresso alle soluzioni «monistiche» e «materialistiche» già proposte dagli antichi filosofi naturalisti, lontani dall’aver colto la genuina natura potenziale 37 della materia. ___________________ 33 Cf. Thomas de Aquino, In Metaphysicorum (nota 26), l. 8, lect. 4, nn. 1742– 1743, pp. 415–416. 34 Cf. ibid., l. 7, lect. 2, n. 4. Cf. anche id., Sentencia libri De anima, l. 2, c. 1, éd. Fratrum praedicatorum (Opera omnia iussu Leonis XIII P. M. edita 45/1), Roma/Paris 1984, p. 70, ll. 209–216. 35 Cf. Thomas de Aquino, De substantiis separatis, c. 6, éd. Fratrum Praedicatorum (Opera omnia iussu Leonis XIII P. M. edita 40 D), Roma 1969, pp. 48–56; id., Summa Theologiae (nota 28), I, q. 50, a. 2, respondeo, pp. 5–6; id., De spiritualibus creaturis (nota 7), a. 1, ad 9, p. 17, ll. 551–573; ibid., a. 3, responsio, pp. 41–42, ll. 302–330; id., De generatione et corruptione (nota 31), c. 4, lect. 10, n. 8, pp. 300–301; id., Sentencia libri De anima (nota 34), l. 2, cap. 1, p. 71, ll. 258–288. 36 [Avicebron] aestimavit quod esse in potentia et esse subiectum et esse recipiens secundum unam rationem in omnibus diceretur, Thomas de Aquino, De substantiis separatis (nota 35), c. 5, p. 48, ll. 17–19. Esse autem unum per unitatem subiecti, est esse unum per accidens: sive duae formae sint non ordinatae ad invicem, ut album et musicum, dicimus enim quod album et musicum sunt unum per accidens, quia insunt uni subiecto; sive etiam formae vel actus sint ad invicem ordinatae, sicut color et superficies. Non enim est simpliciter unum superficiatum et coloratum, etsi quodammodo coloratum per se de superficiato praedicetur: non quia superficiatum significet essentiam colorati, sicut genus significat essentiam speciei, sed ea ratione qua subiectum ponitur in definitione accidentis; alioquin non praedicaretur coloratum de superficiato per se, sed hoc de illo, ibid., c. 6, p. 50, ll. 96–110. 37 Quantum ex suis dictis apparet, in antiquam quodammodo naturalium opinionem rediit, qui posuerunt omnia esse unum ens, dum ponebant substantiam rerum omnium non esse aliud quam materiam; quam non

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Certamente anche Alberto riconosceva che quando in fisica si parla del soggetto che si genera e si corrompe, con «soggetto» non si intende la materia, ma la sostanza individuale in atto, che sta alla radice 38 dell’esistenza di ciò che le inerisce. Tuttavia, ciò non significa per Alberto che la materia si dica subiectum impropriamente, per mera estensione di un carattere che riguarda propriamente solo la sostanza in atto nei confronti degli accidenti, come sembra invece sostenere Tommaso. Alberto spiega che subiectum si dice infatti anche secondo un’altra accezione, per cui il soggetto è ciò che detiene l’atto fondamentale di sottostare alle forme: in tal senso, la materia sola è 39 soggetto. Se non si desse tale appropriatezza, non si capirebbe bene come sostenere che sia la sostanza particolare a partecipare della capacità 40 di substare della materia e non il contrario. Dal lato di Tommaso, sembra però legittimo chiedersi se una concezione del genere non favorisca una reificazione della materia, che contraddirebbe il suo stato di pura potenzialità, che pure Alberto intende riconoscere. Per non cadere in questo rischio, l’Aquinate indica la necessità di identificare immediatamente l’essenza della materia con la 41 sua potenza alla forma sostanziale. Come sottolineava Forest, Tommaso non ha mai cessato di combattere l’idea che la materia possa possedere una qualsiasi forma di identità e di consistenza ontologica, per quanto ___________________

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ponebant esse aliquid in potentia tantum, sicut Plato et Aristoteles, sed esse aliquid ens actu, ibid., c. 6, p. 49, ll. 23–29. Cf. Albertus Magnus, Metaphysica (nota 7), l. 1, tr. 3, c. 2, p. 30, ll. 72–75; ibid., l. 7, tr. 1, c. 5, p. 322, ll. 68–71; id., Physica (nota 10), l. 5, tr. 1, c. 2, p. 405, ll. 13–32. Alia autem ratione, secundum quam subiectum dicitur id quod habet substare primo formis, materia sola subiectum est, id., Physica (nota 10), l. 5, tr. 1, c. 2, p. 405, ll. 43–46. Cf. anche id., Summa de creaturis (nota 7), I, tr. 1, q. 2, a. 2, p. 325. Sulla considerazione della materia come subiectum, cf. le precisazioni di Rodolfi (nota 9), pp. 31–33. Albertus Magnus, Metaphysica (nota 7), l. 5, tr. 2, c. 5, p. 242, ll. 52–93; id., Physica (nota 10), l. 1, tr. 3, c. 5, p. 48, ll. 30–36, 51–58; ibid., c. 11, p. 58, ll. 39–48; ibid., c. 12, p. 60, ll. 70–82. Actus ad quem est in potentia materia prima, est substantialis forma. Et ideo potentia materiae non est aliud quam eius essentia, Thomas de Aquino, Summa Theologiae (nota 28), q. 77, a. 1, ad 2, p. 237; cf. anche id., Quaestiones disputatae De anima (nota 7), q. 12, ad 12, p. 111, ll. 306–309; id., Quaestiones De quolibet, III, q. 1, a. 1, éd. Fratrum Praedicatorum (Opera omnia iussu Leonis XIII P. M. edita 25), Roma/Paris 1996, p. 242.

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imperfetta, fuori dalla relatività e dalla dipendenza nei confronti della 42 forma sostanziale. Tommaso sembra insomma fondare la possibilità di intendere in modo adeguato la materia quale ens in potentia tantum su tre opzioni diametralmente opposte a quelle del proprio maestro: l’identificazione tra essenza e potenza della materia, il rifiuto delle inchoationes formarum e, in particolare, la restrizione alla sostanza in atto di ciò che può essere detto in senso proprio subiectum. Come dimostra emblematicamente, secondo Tommaso, il caso di Avicebron, se non si accettano organicamente questi elementi, si può perdere di vista la portata innovativa del concetto aristotelico di materia, giungendo anche ad esiti non lontani da quelli che lo stesso Alberto biasimava, criticando il «panteismo materialista» di David di Dinant. Certamente, dal lato di Alberto, ci si potrebbe pur sempre chiedere se una concezione come quella di Tommaso non indebolisca la possibilità di individuare in modo rigoroso la materia quale genuino principio ricettivo della forma nel divenire sostanziale. Tommaso connota infatti la materia di un carattere intrinsecamente ed essenzialmente relativo; eppure, nonostante questa intrinseca ed essenziale relatività, egli non può evidentemente tirare la conclusione che l’essere della materia sia una relazione: la materia deve infatti pur sempre avere una sua certa essenza, 43 che la distingua sia dalla privazione, sia dalla forma a cui sottostà; inoltre, come principio della composizione sostanziale, la materia è responsabile di ruoli e funzioni irriducibilmente propri, quali l’essere – in sé – principio della concrezione determinativa della forma e – signata – 44 dell’individuazione di enti distinti all’interno di una medesima specie. 45 Come può un principio esclusivamente relativo giocare questo ruoli? ___________________ 42 Cf. Forest (nota 25), pp. 213–214; sulla costitutiva ed essenziale relatività della materia in Tommaso, cf. anche König-Pralong, Catherine, La causalité e e de la matière. Polémiques autour d’Aristote au XIII et XIV siècle, in: Revue Philosophique de Louvain 97 (1999), pp. 483–509, vedi pp. 485–490. 43 Cf. Thomas de Aquino, In Metaphysicorum (nota 26), l. 7, lect. 2, n. 1286, pp. 322–323; id., In Physicorum (nota 25), l. 2, c. 2, lect. 4, n. 9, p. 66. 44 Cf. su questo aspetto in particolare le analisi di Forest (nota 25), pp. 236, 248–249 e di Wippel (nota 25), pp. 304–307. 45 Così scriveva Forest: «L’expression [relation] resterait équivoque, puisqu’elle ferait songer à l’existence de rapports sans supports, que le thomisme ne saurait comporter. Mais disons du moins que la matière est une réalité relative à la forme, son être ne saurait être pensé ou défini en dehors de ce rapport

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Non si potrebbe allora pensare di uscire da questa difficoltà considerando la materia come dotata di un entità sui generis, come un che di intermedio tra la sola potenza e l’atto compiuto, oppure tra non ente 46 ed ente, come già aveva sottolineato lo stesso Averroè? Non potrebbe forse essere questa una possibile interpretazione della stessa dottrina tomistica della materia? Esibendo convincenti argomenti, già Forest aveva sostenuto che per quanto anche lo studioso contemporaneo potrebbe essere tentato da questa soluzione, mai Tommaso avrebbe 47 potuto accettare una tesi del genere. Questa puntualizzazione di Forest appare suggestiva proprio per noi, che ora vorremmo passare ad analizzare la posizione di un autore attento alle indagini sia di Alberto, sia di Tommaso, quale fu Sigieri di Brabante, che invece è proprio in quella direzione che spingerà le proprie soluzioni.

IV. La concezione della materia in Sigieri di Brabante L’ispirazione fondamentalmente albertina della posizione di Sigieri di Brabante è testimoniata innanzitutto dalla persuasione che la materia – 48 che in se stessa è ens in potentia tantum, intrinsecamente passiva e 49 totalmente indeterminata rispetto ai contrari – possieda in senso proprio la ratio subiciendi. Se così non fosse, risulterebbe difficile spiegare da che cosa la sostanza composta derivi la propria capacità di fungere da soggetto rispetto alle forme accidentali, dal momento che né la

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même», Forest (nota 25), p. 215; cf. su questo punto anche König-Pralong (nota 42), p. 490; id., Avènement de l’aristotélisme en terre chrétienne. L’essence et la matière: entre Thomas d’Aquin et Guillame d’Ockham (Études de philosophie médiévale 87), Paris 2005, pp. 143–145; Rodolfi (nota 9), pp. 172–173. Cf. Averroes, In Physicorum (nota 8), I, c. 70, f 41 E. Cf. Forest (nota 25), pp. 213–215. Cf. Siger de Brabant (nota 1), rep. C, l. 2, q. 16, p. 62, ll. 16–17; Calma, Coccia (nota 1), l. 1, q. 14, p. 333; ibid., q. 21, pp. 335–336; ibid., q. 25, p. 337. Cf. Siger de Brabant (nota 1), rep. M., l. 2, comm., p. 74, ll. 22–26; id., rep. C, l. 2, comm., p. 60, ll. 40–41; Calma, Coccia (nota 1), l. 1, q. 9, p. 330; ibid., q. 17, p. 334.

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forma accidentale, né quella sostanziale sono caratterizzate, secondo la 50 loro essenza, dalla ratio subiciendi e nulla può dare ciò che non ha. Commentando il passaggio della ‹Metafisica› in cui si dice che se c’è un principio risalendo nella serie delle cause, non è possibile procedere 51 all’infinito neppure discendendo, Sigieri avverte di non pensare che Aristotele, supponendo qui che la causa materiale prima sia il soggetto da cui posteriormente tutto si generi, stia semplicemente prendendo per buono, in via provvisoria, il linguaggio e le tesi degli antichi filosofi naturalisti. Se infatti si facesse a meno di un vero e proprio soggetto primo, quale potrebbe essere solo la materia prima, non sarebbe possibile nemmeno la presenza della ratio subiciendi nei soggetti intermedi della 52 serie. Senza la chiara affermazione che la materia è a tutti gli effetti e ___________________ 50 Quod est essentiale alicuius, ad essentiam eius pertinet ratio subiciendi, sive sit subiectum primum sive secundum, sicut ad essentiam tam materiae quam compositi pertinet ratio subiciendi. Non autem ad essentiam alicuius accidentis non pertinet ratio subiciendi, quia ratio subiciendi est ratio per se subsistentis. Hoc autem non pertinet ad essentiam alicuius accidentis. [… ] Et hinc est quod, cum forma substantialis sit de numero eorum quae sunt in subiecto, ipsa non est subiectum accidentium, Siger de Brabant (nota 1), rep. C, l. 4, q. 24, pp. 163–164; Compositum in ratione sua habet rationem subiciendi et ad essentia eius pertinet subiectum primum, quod est materia prima, ibid., p. 164, ll. 64–66. Cf. anche ibid., rep. P, l. 4, q. 14, pp. 422–423; Compendium magistri Sugeri super De generatione et corruptione, in Siger de Brabant (nota 1), éd. Bazán, p. 135, ll. 5–9. 51 Cf. Aristoteles, Metaphysica, II, c. 2, 994 a 19–22. 52 Et dicunt quidam quod hoc accipit Aristoteles non tamquam per se notum, sed ex suppositione antiquorum: omnes enim antiqui ponebant aliquod subiectum primum ex quo omnia posteriora generantur. Sed hoc non est verum. Quamvis enim Aristoteles in multis locis arguendo contra falsas opiniones antiquorum accipiat aliqua ex suppositione eorum, ubi tamen veritatem secundum intentionem propriam inquirit non videtur hoc facere [… ] Est ideo dicendum est quod Aristoteles supponit esse causam materialem primam in sursum ascendendo tamquam probatum ex virtute praecedentis demonstrationis quae probat in causis efficientibus. Eadem enim necessitate qua sequitur in causis moventibus quod subtracto movente primo subtrahuntur media, et sequitur quod, sutracta causa materiali prima, subtrahuntur et mediae. Sicut enim moventia media, sive ponantur finita sive infinita, de se non sufficiunt ad causandum motum, ita nec subiecta media de se sufficient ad sustinendum aliquam transmutationem, Siger de Brabant (nota 1), rep. C, l. 2, q. 14, p. 58, ll. 14–20, 23–31. Già l’editore Maurer, in margine al testo sigeriano, ha segnalato che proprio Tommaso d’Aquino, commentando questo medesimo

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propriamente «soggetto primo», appare difficile giustificare il fatto che essa sia capace di permanere nella sostanza in atto, costituendosi insieme alla forma come vero e proprio co-principio. In un’analoga difficoltà ci si troverebbe anche identificando l’essenza della materia con la sua potenza alla forma: con l’avvento dell’atto è la potenza, non la materia, a venire meno, cosa impossibile se potenza e materia si identificassero. Con «materia» si intende infatti qualcosa che possiede un certo proprio esse, mentre la potenza dà notizia dell’ordine a 53 qualcos’altro. Per questo nella ‹Fisica› Aristotele pone la materia e non la potenza tra i principi del divenire: solo qualcosa che è dotato di una 54 propria ipseità può fungere da principio del divenire sostanziale. L’irriducibilità della materia alla sua potenza alla forma viene suggerita dalle esemplificazioni fornite dello stesso Aristotele, quando dice che una cosa è questo bronzo, in quanto bronzo, altra cosa è invece l’essere, da parte di questo bronzo, qualcosa in potenza alla statua. Se la materia è ente in potenza così come il bronzo è statua in potenza, allora l’essere in 55 potenza non può identificarsi con l’essere proprio della materia; lo stesso discorso vale per l’analoga distinzione tra il sangue in quanto tale e 56 il sangue in quanto principio potenziale di salute o di malattia. A questi esempi, Sigieri ne aggiunge uno ulteriore: ciò che un numero, doppio di 57 un altro, è in se stesso, non si identifica con il suo essere doppio. ___________________

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passaggio della Metafisica, aveva ritenuto che Aristotele stesse facendo qui una concessione agli antichi naturalisti, più che farne espressamente la propria opinione. Cf. Thomas de Aquino, In Metaphysicorum (nota 26), l. 2, lect. 3, n. 314, p. 88. Cf. Siger de Brabant (nota 1), rep. M, l. 5, q. 5, p. 247, ll. 21–29; ibid., rep. V, l. 5, q. 9, p. 332, ll. 27–30; id., (nota 1), rep. C, l. 5, q. 5, pp. 198–199; ibid., rep. P, l. 5, q. 1, p. 433. Cf. Averroes, Sermo de substantia orbis, c. 1, in Aristotelis Opera cum Averrois Commentariis, IX, Venezia 1562, f. 3 M. Cf. Siger de Brabant (nota 1), rep. C, l. 5, q. 27, pp. 252–253, ll. 39–48; ibid., rep. P, l. 5, q. 9, p. 444, ll. 3–5; ibid., rep. V, l. 5, q. 5, p. 322, ll. 52–61; Aristoteles, Physica, l. 1, c. 9, 192 a 25–34. Cf. Siger de Brabant (nota 1), rep. C, l. 5, q. 5, p. 199, ll. 14–26; ibid., rep. P, l. 5, q. 1, p. 433, ll. 4–6 (qui, al posto del bronzo, per il paragone viene utilizzato l’argento). Cf. Aristoteles, Physica, l. 3, c. 1, 201 a 29–34. Cf. Siger de Brabant (nota 1), rep. P, l. 5, q. 1, p. 433, ll. 17–22; id., rep. M, l. 5, q. 5, p. 248, ll. 37–49; Aristoteles, Physica, l. 3, c. 1, 201 a 35 – 201 b 3. Sicut differt illud quod duplum est et duplum secundum quod duplum, ita differt accipere illud quod est in potentia et ipsum secundum quod est in potentia. Unde, etsi materia sit essentialiter illud quod est in potentia, quamvis

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Sigieri spiega anche che se la sostanza della materia si identificasse con la sua potenza alla forma sostanziale, allora dovremmo dire che esiste una 58 ed un’unica forma che può condurre all’atto tutta la materia. Può essere interessante notare che Sigieri rivolge a Tommaso una critica analoga a quella che l’Aquinate rivolgeva ad Avicebron: anche ponendo la materia come pura potenza si porrebbe di fatto l’esistenza di un’unica materia subiecta, la cui attualizzazione non può essere «tommasianamente» realizzata se non da un’unica forma sostanziale. Anche in questo caso, si rischia dunque di fare dell’intero mondo sensibile un’unica sostanza, un unico composto ilemorfico, le cui determinazioni successive non sarebbero altro che determinazioni accidentali. Come già risultava nella speculazione di Alberto Magno, anche in quella di Sigieri la distinzione tra essenza e potenza della materia è legata alla convinzione che la forma sia sì causa dell’esistenza e dell’attualizzazione della materia, ma non del suo essere materia. Quanto più Tommaso sottolinea la reciproca causalità di materia e forma e la 59 relatività della prima rispetto alla seconda, tanto più Sigieri sembra al contrario enfatizzare l’irriducibilità della materia – in particolare della materia prima – alla sua relazione con la forma. La causalità della materia si dà proprio in forza di tale irriducibilità: la materia è causa, per come si può definire causa il ciò da cui qualcosa deriva. Questo non si potrebbe affermare, se non in forza della peculiare capacità di sussistenza e di 60 permanenza che alla materia non si può non riconoscere. ___________________ potentia ei accidat, non tamen essentialiter est in potentia secundum quod in potentia, Siger de Brabant (nota 1), rep. C, l. 5, q. 32, p. 264, ll. 88–92. Cf. anche ibid., l. 7, q. 5, p. 333, ll. 17–19; ibid., rep. P, q. 9, p. 445, ll. 36–43; ibid., rep. V, l. 5, q. 9, p. 334, ll. 6–18. Sull’originalità di questo esempio sigieriano nel panorama coevo, cf. Rodolfi (nota 9), p. 182. 58 Cf. Siger de Brabant (nota 1), rep. C, l. 5, q. 5, p. 199, ll. 22–26. 59 Materia enim dicitur causa formae, inquantum forma non est nisi in materia; et similiter forma est causa materiae, inquantum materia non habet esse in actu nisi per formam. Materia enim et forma dicuntur relative ad invicem, ut dicitur in II Physicorum, Thomas de Aquino, De principiis naturae (nota 30), c. 4, p. 44, ll. 37–42; cf. anche id., De veritate (nota 7), q. 9, a. 3, ad 6, p. 286, ll. 153–159; ibid., q. 28, a. 7, responsio, p. 840, ll. 146–150; id., Summa contra Gentiles, l. 3, c. 14, éd. Peter Marc, Ceslao Pera, Pietro Caramello, Torino/Roma 1961, p. 17; id., In Metaphysicorum (nota 26), l. 5, lect. 2, n. 775, p. 213; id., In Physicorum (nota 25), l. 2, c. 3, lect. 5, n. 7, p. 70. 60 Materia est causa, et ratio causandi eius est quia ex ea fit aliquid, cum ipsa manet in re: si enim ex aliquo fiat aliquid et non maneat in eo, non est causa

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In linea con questi argomenti, Sigieri giungerà a difendere la tesi secondo la quale, rispetto alla sostanza della materia, la potenza va considerata un accidente. Non essendo dunque «qualcosa» in senso proprio, ma esprimendo piuttosto ciò che è in ordine alla forma, la potenza non può essere considerata un accidens reale della sostanza della materia. Nello stesso tempo, però, si dovrà anche riconoscere che la potenza alla forma non può essere una mera costruzione mentale: la correlazione che l’intelletto afferra deve avere un fondamento nella realtà, 61 poiché la materia si dà in ogni caso come principio del divenire «fisico». Si tenga presente che la critica che Olivi dirige verso l’idea che la potenza sia accidente della materia si incentra sul fatto che l’accidente è una certa forma, che sopraggiunge nella sostanza; suonerebbe piuttosto strano che la potenza della materia si configuri in questo modo, cioè 62 come una forma che sopraggiunga nella sua sostanza; inoltre, se la potenza fosse un accidente, ci si troverebbe a dover individuare il modo in cui la sua sopravvenienza venga provocata: si tratta, per Olivi, di un compito insolvibile, perché la materia è immediatamente in potenza alla 63 forma. L’essere in potenza è nella materia un che di essenziale. ___________________ illius, Siger de Brabant (nota 1), rep. M, l. 5, q. 5, p. 247, ll. 9–11; Dico quod ex materia prima fit aliquid cui insit; nec per aliud probari potest nisi quia haec est ratio causae materialis, id., rep. C, l. 5, q. 5, p. 199, ll. 12–13; cf. anche ibid., l. 7, q. 14, p. 352, ll. 17–23; id., Compendium De generatione (nota 50), p. 133, ll. 5–9. 61 [Potentia materiae] non est aliquod accidens reale, ita ut haberet ratione mentis si non esset intellectus comparans materiam ad formam. [… ] sed nec est purum figmentum, ita ut nihil in re ei correspondeat. Immo, cum intelligitur comparatio materiae ad formam, quae significatur nomine ‹potentiae›, materia est aliquid conveniens ad talem comparationem [… ]. Nec sequitur quod, si non esset intellectus, materia non transmutaretur ad formam, quia non esset in potentia ad eam, cum sit ens rationis tantum; quia, etsi non esset aliquis intellectus comparans materiam ad formam, ipsa tamen est aliquid secundum naturam suam conveniens ad talem comparationem, Siger de Brabant (nota 1), rep. C, l. 5, q. 32, pp. 262, ll. 40–42 – 263, ll. 46–48, 53–58. Cf. anche ibid., rep. P, q. 9, p. 444, ll. 12–21; ibid., rep. V, q. 9, p. 333, ll. 67–78. Sulla vicinanza, anche su questo punto, ad Alberto Magno, si può rinviare ai passi segnalati sopra, nella nota 21 e a Rodolfi (nota 9), pp. 176– 180. 62 Cf. Petrus Johannis Olivi (nota 3), q. XVII, responsio, p. 357. 63 Cf. ibid., pp. 358–359.

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Proprio avendo presenti queste critiche oliviane, possiamo apprezzare la cura con cui Sigieri, nelle ‹Quaestiones in Metaphysicam›, va alla ricerca del modo in cui si possa dire che la sostanza è causa degli accidenti che le sopravvengono: il primo modo, il più proprio, è quello della sostanza in atto, che è di per sé causa degli accidenti propri; in un secondo e in un terzo caso, la sostanza è causa dell’accidente perché funge da soggetto in atto di ciò che le sopravviene, sia che ciò accada in modo semplicemente incidentale, sia che ciò avvenga contro natura, come nel caso dei moti violenti; infine, la sostanza è causa dell’accidente nel caso peculiare del subiectum equamente indeterminato nei confronti dei contrari, come è il caso anche della materia prima. Questa, infatti, pur non essendo di per sé un ente in atto, esercita, proprio in quanto materia, una certa azione causale su ciò che da essa deriva; inoltre, essendo in potenza a tutte le forme, la materia intrattiene un rapporto con ciò che le sopravviene che non è meramente incidentale, né contro natura, poiché la potenzialità ricettiva di tutte le forme di cui la materia è capace come 64 subiectum primum non ripugna la propria essenza. Si potrebbe obiettare che è pur tuttavia la relazione alla forma ciò che ci fa conoscere la materia; inoltre, lo stesso Averroè, che pure distingue la sostanza dalla potenza della materia, ha affermato che la potenza è come 65 la «forma sostanziale» della materia. Di fronte a questi elementi, sembrerebbe difficile intendere il rapporto tra essenza e potenza della materia come lo intende Sigieri. Nel tentativo di superare queste difficoltà, il Barbantino ci svela forse quella che è l’istanza fondamentale, in forza della quale la potenza va considerata un accidente della materia: tra i diversi modi in cui possiamo conoscere la materia, non ce n’è uno 66 per il quale si possa dire che la potenza ce ne riveli l’essenza. ___________________ 64 Cf. Siger de Brabant (nota 1), rep. C, l. 4, q. 25, pp. 165–166. Cf. anche ibid., rep. P, l. 4, q. 15, pp. 423–424; ibid., rep. M, l. 4, q. 23, p. 207. 65 Averroes, De substantia orbis (nota 53), c. 1, f. 3 L. 66 Nella reportatio di Cambridge, i modo in cui avviene la conoscenza della materia sono quattro: per privazione da ogni forma (e ciò è possibile in quanto la privazione si trova nella materia, ma non si identifica con essa); ex simili e per analogiam, in quanto la materia sta alle forme sostanziali come il materiale agli artefatti; per formam, in quanto la materia è qualcosa in atto per la forma; infine per habitudinem ad formam, che rivela l’ordine che la materia possiede nei confronti della forma. Cf. Siger de Brabant (nota 1), rep. C, l. 5, q. 32, p. 262, ll. 26–39. Nella reportatio di Vienna, vengono riportate solo le prime tre modalità. Cf. ibid., rep. V, l. 5, q. 9, p. 333.

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Questo accade innanzitutto perché, in generale, la potenza a qualcosa non permette di stabilire ciò che una cosa è: essa ci dà notizia dell’atto verso cui un ente è ordinato, piuttosto che di ciò che funge da sostrato. In nessun caso, dunque, la potenza fornisce gli elementi utili per giungere 67 alla definizione propria di qualcosa; quella della materia ci dà notizia 68 della potenzialità attiva, piuttosto che di quella passiva. Inoltre, il divenire sostanziale ci rende sì nota l’esistenza della materia, poiché impone l’esigenza di ammettere un principio che funga da soggetto primo della forma e della privazione, ma la sua sostanza rimane nobis 69 ignota. Sarebbe proprio una tale impenetrabilità noetica a risultare inconcepibile, se ciò che ce ne dà notizia – la potenza alla forma – inerisse propriamente e direttamente all’essenza della materia. Come nel caso della concezione di Alberto Magno, anche di fronte alla prospettiva sigieriana si pone la necessità di indicare come la materia possa non identificarsi con alcun atto e nemmeno, ad un tempo, con la sua stessa potenza alla forma. Ricordiamo che per Alberto, la materia poteva essere detta in un certo modo hoc aliquid, seppure solo potestate, perché intrinsecamente animata dalle inchoationes formarum: completamente indeterminata in quanto fundamentum, la materia era però intimamente coniugata ad un principio d’essere, che giustificava comunque dall’interno la tensione all’atto che essa non possedeva di per sé. Alla fondamentale ispirazione albertina che abbiamo potuto fino ad ora riconoscere, Sigieri impone a questo punto un deciso cambio di direzione. Il Brabantino infatti ritiene che le inchoationes formarum non possano essere intese quali presenze confuse o embrionali della forma nella materia, come faceva Alberto. Ciò non significa negare che nella materia esistano delle disposizioni che la orientano puntualmente verso ___________________ 67 Cf. Siger de Brabant (nota 1), rep. C, l. 5, comm. 8, pp. 250–251; ibid., q. 27, pp. 252–253. 68 Cum ratio potentiae sumatur secundum ordinem ad actum, ideo nomen potentiae magis dicitur de potentia illa quae magis habet ordinem ad actum; haec autem est potentia activa. Cuius ratio est quia potentia passiva ipsa indeterminata est et aequalis ad contraddictoria; determinatur autem unum contradictorium per potentiam activam, quae determinata est respectu duorum oppositorum, ibid. rep. C, l. 5, comm. 8, p. 251, ll. 37–43; Cf. anche ibid., l. 2, q. 14, p. 60, ll. 38–48. 69 Cf. ibid., l. 5, q. 5, p. 199, ll. 27–40; ibid., l. 5, q. 32, p. 264, ll. 92–95; id., rep. V, l. 5, q. 9, p. 334, ll. 21–22.

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questa forma determinata, piuttosto che verso quest’altra. Ad esempio, l’esser resistente rende il ferro un materiale ben disposto per la costruzione della serra; l’uomo si realizza solo ed esclusivamente a partire dallo sperma umano, perché solo questo risulta in grado di svilupparsi in quella direzione. Restringendo l’assoluta indeterminatezza della materia prima, è come se queste disposizioni dirigessero la materia verso l’attuazione di una determinata forma. Inoltre, l’agente non produce la forma come tale, ma la «estrae», la «educe» dalla materia, cosa impossibile se la materia non avesse quelle proprie disposizioni che 70 possono ben essere chiamate inchoationes formarum. Concesse queste cose, non ne viene però che la materia possieda tali inchoationes come forme confuse o presenti secondo un certo grado, né come principi attivi: 71 si tratta sempre e in ogni caso di disposizioni schiettamente passive. Una tale opzione «tomista» sulle inchoationes formarum apre uno scenario che né Alberto, né Tommaso avrebbero potuto condividere. Tenendo ferma l’irriducibilità della materia alla sua potenza alla forma e ad un tempo privandosi del ruolo che le inchoationes garantivano nell’impianto albertino, Sigieri ha l’onere di rispondere a due questioni: innanzitutto, che cosa, in alternativa alle inchoationes, giustifichi la strutturale corrispondenza tra materia e forma; seconda questione, che tipo di hoc aliquid potrà essere la materia, per trovarsi in potenza alla forma, ma non a se stessa. Per risolvere il primo problema, Sigieri invita innanzitutto ad osservare che la materia è sì ingenerata, ma non incausata. Dovrà perciò esserci una causa della materia, che dovrà agire ad un triplice livello: innanzitutto, ponendone l’essere; in secondo luogo, suscitando nella ___________________ 70 La paternità della dottrina dell’agens extractor formarum non è indicata univocamente nelle diverse reportationes delle ‹Quaestiones in Metaphysicam›: in quella di Cambridge viene presentata come dottrina peripatetica (cf. Siger de Brabant (nota 1), rep. C, l. 5, q. 16, p. 223, ll. 52–53), in quella parigina, di Averroè (cf. ibid., rep. P, l. 5, q. 6, p. 440, ll. 85–86) nella reportatio di Monaco l’espressione è sì ricondotta ad Averroè, rimarcando però che già Aristotele si era espresso in modo simile. Cf. ibid., rep. M, l. 5, q. 15, p. 278, ll. 97–98; Aristoteles, Metaphysica, l. 7, c. 8, 1033 b 5–26; Averroes, Commentarium in Aristotelis Metaphysica, l. 7, comm. 28, in Aristotelis Opera cum Averrois Commentariis, VIII, Venezia 1562, f. 178 H–I. 71 Cf. Siger de Brabant (nota 1), rep. C, l. 7, q. 15, p. 354, ll. 27–44; ibid., rep. P., l. 5, q. 6, p. 440, ll. 78–89; ibid., rep. M, l. 5, q. 15, pp. 278–279, ll. 80–117.

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materia la capacità di entrare in relazione con le forme che la determinano; in terzo luogo, provocando, quale principio efficiente, l’avvento delle forme nella materia. Sigieri va quindi a caccia di una tale causa, procedendo per esclusione. La prima da escludersi è la Causa Prima, il cui effetto deve essere unico e del tutto simile a sé: non vi è nulla 72 infatti che più della materia disti dalla piena attualità del Primum. Per analoghe ragioni, l’essere della materia non può derivare nemmeno da un’intelligenza separata. A questo punto, escluse sia la Causa prima, sia le intelligenze, a Sigieri non resta che il cielo: è nella sostanza del cielo infatti che si riscontra una certa potenzialità di ordine fisico, potenzialità che, per quanto relativa al solo luogo, manifesta pur tuttavia quella somiglianza con la materia dei corpi che si generano e si corrompono che non può in alcun modo essere riscontrata né nella Causa prima, né nelle 73 sostanze intellettive. A consolidare la supposizione, Sigieri richiama l’influenza immediata che la causalità celeste già esercita sul mondo sublunare. È infatti il cielo ad essere responsabile della generazione degli elementi l’uno dall’altro; essendo gli elementi ciò che di più fondamentalmente materiale ci sia, non pare inverosimile pensare che anche la sostanza della materia derivi 74 dal cielo. Tuttavia, precisa Sigieri, il modo in cui la causalità celeste determina l’essere della materia è diverso da quello che investe le forme: nel caso di queste ultime, il cielo influisce sul momento generativo, garantendo la trasmissione successiva delle forme nei diversi individui; nel caso della materia, che è ingenerata e funge da subiectum, va invece postulata un’eterna dipendenza causale dell’essere della materia da ciò di 75 cui il cielo è fatto. ___________________ 72 Cf. Siger de Brabant (nota 1), rep. C, l. 5, q. 11, p. 207, l. 56 – p. 208, l. 6; ibid., rep. P, l. 5, q. 5, p. 437, ll. 46–53; ibid., rep. M, l. 5, q. 10, p. 256, ll. 62– 73; ibid., q. 11, p. 257, ll. 13–15. 73 Cf. id., rep. C, l. 5, q. 11, p. 208, ll. 7–14. 74 Quod autem materia prima sit effectus ipsius orbis immediate, apparet sic. Nam elementa, quae immediate generantur ex orbe circulariter, sunt in quibus primo reperitur materia; nam materia, mediantibus formis elementorum, recipit forma mixtorum. Quod igitur est causa immediata elementorum, est causa immediate ipsius materiae. Hoc autem est orbis, id., rep. C, l. 5, q. 11, pp. 208–209, ll. 16–20. Cf. ibid., rep. P, l. 5, q. 5, p. 437, ll. 52–56; ibid., rep. M, l. 5, q. 11, p. 257, ll. 20–25. 75 Cum non sit aliquid invenire quod omnium formarum materialium, sit causa immediata nisi orbem, non eodem modo procedunt ex orbe formae materiales elementorum et materia prima. Formae enim procedunt ex orbe sicut ex causa

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Dal momento che la strutturale relazione tra materia e forma non può dipendere, come avrebbe detto Tommaso, da una reciproca causalità dell’una rispetto all’altra, né, come invece pensava Alberto, dalla presenza nella materia delle inchoationes formarum, Sigieri lega tale correlazione ad un principio «estrinseco» e di ordine superiore: se dell’erba fiorisce quando ne fiorisce anche dell’altra, la semplice simultaneità tra le due florescenze non implica alcun nesso di reciproca causalità, mentre invece un terzo fattore – la causalità celeste – può ben essere ordinato alla loro 76 produzione simultanea. Trattandosi anche di una dottrina esplicitamente condannata da 77 Tempier nel 1277, vale la pena indugiare su una considerazione. Nella sua argomentazione, Sigieri si muove su livelli diversi di determinazione della verità. Se infatti ritiene con fermezza che la necessità della correlazione tra materia e forma possa essere giustificata solo ricorrendo ad un principio di ordine superiore, l’indicazione di quale sia effettivamente tale principio non appare caratterizzata dalla medesima apoditticità. Che sia proprio il cielo la causa diretta e immediata dell’essere della materia rimane «soltanto» l’ipotesi più ragionevole, la 78 più verosimile, una volta escluse le altre. ___________________ generante; materia autem, cum sit ingenita, non sic; sed ad esse orbis sequitur esse materiae, sicut ad esse Causae primae sequitur esse sui effectus immediati. Et ex hoc apparet quod orbis quantum ad idem non est causa materiae et formarum materialium. Cum enim sit causa generans respectu formarum materialium, per id quod novum est in eo causa est earum; et ideo accidit continue novitas in formis materialibus. Per id autem quod aeternum est in eo, ut per substantiam suam, est causa materiae, quae secundum substantiam aeterna est, Siger de Brabant (nota 1), rep. C, l. 5, q. 11, p. 209, ll. 22–33; cf. anche ibid., rep. P, l. 5, q. 5, p. 437, ll. 57–62. Nella versione delle ‹Quaestiones in Metaphysicam› di Monaco, si specifica che la materia deriva dalla quint’essenza ed è eterna per l’eternità della natura della quint’essenza (id., rep. M, l. 5, q. 11, p. 257, l. 17 e ibid., p. 258, ll. 49–50). 76 Cf. id., rep. C, l. 5, q. 11, p. 209, ll. 41–53; ibid., rep. V, l. 5, comm. 8, p. 353; ibid., rep. V, l. 5, q. 14, p. 353, ll. 21–27. 77 Cf. Hissette, Roland, Enquête sur les 219 articles condamnés à Paris le 7 mars 1277 (Philosophes Médiévaux 22), Louvain/Paris 1977, pp. 66, 138–139, 175. 78 L’aspetto della verosimiglianza è esplicitato in ognuna delle diverse versioni delle ‹Quaestiones in Metaphysicam›: Rationabile igitur videtur quod sit effectus orbis immediate, Siger de Brabant (nota 1), rep. C, l. 5, q. 11, p. 208, l. 13; Verisimile est quod illud causa elementa quantum ad formam, causat ea

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Chiarito come Sigieri abbia inteso giustificare la correlazione tra materia e forma, rimane ancora senza risposta l’altra questione: che cosa, per Sigieri, permette alla materia di costituirsi come un certo hoc aliquid, essendo in potenza alla forma sostanziale, ma non a se stessa. Sigieri risponderà che la sostanza della materia va considerata come un 79 intermedio tra il non ente e l’ente, tra la sola potenza e l’atto 80 realizzato. La materia risulta così un certo aliquid per se subsistens per 81 82 rationem suam, dotata cioè di una sostanzialità che, per quanto infima, le consente pur tuttavia di essere il soggetto che permane nel divenire di cui pur partecipa, ricevendo l’attualizzazione dalle forme stesse che 83 accoglie. Nel proprio Commento alla ‹Metafisica›, Tommaso sottolineava che, stando ad Aristotele, quella di stare a cavallo tra non essere ed essere è la condizione della generazione, che è atto non nel senso della forma

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quantum ad materiam, ibid., rep. P, l. 5, q. 5, p. 437, ll. 55–56; Verisimile est quod illud quod est causa formarum materialium et maxime primarum et simplicium immediate, sit etiam causa materiae quantum ad suam essentiam; hoc autem est orbis immediate, id., rep. M, l. 5, q. 11, p. 257, ll. 22–25. Dico quod ex materia prima fit aliquid sicut ex eo quod est medium inter non esse simpliciter et esse in actu. Ipsa enim est ens in potentia tantum. Est autem in potentia nec est simpliciter non ens nec est ens in actu, sed est medium per abnegationem inter ista, id., rep. C, l. 2, q. 16, p. 62, ll. 15–18; Calma, Coccia (nota 1), l. 1, q. 20, p. 336. In eo quod est in potentia duo sunt, scilicet subiectum potentiae et terminus. Unde materia, quae est subiectum potentiae, pro termino respicit omne id quod est ens in actu; et ideo non est aliquid entium in actu. Pro termino autem, non respicit seipsam: non enim materia est ipsa substantia sua tantum in potentia: tunc privata esset substantia sua. Nec est substantia sua in actu, cum omnis actus a forma sit, ipsa autem in substantia sua formam non habet. Materia igitur est id quod est quodam medio modo inter actum et potentiam, Siger de Brabant (nota 1), rep. C, l. 7, q. 6, p. 335, ll. 40–47. Ibid., l. 5, q. 32, p. 262, ll. 20–21. In un inciso, mentre sta giustificando la propria tesi che la materia non può derivare direttamente da alcuna sostanza intellettiva, Sigieri dice che ciò non può accadere, cum minime habeat de natura actualitatis, ibid., l. 5, q. 11, p. 208, ll. 12–13. Siger de Brabant (nota 1), rep. C, l. 7, qq. 5–6, pp. 332–336; ibid., rep. P, l. 7, q. 3, p. 453; id., rep. V, l. 7, qq. 5–6, pp. 392–395.

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sostanziale, ma per come è atto il movimento. Quindi, in senso rigoroso, se c’è un medium tra l’ente e non ente, questi è l’ente che si 85 genera, non la materia. Infatti, nessun ente può di per sé «stare» indeterminatamente tra non ente ed ente; piuttosto, si può dire che ci sono enti che sono stati generati, che cioè sono stati in potenza al proprio 86 atto ben determinato. Quanto ad Alberto, la posizione aristotelica poteva apparirgli come la più convincente, in virtù del concetto di privazione che egli vedeva legato a quello di inchoatio formae. Per il Coloniese, è l’elaborazione di un tale concetto a costituire il punto discriminante, che permettere finalmente di superare sia le aporie degli antichi naturalisti, sia la posizione platonica, colpevole, quest’ultima, di non aver saputo indicare un principio 87 intrinseco e intimo di tensione della materia verso la forma. Osservata ___________________ 84 Cf. Thomas de Aquino, In Physicorum (nota 25), l. 3, c. 3, lect. 5, n. 17, p. 115; ibid., l. 5, c. 1, lect. 2, n. 6, pp. 232–233; id., In Metaphysicorum (nota 26), l. 3, lect. 3, n. 365, pp. 102–103. 85 Illud enim quod est in fieri et in perfici, est medium inter ens et non ens, sicut generatio est medium inter esse et non esse. Et ideo, quia per medium venitur ad extremum, dicimus, quod ex eo quod generatur fit illud quod generatum est, et ex eo quod perficitur, fit illud quod perfectum est. Et sic dicimus, quod ex puero fit vir, vel quod ex addiscente fit sciens, quia addiscens se habet ut in fieri ad scientem, Thomas de Aquino, In Metaphysicorum (nota 26), l. 2, lect. 3, n. 310, p. 88. Ens enim in potentia est quasi medium inter purum non ens et ens in actu. Quae igitur naturaliter fiunt, non fiunt ex simpliciter non ente, sed ex ente in potentia; non autem ex ente in actu, ut ipsi opinabantur. Unde quae fiunt non oportet praeexistere actu, ut ipsi dicebant, sed potentia tantum, ibid., l. 1., lect. 9, n. 3. Cf. anche id., In librum De Causis Expositio, lect. 25, éd. Ceslao Pera, Torino/Roma 1965, p. 129. 86 Omne quod mutatur deficit a termino a quo, et quod mutatum est iam defecit. Quando ergo aliquid mutatum est a non esse in esse, iam defecit a non esse; sed de quolibet verum est dicere, quod aut est aut non est: quod ergo mutatum est de non esse in esse, quando mutatum est, est in esse: et similiter quod mutatum est de esse in non esse, oportet quod sit in non esse. Manifestum est ergo quod in mutatione quae est secundum contradictionem, quod mutatum est, est in eo ad quod mutatum est. Et si est verum in ista mutatione, pari ratione est verum in aliis mutationibus, Thomas de Aquino, In Physicorum (nota 25), l. 6, c. 5, lect. 7, n. 2, p. 294. 87 Albertus Magnus, In II Sententiarum (nota 13), d. 1, A, a. 5, p. 17; id., Physica (nota 10), l. 1, tr. 3, c. 16, p. 71; id., Metaphysica (nota 7), l. 11, tr. 1, c. 8, p. 470. Abbiamo segnalato l’importanza euristica che Alberto riconosce

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con gli occhi di Alberto, una posizione come quella di Sigieri, che non accettando le inchoationes formarum, si trova ad andare a caccia di una causa esterna per dare ragione della correlazione tra materia e forma, non apparirà forse come una sorta di «regresso» verso il platonismo? La caratterizzazione stessa della materia come intermedio tra la pura potenza e l’atto realizzato non richiama forse alla memoria la concezione 88 platonica di ricettacolo, che però Aristotele, nella ‹Fisica›, riteneva di avere finalmente superato? Riconoscendo anch’egli un tale carattere intermedio della materia e rifiutando il concetto di materia come pura potenza, Enrico di Gand non esiterà a riconoscere un ineludibile debito 89 verso il ‹Timeo› di Platone. Non vi è dubbio che Sigieri sembri portare il concetto di materia come ens in potentia tantum laddove né Alberto, né Tommaso l’avrebbero potuto e voluto condurre. Si potrebbe dire che il Brabantino assuma contemporaneamente due principi che nelle prospettive dei due teologi domenicani risultavano antitetici: da un lato, la distinzione averroisticoalbertina tra essenza e potenza della materia (a cui si accompagna l’attribuzione alla materia della ratio subiciendi in modo proprio), dall’altro, in nome dell’irriducibile, immediata e intrinseca passività della materia, il rifiuto tommasiano dell’inchoatio formae. Si può quindi affermare che Sigieri ha promosso, a suo modo, due tra le principali istanze critiche che lo stesso Olivi farà valere, opponendosi alla dottrina della materia come pura potenza e all’esigenza, presente anche in maestri del proprio ordine, di ricorrere alle ragioni seminali per 90 giustificare la tensione della materia verso la forma sostanziale. Mentre però Sigieri condivide in ogni caso con Alberto e Tommaso il «dogma» ___________________ al concetto di privazione nella tradizione peripatetica in Petagine (nota 15), pp. 644–649. 88 Cf. Plato, Timaeus, 51 A, a Calcidio translatus, éd. Jan H. Waszink (Plato Latinus 4), London/Leiden 1975, p. 49. 89 Henricus de Gandavo, Quodlibet I, q. 10, solutio, éd. Raymond Macken (Henrici de Gandavo Opera Omnia 5), Leuven/Leiden 1979, p. 63, ll. 21–28; id., Summa (Quaestiones ordinariae, art. I–V), a. 2, q. 6, solutio, éd. Gordon A. Wilson (Henrici de Gandavo Opera Omnia 21), Leuven 2005, p. 237, ll. 61–65. Cf. Macken, Raymond, Le statut de la matière première dans la philosophie d’Henri de Gand, in: Recherches de Théologie ancienne et médiévale 46 (1979), pp. 130–182, spec. pp. 140–144. 90 Cf. Petrus Johannis Olivi (nota 3), q. XVI, ad. 5, pp. 335–336; ibid., q. XXXI, pp. 516–517.

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dell’impossibilità di attribuire alla materia alcun atto proprio, Olivi ritiene necessario – e corrispondente non solo con il pensiero di Agostino, ma anche con quello di Aristotele – sostenere che la materia realizzi un suo proprio livello di attualità, a cui corrisponde la capacità di 91 essere in potenza a tutte le forme. Nel giungere ad una tale conclusione, Olivi sembra mettere in gioco un elemento già centrale della speculazione di Tommaso d’Aquino, per quanto il Francescano lo utilizzi in una direzione del tutto opposta a quella dell’Aquinate: l’essere in atto e l’essere in senso proprio 92 «soggetto» sono due condizioni ontologiche inscindibili. Dinnanzi a questo principio, tanto la via tentata da Alberto e Sigieri, i quali pretendevano che almeno la materia fosse ad un tempo genuinamente soggetto ed ente soltanto in potenza, quanto quella aperta da Tommaso, che indeboliva la ratio subiecti della materia per poterla identificare con la pura potenza, appaiono ad Olivi destinate a cedere il passo.

___________________ 91 Cf. ibid., q. XVI, resp., pp. 306–309. 92 Nihil potest fundari et stabiliri actualiter in eo quod de se nihil habet actualitatis; ergo nec potentia passiva nec forma aliqua poterit fundari in materia, si ipsa per se nihil habet actualitatis, ibid., p. 306.

III. Perspectives

Notes pour l’histoire de la réception de Pierre de Jean Olivi Tiziana Suarez-Nani (Fribourg)

L’histoire de la réception d’Olivi reste à écrire. Les censures et les interdictions qui l’ont frappé ne semblent pas avoir réussi à effacer sa e mémoire, du moins pendant les premières décennies du XIV siècle. Le but de cette étude est de donner une contribution, nécessairement partielle et provisoire, à la reconstitution de cette histoire : il s’agira en particulier de vérifier dans quelle mesure certaines doctrines d’Olivi ont été prises en considération par François de la Marche (ou d’Ascoli), actif 1 à Paris dans les années 1320, représentant de la première école scotiste et partisan, comme son confrère provençal, d’un idéal de pauvreté pour 2 lequel il n’a pas hésité à combattre.

I. Proximités et références Nous avons choisi quelques thèmes significatifs qui qualifient le profil théorique des deux auteurs, afin de mettre en évidence et d’évaluer leurs proximités et leurs divergences. Les mises en parallèle proposées seront de natures différentes : proximité doctrinale ou terminologique, renvois précis ou critique vont permettre de constater la présence toujours ___________________ 1

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Cf. Bérubé, Camille, La première école scotiste, dans : Preuves et raisons à e l’Université de Paris. Logique, ontologie et théologie au XIV siècle, éd. Zénon Kaluza, Paul Vignaux (Études de philosophie médiévale. Hors série), Paris 1984, pp. 9–24. François fera partie du petit groupe de franciscains qui vont fuir Avignon la nuit du 27–28 mai 1328 pour se rendre à Munich auprès de Louis de Bavière : cf. Vian, Paolo, Francesco della Marca, dans : Dizionario biografico degli Italiani (vol. 49), Roma 1997, pp. 793–797.

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vivante de la pensée d’Olivi au cours des années 20 du XIV siècle. I.1 L’anthropologie Une des questions majeures qui ont animé le débat anthropologique à la e fin du XIII siècle est celle de l’unité ou de la pluralité des formes substantielles en l’homme. Dans le sillage d’Aristote, Thomas d’Aquin optait pour la thèse moniste (ou « uniciste ») – une seule forme substantielle en l’homme qui confère à la matière tout son être –, alors que, dans le sillage d’Augustin, plusieurs penseurs, notamment franciscains, adoptaient la thèse pluraliste – en l’homme il y a plusieurs formes substantielles qui rendent compte des différentes fonctions et opérations du composé humain. L’enjeu de la question était de première importance : sur le plan anthropologique, il s’agissait de rendre compte de l’unité de l’être humain, mais aussi de la différence de nature de ses composantes ; sur le plan théologique, il fallait rendre compte du changement eucharistique et de l’identité du corps du Christ pendant le triduum pascal. Le débat autour de cette problématique a occupé le devant de la scène entre 1277 (18 mars) – date de la condamnation de la 3 thèse de l’unité de la forme par Robert Kilwardby à Oxford – et 1311 – date du Concile de Vienne, qui adoptait la thèse moniste et réprouvait « toute position qui affirme que la substance de l’âme rationnelle ou intellective n’est pas véritablement et par soi la forme du corps 4 humain » . Étroitement mêlé aux disputes qui ont pris corps dans la littérature des ‹Correctoires›, ce débat a eu, parmi les protagonistes les plus en vue, Robert Kilwardby, Jean Peckham, Gilles de Rome et Henri 5 de Gand. ___________________ 3 4

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Cf. Boureau, Alain, Théologie, science et censure au XIII siècle. Le cas de Jean Peckham (Histoire 94), Paris 1999, p. 75. Cf. Denzinger, Heinrich, Enchiridion symbolorum, Würzburg 1865, rééd. Freiburg/Br. 1976, p. 284, n. 902 ; Denzinger, Heinrich, Decrees of the Ecumenical Councils, éd. Norman P. Tanner, London/New York 1990, pp. 360–361. La décrétale du Concile de Vienne fut approuvée par Jean XXII le 25 octobre 1317. Les antécédents du Concile de Vienne ont été reconstitués par Schneider, Theodor, Die Einheit des Menschen. Die anthropologische Formel anima forma corporis im sogenannten Korrektorienstreit und bei Petrus Johannis Olivi. Ein Beitrag zur Vorgeschichte des Konzils von Vienne (Beiträge zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters, Neue Folge 8), Münster 1972. Le dossier a été complété par Boureau (note 3).

