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French Pages [647] Year 1972
JAMBLIQUE DE CHALCIS
JAMBLIQUE DE CHALCIS Exégète et philosophe
Thèse présentée par
BENT DALSGAARD
LARSEN
Universitetsforlaget i Aarhus 1972
Denne afhandling er af det humanistiske fakultet ved Arhus Universitet antaget til offentlig at forsvares for den filosofiske doktorgrad. Ârhus Universitet, den 13. maj 1970 Gunnar Svane h. a. dec.
ISBN 87 504 0244 7 (kpl.) PRINTED
IN
O(NMARK
IY URHUUS
STIFTSBOGTRYltKERlt
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AIS
À MA FEMME
Aase Dalsgaard Larsen NÉE ANKER-M0LLER
Préface En présentant cette thèse, je veux exprimer tout d'abord ma reconnaissance envers les personnes et les institutions qui m'ont aidé et soutenu tout particulièrement pendant l'accomplissement de mon travail. Je dois nommer ici mon maître et plus tard mon chef, Monsieur le Professeur Franz Blatt, dr. phil. et jur., qui m'a introduit notamment aux études philologiques classiques; de même je désire nommer Monsieur Otto Foss, Chargé de Cours à l'Université d'Aarhus, qui a été pour moi une grande source d'inspiration au cours de mon éducation professionelle. Ce travail au sujet de Jamblique est le résultat d'un séjour à Paris où j'eus la joie, bien qu'elle ait été de courte durée, de rencontrer à la Sorbonne un milieu stimulant et dynamique; en particulier, je fis la connaissance des professeurs Henri Marrou et Marguerite Hari ainsi que de Monsieur Jean Leroux qui était à l'époque Assistant. Ce fut un évènement marquant que de me trouver dans un tel milieu et d'y rencontrer un travail aussi avancé dans un domaine qui m'intéressait profondément et qui, pour l'essentiel, était nouveau pour moi. Le fait que j'ai consacré ce travail à Jamblique est d0 au Cardinal Jean Daniélou, professeur à l'Institut Catholique. Ce fut lui qui, au cours d'un entretien, me désigna explicitement Jamblique comme une personnalité importante de cette époque où le christianisme se fit jour et plaça, pour les grandes personnalités grecques des Pères de l'Eglise, le vieil héritage classique dans une nouvelle perspective. Pendant une longue période de mes recherches la Statsbibliotek d'Aarhus a bien voulu mettre un bureau à ma disposition, je l'en remercie ici. Même si j'ai d0 remplir les devoirs de ma charge à l'Université, l'Université d'Aarhus et le groupe collégial sous la direction du Professeur Fr. Blatt, m'ont toujours été acceuillants dans l'accomplissement d'un travail de recherches dont l'objet se trouvait être cependant dans un domaine assez étranger à la tradition philologique danoise. Que l'Université d' Aarhus, et le groupe collégial trouvent ici l'expression de ma reconnaissance. Je tenais particulièrement à publier ce livre en français à cause de tout ce que m'ont appris la culture et la recherche françaises. La traduction a nécessité un travail étendu de la part de Sœur Colette de l' Assomption aidée de Sœur Monique, qui a traduit la première moitié, et de Madame G. Liisberg, Licenciée ès Lettres, qui
a traduit la deuxième moitié (à partir du ch. V inclus). Je les remercie de l'obligeance avec laquelle elles se sont chargées de cette tâche et ont aidé à l'accomplir jusqu'à la correction des épreuves. Je remercie vivement Madame Hanne Paikjrer et Madame MajBritt Fjord-Larsen, Institut de Philologie Classique, pour la mise au net du manuscrit. Toute la reconnaissance que je ressens envers les personnes et les institutions qui m'ont aidé à la publication de ce travail, n'égale pas cependant ce que je ressens pour celle qui m'a accompagné et s'est tenue à mes côtés pour la bonne et la mauvaise fortune: ma femme. C'est à elle que je dédis cet ouvrage.
Aarhus, le I 3 septembre 1972 BENT DALSGAARD LARSEN
Introduction Il n'est pas exceptionnel qu'un auteur ancien et plus encore un auteur post-classique ait été - pendant longtemps - considéré avant tout dans sa relation à d'autres auteurs ou à des problèmes classiques, de sorte que son étude a été poursuivie, plus ou moins exclusivement, avec le but de rassembler les renseignements que donne l'auteur en ces domaines. L'objet principal du travail devient donc une Quellenforschung qui fait en quelque sorte abstraction de l'auteur pour utiliser son œuvre comme une accumulation de matériaux et un amoncellement de détails de provenances multiples, sans même chercher à trouver le lien qui aurait pu exister entre eux chez l'auteur lui-même. C'est ce qui se passa pour Jamblique de Chalcis en Coelé-Syrie, néo-platonicien syrien mais hellénisé, qui vivait au tournant du 1118 au IV 8 siècle après J.-C. Un coup d'œil sur les travaux de recherche à propos de Jamblique le montrera. En 1924 Marouzeau, dans Dix Années de Bibliographie Classique, s.v. Iamblichus renvoie à une Bibliographie critique de 1876 à 1911 de Fr. Lortzing dans Bursians Jahresbericht 168, 1914, 119-152. Mais cette bibliographie critique n'est pas à vrai dire une bibliographie sur Jamblique mais sur I' Anonymus Iamblichi c.à.d. sur le problème suivant: qui est l'auteur anonyme ou quelle est la source du chap. 20 de l'ouvrage nommé le Protreptique de Jamblique. Un aperçu de cette question pouvait donc être considéré en 1924 comme une bibliographie critique des recherches sur Jamblique pour la période 1876-1911. La discussion sur l'Anonymus Iamblichi fut amorcée en 1889 par Fr. Blass. Celuici publia alors son De Antiphonte sophista Jamblichi auctore, où il soutenait que le sophiste Antiphon était en réalité l'auteur de ce dit chap. 20 du Protreptique de Jamblique. En accord avec Blass, Diels incorpora ce chapitre dans les Fragmente der Vorsokratiker sous le nom d'Antiphon. Il écrit: « lm Protreptikos des lamblichos c. 20 bat Blass ... ansehnliche, wenig verânderte, in der Regel nur in die indirekte Rede umgesetzte Eklogen einer ethisch-politischen Schrift aus der Zeit des Peloponnesischen Krieges gefunden » 1). Blass fut suivi en outre par Schneider, Jacoby et Gompertz 2); mais sa thèse que l'Anonymus soit identique à Antiphon fut depuis lors fort critiquée, en premier lieu par Karl Topfer qui, lui, pensait que l'auteur de ce chapitre était Protagoras 3). Topfer fut à son tour critiqué par Karl Bitterauf, 1) FVS1 2 p. 400. - Pour ce qui est des abréviations en général, et des abréviations des titres d'arti-
cles et d'ouvrages, se rapporter à la bibliographie. 2) Sur Schneider et Jacoby chez LoRTZINGdans: JAW 168, 1914, 127ss. H. GoMPERZ,Sophisrik u. Rhetorik p. 79-90. Praechter critique la position de Blass dans JA W 96, 1898, 87. 3) KARL TôPFER, Die sogenannten Fragme11re des Sophisten A11tip/10nbei Jamblichos, de 1902 (comme Gmunden Progr. en 1907).
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appuyé par Lortzing, qui dit à ce sujet: « Das eine bat Topfer richtig erkannt, dass sich der Anonymus in seinen Anschauungen vielfach mit Protagoras berührt. Aber daraus darf schon aus chronologischen Gründen nur geschlossen werden, dass der Anonymus durch den Vater der Sophistik stark beeinflusst worden ist. In diesem Sinne haben denn auch spiitere Forscher an Tôpfers Untersuchungen angeknüpft »'). Mais Lortzing regarde comme incontestable que, après les recherches de Bitterauf, ni Antiphon ni Protagoras ne peuvent plus être considérés comme les auteurs du morceau, qui, quant à la date, ne peut pas remonter à une période antérieure à 510--5206). Depuis le compte-rendu de Lortzing en 1914, l'affaire de l'Anonymus lamblichi a été principalement étudiée par R. Roller et Q. Cataudella. Roller, en 1931, dans son étude sur la question est peu intéressé à attribuer ce chapitre à un auteur déterminé du V 0 siècle. Il veut tout d'abord examiner le contenu du morceau, et présenter« une interprétation du donné »; et c'est seulement dans la deuxième partie de son étude qu'il cherche à situer l' Anonymus par rapport à la Sophistique 6). Cataudella a de son côté argumenté à plusieurs reprises que c'est Démocrite qui se cache derrière l' Anonymus Iamblichi7). Bien plus encore que le chap. 20 du Protreptique, ce sont les chapitres 6 à 9 qui ont été l'objet d'un grand intérêt. Ceci surtout à l'époque qui suivit le compte-rendu de Lortzing en 1914, mais l'origine de cet intérêt se situe même avant cette période traitée par Lortzing: déjà en 1869 1. Bywater pensait pouvoir prouver que Jamblique dans son Protreptique avait tiré des extraits de l'ouvrage de jeunesse d'Aristote, maintenant perdu, ouvrage qui portait le même nom 8). D'accord avec Bywater, Rose, dans son recueil de fragments d'Aristote (de 1886) ne releva pas moins de 6 passages de ces chapitres comme des fragments d' Aristote 9). A la suite de Bywater, W. Jaeger, 4) KARLBrITERAUP, Die Brüchstücke des Anonymus /amblichi, dans: Phi/o/ogus 68, 1909, 500-522 et id., Der Anonymus /amblichi, dans: BBG 46, 1910, 321-33. Citation de Lortzing dans la Bursian-bericht déjà mentionnée p. 126-127. S) Loc. cit. p. 152. W. Nestle ne donne pas non plus de solution au problème dans Politik u. Aufkliirung (p. 9) de 1909. 6) « Eine jede derartige Untersuchung bat auszugehen von einer môglichst unvoreingenommenen Interpretation des Gegebenen. Es wird daher im ersten Teil dieser Arbeit der Traktat, soweit er uns erhalten ist, môglichst eingehend erkllirt und analysiert ... Einzelbemerkungen zum Text, zum Sprachgebrauch, zur Terminologie erliiutern schliesslich und stützen die Gedankenanalyse » lisons-nous p. 65. 7) Les articles de Cataudella sont indiqués dans la bibliographie. Cadiou ne semble pas en avoir tenu compte dans son article« A travers le Protreptique de Jamblique» dans: REG 63, 1950, 58-73. A l'appui de la thèse établissant une relation entre Jamblique et Démocrite, notons aussi: d'une part leur commun intérêt pour l'Orient, les Chaldéens etc. (cf. les écrits hypomnematiques mentionnés par Wellmann: 1, Set 6, art. Demokrit dans: RE), et d'autre part ce que Fabricius mentionne ([V, XXIX p. 29Sss) à savoir que le maître de Jamblique, Anatole, a écrit un ouvrage le De antipathia et sympathia qui offre des ressemblances considérables avec ce qui nous est parvenu de l'oeuvre du même titre sous le nom de Démocrite (fragments des deux oeuvres chez FABRICIUS). 8) INGRAM BYWATER, On a /ost dialogue of Aristotle, dans JPh 2, 1869, 55-61. a. dans le prolongement de ceci R. HtRZELdans Hermes 10, 1876, 83-95. 9) Fr. 52, SS, 58, 59, 60 et 61. Des 12 fragments du Protreptique rapportés par Rose, la moitié est donc extraite du Protreptique de Jamblique. L'index auctorum de Rose est étonnamment incomplet, voir p. 456 s.v. Iamblichus où seulement De vita Pyth. p. 31 = fr. 192est indiqué.
11 dans son livre sur Aristote a argumenté qu'il se trouve encore d'autres fragments du Protreptique d'Aristote dans l'œuvre de Jamblique 10 ). A la suite de Jaeger, Walzer, en 1934, recueillit 7 autres passages de l'œuvre de Jamblique dans son édition scolaire des fragments d'Aristote 11). Jaeger trouve non seulement des fragments d'Aristote dans les chapitres 6 à 9 de Jamblique auxquels réfère Bywater, mais aussi dans les chapitres 10 à 12 suivants 1 9}. L'ample discussion sur le Protreptique d'Aristote dans le Protreptique de Jamblique est résumée par Rabinowitz dans le traité: « Aristotle's Protrepticus and the Sources of its Reconstruction» {de 1957) où il donne une nouvelle analyse de tout le problème. Rabinowitz est très sceptique sur le tri des fragments d'Aristote effectué jusqu'alors et attire l'attention sur les difficultés de méthode, quand on veut préciser jusqu'à quel point on peut à bon droit parler de fragments d'Aristote chez Jamblique. L'ouvrage de Rabinowitz a été suivi par « Aristotle's Protrepticus. An Attempt at Reconstruction» de I. Düring {de 1961). Alors que Rabinowitz avait fait une critique approfondie de l'étude des sources, Düring est de nouveau à la recherche d'une reconstruction d'Aristote en limitant le nombre des fragments et en les ordonnant pour pouvoir par ce procédé déterminer le contenu de l'œuvre d' Aristote 1 1). Ce n'est pas seulement dans le Protreptique de Jamblique que l'on a trouvé ou voulu trouver - des fragments du Protreptique d'Aristote. Deux passages du chapitre 26 de l'ouvrage de Jamblique De communi mathematica scientia avaient déjà été inscrits par Rose comme appartenant au Protreptique (fragments 52 et 53) tandis que Bywater les avait rattachés à la De philosophia d'Aristote a). Ph. Merlan a plus tard argumenté que le chapitre 23 de comm.math.scient. renferme un fragment du Protreptique d'Aristote, et Festugière est de son avis sur ce point 111). Ainsi, alors que le thème « Aristote chez Jamblique » a tenu une grande place dans l'étude faite à l'époque moderne sur Jamblique, Ph. Merlan a, de son côté, ouvert de nouvelles perspectives: il soutient que l'on trouve chez Jamblique des 10) Surtout le chapitre« Fortleben und Rekonstruktion des Protreptikos » p. 60-80 dans Aristote/es, Grund/egung einer Geschichte seiner Entwick/ung. 11) Il s'agit du fragment 4 de Walzer (tiré de Jamblique chap. 6 p. 37,3-22, morceau qui était du reste déjà regardé par Bywater comme un fragment d'Aristote), fr. 6-7 (long passage tiré du chap. 7 de Jamblique), fr. 11 (tiré du chap. 9) ainsi que les fr. 13-15. Ross a aussi recueilli ces mêmes 13 passages dans son choix de fragments d'Aristote. 12) JAEOER,op. cil. p. 77ss, chez Walzer fr. 13-15. Hirzel a pensé que le chap. 10 ne provenait pas du Protreptique d'Aristote mais d'un écrit politique De iustitia (Hermes 10, 1876, 99 note 1) que Jaeger qualifie de « Fehlgriff » (Arist. p. 92 note). 13) DO!uNo a autrefois écrit sur ce sujet dans les articles Problems in Aristotle's Protrepticus de 1954 et Aristot/e in the Protrepticus ne/ mezzo del cammin de 1955. Sur les recherches antérieures pour la reconstruction du Protreptique d'Aristote voir en outre Dirlmeier et Spoerri dans: Gnomon, respectivement 28, 1956, 343, 1 et 32, 1960, 18, 4. En 1966 GERHARTScHNEEWEISS a présenté son « Inaugural-Dissertation » Der Protreptikos des Aristote/es. 14) Jaeger rattache également ces passages au Protreptique d'Aristote (Arist. p. 7lss) tout comme Walzer (fr. Sb et 8) et Ross (p. 30 et 37). 15) PHn.IPMERLAN,Unearthing Aristotle dans Claremont Quater/y 1, 1952, 3-8 et id., From Platonism to Neoplatonism. A.-J. Festugière dans le compte-rendu du livre de Merlan dans RPhilos 146, 1956, 177-127 ( Un fragment nouveau du Protreptique d'Aristote). Pour une discussion de ce point d. Appendix 2 de Merlan dans la 2ème édition du From Platonism (p. 154--59).
12 documents considérables de l'Ancienne Académie, spécialement de Speusippe. Le passage de l'ouvrage de Jamblique comm.math.scient., en particulier le chapitre 4 mais aussi les chapitres 3 et 9, a une singulière ressemblance avec ce qu'Aristote, dans sa Métaphysique, dit des prises de position philosophiques de l' Ancienne Académie16). Il serait admissible d'en déduire que Jamblique était en possession de la Métaphysique d'Aristote lors de la rédaction du comm.math.scient.; la relation de Jamblique à Aristote en serait par là-même rendue encore plus étroite. Pourtant Merlan rejette cette solution en montrant que la différence entre les positions d'Aristote et de Jamblique sur ces sujets est trop grande pour qu'Aristote puisse être une source pour Jamblique; les ressemblances montrent cependant qu'Aristote et Jamblique parlent de la même problématique. Merlan en conclut que c'est de Speusippe dont parlent et Jamblique et Aristote, et que Jamblique ne puise pas ses informations chez Aristote mais les puise (probablement directement) d'un ouvrage de Speusippe 17). Lorsque Merlan veut faire remonter les matériaux de Jamblique directement à Speusippe, sans qu'ils soient influencés ni par Plotin, par ex., ni par Jamblique lui-même, c'est qu'il considère la thèse dualiste de comm.math.scient. en contradiction avec le « stricte monisme » de Plotin et surtout de Jamblique 18). Merlan en conclut donc que comm.math.scient. est une source de grande valeur pour notre connaissance de Speusippe parce qu'elle ne dépend pas d'Aristote et n'a pas subi l'influence des doctrines de Plotin ou de Jamblique. Que le fr. 52 Lang de Speusippe tiré de la Métaphysique d'Aristote N 5 p. 1092a17-20 soit vraiment un fragment de Speusippe comme le pensa Lang, Merlan le trouve confirmé par l'œuvre de Jamblique. Merlan, avec son thème: « Speusippe chez Jamblique», a fortement contribué au renouveau de l'étude de toute la problématique sur l' Ancienne Académie, et, en partant de Jamblique, il arrive entre autres au résultat, souligné aussi par Cherniss, que l'influence de Speusippe sur Aristote a été plus importante qu'on ne l'avait pensé jusqu'alors 19). Ainsi la recherche s'est fort intéressée à divers passages de l'œuvre de Jamblique. Maintenant, quant aux écrits de Jamblique qui ont été sauvegardés, chacun consideré dans sa totalité, deux ouvrages surtout ont eu un intérêt particulier: le De vita Pythagorica et le De mysteriis Aegyptiorum, la problématique y étant aussi essentiellement marquée par la Quellenforschung. Dans son compte-rendu de l'édition de Nauck du De vila Pythagorica (de 1884) M. Heinze, en 1887,appelle cet ouvrage: « Die werthvollste Schrift des Jamblichos » 20 ) 16) MERLAN,From P/atonism 2ème éd. p. 96-140. 17) Merlan se refère au fait qu'il y a dans !'oeuvre theol. arithm. 61 p. 82s. une citation de l'ouvrage de Speusippe O&pi Ou9ayop1K&v àpt9µ&v ( = Speusip. fr. 4 Lang). Sur Theo/.arithm. voir plus loin. 18) Ceci est, bien entendu, un exposé très simplifié de l'analyse nuancée de Merlan. Nous ne pouvons pas toutefois cerner davantage la question dans le cadre de ce travail. li faudrait de prime abord consulter le livre même de Merlan, maintenant classique. 19) Au sujet de la discussion sur la thèse de Merlan, spécialement sur la critique de Loenen et Santilla, cf. Appendix de Merlan dans la 2ème édition p. 128 ss. Il est intéressant de noter que Rabinowitz, indépendamment de Merlan, a retrouvé des matériaux de Speusippe chez Jamblique. Rabinowitz ne pense d'ailleurs pas comme Merlan que Jamblique ait repris les matériaux de Speusippe sans les transformer. (voir RABIN0WITZ,Aristotle"s Protrepticus p. 87ss et MERLAN, From Platonism 2ème éd. p. 129 note 2). 20) dans JAW 50, 1887, 104.
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Cette opinion a certes été modifiée depuis lors, mais il n'en est pas moins vrai que la Vie Pyth. a été l'objet d'une vaste recherche qui montre l'intérêt porté à cet écrit. Dans la préface de son édition, Deubner donne la bibliographie la plus importante sur le sujet (jusqu'en 1937). Outre l'étude des sources de certains passages ou chapitres, le problème des sources de Jamblique pour l'ensemble de l'ouvrage fut étudié 21 ). Mais ce qui attira encore davantage l'attention, ce furent les renseignements que donne Jamblique dans cet ouvrage sur Pythagore et le pythagorisme, c.à.d. la Vie Pyth. en tant que biographie de Pythagore, plus les documents pythagoriciens, et les appréciations pythagoriciennes, datant d'une époque plus récente, que cet écrit pouvait renfermer. A. Delatte et I. Lévy ont fait là un travail fondamental 22 ).Cet écrit de Jamblique occupe d'habitude une place centrale dans toutes les grandes recherches sur le pythagorisme antique comme on le voit p.ex. dans la vaste étude des sources et des problèmes concernant les recherches sur Pythagore, publiée par V. Capparelli en 194123 ). Légèrement différente est la situation du De mysteriis Aegyptiorum, dernier ouvrage à avoir une édition critique 24 ). Jusque tout récemment, c'est le seul des ouvrages de Jamblique à avoir été facile d'accès dans les traductions en langue moderne, ce qui indique que le De myst. Aeg. a été pendant des centaines d'années regardé comme l'œuvre principale de Jamblique 25 ). L'authenticité du De myst. Aeg. a été fort discutée, 21) A propos de passages particuliers: A. DELATTE,Un nouveau fragment de Timée (dans le chap. 35 du De vita Pyth. de Jamblique). Une recherche capitale sur la relation de Jamblique à Timée de Tauromenion est La vitae /'opera di Pitagora seconda Timeo de A. RosTAGNI, où, en plus d'autres sources, Timée est signalé comme source de plusieurs passages chez Jamblique. Sur Héraclide du Pont chez Jamblique: articles de P. CoRSSENet P. BoYANd. Dans son article, Boyancé pense que Jamblique, dans vita Pyth. 32, 215-218, donne un résumé du dialogue d'Abaris d'Héraclide qui est d'un grand intérêt pour la relation de Jamblique avec !'Ancienne Académie. Boyancé plus tard a écrit un article sur le chap. 21 de la Vie Pyth. et ses rapports avec Aristoxène de Tarente, sujet déjà traité par Mewalt dans une dissertation berlinoise. - Les recherches générales des sources sont surtout entreprises par Rohde et Bertermann. Rohde regarde Nicomaque et Apollon comme les seules sources de Jamblique, tandis que Bertermann suppose que le problème des sources de Jamblique est plus complexe. 22) Les oeuvres de DELATTEet LÉVYsont indiquées dans la bibliographie. 23) Surtout le chap. 10 sur les sources néo-platoniciennes. Oeuvres précédentes: voir par ailleurs DEUBNER,Praefatio à l'édition p. XVII-XVIII. Les ouvrages les plus récents sont, outre Capparelli: K. VON FRITZ, Pythagorean Politics in Southern /ta/y, id., art. Pythagoras dans RE,. W. BURKERT,Weisheit und Wissenschaft (sur le problème des sources surtout p. 87 avec les notes). 24) De la plume de E. DES PLACES(Paris, 1966), il en existe maintenant une édition remarquable avec introduction, traduction en français et notes. Une nouvelle édition critique par MARTIN SICHERLest en préparation, cf. sa Bericht über den Stand der kritischen Ausgabe von Jamb/ichos De mysteriis dans AG Ph 42, 1960, 305-306. On dispose du travail préparatoire à cette édition dans le travail de SICHERL:Die Handschriften . .. (cf. à ce sujet K.A. DE MEYIER,Une contribution importante à l'histoire du texte du De mysterris de Jamblique, dans Scriptorium 12, 1959, 284289, et les articles de A. R. SODANOdans GIF (cf. bibliographie)). Encore à utiliser, l'édition de PARTHEYde 1857. (Réimpression anastatique de 1965). 25) En 1963, MICHAELVONALBRECHTa édité la première traduction allemande du De vita Pytlwgorica. D'après SoRLEY (Enc. Brit. p. 214), TH. TAYLORaurait fait une traduction anglaise de cette oeuvre en 1818, mais celle-ci est incommue. La traduction italienne de PESENTO(de 1913) ne comprend que des extraits. Par contre, les traductions du De mysteriis At•,ryptiorum en langues modernes sont nombreuses: celle de TAYLOR(1821) en anglais, la traduction française de QUILLARDparut en 1895, la même année du reste que la parution de la deuxième édi1ion
14 surtout après que Zeller l'ait niée - à la suite de Meiners et de Harless - et qu'il ait adopté comme auteur réel un élève inconnu de Jamblique 18 ). Ce problème fut repris et travaillé à fond en 1911 par K. Rasche qui argumenta pour l'authenticité de l'ouvrage de façon convaincante 17 ). Depuis lors presque tout le monde fut d'accord sur son authenticité 18). Une ample documentation du status quaestionisest donnée par S. Fronte, qui, dans une nouvelle recherche, confirme cette authenticité 19). H. Kellner, en 1867, s'attacha à l'idée que le De myst. Aeg. était une tentative d'élaboration d'une théologie savante pour le paganisme en opposition avec la théologie chrétienne 80). Cette théorie perd beaucoup de sa force si on considère qu'aucune allusion directe aux chrétiens ne se trouve chez Jamblique et que celui-ci n'est pas signalé, par les auteurs chrétiens, comme un adversaire notoire 81). L'intérêt principal ne s'est pas toutefois tellement porté sur ce point que sur celui du De myst. Aeg. en tant que principale source de notre connaissance de la religion hellénistique et spécialement de la mystique et de l'hermétique de l'époque 31 ). Tout récemment, le De myst. Aeg. a de Taylor. A partir de 1888 A. WILDERtraduit le De mysteriis Aeg. morceau par morceau dans plusieurs numéros de la revue The Platonist. Edition complète: New York 1911 et Londres 1915. Dans la série, Quellenschriften der griechischen Mystik, HoPFNERpublie en 1922 une traduction allemande du De mysteriis Aeg. comme premier tome de la série. - Le De mysteriis Aeg. est considéré comme le chef-d'oeuvre de Jamblique par ex. par Cousin (édition de Proclus de 1864, Avertissement p. XV note 5). 26) L'authenticité, qui avait été reconnue à la fois dans l'antiquité (PRocL. ln Plat. Tim. I p. 386, 10 avec réf. à myst. Aeg. 8, 3 p. 265, 5) et à la Renaissance (Ficino), fut pour la première fois contestée par MEINERSen 1781, suivi par SIMON(en 1845), VACHEROT(en 1846) et surtout HARLESS(1858). Ensuite, outre ZELLERce sont CHAIGNET(en 1893) et MAU qui pensent que, dans myst. il est question du développement d'une doctrine qui dépasse Jamblique. (art. Jamblichos p. 648, 61ss). - En ce qui concerne Zeller, voir Phil. d. Gr. Ill 2, seéd. p. 774 note I avec réf. à Meiners et Harless. 27) CAROLUSRAscHE, De lamblicho libri qui inscribitur De mysteriis auctore. Diss. Milnster, 1911. Avant Rasche, l'authenticité est reconnue par TENNEMANN, KELLNER,BARTZLERet NIGGETIET, voir Rasche, p. 7. 28) Rasche est ainsi suivi par GEFFCKEN(Ausgang p. 283 ss, Julian p. 160, où Geffcken donne plusieurs critères d'authenticité), BmEZ (Proclus p. 87), KROLL (Jamblichos p. 650,31 ss), DODDS(Proc/., Elements p. XIX note 1), ROSAN(Philosophy of Proc/us p. 42), FRIEDL(Die (Herm. Trism. II p. 48,2), DESPLACES(notice introHomer-lnterpretation p. 103), FESTUGIÈRE duisant l'édition) et autres. Praechter aussi accepte presque l'authenticité (cf. Gnomon 3, 1927, 472). En raison des renseignements très précis sur des phénomènes égyptiens dans myst. Aeg. DERCHAINa récemment supposé que l'auteur de l'écrit n'était pas Jamblique mais un prêtre égyptien du 111esiècle (dans l'art. Pseudo-Jamblique ou Abammon? Quelques observations sur l'égyptianisme du De mysteriis). Cf. l'article de THAUSING,Jamblichos und dos a/te Âgypten. 29) SicGymn NS 7, 1954, 234-53. Fronte conclut dans cet article: « lnfatti la indagine da noi accuratamente condotta sulla dottrina e sullo stile delle opere genuine e sui De Myst. ci permette di affermare che non esiste sia nel contenuto comme pure nelle lingua e lo stile, nulla che possa in qualche modo pregiuducare l'attribuzione del trattato a Giamblico ». 30) HEINR. KELLNER,Analyse der Schrift des lamblichus de mysteriis ais eines Versuches eine wissenschaftliche Theo/ogie des Heidenthums anzustellen, dans ThQ 49, 1867, 359-396. Ce point de vue, qui s'était déjà trouvé précédement (cf. à ce sujet FABRICIUS-HARLESS p. 762-3), est partagé par Mau (Jamblichos p. 649). 31) Cf. par ex. les remarques de WASZINKsur Jamblique dans Cale. Tim. praef. XIII. 32) M. P. Nn.ssoN apelle le De mysteriiJ Aeg. un « Grundbuch spiitantiker Religion » dans Gesch. d. gr. Religion 2, 2e éd. p. 448. Cf. le livre de A. v. HARLESS de 1859 Dos Buch von den iigyptischen
15 notamment été consulté et utilisé par Festugière dans son grand ouvrage sur Hermès Trismégiste 33). Alors que la recherche, dans tous les domaines nommés jusqu'ici, s'est occupée des sources utilisées par Jamblique et des renseignements qu'il peut nous fournir, la question de l'influence de Jamblique a seulement été l'objet d'une étude très réduite. Mentionnons cependant la question de l'influence de Jamblique sur l'empereur Julien. Julien adorait Jamblique et le mettait sur le même plan que Platon; parmi ses lettres on en trouve plusieurs adressées à un philosophe Jamblique st ). Cumont et Schwartz ont argumenté que ces lettres sont fa/sa, tandis que Bidez a formulé l'hypothèse qu'elles sont destinées à un neveu de notre Jamblique qui portait le même nom, hypothèse qui n'a d'ailleurs pas eu beaucoup de retentissement35). R. Asmus a pensé pouvoir prouver que le commentaire de Jamblique sur !'Alcibiade de Platon a été une des sources les plus importantes pour l'empereur Julien et, dans cette même ligne, Bogner regarde le 5ème discours de Julien comme étant directement inspiré par Jamblique 88 ). Une idée principale ressort de toutes ces recherches: Julien amène à son épanouissement ce qui a été la pensée de Jamblique 87 ). Il va sans dire qu'une étude des sources comme celle que nous trouvons à propos de Jamblique est à la fois légitime et indispensable. Elle a donné et pourra donner Mysterien. Zur Geschichte der Selbstauflosung des heidnischen Hel/enenthums. - Sur l'utilisation des études les plus anciennes faites sur le De mysteriis Aeg. dans le contexte de l'histoire des religions cf. le compte-rendu de BoussET sur Bou,. Aus der O.ffenbarung Johannis, dans: ThLZ 1915 NO 12 p. 275. 33) Surtout dans tome 3 p. 48-50, mais aussi en d'autres endroits. a. de plus id., La pyramide hermétique, dans: MH 6, 1949, 211-215 et Dooos, Theurgy and its relationship to neoplatonism, dans: JRS 37, 1947, 55-69 (voir surtout p. 58-59). 34) N° 34, 40, 41, 53, 60, 61 Hertlein (= Epist. 39, 40, 41, 53, 60, 61 Spanheim = Epist. 33, 39, 40, 52, 59, 60 Hercher, Epist. Gr. = Epistl. p. 238,l ss, 240,15 ss, 243,20 ss, 248,22 ss, 250,11 ss, 253,9 ss Bidez). C'est avant tout dans ces lettres que nous voyons combien Julien glorifie Jamblique (cf. dans l'édition de Bidez par ex. p. 238,11 et 247,5 Jamblique comme bienfaiteur et sauveur de tous les Grecs, p. 255,4 comme bienfaiteur de toute l'humanité, p. 238,18 et 255,13 comme gloire du monde, p. 248,12 élevé par Hermès, p. 247,14 à comparer avec Asclépios, p. 245,2 avec Apollon p. 251,13 et 252,5 avec Hermès, p. 255, 1 avec Orphée, p. 246,21; 247,8; 254,2; avec le soleil etc.). - En dehors des lettres, notamment dans le discours d'Helios (orat. 4 Spanheim et Hertlein) p. 189,16 Hertlein (comparaison avec Platon), p. 195,14 H, p. 204,11, p. 204,17 H. De plus dans orat. 7, où p. 281,18 Hertlein fait sûrement allusion à Jamblique et p. 288,5 H met en parallèle Platon, Plotin, Porphyre et Jamblique. Cf. la remarque d'AMM0NIUS CAO IV, 6 p. 31,11. 35) F. CuM0NT, Sur /'authenticité de quelques lettres de Julien. Sur ce traité Praechter écrit (JA W 96, 1898, 88): « Die Unechtheit der an Jamblich gerichteten Briefe ... wird von C. überzeugend nachwiesen ». SCHWARZdans son ouvrage De vita et scriptis Jufiani Jmperatoris. - La thèse de Bidez dans son Jamblique et son école, à quoi il faut comparer l'appendice dans l'édition des lettres de Julien (p. 233 ss). Une critique de Bidez chez MAU, Jamblichos; à l'appui de la thèse de Bidez peut être mentionnée la façon dont JULIENdans oral. 4 p. 189, 16 Hertlein, souligne qu'il parle du Cha/cédonien Jamblique. Si Bidez a raison, le neveu devrait être d'Apamée. 36) R. AsMus, Der Alkibiadeskommentar des Jamblichos ais Hauptquel/e für Kaiser Julian, de 1917 (remarques critiques sur Asmus chez UP p. 620 note 1). Asmus pense (p. 6) que l'influence passe par l'intermédiaire de Maxime. - H. BCXJNER, Kaiser Julians 5. Rede, dans: Philo/ogus 12, 1923, 258-98. 37) a. l'expression de Schmid à propos de Julien (( der Vollstrecker seines (se. Jamblichs) Sinn », SCHMJD-STAHUN 2,2 p. 1052.
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d'importants résultats. Elle n'est pourtant pas sans problèmes. Tout d'abord, l'examen des sources soulève normalement de grands problèmes de méthode qui varient d'un auteur à l'autre. Un des problèmes de méthode propre à la recherche des sources est celui-ci: le travail de l'étude des sources peut facilement amener à omettre celui de mettre au clair les intentions de l'auteur lui-même. Cependant ce sont uniquement ces intentions qui peuvent montrer ce que l'on peut déduire de ces données. De plus, l'examen des sources implique presque toujours une appréciation de l'auteur. Une telle appréciation peut assurément se construire après une étude plus serrée de quelques passages précis, mais ceci donne normalement un fondement trop faible pour une appréciation valable; il serait donc normal de reprendre une appréciation d'une représentation standard qui a obtenu autorité. Ceci est pleinement justifié dans la mesure où l'étude des détails avec ses visées restreintes ouvre difficilement sur des perspectives assez générales pour qu'une appréciation de l'ensemble soit pertinente. Mais, dans ce cas, une grande partie des résultats de l'étude dépend de la validité de l'appréciation standard, en même temps qu'une tradition d'appréciation est continuée du fait même qu'on en fait usage. Une nouvelle recherche de l'opinion traditionelle avec un nouvel examen de l'auteur dans sa totalité et de son œuvre dans son ensemble et dans chacun de ses éléments, dans son contexte social et dans ses intentions, peut par suite très facilement devenir d'actualité. Tout ceci est valable au maximum quand il s'agit de la recherche au sujet de Jamblique. Tout d'abord une remarque s'impose sur les problèmes de méthode à propos de l'étude des sources de Jamblique, en ce qui concerne spécialement les recherches de I' Aristote perdu dans le Protreptique. Dans cette œuvre (comme d'ailleurs aussi dans plusieurs autres) Jamblique cite très rarement ses références de façon précise. Cependant il cite ses sources dans les passages de son ouvrage De anima qui nous ont été conservés par Stobée, et la raison de cette différence est évidemment à déterminer d'après les différentes intentions que l'auteur se propose dans ses œuvres. De quelque façon que puissent être déterminées les intentions dans ces cas-là, la différence de procédé dénote en tous cas que Jamblique, dans le Protreptique ne s'astreint pas de la même façon qu'il le fait dans le De anima à citer les documents littéralement ou «correctement» (c.à.d. selon le sens et le contexte dans lesquels l'auteur les a employés), lorsqu'il a utilisé des documents pour sa rédaction, et s'il l'a fait. Dans ces conditions il faut mettre en doute qu'il soit correct de parler de fragments. Car, à moins que l'auteur indique ses références d'une manière explicite, et donne une information qui, dans sa forme et son contenu, peut être admise comme étant une citation directe, il n'est pas possible de parler d'un fragment au sens propre du terme. Une définition aussi « stricte » du mot « fragment » est nécessaire si l'on ne veut pas dissimuler qu'il y a une différence indéniable de nature et de qualité dans les renseignements en tant que sources que donne un auteur 38 ). Un exemple d'un tel fragment formelle38) Sur cette définition d'un fragment et son importance. voir EDELSTEIN:AJPh 57, 1936, 286 ss. Edelstein prépare actuellement la publication des fragments de Posidonius (cf. LESKY,Gesch. gr. Lit.• p. 743). Une définition d'un fragment en connexion avec le Protr. d'Arist. voir RAIIINOWITZ p. 77 SS. passim.
17 ment authentique chez Jamblique est le fragment d'Archytas dans le Protreptique 4 p. 16, 18ss39 ). Par contre, si un auteur traduit sa source en discours indirect, on
ne doit plus parler d'un fragment, vu que nous ne pouvons pas être sûrs en ce cas d'avoir le texte original intact. Il faut s'attendre à ce que l'auteur non seulement se contente d'une transcription correcte du discours direct en discours indirect, mais encore qu'il change l'un ou l'autre mot en cours de route, puisque son attention est avant tout orientée vers le contenu du passage ou même vers un seul de ses aspects et non vers chaque terme du langage et vers chaque mot. Il ne s'agit donc pas d'un fragment au sens propre du terme, il s'agit d'un testimonium, d'un témoignage sur une source et son contenu. Nous en avons un exemple de ceci dans la Vie Pyth. de Jamblique 6,31 p. 18,13ss (= Fr. 192 Rose) pour l'écrit d'Aristote sur les Pythagoriciens40).Si nous considérons sur cette base toute la discussion à propos du Protreptique d'Aristote chez Jamblique, nous pouvons constater qu'absolument aucun des « fragments » trouvés ne sont des fragments au sens propre, bien plus, ils ne sont même pas des testimonia. Jamblique ne nous affirme en rien qu'il s'agit de passages ni de pensées d'Aristote. Un des passages relevés par Jaeger est non seulement sans le nom d'Aristote, mais nous lisons en toutes lettres chez Jamblique: « Certains s'y prennent de la manière suivante » par où Jamblique exprime clairement qu'il ne pense pas spécialement à Aristote et par où est en fait, exclue l'hypothèse que Jamblique aurait été en possession d'une œuvre d'Aristote lors de la rédaction 41). Ceci dit, il ne faut nier en aucune façon qu'il se trouve beaucoup d'éléments aristotéliciens chez Jamblique et de même bien des éléments du Protreptique d' Aristote. Il est évident que la recherche des sources n'a pas épuisé ses possibilités en rassemblant des fragments et des testimonia. Mais on ne doit pas dissimuler les grandes difficultés qui surviennent quand il s'agit de conjecturer bien au-delà des fragmenta et des testimonia au sens propre. Il faut maintenir qu'il est dans ce cas question de matériaux; de ce fait le problème se pose de savoir comment Jamblique fait usage de ses matériaux et quelle est, dans son ensemble, sa méthode de travail. Ce problème ne peut être résolu si ce n'est en connexion avec celui de ses propres intentions et celui de sa façon personnelle d'envisager son œuvre. La façon la plus naturelle d'étudier comment Jamblique utilise ses matériaux est de les comparer aux matériaux aristotéliciens trouvés chez d'autres auteurs. En effet, 39) 'APXl'.rraç toivuv tv t(j'.)Il&pi aoq,iaç &ù9ùç àpl(6µ&voç 1tpotpt1m oihroç· 'waolitov ... .'. Un autre fragment d' Archytas est moins formellement sOr dans sa rédaction à cause de l'insertion nroç· 'ôat1ç .. .' Il faut d'un nroç ibid. p. 22,17 ss.: 'Ev t(j'.)téi..&t toivuv ... fi napaKÂ.flO'IÇo& ajouter que même si les critères formels sont clairs, beaucoup de problèmes se posent pour l'étude des fragments, par ex. à cause des attributions fausses faites par l'auteurq ui cite, ou à cause des renseignements inexacts de la tradition antique. 40) latop&t 6t icai 'Ap1atotÉÂ.flÇ tv toiç n&pi tf\ç Ilu9ayop1icf\ç cp1Â.oaoq>iaç61aip&criv nva to1av6& ùno tû>v àv6pû>v tv toiç nétvu à1tOPPT1t01Ç6iacpuÂ.att&cr9a1·toli Â.Oy1icoO Çoutô µtv &O'tl 9&6ç, tô 6t civ9pronoç, tô 6t olov Ilu9ay6paç. Le passage au style direct montre que c'est maintenant Jamblique lui-même qui parle. 41) Comm.math.scient. 26 p. 79, 1-81 Festa = Walzer fr. 5 b = Ross fr. 5. Cf. JAEGER,Arist. p. 71. - Un fragment au sens propre du Protreptique d'Aristote nous est donné par ELIAS,proleg. phi/os.2p. 3,17ss. (CAG XVIII, I)(= Rose,fr. 51 p. 57 = Walzerfr.2p. 23 = Ross fr. 2 p. 27).
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cette méthode a aussi été employée depuis Bywater qui a essayé, par cette voie surtout, d'identifier les passages d'Aristote chez Jamblique. Dans la plupart des cas il y a pourtant des différences considérables et dans plusieurs des passages présentés par Jaeger, aucune comparaison n'est possiblen). Il serait donc naturel de compléter par une autre méthode et de voir comment Jamblique traite d'autres sources contrôlables, et ici il s'impose de penser à Platon. Mais justement le sujet Platon dans le Protreptique de Jamblique apporte de nouvelles difficultés: bien que Bywater ait déclaré qu'un tiers environ du Protreptique de Jamblique est un plagiat de Platon, il n'est possible de relever que très peu de vraies citations de Platon. Les passages de Platon sont si fortement condensés ou encore amplifiés et tellement remaniés qu'il est fort problématique de parler de citations de Platon, et une reconstruction d'une des œuvres de Platon sur cette base ferait piètre figure si on la comparaît avec le texte platonicien conservé. En outre ce sujet important « Platon chez Jamblique » n'a pas été étudié de plus près 48). Si nous envisageons ensuite l'appréciation de Jamblique impliquée dans l'étude 42) Bywater compare (op.cit.p. SS ss.) d'abord ac. Hort. fr. 26 Baiter ( = 36 Müller) « beati certe protr. p. 24,22 Pistelli « navn:c;civ9pomo1 flouM>µ.:9a&o omnes esse volumus » avec JAMBLlQUE, 1tpan&1v (Walzcr fr. 4), et, partant de la relation de Cicéron au protr. d' Arist. dans son Hortensius, en conclut la relation Jamblique-Aristote. Ce que Bywater ne dit pas, c'est que dans ce cas, il est question d'une citation d'Euthyd. 278 Ede Platon! M!mc si Aristote s'en est servi dans son Protreptique, Jamblique peut néanmoins parfaitement la tenir de Platon (ou de la tradition platonicienne). Rose fr. 53 ( = Walzcr fr. 8 = Ross fr. 8 p. 37) traite de l'origine, du développement, et de l'achèvement de la connaissance philosophique et scientifique. ac.Tusc.disp.3, 28,69 est ici parallèle à Jamblique comm. math. scient. 26 p. 83,6, mais Jamblique ne nomme pas Aristote, et Cicéron ne dit pas d'où chez Aristote il tire son testimonium. Etant donné qu'il n'est pas question de l' Hortensius de Cicéron mais de ses Tusculanes, Cicéron peut parfaitement avoir une autre source que le Protreptique d' Arist., et il peut aussi avoir obtenu ses renseignements indirectement. Cependant Aristote lui-m!me touche aussi au sujet dans Metaph. p. 981 b 13, et qu'à ce propos il y ait eu une tradition pour traiter de ce sujet cité par Cicéron, ceci nous est montré par les commentaires de ce passage chez ALEX.APHR0D.et surtout AscLEPIUS( CAO VI, 2 p. 10-12; ALEX.APHROD.CAO I p. 6--7). Rose fr. 59 ( = Walzcr fr. 10 a = Ross fr. 10 a) se fonde sur ce qui, à vrai dire, est un mauvais parallèle. Boèce nous donne cons. phi/. 3,8 Peiper un fragment d'Aristote (ou un testi• monium; « ut Aristoteles ait» dit Boèce), où Aristote parle du regard perçant de Lyncée. Par contre, Jamblique renvoie seulement à cc que tout le monde connait sur Lyncée (f1U1t&1v 1ca8a1t&ptov Auyicta q,acnv). Le sujet est ici trop général pour que l'on puisse parler d'un parallèle. ac. Hort. ~ JAMBL.protr. nous offrent de bien meilleurs parallèles dans Rose fr. 58, 60 et 61 ( = Walzer fr. 12, 10 b et 10 c). Il faut considérer ceux-ci comme les données principales du thème « Le Protreptique d'Aristote chez Jamblique». Plus éloigné est le parallèle que nous trouvons dans Rose fr. 52 (= Walzcr fr. 5): JAMBL.protr. 6 p. 37, 22 p.~ PRocL. in Eue/. p. 28, 13 Friedlein. Les passages comptés par Jaeger comme appartenant au Protreptique d'Aristote et qui sont insérés dans le recueil de Walzer (et Ross), mais dont on ne trouve aucun parallèle pour étayer cette identification sont, en plus du fragment SS de Rose déjà mentionné ( = Walzer fr. 9): Walzcr fr. 5 b, 6, 7, li, 13, 14 et I S. 43) Une seule petite notice (de M. MÜHL) a cc thème: « Platonisc:hes in der Pythagoras-Vita des Jamblichos » dans: PhW 45, 1925, 235-236, où Mühl soutient que les idées, spécialement à propos de la guerre et de la paix, que Jamblique donne comme pythagoriciennes sont de fait platoniciennes. - Très important à ce sujet est cependant le passage de Rabinowitz p. 53-71.
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de ses sources, nous constatons qu'il a été normal de considérer Jamblique comme un compilateur manquant totalement d'originalité et que c'est cette opinion qui a permis une position si nette en ce qui concern~ les fragments dans l'œuvre de Jamblique. Deubner l'exprime très formellement lorsqu'il dit de la Vie Pythagoricienne: « es ist eine bekannte Tatsache, dass dieses Werk, abgesehen von kleinen Einleitungsund Obergangsstücken, im wesentlichen aus den ausgeschriebenen Quellen besteht, die ungeschicht genug miteinander verbunden sind, und eben in der Wiedergabe jener Quellen - und nur darin - seinen Wert bat»"). Cette appréciation sur Jamblique n'est pas nouvelle. Bywater, en 1869, parle en ces termes du Protreptique: « lt would perhaps be difficult to imagine a book more singularly devoid of any literary or philosophie merit of its own; it is the most shameless of centos, about one-third of it being a plagiarism from Plato, while for another third the compiler is manifestly indebted to some Peripatetic archetype »n). En 1871-72, Rohde prétend que Jamblique travaille comme avec des ciseaux et de la colle, et, dans ses prolegomena à l'édition de la vita Pyth., Nauck laisse entendre que, pour lui, l'unique valeur de cet ouvrage est de donner quelques rares renseignementsH). Heitz, en 1885, s'exprime de manière analogue et Bertermann, en 1913,se conforme à l'appréciation de Rohde'7) Encore en 1930, Theiler écrit au sujet de Jamblique: « Wir kennen die Abschreiberei dieses Mannes »u). Cette conception de Jamblique purement et simplement compilateur - et même mauvais compilateur - ne repose sur aucune preuve vérifiable. Pour cela il nous manque justement la base de référence: les textes originaux d'Aristote utilisés pour la compilation. En fait cette conception est basée sur une attitude négative préconçue au sujet de Jamblique, comme l'a montré Rabinowitz dans son livre sur le Protreptique d'Aristote. Découper des passages du Protreptique de Jamblique et les appeler fragments d'Aristote, cela supposerait que Jamblique copie si purement et simplement Aristote qu'il est incapable de changer le texte lui-même. Il faudrait supposer en réalité, comme l'exprime Rabinowitz, que « the unimaginative Iamblichus, a mechanical and slavish copyist, could not himself have woven the various Platonic elements of the passage into the two consecutive arguments»"). Et il n'y a pas que Rabinowitz à avoir montré ce qui n'est pas défendable dans ces suppositions. Lorsque par ex. Delatte montre qu'il y a dans la Vie Pyth. beaucoup plus de parcelles de 44) DEUBNER, &merk. z. Text p. 621. C'est nous qui soulignons. On doit se poser la question, dit Deubner au meme endroit, de savoir si Jamblique a en aucune façon un style à lui, car il ne fait que copier les autres! 45) op. cil. p. SS. Cest nous qui soulignons. 46) RoHDE, Die Quel/end. J. p. 126--7 et passim. NAUCK, prol. III. 47) HEITZ: « ganz wüste Kompilationen » BPh W S, 1885, 552. BERTERMANN écrit, De fontibus p. S: Quicumque de vita Pythagorica aliquid eruere vult, primum lamblichi de vita Pythagorae opus tractare debet, qui scriptor, vel potius compilator, omnia fere, quae usque ad eius aetatem de Pythagora litteris mandata erant, in unum corpus confersit et peculiari ratione disposuit, ita ut specie novum opus praeclarum, re vera cento nequissimus ortus sit. Summa laude dignus est Ervinus Rohde, qui lamblichi compilandi modum miserrimum distincte nobis demonstraverit. 48) Vorbereitung p. 51 note 1. 49) Aristot/e's Protrepticus p. SS.