Notes pour l’histoire de la réception de Pierre de Jean Olivi

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Comme l’on sait, le Concile de Vienne frappait précisément la doctrine de Pierre de Jean Olivi, formulée dans les questions 50 et 51 de e ses ‹Quaestiones› sur le II livre des ‹Sentences›, rédigées entre la fin des années 1270 et le début des années 1280. Si sa position s’inscrit dans l’orientation pluraliste, Olivi la présente néanmoins comme une via media entre la doctrine de l’unité d’une part et celle de la pluralité des 6 formes de l’autre. Reprochant à la première de sacrifier la complexité de structure et de fonctions du composé humain et à la seconde d’en 7 compromettre l’unité (en réifiant des distinctions de raison ), Olivi pose en l’homme plusieurs formes substantielles, dont l’agencement cherche à éviter les pièges des deux opinions extrêmes. Dans le corps il y a trois formes corporelles correspondant à ses déterminations essentielles – la 8 forme de corporéité, du mélange et d’organisation – et trois formes spirituelles correspondant aux trois fonctions de la vie végétative, sensitive et intellective ; les premières s’enracinent dans la matière corporelle et les secondes dans la matière spirituelle de l’âme. L’articulation de l’âme au corps se fait au niveau de la forme sensitive, qui est enracinée dans la matière spirituelle de l’âme et s’unit à la matière 9 corporelle en tant que forme . Cette articulation vise à assurer à la fois ___________________ 6

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Cf. Petrus Iohannis Olivi, Quaestiones in secundum librum Sententiarum, q. 50, éd. Bernhard Jansen (Bibliotheca Franciscana Scholastica V), Quaracchi 1924, p. 34 : Et ideo videtur mihi media via esse incedendum. Cf. ibid., pp. 33–34 : Aliorum fuit opinio quod ratio cuiuslibet generis et differentiarum omnium sequentium sunt realiter differentes, non tantum ratione. [ . . . ] Opinio autem haec, sicut credo, veritatem habere non potest. [. . . ] Quod etiam omnis ratio quae realiter est in aliquo differat realiter, ita quod habeat essentiam realiter distinctam ab omni alia ratione quae in eodem existit realiter impossibile est probari, quin in ratione sit peccatum accidentis procedendo a distinctione quae est secundum rationes ad distinctionem realem. Cf. ibid., p. 31 ; à d’autres endroits il semble admettre également une quatrième forme corporelle : la forma complexionis, cf. Bettoni, Efrem, Le dottrine filosofiche di Pier di Giovanni Olivi (Pubblicazioni dell’Università cattolica del Sacro Cuore. Nuova serie 73), Milano 1959, pp. 342–343. Cf. ibid., pp. 121–122 : quod sensitiva non sit radicata in substantia seu in spirituali materia partis intellectivae [. . . ] non solum est falsum, sed etiam in fide periculosum. Si enim pars intellectiva non potest esse per se forma corporis [. . . ] et non est dare viam quomodo possit uniri corpori substantialiter et cum eo constituere unum ens, nisi habeat intra se aliquam naturam formalem per quam informet corpus, et aliam non sit dare nisi sensitivam et vegetativam.

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l’unité du composé et la transcendance de la partie intellectuelle de l’âme par rapport au corps : pour Olivi, en effet, l’âme intellectuelle se rapporte 10 au corps comme une « poire greffée sur un pommier » ; elle n’est donc pas la forme du corps, mais elle est bel et bien la forme de l’être humain grâce à la matière spirituelle dans laquelle s’enracinent la partie 11 intellectuelle et la partie sensitive de l’âme. Jusque-là Olivi ne semble pas se démarquer véritablement de la position pluraliste, mais il va le faire lorsqu’il s’agit de préciser le rapport entre les différentes formes substantielles. Refusant la thèse d’une subordination essentielle entre les formes – ce qui impliquerait qu’une 12 forme soit informée par une autre forme –, il propose une alternative à travers la doctrine de la subordination dispositive : les formes du composé humain sont en réalité des parties formelles qui disposent la 13 matière à recevoir la forme substantielle totale et unique de l’individu. ___________________ 10 Cf. Petrus Iohannis Olivi, Quaestiones in secundum librum Sententiarum, q. 56, p. 302 : Qui vero ponunt animam rationalem esse formam corporis secundum solam partem suam sensitivam non coguntur tenere quod unio vel unitiva inclinatio partis intellectivae ad partem sensitivam et ad corpus sensificatum sit omnino id ipsum quod absoluta essentia partis intellectivae, sed sufficit quod sit quaedam essentia relativa illi annexa, sicut piro insertae in arborem pomum est annexa inclinatio et unio ad pomum cui est inserta [. . . ]. 11 Cf. ibid., q. 51, p. 136 : recitavi, scilicet quod pars animae intellectiva non sit forma corporis, quamvis sit forma hominis quantum ad formale quod in se essentialiter habet [. . . ] si autem homo habet diversas materias, sufficit quod intellectiva sit forma alterius earum ad hoc quod sit forma hominis, et ad hoc quod sit forma hominis principalis sufficit quod sit forma materiae principalis eius (p. 133) et les considérations de Bettoni (note 8), p. 367. 12 Cf. ibid., q. 51, p. 110 et p. 142 ainsi que Bettoni (note 8), p. 307, n. 138. La thèse qu’une forme ne peut pas être informée par une autre forme est également formulée dans la q. 16 du même commentaire : cf. Pierre de Jean Olivi. La matière, textes introduits, traduits et annotés par Tiziana SuarezNani, Catherine König-Pralong, Olivier Ribordy, Andrea Robiglio (Translatio. Philosophies médiévales), Paris 2009, pp. 148–149 : « De plus, si la forme est informée, soit son actualité est informée, soit elle ne l’est pas. Si elle l’est, alors l’actualité de la forme, en tant qu’actualité, est informée et informable ; par conséquent, en tant qu’actualité, elle est potentielle ou une potentialité. Si elle ne l’est pas, ce qui l’informe n’est pas reçu dans l’actualité de la forme qu’il informe ; et puisque son actualité est son entité tout entière, rien de son entité tout entière n’est informé ». 13 Cf. ibid., q. 50, pp. 35–36 : quaelibet illarum rationum formalium [. . . ]

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Cette solution comporte cependant une implication lourde de conséquences : l’âme intellectuelle cesse d’être par soi la forme du corps humain. 14 C’est cette conception qui sera condamnée par le Concile de Vienne , 15 après avoir déjà été censurée à l’intérieur de l’ordre franciscain en 1283. 16 Or, de l’avis de plusieurs historiens , ces procédures auraient compromis la diffusion et la réception des doctrines oliviennes. Avec François d’Ascoli nous allons pouvoir prolonger cette petite e histoire au-delà de 1311. Dans ses ‹Questions sur le II livre des Sentences›, qui datent de 1319/20, il reprend à nouveaux frais la question 17 des formes substantielles en l’homme en distinguant deux problèmes : ___________________

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quando est cum aliis non est forma, sed pars formae, et ideo tunc earum non est dare esse per se, sed totalis formae. [. . . ] Formae enim totius est dare esse per se et non alicuius partis eius, licet hoc ipsius sit dare per suas partes ; unde per quamlibet partium suarum formalium dat unum gradum actualitatis essendi, et tunc sicut ex omnibus partibus consurgit una forma completa, ita ex omnibus gradibus essendi consurgit unum esse completum. Pars ergo formalis non dat esse nec etiam per se gradum essendi, sed forma per ipsam. [. . . ] forma prima non perficitur ab ultima nisi quodam modo indirecte [. . . ] Unde forma ultima est solum perfectio materiae proprie, soli enim sibi unitur ut materiae et ut perfectibili, formae vero primae non unitur nisi sicut parti formali, pp. 39–40 ; ibid., p. 40 : Ex prima ergo forma et ultima [. . . ] pro tanto dicuntur una forma et unus actus, quia ordinato modo concurrunt ad unam materiam perficiendam ; actualitas enim ultimae formae talis est quod non posset ipsam materia capere, nisi per primam formam esset capacitas materiae dilatata, sublimata et coaptata ad ultimam recipiendam et Schneider (note 5), pp. 229–230. Voir supra, note 4. Dans le cadre de cette procédure Gilles de Rome a rédigé une liste d’articles extraits des œuvres d’Olivi : Impugnatio doctrinae Petri Ioannis Olivi an. 1311–12, éd. Leo Amoròs, dans : Archivum franciscanum historicum 27 (1934), pp. 399–451 (la doctrine de la forme figure à l’article 15, p. 435). Cf. Petrus Iohannis Olivi, Epistola ad fratrem R., éd. Sylvain Piron, Cynthia Kilmer, Elsa Marmursztejn, dans : Archivum franciscanum historicum 91 (1998), pp. 33–64. Dans le cadre de cette procédure, Olivi explique à des amis que sa théorie ne visait qu’à sauvegarder l’immortalité et la liberté de l’âme intellectuelle : cf. ibid., pp. 50–51. Cf. Bettoni (note 8), p. 317 ; De Wulf, Maurice, Histoire de la philosophie 6 médiévale, t. II, Paris 1936, p. 240 ; Gilson, Étienne, La philosophie au 2 Moyen Age, Paris 1947, p. 455. Francisci de Marchia Quaestiones in secundum librum Sententiarum

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celui des formes en l’homme et celui du rapport de ces formes à la matière. Ne faisant aucun cas de la doctrine pluraliste de bon nombre de ses confrères, François discute et critique la thèse de l’unité de la forme 18 substantielle sans le moindre égard pour le décret du Concile de Vienne et opte pour la conception d’une double forme – conception dite « dimorphiste » –, selon laquelle « dans chaque être animé il y a une forme substantielle essentiellement distincte de son âme, à savoir une forme antérieure qui exerce la fonction de sujet par rapport à son âme ». Dans l’homme il y a donc deux formes : une forme de corporéité responsable des déterminations et de la configuration du corps, et l’âme 19 intellectuelle qui détermine la spécificité de l’être humain. Cette solution n’est pas nouvelle. Avant François, elle a été soutenue 20 21 par au moins trois auteurs : Henri de Gand , Guillaume de Ware et 22 Jean Duns Scot , qui posent les mêmes deux formes en l’homme, mais ___________________

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(dorénavant : Quaestiones in II Sent.), vol. III, q. 38 : ‹Utrum in homine sit aliqua forma praeter animam intellectivam›, éd. Tiziana Suarez-Nani, William Duba, Girard J. Etzkorn (Ancient and Medieval Philosophy), Leuven University Press (parution prévue pour 2011). En revanche Pierre Auriol, qui est un interlocuteur constant de François, se réfère explicitement au décret du Concile et l’adopte comme directive : cf. Scriptum in II Sent., d. 15, q. 1, a. 2, Romae 1605, p. 223b. Cf. Francisci de Marchia Quaestiones in II Sent. (éd. citée note 17), q. 38, § 25 : Unde concedo quod in quocumque animato quacumque anima est alia forma substantialis ab ipsa anima. In quocumque enim est anima per modum formae, in eo est aliqua substantialis forma prior per modum subiecti respectu animae ab ipsa essentialiter distincta ; ibid., § 32 : Tunc ergo dico quod in homine est aliqua forma substantialis praeter animam intellectivam, puta forma corporeitatis. Cf. Quodlibet IV (daté de 1279), q. 13 (Lovanii 1518, f. 112vB–113rD) ; mais aussi Quodlibet IX (qui date de 1286), q. 8 et Quodlibet X (daté également de 1286), q. 5 : pour une reconstruction de la position d’Henri nous renvoyons à Mazzarella, Pasquale, Controversie medievali (I Principi 13), Napoli 1978, pp. 161–177, ainsi que Fioravanti, Gianfranco, Forma ed essere in Enrico di Gand : preoccupazioni teologiche ed elaborazione filosofica, dans : Annali della Scuola Normale Superiore di Pisa V, 3 (1975), pp. 985– 1031. Cf. Gál, Gedeon, Guilelmi de Ware doctrina philosophica per summa capita exposita, dans : Franciscan Studies 14 (1954), p. 279. Cf. In IV librum Sententiarum, d. XI, q. 3, Quaracchi 1918, pp. 350–443. La position dimorphiste semble avoir déjà été ébauchée par Jean Peckham, Quodlibet Romanum, éd. F. Delorme, Roma 1938, p. 64 : cf. Mazzarella,

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conçoivent différemment leur rapport à la matière. La solution dimorphiste de François doit être rattachée à celle de Duns Scot : leur proximité saute aux yeux lorsqu’on rappelle que selon le Docteur Subtil « dans chaque être animé il est nécessaire de poser une forme par laquelle le corps est un corps, et cette forme est autre que celle par laquelle il est 24 un corps animé » . 25 Proche de Duns Scot sur ce point , François s’en éloigne cependant lorsqu’il s’agit de clarifier le rapport des deux formes à la matière. À ce propos il fait référence à certains qui, en vertu de l’impossibilité qu’une 26 forme soit informée par une autre forme , soutiennent que « les différentes formes substantielles, quel que soit l’être dans lequel elles se trouvent, se rapportent les unes aux autres selon un ordre de disposition et non selon un rapport de perfectibilité ». La précision de ce renvoi ne 27 laisse subsister aucun doute quant à l’interlocuteur visé : Olivi – comme on l’a vu – insistait sur le fait qu’il n’y a pas un rapport de perfectibilité entre les parties formelles, mais un rapport instrumental ou de disposition, afin de permettre l’information de l’être humain par la forme 28 totale qu’est l’âme intellectuelle. L’explication qui suit renforce ___________________

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Pasquale, La dottrina dell’anima e della conoscenza in Matteo d’Acquasparta (Collana di studi filosofici 17), Padova 1969, rééd. 1983, p. 54. C’est sur ce point que Duns Scot critique Henri de Gand : cf. Suarez-Nani, Tiziana, Une anthropologie dans l’horizon scotiste : François de Marchia, à paraître dans : Miscellanea Mediaevalia 2009. Cf. Jean Duns Scot, In IV librum Sententiarum, d. XI, q. 3, n. 54, éd. Vivès, Parisiis 1894, p. 436 : universaliter in quolibet animato, necesse est ponere illam formam, qua corpus est corpus, aliam ab illa, qua est animatum. Pour l’accord et la divergence entre François et Duns Scot sur cette question, cf. Suarez-Nani (note 23). Cf. Francisci de Marchia Quaestiones in II Sent., (éd. citée note 17), q. 38, § 48 : Quantum ad secundum principale, sunt aliqui dicentes quod istae plures formae substantiales, in quocumque ponantur, habent inter se ordinem per modum dispositionis, non per modum subiecti perfectibilis ; licet enim posterior praesupponat priorem sicut propriam dispositionem ad se ipsam, non tamen praesupponit sicut proprium subiectum perfectibile, nec sicut partem subiecti perfectibilis per ipsam. Formae enim non est forma, quod tamen esset, si prima informaretur et perficeretur per secundam. Si François a bien connu la position d’Olivi, il n’y a en revanche aucune certitude quant au fait qu’il ait eu accès au texte d’Olivi, que ce soit directement ou à travers une médiation. Cf. supra, note 13, ainsi que, dans la même q. 50, p. 38 : illa quae ultimo

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l’identification avec Olivi : « ceux-là mêmes – écrit-il – disent que les formes substantielles informent immédiatement la matière, et séparément, bien que selon un certain ordre ; en effet, l’une informe avant l’autre, mais n’est pas informée par elle. En faveur de cette opinion on invoque le fait que ce qui peut être informé par une forme substantielle est en puissance ; or toute forme substantielle est en acte, et 29 non pas en puissance » . La solution d’Olivi est jugée incapable d’assurer l’unité de l’individu. Pour cette raison, refusant que la forme ultime informe la matière, François affirme qu’elle se rapporte uniquement au composé de matière première et de forme de corporéité, de sorte que cette dernière n’est pas 30 une simple disposition, mais le sujet de l’âme intellectuelle. En réalité, entre la forme de corporéité et la forme ultime il y a à la fois un rapport de disposition et de perfectibilité : la forme du corps dispose la matière première à recevoir l’âme intellective, si bien que le corps ainsi disposé ___________________ advenit dicitur proprie forma rei, et aliae praecedentes habent se ad ipsam sicut partes ad totum et sicut ad suam radicem [. . . ]. Sic similiter anima debet dici proprie forma hominis, aliae vero quasi partes eius et instrumenta ; ibid., p. 40 : Ex prima ergo forma et ultima non fit unum proprie sicut ex perfectibili et perfectione ; sed pro tanto dicuntur una forma et unus actus, quia ordinato modo concurrunt ad unam materiam perficiendam. 29 Cf. Francisci de Marchia Quaestiones in II Sent. (éd. citée note 17), q. 38, § 49 : Dicunt ergo isti quod omnes formae substantiales, quomodocumque ponantur in aliquo, immediate informant materiam, et praecise, licet ordine quodam ; prius enim informat una quam alia, ut illa quae disponit ad aliam, nec tamen illa prius informans per aliam informatur. Pro ista opinione arguitur : quod est informabile per formam substantialem est in potentia simpliciter ; sed quaecumque forma substantialis est in actu simpliciter, non autem in potentia ; ergo etc. Olivi formule cette théorie ainsi : tertia evasio non minus est irrationalis quam praedictae nec minus contra philosophiam Aristotelis eorum. Si enim forma potest informari ab alia et maxime primo ac per se, tunc forma talis habebit in se vere rationem informis et possibilis et materiae ; et tunc necessario erit composita ex actu et potentia et ex forma et materia (q. 51, p. 110). 30 Cf. ibid., § 50 : Sed tamen dico aliter, videlicet quod ultima forma, ubicumque plures formae ponuntur, non perficit seu informat immediate materiam primam, sed compositum ex ipsa et forma priori substantiali, ita quod proprium et immediatum perfectibile per ultimam formam non est materia prima, sed huiusmodi compositum ex forma substantiali et materia prima ; et ita forma praecedens non tantum respicit sequentem ut dispositio, sed etiam ut ratio subiecti eius.

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est son sujet immédiat, perfectionné par elle. Notre auteur inverse ainsi les rapports posés par Olivi : il les remplace par un rapport médiatisé entre la forme ultime et la matière et par un rapport immédiat entre la forme ultime et la forme de corporéité. Par sa fonction de sujet, la forme de corporéité garantit l’unité de l’être humain au moyen d’une articulation étroite de ses composantes, sur le mode du sujet perfectible 32 et de sa perfection. Dans cette critique d’Olivi est présent implicitement un autre élément : il est formulé dans la question 13 de ce même commentaire du 33 e II livre des ‹Sentences› , dans laquelle notre auteur réfute la thèse de la composition hylémorphique de l’âme. La négation de cette thèse ne ___________________ 31 Cf. Francisci de Marchia Quaestiones in II Sent. (éd. citée note 17), q. 38, § 54 : Et ideo dico quod istae formae habent duplicem ordinem, videlicet dispositionis et etiam termini perfecti et perfectionis. Prima enim ordinatur ad ultimam et sicut dispositio ad terminum, et etiam sicut perfectibile sive sicut ratio subiecti perfectibilis ad suam perfectionem. Unde forma corporis disponit materiam primam ad animam, et etiam cum hoc est ratio primi et immediati subiecti eius, perfectibilis per ipsam. [. . . ] Unde magis etiam ipsa anima perficit seu informat substantialem formam corporis quam materiam primam. 32 Cf. ibid., §§ 52–53 : Confirmatur, quia ille modus est convenientior secundum quem magis compositum est per se unum et magis salvatur unitas per se eius. Sed ponendo compositionem ex materia prima et forma praecedenti informari et perfici per formam sequentem, magis salvatur unitas per se compositi quam ponendo formam illam sequentem sive ultimam informare immediate materiam primam sicut praecedens informat : tunc enim istae formae substantiales non sunt unum nisi tantum ratione subiecti tertii, puta materiae quam omnes informant ; ergo etc. Praeterea, forma corporis est de ratione hominis ; sed si ipsa esset praecise dispositio ad formam ultimam hominis, puta ad animam intellectivam, non ratione subiecti informabilis per ipsam, tunc sequeretur quod non esset de ratione eius ; ergo etc. 33 Cf. Francisci de Marchia Quaestiones in II Sent., vol. II. (éd. citée note 17), qq. 13–27, notamment q. 13 : ‹Utrum angelus vel anima sit compositus ex materia et forma› : Quantum ad tertium, dico primo quantum ad animam intellectivam quod anima intellectiva non est composita ex forma et materia aliqua spirituali, ut ponunt quidam [vide, inter alios, P. J. Olivi], immo est forma simplex in genere formarum. Hoc probo primo sic [. . . ] : suivent six arguments en faveur de cette thèse. Celle-ci est réitérée à propos des substances spirituelles : cf. ibid., § 29 : Hoc idem dico de angelo, videlicet quod non est compositus ex forma et materia.

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permet plus d’assurer l’unité des parties de l’âme humaine par leur enracinement dans une même matière spirituelle : c’est ce qui amène François à articuler la forme de corporéité à l’âme intellectuelle sur le mode du sujet et de ce qui le perfectionne. Envisagé dans l’optique de cette étude, ce premier rapport textuel permet de constater que François a précisé sa position grâce à la confrontation avec Olivi : celui-ci reste par conséquent un interlocuteur qualifié en matière d’anthropologie malgré la censure de sa doctrine par le Concile de Vienne. I.2 L’intellect, la volonté et leurs opérations Sans quitter le domaine anthropologique, nous allons examiner quelques aspects des noétiques des deux franciscains et considérer d’abord leurs conceptions de l’intellect, de la volonté et de leurs opérations. L’attribution d’un rôle actif aux facultés humaines est un trait commun à bon nombre de penseurs franciscains qui se réclament d’Augustin. Cette idée acquiert toutefois une importance majeure chez Olivi, qui la formule avec une emphase toute particulière et en fait un point cardinal de sa conception de l’être humain. L’intellect et la volonté ne sont pas des accidents de l’âme ; en tant que puissances éminemment actives, elles sont les principes exclusifs de leurs propres actes. L’intellect, en effet, ne subit aucune causalité de la part de ses objets et ses actes de 34 connaissance résultent de l’exercice de son intentionnalité. Quant à la volonté, il est de sa nature même d’être le principe suffisant de ses actes 35 et, plus encore, elle est la racine de la liberté. Or « rien n’est plus noble ___________________ 34 Cf. Petrus Iohannis Olivi, Quaestiones in II Sententiarum, qq. 72–74. Voici quelques passages : potentia cognitiva non potest in actionem cognitivam exire nisi prius intendat actualiter in obiectum (q. 72, p. 9) ; actus cognitivi efficiuntur a potentia (q. 74, p. 113) ; Ex hoc est quod simplex essentia actus cognitivi habet in se duas nobiles rationes. Quarum prima est quasi fundamentalis ad secundam et secunda est quasi differentialis determinatio primae. Ex hoc enim quod actio cognitiva exit a spirituali luce principii cognitivi habet quod sit quaedam lux et quasi quidam radius analogice similis suo principio a quo fluit. Ex hoc vero quod est talis obiecti seu in tali obiecto terminatus et fixus habet quod sit eius expressiva visio seu cognitio et simillima imago. [. . . ] hae duae rationes [. . . ] fiunt a vi cognitiva sicut ab agente, et iterum ambae fiunt ab obiecto sicut a terminante (q. 72, p. 36). 35 Cf. ibid., q. 54, p. 249 : Libertatem etiam ponere sine voluntate est omnino impossibile ; q. 57, pp. 327–328 : Respectu etiam actuum [voluntas] est valde

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que la liberté » , raison pour laquelle celle-ci qualifie par dessus tout l’être humain et en constitue sa vraie noblesse. De là la célèbre déclaration, au ton provocateur, selon laquelle un être humain privé de 37 volonté ne serait qu’une bête intellectuelle. Olivi se montre ainsi partisan d’un volontarisme radical, plus marqué que celui d’un Matthieu d’Aquasparta, d’un Roger Marston, d’un Gonsalve d’Espagne ou d’un 38 Henri de Gand. Chez François d’Ascoli il n’y a pas de traces de l’emphase olivienne et 39 de sa surenchère de qualificatifs , mais le propos reste le même : la volonté est capable d’une autodétermination totale, elle est une ___________________

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indeterminata. [. . . ] Unde indubitanter homo sentit in se habere quandam potestatem quae non sic est determinata ad agendum, quando agit, et ad non agendum, quando non agit, quin, quando agit, possit id non agere, et quin, quando non agit, possit id agere. [. . . ]. Ergo oportet voluntatem, prout est potentia sui ipsius motiva, esse liberam ; q. 58, pp. 410–411 : Primum igitur in quo catholici a quibusdam paganis et Saracenis dissentiunt, quod scilicet actus liberi sint totaliter producti a voluntate seu quod liberum arbitrium vel voluntas, in quantum est libera, sit totaliter potentia activa, est necessario tenendum tam secundum fidem catholicam quam secundum rationem rectam. Cf. ibid., q. 54, p. 249. Cf. ibid., q. 57, p. 338 : Patet igitur quod hic error [sc. negatio libertatis voluntatis] omne bonum humanum et etiam divinum exterminat [. . . ]. Nec mirum, quia, ut ita dicam, id quod proprie sumus, personalitatem scilicet nostram, a nobis tollit nihilque amplius nobis dat nisi quod simus quaedam bestiae intellectuales seu intellectum habentes. Sur la conception olivienne de la volonté et de la liberté signalons, entre autres : Simoncioli, Feliciano, Il problema della libertà umana in Pietro di Giovanni Olivi e Pietro di Trabibus, Milano 1956 ; Boulois, Olivier, Vouloir, vœu et noblesse de la volonté selon Olieu, dans : Cahiers du Centre de Recherches Historiques 16 (1996), pp. 57–64 ; Putallaz, François-Xavier, Insolente liberté. Controverses e et condamnations au XIII siècle (Vestigia 15), Fribourg/Paris 1995, pp. 139– 162. Cf. Prezioso, Antonio Faustino, L’evoluzione del volontarismo da Duns Scoto a Guglielmo di Alnwick (Pubblicazioni dell’Istituto di filosofia teoretica di Napoli II), Napoli 1964, p. 21. Un exemple parmi d’autres suffira : dans la question 72 (p. 35), s’agissant de clarifier le rôle de l’objet dans la connaissance, Olivi écrit : sciendum quod obiectum, in quantum est talis terminus, habet rationem termini fixivi et illapsivi, et praesentativi et sigillativi seu configurativi et repraesentativi seu cognitivi.

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perfection dépourvue de toute imperfection , elle est la cause suffisante 41 de ses actes. Sa liberté lui permet d’aller à l’encontre du jugement de la 42 raison et fait de l’être humain un sujet naturellement capable de dominer son agir. Il apparaît ainsi que François défend un volontarisme tout aussi radical, qui le démarque de celui de plusieurs de ses confrères 43 contemporains, dont les positions restent prudentes et modérées. Bien que sur ce point il n’y ait pas de référence manifeste à Olivi, leur proximité doctrinale est significative : elle l’est d’autant plus que François formule la thèse de la causalité totale de la volonté sur ses actes en parfaite connaissance des différentes positions en jeu, en ayant pris en considération plusieurs opinions (Godefroid de Fontaines, Jean de Murrovalle et Thomas d’Aquin), et après avoir critiqué la théorie scotiste 44 des causes partielles . Le franciscain italien opte donc délibérément pour ___________________ 40 Cf. Francisci de Marchia Quaestiones in I Sententiarum, d. 1, q. 3 : libertas dicit perfectionem sine omni imperfectione : nous citons d’après le texte produit par Alliney, Guido, La libertà dell’atto beatifico nel pensiero di Francesco d’Appignano, dans : Atti del III° convegno internazionale su Francesco d’Appignano, éd. Domenico Priori, Appignano del Tronto 2006, pp. 9–34, voir p. 27. 41 Cf. Quaestiones in II Sent. (éd. citée note 17), q. 42, § 26 : Dico quod voluntas movet se directe, non tantum per accidens movendo potentias inferiores, ut dicit prima opinio, nec per aliquid ab obiecto impressum, ut dicunt alii, sed per se ratione propriae activitatis ; q. 43, § 23 : Intellectus est totalis causa cuiuslibet sui actus et voluntas sui et sensus similiter sui, non distinguendo causam totalem contra causalitatem primae causae, sed solum contra causalitatem obiecti ; cf. Suarez-Nani, Tiziana, Causalità e attività del soggetto : Francesco d’Appignano, dans : Atti del IV° convegno internazionale su Francesco d’Appignano, éd. Domenico Priori, Appignano del Tronto 2008, pp. 223–250. 42 Cf. ibid., (éd. citée note 17), q. 46 ; Dico ergo ad quaestionem quod intellectus non movet voluntatem effective imprimendo vel causando aliquid in ea, nec per se nec per accidens, eo modo quo movet eam, videlicet imprimendo sibi obiectum ; ipsum enim obiectum nihil in voluntate imprimit sive causat et la question 44, étudiée par Robiglio, Andrea, Francis of Marchia and the Act of the Will, dans : Vivarium XLIV, n. i (2006), p. 170. 43 Cf. Alliney, Guido, La ricezione della teoria scotiana della volontà nell’ambiente teologico parigino (1307–1316), dans : Documenti e studi sulla tradizione filosofica medievale XVI (2005), pp. 339–391, qui étudie les positions d’Alexandre d’Alexandrie, de Hugues de Novocastro, de Jacques d’Ascoli, de Jean de Bassoles, de Guillaume d’Alnwick et de Pierre Auriol. 44 Cf. Jean Duns Scot, Lectura in II Sententiarum, d. 25, q. unica, éd. Vaticana,

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un volontarisme plus radical que celui de Duns Scot : or cette option lui fait opérer un retour à Olivi, ou du moins le conduit à un rapprochement avec sa conception, dont il intègre un élément majeur. I.3 La causalité de la connnaissance L’examen de leurs conceptions des actes de connaissance permet de e e constater un procédé analogue. Au tournant des XIII et XIV siècles la question de la causalité qui intervient dans les actes cognitifs a intéressé de nombreux penseurs, qui ont cherché des alternatives au modèle épistémologique aristotélicien. Prenant part à ce débat, François a voulu à son tour lui donner une contribution propre : comme dans la discussion d’autres questions, il commence par envisager la solution de Duns Scot, qui voyait dans la connaissance le résultat de « deux causes partielles essentiellement ordonnées », à savoir la faculté intellectuelle et la 46 présence de l’objet. François critique cette solution modérée au profit de la thèse de la causalité totale de l’intellect : l’objet ne peut en effet 47 exercer sur lui aucune causalité efficiente. Fidèle à l’idée du caractère éminemment actif des facultés humaines, François d’Ascoli n’attribuera à l’objet que la fonction de terme visé par l’acte de connaissance : « l’objet n’engendre pas dans l’intellect la connaissance de soi en tant que cause ___________________ Roma 1943, pp. 254–255 ; Francisci de Marchia Quaestiones in II Sent. (éd. citée note 17), q. 43, § 4 : Est opinio quod voluntas vel intellectus vel sensus – quia eadem difficultas est de una sicut de alia – non est totalis causa actus sui, sed partialis, ita quod obiectum et potentia sunt duae causae partiales effectivae, licet potentia sit causa principalior illius actus. 45 Pour la doctrine de Scot, cf. Prezioso (note 38), p. 49. 46 Cf. Jean Duns Scot, Ordinatio, I, d. 3, p. 3, q. 2, éd. Vaticana, Roma 1950, pp. 289–295 : Obiectum intelligibile – praesens in se vel in specie intelligibili – et pars intellectiva [. . . ] sunt causae essentialiter ordinatae [.. . ] istae duae causae partiales approximatae, absque informatione alterius ab altera, per solam approximationem debitam causant unum effectum communem. Notre auteur s’y réfère comme indiqué supra, note 44. Pour le rapport de F. de la Marche à Duns Scot sur ce point cf. Suarez-Nani, Tiziana, Un modello alternativo di conoscenza ? Francesco de Marchia e la spazializzazione del rapporto conoscitivo, dans : Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie 53 (2006), pp. 345–366. 47 Cf. Francisci de Marchia Quaestiones in II Sent. (éd. citée note 17), q. 43, § 23, cf. supra, note 41. La causalité de l’intellect est argumentée au moyen de trois thèses : cf. Suarez-Nani (note 41), pp. 223–250.

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efficiente, mais seulement en tant que terme » . Cette thèse ne peut pas ne pas rappeler la position d’Olivi, qui concevait la connaissance comme le résultat de l’intentionnalité – appelée actualis aspectus – du sujet qui se dirige vers son objet : ce dernier n’est 49 pas la cause efficiente, mais la causa terminativa de la connaissance. La proximité des deux conceptions est donc indéniable : certes, 50 d’autres auteurs ont nié la causalité efficiente de l’objet , mais la position de François paraît plus radicale et sa réduction de l’objet à la fonction de 51 terme de l’acte cognitif – ainsi que le choix de l’adverbe terminative – autorise l’hypothèse qu’il ait tenu compte de la conception olivienne et s’en soit inspiré. Si tel est le cas, ici aussi François aura dépassé Duns Scot en faisant retour à Olivi. ___________________ 48 Cf. ibid., § 63 : Nunc autem patet inspicienti quod ex istis praemissis non sequitur quod obiectum cognitum congeneret in intellectu effective notitiam sui, sed tantum terminative. 49 Cf. Petrus Iohannis Olivi, Quaestiones in II Sent., q. 72, éd. Bernhard Jansen, vol. II, p. 10 : obiectum [. . . ] solum terminat aspectum virtutis cognitivae et suae actualis cognitionis [. . . ] formalis terminatio praedicti aspectus non est aliqua essentia realiter differens ab ipso aspectu et saltem non est influxa vel educta ab obiecto. [. . . ] Quod autem obiectum non habeat proprie rationem efficientis probatur [. . . ] ; ibid., pp. 36–37 : Potest autem causa obiectiva proprie poni in genere causae finalis aut, si propriori nomine vis eam vocare, vocetur causa terminativa [. . . ] causa terminativa habet vere rationem causae, quamvis non sit proprie causa efficiens actionis terminatae in ipsa ; q. 74, p. 113 : dico quod actus cognitivi efficiuntur a potentia, non tamen per solam nudam essentiam eius, immo in omnibus exigitur actualis aspectus super obiectum actualiter terminatus. De quo satis in praemissis quaestionibus est tractatum. Et ideo, quando res exterior per se non obicitur aspectui, oportet quod loco rei obiciatur aspectui aliqua species memorialis, quae non est principium actus cognitivi nisi solum per modum obiecti terminativi et repraesentativi, prout infra tangetur. Pour une définition de l’aspectus voir la question 59, pp. 543–544. 50 Par exemple Henri de Gand ou Durand de Saint-Pourçain : cf. Bonino, Serge-Thomas, Quelques réactions thomistes à la critique de l’intellect agent par Durand de Saint-Pourçain, dans : Revue thomiste 97 (1997), pp. 99–128. 51 François utilise l’adverbe terminative aussi dans le cadre de sa doctrine de la création pour affirmer que chaque réalité créée est possible en tant que « terme » de la création divine : cf. Quaestiones in II Sent., q. 2, § 60, éd. Tizina Suarez-Nani, William Duba, Emmanuel Babey, Girard J. Etzkorn (Ancient and Medieval Philosophy), Leuven 2009, p. 68.

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I.4 Connaissance et spatialisation : le cas des anges La négation de la causalité efficiente de l’objet vaut à plus forte raison 52 pour la connaissance angélique. Ici François élabore un modèle de rapport cognitif bien particulier : puisque l’ange ne reçoit rien de l’objet qu’il connaît, il le saisit « en dehors de lui-même », à savoir dans le lieu 53 où il se trouve et dans lequel l’objet s’offre à la connaissance. Cette « spatialisation » du rapport cognitif résulte de l’application conjointe de deux thèses : celle du caractère actif des facultés humaines et angéliques et celle de la connaissance comme produit de l’intentionnalité du sujet. Le franciscain opère ainsi une sorte de déplacement de la connaissance intellectuelle, en la situant dans une extériorité de type spatial dans le cas de l’ange (in loco in quo ipse est realiter) et dans l’extériorité/altérité des facultés inférieures à l’intellect dans le cas de l’homme. L’intellect humain connaît en effet en dirigeant son intentionnalité vers une représentation qui se trouve en dehors de lui, c’est-à-dire dans l’imagination ; de même, les sens ne perçoivent pas l’objet en en recevant une espèce sensible, mais 54 en se dirigeant vers l’espèce qui se trouve dans l’organe sensoriel. ___________________ 52 Francisci de Marchia Quaestiones in II Sent. (éd. citée note 17), q. 25, § 8 : Quantum ad secundum dico aliter, videlicet quod nullum obiectum materiale potest causare aliquid in intellectu angeli, nec per consequens aliquam speciem intelligibilem, nec sicut causa totalis nec sicut causa partialis. 53 Cf. ibid., § 23 : Obiectum multiplicat speciem suam usque ad locum in quo est angelus realiter, licet non per informationem, quia nec hoc requiritur etiam in nobis ad hoc quod per ipsam aliquid cognoscatur. Et tunc angelus potest per istam speciem ab obiectum causatam non in seipso, sed in loco in quo ipse est realiter, cognoscere obiectum. Sicut enim intellectus noster, habens speciem praesentem realiter non per informationem in se nec etiam in sensu, sed tantum in organo sensus, habet obiectum sibi sufficienter praesens in ratione actu intelligibile, ita intellectus angeli, habens speciem sensibilem obiecti non in se per informationem, sed in loco ubi ipse est realiter, etc., et ideo per istam potest obiectum habitualiter cognoscere, sicut et intellectus noster. Cf. SuarezNani (note 46), pp. 345–366. La localisation de l’ange est examinée à la q. 16 : cf. Suarez-Nani, Tiziana, Francesco d’Appignano e la localizzazione degli angeli, dans : Atti del III° convegno internazionale su Francesco d’Appignano, éd. Domenico Priori, Appignano del Tronto 2006, pp. 155– 182. 54 Cf. ibid., § 19 : Dico quod sensus sentit per speciem existentem formaliter non in se, sed in organo ; intellectus etiam intelligit per speciem existentem formaliter non in eo, sed in organo sensus interioris, videlicet phantasiae, usque ad quod obiectum exterius multiplicat speciem suam, vel usque ad

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Cette connaissance par voie d’extériorisation rappelle à nouveau la doctrine et le vocabulaire oliviens, qui clarifie l’intentionnalité impliquée dans l’actualis aspectus comme un exitus de la faculté cognitive qui se 55 dirige vers l’objet. Cette « sortie » est une projection intentionnelle qui 56 exige une forme de localisation. Cette condition est requise autant pour l’homme que pour l’ange : Olivi explique en effet que l’actualis aspectus est nécessaire aux substances spirituelles afin de connaître des objets distants et précise que cette visée intentionnelle suppose leur 57 localisation. La proximité doctrinale entre François et Olivi est une fois encore manifeste et rend plausible l’hypothèse que le franciscain italien ait connu la pensée du confrère provençal. I.5 Le rejet des espèces intelligibles et des idées divines Dans les textes que nous venons de parcourir émerge une autre idée commune aux deux auteurs : il s’agit de la critique des espèces intelligibles. Concevant la connaissance comme une orientation intentionnelle vers l’objet, François refuse la médiation d’espèces intelligibles autant dans la connaissance humaine que dans celle de l’ange : en effet, en vertu du statut toujours actif du sujet, il n’admet pas ___________________ organum sensus interioris, per quam quidem sive in qua intellectus habet obiectum sufficienter praesens. 55 Cf. Petrus Iohannis Olivi, Quaestiones in II Sententiarum, q. 72, pp. 36–38 : actio cognitiva exit a spirituali luce principii cognitivi [. . . ] Nam pro quanto exit ab interno principio cognitivo, sentimus quod est actio nostra et quoddam agere nostrum a nobis exiens et quasi in obiectum tendens et in illud intendens. 56 Cf. ibid., p. 65 : Et secundum hoc aspectus visivus dicitur esse in loco illo ad quem est directus et intentus. 57 Cf. ibid., q. 73, pp. 76 et 99 : Restat igitur ultimo probare quod praedictos aspectus oportet ponere in spiritibus separatis. Quod quidem triplici via probatur. Primo scilicet quia nec per species innatas nec per species a rebus localiter distantibus receptas possunt videre res, prout sunt in suis locis. Ergo oportet hoc fieri per aspectus in obiectis virtualiter terminatos [.. . ]. Sed dicitur a quibusdam quod substantia spirituum separatorum non est in loco [. . . ], arguitur contra hoc [. . . ]. Olivi argumente en faveur de la localisation des anges à la q. 33 : cf. Suarez-Nani, Tiziana, Pierre de Jean Olivi et la subjectivité angélique, dans : Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Age 70 (2003), pp. 233–316.

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que l’intellect soit informé par une représentation de l’objet. L’activité cognitive consiste davantage à exercer un acte qu’à produire une espèce intelligible. Celle-ci est d’ailleurs inutile pour la connaissance de l’universel, étant donné qu’il n’existe aucun objet universel susceptible de 59 produire une représentation de lui-même. ___________________ 58 Cf. Francisci de Marchia Quaestiones in II Sent. (éd. citée note 17), q. 25, § 17 : Unde dico quod ad intelligendum nulla species intelligibilis est necessario ponenda nec potest poni in intellectu ; q. 43, § 54 : Et hoc modo intelligo intellectum agentem et etiam sensum esse ponendum, videlicet ut iudicat eliciendo effective actum. [. . . ] idem intellectus secundum se indistinctus, ut iudicat eliciendo effective actum, non ut causat speciem aliquam, quia nullam causat, dicitur intellectus agens, ainsi que supra, notes 53 et 54. 59 Cf. Quaestiones in II Sent. (éd. citée note 17), q. 43, § 28 : Nec ut est in specie intelligibili repraesentante, ut dicunt quidam, quia aut huiusmodi species intelligibilis, si ponatur, repraesentat obiectum universale abstractum, aut repraesentat tantum obiectum universale in aliquo singulari determinato. Non primum, quia nulla species repraesentans obiectum singulare est ratio per se intelligendi obiectum universale nec representat ipsum [. . . ]. Cum ergo huiusmodi species non sit causata ab universali obiecto, sed a singulari, per consequens non repraesentat obiectum universale, sed singulare. Sed nullum obiectum singulare potest esse causa intelligendi aliquod universale abstractum, cum nullam habeat connexionem ad ipsum, ut dictum est ; ergo etc. Cf. Suarez-Nani (note 41). L’idée de la connaissance comme acte plutôt que comme contenu émerge à plusieurs reprises dans les textes de François. Dans la question 25, par exemple, elle est associée à la distinction entre la connaissance intuitive et la connaissance abstractive : chaque connaissance intuitive d’un objet est conservée par le sujet de manière à pouvoir la reconsidérer afin de produire une connaissance abstractive du même objet : [sicut in angelo] etiam in nobis ex notitia intuitiva, puta ex visione qua res videtur unitive in se, derelinquitur alia species ipsius rei visae, quae manet cessante visione, per quam potest postea haberi de illa re notitia abstractiva, tam intellectiva quam etiam sensitiva ; connaissance à proprement parler est donc la connaissance en acte, plutôt qu’un contenu possédé mais non considéré de manière actuelle. Cette idée émerge également dans la question 40, où la critique de la thèse averroïste de l’unicité de l’intellect prend appui sur la singularité et l’individualité de chaque acte de connaissance indépendamment de l’universalité de son contenu : cf. Suarez-Nani, Tiziana, Un’altra critica alla noetica averroista : Francesco della Marca e l’unicità dell’intelletto, dans : Atti del XII° Convegno internazionale della S.I.E.P.M., Turnoult 2011 (sous presse). La primauté de l’acte émerge également dans la question des idées divines : dans Scriptum in I Sent., d. 36, François affirme

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La critique des espèces intelligibles va de pair avec celle des idées divines : Dieu connaît ses objets en produisant des actes de connaissance sans passer par la médiation de représentations intelligibles. Dans cette perspective, les objets connus ne sont pas ramenés au statut d’idées, mais, à l’inverse, les idées sont reconduites aux objets, puisqu’elles ne sont que 60 les objets en tant que connus comme termes d’un acte d’intellection. Cette double critique était déjà présente chez Olivi, pour qui les représentations intelligibles sont non seulement inutiles, mais constituent 61 un obstacle à la saisie de réalités toujours et nécessairement singulières. 62 Cela vaut aussi pour la connaissance angélique , qui ne résulte ni d’espèces innées ni d’espèces acquises, mais du même actualis aspectus requis dans la connaissance humaine. Par conséquent, l’idée, la notion ou la représentation de l’objet coïncide en réalité avec l’acte de son intellection. Cette critique est aussi accompagnée par celle des idées divines : au nom de la liberté divine, Olivi nie que Dieu crée les choses au moyen d’exemplaires ou d’idées et, à plus forte raison, que sa 63 connaissance du créé dépende de telles idées. ___________________

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que l’idée en Dieu n’est rien d’autre que l’objet connu en tant que terme d’un acte de connaissance : idea non est aliud quam obiectum cognitum, sicut creatura ut terminat actum immanentem divinae intellectionis ; cf. Schabel, C., Francis of Marchia on divine Ideas, dans : Intellect et imagination dans la e philosophie médiévale. Actes du XI congrès international de la S.I.E.P.M. (Porto 26–31 août 2002), éd. Maria Cândida Pacheco, José Francisco Meirinhos, Turnoult 2006, pp. 1489–1599 (en particulier p. 1595, note 14). Cf. Francisci de Marchia Scriptum in I Sententiarum, d. 36 et l’étude de Schabel (note 59). Cf. Petrus Iohannis Olivi, Quaestiones in II Sent., q. 74, p. 114 : in acie potentiae non formatur species ab anima per quam producat actum cognitivum ; q. 72, p. 37 : Sciendum quod quia actus cognitivus obiecti individualis est terminatus in ipsum, in quantum est hoc individuum et non aliud, ideo de essentia talis actus est quod sit propria similitudo huius individui, in quantum huius et quod non sit similitudo aliorum individuorum eiusdem speciei, pro quanto individualiter differunt ab isto. Cf. ibid., q. 73 et supra note 57 ; la critique des espèces innées angéliques est développée dans la question 36 : cf. Suarez-Nani (note 57). er Cette doctrine est formulée dans les Quaestiones sur le I livre des Sentences, q. 6, étudiée par Piron, Sylvain, La liberté divine et la destruction des idées chez Olivi, dans : Pierre de Jean Olivi (1248–1298). Pensée scolastique, dissidence spirituelle et société, éd. Alain Boureau, Sylvain Piron (Études de philosophie médiévale 79), Paris 1999, pp. 71–89 (textes : pp. 84–85). Olivi

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Une fois de plus, la proximité de la position de François à celle d’Olivi est évidente : leur convergence se noue autour des idées maîtresses qui marquent leur conception du sujet connaissant, de l’activité intellectuelle, de la liberté humaine et de la liberté divine. I.6 Le langage des anges Toujours dans le domaine de la noétique et de l’angélologie, un autre thème confirme la proximité des deux auteurs. Examinant la causalité qui intervient dans le langage des anges, François prend en considération plusieurs options et critique celle de Duns Scot, pour qui le langage angélique produit dans l’interlocuteur un acte d’intellection ou un 64 La critique de cette position repose sur concept déterminé. 65 l’impossibilité qu’un sujet puisse causer une action dans un autre sujet et résulte de la thèse de l’autonomie et de la souveraineté de chaque sujet à l’égard de ses actes, notamment des actes immanents tels l’intellection et la volition. Selon François, le langage angélique, tout comme le langage humain, produit uniquement des signes intelligibles passagers que 66 l’interlocuteur est libre d’écouter ou d’ignorer : l’acte linguistique est ___________________ fait référence à cette théorie dans la « Lettre au frère R. » : cf. Piron, Kilmer, Marmursztejn (note 15), p. 59. Pour cette problématique et son lien avec la théorie de l’illumination cf. Bérubé, Camille, Olivi, critique de Bonaventure et d’Henri de Gand, dans : Studies Honoring Ignatius Charles Brady, éd. Romano S. Almagno, Conrad L. Harkins, St. Bonaventure (N. Y.) 1976, pp. 57–121. 64 Cf. Francisci de Marchia Quaestiones in II Sent., q. 26, § 17 : Et ideo est alius modus dicendi rationabilior, quod angelus loquens primo causat in intellectu audientis conceptum sive actum intelligendi etiam proprium signatum. Jean Duns Scot, Lectura in II Sent., d. IX, qq. 1–2, éd. Vaticana, pp. 30 et 37 : angelus potest loqui alteri angelo causando in eo cognitionem actualem immediate de illo intelligibili quod sibi notum est ; [. . . ] sicut species in intellectu angeli est principium activum ad causandum intellectionem in eo, ita etiam potest causare in intellectu alterius. À ce propos cf. Suarez-Nani, Tiziana, Linguaggio, conoscenza e libertà. Note in margine alle questioni 26 e 27 del commento di Francesco de Marchia al II° libro delle Sentenze, dans : Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie 50 (2003), pp. 354–375. 65 Cf. ibid., q. 26, § 22 : Ostendo quod hoc sit impossibile, videlicet quod unus angelus causet virtute sua naturali actum intelligendi in intellectu alterius. 66 Cf. Francisci de Marchia Quaestiones in II Sent., q. 26, § 33 : Dico quod angelus loquens causat in audiente aliquid, non actum intelligendi, nec speciem nec habitum, sed quoddam obiectum intelligibile de eo quod concipit.

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ainsi confronté à la liberté du destinataire en tant que limite insurmontable. La liberté est au cœur d’une autre problématique liée à celle-ci : il s’agit de la possibilité pour un ange de connaître les pensées de ses semblables. Encore une fois, après avoir considéré plusieurs opinions, François critique celle de Duns Scot, qui reconnaît à l’ange cette 67 capacité. Le franciscain italien, en revanche, n’admet pas que les actes d’intellection soient intelligibles de manière immédiate et conclut que les 68 pensées des anges sont inaccessibles à leurs semblables. L’intersubjectivité angélique et humaine n’est donc pas à l’enseigne de la transparence : les contenus de pensée de chaque sujet restent à jamais des 69 secrets insondables. Or, préserver le secret c’est préserver la liberté de se ___________________ Quod quidem est signum sui conceptus sicut obiectum sensibile, quod est sonus, quod quidem causat homo vel alius alteri sensibiliter loquens. Et sicut istud obiectum sive signum est signum non permanens, sed transiens, ita et illud. 67 Cf. ibid., q. 27, § 21 : Et ideo Doctor Subtilis concedit conclusionem. Unde dicit quod unus angelus potest naturaliter, nisi prohiberetur, videre cogitationes interiores alterius. Hoc autem probat ipse ex parte potentiae primo sic : omnis potentia habens aliquod obiectum primum et adaequatum potest in quodcumque contentum sub illo primo et adaequato obiecto. Sed obiectum primum et adaequatum intellectui creato est ens. Constat autem quod huiusmodi cogitationes, videlicet intellectio et volitio, sunt vera entia et realia, ergo et ab intellectu separato, cui sunt obiecta proportionata, intelligibilia. Cf. Jean Duns Scot, Lectura in II Sent., d. IX, qq. 1–2, éd. Vaticana, p. 55 : visio et intellectio unius angeli est cognoscibilis naturaliter ab alio, et ita cogitationes nostrae sunt naturaliter cognoscibiles ab angelis et a daemonibus, et magis naturaliter quam aliqua signa corporalia vel nutus, eo quod sunt magis spiritualia. 68 Cf. ibid., q. 27, § 35 : Hiis praemissis, primo potest declarari ex praedictis quod unus angelus non potest naturaliter videre vel scire quis cogitet alius [. . . ]. Intellectus creatus non potest apprehendere suum actum nisi primo apprehendat obiectum eius ut terminans actum, cum non possit apprehendere ipsum nisi actu reflexo. Ergo intellectus quicumque non potens apprehendere obiectum alicuius actus ut terminans ipsum, non potest apprehendere naturaliter istum actum. Sed intellectus unius angeli non potest naturaliter intelligere obiectum alicuius actus intelligendi vel volendi alterius angeli ut terminans illum actum [. . . ]. 69 Pour la problématique du secret en relation au langage des anges cf. SuarezNani, Tiziana, Il parlare degli angeli : un segreto di Pulcinella ? dans : Il segreto nel Medioevo, éd. Agostino Paravicini-Bagliani (Micrologus XVI),

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montrer ou de se cacher : encore une fois, l’autodétermination et la liberté de chaque sujet s’imposent comme une prérogative inconditionnelle et une limite insurmontable. Plusieurs éléments de cette conception étaient déjà présents chez Olivi. Dans son commentaire de la ‹Hiérarchie céleste› du Pseudo-Denys (qui date de 1280), Olivi avait soulevé une question sur le langage des anges, où il formulait plusieurs objections à l’encontre de la thèse que le langage angélique produit des représentations dans l’esprit de l’interlocuteur. En vertu de l’analogie avec l’expérience humaine, il insistait sur la possibilité et la capacité de chaque sujet de se rendre accessible ou inaccessible aux autres (se reddere pervios et impervios seu 70 penetrabiles et impenetrabiles), c’est-à-dire de préserver son secret. Comme la connaissance, le langage des anges requiert l’orientation intentionnelle du locuteur et exige sa volonté de s’ouvrir à l’autre. Cette orientation est appelée protensio ad alterum et clarifiée par des termes empruntés aux représentations spatiales : intra, extra, aperire, claudere, ___________________ Firenze 2006, pp. 79–100. 70 Cf. Pierre de Jean Olivi, Quaestio de locutionibus angelorum, éd. Sylvain Piron, dans : Oliviana, (mis en ligne le 31 décembre 2003. URL:http://oliviana.revues.org/document27.html), § 21 : Quidam tamen huius primi modi defensores volunt quod species et habitus intellectus et affectus qui sunt in corde unius angeli generent species suas in cor alterius et tunc per illas sic genitas videt interiora illius [. . . ]. Sed ab istis contra ipsos quatuor solent queri. Primum est an ille species et habitus qui sunt in corde alterius sint immediate praesentes quasi facialiter obiecte intellectui alterius angeli, quia si sunt, tunc semper debent gignere species suas in ipsum et non aliquando sic, aliquando non. Cum etiam sint de se visibiles seu intelligibiles, ex quo erunt facialiter obiecte aspectui alterius angeli, semper quando voluerit poterit eas videre, nec poterunt sibi abscondi ; § 29 : Dicendum quod substantia angeli simplex est per privacionem corporalis quantitatis et compositionis, sed non per privacionem intellectualis magnitudinis, et ideo secundum aliquid sui potest esse presens alteri et secundum aliquid non presens. Et consimiliter secundum aliquid sui potest ab alio videri, et secundum aliquid non videri ; § 14 : Licet autem in substanciis intellectualibus non sit corporaliter aut sensibiliter aliquid tale, nihilominus proporcionaliter est aliquid huic equivalens ibi dandum. Nam altitudo libertatis et dominii et nobilitas possendi se tenere secretum et personalitatis singularitas seu singularis consistentia et intellectualis nature magnitudo et profunditas clamant quod ipsi possint se claudere alieno aspectui.

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elongatio, clausura. Cette ouverture intentionnelle donne à l’ange la double liberté de décider de se dévoiler et de choisir le destinataire auquel 72 il s’adresse. La même idée est reformulée dans la question 73 de ses ‹Quaestiones› sur le deuxième livre des ‹Sentences›, dans laquelle Olivi renvoie explicitement au texte précédent – ce qui permet de situer cette question après 1280 – pour redire que les secreta cordium sont inaccessibles en 73 raison de la distance virtuelle qui sépare les anges les uns des autres. Ici aussi la proximité des deux auteurs est manifeste et se cristallise autour du motif de la liberté du sujet angélique. La solution de François se présente une fois encore comme un dépassement de la conception de Duns Scot par un retour à la position olivienne. La constatation réitérée de ce procédé semble autoriser à y voir une sorte de stratégie, du moins en ce qui concerne les thèmes considérés ici : lorsqu’il vise à formuler des solutions plus radicales que celles de Duns Scot, François s’inspire d’Olivi, dont les positions sont d’ailleurs plus radicales que les siennes. Cet exercice de mise en parallèle pourrait être prolongé pour d’autres thèmes. À titre d’exemple, on peut signaler la théorie de l’impetus, à laquelle Olivi et François ont donné une importante contribution, déjà ___________________ 71 Cf. Pierre de Jean Olivi, Quaestio de locutionibus angelorum, éd. Sylvain Piron, §§ 14–20 ; voici un passage significatif du § 16 : Nam quando nitimur nos eviscerare sentimus in nobis quandam spiritualem protensionem cordis nostri ad alterum, et hoc in tantum quod sentimus quod ex hoc resultant in corpore nostro tam intra in visceribus quam extra in sensibus et gestibus quaedam proporcionales aperciones et protensiones. [. . . ] Nihil igitur inconveniens si in angelis intellectualiter aliquid tale detur. 72 Cf. ibid., §§ 19–20 : per sui virtualem apercionem fit quod aspectus alterius angeli possit virtualiter penetrare et videre interiora alterius [. . . ], per virtuales sui protenciones et applicationes fit quod cor unius angeli aliquando familiarius applicabitur ad unum angelum quam ad alterum. 73 Cf. Petrus Iohannis Olivi, Quaestiones in II Sent., q. 73, éd. Bernhard Jansen, vol. II, pp. 101–102 : absque locali distantia sunt in eis intellectuales magnitudines et profunditates per quas intima unius sunt valde distantia non solum ab intimis alterius, sed etiam ab exterioribus eius. Propter quod unus nequit cordis aliorum secreta videre in illo nolente aut non Deo revelante. [. . . ] aspectus eius [unius angeli] non potest aspective penetrare intima cordium aliorum, quando illi intellectualiter obserant et claudunt eis penetralia cordium suorum. Quomodo autem hoc fiat tetigi super librum Angelicae Hierarchiae in quadam quaestione de hoc ibi facta.

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signalée par Anneliese Maier et confirmée par les travaux les plus 75 récents. Par ailleurs, l’adhésion commune à l’idéal de pauvreté et leur engagement du côté des « spirituels » n’ont pas manqué de produire des vues communes quant à la conception de la propriété et de la mission de 76 l’ordre franciscain. Leur proximité dans ce domaine pourrait d’ailleurs trouver une confirmation dans une donnée textuelle : au bas du folio 49vb du codex de la Bibliothèque Laurenziana de Florence, qui transmet la réponse de François à la bulle ‹Quia vir reprobus› de Jean XXII – Improbatio contra libellum domini Johannis qui incipit ‹Quia vir reprobus› –, le copiste (ou un glossateur ?) a noté le nom de « Petrus 77 Ioannis » – que l’éditeur complète par ‹Olivi› –, suivi de la citation d’un verset de l’Évangile de Matthieu (28, 18) sur la potestas du Christ : ce fait – dont on ne saurait surestimer la portée – pourrait indiquer que le lien e doctrinal de François à Olivi était connu dès le XIV siècle. Les rapprochements relevés jusqu’ici ne sauraient mettre entre parenthèses des différences, voire les divergences entre nos deux auteurs, mais, dans la perspective de l’histoire de la réception des doctrines oliviennes, ce qui compte est le fait – désormais indéniable – que la doctrine d’Olivi était bien connue dans les années 1320 et qu’elle a constitué un point de référence important dans la recherche de solutions nouvelles.

___________________ 74 Cf. Meier, Anneliese, Die Impetustheorie, Wien/Leipzig 1940, réédité dans : Zwei Grundprobleme der scholastischen Naturphilosophie (Storia e e Letteratura. Raccolta di studi e testi 37), 3 éd. Roma 1968, pp. 143–200 ; Michalski, Konstanty, Les sources du criticisme et du scepticisme dans la e philosophie du XIV siècle, Cracovie 1924, p. 28. 75 Cf., entre autres, Wolff, Michael, Geschichte der Impetustheorie, Frankfurt am Main 1978, pp. 170–198 ; Schabel, C., Francis of Marchia virtus derelicta and the Context of his Development, dans : Vivarium XLIV, n. i (2006), pp. 41–80 (avec l’édition de la question de François relative à cette théorie). 76 Cf. Lambertini, Roberto, La povertà pensata (Collana di studi di storia medievale 1), Modena 2000, et id., Oltre la proprietà, alle origini del potere : Francesco d’Appignano nel pensiero ecclesiologico-politico del Trecento, dans : Atti del I° convegno internazionale su Francesco d’Appignano, éd. Domenico Priori, Appignano del Tronto 2002, pp. 51–66. 77 Cf. Francisci de Esculo Improbatio contra libellum domini Johannis qui incipit Quia vir reprobus, éd. N. Mariani (Spicilegium Bonaventurianum XXVIII), Grottaferrata 1993, p. 418.

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II. Quels médiateurs ? Reste à poser la question des médiations qui ont pu transmettre la pensée d’Olivi à François. Les quatre décennies qui séparent leurs commentaires des ‹Sentences› (de la fin des années 1270 à 1319/20) ont été particulièrement denses pour l’histoire de la pensée médiévale. En dépit de cette compléxité, il paraît possible d’identifier quelques éléments susceptibles d’appuyer le lien de l’un à l’autre. Dans la chaîne idéale qui relie les deux franciscains, un personnage semble devoir y figurer : il s’agit de Pierre de Trabibus, le seul disciple connu d’Olivi, dont il a repris les thèses les plus personnelles, parfois non 78 sans difficulté. Actif au studium franciscain de Santa Croce à Florence dans les années 1295/96, Pierre de Trabibus est l’auteur d’un commentaire des ‹Sentences› très proche de celui qu’Olivi avait donné au 79 même studium dans les années 1287/89. L’origine italienne de celui qui 80 – selon l’hypothèse de S. Piron – a pu être l’interlocuteur de Dante , permet de le rattacher au couvent de « Trabe Bonantis » dans la région 81 des Marches , là où François a vu le jour vers 1290. En l’absence de données sur la vie de Pierre et sur celle de François au tout début des 82 années 1300 , aucune supposition quant à une éventuelle rencontre ne ___________________ 78 Il s’agit du rejet olivien de la doctrine de l’illumination : Pierre de Trabibus suit Olivi tout en précisant que cette position va à l’encontre d’Augustin ; cf. Bérubé (note 63). Sur cet auteur peu connu cf. Longpré, Ephrem, Pietro de Trabibus. Un discepolo di Pier Giovanni Olivi, dans : Studi francescani (1925), pp. 268–290 ; Jansen, Bernhard, Petrus de Trabibus. Seine spekulative Eigenart oder sein Verhältnis zu Olivi, dans : Festgabe Clemens Baeumker zum 70. Geburtstag (Beiträge zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters), Münster 1923, pp. 243–254 ; Di Noto, Antonio, La théologie naturelle de Pierre de Trabibus (et la bibliographie indiquée à la p. 14), (Pubblicazioni dell’Istituto universitario di magistero di Catania. Serie filosofica. Saggi e monografie 45), Padova 1963 ; Huning, Hildebert A., The Plurality of Forms according to Petrus de Trabibus, dans : Franciscan Studies 28 (1968), pp. 137–196. 79 Cf. Piron, Sylvain, Le poète et le théologien : une rencontre dans le Studium de Santa Croce, dans : Picenum seraphicum XIX (2000), pp. 87–134. 80 Cf. ibid., pp. 103–131. 81 Cf. Di Noto (note 78), pp. 12–13 et les remarques indiquées à la p. 17. 82 En ce qui concerne François, on suppose qu’il a étudié à Paris vers 1310 : cf. Russell L. Friedman, C. Schabel, Introduction, dans : Vivarium XLIV, n. 1 (2006), pp. 1–20 ; Duba, William, Francesco d’Appignano tra Parigi e

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peut être formulée, mais leur appartenance au même ordre et à la même province rend plausible l’hypothèse que François ait connu les écrits de Pierre de Trabibus et que par leur médiation il ait eu accès aux doctrines d’Olivi. Il convient ensuite de signaler Gonsalve d’Espagne, ministre général de l’ordre franciscain dès 1304, qui a bien connu les doctrines d’Olivi et qui aurait pu en parler lors de son enseignement à Paris au cours des années 1290. Parmi ses élèves il y avait Jean Duns Scot, qui a connu les écrits du franciscain provençal, même s’il ne le cite qu’une fois par 83 mesure de prudence : la possession des écrits d’Olivi était en effet interdite suite à la censure de 1283. Or, s’il n’est pas aisé de retrouver les 84 traces des doctrines d’Olivi dans les écrits de Duns Scot , leur reconnaissance était sans doute plus facile pour des contemporains, et l’on peut imaginer que François en ait décelé des éléments dans des écrits qu’il connaissait bien, puisque Duns Scot était pour lui un point de référence constant. Dans la quinzaine d’années qui séparent le commentaire de Scot sur les ‹Sentences› de celui de François, d’autres auteurs franciscains ont pu servir de médiateurs dans la transmission de la pensée d’Olivi. Leur identification s’avère toutefois difficile, compte-tenu du fait que, pour la 85 plupart, leurs écrits n’ont pas fait l’objet d’éditions critiques. Pour les thèmes examinés ici, nous pouvons toutefois relever que Pierre Auriol – qui a commenté les ‹Sentences› à Paris en 1316/18 et qui intervient souvent dans le commentaire de François – ne semble pas avoir joué ce ___________________ Avignone, dans : Atti del IV° convegno internazionale su Francesco d’Appignano, éd. Domenico Priori, Appignano del Tronto 2007, pp. 95–110. 83 Cf. Bettoni (note 8), pp. 510–511 : dans la Lectura (oxoniensis) in I Sententiarum, d. 26 on lit : secunda est opinio Petri Ioannis, quam dimisi scribere propter certam causam. Voir également Nickl, Peter, Petrus Iohannis Olivi über die menschliche Freiheit (Herders Bibliothek der Philosophie des Mittelalters 8), Freiburg (Br.) 2006, p. 23. 84 Bettoni (note 8), pp. 513–515, a mis en évidence l’attitude critique de Scot à l’égard d’Olivi. 85 Parmi ces auteurs on peut signaler Alexandre d’Alexandrie, Nicolas de Lyre, Jacques d’Ascoli, Bertrand de la Tour, Guillaume d’Alnwick, Pierre Auriol ou Landolphe Caracciolo : pour un état de la question relativement à leurs ‹Quodlibeta› nous renvoyons à l’étude de Duba, William, Continental Franciscan Quodlibeta after Scotus, dans : Theological Quodlibeta in the Middle Ages. The Fourteenth Century, éd. C. Schabel (Brill’s Companions to the Christian Tradition 7), Leiden/Boston 2007, pp. 569–649.

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rôle. Parallèlement à cette filière doctrinale, les conceptions oliviennes – ou du moins certaines d’entre elles – semblent avoir été transmises indirectement par le biais des différentes censures qui les ont frappées. La censure et l’interdiction étant souvent des moyens involontaires de promotion de leurs victimes, on peut imaginer que les remous autour d’Olivi aient aiguisé la curiosité et l’intérêt à son égard. Le déroulement 86 des procédures engagées à son encontre est bien connu : parmi ses 87 censeurs figuraient des personnages en vue comme Jean de Murrovalle , 88 89 Richard de Mediavilla ou Gilles de Rome . De la première censure en 90 1283 jusqu’à la condamnation de son ‹Commentaire de l’Apocalypse› par Jean XXII en 1326, la figure d’Olivi accompagnera les vicissitudes parfois tragiques de son ordre, en y suscitant blâme et enthousiasme à la fois. Mais en dépit des interdictions et des condamnations qui l’ont 91 frappé, ses écrits, notamment eschatologiques, seront lus jusqu’en 1330. Il ne paraît donc pas plausible que François de la Marche – adhérant, comme Olivi, au courant des « Spirituels » et en première ligne dans le combat pour la pauvreté – n’ait pas connu ses œuvres. Dans la monographie qui a fait date, E. Bettoni écrivait que pour ___________________ 86 Cf. Jarraux, Louis, Pierre Jean Olivi, sa vie, sa doctrine, dans : Études franciscaines 45 (1933), pp. 129–153 et pp. 277–298 ; Burr, David, L’histoire de Pierre Olivi. Franciscain persécuté (Vestigia 22), Fribourg/Paris 1997 (trad. franc. de François-Xavier Putallaz à partir de l’original anglais de 1976) ; Petrus Iohannis Olivi, Epistola ad fratrem R., éd. Piron, Kilmer, Marmursztejn (cité note 15) ; Boureau (note 3). 87 Cf. Longpré, Ephrem, L’œuvre scolastique du cardinal Jean de Murro O.F.M. (1312), dans : Mélanges Auguste Pelzer, Louvain 1947, pp. 467–492 ; Piron (note 79), p. 90 ; Schneider (note 5), pp. 247–257. 88 Cf. Zavalloni, Roberto, Richard de Mediavilla et la controverse sur la pluralité des formes (Publications de l’Institut Supérieur de philosophie de Louvain. Philosophes médiévaux II), Louvain 1951, p. 371. 89 En marge du Concile de Vienne, Gilles a rédigé une Impugnatio doctrinae Petri Ioannis Olivi anno 1311–1312, éd. Leo Amoròs (citée note 14). Gilles a entretenu des rapports avec Jean de Murrovalle : cf. Longpré (note 87), p. 470. 90 Olivi a fait face aux critiques de son ordre dans ses écrits apologétiques, édités par D. Laberge, Petri Ioannis Olivi tria scripta sui ipsius apologetica, dans : Archivum franciscanum historicum 28 (1935), pp. 115–155 et pp. 374– 407. 91 Cf. Burr (note 86), p. 262.

Notes pour l’histoire de la réception de Pierre de Jean Olivi

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trouver des penseurs qui se situent dans la trajectoire idéale d’Olivi il e fallait se déplacer au XIV siècle, et il pointait en direction de Guillaume 92 d’Ockham. Au terme de ce parcours nous pouvons ajouter un autre chaînon à cette trajectoire : il apparaît en effet que François d’Ascoli figure à bon droit dans l’histoire, encore à écrire, de la réception de Pierre de Jean Olivi.

___________________ 92 Cf. Bettoni (note 8), pp. 513–515. Plus récemment, Alain Boureau a rapproché Olivi et Ockham autour de la notion de relation : cf. id., Le concept de relation chez Pierre de Jean Olivi, dans : Pierre de Jean Olivi (1248–1298). Pensée scolastique, dissidence spirituelle et société, éd. Alain Boureau, Sylvain Piron (cité note 63), pp. 41–55.

Libertas proprie non est nisi in voluntate. Libertà e soggettività in Pietro di Giovanni Olivi Peter Nickl (Hannover)

I. Introduzione Riscoprire un pensatore del passato significa molto di più che volgere lo sguardo all’indietro e proiettare su di lui il modo di vedere il mondo e le cose proprio della prospettiva odierna. In questo studio ci proponiamo appunto di raccogliere questa sfida: cambiare il nostro punto di vista, metterci nei panni di un pensatore del passato e guardare il mondo attraverso i suoi occhi. Soltanto in questo modo potremo cogliere la forza e le potenzialità di un pensiero che avrebbe forse anche potuto modificare l’andamento della storia della filosofia. Se accostiamo Tommaso d’Aquino e Pietro di Giovanni Olivi, la storia mostra che da un certo punto di vista quest’ultimo fu senz’altro perdente: per questo la beghina Prous Boneta, com’è noto, illustrò questo rapporto così drasticamente da paragonare Tommaso a Caino ed Olivi ad Abele. Per rendergli giustizia, potremmo essere tentati di farne il precursore di idee affermatesi più tardi: in questo modo tuttavia, anche senza volerlo, cadremmo nell’errore di considerare le posizioni di Olivi soltanto alla luce degli sviluppi successivi e, pur nell’intento di fargli onore, ci limiteremmo ad affidargli un ruolo di precursore. D’altro canto, così facendo non potremmo più renderci conto che le idee del nostro autore avrebbero potuto dare avvio anche a sviluppi del tutto diversi. Se ci caliamo nel 1308, ci troviamo subito di fronte ad un quadro interessante. A dieci anni dalla morte di Olivi – quattro anni prima del Concilio di Vienne e quindici prima della canonizzazione di Tommaso d’Aquino – non sembra ancora prevedibile che nella storia del pensiero prevarrà la linea del grande domenicano. Nel 1313 infatti, la tomba di Olivi a Narbona attirava tanti pellegrini quanti la Porziuncola di Assisi, sicché, da un certo punto di vista, il cammino che porterà alla

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canonizzazione di San Tommaso può essere visto come parallelo a quello 1 della repressione violenta della venerazione di Olivi. Soltanto con l’inizio dell’epoca moderna l’eredità francescana – o almeno taluni suoi assunti – sembra riacquistare efficacia: in buona parte della filosofia moderna, la volontà è infatti posta al di sopra dell’intelletto e la filosofia pratica al di sopra di quella teoretica. Per questo, una porzione consistente della filosofia moderna può essere vista come una 2 scientia affectiva – caratteristica, questa, che a nostro avviso si addice anche alla concezione di Pietro di Giovanni Olivi. Qui occorre affinare lo sguardo: la posizione di Duns Scoto come favorito della «storiografia 3 delle soglie tra le epoche» risulta infatti relativizzata proprio nella misura in cui, alle spalle del grande scozzese, emerge la figura dell’Olivi. D’altro canto però, sarebbe anche del tutto discutibile celebrare Olivi come precursore della filosofia della soggettività, se con ció si intendesse farne un precursore del cogito, ergo sum. Guardiamo più da vicino.

II. Libertà Nella dottrina di Olivi sulla libertà, due punti meritano di essere sottolineati.

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Cf. D’Alverny, Marie-Thérèse, Un adversaire de saint Thomas: Petrus Iohannis Olivi, dans: St. Thomas Aquinas, 1274–1974. Commemorative Studies, vol. 2, Toronto 1974, pp. 179–218; Torrell, Jean-Pierre, Magister Thomas. Leben und Werk des Thomas von Aquin, Freiburg 1995, pp. 330– 336. Torrell cita (p. 335) l’omelia di Giovanni XXII la sera prima della canonizzazione: è ovvio che il papa vuole chiudere con gli ideali di una povertà eccessiva e sostituire le tesi di Olivi con quelle, più moderate, di Tommaso. Si tratta delle obiezioni fatte da Olivi a Tommaso circa l’interpretazione di Mt 10, 9–10. Cf. Nickl, Peter, Philosophie als «scientia affectiva»? Ein mittelalterlicher Begriff und seine Spuren in der Neuzeit, dans: Perspektiven der Philosophie. Neues Jahrbuch 31 (2005), pp. 47–70. Mi riferisco all’espressione tedesca: «Epochenschwellengeschichtsschreibung»; cf. Rentsch, Thomas, Der Augenblick des Schönen. Visio beatifica und Geschichte der ästhetischen Idee, dans: Poetische Autonomie?, ed. Helmut Bachmaier, Thomas Rentsch, Stuttgart 1987, pp. 329–353, p. 338.

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1. Egli è il primo a sostenere l’idea (oggi corrente) della libertà come capacità particolare della volontà. Si sa che per Tommaso d’Aquino «la 4 radice di tutta la libertà si situa nella ragione» . Dopo la condanna del 1277, numerosi pensatori francescani si sforzarono di rafforzare il ruolo della volontà, e questo per evitare che la volontà di Dio fosse ridotta ad essere soltanto l’organo esecutivo del suo intelletto, seppur considerato 5 perfetto nella sua conoscenza. Nel suo Commento alle ‹Sentenze›, Bonaventura aveva posto la libertà in parte nella ragione e in parte nella 6 volontà. A Olivi tuttavia questo non bastava. Senza fare il nome del suo maestro, e senza prendere posizione in prima persona, egli osserva: Quibusdam vero aliis visum est quod libertas proprie non sit nisi in voluntate («a qualcun’altro è sembrato invece che la libertà propriamente 7 si trovi soltanto nella volontà») . Gli argomenti a favore di questa tesi sono brevi ma chiari: soltanto la volontà è capace di muovere se stessa, solo la volontà dispone di quella capacità che – a seguito di Duns Scoto – 8 viene chiamata «contingenza sincronica» . La volontà, per essere libera, deve essere cioè capace di atti opposti allo stesso momento, come ad 9 esempio l’atto di peccare e di non peccare. ___________________ 4 5

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Tommaso d’Aquino, De veritate, q. 24, a. 2, ed. R. Spiazzi, Torino 1964, p. 438 b: totius libertatis radix est in ratione constituta. Cf. Ingham, Mary Elizabeth, Ethics and Freedom. An Historical-Critical Investigation of Scotist Ethical Thought, Lanham/New York/London 1989, pp. 62–67; della stessa autrice si veda: The Condemnation of 1277: Another Light on Scotist Ethics, dans: Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie 37 (1990), pp. 91–103. Per un esame più dettagliato cf. Nach der Verurteilung von 1277. Philosophie und Theologie an der Universität von Paris im letzten Viertel des 13. Jahrhunderts: Studien und Texte, ed. Jan A. Aertsen, Kent Emery Jr., Andreas Speer (Miscellanea Mediaevalia 28), Berlin/New York 2001. Bonaventura, II Sent., d. 25, p. 1, a. un., q. 6; Commentaria in Quatuor libros Sententiarum, vol. II, Quaracchi 1885, p. 605 a: [… ] arbitrii libertas residet penes rationem et voluntatem, ita, quod in una illarum potentiarum inchoatur et in alia consummatur. Olivi, Quaestiones in II Sententiarum, q. 57, ed. B. Jansen, Quaracchi 1924, p. 366. Cf. Dumont, Stephen D., The Origin of Scotus’s Theory of Synchronic Contingency, dans: The Modern Schoolman 72 (1995), pp. 149–167. Oltre al luogo citato, questa idea si trova in Olivi, Quaestiones in II Sententiarum, q. 42, ed. B. Jansen, Quaracchi 1922, p. 705 s. La tesi della

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2. Olivi ha descritto la libertà in maniera pregnante: ne ha proposto, per così dire, una fenomenologia, per poi inserirne l’esame nella considerazione di sette paia di affetti contrari. Dall’analisi di questi affetti risulta in primo luogo la responsabilità dell’individuo nei confronti delle proprie azioni (l’ira, ad esempio, si scatena quando un uomo mi danneggia, perché gli attribuisco la libertà di non farlo – mentre non è possibile prendersela con un sasso che cade). D’altro canto, viene poi sottolineata la forza e la capacità degli affetti a rendere accessibile la realtà: ogni contatto con la realtà – anche con la propria – si manifesta infatti nell’affetto, nell’esperienza soggettiva, insostituibile. In questo si rivela la libertà: «Inoltre è certo che ogni uomo desidera nel modo più naturale la libertà, nonchè di possedere con un certo dominio tutto ciò che è suo. Altrimenti sentirebbe di non avere in pieno potere niente di buono, perché non avrebbe nemmeno se stesso; per questo nulla gli fa tanto orrore quanto la sua soggezione totale e la totale perdita della sua 10 libertà» . Un esempio particolarmente bello dove appare la capacità dell’affetto di rendere accessibile la realtà è dato dall’amicizia: riferirsi a qualcuno personalmente, a lui e a nessun altro, è un atto di libera attenzione; ora, è soltanto l’amore dell’amico a rendermi accessibile la piena realtà di me stesso: «E così l’uomo sente anche che vuole bene a se stesso, cioè in quanto si comprende come un essere per sé, atto ad essere amato a causa 11 di sé» . Il nocciolo dell’amicizia sta proprio nel fatto che l’uno si dà all’altro – questo «io» da regalare deve però prima essere «posseduto» per 12 poter essere donato , e questo vale – in modo dialettico-dialogico – per ambedue le parti. ___________________ «contingenza sincronica», in ultima analisi, pone l’intemporalità della volontà in quanto capace di atti opposti in uno stesso momento. 10 Olivi (nota 7), p. 321 s.: Praeterea, certum est omnem hominem naturalissime desiderare libertatem et cum quodam dominio habere omnia sua, alias enim nihil boni sentit se posse habere in sua plena facultate, quia non etiam semetipsum, unde et vehementissime horret totalem sui subiectionem et totalem suae libertatis ablationem. 11 Olivi (nota 7), p. 319: Et sic etiam sentit homo diligere semetipsum, accipiendo scilicet se ut quoddam per se ens aptum natum diligi sui gratia. 12 Cf. Stadter, Ernst, Psychologie und Metaphysik der menschlichen Freiheit. Die ideengeschichtliche Entwicklung zwischen Bonaventura und Duns Scotus, München/Paderborn/Wien 1971, pp. 165–167.

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Diamo ancora uno sguardo alla «qualità e al modo di agire del libero 13 arbitrio», che Olivi presenta dopo la dottrina degli affetti.

III. Libertà e riflessione In accordo con San Tommaso, Olivi sottolinea che la riflessione è una caratteristica dello spirito. Mentre per Tommaso la riflessività – cioè la capacità di riferirsi a se stessi, di riflettersi su di sé – spetta sia 14 all’intelletto che alla volontà , Olivi rivendica questa capacità per la sola volontà, operando in tal modo una sorta di «detronizzazione» dell’intelletto. Olivi nega infatti all’intelletto la libertà e quindi la capacità di riflessione. Duns Scoto, dal canto suo, giungerà addirittura a caratterizzare la volontà come unica facoltà razionale dell’uomo, 15 lasciando l’intelletto in disparte in quanto facoltà «irrazionale» . Il trattato sulla libertà di Olivi è tutto all’insegna di un programma di svalutazione che conferisce alla volontà le prerogative dell’intelletto. Vediamo come Olivi contraddistingue la riflessività della mente come capacità della volontà – una capacità che, nonostante le apparenze, non 16 spetta all’intelletto. Sia permessa una citazione abbastanza lunga : ___________________ 13 Olivi (nota 7), pp. 323 ss. 14 Tommaso d’Aquino, De Veritate, q. 22, a. 12 (nota 4), p. 408 s. 15 Duns Scoto, Quaestiones super libros Metaphysicorum Aristotelis, lib. IX, q. 15, in: Opera Philosophica, vol. 4, ed. Girard J. Etzkorn, Robert Andrews, St. Bonaventure (N.Y.) 1997, p. 685, n. 38: [… ] intellectus [… ] ex se determinatus est ad illud cuius est. Et ita [… ] praecise sumptus, [… ] est irrationalis. Come facoltà razionale, Duns Scoto riconosce solo la volontà: Si autem intelligitur rationalis, id est cum ratione, tunc voluntas est proprie rationalis. Ibid., p. 686, n. 41. 16 Olivi (nota 7), p. 324 s. : Si etiam attendamus actum reflexionis, hoc ipsum clarescet. Nos enim manifestissime experimur in nobis quod mens nostra tam per cogitationem quam per amorem reflectitur seu convertitur ad se directe et immediate tanquam ad obiectum sui ipsius directum et immediatum. Sed nulla virtus potest se reflectere immediate super se, nisi habeat libertatem [… ]. Praeterea, nihil potest se reflectere immediate ad se, nisi sit prius conversum ad se ipsum sicut motor ad mobile, nam sic reflectere se est se ipsum movere. Nulla autem virtus potest se ipsam movere nec ad se nec ad alia, nisi habeat dominium super se, sicut in sequentibus magis tangetur. Dominium autem nec in se nec in aliis habere potest, si non est libera. Si autem dicatur quod

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Anche se consideriamo l’atto della riflessione, ciò risulta chiaro. Sperimentiamo infatti nel modo più chiaro dentro di noi che la nostra mente, sia pensando che amando, si riflette e si volge su di sé in modo diretto e immediato come verso il suo oggetto diretto e immediato. Ma nessuna forza può riflettersi immediatamente su di sé se non ha la libertà [… ] Inoltre, niente può riflettersi immediatamente su di sé se non è prima rivolto verso di sè come il motore al mobile. Ora, nessuna forza può muovere se stessa – né verso di sé né verso qualcosa d’altro – se non ha il dominio su di sé, come verrà spiegato meglio in seguito. Ma il dominio su di sé o su di un altro può averlo soltanto se è libera. Se poi si dice che l’intelletto si riflette su di sé, e che tuttavia non è una potenza libera, chi dice questo deve sapere che l’intelletto non si riflette mai su di sé, poiché non muove mai se stesso; è piuttosto la volontà a rifletterlo su di sé, poiché il suo compito è di muovere sia l’intelletto che le altre potenze a lei soggette. Nella misura in cui può venire riflesso ed essere riflesso su se stesso, l’intelletto partecipa secondariamente, in un certo modo, alla libertà, come verrà spiegato in seguito.

Altrove Olivi spiega che la riflessività della volontà – a differenza di quella dell’intelletto – è libera; ora, soltanto questa è la vera riflessività: […] aliud genus reflexionis supra se habet [voluntas], in quantum est libera, quod non habet intellectus: est enim conversa ad se non solum sicut 17 ad obiectum, sed etiam sicut motor ad mobile . Che nella riflessione ci sia un movimento, un ripiegamento attivo su se stessi, viene spiegato nel trattato sulla libertà in questi termini: la volontà, in quanto perfettamente riflessiva, «riunisce in sé, per così dire, la forza 18 di due enti» . Quale esempio per illustrare il fenomeno della riflessione libera, nella quale un ente è allo stesso tempo oggetto e soggetto (Hegel ___________________ intellectus reflectit se super se, et tamen non est potentia libera: scire debet qui hoc dicit quod nunquam intellectus reflectit se, quia nunquam movet se, sed potius voluntas reflectit ipsum, cuius est movere tam ipsum quam alias potentias sibi subiectas. Pro quanto autem intellectus potest reflecti et esse reflexus super se, pro tanto secundario libertatem aliquo modo participat, sicut in sequentibus magis tangetur. 17 Olivi (nota 7), q. 51, p. 115. Devo questa indicazione all’eccellente articolo di Theo Kobusch, Person – die verkörperte Selbstreflexivität. Grundstrukturen der Personenlehre des Petrus Johannis Olivi, dans: Selbstbewußtsein und Person im Mittelalter, ed. Günther Mensching (Contradictio 6), Würzburg 2005, pp. 67–79, p. 71, nota 14. 18 Olivi (nota 7), p. 364: [… ] voluntas libera est tale ens quod sufficienter habet in se rationem motoris et mobilis. Cum enim possit plene se reflectere super se, habet in se quasi vim duorum entium [… ].

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direbbe: in e per sé ), Olivi cita il sole, il quale con la propria luce illumina se stesso. L’immagine del sole ci è familiare quale metafora dell’intelletto concepito appunto come luce. Quando, tuttavia, questa immagine è usata per la volontà, la caratteristica decisiva non è più quella della luce, ma quella della forza. Per mettere in risalto ancora più chiaramente le implicazioni dialettiche di questa determinazione, si potrebbe formulare la cosa in questi termini: la volontà è talmente una che è «quasi due» (l’espressione habet in se quasi vim duorum entium appare due volte sulla stessa pagina); solo così può volgersi totalmente su di sè, al punto da dover essere compresa come «partendo da sé e 20 liberamente tornando a sé» . Olivi qualifica questa riflessione di 21 «estremamente spirituale ed estremamente interiore» . Quando egli interpreta la riflessività come caratteristica della libera volontà, non si tratta quindi soltanto di una determinazione formale. Consideriamo l’ultimo (e settimo) punto dell’analisi riguardante «la qualità e il modo di azione del libero arbitrio». Olivi lo svolge da quattro punti di vista – la superiorità nell’amare, nel comandare, nel muovere e 22 Limitiamoci al quarto aspetto, cioè al «primato nell’esistere. 23 nell’esistere» : ___________________ 19 Hegel, Fenomenologia dello spirito, trad. E. De Negri, Firenze 1973, p. 75. 20 Contro questa interpretazione può essere fatta valere la q. 77 (an habitualis dilectio sui et suae beatitudinis sit accidens). Ivi Olivi dice che la riflessione della volontà su se stessa non può avere carattere sostanziale, perché altrimenti la volontà consisterebbe di due parti, una soggettiva ed una oggettiva. Olivi, Quaestiones in II Sententiarum, vol. III, q. 77, ed. B. Jansen, Quaracchi 1926, p. 153 s.: […] tunc voluntas componeretur ex se ipsa tanquam ex duobus extremis seu partibus; quia ipsa, ut esset subiectum et primus terminus praefatae reflexionis et unionis, esset unum eius extremum, prout vero esset obiectum et finalis terminus praedictae reflexionis, esset aliud extremum. 21 Olivi (nota 7), q.51, p. 115: Talis autem reflexio et conversio spiritualissima et sibi intimissima [… ]. 22 Olivi (nota 7), q. 57, p. 350: Habet enim voluntas nostra miram altitudinem in appetendo seu amando, in imperando, in movendo et in existendo. 23 Olivi (nota 7), p. 334 (messo in rilievo da noi togliendo il corsivo): Sensu enim quodam intimo experimur cor nostrum habere existendi modum multum stabilem et robustum, multum internum ac secretum, multum erectum ac superpositum, in tantumque habet robustum quod toto nisu ad aeternitatem anhelat. Sola enim voluntas est quae aeternitatem appetit et appetere potest, sentitque homo apud se quod nullus stabilitatem sui propositi

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Con un senso intimo sperimentiamo che il nostro cuore ha un modo di esistere molto stabile e robusto, molto interno e segreto, molto alto e superiore. E l’ha tanto robusto in quanto brama, con tutto il suo desiderio, l’eternità. La sola volontà aspira all’eternità e può desiderarla, e l’uomo sente dentro di sé che nessuno può infrangere o violentare la stabilità del suo intento, a meno che egli stesso ci rinunci di propria iniziativa. [Questo modo di esistere] è anche talmente intimo e segreto che l’uomo non solo sente di consistere dentro di sé attraverso la più intima riflessione, ma si sente anche talmente avvolto e chiuso nel suo intimo, che la via ai segreti del [suo] cuore non è aperta a nessuno sguardo, a meno che egli non si apra volontariamente. [Questo modo di esistere] è anche talmente alto e superiore che percepiamo, con un senso intimo, che il nostro cuore supera quasi infinitamente ogni altro modo di esistere. Per questo, se a qualcuno fosse concesso di sciegliere ciò a cui volesse essere il meno ridotto, vale a dire a un animale o al nulla puro e semplice, chiunque vorrebbe essere [piuttosto] un nulla, come se col suo senso intimo esclamasse che ogni essere, paragonato al suo, è quasi un puro nulla.

Quando Olivi osserva «che avremmo tanto orrore della mancanza dell’uso del libero arbitrio (come accade negli stolti), se dovesse essere 24 per sempre, quanto del [proprio] annientamento» , appare ancora una volta il contrasto con San Tommaso, secondo il quale nulla è così 25 temibile quanto il difetto dell’intelletto.

___________________ potest frangere aut violentare, nisi ipse ex proprio motu ipsum relinquat. In tantum etiam est internum ac secretum quod homo non solum sentit se intra se intima reflexione consistere, sed etiam ita sentit se ad sui intimum convolutum et clausum quod nulli aspectui ad arcana cordis via patet, nisi ipse voluntarie se aperiat. In tantum etiam est erectum et superpositum quod quodam intimo sensu sentimus cor nostrum quasi in infinitum excedere omnem alium modum existendi. Unde si cui daretur optio in quod minus vellet redigi, scilicet, in unum animal aut in purum nihil tantum: unusquisque vellet esse nihil, acsi intimo sensu clamet quod omne esse comparatum ad suum est quasi purum nihil. 24 Olivi (nota 7), p. 335: [. . . ] defectum usus liberi arbitrii, qualis est in stultis, si deberet esse perpetuus, ita horreremus sicut annihilationem. 25 Tommaso d’Aquino, Lectura super evangelium S. Ioannis, cap. 8, lectio 4; Opera Omnia, ed. R. Busa, vol. 6, Stuttgart/Bad Cannstatt 1980, p. 290 b.

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IV. Certezza di sé: formale e materiale «Olivi, nel Medio Evo, è il filosofo della riflessione», scrive Theo 26 Kobusch. Verso la fine del 1282, in un contro-attacco rivolto al confratello Arnaldus Galliardi, Olivi ha formulato tesi che rievocano il «cogito» cartesiano, nonché l’«io penso» kantiano – il quale deve «poter 27 accompagnare tutte le mie rappresentazioni» . Olivi sottolinea la certitudo infallibilis sui esse, cioè la certezza infallibile della propria 28 esistenza : che noi siamo e viviamo, lo sappiamo con una certezza tale da non poterne dubitare. Se questa certezza risultasse indirettamente dai phantasmata o da una conclusione tratta dagli atti conoscitivi relativi al soggetto soggiacente a questi atti, non ci sarebbe soltanto ragione di dubitare, ma addirittura – dice Olivi – in questo modo non potremmo 29 «mai essere certi che noi siamo, che noi viviamo e che pensiamo» . Con ciò, Olivi intende spiegare che nessuna considerazione posta a partire dalla prospettiva di una terza persona permette di trarre una conclusione relativa alla prima persona, cioè all’io: «Infatti, anche quando siamo certi che questi atti emanano da una qualche potenza e sono in qualche soggetto, da dove sapremmo con ciò che questo soggetto siamo noi e che 30 questa potenza è la nostra?» Ci sembra che in tal modo Olivi formuli un dubbio più radicale di quello cartesiano: infatti, se è vero che a partire dal «cogito» si può giungere a conclusioni riguardanti il sostrato di questo atto di pensiero, non è tuttavia possibile trarne la conclusione che questo sostrato esista come «io», come soggetto; in altre parole, nessuna forma di oggettivazione permette di concludere che l’«io» dell’«io penso» appartenga a me, in quanto la certezza primaria dell’«io» e della sua identità come soggetto e come predicato (ego cogito) in tutti gli atti di pensiero e di dubbio è sempre presupposta. La apprehensio ipsius suppositi, vale a dire l’(auto)percezione del soggetto, precede infatti ogni ___________________ 26 Kobusch (nota 17), p. 78. Corsivo nell’originale. 27 Kant, Critica della ragion pura, B 132. 28 Olivi, Impugnatio quorundam articulorum Arnaldi Galliardi, articulus 19. Cf. infra (annexes). 29 Ibid., (corsivo nostro): [. . . ] nunquam per hanc viam possumus essere certi nos esse et nos vivere et intelligere. 30 Ibid., (fine): Licet enim certi simus quod illi actus manant ab aliqua potentia et sunt in aliquo subiecto, unde per hoc sciemus quod illud subiectum sumus nos et quod illa potentia est nostra?

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percezione. L’io, l’essere se stessi, la «suitas» – a quanto sembra un 32 termine coniato dall’Olivi – non si lascia mai dedurre a partire da qualcos’altro, ma è un dato primario. Kant, in una lezione di metafisica 33 degli anni ‘70, ha formulato qualcosa di simile. La certezza di sé del soggetto non si ottiene quindi tramite una conoscenza oggettiva, poiché la precede sempre. In altre parole, rovesciando il significato della parola «oggettivo», si potrebbe dire che la certezza della soggettività è la certezza più oggettiva che conosciamo. «Sapere» ci può essere soltanto per chi abbia la certezza infallibile di essere se stesso. Olivi sottolinea questo fatto nel rispondere alla domanda, «trattata da molti con fatica e da alcuni in modo sbagliato» (a multis laboriose quaeritur et a quibusdam erronee pertractatur), su come l’anima conosca 34 se stessa. L’anima sa senza alcun dubbio che è lei che esiste, vive, pensa, vuole, vede, sente e muove il corpo; in breve, che lei è principium et subiectum di tutti questi atti. Olivi continua: «E questo in quanto [l’anima] non può attualmente conoscere, ovvero considerare nessun oggetto e nessun atto, senza sapere e sentire sempre di essere il soggetto di quell’atto per mezzo del quale sa e considera queste cose. Per questo, nel suo pensiero pone sempre la forza di questa proposizione, cioè ‹io so 35 o penso questo›, o ancora ‹io ho dei dubbi su questo›» . Ma ciò è ___________________ 31 Olivi (nota 28), nr. 11. 32 Olivi (nota 7), q. 54, p. 251: [… ] experimentum suae, ut ita dixerim, suitatis. Cf. Stadter (nota 12), p. 216 e nota 280. 33 Kant, Vorlesungen über die Metaphysik, ed. C.H.L. Poelitz, Erfurt 1821, ristampa Darmstadt 1964, p. 206: «Das Ich beweiset aber, daß ich selbst handele; ich bin ein Prinzip und kein Principiatum [. . . ]. Dadurch, daß das Subjekt libertatem absolutam hat, weil es sich bewußt ist, beweiset es, daß es nicht subjectum patiens, sondern agens sei [. . . ]. Wenn ich sage: ich denke, ich handele etc.; dann ist entweder das Wort Ich falsch angebracht, oder ich bin frei.» Devo questa citazione a Düsing, Klaus, Subjektivität und Freiheit. Untersuchungen zum Idealismus von Kant bis Hegel, Stuttgart/Bad Cannstatt 2002, p. 223. 34 Olivi (nota 7), q. 76, p. 145. 35 Ibid., p. 146. Ecco tutto il passo nell’originale: Et hoc modo indubitabiliter sentit se esse et vivere et cogitare et velle et videre et audire et se movere corpus et sic de aliis actibus suis quorum scit et sentit se esse principium et subiectum. Et hoc in tantum quod nullum obiectum nullumque actum potest actualiter scire vel considerare, quin semper ibi sciat et sentiat se esse suppositum illius actus quo scit et considerat illa. Unde et semper in suo cogitatu format

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soltanto una parte di quello che Olivi vuole dirci, ed è ciò che rimane della sua teoria della soggettività se lo consideriamo quale precursore del «cogito» cartesiano o dell’«io penso che deve poter accompagnare tutte le mie rappresentazioni» di Kant. In realtà, tuttavia, la sua idea della soggettività presenta anche una dimensione ben diversa, che forse non cogliamo immediatamente nella sua teoria della riflessione, ma che ne è parte essenziale: si tratta dell’affettività. A questo punto ricorriamo ad un concetto ausiliare – non certo per attribuire a Olivi un presunto ruolo di precursore, che non gli renderebbe giustizia, ma per volgere la nostra attenzione in una direzione che ci sembra aiuti a capire meglio il suo pensiero. Vorrei riferirmi qui al concetto di valore quale emerge nel pensiero di Max Scheler, il quale ricorre alla philosophia cordis di Sant’Agostino. La certezza di sé così come la riflessione – se è lecito esprimerci così – non presentano in Olivi soltanto l’aspetto formale dell’evidenza intellettuale, poiché la realtà dell’io presuppone la conversione al valore dell’io; per giungere cioè al livello massimo della riflessione bisogna in certo qual modo afferrare un oggetto dotato di altissimo valore – un valore, detto sommariamente, è qualcosa che si può amare, qualcosa che attrae il nostro amore. Ora, ciò che attira di più la nostra volontà non è necessariamente il valore della nostra persona, ma piuttosto quello dell’amico amato e, in ultima analisi, quello di Dio stesso; di conseguenza, nell’atto di amore la volontà può 36 giungere più in alto di ogni altra facoltà . Si potrebbe obiettare che in quest’ambito siamo ormai al di fuori della riflessione, poiché nell’amore dell’amico, ossia di Dio, la volontà non è più presso di sé, ma presso l’altro. Ernst Stadter ha tuttavia rilevato giustamente che ciò non è vero: «La libera volontà dispone di una struttura talmente riflessiva ed è talmente riflessa sui suoi atti, che nello stesso momento in cui aspira ad un 37 oggetto, approva anche questo suo atto di volontà» . Stadter si riferisce ___________________ vim huius propositionis, scilicet, ‹ego scio vel opinor hoc vel ego dubito de hoc›. 36 Olivi (nota 7), p. 330 f.: In [. . . ] amando tantam habet mens altitudinem et latitudinem quod non potest excogitari maior potestas amandi [. . . ]. Si igitur amore non potest inveniri aliquis actus altior nec iucundior, [… ]: ergo potestas amativa [… ] oportet quod sit altissima et latissima potestas quae possit excogitari [… ]. 37 Stadter (nota 12), p. 217: «Der freie Wille ist in einem solch hohen Maß reflexiv strukturiert und auch auf seine Akte zurückgebeugt, dass er in dem

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qui alla struttura riflessiva del volere transeunte e sottolinea la «natura 39 riflessa dell’atto transeunte della volontà» . I nostri atti sono liberi in quanto li approviamo (implicitamente o esplicitamente), cioè in quanto non soltanto vogliamo – in modo intenzionale – un atto, ma in quanto lo vogliamo anche in modo riflesso. Detto con le parole di Olivi: nunquam 40 aliquid volumus libere, nisi cum volumus nos velle («non vogliamo mai qualcosa in modo libero, se allo stesso tempo non vogliamo volere»).

V. La libertas affectus 41

In Olivi la riflessività della volontà occupa un rango più elevato di quella dell’intelletto; la ragione ne è che la libertà ha le sue radici nella volontà, e non nell’intelletto. Tuttavia, siccome il nostro contatto con la realtà è più intenso laddove la volontà interviene col massimo affetto, la massima libertà (e la forma più alta della riflessione, cioè del possesso di se stessi) sta nell’affectus. A questo proposito, Olivi parla della 42 «substantialis claritas intellectus» e della «substantialis libertas affectus» . Vorrei terminare con alcune osservazioni sulla libertas affectus, cioè sulla perfezione della libertà nell’affetto (qui non bisogna pensare all’istinto, ma alla forza mentale complementare dell’intelletto). Negli scritti spirituali di Olivi (ma quale delle sue opere non lo sarebbe?), occupa un posto particolare il ‹Tractatus de septem sentimentis Christi Iesu›. I sette sentimenti del Cristo non sono degli affetti qualsiasi, ma fanno parte essenziale dell’auto-comunicazione dell’uomo-dio in quanto ___________________

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Augenblick, da er ein Objekt erstrebt, auch schon diesen seinen Willens-Akt bejaht.» In seguito, Stadter cita Olivi (nota 7), q. 58, p. 435: Voluntas libera sic est reflexa super se et super actus quod statim, cum aliquid actu vult, diligit suum actum. Stadter (note 37), ibid. Stadter (note 37), p. 218: «[. . . ] die reflexive Natur des transeunten Willensaktes [. . . ]». Olivi (nota 7), q. 59, p. 552. La citazione prosegue: [… ], aut saltem cum statim possumus nos velle actum illum. Ibid., p. 552 s. Per sottolineare la riflessività della volontà, cf. Schmucki, Albert, Selbstbesitz und Hingabe. Die Freiheitstheologie des Petrus Iohannis Olivi im Dialog mit dem modernen Freiheitsverständnis, Mönchengladbach 2009, p. 236. Olivi (nota 20), q. 79, p. 161 (an actus scientiae vel amoris possit se ipsum habere pro obiecto).

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crocifisso: essi hanno perciò un carattere esemplare e dialogico. Ne risulta che colui che «si sprofonda» in essi, si eleva nel contempo verso Dio, cioè verso l’oggetto (che è eminentemente soggetto) che esaurisce completamente l’intenzionalità della mente umana (sia sotto l’aspetto intellettuale che affettivo). «Il sommo e supremo grado dell’elevazione della mente verso Dio», scrive Olivi sulle orme di Dionigi Areopagita, «avviene nel sentire e nel gustare l’amore che si sperimenta nel midol43 lo» : si tratta cioè di sentire ciò che Gesù sente. Ma questa realtà non è accessibile intellettualmente, poiché il pensiero rimane, per così dire, alla superficie: «Etenim si multorum est cogitare superficialiter hoc quod in Christo Jesu, paucorum autem est profunde […] intelligere, 44 paucissimorum tamen sentire et gustare» . Olivi insiste così sul fatto che l’affetto penetra più profondamente nella realtà che non l’intelletto; ne dà un esempio: «quando vedi che qualcuno – che non ti concerne – viene impiccato, puoi riflettere sulla sua pena e capirla, ma non la senti. Quando invece viene fatta una grave ingiuria a tuo padre, o a una cosa [l’espressione res qui ci sembra fuori luogo, ma è normale nel linguaggio scolastico] che ti è molto cara, senti nel tuo animo una lesione intollerabile, poiché tramite un amore sensuale e ardente egli ti si è 45 inviscerato, e tu in lui» . In maniera molto simile viene descritta l’esperienza di Dio nella ‹Lectura super Apocalipsim›, dove Olivi delinea l’età dello Spirito Santo che deve venire. Lo Spirito non si manifesta in modo intellettuale, ma affettivo, cioè come «fiamma e forno dell’amore divino», come «camera dell’ebbrezza spirituale», come «farmacia di aromi divini e unzioni spirituali […] per cui tutta la verità del Verbo Incarnato e della potenza di Dio Padre non si manifesterà solo tramite la semplice conoscenza, ma ___________________ 43 Tractatus P[etri] J[oannis] de septem sentimentis Christi Iesu, ed. Marco Bartoli, dans: Archivum Franciscanum Historicum 91 (1998), pp. 533–549, p. 535, ll. 3–5: [… ] summus et supremus gradus elevationis mentis in Deum est per experimentales et medullares sensus et gustus amoris [… ]. 44 Olivi (nota 43), ll. 21–23 (messo in rilievo nell’originale togliendo il corsivo, cf. Fil. 2,5). 45 Ibid., ll. 24–28 : Exemplum: Si videris suspendi aliquem, qui te non tangit, potes quidem ipsam eius poenam cogitare et intelligere, non tamen sentis eam. Cum autem patri tuo, vel rei tibi carissimae, gravis irrogatur iniuria, intollerabilem laesuram sentis in animo tuo, eo quod per viam sensualis et ardentis amoris tibi sit invisceratus, et tu sibi.