20 doctrine péripatéticienne et alexandrine que Rohde ne l'a cru, cela veut dire que Jamblique n'est pas en tous cas un pur et simple compilateur 60 ). Et quand J. A. Philip dans une étude de 1959 montre que la tradition générale est en vérité beaucoup plus importante que des sources particulières, non seulement pour la Vie Pyth. de Jamblique, mais aussi pour celle de Porphyre, tout le problème de la méthode de travail de Jamblique est placé dans une toute nouvelle lumière. En ce cas, non seulement l'ancienne thèse de Rohde que Jamblique travaille comme avec des ciseaux et de la colle devient impossible à soutenir, mais l'intérêt principal doit se transporter du problème des sources particulières à celui de savoir dans quelle mesure, comme le dit Philip, on trouve « a unity of form and intention » et en quoi elle consisterait alors 61 ). Dans la même ligne que Rabinowitz, G. Müller a argumenté que Jamblique ne nous offre pas ses documents aristotéliciens intacts, mais il y entremêle des éléments platoniciens, de sorte qu'on ne devrait pas en réalité parler d'un « Aristote platonisant » mais d'un « Jamblique contaminant ». De quelque manière que nous prenions position pour l'expression quelque peu négative de Müller« Jamblique contaminant», l'argumentation montre combien la conception de Jamblique comme simple compilateur est contestable; plus encore: dans la mesure où cette conception serait fondée, elle éliminerait en vérité pour une part essentielle le fondement de la théorie du « jeune Aristote platonisant » de Jaeger, à savoir dans la mesure où Jaeger se fonde sur Jamblique. Ce serait alors Jamblique qui rendrait Aristote platonisant 61 ). Cependant ce n'est pas seulement à propos de l'étude des sources de Jamblique que nous trouvons une attitude négative envers lui. La recherche des sources a pu au contraire se baser sur une appréciation de Jamblique très répandue, mais généralement négative, appréciation dont il est nécessaire d'étudier d'un peu plus près le fondement et la valeur. Cette appréciation générale négative de Jamblique peut se rendre de la façon suivante. Jamblique représente la période décadente du néo-platonisme où le travail philosophique se désagrège en subtilités et en arguties scolastiques et est remplacé par une religiosité et une mystique fanatiques et pleines de spéculations, dont l'intérêt principal se porte sur les religions étrangères et le culte, en insistant sur les initiations et la théurgie c.à.d. sur des actes du culte dont le but principal est d'influencer les puissances supérieures. La vie intellectuelle grecque serait ici tellement éloignée de sa 50) Études sur la littérature pythag. p. 7; sur ce sujet cf. aussi MEAUTISdans Recherches, Appendice A p. 87-93. Bertermann reconnait en outre, comme mentionné dans la note 21, des relations plus compliquées de sources que ne le fait Rohde; là-dessus cf aussi KROLL dans RE s.v. Jamblichos p. 649,50 ss. Quand Jamblique dans une lettre (chez STOB. II 33, 15) parle de homonoia, il serait de même fort contestable de vouloir rattacher directement le passage de protr. c. 20 à un ouvrage d' Antiphon sur homonoia. SI) The biographic:il tradition, dans: TAPhA 1959, 185-194. 52) L'article de MÜLLER dans: MH 17, 1960, 134 ss. La formule« nicht platonisierender Aristoteles, sondem kontaminierender Jamblich » se trouve p. 143. Ce n'est pas sans raison que Rabinowitz, à la fin de son étude sur le Protrepticus d'Aristote (p. 95 note l) attire l'attention sur ce problème dans la thèse de Jaeger sur Aristote.
21 ligne originelle qu'elle n'aurait plus le droit de retenir notre attention 6 8). Une telle appréciation une fois introduite dans les manuels, il n'est plus possible d'éviter qu'elle n'ait une influence prédominante sur la recherche dans les domaines avoisinants, là où l'intérêt ne se porte pas en premier lieu sur Jamblique. On pourrait en donner plusieurs exemples64). Il sera alors d'autant plus important de savoir si l'appréciation négative est fondée. L'exposé le plus complet de l'appréciation « classique » négative de Jamblique se trouve dans Die Philosophie der Griechen de Zeller et nous ne nous trompons guère en supposant que le verdict négatif sur Jamblique qui s'est généralisé est tout d'abord hérité de l'exposé et de l'appréciation de Zeller 66). Nous allons donc étudier d'un peu plus près cet exposé et les raisons de cette appréciation. Zeller commence par mentionner que Jamblique, dans la tradition ancienne, éclipsait non seulement Anatole, mais encore Porphyre. Mais, continue Zeller, « er verdankt dieses Ansehen weniger seinen wissenschaftlichen Leistungen, ais seinem theologischen Charakter, den Aufschlüssen über die hôhere Welt, die man bei ihm zu finden glaubte, dem Verkehr mit Gôttern und Diimonen, den man ihm zutraute, den Wunder, über welche schon seine niichsten Bekannten sich die abenteuerlichsten Dinge erziihlten. Auch der stehende Beiname des Gôttlichen, welchener bei den spiiteren Neuplatonikern führt, bezieht sich ohne Zweifel zuniichst hierauf. Ais Philosophen kônnen wir ibn Porphyr nicht gleichstellen. Weder die Ueberreste seiner zahlreichen Schriften, noch die Nachrichten über seine Lehre rechtfertigen die masslose Bewunderung, mit der seine Nachfolger sich über ibn iiussern » 66). C'est l'idée fondamentale de Zeller que tout chez Jamblique est déterminé par les intérêts religieux et doit donc être compris dans ce sens, avec une prédilection particulière pour une multiplicité de dieux et de démons, pour les miracles, pour la science divinatoire et les initiations, pour les fables et la mystique des nombres 6 7}. Dans toute sa pensée Jamblique serait 53) Voir par ex: SCHMID-STAHLIN, Gesch. d. gr. Litt. II 2 p. 1050 ss.; PRANTL, Gesch. d. Logik I p. 638; GEFFCK.EN, Ausgang p. 205; WILAMOWITZ dans: Hinnenberg, Kultur der Gegenwart I 8, 203; BoISSIER,La Fin du Paganisme, passim; DUHEM,Système du Monde IV p. 328; SAMBURSKY, The phys. wor/d of lote Antiquity p. 4; etc. 54) Rappelons-en seulement trois: a) LoRTZING conclut à la suite de Tôpfer que le chap. 20 du Protrepticus ne peut pas appartenir à Jamblique parce qu'on n'y trouve aucune allusion à la religion ni aux dieux:« Zu beachten ist auch der unverkennbar rationalistischer Zug in den angegebenen Stücke des Anon.: nirgends eine Anspielung auf die Religion und das Walten der Gottheit ». (JA W 1914 p. 125). b) KR0LL rejette l'idée qu'un commentaire anonyme du Parménide puisse être de Jamblique pour la raison suivante: « Doch scheint die verhliltnismâssig sorgfiiltige Art der Platoninterpretation weniger für die Schule des Jamblichos zu sprechen ais für die von Athen » (RhM 47, 1892, 624). c) EVRARD,dans un article, pense pouvoir prouver que Plutarque d'Ath. n'est pas un élève de Jamblique mais de Porphyre en alléguant que Plutarque est mesuré quant à la religion: « (Plutarque) fit preuve d'une mesure dont l'école syrienne de Jamblique ne pouvait lui donner l'exemple» (AC 1, 1960, 108-33 et ibid. 2, 1960, 391-406; Evrard renvoie plusieurs fois à la « crédulité fanatique » de Jamblique comme un fait reconnu, voir surtout p. 396 et 400). SS) Phil. d. Gr. III 2, 2,se éd. p. 736-773. 56) op. cit. p. 738 ss. 57) La façon dont Jamblique traite la métaphysique serait donc déterminée, d'après Zcller, par son désir de donner une place aux dieux:« Um nun in seinem System für dicse ganze Gotterwelt
22 imprégné d'une subtilité scolastique et d'une spéculation fantastique qui ne s'acommoderait pas de la classification claire et simple de Plotin 68). Pourquoi Zeller arrive-t-il à ce résultat et pourquoi pense-t-il que cette forme spéciale de religiosité donne la clé pour comprendre Jamblique? Il est évident qu'en ceci Zeller ne prend pas son point de départ dans les écrits de Jamblique à propos desquels il dit seulement qu'ils ne justifient pas l'adminiration prodigieuse que la postérité lui a vouée. Ce qui, au contraire, joue un grand rôle dans l'exposé de Zeller, c'est que la postérité ait mis en relief la familiarité de Jamblique avec les dieux et les démons etc.; et là Zeller se fonde uniquement et directement sur la seule grande biographie antique que nous avons sur Jamblique, celle d'Eunape dans les Vitae sophistarum. Les modes spéciaux d'expression religieuse que Zeller mentionne y ont précisément une grande place. Eunape dit que Jamblique était d'une grande obéissance envers les dieux et qu'il n'adorait que le divin111). Il assure que Jamblique prie les dieux et prend part aux sacrifices•0). Mais il signale surtout ce qui, « d'après l'opinion d'hommes d'esprit critique » donne une preuve éclatante de « la divinité » de Jamblique 81 ). Que ce portrait d'Eunape ait joué un grand rôle pour l'appréciation de Jamblique, ces paroles de Schmid le montrent aussi: « Deon was scinen Ruhm besonders steigerte, waren die Wunder, die er vollbrachte, fast das einzige, was Eunapius von ihm zu berichten weiss » 11 ). A ce propos il faut d'abord remarquer qu'Eunape, dans le prolongement direct d'un récit sur des faits supranaturels que l'on disait être arrivés à Jamblique, raconte que Jamblique lui-même rejeta tout simplement ce récit quand il en eut pris connaissance88).Mais la question tout à fait décisive est surtout de savoir si le portrait fait par Eunape n'est pas tellement marqué de ses intentions à lui que l'intérêt pour le divin, prêté à Jamblique dans cette biographie, soit en vérité plus celui d'Eunape luimême que celui de Jamblique. Il est en effet absolument hors de doute qu'Eunape a un but très précis qu'il veut poursuivre avec ses Vies. Sa mise en relief des miracles et des signes du divin n'est absolument pas exceptionnelle pour le portrait de Jamblique, Raum zu gewinnen, musste Jamblich eine weit ausgeführtere Klasseneintheilung der hôheren Wesen anstellen, ais die früheren Neuplatoniker, und eben dieser Punkt ist es, worin allem nach » (p. 744). Sur l'intérêt de Jamblique pour die Haupteigenthümlichkeit seiner Metaphysik 1113 le côté pratique du polythéisme on lit: « Dass auch die praktische Seite des Polytheismus, die Bilderverehrung, die Theurgie und die Mantik, an Jamblich einen eifrigen Vertheidiger finden würde, war zu erwarten » (p. 755). Pour résumer nous trouvons p. 771: « Jamblich's Streben richtet sich unverkennbar weit mehr auf theologische Spekulationen ais auf rein philosophische Untersuchungen; in den letzteren zeigt er wenig Selbstândigkeit, um so eifriger beschâftigt er sich dagegen mit den polytheistischen Religionen. Auch die Aenderungen, welche er in der Metaphysik der neuplatonischen Schule vomahm, lassen sich in letzter Beziehung hierauf zurückführen. Es ist die gleiche Eigenthümlichkeit seines Geistes, der seine Metaphysik und seine spekulative Theologie ihren Ursprung verdankt ». 58) op. cit. p. 771. 59) EUNAP. Vitae sophist. 5, 1, 4, et 6. 60) ibid. 5, l, 12 ss. 61) ibid. 5, 2, 8 cf. 5, 1, 12; 5, 2, 1. 62) SCHMID-STAHLIN, Gesch. d. gr. Lit. II 2 p. 1052. 63) Vitae sophist. 5, l, 7-10.
23 c'est au contraire un caractère général qui se retrouve tout au long de l'écritH). Comme c'est pour Eunape le point primordial de montrer le divin dans la culture et la tradition grecque, il renvoie continuellement aux signes et aux expressions qui montrent le divin (ainsi qu'il le comprenait lui-même) chez les grands hommes, les hommes divins dont il nous présente les vitae85). Selon Photius cette même tendance se serait retrouvée dans une œuvre historique d'Eunape maintenant perdue, ce qui prouve qu'elle a été dominante chez Eunape, et il n'y a aucune raison de douter que Photius a raison de croire qu'en effet Eunape glorifie la culture grecque divine en polémisant contre le christianisme 88 ). Cette polémique doit néanmoins être considérée en liaison avec les efforts de l'empereur Julien pour raviver la culture et la religion grecques, et de fait, Eunape dans son œuvre ne concentre pas non plus son attention sur Plotin, Porphyre et Jamblique mais au contraire sur les « rénovateurs » de la culture et de la religion grecques qui les suivront•"). Les efforts de réforme de Julien ont précisément transformé considérablement la situation de la culture et de la religion grecques 88). C'est pourquoi il n'est pas justifiable de transférer la conception de base d'Eunape 64) Un récit analogue par ex. à propos Aedesius (6,4,l ss.): Le père d'Aedesius se sent - vis à vis de son fils - comme le père d'un dieu. Aedesius lui-même va chercher assistance auprès d'un oracle et il assiste à des miracles. Pour les parents de Sosipatra aussi, il se passe des miracles (6,6,8), elle est initiée aux mystères chaldéens, par lesquels elle arrive à la plénitude de la connaissance (6,8,2), elle peut présager (6,8,3 ss.), est appelée par Eunape Ss1otépa (6,9,3) et dans une citation Sta (6,9,7) de même qu'on emploie l'expression Ss16t11Çà propos d'elle (6,9,8). Le fils de Sosipatra part pour les régions du Nil afin de se consacrer entièrement aux initiés qui s'y trouvent (6,9,lS ss.). Eunape pense de la même façon que le divin se trouve chez Eustace (6,6,4) et il se passe µaVtEîai en rapport avec lui. A propos des miracles en rapport avec l'empereur Julien (7,2,4 ss.), leur rapport avec les mystères 7,3,6 ss; dans 7,2,4 Julien est appelé 6 SE16tatoç 'lou).1av6ç. Sur de telles descriptions en général cf. RETZENSTEIN,Hel/enistische Wundererziih/ungen (surtout I § 2 Propheten- und Philosophen-Aretalogie, p. 3S ss.) et la Forschungsbericht dans: JAW 170, 191S, 13 ss. Remarquons qu'Eunape lui-même est lui aussi initié aux mystères (7,3,1). 6S) Voir par ex. 6,7,7-8 et 6,7,11. Que le but d'Eunape soit de glorifier lapaideia grecque, on le voit par ex. dans le cas d'Aedesius: le pére d'Aedesius reçoit l'impression que son fils est un dieu après qu'Aedesius, à Athènes, ait fait connaissance avec lapaideia grecque (6,1,1-3). Il y a pour Eunape une affinité profonde entre sa religion et lapaideia grecque (6,6,3) et il dit explicitement sur son intention d'écrire l'ouvrage (6,2,12): &µoi 6t, il> 'laµPÂ.IXQl, nollri 'l'Itli>v tà tKdvou oaq,T)vtl;6vtcov npô(; àllf)).ouc; 6tacpcovla oil 1tEpl triv tftc; 'AptatotEÂ.tlCfjç Â.tçtcoc; µ6vov tpµ11vdav, àll.à Kai nEpi aùtà tà npayµata µaÂ.tma. Simplicius souligne l'importance de Jamblique aussi dans ses commentaires de la Physique p. 792,20. 97) ln Arist. anal. pr. p. 26S: ol 6t yE à1Cptl3tottpot tli>v tl;11r11tli>v,roc; 6 Stioc; 'laµl3).1xoç. 98) ELIAS, ln Arist. categ. p. 130,14. ÛLYMP. ln Plat. Phaed. p. 132,7. 99) dans OGA 167,2, 1905, 50S-3S, voir surtout p. 526 ss. 100) dans: Geneth/iakon Carl Robert p. 105-156 (à ce propos Bidez dans REG 32, 1919, 29 ss.). a. aussi les remarques critiques que Praechter fait sur Zeller dans son article sur Nicostratus. 101) Un aperçu des éditions des commentaires antiques sur Platon dans: O. GIGON, Platon (Bochenski, Bibliografische Einführungen 12) p. 15, à quoi il faut notamment ajouter les éditions importantes de WESTERJNK (Procl., Olymp., Damase., etc.), et dans la série Plato Latinus l'édition de W ASZINK du commentaire du Timée de Calcidius.
31 discussion, actuelle à ce moment-là, sur la compréhension de la signification des proèmes des dialogues, et en même temps, du but de chaque dialogue (dans ce cas le Timée). Pour Proclus c'est Jamblique qui a donné la solution définitive à ces problèmes 101 ). Praechter décrit plus en détail la méthode exégétique de Jamblique dans « Richtungen » et il souligne que cette méthode se transmettra à Syrien et Proclus 108 ). Dans un examen de l'interprétation d'Homère de Proclus, Friedl a depuis souligné l'importance que Proclus donne à Jamblique, il le nomme même comme l'auteur de la méthode analogique comme principe d'interprétation 10 '). Plus généralement, mais en prenant aussi son point de départ en Proclus, Dodds dit de Jamblique: « the historical importance of lamblichus bas hardly been sufficiently recognized ». Et Taylor attribue à Jamblique comme exégète une importance non seulement historique mais aussi de principe 106 ). En prenant l'exégèse comme point central de l'œuvre de Jamblique nous restons en accord avec bien d'autres recherches du néo-platonisme. Car c'est un fait que les Néo-platoniciens eux-mêmes désiraient être platoniciens, et il est clair aussi qu'ils font tous leurs efforts pour comprendre, interpréter, exposer, raviver et continuer Platon. Il y aura donc nécessairement une connexion proche et profonde entre l'exégèse et le travail philosophique, que ce soit en philosophant ou en enseignant la philosophie. Faire les commentaires devient la forme normale d'enseignement de la philosophie, et le commentaire devient le genre littéraire principa1108 ). Chez Plotin nous n'avons pas encore la forme du commentaire au sens qu'on lui a donné plus tard, mais plusieurs études ont montré que, avec« Plotin comme interprète de Platon », nous avons une des expressions les plus adéquates de la façon propre de penser de Plotin. Ceci vaut également pour d'autres néo-platoniciens et c'est ce que nous allons montrer pour Jamblique 107 ). Par le fait d'avoir choisi le point de vue exégétique comme base de notre travail nous avons en même temps donné la raison pour laquelle nous avons limité notre collection des fragmenta et des testimonia aux seuls documents exégétiques. L'exégèse dans l'œuvre de Jamblique entraîne une autre conséquence. Lorsque l'on traite d'un exégète il est extrêment problématique de parler de sa «doctrine» 102) Voir GGA 167,2, 1905, 525-26. 103) Richtungenp. 139. Sur la méthode exégétique, surtout p. 128 s. et p. 136. 104) FRIEDL,Die Homer-Interpretation des Neuplatonikers Proklos p. 44. 105) Dooos dans l'ed. de Proclus, The Elements o/Theology p. XlX-XXI. Taylor dans le commentaire du Timée passim (par ex. p. 37 sur« The calumniated Jamblichus »). Une appréciation positive de Jamblique aussi chez HAllDER,Ocellus Lucanus p. XV ss. Par contre, Düring est sceptique sur l'appréciation de Praechter sur Jamblique (Protrepticus p. 27 note 1). Cependant il ne semble pas avoir remarqué que c'est l'exégèse de Jamblique qui a doMé à Praechter l'occasion d'une appréciation positive. 106) a. UP p. 35. On lit à bon droit (ibid. p. 39): « dabei sind diese Kommentare nicht etwa Parerga, sondem führen in den Mittelpunkt der philosophischen Arbeit der Schule ». 107) STEINHART a déjà (dans Meletemata Plotiniana) considéré Plotin comme interprète de Platon. Ceci est repris par SPElSERdans Ein Parmenides-kommentar (p. 71) et est poursuivi à fond par VoLKMANN-SCHLUCK dans son Plotin ais Interpret der Ontologie Platos. Cf. aussi les remarques de DôRRIE (PhR 3, 1955, 29) sur l'interprétation de Platon comme force animatrice dans l'histoire du platonisme.
32 propre et d'autant plus problématique qu'il s'agit d'un exégète «pur». Quand la tâche d'un commentateur est de donner et de commenter le sens d'un texte, nous ne pouvons pas en premier lieu nous attendre à avoir son opinion à lui, mais nous devons avant tout attendre son opinion sur le sens du texte. Une exégèse «pure» n'est certainement pas courante dans l'antiquité parce que, en règle générale, on philosophe en même temps sur le contenu du texte, et pourtant il est important de retenir cette manière de situer les problèmes. Le manque d'attention à ce propos a conduit à de fausses interprétations sur Jamblique 108 ). L'établissement d'un système de doctrines suppose une systématisation qui est étrangère à une position de base exégétique. Nous considérerons donc comme plus importantes la façon dont Jamblique interprète la structure impliquée et la manière de philosopher dont son exégèse est l'expression. C'est en ceci que nous devons espérer trouver la caractéristique et l'importance de Jamblique. C'est dans cette voie que nous devons chercher à le comprendre et à voir la valeur de ce qu'il nous a laissé. Nous n'étudierons pas seulement ici chaque contribution concrète aux interprétations des œuvres classiques, mais aussi les méthodes mêmes qu'il emploie dans son exégèse, les principes sur lesquels il se base et l'herméneutique qui s'y trouve, et que nous pouvons aussi reconstruire par le moyen des testimonia. Nous venons d'esquisser la charpente de cette thèse et d'en expliquer les raisons. Après un exposé de la vie de Jamblique, nous donnerons un aperçu de ses œuvres, pas forcément dans l'ordre chronologique. Puis nous étudierons les œuvres qui nous ont été conservées, surtout en vue de leurs particularités et de la méthode de travail de Jamblique, et spécialement les aspects exégétiques de ces œuvres. Mais ces œuvres sont étudiés pour elles-mêmes afin que cette thèse puisse, par ce moyen, apporter sa contribution à une compréhension de Jamblique en sa totalité. De là nous passerons à un examen des fragments exégétiques de Jamblique et des testimonia de l'antiquité sur son exégèse, en connexion avec le recueil de testimonia et fragménta exegetica édité en même temps que cette thèse. Après un examen des détails de ces textes nous rassemblerons dans un chapitre les caractéristiques les plus importantes de l'exégèse et de l'herméneutique de Jamblique; nous les étudierons à la fois dans leur contexte historique et dans leur contexte philosophique. Nous ferons ceci en étudiant brièvement l'exégèse et l'herméneutique de Jamblique dans une perspective historique, afin d'esquisser sur ce fond l'importance et la valeur de Jamblique comme exégète et philosophe. 108) BIELMEIER dit par ex. (Phaidrosinterpr. p. 26): « so konstruiert Jamblich in uferloser Spekulation >> à propos d'un passage du De anima où Jamblique se réfère à Plotin! Il est aussi problématique de parler avec UP (p. 614) de la doctrine de Jamblique en partant de son commentaire du Timée. Presque tous les exposés sur Jamblique parlent à tort de sa « doctrine » voir par ex. STEINHART p. 277 ss; SCHMll>-STAHLIN p. 272 ss; ZELLERp. 736 SS.
CHAPITRE I
Vie et œuvres de Jamblique 1. Vie de Jamblique Jamblique naquit en Syrie méridionale (encore appelée Coelé-syrie), à Chalcis, ville la plus importante sur le plateau du Marsyas entre le Liban et l'Anti-Liban 1). Cette ville a probablement été rattachée à la province romaine de Syrie en 92 après J. C. mais elle était autrefois la capitale du royaume arabe des lturéens qui, d'après Etienne de Byzance, fut ,fondée par Monicos et atteignit son apogée en extension et en puissance sous Ptolémée fils de Mennaeus, (aux environs de 85-40 av. J. C.) 1). Ce royaume fut affaibli et amoindri par Pompée; et Antoine, à l'instigation de Cléopâtre, fit exécuter Lysanias, fils de Ptolémée, sous le prétexte d'une tentative de complot. Le royaume fut principalement divisé en quatre territoires dont le plus important, qui comprenait la ville de Chalcis, fut offert à Cléopâtre par Antoine 3). Lorsqu'Eunape dit que Jamblique était de famille noble et riche il faut supposer qu'il appartenait à une des familles notables dont la souche remonte jusqu'au royaume ituréen ;en réalité le nom même de Jamblique est plutôt d'originearabe').QueJamblique 1) EUNAPE5,1,1. JULIEN,Discours 4 p. 189,17. Ce Chalcis, à la différence du Chalcis au Nord de la Syrie, se trouve à l'Est d'Antioche et est surnommé« ad Belum ». SuoA nous indique seulement (s.v. Jamb/ichos) que Jamblique est de Chalcis en Syrie, sans spécifier lequel. Sur Chalcis par ailleurs BENZINGER dans RE s.v. III col. 2091-2 et DussAUD, Topographie Historique de la Syrie Antique et Médiévale. 2) ScHORER,Gesch. d.jüd. Vol/ces I p. 712 et 724-725. 3) ScHÜRERibid. p. 712-714. 4) L'information donnée par Eunape que Jamblique descend d'une famille noble et riche (fiv Kal ICU't'àrtvoç µtv t1t1cpav1'1ç Kal l'6>Vappa,v Kal 't'll>v&ù6aiµrov) doit assurément être prise avec une certaine réserve, car une telle provenance semble caractériser partout chez Eunape un représentant de l'hellénisme authentique (comme pour Sosipâtre 6,6,6 et 6,7,4, pour Cléarque 7,5,2, et à propos de l'adversaire Ablabius on lit qu'il est « de famille pauvre et inconnue » 6,3,1). Que l'information d'Eunape sur Jamblique soit digne de foi, est poutant confirmé par Damascius, qui dit (chez PHonus, Bibl. p. 126 a 2) que Jamblique descend, comme lui-même, de Sampsigeramus et Monimus, indiquant sans aucun doute par là une grande famille bien connue. Sur la forme du nom de Jamblique et ses variantes voir ScHÜRER,Gesch. d. jüd. Vo/kes I p. 234 avec note 25. Schürer nomme (p. 732) un Arabe de premier rang, qui porte le nom de jam(b)liku (i::>1,c•),et ÜCERON-dans ad/am. 15,1 -nomme un phylarque de ce nom dans un clan arabe. Dejà dans l'Ancien Testament (I Chron. 4,34) il est parlé, dans la tribu de Siméon, d'un Jamlek (':'J?ÇI~). En s'y référant STEINHART (p. 273 note 3) dit à propos du nom Jamblique: « Der Name scheint besonders syrischer Vornehmen eigen gewesen zu sein».
34 soit de la même famille que le romancier Jamblique, appelé le Syrien, ainsi que le suppose Fabricius, doit être considéré comme douteux ou tout au moins incertain 6). Les renseignements que nous avons sur le temps et le lieu où vécut Jamblique sont très parcimonieux. Dans Suda il est écrit (s. v. Jamblichos) qu'il vivait du temps de l'empereur Constantin: yeyovci>ç 1Catà toùç xp6vouç Kcovmavtivou to0 j3amUcoç. Mais cette expression même est équivoque. yi:yovt et yeyovroç sont normalement employés dans Suda - d'après les recherches faites par Rohde - pour désigner l'acmé de l'auteur, mais cela peut aussi être une expression plus générale qui ne fait pas allusion à l'époque de la vie de la personne en question•). Nous avons chez Eunape une ébauche de renseignements qui permet de préciser la date de la mort de Jamblique. Eunape écrit que l'élève de Jamblique Sôpater, après la mort de Jamblique, se rendit à la cour de Constantin où il fut exécuté par ordre de l'empereur en raison de différents conflits 7). De là Zeller et Mau établissent l'année de la mort de Jamblique vers 3308). Cependant Bidez, d'après Sozomène et Lydus, a prouvé que Sôpater a dQ arriver à la cour de Constantin peu après l'exécution de Chrispus et de Fausta en 326-27, et qu'il a assisté aux cérémonies à l'occasion de la fondation de Constantinople en 3309). Ceci veut dire que l'année de la mort de Jamblique doit être avancée à 325 environ. On peut difficilement soulever des objections valables contre l'argumentation de Bidez; mais celle-ci implique que nous ne pouvons pas prendre le renseignement dans Suda comme un renseignement d'acmé; à partir de là, par conséquent, les possibilités de fixer la date de la naissance de Jamblique sont changées. Auparavant, regardant le renseignement dans Suda comme un renseignement d'acmé, on avait fixé la date de sa naissance vers 280 (ce qui donnerait la date de son acmé vers 320). Maintenant il serait naturel d'avancer encore la date de la naissance de Jamblique, et Bidez, en conséquence, la place vers l'année 250. Plusieurs faits, que nous allons bientôt voir plus en détails, confirment cette date antérieure de Bidez et portent même à croire que Jamblique serait déjà né un peu après 240 10 ). Les renseignements que nous possédons sur le lieu de la résidence de Jamblique, de son éducation et de l'endroit où il a enseigné sont aussi rares que ceux que nous avons sur sa chronologie. Les positions extrêmes dans l'interprétation de nos minces renseignements sont représentés par Zeller et Ruelle. D'après Zeller la Syrie est « la S) FABRICIUS IV p. 294; d'une part il y a tellement de personnes qui portent ce nom qu'il est peu vraisemblable qu'elles soient toutes de la même famille, d'autre part cela s'accorderait mal à l'origine noble et riche de Jamblique, puisque le romancier est d'humble naissance. 6) ytyov& in den Biographica des Suidas p. 114 ss. 7) EUNAPE,Vies 6,2, 1. Sur la mort de Sôpater 6,2, JO. 8) ZELLER,Gesch. d. gr. Phil. seéd. p. 736 note 3. MAU dans RE s.v. Jamblichos. L'année de sa mort avait même auparavant été fixée à 333 par ex. par RUELLE(Jamblique p. 1194, sans argumentation) et par STEINHART (Jamblic/,os p. 273 note 7, en partant d'une date plus tardive de l'arrivée de Sôpater à la cour de Constantin). 9) J. BmEz, Le philosophe Jamblique et son école, dans: REG 32, 1919, 32. Fausta avait accusé Chrispus, fils ainé de Constantin, de vouloir attenter à sa personne. Il fut donc exécuté, mais Fausta fut elle-même bientôt aussi accusée et subit le même sort. IO) Voir p. 36--37 avec note 21 et 26.
35 scène de l'action de Jamblique » et celui-ci suppose que le séjour de Jamblique en Syrie n'a été interrompu que durant le temps où il a été à Rome élève d' Anatole d'abord, puis de Porphyre. Après ce séjour, pense Zeller, Jamblique s'établit en Syrie où il a ouvert sa propre école, probablement dans sa ville natale de Chalcis11). En face de cette position, Ruelle représente une autre école de recherche scientifique, qui se rattache aux travaux de Simon et de Vacherot sur« l'école d'Alexandrie». D'après lui Jamblique appartiendrait essentiellement à Alexandrie à la fois par son éducation et par son enseignement11). Pour bien comprendre le fondement de ces interprétations si diverses et afin de pouvoir porter une appréciation sur elles, il nous faut étudier un à un les divers éléments de nos sources en commençant par la relation de Jamblique à Porphyre et à Anatole. L'appréciation de Zeller sur Jamblique a impliqué que Jamblique n'a pas été un philosophe original. Il le présente donc comme très dépendant de Porphyre. Il a donc aussi été naturel pour Zeller de supposer que Jamblique ait été l'élève de Porphyre pour un laps de temps assez long. Cependant des recherches plus récentes ont montré une divergence très marquée entre Jamblique et Porphyre. Cette différence se manifeste en bien des endroit chez Proclus dans son commentaire du Timée, comme l'a notamment souligné Praechter 18). Il y a une différence entre la conception de Porphyre et de Jamblique au sujet de l'âme et au sujet de la question de la «migration» de l'âme, de sa transmigrationH). Mais le désaccord entre le maître et l'élève se manifeste surtout dans l'ouvrage de Jamblique De myst. Aeg. Pour une grande part, l'authenticité de cet ouvrage a été repoussée précisément à cause du grand désaccord entre Porphyre et Jamblique qui, ici, est évident; une aussi grande divergence a été considérée comme impensable. Pourtant l'unique raison de nier le désaccord entre le maître et l'élève est l'assertion que Jamblique manque d'originalité, et c'est pourquoi un chaînon important de l'étude du problème de l'authenticité faite par Rasche a été de démontrer que cette présupposition n'est pas soutenable et n'est en rien un empêchement pour accepter l'authenticité de cet écrit16). Philip a de plus fait remarquer que Zeller entre autres, en traitant de l'ouvrage De vita Pythagorica de Jamblique, a présenté comme un fait notoire que Jamblique se fonde sur la Vita Pythagorae de Porphyre et donc sur ce point également manque d'originalité vis à 11) ZELLERp. 736 note 3. ZELLER-MONDOLFO p. 3 note 4. 12) RUELLE,Jamblique p. 1194: « Il passa la plus grande partie de sa vie à Alexandrie ». 13) PROCL.In Plat. Tim. I p. 19,24 ss.; 29,31 ss.; 77,24 ss.; 117,18 ss.; 147,24 ss.; 174,31 s., voir PllAECHTERdans: GOA 1905 p. 526 ss. Nous trouvons aussi une critique de Porphyre par Jamblique SIMPL.In Arist. categ. p. 302 et passim. Différences de conception de la prière cf. PRocL. In Plat. Tim. Il p. 208 ss., de conception du démiurge ibid. p. 307 ss. Sur la différence entre Porphyre et Jamblique dans l'appréciation du style (PRocL. ln Plat. Tim. I p. 87,6 ss. DAMASC.vira Jsid. 34 )voir WALSDORFF, Die antiken Urthei/e p. 97-98. 14) Cf. FESTUGIERE, Herm. Trismeg. et le compte-rendu du même livre par DES PLACES dans RScRel 42, 1954, 427 ss. Que cette divergence ait été bien connue dans la tradition plus récente apparait chez GOTIFREousVJTERB.,Panrheon p. 109,30 (Mon. Germ. Script. XXII): « Jamblichus est contrarius Porfirio in sentencia anime», cf. ibid. p. 137 part. V. Sur la différence de conception de la transmigration voir JAEGER,Nemesios p. 65. 15) RASCHE, De Jamblicho p. 22 ss.
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vis de Porphyre. Or, ici les différences sont aussi plus importantes que les ressemblances et Philip rejette la pensée que Jamblique serait, dans la Vie Pythag. dépendant de Porphyre 18 ). En partant de la divergence réelle entre Porphyre et Jamblique nous pouvons conclure que la relation élève-maître entre Jamblique et Porphyre n'est pas d'une importance capitale mais ne constitue plutôt qu'une influence passagère sur Jamblique; par rapport au temps, cette relation ne suppose pas qu'ils aient vécu de longues années ensemble, d'autant plus que Jamblique peut parfaitement avoir pris connaissance d'une grande partie des idées de Porphyre par les écrits de celui-ci. Mais vouloir avec Mau mettre en doute que Jamblique ait été l'élève personnel de Porphyre en présupposant l'influence très limitée de Porphyre sur Jamblique, ce serait aller trop loin dans la direction opposée à celle de Zeller 17 ). Il serait injustifiable de mettre en doute le bien-fondé des renseignements donnés aussi bien par Eunape que par Suda, disant que Jamblique a été l'auditeur personnel de Porphyre, d'autant plus que ceci a été confirmé par Jamblique lui-même18). Tandis que Zeller pense que Jamblique a été l'élève de Porphyre à Rome, Ruelle affirme que leur rencontre s'est faite à Alexandrie pendant que « Porphyre dirigeait l'école néoplatonicienne fondée par Ammonius Saccas » 19 ). Si nous prenons en considération le fait que Porphyre est déjà à Rome en 262-63 et que, avant ce moment, il a été à Athènes comme élève de Longin, un temps d'études de Jamblique auprès de Porphyre à Alexandrie devient tout à fait improbable pour ne pas dire impossible10 ). Nous devons plutôt supposer avec Zeller (et c'est la suppositon la plus courante) que Jamblique a été l'auditeur de Porphyre à Rome après que celui-ci fut revenu de Sicile, ce qui se passait quelque temps après la mort de Plotin en 270. Que le séjour de Jamblique auprès de Porphyre ait eu lieu peu de temps après le retour de Porphyre ou plus tard, il est difficile de l'affirmer sûrement. En partant des recherches de la chronologie de Porphyre faites par Oppermann et Boyd, Philip a voulu fixer le séjour de Jamblique à Rome à 280-90 environ, se basant surtout sur l'information de Porphyre dans lA Vita Plotini (c. 9), qu'un fils de Jamblique avait épousé une des femmes qui avaient soigné Plotin. Philip dit avec raison que Jamblique n'aurait probablement pas eu un fils en âge de se marier avant 280-90 environ 11). Malgré 16) PHILIP, The Biographical Tradition p. 185 ss. 17) MAU, Jamb/ichos: « es ist aber sehr fraglich, ob er personlicher Schiller dieses Philosophen gewesen ist; jedenfalls bat der scharfsinnige und bedeutende Lehrer keinen entscheidenden Einfluss auf den Schiller gewonnen ». 18) SuoA s.v. Jamb/ichos: 'l ... µa9TJttiç ITopq>upiou, s.v. Porfyrios: 6i6étaKaÀoç 'Iaµji>..ixou s.v. Plot/nos: ITÀOOtlvoç, ... µa9TJttii;; µtv 'Aµµooviou ... 6i6étaKaÀoç ôè 'Aµ&Àiou, où ITopq>up1oç ôtiJKoua&, t00 ôè 'laµji>..1xoç, toO ôè l:cimatpoç. (ô1aKout1v dans le sens d' 'être auditeur d'un maitre', c.à.d. •être élève' voir LIDDELL-SCOTT s. v.). EuNAPE5, 1,2: 'AvatoÂ.iQl ... auncv6µ&voç ... &ita µet' Avat6>..1ov ITopq>upiQlnpoa9Eiç taut6v. JAMBL. ap. Stob. 1,49,37 p. 375,24: ni; tyci> àKT)KOUITÀatCOVIKIÎIV o[ov ITopq>upiou Kai aÀÀOOV JtOÀÀIÎIV. 19) RUELLE,Jamblique p. 1194. 20) Cela ferait remonter la date de naissance de Jamblique à une période antérieure à 240. 21) The Biographical Tradition p. 190 avec note 5. L'année 280 est une date assez improbable pour qu'un fils de Jamblique soit en âge de se marier, et même 290 peut être discutée. Mais comme il doit bien y avoir un lien quelconque entre le séjour de Jamblique à Rome et le mariage de son fils avec une femme du cercle de Plotin, il est justifié, d'après l'information de Porphyre, d'avan-
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les complications que cela donne par rapport à la date du mariage de son fils, nous penchons plutôt à placer le séjour de Jamblique à Rome un peu plustôt que ne le fait Philip, ceci d'une part parce que nos sources n'auraient probablement pas appelé Jamblique l'élève de Porphyre s'il n'avait séjourné chez lui qu'au moment où son fils était en âge de se marier, d'autre part- et surtout - parce que le séjour de Jamblique chez Porphyre - selon les sources - tombe après son séjour chez Anatole. Nous serons donc obligés d'étudier la chronologie du rapport Jamblique - Porphyre en liaison avec la chronologie du séjour chez Anatole, ce qui - pour établir la chronologie de Jamblique - sera l'objet de l'étude suivante 11 ). Selon Eunape, Jamblique aurait d'abord été avec Anatole puis il se serait associé à Porphyre 18). Qui donc est cet Anatole? Selon Zeller il est question de l'élève le plus remarquable de Porphyre qui - toujours selon Zeller - est par ailleurs inconnu, sauf que ce doit être lui, l'élève auquel Porphyre a dédicacé ses zetemata homerica. Zeller pense que Jamblique a été avec lui à Rome, peut-être alors que Porphyre était en Sicile14). Praechter au contraire pense que cet Anatole est le même que l'illustre péripatécien Anatole d'Alexandrie qui plus tard, comme chrétien, deviendra évêque de Laodicée. Zeller rejette cette identification, d'une part parce qu'il considère improbable qu'un élève de Porphyre ait pu devenir évêque chrétien, d'autre part pour des raisons chronologiques 16). Que le péripatéticien Anatole devienne donc évêque en 270 comme le veut l'ancienne tradition ou en 280 comme le pense Heiberg, cela ne pose toutefois pas un empêchement chronologique à cette identification 111). Qu'un élève de Porphyre devienne évêque chrétien, ceci n'est pas impossible, comme le dit avec raison Martano, et nous pouvons ajouter: surtout pas à Alexandrie où les relations entre les traditons grecque et chrétienne n'étaient pas aussi tendues qu'à Athènes; à Alexandrie les contacts et une formation commune étaient courant 11). L'attaque bien connue de Porphyre contre les Chrétiens date évidemment de bien plus tard et ne présuppose pas nécessairement une grande divergence entre Porphyre et Anatole à une époque si reculée; elle n'empêche pas nécessairement une évolution si totalement différente du maître et de l'élève28 ). Que le maître de Jamblique ait cer la date de naissance de Jamblique de 5 à 10 ans, c.à.d. à 245 ou même 240. Il y aurait ainsi 10 ans de différence entre Jamblique et Porphyre. Cette différence ne peut pas être moindre, si nous devons respecter ce que disent les sources, que Jamblique a été élève de Porphyre; d'un autre côté une moins grande différence d'âge rend les divergences entre les deux plus compréhensibles. 22) Quand nous plaçons le séjour de Jamblique chez Porphyre plus tôt que ne le fait Philip, cela implique que nous ne supposons pas qu'il y ait coincidence directe, mais un enchaînement d'évènements entre ce séjour et le mariage du fils avec la jeune Amphicleia (c'est le nom de la jeune fille). 23) Vitae soph. 5, 1,2. 24) ZELLER, Gesch. d. gr. Phil. 5eéd. p. 737 note. 25) UP p. 213, ZELLER loc. cit., SCHMJD-STAHLIN rejette aussi l'identification p. 1051 note 7. 26) Si Anatole devient évêque en 270, Jamblique n'a alors sûrement pas plus de 20 ans d'après les calculs de Bidez, mais le problème chronologique disparaît de même complètement pour cette chronologie d'Anatole, si on avance l'année de la naissance de Jamblique de 5 à 10 ans. 27) ZELLER-MONDOLFO p. 2 note 2. 28) L' Adv. christianos de Porphyre peut être daté à environ 280.
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été vraiment le péripatéticien Anatole se justifie tout d'abord par le fait que Jamblique a hérité de lui un intérêt extrême pour la mathématique et, comme nous le verrons plus tard, un réel intérêt pour Aristote. Dans l'ouvrage Theologumena arithmeticae, parfois attribué à Jamblique, se trouvent bien des éléments basés sur l'introduction à l'arithmétique d' Anatole, et la mise en valeur de la mathématique et sa fonction de moyen de connaissance soit un trait constant chez Jamblique 19). Il est vrai que Zeller a accepté l'influence de la mathématique de l'élève de Porphyre sur Jamblique, mais il rattache les données de Theo/. arithm. à l'élève Anatole qu'il suppose et qui n'est pas identique au péripatéticien. Ceci n'est pas du tout naturel étant donné ce que nous savons du grand intérêt du péripatéticien et de ses connaissances des mathématiques comme le montre aussi le travail auquel il se livra plus tard sur des questions chronologiques 30 ). D'ailleurs il est maintenant généralement reconnu que le maître de Jamblique est le péripatéticien, futur évêque de Laodicée81 ). Ceci est d'une importance capitale pour le jugement à porter sur Jamblique et intervient également dans notre connaissance de Porphyre. Pour Porphyre cela suppose un séjour à Alexandrie avant sa venu à Athènes. Il est cependant tout à fait naturel qu'un syrien ait commencé son éducation à Alexandrie et de là se soit dirigé vers Athènes (d'ailleurs sur les traces de Longin), et que Porphyre soit le maître d'un futur péripatéticien est tout à fait vraisemblable, vu le travail de Porphyre sur Aristote 81 ). Au point de vue du temps, le « combiné » maitre-élève Porphyre-Anatole - et même à Alexandrie- n'est certainement pas sans poser de difficultés. Selon la chronologie courante, Porphyre arrive à Rome vers l'âge de 30 ans. S'il a d'abord été à Athènes, il faut en conclure qu'il a été un très jeune maître à Alexandrie. On peut répondre à ceci que lorsque les sources antiques parlent d'une relation maître-élève la durée importe parfois peu; car bien qu'il soit question de l'histoire de la philosophie en soi ou d'œuvres doxographiques ou biographiques, l'intérêt principal n'est pas de préciser ceci, mais d'établir une succession, et chez Suda où nous trouvons seulement 29) HEIBERG, Anatolius p. 3. Références bibliographiques chez ZELLER-MONDOLFO p. 3 note 2. 30) Avec ce qu'on appelle canon paschale. Que le travail d'Anatole sur le calendrier suppose une
érudition alexandro-péripatéticienne, devrait aller de soi; cr.la reprise, par César, du calendrier d'Alexandrie (MACROBE, saturn. 1,14,3; 1,16,39; 2 p. 116 et 142). Ceci, finalement, remonte à l'utilisation de l'année solaire dans le comput du calendrier par Eudoxe. En effet, Eusèbe fait aussi l'éloge de l"évêque de Laodicée pour sa compétence en matière d'arithmétique, de géométrie et d'astronomie (hist. eccl. 7,32,6). a. HEIBERG, Gesch. d. Mathematik p. 40 note 3. 31) En plus de PRAECHTER et MARTANO par PlNCHERLE dans: Enc. /ta/. Ill p. 104 et PHILIP, The Biographical Tradition p. 190 note S. 32) Notamment sur les Catégories, mais aussi sur le De interpretatione, Physica, Metaphysica, Ethica etc., cr.l'article de BEUTLER dans RE s.v. Porphyrios. Que Proclus ait formellement identifié Porphyre avec Peripatos, est incertain. Selon ÛLYMPIODORE, Alcib., p. 203,21-204,12 Cr., Proclus dit que Peripatos s'est trompé dans la définition de l'atome, et il nous en donne la définition. Cette définition, nous la trouvons chez Porphyre (lsag. p. 7,21-23), non comme une définition d'Aristote, notons le bien, mais comme une définition de Porphyre. Ceci pourrait laisser entrevoir que Proclus peut regarder Porphyre comme représentant de Peripatos. Jamblique lui-même tient Porphyre pour platonicien (ap. Stob. 1,49,37 p. 375,24).
39 nommé le rapport maître-élève ceci est justement très marquant 88 ). Nous ne pouvons donc pas permettre à la chronologie d'être un empêchement à la relation PorphyreAnatole à Alexandrie. Mais pour Jamblique la chronologie nous montre que puisqu'il a d'abord séjourné chez Anatole, et ceci pendant un temps si long qu'Anatole ait pu prendre sur lui une influence décisive, Jamblique ne pouvait plus alors rencontrer Porphyre à Alexandrie avant que celui-ci ne parte - d'abord pour Athènes puis pour Rome. La formation de Jamblique est donc essentiellement alexandrine et influencée par Anatole. Que cette formation alexandrine soit aussi réellement en concordance avec ce que nous constatons chez Jamblique, nous le verrons par la suite. Pour l'instant nous nous contenterons de mentionner l'intérêt de Jamblique pour les Pythagoriciens justement très en vogue à Alexandrie. Sa relation à Aristote qui s'est exprimée dans son exégèse aristotélicienne, et en d'autres manières encore, peut se rapprocher du fait qu'Alexandrie était un centre d'études aristotéliciennes depuis que Ptolémée Sôtèr avait invité Théophraste en Egypte et avait été l'occasion que l'école péripatéticienne, tout comme la bibliothèque aristotélicienne, aient été transférées en EgypteH). Nous pouvons ensuite mentionner que la tendance chez Jamblique de voir une concordance intérieure entre Platon et Aristote se trouvait à Alexandrie exposée et élaborée par Ammonius Saccas 85). De plus, nous pouvons penser à l'intérêt pour l'Orient, pour les Chaldéens etc. qui a joué un grand rôle dans les études alexandrines 88 ). Disons enfin qu'Alexandrie était au premier siècle av. J. C. un centre de renouveau du platonisme qui conduisit au néo-platonisme, de même que dans toute la philosophie Alexandrie a supplanté Athènes 37 ). Si alors Porphyre a été le maître d' Anatole avant que Jamblique vienne à Alexandrie, la supposition de Ruelle qu' Anatole ait renvoyé Jamblique à Porphyre a une grande probabilité 38 ). Qu' Anatole ait directement encouragé Jamblique à rencontrer Porphyre ou que cette rencontre ait simplement été amenée par le fait qu' Anatole ait quitté Alexandrie pour devenir évêque, il y a toutes raisons de penser, en partant de ces 33) Toute la série est rapportée sous le nom de Plotin qui en est donc considéré comme l'origine (àpxft). Sur cette conception voir entre autres KIENLE,Die Berichte über die Sukzessionen. 34) 0. ÜIROUSTdans: REG 77, 1964, 52-53. 35) PHOTIUSBibl. cod. 214 p. 172 a 3 SS. et cod. 251 p. 461 a 32 SS. Cf. UP p. 594 et 529 note 1. JAEOERsignale (Nemesios p. 60--61) Porphyre comme le premier à avoir montré un intérêt véritable pour Aristote. Cela vaut pour Athènes, comme on le voit entre autres dans l'ouvrage d'Eubule sur les différences entre Platon et Aristote. Mais quant à Alexandrie, l'intérêt pour Aristote y remonte à une période bien plus éloignée; Ammonius Saccas ressuscite une tradition qui remonte à Antiochus et au cercle qui entourait Gaius. Voir WITT, Albinus p. 23; PRAECHTER dans Hermes 51, 1916, 510-29 (Gaios); UP 610 (Sur l'écrit de Porphyre sur l'accord entre Platon et Aristote). 36) UP 520; MARTANO,Numenio; AsMus, Jsid. vita 42,8; W ASZINK,Cale. Tim. p. XLIII-XLIV note. 37) Sur la situation philosophique à Alexandrie un excellent aperçu chez VLOsOK,Lacktanz p. 50-60. Qu'un syrien après son temps passé dans une école hellénistique de sa terre natale aille à Alexandrie, est tout naturel. Parmi les Syriens qui auparavant sont partis pour Alexandrie, il faut surtout nommer Numénius d'Apamée et Nicomaque de Gérasa, qui eurent tous deux une grande influence sur la tradition néo-platonicienne dont nous sommes occupés. 38) « Son premier maitre fut Anatolius qui le mit en rapport avec Porphyre », Jamblique p. 1194.
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conjonctures, que le voyage de Jamblique à Rome eut lieu peu de temps après qu' Anatole fut devenu évèque. Ceci implique - à condition que la chronologie Anatole évêque vers 270 soit juste - que son séjour à Rome ait eu lieu peu de temps après que Porphyre soit revenu de Sicile. Nous devinons que son séjour chez Porphyre a été d'assez courte durée et fut en partie une déception pour Jamblique en raison des désaccords croissants entre les deux. Jamblique est-il ensuite revenu à Alexandrie ou est-il revenu en Syrie, sa patrie? Nous nous trouvons encore une fois devant les affirmations contradictoires de Zeller qui dit en Syrie et de Ruelle qui laisse Jamblique demeurer à Alexandrie jusqu'à sa mort 89). Praechter pense aussi que Jamblique a fondé une école en Syrie probablement dans sa ville natale de Chalcis' 0). Il ressort clairement des sources que Ruelle n'a pas raison de dire que Jamblique soit resté toute sa vie à Alexandrie. A ce propos Eunape donne deux renseignements importants: l'un, que Jamblique a participé à une fête religieuse à Gadara en Syrie, l'autre qu' Aedesius est venu le voir en Syrie. Même si ceci ne veut pas nécessairement dire que Jamblique s'est établi en Syrie ou qu'il y a ouvert une école, il est pourtant vraisemblable de conclure avec Zeller, en se basant sur le seul Eunape, que Jamblique a vécu en Syrie0 ). La preuve décisive du séjour syrien de Jamblique et non seulement de son séjour mais aussi de l'école qu'il aurait ouverte en Syrie, est tirée d'un passage de l'œuvre de Jean Malalas,dont précédemment on n'avait pas tenu compte mais qui est maintenant mis en lumière par Downey. Ce passage dit que Jamblique s'est établi et a enseigné à Daphné, faubourg d'Antioche, sous l'empereur Galère (293-310) et jusqu'à sa mortu). Il n'y a aucune raison de mettre en doute l'exactitude de ce renseignement et nous pouvons ainsi dire que Jamblique, au plus tard en 310, mais probablement un peu avant, peut-être déjà aux environs du début du siècle, s'est établi dans la banlieue renommée d'Antioche. Là de nombreux élèves se groupèrent autour de lui, comme le dit Eunape, et « se dispersèrent au loin, quand mourut Jamblique »43 ). Ce qu'Eunape dit de Jamblique en Syrie, concorde parfaitement avec l'information plus exacte de Malalas. Que Jamblique avant son séjour à Daphné ait eu une école à Apamée en Syrie, ceci n'est pas probable. Lorsque Libanius parle d'une école de Jamblique dans cette ville, il faut supposer qu'il s'agit d'un autre, plus jeune, Jamblique, puisque la formulation même est telle qu'il semble être question d'un contemporain de Libanius, ce qui rend impossible une identification avec notre Jamblique 44 ). Quant à la période qui va du voyage de Jamblique à Rome jusqu'à son établisse39) 40) 41) 42)
locc. citt. Richtungen p.108. ZELLER,loc. cit. p. 737 avec référence à Eunape 5,2,2 et 6,1,4.
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MALALASp. 312,7 sur l'empire de Galère: 'Eni tftç aùtoO l3acn1.tiaç 'lcroq>oç taiBacr,œv ohcû>vtv 6.ét(j)VlJËcoçtftç ttÀtutftç aùtoO. Schenk dit dans la note sur ce passage que Malalas se base sur les annales d'Antioche. DowNEY renvoie à Malalas dans son Antioch p. 332 avec note 63. 43) Sur Daphné, plus de précisions chez DOWNEY,Antioch p. 332 et passim. La remarque d'Eunape sur la dispersion des élèves de Jamblique se trouve 6,2, 1. 44) LIBAN.oral. 52,21 p. 35: 6 tÛlV(j)tÏ..ocr6(j)rovtl; 'Anaµtiaç l(Opè>çwv 6 KOpll(j)atoç 9wtç tq>Ktt. Cf. note sur ce passage. Malgré sa supposition de deux Jamblique qui rend naturel de rattacher
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ment à Daphné, période d'une bonne vingtaine d'années, il y a ensuite de bonnes raisons de supposer que Jamblique a séjourné à Alexandrie pendant ce laps de temps; plusieurs indices orientent en ce sens. Tout d'abord ceux mentionnés en parlant de la formation de Jamblique, puisque les traits de la tradition alexandrine si marqués chez Jamblique ne peuvent guère s'expliquer si sa formation n'a été que de courte durée dans cette ville. Les écrits pythagoriciens de Jamblique supposent qu'il a eu une bibliothèque importante à sa disposition et qu'y aurait-il de plus naturel que de penser que Jamblique aurait eu cette bibliothèque à Alexandrie même ?' 5). Bien plus important est le fait que l'œuvre de Jamblique Des mystères des Égyptiens suppose un long séjour en Egypte puisqu'elle révèle une connaissance approfondie des us et coutumes égyptiennes; en outre l'œuvre a pour auteur prétendu un prêtre égyptien; étant une réponse à Porphyre elle se situe tardivement dans l'œuvre de Jamblique ou en tous cas après le séjour à Rome"). D'autres questions trouvent également une explication naturelle si nous supposons que Jamblique a séjourné longtemps à Alexandrie.. Que Jamblique par ex. ne semble jamais être en conflit direct avec le christianisme et sur ce point diffère de Porphyre, ceci s'explique naturellement par son arrière-plan alexandrin, soit que nous pensions au temps de sa formation ou à son séjour ultérieur à Alexandrie'?). Eunape mentionne que Jamblique a été grand admirateur d'un certain rhéteur Alypius sur lequel il a écrit un encomion lors de la mort de celui-ci; cet Alypius est précisement d'origine alexandrine et est mort à Alexandrie48). Finalement un coup d'œil sur la transmission des testimonia et des fragmenta de Jamblique oriente notre regard vers Alexandrie. Il est vrai que nous trouvons la plus grande partie des sources chez des Athéniens comme Syrien, Proclus, Damascius et Simplicius, mais ils sont tous en liaison étroite avec Alexandrie: Proclus est élève de Syrien et celui-ci a immigré d'Alexandrie à Athènes; et aussi bien Damascius que son élève Simplicius sont en étroite liaison avec l'illustre école le plus jeune à Apamée, BIDEZ a cependant pensé que Jamblique a enseigné à Apamée (Jamblique p.29 ss.). Cette opinion a aussi été partagée par d'autres, par ex. CUMONT dans Lux perpetuap. 372. La seule chose qu'on doive déduire de ce passage de Libanius est qu'il a réellement existé un Jamblique plus récent, contemporain de Julien et de Libanius; aussi plusieurs autres renseignements portent à croire à l'existence de ce second Jamblique (d. Introd. p. 15 avec note 35). A tort Zeller prétend, en se référant à Julien epist. 53, que la supposition de 2 Jamblique nécessite aussi la supposition que le plus jeune également a eu un élève du nom de Sôpater. Le Sôpater nommé par Julien epist. 53 n'y est pas indiqué comme élève de Jamblique. 45) Cf. MERLAN, From P/atonism to Neop/atonism p. 103. 46) Derchain, qui dans « Pseudo-Jamblique ou Abammon » a souligné la connaissance intime de la religion égyptienne que montre myst., en a tiré la fausse conclusion que l'auteur de cet écrit soit égyptien. Il laisse par là de côté les nombreux apports platoniciens et grecs de cette œuvre. Puisque bien des raisons permettent de croire que l'auteur de cet ouvrage est Jamblique, les observations de Derchain indiquent que Jamblique doit avoir vécu longtemps en Egypte. a. la relation entre myst. 2,3, p. 70-71 et Clément d'Alex., que nomme BoussET (Schulbetrieb p. 177 SS.).
Nous croyons insoutenable la supposition de DES PLACES que le Des Mystires soit une œuvre de jeunesse (Notice à l'édition p. 12). 47) La supposition que myst. devait avoir un but anti-chrétien vient surtout du fait que Jamblique a été considéré en relation étroite et positive avec Porphyre (cf. plus haut p. 23 note 66). Sur Jamblique et le christianisme DôRRIE dans Hermes 83, 1955, 449. 48) EUNAPE 5,3,10.
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alexandrine d' Ammonius. L'influence réciproque entre Alexandrie et Athènes est grande, mais c'est le plus souvent Alexandrie qui supplante Athènes de sorte que, soit que nous trouvions des fragments de Jamblique dans la tradition athénienne ou dans la tradition alexandrine, ils sont tous les deux - aussi vrai que Jamblique ne peut pas être rattaché directement à Athènes - un témoignage de son rattachement à Alexandrie0 ). Avec les modifications ci-dessus, Ruelle a donc raison de rattacher étroitement Jamblique à Alexandrie. Une seule chose doit être encore ajoutée. Il n'est pas légitime de dire avec Ruelle que Jamblique prend en main l'école néo-platonicienne d' Alexandrie. A cet époque, il serait contestable de parler d'une école à Alexandrie de la même façon que nous pouvons le faire pour Athènes 50). Même si Eusèbe semble pouvoir confirmer l'existence d'une école péripatéticienne à Alexandrie, l'organisation même n'en est pas telle pour les Néo-platoniciens que leur «école» puisse se comparer avec une école à Athènes. Plus tard seulement, à partir d 'Henni as et d 'Ammoni us, il sera naturel de parler d'une école à Alexandrie et nous nous contenterons de dire que Jamblique pendant un temps assez long a vécu, étudié et enseigné à Alexandrie51). De là il a passé à Daphné où il a vécu et enseigné jusqu'à sa mort aux environs de 325.
2. Les œuvres de Jamblique Il est regrettable qu'une toute petite partie seulement de l'œuvre de Jamblique nous ait été conservée. Sans doute une analyse des écrits conservés et des fragments - complétée par des renseignements sur les écrits de Jamblique qui ont été entièrement perdus - peut donner une base suffisante pour que nous puissions avoir une vue d'ensemble sur Jamblique; mais il n'y en a pas moins une grande partie qu'il est aujourd'hui impossible de reconstruire. 49) Plutarque, maître de Syrien, est aussi le maitre de Hierocles d'Alexandrie. Hermias d'Alexandrie est enseigné par Syrien à Athènes tout comme l'alexandrin Ammonius l'est par l'athénien Proclus. Inversement, tout comme Syrien, Isidore d'Alexandrie immigre à Athènes après avoir été élève d'Hermias. Plus tard l'athénien Damascius est élève de l'alexandrin Ammonius, etc. Cf. UP p. 638; SAFFREY,Le Chrétien Jean Philopon p. 396 ss. CHAIONETsuppose (Damascius Le Diadoque Ill p. 113 note 3) qu'Alexandrie est le siège de l'exégèse de Jamblique, et Cous1N semble aussi rattacher Jamblique à Alexandrie (Procl. op. ined. p. 297 note 3 et p. 603), comme le fait aussi BRUCKER(Il p. 260). Dans plusieurs textes il est fait allusion à une certaine ligne qui irait de Jamblique à Proclus en passant par Syrien (PRocL. ln Plat. Alcib. 88, 10--16; DAMASC.ln Plat. Phileb. 5,1; id. princ. Il p. 149; OLYMP. ln Plat Phaed. p. 123,5; 132,13 et passim). Cf. DUHEM I p. 338. BIELMEIER p. 33 et 35. Les Prolégomènes anonymes à Platon qui fournissent tant de renseignements sur la tradition de Jamblique fait partie de la tradition alexandrine, bien qu'ils soient naturellement, à cette époque tardive, également empreints de tradition athénienne (Proclus), cf. WESTERINK, Introd. p. IX-X. 50) Cf. MARROU,Synesius p. 132. 51) EusEB. Hist. eccl. 7,32,6. Cf. l'expression de Dousset« Schulbetrieb » dans le titre de son œuvre célèbre.
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Vu l'état incomplet dans lequel nous sont parvenues les œuvres de Jamblique il nous sera par ex. impossible de les situer dans leur ordre chronologique. C'est seulement dans des cas très rares que nous pouvons parler de leur situation chronologique avec quelque chance d'être dans le vrai. Il est ainsi possible de supposer que le De Mysteriis Aegyptiorum est une œuvre tardive et il est aussi vraisemblable que la plupart des lettres aient été écrites vers la fin de la vie de Jamblique. Mais il est impossible de se servir de la chronologie pour aider à une classification de l'œuvre dans son ensemble. Une certaine classification nous semble toutefois possible. Les commentaires peuvent ainsi être considérés comme un groupe formant un tout, du moins les commentaires d'Aristote et de Platon. Mais il reste bien d'autres œuvres qu'il serait extrêmement difficile de situer d'une façon systématique. En outre une classification systématique présuppose une analyse et une interprétation que nous ne devons pas anticiper. Nous choisissons donc dans cet aperçu de donner une simple énumération des écrits de Jamblique en nous basant sur la façon dont ils nous ont été transmis, de sorte que les ouvrages conservés seront nommés en premier, puis les écrits dont nous avons des fragments et enfin les œuvres que nous ne connaissons pour ainsi dire que par leur titre. Nous passerons ensuite en revue les passages de la littérature de de l'antiquité qui ont donné des motifs pour admettre d'autres œuvres de Jamblique et nous en étudierons brièvement la valeur 11). 1. l:uvayc.oyt)-rli'>v IluSayoptîrov 6oyµci'trov
De cc vaste ouvrage sur la philosophie pythagoricienne les quatre premiers livres nous sont parvenus ensemble dans un manuscrit florentin, le Laurentianus 86,3 du XIV8 siècle ( =F) qui est l'archétype de tous les autres manuscrits connus de ces quatre livres111). Les autres livres de cette œuvre ont par contre été perdus. Cependant nous pouvons sans doute nous faire une idée du contenu du 7 8 livre en lisant un écrit anonyme (isolé au milieu d'autres auteurs) dont le titre est Theologumena arith52) la vue d'ensemble la plus importante des œuvres de Jamblique est celle de ZELLER,Phil. d. Gr. III 5e éd. p. 739 note 1 et 741 note 3. En outre, aperçus de valeur: FABRICJUS,Bibl. Graec. IV V p. 758 SS.); BRUCKERII p. 262 SS.; STEINHART,Jamb/ichos p. p. 282-94 (FABRICIUS-HAJU.ESS 274 ss. (regarde les éditions antérieures); RUELLE,Jamblique p. 1194 s. (indiquant également des éditions antérieures); ScHMJD-STAHUNp. 1053 ss. MAU, Jamblichos p. 646 ss. 53) Que F soit l'archétype de tous les manuscrits existans, a été vivement discuté, cf. DEUBNER, praef. dans l'éd. de vita Pyth. p. V. Ceci est maintenant unanimement reconnu, surtout après que PlsTELu a traité le sujet dans: Museo ital. di ant. class. 2, 1888, 457 ss. NAUCKfut le premier à prendre F pour base de l'édition. Pistelli énumère 8 copies qui se basent sur ce manuscrit F, dans l'article déja cité, plusieurs sont ajoutées plus tard, cf. Pistelli, preaf. à éd. p. VIII note 1 (4 ajoutés) et id.,dans: Studi ltaliani 1, 1893, 30 s. -Sur la ramification des 9 manuscrits cités en premier lieu, voir Pistelli Museo di ant. class. 2, 1888, 465--466.Pour l'histoire de la transmission de ces 4 livres, cf. aussi S1cHERL, Die Handschriften, passim (v. l'index p. 210). Ces 4 livres ont été publiés en édition critique dans la série Teubner, voir bibliographie.
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meticae 64 ). Cet écrit, publié en 1922 par De Falco, nous a été transmis en huit manuscrits qui peuvent essentiellement se répartir en deux groupes 66). Le titre donné ici pour toute cette œuvre de Jamblique est utilisé deux fois par Syrien dans son commentaire de la Métaphysique où il renvoie à des passages du et du 7e livre 68). Il est vrai que Syrien dans son commentaire d'Hermogène renvoie à l'œuvre de Jamblique en l'appelant Iltpi tf'jç Ilu8ayopeiou alpÉatcoç, mais ceci doit être considéré comme une indication plus générale du contenu de l'œuvre 67). Ce n'en est pas moins cette dernière forme du titre que nous trouvons dans les manuscrits où nous rencontrons de plus l'expression significative Ilu8ay6peta 01toµV11µata, commentaria Pythagorica 68 ). Cela n'empêche cependant pas que le titre plus détaillé donné par Syrien doive être considéré comme le titre primordial, vraisemblablement celui que Jamblique avait donné à son ouvrage. On ne peut pas vraiment dire si cette œuvre a compris neuf ou bien dix livres. Le manuscrit F donne dans son introduction un aperçu de tout l'ouvrage de Jamblique et mentionne de ce fait les titres des différents livres. Mais il n'y est donné que neuf titres 69 ). Jamblique pourtant, à la fin du quatrième livre, nous en laisse prévoir un dixième, et même si cela ne supprime pas la possibilité qu'il ait jamais été écrit, il est pourtant plus probable qu'il aurait été perdu à une époque très ancienne, ce
se
54) Asr qui publia cet ouvrage en 1817 doutait qu'il s'agit d'une œuvre de Jamblique. Par contre Th. GALEchercha à identifier theol. arithm. avec le 7e livre de Jamblique (cf. RUELLE,Jamblique p. 1195), tout comme le fit aussi STEJNHART (p. 275). ZELLER(Phil. d. Gr. III 2 se éd. p. 739 note 1) et MAU (Jamblichos dans RE col. 647,26 ss.) admettent aussi que le 7e livre nous est conservé dans Theo/. arithm. même si, en grande partie, il ne s'agit que d'extraits. Par contre KR0LL surtout a souligné avec raison que Theo/. arithm. se composent de tant de courts extraits de Nicomaque et d'Anatole que l'ouvrage, dans sa forme actuelle, ne peut pas être attribué à Jamblique. Néanmoins, comme le sujet en est commun, l'ouvrage qui a été conservé est également d'un grand intérêt pour juger le 7e livre de Jamblique. 55) DE FALCOpasse en revue les manuscrits dans l'édition, praef. (la ramification, v.p. XII). On pourrait éventuellement compter sur une 3e famille, dérivée de la seconde. 56) p. 140,15: 6 S&toc;'IaµPltxoc; tv tp66µ1J PlP).q>tflc; tiov IIuSayopdoov &lyµatoov cruvaroorflc;. ibid. p. 149,30: ci>c; tv ii PiP).q> tfjc; tiov Ilu9ayop&ioov &lyµatoov cruvayooyfjc;6&ilCVll(J1V 'laµPl1xoc;. ib. p. 103,7 il est nommé une œuvre de Nicomaque du même titre, et Syrien renvoie ici à 'Jamblique sur le même sujet': tVtuxci>v... talc; tE Nucoµaxou cruvarooratc; tiov Ilu9ayopdoov 60-yµatoov Kal tatc; to0 Sdou 'laµPllxou 1tEpl aùtiov tolitoov npayµatdatc; (Remarquez le pluriel). Ce titre est habituellement adopté pour cet ouvrage, ainsi par ScHMID-STAHUN; MAu; FAGGIN ('Silloge delle dottrina pitagoriche') etc.; il est traduit par Fabricius: Collectio Pythagoricorum dogmatum. 'laµP)..tx6c; q>fltnV tv t(i>nEpi ti'jc; Ilu9ayop&iou alptoEooc;. STEINHART 57) ln Hermog. 1 22, 4-5: ci>c; renvoie p. 274 note 25 (apparemment d'après FABR1c1us,cf. celui-ci IV p. 292) au fait que Syrien adopte aussi le titre dans son commentaire de la Métaphysique; mais cela doit être une erreur. Il faut remarquer de plus, pour le passage d'ln Hermog. que Syrien ne cite ici que vita Pyth. (cf. 25, 112 p. 64,16 ss.), ce que pourrait motiver l'usage de ce titre. 58) IlEpl tfjc; Ilu9ayopucfjc; a(ptaEooc; en F, d'une part dans l'introduction qui donne une vue d'ensemble sur l'ouvrage, ce qui montre bien la signification que ce titre veut avoir pour toute l'œuvre (cf. note 57 supra), d'autre part dans la formule finale après le 1e et le 3e livre. Steinhart, Ruelle et plusieurs autres se servent de ce titre. A propos de Ilu9ay6pEta imoµviJµata comme titre, cf. FABRICIUSIV p. 288 et Protrepticus ed. Pistelli p. 6 app. crit. avec référence à un article de FABRICIUSdans: Zeitschr. f d. Alterthumsw. 1838, 111. 59) ol tvvta Myo1 'laµ~)..ixou m:pi ti'jç nu9ayoptKi\c; a!pfotcoc;.
45 qui aurait été le commencement de cette dispersion qui fut plus tard le lot des livres 5 à 9 • 0). Les différents livres de cette œuvre de Jamblique sont les suivants 81 ):
te livre: Il&pi toO IluSayopucoO ~{ou - De vita Pythagorica 81 ) 2e livre: Ilpotp&1ttucoç â1ti q>1Â.oaoq,{av - Protrepticus 63). 3e livre: Il&pi ti'jç 1eo{VT]Ç µaST]µattlCi'jÇâmattiµT]ç - De communi mathematica scientia'-'). 4e livre: Iltpi ti'jç NtKoµaxou àptSµT]tt1ei'jçdaayroyi'jç - In Nicomachi arithmeticam introductionem.,,). La succession des trois livres suivants dans l'ordre où ils sont énumérés au début de F est confirmée pa.r le fait que la référence, dejà mentionnée, de Syrien au cinquième livre correspond à l'indication du titre du manuscrit. Ce que dit Jamblique lui-même 60) Voir plus loin à propos du Joelivre. Que Simplicius cite ce livre dans ln Arist. coel. p. 507,14 est peu certain. Même si la référence à Jamblique, au point de vue de son contenu, correspond bien avec ce livre, Jamblique put bien cependant avoir traité de ce sujet autre part. 61) Les titres grecs sont donnés ici d'après F qui semble le seul à offrir ce tableau récapitulatif (cf. NAUCK,vita Pyth., proleg. p. XXXIV note 22). Ces titres ne viennent sans doute pas de Jamblique lui-même, mais représentent une indication traditionnelle du contenu du livre. Ils sont pourtant vraisemblablement très anciens (cf. citation de Syrien dans la note 57). Les appellations latines indiquées ici sont celles généralement employées. Au lieu de « livres » F emploie livre le titre doit être reconstruit, car il manque en F. l'expression« logoi »;cf.note 59. Pour le 1oe 62) Il en est de même aussi dans le titre des summaria dans le manuscrit F. Dans le titre du texte lui-même au contraire: 1tEpl toO IluSayopdou Plou. Que celui-ci soit le 1e livre, les références de Jamblique lui-même le montrent 186 p. 103,22 ss. à 2e livre p. 114,20, ce qui confirme l'ordre vita Pyth. - protr. Sur les éditions et traductions antérieures FABRICIUsIV 286 ss. DEUBNERpraef. p. XVI et surtout NAUCK, proleg. - La 1e édition critique est celle de Nauck qui représente un texte « épuré » tandis que l'édition critique de Deubner est plus conservatrice. 63) Les manuscrits nous donnent soit titi soit Elç qnA.oaocplavet aussi ou le singulier ou le pluriel (Â.6'yoç) 1tpotpE1ttuc6ç ou Â.6'yo11tpotp&1tt1icoi;cf. PlsTELu,l'éd. p. 6 app. crit. Le pluriel est Jamb/ichos p. 275. Que celui-ci soit le 2e livre est aussi indiqué par employé par STEINHAJlT, toO 6&utépou ï..6you. Sur les éditions antérieures, voir le summarium du livre (en F): 1CEcpéû.a1a éd. critique de Pistelli, praefatio. 64) Fabricius nomme l'ouvrage 1tEpi ico1vflç µaS. t1t1o-t. (sans l'article). Comme 3e livre, cet écrit et à la fin de ms., de plus dans le titre plus développé est mentionné à la fois dans 1CEcpéû.a1a tf\ç Ko1Â.flç l:upiaç 1t&pl tflç icoLVflç donné à ce livre dans le ms. : •laµjJÂ.ixou XaÂ.icl6ECllÇ µaS11µanicflç tn1o-t11µ11çï..6yoç r. En F il est ajouté, après ce livre, une courte indication de son contenu: Il&plÉXELtflç a1tÂ.6>ǵaS11µanicflç toùç àpx1icoùç 6i6aoicaÂ.1icii>ç(pour 616aGKUÂ.1icoliç) Â.6'youç(cd. Festa p. 99 app. crit.). Une table du contenu analogue pour le 4• livre d'après FABRJc1usIV p. 290 (presque la même formulation), mais celle-ci probablement d'après codd. dett., qui ont déplacé l'indication. Sur les éditions antérieures voir FABRICIUS IV p. 290 et FESTA,praef. 65) Par Jamblique lui-même ce livre est appelé une &loayroyti (p. 118,17 et p. 125,16). Brucker lui donne aussi ce titre (II p. 267): lntroductio sive commentarius in institutiones arithmeticas Nicomachi Geraseni. Sur la table du contenu dans les manuscrits, voir note précédente. Sur les éditions antérieures voir l'édition de Pistelli, praef.
46 sur les livres suivants à la fin du quatrième livre n'est qu'apparemment en opposition avec cet ordre 18): 17 ). 5e livre: Iltpi 'tf\ç tv cpucmcotçciptSµrrnKf\ç tmv &ùµap&cntpa 0-01 À.011tôvicai pQ.O''tfltG>v f!;T1c;tp1G>vdaaycoyG>v, µ0001Kfjc; ).tyco mi y&wµ&tp1icflc;icai acpa1p1icflç, ,; 1tapciôoa1c;y(VfltUI. Cette succession est donc aussi généralement adoptée (FABRICIUS,STEINHART,SCHMID-STAHUNetc.). 71) Ruelle admet cette succession. 72) µ6vai 6& tè naÀ.môv tptlç fiaav µ&a6t11t&çtni Ilu8ay6pou icai tG>vicat' aùtôv µa8T1µat1ic6'.lv, icai ,; Jtotè µtv un&vavtia À.&yoµtVflt(I tél!;&1tp('tfl, ünô cip1Sµflt1KT]t& icai ft y&wµ&tp110'1 6t tG>vn&pi 'Apxirtav aù81ç icai "lmtaaov apµov110'1 µ&taKÀ.fl8&Iaa,ôn toùc; icatà tô tipµoa-
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selivre:
IlEpi yECOµEtp{aç djç napà Ilu8ayopefotç 73). 98 livre: Ilepi µoucnicfjc;'tfjc;napà Ilu8ayopefotç 74 ). toe livre: Ilepi acpatpticfjçtfjç napà Ilu8ayopdotçn). Des commentaires inédits de Simplicius sur trois des livres de cette œuvre de Jamblique se trouveraient d'après Fabricius dans la bibliothèque du Vatican 78). 2. 'AJ3aµoovoc; 6t6aç(= myst. Aegypt. 70,17-79,13; cf. StCHERL,Die Handschri/ten p. 134).
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Jamblique 78). Il y a tout lieu de croire que le titre de l'archétype remonte aussi à l'origine. Tous les autres titres que nous rencontrons semblent être de sources plus récentes79).On trouve de ces titres dans l'une des deux grandes classes de manuscrits, d'une part « Jamblique sur les mystères des Egyptiens» '1(1µJ3>..1xoç 1ttpi µucf'tTJpirovTcilv alyu1t'tirov (X et N), d'autre part « Jamblique sur la théologie des Egyptiens»: 'IaµJ3>..1xoç1ttpi 'tfjç alyu1t'tirovSeoÂ.oyiaç (Z et H). Dans l'autre classe on trouve d'habitude, en plus du titre principal et du scholion, l'addition « réponse de Jamblique à la lettre de Porphyre»: 'laµJ3>..ixoutîç TTIVèma'tOÂ.TIV 1topq,up{ou(dans 80 DTRBUGLKSO) ). Dans l'histoire de la transmission du texte on trouve des traductions et indications latines de cette addition parmi lesquelles d'une part « Jamblichi responsio Abamonis nomine ad Epistolam Porphyrii », d'autre part « Jamblichi de Aegyptiorum theologia sive mysteriis », mais plus souvent une combinaison des deux: « Abamonis responsio ad epistolam Porphyrii ad Anebonem et solutio quorundam dubiorum, sive de mysteriis Aegyptiorum »81). Exception faite des traductions du titre original, le titre latin le plus souvent employé est « De mysteriis Aegyptiorum » alors qu'on ne trouve qu'une seule fois l'ouvrage caractérisé par les seuls mots « De mysteriis » 81). Ce titre De mysteriis employé par Gale dans son editio princeps et repris de Gale par Parthey est ainsi rare dans la transmission du texte traduit, tandis que le titre employé dans sa traduction latine par Ficino: « De mysteriis Aegyptiorum, Chaldaeorum, Assyriorum » ne répond nullement à la transmission du texte et ne peut pas non plus se justifier dans l'ouvrage lui-même 83).
3. Ilepi 'l'UXflÇ- De anima Parmi les œuvres perdues de Jamblique, le De anima fait partie de celles dont les fragments les plus grands et les plus nombreux sont parvenus jusqu'à nous. Ces fragments nous sont conservés chez Stobée et choisis d'après son thème doxographique de «l'âme», étudié sous différents aspects. Il est tout naturel que Stobée ait surtout été intéressé par les textes où sont exposées des opinions différentes, car ce sont ceux-là qui ont appor78) Ce scholion est seulement omis dans quelques apographa tardifs, v. S1cHERI.,Die Handschri/ten p. 21. Il se trouve reproduit chez RASCHEp. 9, chez FR0NTEp. 242. . 79) Voir SICHERL,Die Handschriften p. 166. 80) Cf. SJCHERL.Celle-ci se trouve aussi dans le texte fragmentaire transmis (les manuscrits cdef). 0 a de plus dans la marge 'laµl3À1xoç m:pi µ1.>vaiyuntirov sans doute repris de la 1er classe (N ). 81) Sur ces titres latins et leurs variantes, voir S1cHERL,Die Handschriften p. 75 note 3, p. 89 note 4, p. 105, 125 (bis). 126, 152, 155 et 157. 82) De mysteriis Aegyptiorum, voir SICHERL,Die Handschriften p. 89 avec note 4, p. 125 (bis), 126, 152 et 155. De plus à propos des mss perdus, voir ibid. p. 158 (bis) et 159. Le seul« De mysteriis » uniquement en liaison avec le manuscrit Q (SICHERL,Die Handschriften, p. 75 note 3) et R (ibid. p. 105). 83) Jamblique ne nomme les Chaldéens et les Assyriens qu'un petit nombre de fois. Le titre plus court est employé entre autres par Steinhart, Zeller, Mau, Kroll, Faggin, le plus long, entre autres par Fabricius, Brucker, Ruelle, Schmid-Stiihlin, Sorley. Sur l'editio princeps S1cHERL, Die Handschriften p. 195.
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té le plus au point de vue doxographique. Mais pour notre compréhension de l'ouvrage de Jamblique ceci est presque catastrophique, car Stobée ne nous dit rien de la prise de position de Jamblique, et ne nous donne essentiellement de l'ouvrage de Jamblique que la reproduction de la pensée des autres. Une traduction avec notes de ces fragments a été donnée par Festugière dans lA Révélation d'Hermès Trismégiste tome 3 appendice 184 ). Que l'on puisse trouver en dehors de l'œuvre de Stobée d'autres passages ou même des traces de cette œuvre de Jamblique· dans la tradition, cela est incertain à l'époque actuelle. Un fragment anonyme d'un traité De anima se trouve dans un manuscrit de Leyde qui comprend entre autres (et immédiatement avant ce fragment) l' Introduction au Nicomaque de Jamblique, et Stevenson a donc mentionné dans le catalogue qu'il est question d'un morceau du traité De anima de Jamblique. Néanmoins ceci est rejeté par Sicherl qui attire surtout l'attention sur le fait que la deuxième partie de ce morceau est un extrait de Némésius85 ). Mais comme la première partie se trouve en outre dans un manuscrit du Vatican (Vat.Palat. gr. 94 f. 232) et que la dernière partie en plus de Némésius est rattachée à Grégoire de Nysse, nous ne pouvons pas dire que la provenance du fragment soit définitivement tirée au clair 88). Non seulement celui-ci mais beaucoup d'autres morceaux ayant pour titre De anima pourraient ici être d'actualité pour une étude approfondie sur l'œuvre de Jamblique. Ils sont légion. Dans la transmission indirecte on trouve un certain nombre de renseignements sur le De anima de Jamblique 87 ). Les citations et les renseignements les plus importants se trouvent dans le néo-platonisme tardif chez les Athéniens Simplicius et Priscien88). Que l'œuvre ait compris plusieurs livres et sections, ressort aussi bien des . termes de Priscien que de la remarque de Simplicius88 ). 84) On trouve une traduction plus ancienne avec notes de valeur chez BoUILLET,Les Ennéades de Plotin Il p. 625-661. 85) MIGNEPO 40 col. 536 b - 540 a; voir S1CHERL,Die Handschriften p. 148. 86) Ps. GREGOIREDENYSSE,Migne PG 45 col. 188s; cf. SICHERL,Die Hand.schriften p. 16. 87) Il n'est assurément nullement indispensable que les témoignages de l'Antiquité sur les propos de Jamblique au sujet de l'âme soient précisément tous tirés de cet écrit. PRocLus (ln Plat. Tim. III p. 333,28 ss.) ne renvoie pas expressément à cet écrit, et Simplicius nomme un propos de Jamblique sur l'âme qui est tiré de son commentaire du Timée (SIMPL.ln Arist. an. p. 133,35). Sur les sources antiques des propos de Jamblique sur l'âme, voir FESTUGIÈRE, lA révél. III p. 252 ss. 88) SIMPLICIUS dit dans son commentaire du De Anima d'Aristote (p. 1,19) qu'il aimerait chercher la vérité sur ce sujet Ka'tà n'lv 'Iaµf3Â(JtOUtv 'toti; l6io1ç aùwO 1tEpi 111uxf\i;cruyyp൵ac:nv oq,itYTlV ÔV'tCOV Kai 6tt1ttl 'tO ÔÀOV 'tq) 'tf'\Ç1tpovoiaç À6ycp
1eai1toiaç oùa(aç 6m1pxt1} 35 p. 43,1-14: •1aµpÀiXOl> êK Tf'\Ç7tpÔÇIlotµÉVlOVêmCJTOÀfjÇ I 5 (1ttpi dµapµtVT)ç 1eai-rfjç-réi>v yivoµtvwv tù-ral;(aç) 17 p. 80,10-81,6: 'EK 'tf'\Ç·1aµpÀtxou 1tpè>çMaKtÔ6VtOV tmCJ'tOÀf'\Ç tma-roÀfjç 18 p. 81,7-18: ·E1eTi'lç·1aµpÀtxou 1tpè>çl:ci>1ta-rpov II 2 . (( 1ttpi ôtaÀt1en1efjç)) 5 p. 18,11-19,11: .EK 'tfjÇ •1aµpÀtxou ê1ttCJ'tOÀfjç 1tpôç ÂÉÇl7t7tOV 7ttpi ÔlŒÀtlC't11CfjÇ 6-7 p. 19,12-21,14: ·E1e -rfjç •1aµpÀixou êmCJToÀfjç1tpè>çl:ci>1tatpov 7ttpi ÔlŒÀtlC'tlKfjÇ II 8 (7ttpi 'téi>V êq>'ftµtv) 43-48 p. 173,3-176,21: ·E1e -rfjç 'Iaµ~Àixou tma-roÀ.f'\ç1tpè>çMa1etô6vtov 1ttpi dµapµ&VTJÇ II 31 (7ttpi ciywyf'\ç1eai1tatôdaç) 117 p. 229,5-8: •1aµ~À.ixouEùa-rallicp1ttpi µoum1ef'\ç 122 p. 233, 17-235,22: ·Eic -rf'\ç·1aµpÀ.ixou tma-roÀ.f'\çl:ro1tutpcp1ttpi 1taiôwvciywyf'\ç
(1)
(2) (3)
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90) Extraits de 11 lettres différentes à 11 persoMes différentes, de plus sans doute 6 lettres différentes à Sôpater et 2 différentes à Macédonius. Il peut être difficile de déterminer si les morceaux différents font partie d'une même lettre ou de lettres différentes: peut-être que le n° (13) de notre liste est en réalité de la même lettre que (12), et que (9) se relie à (10). 91) Des 19 lettres trouvées dans l'oeuvre de Stobée, seulement 2 ne mentionnent pas le destinataire, et 13 des 19 portent un titre qui en explique le contenu. La formule normale 'fa: tftç 'laµl3À.ixou tmcrtoÀ.ftç n·est abandonnée que de rares fois, mais même dans ces cas, il ne semble pas qu'il soit question de lettres complètes. 92) Par cela même nous ne pouvons pas partager la vue de Ruelle (p. 1195), que Jamblique a écrit des lettres à son (peut-être ancien) maitre Anatole. La lettre qui est adressée à un Anatole ressemble tout à fait aux autres lettres et a absolument le cachet d'une lettre envoyée à un élève ou à un ami (cf. SYKUTRIS, Epistolographie, dans RE Suppl. V p. 202). Il n'est pas clair que les 6 lettres à Sôpater représentent ou non une plus grande collection. - L'expression de Stobée (1111 17 p. 9): 'EK t&v 'Jaµl3À.ixou npoç l:ci>natpov m:pi àpctftç semble toutefois plutôt indiquer que c'est seulement un groupe de lettres de virtute à Sôpater (10) qui forment un tout. C'est sans aucun doute à ce tout que renvoie ÜLYMPIODORE ln Plat. Phaed. p. 114,21 et 25 (6 'I. tv totç ncpi àpct&v), cf. id. ln Plat. Gorg. p. 221,29, où Olympiodore parle également d'une lettre de Jamblique, certainement la même.
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II 33 (6t11' ôµo16tT1Ç tli>vtp67tmvcp1Â.{av à1t8pyal;Eta1) 15 p. 257,4--17: 'Iaµp>..1xoçMaKE6ovicpttEpi ôµovoiaç (8) II 46 (ttspi cixaptatiaç) 16 p. 262,13-23: 'Iaµp>..txou:Ecottatpcp (9) III 1 (7t8plcip8tflç) 17 p. 9,3-10: 'EK tli>v 'Iaµp>..txou ttpoç :tdntatpov tt8pl cip8tflç (10) 49 p. 19,4--20,9: 'Iaµp>..txou tK tfjç ttpoç :tdntatpov tmatoÂ.fjç 7t8pl c'tp8tfjç ( 10) III 3 (1t8plcppovi)aEmç) 26 p. 201,15--202,17: 'Iaµp>..txou tK tfjç ètttatoÂ.fjç tfjç ttpàç 'AacpaÂ.tov7t8plcppovi)aEO>Ç ( 11) III 5 (tt8pl amcppOCJUVT1Ç) 9 p. 257,11-258,4: 'Iaµp>..txou tK tfjç tmaoÂ.flç tfjç ttpoç 'Ap8tflV (12) ttEpi amcppoaûVT1ç 45--50 p. 270,10-272,9: 'Iaµp>..txou tK tfjç tmmoÂ.fjç tfjç ttEpi (13) amcppoCJUVTIÇ III 7 (Il8pi àv6pdaç) 40-41 p. 319,19-320,21: 'Iaµp>..ixou tK tfjç tmatoÂ.fjç tfjç ttpoç 'Q)..6µ1t1ovtt8pl àv6pdaç (14) III 9 (tt8pl 611CatOCJUVT1Ç} 35--36 p. 358,3-17: 'Iaµp>..txoutK tflç ètttmoÂ.flçtfjç ttpoç 'Avat6Â.tov (15) 7t8pl 611Ca10CJUVT1Ç III 11 (1t8plc't).. T1Sdaç) 35 p. 443,5--17: 'Iaµp>..txou:Ecottatpcp (16) III 31 (tt8pl at6ouç) 9 p. 671,1-5: 'Iaµp>..ixouI:0>1tatpcp ttEpi àpEtfjç (10) III 37 (tt8pl XPTlat6tl'!toç) 32 p. 706,3-7: 'EK tfjç 'Iaµp>..txou:Ecotténpcp tt8pi c'tpEtfjç (10) IV 5 (ttspi c'tpxflçKai tt8pi toO ôttotov XPfldva1 tàv dpxovta} 74--75 p. 222,6-223,5: 'Iaµl3>..ixoutK tfjç tmmo>..fl; tfjç ttpoç âu..txoutK tfjç tmato>..fjç ttEpi yaµou xpflaEroç (19) V 39 (7t8pi8ù6a1µoviaç) 23 p. 907,6-9: 'IaµPMxou I:0>1tatpcp 1t8plàpEtfjç (10)
(Commentaires d'Aristote) 5. Elç tàç toO 'AptatottÂ.ouç icat11yop{açtm6µvriµa - In Aristotelis categorias
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Parmi les commentateurs d'Aristote dans l' Antiquité il faut tout d'abord mentionner Simplicius qui avait sous la main les œuvres de Jamblique lorsqu'il travaillait à son commentaire des Catégories. Non seulement il rapporte en bien des endroits les commentaires de Jamblique, mais aussi, comme il le dit lui-même, il a souvent copié Jamblique mot à mot 113). Le commentaire des Catégories de Simplicius est donc notre source la plus importante des fragments du commentaire des Catégories de Jamblique et le témoignage principal sur ce livre. Cependant Simplicius nomme aussi le commentaire de Jamblique en d'autres endroits, par exemple dans son commentaire de la Physique d'Aristote, ainsi que dans son commentaire du De coe/094). En plus de Simplicius, le commentaire de Jamblique sur les Catégories est nommé par Dexippus, à vrai dire seulement très brièvement d'une manière explicite, bien que Dexippus ait poutant d'ordinaire suivi Jamblique, d'après ce qu'en dit Simplicius96). Dans la tradition d'Alexandrie, Elias fait une citation de ce commentaire de Jamblique dans son propre commentaire des Catégories 99 ). · Pour ce qui est du titre même du commentaire, Simplicius emploie aussi bien le singulier ô1t6µv1iµa que le pluriel ô1toµviiµata 117). On ne trouve cependant le pluriel qu'à un seul endroit où Simplicius renvoie au premier livre du commentaire. Ceci aborde la question de la structure et des proportions du commentaire, mais nous n'avons pas de renseignements plus précis sur ce sujet 98 ). Il nous faut donc nous contenter de constater que le commentaire de Jamblique a été un vaste ouvrage qui comprenait plusieurs livres 99 ). 6. Elç -rà -ro~ 'Aptcr-ro-réÀ.ouç àvaÀ.unKà 1tp6-repa {m6µvqµa - In Aristotelis Analytica priora D'après le témoignage de plusieurs auteurs, il ressort que Jamblique aurait commenté les Premiers Analytiques. Nous voyons chez Ammonius que Porphyre et Jamblique ont suivi Boéthus dans l'interprétation de cet écrit d'Aristote 100 ). Philopon, dans son commentaire sur les Premiers Analytiques, parle de Jamblique comme un des exégètes les plus exacts. Ceci pourrait être, il est vrai, une caractéristique générale de Jamblique, mais, en partant de ce contexte, il semble pourtant que l'on puisse interpréter cette remarque comme une constatation du fait que Jamblique a été un 93) Introduction p. 3,2-4: tyci>yàp tvtrux.ov µtv Ka( mn 'tli'.>vE!p11µtvrov crurrpciµµacnv, bnµEÂ.tO''tEpovôt roçol6ç 'tE -ftv'totç 'laµl31..(x_ounapaKoÀOuSlî>vànqpaljfciµ11v Kai aù'tll noUax.oO 'tij À&Ç&l'tOtl lj>tÀ00'6!pOll XPT'IO'ciµEVOÇ. 94) ln Arist. phys. p. 60,7; 786,11; 787,4.10.27; 792,20.22; ln Arist. coel. p. 169,3.11. 95) DEXIPP. ln Arist. categ. p. 5,9. SIMPL. ln Arist. categ. p. 2,25. 96) p. 130,14. 97) Le singulier par ex. ln Arist. phys. p. 60,7; 92,22; ln Arist. coel. p. 169,3. Le pluriel par ex. ln Arist. categ. p. 407,18, où il peut cependant être question des commentaires de Jamblique dans un sens plus large. Pour le pluriel, voir aussi note suivante. 98) ln Arist. phys. p. 786, 11 : tv 'tnpcimi>'tii>vE!ç 'tàç Kat11Yopiaç ùnoµv11µcitrov. 99) SIMPLICIUS ln Arist. categ. p. 2,9 ss. nous donne un portrait général de Jamblique comme commentateur des Catégories. Le commentaire est ici caractérisé comme IloÀoonx.oç npayµa'tEia. 100) AMMON. ln Arist. anal. pr. p. 31,15.