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anche tramite l’esperienza gustativa e palpabile» . Dove l’uomo è più se stesso, dove è più identico a sé, dove è più raccolto, dove realizza il massimo di libertà e di soggettività, dove può dire nel modo più profondo e convincente «io»? La risposta di Olivi sembra ormai chiara.

___________________ 46 Ergo in tertio tempore spiritus sanctus exhibebit se ut flammam et fornacem divini amoris et ut cellarium spiritualis ebrietatis et ut apothecam divinorum aromatum et spiritualium unctionum et unguentorum […], per quam non solum simplici intelligentia sed etiam gustativa et palpativa experientia videbitur omnis veritas sapientie verbi dei incarnati et potentie dei patris. Olivi, Lectura super Apocalipsim. La citazione è tratta dalla dissertazione di Warren Lewis (Tübingen 1972, p. 229), dans: Lewis, Warren, Freude, Freude! Die Wiederentdeckung der Freude im 13. Jahrhundert: Olivis ‹Lectura super Apocalipsim› als Blick auf die Endzeit, dans: Ende und Vollendung. Eschatologische Perspektiven im Mittelalter, ed. Jan A. Aertsen, Martin Pickavé (Miscellanea Mediaevalia 29), Berlin/New York 2002, pp. 657– 682, p. 679, n. 36.

Bruno Nardi, Pietro di Giovanni Olivi e l’origine dell’anima umana in Dante (Pg XXV 37–79) Massimiliano Lenzi (Roma)

I. Com’è noto, nei suoi celeberrimi studi dedicati all’origine e alla natura dell’anima umana in Dante, Bruno Nardi (1884–1968) attribuiva ad Alberto il ruolo di principale mediatore e incontrastato protagonista di una spregiudicata e innovativa tesi storiografica, quella – per dirla con Giorgio Stabile – dell’averroismo latino come impensata «chiave di 1 lettura della genesi del pensiero dantesco». Una tesi, con la quale Nardi si era posto già da tempo in contrasto non solo con la vulgata neoscolastica di un Dante filosofo tomista, ma più in generale con la centralità assunta dal tomismo nel panorama cattolico italiano, vertice indiscusso del pensiero medievale e criterio fondamentale del nuovo corso ecclesiastico e della sua politica scolastica e culturale. ___________________ 1

Stabile, Giorgio, Il ‹De unitate› luogo d’incontro tra Nardi e Gentile, in: Tommaso d’Aquino, Trattato sull’unità dell’intelletto contro gli averroisti, traduzione, commento e introduzione storica di B. Nardi (Quaderni di cultura mediolatina 8), Spoleto 1998, pp. VII–XXIX; rist. in: Stabile, Giorgio, Dante e la filosofia della natura. Percezione, linguaggi, cosmologie (Micrologus’ Library 20), Firenze 2007, pp. 371–392, vedi p. 371. Per gli studi di Nardi, mi riferisco qui ai Saggi di filosofia dantesca (Il pensiero 2 filosofico 4), Firenze 1967 , pp. 63–72 e 341–380; agli Studi di filosofia 2 medievale (Storia e Letteratura 78), Roma 1979 , passim, e a Dante e la 3 cultura medievale, Roma/Bari 1983 , pp. 135–172 e 207–243, su cui più in dettaglio infra. Sull’averroismo di Dante, cf. anche Marenbon, John, Dantes’s Averroism, in: Poetry and Philosophy in the Middle Ages. A Festschrift for Peter Dronke, ed. John Marenbon (Mittellateinische Studien und Texte 29), Leiden/Boston/Köln 2001, pp. 349–374.

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In questi studi, mentre ribadiva il significato dell’influenza averroistica, contestando ancora una volta la riduzione della filosofia medievale a un unico sistema o sintesi di idee, Nardi individuava in Alberto il nucleo generatore – ben oltre Tommaso – di tradizioni filosofiche molteplici e divergenti su cui centrare l’immagine di un Dante filologicamente «eclettico», allievo cioè di tutti i grandi maestri medievali, da Agostino a Sigieri passando per i maestri francescani, sebbene sempre con piena e assoluta padronanza di idee. La categoria di ‹eclettismo› – e per Nardi eclettici per eccellenza erano senza dubbio sia 2 Dante che Alberto – non intendeva infatti esprimere una «valutazione limitativa», né costituiva un «residuo irrisolto» della formazione 3 neoscolastica di Nardi, che anzi era proprio contro questa tradizione – mi pare di capire – che Nardi ne sollecitava l’impiego, distinguendo l’estrema complessità empirica del medioevo e il dovere che lo storico ha di accertare sul piano strettamente filologico le diverse posizioni dottrinali e il loro eventuale intreccio, dal momento sintetico del giudizio 4 storico. Nella dialettica tante volte evocata del ‹certo› e del ‹vero›, un autore poteva essere eclettico sul piano filologico o culturale del ‹certo›, ma profondamente sistematico su quello filosofico del ‹vero› e viceversa ___________________ 2

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4

Cf. Nardi, Bruno, Raffronti fra alcuni luoghi di Alberto Magno e di Dante, in: Giornale storico della letteratura italiana 80 (1922), pp. 295–303; rist. in: id., Saggi (nota 1), pp. 63–72, vedi pp. 63–64; id., recensione di Giovanni Busnelli, Cosmogonia e antropogenesi secondo Dante Alighieri e le sue fonti, in: Giornale storico della letteratura italiana 81 (1923), pp. 306–334; rist. in: Nardi, Saggi (nota 1), pp. 341–380, vedi pp. 356 e 379–380; id., L’Aristotelismo nel Medioevo e nel Rinascimento, in: Enciclopedia Italiana, IV, Roma 1929, pp. 359–361, vedi p. 360, e id., Le rime filosofiche e il ‹Convivio› nello sviluppo dell’arte e del pensiero di Dante, in: Lettere Italiane 8 (1956), pp. 270–298; rist. in: id., Dal ‹Convivio› alla ‹Commedia› (Sei saggi danteschi), (Nuovi studi storici 18), Roma 1992, pp. 1–36, vedi p. 26. Così invece Vasoli, Cesare, L’immagine di Alberto Magno in Bruno Nardi, in: Albert der Grosse und die deutsche Dominikanerschule. Philosophische Perspektiven, ed. Ruedi Imbach, Christoph Flüeler, Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie 32 (1985), pp. 45–64; rist. in: Vasoli, Cesare, Otto saggi per Dante (Quaderni degli «Studi danteschi» 6), Firenze 1995, pp. 117–132, vedi p. 120. Cf. ad es., Nardi, Bruno, Dante e la filosofia, in: Studi Danteschi 25 (1940), pp. 5–42; rist. in: id., Nel mondo di Dante (Storia e Letteratura 5), Roma 1944, pp. 209–245, vedi p. 232, nota 3.

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come dimostrava, ad esempio, Tommaso, incapace a suo giudizio di dare autentico respiro filosofico al suo pur rigoroso aristotelismo, di contro allo spessore speculativo dell’eclettismo di Dante. Nardi ribadiva con ciò la tesi antitomista della sostanziale inconciliabilità di Aristotele con la fede cristiana, per comprendere la quale, occorre tenere presente un «canone interpretativo» che, come ha 5 scritto Tullio Gregory, è fondamentale nell’opera storiografica di Nardi, ovvero la necessità, contro l’uso apologetico fattone dalla cultura neoscolastica, di storicizzare i concetti di filosofia e teologia; i quali, nel XIII secolo, non sono altro che l’espressione di due tradizioni culturali, due distinti saperi o filosofie, quella greca e quella appunto cristiana. Alla base di questo schema interpretativo, c’era un’idea già emersa dal confronto con Gentile e con il suo vecchio maestro lovaniense, Maurice De Wulf (1867–1947), su quale fosse l’essenza del pensiero medievale, il suo Standpunkt. Nardi, che pure partiva dall’impostazione teorica di Gentile, poi la svolgeva in modo assolutamente autonomo e indipendente, secondo coordinate come vedremo già acquisite, declinandone il concetto ‹assoluto› di ragione in quello ‹storico› di ragione cristiana, di ragione cioè che poneva al centro l’esperienza del fatto religioso e, in particolare, di quella che Nardi definiva l’«intuizione mistica» dell’incarnazione. Di conseguenza, mentre Gentile orientava le proprie preferenze verso l’aristotelismo tomista come emblema di una ragione filosofica già classica e poi medievale, Nardi, convinto che il medioevo non ereditasse i problemi tali e quali dal mondo greco, ma li generasse «dall’intimo della propria vita spirituale», insisteva sul fatto che, il pensiero greco e quello aristotelico in particolare non erano in 6 grado di esaurire il campo della nuova esperienza cristiana. Di qui il ___________________ 5 6

Cf. Gregory, Tullio, Bruno Nardi, in: Giornale Critico della Filosofia Italiana 47 (1968), pp. 469–501, vedi pp. 472–476. Oltre a Nardi, Bruno, Scolastica vecchia e nuova, in: Rivista di filosofia neoscolastica 3 (1911), pp. 554–562, e id., La vecchia scolastica secondo uno scolastico nuovo, in: ibid. 4 (1912), pp. 626–635, si veda soprattutto la sua recensione di Giovanni Gentile, I problemi della scolastica, in: La Voce 26 (26 giugno 1913), Bollettino bibliogr., p. 1109 con le illuminanti considerazioni di Pietroforte, Stefania, Storia di un’amicizia filosofica tra neoscolastica, idealismo e modernismo. Il carteggio Nardi-Chiocchetti (1911–1949), (Carte e carteggi 8), Firenze 2004, pp. LIV–LXXX. Per un’efficace ripresa di questa prospettiva, cf. Gregory, Tullio, La conception

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giudizio su Tommaso, il quale, nelle sue pretese concordiste, dimostrava di non aver avuto coscienza della profonda irriducibilità che sussisteva tra Aristotele e il cristianesimo. Una consapevolezza che invece, sempre a suo giudizio, aveva spinto Dante ad attingere al patrimonio aristotelico con «sforzo personale», innervandolo, grazie ad Alberto e alla tradizione francescana, di elementi platonici, averroistici e agostiniani, dall’insieme dei quali era scaturita una sintesi originale e creativa. E un personale eclettismo, ben più che una lettura confessionale dell’aristotelismo, era agli occhi di Nardi la strada da perseguire per superare vecchie e ormai tramontate posizioni ideali. Una strada che non mortificava la ragione, imponendole un’estrinseca teologizzazione, ma neanche escludeva la fede, ché anzi la poneva al centro del nuovo orizzonte filosofico e culturale. In breve e non senza un apparente paradosso, era uno spirito profondamente religioso, cosciente del fatto cristiano e della sua novità storica, quello che, secondo Nardi, aveva spinto Dante a una libera e più adeguata ricerca filosofica, avvicinandolo, attraverso la straordinaria mediazione di Alberto, al «più autorevole e noto rappresentante» della filosofia medievale: l’averroista Sigieri. Ora, se l’essenziale di questa tesi Nardi l’elaborò precocemente, negli anni del suo soggiorno lovaniense (1908–1911), non altrettanto si può dire del ruolo attribuito ad Alberto, il cui riconoscimento sarebbe invece 7 maturato solo «gradualmente». Quando, nella sua tesi di laurea, ‹Siger de Brabant dans la Divine Comédie et les sources de la philosophie de Dante›, discussa con Maurice de Wulf agli inizi del 1911 e apparsa in italiano nella terza (1911) e quarta (1912) annata della ‹Rivista di filosofia neoscolastica›, e poi in estratto presso l’autore, Nardi tratta la questione dell’origine dell’anima umana in Dante, non è ad Alberto, di cui non c’è praticamente traccia, che si rivolge per determinarne le possibili fonti di ispirazione, ma al domenicano Robert Kilwardby e al francescano Pietro di Giovanni Olivi, soprattutto nel quale individua quel «complesso intreccio di platonismo e averroismo» che ritiene alla base della dottrina 8 dantesca. Più precisamente – ed è la tesi qui presupposta e argomentata –, nell’arco decisivo di un decennio, quello che va dal citato ‹Sigieri di ___________________

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de la philosophie au Moyen Âge, in: Actas del 5° Congreso Internacional de Filosofia Medieval, 2 voll., Madrid 1979, vol. I, pp. 49–57. Vasoli (nota 3), p. 120. Nardi, Bruno, Sigieri di Brabante nella Divina Commedia e le fonti della filosofia di Dante, Spianate (Pescia) 1912, pp. 48–49, su cui Garin, Eugenio, Ricordo di Bruno Nardi, in: Studi Danteschi 45 (1968), pp. 5–28, vedi p. 13.

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Brabante› al saggio inaugurale sui ‹Raffronti fra alcuni luoghi di Alberto 9 Magno e di Dante› (1922), Olivi, pur con alcune cautele e con le dovute distinzioni, gioca il ruolo che sarà successivamente attribuito ad Alberto. A partire allora dalla definizione di questo ruolo e dal primato concesso ad Olivi nella sua interpretazione, cercherò nelle pagine seguenti di ricostruire la tesi di Nardi nel suo sviluppo storico e speculativo, il che – lo dico qui con la massima chiarezza possibile – concernerà propriamente Nardi e i presupposti teorici della sua storiografia, e non riguarderà quindi Olivi se non in quanto oggetto della sua specifica considerazione come fonte e ispiratore della dottrina dantesca.

II. 10

L’interesse di Nardi, giovane borsista all’università di Lovanio, per le fonti della filosofia di Dante era stato suscitato dalla nuova edizione, nella prestigiosa collana dei ‹Philosophes Belges›, del capolavoro di Pierre 11 e Mandonnet, ‹Siger de Brabant et l’averroïsme latin au XIII siècle›. A ___________________ 9 Cf. supra, nota 2. 10 Nardi usufruiva di una borsa di studio per un posto di perfezionamento all’estero finanziata dall’Opera Pia Leopoldo Galeotti, che spiega la dedica («Alla memoria del senatore Leopoldo Galeotti di Pescia») del ‹Sigieri› nell’edizione delle Spianate: cf. Simoni Varanini, Laura, Bruno Nardi a Pescia. Il Carteggio con Giuseppe Prezzolini (Carte e Carteggi 11), Firenze 2005, pp. 15–18. 11 Così Gregory (nota 5), p. 478, con riferimento all’edizione del Mandonnet in a 2 voll., Louvain 1908–1911 (1 ed., in un unico tomo, Fribourg 1899; rist. Genève 1976, da cui cito). Il suo interesse per Dante era tuttavia precedente, e lo stesso Nardi lo riconduce in maniera significativa alla lettura di Rosmini: «Andavo leggendo a quel tempo [scil.: 1903] alcuni scritti del Rosmini e prendevo vivo interesse a certe sue dottrine intorno alle quali continuavano la loro acre polemica i neoscolastici. Forte impressione mi aveva fatto il suo modo di rappresentarsi l’origine dell’anima umana, che mi pareva aver certa somiglianza con la dottrina esposta da Stazio nel ‹Purgatorio› dantesco, la quale non riuscivo a capire [… ]. Ma, per me, intender Rosmini per mezzo di Dante voleva dire tentare di capire quello che m’era oscuro con quello che m’era anche più oscuro. Nel commento del Poletto si pretendeva di chiarirmi il pensiero di Dante con citazioni di S. Tommaso, ove, per quel che ero

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Nardi, «l’opera del Mandonnet interessava in modo particolare per il problema posto nell’ultimo capitolo» sulla presenza di Sigieri nel ‹Paradiso›, dove la soluzione che si proponeva, e cioè non aver Dante conosciuto le dottrine di Sigieri e averlo quindi celebrato solo come simbolo generico della filosofia, gli appariva – sono parole sue – «più che semplicistica, puerile». A Nardi – che pure apprezzava il lavoro di 12 Mandonnet – sembrava che due pregiudizi gli avessero precluso la via per trovare la giusta soluzione: innanzitutto «un’inesatta visione storica di quello che nel Medio Evo e nel Rinascimento era stato l’averroismo» – secondo Mandonnet, una forma particolarmente servile e irreligiosa di peripatetismo, caratterizzata da quattro grandi tesi: negazione della provvidenza; eternità del mondo; unità dell’intelletto possibile e 13 soppressione della libertà morale –, quindi la convinzione che «il pensiero filosofico di Dante [fosse] conforme in tutto e per tutto a quello 14 di S. Tommaso».

___________________ capace di intendere, si diceva giusto il contrario di quel che si leggeva nei versi del Poeta. A Lovanio, alla scuola di Maurice De Wulf, si può dire che fossi attratto dalla speranza di capir Dante proprio su questo punto, e, per mezzo di Dante, il Rosmini. Il resto poi venne da sé. Come Rosmini mi aveva indirizzato a Dante, così Dante mi trascinò nel mondo medievale» (Nardi, Bruno, Due Maestri, in: L’Alighieri. Rassegna bibliografica dantesca 1 (1960), pp. 19–24, vedi p. 19). 12 Cf. Nardi, Bruno, Filosofia medioevale, in: La Voce 44 (30 ottobre 1913), Bollettino bibliogr., p. 1190, dove si definisce questo lavoro «di primissimo ordine». 13 Cf. Mandonnet (nota 11), pp. CXXVIII–CXXIX e CLXVII. Sui presupposti e le assunzioni teoriche dell’opera di Mandonnet, cf. Fioravanti, Gianfranco, a Boezio di Dacia e la storiografia sull’Averroismo, in: Studi Medievali 3 s., 7 (1966), pp. 283–322, vedi pp. 289–296 e Imbach, Ruedi, L’averroïsme latin du e XIII siècle, in: Gli studi di filosofia medievale fra Otto e Novecento. Contributo a un bilancio storiografico. Atti del convegno internazionale, Roma, 21–23 settembre 1989, a cura di R. Imbach e A. Maierù (Storia e Letteratura 179), Roma 1991, pp. 191–208, vedi pp. 195–199. 14 In onore di Bruno Nardi (Ringraziamento agli amici per la consegna dei volumi ‹Medioevo e Rinascimento. Studi in onore di Bruno Nardi›), in: Giornale Critico della Filosofia Italiana 35 (1956), pp. 275–279, vedi p. 277.

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Pensava, Nardi, al Dante «neotomista e intransigente» del gesuita 15 Giovanni Maria Cornoldi (1822–1892), autore di un «famigerato» commento alla ‹Divina Commedia› (Roma 1887) e di un manuale ad uso dei licei (‹Sulla filosofia scolastica di San Tommaso e di Dante›, Roma 1889), che Mandonnet aveva citato a riprova della fedeltà di Dante alle 16 dottrine tomiste, una fedeltà che, soprattutto in Italia, costituiva parte integrante della nuova politica culturale inaugurata dalla ‹Aeterni Patris› (1879). In effetti, in un contesto di progressiva secolarizzazione, al di là della questione semplicemente scolastica dell’insegnamento della filosofia nei seminari, la rinascita del tomismo si iscriveva in un più ampio progetto di 17 restaurazione dell’ordine cristiano. E come già accaduto nel XIII secolo nei confronti della ragione aristotelica, anche in questo progetto la filosofia di Tommaso si dimostrava funzionale all’appropriazione delle moderne istanze di laicizzazione e mondanizzazione della società, attraverso la sistematica relativizzazione delle sue ragioni di autonomia. Alla luce del concordismo tomista, conformarsi ai principi e alle leggi del mondo diventava legittimo e per nulla incompatibile con la fede, una volta stabilito il principio apologetico dell’origine parimenti divina di quei principi e di quelle leggi e del loro stesso fondamento naturale ___________________ 15 Milani, Luciano, Esame critico sul commento della ‹Divina Commedia› del P. Cornoldi, in: Atti della I. R. Accademia di Scienze Lettere ed Arti degli a Agiati 3 s., 6 (1900), pp. 161–196, vedi p. 164. 16 Cf. Mandonnet (nota 11), p. CCCVI, nota 3. 17 Sulla funzione politica e culturale del neotomismo, oltre al classico Aubert, Roger, Aspects divers du néo-thomisme sous le pontificat de Léon XIII, in: Aspetti della cultura cattolica nell’età di Leone XIII. Atti del convegno tenuto a Bologna il 27–28–29 dicembre 1960 (Quaderni di storia 1–2), Roma 1961, pp. 133–248, cf. Thibault, Pierre, Savoir et pouvoir. Philosophie e thomiste et politique cléricale au XIX siècle, Québec 1972, con le considerazioni supplementari ancora di Aubert, Le contexte historique et les motivations doctrinales de l’encyclique ‹Aeterni Patris›, in: Tommaso d’Aquino nel I centenario dell’enciclica ‹Aeterni Patris›. Atti del convegno organizzato a Roma 15–16–17 novembre 1979, Roma 1981, pp. 15–48, vedi pp. 46–48. Cf. parimenti Bonino, Serge-Thomas, Le fondement doctrinal du projet léonin. ‹Aeterni Patris› et la restauration du thomisme, in: Le pontificat de Léon XIII: renaissances du Saint-Siège?, éd. Philippe Levillain, Jean-Marc Ticchi, Roma 2006, pp. 267–274 e, più in generale, sull’ideale di restaurazione dell’ordine cristiano e l’ideologia di cristianità, cf. Menozzi, Daniele, La Chiesa cattolica e la secolarizzazione, Torino 1993.

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(razionale). Essendo entrambe doni, su piani diversi, della provvidenza divina – questa, in breve, la tesi di fondo propagandata dall’‹Aeterni Patris› –, fede e ragione, al pari delle loro proiezioni istituzionali, non potevano discordare se non in maniera illecita e pretestuosa, eo quod 18 verum vero minime contradicat. Di qui la ‹legittimità› di una politica culturale – di cui, come detto, l’appropriazione di Dante costituiva in 19 Italia parte integrante – che, promuovendo attraverso la filosofia di Tommaso il primato della norma cattolica – ut ad fidei catholicae normam ubique traderentur humanae disciplinae omnes, praesertim vero 20 philosophia –, pretendeva di richiamare il filosofo cristiano, nella sua

___________________ 18 Epistola Encyclica de philosophia christiana ad mentem Sancti Thomae Aquinatis Doctoris Angelici in scholis catholicis instauranda, in: Leonis XIII Pontificis Maximi Acta, vol. I, Romae 1881, pp. 255–284, vedi p. 264, che cita con ciò quanto decretato da Leone X nella bolla ‹Apostolici regiminis› (1513). Cf. Conciliorum Oecumenicorum Decreta, curantibus Josepho 3 Alberigo et aliis, Bologna 1973 , p. 605,31–34: Cumque verum vero minime contradicat, omnem assertionem veritati illuminatae fidei contrariam, omnino falsam esse definimus, et ut aliter dogmatizare non liceat, districtius inhibemus, su cui si vedano le considerazioni di Bianchi, Luca, Pour une histoire de la ‹double vérité›, Paris 2008 (Conférences Pierre Abélard), pp. 119–128. All’origine, il celeberrimo adagio medievale omnia vera vero consonant in: Hamesse, Jacqueline, Les auctoritates Aristotelis. Un florilège médiéval. Étude historique et édition critique, Louvain/Paris 1974 (Philosophes Médiévaux 17), p. 233, in base al quale Tommaso, De unitate intellectus, cura et studio Fratrum Praedicatorum, Roma 1976 (Opera Omnia 43), p. 314,412–422 e soprattutto il prologo al Sillabo di Tempier, in: Hissette, Roland, Enquête sur les 219 articles condamnés à Paris le 7 mars 1277, Louvain/Paris 1977 (Philosophes Médiévaux 22), p. 13: Dicunt enim ea esse vera secundum philosophiam, sed non secundum fidem catholicam, quasi sint duae contrariae veritates [… ] – ma così, seppure secondo un diverso ordine di priorità, già Averroè, L’accordo della legge divina con la filosofia. Traduzione, introduzione e note di Francesca Lucchetta, Genova 1994 (Corpus Arabo Islamico 1), p. 124: «La verità non può essere contraria alla verità, ma anzi si accorda con essa e testimonia in suo favore». 19 Sul ‹tomismo di Dante›, cf. Malusa, Luciano, Neotomismo e intransigentismo cattolico. Il contributo di Giovanni Maria Cornoldi per la rinascita del tomismo, Milano 1986, pp. 308–338. 20 Epistola (nota 18), p. 256.

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stessa specificità professionale, a un’attività condotta in ossequio 21 all’autorità divina. Bisogna allora capire, alla luce di queste precise direttive ecclesiastiche, come fosse maturato in Nardi, giovane prete italiano, il convincimento del carattere pregiudiziale della ‹fedeltà› di Dante al tomismo, nel contesto oltretutto di un’istituzione – l’Institut Supérieur de Philosophie – École Saint-Thomas d’Aquin – pensata e creata proprio per la 22 promozione della filosofia di Tommaso. Il fatto è che Nardi era giunto a Lovanio, nel 1908, già con un proprio 23 «orientamento», determinato da un clima filosofico e culturale ben diverso da quello neotomista dell’Istituto e del nuovo corso cattolico in generale. Nato alle Spianate, comune di Altopascio in provincia di Lucca, il 24 giugno 1884, e avviato al noviziato francescano, per volontà della famiglia, fino al 1901, quando, lasciato l’ordine con dispensa dai voti, passerà al Seminario vescovile di Pescia dove sarà ordinato sacerdote 24 (1907), Nardi si era formato in un ambiente ecclesiastico ma di tipo ___________________ 21 Epistola (nota 18), pp. 264–265: In iis autem doctrinarum capitibus, quae percipere humana intelligentia naturaliter potest, aequum plane est, sua methodo, suisque principiis et argumentis uti philosophiam: non ita tamen, ut auctoritati divinae sese audaciter subtrahere videatur. Imo, cum constet, ea, quae revelatione innotescunt, certa veritate pollere, et quae fidei adversantur pariter cum recta ratione pugnare, noverit philosophus catholicus se fidei simul et rationis iura violaturum, si conclusionem aliquam amplectatur, quam revelatae doctrinae repugnare intellexerit. 22 Sull’Istituto Superiore, cf. Aubert, Aspects (nota 17), pp. 172–190 e Wielockx, Robert, De Mercier à De Wulf. Débuts de l’‹École de Louvain›, in: Imbach, Maierù (nota 13), pp. 75–95. 23 Cf. Garin (nota 8), p. 7; Gregory (nota 5), pp. 471–472 e Stabile, Giorgio, Bruno Nardi storico della filosofia medievale, in: Imbach, Maierù (nota 13), pp. 379–390; rist. in Stabile, Dante (nota 1), pp. 359–370, vedi p. 360. 24 Cf. Nardi, Bruno, Pagine autobiografiche, in: Tullio Gregory, Giorgio Petrocchi, Ricordo di Bruno Nardi, Roma 1979, pp. 19–27. Era stata soprattutto la madre, ricorda Nardi, a spingere perché il giovane Bruno si avviasse a una carriera ecclesiastica. Nardi lega questo episodio alla scomparsa del nonno Angiolo, che «era un buon cristiano, ma non aveva eccessiva simpatia per i preti. Un giorno che eravamo soli, me lo lasciò capire – Ah, ti voglion far prete! – e tentennava la testa disapprovando. Ma quando ebbe chiusi gli occhi fu facile a mamma, che nella sua buona fede stava commettendo un grosso sbaglio, orientarmi con le parole più affettuose e

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particolare, toscano e risorgimentale, estraneo alle rigidità ideologiche e culturali dell’intransigentismo cattolico e legato piuttosto alla tradizione del cattolicesimo liberale, oltreché aperto alle istanze di rinnovamento 25 moderniste. Non a caso, suoi primi maestri erano stati dei frati minori, che, col conforto dell’autorità di Agostino, l’avevano introdotto allo 26 studio di Rosmini e Gioberti e dei loro ‹precursori› francescani. Il giovane Nardi veniva così iniziato agli studi filosofici alla luce delle concrete istanze speculative dello spiritualismo cristiano, le stesse istanze 27 che lo portavano ad apprezzare l’idealismo italiano, e che consistevano grosso modo in una «revisione» platonica e agostiniana del 28 «‹soggettivismo› trascendentale kantiano». Di qui l’assoluta centralità di temi come il primato della fede e dell’intima presenza del divino nell’umano o la precoce preferenza per il ‹misticismo› francescano e il suo nocciolo ‹idealistico› (Pietroforte) rispetto al realismo scolastico di tradizione aristotelico-tomista. Temi e preferenze, che, emergendo in primo luogo dalla tradizione patristica e medievale, introducevano il giovane Nardi a un’esperienza filologica, critica e storica; ma che emergendone con la problematicità di questioni aperte, facevano di quella ___________________

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insinuanti là dove s’era prefissa di condurmi» (p. 26). Cf. d’altra parte Nardi, Bruno, lettera a mons. Simonetti del 30 settembre 1941, in: Simoni Varanini (nota 10), p. 42: «[… ] a mia richiesta, si sono recati da mia madre che vive con mio fratello, dott. Michele, a Firenze, via Antonio del Pollaiolo, 49, e da lei hanno avuto conferma della mia renitenza a entrare negli ordini sacri, e come questa renitenza fu vinta con preghiere e minacce». Cf. Stabile (nota 1), pp. 373–375 e le considerazioni di Gregory (nota 5), p. 470, dove si accenna anche ad anni (1903–1908) trascorsi all’Istituto teologico di Firenze. Secondo Simoni Varanini (nota 10), pp. 15–18, invece, a Firenze Nardi si sarebbe limitato a conseguire, nel 1908, il titolo di dottore in teologia, in occasione – mi pare di capire – dello stesso esame di concorso che gli avrebbe permesso di vincere la borsa per Lovanio. Nella lettera a Gentile del 26 maggio 1914, in: Stabile (nota 1), pp. 383–386, vedi p. 384, Nardi ricorda di aver fatto i propri studi «nel seminario di Pescia e poi a Lovanio e in diverse università tedesche», senza citare Firenze. Cf. Nardi (nota 14), pp. 276–277. Cf. ibid., p. 277: «La lettura delle due memorie, «cioè la ‹Logica› e la ‹Riduzione della filosofia del diritto a economia› mi avevano [sic!] profondamente scosso». Così Stabile (nota 23), p. 360. Accenna, seppure con accenti critici, a «posizioni speculative di origine neo-kantiana», anche Garin (nota 8), pp. 27–28.

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stessa esperienza qualcosa di contemporaneamente vivo e attuale. La lettura, poi, de ‹L’Évangile et l’Église› di Loisy, seguita da quella dell’‹Essenza del Cristianesimo› di Harnack, potenziava queste 29 inquietudini, proiettandole nel cuore del dibattito religioso europeo. Due brevi ma dense discussioni critiche, pubblicate nel 1907 sulla rivista ‹Studium›, sotto lo pseudonimo Nun, mostrano un giovane Nardi, sul punto dell’ordinazione sacerdotale, fare suoi alcuni decisivi capisaldi del modernismo. Innanzitutto, il motivo cruciale dell’autonomia della fede e del suo fondamento ecclesiastico, motivo che permette allo scienziato, e nella fattispecie allo storico, di prescindere nelle sue ricerche da quella verità che egli stesso accetta per fede e che non ha bisogno, per essere creduta, di una dimostrazione storica, liberando in questo modo la scienza dalla teologia e da tutte quelle forzature apologetiche e confessionali che 30 mortificano la cultura cattolica. Un’istanza diametralmente opposta a quella sottesa alla missione ‹scientifica› del filosofo neotomista e che Nardi avrebbe presto riconosciuto nell’anticoncordismo filosofico di Sigieri e poi soprattutto di Alberto. In secondo luogo, Nardi faceva sua la fiducia in una tradizione ecclesiastica intesa come «organismo vivente», un convincimento che implicava un’altra decisiva rottura, quella tra fede e teologia o, più propriamente, tra l’assoluto che è sostanza di fede e l’umano che – diceva Nardi – è un conato sempre imperfetto e relativo di penetrazione e comprensione di quell’assoluto. In questione era il concetto di evoluzione del dogma pensato da Loisy combinando l’elemento umano ___________________ 29 Cf. Nardi (nota 14), p. 277. 30 Si veda Nardi, Bruno, (pseudonimo Nun), recensione di A. Cellini, Gli ultimi capi del tetramorfo e la critica razionalistica, in: Studium 2 (1907), pp. 168–170, vedi p. 168: «Il libro di cui mi occupo non tocca la questione se Cristo è risuscitato, apparso, asceso al cielo corporalmente, ma se le narrazioni dei Vangeli offrono una sufficiente garanzia ad un’affermazione storica. Quei fatti sono per noi credenti oggetto di fede. E, certo, si può cercare storicamente lo sviluppo di questa fede. Ma la fede, come avviene di altri dogmi, resterebbe intatta anche se quei fatti sfuggissero ad una rigorosa dimostrazione storica. Poiché la regola prossima della nostra fede è l’autorità della tradizione cristiana trasmessa per mezzo di un organismo vivente che è la Chiesa. Per avere un’affermazione storica a base dei Vangeli, bisogna riportare l’esame e la discussione di questi documenti sul terreno della critica, indipendentemente da ogni idea teologica», su cui Pietroforte (nota 6), p. XVIII.

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con quello divino. Umana era la concreta realizzazione del cristianesimo attraverso lo svolgersi delle sue espressioni storiche. Divina era invece la forza, l’energia vitale, «un contenuto oggettivo assoluto», che con la sua 31 presenza presiedeva a questa realizzazione e a questo svolgimento. L’essenza del Cristianesimo si rivelava, quindi, al pari di quella di Cristo, sintesi inscindibile di elementi eterogenei, unio inconfusa ovvero – per dirla con il vocabolario filosofico di Croce – unità di distinti. E pur con le dovute cautele, era proprio a Croce, come ha suggerito Stefania Pietroforte, che sembrava condurlo questo peculiare spiritualismo, 32 fondato sul difficile equilibrio di immanenza e trascendenza. Non è affatto azzardato allora pensare che Nardi, sulla base ulteriore di affinità platoniche e agostiniane, ritrovasse in queste istanze di rinnovamento filosofico-religiose alcune conferme teoriche della sua formazione teologica e francescana. Analogo, ad esempio, doveva apparirgli il modello di immanenza causale che, a partire dallo stesso dogma dell’incarnazione, spiegava la presenza efficace del Creatore nelle creature; mentre un riferimento esplicito alla reazione della coscienza individuale che, contro il movimento accentratore della gerarchia, pone al centro il concetto di libertà e ispirazione personale, richiamava i temi agostiniani – e pericolosamente ‹riformati› – del primato della fede e 33 dell’illuminazione interiore. In breve, maturava, Nardi, un cristianesimo ___________________ 31 Cf. Id. (pseudonimo Nun), Protestantesimo nuovo e Cattolicesimo nuovo, in: Studium 2 (1907), pp. 94–100. 32 Cf. Pietroforte (nota 6), pp. XV–XLVI. Da Croce doveva invece allontanarlo la sua celebre tesi sul profetismo di Dante. Cf. in particolare Nardi, Dante Profeta, in: id., Dante (nota 1), pp. 265–326, vedi pp. 308–312 e id., Sull’interpretazione allegorica e sulla struttura della ‹Commedia› di Dante, in: id., Saggi e note di critica dantesca, Milano/Napoli 1996, pp. 110–165, su cui Gregory (nota 5), pp. 483–488 e Stabile (nota 23), pp. 367–368. Di Stabile, si veda altresì Cosmologia e teologia nella ‹Commedia›: la caduta di Lucifero e il rovesciamento del mondo, in: Letture classensi 12 (1983), pp. 139–173; rist. in: Stabile (nota 1), pp. 137–172, vedi pp. 137–142. 33 Nardi (nota 31), p. 98: «Certo i cattolici moderni rappresentano oggi di fronte ad interpretazioni fossilizzate del dogma, proprie della vecchia scuola, la reazione dello spirito che vivifica; di fronte al movimento accentratore della gerarchia, la reazione della coscienza individuale, perché vengano delimitati la natura, l’oggetto e l’ambito di azione dell’autorità ecclesiastica, in modo che quell’autorità sia al servizio della libertà individuale e non la sopprima».

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dell’«esperienza interiore» e della «soggettività in atto» – per altro destinato, di lì a poco, a culminare nel ‹grave› abbandono del sacerdozio (1914) –, in cui veniva guadagnando una forte autonomia di giudizio e soprattutto un’attitudine indisponibile, «in critica e in storia», a prestare ascolto a qualsiasi autorità che non avesse «dato prova» della propria 35 «competenza scientifica». E questo spiega, in generale, il rigetto del «proposito apologetico» e «propagandistico» sotteso alla tesi del tomismo di Dante, tesi che nello specifico mirava – sono sempre parole di Nardi – a «richiamare i filosofi moderni, attraverso lo studio di Dante, 36 allo studio di S. Tommaso». Tuttavia, a mostrargli concretamente la via era stata una lettura ulteriore, quella dell’‹Esame critico delle XL proposizioni rosminiane condannate dalla S. R. U. Inquisizione› del rosminiano Giuseppe Morando, un libro «farraginoso – avrebbe ricordato lo stesso Nardi – ma ricco di notizie allo scopo di dimostrare che quelle proposizioni incriminate avevano un fondamento nella tradizione patristica e 37 scolastica». In questo volume – non citato nel ‹Sigieri› –, a margine dell’ampia ed erudita discussione sulla dottrina rosminiana dell’origine dell’anima umana – dottrina accusata di traducianesimo ed esplicitamente 38 condannata nel 1887, con il decreto ‹Post obitum› –, Nardi si era ___________________ 34 Stabile (nota 1), p. 389. 35 Nardi (nota 30), p. 170. 36 Nardi, Dal ‹Convivio› (nota 2), p. 27. E proprio questo, in effetti, era il progetto del Cornoldi, come si evince da una lettera al conte Giuseppe Rossi del 1884, cit. in: Malusa (nota 19), p. 319, nota 174: «Considerando che la ‹Divina Commedia› corre per le mani di tutti i letterati e specialmente dell’italiana gioventù quanto di utilità non può ridondare a quella causa per cui ho combattuto con tanta fatica, il fare apprendere la filosofia dell’Aquinate sensim sine sensu in Dante stesso». E ancora Cordovani, Mariano, In preparazione al centenario dantesco, in: Rivista di filosofia neoscolastica 11 (1919), pp. 153–166, in particolare p. 153, dove l’istituzione di un corso domenicano di filosofia e teologia dantesca appariva «giustificata dal fatto che i migliori storici della filosofia medioevale riconoscono nell’opera dell’Alighieri la più grande espressione poetica delle dottrine scolastiche e tomistiche [… ]». 37 Nardi (nota 14), p. 277. 38 Cf. Antonio Rosmini e la Congregazione del Santo Uffizio. Atti e documenti inediti della condanna del 1887, a cura di Luciano Malusa, Paolo de Lucia, Eleanna Guglielmi, Milano 2008, p. 309, § 20: Non repugnat ut anima

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imbattutto nella citazione di Dante (Pg XXV, vv. 37–75). Secondo Morando, la dottrina rosminiana della ‹generazione› dell’anima «per gradi progressivi dall’imperfetto al perfetto» fino al coronamento divino dell’intuizione dell’essere, era «eziandio la dottrina di Dante, che fu pure un grande filosofo e le sentenze degli scolastici seguì modificandole secondo le vedute della sua alta ragione, cristiana e religiosa quanto 39 quella di alcun altro Dottore». Morando e con lui il rosminiano Giovanni Battista Zoppi definivano questa dottrina dantesca «creazionismo temperato», contrapponendola al «creazionismo puro» o «esagerato» di tradizione scolastica e tomista. Entrambi, però, seguendo le indicazioni di Rosmini, cercavano poi di disimpegnare la posizione personale di Tommaso da quella dei suoi interpreti, armonizzandola con 40 quella ‹temperata› di Dante e dello stesso Rosmini. E questo spiega, direi, l’iniziale silenzio di un Nardi senz’altro indisponibile a un simile ___________________ humana generatione multiplicetur; ita ut concipiatur eam ab imperfecto, nempe a gradu sensitivo, ad perfectum, nempe ad gradum intellectivum, procedere. Questa proposizione condannata era tratta da Rosmini, Antonio, Teosofia II, § 646, Roma 1938 (Opere edite e inedite di A. Rosmini-Serbati 8), p. 313: «Noi abbiamo già detto che la generazione dell’anima umana si può concepire per gradi progressivi dall’imperfetto al perfetto, e però che prima ci sia il principio sensitivo, il quale giunto alla sua perfezione colla perfezione dell’organismo, riceva l’intuizione dell’essere e così si renda intellettivo e razionale (Psicol. 672–675). È vero – e l’abbiam pure dimostrato – che il principio sensitivo, tosto che riceve la detta intuizione, perde la sua individualità, e l’ente che rimane non è più lui, ma un ente razionale (Ivi 676–680). Questo spiega come San Tommaso dica che un’anima si corrompa nel feto e ne sopraggiunga un’altra. Quindi si offre alla mente l’espressione che il principio sensitivo sia divenuto principio razionale, che si sia convertito in un altro, avendo subito veramente una tale permutazione, per la quale prima c’era lui e poi c’è l’ente razionale [… ]». 39 Morando, Giuseppe, Esame critico delle XL proposizioni rosminiane condannate dalla S. R. U. Inquisizione, Milano 1905, p. 302. 40 Cf. ibid., pp. 303 e 313–316 e Zoppi, Giovanni Battista, Psicologia dantesca XVI. Origine dell’anima umana, in: Rivista Rosminiana 3 (1908), pp. 467– 480, vedi pp. 476–477, nota 2: «[… ] questo creazionismo [… ] appare troppo radicale, anzi del tutto esagerato, se si prenda la parola corruzione qui usata dall’Aquinate in un senso affatto letterale e quasi materiale. Se non che, come osserva giustamente il Morando, tale non è il vero concetto di S. Tommaso, il quale afferma [… ] che la forma [… ] si corrompe in quanto che essendole stata aggiunta una perfezione non è più quella di prima, ha cambiato specie».

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accomodamento, ma non riduce certo il peso che, per sua stessa ammissione, questa interpretazione rosminiana di Dante ha avuto 42 nell’elaborazione della sua tesi.

III. «C’è chi ha fatto di Dante un tomista – scrive Nardi nel ‹Sigieri› –, proprio perché gli è sembrato vedere nelle teorie di lui sull’origine dell’anima umana la fedele espressione del pensiero dell’Aquinate. Ora 43 noi vedremo che non c’è tesi sulla quale l’Alighieri se ne scosti tanto». Con queste parole, Nardi apriva il capitolo della sua tesi dedicato all’anima umana, bersagliando nientemeno che Désiré Mercier (1851– 1926), fondatore e, fino al 1906, presidente di quell’Istituto di cui Nardi era studente e che nella sua ‹Psychologie› (1892) non aveva resistito – sono parole sue – «au plaisir de transcrire […] quelques strophes dans

___________________ 41 Come chiaramente emerge dalla polemica con Giovanni Calò. Cf. Nardi, Bruno, Intorno al tomismo di Dante e alla quistione di Sigieri, in: Giornale dantesco 22 (1914), pp. 182–197, vedi p. 192: «Invece il Calò, a sostegno della sua interpretazione [scil.: l’accordo tra Dante e Tommaso] non reca che l’autorità dello Zoppi, il quale segue le orme del Morando (‹Esame critico delle XL proposizioni rosminiane›, pp. 314–315), che dipende alla sua volta dal Rosmini (‹Teosofia›, I, n. 646, p 619). Ora il Rosmini reca, nell’interpretazione di S. Tommaso, un concetto dinamico tutto suo, e affatto estraneo all’idea aristotelica e platonica della forma». 42 Cf. Nardi, Bruno, Gli studi di storia della filosofia medievale, in: Cinquant’anni di vita intellettule italiana: 1896–1946. Scritti in onore di Benedetto Croce per il suo ottantesimo anniversario, a cura di Carlo Antoni e Raffaele Mattioli, Napoli 1950, vol. I, pp. 15–42, vedi pp. 30–31: «Precedentemente alcuni rosminiani, e cioè Tito Tornelli [… ], Giuseppe Morando [… ], e G. B. Zoppi [… ], avevano ravvisato nella dottrina dantesca sull’origine dell’anima umana, una teoria antitomistica, sostanzialmente identica a quella del Rosmini; si che non fu difficile al sottoscritto, che nel 1911 era allievo del De Wulf, riconoscere in quella dottrina una derivazione dell’averroismo sigieriano». Tito Tornelli era l’autore di un agile studio dedicato a La dottrina dantesca della generazione umana, Bologna 1893. 43 Nardi (nota 8), p. 43.

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lesquelles le Dante a condensé la doctrine de Thomas d’Aquin sur 44 l’origine de l’âme». Nardi ipotizzava che ad aver sviato l’illustre cardinale fossero stati i commenti del Cornoldi e di monsignor Giacomo Poletto (1840–1914), titolare quest’ultimo della ‹Cattedra dantesca› dell’Istituto Pontificio Leoniano e autore sia di un celebre commento alla ‹Divina Commedia›, 45 che di un importante ‹Dizionario dantesco› (Siena 1885–1892). In effetti, proprio a margine di ‹Purgatorio› XXV, Cornoldi aveva scritto che «non è possibile che un commentatore spieghi bene questo passo (e ciò dicasi di mille altri di Dante) se non possiede una conoscenza profonda della dottrina dell’Angelico dottore San Tommaso, di cui 46 Dante fu fedele discepolo»; mentre Poletto, citando per esteso la ‹determinazione› di un articolo della ‹Summa› (I, q. 118, a. 2), aveva audacemente concluso che «ognun vede come il Poeta si conformi in 47 tutto alla dottrina dell’Angelico». Secondo Nardi, invece, le teorie di Dante e Tommaso erano semplicemente inconciliabili e dimostrarlo era il compito che si prefiggeva in quel capitolo della sua tesi, a partire da ciò che definiva «lo sviluppo del principio vegetativo e sensitivo». Ora, come avrebbe puntualizzato lui stesso alcuni anni dopo, a comandare il dibattito medievale sull’origine dell’anima umana – dibattito a lungo caratterizzato da una sostanziale incertezza dogmatica da parte della Chiesa, risolta solo nel XII secolo, quando il creazionismo si era imposto come linea teologica vincente sull’ipotesi della preesistenza e del traducianesimo –, era stata, a partire dagli anni’20 del XIII secolo, un’auctoritas tratta dal sedicesimo libro del ‹De animalibus›, in cui Aristotele sembrava suggerire una dottrina dell’animazione del feto graduale e progressiva, coronata dall’infusione divina dell’anima intellettiva. Agente della generazione vi appariva il seme maschile, il quale, serbando in sé l’impulso (motus) del genitore – l’anima in potenza (potentia) –, era in grado di organizzare la materia secondo una certa ___________________ 44 Mercier, Désiré, Psychologie II, Louvain 1905, pp. 339–340. Mercier riportava, corredati di traduzione francese, i vv. 52–75 di ‹Purgatorio› XXV. 45 Nardi (nota 8), p. 43, n. 1. Sui rapporti tra Mercier e Cornoldi, cf. Wielockx (nota 22), pp. 77–78 e 80–81. 46 La Divina Commedia di Dante Alighieri col commento di G. M. Cornoldi, Roma 1887, p. 491. 47 La Divina Commedia di Dante Allighieri col commento di G. Poletto, 3 voll., Tournay/Roma 1894, vol. II, pp. 565–566.

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forma apparentemente costituita prima dall’anima vegetativa, poi 48 dall’anima sensitiva e infine – ma ex extrinseco – dall’anima intellettiva. Riferendosi allora alla stessa q. 118 a cui si era appellato Poletto, Nardi sottolineava come per Tommaso questa dottrina aristotelica consistesse in un processo discontinuo di generazioni e corruzioni (per multas 49 generationes et corruptiones), di cui la virtù attiva contenuta nel seme costituiva una causa efficiente puramente estrinseca e strumentale. Per Tommaso, cioè – e Nardi lo poneva in rilievo, esplicitandone la 50 citazione –, non era la virtù del seme a farsi anima, ma l’anima era tratta dalla potenza all’atto mediante l’azione di questa virtù, in un «succedersi discreto di momenti sostanziali distinti di cui il primo» faceva posto al

___________________ 48 Aristotle, De animalibus. Michael Scot’s Arabic-Latin Translation, ed. by Aafke M. I. Van Oppenraaij (Aristoteles Semitico-Latinus 5), Leiden/New York/Köln 1992, pp. 73–75 (De generatione animalium II 3, 736a 35–737a 18), su cui però si veda adesso Berti, Enrico, L’origine dell’anima intellettiva secondo Aristotele, in: Anthropine Sophia. Studi di filologia e storiografia filosofica in memoria di Gabriele Giannantoni, a cura di Francesca Alesse et alii, Napoli 2008, pp. 295–328. Per la tradizione interpretativa medievale, cf. senz’altro Nardi, Bruno, L’origine dell’anima umana secondo Dante, in: id., Studi (nota 1), pp. 9–68, vedi pp. 13–24 e, più recentemente, Van der Lugt, Maaike, Le ver, le démon et la vierge. Les théories médiévales de la génération extraordinaire, Paris 2004, pp. 79–89 e ead., L’animation de l’embryon humain dans la pensée médiévale, in: L’embryon: formation et animation. Antiquité grecque et latine, traditions hébraïque, chrétienne et islamique, éd. Luc Brisson, Marie-Hélène Congourdeau et Jean-Luc Solère, Paris 2008, pp. 233–254. 49 Tommaso d’Aquino, Summa theologiae I, q. 118, a. 2, ad 2: Et ideo dicendum est quod, cum generatio unius semper sit corruptio alterius, necesse est dicere quod tam in homine quam in animalibus aliis, quando perfectior forma advenit, fit corruptio prioris: ita tamen quod sequens forma habet quidquid habebat prima, et adhuc amplius. Et sic per multas generationes et corruptiones pervenitur ad ultimam formam substantialem, tam in homine quam in aliis animalibus. 50 Nardi (nota 8), p. 43. Cf. Tommaso, Summa theologiae I, q. 118, a. 1, ad 4: Huiusmodi igitur materia transmutatur a virtute quae est in semine maris, quousque perducatur in actum animae sensitivae: non ita quod ipsamet vis quae erat in semine, fiat anima sensitiva; quia sic idem esset generans et generatum [… ]. Virtus autem activa quae erat in semine, esse desinit dissoluto semine, et evanescente spiritu qui inerat.

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secondo. Per Dante, invece, come «per l’antica scuola agostinistica», la generazione – sottolineava Nardi – era «come lo sbocciare […] di una virtualità latente», per cui si trattava, nel suo caso, di uno sviluppo continuo della stessa virtù attiva del seme, costituita come soggetto 52 anziché strumento della trasformazione. Nardi pensava a ‹Purgatorio› XXV, vv. 37–57: Sangue perfetto, che poi non si beve da l’assetate vene, e si rimane quasi alimento che di mensa leve, prende nel core a tutte membra umane virtute informativa, come quello ch’a farsi quelle per le vene vane. Ancor digesto, scende ov’è più bello tacer che dire; e quindi poscia geme sovr’altrui sangue in natural vasello. Ivi s’accoglie l’uno e l’altro insieme, l’un disposto a patire, e l’altro a fare per lo perfetto loco onde si preme; e, giunto lui, comincia ad operare coagulando prima, e poi avviva ciò che per sua matera fé constare. Anima fatta la virtute attiva qual d’una pianta, in tanto differente, che questa è in via e quella è già a riva, tanto ovra poi, che già si move e sente, ___________________

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51 Nardi (nota 8), p. 28. Successivamente, Nardi (nota 48), p. 18, avrebbe individuato in Giovanni de La Rochelle, Summa de anima I 4,26, ed. Jacques Guy Bougerol, Paris 1995 (Textes philosophiques du moyen âge 19), p. 88,77–82, l’antecedente di questa tesi difesa da Tommaso, per poi risalire, sulla base della testimonianza ulteriore dello stesso Aquinate (In II Sent., d. 18, q. 2, a. 3, ad 4), fino ad Avicenna, Sufficientia II 3, Venezia 1508, p. 26a. Lo stesso Nardi avrebbe inoltre individuato in Pietro d’Abano, Conciliator, diff. 48 cit. in: Nardi, Bruno, La teoria dell’anima e la generazione delle forme secondo Pietro d’Abano, in: Rivista di filosofia neoscolastica 4 (1912), pp. 723–737, vedi p. 727, un interprete ulteriore di questa tesi, e in Alberto Magno, De animalibus XVI 1,11, ed. H. Stadler, 2 voll., Münster 1916–1920, II, p. 1093,26–32, un suo esplicito avversario: cf. Nardi, Bruno, Alberto Magno e San Tommaso, in: id., Studi (nota 1), pp. 103–117, vedi p. 106. 52 Nardi (nota 8), p. 28.