53 commentateur des Premiers Analytiques 101 ). Etienne d'Alexandrie nous rapporte l'opinion de Jamblique sur un des sujets des Analytiques 101 ). Que le travail de Jamblique sur les Premiers Analytiques se soit aussi exprimé sous la forme d'un commentaire écrit, nous le voyons dans une des références du pseudo-Ammonius où l'auteur renvoi d'abord à son maître, puis fait remarquer que celui-ci a suivi le commentaire de Jamblique 108 ). Nous ne pouvons pas constater avec certitude qu'il y ait eu plus de ces deux commentaires d'Aristote de la main de Jamblique. Mais ceci n'empêche pas de croire que, en fait, Jamblique ait pu écrire plusieurs commentaires d'Aristote; il est surtout probable que Jamblique a écrit un commentaire du De interpretatione, il y a ensuite une certaine probabilité qu'il ait fait un commentaire du De coelo, tandis qu'il y a bien peu de signes qui permettent de supposer l'existence d'un commentaire de la Physique de la part de Jamblique. En ce qui concerne le De interpretatione, Jamblique est nommé plusieurs fois dans les deux commentaires de cet ouvrage qui nous ont été conservés, celui d' Ammonius et celui d'Etienne. Mais il n'y est pas parlé d'un commentaire de Jamblique et plusieurs des propos de Jamblique qui y sont cités peuvent parfaitement avoir été tirés d'un autre contexte. Et qui plus est: dans un cas particulier on renvoie directement au commentaire des Analytiques de Jamblique 1 °'). En d'autres endroits aussi (chez Ammonius p. 227,32) nous voyons comment les Analytiques d'Aristote sont engagés dans l'étude du De intrepretatione en liaison avec ce qui est cité de Jamblique. Que Jamblique ait commenté le De interpretatione, ceci est absolument hors de doute. Dans un passage où Ammonius parle de la position médiane de la connaissance entre le connaissant et le connu, il renvoie à « l'interprétation de Jamblique ». Même s'il ne peut être exclu qu'il soit plus généralement renvoyé à une interprétation philosophique du problème épistémologique en lui-même du côté de Jamblique, et même si cette interprétation pouvait être rattachée à un autre passage d'Aristote (la question est traitée plus amplement chez Aristote, par exemple dans les Topiques), il est donc pourtant naturel de référer cette remarque au passage du De interpretatione (p. 18 a 28). Ceci vaut encore plus lorsqu'il s'agit du passage d'Etienne dans lequel celui-ci expose l'interprétation que donne Jamblique de l'assertion d'Aristote que l'unité d'une proposition se constitue en vertu d'un « lien », respectivement interpr. 17 a 9 et 17 a 16105 ). Seulement, nous ne pouvons pas conclure, en partant de ces deux passages, que Jamblique a, lui aussi, écrit un commentaire du De interpretatione. 101) PHn..oP.ln Arist. anal. pr. p. 26,5 où il est parlé d'une commentaire d'Aristote p. 24 b 17. ... 102) STEPH.ln Arist. anal. pr. p. 50,14: de; TÔtv Toic;'Avai..uuKoic; 1tapaô1ô6µevov &tm::v 103) ln Arist. anal. pr. p. 40,16-17: roc; Ul:y&v6 TaOTaµo1 tl;11r11aaµevoçTlj>'laµl3Â.ixouunoµviJµat1
ICa'taKOÂ.OUSc7>v. 104) AMMON. ln Arist. interpr. p. 202,4 SS. STEPH.ln Arist. interpr. p. 50,14. ln Arist. 105) STEPH.ln Arist. interpr. p. 21,28 sur (Jl)VÔtaµcp&te;.Que l'interprétation chez AMMON. s'applique à cet endroit du De interpr. p. 135,14 (Ka'tà TTIVTOOSdou 'laµl3À.ixouIJq)TJYT)v nuSayoptirov titevo,;Sll, ciJç 6.Uo1 tt nvoç lITTopoOv 'laµl3Î..1J(oc;.L'autre passage p. 457,I0. !08) ZELLER, Phil. d. Gr. p. 742 note. ZELLER-MARTANO p. 9 note 10. 109) SIMPL. ln Arist. phys. p. 793,24 SS. et p. 794,21 SS. Il 0) p. 60, 7; 786, Il ; 787,4. 10.27; p. 792,20 ss. 111) p. 767,20 ss.: 6 µtvto1 'laµl3)..1xoç tv toi>to1c; (se. phys. p. 223 b 1) àno to!l àxroplcrtou xp6vou Elç tov xropicrtov àvalipaµetv aùtov (se. Aristote) oittat.
55 Il faut se rappelercependant que même si, sous l'aspect historico-littéraire, nous pouvons seulement prouver l'existence de deux commentaires d'Aristote de la main de Jamblique, ceci n'est pourtant pas une expression complète du rôle de Jamblique comme interprète d'Aristote. Ici entre en jeu le contexte social. Les anciens ouvrages de commentaires dont il est ici question sont nés en liaison directe avec l'enseignement oral de la philosophie dont la caractéristique était de commenter Aristote. Dans ces conditions, les commentaires écrits ne sont qu'un élément particulier du commentaire, alors que l'enseignement du maître en est la base. D'un tel enseignement peuvent provenir des notes de plusieurs sortes, d'une part de l'auteur lui-même, d'autre part des élèves ayant pris des notes pendant l'enseignement. Cette tradition mi-orale, mi-écrite est de la plus grande importance pour apprécier Jamblique comme exégète d'Aristote, même si son exégèse n'est pas représentée par des œuvres littéraires. (Commentaires de Platon) La manière de procéder que nous venons d'appliquer aux commentaires de Jamblique sur Aristote est également valable lorsqu'il s'agit de ses commentaires sur Platon. Nous pouvons seulement constater avec certitude l'existence d'un nombre réduit de commentaires de Platon; nous avons par contre la preuve que Jamblique s'est beaucoup plus longuement occupé de Platon que ces quelques commentaires n'en témoignent. Nous voyons donc que Jamblique a travaillé à l'interprétation du Premier Alcibiade. Proclus, dans son commentaire d'Alcibiade, cite plusieurs fois les remarques de Jamblique sur des passages de ce dialogue et nous trouvons dans le commentaire d'Olympiodore une assertion de Jamblique à propos d'un passage d' Alcibiade, différent de ceux cités par Proclus 111 ). De plus, nous avons conservé plusieurs remarques de Jamblique sur ce dialogue qui, d'une façon plus générale, ont de l'importance pour notre compréhension de l'interprétation que Jamblique fait d' Alcibiade 118 ). On ne parle cependant nulle part d'un commentaire écrit d' Alcibiade de la main de Jamblique. Il en va de même pour le dialogue de Phédon. Olympiodore, en plusieurs passages de son commentaire de ce dialogue, rejette la position de Jamblique que toutes les sections de ce dialogue aboutissent à l'immortalité de l'âme. Mais cette affirmation souvent pertinente de Jamblique est d'ordre général et n'implique pas nécessairement un commentaire écrit 1 u). Ceci vaut également dans les occasions où, chez Olympiodore, l'on voit que Jamblique s'est véritablement prononcé à propos de l'interprétation de passages précis du Phédon 116). 112) Chez PRocws: 13,17; 25,20; 84,1; 88,t 1; 126,53. Chez OLYMPIODORE 59,22. 113) Surtout PRocLus 11,12 et ANON. pro/eg. 26. 114) OLYMP. ln Plat. Phaed. p. 57,4; 60,20; 65,13; 132,5. 'laµIJÀlXOÇ Kil\ tOOtov tOV J..6yov JJouÀEtal TEÀEiav à1to61:1KVUVat li 5) p. 78, 15: 6 6t (j)lÂ.6ai6pov ô1t6µvT)µa - ln Platonis Phaedrum
Dans le commentaire de Phèdre d'Hermias Jamblique est nommé plusieurs fois, mais il n'y a pas de renvoi direct à un commentaire écrit de Jamblique. Proclus, par contre, nomme explicitement le commentaire de Jamblique dans sa Théologie Platonicienne119). De ce fait le doute qu'exprime Couvreur dans son édition du commentaire de Phèdre par Hermias est dénué de fondement 110 ). Cependant le fait qu'Hermias ne renvoie pas directement au commentaire de Jamblique peut toujours surprendre, mais ceci tient sans aucun doute à la façon de commenter. Plus l'attention se concentre sur l'interprétation philosophique, moins il est important de savoir d'une part qui, par ailleurs, a commenté et d'autre part quel est l'ouvrage qu'il a commenté. A cela il faut ajouter que, parmi les références qu'Hermias donne de Jamblique, il n'est référé qu'en peu de cas directement aux interprétations de passages précis de Phèdre par Jamblique. La définition que Jamblique a donnée de l'intention de Platon dans le Phèdre est mentionnée 111 ). De plus Jamblique y est nommé en relation avec des problèmes philosophiques de caractère plus général comme la définition du destin (heimarmene), de la nature (physis) ou du nom de Zeus, tout ceci n'ayant aucun lien spécial avec Phèdre 1 n). En deux passages seulement on ne peut 116) Sur l'auteur cf. WF..STERINK dans la préface à l'édition. 117) Par ex. 10,2 ss. sur fl6ovit,p. 105,3 sur voOç, p. 130,3 sur partie-tout. On lit p. 57,3 que Jamblique s'est exprimé « selon les Pythagoriciens » dpridval -rov 'laµ[iï..ixov ica-rà ITl>Sayopelouç, ce qui peut signaler une autre tendance dans !'oeuvre de Jamblique. De plus 19,5 et 227,4; cf. WESTF.RINK p. XXI note 17. 118) D'une part la mention de l'intention du dialogue de Philibe 5,1, et aussi la mention des trois « monades » vérité, beauté et relation Philibe 64 a 7 jusqu'à 65 a 5 (dans le commentaire 243). 119) PROCL.Theo/.plat. p. 215,27; icai -raO-ratv TOIÇTOOq,ai6pou ytypaq,ev (se. 6 µtyaç 'Iàµ(iÂ.lXOÇ) UltOµviJµacn. 0. BIELMEIER p. 21. 120) COUVREUR dans la note sur p. 9,10: 'laµ(iÂ.lXOÇfort. in commentario ad Phaedrum cuius nullum aliud inveni vestigium. Zeller renvoie au passage de Proclus. 121) HERMIAS, ln Plat. Phaedr. p. 9,10. 122) Respectivement p. 200,29, 113,25 et 136,17. Sur eudaimonia p. 143,24.
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mettre en doute qu'il est question d'une intreprétation particulière de Jamblique sur des passages de Phèdre 111 ).
8. Elç 'tOVToDIlÂ.aTmvoçTiµmov ô1toµviJµa'ta - In Platonis Timaeum Le commentaire de Jamblique sur Platon que nous connaissons le mieux est son commentaire du Timée. Grâce à Proclus qui utilise et cite ce commentaire dans son propre commentaire du Timée, il acquiert, du point de vue de la transmission textuelle, une position semblable à celle qu'a le commentaire des Catégories parmi les commentaires d'Aristote, grâce à l'emploi qu'en fit Simplicius 1H). Outre Proclus, Simplicius cite plusieurs fois le commentaire du Timée de Jamblique; il en fait d'amples citations 116 ). Enfin Olympiodore renvoie deux fois à ce commentaire 111 ). Que ce commentaire ait une ampleur considérable, on le voit à ce que Simplicius, dans son commentaire de la Physique, en cite non seulement un cinquième mais aussi un huitième livre, et ces livres ont de plus été divisés en chapitres, selon ce que nous dit Simplicius en citant le deuxième chapitre du 5e livre et un « dixième chapitre» qui, d'après le contexte, doit provenir du 8 8 livre 11 7). Il y a donc toutes raisons de croire que Mau a raison d'admettre que le commentaire du Timée a été le plus vaste et le plus considérable des commentaires de Jamblique 118 ).
9. Elç 'tOV'toD IlÂ.ci,rovoçIlapµtviô11v ô1toµviJµa'ta - In Platonis Parmeniden Le témoignage que les auteurs nous donnent à propos du commentaire de Jamblique sur le Parménide a une ressemblance frappante avec celui sur son commentaire du Timée; le seul point qui diffère est que nous sommes loin de connaître aussi bien le commentaire du Parménide que celui du Timée. En un seul endroit nous avons une référence explicite à ce commentaire du Parménide, de sorte que nous ne pouvons mettre en doute son existence. De plus, nous trouvons dans l'interprétation antique du Parménide, Jamblique nommé sans référence directe à son commentaire du Parménide. La mention directe du commentaire du Parménide de Jamblique se trouve dans le commentaire de la Métaphysique de Syrien 119 ). Une référence plus générale 123) Ce sont: 1) p. 150,24, où Jamblique interprète irufkpvirn1c; tftc; 'll\>X1'c; comme to fv t1'c; 'll\>X1'c; et 2) p. 215,12, où Hermias donne l'interprétation de Jamblique 'H 6t t!;T1r11mc;toO S&iou 'IaµIJ).(xou P11ST10'EtalvOv. P. 143,23 sur eo6a!µoVEc; tombe aussi naturellement dans un commentaire de Phèdre malgré le sujet général. En tout, Zeller ne renvoie qu'à 6 passages (d'après l'édition de Ast de Hermias), bien qu ,:n vérité il soit parlé de 8 passages de Jamblique. (Cf. Couvreur index p. 268). 124) a. l'index de Diehl, ainsi que notre Index fontium dans l'Appendice. 125) SIMPL.ln Arist. phys. p. 639,23; 702,23; 794,22. ln Arist. coel. p. 564,12. ln Arist. an. p. 133,34. 126) OLYMPIODORE, ln Plat. Alcib. p. 2,4 et 110,14. t icecpa).a!Ql6rotépcp tà6e yéypaq>E. p. 794,22 tv t/i'.>i ,ceqxzÂ.aiq> ta6e ytypaq>E (Simplicius renvoie p. 793,24 au 8• livre). Sur KEq>(û.movdans le sens de section (et non pas de «titre particulier» comme dans Suda, ni« summarium »)cf.AMMON. ln Arist. interpr. 1,17 et passim. 128) MAU, Jamblichos p. 648. 129) SYRIENln Arist. metaph. p. 38,38: 61' àicp1l3&iaç µÈv oùv tv toîç tic; tov ITapµtvi611v ù1toµVT]µacn 'laµj3).ixtSEiq>1tt:pi toutrov Eip11tm.
58 à Jamblique se trouve dans l'ouvrage de Damascius sur les problèmes philosophiques
fondamentaux, le De principiis qui fait spécialement cas du Parménide de Platon. Les références de Damascius à Jamblique apportent, par le fait même, une certaine probabilité à l'existence d'un commentaire de la main de Jamblique, mais ces témoignages sont quelque peu rendus problématiques du fait que Damascius cite explicitement d'autres œuvres de Jamblique comme étant ses sources 110 ). Que Proclus ne nomme Jamblique en aucun endroit de son commentaire du Parménide doit nous étonner. Mais cela tient sans aucun doute à ce que Proclus, d'une part - comme l'a fait remarquer Zeller - ne nomme que très rarement ses devanciers et d'autre part cela peut être dQ à ce que Proclus, contrairement à ce qui s'est passé ici pour le commentaire du Timée, n'a pas travaillé avec le commentaire près de lui et donc n'a pas eu non plus sous la main le commentaire du Parménide à ce momentlàlll).
10. Xaï..6aîic1't&Â.f:1otat11 .S&oÂ.oyia - Theologia Chaldaica 111 ) Cet ouvrage, qui n'est actuellement connu que par de rares références, a été très considérable, si nous considérons que Damascius dans le De principiis cite un passage « du 28 8 livre». En plus du titre indiqué ici, Damascius se sert de la forme plus concise « chaldaica » Xaï..6aîica18 8). Ce doit être à cette œuvre que Marin us fait allusion lorsqu'il dit, dans sa biographie de Proclus, que Proclus avait été nourri des très vastes écrits sur les oracles de Porphyre et de Jamblique et d'autres collections d'écrits chaldaiques analogues 184 ). En ce qui regarde Porphyre, il est admissible de penser à son De philosophia ex oraculis haurienda, mais pour ce qui est de Jamblique, il est sans aucun doute fait allusion à cet ouvrage nommé par Damascius, de sorte que nous pouvons voir, par la mention qu'en fait Marlous, que cet écrit, dans une large mesure, a eu le caractère d'un commentaire 186 ). 130) Voir l'index de RUl!LLEde DAMASC.princ. 131) Que Jamblique soit à l'origine d'au moins 2 passages chez Proclus c.à.d. p. 1053 et p. 1090, Cousin l'a montré (cf. ses notes de ces passages). En partant de Anon. Pro/eg. WESn:RINKa supposé (lntr. p. XXXVII-XXXVIII) que Jamblique a écrit un commentaire du Sophiste. Ceci serait pourtant moins vraisemblable que de supposer un commentaire des 3 dialogues de Platon déjà mentionnés, Alcibiade, Phédon et Philibe. 132) FAOGINdonne comme titre latin une traduction directe: De chaldaeorum perfectissima theologia. F ABRJC1us appelle sans raison cette oeuvre 1t&pitf\c; tEÀ&totatflÇ XIIÀ6. (l)lM>OOaoq>iru;1t&pi6taKpi 1tepl Kpicmoç àplatou Myou cpTJCJi « 661... KtÀ..». 143) MAXIM. Pl.ANUD. in Hermog. p. 378 (Rhet. Gr. V 443) avec peu de différences dans le texte. FABRICIUS (p. 293 S., FABRICIUS-HARLESS p. 771 SS.) renvoie à Athanase. Zeller pense que la
60
13. 'AvnppftatlÇ 1tpôç -roùçàµq,i 'AµtÂ.lOV- Contra Numenium et Amelium
Cet écrit était dirigé contre le cercle qui entourait Amélius et l'ouvrage visait aussi Numénius, le maître d'Amélius, comme nous l'apprenons parce que dit Proclus dans son commentaire du Timée 1 "). A part cela, il nous est inconnu. 14. B(oç 'AÂ.u1tiou- Vita Alypii
Dans sa biographie de Jamblique Eunape mentionne que Jamblique a admiré le dialecticien Alypius pour sa précision et sa compétence - dialecticien signifie probablement ici rhéteur orienté vers la philosophie - et qu'après la mort d'Alypius il a écrit sa Vie, ouvrage qu'Eunape lui-même aurait vu. Eunape fait en outre quelques remarques pour apprécier cette oeuvre de Jamblique, alors que nous ne connaissons par ailleurs rien de son contenuu 6). 15. Iltpi àyaÂ.µa-rcov - De simulacris
Photius raconte (cod. 215) qu'il a lu un traité de Jean Philopon dirigé contre un ouvrage de Jamblique dont le titre était Sur des statues. Après un court résumé de l'idée maîtresse de Jamblique, de son dessein, de sa présentation, Photius parle brièvement du pamphlet de Philopon qui est maintenant perdu et qui par conséquent ne nous apporte aucune aide pour reconstruire l'œuvre de Jamblique. Photius nous apprend de plus que cet ouvrage de Jamblique se présente en deux parties 10 ). Même si le sujet est traité par Jamblique, par exemple dans De myst. 3,28-29 et est effieuré dans Vita Pyth. 143, 153 et 215, le renseignement donné par Photius est tel qu'on ne peut douter qu'il ait existé un écrit à part en deux parties dont le sujet était les statues de dieuxlt 7). 16. Iltpi O"Uµ~6Â.cov - De symbolis
En partant d'un passage de Saint Jérôme (contr. Rufin. III 39 col. 507A) Zeller, référence que fait Athanase à Jamblique vaut pour l'ouvrage mentionné (ZELLERp. 741 note; ZELLER-MONDOLFO p. 8 note 7), ce dont on peut néanmoins douter, étant donné que, d'après les renseignements de Fabricius, il est question d'un ouvrage philosophique. 144) PllocL. In Plat. Tim. Il p. 277, 26 ss: 6 6t y&S&toç'IciµflÂ.lXOÇ linaoav tflV to1al'.>TI1v S&e.0plav tn&ppci1t1o&v tv talc; npoç toi>c;àµq,i 'AµtÂ.1ov- oOtco yàp t1t1ypaq,&1to K&q>éû..a1ov - mi 61'1 Kal Nouµi)VlOVàvnppi)O'&O'lV. 145) EUNAPEV 3, on lit en 3,5: oOtcoc;01t&p11ycio-S11 tôv civ6pa t1'c; àKp1fl&lac; Kai O'llV&O'&coc;, Ô>O't& Kai àit&Â.Sôvtoc;Plov O'llV&YPQllf&. Kai tvtwx.:v 6 taOta ypciq>cov tolc; y&ypaµµtvo1c;.Eunapc donne ensuite des renseignements sur le contenu et le caractère de l'écrit de Jamblique et, ce faisant, il fait de grandes réserves non seulement sur l'exposé de Jamblique, mais encore sur son style ... 146) PHOTIUScod. 215: 'Av&yvOOO"Sll 'Icoavvou toO ll>1Â.01t6vou Katà tilc; O'ltOll61'c;'laµl3Â.iXOll, fiv trttypallf<&piàyaÂ.µcitcov."Eon µtv oùv 6 O"KOltOÇ 'Iaµl3Â.iXQ> ..... E!ç 61'.>o 6t trtv ÔÂ.TIV npayµat&iav ttµv&l (6 'la.µl3Â.1xoç),trtv µtv µ&!ÇovaKaÂ.v, trtv 6t &Â.cittova.onou6t') a ici le sens de onouoaoµa (cf. SOPHOCLE s.v.); cf. onouoaoµcinov' « libellus » PHOT.cod. 250; 153; 155. 147) Cf. sur ce point RE IX 1791.
61 entre autres, a conclu que Jamblique aurait écrit un commentaire du carmen aureum pythagoricien, ces « vers dorés » qui, sous une forme brève, renferment les sentences principales du pythagorisme et Ja sagesse pythagoricienne. Il est dit chez Saint Jérôme: Cui us enim sunt illa xpOaa napayytÀµa-ra? Nonne Pythagorae? in qui bus omnia eius breviter dogmata continentur, et in quae latissimo opere philosophus commentatus est Jamblichus, imitatus ex parte Moderatum virum eloquentissimum et Archippum ac Lysidem Pythagorae auditores. Cependant nous ne pouvons pas purement et simplement identifier les xpOaa 1tapayytÀµa-ra dont parle Saint Jérôme avec les xpOaa f1tT1,et aussi bien Fabricius (IV p. 292) que Migne (dans la note sur ce passage) ont donc pensé que Saint Jérôme renvoie de fait à l'étude et à l'explication des textes symboliques pythagoriciens au chapitre 21 du Protreptique. Cependant l'expression de Saint Jérôme « latissimo opere » ne permet pas d'accepter cette interprétation, expression qui peut difficilement être comprise à propos d'un chapitre du Protreptique. En outre, la mise à part de ce chapitre que l'on peut estimer s'être produite à une date plus récente et qui doit être admise, si Saint Jérôme y pense, ne peut vraiment pas être supposée s'être accomplie à une époque si reculée. Il est donc plus naturel de rattacher le renseignement de Saint Jérôme à deux passages de Jamblique où celui-ci parle d'une étude des symboles pythagoriciens. L'un des passages est dans la Vie Pythagoricienne, où Jamblique dit que certaines expressions pythagoriciennes sont en fait une invitation à exercer la justice « comme il sera montré dans le travail sur les symboles »: chç tv -ro[ç 1tEpi ouµl36).rov ÔEtXSitaE-rat.Il est possible que Kuster ait raison d'affirmer que Jamblique pense ici à l'étude des symboles qu'il fera dans le Protreptique, chap. 21, mais cela pourrait aussi être une référence à un écrit distinct. Que celui-ci ait existé, ou que Jamblique le fasse prévoir, est en tout cas confirmé par le fait que, précisément dans ce chapitre du Protreptique, il renvoie à une étude ultérieure du sujet du chap. 21 dans un écrit sur les symboles -rà µtv oôv cilla 1tEpi aù-roO tv -r4>IlEpi ouµJ36ÀO>v tpoOµEv, 148 6aa ôè dç 1tpo-rpo1tT)V dpµ6ÇEt, 1tapayytÀÀEtKTÀ. ). Il n'y a donc aucune raison de douter que le « grand ouvrage» dont parle Saint Jérôme ne doit pas tellement être rapproché directement du carmen aureum, mais de l'ouvrage promis par Jamblique sur les symboles, (vraisemblablement une collection réunie par Jamblique), de telle sorte que cet ouvrage était non seulement prévu, ainsi que Hœlk, entre autres, a voulu se borner à le dire, mais de plus qu'il a existé et était connu par Saint Jérôme 10 ). 17. IlEpi 'lfUlf\Ç µE-ravacr-raaEroç- De migratione animae Encore plus compliqué est le problème posé au sujet de l'étude de Jamblique sur 148) Kiessling avoue aussi la difficulté de la tentative de Kuster de faire coïncider les deux passages avec protr. chap. 21. (voir le commentaire de Kiessling sur ce passage du protr. p. 331). La ponctuation, le texte et la traduction de Kuster-Kiessling sont alors également erronés. Pistelli ponctue ce passage correctement. 149) HœLK,De acusmatis p. 20.
62 la migration de l'âme. La question est de savoir si Jamblique a, oui ou non, écrit un traité sur l'âme en plus de celui déjà nommé, ou bien si tout l'ensemble fait partie d'un seul ouvrage. Il faut d'abord remarquer qu'il n'y a aucun témoignage nous montrant que Jamblique, en plus du De anima, ait écrit un commentaire du De anima d'Aristote, comme Douillet le crut à son époque 1110). Ensuite on peut affirmer qu'il y a des indices extrêmement forts permettant d'admettre l'existence d'un écrit sur l'âme en plus du De anima déjà mentionné. Deux passages sont principalement à envisager 1111). a) DAMA.SC. princ. 402 p. 259, 13: li>çq,1101v6 µty~ 'laµp>..1xoc;èv tcf, ,repi 'lf\>Xf!c; µetavaataascoc; à1tàacoµa-roc;,et b) NEMES. nat. hom. 2,5 l col. 58 l c ss.: rtypa1tta1 de; yoOv aùtlp (se. 'IaµPMxcp) µov6PtP>..ov è1tlypaq,ov ·on oùtc à1t' àvSpco7tCOv Çli'>aCU.oya, où6è à1tàÇcixovà)..6yrov de; àvSpco1touc;a{ µen:varoµatCO..1xoc;tcat16ci>vèv tp1ai to6to1c;, àq,op{Çt1v tà vo11-rov0'1>µµttp{~. tcai àX11Se{~,tcai tcaÂ.Â.tl.tcai füà toutrov ISO) Traduction de Plotin p. VII; cf. ibid. p. 662 s. 151) La référence d'AENEASGAZAEUSà Jamblique (Theophrastus p. 16 cf. Barthius' note ad loc. p. 98-99) n'est probablement pas directe mais reprise de Némésius. 152) Sroa. I 49,40 I p. 379,11 et I 49,41 1 p. 381. a. FESTUOIERE,Révélation III p. 220 s. et 235. Cf. GALE In myst. p. 194 a: Damascius laudat Iamblichum tv téj) m:pi ànoicataatcia&ox;. Non intelligit librum, sed eam libri partem de anima, quam conservavit nobis Stob. Ecl. Phys. p. 143. - Le titre donné par Faggin « De descensu animae » rend aussi plus étroit le lien avec le Deanima. 153) Phèdre 248-249.
63 oôv vo11to~ Seo~ t1ecpa{ve1vtv til 1tÀ.atcovt1CilSeoÀ.oyiq.. Comme le sujet de t1ecpa{ve1vest Jamblique et que le verbe est à prendre au sens transitif de« montrer», « présenter » etc., le suivant « tv til 1tÀ.atcovt1Cil SeoÀ.oyiq.» ne peut se comprendre 164 ). que d'un ouvrage de Jamblique
Il est inévitable que, dans une situation si difficile que celle dont il s'agit ici quant à la transmission des textes, on trouve bien des allusions ou des indices pouvant laisser supposer l'existence d'autres œuvres de Jamblique. A la fin de cet exposé général de l'œuvre de Jamblique, nous pouvons mentionner quelques-uns des passages qui, à tort selon nous, pourraient laisser supposer que Jamblique ait écrit d'autres œuvres. Il est évident qu'il aurait parfaitement pu en avoir été ainsi, mais, en ce cas, toutes traces de ces autres ouvrages ont été perdues. Lorsque Psellus cite Jamblique dans son traité Sur les nombres (Ilepi àptSµ&v), tout porte à croire qu'il y fait allusion aux livres sur l'arithméthique de Synag. Pyth., et plus précisément, selon toute probabilité, au 7e livre 11111 ). Dans son commentaire des Catégories et en liaison avec une citation de Jamblique, Simplicius fait aussi une citation d' Archytas, en motivant entre parenthèses ce passage à Archytas par une remarque sur le fait que Jamblique aussi a commenté le même sujet 168 ). Ceci ne peut pourtant pas justifier l'hypothèse d'un écrit, étant donné que cette explication de la conception des catégories d'Archytas sans aucun doute s'est faite justement dans le commentaire des Catégories de Jamblique. Qu'une telle façon de commenter soit caractéristique de Jamblique, nous le verrons plus tard 1117). Ce à quoi Ruelle fait allusion en supposant que Jamblique a écrit un ouvrage Les Anagogues n'est pas tiré au clair; Ruelle lui-même met en question un tel ouvrage qui, à vrai dire, est privé de toute preuve de son existence 1118). Il y a plus de raisons de se demander si Jamblique a écrit un commentaire des poèmes Orphiques, comme Zeller entre autres l'a supposé 1111). Les motifs qu'en donne Zeller sont doubles. D'une part, il est admis que l'orat. VII 217 B s. de Julien présuppose un tel ouvrage ou le rend probable, d'autre part Zeller pense que l'existence 154) Portus a aussi de bonnes raisons d'écrire « Platonica Theologia » (avec majuscules) dans sa traduction. Serait-cc à cet ouvrage qu'AsMus fait allusion (Alkibiades-Kommentar p. 14) lorsqu'il parle de « cine Abhandlung Jamblichs über die Philosophie» . 155) a. TANNERYdans Psellus sur les nombres (REG 5, 1892, 343-347; la citation se trouve p. 346) et KAJU.KRUMBACHER dans BZ 1893 p. 167. 156) SIMPL.In Arist. categ. p. 314, 14-17: t:l ôt 6t:t npo tli>v 'laµl3Àixou tà 'Apxutou 1tapaStGSa1, ooatKt:tvoç (6ia toO noit:Iv Kai 1tàCJXt:1vcivtypmvt:v (Kai yàp Kai 'lo:µl3À1xoç tK&îva tn&ç1\ît:ltai), ypo:cpt:1toiwv 6 'APXi>taç KtÀ ... (1. 24:) taOta toiwv tçTJyouµ&voç 6 ·10:µl3).1x6ç Cl)T\Gl tO 7tOldV KtÀ. 157) Zcller s'exprime d'une façon ambiguê! lorsqu'il dit (p. 742 note) « die archyteischen Kategorien, welche cr gleichfalls erliiutertc ». 158) RUELLE, Jamblique p. 1195. 159) ZELLER p. 740 note.
64 de cet écrit est attestée chez Marinus (Vie de Proclus 27). Il n'y a cependant chez Julien aucun fondement à cette supposition. Les données jambliquiennes, qui se trouvent dans le 7 8 discours de Julien, peuvent provenir aussi bien du De diis que du Theo/ogia chaldaica, et, quant à Marinus, il ne nomll\e aucun ouvrage, mais dit seulement que Jamblique a parlé de « orphica » 180 ). Cependant, que ceci puisse se référer à bien des passages - non seulement à des œuvres comme Theo/. Chald. et De diis, mais aussi à des commentaires de Platon - le commentaire du Timée de Proclus en est notamment un témoignage 181 ). Outre le De simulacris, Zeller mentionne que Julien s'est servi d'un autre ouvrage théologique de Jamblique et que celui-ci pourrait être le De diis 181 ). Il a ainsi laissé entrevoir la possibilité de ce que Julien, en plus du De diis - ou peut-être au lieu du De diis - ait eu sous main un ouvrage théologique de Jamblique. Une telle hypothèse est sans aucun fondement, et on peut donc la supprimer. Dans le commentaire du Philèbe de Damascius se trouve une remarque qui a donné à Westerink l'occasion de présumer que Jamblique a écrit une hymne à Hédoné. Il y est dit (19,5): ft 'H5oV1') ôµv&ttat 1tapà 'IaµpÀiXQ>,On ne peut pas tout à fait récuser que cela puisse vouloir dire « une hymne composée ou citée par Jamblique », ainsi que Westerink le comprend, mais il est pourtant plus normal de prendre ôµv&ttat dans le sens souvent employé de « nommer plusieurs fois », de sorte que, en partant de là on ne peut pas admettre que Jamblique ait composé un tel poème 118 ). Dans un seul manuscrit contenant des livres de Jamblique on trouve un chapitre intitulé: ft àµpÀ.{xou 1toirimç 1 u). Il fait partie, avec plusieurs autres, des œuvres alchimiques, que, sous un titre similaire et. avec des altérations analogues du nom de Jamblique, l'on trouve éditées dans la Collection des Anciens Alchimistes Grecs 111 ). Que ceci n'ait rien à faire avec notre Jamblique est néanmoins évident 1.. ). Enfin que certaines sentences de Jamblique comme celles citées par Boissonnade, Anecd. Gr. I p. 124, ne supposent pas d'écrit spécial, cela va sans dire. La sentence mentionnée par Boissonnade peut, avec sa perspective éthique, provenir d'une lettre de Jamblique, elle peut aussi se trouver en de multiples autres contextes, tout autant qu'une tradition orale de sentences ne peut d'aucune façon être écartée. La facilité avec laquelle une tradition sur l'existence d'un écrit à part peut s'établir, 160) MARINUS, vira Procli 27: 'Avay1vcl>non: nap' aùt/îl (se. Ilp6d.q>) tà 'Ol)Cl)to>ç, Kai où µ6vov tà napà t/îl 'JaµfJÂ.iXQ> Kai I:up1avlîJàKoùr.ovtv tatc; tl;rmia&a1v, àUà n>.&ir.o t& iiµa Kai npoaq)l)Év auvayroyiJ que Hésychius et d'autres rattachent à Aristote, mais, en fait, la plupart des œuvres d'Aristote peuvent être caractérisées comme des auvayroya{ 8). Ce genre est même aussi très répandu dans l'école et la tradition péripatéticiennes. Il nous suffit de penser à l'œuvre de Théophraste sur les physiciens, à l'œuvre d'Eudème sur l'histoire de la mathématique, aux Helléniques de Dicéarque, à la Synagogé des passages d'Homère d'Hermippe, aux Synagogai de Démétrius etc. 11). On a particulièrement recours à ce genre d'exposition dans les travaux de l'histoire de la philosophie, et, dans ce domaine, plus spécialement encore dans la série antique des biographies de philosophes 10). C'est cette tradition que nous rencontrons dans la Iuvayroyt't -cô'.>v àpt0'1C6v-crovd' Aétius, source elle-même de l' Epitome de Plutarque, du recueil d'extraits de Stobée et de l'histoire de la philosophie du Pseudo-Galien 11). Pour ce qui a spécialement trait à Pythagore et au pythagorisme, ce thème de Jamblique est maintes fois traité dans cette forme condensée, aussi bien par Aristote lui-même que par Aristoxène de Tarente dont l'ouvrage sur Pythagore et ses disciples est capital pour la tradition postérieure 11). Cet arrière-plan historique du Synag.Pyth. de Jamblique montre que le fait même que Jamblique choisisse cette forme pour son exposé de la philosophie pythagoricienne doit être signalé chez lui comme un trait aristotélicien, et cela fait immédiatement comprendre pourquoi l'œuvre de Jamblique, comme Delatte l'a dit à propos de la Vie Pyth., contient plus de passages de la doctrine péripatéticienne qu'on ne le pense en général 13). A part cela, la tradition de la synagogè ne donne cependant pas en soi de plus amples caractéristiques qui puissent aider à la compréhension de l'œuvre de Jamblique, parce que la forme synagogè peut s'appliquer, et a été appliquée, en beaucoup de différentes circonstances à tout le domaine des exposés scientifiques et philosophiques. Dans cette forme, on peut simplement citer ou faire des extraits comme le fait par exemple Aétius, où on peut, comme c'est le cas chez Aristote et Théophraste, faire entrer des points de vue philosophiques de toute première importance pour l'exposéH) Qu'en sera-t-il du Synagoge Pythagorica de Jamblique? 7) Voir JAEGER,Aristote/es p. 278 avec la note 2. 8) Eth. Nic. 10,10 p. 1181 b 13 ss.; HESYCHindex 71; RosE, Arist. fr. 136-141; cf. CHROUSTdans: AC 53, 1964, 58-72 et GERCKEdans: RE s.v. Aristote/es col. 1036,65. 9) Voir KIENLEp. 58 ss. Pour Dicéarque cf. PoRPH. abst. 4,2: TÛIV... Tà 'EÏ..Àflvucà O"Uvayay6VTrovtcniv icai 6 m:putaTT]TIKOÇAticaiapxoc; (Wehrli fr. 49). Pour Démétrius voir Wehrli fr. 174-176. De la Synagogé d'Hermippe, STOBÉEen a fait des extraits (Ecl. 3,5,43). 10) KIENLEnomme (p. 76 s.) entre autres Aristoxène de Tarente, Dicéarque, Néanthe, Callimaque et il continue jusqu'à Sotion. 11) Dox Gr. p. 273-444. 12) ARIST.fr. 190 ss. Rose. Sur Aristoxène cf. Wehrli. Sur l'importance d'Aristote pour la future littérature pythagoricienne voir aussi FRANKp. xr. 13) Cf. notre introduction p. 19-20 avec la note 50. 14) cr. KlENLEp. 58.
69 b) L'œuvre en tant que daayoryit Pour une compréhension exacte de l'œuvre, la meilleure aide que nous ayons vient de ce que Jamblique lui-même appelle plusieurs des livres des daaycoya{ et que le quatrième livre est directement une introduction à l' Arithmétique de Nicomaque. Tandis qu'une synagoge comme celle d'Aétius se rapproche du genre des manuels (&'YX&tp{6ta, manualia), l'ouvrage dont nous parlons ici doit se rattacher à la littérature d'introduction (littérature de l'daayoryit) 16). La littérature d'introduction ne prétend pas d'habitude à l'originalité mais cherche librement des matériaux partout où elle peut actuellement les trouver, et de plus elle emprunte normalement des passages à des ouvrages d'introduction traitant du même sujet 11). Ceci est une clé qui nous aide à comprendre pourquoi l'œuvre en arrive si souvent à ressembler à une compilation et pourquoi elle se présente donc de façon moins originale que nous aurions pu l'attendre. Il ne s'agit donc pas des qualités de Jamblique mais de la tradition d'un genre. En ce qui concerne Jamblique, le problème est de savoir comment il utilise de plus près cette tradition, et ici nous pouvons remarquer préalablement qu'il ne présente pas simplement des extraits ni un florilège mais qu'il remanie ses matériaux dans sa rédaction et les redonne en les modifiant 17). Le rapprochement de cette œuvre avec la littérature d'introduction ressort non seulement de ce qu'en dit formellement Jamblique mais aussi de la composition de l'œuvre qui porte la marque des disciplines encycliques, puisque les quatre arts du quadrivium ont été étudiés dans les derniers livres (l'arithmétique,la géométrie,l'astronomie et la musique) 18 ). Mais en même temps le rôle spécifique que prend l'œuvre dans le genre des introductions devient évident: ni Homère, ni la rhétorique n'y occupe de place, et des arts du trivium l'éthique seulement est traitée (dans une perspective spécialement arithmétique), tandis que la dialectique et la logique ne sont pas touchées 19). Si l'on considère le sujet principal de l'ouvrage, la philosophie pythagoricienne, celui-ci a une orientation exclusivement philosophique. Ceci ressort aussi 15) a. ci-dessus p. 45-46 avec la note 65 et la note 70. Ainsi c'est à tort que MAUappelle le dernier livre seulement une introduction quand il dit des trois derniers livres: « wir wissen, dass sic eine Theorie der Musik, eine Geometrie und eine Einfilhrung in die Astronomie gaben » (p. 647). Ils sont tous des introductions. Que Synag. Pyth. soit un écrit d'introduction, cela est souligné par DüRING, Protrepticus p. 26 avec la note 3; cf. aussi les excellentes remarques d' ALBRECHT dans l'introduction à l'édition avec traduction de la vita pyth. Sur la littérature d'introduction comme genre, voir UP p. 35 et p. 34•, KüHNERT,Allgemeinbildung und Fachbildung, et FUHJlMANN, Das systematische Lehrbuch. 16) FuHRMANNp. 144 ss. Ceci est naturellement lié à la façon moins individuelle et plus collective de considérer les documents comme propriété commune, conception courante dans !'Antiquité. Les droits d'auteurs sont inconnus; ils le sont aussi dans d'autres domaines de la culture jusqu'à une époque assez récente, comme c'est le cas pour la musique. 17) C'est à bon droit que MERLANdit de notre oeuvre qu'elle n'est « neither an original nor a florilegium », cela tient à la nature de !'oeuvre (MERLAN,From Platonism. p. 28). 18) KüHNERTp. 117. Chez Platon dans Théét~te p. 145 a, dans la République à la fin du 5e livre de même qu'au 6e et au 7e livre. Cf. JAEGER,Paideia, passim. 19) Sur la suite d'étude de Homère-rhétorique-géométrie-arithmétique-astronomie, voir ScHMIDSTAHLIN,p. 1056 ss. Nous ne savons pas si !'oeuvre perdue de Jamblique sur la rhétorique a eu un rôle à jouer.
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des premiers livres de l'ouvrage qui traitent d'une façon si caractéristique de sujets de philosophie générale; que l'on pense seulement au Protreptique qui ne peut pas être considéré isolément, mais qui, pourtant aussi en tant que livre, a une relation avec tout un genre philosophique qui a souvent été la principale introduction générale à la philosophie 80). En plus du manque d'originalité qui était classique dans la littérature d'introduction, notre œuvre a aussi d'autres traits communs avec les ouvrages d'introduction. Cela est surtout vrai de tout ce qui, dans le plan et dans l'exposition, touche à l'arrangement pédagogique des matériaux, et - en rapport étroit avec ce dernier - nous trouvons en maints endroits un mode d'expression presqu'oral qui dénote l'enseignement. Cela permet de comprendre entre autres les nombreuses répétitions que certains auteurs - parmi eux Brucker - ont reproché à Jamblique 11 ). L'indication minutieuse que « nous allons maintenant traiter de ceci ou de cela » et une remarque finale comme « ainsi nous en avons fini avec ce sujet », une référence fréquente à l'endroit de l'exposé où nous trouvons à ce moment, et une énumération systématique des sections en «premièrement», « deuxièment » («d'abord », «ensuite») etc. pourraient indéniablement avoir l'air pédant, mais on ne peut nier qu'il s'y trouve un procédé pédagogique, surtout lorsque ce procédé pédagogique apparait en liaison avec un style oral 11). A ce propos il y a notamment lieu de signaler combien souvent Jamblique utilise ici des tournures de phrases qui font penser au langage d'Aristote et combien souvent nous trouvons, justement chez Aristote, un style correspondant 11). Puisque l'œuvre est une œuvre d'introduction, il est en outre naturel de demander de quoi au juste elle est une introduction, et ici nous nous trouvons devant un fait singulier. Tout d'abord, en partant aussi bien du titre de l'œuvre que de sa disposition et de son contenu, nous sommes autorisés à regarder cet ouvrage comme une introduction à la philosophie pythagoricienne, et il ne peut non plus y avoir aucun doute que ceci est juste, et doit absolument être maintenu. Mais, en plus de cela, l'œuvre, comme le montrent les remarques de Jamblique lui-même sur daayroyti, est aussi une introduction aux questions philosophiques en elles-mêmes, et, parmi celles-ci, surtout à la mathémathique et à sa portée philosophique. Nous avons ici un trait qui est courant dans les anciennes littératures philosophiques et qui consiste en ce Sur les artes libera/escomme introduction à la philosophie dans I' Ancienne Académie, voir KüHNERTp. 131; sur la place de ces disciplines chez les Néo-platoniciens: NoRDEN,Ani. Kunstprosa Il p. 671 avec la note 3. Une esquisse de la suite de cette tradition chez les Pères de l'Eglise chez SALAVERRI p. 491 SS. 20) Sur le genre protreptique dans l'antiquité, le livre de HARTLICHa toujours de la valeur. 21) BRUCKERIl p. 2~7. Que !'oeuvre soit aussi considérée par la tradition au point de vue pédagogique comme une oeuvre d'enseignement, cela se déduit d'une note du ms. à la fin de com. math.; voir l'édition de Festa p. 99 app. crit., où le livre est appelé 61oommÂ.ucol Â.6yoL (cf. FABRtc1usp. 290), que Festa interprète comme Â.6-yotqui sont donnés 61oomca.Â.uc:6'.lc;. 22) Par ex. vita pyth. 18,80 p. 46,4: M&tà 611 toOto Â.Éyooµ&v ôitooç ... Ibid. 21,95 p. 56, 3-4: Ilepi 6t ... µ&tà toOto cppétaoo.Ibid. 18,87 p. 51,7: toutoov µtv aûtl'l tcai totautl'l aocpla. Reprise ibid. 104 ss. protr. 105,27. Ibid. 20,94: itpô'.>tovµtv oùv ... 23) Par ex. tournures comme vita Pyth. p. 56,3-4: µ&tét toOto cppétaoo;ibid. p. 58,9-11: tà µtv oùv ... totaOta t'lv, et 19,19 p. 52,20: tca96Â.Ou6t &i6l:vat üçtov; cf. Arist. ü!;tov &lit&tv, tca96Â.Ouaicoit&tv (Bonitz, s. vv.).
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que l'on ne fait pas de distinction - comme c'est devenu courant à une époque ultérieure - entre l'exposé historique et l'étude doctrinale des faits. Tandis que nous avons, de nos jours, une tendance à séparer les deux tâches: un exposé de la philosophie pythagoricienne et une étude des faits sur lesquels travaille la philosophie pythagoricienne, on considère ceci, dans I' Antiquité, comme une seule tâche. Et ceci est aussi le cas ici chez Jamblique. Nous avons donc une introduction philosophique élémentaire à la fois à la philosophie pythagoricienne et à une problématique philosophique fondamentale des faits. C'est ainsi que, tout en étant un exposé de la philosophie pythagoricienne, l'œuvre prend une plus vaste perspective. La place prédominante que la mathématique, et en particulier l'arithmétique, prend dans toute l'œuvre caractérise le Synag. Pyth. comme écrit d'introduction. Après les deux livres de philosophie générale de l'introduction, la mathématique est d'abord traitée dans sa totalité au 3 8 livre, puis l'arithmétique dans le 4 8 livre, et dans les 3 livres suivants l'arithmétique est traitée sous un aspect physique, puis éthique, enfin théologique. Cette place centrale faite à la mathématique dans la connaissance philosophique élémentaire doit être vue comme une représentation correcte de l'optique pythagoricienneH). En même temps, l'intérêt porté aux faits mathématiques place l'ouvrage dans deux contextes: d'une part il le relie à l'Ancienne Académie, d'autre part on y voit son rattachement à Alexandrie où la mathématique avait pris un nouvel essor 16). c) Synagoge Pythagorica et l'enseignement de la philosophie
Il devient ainsi non seulement naturel mais nécessaire d'étudier cette œuvre en relation avec l'enseignement de la philosophie. Les Néo-platoniciens désiraient être Platoniciens, et cela eut, pour l'enseignement de la philosophie, la conséquence logique que l'étude de Platon en devint le principal objet. Il est donc tout naturel de chercher s'il existe un lien plus étroit entre notre œuvre et l'étude de Platon. Que Ficino ait admis un tel lien se conclut de ce qu'il renvoie à cette œuvre lorsqu'on lui demande d'indiquer les livres platoniciens que l'on peut trouver en latin 11). A une époque plus tardive, cette affinité est rarement prise en considération. Une exception cependant: Steinhart, qui appelle Synag. Pyth. « une préparation à l'étude de Platon » 1 7). On connait un certain nombre d'études préparatoires à Platon. Nous serons plus tard amenés à approfondir davantage la question de l'étude d'Aristote comme introduction à la lecture de Platon, et nous nous bornerons ici à mentionner que les traits aristotéliciens qui se trouvent dans Synag. Pyth. - que l'on pense par exemple à la discussion du Protreptique - feront naturellement partie de cette question. En second 24) KüHNERT,p. 115. HEIBERG,Gesch. d. Mat. u. N. p. 2-3. 25) Sur la mathématique dans l'Académie, voir HEIBERG,Gesch. d. Mat. u. N. p. 10 s. (à quoi il faut aussi ajouter PROCL.in Eue/id. p. 66 ss.), à Alexandrie, ibid. p. 22 ss. 26) KUBANSKY, Plat. trad. p. 46-47. 27) L'ocuvre a, dit STEINHART(p. 275), « den Zweck, die Lehre des Pythagoras und den in ihr verborgenen geheimen Sinn, besonders das Mysterium der Zahl, zu entwickeln, und dadurch zu dem Studium der Platonischen Philosophie vorzubereiten ».