Nardi, Pietro di Giovanni Olivi e l’origine dell’anima umana in Dante come spungo marino; e indi imprende 53 ad organar le posse ond’è semente;

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di cui centrale era la valutazione del v. 52 – «anima fatta la virtute attiva» –, dove fatta assumeva il valore passivo di fieri equivalendo a ‹diventata›, mentre la virtù attiva, «ossia la complessione del seme sotto l’influsso della vertù celestiale», lottava – erano parole di Nardi – «tra le strette della materia sviluppandosi a poco a poco e, rafforzandosi in questa 54 lotta», creava l’organismo e arricchiva «la propria intima energia vitale». Parole – sia detto per inciso – estremamente evocative, che riattualizzavano la dottrina agostiniana delle ‹ragioni seminali› («con ciò Dante – proseguiva Nardi – torna alle ragioni seminali degli agostinisti») ___________________ 53 Dante Alighieri, La Commedia secondo l’antica vulgata, 4 voll., a cura di Giorgio Petrocchi (Opere di Dante 7), Milano 1966–1967, vol. III (‹Purgatorio› XXV, vv. 37–57), pp. 428–431. Per una intelligente valutazione d’insieme, cf. Falzone, Paolo, Filosofia e teologia nel canto XXV del ‹Purgatorio›, in: Bollettino di italianistica n.s. 3 (2006), pp. 41–72. 54 Nardi (nota 41), p. 190. Anche quando avrà individuato nel ‹De natura et origine animae› la fonte di Dante, Nardi (nota 48), pp. 31 e 50, e id., Dante (nota 1), p. 211, dubiterà che per Alberto, come invece testimoniato da Tommaso (supra nota 50), sia la stessa virtù formativa che, sviluppandosi, diventa anima – così invece Adam di Buckfield, In I De anima, ed. D.A. Callus, Two early Oxford Masters on the Problem of Plurality of Forms. Adam of Buckfield – Richard Rufus of Cornwall, in: Revue néoscolastique de philosophie 42 (1939), pp. 411–445, p. 436,80–84. Per questa ragione, Stephen Bemrose («Come d’animal divegna fante»: the Animation of the Human Embryo in Dante, in: The Human Embryo. Aristotle and the Arabic and European Traditions, ed. by G.R. Dunstan, Exeter 1990, pp. 123–135, vedi p. 131) ritiene non del tutto convincente il parallelo tra ‹Purgatorio› XXV e il ‹De natura et origine animae› di Alberto. A scanso di equivoci, tuttavia, mi preme sottolineare come in Alberto e nell’interpretazione di Nardi (nota 48), pp. 41–42, l’inchoatio formae, se anche diversa dalla virtù formativa, resti un principio attivo del seme – e lo stesso Dante dice «anima fatta la virtute attiva» (corsivo mio) –, secondo una distinzione esplicitata da Matteo d’Acquasparta, Quaestiones disputatae de anima 6, ed. A.J. Gondras, Paris 1961 (Études de philosophie médiévale 50),p. 106: «[… ] in semine deciso est quaedam ratio seminalis sive potentia activa quae est vegetativa in potentia; illa autem potentia activa sive ratio seminalis, dum movetur et excitatur virtute animae patris relictae in semine cum virtute corporis caelestis, producitur in actum et fit actu forma vegetativa, sicut globus paulatim proficiendo fit rosa.

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riecheggiando la discussione del concetto di evoluzione del dogma 55 tematizzato da Loisy, e mostravano come Nardi si rivolgesse al passato con alcune attese del presente, ritrovando nell’«abisso metafisico» che separa la concezione dell’ilemorfismo di Dante da quella di Tommaso, l’antitesi speculativa tra l’atto e il fatto, tra l’organismo vitale e il fossile. In breve, a differenza di Tommaso, fedele a suo giudizio all’inattuale concezione aristotelica (e platonica) della forma come alcunché di fisso e invariabile, Dante innestava sul tronco dell’aristotelismo il dinamismo della teoria agostiniana, guadagnando una considerazione della forma 56 come forza, vita e potenza. Ma le teorie di Dante e Tommaso apparivano a Nardi ulteriormente inconciliabili anche e soprattutto riguardo l’origine dell’intelletto. Mentre Tommaso riteneva che l’anima intellettiva, infusa ab extrinseco da Dio, fosse corredata delle facoltà inferiori e deputata a sostituire integralmente quanto precedentemente tratto dalla potenza della 57 materia, Dante sembrava a Nardi sostenere una cosa ben diversa, ovvero che l’intelletto, immediatamente creato e infuso da Dio, anziché rimpiazzare, coronasse l’opera della natura, assumendo e consustanziando – come dimostrava la suggestiva immagine del calore del sole che trasforma e completa l’umore della vite in vino – il principio di vita vegetativo-sensitivo sviluppato dalla virtualità del seme: Or si spiega, figliuolo, or si distende la virtù ch’è dal cor del generante, dove natura a tutte membra intende. Ma come d’animal divegna fante, non vedi tu ancor: quest’è tal punto, che più savio di te fé già errante, sì che per sua dottrina fé disgiunto

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___________________ 55 Cf. Nardi (nota 31), p. 100: «Il Loisy gli [scil.: ad Harnack] oppone il concetto di una evoluzione dinamica del cristianesimo, il quale sbocciando da un piccolo germe, ricco di energia latente, cresce ed afferma ad ogni momento del suo progresso la forza iniziale che costituisce, per così dire, la sua essenza fisica». 56 Cf. Nardi (nota 8), pp. 31–32 e 44. 57 Tommaso d’Aquino, Summa theologiae I, q. 118, a. 2, ad 2: Sic igitur dicendum est quod anima intellectiva creatur a Deo in fine generationis humanae, quae simul est et sensitiva et nutritiva, corruptis formis preexistentibus.

Nardi, Pietro di Giovanni Olivi e l’origine dell’anima umana in Dante da l’anima il possibile intelletto, perché da lui non vide organo assunto Apri a la verità che viene il petto; e sappi che, sì tosto come al feto l’articular del cerebro è perfetto, lo motor primo a lui si volge lieto sovra tant’arte di natura, e spira spirto novo, di vertù repleto, che ciò che trova attivo quivi, tira in sua sustanzia, e fassi un’alma sola, che vive e sente e sé in sé rigira. E perché meno ammiri la parola, guarda il calor del sol che si fa vino, 58 giunto a l’omor che de la vite cola.

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Per Nardi si trattava di una differenza cruciale, che testimoniava come la tesi di Dante non fosse «scevra», nonostante il riferimento critico al monopsichismo, «di preoccupazioni averroistiche». Ma per poterlo documentare, aggiungeva, occorreva «cogliere questa dottrina nel punto 59 della sua formazione storica». Occorreva, in altri termini, storicizzarla.

IV. Punto di riferimento era, per Nardi, il «magnifico» studio del suo 60 maestro De Wulf sul ‹De unitate formae› di Egidio di Lessines, che permetteva di situare la prospettiva di Dante in un quadro teorico riconducibile ai sostenitori della cosiddetta teoria della pluralità delle forme, una teoria che, nel caso specifico della generazione umana, ___________________ 58 Dante (nota 53), pp. 431–433, su cui Nardi (nota 8), pp. 44–45, che mette in relazione questi versi con Dante, Convivio IV 21,4, ed. Franca Brambilla Ageno, Firenze 1995, pp. 390,21–391,30. Segnalo che ‹calore› e ‹umore›, benché radicati nell’essenza dell’aria, sono impiegati da Avicenna, Liber de anima V 7, ed. S. Van Riet, Louvain/Leiden 1968, vol. II, pp. 171,91–172,96, per esemplificare le diverse virtù dell’anima radicate nell’unità dell’essenza. 59 Nardi (nota 8), p. 46. 60 Cf. De Wulf, Maurice, Le traité ‹De unitate formae› de Gilles de Lessines, Louvain 1901, in particolare pp. 10–42.

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appariva a Nardi una sorta di trasposizione aristotelica della dottrina 61 platonica delle tre anime. Nardi ne individuava il primo testimone 62 critico in Giovanni de La Rochelle e, attraverso gli studi ulteriori di 63 Franz Ehrle (1845–1934), riconosceva in Robert Kilwardby, di cui Ehrle aveva pubblicato la celebre lettera a Pietro di Conflans, e in Pietro di Giovanni Olivi due dei suoi principali interpreti, accomunandoli nella ___________________ 61 Cf. Nardi (nota 8), pp. 46–47. Nardi citava, attribuendola ancora a Duns Scoto, la testimonianza di Vitale di Four, De primo rerum omnium principio, q. 10, a. 4: Est et alia opinio, quod praedicta tria [scil.: le tre anime del platonismo] sunt tres substantiae quarum prima est materialis respectu alterius, et secunda respectu tertiae; ex quibus fit una anima humana: ita primae duae sunt generatae, sed tertia a creatione infusa. 62 Cf. Summa de anima I 4, 26 (nota 51), p. 87,32–53: Fuerunt tamen qui dixerunt tres substancias incorporeas [… ], non tamen tres anime in homine, quia anima nomen est perfectionis. Ideo substancia uegetabilis non est anima, nisi in plantis quarum est perfectio, sensibilis uero nisi in brutis; in homine autem sunt quasi materiales ad racionalem, et racionalis est complecio; et ideo ipsa sola est anima in homine, aliis existentibus ut disposicionibus materialibus ad ipsam. De unione autem illarum adducunt exemplum in radiis ignis et solis qui quandoque uniuntur in aere, in quo non sunt nisi quasi unus, et hoc propter eorum simplicitatem; et sicut contingit quod radius ignis cum igne corruptibilis est, et radius solaris cum sole incorruptibilis est, sic due corrumpuntur cum corpore, scilicet uegetabilis et sensibilis; tercia remanet et separatur a corpore, ut radius ab aere. Dicunt eciam, secundum Aristotelem, quod prius tempore est in semine ipsa uegetatiua, qua nutritur et crescit; deinde cum creuerit, subsequitur per influenciam corporis celestis, sensitiua; ultimo uero infunditur per creacionem racionalis ut perfectio ultima. Di questa celeberrima testimonianza, di cui successivamente (cf. L’anima umana secondo Sigieri, in: Giornale critico della filosofia italiana 29 (1950), pp. 317– 325; rist. in Nardi, Studi (nota 1), pp. 151–161, vedi p. 156) avrebbe individuato la fonte in Filippo il Cancelliere (Summa de bono IV, q. 3, ed. N. Wicki, 2 voll., Bern 1985, I, p. 233,73–77), Nardi (nota 8), p. 48, sottolineava l’esempio dei raggi luminosi, ponendolo in relazione con l’immagine dantesca del calore e dell’umore. 63 Cf. Ehrle, Franz, Petrus Johannis Olivi, sein Leben und seine Schriften, in: Archiv für Literatur- und Kirchengeschichte des Mittelalters 3 (1887), pp. 409–552 e id., Der Augustinismus und der Aristotelismus in der Scholastik gegen Ende des 13. Jahrhunderts, in: ibid. 5 (1889), pp. 603–635; rist. in: id., Gesammelte Aufsätze zur englischen Scholastik, ed. Franz Pelster (Storia e Letteratura 50), Roma 1970, pp. 3–57.

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tesi di un’anima tratta in parte ab intra e in parte ab extra. Ma non solo. 65 Dalla testimonianza di Ehrle incrociata con quella dello pseudo Scoto, e 66 senza il conforto della conoscenza diretta di una sola opera dell’Olivi, Nardi traeva spunto per introdurre una cruciale distinzione – «sennonché, vi sono, tra la dottrina già esposta e quella dell’Olivi, differenze profonde» –, sottolineando come «secondo il celebre francescano, i tre principi, vegetativo, sensitivo e intellettivo, quantunque […] tre forme distinte», si trovassero tuttavia «radicate in uno stesso 67 sustrato che è chiamato materia spiritualis». Nardi coglieva in questa peculiarità appena intravista dell’Olivi un’istanza che gli sembrava echeggiare più da presso i vv. 73–74 di Dante – «che ciò che trova attivo quivi, tira / in sua sustanzia, e fassi un’alma ___________________ 64 Cf. Robert Kilwardby, Epistola ad Petrum de Confleto, in: Ehrle, Gesammelte (nota 63), p. 41,5–7: Quod vero predicto modo vegetativum et sensitivum sint ab intra opere nature et intellectiva ab extra videtur velle Philosophus. Su Kilwardby aveva insistito anche De Wulf (nota 60), pp. 73– 82, facendone l’obiettivo polemico di Egidio. Cf. adesso Boureau, Alain, e Théologie, science et censure au XIII siècle. Le cas de Jean Peckham, Paris 2 2008 . 65 Cf. Nardi (nota 8), pp. 48–49 con riferimento a Ehrle, Petrus (nota 63), p. 458: «[… ] lehrte Olivi, die Principien des vegetativen, sensitiven und intellectiven Lebens seien drei reel[l] von einander verschiedene Wesensformen, welche sich in der spirituellen Materie als ihrem gemeinsamen Substrat zu der einen menschlichen Seele zusammensetzen» e Vitale di Four, De primo rerum omnium principio, q. 10, a. 4: Est et alia opinio in parte communicans cum ista et in parte differens, quae dicit praedicta tria se habere ad animam sicut partes formales unam animam integrantes, et in hoc cum praedicta convenit. Dicit autem quod illae tres partes innituntur uni materiae spirituali in qua simul sunt communicatae, et in hoc differt a praedicta, et salvat totius humanae animae immortalitatem. Unitur autem hujusmodi anima humana corpori per vegetativum et sensitivum formaliter et intime, per intellectivum vero intime sed nullo modo formaliter, cit. in Nardi (nota 8), p. 47, n. 1. 66 Salvo le dichiariazioni difensive riportate nella ‹Collectio judiciorum de novis erroribus›, ed. Ch. du Plessis d’Argentré, I, Lutetiae Parisiorum 1728, in particolare p. 230: De hoc in duabus quaestionibus scripsi quod anima rationalis vere informet corpus, et vere est forma corporis, quamvis ejus pars intellectiva corporis non sit forma, sit tamen nihilominus sibi consubstantialiter coniuncta in uno toto et in uno supposito et in una natura totali seu completa, cit. in Nardi (nota 8), p. 49, n. 1. 67 Nardi (nota 8), p. 48.

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sola» – e che perciò, nel binomio Kilwardby/Olivi, faceva di quest’ultimo un riferimento migliore, anticipando nel merito quanto sarebbe valso a maggior ragione per Alberto, sebbene in una prospettiva 69 critica più matura. Così, nella polemica su citata col suo maestro De Wulf, Nardi parlava senz’altro di una «teoria dell’origine dell’anima 70 secondo l’Olivi e Dante», mentre nella recensione del ’13, affermava che Dante aveva elaborato la sua peculiare dottrina «forse in seguito 71 all’Olivi». In un saggio poi del ’14, pur precisando che l’opinione più ___________________ 68 Nardi (nota 8), p. 51, n. 3. E citando Dante, Convivio III 8,1, p. 195,2–3 («[… ] considerando come in una forma la divina vertù tre nature congiunse [… ]»), Nardi chiosava: «È notevole che anche Dante, come l’Olivi, dice che atto del corpo è la forma nella quale le tre nature sono congiunte». 69 Cf. Nardi (nota 48), p. 32: «Ma tra la tesi del Kilwardby e quella di Alberto v’è una sostanziale differenza: là le tre forme si uniscono in un tutto sostanziale che è l’anima umana, rimanendo realmente distinte; qua, invece, l’anima vegetativa è la potenza da cui è tratta l’anima sensitiva che n’è il complemento e lo sviluppo, e l’anima sensitiva si sviluppa e diviene essa stessa intellettiva, grazie al diretto intervento del Creatore. In tal guisa, Alberto può ben dire che l’anima umana raccoglie nel suo atto sostanziale quanto v’era d’attivo nelle forme precedenti che dall’intellettiva ricevono il loro complemento», con riferimento ad Alberto, De natura et origine animae I 5, ed. B. Geyer (Opera omnia 12), Monasterii Westfalorum 1955, p. 14,7–40 e I 6, p. 14,49–66. Ne contesta l’accostamento a Dante, Bemrose (nota 54), p. 131 («[… ] for Albertus [… ] the inchoatio rationalis is in the sensitive. There is no such idea in Dante. What is distinctive in Dante is the idea of the rational soul’s absorbing the sensitive, but that does not seem to me to be what Albertus says»), suggerendo piuttosto un parallelo con Giovanni di Baconthorpe, In IV Sent., d. III, q. 19, a. 5, ad 1, Cremona 1618, vol. II, p. 123a: [… ] quando intellectiva advenit corpori, quod intrinsecet et identificet sibi vegetativam et sensitivam – su cui tuttavia già Nardi (nota 48), pp. 66– 67. Analogamente Manuele Gragnolati (Experiencing the Afterlife. Soul and Body in Dante and Medieval Culture, Notre Dame, Indiana, 2005, pp. 71– 74), secondo il quale, però, Dante coronerebbe qui un modello pluralista di sviluppo embriogenetico con la tesi tomista della semplicità dell’anima. Ma un’analoga semplicità vale, nell’interpretazione di Nardi, anche per Alberto, la cui peculiarità (e difficoltà) è proprio quella di coordinare semplicità ontologica e complessità ontogenetica. 70 Nardi, Scolastica (nota 6), p. 557. 71 Scriveva significativamente Nardi, Recensione (nota 6), p. 1109: «Il concetto dell’unità della forma è meraviglioso; ma l’individuo che Tommaso concepisce è quello empirico; e se egli scopre l’esigenza opposta a quella

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conforme a quella di Dante era quella anonima già rigettata da Tommaso nella ‹Summa contra Gentiles› (II 89, § 1740) e nella q. 118 della ‹Summa 72 theologiae›, Nardi insisteva sull’affinità tra Dante, Kilwardby e l’Olivi, 73 ribadita ancora in una polemica del ’17. Vista però l’esiguità del materiale a sua disposizione – di fatto il solo studio di Ehrle –, viene da chiedersi perché mai Nardi insistesse sull’Olivi, e soprattutto su quali basi. Ora, quel che mi sembra ragionevole supporre è che ciò accadesse in primo luogo per ragioni storiche, legate in particolare al convento di S. Croce in Firenze, dove Olivi era stato inviato come lettore (1287–1289), e ai rapporti tra Olivi e Ubertino da Casale che, come ricordava lo stesso Nardi, Dante aveva in qualche modo conosciuto. In breve, il presupposto

___________________ soddisfatta dall’averroismo, non riesce a conciliarle tutte e due. Cosicché il problema rinasceva insoluto nell’animo di Dante, il quale, forse in seguito all’Olivi, tentò di appagare in qualche modo le opposte esigenze attribuendo al processo continuo della generazione il formarsi della funzione vegetativa e sensitiva, che poi l’intelletto, dovuto al raggiare di un’unica luce divina, tira in sua sustanzia, e fassi un’alma sola». 72 Nardi (nota 41), p. 193: «A me premeva di mostrare (e credo di averlo fatto quanto bisognava) che il pensiero dell’Alighieri, su questo punto, si muove in un ambiente saturo di influenze platoniche e averroistiche, e che egli colla soluzione data al problema dell’origine dell’anima umana, tiene, come l’Olivi ed altri suoi contemporanei, una via di mezzo tra l’averroismo e il tomismo». Di Tommaso, Nardi (p. 192) citava in particolare Summa theologiae I, q. 118, a. 2, ad 2: Et ideo alii dicunt quod illa eadem anima quae primo fuit vegetativa tantum, postmodum, per actionem virtutis quae est in semine, perducitur ad hoc quod fiat etiam sensitiva; et tandem perducitur ad hoc ut ipsa eadem fiat intellectiva, non quidem per virtutem activam seminis, sed per virtutem superioris agentis, scilicet Dei deforis illustrantis. Et propter hoc dicit Philosophus quod intellectus venit ab extrinseco. Sed hoc stare non potest. 73 Nardi, Bruno, Noterelle polemiche di filosofia dantesca, in: Nuovo Giornale Dantesco 1 (1917), pp. 123–136, vedi p. 124: «[… ] e segnatamente che intorno al problema scottante dell’origine e dell’unione dell’anima intellettiva coll’uomo, egli aveva, come il Kilwardby e l’Olivi, battuta una via intermedia tra l’averroismo e il tomismo» e p. 129: «Formulata così, la dottrina di maestro Sigieri è assai più vicina che non si creda a quella del Kilwardby, dell’Olivi e di Dante, che io ho caratterizzato, col Pomponazzo [sic!], come dottrine intermedie tra l’averroismo, di cui ritengono il motivo platonico fondamentale che le distingue, e il tomismo».

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sembrava essere il fatto che l’Olivi, tra i teorici della pluralità delle forme, 74 non dovesse essere stato ignoto a Dante. Vale però forse la pena ricordare che il nome dell’Olivi, associato alla dottrina dantesca dell’origine dell’anima, non era una novità. Ad averlo anticipato, nel 1899, era stato il gesuita Domenico Palmieri (1829–1909), autore di un noto commento alla ‹Divina Commedia› (Prato 1898–1899), che di Olivi e della sua controversa dottrina ‹psicologica› si era dovuto occupare in una polemica teologica sullo statuto dell’anima e la sua unione col corpo. Nella sua ‹Osservazione al canto XXV› del ‹Purgatorio›, dopo aver lucidamente individuato alcune delle differenze 75 tra Dante e Tommaso che sarebbero state poi sviluppate da Nardi, Palmieri concludeva – e non senza un riferimento, dal sapore altrettanto nardiano, ad Averroè –, evocando proprio l’Olivi: L’anima dunque sensitiva (che è l’attivo trovato) non cessa di essere, al sopraggiungere dello spirito, ma è tirata ad una stretta unione collo spirito intelligente. Torna dunque la sentenza d’Averroè ed abbiamo nello stesso discorso una flagrante contradizione? Può sembrare a prima vista, ma veramente non è. La differenza tra Dante e Averroè sta in ciò, che Dante di due fa un’anima sola, strettamente unendo i due principii in unità di natura; mentre Averroè fece ___________________ 74 Nardi (nota 8), pp. 49–50. Sui rapporti tra Olivi e Dante, cf. Manselli, Raoul, 2 s.v. Olivi, Pietro di Giovanni, in Enciclopedia Dantesca, vol. IV, Roma 1984 e, più recentemente, Forni, Alberto, Pietro di Giovanni Olivi e Dante, ovvero il panno e la gonna, in: Pierre de Jean Olivi (1248–1298). Pensée scolastique, dissidence spirituelle et société, éd. Alain Boureau et Sylvain Piron, Paris 1999, pp. 341–372. 75 Cf. Palmieri, Domenico, Commento alla Divina Commedia di Dante Alighieri, vol. II, Il Purgatorio, Prato 1899, p. 342: «[… ] ora si avverta bene ciò che dice il Poeta: anima fatta la virtute attiva [… ] tanto ovra etc. Non dice che alla precedente virtù attiva, ossia forma della materia seminale, succeda una forma più perfetta e vivente, che è l’anima, ossia non dice, che la virtù attiva del seme produce una nuova virtù attiva o forma nel feto: ma che la virtù attiva è fatta anima, quella virtù attiva del seme, di cui finora ha parlato, che opera coagulando e poi avviva [… ]. Non così s. Tommaso 1 p. q. 118 a. 1 ad 4 [… ]. Tale distinzione [scil.: introdotta da Tommaso] tra la virtù attiva del seme e l’anima prodotta nel feto non comparisce nel discorso di Stazio. Di più qui non abbiamo successione d’anime e di forme, come esigerebbe l’opinione degli scolastici, ma dalla fecondazione alla formazione del feto in essere sensitivo completo, egli è sempre un sol principio attivo, che rimane e trasforma il feto in natura vegetante e poi senziente, divenendo esso pure vegetante e senziente».

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disgiunto il principio intellettivo dell’anima senziente. Egli sapea doversi salvare l’unità dell’anima umana: ma ha creduto salvarla, facendo un’anima sola di due a quel modo che del calore e dell’umore si fa un solo essere il vino. Credo quindi che tale sia l’opinione di Dante, espressa in queste terzine. Vero è che la dottrina è falsa, dirò anzi in fondo condannata: imperrocché finalmente si riduce alla dottrina dell’Olivi, riprovata nel Concilio di Vienna [sic !], tenuto l’anno 1311– 1312, della quale dottrina ho ragionato nel mio opuscolo: Animadversiones in 76 recens opus etc.

Palmieri, che per la sua indisponibilità al neotomismo era stato 77 allontanato dall’insegnamento di cui era titolare in Gregoriana, alludeva alle sue ‹Osservazioni› al ‹De Mente Concilii Viennensis› del domenicano Tommaso Maria Zigliara (1833–1893), primo curatore dell’edizione 78 leonina di Tommaso. Nel saggio da lui recensito, Palmieri non solo aveva trovato raccolte e discusse le varie testimonianze che riconducevano all’Olivi quanto anonimamente decretato da Clemente V 79 nel ‹Fidei Catholicae fundamentum› (1312), ma aveva anche potuto leggere – senza per altro trarne troppo profitto – un breve estratto della celeberrima e allora inedita quaestio oliviana ‹An sensitiva hominis sit a generante›, che il francescano Fedele da Fanna (1838–1881) aveva 80 appositamente trascritto da un codice borghesiano per l’amico Zigliara. 81 In polemica con quest’ultimo, Palmieri riteneva che il Concilio avesse ___________________ 76 Ibid., p. 345, che così concludeva: «L’anima sensitiva dunque non cessa d’essere: ma a lui [sic!] si unisce l’intelletto. È questo tomismo? Certo che no» (p. 346). 77 Su questa rimozione, cf. Bonatti, Pietro, Domenico Palmieri (1829–1909). La vita, gli scritti, il pensiero, Milano 1998, pp. 37–42. 78 Si veda Bataillon, Louis-Jacques, Le edizioni di ‹Opera Omnia› degli scolastici e l’edizione leonina, in: Imbach, Maierù (nota 13), pp. 141–154, vedi pp. 150–154. 79 E cioè che quisquis deinceps asserere, defendere seu tenere pertinaciter praesumpserit, quod anima rationalis seu intellectiva non sit forma corporis humani per se et essentialiter, tanquam haereticus sit censendus, Conciliorum Decreta (nota 18), p. 361,6–9. 80 Cf. Zigliara, Tommaso Maria, De mente Concilii Viennensis in definiendo dogmate unionis animae humanae, Roma 1878, pp. 107–109 e 122–124, segnalato in Ehrle, Petrus (nota 63), p. 466 e Jansen, Bernhard, Descriptio codicum in Petrus Iohannis Olivi, Quaestiones in secundum librum Sententiarum, vol. III, Quaracchi 1926, p. XXXIV. 81 Vedi Zigliara (nota 80), p. 106: Hucusque scripseram, et intime eram persuasus, in definitione dogmatica Concilii Viennensis non directe actum esse

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condannato, in Olivi, non una determinata modalità di unione di anima e corpo, ma la dottrina della pluralità delle anime, e che nel ‹Purgatorio› 82 Dante fosse caduto nel medesimo errore. 83 Ora, se si prescinde da quest’ultima considerazione, a me sembra che non sia affatto da escludere l’ipotesi che anche Palmieri, al pari di Zoppi, Morando e del vecchio Rosmini, avesse contribuito ad indirizzare 84 Nardi, il quale, tuttavia, più che una fonte empirica e testuale, dichiarava di voler determinare il contesto spirituale nel quale il pensiero 85 di Dante era maturato. Nel caso specifico, ciò che a suo giudizio ___________________

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de errore multiplicationis animarum in homine, sed de natura, seu de modo unionis animae humanae cum corpore, et in hoc modo explicando Petrum Ioannis solummodo errasse, su cui la recensione comparsa in Civiltà Cattolica s. X, 8 (1878), pp. 67–76. Cf. Palmieri, Domenico, Animadversiones in recens opus De mente Concilii Viennensis, Roma 1878, pp. 5–7 e Bonatti (nota 77), pp. 151–183. Per Nardi era chiaro, soprattutto in base a ‹Purgatorio› IV, vv. 5–6, che la posizione di Dante non andava confusa con la dottrina platonica della pluralità delle anime. Cf. Nardi (nota 8), pp. 50–51: «Potrebbero, alla nostra interpretazione [… ] essere obiettati questi altri versi [… ]: e questo è contra quello error, che crede / che un’anima sovr’altra in noi s’accenda. Sennonché, qui si parla di ‹un’anima sovr’altra›; e si sa che la tesi platonica era già esclusa dal Kilwardby e dall’Olivi. Dante, poi, era giunto a identificare anche il principio vegetativo e sensitivo, che assorbito dal nuovo spirito intellettuale forma con esso un sol tutto inscindibile che è l’anima umana, atto e cagione formale del corpo». Soppesandone diversamente le implicazioni teoriche, così interpretava invece Palmieri (nota 75), p. 346: «Ben potrebbe dirsi che tale duplicità dell’anima è contradetta da Dante [… ] dove afferma essere errore il credere, che un’anima sovr’altra in noi s’accenda. Verissimo: ma l’errore è qui che si pongono più anime, si neghi l’unità dell’anima: la verità opposta è, che l’anima è una: or tanto Dante fa qui dire a Stazio, la difficoltà sta nel modo di cotale unità, nel quale Dante ha dato in fallo». Nel 1935, polemizzando ancora una volta con il preteso «tomismo di Dante», Nardi, Bruno, «Tutto il frutto ricolto del girar di queste spere», in: Studi danteschi 19 (1935), pp. 57–82; rist. in id., Dante (nota 1), pp. 245–264, in particolare p. 261, n. 63, scriverà: «Ma su questo punto mi si permetta di rimandare a quanto ne ho scritto altrove [… ], nonché a molte osservazioni del commento del p. D. Palmieri alla Divina Commedia». Cf. Nardi (nota 8), p. VII e id., Dante e Pietro d’Abano, in: Nuovo Giornale Dantesco 4 (1920), pp. 1–15; rist. in: id., Saggi (nota 1), pp. 40–62, vedi pp. 40–41. Giustamente Garin (nota 8), p. 15, sottolinea che «la polemica contro le ‹fonti›, oltre che un omaggio alla contemporanea letteratura idealistica, fu

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accomunava le teorie di Dante ed Olivi, distinguendole contestualmente da quella tomista, era la considerazione della parte intellettiva come parte realmente distinta dalle altre, e il fatto che Dante, «come l’Olivi», pur attenuando la primitiva forma platonica di questa dottrina, ne conservava – scriveva Nardi – il motivo di verità, costituito dall’irriducibilità 86 dell’intelletto al senso. E alla luce di questa irriducibilità – proseguiva Nardi –, la loro dottrina, «per i tempi nei quali vivevano, meglio che come forma di platonismo temperato, doveva apparire come averroismo temperato», cioè come «dottrina media tra l’averroismo, che pone l’intelletto fuori dell’individuo, ed il tomismo che ne fa una potenza della 87 stessa sostanza da cui sgorga il senso». Il ruolo di Olivi era quindi quello di esemplificare sul piano storico e dottrinale l’esistenza di una posizione semiaverroista e antitomista condivisa da Dante e che a Nardi – questo il punto – appariva di attuale e indiscutibile valore speculativo.

V. Il giudizio di Nardi, che naturalmente implicava una peculiare valutazione delle filosofie di Averroè e di Tommaso, teneva essenzialmente conto da un punto di vista storico di quanto sostenuto da Sigieri nel suo ‹De anima intellectiva› edito da Pierre Mandonnet. Teneva cioè conto della tesi averroista di una radicale «irriducibilità» e distinzione dell’intelletto dalla sostanza vegetativo-sensitiva tratta dalla

___________________ nel Nardi il rifiuto di facili quanto arbitrari richiami, nel migliore dei casi, a temi comuni e generici». Cf. anche Fioravanti, Gianfranco, Dante e Alberto Magno, in: Il pensiero filosofico e teologico di Dante Alighieri, a cura di Alessandro Ghisalberti, Milano 2001, pp. 93–102, vedi p. 95. 86 Cf. Nardi (nota 8), p. 49: «Potremmo domandarci se Dante nel formulare la propria opinione si sia ispirato a quella del Kilwardby e specialmente dell’Olivi. La quistione non è facile a risolversi, sovratutto se si tenga d’occhio alle differenze. Quello che per altro vi è di comune a tutte e tre queste teorie si è, che la parte intellettiva dell’anima è distinta realmente dalla parte o parti vegetativo-sensitive; che essa sola è creata mentre le altre derivano ex traduce; e che l’anima umana non è sostanzialmente semplice». 87 Nardi (nota 8), p. 51 (e sopra, note 71–73), che faceva suo il giudizio di Pomponazzi. Ma si veda anche Palmieri cit. supra, all’altezza della nota 76.

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potenza della materia e costituita come forma immanente del corpo. Secondo Nardi, Dante, ricongiungendo ciò che Sigieri aveva indebitamente disgiunto, ma ribadendone contestualmente una differenza di natura e provenienza, aveva saputo salvaguardare l’istanza teorica fondamentale del suo averroismo, ovvero la compiuta immaterialità dell’intelletto, in nessun modo di per sé forma del corpo. E se questo, rovesciando il pregiudizio di Mandonnet, permetteva di spiegare sulla base di precise affinità teoriche e dottrinali la controversa 89 presenza di Sigieri nel ‹Paradiso›, serviva poi anche a rilanciare una cruciale questione speculativa, che non riguardava semplicemente la differenza tra Dante e Tommaso, ma la stessa natura della filosofia medievale e soprattutto il senso e lo spirito del suo moderno superamento. Sostenere, come faceva Nardi a proposito dello statuto dell’intelletto, che Tommaso era «rimasto impigliato più di tutti gli altri 90 scolastici nella rete della logica aristotelica», significava, infatti, ___________________ 88 Sigieri di Brabante, Quaestiones de anima intellectiva VIII, in: Mandonnet (nota 13), pp. 112,1–113,7 (adesso, con alcune varianti, ed. Bazán, m Louvain/Paris 1972, p. 109,4–13): Circa viii prius propositorum uidetur sensisse Philosophus, in libro de Generacione animalium, intellectum non pertinere ad eandem substanciam, seu formam ad quam pertinet potencia uegetatiuum et sensitiuum; quia uegetatiuum et sensitiuum corporaliter operantur; et si corporaliter sunt, de potencia materie educuntur generacione compositi organici, non per se habentes factorem seu faccionem. Intellectiuum autem non operatur corporaliter; quare nec educitur de potencia materie [… ]; quare diuinum quid est, et ab extrinseco. Successivamente, Nardi (nota 62), p. 155, riconoscerà, cogliendo nel segno, come Sigieri avesse inserito il suo averroismo «sul tronco di una vecchia dottrina largamente diffusa prima della metà del secolo XIII», quello stesso tronco da cui pendevano i rami di Alberto e di Dante e la cui esistenza era testimoniata a partire almeno da Filippo il Cancelliere (cf. supra, nota 51). 89 Cf. Dante (nota 53), vol. IV, Paradiso X, vv. 133–138, pp. 169–170: «Questi onde a me ritorna il tuo riguardo, / è il lume d’uno spirto che’n pensieri / gravi a morir li parve venir tardo: / essa è la luce etterna di Sigieri / che, legendo nel Vico de li Strami, / silogizzò invidiosi veri» (su cui, da ultimo, d’Onofrio, Giulio, Consequentia Rerum: le parole e la distinzione de le cose nel pensiero di Dante, in: Oggetto e spazio. Fenomenologia dell’oggetto, forma e cosa dai secoli XIII–XIV ai post-cartesiani, a cura di Graziella Federici Vescovini e Orsola Rignani, Firenze 2008, pp. 37–57), con le considerazioni conclusive di Nardi (nota 8), pp. 65–70 e id. (nota 41), pp. 195–197. 90 Nardi, recensione (nota 6), p. 1109.

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proiettare un giudizio propriamente storico nell’attualità del dibattito filosofico e culturale e, come acutamente notato da Stefania Pietroforte, «con un sol colpo sbaragliare due tesi»: quella di quanti – i neotomisti – vedevano in Tommaso il vertice della filosofia cristiana, per cui Dante non poteva non essere tomista; e quella di chi, come Gentile, vedeva invece nella sua noetica antiaverroista un principio di autonomia e di 91 idealismo. In realtà, facendo dell’anima nella sua integralità una forma ab extrinseco, Tommaso sembrava a Nardi aver preteso troppo e troppo poco. Troppo, riconducendo la vita e financo la corporeità alla dimensione dello spirito; troppo poco, radicando e individuando l’intelletto nella stessa sostanza del senso e perciò riducendone la ‹trascendenza› a una dimensione empirica e fattuale di cosa tra cose. Nardi criticava qui l’interpretazione ilemorfica della natura umana, tematizzando più in generale la tesi di una sostanziale inconciliabilità di Aristotele con la fede cristiana. In particolare, gli sembrava che la fedeltà all’aristotelismo avesse impedito a Tommaso di rielaborare in modo veramente profondo la novità storica del cristianesimo, vale a dire l’intuizione mistica dell’incarnazione, l’idea che Dio opera immediatamente in tutte le cose; novità, a cui Nardi riconduceva invece l’istanza agostiniana dell’illuminazione, autentico fondamento della spiritualità del soggetto e garanzia, al contempo, della sua distinzione dall’oggetto. «Grazie alla luce che piove da Dio», scriveva Nardi, «ci è dato di trascendere l’esperienza, ossia la conoscenza sensibile, e affissare 92 gli occhi nelle ultime cause, cioè filosofare». E filosofare, per Nardi, il cui orizzonte continuava ad avere «al centro il fatto cristiano, la figura di 93 Gesù Cristo, e la sua umanità divina», significava proprio pensare la «sproporzione» tra il soggetto e l’oggetto, tra l’immanenza e la 94 trascendenza. Privata invece di questa istanza, la soggettività concepita da Tommaso restava «coartata e quasi soffocata dalla realtà oggettiva che

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Pietroforte (nota 6), p. LXXIX. Nardi (nota 8), p. 55. Pietroforte (nota 6), p. LXXVIII. Nardi, La vecchia (nota 6), p. 634: «[… ] e che la difficoltà nasce appunto dalla sproporzione che c’è tra l’atto di ragione (immanente) e il soprarazionale (trascendente)».

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circonda e opprime lo spirito da ogni parte». Per cui, se l’immanenza dell’intelletto era o poteva essere – come sosteneva Gentile – un principio idealistico, il fatto di schiacciarlo sul corpo, privandolo e contrapponendolo al suo fondamento spirituale e trascendente, finiva col ridurlo a un’istanza naturalistica, che era in fondo quanto gli avevano rimproverato Sigieri e la tradizione ‹averroista›, ma anche quanto continuavano a rimproverargli quegli autori, come Palmieri, che si 96 opponevano alle istanze teoriche del nuovo corso tomista. Di segno opposto, invece, l’intuizione mistica e cristologica dell’immanenza di ciò che è trascendente. Un’intuizione che, rinnovando le istanze del dualismo platonico, rovesciava i termini della relazione ilemorfica, collocando l’anima nella potenza del Creatore. Dante – scriveva Nardi – nega che l’intelletto sia disgiunto, ma distinguendolo per origine e natura dal resto dell’anima, lo colloca, anziché nella fattualità del corpo, nell’attività dello spirito, costituendolo come «il luogo delle forme universali per irradiazione della luce divina in esso». E proseguiva: Avicenna aveva scissi fra loro il soggetto e l’agente dell’intellezione; Averroè li aveva riuniti, ma sopra e fuori dell’individuo; Tomaso ne faceva due potenze dello spirito individuale; Dante pensa che l’individuo viva in intimo mistico contatto collo spirito creatore. Per mezzo di questo contatto l’intelletto umano comunica per natura colla sorgente profonda dell’universo e non più, come presso Avicenna, con una intelligenza particolare la quale ora è unita e ora no all’intelletto possibile. Presso Dante, poi, come presso gli agostinisti, lo spirito

___________________ 95 Nardi, Bruno, Due capitoli di filosofia dantesca: I. La conoscenza umana; II. Il linguaggio, in: Giornale storico della letteratura italiana, Suppl. 19–21, 1921, pp. 205–264; rist. in: id., Dante (nota 1), pp. 135–195, vedi p. 148. 96 Si mettano ad esempio a confronto Sigieri, ed. Bazán (nota 88), p. 78,30–33: Sed, si anima intellectiva uniretur corpori ut forma, eidem dans esse et ut figura cerae, anima intellectiva proprium opus expleret per organum corporeum: corpus enim, ens per animam intellectivam, intelligeret per ipsam, e l’Anonimo di Giele, Quaestiones de anima II 4, ed. Maurice Giele, in: Trois commentaires anonymes sur le traité de l’âme d’Aristote, ed. M. Giele, F. Van Steenberghen, B. Bazán (Philosophes Médiévaux XI), Louvain/Paris 1971, p. 68,26–27: Si intellectus esset actus primus corporis, intelligere esset actus corporis et materiae, con Palmieri cit. in Bonatti (nota 77), p. 155: Et sane quid amplius exspectare a te possunt materialistae quam ut concedas principium intelligens esse partem corporis? Exinde enim certo concludent: corpus est ergo quod cogitat.

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umano non è illuminato dal di fuori, ma dal di dentro; poiché l’essere dello 97 spirito umano risulta appunto da questa illuminazione.

Nardi pensava ai vv. 69–72 – «sì tosto come al feto / l’articular del cerebro è perfetto / lo motor primo a lui si volge lieto / sovra tant’arte di natura, e spira / spirto novo, di vertù repleto» –, precisando che la luce divina in cui sono in germe le idee, i principi intelligibili, «non vi risplenderebbe ove la parte intellettuale dell’anima non fosse ‹da materia libera›», e aggiungendo che la medesima istanza di ‹libertà› era affermata 98 anche da Olivi. L’immaterialità e l’irriducibilità dell’intelletto era quindi la tesi ‹averroista› che Dante, con la sua teoria dell’origine dell’anima, mostrava di condividere con Olivi, fondandovi una metafisica agostiniana della conoscenza e della ‹soggettività›. Una metafisica – spiegava Nardi – in cui, raggiando nella sua natura immateriale, lo spirito creatore attiva e spiritualizza il soggetto, rendendolo attore anziché spettatore. E concludeva, affermando che lo scarto che sussiste tra Tommaso e Dante è lo stesso che sussiste tra Tommaso e la tradizione del misticismo francescano, quella tradizione che meglio ha saputo riconoscere in Dio un’esigenza non solo della cosmologia «ma anche, e più particolarmente, 99 della […] psicologia». Si spiega allora perché il problema apparentemente archeologico dell’origine dell’anima apparisse a Nardi «capitale» e la soluzione 100 escogitata da Dante di «significato profondo»: perché, respingendo il realismo tomista e ripensando la spiritualità dell’anima come soggettività agente, la soluzione di Dante mostrava di sapersi inserire in maniera originale e creativa nel dibattito moderno, intessendo i fili delle tradizioni speculative francescana e rosminiana nell’ordito del rinnovamento modernista e soprattutto idealista. Sullo sfondo e meglio di altri, Pietro di Giovanni Olivi esemplificava questo orientamento spirituale e dottrinale in cui il pensiero di Dante era maturato e in cui era possibile riconoscerne il genuino significato storico. E Nardi lo ribadiva, per l’ultima volta, in una feroce ma a tratti irresistibile polemica del ’20, affermando che ___________________ 97 Nardi (nota 8), p. 54. 98 Cf. Nardi (nota 8), pp. 51–52: «[… ]. Anche l’Olivi afferma di essere condotto a sostenere la propria tesi per fuggire al periculum destructionis immortalitatis et libertatis et intellectualitatis». 99 Nardi (nota 8), pp. 33 e 54. 100 Nardi (nota 48), pp. 10 e 67.

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la tesi di Dante [… ] è una tesi [… ] vicinissima, tra le teoriche antiche, a quella 101 dell’Olivi, e, tra le moderne, a quella del Rosmini.

Due anni dopo, nel 1922, sarebbe uscito il saggio sui ‹Raffronti fra alcuni luoghi di Alberto Magno e di Dante›, dove per la prima volta Nardi riconosceva nel ‹De natura et origine animae› «un’opinione che coincide 102 con quella di Dante». La scoperta di Alberto avveniva a margine del lavoro di tesi su Pietro d’Abano, a partire da un celeberrimo studio dedicato alla dottrina delle macchie lunari nel secondo canto del 103 ‹Paradiso›. Nardi, infatti, rientrato in Italia nel 1912, dopo un anno supplementare trascorso come uditore a Vienna, Bonn, Berlino ed Heidelberg, si era iscritto all’Istituto di studi superiori di Firenze, con l’esenzione dagli esami e l’obbligo della sola tesi di laurea. Nel frattempo, nel 1916, era divenuto insegnante nel liceo ‹Virgilio› di Mantova, dove sarebbe rimasto fino al 1934, per poi passare a Milano e successivamente, nel ’38, a Roma, ma soprattutto – lo si è anticipato – aveva, nel novembre del ’14, abbandonato l’abito sacerdotale. Era questo un gesto col quale Nardi usciva da una posizione sociale che non sentiva più sua, ma che forse non aveva mai sentito fino in fondo come tale. Nessuna crisi, 104 scriveva ad ogni modo a Gentile, e soprattutto nessuna crisi religiosa, ___________________ 101 Nardi, Bruno, Meditantur sua stercora scarabei, in: Nuovo Giornale Dantesco 4 (1920), pp. 56–62, vedi p. 60. Anche Stabile (nota 23), p. 365, ricorda come Nardi non esitasse a ritrovare la «soluzione sigeriana [… ] nella dottrina di Rosmini e del moderno ontologismo». 102 Nardi, Raffronti (nota 2), p. 70. Nardi si riferisce in particolare ad Alberto, De natura et origine animae I 5 (nota 69), p. 14,15–27: [… ] substantia illa quae est anima hominis, partim est ab intrinseco et partim ab extrinseco ingrediens, quia licet vegetativum et sensitivum in homine de materia educantur virtute formativa, quae est in gutta matris et patris, tamen haec formativa non educeret eas hoc modo, prout sunt potentiae rationalis et intellectualis formae et substantiae, nisi secundum quod ipsa formativa movetur informata ab intellectu universaliter movente in opere generationis. Et ideo complementum ultimum, quod est intellectualis formae, non per instrumentum neque ex materia, sed per suam lucem influit intellectus primae causae purus et immixtus. 103 Cf. Nardi, Bruno, Un frammento di cosmologia dantesca (Le sfere celesti, le intelligenze motrici e le macchie lunari. Nota storica al canto II del ‹Paradiso›), in: La cultura filosofica 11 (1917), pp. 35–64; rist. in: id., Saggi (nota 1), pp. 3–39. 104 Cf. Nardi (nota 25), p. 385: «Io non ho subito crisi ma un lento sviluppo di coscienza [… ]. Così, dunque, si è venuto maturando in me uno stato

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ma guadagno completo di quell’autonomia cristiana che Nardi ritrovava con entusiasmo nel suo Dante e che adesso, la scoperta di Alberto contribuiva a rinforzare, rinvigorendo tesi già collaudate. Certo, a partire da questo momento, l’intera prospettiva di Nardi – dalla questione dell’anima alla presenza di Sigieri nel ‹Paradiso›, fino all’antitesi Dante/Tommaso – si sarebbe riorientata sulla straordinaria figura di Alberto. E dal confronto con essa sarebbero nati saggi celebri e decisivi: ‹L’origine dell’anima umana secondo Dante› (1931–1932); ‹La dottrina d’Alberto Magno sull’inchoatio formae› (1936); ‹Alberto Magno e san Tommaso› (1941); ‹La posizione di Alberto Magno di fronte 105 all’averroismo› (1947), e tanti altri. Ma quanto all’essenziale il suo giudizio storico non sarebbe mutato. Mutava invece il destino di Olivi e del ruolo fin lì ricoperto, il cui riferimento compariva un’ultima volta l’anno seguente (1923). Ma la citazione, ormai di congedo, era obbligata. A sollecitarla era stato il gesuita Giovanni Busnelli (1866–1944), che con una certa malizia cercava di ridimensionare la novità della tesi di Nardi, aggregandone la prospettiva a quella già nota e più marginale del Palmieri. «A due – scriveva Busnelli – si possono ridurre le più importanti interpretazioni del pensiero dantesco sull’origine dell’anima umana: la tomistica o antica e più ricevuta, e la moderna o antitomistica, sostenuta dal Palmieri, dal 106 Nardi e da altri, e in senso rosminiano dallo Zoppi». Per Nardi era l’occasione per una puntualizzazione che ormai registrava il nuovo corso: Il Busnelli sembra credere che la mia interpretazione del passo del canto XXV del ‹Purgatorio›, intorno all’origine dell’anima umana, sia identica con quella del Palmieri. Ciò non è esatto. Il Palmieri ritiene che l’opinione di Dante sia, in fondo, quella stessa dell’Olivo [sic!]. Ora io ho ravvicinato all’opinione del Poeta quelle del Kilwardby e dell’Olivo, ma ne ho altresì segnalato le differenze; ed ho sempre sostenuto che la tesi difesa da Dante è la terza delle cinque ___________________ d’animo per il quale mi trovo totalmente fuori di questa mentalità nella quale sono stato educato, e inetto a rimanere in una posizione sociale nella quale sono entrato liberamente, e dalla quale sento di dover liberamente, senza rimpianti e senza rancori uscire. Sento di non essere al mio posto. Per restare, dovrei sdoppiare me stesso, mentire», da mettere in relazione con quanto riportato supra, nota 24. 105 Cf. adesso Nardi, Studi (nota 1), pp. 9–150. 106 Busnelli, Giovanni, Cosmogonia e antropogenesi secondo Dante Alighieri e le sue fonti, Roma 1922, p. 157.

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Massimiliano Lenzi um

riprovate da San Tommaso nelle questioni ‹De potentia›, q. 3, a. 9, ad 9 . Quest’opinione, che lo stesso Aquinate espone nella ‹Summa theologiae›, I, q. um 118, a. 2, ad 2 e nella somma ‹Contra Gentiles›, II 89, era difesa prima di Dante, da Alberto Magno, nell’opuscolo ‹De natura et origine animae› [… ]. Ma il Busnelli, che pure parla di Alberto (pp. 162–164), non tien conto di questo 107 importantissimo opuscolo, ch’egli mai cita nel suo volume. 108

Nardi si difendeva appellandosi al costante equilibrio del suo giudizio, ricordando la particolare considerazione attribuita alla testimonianza di 109 ma soprattutto esibendo la novità rappresentata dalla Tommaso; scoperta di Alberto, che faceva ormai della sua tesi qualcosa di irriducibile alla vecchia interpretazione di Palmieri. Ma ad ogni modo, la questione era destinata ad essere definitivamente superata dalla ‹scoperta› degli scritti oliviani. Nel 1924, l’anno immediatamente seguente la polemica con Busnelli, usciva per i tipi del Collegio di S. Bonaventura il secondo volume, edito da Bernhard Jansen, delle questioni di Olivi sul secondo libro delle ‹Sentenze›. Nardi poteva così rendersi conto di come la peculiarità della ‹psicologia› dell’Olivi non implicasse – almeno mi sembra – quella «dottrina incoativistica» per cui la parte vegetativa e sensitiva dell’anima è tratta, per via di sviluppo, dalla potenza della materia, ma che, radicate nella materia spirituale dell’intelletto, anche le parti inferiori fossero, al pari di questo, create e direttamente infuse da Dio, senza per altro escludere un processo preliminare e discontinuo di generazioni e 110 corruzioni. Un paradosso, se si vuole, per cui il pluralista Olivi appariva sul punto quasi più prossimo a Tommaso che a Dante. ___________________ 107 Nardi, Recensione (nota 2), pp. 364–365. 108 Cf. Nardi (nota 8), pp. 48–49: «Sennonché vi sono, tra la dottrina già esposta e quella dell’Olivi, differenze profonde», e id. (nota 41), p. 194: «Del resto, io stesso ammettevo che, tra le teoriche dell’Olivi e del Kilwardby e quella di Dante, vi sono differenze». 109 Cf. Nardi (nota 41), p. 193: «San Tommaso poi riferisce, come s’è visto, un’ultima opinione differente da tutte le precedenti, e che sembra essere precisamente quella di Dante». 110 Cf. Pietro di Giovanni Olivi, Quaestiones in secundum librum Sententiarum, vol. II, Quaracchi 1924, q. 51, ad 7, p. 130: Posito tamen quod ibi sit aliqua sensitiva ante rationalem: valde bene poterit corrumpi a virtute seminali, sicut et multae aliae formae ibi per eam generantur et destruuntur; unde prius habet formam sanguineam et multas alias quam carneam seu osseam vel quam nerviceam [… ]. Et ideo nihil inconveniens, si virtus seminalis formam quam genuit procedendo ad ulteriora corrumpat.

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E ciò basta, mi sembra, a spiegare il successivo silenzio di Nardi. E chi affronti il suo celeberrimo e per certi versi conclusivo saggio del ’31, il più volte citato ‹L’origine dell’anima umana secondo Dante›, non può non restare colpito dal fatto che Olivi, fin lì indiscusso protagonista del quadro dei riferimenti storici e dottrinali, sia adesso semplicemente scomparso dall’orizzonte delle mediazioni di Dante. A non essere invece scomparso è l’insieme di problemi e suggestioni che la figura di Olivi aveva contribuito a definire e che la scoperta di Alberto, come si è detto, non farà che confermare e rinnovare – problemi e suggestioni riconducibili in ultima analisi a quei presupposti filosofici e religiosi che, di Nardi, avevano contraddistinto la giovanile ma cruciale formazione francescana. Per cui, nelle parole conclusive di questo suo saggio, era lo sviluppo di un remoto ideale speculativo che si concludeva: Mentre per Tommaso – scriveva Nardi – l’anima intellettiva è un’essenza individuale, incapace di quella vera universalità che è propria solo di Dio [… ]; per Dante, invece [… ], la mente umana partecipa [… ] de la divina natura [… ]. questo ardito concetto dantesco, nel quale si celebra il mistico connubio dell’umano col divino, arrise alla mente del nostro grande Rosmini, quando affermava che la luce dell’Essere ideale, illuminando l’anima sensitiva, produce in essa la facoltà d’intendere e fonda l’universalità, l’obiettività e l’assolutezza della conoscenza. Ma il Rosmini, sgombro da gretti pregiudizi, intendeva come Dante, la libertà del filosofare in modo ben diverso da quel che sogliono i pigri che, non avendo mai provato il tormento del dubbio, ignorano la fatica delle 111 feconde ricerche e la gioia dell’ascesa verso cime sconosciute.

___________________ 111 Nardi (nota 48), pp. 66–67. Sarà lo stesso Nardi (nota 14), pp. 276–277, a scrivere che, «denso di problemi», l’insegnamento dei suoi primi maestri francescani avrebbe dovuto «in seguito decidere dell’orientamento spirituale» della sua vita. Ma parole simili, Nardi le aveva già spese nella sua lettera a Gentile (nota 25), p. 384: «Il mio primo maestro fu un frate francescano che mi iniziò alla filosofia di Gioberti e di Rosmini. Quello che io capii allora del giobertianismo e del rosminianismo non fu certo gran che; ma bastò per svegliarmi un bisogno acuto di riflettere e di veder chiaro; e insieme intesi una verità che credo sia stato il germe di tutto il mio svolgimento posteriore, e cioè che, posto il mondo esterno, esso non può essere conosciuto se non mediante una luce interna che lo illumina e lo rende visibile».

IV. Annexes

La sagesse chrétienne comme instance critique en philosophie : une introduction à la lecture du ‹De perlegendis philosophorum libris› Tiziana Suarez-Nani (Fribourg)

Le ‹De perlegendis philosophorum libris› – dont nous donnons la première traduction française – revêt à bien des égards une valeur programmatique dans l’ensemble de la production olivienne. Dans les pages qui suivent nous voudrions proposer quelques clés de lecture de ce texte afin d’en faciliter la compréhension et d’en dégager la signification. Le diagnostic de Pierre de Jean Olivi sur l’Église et sur la culture philosophique et théologique de son temps est sans ambiguïté : l’une et l’autre encourent un grand danger, la première menacée par les richesses, la deuxième par la philosophie païenne. Les richesses et le pouvoir de l’Église trahissent l’idéal évangélique, et la philosophie païenne occulte la sagesse chrétienne. D’où le double projet olivien : restaurer la vie évangélique d’une part, et réviser la sagesse mondaine de l’autre. Si le combat est engagé sur deux fronts, la cible est une seule, à savoir l’attachement au monde et à ses valeurs (pouvoir, biens matériels, sciences profanes) au détriment de la perfection spirituelle d’une vie authentiquement chrétienne. Olivi consacrera toute son énergie à ce double combat, dont les armes seront la défense de la pauvreté (dans l’acception radicale de l’usus pauper) et la critique de l’asservissement à la philosophie païenne (ou « mondaine »). La pars construens de ce projet réside dans la pratique de la vie évangélique (en conformité avec l’idéal franciscain) et dans la pro1 motion de la sagesse chrétienne. L’ensemble des écrits d’Olivi poursuit ces objectifs ; parmi eux, toutefois, deux les illustrent de manière particu___________________ 1

Cf. Flood, David, Le projet franciscain de Pierre Olivi, dans : Études franciscaines XXIII (1973), pp. 367–379 ; Burr, David, L’histoire de Pierre Olivi. Franciscain persécuté (Vestigia 22), Fribourg/Paris 1997, en particulier pp. 65–94 (la version originale anglaise est de 1976) ; Vian, Paolo, Pietro di Giovanni Olivi, Scritti scelti, Firenze 1989, pp. 7–45.

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lièrement explicite : les ‹Quaestiones de perfectione evangelica› 3 l’opuscule ‹De perlegendis philosophorum libris› .

et

I. Le ‹De perlegendis philosophorum libris› : quelques remarques préliminaires 4

Transmis par deux manuscrits , ce petit traité n’a pas reçu de datation définitive et son statut littéraire reste incertain. En 1960, C. Partee suggérait l’appartenance de ce texte au commentaire d’Olivi sur la première 5 ‹Épître aux Corinthiens› , mais, plus récemment, M. Bartoli récusait cette hypothèse en observant que dans les manuscrits qui ont transmis le ‹De 6 perlegendis› le commentaire de ‹l’Épître aux Corinthiens› ne figure pas. Sans avancer pour autant une date de rédaction, M. Bartoli penchait pour l’idée que ce texte fut composé pour les jeunes franciscains qui commen7 çaient leurs études de philosophie , à savoir pendant les premières années d’enseignement du maître provençal. Du même avis est S. Piron, qui, ___________________ 2

3

4

5 6

7

Notamment la question 8, éditée par Johannes Schlageter dans : Das Heil der Armen und das Verderben der Reichen. Petrus Johannis Olivi OFM, Die Frage nach der höchsten Armut, Werl 1989. Ce texte a été édité par Ferdinand Delorme, dans : Antonianum 16 (1941), pp. 31–44. Pour un aperçu du contenu et de la signification de cet opuscule cf. Burr, David, Petrus Ioannis Olivi and the Philosophers, dans : Franciscan Studies 31 (1971), pp. 41–71, repris dans : Burr (note 1), pp. 70–74, ainsi que les travaux de Ernst Stadter, Hildebert Alois Huning, François-Xavier Putallaz et Sylvain Piron indiqués dans les notes suivantes. Cf. Ciceri, Antonio, Pietro di Giovanni Olivi. Censimento-inventario dei manoscritti, dans : Archivum Franciscanum Historicum 90 (1997), pp. 3–83, voir p. 78. Cf. Partee, Carter, Peter John Olivi. Historical and Doctrinal Study, dans : Franciscan Studies 20 (1960), pp. 215–260, voir p. 258, note 205. Cf. Bartoli, Marco, Opere teologiche e filosofiche di Pietro di Giovanni Olivi, dans : Archivum franciscanum historicum 91 (1998), pp. 455–468, voir p. 455. Cf. ibid., p. 466. Marco Bartoli suggère par ailleurs qu’il faudrait confronter le ‹De perlegendis› avec un texte extrait du commentaire d’Olivi sur les Actes des Apôtres – un texte qui a circulé de manière indépendante – portant le titre : ‹Quando licet uti auctoritatibus paganorum et quando non› (ibid., p. 455).

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rassemblant différentes données chronologiques, a établi qu’Olivi a reçu sa formation à Paris entre 1266 et 1273 et que sa carrière d’enseignant a débuté dans les années 1271–1273, au moment « des tensions les plus 8 vives entre dominicains, franciscains et maîtres ès arts » . Par ailleurs, la découverte de trois questions inédites portant sur des thèmes de philosophie naturelle a conduit S. Piron à formuler l’hypothèse qu’il s’agit de questions issues d’un enseignement sur la ‹Physique› d’Aristote qu’Olivi aurait été appelé à donner pour les jeunes frères du studium franciscain de Paris : à partir de là, il envisage le ‹De perlegendis› comme une « leçon 9 introductive » à cet enseignement. Malgré quelques incertitudes quant au statut littéraire du ‹De perlegendis› – qui pourrait également faire penser à un sermon universitaire –, à l’heure actuelle il y a donc un large consensus parmi les spécialistes quant au fait de situer sa rédaction au début de la carrière d’enseignement d’Olivi, c’est-à-dire au début des années 1270 et probablement autour de 10 1274–76.

___________________ 8

Cf. Piron, Sylvain, Olivi et les averroïstes, dans : Les Sectatores Averrois. e e Noétique et cosmologie aux XIII -XIV siècles, éd. Dragos Calma, Emanuele Coccia, Fribourg 2006 (extrait de la revue : Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie 53, 1/2), pp. 273–275. Cet avis est partagé par Cross, Richard, Absolute Time. Peter John Olivi and Bonaventurean Tradition, dans : Medioevo XXVII (202), pp. 261–300. 9 Cf. Piron (note 8), pp. 274–275 et, du même auteur, Les œuvres perdues d’Olivi. Essai de reconstitution, dans : Archivum franciscanum historicum 91 (1998), pp. 357–394. La même hypothèse avait été formulée en 2003 dans : The Formation of Olivi’s Intellectual Project, dans : Oliviana 1 (2003), p. 3 : http://www.oliviana.org/document6.html. 10 C’est l’hypothèse la plus récente, formulée par Piron, Sylvain, Deplatonising the Celestial Hierarchy. Peter John Olivi’s Interpretation of the PseudoDionysius, dans : Angels in Medieval Philosophical Inquiry. Their Function and Significance, éd. Isabel Iribarren, Martin Lenz, Ashgate 2008, pp. 29–44, voir p. 30, note 3. L’absence d’échos de la condamnation de 1277 invite aussi à situer l’écrit avant cette date, et non vers 1282, comme le suggère Putallaz, e François-Xavier, Insolente liberté. Controverses et condamnations au XIII siècle (Vestigia 15), Fribourg/Paris 1995, pp. 160–161.

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II. La structure et les sources du ‹De perlegendis philosophorum libris› II.1 Structure Construit sous forme d’exégèse d’un passage de la première ‹Lettre aux Corinthiens› – Stultam fecit Deus sapientiam huius mundi (I, 20) –, dans l’édition dont nous disposons ce texte est composé de 23 paragraphes, articulés selon la structure suivante : §§ 1–3 : Introduction : § 1 : signification du verset (quatre aspects) § 2 : justification de l’interprétation donnée § 3 : attitude à adopter vis-à-vis de la philosophie mondaine §§ 4–7 : Première partie : fausseté de la philosophie mondaine § 4 : fausseté dans les principes, les arguments et les conclusions § 5 : fausseté des principes § 6 : fausseté des arguments § 7 : fausseté des conclusions §§ 8–12 : Deuxième partie : la philosophie en tant que sagesse § 8 : sagesse dans la matière, le mode et la finalité prochaine § 9 : dans la matière ou le sujet § 10 : dans la forme ou le mode § 11 : dans la finalité prochaine § 12 : dans la philosophie il y a une part de vérité, mélangée à de la fausseté §§ 13–16 : Troisième partie : la vanité de la philosophie mondaine § 13 : à cause de sa présomption, de son orgueil et de sa finalité § 14 : témérité et présomption § 15 : curiosité et orgueil § 16 : finalité insuffisante et vaine §§ 17–23 : Quatrième partie : étroitesse et partialité de la philosophie mondaine § 17 : dans ses enquêtes sur les choses, sur le discours, sur les mœurs et la volonté § 18 : dans l’analyse de la nature corporelle § 19 : dans son examen de la nature rationnelle

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§ 20 : dans sa compréhension des substances séparées § 21 : dans sa connaissance de la nature première § 22 : dans la philosophie du discours § 23 : dans sa doctrine sur les mœurs et le gouvernement des hommes Cette structure révèle un enchaînement rigoureux du discours, en dépit de l’apparence qui se dégage d’une première lecture : la profusion de citations scripturaires donne en effet l’impression d’un assemblage purement rhétorique. Un premier examen de cette structure permet de relever deux aspects : 1) Premièrement, l’on constate une subdivision tripartite de chacune de ses composantes : l’introduction justifie trois éléments essentiels du développement qui va suivre, à savoir les implications du verset commenté en ce qui concerne la philosophie, la partialité et l’étroitesse de celle-ci, et l’attitude à adopter face à la philosophie « du monde ». La première partie explique que la « fausseté de la philosophie mondaine » réside en trois points (principes, arguments, conclusions), la deuxième considère la philosophie comme une sagesse en vertu de trois composantes (matière, mode et finalité prochaine), la troisième attribue la vanité de la philosophie à trois défauts (présomption, curiosité et insuffisance) et la quatrième illustre l’étroitesse de la philosophie mondaine par rapport aux trois domaines que sont la philosophie spéculative, la philosophie rationnelle (ou du discours) et la philosophie pratique. La structure interne du traité est donc triadique et rappelle le procédé suivi par Bonaventure dans la plupart de ses écrits – que l’on songe à l’‹Itinerarium mentis in Deum›, au ‹De reductione artium ad theologiam› ou à la quatrième des ‹Conférences sur les sept dons du Saint-Esprit› : cette proximité structurelle sera confirmée par certains aspects du contenu du ‹De perlegendis philosopho11 rum libris›. ___________________ 11 On peut rappeler ce que plusieurs spécialistes ont déjà relevé, à savoir que Olivi doit une partie de sa formation à Bonaventure, dont il a écouté, selon son propre témoignage, les ‹Collationes de septem donis Spiritus Sancti›, tenues à Paris au printemps 1268 : cf. Delorme, Ferdinand, Saint Bonaventure et le nombre apocalyptique 666, dans : La France franciscaine 8 (1925), pp. 519–525 ; Partee (note 5), p. 216 ; Bettoni, Efrem, Le dottrine filosofiche di Pier di Giovanni Olivi (Pubblicazioni dell’Università cattolica del Sacro Cuore LXXIII), Milano 1959, p. 12. Selon Sylvain Piron, Olivi aurait égale-

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2) En second lieu, on aura remarqué que, malgré un certain équilibre des parties, la deuxième (5 paragraphes) et la quatrième (7 paragraphes) sont quantitativement plus importantes. Il s’agit de la partie qui porte sur la philosophie comme sagesse et de celle qui illustre ses limites (partialité et étroitesse de ses enquêtes) : la partie positive ou constructive du traité est donc plus étendue (12 paragraphes au total) que sa partie destruens (8 paragraphes). En d’autres mots, Olivi semble avoir donné plus d’importance à la considération de la philosophie comme sagesse, tout en en relevant les limites, qu’à la présentation de sa fausseté (première partie) et de sa vanité (quatrième partie). La structure de l’écrit annonce ainsi la couleur de son contenu, qui ne saurait être interprété de manière sim12 pliste comme un pamphlet contre la philosophie. II.2 Les sources Ces considérations peuvent être complétées par le relevé des sources convoquées dans ce texte : les écrits bibliques (18 renvois), Augustin (3 renvois) et Aristote (6 renvois). Elles sont réparties comme suit :

Introduction e I partie e II partie

Bible 7 1

Augustin 1 -

Aristote 1 1 1

___________________ ment assisté aux ‹Collationes in Hexaemeron› tenues par Bonaventure au printemps 1273 : cf. Piron (note 8), p. 271 et sa contribution dans ce volume. 12 Ferdinand Delorme, dans son introduction à l’édition du ‹De perlegendis›, avait déjà souligné – contre l’interprétation de Bernhard Jansen – qu’il serait faux de considérer l’opuscule olivien comme un traité anti-philosophique ou anti-aristotélicien : cf. Delorme, Ferdinand, Fratris Petri Iohannis Olivi tractatus de perlegendis, dans : Antonianum 16 (1941), p. 33. Ce jugement a été partagé par Huning, Hildebert Alois, Artes liberales und Philosophie in der e Olivischule, dans : Arts libéraux et philosophie au Moyen Age (Actes du IV congrès international de philosophie médiévale), Montréal 1967, pp. 673– 682), par Burr (note 3) et Burr (note 1), p. 74, par Putallaz (note 10), pp. 131– 135 et par Piron (note 8), p. 275. D’un autre avis sont D’Alverny, MarieThérèse, Un adversaire de saint Thomas d’Aquin. Petrus Ioannis Olivi, dans : St. Thomas Aquinas, 1274–1974. Commemorative Studies, Toronto 1974, vol. II, pp. 180–218 et Stadter, Ernst, Die spiritualistische Geschichtstheologie als Voraussetzung für das Verständnis von fides und auctoritas bei Petrus Ioannis Olivi, dans : Franziskanische Studien 48 (1966), pp. 243–253.

La sagesse chrétienne comme instance critique en philosophie e

III partie e IV partie

7 3

2

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3

Ce tableau permet de constater que les renvois bibliques sont présents surtout dans les parties proprement critiques, c’est-à-dire dans la première et la troisième, où l’on trouve 14 des 18 citations. Le recours à la Bible sert donc à illustrer les défauts de la philosophie, c’est-à-dire de la sagesse mondaine dès lors qu’elle est confrontée à la sagesse chrétienne. Quant à Augustin, Olivi y fait recours à trois reprises pour confirmer la valeur instrumentale de la philosophie, pour appuyer l’idée de la relativité de ses vérités et pour dénoncer le culte des faux dieux pratiqué par les philosophes grecs. Enfin, le recours à Aristote sert à confirmer l’idée des limites du savoir mondain et celle de son origine empirique, mais aussi à appuyer la dimension de sagesse inhérente à la démarche philosophique ; Aristote est par ailleurs convoqué pour mettre en évidence le caractère partiel et imparfait de la connaissance atteignable par la philosophie. Augustin et Aristote viennent ainsi appuyer la partie constructive du traité, même si cette partie comporte une forte relativisation de la sagesse mondaine. II.2.1 Le contenu du ‹De perlegendis philosophorum libris› Suivant la structure du traité, nous allons parcourir les grandes lignes de ce texte et considérer quelques éléments de son contenu qui nous permettront de mieux comprendre le rapport à la philosophie qui s’en dégage. Il convient par ailleurs d’interpréter ce texte à la lumière de deux autres écrits, qui témoignent de l’attention prêtée à ce thème par le fran13 ciscain provençal – un intérêt d’ailleurs partagé par ses confrères : comme il a été relevé, il s’agissait d’une question fortement ressentie par les membres de l’ordre franciscain, qui était confronté aux mises en garde 14 du fondateur vis-à-vis du savoir profane. ___________________ 13 Cf. infra, II.2.2. 14 Cf. Huning (note 12) ; Bataillon, Louis-Jacques, Problèmes philosophiques dans les œuvres théologiques, dans : L’enseignement des disciplines à la faculté des arts, éd. Olga Weijers, Louis Holtz, Turnoult 1997, pp. 445–456. Il va de soi que bien d’autres penseurs, en dehors de l’ordre franciscain, ont traité cette question : on en trouve un aperçu dans l’étude de Louis-Jacques Bataillon que nous venons de signaler.

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II.2.2 Dominative, non serviliter (§§ 1–3) Le verset de la ‹Lettre aux Corinthiens› commenté dans ce texte invite à considérer quatre aspects inhérents à la philosophie dite « mondaine » : sa fausseté (ou « folie »), sa vérité (ou sagesse), la vanité de sa tradition et l’étroitesse de sa perspective et de ses résultats. Ces différents aspects produisent une image contrastée de la philosophie : elle est fausse, mais constitue néanmoins une forme de sagesse ; elle est cependant une « sagesse du monde » et, mieux encore, de « ce » monde. Par cette dernière précision Olivi met en avant le caractère partiel, particulier et limité des connaissances atteintes par la philosophie : sa « petitesse » est à la fois d’ordre quantitatif et qualitatif, en raison de l’insuffisance de la lumière naturelle lorsqu’elle ne bénéficie pas du concours de la lumière de la foi. Dans ce contexte intervient le premier renvoi à Aristote pour appuyer l’idée des limites de l’intellect humain, dont l’acuité est analogue à la capacité visuelle de la chauve-souris : faisant ainsi appel au « Philosophe » pour argumenter les limites de la philosophie, Olivi l’associe à son propos et reconnaît à la philosophie elle-même la capacité de prendre conscience de ses propres limites. Cette mise au point permet de préciser « comment il faut lire les œuvres des philosophes ». L’attitude à adopter vis-à-vis de la philosophie païenne est celle de la prudence (caute), qui exige à son tour la pratique du discernement (discrete). La manière correcte d’envisager la philosophie mondaine est par conséquent celle qui la considère comme un instrument – une « voie » – et non comme une finalité (utendo ea ut via, non 15 ut fine seu termino) . Cette valeur instrumentale autorise celui qui recherche la sagesse à s’en servir et à la juger dans sa valeur de vérité, comme l’indique l’expression particulièrement efficace qu’on lit au troisième paragraphe et qui est en quelque sorte l’emblème de cet écrit : le___________________ e

15 On reconnaît ici l’influence de Bonaventure et un écho de la IV de ses ‹Collationes de septem donis Spiritus Sancti›, dans laquelle Bonaventure insistait sur la valeur purement instrumentale de la philosophie : Philosophica scientia via est ad alias scientias ; sed qui ibi vult stare cadit in tenebras (Opera omnia, ed. Collegii a S. Bonaventurae, Quaracchi, t. 5, p. 476). Avant Bonaventure, Jean de la Rochelle avait formulé la même idée en ces termes : ‹In ordine› notatur quod philosophie non sunt addiscende propter se, sed propter sacram scripturam. ‹In cursu› notatur quod non semper in studio illo sedendum est, sed quod transeundo transcurrendum ad theologiam (Sermon pour l’Avent, cité par Bataillon (note 14), p. 452).

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genda est dominative, non serviliter : debemus enim esse eius judices potius quam sequaces. Pour mieux comprendre cette formule il convient de faire recours à un texte qui porte sur un thème très proche, celui de la valeur de l’étude dans la perspective de la connaissance de Dieu. Il s’agit d’un principium que ses éditeurs ont intitulé ‹De studio› : conformément au genre littéraire des principia, le ‹De studio› est une introduction à l’étude de la Bible 16 pour les jeunes franciscains. Dans ce texte, tout en mettant en garde ses jeunes confrères contre les dangers de l’étude, Olivi en défend la valeur et l’utilité dès lors qu’elle est entreprise de manière correcte. Parmi les exigences qui se rattachent à l’étude correctement menée, il y a celle de l’ordre du procédé ; cet ordre est double : il y a un ordre (descendant) selon le fondement et un ordre (ascendant) selon l’apprentissage. D’après le premier, il faut commencer par les articles de foi et l’Écriture sainte ; selon le deuxième, il faut commencer par l’enseignement des maîtres et 17 les sciences subalternes. Dans ce contexte, Olivi signale la perversion de l’ordre de l’étude qui intervient lorsqu’on fonde le savoir « sur les dires d’Aristote ou les autres philosophes païens ou mondains » plutôt que sur les « dires des docteurs catholiques », et que l’on préfère les « dires des 18 maîtres modernes à ceux des saints » : on reconnaît ici les formules du ___________________ 16 Peter John Olivi on the Bible. Principia quinque in sacram scripturam, Postilla in Isaiam et in I Ad Corinthios, éd. David Flood, Gedeon Gál, St. Bonaventure (N. Y.) 1997, p. 5 et p. 17. Sur ces Principia cf. aussi Stadter, Ernst, Offenbarung und Heilsgeschichte nach Petrus Ioannis Olivi, dans : Franziskanische Studien 44 (1962), pp. 129–191. La proximité doctrinale du ‹De perlegendis› et du ‹De studio› a été suggérée par Sylvain Piron (note 9), p. 3. Quant à la datation du ‹De studio›, on peut supposer qu’il remonte aussi aux années 1270. Pour de plus amples considérations sur le travail exégétique d’Olivi cf. Vian, Paolo, L’opera esegetica di Pietro di Giovanni Olivi, dans : Archivum franciscanum historicum 91 (1998), pp. 395–454. 17 Cf. ibid., p. 27 : Sextum est debitus ordo tam in addiscendo seu inquirendo quam in aestimando et innitendo. In innitendo quidem est ordo necessarius quod plus innitaris principiis fidei, scilicet articulis eius et auctoritati sacrae Scripturae quam tuae vel alterius rationi aut quam cuiquam auctoritati humanae. [… ] Verumtamen, in ordine addiscendi seu adquirendi [… ] sunt primo videnda dicta paedagogica magistrorum (l’on notera la présence du terme paedagogica, qui qualifie la démarche philosophique au § 3 du ‹De perlegendis›). 18 Cf. ibid. : perverterunt ordinem qui plus innituntur dictis Aristotelis aut ceterorum philosophorum paganorum vel mundanorum quam dictis doctorum

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‹De perlegendis› et la proximité doctrinale des deux traités. Les considérations du ‹De studio› invitent donc à interpréter l’expression « dominative, non serviliter » comme désignant un rapport au savoir profane conforme à la hiérarchie de valeur qui place la connaissance de la foi et de l’Écriture Sainte au sommet de la sagesse : c’est en ce sens que la vérité de la religion chrétienne s’impose comme une instance critique (domina) vis-à-vis de toute autre vérité. Conscient de cette supériorité, le théologien doit envisager le savoir philosophique « en maître » et le situer à la place qui lui convient : celle du premier degré (selon l’ordre d’apprentissage) sur la voie qui conduit à la sagesse chrétienne. Aussi, la critique formulée dans le ‹De perlegendis› ne vise pas la philosophie comme telle, mais un rapport particulier à la philosophie « du monde » : celui qui néglige ou occulte la supériorité (absolue) de la sagesse chrétienne. La cible des invectives d’Olivi est par conséquent, et plus précisément, le rapport d’asservissement à la philosophie qu’il croit reconnaître dans la pratique de certains maîtres de son temps. Cet asservissement trouve l’une de ses expressions éclatantes dans le « culte d’Aristote », considéré comme une « règle infaillible de toute 19 e vérité » : tout au long de ses ‹Questions sur le II livre des Sentences›, Olivi fustigera ce rapport au « Philosophe » et à la philosophie païenne, 20 un rapport qu’il qualifie d’idolâtre. Le culte des idoles étant une forme de servilisme, « lire les philosophes en maître » exige la relativisation de toute autorité philosophique par la soumission du savoir mondain au crible et au dominium de la sagesse chrétienne. Ces considérations trouvent une confirmation significative dans la troisième des ‹Questions sur la perfection évangélique›, qui demande ‹An studere in Sacra Scriptura sive in scientiis sit opus de genere suo perfec___________________ catholicorum, dictaque magistrorum modernorum praeferunt dictis sanctorum ; cette affirmation n’implique pas que cette démarche ne soit légitime du point de vue de l’apprentissage. 19 Cf. Petrus Iohannis Olivi, Quaestiones in II Sententiarum, q. 27, éd. B. Jansen, Quaracchi 1922, t. 1, p. 479 : hoc enim est occulte et etiam aperte astruere quod Aristoteles est regula infallibilis veritatis. 20 Pour les invectives d’Olivi contre Aristote cf. Burr (note 3), pp. 58–59 (qui donne une longue série de passages) et Bettini, Orazio, Olivi di fronte ad Aristotele. Divergenze e consonanze nella dottrina dei due pensatori, dans : Studi francescani 55 (1958), pp. 176–197. Pour le lien entre le thème de l’idolâtrie et celui de la liberté chez Olivi cf. Putallaz (note 10), pp. 153–160.

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tum› . Dans cette question, Olivi explique que l’étude des arts libéraux et de la philosophie est nécessaire et utile dans la recherche de la perfection 22 et qu’elle a l’avantage d’éloigner des occupations mondaines. Par conséquent, l’étude des sciences profanes, dans la mesure de leur utilité pour la 23 compréhension de l’Écriture, ne peut que profiter aux jeunes. Ici encore – comme dans le ‹De perlegendis› et le ‹De studio› – il apparaît que l’enjeu critique ne concerne pas la philosophie comme telle, mais la manière dont on s’y rapporte : la lire « en maître » signifie ne pas lui attribuer une va24 leur et une autorité qui ne lui reviennent pas. Dans cette question on reconnaît par ailleurs plus clairement que dans les deux textes précédents les destinataires des propos oliviens : il apparaît en effet qu’ils sont adressés aux jeunes franciscains qui entament leur formation en théologie et pour lesquels l’étude des sciences profanes est un passage obligé. Ce destinataire pourrait aussi expliquer l’articulation du ‹De perlegendis›, qui alterne la partie constructive et la pars destruens afin de mettre en évidence les précautions à prendre dans l’approche d’un savoir qui s’avère nécessaire à la formation du théologien et qui, malgré ses limites, mérite le nom de sagesse.

___________________ 21 Emmen, Aquilino, Simoncioli, Feliciano, La dottrina dell’Olivi sulla contemplazione. La vita attiva e mista, dans : Studi francescani 61 (1964), pp. 108–167. 22 Cf. ibid., p. 150 : Studere autem in illis, quae necessario sunt homini scienda, est ad perfectionem et etiam ad gratiam necessarium. Secundum autem, quo ultra necessitatem in divinis et in his, quae ad haec intuenda valent, mentem exacuit et plenius luminat, est perfectum utile et accommodum ; et pro tanto necessarium, in quantum perfectionis consummate plenitudo sine intellectus perfecta illustratione esse non potest. [… ] optimum est valde, et expediens, in studio pro tempore occupari, saltem illis qui in aliis occupare se nesciunt vel non possunt. Cum etiam studium valde mentem abstrahit a mundanis et a negotiationum tumultibus [… ] optimum est [… ]. 23 Cf. ibid., p. 156 : addiscere alias scientias, pro quanto sunt utiles ad Scripturae sacrae difficultates intelligendas et explicandas, plus iuvant ad bonum quam impediant, maxime hominem iuvenem et ingeniosum. 24 Cf. ibid., p. 157 : dicendum quod studere in libris paganorum ei, qui instructus est in fide, non attribuendo eis plus auctoritas debito, ut aestimando quod quidquid dixerint, est verum, aut credendo eis in aliquo, quos esset contra Scripturam sacram vel fidem, vel ex quo tale aliquid sequi posset, non est periculosum. À ce propos cf. Huning (note 12).

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II.2.3 Veritatem incomprehensibilem omni philosopho animali (§§ 4–7) La première partie du traité illustre la fausseté de la philosophie en la situant à trois niveaux : celui des principes, celui des arguments et celui des conclusions. En vertu de l’enchaînement qui détermine le procédé syllogistique, la fausseté de la philosophie se situera principalement dans les prémisses ou les principes qu’elle adopte. Or, ceux-ci sont pris du monde matériel par le biais de la sensation : la philosophie (aristotélicienne) bâtit en effet son savoir à partir de l’expérience, c’est-à-dire à partir des données recueillies par la perception sensible, qui vont ensuite être élaborées afin de produire la connaissance rationnelle. Aux yeux d’Olivi, cette origine sensible des principes est précisément ce qui compromet la valeur de vérité de la philosophie par rapport à la sagesse chrétienne : c’est la raison pour laquelle il en fait l’œuvre de l’« homme animal », en écho à la première ‹Lettre aux Corinthiens› (2, 14 : « l’homme animal ne perçoit pas les choses qui relèvent de l’Esprit de Dieu ») – l’« homme animal » étant précisément celui qui vit au niveau des fonctions sensitives partagées avec les autres animaux. Une philosophie basée sur les données des facultés sensitives est donc le produit du « philosophe animal », qui donne à son savoir un fondement purement empirique. Les principes de la vraie sagesse sont en revanche « très spirituels et très abstraits » (§ 5) et ne sont accessibles qu’à l’« homme spirituel » : construite à partir d’un accès limité à la réalité, une philosophie fondée empiriquement ne peut être que fausse et imparfaite, car privée des vrais fondements de la vérité et de la sagesse. Il convient de relever que, par-delà cette critique, Olivi annonce la possibilité d’un nouveau départ pour la « vraie » philosophie : ses nouvelles bases seront de nature spirituelle, la dimension spirituelle étant la seule susceptible de fonder un savoir proprement « humain », c’est-à-dire 25 non-animal. Or, la transcendance de la dimension spirituelle par rap___________________ 25 La critique de l’origine sensible des connaissances de la philosophie mondaine n’implique pas une dépréciation des facultés sensitives et de leur fonction dans l’élaboration de la connaissance : bien au contraire, Olivi va innover sur ce point par une conception de l’âme sensitive comme articulation centrale de l’âme humaine et de l’activité sensorielle comme capable d’un jugement et d’une réflexivité qui en expriment la dimension spirituelle : cf. Boureau, Alain, Les cinq sens dans l’anthropologie cognitive franciscaine. De Bonaventure à Jean Peckham et Pierre de Jean Olivi, dans : Micrologus X (2002) : Les cinq sens, Firenze 2002, pp. 277–294 (en particulier pp. 290– 294). Pour Olivi il s’agit en réalité de transcender la vie sensitive dans celle de

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port à l’animalité de l’homme ne renvoie pas seulement à un au-delà des facultés sensitives, mais aussi à un au-delà de l’intellect, selon le célèbre énoncé qui veut que les hommes, privés de liberté, ne seraient que des 26 « bêtes intellectuelles » . II.2.4 Habet in se [aliquid] sapientiae et veritatis (§§ 8–12) Illustrant la sagesse de la philosophie, Olivi en brosse un portrait qui ne cache pas son appréciation positive du savoir mondain. Celui-ci peut être qualifié de sagesse en vertu de sa matière (ou sujet), de sa forme (ou mode) et de sa finalité prochaine. Tenant compte de l’étendue de son objet – « l’étant et ses parties » – et des conditions de la connaissance humaine – « la mesure de notre intellect » –, Olivi organise la philosophie en plusieurs disciplines, suivant les e grandes lignes des classifications du savoir formulées au XIII siècle. Une première tripartition – qui rappelle le modèle platonicien et stoïcien – comprend la science « réelle » (ou spéculative), la science du discours (ou rationnelle) et la science pratique, associées respectivement au domaine du quadrivium, à celui du trivium et à celui de la métaphysique et de l’éthique. D’autre part, compte tenu du procédé de l’intellect, la science réelle ou spéculative est subdivisée – suivant le modèle aristotélicien – en science de la nature (physique), en mathématique et en métaphysique (ou science divine) ; la science du discours comprend la grammaire, la logique, la rhétorique et la poétique ; enfin, la philosophie pratique est subdivisée en éthique ou politique, en médecine (ou « curative ») et en métaphysique. La classification olivienne rassemble ainsi les arts libéraux de la tradition latine et les divisions de la philosophie issues du modèle grécoarabe (Platon, Aristote, Al-Farabi) ; à noter que la métaphysique intervient à deux reprises et qu’au sein de la philosophie pratique figure la ___________________ l’esprit, qui dépasse infiniment toute autre manière d’exister : cf. Quaestiones in II Sententiarum, q. 57, éd. B. Jansen, p. 334 : quodam intimo sensu sentimus cor nostrum quasi in infinitum excedere omnem alium modum existendi. Unde si cui daretur optio in quod minus vellet redigi, scilicet, in unum animal aut in purum nihil tantum : unusquisque vellet esse nihil acsi intimo sensu clamet quod omne esse comparatum ad suum est quasi purum nihil. 26 Cf. Quaestiones in II Sententiarum, q. 57, éd. B. Jansen, p. 338 : Patet igitur quod hic error [sc. negatio libertatis] omne bonum humanum et etiam divinum exterminat. [… ] Nec mirum, quia, ut ita dicam, id quod proprie sumus, personalitatem scilicet nostram, a nobis tollit nihilque amplius nobis dat nisi quod simus quaedam bestiae intellectuales seu intellectum habentes.

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médecine. La philosophie se présente ainsi comme un savoir englobant, qui s’étend à l’ensemble du réel – que celui-ci soit donné, produit par l’intellect ou par l’agir des hommes. En tant que telle, elle possède une valeur et des compétences propres, fondées sur les capacités de la raison 28 humaine et indépendantes de la théologie. La méthode (« forme ou mode ») propre à la philosophie prouve également sa valeur de sagesse : elle procède en effet de manière ordonnée, en commençant par les matières générales et plus connues pour passer ensuite aux plus spéciales et moins connues (§ 10). Par ailleurs, elle procède par voie de démonstration rationnelle : soit par induction, soit par déduction ou par réduction à l’absurde. Enfin, sa méthode comprend également la formulation d’hypothèses sur la base de principes premiers connus par soi. Par ces différents procédés, la raison humaine construit un savoir valable qu’Olivi n’hésite pas à qualifier de sagesse. La valeur de sagesse de la philosophie est enfin attestée par sa finalité prochaine. Selon l’ordre des divisions susmentionnées, la finalité de la science spéculative réside dans la saisie de la vérité, celle de la philosophie rationnelle dans la formation d’un discours approprié et dans la régulation du procédé de la raison, et celle de la philosophie pratique dans le gouvernement des hommes. La poursuite de ces finalités est utile et louable, mais il faut être conscient de leur caractère partiel : en effet, la philosophie mondaine n’a pas accès à la finalité première, qui réside dans la contemplation de Dieu pour la philosophie spéculative et dans le salut de l’homme pour la philosophie pratique. Ce déficit par rapport à la finalité ___________________ 27 La médecine ne figure pas de manière explicite dans les classifications les plus e connues du XIII siècle : lorsqu’elle est présente, elle fait généralement partie soit des arts mécaniques (suivant la classification de Hugues de St. Victor) soit de la philosophie de la nature (suivant la classification de D. Gundissalinus, qui reprend celle d’Al-Farabi). Le rapport entre philosophie et médecine e a fait l’objet d’importantes discussions au XIII siècle, reconstituées de manière exhaustive par Köhler, Theodor Wolfram, Grundlagen des philosophisch-anthropologischen Diskurses im dreizehnten Jahrhundert (Studien und Texte zur Geistesgeschichte des Mittelalters LXXI), Leiden 2000, pp. 246–486. L’insertion de la médecine dans la philosophie pratique opérée par Olivi pourrait dériver de Roger Bacon, Compendium studii philosophiae, éd. J.S. Brewer, dans : Fr. Rogeri Bacon opera quaedam hactenus inedita, I, London 1859, pp. 396–397 ; en réalité Roger Bacon, qui valorise fortement la médecine, la place parfois parmi les sciences de la nature, parfois sous le groupe des sciences pratiques : cf. Köhler (note 27), p. 282. 28 Cf. Huning (note 12), p. 675.

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ultime montre que la philosophie « possède une part de vérité et d’utilité, avec cependant un grand mélange de fausseté et de préjudice » (§ 12). Au travers de ces considérations on retrouve l’attitude positive d’Olivi 29 à l’égard du savoir humain : ses réserves concernent principalement la manière dont on s’y rapporte et l’on s’en sert, si bien que l’étude des sciences profanes est recommandée pour autant qu’elle est menée correc30 tement et conformément à la hiérarchie du savoir. En définitive, il apparaît que la visée d’Olivi réside fondamentalement en une prise de conscience de la partialité et de la relativité du savoir humain qui n’en sacrifie pas la valeur intrinsèque. II.2.5 Ipsi tradiderunt vane (§§ 13–16) Dans la troisième partie, qui poursuit la critique inaugurée dans la première, le terme biblique de « vanité » fournit le mot-clé pour mettre en évidence l’insuffisance de la sagesse philosophique, sa « témérité et présomption », le fait qu’elle résulte de « curiosité et d’orgueil » et qu’elle est « orientée vers une finalité infructueuse, voire odieuse » (§ 13). Ces défauts sont illustrés avec une série de passages bibliques qui présentent la sagesse de ce monde comme « folie » par rapport à la sagesse chrétienne. Dans ce contexte, Olivi réitère l’idée d’une finalité ultime qui va au-delà ___________________ 29 L’attitude positive d’Olivi apparaît clairement si on la compare, par exemple, avec celle d’Henri de Gand, qui, commentant le même verset de l’‹Épître aux Corinthiens›, écrivait : Unde illa [philosophica] traditio erat sapientia mundi de qua dicit Apostolus I Corinthios III, 19 : ‹sapientia huius mundi, stultitia est apud Deum› [… ]. Unde sapientia mundi non vero nomine, sed abusivo sapientia dicitur (cf. Summa quaestionum, a. 7, q. 13, Parisiis 1520, vol. I, f. LXIIIr) ; pour Olivi, en revanche, et malgré sa faiblesse et ses limites, la philosophie peut être légitimement considérée comme une sagesse. Pour la position d’Henri de Gand sur ce point cf. Bianchi, Luca, Pour une histoire de la double vérité, Paris 2008, p. 37 ; König-Pralong, Catherine, Évaluation des savoirs d’importation dans l’université médiévale. Henri de Gand en position d’expert, dans : Revue européenne des sciences sociales XLVI (2008), pp. 11– 28. 30 On en trouve la confirmation dans ce passage du ‹De studio›, p. 28 : Et iam ex praedictis faciliter potest clarescere quod [vitia et pericula studentium] non proveniunt ex absoluta ratione studii, quasi studium ex genere suo sit malum ; sed potius proveniunt ex deordinato modo studendi [… ]. Et ideo ex supra dictis vitiis et periculis non improbatur simpliciter omne studium, sed solum studium deordinatum.

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de celle que propose la philosophie mondaine et qui, servant de norme de jugement de la sagesse de ce monde, permet de s’y rapporter de manière à la maîtriser (dominative). II.2.6 [Philosophi] parum invenerunt (§§ 17–23) La dernière partie de l’opuscule illustre la faiblesse et la partialité des investigations philosophiques. Elle peut néanmoins être considérée comme une partie constructive dans la dynamique de ce texte, dans la mesure où Olivi y met en évidence les limites des connaissances philosophiques – résultant principalement du fondement empirique déjà relevé au § 5 – uniquement dans le but de circonscrire la validité de leurs résultats. Encore une fois, il s’agit de reconnaître à la philosophie ses compétences spécifiques, tout en les encadrant dans une perspective plus large qui permet d’en relativiser la portée. Le petit nombre de renvois bibliques et la présence plus importante d’Augustin et d’Aristote confirment l’attitude fondamentalement positive à l’égard de la philosophie qui soustend cette partie, dans laquelle Olivi vise principalement à armer les jeunes étudiants d’un esprit critique suffisant pour aborder le savoir profane « en maîtres, et non en disciples ». La portée limitée des connaissances philosophiques apparaît dans les différents domaines qui la constituent, mais surtout dans la philosophie spéculative : celle-ci a produit une connaissance partielle de la nature corporelle, un savoir très modeste quant à la nature rationnelle, et des connaissances encore plus réduites quant à la nature intellectuelle et séparée (anges et Dieu : §§ 17–21). Par ailleurs, les résultats obtenus dans ces différents domaines sont le plus souvent incertains, c’est-à-dire probables plutôt que nécessaires. Ce constat amènera Olivi à élaborer une philosophie alternative et à proposer notamment une conception nouvelle de la matière, une anthropologie novatrice ainsi qu’une doctrine originale des 31 substances séparées. Concernant la philosophie du discours, Olivi se borne à signaler que c’est le domaine dans lequel les philosophes se sont le moins trompés. Cette appréciation explique la valorisation de la logique formulée dans la ___________________ 31 Cf. infra, notes 45 et 46, ainsi que Schneider, Theodor, Die Einheit des Menschen. Die anthropologische Formel anima forma corporis im sogenannten Korrektorienstreit und bei Petrus Johannis Olivi. Ein Beitrag zur Vorgeschichte des Konzils von Vienne (Beiträge zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters, Neue Folge 8), Münster 1972.

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question ‹An studere in Sacra Scriptura sive in aliis scientiis sit opus de 32 genere suo perfectum› : on y lit en effet que sans la logique il n’est pas 33 possible de comprendre pleinement l’Écriture. Quant à la philosophie morale, sa faiblesse tient au « faux bonheur » et aux « fausses valeurs » qu’elle enseigne, ainsi qu’au culte des idoles qui a 34 conduit à la pratique de l’idolâtrie : dans ce domaine également le problème réside surtout dans le fait d’accorder aux valeurs et aux finalités proposées par les philosophes une autorité indue au lieu de les encadrer dans une démarche de sagesse qui les dépasse.

III. Pour conclure Ce parcours sommaire confirme qu’il serait incorrect de considérer le ‹De perlegendis› comme un écrit purement polémique et comme un pamphlet antiphilosophique. Il s’agit davantage d’un exercice critique face à la sagesse des philosophes afin de mettre en garde les jeunes étudiants contre le danger d’absolutisation du savoir humain et contre son pouvoir 35 de séduction. Tout en en reconnaissant les aspects positifs, Olivi invite à faire preuve de discernement et à relativiser la valeur de vérité des connaissances philosophiques, dans la conviction que seule la sagesse chrétienne est à même de combler l’aspiration humaine à la perfection et au bonheur. En effet, la vraie sagesse n’est pas une affaire de pure théorie, mais implique une dimension affective et éthique qui échappe à la philo___________________ 32 Cf. note 22. 33 Cf. ibid., p. 157 : studere in logicis et in aliis scientiis non inducit per se illa mala quae ratio supponit ; [… ] quia specialiter sine logica, nullus potest ad profundam Scripturae sacrae investigationem et intelligentiae plenitudinem invenire. Cette valorisation de la logique s’inscrit en continuité avec l’intégration des arts du langage (les arts du trivium, et en particulier la diae lectique) qui a marqué la culture théologique du XII siècle. 34 Si la critique de l’idolâtrie pratiquée par les religions polythéistes avait été fortement développée par Augustin dans la ‹Cité de Dieu›, Olivi dénonce ici davantage l’idolâtrie qui guette les théologiens de son temps, notamment les philosophantes qui se fient aveuglément à l’autorité d’Aristote et d’Averroès : cf. Piron (note 8), p. 261, note 32. 35 Cf. Piron (note 8), p. 263. Le thème de l’idolâtrie est également présent chez e Bonaventure, dans la IV de ses ‹Conférences sur les sept dons du Saint Esprit›.

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sophie. La contemplation de Dieu – finalité ultime de l’être humain – ne saurait être réduite à une connaissance au sens strict du terme : bien au contraire, elle comporte un acte d’amour. Cette dimension est restituée dans de nombreux textes par un emploi fréquent des termes « goût » (gustus) et « saveur » (sapor), afin de signifier que l’être humain dans son intégralité – et non pas uniquement son intellect – est appelé à expérimenter le « goût spirituel » de l’union avec Dieu et la « saveur » divine de 36 la sagesse suprême. Il s’ensuit que la sagesse chrétienne n’est pas seulement supérieure à la philosophie dans un ordre de continuité, mais qu’elle est de nature différente car, même si la sagesse des philosophes pouvait atteindre la vérité ultime des choses, elle n’en demeurerait pas 37 moins privée de cette saveur et de ce goût spirituels. Dans cette optique, le ‹De perlegendis› se présente comme un avertissement analogue à celui que Bonaventure avait déjà formulé : il ne faut pas s’arrêter (stare-status) à la sagesse de ce monde, mais la soumettre au crible du doute et la dépasser dans un savoir de nature différente. Cet avertissement prend vraisemblablement en compte de manière ta38 cite l’attitude des théologiens philosophantes qui se font les disciples des philosophes, et n’est probablement pas sans lien avec l’exaltation de la vie philosophique théorisée par certains maîtres de la faculté des Arts de 39 l’université de Paris à la fin des années 1260 et au début des années 1270 – une position dont l’écho résonnera dans les articles 40 et 144 de la cen40 sure de 1277. La visée tacite et indirecte de ces deux cibles, qui dans la ___________________ 36 Cf. Quaestiones de perfectione evangelica, q. 1, éd. Aquilino Emmen, Feliciano Simoncioli, dans : Studi francescani 60 (1963), pp. 402–445 et Burr (note 1), pp. 92–93. 37 Cf. De studio, p. 28 : Sapientia christiana, secundum Dionysium in libro de mystica theologia et secundum Apostolum I Ad Corinthios 2, 6–9, potius consistit in spirituali gustu quam in rationali aspectu seu actu. 38 Le terme philosophantes, souvent utilisé par Olivi pour désigner de manière négative les théologiens « qui se mêlent de philosophie » ou qui ont des prétentions philosophiques, apparaît déjà dans les années 1240 chez Hugues de St. Cher : cf. Bataillon (note 14), p. 451. 39 Que l’on songe, par exemple, au traité ‹De summo bono› de Boèce de Dacie, rédigé vers 1270, et aux écrits publiés par Lafleur, Claude, Quatre introduce tions à la philosophie du XIII siècle. Textes critiques et étude historique, Montréal/Paris 1988. 40 Cf. Piché, David, La condamnation parisienne de 1277 (Sic et non), Paris 1999, p. 92 et p. 122.

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perspective du projet d’Olivi personnifient autant de dangers, pourrait expliquer l’emphase polémique de la pars destruens du ‹De perlegendis›. La révision de la philosophie préconisée par Olivi exige donc de ne pas lui accorder une valeur normative et d’être capable de s’en émanciper pour la dépasser dans une sagesse authentiquement chrétienne. Dans cette optique, chez Olivi comme chez Bonaventure la philosophie est 41 envisagée comme une ancilla , mais alors que pour Bonaventure elle est 42 ancilla theologiae , pour Olivi elle est davantage au service de la religion 43 et de la sapientia christiana . À partir de là, l’idéal de la sagesse chrétienne peut légitimement intervenir comme instance critique dans l’approche de la philosophie païenne et dans l’élaboration d’un savoir alternatif. Cet idéal dicte l’attitude d’Olivi face à la philosophie « de ce monde », une attitude qui consiste dans la reconnaissance de sa part de vérité et d’utilité (même pour le théologien), mais dans la conscience vive de ses limites et dans un esprit critique qui produit une forte relativisa44 tion de toute autorité et de tout savoir.

___________________ 41 Cf. Burr (note 1), p. 74 et (note 3), p. 57. 42 Cf. De reductione artium ad theologiam, § 26 : Omnes scientiae famulantur theologiae. 43 Dans les textes que nous avons examinés, Olivi oppose toujours la philosophie en tant que sagesse du monde à la sagesse chrétienne, et non à la théologie. 44 Cette attitude est synthétisée dans le texte suivant : Nota quod sapientia mundi habet quaedam simpliciter falsa et erronea, et haec simpliciter reiciuntur a sapientia Christi. Quaedam vero habet de se vera, sed praesumptuose et pompose et verbose ad malum finem assumpta, et hoc non in quantum vera sed quoad vitia sibi adiuncta reicitur. In quantum enim vera, assumitur ut ancilla, non ut domina, et ut lumen obscurum et insufficens ad ducendum ad vitam aeternam (Super I ad Corinthios, éd. D. Flood, G. Gál (note 16), p. 357). Les limites propres à la démarche philosophique avaient d’ailleurs été reconnues et fixées sur le plan institutionnel dans le statut de la Faculté des Arts de l’université de Paris de 1272, qui interdisait à ses maîtres de determinare seu disputare [… ] aliquam quaestionem pure theologicam : cf. Pluta, Olaf, Persecution and the Art of Writing. The Parisian Statute of April 1, 1272, and Its Philosophical Consequences, dans : Chemins de la pensée médiévale. Études offertes à Zénon Kaluza, éd. Paul J.J.M. Bakker, Brepols 2002, pp. 563–585.