72 lieu nous avons pu reconnaître le quadrivium à travers cet ouvrage; et à cc propos il est légitime de nous rappeler que le quadrivium a justement été utilisé comme propédeutique à l'exégèse, un plan d'études qui - par Origène et Clément - a été repris par l'école chrétienne d'Alexandrie 18 ). Plus importante est néanmoins la place que prend la mathématique. Comme représentant typique d'une introduction mathématique à Platon on peut citer l'œuvre d'introduction écrite par Théon de Smyrne sur « ce qui quant à la mathématique est utile à la lecture de Platon » 19). Cet ouvrage est caractéristique, à la fois par son plan élémentaire et parce qu'il traite non seulement de l'arithmétique mais encore de la musique et de l'astronomie dans une optique mathématique. Cet ouvrage appartient, il est vrai, au 2e siècle ap. J.-C., mais il se dégage des deux points suivants que ce soit cette tradition à laquelle Jamblique se rapporte: d'abord, l'œuvre que le maître de Jamblique, Anatole, a écrite sur les dix premiers nombres a beaucoup de points de ressemblance avec l'œuvre de Théon, et, ensuite, il est permis de supposer - en nous appuyant entre autres sur les Theo/. arithm. anonymes - que Jamblique lui-même,dans le 7e livre de Synagoge Pythagorica s'est inspiré de l'ouvrage d'Anatole 30 ). Si nous remontons encore plus loin dans cette tradition, nous y trouvons un lien avec la tradition péripatéticienne, puisque Théon sans doute a eu comme source principale le péripatéticien Adraste. L'intérêt pour la mathématique a ici, d'une façon toute spéciale, été rattaché au Timée de Platon, qu'Adraste avait commenté, selon toute probabilité, en liaison avec le commentaire du Timée de Posidonius 31). En dehors de cette ligne dans la tradition il faut supposer que la tradition néopythagoricienne avec son intérêt pour la mathématique a aussi eu de l'importance pour l'œuvre de Théon. Selon Praechter, Moderatus a été une source secondaire mais importante pour Théon 31). Cependant nous devons nous demander s'il n'est pas plutôt question de l'influence de ce Nicomaque que nous voyons avoir une si grande importance pour Jamblique et chez qui nous pouvons aussi voir un lien entre les disciplines mathématiques et la philosophie 33 ). Néanmoins, plutôt que de fixer une source déterminée, il est plus important de considérer toute la tradition dans laquelle il y a un lien étroit entre les disciplines mathématiques et l'étude de Platon. L'œuvre de Jamblique en fait aussi partie. Ce qui est particulier à l'œuvre de Jamblique est que son introduction mathématique rejoint le pythagorisme. Tout en donnant une introduction mathématique, Jamblique ouvre ainsi une plus vaste perspective, de sorte qu'aussi bien le quadrivium 28) Sur ce sujet: KOHNERTp. 143. 29) 9tcovoç l:µupva(ou àvayvoomv.
Ili..cmovucoO t6'>v icatà tô µalh1µanicôv
XPT1µ&SaKai toutou èvttl>Stv. 35) STAHLappelle donc avec raison ln Nic.« a comprehensive treatise on arithmetic ... based upon Nicomachus' work » (Roman Science p. 133). Cette tendance à condenser, nous la trouvons aussi dans le theol. arithm. qui nous a été conservé et duquel HEIBERGdit (Anatolius p. 3): Dans la collection pythagoricienne des Theo/ogumena arithmeticae . .. on trouve des extraits de notre opuscule, qui présentent généralement un texte meilleur, mais raccourci'. 36) CT. PLEZIA, De comm. isag.: SCHJSSELdans: Philo/ Wochenschr. 1931, 1478 ss. Sur l'influence de cette forme d'exégèse sur, par ex., l'Antiochien Diodore, voir SCHWEIZER,Diodor p. 55 avec la note 164.
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Platon, mais pourtant cela a été le cas à Alexandrie à l'époque qui précède Jamblique. Mais puisque Jamblique doit justement être compris à partir de la tradition alexandrine - comme cela se dégage tant de l'histoire de sa vie que du reste de son œuvre il est donc tout naturel de voir notre œuvre à la lumière de la tradition philosophique, qui souligne une liaison étroite entre Platon et Pythagore. Notre œuvre alors a aussi de l'importance au sujet de l'interprétation que Jamblique fait de Platon et il est légitime de la part de Steinhart de considérer la Synagoge Pythagorica comme une introduction à Platon. C'est la renaissance philosophique à Alexandrie au premier siècle avant JésusChrist qui redécouvre le lien entre Pythagore et Platon• 7). Eudore est ici une personnalité qui renouvelle la tradition platonicienne et, en relation avec clic, souligne l'importance de Pythagore pour Platon 88 ). En même temps que le renouveau de l'étude de Platon, il se produit une renaissance de Pythagore, que l'on appelle traditionnellement le néo-pythagorisme. En réalité, la renaissance de Platon et celle de Pythagore se font en même temps et en dépendance mutuelle de sorte que, dès ce moment, il est impossible de séparer les deux écoles, du moins à Alcxandrie 19). Platon et Pythagore sont maintenant étroitement liés l'un à l'autre. On pourrait, dans cette tradition, nommer l'œuvre doxographique d' Arius Didymus sur Platon et Pythagore'°). Mais sur ce chapitre, ce Moderatus de Gadara- qui devait un jour avoir une influence marquée sur le néo-platonisme - est sans doute plus importantu). Moderatus, certes, se déclare pythagoricien, mais il se livre aussi à l'étude de Platon. Il cherche à faire découler du pythagorisme les principes premiers de la métaphysique de Platon, affirmant que le dialogue de Parménide doit s'expliquer par la philosophie pythagoricienne: 1ea-rà -roi>çIlu9ayopeiouç 0 ). De ce fait nous n'avons pas seulement un lien quelconque entre Pythagore et Platon, mais un lien qui porte en lui des conséquences exégétiques considérables. Le lien entre Platon et Pythagore est ensuite mis en relief par Numénius qui tout comme Moderatus est traditionnellement placé parmi les Néo-pythagoriciens"). En soulignant la relation Platon-Pythagore, Numénius ne veut pas exprimer par là le manque d'originalité de Platon, mais en éliminant tout ce qui s'est ajouté par la suite, il veut reconstituer le vrai platonisme et montrer ensuite que le platonisme authentique est en accord avec Pythagore. Pour lui le Timée devient le dialogue central de Platon parce que le personnage principal de ce dialogue est le pythagoricien Timée, de sorte que ce dialogue, comme Calcidius l'exprimera plus tard, est « ex Pythagorae magisterio », et donc représente typiquement le lien entre Platon et Pythagore"). 37) Sur ce sujet, entre autres WLOSOK, Lactanz p. 52-61. 38) Voir surtout DôRRIE dans: Hermes 79, 1944, 25 ss. et DoDDS dans: CQ 22, 1928, 139. De plus WnT. p. 25. 39) CT.WLOSOK, Lactanz p. 52. 40) Dox. Gr. 447. Cf. Srne. 2,7,3, p. 49,8 sur ôµoioxm; t 9E. 41) Sur Moderatus surtout DODDS dans CQ 22, 1928, 129-142. 42) Cf. DODDS foc. cil. p. 137. 43) UP p. 520. 44) Cf. surtout WASZINK dans praef. à l'éd. de Calcidius p. XLII-XLIII ainsi que p. XL et p. XLV note 1. - NuMENtusfr. XIV Guthrie.
75 La reconnaissance d'un lien entre Platon et Pythagore n'est du reste nullement courant dans la tradition platonicienne avant le néo-platonisme. Dans le platonisme la ligne sceptique de Carnéade, par exemple, n'a absolument aucun intérêt pour accepter une telle relation qui, philosophiquement aussi, correspond mal sans doute à un platonisme sceptique. Et même si l'Académie de Carnéade, appelée la troisième, est remplacée d'abord par la quatrième puis par la cinquième Académie qui ont un autre esprit, on continue pourtant à trouver dans l'histoire du platonisme un scepticisme qui bien plus tard - immédiatement avant le néo-platonisme - apparaît chez un Favorinus, pour qui, vu sa manière de penser, la relation Platon-Pythagore n'a aucun intérêt"). Le fondateur de la cinquième Académie, Antiochus, est considéré normalement comme éclectique. Peut-être serait-il, selon ses propres intentions, plus juste de dire que son effort principal est un essai de coordination entre les divers apports philosophiques et la recherche de points de rencontres entre les différentes écoles. En tout cas, Antiochus pense qu'il peut unir l'Académie au Lycée et au Portique: c'est en cela que s'exprime sa pensée philosophique. Pythagore, par contre, n'est pas du tout entré dans sa perspective. Durant la période qui suit Antiochus, on trouve deux tendances essentielles à l'histoire du platonisme. L'une est empreinte d'éclectisme et d'efforts pour harmoniser les tendances des différentes écoles, c'est pourquoi elle a aussi un lien étroit avec les non-platoniciens. L'autre est empreinte d'orthodoxie et porte en elle le désir de dégager les diverses orientations philosophiques et les différentes écoles pour pouvoir ainsi rejeter tout ce qui est étranger à Platon. Peut-être ne trouve-t-on aucun représentant absolu de ces tendances, mais au deuxième siècle apr. J.-C. cette dernière tendance est pourtant très marquée chez Atticus, alors que la première perce dans le groupe appelé «groupe de Gaius» et est représentée par des hommes tels qu'Albinus, Apulée, Théon, en partie par Galien et par quelques autres; nous rencontrons aussi l'influence de Gaius dans un commentaire anonyme de Théétète. Nous ne pouvons malheureusement pas donner toutes les précisions nécessaires sur ce sujet à cause de la façon très imparfaite dont nous connaissons l'homme, qui a inspiré ces représentants du platonisme, si différents les uns des autres, nous voulons dire Gaius 0 ). Qu'en est-il de l'intérêt pour Pythagore et de son rapport à Platon dans cette période qui doit naturellement avoir pour nous un intérêt tout particulier, puisqu'elle se trouve juste avant notre période néo-platonicienne au troisième siècle apr. J.-C.? Dans l'Isagogè qu'Albinus a écrite comme introduction à Platon, nous trouvons un chemin vers Platon, qui n'est pas du tout pythagoricien. Dans les deux premiers chapitres est donnée une définition de la philosophie et au troisième chapitre une étude des problèmes principaux dans l'exposé de la philosophie de Platon, mais tout ceci est traité en liaison étroite avec la façon même dont Platon présente les problèmes dans les dialogues. Au quatrième chapitre commence l'introduction proprement dite qui consiste en un exposé des différentes parties de la philosophie: la dialectique, la 45) UP p. 546--547. 46) Sur Gaius et le groupe de Gaius, surtout SlNKO.
PRAECHTER
dans: Hermes 51, 1916, 510---529;de plus
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théoria et !"éthique. Mais une introduction mathématique ne s·y trouve pas et il ne s·y voit aucune relation entre la conception de la philosophie de Platon et de Pythagore47). Par contre Pythagore prend une place importante chez Théon de Smyrne. Non seulement il se réfère souvent au pythagorisme (peut-être à cause du simple fait qu'il y est parlé de la mathématique), mais les diverses branches de la mathématique sont rassemblées dans une réflexion philosophique commune à Pythagore et à Platon sur la mathématique, en tant que voie débouchant sur une catharsis qui mène à la connai\\ance philosophique définie comme une 6µoiwmç S&q>,ca-rà -ro ôuva-r6v 0 ). Nous avons là un effort vraiment philosophique qui saisit Platon et Pythagore en pleine harmonie. Chez un autre platonicien de ce deuxième siècle apr. J.-C. nous trouvons aussi un intérêt philosophique véritable pour Pythagore, nous voulons dire Taurus. AuluGelle rapporte que Taurus, face à la manière de traiter la philosophie à son époque, a mis en valeur la sagesse de Pythagore: « Après nous avoir donné ces indications sur Pythagore, notre cher Taurus disait: « Maintenant les gens s'établissent tout de suite chez le philosophe, les pieds mal lavés, et ce n'est pas assez qu'ils soient totalement ignorants, réfractaires aux arts et à la géométrie, ils édictent eux-mêmes quel sera l'ordre dans lequel ils apprendront la philosophie. L'un dit: « Enseigne-moi d'abord ceci», l'autre: « Je veux apprendre ceci et pas cela». Celui-ci brûle de commencer par le Banquet de Platon à cause de l'orgie d'Alcibiade, celui-là par le Phèdre à cause du discours de Lysias. Il y en a même, oh! Jupiter! dit-il, qui demandent à lire Platon, non pour embellir leur conduite, mais pour orner leur langue et leur style, non pour se gouverner plus strictement, mais pour acquérir plus de charme». Tels étaient les propos habituels de Taurus quand il comparait la mode nouvelle des élèves de philosophie avec les anciens pythagoriciens »0 ). En face de cette manière téméraire de procéder, Taurus souligne la valeur de Pythagore qui a instauré une initiation à une vraie vie philosophique, initiation qui se poursuivra progressivement pendant plusieurs années. - Ceci, sous plusieurs aspects, est important pour notre question. D'abord, y est soulignée la nécessité de la propédeutique à la philosophie à la manière pythagoricienne. Ensuite, l'essence même de la philosophie est comprise à la façon pythagoricienne comme une sagesse passée dans la vie et c'est précisément 47) Que du point de vue historique la theoria soit originairement pythagoricienne, ceci ne compte naturellement pas ici. Même si la theoria se trouve chez Albinus, rien ne laisse supposer qu'il ait eu conscience des préalables pythagoriciens de celle-d. 48) UP p. 540. 49) Noct. Ali. 1,9,8: haec eadem (c'est à dire toute la pédagogie de la philosophie pythagoricienne, noster Taurus cum dixisset « nunc autem » inquit « istis, qui repente pedibus inlotis ad philosophos devertunt, non est hoc satis, quod sunt omnino à9eciJpTJtOI,c'iµoUCJOI, àyewµétpTJtOt, scd legem etiam dant, qua philosophare discant; alius ait « hoc me primum doce >►, item alius « hoc volo » inquit « discere, istud nolo »; hic a symposio Platonis incipere gestit propter Alcibiadae comisationem, ille a Phaedro propter Lysiae orationem; est etiam » inquit « pro Juppiter, qui Platonem legere postulet non vitae ornandae. sed linguae orationisque comendae gratia, nec ut modestior fiat, sed ut lepidior ». Haec Taurus dicere solitus novicios philosophorum scctatores cum vcteribus Pythagoricis pcnsitans. - Traduction de MARACllE.
77 dans ce sens que Taurus veut comprendre Platon, car, sans une telle compréhension de l'essence de la philosophie, Platon serait incompris et faussé, il en est convaincu. Taurus, par là, prépare une réforme de l'étude de Platon, et il est tout à fait clair, au jugement de Taurus, qu'une telle réforme dans son essence même doit alors rétablir le rapport Platon-Pythagore. Alors que Taurus sur d'autres points a des traits communs avec le platonicien Atticus - qui était extrêmement orthodoxe - cela n'est pas le cas pour la question qui nous occupe ici. Car Atticus va si loin dans son orthodoxie platonicienne qu'il nie directement l'importance de Pythagore pour Platon: pour lui c'est Platon qui est l'unique représentant de la vraie philosophie grecque60). Nous pouvons laisser de côté qu'Atticus lui, en fait, est influencé par le stoïcisme, mais nous devons noter qu'il évite le « Timée pythagoricien» en mettant le dialogue du Timée en rapport avec la doctrine stoicienne sur la providence; sans aucun doute, ce fut précisément l'influence stoïcienne sur le platonisme en ce deuxième siècle apr. J.-C. qui fut généralement le facteur le plus important pour masquer le lien entre Pythagore et Platon 61 ). Chez Plotin nous ne remarquons pour ainsi dire rien du rapport PythagorePlaton, même s'il nous faut supposer qu'il a été bien informé sur la question, car il a donné un enseignement à la fois sur Atticus qui rejette le lien Platon-Pythagore et sur Numénius qui l'accepte 62). Sans doute ce silence dépend pour une grand part de l'exposé purement philosophique et non pas historique que nous trouvons chez Plotin qui s'arrête aux idées plutôt qu'aux personnes, plus préoccupé du fait philosophique que de ceux qui l'ont exprimé. Platon lui-même est très rarement nommé de façon explicite, bien que Plotin ait abondamment puisé à cette source61). Nous pourrions, dans un passage comme Enn. VI 6 « Sur les nombres », nous attendre à ce qu'une grande place soit donnée aux Pythagoriciens. Ceux-ci, aussi bien que Platon, n'y sont pourtant nommés qu'une seule fois, et il est impossible d'établir une référence entre ces deux mentions. Theiler a souligné qu'Ammonius Saccas, à la suite d'Antiochus d'Ascalon, était surtout intéressé à rattacher Aristote et le Portique à Platon. Par là, la relation Pythagore-Platon ne semble pas non plus avoir eu un intérêt de premier plan, même si le milieu alexandrin l'avait préparé, de sorte que cet intérêt aurait parfaitement pu SO)Cf. l'introduction aux fragments de Baudry. Sur le refus explicite de ce que Platon, dans Tim. SS b ss., soit dépendant de Pythagore, voir p. XUI. SI) Sur l'influence stoicienne exercée sur le platonisme moyen du 2e siècle, voir ZELLER,Phil. d. Gr. III l,4e éd. p. 839 et 843 ss. De plus UP p. 543; 552; 553 ss.; 561; 564; 567. Spécialement sur le stolcisme chez Albinus, voir WITI. p. 8 ss. 52) Il est frappant dans ce contexte de voir par ex. la façon dont PLoTIN traite les idées (Enn. VI 7); Plotin est aussi tout près de rejeter la définition pythagoricienne de l'âme (Enn. IV 7,8 et IV 8,1). Que Pythagore soit nommé dans une courte ébauche historique comme Enn. V 1,9 n'a aucune signification au point de vue philosophique. Cf. de plus V 1,8,10 et ScttwYZER, Die zweifache Sicht p. 87. Pour la mention explicite de Platon et Pythagore chez Plotin cl. en outre l'index de l'édition de VoLKMANN. vita Plot. 14. A propos des cours de Plotin sur Att. et Num., voir PORPHYRE, 53) a. surtout les boMes analyses de ScHWYZERdans Die zweifache Sicht.
78 exister au moment même où l'attention d' Ammonius se portait sur la synthèse entre les différentes écoles philosophiquesH). Chez Porphyre nous ne remarquons en tout cas aucun intérêt pour Pythagore en tant qu'inspirateur de Platon et condition nécessaire pour le comprendre. Sa biographie de Pythagore constitue un maillon d'une grande œuvre philosophico-historique qui était manifestement un travail d'érudition: Porphyre était surtout un savant 16). Tout ceci étant pris en considération, il n'y a aucun doute que Jamblique donne au pythagorisme une place philosophique tout à fait éminente - aussi par rapport à Platon. Le fait que Synagoge Pythagorica est une œuvre d'introduction nettement élémentaire qui doit être rattachée à la littérature philosophique d'introduction, uni au fait que le point culminant de l'enseignement philosophique est l'étude de Platon, nous permet de voir chez Jamblique le rapport Pythagore-Platon: Pythagore est pour Jamblique une voie pour la compréhension de Platon et nous devons donc admettre que Steinhart a raison de considérer Synag.Pyth. comme une introduction à l'étude de Platon. Mais il est question d'un rapport implicite qui porte à la compréhension et Jamblique n'a donc naturellement aucun intérêt à insister sur ce rapport. Ce dont il s'agit vraiment est de comprendre la philosophie pythagoricienne: par là on est déja entré dans la vraie philosophie que Platon nous dévoile d'une façon tellement plus lumineuse encore. Werner Jaeger a prétendu que Jamblique énonce explicitement la conception que Pythagore est à l'origine de la philosophie platonicienne. Jaeger renvoie à protr. p. 51,8 et 11, et il suppose que ce passage provient du Protreptique d' Aristote 11). On ne peut pas dire que cette reconstruction soit bien fondée puisque Jamblique, en fait, ne parle pas directement dans ces lignes du rapport Pythagore-Platon. Plutôt que de se baser ainsi sur une référence unique, nous préférons, dans ce cas-ci, renvoyer au contexte, qui est indéniablement orienté dans la ligne indiquée par Jaeger: Pythagore à l'origine de la philosophie platonicienne. S'il est douteux que cette pensée vienne explicitement du Protreptique d'Aristote, pourtant Jaeger a évidemment raison en ceci que le rapport entre Pythagore et Platon qui est exprimé dans le contexte d'où est tiré ce passage de Jamblique a ses racines chez Aristote et l' Ancienne Académie. Quant à Aristote, il n'est pas nécessaire de renvoyer au Protreptique, car nous trouvons cette pensée dans la Métaphysique, comme Jaeger le mentionne aussi 17). Il est bien connu que des Académiciens comme Speusippe, Xénocrate et Héraclide le Pontique s'inspirent de la tendance pythagoricienne chez Platon lui-même, ainsi qu'elle s'exprime spécialement dans les derniers dialogues 68 ). De même que bien des détails et passages de l'œuvre de Jamblique nous font remonter à Aristote et à l'Ancienne Académie, de même l'orientation de l'ouvrage doit évidemment être 54) THEILER, Plotin u. die antike Philosophie, p. 216. 55) a. UP p. 609: « Er erfreute sich auch ais gelehrte eines grossen und berechtigten Ansehcns». 56) JAEGER, Aristote/es p. 98-99. 57) metaph. l 6 p. 987 a 29-30 et 987 b 25 ss.; ibid. 8 p. 999 a 29 ss. A ce propos voir aussi KOHNERT p. 115.
58) Cf. UP p. 341. Sur Héraclide le Pontiquc ibid. p. 345, sur Xénocrate voir de plus Dooos dans CQ 22, 1929, p. 139.
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comprise d'après la pensée de l'Ancienne Académie (et dans ce cas-ci, Aristote compris) où c'était un fait connu que la philosophie de Platon était imprégnée de pythagorisme. C'est ce point de vue que Jamblique reprend implicitement par sa Synagoge Pythagorica 19 ). e) Conséquences exégétiques
Il est clair que la place que Jamblique donne à Pythagore dans son œuvre doit avoir des conséquences exégétiques considérables, et ceci surtout pour J'exégèse de Platon. Immédiatement deux perspectives s'ouvrent à nous. La première porte sur la compréhension même de la philosophie. La compréhension pythagoricienne de la philosophie comme sagesse vécue et universelle devient décisive pour arriver à la compréhension de Platon. Cela veut dire que l'initiation et l'enseignement progressifs qui sont une conséquence de la conviction que la sagesse doit passer dans la vie par un processus soigneusement préparé, et qui sont si caractéristiques de l'attitude que les Pythagoriciens ont devant la vie, sont appliqués à J'étude de Platon. Par là est préparé un cheminement pédagogique vers Platon qui n'est pas seulement fondé sur des motifs superficiels et purement scolaires, mais qui se base sur des principes philosophiques. Nous avons ici la raison profonde de ce plan pour l'étude de Platon que nous verrons de plus près par la suite chez Jamblique. En liaison avec ceci se placent les disciplines de base. Le quadrivium s'insère dans le processus philosophique de telle manière que, loin de séparer de la philosophie les diverses branches de l'enseignement de base, la philosophie redevient universelle: elle rassemble toutes les disciplines, elle rassemble toutes les recherches. Cela implique une base essentielle pour l'étude philosophique de Platon: le travail de Platon ne porte pas sur un côté particulier de la vie, un côté que l'on pourrait prendre ou laisser, mais il porte sur tout son ensemble, sur les données et les principes qui en font la structure, sur l'orientation et le terme, sur la compréhension du cosmos et l'intégration à tout l'univers. L'autre conséquence exégétique évidente se dégage de la place primordiale donnée à la mathématique. Si nous considérons l'œuvre de Platon dans son ensemble, on peut imaginer une interprétation de Platon qui suppose que le point de vue éthique soit tellement mis en relief, que la mathématique doit être regardée comme une curiosité. Il ne nous appartient pas d'évaluer ici le bien-fondé exégé~ique d'une telle opinion, mais il est clair que, à cause de la place importante donnée à la mathématique par Jamblique dans Synag. Pyth., le fait mathématique chez Platon est mis en valeur comme étant philosophiquement pertinent. Il n'est pas seulement question ici d'une conviction sur la structure rationnelle de la vie, mais c'est une conviction de ce que la vie est rationnelle d'une façon mathématiquement proportionnelle, et de ce que ceci a été un trait essentiel de la pensée de Platon et doit être pris en considération si l'on veut bien comprendre Platon. 59) On a souvent souligné à une époque plus moderne que le néo-platonisme se rattache à la façon dont !'Ancienne Académie envisageait les problèmes, cf. surtout DoDDS, MERLAN et DôRRIE.
80 D'autres conséquences exégétiques importantes ressortent du fait que Jamblique a écrit Synagoge Pythagorica. Nous remarquons par exemple chez Platon deux grands courants de la philosophie grecque représentés, exposés et discutés: la philosophie ionique qui met l'accent sur le muable et le changeable, sur le monde en devenir, et la philosophie italienne de la Grande Grèce qui met l'accent sur l'immuable, l'essentiel, sur le monde dans son être. Considérant le point de départ que prend Jamblique dans Synagoge Pythagorica, il ne peut y avoir aucun doute que, ce qui est le plus important et ce qui, pour Platon, est central, c'est l'éternel et l'immuable, c'est la structure de l'univers qui garde toujours sa puissance et sa valeur, c'est l'ordre hiérarchique du monde et l'idée éternelle du cosmos'°). Mentionnons de plus un problème actuel d'exégèse: dans quelle mesure Platon présente-t-il Timée comme pythagoricien dans le dialogue qui porte son nom? Nous ne pouvons pas douter de la façon dont Jamblique résoud cette question 91 ). Contentons-nous pour l'instant de ces remarques générales sur les conséquences exégétiques et reportons à plus tard l'étude de détails qui découlent de la place de Pythagore chez Jamblique avec la Synagoge Pythagorica. Après avoir considéré l'œuvre dans son ensemble, nous allons maintenant étudier de plus près chacun de ses livres.
2. De vita Pythagorica Lorsque Kiessling au commencement du XIXe siècle publia deux livres de la Synagoge Pythagorica,il plaça d'abord le Protreptique et ensuite la Vie Pythagoricienne. La raison de cet ordre est évidemment la considération philosophique que le protreptique par nature se place comme introduction et la vie pythagoricienne vient ensuite. Malgré tout, cet ordre est non seulement en opposition avec celui des manuscrits, mais encore en opposition avec l'ordre qui est garanti par les citations que Jamblique fait de lui-même 0 ). La publication par Kiessling de deux livres seulement, et dans un ordre différent de celui des manuscrits, peut sans doute avoir été un facteur qui a contribué à la séparation des livres qui plus tard deviendra complète; mais nous ne nous arrêterons pas à cela. Plus importantes sont les conséquences qu'entraine l'ordre donné par Kiessling pour la compréhension des deux livres. Car il doit y avoir une autre conception de la philosophie comme fondement à l'ordre donné par Jamblique que celle supposée par Kiessling. L'importance de ceci pour le Protreptique, nous le verrons dans le paragraphe suivant. Quant au De vira Pythagorica, Jamblique y a clairement vu le fondement de tout son exposé. Mais qu'est donc cette vita Pythagorica? 60)
traite directement de ceci dans Protrept. p. 125. Cf. sur ce sujet tar I I p. 57 ss. 61) cr. TAYLOR, Plato p. 436 note. 62) vita Pyth.-protr. cf. ci-dessus p. 45 avec la note 63. JAMBLIQUE
GAUSS,
Handkommen-
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a) Vila Pythagorica On a considéré ordinairement le premier livre de Synag. Pyth. comme une biographie de Pythagore; cette tradition est de vieille date. Ainsi Obrecht, dans sa traduction de 1700 utilise ce titre: De vita Pythagorae, repris par Bruckner. Cette interprétation continue par la suite, et encore à une époque récente Mau, par exemple, a considéré cet ouvrage comme une biographie de Pythagore en disant que le premier livre contient « un exposé de la vie de Pythagore, verbeux et ennuyeux » 18 ). Néanmoins l'œuvre ne se présente pas, ainsi que son titre nous le laisse entendre, comme une biographie de Pythagore. Aussi bien dans le texte des manuscrits que dans les 1C&q>aÂ.a1a placés au début du texte, nous avons soit p{oç Ilu3ayope{oç soit pioç Ilu3ayopuc6ç"). Du fait de l'emploi d'un adjectif l'accent est déplacé de Pythagore comme personnalité individuelle au mode de vie philosophique, dont il est le représentant et le prototypeH). Le caractère du livre de Jamblique, nous le voyons encore plus clairement si nous
comparons ce premier livre de la Synag. Pyth. avec la biographie de Pythagore de Porphyre. U nous avons d'abord un titre qui nous fait prévoir une biographie véritable: Ilu3ay6pou pioç. Et, ce qui est encore plus important, la biographie de Porphyre fait partie d'un vaste ouvrage philosophico-historique 18 ). Rien que ce dernier trait montre qu'il s'agit d'un ouvrage de caractère plus savant et érudit que ne l'est l'ouvrage de Jamblique, et ceci est confirmé par le contenu de l'œuvre de Porphyre. Il est ainsi frappant que Porphyre - à l'encontre de Jamblique - donne clairement ses références (une trentaine d'auteurs différents sont cités), ce qui est un trait caractéristique de la littérature érudite 17). D'ailleurs ceci correspond tout à fait à ce que nous rencontrons encore dans la biographie de Plotin de Porphyre. Il s'agit d'une caractéristique assez générale de Porphyre comme auteur' 8). Le De vita Pythagorica de Jamblique est une œuvre tellement plus vaste que celle de Porphyre qu'il est difficile d'établir une comparaison directe entre les deux. Mais il est frappant de voir que l'exposé de Jamblique - comparé à celui de Porphyre - tourne bien plus autour de la paideia pythagoricienne, et de la société pythagoricienne en tant que communauté et milieu de vie philosophiques et est tellement plus centré sur ces points"). Tout ceci, que Mau appelle prolixité, n'en est pas si l'on comprend qu'il 63) MAU, Jamb/. p. 646. a. BRUCKNERII 266. D'autres, comme FAOGINet RUELLE,sont plus neutres dans leur façon de caractériser le livre. 64) a. l'éd. de DEUBNERp. 1 et p. 6 avec app. crit. 65) Il ne peut naturellement pas être question ici de comprendre l'adjectif avec un sens de génitif. 66) a. UP p. 17,62 et 611. 67) Sur le caractère érudit de la biographie de Pythagore de Porphyre, voir PHILIP, Biographica/ Tradition. Philip montre comment les oeuvres de Jamblique et de Porphyre sont différentes l'une de l'autre et en quoi elles se distinguent encore toutes les deux de l'exposé de Diogène Lafrce. Cf. aussi BoYD, en CPh 32, 1937, 241-242. 68) On peut remarquer par ex. comment Porphyre dans l'exposé des oeuvres de Plotin en donne un aperçu aussi bien chronologique que systématique. 69) Cf. la synopse du contenu que PHluP donne à la note 1. Une bien plus grande place est donnée à « mirabilia » chez Porphyre que chez Jamblique; rien que cela montre que Mau n'a pas raison de dire que ce serait le but principal de Jamblique de présenter Pythagore comme un « Wunder-
82 ne s'agit pas d'abord d'une biographie de Pythagore, mais d'un exposé du mode de vie pythagoricienne. Philip nous montre que Jamblique, dans son premier livre de la Synag. pyth. ne voulait pas seulement écrire un ouvrage qui soit plus vaste que celui de Porphyre, mais que toute son optique était différente 70 ). Sans aucun doute il a raison. Comparée à l'œuvre de Porphyre - traitée d'une manière érudite - nous pouvons définir l'œuvre de Jamblique comme philosophique dans son orientation. La manque de références chez Jamblique tient certainement au caractère d'enseignement élémentaire de toute l'œuvre, mais il a aussi une signification philosophique, car ce qui est important dans une étude philosophique n'est pas tant de savoir qui a dit quoi, mais au contraire de pouvoir éclairer le sujet lui-même. Et c'est ce dernier point qui intéresse Jamblique. Si nous cherchons la base philosophique de l'intérêt de Jamblique pour le mode de vie pythagoricienne, et, plus généralement, pour les « formes de vie » et les « styles de vie », c'est sans aucun doute chez Platon que nous la trouverons. Pensons seulement à des passages de Platon comme Gorgias 469 c et 500 d et Philèbe 20 e et 33 b et nous verrons à quel point il est platonicien de réfléchir aux différentes formes de vie et de prendre en considération ces formes de vie, qui se façonnent par les pensées que l'homme se fait de la vie. Plusieurs faits témoignent que Platon, surtout dans ses dernières années, s'est particulièrement intéressé à cette question 71). En tout cas nous retrouvons cet intérêt chez Aristote pour qui la compréhension de l'éthique comme une caractérologie implique tout naturellement que les divers types de caractères soient diverses formes de vie, parmi lesquelles la plus haute est celle qui est décrite dans 11). le ioe livre de !'Ethique à Nicomaque et qu'on appelle pioç S&ropT1'tt1c6ç Par suite, nous trouvons dans l'école péripatéticienne un genre littéraire qui traite du thème p(oç. Les œuvres péripatéticiennes qui font partie de ce groupe ne peuvent pas être appelées des biographies au sens propre du terme, car il s'agit d'exposés de formes de vies 73). Il est probable que c'est Aristoxène qui a été l'initiateur de ce genre en s'inspirant de l'intérêt péripatéticien pour les formes de vie 74 ). Et ce genre se continue par la suite et devient une tradition 76 ). Le pythagorisme y est aussi mann ». Ceci aussi est juste, même si Jamblique rapporte en fait plus de« mirabilia » en relation avec Pythagore que ne le montre l'exposé de Philip (cf. PHILIP, p. 192). Il place celles-ci dans des contextes différents et ne les fait pas composer une parte spéciale, comme le fait Porphyre. STEINHARTa formulé d'une façon très précise le contenu du livre en disant qu'il renferme « ausser den Leben des Pythagoras eine ausführliche Darstellung der Erziehungslehre und des Pythagoreischen Geheimbundes » (p. 275). 70) /oc. laud. p. 190 ss. 71) Cf. JAEOER,Aristote/es p. 245-246; BIGNONE,L'Aristotele perduto l p. 277 ss.; NESTLEdans: Philologus NF 36, 1926, 129-140. 72) Cf. JAEOER,Aristote/es p. 68, p. 245, p. 254 et p. 422. De plus DIHLE, Studien zur griech. Biographie p. 69 ss. 73) « Mit Ploç ist ja nicht die einzelne biographische Lebensschilderung gemeint, sondem eine Lebensform, welche neben anderen zur Wahl steht », dit WEHRLIsur la biographie péripatéticienne (Die arist. Schule X p. 115 ss.). 74) UP p. 14 ss. CT. ARISTOXÈNE fr. 11--41 Wehrli. 75) Dicéarque, fr. 25--46 et 46-66 Wehrli; Antiochus, voir STRACHEp. 59.
83 représenté; Aristoxène lui-même a écrit un De vita Pythagorica 78). Nous pouvons donc, dans la ligne de pensée que suit Jamblique dans son œuvre, voir une caractéristique aristotélicienne; cette ligne de pensée nous fait de plus remonter jusqu'à l'Ancienne Académie et à Platon lui-même, et de là plus loin encore: jusqu'aux principes pythagoriciens, ce qui montre qu'il est question d'une véritable forme de pensée pythagoricienne 77 ). Jamblique se base naturellement aussi sur des sources plus directes et immédiates. Même si Rohde a trop simplifié le problème des sources en n'en acceptant que deux, Nicomaque et Apollon de Tyane, du moins la thèse de Rohde présente au moins cette assertion juste: les sources principales de Jamblique sont à trouver dans la tradition néo-pythagoricienne 78 ). Il y a d'autant plus de raisons d'appeler l'attention sur Nicomaque de Gérasa que celui-ci, non seulement a écrit un De vita Pythagorica, mais l'a fait précisément dans la même ligne de pensée que Jamblique: comme introduction à une Synagoge Pythagorica. Si donc Jamblique dans les différents livres a utilisé plusieurs sources et s'est appuyé sur une tradition plus vaste, il faut croire que, dans son plan et dans l'idée générale de l'œuvre, il s'est spécialement appuyé sur Nicomaque 79 ). Lorsque Jamblique utilise des sources néo-pythagoriciennes et reprend chez eux son plan de composition, il suppose sans doute qu'une pensée et un exposé philosophiques et vraiment pythagoriciens peuvent se trouver chez ces Néopythagoriciens. C'est donc un étrange reproche que fait Mau à Jamblique lorsqu'il dit que Jamblique « manque d'originalité et de sens critique dans l'utilisation de ses sources, puisqu'il ne fait pour ainsi dire qu'exposer à nouveau ce qui se trouve déjà chez les Néo-pythagoriciens », car ceci doit être très proche de l'idéal de Jamblique, lorsqu'il s'agit d'exprimer une forme de vie immédiatement présentée par la tradition néo-pythagoricienne. Qu'on n'y mette pas de séparation entre l'ancien et le nouveau, ceci est dQ au fait que l'intérêt ne s'oriente pas vers la recherche historique, mais vers la recherche philosophique: saisir une vie informée par la philosophie 80 ). 76) Fr. 26--32 Wehrli. 77) U-dessus cf. DôRRIE sur les biographies de Pythagore dans l'article « Pythagoreer » RE 24, 1963, 275. DIHLE, gr. Biogr. p. 109. 78) BERTERMANN indique, (en plus de Nicomaque et d'Apollon) Androcyde et Timée comme sources: JAN mentionne en outre Aristoxène (RE II p. 1057); Timée chez Jamblique est étudié plus a fond par RosTAGNI. Alors que RoHDE pensait que Jamblique n'avait nullement eu connaissance de la biographie de Pythagore de Porphyre et que les ressemblances entre les deux étaient dues à une source commune (à savoir Nicomaque), PHILIP a de nouveau argumenté que Jamblique a eu la biographie de Porphyre, tout comme cela avait été admis auparavant par BRUCKER(II 266) et plus tard par Hans JXoER(Pythagoras), et que Jamblique a eu directement connaissance d'Aristoxène, comme le pense JAN. 79) Il faut ici se rappeler que Nicomaque a aussi écrit une Synagoge Pythagorica comme en témoigne SYRIEN(/n Arist. metaph. p. 103,6). Elle est nommée par FABRICIUS(p. 8 SS.; FABRICIUS-HARLES p. 637), mais ne l'est pas chez UP (p. 514 et 519), ZELLER(p. 124 note 3), ScHMID-STAHLIN (p. 905), RoHDE (Kleine Schriften 2, 102 ss. et 152 ss.) etc. 80) Ceci est observé par KuSTER,(édition de K1ESSLING p. 11 note) qui écrit « Notandum autem est, librum hune inscribi 1ttpi toil nu9ayop11coil f3[ou, quod non simpliciter valet de Vila Pythagorae; sed de ratione vitae, quam Pythagoras eiusque sectatores ad exemplum magistri sui instituerunt. Sciendum enim est, lamblichum in hoc libello non solum vitam Pythagorae, sed etiam sectatorum eius mores et instituta describere >►•
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Il est tout à fait naturel que l'intérêt pour les formes de vie ait aussi une influence sur des œuvres qui se rapprochent davantage de la biographie proprement dite. Mentionnons par exemple que le De vita Pythagorica et la Vita de Platon qui est mise au début des Prolégomènes anonymes à l'étude de Platon, ont plusieurs traits communs. Ainsi, il est dit dans l'un et l'autre des écrits que le philosophe, soit Pythagore soit Platon, a une origine divine et peut être mis en relation directe avec Apollon. Cette caractéristique divine est revélée entre autres par des songes. Le séjour de Pythagore chez Thalès correspond à celui de Platon chez Socrate. Pythagore et Platon partent ensuite tous les deux pour l'Egypte, et après leur voyage, ils fondent tous deux leur école dans une commuauté où le culte prend une place importante 81 ). Cette ressemblance n'est pas due au hasard: les formes de vie pythagoricienne et platonicienne ne sont pas des formes vraiment différentes, elles représentent toutes deux, en dépendance réciproque dans leur développement, la seule vraie attitude devant la vie: la forme de vie philosophique ~ioç 3&rop11t11c:6ç. b) q>lÀ.o-aoq,{a
Chez Jamblique nous avons là aussi une expression spécifique de l'essence de la philosophie. L'accent n'y est pas mis sur la doctrine philosophique en elle-même, mais au contraire sur la forme de vie et l'attitude devant la vie, que la philosophie aide à exprimer et à développer. L'aspect social en est mis en relief par le fait que la philosophie pythagoricienne est vécue dans une communauté où les jeunes s'assimilent cette forme de vie et cette philosophie par un enseignement organisé d'une manière pédagogique, progressive et continue, unie à la discipline et à l'ascèse. La sagesse pythagoricienne comprend à la fois intelligence et compréhension, vie contemplative et vie commune, elle révèle donc, d'après Jamblique, les caractéristiques de la vraie philosophie 81). Il est d'importance capitale de réaliser que la philosophie, dans son origine et dans son essence propre, est divine. Jamblique nous le fait savoir dès son premier chapitre. Il est normal, dit Jamblique, quand on veut philosopher, de commencer par invoquer un dieu, et ceci est d'autant plus nécessaire lorsqu'il s'agit de comprendre une philosophie aussi divine que la philosophie pythagoricienne. Une telle compréhension peut seulement être atteinte si l'on avance lentement avec sérénité d'âme et en suivant la volonté des dieux. Il n'est pas ici seulement question de la divinité de la philosophie pythagoricienne, mais encore des données religieuses fondamentales 81) Le parallèle se présente ainsi: Descendance d'Apollon: Songes Relation d'élève
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vita Plat. c. 1 vita Pyth. 1-2 » » C. 2 » » 2 » » C. 3 » » .2-3 (Socrate) (Thalès) Voyages (Egypte) » ►> c. 4 » » 3-4 Fondation de l'école el enseignement » » c. 4 » » 5 ss. à A11on. proie{(. p. XXXIII s.; SINKOpense (p. Sur ce sujet cf. l'introduction de WESTERINK 176---177),que le fondement de cette vie de Platon remonte à Gaius. 82) cr. PHILIP, /oc. laud. p. 189.
85 à toute philosophie. Non seulement les Pythagoriciens ont-ils été religieux, mais celui
qui veut les comprendre doit lui-même s'engager religieusement. Ce point de départ de Jamblique doit être comparé avec la tradition de Pythagore, telle que nous la trouvons chez Diogène Laërce. D'après lui, Pythagore est le premier philosophe parce que, le premier, il a reconnu qu'il n'y a que Dieu à être sage, et 83 ). C'est que la limite des possibilités humaines est d'aimer la sagesse q,ti..o-aoq,Etv évidemment ce fait qui explique pourquoi la philosophie pythagoricienne peut être regardée comme le prototype de toute philosophie véritable et peut être identifiée à la philosophie même"). Mais il est encore plus important de remarquer que Jamblique en commençant son œuvre de cette façon, rattache directement ce début aux paroles du pythagoricien Timée dans le dialogue de Platon (Tim. 27 c). La ressemblanc est tellement frappante que, même si cela n'implique pas forcément que Jamblique ait directement pris ce passage de l'œuvre de Platon, cette ressemblance ne peut être en tout cas ni le fruit du hasard, ni un phénomène inconscient de la part de Jamblique. Voici les deux textes: PLAT.
Tim. 27 c
m. Tû.éo>ç t& ical Mlµltpli)c; fotlCa àvta1toM111&aSa1 n'lv tlbv M,yoov tcnlaaiv. aov oùv fpyov >.ty&iv civ, d>Tiµai&, to µ&tà toOto, d>çfotic&v, d11 ica>.taavta icatà voµov Swliç. Tl. 'AU, d> l:cl>icpam;, to0t6 y& 61' itcivt.:ç 0001 ical icatà Ppaxù aCIXl)pot-o 1tapaic&icÂ.f)aSoo· to 6' flµtt&pov 1tapa1CÂ.f1ttov,fi {,(t.at' dv Ûµ&tç µtv µ6:Sott&, ty 6t fi 6iavooOµa1 µcii..tat' liv 1t&pl tli>v 1tpoic&1µtvoov tv6≪a{µ11v.
JAMBL.
vita Pyth. l
'Elti 1tUcppomv, titi 6t tfl toO S&iou nuSay6pou 6iicalooç titrovuµcp voµ1Çoµtvu ito>..ù 61i1tou µdllov âpµ6tt&t toOto 1t01&tv· tic 3&1i>vyàp aùtfjç 1tapa6o8&iv S&li>v àvttMXµfJav&a8at. ltpQÇ yàp tOUtQ} KU\ tÔ KUÂ.Â.OÇ aùtt'jç Kai tO µty&Soç ûit&palp&t n'lv 6:vSpoo1tlVf1V 6iivaµiv dxrt& t!;a{cpVflÇ aùtriv Kat16&tv, cii..>..àµ6vooç civ tlç tou tlbv 3&1i>v&ûµ&voOçt!;11youµtvou icatà Ppaxù itpoau:l>v riptµa dv aùtflç itapa..o1ç t1ttK&1Cpi.icpSa1 ljl&u6ta1 t& ical v6Sotç ltOÂ.Â.OlÇ auyypaµµaatV Èltl(JJCtQÇ&aSat CÏÂ.MXIÇ t& ltOÂ.· )..atç totailtatç 61)(JJC0Â.ia1ç 1tapano6iÇ&aSa1.
Deux points sont ici à remarquer. Le premier, que Timée est cité comme pythagoricien, ce qui a naturellement une grande importance pour l'interprétation du dialogue. Le second, que nous y trouvons un lien entre Platon et Pythagore, puisque le dialogue est naturellement aussi conçu comme un dialogue platonicien. Combien la conception de la philosophie exprimée ici par Jamblique se trouve proche de celle 83) D100. LAERT. prol. 12. 84) Cf. par ex. MERLAN, From Platonism p. 92 ss.; UP p. 64 sur nuSayop[Çovn:ç et p. 523 sur ITuSayopuc6ç et nuSay6p&1oç Pioç..
86 de Platon, nous le voyons surtout en ceci que chez Platon c'est Socrate qui arrive au résultat auquel parvient aussi Pythagore dans l'exposé de Diogène Laërcc: personne n'est sage sinon Dieu. En fait, tous les efforts de Socrate - d'après la perspective de I' Apologie - ont été déterminés par les paroles étranges de la Pythie, que personne n'est plus sage que Socrate. Ce n'est pas non plus seulement dans sa pensée primordiale que Platon montre cette compréhension religieuse de la philosophie, mais aussi dans l'Académie, et dans la pensée du vieux Platon la tendance religieuse est évidente 86) En ceci, nous pouvons voir avec raison un trait remontant de Jamblique à I' Ancienne Académie, mais il nous faut aussi prendre en considération que l'on trouve également chez Aristote cette structure religieuse dans la conception de l'essence de la philosophie88). c) La religiosité
Jamblique, immédiatement après le chapitre d'introduction, en vient à parler de Pythagore: son origine, sa famille et sa patrie. Le point de vue religieux y est très fort accentué: sa naissance est prédite à ses parents par la Pythie, et, pour cette raison, sa mère change le nom de Parthenis pour celui de Pythais; c'est aussi cet évènement qui donne au fils son nom: il est appelé Pyth-agoras. Certains ont pensé qu'en réalité c'est Apollon, qui, lors du séjour de Parthenis à Delphes, l'a rendue enceinte. Jamblique rejette cette idée, et il nous est bon de le noter, vu les nombreuses accusations de superstition et de fantasmagorie religieuse, dont Jamblique a été l'objet 87). Pythagore n'est pas divin dans ce sens; sur ce point, il n'y a rien en lui de sur-naturel. Par contre, nous trouvons le divin dans les évènements qui entourent sa naissance, sa petite enfance et surtout le reste de sa vie; celle-ci se déroule en parfait accord avec Apollon, de sorte que, peu à peu il devint évident qu'il suivait ce dieu dans sa vie 88 ). Nous voyons encore en ceci un parallèle manifeste avec la vita de Platon donnée par les Prolégomènes. L'origine divine et apollinienne de Platon y est soulignée, mais les Prolégomènes ne mentionnent pas qu'Apollon ait été le vrai père de Platon, cc que dit une tradition connue de Diogène Laërce 89). La situation est ici la même: ce n'est pas le miraculeux et le fantastique qui sont l'important, c'est le rapport apollinien et divin. Philosophiquement parlant, il est inévitable ici de ne pas penser à Socrate, non pas tant à son origine qu'à la manière dont sa vie s'est déroulée. Il dit lui-même 85) Là-dessus par ex. JAEGER,Aristote/es p. 420; PRÜMM,Fortschritte, p. 13 ss. 86) Cf. ce que Werner Jaeger dit de « credo ut intelligam » comme structure de la connaissance chez Aristote (Aristote/es p. 402 ss.). 87) p. 7,26: toOto µtv oùv oùôa.µû)ç oet npoaiea9m. 88) D'une façon analogue le cours de la vie d'Isidore est dans la Vie d'Isidore de Damascius une preuve de la divinité de son âme. La connexion « naturel » est aussi souligné par le fait que le père de Pythagore attache une grande importance à ce que son fils apprenne tout ce qui regarde la religion (2 p. 8,6 ss.). 89) ANON. pro/eg. 1 p. 3 set Westerink introduction p. XXXIII. DIOO. LAERT.6,14 - 16. Sur la descendance de Platon d'Apollon d'une façon non miraculeuse, cf. OIOo. LAERT. 3,2 et APUL. De Platone 1, 1.