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Il n’en demeure pas moins que la philosophie « mondaine » est une 45 « lumière » – une lumière « obscure », mais une lumière tout de même – que le franciscain a pris très au sérieux et avec laquelle il a dialogué de e manière intense, notamment dans ses ‹Questions sur le II livre des Sen46 tences›. Dans cette œuvre, d’une densité philosophique remarquable, Olivi discute, corrige et soumet à révision bon nombre de notions et de 47 doctrines philosophiques, qu’il réélabore de manière tout à fait personnelle pour en faire un instrument adéquat à la sagesse chrétienne. Par ce travail, il a dépassé la dimension critique du ‹De perlegendis› dans la mise en place d’une « autre philosophie », non plus fondée empiriquement, mais basée sur des « principes spirituels » conformes à la sagesse chré48 tienne. En parfaite cohérence avec le projet de réforme de la culture de ___________________ 45 Le thème de la philosophie (aristotélicienne) qui « obscurcit » le « soleil » de la sagesse chrétienne – déjà présent chez Bonaventure – émerge aussi dans le commentaire d’Olivi sur l’‹Apocalypse›, où la métaphore du « puits abyssal » indique la « chute » des théologiens trop attachés à la philosophie aristotélicienne, qui « obscurcit » précisément la sagesse chrétienne : cf. Tullio, Gregory, Escatologia e aristotelismo nella scolastica medievale, dans : Mundana sapientia. Forme di conoscenza nella cultura medievale, Roma 1992, pp. 170– 171. Pierre de Trabibus, disciple d’Olivi, développe aussi le thème de la philosophie comme « lumière obscure » ; d’une manière générale, la conception de la philosophie de cet auteur confirme la lecture d’Olivi proposée dans ces pages : cf. Huning, Hildebert Alois, Die Stellung des Petrus de Trabibus zur Philosophie, dans : Franziskanische Studien 47 (1965), pp. 19–26. 46 Que l’on considère, par exemple, les questions sur le problème de la matière : Pierre de Jean Olivi, La matière. Textes introduits, traduits et annotés par Tiziana Suarez-Nani, Catherine König-Pralong, Olivier Ribordy et Andrea Robiglio (Translatio. Philosophies médiévales) Paris 2009, et les contributions de Anna Rodolfi et de Antonio Petagine dans ce volume. 47 Un des domaines dans lequel cette révision a été particulièrement significative est celui de l’angélologie : cf. Suarez-Nani, Tiziana, Pierre de Jean Olivi et la subjectivité angélique, dans : Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Age 70 (2003), pp. 233–316 ; Piron (note 10), pp. 29–44. 48 Chez Olivi, l’exigence d’une « autre philosophie », d’une autre manière d’envisager les problèmes, apparaît dans presque toutes les questions qu’il a traitées : à titre d’exemple, signalons qu’une étude récente a montré la nécessité pour le franciscain de construire une « logique de la foi différente de celle d’Aristote » dans la discussion du problème de la pluralité des mondes : cf. Rodolfi, Anna, Pluralità dei mondi, spazio e onnipotenza divina in Pietro di Giovanni Olivi, sous presse dans : Memorie domenicane 2010 (nous remer-

La sagesse chrétienne comme instance critique en philosophie

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e

son temps, dans les ‹Questions sur le II livre des Sentences› Olivi va 49 prolonger et concrétiser l’intention du ‹De perlegendis› , en faisant œuvre de « philosophe (et non seulement de franciscain) spirituel » pour élaborer une philosophie alternative à celle du « philosophe animal ».

___________________ cions Anna Rodolfi de nous avoir mis à disposition sa contribution avant sa parution). 49 François-Xavier Putallaz, entre autres, relève qu’« il n’y a pas de contradiction entre les déclarations explicites d’Olivi sur la vanité de la philosophie et la place considérable qu’il réserve aux discussions proprement philosophiques » (cf. Putallaz (note 10), p. 158).

Petrus Ioannis Olivi ‹De perlegendis Philosophorum libris› ed. F. M. Delorme, Antonianum 1941 (XVI), pp. 37–44

Comment il faut lire les œuvres des philosophes Catherine König-Pralong, Olivier Ribordy, Tiziana Suarez-Nani (Fribourg)

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Olivi, De perlegendis Philosophorum libris

Stultam fecit Deus sapientiam hujus mundi (I Cor. 1, 20) 1. Ut sciamus quali modo intrandum sit ad perlegendos Philosophorum libros, occurrit praedictum Apostoli verbum docens nos quatuor, quae sunt in mundana philosophia praecipue attendenda, scilicet falsitas erroris, veritas rationis, vanitas traditionis, particularitas seu modicitas perscrutationis. Ex falsitate erroris potest merito dici stulta, ex veritate rationis potest qualitercumque dici sapientia, ex vanitate traditionis potest dici sapientia mundi seu mundana vel temporalis potius quam divina et caelestis, ex particularitate perscrutationis debet dici mundi hujus, quod est pronomen particulare faciens demonstrationem ad sensum.

2. Nec mirum si mundana philosophia talis est, quia auctores ejus tales fuerunt. Habuerunt enim aliquid de lumine naturalis intelligentiae, et ideo potuerunt aliquid veritatis scribere. Habuerunt tamen illud cum obtenebratione originalis culpae et actualis maculae, ex quo multum falsitatis habuerunt veritati immiscere; habuerunt etiam in modica quantitate et multa materialitate, et ideo particulariter habuit eorum perscrutatio in veritate intrare; habuerunt etiam illud sine lumine fidei et divinae gratiae seu amicitiae, et ideo habuerunt vanitati deservire. Et quia in his sensibiliter abundabant, ideo Aristoteles, II Metaphysicae,1 coactus est dicere quod oculus eorum se habebat ad manifestissima naturae sicut oculus noctuae ad solem; propter quod, ut ibidem dicit, consideratio veritatis fuit eis in majori parte difficilis, et ideo primi philosophantes a principio de veritate modicum tradiderunt.

3. Quoniam igitur haec philosophia est stulta, ideo perlegenda est caute. Quia vero est aliqua scintilla veritatis fulcita, ideo perlegenda est discrete. Quia vero est vana, ideo perlegenda est transitorie seu cursorie utendo ea ut via, non ut fine seu ut termino. ‹38› Quia autem est modica et quasi puerilis seu paedagogica, ideo legenda est dominative, non serviliter: 1

Cap. I, text. 2.

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Dieu a frappé de folie la sagesse de ce monde. (I Cor., 1, 20) 1. Afin que nous sachions de quelle manière il faut s’engager dans la lecture des œuvres des philosophes, le mot de l’Apôtre cité en exergue nous enseigne quatre aspects de la philosophie mondaine auxquels il faut être particulièrement attentif: la fausseté de l’erreur, la vérité de la raison, la vanité de la tradition, et la nature partielle ou modique de telles recherches. En raison de la fausseté de l’erreur, la philosophie peut à bon droit être dite ‹insensée›; en vertu de la vérité de la raison, elle peut être dite ‹sagesse› de quelque manière; compte tenu de la vanité de la tradition, elle peut être dite ‹sagesse du monde› ou ‹mondaine› et temporelle plutôt que divine et céleste; en raison de la nature fragmentaire de ses recherches, elle doit être dite de ‹ce› monde – ‹ce› étant un pronom particulier qui indique cette signification. 2. Rien d’étonnant si la philosophie mondaine est ainsi, car ses auteurs le furent aussi. Ils possédèrent en effet une parcelle de la lumière de l’intelligence naturelle et purent donc mettre par écrit quelque parcelle de la vérité. Ils la possédèrent cependant dans les ténèbres du péché originel et de la souillure actuelle et mêlèrent donc beaucoup de fausseté à la vérité; ils la possédèrent aussi en quantité modique et grevée de beaucoup de matérialité, c’est pourquoi leurs recherches ne pouvaient accéder à la vérité que de manière fragmentaire; ils la possédèrent enfin sans la lumière de la foi et de la grâce ou de l’amitié divine, et en vinrent ainsi à servir la vanité. Comme ils abondaient sensiblement en ces choses, Aristote fut obligé de dire, dans le deuxième livre de la ‹Métaphysique›,1 que leur œil était vis-àvis des choses les plus manifestes de la nature comme l’œil de la chauvesouris face au soleil. C’est pourquoi, dit-il encore à cet endroit, la saisie de la vérité leur fut en majeure partie difficile et, dès le début, les premiers philosophes n’ont transmis qu’une petite part de vérité. 3. Puisque cette philosophie est insensée, il faut la lire avec précaution. Puisqu’elle est dotée de quelque étincelle de vérité, il faut la lire avec discernement. Comme elle est cependant vaine, il faut la lire en passant, de manière cursive, et s’en servir à la manière d’une voie sans en faire une fin ou un terme. Et comme elle est modique, pour ainsi dire enfantine ou pro1

Aristote, Métaphysique, II, 1, 993b9.

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debemus enim ejus esse judices potius quam sequaces. Unde Augustinus, II De doctrina christiana, circa finem,2 dicit: Quam ob rem videtur mihi studiosis et ingeniosis adolescentibus et timentibus Deum beatamque vitam quaerentibus salubriter praecipi, ut nullas doctrinas, quae praeter Christi Ecclesiam excercentur tamquam ad beatam vitam expascendam, secure sequi audeant, sed eas sobrie diligenterque dijudicent; et, si quas invenerint ab hominibus institutas, varias propter diversam voluntatem instituentium et ignotas propter suspiciones errantium, maxime si habent etiam cum daemonibus initam societatem per quarumdam significationum quasi quaedam pacta atque conventa, repudient penitus et detestentur.

4. Si autem vis intueri quando est stulta et falsa, attende quod ipsa habet falsitatem in principiis in quibus innititur, in rationibus quibus deducitur, in conclusionibus quas prosequitur. Et haec tria ita simul ostendit Apostolus, Col. 2, 8, dicens: Videte ne quis vos seducat per philosophiam et inanem fallaciam secundum traditionem hominum, secundum elementa hujus mundi, et non secundum Christum. Quia enim vidit eam habere falsas conclusiones, ideo ait: Videte ne quis vos seducat; quia vero vidit ejus falsas rationes, ideo ait: per inanem fallaciam; quia vero ejus principia, ideo ait: secundum elementa hujus mundi: principia enim hujus sumuntur a sensu et a sensibilibus elementis. Horum autem trium defectuum causa fuit, quia non est secundum Christum.

5. De stultitia principiorum potest accipi illud Apostoli, I Cor. 2, 14: Animalis homo non percipit ea, quae sunt Spiritus Dei: stultitia enim est illi: et non potest intelligere, quia spiritualiter examinatur. Principia enim veritatis spiritualissima sunt et abstractissima, quae animalis homo non potuit percipere, quia eorum examinatio seu experientia non est sensualis, sed potius spiritualis: et haec est causa quare verbum quidem crucis pereuntibus stultitia est, prout in praecedenti capitulo habetur,3 quia crux mortificando sensus hujus vitae ‹39› veritatem habet in se spiritualissimam et incomprehensibilem omni philosopho animali. Propter quod Prov. 22, 15 optime dicitur: Stultitia alligata est in corde puerili et virga disciplinae fugabit eam. Pueri enim sunt, qui solis sensibus vacant; teste etiam 2 3

Cap. 39, n. 58; PL 34, 62. [ajout par P. Vian: CC 32, 72] I Cor. 1, 18.

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pédeutique, il faut la lire en maître, non en esclave: nous devons en effet être ses juges plutôt que ses disciples. C’est pourquoi Augustin dit vers la fin du deuxième livre de ‹La doctrine chrétienne›:2 Raison pour laquelle il me semble sain de prescrire aux jeunes gens studieux et doués, craignant Dieu, en quête de la vie heureuse, de ne s’aventurer à placer leur confiance dans aucun des enseignements qui se pratiquent en dehors de l’Église du Christ pour rechercher la vie heureuse, mais de les évaluer sobrement et attentivement; et s’ils en découvraient qui furent institués par des hommes, variant au gré de la volonté labile de leurs auteurs et obscurs en raison des doutes de ceux qui errent, surtout s’ils entretiennent un commerce avec les démons, instauré au moyen de certains pactes et conventions de signes, qu’ils les répudient tout à fait et les détestent.

4. Si tu veux cependant voir à quel point elle est insensée et fausse, considère qu’elle est grevée de fausseté dans les principes sur lesquels elle se fonde, dans les arguments qui la constituent, dans les conclusions qu’elle cherche à atteindre. L’Apôtre vise ces trois aspects simultanément lorsqu’il dit dans la deuxième ‹Épître aux Colossiens›, 2, 8: « Prenez garde qu’il ne se trouve quelqu’un pour vous détourner par la philosophie et quelque vain sophisme, selon une tradition toute humaine, selon les réalités du monde et non selon le Christ. » Voyant que la philosophie recèle des conclusions fausses, il dit en effet: « Prenez garde qu’il ne se trouve quelqu’un pour vous détourner »; voyant ses arguments fallacieux, il dit: « par quelque vain sophisme »; considérant ses principes, il dit: « selon les réalités du monde »: ses principes se tirent en effet de la sensation et des choses sensibles. La cause de ces trois défauts était qu’elle « n’est pas selon le Christ ». 5. Au sujet de la folie des principes de la philosophie, on peut invoquer ce verset de l’Apôtre tiré de la première ‹Épître aux Corinthiens›, 2, 14: « L’homme animal ne perçoit pas les choses qui relèvent de l’Esprit de Dieu: à ses yeux elles sont folie qu’il ne peut intelliger, car elles sont discernées spirituellement. » Les principes de la vérité sont en effet très spirituels et très abstraits; l’« homme animal » ne peut les percevoir, car leur discernement ou leur expérience concrète n’est pas sensorielle, mais plutôt spirituelle. Telle est la raison pour laquelle « le verbe de la croix est » certes « folie pour ceux qui sont perdus », comme il est dit dans le chapitre précédent (I Cor., 1, 18), car la croix, en mortifiant les perceptions de cette 2

Augustin d’Hippone, La doctrine chrétienne, chapitre 39, n. 58, dans : Œuvres de saint Augustin, t. 11/2, Texte critique du CCL, revu et corrigé. Introduction et traduction de Madeleine Moreau, Paris 1997, p. 222.

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Aristotele, in fine Posteriorum4 et plerisque aliis locis, principia eorum sumebantur a sensu et ab experientia sensuum; unde dicit quod « principia cognoscimus in quantum terminos, terminos autem non apprehendimus nisi per sensum ». Hanc autem stultitiam virga crucis fugat docens nos sumere principia fidei, quae sunt supra sensum.

6. De stultitia rationum potest illud accipi Thren. 2, 14: Prophetae tui viderunt tibi falsa, nec aperiebant tibi iniquitatem tuam ut te ad poenitentiam provocarent, viderunt tibi assumptiones falsas et ejectiones. Cum enim assumptio fiat in propositione majori a qua fit ejectio, ideo eligendo terminum qui nobis videtur conveniens rejicimus terminos inconvenientes. Sed prophetae Baal haec falsa viderunt; unde aperire non potuerunt corruptionem humani generis neque secundum corpus neque secundum animam. Haec sunt vasa pastoris stulti, de quibus Zach. 11, 15. Stultus factus est omnis homo in scientia sua, confusus omnis homo artifex in sculptili, quoniam falsum est quod conflavit et non est spiritus in eis, prout habetur Jerem. 10, 14: Stultus factus est omnis homo in scientia sua.

7. De falsitate vero conclusionum potest sumi illud Apostoli, Rom. I°, 21–22: Obscuratum est insipiens cor eorum: dicentes enim se esse sapientes stulti facti sunt, ubi de philosophis mundi expresse loquitur. Ex quo immediate ostendit eos cecidisse in tria genera conclusionum pessimarum et falsissimarum quoad Deum et in tria alia quoad seipsos. Nam, sicut dicit, mutaverunt cultum divinae majestatis in cultum creatae imaginationis et cultum aeternae veritatis in cultum mendosi idoli et cultum seu gustum aeternae bonitatis in sensum reprobum5 omnis mali. Hae sunt conclusiones erroneae quoad Deum secundum ejus tria appropriata, quas consecutae sunt tres aliae quoad seipsos, sicut patet ibidem.

4 5

Lib. II, cap. 11, text. 7 et 9. Rom. 1, 28.

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vie, recèle une vérité des plus spirituelles, inaccessible à tout philosophe animal. C’est pourquoi le ‹Proverbe›, 22, 15 dit de manière excellente: « La folie est ancrée au cœur de l’immature et le bâton de la discipline la mettra en fuite. » Sont en effet des enfants ceux qui ne se fient qu’aux sensations; selon le témoignage d’Aristote aussi, à la fin des ‹Analytiques postérieurs›3 et en bien d’autres lieux, les philosophes tiraient leurs principes de la sensation et de l’expérience des sens; c’est pourquoi, dit-il, « nous connaissons les principes en tant que termes, mais nous ne connaissons les termes que par la sensation ». Or cette folie, le « bâton » de la croix la « met en fuite », nous enseignant à adopter les principes de la foi, qui sont au-dessus des sens. 6. Relativement à la folie des arguments de la philosophie, on peut invoquer ce verset des ‹Lamentations›, 2, 14: « Tes prophètes ont eu pour toi des visions fallacieuses; ils ne t’ont pas révélé ta faute pour t’inciter à la pénitence; ils t’ont servi des thèses fallacieuses et à rejeter. » En effet, puisqu’une thèse se présente sous la forme d’une prémisse majeure de laquelle procède une exclusion, nous rejetons les termes incompatibles du fait même de choisir le terme qui nous paraît convenir. Mais les prophètes de Baal ont pris en considération ces thèses fallacieuses; c’est pourquoi ils ne purent dévoiler la corruption du genre humain, ni selon le corps, ni selon l’âme. Tels sont les « bagages du pasteur insensé » dont parle ‹Zacharie›, 11, 15. En ‹Jérémie›, 10, 14, on lit: « Tout homme est devenu insensé dans sa science, tout artisan confus de son idole, car ce qu’il a fondu est fallacieux; nul souffle là-dedans. Tout homme est devenu insensé dans sa science. » 7. Quant à la fausseté des conclusions, on peut produire ce mot de l’Apôtre dans sa ‹Lettre aux Romains›, I, 21–22: « Leur cœur plein de déraison s’est enténébré: prétendant être sages ils sont devenus insensés », où il est expressément question des philosophes de ce monde. Dans la suite immédiate de ce passage, l’Apôtre montre que les philosophes ont chu dans trois genres de conclusions détestables et complètement fausses relatives à Dieu, ainsi que dans trois autres conclusions relatives à euxmêmes. Comme il le dit, ils ont en effet changé le culte de la majesté divine en culte d’une image créée, le culte de la vérité éternelle en culte d’une idole trompeuse, et le culte ou le goût de la bonté éternelle « en inclination réprouvée » pour tout mal. Telles sont les conclusions erronées relatives à Dieu, selon ses trois propriétés; elles sont suivies de trois autres conclusions concernant ces hommes eux-mêmes, comme on le découvre au même endroit. 3

Aristote, Analytiques postérieurs, I, ch. 3, 72b24–26.

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8. Si autem vis intueri quid habeat in se sapientiae et veritatis, attende quod habet sapientiam rationis in materia seu subjecto et forma seu modo et in fine proximo, et ita ‹40› habet sapientiam quantum ad tria opera sapientis seu sapientialis habitus, qui, ut traditur Ethicorum VI,6 considerat altissima, utilissima et certissima, et hoc certissime et perfectissime.

9. Habet quidem aliquid veri in suo subjecto, quoniam non accipit non entia pro subjecto, sed potius ens cum partibus suis. Et quoniam ad veritatem scientiae concurrit veritas subjecti vel objecti et modus intellectus nostri, idcirco divisionem scientiarum et substantiarum partim acceperunt secundum divisionem entis perfecti, partim secundum modum nostrae apprehensionis. Unde quia viderunt quoddam esse ens non a nobis, quoddam vero esse ens nostrae rationis, quoddam vero esse ens nostrae voluntatis et actionis, idcirco diviserunt scientias in realem, rationalem seu sermocinalem et in practicam, reales attribuentes quadrivio, sermocinales trivio, practicas vero metaphysicis et ethicis seu politicis. Et quoniam circa res noster intellectus triplici gradu ascendit: quaedam enim apprehendit per adjutorium sensibilium qualitatum, quaedam vero per adjutorium imaginabilium quantitatum, quaedam vero per speciem intelligibilium quidditatum, seu quaedam apprehendit cum motu et quantitate, quaedam sine motu et cum quantitate, quaedam vero sine utroque, ideo scientias reales seu speculativas diviserunt in naturalem, mathematicam, metaphysicam seu divinam. Quoniam etiam ens rationis fuit circa inventionem veri, congrui et persuasivi, ideo diviserunt scientias rationales seu sermocinales in grammaticam, quae insistit circa inventionem congrui sermonis, in logicam, quae insistit circa inventionem et dijudicationem syllogismi verisimilis, et in rhetoricam simul et poëticam, quae insistunt circa inventionem syllogismi persuasivi et attractivi per locos rhetoricos et per tropos figurales et poëticos. Quia autem ens nostrae voluntatis et actionis videtur versari principaliter circa tria, videlicet circa animam, circa corpus vitale seu circa corporis vitam et circa exteriorem materiam, ideo practicam diviserunt in ethicam seu politicam et in medicinam seu curativam et in metaphysicam.

6

Cap. 7.

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8. Si tu veux maintenant discerner combien la philosophie possède de sagesse et de vérité, considère qu’elle possède la sagesse de la raison dans la matière ou le sujet, dans la forme ou le mode, ainsi que dans sa finalité prochaine; elle possède donc la sagesse relativement aux trois activités du sage ou de l’habitus de sagesse qui, comme l’enseigne le livre VI des ‹Éthiques›, contemple les choses les plus hautes, les plus utiles et les plus certaines, et cela de manière très certaine et très parfaite.4 9. Elle possède certainement quelque chose de vrai dans son sujet, car elle ne prend pas des non-étants pour sujets, mais plutôt l’étant avec ses parties. Et puisque la vérité du sujet ou de l’objet ainsi que la mesure de notre intellect contribuent à la vérité de la science, les philosophes ont subdivisé les sciences et les substances en partie selon la division de l’étant parfait, en partie selon la mesure de notre compréhension. C’est pourquoi, ayant constaté qu’il y a un certain étant qui ne dépend pas de nous, un autre qui est produit par notre raison, alors qu’un autre encore est produit par notre volonté et notre action, ils ont subdivisé les sciences en réelle, rationnelle ou du discours, et pratique, et ont attribué les sciences réelles au quadrivium, les sciences du discours au trivium, les sciences pratiques aux domaines métaphysique et éthique ou politique. D’autre part, puisque notre intellect accède aux choses en trois étapes – il connaît en effet certaines choses à l’aide de qualités sensibles, d’autres à l’aide de quantités imaginables, d’autres par l’espèce des quiddités intelligibles, il en connaît d’autres encore avec le mouvement et la quantité, d’autres sans mouvement mais avec la quantité, et d’autres enfin sans aucune des deux –, pour cette raison, ils ont subdivisé les sciences réelles ou spéculatives en naturelle, mathématique et métaphysique ou divine. Par ailleurs, puisque l’être de raison concernait l’invention du vrai, du congru et du persuasif, ils ont divisé les sciences rationnelles ou du discours en grammaire, qui s’occupe de l’invention d’un discours congru, en logique, qui s’occupe de l’invention et du jugement du syllogisme vraisemblable, et en rhétorique ainsi qu’en poétique, qui concernent l’invention du syllogisme persuasif et attractif au moyen des lieux rhétoriques et des tropes figuratifs et poétiques. Et puisque l’étant produit par notre volonté et notre action semble concerner principalement trois choses, à savoir l’âme, le corps vivant ou la vie du corps, et la matière extérieure, de ce fait ils ont subdivisé la science pratique en éthique ou politique, en médecine ou curative et en métaphysique.

4

Aristote, Éthique à Nicomaque, VI, 1141a12–25.

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10. Habet etiam sapientiam in forma seu modo, quoniam procedit ordinate quantum ad materias, nam primo scilicet tradendo generales, deinde speciales, primo tradendo nobis notiores, deinde occultiores ‹41›. Procedit etiam probative seu ratiocinative probando in pluribus per causas aut per effectus vel signa aut per deductionem aut manifesta inconvenientia et impossibilia aut per inductionem experimentorum singularium ad colligenda inde universalia. Procedit etiam suppositive seu enuntiative, supponendo scilicet et assumendo prima et per se nota principia.

11. Habet etiam aliquid sapientiae in fine proximo, qui in speculativis est contemplatio realis veritatis, in sermocinalibus vero formatio debiti sermonis et idonei vel, ut altius et subtilius loquamur, debita regulatio actus nostrae rationis, quoniam per eas docemur artem debite exprimendi et ratiocinandi; in practicis vero est utilitas humani regiminis quantum ad hanc vitam.

12. Attende autem quod in omnibus istis sic habet aliquid veritatis et utilitatis, quod multam habet admixtionem falsitatis et damnositatis. Propter quod Apostolus, I Cor. 1, 21, dicit: Quia non cognovit mundus in Dei sapientia per sapientiam Deum, placuit Deo per stultitiam praedicationis salvos facere credentes; ubi sic dicit eam habere sapientiam et in tantum quod vocat eam Dei sapientiam, quod tamen quoad speculativas deficit in principali fine, qui est contemplatio Dei perfecta, et consimiliter quoad practicas, qui est perfecta curatio et provisio humanae salvationis.

13. Si autem vis attendere ejus vanitatem, quod expresse tangit Apostolus, ad Rom. I, 21: Quia, cum cognovissent Deum, non sicut Deum glorificaverunt aut gratias egerunt, sed evanuerunt in cogitationibus suis etc., attende quod ipsi tradiderunt vane, tum quia cum ausu temerario et praesumptuoso, absque scilicet ducatu debito supremi magistri, tum quia cum modo curioso et fastuoso, quia scilicet non aspexerunt simplicitatem divini eloquii, tum quia intentione et fine infructuoso, immo et odioso, quia non posuerunt visionem Dei nec participationem caritatis et gratiae

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10. La philosophie possède également la sagesse dans sa forme ou mode, car elle procède de manière ordonnée quant aux matières, en transmettant premièrement les matières générales, ensuite les spéciales, en livrant premièrement les plus connues pour nous, ensuite les plus cachées. Elle procède également de manière probatoire ou rationnelle, en démontrant en plusieurs matières, soit par les causes, soit par les effets ou les signes, soit par déduction, soit par la manifestation d’incongruités ou d’impossibilités, ou encore par induction à partir d’expériences particulières afin de recueillir des données universelles. Elle procède également par supposition ou hypothèse, c’est-à-dire en supposant et en adoptant les principes premiers et connus par soi. 11. La philosophie possède également quelque chose de la sagesse en relation à la finalité prochaine, qui dans les sciences spéculatives est la contemplation de la vérité réelle; dans les sciences du discours, c’est la formation d’un discours approprié et idoine, qui permette de parler de manière plus élevée et subtile, ainsi que la régulation adéquate de l’acte de notre raison, car par ces sciences nous apprenons l’art de nous exprimer et de raisonner comme il se doit; dans les sciences pratiques, c’est l’utilité du gouvernement humain quant à la vie présente. 12. Mais considère qu’en toutes ces choses la philosophie possède une part de vérité et d’utilité, avec cependant un grand mélange de fausseté et de préjudice. Pour cette raison, l’Apôtre, dans la première ‹Lettre aux Corinthiens›, 21 a dit: « Puisqu’en effet le monde, par le moyen de la sagesse, n’a pas reconnu Dieu dans la sagesse de Dieu, c’est par la folie du message qu’il a plu à Dieu de sauver les croyants »; où il dit qu’elle possède certes de la « sagesse », et de ce fait il l’appelle « sagesse de Dieu », mais qu’elle est défective quant à la finalité première, qui en ce qui concerne les sciences spéculatives réside dans la parfaite contemplation de Dieu; il en va de même quant aux sciences pratiques, où la finalité consiste en le soin parfait et la prévoyance du salut de l’homme. 13. Si tu veux te rendre compte de la vanité de la philosophie, explicitement formulée par l’Apôtre, dans la ‹Lettre aux Romains›, I, 21: « puisque, ayant connu Dieu, ils ne lui ont pas rendu gloire ou actions de grâce comme à un Dieu, mais ils ont perdu le sens dans leurs raisonnements », etc., considère qu’ils ont transmis la sagesse en vain, car, d’une part, ils l’ont fait de manière téméraire et présomptueuse, sans la conduite du maître suprême, d’autre part avec curiosité et orgueil, car ils n’ont pas regardé la simplicité de la parole divine, et enfin dans une intention et une finalité infructueuse

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ejus nec debitum cultum nec servitium ejus nec etiam vitationem offensae suae aut poenae; nihil autem sine istis potuerunt pro fine ultimo ponere quin esset infructuosum et odiosum. 14.

De primo potest accipi illud I Cor. 3, 18–20:

Nemo se seducat; si quis inter vos videtur esse sapiens in hoc saeculo, stultus fiat ut sit sapiens; sapientia enim hujus mundi stultitia est apud Deum; ‹42› scriptum est enim: Comprehendam sapientes in astutia eorum, et iterum: Dominus novit cogitationes hominum quoniam vanae sunt;

quoniam, sicut idem ait II Cor. 3, 5: Non quod sufficientes simus cogitare aliquid a nobis quasi ex nobis, sed sufficientia nostra ex Deo est. Quia ergo illi sine Dei magisterio ibant, ideo vane ambulabant.

15. Contra secundum vero, scilicet contra modum curiosum et fastuosum, docet nos Apostolus, I Cor. 1, 17: Non in sapientia verbi, ut non evacuetur crux Christi; et ideo cap. 2, 4–5, dicit se loqui non in persuasibilibus humanae sapientiae verbis, sed in ostensione spiritus et virtutis, ut fides nostra non sit in sapientia hominum, sed in virtute Dei. In doctrina autem Philosophorum verificatur illud Eccle. 6, 11: Verba sunt plurima multamque in disputando habentia vanitatem.

16. De tertio, scilicet fine vano, potest accipi quod dicitur Eccle. (1– 14): Vidi cuncta quae fiunt sub sole, et ecce universa vanitas et afflictio spiritus. Si enim non est alius finis ultimus quam ille quem ponit mundana philosophia, similiter stulto et sapienti cuncta evenient et moritur simul doctus et indoctus.7 Finis enim praecepti est caritas de corde puro et conscientia bona et fide non ficta, a quibus quidam aberrantes conversi sunt in vaniloquium, ut ait Apostolus, I Tim. 1, 5–6.

17. Si autem vis attendere perscrutationis eorum particularitatem et modicitatem, attende quantum est illud quod perscrutati sunt et de naturis 7

Eccle. 2, 16.

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– bien plus, odieuse même –, car ils n’ont pas admis la vision de Dieu, ni la participation à sa charité et à sa grâce, ni le culte dû, ni son service, ni la précaution d’éviter son offense ou la peine qui en résulte; or, sans tout cela, ils n’ont rien pu poser comme fin ultime qui ne fût infructueux et odieux. 14. Concernant le premier défaut, on peut invoquer le passage de la première ‹Lettre aux Corinthiens›, 3, 18–20: Que nul ne se dupe lui-même! Si quelqu’un parmi vous croit être sage dans le siècle, qu’il se fasse fou pour devenir sage; car la sagesse de ce monde est folie auprès de Dieu. Il est écrit en effet: Je prendrai les sages à leur propre astuce; et encore: Le Seigneur connaît les pensées des sages; il sait qu’elles sont vaines;

en effet, comme il le dit dans la deuxième ‹Lettre aux Corinthiens›, 3, 5: « Ce n’est pas que de nous-mêmes nous soyons capables de revendiquer quoi que ce soit comme venant de nous; non, notre capacité vient de Dieu. » Par conséquent, puisque les philosophes procédaient sans le magistère de Dieu, ils ont cheminé vainement. 15. Contre le deuxième défaut, c’est-à-dire contre la curiosité et l’orgueil, l’Apôtre nous apprend, dans la première ‹Lettre aux Corinthiens›, 1, 17: « sans la sagesse du langage, pour que ne soit pas réduite à néant la croix du Christ »; c’est pourquoi, au chapitre 2 (4–5), il dit ne pas parler « au moyen des discours persuasifs de la sagesse humaine, mais en manifestant l’esprit et la puissance, pour que notre foi reposât non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu ». Or, dans la doctrine des philosophes on constate ce qui est dit au passage de l’‹Ecclésiaste›, 6, 11: « Plus il y a de paroles, plus il y a de vanité ». 16. Quant au troisième défaut, c’est-à-dire la finalité vaine, on peut adopter ce que dit l’‹Ecclésiaste›, 1, 14: « J’ai regardé toutes les œuvres qui se font sous le soleil: eh bien, tout est vanité et affliction de l’esprit ». En effet, s’il n’y a pas d’autre finalité ultime que celle que propose la philosophie mondaine, tout adviendra de la même manière pour l’insensé et pour le sage et « le sage meurt bel et bien avec l’insensé ». En effet, « cette injonction ne vise qu’à promouvoir la charité qui procède d’un cœur pur, d’une bonne conscience et d’une foi sans détours. Pour avoir dévié de cette ligne, certains se sont fourvoyés en un creux verbiage », comme le dit l’Apôtre dans la première ‹Lettre à Timothée›, 1, 5–6. 17. Si tu veux te rendre compte de la partialité et de la faiblesse de leurs investigations, considère leurs enquêtes au sujet de la nature des choses, des règles du discours et des arguments, ainsi que des coutumes de la volonté.

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rerum, de legibus sermonum et argumentorum, de moribus voluntatum. Circa naturas enim rerum videbis quod parum est id quod invenerunt de corporali natura, minus quod de rationali seu humana, minimum quod de intellectuali et separata. 18. De corporali natura nihil dixerunt nec dicere pot(u)erunt nisi per quaedam eorum exteriora accidentia et sub sensu exteriori cadentia et multiplici experimento notata. Unde de differentiis et formis specialibus rerum nihil in speciali certum et proprium tradiderunt. Unde Aristoteles, in fine Metheororum,8 dicit quod « differentiae rerum specificae sunt nobis occultae ». De corporibus et corporum partibus et proprietatibus, quae omnino latent sensus nostros, nihil certum in speciali dicere potuerunt. De his etiam quae, quamvis omnino non lateant, tamen, quia propter eorum distantiam aut tardam ‹43› experientiam modicum aut nullum judicium potuerunt habere, modicum et quasi nihil certum tradiderunt. Unde de proprietatibus et actionibus corporum superiorum et de impressionibus factis in superiori regione aeris et in aliis locis semotis fere nihil per viam demonstrationis, modicum autem per viam probabilis rationis tradiderunt. Propter quod Augustinus de hujusmodi Philosophis dicit9 quod « de his quae scripserunt plura sunt opinati quam scientialiter certi, et in his quae opinati sunt multa falsa dixerunt », quia, sicut ipsemet Aristoteles in Topicis10 dicit, « multa falsa sunt probabiliora quibusdam veris ».

19. De natura vero rationali seu humana quam modicum sciverunt quantum ad animarum principium et initium verum et quantum ad veritatem et numerum suarum potentiarum! Perlegenti libros eorum et errores circa hoc varios satis patet quam modicum inde sunt perscrutati. Nec mirum, quia nec primordialem statum et initium humani generis etiam secundum corpus suum nec nostrae naturalis vitiositatis veritatem aut veram causam, et sic de multis aliis, quae in humano genere contigerunt, utpote de divisione linguarum et prima inhabitatione terrarum et consimilibus, nihil investigaverunt aut investigare potuerunt. 8 Lib. IV, cap. 7, text. 1–3. 9 Haec Augustini verba non datum est invenire. 10 Lib. VIII, cap. 4, text. 6.

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En effet, concernant la nature des choses, tu verras qu’ils ont découvert bien peu de la nature corporelle, moins encore de la nature rationnelle ou humaine, et très peu de la nature intellectuelle et séparée. 18. Ils n’ont rien dit au sujet de la nature corporelle et n’ont rien pu en affirmer, sinon de certains de ses accidents extérieurs, tombant sous le sens externe et objets d’expériences multiples. Dès lors, ils n’ont rien enseigné de particulièrement certain et approprié au sujet des différences et des formes spécifiques des choses. C’est pourquoi, à la fin des ‹Météorologiques›, Aristote dit que « les différences spécifiques des choses nous sont cachées ». Quant aux corps, à leurs parties et à leurs propriétés qui sont complètement inconnues de nos sens, ils n’ont rien pu en dire de particulièrement certain. Et même eu égard à celles qui n’étaient pas complètement inconnues, à cause de leur éloignement ou d’une connaissance empirique tâtonnante ils n’ont pourtant pu rendre qu’un jugement partiel, voire même aucun jugement, et n’ont enseigné que peu de choses et pour ainsi dire rien de certain. C’est pourquoi, au sujet des propriétés et des actions des corps supérieurs et au sujet des influences exercées dans la région supérieure de l’atmosphère et en d’autres lieux éloignés, ils n’ont presque rien enseigné par voie de démonstration, et peu par voie d’argumentation probable. Raison pour laquelle Augustin dit au sujet de tels philosophes que « parmi les choses qu’ils ont écrites, beaucoup ont été davantage conjecturées que sues de manière scientifique, et que dans les conjectures avancées, ils ont soutenu beaucoup de faussetés », car, comme l’admet Aristote lui-même dans les ‹Topiques›, « de nombreuses thèses erronées sont plus probables que certaines vérités ». 19. Combien modeste fut leur savoir au sujet de la nature rationnelle ou humaine, tant au sujet du principe et de la véritable origine des âmes qu’à propos de la vérité et du nombre de ses puissances! Celui qui parcourt leurs livres et les différentes erreurs qu’on y trouve, perçoit suffisamment la faiblesse de leurs enquêtes. Voilà qui n’est pas étonnant, car ils n’ont rien investigué ou pu investiguer, ni sur la condition primordiale et l’origine du genre humain, même selon son corps, ni sur la vérité ou la vraie cause de notre déchéance naturelle, ni sur beaucoup d’autres choses qui se sont produites dans le genre humain, comme la division des langues, la première habitation des terres ainsi que d’autres thèmes semblables.

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20. De substantia vero intellectuali separata minimum invenerunt. Unde Aristoteles, XI Metaphysicae,11 quasi pro magno credidit se probasse per motum orbium existentiam L. quinque motorum vel intelligentiarum. Omnes etiam proprietates, quas eis attribuunt, sunt ut plurimum erroneae, quia locuti sunt de eis quasi de quibusdam diis, sicut ex libro Proculi et ex libro De causis et ex libris Avicennae et Averroys et multis aliis aperte haberi potest. Et in Eccle. 3, 11 bene dictum est quod cuncta fecit Deus bona in tempore suo et mundum tradidit disputationi eorum, ut non inveniat homo opus quod operatus est Deus ab initio usque in finem; et cap. 1, 8: Cunctae, inquit, res difficiles, non potest homo eas explicare sermone; et paulo post: Ego Ecclesiastes proposui in animo meo quaerere et investigare de omnibus quae fiunt sub sole, hanc occupationem pessimam dedit Deus filiis hominum ut occuparentur in ea. Hujus autem modicitatis causa redditur Sap. 9, 14–17, ubi dicitur: Cogitationes mortalium timidae et incertae sunt providentiae nostrae; corpus ‹44› enim quod corrumpitur aggravat animam et terrena inhabitatio deprimit sensum multa cogitantem; et difficile aestimamus quae sunt in terra; quae in prospectu sunt invenimus cum labore, quae autem in caelis sunt quis investigabit? Sensum autem tuum quis sciet, nisi tu dederis sapientiam? etc.

21. Unde etiam de prima causa modicum veritatis sciverunt. Ut enim taceam de divinis personis et earum proprietatibus, quid ipsi sciverunt de Dei productione et consistentia, de potentia faciendi miracula et supernaturalia, de remunerante et ejus justitia et misericordia, de universali omnium etiam continentia qua omnibus praesentialiter et immediatissime adest, aut de potentia omnium creativa aut factiva aut conservativa? cum manifeste in omnibus his nihil fere nisi puros errores dixisse reperiantur, ut verum sit quod habetur Sap. 13, 1: Vani autem sunt homines, in quibus non subest scientia Dei, et de his quae videntur bona non potuerunt intelligere eum qui est, neque operibus attendentes agnoverunt quis esset artifex. Et infra 9: Si enim tantum potuerunt scire ut possent aestimare saeculum, quomodo hujus Dominum facilius non invenerunt?

11 Lib. XII, cap. 8, text. 7.

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20. Quant à la substance intellectuelle séparée, ils n’en ont appris que très peu. C’est pourquoi, au livre XI de la ‹Métaphysique›,5 Aristote a accordé beaucoup d’importance au fait d’avoir prouvé, par le biais du mouvement des sphères, l’existence de cinquante-cinq moteurs ou intelligences. Bien plus, toutes les propriétés qu’ils leur attribuent sont dans la plupart des cas erronées, car ils en ont parlé comme si elles étaient des dieux – ce qu’on peut clairement constater dans le livre de Proclus, dans le ‹Livre des Causes›, dans les livres d’Avicenne et d’Averroès ainsi que dans beaucoup d’autres. Et dans l’‹Ecclésiaste›, 3, 11 il est dit justement que « tout ce que Dieu a fait convient en son temps. Il a livré le monde à leur dispute pour que l’homme ne découvre pas l’œuvre réalisée par Dieu du commencement à la fin »; et au chapitre 1, 8: « Toutes les choses difficiles », dit-il, « l’homme ne peut les expliquer par des mots; et peu après : Moi, l’Ecclésiaste, [...] J’ai mis mon esprit à rechercher et à explorer tout ce qui se fait sous le ciel. C’est une mauvaise besogne que Dieu a donnée aux fils des hommes pour qu’ils s’y emploient ». La cause de cette petitesse est exposée au ‹Livre de la Sagesse ›, 9, 14–17, où il est dit: Car les pensées des mortels sont timides, et incertaines nos prévisions; un corps corruptible, en effet, appesantit l’âme, et cette habitation terrestre alourdit l’esprit agitant de nombreuses pensées. Aussi avons-nous peine à conjecturer ce qui est sur la terre et ce qui est à notre portée nous ne le trouvons qu’avec effort, mais ce qui est dans les cieux, qui le découvrira? Et ton dessein, qui le connaîtra, sans que tu ne lui donnes la Sagesse? etc.

21. C’est pourquoi ils n’ont également atteint qu’une petite part de vérité au sujet de la cause première. En effet, pour ne rien dire des personnes divines et de leurs propriétés, qu’ont-ils su de l’œuvre de Dieu et de sa consistance, de la capacité divine de faire des miracles et des choses surnaturelles, de sa justice rémunérative et de sa miséricorde, et même de sa contenance universelle par laquelle il est présent à tout intimement et immédiatement, ou encore de sa toute-puissance de création, de production ou de conservation? En toutes ces choses ils ont semblé n’avoir presque rien dit, si ce n’est de pures erreurs, pour que ce qui est rapporté au ‹Livre de la Sagesse›, 13, 1 soit vrai: Oui, vains par nature tous les hommes en qui ne se trouvait pas la science de Dieu, qui, en partant des biens apparents, n’ont pas été capables de connaître celui qui est, et qui, en considérant les œuvres, n’ont pas reconnu l’artisan. Et plus bas (13, 9): S’ils ont été capables d’acquérir assez de science pour pouvoir 5

Aristote, Métaphysique XII, 8, 1074a1–17.

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22. De sermocinali autem philosophia quid aut quantum invenerunt, nunc pertranseo, quia in ea minus quoad ea quae ad nostram fidem pertinent erraverunt. 23. Quid de moribus et de toto regimine hominum politico invenerunt, patet, quia falsam beatitudinem ac per consequens falsas virtutes nobis tradiderunt, ut taceam de redemptione et reparatione humani generis et de gratia Dei Salvatoris et de custodia angelica et de pugna contra daemones et eorum tentatione vincenda, de quibus nihil omnino veri sciverunt aut scripserunt? Nec mirum, quando omnes in cultu veri Dei sic turpiter erraverunt, ut cuncti pariter idololatriae deservirent. Unde et de cultu idolorum potius quam veri Dei multi libros multiplices conscripserunt. Unde Augustinus, VIII De civitate Dei, cap. 12: Tam Plato quam Aristoteles et ceteri plurimi philosophi « diis plurimis sacrificandum esse putaverunt »; et tamen in principio capituli dixerat12 quod isti prae ceteris « de uno Deo melius censerunt ».

12 PL 41, 237.

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jauger le monde, comment n’en ont-ils pas plus facilement découvert le Seigneur?

22. Mais pour ce qui est de la philosophie du discours, je ne m’attarde pas maintenant sur ce qu’ils ont trouvé et sur sa quantité, car ils se sont moins trompés en elle quant aux choses qui touchent à notre foi. 23. Qu’ont-ils découvert au sujet des mœurs et du gouvernement politique des hommes? Cela paraît clair, car ils nous ont enseigné un faux bonheur et par conséquent de fausses valeurs, pour ne rien dire de la rédemption et de la réparation du genre humain, de la grâce du Dieu Sauveur, de l’assistance angélique, de la lutte contre les démons pour vaincre leur tentation: de ces choses ils n’ont absolument rien su ou écrit de vrai. Et cela n’est pas étonnant, du moment où tous se sont si honteusement fourvoyés sur le culte du vrai Dieu qu’ils se sont tous également voués à l’idolâtrie. Ainsi, beaucoup d’entre eux ont rédigé d’innombrables livres sur le culte des idoles plutôt que sur le vrai Dieu. Raison pour laquelle, au livre VIII de la ‹Cité de Dieu›, au chapitre 12, Augustin a écrit ceci aussi bien Platon qu’Aristote et plusieurs autres philosophes « ont pensé qu’il fallait sacrifier à de nombreux dieux », bien qu’au début du chapitre, il avait affirmé que, parmi les autres, ceux-ci « avaient formulé un meilleur jugement sur le Dieu unique ».6

6

Augustin d’Hippone, La Cité de Dieu, livre VIII, chapitre XII, dans : Œuvres de saint Augustin, t. 34, Texte de la 4e édition de Bernhard Dombart et Alfons Kalb. Introduction générale et notes par Gustave Bardy, traduction de Gustave Combès, Paris 1959, p. 275.

Petrus Johannis Olivi. Impugnatio quorundam articulorum Arnaldi Galliardi, articulus 19 éd. Sylvain Piron (Paris)

I. Présentation Le court texte publié ci-dessous s’est trouvé subitement élevé en quelques années au rang de texte majeur de l’histoire de la philosophie 1 occidentale . Olivier Boulnois a été le premier à le mettre en avant, dans ‹Être et représentation›, en tant qu’exposé saisissant du rôle fondateur de 2 e la certitude subjective chez un auteur de la fin du XIII siècle . Alain de Libéra a surenchéri peu après, en faisant des mêmes passages le lieu de la 3 première formulation du sujet moderne . Cette célébrité soudaine imposait de rendre disponible l’intégralité d’un texte jusqu’à présent difficilement accessible. Il suffira seulement de quelques mots pour exposer son statut exact et sa provenance. À la suite d’une demande formulée par le chapitre général franciscain réuni à Strasbourg à la Pentecôte 1282, une enquête avait été menée sur ___________________ 1

2

3

Cette édition est initialement parue dans : Oliviana. Mouvements et e e dissidences spirituels, XIII –XIV siècles, 2 (2006), mis en ligne le 26 juin 2006. URL : http://oliviana.revues.org/index56.html. Des observations précieuses de Guy Guldentops, que je remercie, m’ont permis d’améliorer l’édition. Boulnois, Olivier, Être et représentation. Une généalogie de la métaphysique e e moderne à l’époque de Duns Scot (XIII –XIV siècles), Paris 1999, pp. 167– 174. de Libera, Alain, Sujet, dans : Vocabulaire européen des philosophies. Dictionnaire des intraduisibles, éd. Barbara Cassin, Paris 2004, pp. 1239– 1242. Pour ma part, j’ai proposé un aperçu plus général de ce thème dans L’expérience subjective chez Pierre de Jean Olivi dans : Généalogies du sujet. De saint Anselme à Malebranche, éd. Olivier Boulnois, Paris 2007, pp. 43– 54.

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les « opinions suspectes » défendues par des frères dans la province de 4 Provence . Pierre de Jean Olivi avait alors été dénoncé par son adversaire et rival, Arnaud Gaillard ; il avait lui-même répondu à cette attaque en pointant une trentaine de thèses défendues par son opposant, et cinq autres tenues par des personnages de moindre envergure. L’ensemble de ce texte est connu sous le titre de ‹Impugnatio XXXV articulorum›. Le conflit entre les deux jeunes théologiens durait depuis des années et portait sur une multitude de sujets. Chacun dénonçait des erreurs insupportables chez son adversaire en fonction de ses propres positions. L’aveuglement polémique est ici particulièrement frappant. Pierre reproche en effet à Arnaud d’avoir, dans sa question disputée ‹An scientia evacuetur in patria›, suivi Thomas d’Aquin en acceptant une théorie de la connaissance de provenance aristotélicienne qui conduit à affirmer que « le mode du savoir en cette vie se produit au moyen de phantasmes, avec succession et dans le temps ». En s’appuyant sur quelques citations d’Augustin et de Richard de Saint-Victor, et surtout par une série de déductions spectaculaires, Olivi entend montrer que la connaissance, et particulièrement la connaissance de soi, ne saurait dépendre de tels intermédiaires. L’esprit humain peut saisir immédiatement ses propres objets intellectuels ; il est capable de se retourner réflexivement sur luimême et chacun de ses actes lui procure inséparablement la certitude intime d’être lui-même le sujet de tels actes. La conclusion d’ensemble montre l’aplomb avec lequel Olivi se croyait alors en position de rallier à ses vues les théologiens franciscains, en poussant la critique de Thomas d’Aquin à ses conséquences ultimes qui consistent à déclarer, tout bonnement, qu’Aristote s’est trompé sur cette question. L’‹Impugnatio› a été rédigée au cours des derniers mois de l’année 1282. Le texte était disponible depuis longtemps dans une ancienne 5 édition vénitienne de 1505, due à Lazaro Soardi . Cette version (V) a été contrôlée sur les deux manuscrits répertoriés contenant ce texte, les cod. ___________________ 4

5

Sur cet épisode, voir en dernier lieu Piron, Sylvain, Censures et condamnation de Pierre de Jean Olivi : enquête dans les marges du Vatican, dans : Mélanges de l’École française de Rome – Moyen Age 118/2 (2006), pp. 313–373. Burr, David, The Persecution of Peter Olivi, Philadelphia 1976, traduction française François-Xavier Putallaz, L’histoire de Pierre Olivi. Franciscain persécuté (Pensée antique et médiévale, Vestigia 22), Paris/Fribourg 1997. Quodlibeta Petri Joannes Provenzalis doctoris solennissimi ordinum minorum [Venetiis, L. Soardi, 1505].

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Vatican, B.A.V., Borgh. 46, ff. 43r–54v (A) et Borgh. 54, ff. 90r–105r (B) . Les leçons de A sont globalement les plus correctes, B et V commettant plusieurs erreurs communes, mais par des voies peut-être indépendantes puisqu’il semble s’agir à chaque fois d’abréviations mal développées (vel pour naturalis, substantia pour substantialia, etc.). En raison de ces quelques lieux variants pour lesquels A offre la leçon la meilleure, ce témoin a été privilégié dans l’ensemble de cette édition. Le texte fourni ici ne prétend pas avoir la valeur d’une édition critique définitive ; il est seulement destiné à mettre ce texte à la disposition du public.

II. Texte

7

Questione an scientia evacuetur in patria, responsione principali et infra ad sextum dicit quod modus scientie huius vite est quod fiat mediante fantasmate et cum successione et tempore. Sicut enim dicitur 8 III° De anima, capitulo 12 « nequaquam sine fantasmate intelligit 9 anima » . Dicit etiam quod non est simile de anima coniuncta et separata, 10 quia coniuncta ad actum intelligendi requirit debitam dispositionem 11 organorum ymaginationis et estimative pro eo quod non intelligit sine fantasmate sicut dicitur III° De anima. Hoc est contra doctrinam Augustini qui in multis locis vult quod 12 anima tam seipsam quam suas potentias et suos actus internos intelligat absque adiutorio sensus et imaginationis, sicut patet X° libro De 13 Trinitate, a 3° capitulo usque ad 12m quasi per totum et sicut patet libro ___________________ 6 7 8 9

10 11 12 13

Voir la description de ces manuscrits dans Maier, Anneliese, Codices burghesiani Bibliothecae Vaticanae (Studi e Testi 170), Vatican 1952. questione] questio est, B 12] xix, V Aristote, De anima (Bekker, 431a), Guillelmus de Morbeka (trad.) dans : Thomae de Aquino, Sentencia libri de anima [ed. R. A. Gauthier (Opera omnia XLV, 1), Roma 1984, p. 229]. intelligendi] intelligendum, B eo] om. A intelligat] potest intelligi, A Sancti Aurelii Augustini, De Trinitate libri XV, ed. W. J. Moutain (Corpus

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9° De Trinitate c. 3 . 15 Hoc etiam est contra Ricardum libro primo De archa mystica, c. 6 , 16 loquentem de quarto genere contemplationis quod « in ratione et secundum rationem » consistit, quod ut ait fit « quando semoto omnis 17 18 imaginationis [A 49va] officio , solum illis animus intendit que imaginatio non novit, sed que ratio ex ratione colligit vel per rationem 19 comprehendit . Eiusmodi speculationi insistimus quando invisibilia 20 21 nostra que per experientiam novimus et que intelligentia capimus in 22 23 considerationem adducimus » , et infra, « in hac contemplatione 24 humanus animus pura intelligentia utitur et semoto omnis imaginationis 25 26 27 officio ipsa intelligentia nostra in hoc negocium seipsam per 28 semetipsam ingerere videtur » . Et liber 3, c. 9, agens de hoc eodem gradu ait « sicut corporalia corporeo sensu videre solemus visibiliter presentialiter atque corporaliter, sicut intellectualis ille sensus invisibilia 29 30 31 capit, invisibiliter [B 99a] quidem sed presentialiter et essentialiter » . ___________________

14 15 16 17 18 19 20 21 22

23 24 25 26 27 28 29 30 31

Christianorum L), Turholti 1968, pp. 317–332 : « Quid ergo amat mens cum ardenter se ipsam quaerit ut nouerit dum incognita sibi est ? [. . . ] » Ibid., pp. 295–296 : « Mens enim amare se ipsam non potest nisi etiam nouerit se [. . . ] » 6] 7, B quarto] quatuor, B officio] a facto, B animus] anima, B « que mens ex ratiocinatione colligit vel per ratiocinacionem comprehendit », apud Richardum. per] om. B in] et, B Richardus de Sancto Victore, De contemplatione [Benjamin Maior], ed. Aris, Marc-Aeilko, dans : id., Contemplatio. Philosophische Studien zum Traktat Benjamin Maior des Richard von St. Victor, Frankfurt am Main 1996, p. [13]. et] om. B pura] purus, V officio] effectio, B negocium] negationem, V seipsam] om. A De contemplatione, pp. [13–14]. sed] licet, V et] sed, B ; et licet, V De contemplatione, p. [66].

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Et hoc ipsum ostendit primo actualitas et proportionabilitas et presentialitas multorum obiectorum intellectualium. Constat enim quod potencie nostre mentis et actus et habitus earum non sunt minus actuales nec minus intelligibiles nec minus presentes et proportionales nostro 33 intellectui quam fantasmata imaginaria . Secundo ostendit hoc reflexionis potestas sine qua non potest homo esse in usu liberi arbitrii. Si enim mens nostra non potest aliquid 34 intelligere nisi per intermedia fantasmata ad que inspicienda convertitur, 35 ergo nunquam potest immediate reflectere et convertere se super se ; aut si hoc potest, ergo immediate aspiciet seipsam tamquam obiectum suum intimum et immediatum. Tertio ostendit hoc diversitas fantasmatum et omnium sensibilium ab intellectualibus nostre mentis. Constat enim quod tam fantasmata quam 36 res sensibiles non possunt representare intellectualia nostre mentis 37 univoce et proprie et specifice, sed solum per viam analogie multum 38 longinque et per viam negationis potius quam per viam positionis. Sed 39 40 interno sensu caret quod non videt quod nos apprehendimus 41 intellectualia nostre mentis, secundum hoc quod differunt a 42 43 44 fantasmatibus et sensibilibus , et hoc non solum per viam negationis sed etiam positive. Unde optime scimus et experimur quid est intelligere, 45 quid velle et quid credere, et diversitates specificas actuum volendi 46 optime scimus et sentimus, utpote quod aliud est scire geometriam, 47 aliud astronomiam, aliud metaphysicam, et sic de aliis , et aliud istam ___________________ 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47

proportionabilitas] proportionalitas, BV imaginaria] ymaginalia, B inspicienda] aspicienda, V se] om. B representare] presentare, V et] om. BV et] om. V quod] que, V nos] non, B a] in, V et] quam, V sensibilibus] insensibilium, B solum] om. B quid] quis, B aliud est] est illud, B aliis] om. B

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conclusionem et aliud illam. Et consimiliter scimus quod aliud est 50 51 affectus et consensus superbie, aliud humilitatis, et sic de aliis. Quarto ostendit hoc potestas intelligendi rationes generales virtutum 52 53 et vitiorum, et mali et boni que nec sunt sensibiles nec ex sensibilibus colligi possunt saltem universaliter, nec per fantasmata representari, nec de fantasmatibus abstrahi. Quinto ostendit hoc ambitus potentie intellectualis et transcendentia 54 sui obiecti. Constat enim omni menti catholice quod intellectus non est 55 ex se essentialiter limitatus ad sensibilia et imaginabilia, quia tunc sine mutatione sue speciei numquam posset perduci ad visionem substantiarum separatarum. Constat etiam quod obiectum intellectus transcendit corporalia et sensibilia. Alias non possemus apprehendere rationem entis prout est superior et generalior eis. [V 47ra] Non igitur 56 potest trahi ex natura eius aut ex natura sui obiecti [B 99rb] quod nec possit intelligere sine fantasmate, immo potius contrarium. Sexto ostendit hoc superimmissio divinarum et angelicarum [A 49vb] 57 reve/lationum et inspirationum. Quis enim dicere audeat quod nec Deus nec angeli nihil possint suggerere menti nostre in statu vie nisi mediantibus fantasmatibus. Unde et frater G. de Mara in correctionibus 58 59 suis corrigit de hoc Thomam quem iste in hoc sequi videtur. Quis 60 etiam dicat quod contemplativi viri in suis supermundanis gustibus et 61 excessibus mediantibus fantasmatibus et non aliter divina pregustent , cum secundum Dionysium libro de mistica theologia, ad hunc actum ___________________ 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58

et] om. B aliud] alius, V affectus] effectus, A aliud] alius, V et] om. B sensibilibus] sensi, B omni] in omni, A ex se] esse AV; om. B natura] vera, V revelationum] revolutionum, V Cf. Guillelmus de Mara, Correctorium fratris Thome, art. 8 in quaestiones de anima, ed. P. Glorieux, Les premières polémiques thomistes. I. Le Correctorium corruptorii «Quare» (Bibliothèque thomiste IX), Le Saulchoir 1927, pp. 379–380. 59 iste] om. B 60 supermundanis] supermundanibus, B 61 pregustent] gustent, B

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exigatur naturalis derelictio sensuum et sensibilium et etiam aliquo modo operationum intellectualium. Septimo hoc ostendit certitudo infallibilis sui esse. Scit enim homo se esse et vivere sic infallibiliter quod de hoc dubitare non potest. Si autem homo non sciret se esse et vivere nisi per fantasmata, posset inde non 63 64 immerito dubitatio suboriri , cum illa non possint hoc representare directe et uniformiter, sed valde indirecte et difformiter, nec possint hoc per se et primo, sed solum per multiplicem collationem et 65 ratiocinationem. Unde et auctores huius positionis dicunt quod nos devenimus in cognitionem nostre mentis et nostre potentie intellective per actus eius, et in cognitionem actuum per cognitionem obiectorum. 66 enim ratiocinando quod actus illi quibus obiecta Coniicimus cognoscimus manant ab aliqua potentia et substantia et sunt in aliquo subiecto, et sic per hunc modum deprehendimus nos habere aliquam potentiam a qua manant. Si quis autem bene inspexerit istum modum, 67 reperiet quod non solum potest in eo contingere aliqua dubietas, sed etiam quod nunquam per hanc viam possumus esse certi nos esse et nos vivere et intelligere. Licet enim certi simus quod illi actus manant ab aliqua potentia et sunt in aliquo subiecto, unde per hoc sciemus quod illud subiectum sumus nos et quod illa potentia est nostra ? Octavo ostendit hoc certitudo qua sumus certi de supposito omnis 68 actus scientialis. Nullus enim est certus scientialiter de aliquo nisi sciat se scire illud, hoc est nisi sciat quod ipse est ille quod hoc scit. Et hec certitudo de supposito currit universaliter in omni apprehensione actuum nostrorum. Nunquam enim apprehendo actus meos, actus scilicet videndi et loquendi et sic de aliis, nisi per hoc quod apprehendo me videre, audire, cogitare [B 100ra] et sic de aliis. Et in hac apprehensione videtur naturali ordine preire apprehensio ipsius suppositi. Unde et quando volumus hoc aliis annunciare, premittimus ipsum suppositum dicentes : ego hoc cogito vel ego hoc video, et sic de aliis. Et certe naturali ordine prius apprehenditur subiectum quam predicatum ei attributum in ___________________ 62 63 64 65 66 67 68

naturalis] vel, BV suboriri] superiora, B cum] tamen, V et] ex, B coniicimus] commitimus, A ; consimus, B reperiet] recipiet, B nisi] ubi, V

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quantum tale. Actus autem nostri non apprehenduntur a nobis nisi 70 attributa ; quando etiam nos tamquam predicata vel nobis apprehendimus nostros actus quoddam interno sensu et quasi experimentaliter distinguimus inter substantiam a qua manant et in qua 71 72 existunt et inter ipsos actus ; unde et sensibiliter percipimus quod ipsi manant et dependent ab ea, non ipsa ab eis et quod ipsa est quoddam 73 fixum et in se manens, ipsi vero actus in quodam continuo fieri. Hec autem stare non possunt si non possumus cognoscere suppositum nostrorum actuum nisi per intermedia fantasmata et per intermedias ratiocinationes ex apprehensione nostrorum actuum deductas. [A 50ra] Nono ostendit hoc potestas anime separate. Constat enim quod in statu innocentie corpus animam non aggravabat, saltem enormi et violento gravamine. Constat etiam quod ex ipsa separatione anime a 74 75 corpore non crescit substantia intellectus. Sed si per unionem ad corpus totaliter impediebatur a cognitione immediata sui ipsius et intellectualium, aut post separationem hoc ipsum impedimentum haberet, aut alterum duorum predictorum sequebatur, scilicet quod enormi violentia gravaretur per corpus aut quod ex ipsa separatione cresceret substantia intellectus aut aliqua virtus eius, quorum neutrum 76 convenienter dari potest. Ex hoc autem patere potest quod ex natura unionis non est intellectus noster coartatus ad fantasmata, et cum 77 corruptio originalis substantialia nostra non exterminaverit, licet 78 multum deprehenderit naturalia nostra, non est necesse quod nichil omnino possimus in hoc statu intelligere sine fantasmate quamvis propter deprehensionem corruptionis nostre, noster intellectus sit valde 79 immixtus fantasmatibus et valde obscurus et depressus in suismet intellectualibus. Si autem obiiciatur [V 47rb] illud Dionysii I Angelice hierarchie, quod ___________________ 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79

a nobis] om. A nobis] om. V ipsos] species, A et] om B et] om. A crescit] crescunt, B substantia] sibi, V patere] sciri, V substantialia] substantia, BV deprehenderit] depresserit, A ; deprehensit, B in] om. BV

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non est possibile nobis superlucere divinum radium nisi varietate 80 sacrorum velaminum [B 100rb] anagogice et circumvelatum, et quod non possumus in materialia et simplicia contemplari nisi per figuralia et sensibilia, dicendum quod Dionysius sub nomine figuralium et sensibilium intendit comprehendere quecumque sunt nostre 81 apprehensioni familiaria propria et connaturalia et proportionalia, sicut expresse patet ex verbis suis ibidem ponens ibi ista eadem verba. Unde et 82 frequenter vocat intellectum nostrum passibilem et materialem respectu 83 intellectus angelici et divini, non quia simpliciter sit talis, sed quia in 84 nobis perhabundat cognitio sensibilium cognitioni intellectualium, et 85 86 quia in tantum sumus inviscerati sensibilium quod fere tota intelligentia nostra videtur esse permixta et involuta in eis, ibidem etiam inter alias imagines supercelestium ponit scientiam sanctarum scripturam esse ymaginem contemplationis angelorum superintellectualis et 87 superplena . Si autem Dionysius non ita intelligeret, tunc frustra distinxisset theologiam de divinis nominibus a theologia symbolica, quia illa est per intellectualia ascendens in divina, hec vero per sensibilia. 88 Secundum hoc enim tota theologia nostra esset symbolica et nulla intellectualis prout intellectualis secundum eum distinguitur a symbolica. Si etiam obiciatur illud Ricardi De archa mystica, libro 3, cap. 9°, quod 89 90 anima seipsam, idest anime ipsius essentiam videre non valet , aut illud 91 quod eodem lib. cap. 9° ait : « quis, inquam , in hac adhuc carne positus, 92 93 animam suam vel quamlibet aliam spiritualem substantiam in sua puritate vidit vel etiam videre potuit ? Proculdubio in hac parte humanus ___________________ 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90

et] om. BV connaturalia] naturalia, V passibilem] possibilem, B quia] quod, A perhabundat] prehendat, B in] om. B sensibilium] sensibilibus, V superplena] superheminencie, BV nulla] om. B idest] om. A ed. Aris, p. [66] : « et oculo quidem, quo sua quaedam videt, seipsam id est animae ipsius essentiam videre non valet ». 91 inquam] unquam, V ; inquam numquam, B 92 aliam] om. AB 93 substantiam] om. A

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animus cecus est a nativitate » , dicendum quod ipse intendit dicere quod anima non vidit omnes rationes sue essentie, utpote simplicitatem eius aut multas alias conditiones speciales eius. Unde 9° capitulo ante illa 95 verba dicit : « videt tamen anima oculo isto que citra velum sunt, hoc est 96 invisibilia sua, ea videlicet que in ipsa sunt , non tamen omnia, quia non omnia citra velum sunt et oculo quidem quo sua quedam videt, seipsam 97 idest anime ipsius essentiam videre non valet » . Ecce quod vult [A 50rb] 98 quod sua quedam videat et idem vult IX° cap° ante verba superius premissa per inquisitionem raciocinacionum. Si autem queratur quomodo potest fieri quod immediate apprehendat se et tamen non clare discernat [B 100va] se esse simplicem et valde 99 100 differentem a rebus corporalibus, hoc enim non advertit nisi per inquisitionem ratiocinacionum, unde non sciunt hoc nisi sapientes, 101 102 103 queri de suis actibus et dicendum quod hoc idem posset fantasmatibus de quibus supponunt quod immediate aspiciat ea. Non 104 enim anima discernit simplicitatem aut multas alias proprietates eorum, quin potius aliquando credit ipsa fantasmata esse res exteriores. Sciendum igitur quod sicut aliter apprehendimus res per sensum, tactus et gustus, aliter per visum quamvis utrique immediate apprehendat sua obiecta; et in ipsomet visu aliter apprehendimus res per oculum lippum vel per medium fumosum et grossum, aliter per serenum ; sic aliter apprehendit se intellectus angelicus vel beatorum, aliter noster. Noster enim apprehendit se et substantiam mentis nostre quasi per 105 modum tactus, aut quasi per modum visus valde lippi et caliginosi, et 106 hinc est quod sicut tactus intime sentit sibi adesse suum obiectum , non tamen discernit visibiles proprietates eius, sic et nos certissime et intime ___________________ 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106

ed. Aris, p. [72], rectius, lib. 3, cap. 14. citra] circa, V sunt] est, A ed. Aris, p. [66]. videat] viderat, A differentem] differentibus, B advertit] avertit, V posset] potest, B ; posset sed, V de] om. B et] de, B aut] an, B lippi] lipidi, B suum obiectum] subiectum suum, B

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scimus nos esse quamvis non discernamus clare et visibiliter nostras intellectuales proprietates et si aliquas earum cognoscimus in generali et 107 108 indeterminate , et subobscure ad modum visus lippi hoc facimus. Ex hoc autem contingit quod aliqui aliquando crediderunt erronee mentem esse ignem vel aliquod corpus, sicut vult Augustinus, li. De 109 Trinitate , non quin certi essent ipsam esse rem viventem et intelligentem, sed quia dubitabant utrum talis res esset simplex et incorporea, et propter nimia et nimis importunam apprehensionem sensibilium et imaginabilium credebant eam magis esse extensam et corpoream quam incorpoream. Ex hoc etiam cessat obiectio quare non potest videre animas separatas 110 cum sint suo intellectui proportionales sicut et ipsamet. Hoc enim est 111 partim ex hoc quod anime alie non sunt illapse aut intime presentes suis interioribus in quibus quasi latitat suus intellectus, partim vero ex hoc 112 quod suus intellectus non diffun/dit [V 47va] suum aspectum extra se ad intellectualia clare comprehendenda sed ad modum tactus stat intra se 113 114 recollectus et ad modum visus curti stat quasi intra se coartatus. In tantum tamen posset aliquis angelus intimare se nobis quod per modum 115 116 117 cuiusdam gustus [B 100vb] et tactus confusi sentiremus quoddam ineffabile et supermundanum nobis adesse, sicut mentes prophetice 118 sentiebant. Hoc aliquantulum diffusius tetigi quia aliquando vidi istum valde contrarium huic veritati, quamvis ad huius pleniorem explicationem multo plura essent dicenda. Quia autem iste cum Thoma Aristoteli in hoc innitur, concedo ipsum in hac parte errasse tam in III° De anima quam I° Physicorum, quam in fine Primi posteriorum et in fine secundi, quamvis quoad maiorem partem dictorum suorum posset dici quod ipse loquitur respectu ___________________ 107 108 109 110 111 112 113 114 115 116 117 118

indeterminate] determinate, B subobscure] subiecto obscure, A ; obscure, B Augustini, De Trinitate, Lib. X, cap. 10, p. 326. proportionales] proporcionabiles, A illapse] per se, B se] om. B curti] certi, BV intra se] infra, B et] ac, V confusi] confusus, V quoddam] quidam, B hoc] huius, B

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obiectorum sensibilium. Verum est enim quod intellectus noster non potest intelligere sensibilia sine intermedio actu imaginationis seu sensus 119 communis, sumendo tamen sane le intermedio et non sicut Averoys sumit, qui videtur velle quod intellectus non apprehendat [A 50va] particularia sensibilium per se sed solum per accidens.

___________________ 119 sane] om. A

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Postilla super Epistolas ad Romanos, (excerpta) éd. Heinrich Denifle, Quellenbelege. Die abendländischen Schriftausleger bis Luther über Justitia Dei (Rom 1, 17) und Justificatio (Beitrag zur Geschichte der Exegese, der Literatur und des Dogmas im Mittelalter), Mainz 1905, pp. 157–160. Postilla super Lamentationes Ieremie prophete, éd. Marco Bartoli, La caduta di Gerusalemme. Il commento al libro delle Lamentazioni di Pietro di Giovanni Olivi (Nuovi studi storici 12), Roma 1991. Lectura super Iohannem, (cap. 1, extrait), éd. Robert Pasnau, Petri Iohannis Olivi Tractatus de Verbo, dans : Franciscan Studies 53 (1993), pp. 121–153. Postilla in Ioannem 19, 33, (Sententia de transfixione lateris Christi), éd. Victorin Doucet, dans : Archivum Franciscanum Historicum 28 (1935), pp. 436–441. Lectura super Lucam et Lectura super Marcum, éd. Fortunato Iozzelli (Collectio oliviana 5), Grottaferrata 2010 [Super Lucam, pp. 163–674 ; Super Marcum, pp. 691–709]. Lectura in Matthaeum : Mt. 10, 9–10 (excerpta), éd. Marie-Thérèse d’Alverny, dans : St. Thomas Aquinas 1274–1974, Commemorative Studies, éd. Armand Maurer, Étienne Gilson et alii, vol. II, Toronto 1974, pp. 207–218 ; Compendium de virtute humilitatis (Postilla super Matthaeum, c. 18), dans : Bonaventurae, Opera Omnia VIII, Quaracchi 1898, pp. 658–662 ; Postilla super Matthaeum 8, c. 1 (Quaestiones selectae de Sancto Ioseph), éd. Aquilinus Emmen, dans : Cahiers de Joséphologie 14 (1996), pp. 259–270 ; De oratione dominica (Postilla in Matthaeum, c. 6, 9–13, Postilla in Lucam, c. 11, 1–13), éd. Ferdinand M. Delorme, Textes franciscains. I. L’explication littérale du Pater selon Pierre de Jean Olivi, dans : Archivio Italiano per la Storia della Pietà 1 (1951), pp. 179–218 [édition : pp. 185–202] ; In Matthaeum 5, 1–26, éd. Thomas Murtagh, Peter Olivi’s Matthew Commentary : A Critical Edition of Chapter 5, verses 1–26 with a Commentary (thèse non publiée), Melbourne College of Divinity 1992 ; Kevin Madigan, Peter Olivi’s Lectura super Matthaeum in Medieval Exegetical Context (thèse non publiée), University of Chicago 1992 (contient l’édition d’un fragment du Commentaire sur Matthieu). Modus quomodo quilibet potest referre gratias Deo de beneficiis ab eo receptis ; Informatio Petri Ioannis ; Remedia contra temptationes spirituales ; Miles armatus, éd. Raoul Manselli, Spirituali e Beghini in Provenza (Istituto Storico Italiano per il Medio Evo. Studi Storici, fasc. 31–34), Roma 1959, pp. 274–290.

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Trattato provenzale di penitenza, éd. Cesare de Lollis, dans : Studi di Filologia Romanza 5 (1890), pp. 273–331. Lo cavalier armat (texte provençal édité d’après le ms. 9 de la Bibl. conv. Chiesa Nuova d’Assise), éd. Raoul Manselli, Da Gioacchino da Fiore a Cristoforo Colombo. Studi sul francescanesimo spirituale, sull’ecclesiologia e sull’escatologismo bassomedievali (Nuovi Studi Storici 36), Roma 1997, pp. 416–420 ; id., dans : La religion populaire e e en Languedoc du XIII à la moitié du XIV siècle (Cahiers de Fanjeaux 11), Toulouse 1976, pp. 206–212 ; Arthur, Ingrid, Lo Cavalier Armat, version provençale du Miles armatus attribué à Pierre Jean Olivi, dans : Studia neophilologica 31 (1959), pp. 43–64. Quaestiones de perfectione evangelica : q. 1, An contemplatio sit melior ex suo genere quam omnis alia actio, ed. Aquilinus Emmen, Feliciano Simoncioli, dans : Studi Francescani 60 (1963), pp. 402–445. q. 2, An contemplatio sit principalius in intellectu quam in voluntate ; q. 3, An studere sit opus de genere suo perfectum ; q. 4, An aliquod opus vitae activae praeter regimen animarum et praedicationem sit melius ex suo genere quam studium, ed. Aquilinus Emmen, Feliciano Simoncioli, dans : Studi Francescani 61 (1964), pp. 113–167. q. 5, An sit melius aliquid facere ex voto quam sine voto, ed. Aquilinus Emmen, dans : Studi Francescani 63 (1966), pp. 93–108. q. 6, An virginitas sit simpliciter melior matrimonio, ed. Aquilinus Emmen, dans : Studi Francescani 64 (1967), pp. 21–57. q. 8, An status altissime paupertatis sit simpliciter melior omni statu divitiarum, éd. Johannes Schlageter, Das Heil der Armen und das Verderben der Reichen. Petrus Johannis Olivi OFM: Die Frage nach der höchsten Armut, Werl 1989 [Quaestio de altissima paupertate, pp. 73– 201]. q. 9, An usus pauper includatur in consilio seu in voto paupertatis evangelice, ita quod sit de eius substantia et integritate, éd. David Burr, dans : P. I. Olivi, De usu paupere, The « Quaestio » and the « Tractatus », Firenze/Perth 1992, pp. 3–85. q. 10, An pauperibus evangelicis sit perfectius et convenientius victum suum acquirere per mendicitatis quaestum aut per manuale opus seu laboritium, éd. David Flood, dans : Archivum Franciscanum Historicum 87 (1994), pp. 299–347.

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Bibliographie

q. 11, An vovere alteri homini obedientiam in omnibus que non sunt contraria anime et evangelice regule seu perfectioni sit perfectionis evangelice, éd. David Flood, Gedeon Gál, Peter of John Olivi on the Bible. Principia quinque in Sacram Scripturam. Postilla in Isaiam et in I ad Corinthios, St Bonaventure (N. Y.) 1997, pp. 373–406. q. 12, An romano pontifici in fide et moribus sit ab omnibus catholicis tamquam regule inerrabili obediendum, éd. Michele Maccarone, dans : Rivista di Storia della Chiesa in Italia 3 (1949), pp. 325–343 ; Petri Johannis Olivi quaestio de infallibilitate Romani Pontificis, éd. Martiniano Roncaglia, Les Frères Mineurs et l’Église grecque orthodoxe au e XIII siècle (1231–1274), (Biblioteca bio-bibliografica della Terra Santa a e dell’Oriente francescano, s. 4 , Studi, t. II) Il Cairo 1954, pp. 249– 264. q. 13, An papa possit renuntiare papatui (De renuntiatione Papae), éd. Livarius Oliger, dans : Archivum Franciscanum Historicum 11 (1918), pp. 340–366. q. 14, An Papa possit in omni voto dispensare et specialiter in evangelicis, éd. Marco Bartoli, Petri Iohannis Olivi. Quaestiones de Romano Pontifice, Ed. Collegii S. Bonaventurae (Collectio oliviana 4), Grottaferrata 2002, pp. 121–170. q. 15 [cf. q. 10], An vivere de prebendis vel quibuscumque redditibus vel vivere de possessionibus absque vendicatione cuiuscumque dominii vel iuris possit esse licitum pauperibus evangelicis, éd. David Flood, Peter Olivi. Quaestio de mendicitate. Critical Edition, dans : Archivum Franciscanum Historicum 87 (1994), pp. 287–347. q. 16, An professio paupertatis evangelice et apostolice possit licite ad talem modum vivendi reduci, quodammodo sufficienter vivat de possessionibus et redditibus a papa vel mundanis principibus certis procuratoribus commissis, éd. David Burr, David Flood, dans : Franciscan Studies 40 (1980), pp. 18–58. q. 17, An vovens evangelium vel aliquam regulam simpliciter et absque determinatione teneatur observare omnia, que in eis sunt contenta, ita quod semper peccet mortaliter contra quodcumque illorum agendo, éd. Ferdinand M. Delorme, dans : Antonianum 16 (1941), pp. 143–164. ‹Littera septem sigillorum› contra doctrinam Petri Ioannis Olivi edita, éd. Gerold Fussenegger, dans : Archivum Franciscanum Historicum 47 (1954), pp. 45–53.

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De obitu dicti fratris Petri et quid receptis sacramentis dixit, quando et ubi recepit scientiam suam et quid senserit de usu paupere et multa [alia], éd. Albanus Heysse, dans : Archivum Franciscanum Historicum 11 (1918), pp. 267–269. Solemnis confessio facta ante obitum, éd. Luke Wadding, dans : Annales Minorum seu trium Ordinum a S. Francisco institutorum 5 (1276– 1300), Quaracchi 1931, pp. 425–427.

II. Traductions De perlegendis philosophorum libris, trad. française par Catherine König-Pralong, Olivier Ribordy, Tiziana Suarez-Nani dans : Pierre de Jean Olivi. Philosophe et théologien, éd. ii. (Scrinium Friburgense 29) Berlin/New York 2010, pp. 431–449. Quaestiones in secundum librum Sententiarum, ed. Bernhard Jansen, Ed. Collegii S. Bonaventurae, Quaracchi 1922, qq. XVI–XXI, trad. française par Tiziana Suarez-Nani, Catherine König-Pralong, Olivier Ribordy, Andrea Robiglio, dans : Pierre de Jean Olivi, La matière (Translatio. Philosophies médiévales), Paris 2009. « Question disputée sur la science divine et les idées en Dieu », trad. française par Sylvain Piron, dans : Sur la science divine, éd. JeanChristophe Bardout, Olivier Boulnois, Paris 2002, pp. 208–225. Voici le chevalier armé, trad. française par Raoul Manselli, Da Gioacchino da Fiore a Cristoforo Colombo. Studi sul francescanesimo spirituale, sull’ecclesiologia e sull’escatologismo bassomedievali (Nuovi Studi Storici 36), Roma 1997, pp. 420–425. Lo cavalier armat (texte provençal édité d’après le ms. 9 de la Bibl. conv. Chiesa Nuova d’Assise), trad. française par Marie-Humbert Vicaire e e dans : La religion populaire en Languedoc du XIII à la moitié du XIV siècle (Cahiers de Fanjeaux 11), Toulouse 1976, pp. 203–216 [texte provençal pp. 206–212 ; trad. française pp. 212–216]. Epistola ad regis Siciliae filios, trad. française par Marie-Humbert Vicaire, Pierre Jean-Olieu, Epître aux fils de Charles II de Naples en l’an 1295, dans : Franciscains d’Oc 1975, pp. 127–138. Commento al Cantico dei Cantici, trad. italienne par Francesca Borzumato, Casale Monferrato 2001.

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De emptionibus et venditionibus, de usuris et restitutionibus, trad. italienne par Paolo Vian, Amleto Spicciani et Giancarlo Andenna, Usure, compere e vendite. La scienza economica nel XIII secolo, Milano 2 1998. De perlegendis philosophorum libris, trad. italienne par Paolo Vian, Pietro di Giovanni Olivi. Scritti scelti, Roma 1989, pp. 96–103. Expositio super Regulam fratrum minorum, trad. italienne par Paolo Vian, Pietro di Giovanni Olivi. Scritti scelti, Roma 1989, pp. 77–87. Lectura super Apocalipsim, trad. italienne par Paolo Vian, Pietro di Giovanni Olivi. Scritti scelti, Roma 1989, pp. 115–144. Modus quomodo quilibet potest referre gratias Deo de beneficiis ab eo receptis, trad. italienne par Paolo Vian, Pietro di Giovanni Olivi. Scritti scelti, Roma 1989, pp. 151–155. Informatio Petri Johannis ad virtutum opera, trad. italienne par Paolo Vian, Pietro di Giovanni Olivi. Scritti scelti, Roma 1989, pp. 156–159. Remedia contra tentationes spirituales huius temporis, trad. italienne par Paolo Vian, Pietro di Giovanni Olivi. Scritti scelti, Roma 1989, pp. 160–165. Miles armatus, trad. italienne par Paolo Vian, Pietro di Giovanni Olivi. Scritti scelti, Roma 1989, pp. 166–169. De oratione dominica, trad. italienne par Paolo Vian, Pietro di Giovanni Olivi. Scritti scelti, Roma 1989, pp. 170–181. Lectura super Matthaeum (6, 9–13), trad. italienne par Paolo Vian, Pietro di Giovanni Olivi. Scritti scelti, Roma 1989, pp. 182–189. Lectura super Lucam (11, 1–13), trad. italienne par Paolo Vian, Pietro di Giovanni Olivi. Scritti scelti, Roma 1989, pp. 189–192. Epistola ad fratrem R., trad. italienne par Paolo Vian, Pietro di Giovanni Olivi. Scritti scelti, Roma 1989, pp. 205–209. Epistola ad regis Siciliae filios, trad. italienne par Paolo Vian, Pietro di Giovanni Olivi. Scritti scelti, Roma 1989, pp. 210–217. Epistola ad Conradum de Offida, trad. italienne par Paolo Vian, Pietro di Giovanni Olivi. Scritti scelti, Roma 1989, pp. 218–225. Trattato sulle compere e sulle vendite, trad. italienne par Amleto Spicciani, La mercatura e la formazione del prezzo nella riflessione teologica medioevale (Atti dell’Accademia Nazionale dei Lincei. Classe di scienze morali, storiche e filologiche. Memorie, s. VIII, v. XX, fasc. 3), Roma 1977, pp. 271–287. Quaestio an in homine sit liberum arbitrium, trad. allemande par Peter Nickl, Über die menschliche Freiheit, Freiburg i. Br. 2006.

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Expositio in Canticum Canticorum, trad. allemande et texte latin en visà-vis par Johannes Schlageter, Ed. Collegii S. Bonaventurae (Collectio oliviana 2), Grottaferrata 1999. « The Mental Word » Tractatus de verbo, trad. anglaise par Robert Pasnau, dans : Cambridge Translations of Medieval Philosophical Texts. Volume 3 : Mind and Knowledge, Cambridge 2002, pp. 136–151. « Peter John Olivi (1248–1297) : A Disputed Question : ‹What Does Right or Dominion Posit?› or ‹About Voluntary Signs›. » trad. anglaise par John P. Doyle sur la base de : « Question de P. J. Olivi ‹Quid ponat ius vel dominium› ou encore ‹De signis voluntariis› », ed. P. Ferdinand Delorme, dans : Antonianum 20 (1945), pp. 309–330. Published by the Translation Clearing House, Department of Philosophy, Oklahoma State University. Peter John Olivi, Questions on Book II of the Sentences, question 72 : Can bodies act on the spirit and on its apprehensive and appetitive powers?, trad. anglaise par Robert Pasnau (Ph.D dissertation Cornell University 1994, appendix), (http://spot.colorado.edu/~pasnau /research /olivi72.htm) Peter John Olivi, Questions on Book II of the Sentences, question 74 : Is the effective principle of a cognitive act (i) a species representative of an object, (ii) a habit, (iii) the [cognitive] power, or (iv) both (ii) and (iii) at once?, trad. anglaise par Robert Pasnau (Ph.D dissertation Cornell University 1994, appendix), (http://spot.colorado.edu/~pasnau /research/olivi74.htm)

III. Répertoires bibliographiques Antonio Ciceri, Censimento dei manoscritti, Ed. Collegii S. Bonaventurae (Collectio oliviana 1), Grottaferrata 1999. Boureau, Alain, Piron, Sylvain (éd.), Pierre de Jean Olivi (1248–1298). Pensée scholastique, dissidence spirituelle et société, Paris 1999, pp. 389–399. Piron, Sylvain, Les œuvres perdues d’Olivi : essai de reconstitution, dans : Pietro di Giovanni Olivi : opera edita et inedita, Archivum Franciscanum Historicum 3 (1998), pp. 357–394. Archivum Franciscanum Historicum 3/4, 91 (1998). Putallaz, François-Xavier, Figures franciscaines, Paris 1997, pp. 167–173.

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Flood, David, Recent Study on Petrus Johannis Olivi, dans : Franziskanische Studien 73 (1991), pp. 262–269. Vian, Paolo, Pietro di Giovanni Olivi. Scritti scelti, Roma 1989, pp. 47– 61. Gieben, Servus, Petrus Iohannis Olivi Symposion, dans : Wissenschaft und Weisheit 47 (1984), pp. 81–163. Gieben, Servus, Bibliographia oliviana (1885–1967), dans : Collectanea Franciscana 38 (1968), pp. 167–195.

Index des auteurs anciens et médiévaux Adam de Buckfield/Adam di Buckfield: 387 n. 54. Al-Farabi: 256 n. 9, 421, 422 n. 27. Albert le Grand/Alberto Magno: 5, 9, 10, 12, 13, 135, 146, 147, 148, 152– 160, 195 n. 42, 261, 263– 265, 267 n. 50, 279, 283, 295 n. 1, 297–303, 305, 308–310, 313, 314 n. 61, 316–317, 319, 321–323, 369, 370, 372–373, 379, 386 n. 51, 387 n. 54, 392, 394 n. 74, 397 n. 85, 398 n. 88, 402–405. Alexandre d’Alexandrie/ Alessandro di Alessandria: 338, n. 43, 351 n. 85. Alexandre d’Aphrodise/ Alessandro di Afrodisia: 299. Alexandre de Halès/Alessandro di Hales: 215. Ambroise/Ambrosio: 104 n. 60, 105 n. 65, 106 n. 68, 107– 110. André de Saint-Victor/Andrea di San Vittore: 64 n. 151. Anonymes/anonimi: 23 n. 19, 53, 54, 137 n. 6, 139, 143, 145 n. 22, 147, 152, 153, 263 n. 42, 284, 400 n. 96. Anselme de Cantorbéry/ Anselmo di Canterbury: 36

n. 63, 49, 69 n. 175, 73 n. 185, 191, 212 n. 106, 224, 451 n. 3. Aristote/Aristotele: 5, 9 n. 1, 10, 17, 18, 25–27, 31–34, 37– 45, 48 n. 97, 51 n. 110, 123, 135–143, 146, 147 n. 26, 148–155, 157 n. 47, 158 n. 47, 160, 161–164, 169, 176, 192 n. 34, 194–205, 208, 209, 216 n. 119, 224, 225, 241, 248 n. 38, 250, 256– 257, 258 n. 24, 261, 262 n. 39, 263–264, 266 n. 48, 268 n. 54, 269–270, 276, 287, 288, 289, 296–300, 304– 306, 308 n. 37, 309 n. 42, 311–312, 317 n. 70, 320, 322–323, 328, 334 n. 29, 359 n. 15, 371–372, 376 n. 18, 384, 385 n. 48, 387 n. 54, 390 n. 62, 399, 400 n. 96, 411, 414–418, 421, 424, 425 n. 34, 428 n. 48, 432, 433 n. 1, 436–437, 439 n. 4, 443–449, 452, 453 n. 9, 461. Arnaud Gaillard (Arnaldus Gaillardus): 24, 27, 38, 45– 46, 199 n. 65, 452. Augustin/Agostino: 37, 44, 45 n. 88, 48 n. 97, 75, 91–93, 101 n. 50, 104 n. 60, 107, 108 n. 73, 110, 124 n. 35, 125 n. 37, 158, 191, 197, 198 n. 63, 200 n. 72, 205–

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208, 216, 224, 230, 232, 233 n. 7, 235, 238–242, 248 n. 38, 256, 263, 264, 276, 281, 290, 299, 305, 323, 328, 336, 350 n. 78, 365, 370, 378, 414–415, 424, 425 n. 34, 434, 435, 444, 445, 448, 449, 452, 453, 461. Averroès/Averroè: 5, 9, 10, 18 n. 3, 25, 37 n. 65, 44, 135, 137, 140–143, 144 n. 20, 145, 149–150, 153, 158– 160, 161–164, 195, 196 n. 50–52, 198 n. 57, 199, 201, 203 n. 80, 205 n. 88, 216 n. 119, 255 n. 6, 256 n. 9, 263, 269–271, 279, 282, 284, 288, 298, 310, 312 n. 53, 315, 317 n. 70, 376 n. 18, 394, 397, 400, 411 n. 8, 425 n. 34, 446, 447. Avicenne/Avicenna: 43, 150, 151 n. 32, 156 n. 46, 158– 159, 196, 233 n. 7, 256 n. 9, 279, 386 n. 51, 389 n. 58, 400, 446, 447. Bartholomée de Pise/ Bartolomeo da Pisa: 87–88. Bède/Beda: 102 n. 54, 103 n. 56, 104 n. 60, 106 n. 68, 107– 108, 109 n. 78, 110. Bernard de Chartres/Bernardo di Chartres: 257 n. 19, 264 n. 45. Bernard de Clairvaux/Bernardo di Clairvaux: 122, 125 n. 37.

Index

Bernardin de Sienne/Bernardino di Siena: 226. Bertrand de la Tour: 351 n. 85. Boèce/Boezio: 191–193, 196, 197, 208, 224. Boèce de Dacie/Boezio di Dacia: 12, 143, 144 n. 18, 147, 196, 262, 263, 264, 269, 270, 272, 275, 282, 284, 285, 287, 288, 374 n. 13, 426 n. 39. Bonaventure de Bagnorea/ Bonaventura da Bagnoregio: 9 n. 1, 10, 11, 12, 25 n. 26, 26, 27, 28 n. 33–36, 29, 31, 33 n. 52, 34– 39, 41, 46 n. 92, 48 n. 99, 52, 53, 54 n. 119, 57, 61, 63 n. 148–149, 65, 71, 81 n. 213, 84, 91 n. 19, 92, 93, 103 n. 56, 104 n. 60, 107, 108, 109 n. 78, 110, 111, 113 n. 1, 153 n. 39, 158– 159, 182 n. 3, 189–191, 207 n. 96, 211 n. 103, 212, 213 n. 113, 215, 230, 231 n. 3, 233 n. 7, 258 n. 22, 261, 263, 265, 273, 277, 280, 282, 287, 291, 345 n. 63, 357, 358 n. 12, 404, 411 n. 8, 413, 414 n. 11, 416 n. 15, 420 n. 25, 425 n. 35, 426, 427, 428 n. 45. Célestin V/Celestino V: 21 n. 11. Clément IV/Clemente IV: 31. Clément V/Clemente V: 395.

Index

Commentator [voir aussi Averroès]: 18 n. 3, 42 n. 78, 143 n. 16, 145 n. 21, 147 n. 25, 149 n. 29, 153 n. 39–40, 156 n. 47, 158 n. 49, 164, 263, 282, 289. Dante Alighieri: 6, 13, 126 n. 40, 350, 369–377, 380 n. 32, 381–384, 385 n. 48, 386– 405, 467. David de Dinant/David di Dinant: 261, 298 n. 10, 299, 300 n. 15, 309. Denys le Pseudo-Aréopagite/ Dionigi lo PseudoAreopagita: 106 n. 66, 114 n. 3, 191, 207, 208, 367. Dietrich de Freiberg/Teodorico di Vriberg: 146, 147 n. 25, 148 n. 26, 258 n. 20. Dominicus Gundissalinus (Gundisalvi): 192, 193 n. 37, 422 n. 27. Durand de Saint-Pourçain/ Durando di San Porciano: 340 n. 50. Ecclésiaste/Ecclesiasto: 20 n. 9, 88, 89 n. 8, 442–443, 446– 447, 467. Étienne Tempier/Stefano Tempier: 183, 319, 376 n. 18. François d’Assise/Francesco d’Assisi: 29, 74, 83, 111. François de la Marche (d’Ascoli)/Francesco

477

d’Appignano: 327, 331–353.

9,

12,

Geoffroy d’Aspall/Goffredo di Aspall: 140 n. 10, 146, 155 n. 44. Gilles d’Orléans/Egidio d’Orléans: 269, 283. Gilles de Lessines/Egidio di Lessines: 12, 258, 389, 391 n. 64. Gilles de Rome/Egidio Romano: 12, 196, 258, 263 n. 42, 275, 277, 291, 328, 331 n. 14, 352. Godefroid de Fontaines/Goffredo di Fontaines: 12, 249, 258, 338. Gonsalve d’Espagne/Gonsalvo di Spagna: 337, 351. Guillaume d’Alnwick/ Guglielmo di Alnwick: 337 n. 38, 338 n. 43, 351 n. 85. Guillaume d’Auvergne/ Guglielmo d’Alvernia: 38. Guillaume d’Ockham/ Guglielmo d’Occam: 150 n. 31, 211 n. 103, 255 n. 6, 259, 266 n. 43, 272 n. 68, 353. Guillaume de la Mare/ Guglielmo de la Mare: 12, 194, 196, 221 n. 135, 273, 274, 292, 293, 456 n. 58. Guillaume de Moerbeke/ Guglielmo di Moerbeke: 137 n. 6, 139, 153, 453 n. 9.

478

Guillaume de Ware/Guglielmo di Ware: 31, 137, 230, 259, 332. Henri Bate/Enrico Bate: 144. Henri de Gand/Enrico di Gand: 12, 21, 30, 36 n. 60, 84, 190 n. 26, 194, 231–233, 249, 256 n. 9, 258 n. 20, 258 n. 22, 259, 260, 262–263, 266 n. 49, 273, 275, 276, 280, 281, 290, 292, 322, 328, 332, 333 n. 23, 337, 340 n. 50, 345 n. 63, 423 n. 29. Hugues de Novocastro/Ugo di Novocastro: 338 n. 43. Hugues de Saint-Cher: 426 n. 38. Hugues de Saint-Victor/Ugo di San Vittore: 172, 422 n. 27. Ibn Gabirol (Avicebron): 192, 216, 256 n. 9, 307, 309, 313. Jacques d’Ascoli/Jacopo di Ascoli: 338 n. 43, 351 n. 85. Jean Damascène/Giovanni Damasceno: 191, 193, 194, 205, 224. Jean de Baconthorpe/Giovanni di Baconthorpe: 392 n. 69. Jean de Bassoles/Giovanni di Bassoles: 338 n. 43. Jean de la Rochelle/Giovanni de La Rochelle: 386 n. 51, 390, 416 n. 15. Jean de Murrovalle/Giovanni da Morrovalle: 338, 352.

Index

Jean de Ripa/Giovanni da Ripa: 126 n. 40. Jean de Roquetaillade/Giovanni di Rupescissa: 23 n. 22. Jean Duns Scot/Giovanni Duns Scoto: 11, 12, 22 n. 16, 31, 36 n. 60, 113 n. 1, 129 n. 49, 145, 169–171, 180, 192 n. 33, 214 n. 113, 231 n. 3, 259, 260 n. 31, 262, 274, 332, 333, 337 n. 38, 338 n. 43, 339, 340, 345, 346, 348, 351, 356, 357, 358 n. 12, 359, 390 n. 61, 451 n. 2, 463. Jean Peckham/Giovanni Peckham: 12, 35 n. 58, 36 n. 58, 42, 180, 196, 202 n. 79, 213, 258, 266, 273, 278, 291, 328, 332 n. 22, 391 n. 64, 420 n. 25. Jean Scot Erigène/Giovanni Scoto Eriugena: 48. Jean XXII/Giovanni XXII: 328 n. 4, 349, 352, 356 n. 1. Jérôme/Geronimo: 95, 100, 101, 104 n. 58. Joachim de Fiore/Gioacchino da Fiore: 19 n. 8, 56 n. 126, 131 n. 54, 469, 471. Landolphe Caracciolo/Landolfo Caracciolo: 192 n. 33, 351 n. 85. Liber de causis: 37, 53, 160 n. 58, 196, 205, 321 n. 85, 446– 447. Luc/Luca: 5, 10, 20 n. 9, 77 n. 197, 79, 81 n. 211, 82 n.

Index

214, 87, 89–93, 95 n. 27, 97 n. 35, 100 n. 45, 101 n. 48, 102 n. 52–54, 103 n. 57, 104 n. 58, 104 n. 60, 104 n. 62, 105, 108, 110, 468, 472. Maître Eckhart/Maestro Eckhart: 125 n. 37, 129 n. 48. Marc/Marco: 77 n. 197, 79, 89 n. 10, 90–93, 468. Marguerite Porete/Margherita Porete: 129. Matthieu d’Aquasparta/Matteo d’Acquasparta: 35, 196, 333 n. 22, 337, 387 n. 54. Matthieu/Matteo: 38, 77, 79, 81 n. 214, 89, 90–93, 349, 468. Michel Scot/Michele Scoto: 385 n. 48. Nicolas de Lyre/Nicolò de Lira: 351 n. 85. Nicolas III/ Nicolò III: 52. Odon de Châteauroux/Odo da Châteauroux: 107 n. 72. Paul/Paolo: 48 n. 97, 65, 79, 82 n. 215, 102, 124 n. 36, 304 n. 26, 467. Philippe le Chancelier/Filippo il Cancelliere: 390 n. 62, 398 n. 88. Philosophus [voir aussi Aristote]: 25, 26, 33, 146 n. 25, 147 n. 25, 151 n. 33, 190 n. 25, 203, 271, 299 n. 13, 302 n. 18, 391 n. 64, 393 n. 72, 398 n. 88, 416, 418.

479

Pierre/Pietro: 79, 104, 106 n. 67. Pierre Abélard/Pietro Abelardo: 43, 213 n. 110. Pierre Auriol/Pietro Aureolo: 260 n. 31, 262, 332 n. 18, 338 n. 43, 351. Pierre d’Abano/Pietro d’Abano: 386 n. 51, 396 n. 85, 402. Pierre d’Aquila/Pietro d’Aquila: 223 n. 142. Pierre d’Auvergne/Pietro di Alvernia: 144, 145 n. 22, 147. Pierre de Conflans/Pietro di Conflans: 390, 391 n. 64. Pierre de Jean Olivi/Pietro di Giovanni Olivi: 5–474. Pierre de Limoges/Pietro di Limoges: 53. Pierre de Trabes/Pietro di Trabibus: 216 n. 121, 230, 337 n. 37, 350–351, 428 n. 45, 463. Pierre Lombard/Pietro Lombardo: 24, 40, 55, 116 n. 9, 237 n. 14. Pietro Pomponazzi: 397 n. 87. Platon/Platone: 37, 147 n. 25, 151 n. 32, 216 n. 119, 261 n. 35, 300 n. 15, 308 n. 37, 322, 421, 448, 449. Proclus: 37, 196, 205, 446, 447. Prous Boneta: 64 n. 153, 355. Raymond Geoffroy/Raimondo Geoffroy: 30 n. 42. Raymond Lulle/Raimondo Lullo: 23 n. 19.

Index

480

Richard de Mediavilla/Riccardo di Mediavilla: 5, 9, 11, 35, 196, 229–231, 233–243, 247–252, 254 n. 3, 258, 266 n. 49, 278, 352. Richard de Saint-Victor/ Riccardo di San Vittore: 452, 454 n. 19, 454 n. 22. Richard Rufus/Riccardo Rufus: 38, 153 n. 38, 387 n. 54. Robert Grosseteste/Roberto Grossatesta: 157 n. 47, 194, 207 n. 96. Robert Kilwardby/Roberto Kilwardby: 13, 328, 372, 390, 391 n. 64, 392–393, 396 n. 83, 397 n. 86, 403, 404 n. 108. Roger Bacon/Ruggero Bacone: 9, 11, 29 n. 40, 31–32, 42, 44, 144–145, 152, 155, 171, 180, 196, 203 n. 80, 211 n. 103, 213, 258, 277, 422 n. 27. Roger Marston/Ruggero Marston: 258, 266 n. 49, 337. Roland de Crémone/Rolando da Cremona: 215. Siger

de Brabant/Sigieri di Brabante: 5, 9, 12, 13, 143, 144 n. 18, 147–150, 151, 152, 156, 196, 262–264, 269–270, 275, 283, 284, 286, 287, 295–297, 298 n. 7–8, 302–303, 310–320, 322–323, 370, 372–374, 379, 381, 383, 390 n. 62,

393 n. 73, 397–398, 400, 403. Simplicius: 195 n. 48, 196. Tertullien/Tertulliano: 232 n. 5. Théophylacte d’Achrida/ Theophylactus di Ohrid: 102 n. 52, 104 n. 60, 106 n. 68, 107, 108, 109 n. 78, 110. Thomas d’Aquin/Tommaso d’Aquino: 12, 19 n. 6, 21, 22 n. 16, 23 n. 19, 25 n. 26, 34, 35, 37 n. 65, 38, 39, 50, 82 n. 214, 102 n. 52, 105 n. 65, 106 n. 68, 115 n. 6, 116 n. 9, 136 n. 4, 139–140, 141 n. 11, 144 n. 20, 146 n. 24, 150–152, 154, 156, 157 n. 47, 158 n. 47, 192, 194, 196 n. 52, 198 n. 58, 205, 216, 232 n. 5, 255 n. 6, 256 n. 9, 258, 260, 261, 263, 264, 265, 266 n. 48–49, 268–270, 273, 274, 275, 276, 279, 285, 286, 287, 290, 291, 292, 293, 297, 298 n. 8, 302–310, 311 n. 52, 312 n. 52, 313, 317, 319, 320, 321 n. 84–86, 322, 323, 328, 338, 355, 356, 357, 359, 362, 369 n. 1, 370, 371, 372, 373 n. 11, 374, 375, 376, 377, 381, 382, 383, 384, 385, 386 n. 51, 387 n. 54, 388, 392 n. 71, 393, 394, 395, 397, 398, 399, 401, 403, 404, 405, 414 n. 12, 452, 463, 468.

Index

Thomas l’Anglais/Tommaso Anglico: 22 n. 16, 463. Thomas de Bungay: 31. Ubertin de Casale/Ubertino da Casale: 226, 393. Vital du Four/Vitale du Four: 193 n. 36, 258–259, 390 n. 61, 391 n. 65, 464.

481