87
d'après l'exposé qu'en fait Platon - que c'était la question posée par Chéréphon à Delphes sur Socrate qui déclencha l'avalanche. Lorsque la Pythie eut déclaré que personne n'était plus sage que Socrate, celui-ci en fut accablé à tel point qu'il passa toute sa vie à chercher le sens de cette déclaration qu'il jugeait absurde. Comme philosophe, Socrate est déterminé par Apollon; la réponse de l'oracle mérite pour lui une recherche approfondie qui constituera même l'unique intérêt de sa vie. Ceci a évidemment été remarqué plus tard par l'Académie. Aristote, en tout cas, aurait pensé que Socrate a fait découler toute sa philosophie de l'oracle de Delphes 90 ). Ce rapport à l'oracle trouvé dans tous ces cas, doit être étudié chez Jamblique dans une perspective plus vaste. Nous y avons indéniablement l'explication de l'intérêt de Jamblique pour les réponses des oracles; les paroles divines, grecques aussi bien qu'orientales, prennent pour lui un intérêt tout normal dans cette perspective. Il y a des mots et des phrases qui présentent plus d'intérêt que d'autres - lorsqu'on regarde autour de soi et que le passé et le présent sont embrassés dans un même regard. La réponse d'un oracle a une situation privilégiée. Et cela, nous ne le trouvons pas seulement chez Jamblique. Cette problématique est répandue dans tout le néo-platonisme, et même chez Porphyre elle est clairement exprimée dans le titre de l'un de sesouvrages: De philosophia ex oraculis haurienda. Tirer une perspective philosophique de réponses d'oracle a été caractéristique du comportement vital que nous trouvons chez Pythagore et chez Platon. d) L'Egypte
Un évènement décisif de la vie de Pythagore est son séjour en Egypte 111). C'est son maître Thalès qui l'engage à aller en Egypte car il y avait lui-même reçu tout ce qui lui permettait actuellement d'être reconnu comme sage91 ). Si Pythagore partait pour l'Egypte et se mettait à l'école des prêtres égyptiens, étant donné sa valeur exceptionnelle, il deviendrait plus divin et plus sage que tous les autres 118). Au cours de son voyage vers l'Egypte, il s'arrête en Phénicie où il est initié aux mystères phéniciens, non pas - Jamblique le souligne bien - par superstition, comme on pourrait le penser, mais poussé par le désir d'atteindre la connaissance philosophique 9 '). En Egypte Pythagore va visiter tous les lieux saints, leurs prêtres et leurs sages96). Il désire apprendre de chacun d'eux autant qu'il est possible. Il est initié à leur astronomie, à leur géométrie et à toutes les autres formes de sagesse18). La connaissance des symboles y occupe une place toute spéciale. A son retour d'Egypte on lui demandera 90) Fr. 3--4 Rose. 91) vita Pyth. chap. 2--4. 92) p. 10,3: 1tapà yàp ticdvoov icai tautôv tiproô1àa9a1.taOta, 6\' li aoq,ôc; napà totc; noUotc;
voµiÇ&tai. 93) Ibid. 3,12 p. 10. ËV&Katô to100tov i11toµ&ivac;, roc;c'iv ne; 6:1tÀ&c; u1toMP01, 94) p. 11,3--4: oùxi ô&1a1ôa1µoviac; noÀù lit µiiUov fpc.on icai 6péç,&19&Sfl. 98) Chap. 23. 99) 4,19. 100) Un aperçu sur les deux tendances se trouve chez KIENLEp. 99. 101) Cf. que Jamblique conclut l'étude de quelques symbola (29, 161-62) par la remarque suivante (p. 92,3): toOto µtv oütro Sauµaatàv fiv tà &looç aùtoO tflç ao(f)iaç. 34,247 p. 132,23 on lit: !6t6tpon6ç t& µtiv teai croµf30>.1tetifiv Tlai>µnaaa nuSay6pt:1oç àyroyi;. Que ce tponoç croµl3o>.1ic6çsoit au centre du pythagorisme est aussi affirmé par une source anonyme chez Sroe. 3,1,199 p. 150,17 ss. Comment il est question de forme de la pensée et de connaissance se constate du fait queJambliqueen fait mention après avoir mentionné d'autres formes de connaissance teai philosophique (p. 90,21 ): nt:pi ôt toùtrov émàvtrov tmattiµaç naptôroic& tàç ohmotàtaç oùotv 1taptÀ11t&vàôt&p&ùVTJtov.teai tàç teo1vàç ôt tmattiµaç, ôxm&p ttiv ànoô&ttetl!CTJV icai îTJV6pUHIICTJVteai îTJV61atpEt11CtiV,napÉÔOOICE totç àvSp1tou,1tpoo-01icetw8do-atôt Ka-rà à1tÀflvical à1toiKtÀov 1tapaÔ00'1v-rate;tlllv q,1À00'6q)(l)v -romwv µeya).oq,uîatc;ical udp àv9pw1tivrivA1tivotav9ECD9Elo-t. 103) « Signe de reconnaissance» d'après l'expression de BuFFJbE (cf. Mythes p. 51 ss.). 104) La compréhension grecque du symbole différente de la compréhension intellectualiste qu'en a l'Occident, continue à se manifester. A comparer avec la façon dont la chrétienté orthodoxe comprend l'icône (voir par ex. EvooKIMOV, Die Natur p. 16 ss.). 105) 104 fin. 106) 23,104 p. 60,17: 1tpoc;'tOUÇ0.'tEUO"tOUÇ 0.1toppT)tCDV -rp61tCDV fpttOVTO. 107) Chap. 23. Dans sa traduction, ALBRECHT fait un excellent rapprochement entre l'exégèse et le sens premier du symbolon en coupant le mot: aus-gelegt. 108) La relation avec la Pythie est frappant en 23, 105 et 29, 161. Jamblique donne sans commentaires des exemples de symbo/a pythagoriciens au chap. 23 de même qu'en 29,162 et en 32, 227-28.
90 e) Enseignement et communauté
Deux questions occupent une place importante dans la suite de l'exposé de Jamblique sur la forme de vie philosophique pythagoricienne, ainsi que Steinhart l'a fait remarquer. Ce sont d'une part la communauté pythagoricienne, et d'autre part l'orientation pédagogique qui se manifeste en tout ce qui a trait à la communauté pythagoricienne. Au chapitre 12, Jamblique donne une étude renouvelée de l'essence et de la nature propre de la philosophie; au chapitre 13, il rapporte le pouvoir des paroles de Pythagore, même sur les animaux; au chapitre 14, il parle de la transmigration de l'âme à laquelle Pythagore initiait les plus avancés. Puis, au chapitre suivant, il donne un exposé de l'enseignement pythagoricien. Celui-ci débute par le sensible, qui est perçu par la vue et l'ouïe: la beauté, sous toutes ses formes, celle de la musique également, contribue à former l'homme 1011). En maints endroits apparaissent les tendances pédagogiques. Elles s'expriment quand il parle de l'éducation des enfants (chapitre 10), de l'orientation des adultes (chapitre 11) et surtout de la manière dont Pythagore introduit ses nouveaux adeptes dans la société pythagoricienne. Une des méthodes principales qu'il employait pour cela était d'imposer le silence à ses élèves pendant 5 ans pour les exercer à la forme la plus difficile de maitrise de soi 110 ). L'enseignement est organisé en tenant compte d'une part des possibilités et des aptitudes de chacun en particulier, d'autre part des diverses matières (chapitres 5 et 19); non seulement le groupement des élèves dans les diverses classes (chapitre 18), mais encore la répartition de l'horaire quotidien (chapitre 21) sont organisés dans une perspective de formation non seulement intellectuelle mais éducative et formatrice du caractère. Il s'agit d'un style de vie pour la formation de l'homme 111 ). Le même soin apporté à l'organisation de l'ensignement - et dans la même ligne se retrouve dans l'organisation de la communauté pythagoricienne. Il n'est pas permis à tout le monde d'y entrer, et une minutieuse initiation et une lente maturation sont toujours exigées pour entrer dans l'esprit de la communauté et y vivre (chapitre 17). Par contre la communauté s'articule de telle façon qu'il y existe plusieurs formes de vie pythagoricienne (chapitre 18). La communauté pythagoricienne est aussi une communauté de biens; il est souvent souligné que « les amis ont tout en commun» comme Socrate le dit à la fin de Phèdre111 ). Il n'y a donc qu'un pas à franchir pour passer de cette communauté à la com109) Il y a lieu de noter cet ordre, tracé par un platonicien. 110) Chap. 17. La grande importance attachée par Jamblique à txi:µuSia peut se constater au grand nombre de mentions ou d'études qu'il en fait: 6,68 p. 38,20-39,1; 16, 72 p. 41,5; 17,74 p. 42,7; 18,90 p. 53,2 s; 20,94 p. 55,6 ss. 111) Le mot na1ôda joue un rôle important, et même à un endroit l'expression tll11vucT) 1ta1&ia (19,90 p. 54,24) est employée avec une résonnance presque religieuse (cf. àµù11toç). - L'étroite correspondance entre q>1À.Oooq,ia-Stcopiaet 1ta16Eia est mentionnée explicitement à la fin du chapitre 12 (59 p. 32, 20-23), qui ~t tout empreint de la pensée de la paideia. Sur la place de la musique dans la paideia chap. 15. 112) ICOIVÙ tà q>O ..cov6,30 p. 17,23; 6,32 p. 19, 10 S.; 17,72 p. 11, IO; 17,74 p. 42, 17 SS.; 18,81 p. 46,18; 19,92 p. 54,17; 30, 168 p. 94, 23 s.; 35,257 p. 138,18. li existe un lien étroit entre KOlV{l)viaet q,1À.ia,qui sont étudiés séparément au chap. 33 et qui jouent un grand rôle par ailleurs (d. l'index de NAUCK, p. 349).
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munauté politique, c'est-à-dire passer à l'aspect social dans une plus vaste perspective. Et l'on voit donc aussi que le politique joue un grand rôle dans le De vita Pyth. Déjà la communauté de biens s'insère profondément dans les questions de caractère politique, et au chapitre 6, Jamblique étudie les lois et les ordonnances de Pythagore au sujet de la communauté: nous sommes en plein dans un travail de législation. Jamblique nous montre Pythagore au milieu de tâches politiques, sans que celles-ci découlent directement de la communauté pythagoricienne. Ainsi Pythagore travaille à des législations politiques en Crète et à Sparte, et, à Samos, on avait une telle confiance en sa prudence en matière politique que les délibérations politiques se tinrent depuis lors à l'endroit même où il avait habité, pour que son esprit aide aux décisions (chapitre 5). Pythagore s'efforça d'abord en Italie de procurer la liberté politique et de promulguer de bonnes lois, ce qui eut une grande importance pour un certain nombre de cités de la Grande Grèce (Crotone, Sybaris, Catane, Rhegion, Himère, Agrigente, Tauroménion etc., chapitre 7); Pythagore donna aussi pendant toute sa vie des conseils aux politiciens (chapitre 9). Ses idées sur la justice mènent directement à des lois et à des constitutions (chapitre 30). f) Platon dans le De vita Pythagorica Nous avons déjà vu comment Jamblique subit l'influence du Timée de Platon au début de sa vita Pyth. Et c'est loin d'être le seul passage où un lien avec Platon peut être constaté; il est important de le noter, car cela permet d'une part de connaître un peu mieux la méthode de travail de Jamblique, et d'autre part d'en déduire les conséquences exégétiques sur la façon dont Jamblique considère Platon; nous étudierons donc de plus près quelques-uns des passages les plus caractéristiques 113 ). Jamblique dépeint au chapitre 6 comment Pythagore n'est pas seulement admiré en Sicile mais littéralement adoré. Tout ce qu'il fait est considéré comme divin; il est pris soit pour un dieu, soit pour un démon, tantôt pour tel dieu tantôt pour tel autre, parce que c'est lui qui a apporté et fait jaillir « l'étincelle salvatrice du bonheur et de la philosophie» (page 18, 7 ss). Rien de plus grand n'est jamais venu des dieux et n'en viendra jamais, lit-on dans une citation du Timée. La phrase est citée mot à mot mais les contextes sont différents: PLAT. Tim.46e7-47b2
JAMBL. vita
Pyth. 6,30 p. 18,2-10
tô 6t µty1mov aùt&,v de; vtôv nu9ay6pav Â.Ot1tôv Kat47 61" Ô 9Eôc; aù9' iiµtv œ00>pf1tat, µEtà toOto flp(8µouv çàya96v ttva ooiµova Kai qn1..av9pom6tatov, oî µtv tôv nu91ov, oî 6t tôv ~Tlttov. 61111c; 611 mtà tôv tµôv U,yov altia tflc; µEyiatTlc; d,q,EÂ.(ac;ytyovr.v flµtv, ôtt t6'.>v tç 'Y1tspfk,ptœv "An6Uœva, oî 6t tôv Ilatdva, vOv U,yœv m:pi toO 1tavtôc; 1..Eyoµtvœv oooEic; oi 6t t6'.>vtl'lv o-EÂ.TIYflY 1Catot1C01>vtv 1tEplo6o1 Kai µopcpfl fl)avflvat tore; t6ts, tva tô tflc; Eooatt011µEplat Kal tpo1tai µEµTIJC.llVflvtat µtv àp19µoviaç tE Kal q>tÂ.oaoq,iac;o-SV11tci> ytve1 6ropT1Sàv Seibv.
xap{CJTltal t1I SV11t1i4POOe1,où µ&tÇov àyaSôv oiite fiÂ.Sev oiite fll;e1 1t0tt 6ropT1Stv be Seéilv [6tà toutou tOO IluSay6pou].
Même sans tenir compte de la phrase citée mot à mot, la ressemblance est si grande qu'on ne peut mettre en doute la provenance de ce morceau. D'un autre côté le texte de Jamblique met beaucoup plus l'accent sur la perspective religieuse que celui de Platon. Platon dit que la philosophie est utile, Jamblique qu'elle sauve. Chez Jamblique il est aussi question de Pythagore comme incarnation de la philosophie, alors que le passage de Platon traite de la philosophie en soi. Nous ne pouvons certes pas dire d'emblée que c'est la pensée de Jamblique qui s'exprime là: dans son exposé, Jamblique se cache derrière l'opinion des Siciliens 1 a). Mais lorsque Jamblique fait ressortir tout cela, il le fait de telle façon que le facteur religieux en vient à être mis en relief d'une façon toute spéciale. Dans sa présentation de l'enseignement pythagoricien, Jamblique parle de la musique (chapitre 15) avec des mots qui ressemblent à ceux de l'étranger dans le Politique de Platon lorsqu'il dit de la musique: PLAT.
Pol. 268bl-5
JAMBL.
vita Pyth. 15,66 p. 37,2-6
b fn
àcp' fic; (se. tflv ... tlilv acpa1p(llv ... apµovlru;) tolvuv 1ta16tllc; 1tai µoum1tflc; tep' ooov àp&)µ&voc; t'btoO tà Sptµµata cpooe1 µ&telÂ.Tlcpev,où1t dÂ.Â.Oc;1tpelTt(l)V 1tapaµuSetaSa1 Kai ICTIÂ.&V eùtaKtouµevoc; Kal c1>c;elnetv CJ(l)µU(Jl(O\Jµ&Yoc; el1t6vru; tivàc; toùt(l)v l1tev6e1 1taptxe1v totc; 1tpaOve1v,µ&ta te 6pyciV(l)v1tai w1¼ tci>at6µan 6µ1Â.T1tatc;cl>c;6uvatôv µaÂ.1ata, 6ta te 6pyat11v tflc; aôtoO 1toiµV11c; cip1ata µ&taxe1V(l)VKal 61à lj/lÂ.flc;tflç àptT1piru; ÈKµtµouµevoc;. p1Ç61,1&voc; µouatKt'Jv.
Dans les deux passages il est question de pédagogie; Platon met davantage l'accent sur la majeutique, Jamblique sur la pédagogie générale de la musique. De plus, les contextes des deux passages sont tout différents. Platon étudie la musique lorsqu'il parle des différents modes de « direction », par exemple le berger qui dirige son troupeau, tandis que Jamblique, dans un contexte cosmologique, voit la musique comme une révélation de plus grandes dimensions de l'être. Disons enfin que chez Platon il s'agit d'un travail philosophique, tandis que chez Jamblique c'est Pythagore qui exécute ce travail. Pythagore, dit Jamblique, a purifié l'âme humaine et a rallumé en elle la flamme divine qui s'était perdue. L'homme a retrouvé la possibilité de connaître et de voir avec les yeux divins de l'âme qui, comme le dit Platon, ont plus de valeur que des milliers d'yeux de chair. Cette fois, c'est à la République que Jamblique se réfère: PLAT. resp. 527d7-e3 JAMBL. vita Pyth. 16,70 p. 40,5-11 "H6ùç, et, fiv 6' ty,ôn fo11taç 6f;6t6n toùç 1t0Uoùç, µri 601tüç ciXPTICrtaµa911µata 1tpoatatte1v. tô 6' fonv où 1tavu q,aüÂ.ov ClÂ.Â.à xaÂ.e1tôv mcrteOam ôn tv toutmç totç µa-
114) Tout le passage est subordonné
à1tô 6ii tOUt(l)V à1télvtrov ômµov[roc; lcito 1tai à1te1taSa1pe tiiv wuxiiv Kai àveÇùllt\lpet tô 8etov tv aùtü 1tai àntmpÇe Kai 1tep1flyev tni tà VOT1tàv tà Seiov ôµµa, 1tpelttov ôv
à q,av,;vm p. 18,7.
93 Stu.aacnv b:ciatou 6pyav6v tl '11\>Xflc; t1C1CaS.. e aiperal tE 1eai àval;(l)ffl)pt:lta1 ànollûµt:vov icai tuq,M>ûµt:vov 61to t6'.>v cU.).cov tin nt6t:ul,Uitmv, icpdnov ôv am31'va1 µuplmv ôµµcitmv· µ6vql yàp a6t(j) c'û..iJ&t:la6p4tUl.
am31'jval 1eatà tov IlMitmva µuplmv aap!Clvmv 6µµatwv. µ6Vfl) yàp aùttj) füal3U111avt1 ical oie; 1tl)Oa1'ict: f3oT19iJµaal tovcoStvtl ical füapSpco9tvtl ft 1tt:pl t6'.>v6vtwv ci1tavtwv c'û..it&t:•a füopQtal.
Platon montrera plus tard que c'est la dialectique qui oriente le regard de l'homme vers les hauteurs (533 d), ce qu'il laisse déjà entendre en 527 e. Pour Jamblique, Pythagore incarne cet idéal; c'est lui qui le réalise pour le plus grand bien des hommes, et nous pouvons une fois de plus noter l'accent religieux chez Jamblique: 6atµov{c.oç comparé avec tv toutotç totç µa311µa01v chez Platon 1111). La pédagogie à long terme de Pythagore ne permet pas à quiconque d'entrer dans la communauté pythagoricienne. Il faut en écarter ceux qui, de toute façon, ne veulent pas mener une vraie vie philosophique durant toute leur vie, et Pythagore ne peut peut donc initier un nouveau disciple que progressivement. Chaque nouveau doit d'abord soigneusement être éprouvé et purifié; c'est comme un vêtement à teindre qui doit d'abord être absolument propre avant la teinture, sinon celle-ci ne peut tenir. Jamblique nous offre cette comparaison avec le vêtement et nous la retrouvons dans la République de Platon. Mais Jamblique nous rapporte cette comparaison en citant le pythagoricien Lysis, nous voyons par là combien il est délicat de découvrir en ce point la relation entre Jamblique et Platon. Quoi qu'il en soit de l'authenticité de cette citation, la langue dorique indique que Jamblique l'a tirée de la tradition pythagoricienne, de sorte qu'il s'agit vraiment d'un rapport entre Platon et la tradition pythagoricienne: PLAT.resp.429d--e OillCOOVolaSa, ftv 6' tyli>, 6tl o[ f3aq,flc;, fflEl6àV f3ou).T186'.>alPa111a• fpla 6'.>at' ElVUl ciM>upya, 1tp(btov µtv tic).tyovtal tic toaoûtwv xpwl,Uitwv µlav q,ûcnv tllV tcf>v uuic6'.>v, f1tEltŒ 1tpo1tapaaict:ua!;oucnv, OÙIC6).lytJ ltŒpaaJCt:Ufl 9t:pa1tt:ûaavtt:c; 61twc; 6tl;t:tal 6n µc'û..lata t6 dvSoc;, 1eai oOtw 611 Pantoual. e ical ô µtv dv toûtcp ttj) tpôltcp f3aq,fl, 6E\Jµam f3a1tt1J Mvtt: ical taOta µ11 1tpo8t:pa1tt:ûaac;. Oi6a, fq,'l'I, 6tl icai ficn).uta icai yt:Â.C>Ia. ToloOtov tolvuv, ftv 6' tyci>,il1t6).al3E 1eatà 61'.>vaµlV tpyc'tÇt:a8al Kai ftµiic;, 6tt: tl;t:).t;y6µt:9a toùc; atpanli>tac; ical t1tal6t:ûoµt:v µoua•Kfl 1eai yuµvaatl!Cfl"
JAMBL.
vita Pyth. 17,76 p. 44,2-11
ica8a1tt:p yàp o[ j3aq,Eic; 1tpot:1C1Ca8apavtt:c; fatu111av tà Pa111•µat6'.>vlµatloov, 61twc; àvt1en).utov tàv f3aq,àv àva1tioovtl 1eai µT16t1tott: YEVTIGOUµÉVŒV tl;ltaM>V, tôv ailtàv tpôltov Kai 6 6a•µ6Vloc; ÙVTIP1tpo1tapt:aJCt:ûaÇt:tàc; 111uxàc; t6'.>vq,l).oaoq,lac; tpaaStvtoov, 61twc;µ11 füa111t:ua9fl 1tt:pl nva tébv t).ma9tvtoov taEiaSal 1ea).6'.)vtE icàyaSébv. oo yàp ic•f36it).wc;tvt:nopt:ût:to Mywc; oo6t nayac;, talc; toi 1toÀ.M>i tibv aoq,latliv tci>c;vtwc; tµnUicovtl, not' oo6tv icpayoov axo).c'tÇovtt:c;, à).).à 9Eioov 1eai àv9proJtl VOOV 1tpayµatOOVftc; tmataµoov.
Il n'est sans doute pas fortuit que nous trouvions dans les deux textes la même comparaison, mais par ailleurs il est clair qu'il y a une assez grande différence entre les 115) Pythagore est chez Jamblique le sujet des verbes tandis que Platon construit ses phrases au passif.
94 contextes qui les accompagnent: Platon a spécialement en vue le choix et l'instruction d'une certaine classe sociale dans l'Etat, tandis que Jamblique envisage en général l'initiation à la forme de vie philosophique. Dans le paragraphe précédent de vita Pyth. nous avons déjà vu clairement qu'il s'agit d'une initiation du même ordre que l'initiation religieuse: les mystères éleusiniens ne peuvent pas, eux non plus, être révélés à qui que ce soit. Après avoir rappelé un certain nombre de sentences pythagoriciennes, Jamblique mentionne que, en plus de ces expressions courtes et concises, il s'en trouve de plus longues, acousmata comme on les appelle, sur les offrandes, la mort et la sépulture, par exemple. L'expression utilisée ici à propos de la mort, µuohcTtcnÇ ft èVt&08&v est signalée par Deubner comme une expression platonicienne 111 ). Ceci est en quelque sorte justifiable, puisque la mort est indiquée chez Platon par deux fois comme un transfert de ce monde-ci à un autre lieu: PLAT.
apol. 40 c 5-9
6ootv yàp Sotep6v t..G>i; tnéYTlOi>Kftxoµsv. taL ffQpt:aKt:uaat:v. àPXTI toivuv mi 6Lica10µtv tb ico1vbv Kal laov ical tb tyyu'tâtoo Oi>KoOvfi µtv ftllovfli; t& ical >..unni;KOLVC'.l)v{am'.JYT1i; auv&:t, 6tav 6t1 µci)..1ata 1tcivtei; ol no>..tta1 t~ amµatoi; ml µ1di; IIIUXfli;ôµonaSt:iv nâvtG>v aii'tG>v y1yvoµ&VC'.l)V t& JCai ànolluµtVC'.l)v tai;, Kal bel tb abtb tb tµbv q,Styyt:aSa1 11:ai tô ci>..Mtp1ov, 6'.>ant:p 6Tt ical D>..citoovµaScl>v napan>..naiooi;xaipooa1 Kal >..u1t6'.>vta1; napà tli>v IluSayopt:loov auµµaprupt:t. toOto Davtci1taa1 µtv oùv, flPTI• tolvuv cip1ata àv6p6'.>vJCatt:aict:uaat:v, tv toti; 'H lit y& tG>vto1outoov llllooa1i; llla>..6.:1,6tav ol µtv 1t&p1a>.. yeti;, ol lit 1t&p1xap&ti;y{yVC'.l)vta1 i;St:aL tb (610v ndv tl;opiaai;, tb 6t 11:01vbv t& Kal a6!;11aai; µtxp1 tli>V #;axcitOOVKtTlµcitOOVicai bel toti; aii'toti; 1taS11µaa1 tfli; 1t6Â.eWC,; tli>V#;y t1I ltÔUL; atciat:ooi; altloov 6vtoov 11:aitapaxfli;• ic01và yàp Tl li' oO; ffda1 ncivta Kal taii'tà i'tv, tfüov 6t oMdi; oMtv 'Ap' oùv tic too&: tb to16vll& ylyVEtaL, 6tav &K&KtTltO. µTl dµa q,Styyoovta1 tv t1I 1t6>..e1tà toici& ~T'lµata, t6 tt: tµbv Kal tb obic tµ6v; ical 1tt:pl toO ci>..M>tpiouJCatà taimi; Koµ1l11jµtv oùv.
Encore une fois, Jamblique mentionne explicitement un lien important entre Platon et les Pythagoriciens. Ceux-ci gardaient leur doctrine et leurs écrits très secrets, ce n'est qu'avec Philolaus qu'ils apparaissent au grand jour; Dion lui achète 111 ). trois ouvrages pythagoriciens - à l'instigation de Platon TTÀa-rrovoçKEÀEucrav-roç Ceci correspond à ce que dit Cicéron dans la République 1,16. Un détail supplémentaire nous est donné dans ce passage: Platon s'est rendu possesseur de ces écrits. Un rapprochement pourrait-il se faire ici avec les paroles de Diogène Laërce disant que Pythagore a écrit trois ouvrages, l'un sur la paideia, l'autre sur la politique, le dernier sur la physique 111 ). 119) 27,131 p. 74,19. Tout ce passage est construit à partir du q,am qui l'introduit. 120) 27,131 p. 74,18: aq,&t&piaaaSa1 lit t1'1v llôçav Il>..citoova, >..tyovta q,av&pooç tv ti'.I DoÀ1t&iq tbv tnitp1tov &Kt:Tvovff\JSµtva tbv ti'.1 n&µnallL auÇ&uyvuµ&vov Kai taç lluo napq6µ&vov cipµoviaç. Cf. PLATON resp. 546c. 121) 31, 199 p. 109,12 SS. 122) Cie. resp. 1,16: audisse te credo ... Platonem, Socrate mortuo, primum in Aegyptum discendi
96 Enfin, il peut y avoir des raisons de mentionner que Jamblique, dans son exposé sur les maîtres les plus remarquables de l'école pythagoricienne (chap. 36), signale qu'il y a eu sept générations entre le premier diadoque pythagoricien Aristée et Platon. La symbolique du nombre sept mise à part, il est important de constater que la chronologie des diadoques est mise en relation directe avec Platon. Parmi les réminiscences de Platon dans la vita Pyragorica on peut encore signaler la définition pythagoricienne de la force d'âme:
PLAT.Loches 194 e
JAMBL.
vita Pyrh. 30,190 p. 105,19-21
m. "191 ÔTI,aùtéj) Elnt, roNucia, noia 1eaµ&v è!;iJYTJCJtV ttotfJcracrSm -rriv nptnoucrav aù-rébv &lç ttapaKÂ.TJCJtV, èlC'tOÎ>'tOtOÛ'tOU voµ{ÇOV't&Ç 7tÂ.TJPTJ Kai èV't&UÇOµ&VOlÇ µaÂ.Â.OV i\ &l 6tà 7tÂ.&t6vcov 8 mixcov ttotoiµ&Sa -rriv npotponiJvu ). Nous voyons clairement par là que ce ne sont pas seulement les Pythagoriciens qui intéressent Jamblique mais la philosophie, et il est donc tout normal que Jamblique, pour expliquer et illustrer la philosophie profonde contenue dans les symboles pythagoriciens, se serve de bien d'autres pensées d'origines très diverses. Celles-ci aident à souligner et à éclairer le sens de la protreptique symbolique pythagoricienne. Il n'est donc pas étonnant que Platon et Aristote y occupent la place la plus importante. Car c'est de philosophie qu'il s'agit, et comment peut-elle mieux être illustrée que par ces·deux grandes personnalités qui ont souvent parlé de ce qui est l'objet de la protreptique d'une manière plus compréhensible dans leurs œuvres les plus abordables? En philosophie peu importe qui a dit quoi, c'est l'objet qui importe. Nous voyons 145) 1 p. 7,8: 1001tEPfi \Vl)XTIicatà l3paxù 1tp6E1cnvt1ti tà µEiÇova à1tà tô'.lv tllatt6vœv. Cf. la remarque de KI~LING sur le chap. 2 p. 8,10: à1tà tô'.lv chç npoç liµàç npô'.lta: sunt ea quae prima sunt pro instituto nostro, quo ab apertis ad obscuriora progredi constituimus. 146) STEINHART et MAU mentionnent tous les deux que Protr. est une introduction élémentaire à la philosophie. Pour la similitude du langage cf. Protr. l p. 7,11 21 p. 104,26 ss. 147) Cf. plus haut p. 70-71. 148) p. 105,8 ss. Le problème est posé tout à fait de la même façon au chapitre 1.
~
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encore une fois Jamblique supposer qu'il existe une phi/osophia perennis, la vraie philosophie. Comme celle-ci conduit à une vie en theoria, la protreptique en devient un chaînon tout à fait essentiel. Car que serait la philosophie si elle n'amenait pas à une manière d'être, c'est-à-dire si elle n'était pas protreptique dans son essence même? C'est ainsi que le comprend Jamblique, c'est donc ainsi qu'il comprend aussi Aristote et Platon. C'est encore la raison pour laquelle Jamblique leur donne une si grande place dans son exposé de la protreptique pythagoricienne. b) L'Euthydème de Platon dans le ie livre
Les premiers exemples que Jamblique utilise pour nous introduire dans la protreptique sont tirés de diverses sources pythagoriciennes, Archytas, les Vers dorés etc. (chap. 2-4). Ensuite Jamblique se sert des textes de Platon pour illustrer le sujet du livre en donnant, au chapitre 5, un exposé sommaire de la thématique du dialogue Euthydème. Il le fait d'une façon remarquable. Au sujet de la protreptique, nous devons nous servir de la méthode d'analyse et d'argumentation des Pythagoriciens, nous dit Jamblique au début du chapitre 5: 6&i aùtaiç taîç Ilu8ayopucatç 6tatpta&m 1tpoaxpfla8a1 &lç tà 1tpotpt1t&1v. Ces diaireseis pythagoriciennes, nous dit-il en terminant ce passage, se présentent ainsi: Nous autres hommes, nous désirons tous être heureux: &lcrl 6& toiat>tat· Iltivt&Ç dv8pc.o1to1~ouÂ.6µ&8a&o1tptitt&1v- en citant l'Euthydème de Platon, dont il se sert par la suite. La transition se fait insensiblement, Platon n'est pas nommé. Si nous considérons, au début du chapitre, les remarques sur les diaireseis pythagoriciennes, nous pouvons en conclure que Jamblique a regardé la thématique essentielle de ce dialogue de Platon comme pythagoricienne. li va presque de soi que l'intérêt ne porte pas sur la première partie du dialogue, où les éristiques Euthydème et Dionysodore occupent la place dominante; Jamblique se réfère directement à l'entretien de Socrate avec Clinias (278 e ss.). Nous pouvons voir par là que Jamblique a évidemment pu considérer cette analyse socratique des conditions d'une vie philosophique comme une analyse essentiellement pythagoricienne. Nous pouvons ensuite déduire de l'emploi que Jamblique fait du dialogue, qu'il en considère la thématique essentielle comme étant justement une protreptique telle que celle dont il s'agit ici: l'épanouissement nécessaire de la philosophie dans un style de vie philosophique. Comment Jamblique utilise-t-il le dialogue de Platon? Tout d'abord Jamblique laisse bien entendu tomber la forme dialectique. li peut isolément se servir d'une question de Socrate comme d'une question de rhétoriqueu 9). Mais la délibération exprimée par l'entretien est remplacée par une argumentation et un exposé progressif qui se basent sur les pensées essentielles du dialogue et se tendent vers la conclusion; certains points sont omis, d'autres condensés dans cette présentation 150 ). Les omissions les plus étendues atteignent les exemples donnés par Socrate pour illustrer sa pensée (279 e, 280 c, 281 a, 281 c, 282 b). Là où nous nous rapprochons le plus d'un véritable 149) p. 26, 1. 150) Comme le dit
KlESSLING
(ad loc.): « Omissis aliis, aliis contractis ».
105
extrait du texte de Platon c'est lorsque Socrate lui-même résume la discussion et en tire les conclusions (281 d et 282 a); dans les cas oii Socrate développe davantage sa pensée, Jamblique arrive à la rendre directement sous forme d'affirmation positive. Il s'agit d'une utilisation concentrée du texte de Platon qui révèle une vue d'ensemble très perspicace sur l'argumentation du texte; le procédé de Jamblique n'est pas téméraire161).Nous pouvons constater que Jamblique se rapproche peu à peu du texte de Platon jusqu'à le reprendre textuellement, mais la raison principale en est que le discours de Socrate devient de plus en plus un exposé véritable, de sorte qu'il est plus facile à employer pour Jamblique. Celui-ci n'apporte qu'une ou deux fois sa contribution au texte 151). Mais par la suite l'emploi du texte platonicien redevient plus libre et Jamblique s'éloigne de nouveau du texte (p. 26,25 ss.) de sorte que le rapport entre les deux devient presque méconnaissable (p. 27,4 ss.) jusqu'à ce que (p. 27,10) nous finissions par laisser les deux mots si importants dans ce contexte pythagoricien 8ecopdv icai icpiveiv représenter l'èmc:niJµTJque Socrate recherche. Dans cette partie aussi Jamblique a omis les objections sophistiques faites par Dionysodore et Ctésippe (283 c - 288 d) en s'en tenant à l'exposé fait par Socrate 168). Une mise en parallèle des textes montre la méthode qu'il emploie 164). PLAT.
Euthyd. 218 e3 ss.
•Apci yE mivtt:c; dvSpcmtot j3ouÀ0µ€9a Eu npcinEiv; i\ toO'to µèv tpcbt11µa cl>v wv61'1 tcpol36µ11vtv t&v icatayaMtatcov; àv611tov yàp 6tinov icai to âpcotdv tà toiaOta· tlç yàp 00 j3o6Â.Stal àvSpron:covEU ltpcit'fElV; - Oo6Eiç 279 ootlÇ OIÏIC,fcp116 KÂ.Elviaç. - EIEV, fiv 6'tym· tb 61'1 µ€tà toOto, tnE161'1 j3ouÀ0µ€8a EÙ 1tpattt:1V, ltli')ç liv El> ltp«t'f0lµ€V; àp' liv d flµCv nou.à icàyaSà t:111;i\ toOto tict:ivou fn Eo11Statt:pov; 6flÂ.Ovyap nou ical toO'to ôn olitcoç fxE1. - I.uvtcp11. - Clltpe 611, àyaSà 6è nota dpa t&v ôvtcov wnawt flµCv ôvta; i\ oo XaÂ.81tovoo6è aEµvoO àv6poç naw n oo6è too-to fo1icEv dvat E01topElv; 1tdç yàp liv flµtv d1tot ôn to 1tÂ.Outdv àyaS6v· fi yap; - naw y', fcp11.- OicoOvicai to oy1aiVEtV b icai to icai..ov dvm icai tàll.a icatà to a&µa (icayli')ç1tapt:0'1CEutiaSat;- I.uw66icEt. - 'Au.à µl'lv Eùytw1ai YE ical 6uvaµ€tç icai ttµai tv
cr.
JAMBL.
Protr. 5 p. 24,22
SS.
Iltivteç dvSpcmtoi j3ouÀ0µ€9a EÙ 1tpcittt:1v, Eù 6è npcinoµ€v, d flµ(v nou.à àyaSà 1tapt:i13. (icayli')ç àyaSà 6è tà µtv âatt icatà a&µa, COO'tE aùto 1tapEO'ICE000'8alltpo\; îflV ICQtà cpi>O'tV O"Uµµ€tplav icai icpàO"tv ical po,µ11v·"') tà 6è tv tolç t1Ct6ç, iixmEp EoytvEtat ical 6uvtiµEtç icai nµal tv ttl tautoO natpi6i·
151) DORING,Protr. p. 26-27. 152) p. 25,2-6. On peut voir comment Jamblique se rapproche peu à peu du texte de Platon en ceci: alors qu'en 281b2 il omet çfoticEv, il le reprend plus tard (du texte de Platon 28ld5 et 282a5). Le dpa de conclusion est omis en 281b2, mais est ajouté au texte de Platon 28ld2. 153) La digression est clairement signalée par Platon car au commencement et à la fin nous avons la question: Socrate est-il tout à fait sincère dans l'entretien? (a1tou6étÇE1v283cl et 288d3-4). 154) Nous reproduisons le texte de Platon d'après Bumet. Tout le texte de Jamblique est aussi donné et disposé d'après ses points avec le texte de Platon: cette présentation fait ressortir à quel point la version de Jamblique est abrégée. 155) auµµEtpla, icpàa1ç et po,µ11ne sont pas d'Euthydème mais sont des mots authentiquement platoniciens. Chez Platon ils ne se trouvent pourtant pas groupés comme ici.
106
c
d
e
280
b
tti 00\ltOO6f1M tcrtlV àya9à ôvta. - ·nµoÂ.6y&l. - Ti oùv, fq,riv, fn f)µlv Â.&ht&talt&v àya8a>v; 25 tl 4pa tcnlv to aci>cppovci t& &lval 1Cal6l1Calov 1Cal6:v6p&[ov;Jt6t&pov npè)ç Alôc;, ooKÂ.&lvla, tà ôt 1t&pl 111uxriv,ci>çto aci>cppovcit& &lval fiYti mi, tàv taOta n8a>µ&vci>çàyaSét, ôpS&; 1Cai6{1CalOV f)µdç SiJa&lv, fi tàv µli; lame; yàp civ ne; fiµlv àµq>lal3ritlia&l&V' aol 6t 1t&c;6o1C&I;- 'Aya9à, flP'l 6 KÂ.&lvlaç.- EI&v, fiv 6' tyci:r tliv 6t !Cal àvôp&lov, 1Cal 6iaq,&pôvtwç to aoq,ov aoq,lav JtoO xopoO tcil;oµ&v; tv totc; àyaSotc;, &lva1·µ&9' fi n(i)c;i..ty&1ç;- 'Ev totc; àyaSotc;. - 'Ev9uµo0 611 µli n 1tapaÂ.&imi>µ&v t6>v àya8a>v, Ôtl 1Calcil;1ov ÀÔyou. - 'Au.ci µOL 6o1CoOµ&v, fq,ri, où6tv, 6 KÂ.&1v{aç. - Kai tyàvaµvriaS⁣ &lnov ôn Nai µà Aia 1Clv6uv&ooµtvy& to µty1atov t6>v àya8a>v 1tapaÂ.11t&lv. - Tl toOt0; mv où µ11Cpôv6iacptp&l tO O\.IV&JtlÂ.aµ13ciV&lV fi 6' ôc;. - T11v&ùruxiav, ooKÂ.&1vla·6 Jtcivttc; 1CaltllV &i>ruxiavtalc; ôpSaiç 1tpàl;&mv,f\tOl q,aal, 1Cai ol nciw q>aOÂ.Ol,µty1cnov t6>v u1to tflc; aocpiaç È1tlq,&poµtvriv,fi 1Cal 1Ca8' àya8a>v &lva1.- 'A).ri9fl i..ty&1ç,fq,ri. - Kai ty aut11v fxouaav lôiav nvà 66vaµlV111 ). aù 1tciÂ.lV µ&tavoliaac; &lnov ôtl 'O).iyou 1Catayé).acnot ty&v6µ&Sa ùno t6>v l;tvwv tyci> t& 1Calmi, cl>na[ 'Al;l6xou. - Tl 6li, fq,ri, toOto; ·on &i>wx{av tv totc; fµ1tpoaS&v Séµ&VOl vuv611 aùlhc; n&pl toO aùtoO ti.tyoµ&v. - Ti oùv 611toOto; - Katayé).acnov 6li1tou, 6 1tàÂ.al 1tpô1C&1tal,toOto nciÂ.lv nponSéval 1Cal 6lç taùtà Âty&IV.- Il(l)c;, fq>'l, tOOto Âty&IÇ;'H aoq,ia 6linou, fiv 6' tyci>,&ùruxla tcn{v· toOto 6t 1Cdvnatc; yvoiri. - Kal ôc; tSai>µaa&v· oiitroc; fn véoc; t& 1Cal&ùliSric;tcnl. - Kàyci> yvoùç aùtov SauµciÇovta, •Apa où1C olaSa, fq,riv, oo KÂ.&lvia,ôn n&pl aù).riµcitwv &ùnpayiav ol aùÂ.'ltal &ùruxtcnatol &lalV; l:uvtq,ri. - Où1CoOv,fiv 6' tyci>,!Cal 1t&plypaµµcitwv ypaq,flc; t& 1Cal àvayvci>a&roc; ol ypaµµancnal; - Ilciw y&. - Tl 6t; npoç toùç tflc; SaMttric; 1Clv6i>vouc; µG>vot&l &ùrux&cntpouc; nvàç &lval t6'Jv aoq>G>v1CUl3&pvrit6>v, ci>çtJti nav &ht&tv;- Où 6flta. - Tl 6t; cnpat&uôµ&voc; µ&tà notépou dv ft6lov toO 1Clv66vout& !Cal tflc; wxric; µ&téXOLc;, µ&tci aoq,oo cnpatriyoO fi µ&tà àµaSoOç; - Mttà aoq,oO. - Tl 6t; àa9&v6>vµ&tà ltOtépou dv f)6twc; IClV6UV&IJOIÇ, µ&tà aoq>oOlatpoO fi µuà 6:µaSoOç; - Mttà aoq,oO. - 'Ap' oùv, fiv 6' tyci>,ôn &ùruxtat&pov dv ot&l npàtt&lV µ&tci aoq,oO npàttwv fi µ&tà àµaSoOç; - I:uvtxci>p&l.- 'H aoq,ia lipa navtaxoO &ùruxElv 1to1&1toi>nouç.où yàp 6rinou aµaptcivol y' civ noté tl aoq,ia, 6:).).' àvciy1C'lôpS&; 1tpàtt&1v Kai ruyxétv&lv·fi yàp dv où1Ctn aoq,ia &tri. I:uvwµoÂ.oYT1aciµ&Sa t&Â.&ut6'Jvt&ç OÙK o[6' Ôlt(l)Çtv IC&q>aÂ.aiQ> OÜt(I)tOOto fX&lV,aoq>iaç napoooriç, cj) dv nap(I, µ'l6tv 1tpoaôctaSa1 156) 1Ca8'aim'lv fxouaav lôiav nvà ôuvaµ1v n'est pas de Platon et l'expression se révèle aristotélicienne dans sa tournure. Noter que Socrate, par la suite, souligne l'identité entre aocpia et
cùruxia, ce qui ne prépare pas la double caractéristique de Jamblique sur &ùruxia.
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281
b
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157) Nous avons ici un petit passage ajouté par Jamblique lui-même.
109 OOKEI.- Kai tyci> tia&l.ç tbtov· 'H KaÀ.ci>ç Uytu;;, CD cip1V6V'trov tù6aiµova Kal aù'tôµoÂ.oyiiaaµEV 'tEÂ.EU't6>V'tEÇ' fi yap; - Na{, fi 6' ôc;. - 'H 6t l'i 6t cp1Â.Ov, XPflCJ'tllCTI 6t oil. 'totali'tflÇ oùv 6El 118 'tOO'tO µtv U7tÂ.00v,6n 'tQIJ'tflV f'lnç nµdc; tmCJ"tiiµflÇ,tv fi auµnt1t'tùlKEV ) ÔVJICJEl;- naw y'. l!cpfl. - 'Ap' oùv âv n El tma'taiµE9a ytyvo>CJICEIV flµdc; ÔVJICJEUlV, 7tEpn6V'tEÇ61tou 'tfjc; yfjc; xpuaiov 1tÂ.ElCJ'tov Katopo>pulC'tat; - "laooç, l!cpfl. - 'Ai..M tô 7tp6tEpoV, fiv 6' èyro, 't00t6 YE tçflÂ.Éyç,aµEV, 6n où6tv 7tÂ.ÉOV,où6' d CÏVEU7tpayµti'tCilV Kai 'tOOÔp\J'ttEIV'triv yfjv 'tÔ 7tdVnµtv xpuaiov ytvo1to· Ô>O'tEoù6' d 'ttiç nt'tpac; xpuadç 289 tmCJ"ta{µE9ano1Etv,où6Evô,t&KµT)plOV ÂÉy&lV,Ôtl OÙl UlltTJÉ cf>µTJV tvta0Sci ltOU (j)QVT)a&CJ9al t11v tmmfJµTJv f\v 611 1tcila1 CTJto0µi;v. ical ycip µ01 ot t& c"iv6p&çaùtol ol loyono10(, 6tav auntvroµa1 aùtotç, untpa0Ku1vla, 6oicoOalV dva1, ical aût11 fi t&XVTJaùtli)v Secrn&ala tlÇ ical U'I/TJÀTJ. ical µtvtol ooatv 9auµam6v· fm1 yàp tf\ç tli)v hcp66)v t&XVTJÇ µ6p1ov µ1icpq'>t& ÉKdVTJÇiJlto&&mtpa. fi µtv yàp tli)v tncp66)v q&ci>v t& ical q>aÀayylrov icai aicopnlrov icai tli)v c"iiJ.rov9TJpirovt& icai v6arov 1C11ÀT1alç ɵÉVOÙIC &ÙltOpli), f(l)TJ. 'AU', 11v6' tyd>, tµt olµm TJllPTJICÉva1. Ttva; fq,TJ6 KÂ.&lVlaç. "H TJV tyd>, tÉXVTJ 1tavtàç µdÂÂOVdval f\v c"ivtlÇ ICtTICJciµ&VOÇ &ù6alµrov&ÎTJ. Oùic fµo1y&6oic&t. Illi)ç; {iv 6' tyd>. 8TJp&UtllCTJ ttc; f\6&yt Énrov. T{ 611OÔV;fq>TJV Éyd>. Où6&µ(a, f(l)TJ, tf'tÇ 9TJp&UtllCf\Ç QUtf'tÇÉJti ical X&tpd>aaa9al' nUov tmlv i\ 6aov 9TJp&Oaa1 É1t&16àv6t x&1pd>arovta1to!ito ô liv 9TJp&urovta1, où 6uvavtm toutQ> xpf'ta9a1, àll' ol &! toivuv al µèv èiU.m 1tiiaa1 É1tlatf\µa1 µtv 1CUVTJYÉta1 ical ol aÀ1ftç totç 6111ono1otç 9TJptunical tivtç &i,di iccill1cn&icai oocpci>tata Ku1vla· toOto ol'.ltroçfx&1; navu µtv oùv.
(292b4-292cl)
C
In. OOicoOvtà µtv cilla fpya, d cpalri 4v tlÇ ltOÀmlCf\ç&lvaL- ltOÀÀà6é ltOUtaOt' dv &tri,olov ltÀOUO'louç toùc; ltOÀitac;ltUPÉXELV icai ti..&ustpouç Kai 6:cnacnacnouç - 1tavta taOta ol'.lt& icaicà ol'.lt& 6:ya9à tcpcivri, f6&1 µ6vri 6t fi t&lia 6ticatOO"UV1'1 ml cpp6vricnç 6t o~ùc; 1to1&tvicai tlt1cntiµriç µeta6t66va1, tTIV ICUt' 6:!;lav xpf\cnv ltOLOOvtaLticacnq:, &l1t&pfµe)..uv amri &hra1 fi cbcp&ÀOOO'a t& icai 6:vacptpouoL tUlJtTIVltpoK1'1, 1tdoav i'16ri cpcoVTIV '1'1cpl&1v, 6&6µevoç totv t1t1icaÀOuµevoç icai yàp to 8uop&tv icai icplv&ivtv ai>t1\ fX&L !;tvo1v Ô>O'ltep .6.100'1Couprov 06'ioa1 flµdç, tµt t& icai to µe1pàic1ov, tic icai tàç àpxàç fx&1 tf\c; ôpSf\c; XPfiO'&CllÇ t6'iv tf\ttatp&, tOIUlJtTItic; tcmv fi tic tf\çàpen,v 109 ). Jamblique mentionne enfin (p. 74,24 ss.) que les Pythagoriciens n'initiaient pas n'importe qui à la mathématique, mais uniquement ceux qui voulaient partager leur mode de vie (icotvcovetvtoO 1tavtoç Piou). Car la mathématique perd sa raison d'être si elle ne s'unit pas au pioç Ilu8ayop1ic6ç et ne débouche pas en lui; Jamblique termine ainsi son exposé en indiquant que les livres suivants traiteront plus en détail de ces questions 110 ). La dernière partie du livre, à partir du chapitre 26 étudie la valeur de la mathémathique. Jamblique y montre la grandeur et l'utilité de la mathématique, sa portée pour la connaissance de la vérité (à partir de l'acribie de la mathématique) et de sa possibilité d'application dans une perspective pédagogique 111 ).
b) La cohérence du livre
Dans From Platonism to Neoplatonism Merlan a exposé comment, d'après lui, l'unité et la cohérence de ce troisième livre étaient sujets à discussion 111 ). Il pense pouvoir prouver qu'il y a une divergence de pensée entre ce que dit Jamblique aux chapitres 3 et 4 d'une part et aux chapitres 9 et 10 d'autre part. Dans le premier cas Merlan pense que Jamblique souligne la différence entre la mathématique et l'âme, alors qu'aux chapitres 9 et 10, il identifie en fait, l'âme et la mathématique, cette dernière étant considérée en tant qu'arithmétique, harmonie, et géométrie (à l'exclusion de l'astronomie), et l'âme n'étant pas identifiée à une branche particulière, mais à la mathématique dans son ensemble118 ). Puisque l'âme peut en outre être conçue comme principe de mouvement, il y aura encore une autre divergence entre la mathématique qui comporte le mouvement et une mathématique qui n'en tient pas compte, et, toujours d'après Merlan, Jamblique la conçoit tantôt d'une façon, tantôt d'une autre 11•). 208) Elle est fvSroç, àvaywyôç, tcaSapt11CT1, tEÂ.Ecnoupyôç. Cf. p. 76,9: oltcd(J)Çtil tt: npôç àpetriv 1tpoa11tc6vt1.0Ç. Il est àywyi3 tcai til O).u 1ta1&{q.6µo).oyouµtV1.0Çtcai til tcaSàpae1 tflc; 1VUX1'c; tout naturel de comparer ceci avec la position de la mathématique chez Platon, voir MuGLER, Platon et la recherche mathématique. 209) 23 p. 71,26. 210) 24 p. 76,12-15: To1a0ta dv w; tcai 1tt:pi toutou yvcop{oµata toO IluSayop1tcoO tûnou 1to1tioa1to, nt:pi d>v ni..t:(ova tpoOµev tv totc; tcat' i6(av 1tt:pi ttco:mou tti>v µaSTJµo:tcov i..t:xSTJooµtvo1c;. à>.ftSt:1av àtcp1f3).oy(achap. 27: 1tt:1tm6&uµtvov 211) Chap. 26: cpti..t:1a, µtye&oc;, fi 1tt:pi tTIV fpyov. 212) From Platonism to Ntoplatonism p. 11 ss. On lit p. 26: « The unity of Iamblichus' book is most precarious as we can already sec and as we shall sec time and again >>. 213) p. 27: « To sum up: chs. III and IV stress the difference between the mathematical and the soul. They do not fit into the tripartition of being into intelligibles, mathematicals, and sensibles. Chs. IX and X virtually abolish any difference between the soul and mathematicals, and particularly stress the fact that the soul should be identified with ail branches of mathematicals rather than with one atone ». 214) Cf. l'aperçu chez MERLAN, loc. laud. p. 31-32.
126 Cette antinomie est acceptée à la fois par Loenen et par Kohnke, bien qu'elle soit interprétée différemment par l'un et par l'autrc 116 ). Ils supposent tous les deux que la source de Jamblique, dans ces chapitres, est Posidonius, mais Loenen pense que la divergence pourrait être supprimée puisque Jamblique parle d'une façon générale dans les chapitres 3 et 4 (également de l'âme comme principe de mouvement), tandis qu'il pense, dans les chapitres 9 et 10, que l'âme est considérée dans un sens idéal, grâce à quoi l'identification entre l'âme et la mathématique est possible. Kohnke pense que ces deux groupes de chapitres sont en contradiction l'un avec l'autre parce qu'ils se présentent en tant que thèse et antithèse dans la discussion sur le sujet, de sorte que les chapitres 3 et 4 sont un exposé du sujet, tandis que les chapitres 9 et 10 en sont la réfutation. Ce n'est pas la question des sources de Jamblique qui, ici, nous intéresse de prime abord, mais il est important de savoir si, dans l'exposé de Jamblique, se trouve la divergence que Merlan suppose et d'autres avec lui. Car ceci n'est pas seulement une question concernant la manière de travailler de Jamblique mais aussi la qualité de son œuvre. Jamblique s'est-il inspiré de sources diverses sans les retravailler, les disposant uniquement les unes à côté des autres, de sorte que l'unité de pensée en a été compromise? Il nous faut tout d'abord remarquer que la divergence ne touche pas l'ensemble du livre, mais qu'elle est essentiellement un problème concernant la première partie de l'introduction générale. Il est vrai que si l'on y trouve la divergence mentionnée, cela suffit à rompre l'unité du livre. En fait, c'est à tort qu'une telle divergence est supposée. Aux chapitres 3 et 4, Jamblique parle des principss de la mathématique et de ce qu'est la mathématique en son essence (àpxai et oùaia) 118 ). En tenant compte à la fois des principes de la mathématique et de son domaine ontologique Jamblique souligne qu'il est question d'immobilité. L'âme ne peut donc pas non plus être classée dans ce même genos. Car l'âme, du fait de son automatisme et du fait qu'elle est principe de vie pour des êtres vivants, doit être considérée en étroite liaison avec le mouvement: PéÀ.nov6è ,11v µèv 'l'l>XTIV tv t,épq> yév&t 'tfjç oùcr(aç ,tSévat, tàç 6è 11 7). µaST)µa,ucàç àpxàç 1çlxet -raç&roç1eal 111 cruµµ&tpiaçtm0'1Co1td ). Ce n'est pas le mouvement en tant que mouvement qui est objet de connaissance mathématique, mais le mouvement en tant que mesuré, c'est-à-dire exprimé numériquement. Jamblique met ici la mathématique en référence avec le mouvement, dans la mesure - mais aussi seulement dans la mesure - où les choses qui sont l'objet de la sphérique se meuvent. Par là, il y a de même une relation avec l'âme, parce que le mouvement des corps célestes dans le contexte philosophique où nous nous trouvons, est vu en liaison avec le mouvement circulaire immatériel de l'âme 111 ). Jamblique exprime clairement sa conception de la mathématique, mais il tient rigueur à ceux qui soutiennent que la mathématique n'a absolument rien à faire avec le mouvement. C'est la mathématique qui sert dans l'astronomie et dans les recherches que la philosophie de la nature fait de l'espace céleste. Lorsque, en plusieurs endroits, il exprime cette importance et la souligne, ce n'est donc pas en contradiction avec sa conception de base de la mathématique. Nous supposons que nous avons devant nous une attaque contre une conception anti-aristotélicienne de la mathématique. Il semble que ceci puisse être une explication suffisante de la façon dont s'exprime Jamblique au seul endroit qui pourrait être mentionné avec un certain droit comme signe d'une divergence118 ). Même ici il est clair que Jamblique distingue entre les corps (auxquels peut s'ajouter le mouvement) et la forme abstraite (à laquelle peuvent s'ajouter des proportions numériques, par ex. au mouvement), ce qui est propre à la mathématique 11 •). 219) Chap. 7 p. 30, 25 ss. 220) C'est ici que Merlan commet sa première erreur sérieuse. Il néglige le fait que Jamblique, au chap. 12, parle de 6uvaµs~ qui est aussi le sujet de la phrase p. 47,6. Il est faux de parler des « brances or mathematics » dans ce contexte. Jamblique ne dit pas que ce sont des branches de la mathématique qui, par principe, ont le mouvement comme objet de la connaissance. 221) p. 47, 8-11. 222) p. 47, 11. 223) Il s'agit de 19 p. 63,23-64,13 où Jamblique en plus des domaines qui n'impliquent pas de mouvement - et qui, eux, ne posent aucun problème - mentionne que c'est aussi la tâche du mathématicien de travailler sur les corps célestes et leur mouvement. Nous lisons (p. 64,8): 1toU,; 6t Kal 1tEpl ti>v oùpavi>v Kal naaciç tàç tv oùpavq) 1tEp11popciç,tciç tE à1tMIVElçKal tàç t6'.lv 1tM1vroµtvrov, 8&rop&tta1 µa8T1µat11CT1 t1t1atnµTI, où µ6vov tàç 1tottciMiç 1C1vfia&1ç tGlv acpmp(bv, ài..Mi Kal tàç µovo&16&tçaùtliiv O'\lVE/;&tétÇoooa. 224) a. la suite de la citation précédente (p. 64,13): ii6'1 6t tcal toùç twÂ.ouç Â.6-youçtcal ta fvuÂ.a &i6T1,ltlÎlÇ tE ùcptt(l)Ç ). Il ne se trouve ainsi aucune divergence entre ces affirmations et la constatation antérieure de Jamblique. Le seul endroit qui semble pouvoir faire allusion à une identité entre l'âme et la mathématique n'est pas dans le texte mais dans le summarium du chapitre 9. Nous y lisons: Tltflç \lfUXflÇoùaia, 1eai 1eatà Il&ç t1e 11:aV't(l)V t&v µaST1µUt(l)VcruvtcrtT11C&V tiva 6\opmµè>v àq,op1aS&iT1av aùt&v Tlcruy1epacnç tv aùti], 1eai d 11:iiaav 11:&p1txs1 t&v µaSTlµatrov 'tflV C>1t6atacnvtv tauti] fi 1eaidÂ.Â.TI t1ç àpxfl aùt&v S&rop&ttm. La dernière partie de ce texte ne présente pas de difficultés, mais la première implique, par la façon même dont elle est formulée, que l'oùa{a de l'âme surgit de la mathématique dans son ensemble. Mais il faut aussi souligner que c'est l'oùa(a de l'âme, dont il est question; ce n'est pas l'âme qui est le sujet de la phrase. Il ressort de là qu'il s'agit de l'existence concrète de l'âme et de son épanouissement dans une sphère ontologique et celle-ci est - et doit nécessairement être - la sphère ontologique intermédiaire et mathématique. D'un autre côté ceci n'exclut pas du tout une relation étroite avec le mouvement, par exemple, comme c'est aussi le cas pour la Le dernier passage cité par Merlan (27 p. 86,14--15) ne peut pas être employé comme argument. Merlan le rend ainsi: « ln mathematics some things are complete and nonmotive, others are motive ». Mais Jamblique parle au chap. 27 de l'exigence d'exactitude et du degré d'exactitude dans la mathématique et il fait remarquer - avec référence évidente à Aristote, Eth. Nic. A 1 p. 1094b25 ss. - que l'exactitude varie de discipline à discipline et de sujet à sujet: &ùS~ -yàp 1tOlTJv,cette différence - si elle n'est pas une simple faute de transmission de texte - est due à ce que Jamblique, dans ce cas, n'a aucun intérèt à souligner fv. Ilmlieia dans Resp. S37c est omise par Jamblique p.c.q .• dans ce cas, il ne désire pas considérer l'enseignement de la mathématique comme un enseignement pour enfants. Dans ce passage la forme dialoguée est supprimée.
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mathématique est considérée comme un caractère essentiel; à cause du caractère général de l'œuvre de Jamblique, nous pouvons, cependant, difficilement en tirer des conclusions concrètes sur l'exégèse de Platon 130 ). A ce propos la remarque de Merlan est intéressante et probable: Jamblique se rattacherait à l' Ancienne Académie avec l'intérêt qu'elle portait à la mathématique 181 ). Dans la même ligne, nous devons aussi voir l'emploi que Jamblique fait d'Aristote dans ce livre. C'est surtout dans la dernière partie - dans les chapitres qui se trouvent après la partie proprement pythagoricienne - que l'on a retrouvé des matériaux aristotéliciens 181 }. L'utilisation d'Aristote se fait - et c'est très caractéristique - à l'endroit où Jamblique parle des qualités de la mathématique: son utilité, sa grandeur, sa précision, sa valeur pour la connaissance de la vérité et· son importance au point de vue pédagogique. Mais ce n'est pas seulement à cet endroit que nous pouvons apercevoir l'influence d'Aristote. La construction très systématique du livre et les nombreuses définitions de la première partie rappellent une façon aristotélicienne d'aborder le sujet et nous y reconnaissons Aristote jusque dans les expressions employées par Jamblique 188 ). Quant au contenu du livre, il est important que justement les distinctions qui, dans la définition de la mathématique, se sont montrées prouver l'unité de ce livre, soient aristotéliciennes. Chez Aristote aussi la mathématique est en général une science qui porte sur des objets absolument immobiles, en même temps qu'Aristote relie la mathématique à la sphère du mouvement lorsqu'il est question de son application 18 '). Nous voyons alors comment, dans ce cas aussi, Aristote occupe une place fondamentale dans la conception philosophique de Jamblique. d) Le sens philosophique de la mathématique
Ce dont il s'agit en premier lieu dans ce livre c'est du sens philosophique de la mathématique. Non qu'il n'y soit vraiment question des propriétées fondamentales de la mathématique - car ces propriétés y sont vraiment traitées - mais en ce sens qu'il devient évident que la connaissance qui s'effectue dans la mathématique est de la 230) Il n'y a aucun doute que ce livre s'inspire du Timée et reprend les problèmes qui y sont traités; l'étude de la mathématique au chap. 4 a comme préalable aussi fv-1tÀ.1'8oçet d'autres sujets du dialogue de Parménide, comme le font remarquer respectivement MERLAN (From Platonism p. 16) et KoHNKE (J.J. p. 160). Mais le but est général. A cause de l'analyse du contexte dans le livre, nous ne pouvons pas donner raison a Merlan lorsqu'il dit qu'il est question dans ce livre d'une fausse interprétation du Timée, avec l'acceptation d'une sphère de l'existence divisée en quatre parties (J.J.). Le livre ne suppose justement que trois sphères de l'existence comme le fait le dialogue du Timée. 231) Spécialement Speusippe. En plus de MERLANvoir aussi DoERRIEPhR 3, 1955, 14-25. 232) p. 79,1-85,22 = Arist. fr. 52 et 53 R. Cf. DüRINO B 33, B 35, B 38, B 39, B 40, B 42, B 52, B 54-57. Ces passages se rapportent tous au Protreptique. P. 85,3 ss., JAMBLIQUE utilise Eth. Nic. A 1 p. 1094 b ss. 233) Dans une formulation comme u1to-ypa111roµev tv tu1t01ç autnv, roçav µaÀ.una 6uvatbv fi ico1v itEpi aùt1'ç ditEtv (p. 61, 15, cf. p. 12, 13) se font jour et l'exposé péripatéticien populaire et les expressions mêmes d'ARISTOTE,par ex. dans De l'âme 413 a 10: tultq> ... UltoyE'ypaq>Sm ltEpi lllllX1'Ç. 234) MERLANreconnait aussi ceci, voir p. 35.
131 plus grande importance pour toute véritable connaissance des réalités du monde. Dès lors Ja mathématique est aussi employée par tous les philosophes, lisons-nous au chapitre 15, parce que sa position médiane entre Je monde sensible et Je monde purement intelligible la rend parfaitement apte à exprimer toutes les données 1111). Prenant son point de départ dans le septième livre de Ja République, JambJique expose les données fondamentales de la mathématique: si nous comptons sur nos doigts nous voyons qu'un doigt fait un, deux doigts font deux, mais aucun de ces deux doigts n'a en soi rien à faire avec le nombre deux, d'où nous voyons que ce nombre deux se base sur une connaissance et une opération essentiellement intellectuelles (tà y& 6ûo K&xcoptaµtva vofta&t)188 ). Ainsi Je fait même de compter a une base ontologique plus profonde que ne l'est en soi le nombre empirique et ceci vaut à Ja fois pour l'étendue (géométrie) et pour les nombres (arithmétique), l'étendue n'étant reconnue qu'en vertu d'une opération intellectueJJe- une comparaison - et le nombre ne pouvant être compris qu'à partir des grandeurs déterminées inteJJectuellement, la dualité, la trinalité etc. 117 ). Ceci est, philosophiquement parlant, tout à fait essentiel, car cela veut dire que Je point de départ et le principe, le fondement et la véritable condition préalable de la mathématique - comme de toute philosophie est tà vorita 118 ). Par là la mathématique - soit sous la forme de la géométrie soit sous la forme de l'arithmétique - révèle et justifie la possibilité de Ja connaissance 1311). La compréhension mathématique concrète se produit donc en vertu d'une compréhension préalable sur laquelle Je savoir et la connaissance continuent à construire. Cette compréhension nous induit donc à chercher et à trouver, et cela est exprimé dans Je mot même de µaSriµanKft nous dit JambliqueH 0). Les conditions préalables à la connaissance mathématique dans ]es détails sont ainsi générales et c'est la raison pour laquelle JambJique place ce livre avant ceux qui, par la suite, traitent des domaines particuliers de la mathématique à la manière des Pythagoriciens 10 ). Ceci est exprimé par le titre: Kotvfi µaSriµattKfi tmatftµri. Voilà pour les conditions implicites préalables de la mathématique. Si nous 235) Chap. 2 p. 11,25: füatdwt 6t bd navta ooa µtaa tan rtvri tE Kai El6ri tti'>v6vtcov. Chap. 5 p. 18,25. Cf. la citation de Platon p. 61: xp,;mµov ... Eli; nilaav q>tM>aocplavet également p. 31,9 et p. 90,29 SS. 236) 6 p. 24. 237) li faut en tout premier lieu se référer à KLEIN, Die griechische Logistik und die Entstehung der Algebra. Sur ce sujet-ci voir surtout les p. 74 ss. ou Klein fait son exposé en référence à Platon. L'importance d'insister sur ce que àp1Sµrin1CT1n'est pas une « science de chiffres » (chiffre dans le sens de 'signe d'un entier' et de 'l'entier' lui-même) mais une « science des nombres » ressort clairement de Klein§ 6 « Der Begriff des àp1Sµ6ç » et de§ 7. Aristote, lui aussi, a souligné que àp1Sµ6ç n'est pas un « chiffre »: Metaph. 1088a6: oùK tan tô fv àp1Sµ6ç. 238) Sur la position pythagoricienne des problèmes et ses conséquences plus vastes, cf. KLEINp. 104 note I, et passim. 239) Cf. KLEIN,/./. p. 73-79. 240) Chap. 11 p. 45,14: o6oi; apa àno Ç11tT)O'EO)Ç di; EÜpEO'tV,Kai à1to µaSiJcrEO>Ç tli; ÇiJTllCJIV ,mi EÜpEmv,,; 6tà t6'>vµaSriµatcov tati npayµatda. ôSEv 611Kai tô Ovoµa tof>,o ftoç Kal 6p&l;tv aon,v &tn&v &lvat Kal olovtl q,lÀiav av où6t tmat11µT1v olov Èattv &ùl;coiac; (aO't'T1 6t 61à cpti..ooocplac; t& tn1vofjaa1· oùic lipa 6p&l;tv Tfjc; µfi i,cp&µ6VT1c;,i,cp' tttpou 6t où&vbc; auvt&Î..Eltat· atd>aTtc;tn1at11µT1c;&11ebc; dvat, àÎ..Â.à µdÂ.Î..Ov cp1Î..Oaocpla6t flµtv, cbc;f1PT1V, aocplac; 6p&ç1c;, tf'lc; Jt&pl tà 1CUpiroc; 6vta ical à&I mtà tà aocpia 6t Èmat11µT1tf'lc;Èv tolc; oùaw àÎ..T1S&iac;, aùtà ical cbaautroc;fxovta 1eai T1j JtPDOll'YOPiQ. 6vta 6t tà µtv IC\lp{coçuy6µ&va, tà 6t à&i auvuncipxovta. mi yàp 611 T1!1 tolitwv 6µcovliµroc;),àicp1136>ç 61&utv 1eal 61apSpii'.laa1 icataÂ.l111f&t auµf3tl3TtK& icai tl'tv tci>v6µcovliµroc; not&, tà totc; oùat auµl3&13T11e6ta. tii'.lvtolvuv ôvtcov ôvtwv napoµapt&tv, où6' È1tttT16&uS&taciv tii'.lvt& 1CUpiroc; 1eai tii'.lvicaS' 6µcovuµlav, 6n&p o[a 611tij (toO) icaS6Î..Outmat11µ1J (il) toO mtà µtpoc;· 'totyàp n&pi tii'.lv 1eaS6Â.ou· cpT1aiV Èati VOT1tii'.lv t& icai alaST1tii'.lv,tà µtv tanv ilvcoµtva 1eal àÂ.Â.TlÎ..OUXOllµ&VQ, o[ov Çii'.lov. 'Apxutac; '1eaÂ.ci>ç 61ayv6vt&c; fµ&Â.Â.ov 1e6aµoc;, 6tv6pov 1eai tà 6µ01a, cin&p ICUpiroc; 1eai n&pi tci>v icatà µtpoc; ola tvn 1Cai l6icoc;ICaÎ..<atµ&ytSTI,tà 6t 6t1JPTlµÈva ica Â.a, c; 6 v &ra Sa t .' 6161t&poù6t µovoy&vfl t& ical tv napaSta&t ical o[ov 1eatà acop&iav, où6t ànM uncipx&1tà ôvta, n011eiÂ.cl 6t ii6'1 li 1eautta1 nÂ.118'1, olov nolµVll, 6f\µoc;, ical 1toÂ.œ16f'lStcop&ttat, tci t& VO'ltà 1eal tà ical tà acopbc;, xopbc; ical tà napanÂ.11a1a. tci>v cipa àacoµata, (rov tà) 6vta il 1eÂ.f'la1c;, 6uo &16ii'.lv tolitcov tn1aTilµT1Vvoµtatfov T1'v acoµanicà icai un' alaST1atv 1t&ntw1e6ta,d 6fl aocpiav· àll' ÈJt&im'lv nÂ.f\Soc;1eain4v µty&Soç 1eatà µ&tOXflVicotvcoV&ttoO ôvtroc; y&vtaSat. cin&tpa tij autii'.lv q,00&1èç àvaylCTIÇÈatl (tô àic6Â.OuSovdv &Ill n&pl ncivtwv ànÂ.li>çtci>v ç a\JV&JtlVOEÎtat·toO µÈV 6t1JP'llµ6VOU 61à taOta npoxcop&(),al 6t tmatf'lµa1 navtroc; 1eatà napàS&aiv t& icai arop&iav, toO 6t auvn&n&paaµtvcov &laiv tn1atfjµa1, àn&ipcov 6t &xoOc; icatà fVQ)Givt& 1eaiàllT1Â.Ouxiav.1CUpiroc; où6tnot&, q,alv&tat 611, 6tt oût& n&pi ànÂ.ii'.IÇ 6t tô µtv a\JVEXÈÇ icai ilvcoµtvov ICaÎ..Olt'dv µty&Soc; oüt& n&pl ànÂ.li>çnMSoc; auatalTt µty&Soc;, tb 6t napaic&iµ&vov 1eai 6t1JP'll· liv JtOt& tJttGt'lµ'l (à6ptatOV yàp ticat&pov µtvov JtÂ.f'lSoc;. 1eai icatà µtv tflV toO µ&ytSouc; icaS' taut6 tatt, nÂ.flSoc;µtv tni tb nÂ.&îov, oùcriav, de; t& 6 1e6aµoc; tn1voott' dv 1eai µty&Soç 6t Èni tb fÂ.attov), àÂ.Î..a n&pi tt )..tyo1to at&p&bç icai a1pmp1icbc;t& icai auµàn' àµq,oîv à1pcop1aµtvov, ànb µÈv 1tÂ.l1Souc; Jt&q>uicÇ tautéjl lliat&mµtvoc; t& 1eai àÂ.Â.TIÂ.· Jt&pi tb noa6v, ànô llt µ&ytSouc; n&pl tô ouxouµ&voc;,icatà 6t tl'tv toO nÂ.11Souc; ncU.1v illtav ical fvvo1av ii t& auvta!;1c; 1eal 6taic6altTIÂ.ilCOV. µT1atc;icai cipµovia toO navtbc; tn1voott' dv tic toarovll&q,tp' E!ntîv atmx&icov 1eaiacpa1p(i)v icai àattpcov y&vrovt& icai Çcov icai cputii'.lv tvavt1ot11trov tE icai 6µmotiJtrov tfiv aliaTaatv fxouaa. àHà toO µtv nvcoµtvou tn' cin&tpov µÈv tic navt6c; tcm v il toµiJ, il 6' aül;T1atÇ
137 bd cbp1aµtvov· toO 6t 1ti..fiSouç icatéi àvt1u1t6vST]mv è1t' 1i..6i..aov.
Que Nicomaque soit le modèle de Jamblique, on ne peut le mettre en doute. Le choix des mots et le fil de la pensée le montrent. Mais c'est une reproduction très condensée du texte de Nicomaque qui e$t présentée, à laquelle s'ajoutent, très vite, les nombreuses additions de Jamblique. Il resserre les définitions, précise les expressions, donne une plus grande place aux considérations philosophiques, et ce sont surtout les nombreuses références à Archytas et à Philolaus qui contribuent à l'augmentation du texte. Des nombres impairs, ce sont d'abord les nombres premiers qui sont étudiés, puis les nombres composés (p. 27,16ss.). Ici Jamblique suit de très près la définition des nombres composés de Nicomaque, mais il n'y ajoute pas moins une remarque qui porte évidemment sur des sériesde nombres composés169 ). Mais, de plus, Jamblique voit ces nombres dans une proportion géométrique, tandis que Nicomaque les voit dans un rapport purement arithmétique. Comme exemples de nombres impairs composés, Nicomaque signale les nombres 9, 15, 21, 25, 27, 33, 35 et 39 et il met en lumière leur possibilité d'être décomposés; Jamblique, lui, part des faits géométriques, de la racine carrée dans le nombre 9, et, dans le nombre 27, des racines carrées (3 •3) et du nombre 3, etc., et il indique que, dans le cas de 27 = 3 •3 •3, l'illustration géométrique en sera un parallélogramme 180 ). Nous pouvons voir combien le texte de Nicomaque est peu utilisé et combien Jamblique rajoute du sien: NICOM.
lntrod. arithm. I 12
,p. ÂEUtEpotài; tytveto, 6 JISVS toO y, 6 6t l8 toO E ft vri Afa toO y, icai ol tcpeçfli; icatà tàv af>tov 1,.ôyov· cruvSetoç 6t tic to,a6t11i; altlai;, 6tt 61a1..uSel11 dv Eli; ticEfvouc;,~ d>vcruvt,r' aùteîlV' of>6tv 6t 6ta1..UtOVàcruvSEtOV,cUi.à mivteoi; cruvSetov.
Par cette comparaison nous pouvons aussi remarquer que Jamblique s'écarte bien davantage des expressions et des tournures de phrase qu'il ne l'a fait par rapport au texte de Platon, alors que la condensation du texte est aussi forte ou même plus forte. Avec l'omission de la suite des nombres et des autres exemples dont Nicomaque se sert comme explication, nous retrouvons un trait de sa manière déjà constatée lorsqu'il employait Platon. Concentration, omission d'exemples et liberté de style, nous retrouvons ces traits en d'autres endroits où Jamblique utilise le texte de Nicomaque, par exemple à l'endroit où Jamblique - à la suite de Nicomaque - explique les rapports numériques par des progressions arithmétiques (Nic. II chap. 3-4, Jambl. p. 51-52). Voici ce dont il s'agit. Si nous avons une progression arithmétique de quotient k dont le premier terme est 1, et si nous multiplions un des termes de cette progression par aussi longtemps que le produit sera un nombre entier, on voit que le nombre des termes de cette nouvelle progression arithmétique correspond à la place qu'a notre premier terme en partant de l. En outre, on voit que, à chaque terme de la progression arithmétique on peut multiplier une fois de plus de sorte que, si nous disposons les multiplications par 1~ verticalement sous chacun des termes de notre première progression arithmétique, les nombres se présentent de telle façon qu'ils forment un triangle rectangle. On y verra enfin que les termes de l'hypoténuse de ce triangle forment une progression arithmétique ayant pour quotient k + l. Nicomaque montre ceci en détail par des
Il
139 exemples et des illustrations, Jamblique beaucoup moins, et il le fait avec une condensation des définitions et des formules qui est à remarquer: NICOM.
lntrod. arithm. Il 3-4
y. "Anaç nou.«d.a.cno,; toao(mov tn1µopimvl11) tirriaua1 U,ywv ô:vnœpmvûµmv ailtcj), 6n6crtoç àv aùto,; &v tll"f'XŒV1Jô:no µovaooç, oüts 6t nÀSlÔVO>V OÜtS ilattÔVO>V où&:µdJ µrixavt1. 6id.o.a101 µtv oùv 'f1µ10Àiou,; q,oooua1v, 6 npibtoç l!va, 6 6sütspo,; 61'.Jo, 6 tpito,; tpslc;, 6 tttaptoç ttaaapaç, 6 ntµnto,; ntvts, 6 l!noç l!I; Kai oiits nÂSlova,; oiits Ucinova,;, ô:ll' te ô:vciYICTlc; nciaric;, 6tav tl'tv cruµµstpov noa6tT1ta ô:n0Mfkoo1v ot rsvvriStvts,; tn1µ6p101 lacip1Sµo1 ysv6µsvo1 totc; rsvvtiaaa1 noU.UnÀŒOio1c;,t6u 611 l!K nvoç 6a1µoviaç µrixavf!c; sûpi01Csta1 6 navtac; nspa(VO>V ô:p1Sµo,; ô:vsn(6SICtOÇ &v q>OOSl &Kslvou toO µoplou, KaS' 6 npotK01ttov ot tn1µ6p101· ô:no 6à tlbv tp1nÀŒalmv ot tffltp1to1 ncivts,; npoK61Voua1 Kai ailtoi laap1Sµo1 totc; ysvv6>cnv ol ysvvcbµsvo1 Kai nspa106µsvoi îS µEtà tflV ailtétpKSlŒV tf!c; npoKonf!c; slc; ô:p1Sµoù,; µl't tn1&n1Koù,; tpltou· Ka( tn1tttapto1 6t Katà taôtov tK tStpanÀaa(mv h1Kop6cpcoo1v ÀaµPftvovts,; ô:p1Sµov µstà tl'tv aûtliPICTI np6fkia1v tstétptou µl't tn1&n1K6v. o[ov 61nÀŒalmv µtv ôno&(yµatoc; xap1v laaplSµou,; ysvvcbvtcov 'flµ10Àlou,; 6 µtv dVO>anxo,; l!ata1 noU.UnÀŒaimv 6 npibtoç
JAMBL. ln
Nic. arithm. p. 51,2lss.
'En1&1xSdaric; 'flµtv tf!c; tlbv axtasmv nMtl'tv Ô:PXTtV èaxT11CUlaç, KaS6ÀlKÔVtl Ssd>priµa npoaÀT11tt&OV xpiJa1µov 'flµtv ta6µsvov slc; toi>,; ).{)you,; tf!c; cipµov1Kf!c;SSCDplaçto100tov. l!Kaatov t&v ô:no µovci&o,; noU.UnÀŒaimv fi oûnvoaoOv ô:p1SµoOnpciltou Kal ô:auvSttou toao6tmv tn1µoplmv tirriasta1 ).{)ymvàVtlnapmvûµmv 6n6crtoç àv aùto,; &v t\l"f'XUV1J ô:no µovci6oc; fi toO npciltou Kal ô:auvSttou. t4> µtv yàp mS' l!icaatov npciltcpnoU.UnÀŒalcpslc; f3ét&oçnapcbvuµoç de; tn1µ6p1oç napaypaq,iJasta1, &uttpcp 6& KaS' l!KaatOV 66o, tp(tcp 6t tpstc;, tStétptcp ttaaapsc;, ical tef!c; àicowSm,;, 1v Kal µuctlbv ô:no la6trito,;
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to Pft&oç ical tl'tv ûnoulvouaav. tic µtv yàp 611tÀŒalmvtpinMmol u ical 'f1µ16À101q,ooovtai, tic 6t tpinÀŒaimv tStpanMmol tS icai ènitp1to1, &K6t tstpanÀaalcov 1tSvtanMa1ol ts Kal èn1tttapto1, Kal èq,oaovoOv ô:d tf!c; ai>tf!c; ô:icowuSia,; ô:noacpl;oµtvric;. 6 6à auvsxl'tc; ô:si noU.UnMa1oç unocpoo&tal&làtf!c;UffOtSIVO\lOTIÇ iccoÀutTtPy1v6µsvoç t&v nspa1ttpm tf!c; dpriµtvric; tal;sm,; tmµoplmv èatspriµtvo,; to106tou 6 tpla tn1µoplou icaSo Ursta1 6 tn1µ6p1oç, roc; 'flµ(aou,; icai 6 ttaaapa tpitou ical 6 ntvt& t&taptou ical ô:sl 6µoimc;. icaS' ticaatriv 6t crup1na 6 icatà tl'tv 6p91'tv ymvlav tstayµtvoc; ô:p1Sµo,; npo,;toi>,; ticattpmSsv aunsvstc; icata ts to nMtoc; ical to PciSoc; U,yov t1và ànoaa&ioùic dtaictov, olov tv µtv til tGlv 611tÀU· aimv ticSta&1 611tMa16c; tS ical i>cp11µ16À1oc; y1v6µsvoc;, tv 6t til tli'.>vtpmÀaa[mv tp11tMa16,; t& ical imt:1tltp1toc;, Kal tnl tGlv Ào11tli'.>v àvaU,ymc;.
bcf.
261) mµ6p1oç est le mot technique pour 1~ qui est ici 1
HEATH,
Gr. Math. 1 p. 101.
140 Auti..aa!rov 6uiypaµµa· Katà tà 1tMtoç 6!1tMa1ov.
p y
~Qrvµ6VO>v 1Catcipç&1Kal aùtàç 6t où6aµ6'.>ç·aùtoO tn1tpitrov i..6yrov, 1ti..&16VO>v µ&V yap ltpo)tOÇ 6 Â.Ç, tOUto\l 6& 6&i>t&poÇÔ µ11, tp{tOÇ 6t tOUtO\l 6 !;6, ÔÇ OÙKÉtl tpitOV µtpoç fx&1, 610 oM' tn1tpitou 6&1Ct1K6ç,Kal ô tÉtaptoç t&aaaprov tiy&µci>v&atl i..6yrov Kai ô ltɵlttOÇ 611i..ov6t1ltÉVt&.tà 6t 61t66&1yµatOlOO6t 1toi..u1ti..aairov 6 tov· Kal tni t6'.>vÂ.011t6'.>v aùtàç tô'.>v6taypaµµàtrov fatro am tp61toç napat11poOvt1, Ôtl Kai tvtaOSa fi q,001ç, aiv&1611ti..aaiouç µtv tp11ti..aairov, tp11ti..acriouç 6t t&tpani..acrirov, toi>touç 6t 1t&vta1ti..acrirov, Kai à&i oütroç µtxp1 navt6ç· oi µtv yàp titi 1tÀatoç atixo1 o{ àvco-
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En plus de l'omission des exemples et des diagrammes nous remarquons ici comme trait caractéristique que Jamblique, par principe, généralise et rassemble en un tout ce que Nicomaque étudie séparément en se basant sur les exemples des deux parties principales: la progression arithmétique par 2 et la progression arithmétique par 3. Jamblique étudie ces deux cas ensemble et aboutit donc à la généralisation. Jamblique peut certainement omettre la retranscription des diagrammes du fait qu'ils étaient universellement connus; il peut donc s'en tenir à la référence au triangle (qu'il appelle ai>pl'y!;). En outre, la comparaison des deux textes permet clairement de constater combien Jamblique est loin d'être un simple copiste. Bien d'autres exemples pourraient être donnés de la manière dont Jamblique utilise le texte de Nicomaque, mais nous nous bornerons à ceux-ci 181 ). La façon même dont Jamblique se sert du texte de Nicomaque montre que ce quatrième livre de Synag. ne peut que d'une manière tout à fait impropre être appelé un commentaire du texte de Nicomaque. Il peut être lu entièrement sans référence à Nicomaque. On peut donc constater qu'il s'agit d'une introduction autonome à l'arithmétique. Ce n'est pas sans raison que D'Ooge se demande si ce livre ne devrait pas s'appeler une nouvelle édition de l'œuvre de Nicomaque plutôt qu'un commentaire de celle-ci183 ). Cette désignation n'est pourtant pas tout à fait pertinente, d'après ce que nous pouvons déjà voir de la manière dont Jamblique traite le texte de Nicomaque; de plus il en omet des passages essentiels 1H). Enfin nous pouvons conclure des additions faites que le but que vise Jamblique par son livre est un peu différent de celui que se propose Nicomaque par le sien. c) Les additions de Jamblique
Des remarques introduites par Jamblique dans le texte nicomaquien, la plus grande partie - et de beaucoup - consiste, pour chaque sujet, en aperçus du contexte historique et pythagoricien dans lequel il baigne, et en mises au point sur ce contexte. Dans l'introduction, Jamblique parle, non seulementd'Archytas-comme le fait Nicomaque - mais aussi de Philolaus, et à propos de la définition d'àp13µ6ç Jamblique donne 262) Ainsi l'abrégé que donne Jamblique p. 95,15-97,7 des chap. 13 et 19 de Nic. II. D'OooE donne (Nic. p. 127-131) un bon aperçu et une analyse de la relation Nicomaque-Jamblique. 263) Op. cit. p. 126: « Wc might pcrhaps call it a new edition », mais D'Ooge souligne aussi le caractère autonome du livre (ibid.): « His (i.e. Jamblichus') Commentary is really a treatise on arithmetic based on the Introduction, that is, a work having the same plan and purpose as the Introduction itself ». Jamblique lui-même caractérise, comme nous l'avons dit, le livre comme une daayroy11 (p. 104,15 et à la fin p. 125,14 ss.). 264) Ainsi I chap. 6, II chap. 2 et 5 etc. cr. D'OooE /./.
142 tout un aperçu historique qui manque chez Nicomaque et où les Pythagoriciens ont une place de choix 111 ). Il en va de même à propos de la définition de µovaç; ici Jamblique introduit les anciens Pythagoriciens, surtout Thymaridas 118 ). De plus, Jamblique insère un exposé de Ja règle connue sous le nom d'epanthema de Thymaridas qui permet de réunir plusieurs équations simples en une seule équation 187 ). C'est aussi en se référant au sens mathémacique qu'avaient éminemment les Pythagoriciens que Jamblique insère le théorème appelé théorème de diau/os, dans lequel un nombre au carré est caractérisé comme étant formé par la somme de deux séries de nombres, l'une ascendante, l'autre descendante 188 ). Dans la dernière partie du livre où Jamblique, par ailleurs, suit d'assez près Nicomaque en traitant de l'analogie, Jamblique accorde encore une fois plus d'importance au développement historique de l'idée d'analogie que ne le fait Nicomaque. Non seulement Jamblique distingue ici les anciens Pythagoriciens des nouveaux, mais, de plusieurs d'entre eux il parle individuellement, par exemple de Myonide et d'Euphranore 188 ). A plusieurs reprises tout au long dll; livre, Jamblique intercale des remarques critiques vis-à-vis d'Euclide, tout en soulignant ordinairement à cette occasion les définitions pythagoriciennes 170 ). Dans le même mouvement, d'autres additions semblent avoir pour but d'établir une unité entre ce livre-ci et les autres parties de l'œuvre. Il effleure ainsi en plusieurs cas la manière de considérer les nombres qu'il ne développera qu'au septième livre. Par exemple lorsqu'il parle de l'unité et de la dualité (µovaç, 6oaç) Jamblique signale ce que, par ailleurs, les Pythagoriciens voient dans l'unité et Ja dualité, ce dont il n'est pas question chez Nicomaque 171 ). Que les Pythagoriciens voient le nombre cinq comme une expression de la justice, ceci a déjà été mentionné au troisième livre, est indiqué ici et sera à coup stlr repris au septième livre 171 ). Lorsqu'il traite des nombres parfaits, Jamblique y insère une mention des perspectives éthiques de ces nombres et montre comment la définition d'àp&tT) comme une µ&tpt6tTtÇs'accorde 265) p. 10,8-24; après avoir mentionné Thalès, Pythagore, Eudoxe, et Hippias Jamblique donne p.11 un exposé et une critique de définitions plus récentes. 266) p. 11,1-26; de plus p. 12-13 passim ainsi que p. 77 ss. et p. 88 ss. Sur Thymaridas entre autres TANNERY MSc I s. 106 ss. 267) p. 62, 18-68,26, passage considéré par D'OooE comme une des plus importantes additions de la part de Jamblique. - btcivST)µa 8uµap16dov est traité chez HEATH,Gr. Math. I p. 94 ss. 268) p. 72,4: ciç1ov Sauµciaa, ttl!v 1t&pinuSay6pav niv Jt&pltà µaSiJµata CJJtou6iJvtt ml cb:plPt1av. Un diaulos est par ex. 1+2+3+4+3+2+1 = 41 • a. HEATH,Gr. Math. I p. 113 s. L'opinion de Cantor que le théorème du diaulos soit l'apport personnel de Jamblique n'est pas très probable. Jamblique - comme D'Ooge le signale à juste titre p. 128 note 2 - renvoie à Anatole et expose d'ailleurs ce théorème comme expression de la mathématique pythagoricienne. 269) p. 116. 270) Ainsi surtout p. 20 et p. 23-24. Pour d'autres passages cf. l'index de PlsTELU p. 133 s.v. Eukleides. HEIBERG,ayant en vue l'histoire du texte, examine (dans: Studien p. 196 ss.) les passages d'Euclide utilisés par Jamblique. 271) p. 13,10-15,5 ce dont il est parlé dans Theo/. arithm. p. 4,9 et 13,12 (µovcii; comme Atropos, 6uài; comme Isis etc.). Dans cette étude même des nombres, nous avons aussi en réalité un lien avec l'étude du symbole pythagoricien dans le 1e et le 2e livre. Il existe une relation étroite entre la conception pythagoricienne de l'arithmos et la symbolique pythagoricienne (cf. les propos sur le symbole ici au 4e livre p. 30, 19). 272) Comm. math. p. 61,1. ln Nic. arithm. p. 16,11-20,6. Cf. Theo/. arithm. p. 35,6 ss.
143 bien avec le nombre parfait, puisque celui-ci ne contient ni plus ni moins qu'exactement la somme de ses parties et est ainsi un moyen terme par rapport aux autres nombres 173 ). Sans que cela soit dit directement - et même s'il n'est plus possible de le vérifier - nous devons admettre que nous avons ici un lien entre ce passage et l'étude faite par Jamblique, au sixième livre, de l'arithmétique dans une perspective éthique. D'autant plus que, à propos du nombre 6 et (à la fin du livre) du nombre 10, il nous est donné une référence directe à une étude ultérieure de la doctrine pythagoricienne de ces nombres dans une plus vaste perspective, c'est-à-dire une référence au 7 8 livre 17 '). De même, lorsque Jamblique parle à maintes reprises du rapport entre l'arithmétique et la musique - ce rapprochement ne se trouve pas chez Nicomaque - ceci nous annonce le 9 8 livre 176 ). Si nous comparons la façon dont Jamblique traite l'analogie à la fin du livre avec l'exposé de Nicomaque nous pouvons remarquer - outre l'étude plus historique déjà mentionnée - un compte-rendu plus détaillé au sujet de la terminologie et surtout un plus grand intérêt avoué pour ce qui se passe, au point de vue philosophique, lorsqu'on se sert de l'analogie. Après avoir défini l'analogie comme une combinaison de deux ou trois proportions (À6yo1) et d'une façon plus générale, comme une combinaison de deux ou de plusieurs relations (axta&tç) de sorte qu~une analogie suppose au moins 3 grandeurs, Nicomaque passe immédiatement aux exemples pour illustrer ceci. Jamblique, lui, souligne d'abord que « relations » doit s'entendre ici de relations entre des grandeurs de même ordre (ôµoy&vf'j)178 ). On peut parler d'une mine par rapport à un talent parce que la mine et le talent ont le « poids » comme genos commun, et de même on peut parler de relations entre longueurs, surfaces et volumes car ceux-ci ont la « grandeur » comme genos commun. La condition requise pour la connaissance par l'analogie est donc la même que pour toute l'arithmétique: que plusieurs phénomènes individuels s'additionnent sous un 177 ). Ensuite, ce qui est spécial à genos commun, tà û1to taôtô ytvoç m>yKplv&tv 273) p. 32,2.5-33,14. Quand HuLTSCH(Erlauterungen p. 249-.50) pense que Jamblique a été plus loin que Nicomaque dans la connaissance des nombres parfaits, parce que Nicomaque n'en nomme que 4 (6, 28, 496 et 8128), tandis que Jamblique ajoute qu'il se trouve un nombre parfait dans chaque myriade, cet exposé est inexact. D'une part Nicomaque mentionne en effet (I p. 16,7), que l'on peut aller au-delà des 4, d'autre part c'est plutôt l'énoncé de Jamblique, qui du point de vue mathématique, n'est pas entièrement satisfaisant; s'il avait en effet, pour calculer le nombre parfait, employé la méthode indiquée par Nicomaque et qu'il expose lui-même, il aurait pu constater qu'il n'y a aucun nombre parfait dans les nombres à .5 chiffres. En fait, le nombre parfait qui suit 8128 est un nombre de 8 chiffres (voir D'OooE p. 209 note 2). 274) p. 34,20 ss. p. 3.5,7: àll' t1td Kat' olK&tov t6ltov &iû.oOiœv tà û1tô tli>v ITl.>Sayopt:irov de; niv to1airtT1v St:(l)p(av 1tàw àv8T1potàtT1v Kal yÂ.acpopàv oooav àvacp&p6µ&va,xroPT1ttov Altità tl;,fjc,;. Theo/. arithm. p. 43,7 ss. Pour la p. 118,12, cf. Theo/. arithm. p. 80. 27.5) Jamblique y renvoie directement p . .51,24 (cf. ci-dessus citation p. 124) et p . .52,28-29. Tout le chapitre sur la musique propre à Jamblique dont on trouve des parallèles chez BokE (voir notes dans l'édition de PISTELU),annonce le 9e livre. Le rapport résulte organiquement de ce que la quantité relative, mentionnée cet endroit dans l'arithm., à vrai dire, fait partie de la musique - et Nicomaque est du même avis. Il ressort aussi de la fin du livre, où sont énumérés les livres suivants, que Jamblique relie ce livre à !'oeuvre complète. 276) p. 94,14 ss. Nic. II 21,2--4. Cf. D'OOGE, Nic. p. 130. 277) p. 98,14 SS.
cr. cr.
144
la science de la proportion est que dans celle-ci non seulement nous additionnons sous un même genos, mais encore que nous tenons ensemble une proportion sous un certain genos avec une autre proportion sous un autre genos, d'où on peut parler tout particulièrement d'une ouyKpt01ç. Mais comment des grandeurs d'ordres tout à fait différents ont-elles des rapports entre elles, il nous est impossible d'en dire quoi que se soit 278 ). Il n'y a aucun doute que D'Ooge puisse avoir raison au point . .du vue purement historico-mathématique lorsqu'il dit que l'étude que Jamblique fait de l'analogie n'a pas grande signification. Mais la perspective philosophique que Jamblique attache à l'exposé en a d'autant plus de valeur.
d) But poursuivipar Jamblique dans son 4e livre
Il ressort des diverses références mentionnées que Jamblique insère ce 4 9 livre dans l'ensemble de l'œuvre de telle façon que le but qu'il y poursuit se rattache clairement au plan général de l'œuvre. Et cela se dégage aussi de la grande place donnée, dans son exposé, aux perspectives historiques et surtout pythagoriciennes. La préoccupation de Jamblique est bien de donner un exposé autonome de l'arithmétique éventuellement comme une nouvelle édition très remaniée du texte de Nicomaque, mais elle est bien plus encore d'offrir une étude de l'arithmétique pythagoricienne, alors que, chez Nicomaque, nous trouvons plutôt la position opposée: pour lui c'est le point de vue mathématique qui a plus de poids que le point de vue historique, même s'il ne nous cache pas qu'il écrit en tant que Pythagoricien. Ceci nous explique combien Jamblique apporte plus d'intérêt à la philosophie que Nicomaque n'en avait apporté. Il s'agit vraiment chez Jamblique d'un exposé des données de base de l'arithmétique, mais en même temps il est évident que celles-ci ne peuvent être étudiées pour elles-mêmes, mais afin de montrer et la complexité et les perspectives philosophiques qu'elles contiennent, précisément en tant que données mathématiques. Quelles sont les conditions épistémologiques impliquées dans les opérations mathématiques, comment se comportent les opérations mathématiques par rapport à d'autres formes d'analyse philosophique etc., telles sont les questions que Jamblique fait sans cesse entrer dans l'exposé. Ceci est précisément conforme à ce qui, pour Jamblique, est l'essentiel de la pensée pythagoricienne: que l'on ne doit pas s'adonner à la mathématique purement et simplement pour elle-même mais à la mathématique comme chaînon de la connaissance philosophique universelle. En outre, nous voyons par là combien ce 4e livre entre tout normalement dans l'ensemble de l'œuvre si nous considérons son caractère d'introduction à la philosophie et de préparation à l'étude de Platon. Ce lien avec Nicomaque établi par Jamblique ne détruit aucunement cette visée, mais il aide au contraire à la renforcer. Car Nicomaque est sans doute pythagoricien, mais il est aussi platonisant, et il mentionne très souvent que ceci ou cela est utile à 278) p. 98,23: -rà lit àvoµoytvf'I fféilç fxe1 ffpoç liÂ.ÀT1Àaoù lluva-rov dlltvm.
145 l'étude de Platon 1711). Il n'y a donc aucun doute que déjà l'œuvre de Nicomaque doit être considérée dans la ligne des ouvrages mathématiques d'introduction à l'étude de Platon 180 ). Même si l'arithmétique de Nicomaque sous sa forme extérieure se présente comme une étude de l'arithmétique plus autonome que celle de Théon par exemple qui étudie ex professo (par le titre et l'introduction) des problèmes mathématiques importants pour la compréhension de Platon, les deux œuvres ont pourtant une ressemblance si frappante entre elles que la tradition commune se laisse percevoir281 ). Quant à Jamblique, remarquons que les additions qu'il fait au texte de Nicomaque sont plusieurs fois prises du traité de Théon 181 ). Nous voyons par là que l'exposé de Jamblique se rapproche encore davantage de ce but: être une introduction à l'étude de Platon. A part cela on y trouve aussi d'autres rapports à l'étude de Platon; il est par exemple caractéristique que Nicomaque, dans la science des proportions qui a une grande place et chez lui et chez Jamblique, renvoie directement à l'étude de Platon, et que Jamblique le fasse encore plus souvent 183 ). Tandis que Jamblique nous présente ainsi un exposé sur les données fondamentales de l'arithmétique, il devient évident qu'il le fait en liaison étroite avec le but de l'ensemble de l'œuvre. e) Méthode de travail de Jamblique dans le 4e livre et ses conséquences pour la compréhension de sa méthode de travail dans l'ensemble de la Synagoge Pythagorica.
La méthode employée par Jamblique dans le 4e livre ne peut pas ne pas avoir de
conséquences pour notre compréhension de sa méthode de travail dans le reste de l'œuvre. Ici Jamblique nous dit lui-même qu'il veut reproduire Nicomaque et tout Nicomaque; nous voyons pourtant une transformation frappante dans son exposé: non seulement le texte est extrêmement condensé et rendu par d'autres mots et expressions, mais des passages sont omis et bien du nouveau est ajouté. Cela dépend naturellement d'une conception précise, - déterminée par le sujet traité - de ce que veut dire« une reproduction». Nous allons donc considérer ce que cela signifie pour les autres parties de la Synagoge. Tout d'abord, lorsque Jamblique mentionne ici sa référence, alors qu'il ne l'a pas fait dans les livres précédents, c'est sans doute que les rapports que ces autres livres 279) Sur la tendance à platoniscr de Nicomaque, voir D'OooE, surtout p. 36, mais aussi p. 92 ss., p. 260,2 et passim. Sur les références de Nicomaque à l'étude de Platon (par ex. Il p. 24, 11) voir D'OoGE p. 28 note l. 280) Là-dessus cf. D'OoGE, op. cit. p. 27-28. Le lien entre les ouvrages d'introduction à la mathématique et les ouvrages de commentaires se constate aussi par ex. lorsque Calcidius, dans son commentaire du Timée, traite des passages de Platon d'une façon qui ressemble étonnamment à celle dont Jamblique traite ici des mêmes sujets. Cf. l'index de l'éd. de Calcidius p. 429 s.v. Jamblicus). 281) Le lien étroit entre ces deux ouvrages ressort de la comparaison de D'OoGE p. 36 ss. 282) Ainsi par ex. monas p. 11,1-26 THÉ0N p. 18,3; de plus p. 91, 3-93,7 et p. 113 (voir D'OoGE p. 281 note 3). 283) a. D'OooE, op. cit. p. 25. A la fin de son exposé d'àvaÀoyia àp1SµTJtt1CTJ JAMBLIQUE cite Tim. 36 a; à propos de ycwµctpl1CllàvaÀoyia il cite textuellement Tim. 3Ic-32a alors que NtC0MAQUE renvoie plus généralement à 32 a-b; de même à propos de la 3e forme analogique àpµovuo) ne donne ici aucune référence. àvaÀOyia JAMBLIQUE renvoie au Timée 36 a, tandis que N1coMAQUE
~
146 ont avec leurs sources sont, de fait, plus compliquées que dans les cas du 4e livre. Si nous comparons les autres livres avec le 4e nous devons conclure que, selon toutes probabilités, le problème des sources des autres livres est si compliqué qu'il serait inadéquat pour le but de l'œuvre de vouloir en démêler tous les fils. Jamblique n'est pas un copiste, mais il traite sa documentation d'une manière libre et souveraine. Nous pouvons même voir qu'il est plus sévère que Nicomaque dans son exigence d'un exposé clair et concis. Cela veut dire qu'en général Jamblique fait simplement subir à ses documents cette refonte et cette précision d'expression que nous avons constatées. Puisque Jamblique n'a pas indiqué auparavant ses sources de façon explicite, nous devons nous demander - en partant de l'étude du 4e livre - s'il n'est pas plus vraisemblable d'admettre qu'il n'a pas du tout travaillé avec ses sources de la même façon qu'il le fait ici. Il nous semble nécessaire de supposer que Jamblique n'a pas repris à son compte, dans les livres précédents, des rédactions comme celle de Posidonius par exemple. Il en va naturellement un peu autrement lorsqu'il s'agit de Platon et d' Aristote, aussi bien que des anciens Académiciens, parce que le recul historique a, ici, un rôle à jouer. Platon est connu à tel point qu'il n'y a aucune nécessité à le nommer comme source d'information. Mais, ainsi que nous le constatons dans le 4e livre, la situation n'est évidemment plus la même quand il s'agit des sources plus récentes ou contemporaines. De même que l'emploi fait par Jamblique des textes de Platon dans les livres précédents est un sérieux memento pour toutes les recherches et les travaux entrepris pour retrouver, dans le texte de Jamblique, des fragments - notamment d'Aristote ainsi le 4e livre rappelle à nouveau combien Jamblique est capable de retoucher sérieusement un texte en vue du but poursuivi. Il est sûr que, là où Jamblique se base sur Platon, il retient plus strictement les expressions linguistiques de Platon qu'il ne le fait lorsqu'il se base sur Nicomaque - ce qui tient évidemment à l'autorité plus grande de Platon - et ceci pourrait également valoir pour Aristote. Mais tout de même nous avons devant nous, et des textes condensés, des omissions aussi bien que des additions, et le fait que Jamblique travaille de façon personnelle et originale. Il est normal que ceci ait des conséquences quant au problème de savoir dans quelle mesure nous pouvons extraire de l'œuvre de Jamblique les textes d'autres auteurs alors que, lui-même, il ne les cite pas comme sources étrangères; et cela a encore des conséquences quant à la signification de la Synagoge de Jamblique.
6. Conclusion Ainsi prend fin notre étude des 4 livres de la Synagoge Pythagorica, qui nous ont été conservés. Même si l'écrit anonyme Theologumena arithmetica - également conservé - a, sous plusieurs aspects une affinité avec le 7e livre de Jamblique, ce qui ressort de références trouvées chez Jamblique, cette œuvre est pourtant si différente de tout ce que nous avons rencontré dans les quatre premiers livres qu'il n'est pas plausible d'admettre que les Theo/. arithm. puissent être le 7e livre de Jamblique. La
147 différence est sans doute grande, en sorte que nous n'approfondirons pas davantage la problématique soulevée ici 184 ). Cependant les quatre livres conservés contribuent déjà à nous présenter un portrait détaillé de Jamblique en tant qu'auteur philosophique. Nous avons rencontré un auteur qui, dans cet ouvrage, rédige une œuvre de vulgarisation, facile à comprendre et en même temps d'une clarté et d'une précision remarquables. Peut-être s'agit-il d'une œuvre de jeunesse; nous ne pouvons le savoir, car tous les traits qui pourraient nous inciter à attribuer cette œuvre à un jeune homme peuvent être aussi le fait d'une intention de vulgarisation très consciente. La manière souveraine de traiter les textes de Platon pourrait pour une large part inviter à penser que la tendance à la vulgarisation qui se trouve dans l'œuvre est, à vrai dire, un procédé intentionnel. Quels sont les traits de la physionomie philosophique de Jamblique que nous trouvons dans les quatre livres de la Synagoge? Nous pouvons dire que nous sommes en présence d'un auteur philosophique qui a mis un intérêt particulier et une grande sympathie à comprendre la philosophie en liaison étroite avec le comportement et le style de vie, comportement et style de vie nés de la contemplation incessante (theoria). En outre la mathématique est pour lui un élément essentiel de l'éducation philosophique et de la connaissance et de la recherche philosophiques. Elle est donc vraiment rationnelle; de plus une connaissance philosophique véritable ne peut, pour lui, se séparer de la compréhension et de la connaissance des symboles. Enfin la philosophie ne constitue pas un domaine scientifique précis et très specialisé, son champ d'action est le domaine courant de l'existence. C'est pourquoi elle est par essence pédagogique et se construit selon une méthode progressive en laquel'.e le regard doit en toutes circonstances se porter sur l'ensemble. 284) A une époque plus récente, c'est notamment KROLL(dans RE s.v. Jamblichos col. 650), qui a souligné que Theo/. arithm., dans sa forme actuelle, ne peut être pas admise comme étant de Jamblique. La probabilité historique de ce qu'il soit question d'une compilation de date récente se renforce par le fait qu'il a existé toute une tradition - maintenant disparue - d'oeuvres de ce genre. En se référant à MACROBEI sat. c. 18, Fabricius mentionne des Theo/ogumena perdus d'ARISTOTE(III p. 191); SPEUSIPPEa écrit des Theo/.arithm. (cf. fr. 4 Lang et de plus Lang p. 26-27, à quoi il faut aussi ajouter TANNERYMSc I p. 281 ss.); sur la mystique des nombres dans !'Ancienne Académie, voir DIÈS, Autour de Platon p. 71-81; la tradition sur des arithm. theol. de Platon via Speusippe à Posidonius, Moderatus et Nicomaque est mentionnée par PHn.lP, Biogr. Trad. p. 193 avec référence à BoRGHORST,De Anatolii fontibus. L'opinion de ZELLERet MAU que Theo/. arithm. soit identique au livre de Jamblique sur le même sujet est probablement due à leur mésestime de Jamblique. Parmi les savants plus anciens, GALEacceptait cette identification alors que AST la rejetait. Le texte est étudié par P1sTELLldans: Studi it. di/il. c/ass. S, 1897, 425-28 et par FALCOJA W 294, 1943, 102 ss., d'où il ressort clairement que ce livre-ci, encore plus que les livres déja étudiés, se compose de plusieurs morceaux disparates qui ont été purement et simplement disposés l'un à coté de l'autre. Cf. de plus HEIBERG,Anatolius (où les Theo/. arithm. sont généralement appelés un« recueil tardif», cf. compte-rendu dans ByzA 1902 p. 677-78), UP p. 520 et MERLAN, From Platonism p. SI ss. (Merlan y renvoie à d'autres études).
CHAPITRE III
De mysteriis Aegyptiorum Nous passons ensuite au seul ouvrage qui nous ait été transmis intégralement, le De mysteriis Aegyptiorum; l'authenticité de l' œuvre admise, nous devons considérer la contribution qu'apporte cet ouvrage à l'image de Jamblique comme auteur et philosophe.
1. Occasion et contenu de l'œuvre L'occasion de cet écrit a été une lettre que Porphyre a écrite au scribe du temple égyptien Anebo. Porphyre y a exprimé ses doutes et ses hésitations au sujet d'une série d'enseignements usuels de la religion et il a énuméré bon nombre de questions qui lui posaient des problèmes. Bien qu'il n'aille pas jusqu'à nier l'existence des dieux, il pose pourtant la question de savoir si la religion est nécessaire à l'homme et à son bonheur. Cette lettre de Porphyre est perdue, mais son existence est si bien attestée dans l' Antiquité qu'elle a pu être reconstituée pour une large part. Eusèbe, Théodoret, Cyrille et Augustin la citent, sans compter que la réponse dans le De mysteriis Aegyptiorum prend très souvent une citation précise comme point de départ. Déjà Gale avait essayé de reconstituer la lettre, notamment à partir de myst. Aeg.; cependant c'est l'opinion de Gale que Jamblique, dans le De mysteriis Aegyptiorum, donne lui aussi une réponse aux questions que Porphyre a traitées dans d'autres ouvrages aujourd'hui perdus, et ceci rend difficile la reconstitution de cette lettre 1). Parthey, dans son édition, a signalé avec plus de précisions que Gale, les références à la lettre. Depuis lors, la question de l'importance et du contenu de cette lettre a été compliquée de surcroît par le fait que la tradition arabe porte à croire qu'il a existé un ouvrage de la main de Porphyre en deux volumes; ce pourrait aussi bien à une telle œuvre que Jamblique aurait répondu 2). En tous cas, il nous a été conservé une grande partie de l'écrit de Porphyre, si bien que nous connaissons de toutes façons fort bien l'occasion de cet ouvrage de Jamblique. Une nouvelle édition de la lettre de Porphyre a été publiée par Sodano. Jamblique répond à l'ouvrage de Porphyre sous le pseudonyme d'Abammon. Dans l'introduction, cet Abammon se présente comme le maître et le supérieur 1) Cf. 2) Cf.
GALE
p. 182, 210-11 et 215. Philo/. sacra p. 100-102.
ALTHEIM-STIEHL,
149 d' Anebo: il est prophète tandis qu' Anebo n'est qu'un scribe du temple, c'est-à-dire qu'il a un rang inférieur dans la hiérarchie sacerdotale égyptienne. Gale a divisé l'œuvre de Jamblique en 10 grandes parties et cette division est, somme toute, acceptable 8). Cependant nous devons remarquer que l'ouvrage, en plus d'un cas, relève une seule et même question en différents contextes et d'après différents points de vue, ce qui rend l'exposé moins rigoureusement délimité. Mais en principe on peut donner la division suivante: 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8.
Les dieux et le divin en général Démons et héros, leurs manifestations La mantique De l'influence des dieux etc. Sacrifices et prière Prescriptions religieuses et actes rituels La théologie égyptienne symbolique La cause première, l'astrologie et la volonté libre d'après la théologie égyptienne 9. Le démon protecteur de l'homme 10. Le bonheur A noter que les parties 2, 3, 5, 7, 9 et 10 sont nettement délimitées dans leur sujet, mais que, en dehors de la première partie, la matière du sujet est beaucoup plus complexe dans les parties 4, 6 et 8. Pour l'interprétation et la compréhension de cet ouvrage de Jamblique son point de départ dans la lettre de Porphyre est d'une importance décisive. On voit en effet partout dans l'ouvrage que l'auteur tient à répondre aux questions posées par Porphyre. Constamment le point de départ de chaque nouvelle partie renvoie directement à la question de Porphyre'). Il suit de là qu'on ne peut recourir au contenu de l'ouvrage comme étant caractéristique de Jamblique parce que - étant donné qu'il est une réponse - la thématique et le contenu de l'ouvrage ne sont pas fixés par Jamblique mais par Porphyre. D'une certaine manière Jamblique travaille, lié par un mandat impératif. Mais ce qui ici caractérise essentiellement Jamblique, c'est qu'il s'engage à une réponse à ces questions, c'est ensuite l'interprétation qu'il en donne et surtout la façon dont il traite les questions et y répond. C'est donc ceci qui doit surtout attirer notre attention. Nous ne voulons pas dire par là que c'est uniquement cette façon de travailler qui caractérise l'ouvrage et Jamblique à travers cet ouvrage. Seul le fait que Jamblique assume la charge de donner une réponse aux questions de Porphyre implique une prise de position de sa part; et de plus ce qui contribue à caractériser Jamblique, est qu'il choisit de donner une réponse sous l'angle de la théologie égyptienne. Dans cette prise de position il y a implicitement une appréciation de la situation de l'Hellas 3) Cf. analyse du texte chez GALE (reproduit chez Parthey), HoPFNER p. XX-XXI et DESPLACES p. 8-12. 4) Voir 1,2 p. 5,15 et p. 7,10-11; 1,3 p. 7,12 et p. 8,14; 1,4 p. 13,8; 1,9 p. 29,16; 1,15 p. 45,8; 1,17 p. 50,13; 1,20 p. 61,5 etc.
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par rapport à l'Orient, de la philosophie et de la religion; on constate là aussi que ces thèmes ne sont pas seulement implicitement mais aussi explicitement exposés dans l'ouvrage. Ce qui contribue encore à caractériser Jamblique est qu'il met sa réponse sur les lèvres du prophète égyptien; pour comprendre cet ouvrage, il est nécessaire de tenir compte du fait que Jamblique écrit ici sous un pseudonyme. Enfin, nous pouvons considérer l'œuvre dans l'arrière-plan du contexte historique qui met en relief le De mysteriis Aegyptiorum et contribue à en faire ressortir l'originalité. Il nous faut étudier ces diverses dimensions de l'ouvrage avant d'analyser de plus près la méthode de travail de Jamblique et après l'analyse de la méthode de travail, regardée comme un trait essentiellement important de son œuvre, nous devons en dernier lieu considérer les dimensions philosophico-religieuses qui se font jour ici.
2. L'Hellas et l'Egypte « Il n'est pas juste», dit Abammon au début de l'ouvrage,« que tu ne trouverais aucune aide du côté de la sagesse égyptienne, alors que Pythagore, Platon, Démocrite, Eudoxe et beaucoup d'autres parmi les anciens grecs ont pu acquérir la sagesse chez les prêtres égyptiens » 6). Par cette introduction à la réponse faite à Porphyre, nous avons une perspective précise. La sagesse égyptienne n'est pas seulement à ce moment une source qui ouvre à une compréhension plus profonde de l'existence, elle l'a toujours été. L'histoire de la philosophie grecque le montre; telle est la perspective dans laquelle le début nous place 11). Nous pouvons remarquer ici immédiatement l'accord avec Synag. Pyth., où il a été souligné que Pythagore avait puisé aux sources de la sagesse égyptienne. Nous trouvons maintenant ce thème développé. Il est important de se rappeler que ce n'est pas seulement une appréciation d'un oriental portée sur la situation, en réalité ce thème est en accord avec la grande partie de la philosophie grecque et sa compréhensi0n de soi-même. Il y a un intérèt tout particulier à ce fait que la conviction qu'il existe une situation de dérivation entre la sagesse égyptienne et la philosophie grecque semble spécialement forte dans l' Ancienne Académie, comme nous la trouvons chez Aristote et les Péripatéticiens. Dans l'Académie, Eudoxe de Cnide notamment a rapporté à la Grèce de son long séjour en Asie et en Egypte (où selon Strabon XVII il se trouvait avec Platon) une nouvelle connaissance de l'Orient et de l'Egypte, et nous savons par Pline qu'Eudoxe estimait Zarathustra7). Werner Jaeger déplore à bon droit, dans son livre sur Aristote, que la tendance orientalisante de l'Académie ait été beaucoup trop souvent sous-estimée, car, bien entendu, cette tendance a une très grande signification pour juger exactement d'une grande partie de l'histoire de la philosophie grecque, ainsi que de la section qui nous occupe ici8). 5) 1,1 p. 2,9-3,5. 6) Dans une note sur les « beaucoup d'autres » auxquels renvoie Abammon, Parthey énumère plus de 30 grecs que la tradition rattache à l'Egypte. 7) Sur ce point cf. entre autres JAEGER, Arist. p. 150 et 133; MEAUTIS dans Revue de Philo/. 43,1919, 21-35; FESTUGJÈRE, Platon et l'Orient; MERLAN, From Platonism p. 155. 8) JAEGER, Arist p. 133.
151 En ce qui concerne Aristote, nous pouvons constater comment, au début de la Métaphysique, il reconnaît les études mathématiques de la caste sacerdotale égyptienne et c'est l'opinion de Jaeger qu'Aristote dans le De Philosophia - en conformité avec la tendance del' Académie - a attaché une grande valeur à l'influence de l'Orient 9). Parmi les Péripatéticiens, Démétrius de Phalère est allé en Egypte, et Cléarque a écrit sur les gymnosophistes indiens et sur le style de vie des Egyptiens 10 ). Nous voyons par là que l'évolution d'Aristote n'a pas signifié que l'intérêt pour l'Orient soit devenu moindre dans son école qu'il ne l'avait été dans l'Ancienne Académie. Ceci se rattache sans aucun doute à la position de Platon. C'est un fait avéré que nous trouvons exprimé chez Platon une attention à l'Orient et à sa signification. Nous pouvons citer quelques passages comme le Politique 290 d-e, Gorgias 524, Phèdre 274 d etc., et nous pouvons penser à la trame orientale des mythes de Platon 11 ). Mais il y a surtout lieu de penser que la tradition au sujet du voyage de Platon et de son séjour en Egypte était vivante dans toute l' Antiquité, comme on en trouve notamment l'expression dans la tradition biographique 11). Comme les Prolégomènes anonymes à la philosophie de Platon en témoignent: quand Platon découvrit que la philosophie pythagoricienne provenait d'Egypte, il visita aussi l'Egypte et en revint avec des connaissances sur la géometrie et l'hiératique 18). On a souvent mis en doute l'authenticité de ce voyage de Platon, mais probablement sans raison. Lorsque nous voyons l'unanimité de la tradition et que nous considérons que Solon aussi bien que Pythagore ont séjourné en Egypte, nous pouvons considérer ce séjour comme tout à fait plausible - à moins que nous ne désirions de parti pris rejeter l'influence exercéepar l'Egypte et l'Orient sur Platon et la philosophie grecque. A vrai dire, les sources autorisent à admettre avec Diès que Platon a fait un séjour en Egypte qui, ainsi que le dit Diès, « eut plus d'importance et sans doute plus de durée » 14). Mais quoi qu'il en soit de l'historicité de la tradition qui nous rapporte le séjour de Platon en Egypte, cette tradition nous révèle dans l'histoire de la philosophie grecque la tendance générale à considérer la sagesse égyptienne et orientale comme la source de la philosophie grecque. Que la philosophie grecque ait été autochtone, nous ne le trouvons supposé qu'en peu de passages 16). Ceci est important, car au point de départ de son œuvre De mysteriis Aegyptiorum, Jamblique peut se rallier directement à une tradition philosophique grecque, si bien qu'on ne peut légitimement dire qu'à 9) Metaph. 1,1 p. 981bl-982a2; JAEGER,Arist. p. 130 et 325. 10) DÉMITRIUSfr. 17 et 50 Wehrli, pour fr. 202 (du TERT. apo/. 19) cf. le commentaire de Wehrli fr. 13-14 W. p. 88. - CLÉARQUE, Il) Nous avons un témoignoge très important sur l'opinion dans l'Antiquité tardive de la position de Platon sur ce point chez Clément d'Alexandrie. On lit strom. 1,66,3 p. 42,2: TIMtcov 6t OÙK àpv&ttal tà 11:alllata &lç q>lÀooocpiav1tapà t&v JmplJapcov tµnop&uto9al &lç t& Atyuntov àcplKÉo9m 6µoÀoy&t. Dans la suite, Clément étudie ces passages chez Platon. Sur cette question cf. aussi BmEZ,Eos. 12) 0. BlDEZ,Eos p. 17-22. 13) ANON. pro/eg. 1,4. 14) DIÈS, Autour de Platon p. 286. 15) KIENLE,Philosophen-Sukzession p. 99. Selon CLEM.ALEX.,strom. 1,67,1 p. 42,8 Epicure aurait pensé que seulement les Grecs pouvaient philosopher.
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ce point de départ il« orientalise » plus que la philosophie grecque elle-même n'invite à le faire. Nous ne voulons pas dire par là que l'intérêt pour les sources égyptiennes et orientales de la philosophie grecque aient toujours été aussi vivantes. Après l'époque de l' Ancienne Académie et de l'Ancien Peripatos, cette tradition fut moins vivante. C'est seulement à l'époque hellénistique qu'elle apparaît clairement de nouveau. Cela se passe chez Posidonius et - immédiatement avant le néo-platonisme - chez Numénius18).Puis ce fut tout d'abord Alexandrie qui devint la porte d'un nouveau contact avec l'Orient et de l'inspiration qu'on pouvait y puiser, et par là-même, elle devint tout naturellement le lieu de la redécouverte de l'influence antérieure qu'a eue l'Orient sur la philosophie grecque 17 ). Ammonius Saccas y est une personnalité centrale; il amène son compatriote Plotin à la sagesse égyptienne, et c'est lui qui l'entraine à s'intéresser à la philosophie perse et indienne 18). Mais nous voyons justement chez Plotin comment il est possible - malgré cet intérêt et cette inspiration ou peut-être précisément à cause d'elles - de prolonger la philosophie grecque et par surcroît de la développer 19). C'est ici que Jamblique est héritier, et à travers le tout apparaît la conviction que la vérité est une et la même partout; c'est pourquoi on pourrait aussi trouver la vérité exprimée en bien des endroits différents. Cette pensée de la philosophie grecque, nous la trouvons exprimée plusieurs fois chez Aristote 10 ). Chez Jamblique elle est supposée et de plus complétée par un ordre qui se manifeste aussi historiquement par le fait que la sagesse égyptienne est la source de la philosophie grecque.
3. Religion et philosophie Les rapports à la fois historiques et de principe entre l'Egypte et l'Hellas impliquent des rapports entre la religion et la philosophie, car la sagesse égyptienne est soutenue par le corps sacerdotal égyptien et est d'un caractère religieux primaire, et c'est cette sagesse à qui la philosophie grecque - représentée par les questions de Porphyre demande conseil. Ainsi le De mysteriis Aegyptiorum est également un développement du thème touché dans la Synag. Pyth.,à savoir que la religion est à la fois le fondement et la source de la philosophie 11). 16) Sur Numénius voir MORET,Mystires Égyptiens; cf. en outre aussi WASZINK, praef. à Cale. p. XLII-XLIII. - Sur Posidonius UP p. 478, et sur l'ensemble de l'évolution dont il est parlé ici WELLMANN dans Hermes 31,1896,221-53. 17) a. entre autres E. BENZ, lndische Einflüsse (avec référence aux études sur le sujet p. 102). 18) PORPHYRE,vita Plot. 15. 19) Cf. l'appréciation du BmEZ dans: Eos p. 156: « En se perpétuant dans ces écoles, à Rhodes, à Apamée sur l'Oronte et à Alexandrie, comme à Athènes et à Rome, l'enseignement platonicien put faire des concessions de plus en plus grandes aux Sémites qu'il gagnait à l'Hellénisme - depuis Posidonius et Numénius jusqu'à Porphyre ou Jamblique - sans pour cela se laisser absorber par l'esprit qu'il s'assimilait ». 20) Voir références chez JAEOER,Arist. p. 131 note 4. Sur cette conception dans une période plus récente, voir les remarques de DOERRIEdans l'analyse de ANDRESEN,Logos und Nomos (Gnomon 1957 p. 192-93). 21) Cf. ci-dessus p. 86-87.
153 Les rapports entre la religion et la philosophie sont esquissés tout au début. Porphyre commence sa lettre en disant qu'il désire prendre comme point de départ de sa conversation avec Anebo le problème des dieux et des bons démons ainsi que les questions qui s'y rattachent, La philosophie grecque a beaucoup parlé de ce sujet, mais le plus souvent l'hypothèse (Jticrnç) est fondée sur des conjectures. C'est pourquoi Porphyre s'adresse à la sagesse égyptienne pour obtenir une connaissance plus sOre. Cette problématique est, plusieurs fois, interprétée ainsi: Porphyre représenterait un scepticisme religieux qui le fait mettre en doute un bon nombre de conceptions religieuses traditionnelles, tandis que Jamblique, avec son fanatisme religieux, veut sauver, à tout prix, toutes les formes de la religion transmise 11). Ce point de vue n'est pas défendable. Tout d'abord Porphyre ne parle pas uniquement de questions religieuses. Il dit expressément vouloir commencerpar les dieux etc., et il continue en bien des passages d'une manière purement philosophique, pose des questions sur l'âme, la physis, la techne, la cause première, etc. et la lettre s'achève par un sujet aussi central dans la philosophie grecque que le chemin de l'homme vers le bonheur. Le scepticisme de Porphyre n'atteint donc pas uniquement le religieux, il est tout aussi bien philosophique. Et ce sont les résultats de la philosophie grecque courante que Porphyre met en doute, qu'il s'agisse de questions religieuses ou de questions philosophiques. C'est pour cela qu'il n'est pas-comme on a voulu le donner à entendre - plus fidèle que Jamblique envers la philosophie grecque. C'est justement la philosophie grecque qui est principalement atteinte par le scepticisme de Porphyre. La réponse n'est pourtant pas non plus « fanatico-religieuse ». A travers les analyses qu'en donne Jamblique, il cherche à traiter les questions philosophiques dans un contexte plus large, et quant à la religion, il cherche à montrer le sens profond caché dans les formes d'expressions religieuses - sens qui, aussi du point de vue philosophique, est compréhensible et adéquat 18). Mais il ressort clairement du début de l'ouvrage que la religion est la source authentique d'une redécouverte de ce sens. Tandis que Porphyre pose ses questions, en se référant à l'insécurité dont la philosophie grecque porte l'empreinte, Abammon introduit sa réponse en renvoyant à une autre source qu'aux conjectures de la philosophie grecque: Hermès a été regardé à juste titre comme celui qui préside à toute doctrine authentique concernant les dieux et, poursuit Abammon, nos devanciers lui ont attribué avec raison toutes les découvertes de la sagesse comme tous leurs livres aussi 14). Le dieu Hermès est principe de toute sagesse26). 22) Voir par ex. UP p. 35; FRONTE,Sull'Autenticità p. 253 ss. (Fronte suit Geffcken et Zeller sur ce point). 23) KRoLL (Jamb/ichos p. 650) appelle cet écrit un « Versuch der religiôsen Synkretismus wissenschaftlich zu begrunden ». Nous préférons l'appeler une tentative pour expliquer la religion d'une manière philosophique. 24) 8eôc; 6 Tô'>v M-,rov l'treµmv, 6 'Epµi)c;, naï..m 6t6oKTm icaÀibc;cinam totc; lepeootv &lvat ico1v6c;· 6 lCQ\ Ti)c;1tepi 9Eô'>V t'û.Tj9tvi)çtmv tf'lç aoq,iac; eup11µaTa àveti9eaav, 'Epµo0 navta tà olicela O'l>îîPllµµata tnovoµaÇovtEç (1,1). 25) 0. FESTUGIÈRE, Révé/. I p. 309 ss.
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La religion comme source de la philosophie, comment peut-on le concevoir? Nous le trouvons précisé au chapitre l, 3, qui traite de la connaissance des dieux. Porphyre a déclaré qu'il veut bien admettre qu'il existe des dieux, cette affirmation peut alors être un point de départ pour la suite de leur entretien. Mais Abammon refuse cette concession généreuse: elle implique une position erronée du côté de Porphyre, car la question de savoir s'il existe des dieux n'a pas un caractère tel que, même affirmée, elle puisse être adoptée comme une hypothèse philosophique sur laquelle nous puissions bâtir des réflexions. La connaissance des dieux est insérée dans notre être le plus intime par la nature de telle sorte qu'elle est à la base de toute pensée et de tout raisonnement; c'est pour cela qu'elle est aussi au-dessus de toute critique, de tout jugement et de tout argument rationnel. Lorque Porphyre commence ainsi à admettre l'existence des dieux, cela implique qu'il pense que la connaissance des dieux pourrait en principe être abordée dans un débat philosophique hypothétique. Mais c'est précisément par cela qu'il n'a pas compris l'essentiel. L'énoncé de Jamblique sur le caractère élémentaire et fondamental de la connaissance des dieux ne peut à juste titre être considéré comme du fanatisme religieux. C'est en réalité un énoncé extrêmement précis du point de vue philosophique, et une constatation des données de base de la pensée philosophique. Ajoutons à cela que Jamblique n'est pas le seul à avoir cette conviction. Le sens du religieux comme milieu pour la philosophie, aussi bien que la compréhension que tout le rationnel, considéré dans ses profondeurs, a une base irrationnelle, est général dans la tradition grecque philosophique, et on le trouve exprimé à la fois chez Platon et chez Aristote 16 ).
4. Le titre de l'ouvrage Immédiatement à la suite de la question du rapport entre la religion et la philosophie dans le De mysteriis Aegyptiorum, il convient d'examiner brièvement le titre de l'ouvrage. Le titre actuellement usité: De mysteriis Aegyptiorum n'est pas original, comme nous l'avons dit précédemment, mais il est une expression plus tardive avec référence au contenu de l'ouvrage 27). Ce titre est cependant absolument déplorable pour la compréhension de l'ouvrage, car il donne au mystérieux et au religieux une place beaucoup trop importante, comme s'ils étaient le centre de tout, et cela spécialement sous la forme de « la sagesse occulte » égyptienne. Par là, il met aussi en valeur l'exotique comme un caractère essentiel de l'ouvrage, ainsi qu'on le constate par exemple dans le titre élargi de Ficin: « De mysteriis Aegyptiorum, Chaldaeorum et Assyriorum ». Mais de ce fait, il se produit un déplacement du centre de gravité et du champ d'intérêt par rapport au titre originel et cela voile a priori que l'ouvrage 26) Pour Platon voir entre autre WooDBRIDGE,Son of Apollo: ScHUHL,L'oeuvre de Platon p. 19-23; id., Form. pensée, passim; DIÈS, Autour de Platon, passim; et d'autres. Pour Aristote, Je paragraphe Aristotle's Theology chez RosE, Aristotle, en outre JAEGER, Arist. p. 160 ss., à quoi il faut cependant ajouter la critique de DüRING (Aristote/es p. 117). 27) Ci-dessus page 47--48.
155 comprend une très large part de vraie philosophie grecque - sans pourtant nier les circonstances qui rendent compréhensible, historiquement parlant, l'apparition de ce titre 18 ). Le titre originel« Réponse d'Abammon à la lettre de Porphyre à Anebo et solution aux problèmes qui s'y trouvent» est bien plus neutre et - ce qu'il faut remarquer - il situe notre ouvrage dans un genre à la fois grec et philosophique, à savoir le genre 11). Cela signifie que même lorsqu'il est question de sujets à1topiJµa-raKai Àuvxotricrcoµ&8a autres des sujets confondus à tort. Dans d'autres cas, il faudra en rechercher la cause et le mode de penser. Il faut distinguer entre les Chaldéens, les Assyriens et les Egyptiens, sinon il sera impossible de saisir de façon précise le contexte dans lequel ces questions ont été posées. Certaines questions ne se perçoivent qu'en liaison étroite avec une expérience religieuse vécue; en certains autres cas, une simple connaissance intellectuelle n'est pas non plus suffisante. Dans ces cas-là on peut dire cependant quelque chose qui contribue à ce que dans la connaissance on soit amené à l'essence des êtres 78 ). Et en tous cas, tout ce qui peut avoir une explication rationelle doit 75) 1,1 p. 3~, trad. des Places. 76) t(j'.)vlj) 1tapayccr9m 1tEpi t1'tv oùcriav trov ôvtrov (1,2 p. 6). A juste titre des Places suppose une lacune, cf. traduction du passage.
166 l'avoir 6aa 6t wyxavet 6tà ).6yrov 6Vta yvc.od6oç l6trottKOVKai où 611µ6a1ov. 3,14: n&pi ÜÀ.Âouytvouç.
167
genre mais que nous devons le subdiviser et distinguer, et Jamblique déclare que pour la subdivision il se contente des critères employés par Porphyre 83 ). Nous pouvons remarquer pareillement comment Jamblique en d'autres passages du De mysteriis Aegyptiorum renvoie la question à un autre genos et comment divers genres sont caractérisés de telle sorte qu'il est possible de déterminer leur domaioeH). b) ôtaipecnç et auvaycoyiJ Nous trouvons aussi dans cette œuvre de Jamblique - bien que de façon moins continue - le procédé méthodique de « distinguer et unir », lié immédiatement au concept de genos. En rapport avec l'analyse de la mantique nous voyons, comment, en même temps que de la division, il est fait grand cas de l'unité: la mantique est un genos qui renferme en soi beaucoup de domaines différents, mais elle a pourtant un seul dénominateur commun 86 ). Il n'est pas suffisant de distinguer, il faut aussi qu'une synthèse se fasse si l'unité et la vérité doivent être atteintes: Tè yàp ôtatpeîv dÂ.Â.à µ11 elç Ëv livayetv tà tq,ecrtT11C6ta flµtv aitta '\jleOô6çtan, Kai ôtaµaptavet tflç 88 tv xamv ê1tt1Cpato6CJTIÇ tvroaemç ). c) Diverses sphères de la connaissance
Ce ne sont néanmoins pas seulement les objets de la connaissance - que ceux-ci se rapportent à la philosophie ou à la religion - qui sont classés en différents ytVTI et qui seulement alors peuvent être analysés. Des distinctions sont aussi à faire à propos de la connaissance en elle-même. Il y a pour la connaissance diverses façons de considérer l'objet et divers points de vue sous lesquels nous pouvons l'envisager et par là se constituent divers domaines de connaissance à ne pas confondre entre eux, parce qu'en vertu de leurs optiques ils ont des principes différents. Ceci s'est exprimé dès le début de l'ouvrage où Jamblique parle des différentes tmcrtiJµat et dit que chaque domaine doit être étudié selon son caractère propre 8 7). Toujours dans l'introduction, en 1,2, Jamblique aborde en outre la question de savoir comment ceci doit se comprendre: les questions «théologiques» seront traitées théologiquement, les questions touchant la théurgie théurgiquement et les questions philosophiques philosophiquement: Tè ô' ohceîov txi xlimv lixoôroaoµtv crot 1tpOCJT11C6vtroç, Kai tà µtv SeoÂ.oytKà SeoÂ.oytKô'>ç,SeoupytKô'.>çôt tà Se83) 3,13 p. 129,16: TOilToToiwv 6ià Toùç KaKô'lçaùTq, xpcoµtvouç où {>q61ovtvi Myw 1ttp1Àaf3Etv. Ibid. p. 131,2: OÙICID..w1ç xpiJaoµai yvwpiaµamv Elç TTtV6ui1Cp1a1vaùtlilv fi aùtolç tolç napà aoO {>nScta1v. - 61à1Cp1mçest ici = 6taipcmç comme dans l'introd. 1,1 p. 4,5 Cf. 6ui1Cp1mçchez Aristote, voir BoNITZ s. v. 84) Ainsi par ex. 3,28 p. 169,6--7; 4,1-2 p. 180-184; 4,7 p. 190,18; 6,5 p. 245,10; 6,5 p. 246,6. Sur ce point cf. aussi l'index chez Parthey s.vv. E16oç et ytvoç. 85) 3,14 p. 132,9: ytvoç 1tOÀ1JE16tç ôv µ1~ tÂ.oa6tÂ.6aoq,a µt'tà aoO auvtçt-rciaoµtv88). Ceci est la conséquence naturelle de la méthode philosophique qui se trouve dans la classification par genos et conjointement avec cette classification une telle différentiation renferme de très vastes perspectives pour une forme de connaissance de grande envergure, extrêmement nuancée. Les vastes perspectives peuvent se caractériser en bref comme suit: la connaissance a une double tâche lorsqu'elle est placée devant son objet: 1) de décider précisément à quelle genre l'objet en lui-même doit être rapporté et 2) sous quel angle il doit être considéré et à quel contexte épistémologique il peut être rattaché. Nous devons déplorer que Jamblique ne trouve pas l'occasion dans cet ouvrage de préciser comment il conçoit les trois domaines qu'il nomme ici, la théologie, la théurgie, la philosophie. Ils sont supposés connus. Une seule allusion est pourtant faite. Tout d'abord on ne peut guère douter que le théurgique doive être confronté à ce que Jamblique a dit un peu plus haut, à savoir qu'il y a plusieurs questions qui ne peuvent être étudiées qu'en rapport avec toute la µumayroy{a égyptienne 88). Nous pouvons rapprocher cette remarque de toute la 7 8 partie; alors nous pouvons voir comment ces expressions religieuses sont à comprendre de l'intérieur, ce qui veut précisément dire selon les lois immanentes qui leur sont propres. La compréhension exige ici que d'autres catégories, par exemple celles spécifiquement philosophiques, soient laissées de côté et que la connaissance soit libre de penser à partir du contexte propre à la religion égyptienne. Immédiatement après la mention des trois domaines de la connaissance cités ici, Jamblique affirme qu'il veut éclairer les questions touchant aux causes premières à partir des principes premiers, et il veut comprendre et exposer les questions éthiques d'une façon analogue à partir des règles propres à l'éthique et ainsi de suite: Kai -roû-rrovµtv ocra tlç -rà 1tpli'.>-ra aina 6tt'JKtt Ka-rà -ràç 1tpro-raçàpxàç auvaKoÂ.ouEÎPTJ'tatKa'tà -ràv 3oOv-rtç tîç q,éoç1tpociçoµtv, lSaa 6t 1ttpi riM>v ft 1ttpi 'ttÂ.li'.>v 1'3tKàv -rû1tov6tat-ri)aoµtv 6t6v-rroç, Kal -rciÂ.Â.a chaaû-rroçKa-rà -rov oîKtîov -rp61tov èv -raçtt 6ta9T)a6µt9a. Par là sont esquissés deux domaines que nous appellerions tous deux philosophiques, cependant que dans la terminologie de Jamblique c'est seulement le dernier apparamment qui est le philosophique tandis que le premier, traitant des principes premiers et des causes premières, c'est-à-dire la métaphysique, est considérée par Jamblique comme une discipline « théologique » en accord avec la tradition 90 ). 88) 1,2 p. 7,2 SS. 89) 1,1 p. 4,9. 90) En tous cas la tradition néo-platonicienne. Jaeger attribue ceci à Aristote lui-même, ce que Düring rejette (Aristote/es p. 117). Il s'agit d'une déviation de l'interprétation « religieuse » de Jamblique lorsque Hopfner croit que m:pi t&Â.Ci>v signifie ici « über heilige Weihen » (traduction du passage). Hopfner néglige ici la perspective« de finibus » dans l'éthique de l'Antiquité, et c'est à tort qu'il polémise contre la traduction de Quillard: « tout ce que nous dirons des moeurs et des fins procédera de la méthode éthique ». Ce que des Places traduit encore mieux: « ce qui a été dit des moeurs ou des fins suprêmes, nous en discuterons comme il se doit à la manière de la morale » avec référence au chap. 10.
169 Le fait que Jamblique en concrétisant les trois domaines de la connaissance omet de reparler de la théurgie et nomme la métaphysique et l'éthique seules, souligne le caractère philosophique de notre ouvrage.
d) Le général et le particulier Une nouvelle distinction entre en jeu dans la méthode philosophique du De mysteriis Aegyptiorum, même si elle est en étroite liaison avec les distinction déjà citées, à savoir la distinction entre le général et le particulier. Il apparaît très souvent dans notre ouvrage qu'il est nécessaire pour chaque question de considérer d'abord le général et ensuite le particulier. Le cadre général dans lequel une question donnée est placée, est comme la condition préalable nécessaire à une compréhension adéquate; il rend possible une compréhension commune de bon nombre de problèmes particuliers et c'est seulement à partir de cette compréhension commune que peuvent vraiment se comprendre les problèmes particuliers et leurs solutions. Quelques exemples illustrent cette structure de pensée. La justification du culte se fait d'abord du point de vue général, ensuite du point de vue particulier, 1,11 p. 38, 9ss: Ko1và µtv oùv ta09' ,;µtv fcrtco 1tapaµ681a xepi tfjç àxpavtou SpT)crK&iaç coç ... tà 6' tv totç Ka9' fKacrta tm6vt&Ç ... Et nous voyons que la mantique est traitée de façon tout à fait analogue: 3,10 p. 120,14: Ko1véoç µtv oùv oütcoç dv t1ç à1to6o(T) tTtV altiav tfjç S&iaç µavt&iaç· toùç 6' i6(ouç 1t&piaùtfjç à1t0Àoy1crµoùçxpocrayoµev ... Nous retrouvons plus tard cette subdivision dans l'étude de la mantique: 3,16 p. 136,9: Tauti µtv oùv KOlV t6'.lv&ipT)µÉvrov,6crt1ç &ùqm,;çtcrtt ,cal àcp' tvàç txi xoÂÂà 6uvatàç 6tat&ive1v tT)V 616:voiav pq.6iroç yvcocr&tat àxà toi>tcov Kai tà 1tapaum6µ&va (5,13 p. 216,8 ss.) Nous voyons ici quel rapport étroit existe entre cette distinction et la division d'après les genos et eidos, et de plus comment c'est justement cette considération générale qui permet de comprendre les détails 92 ).
a. 3,17 p. 139,6: Z11t&tçôt tô Â.011tov1tepi toO tp61tou ti'li; µavteiaç ôv iiô'l µtv i)µEic; KOIVfltE Kai Kat' !ôiav ÈÇ'l'YllO'ciµe9a. 92) a. aussi 1,19 p. 57,14; 2,2 p. 70,1-4; 9,2 p. 274,14 etc. 91)
tiç té tcm 1cai 61totoç,
170
On sait combien une méthode de travail caractérisée par l'étude du général d'abord et du particulier ensuite - surtout exprimée par le couple 1Cotvtl- î6i~ - est une méthode typiquement aristotélicienne 93 ). Comme la méthode nommée diairesis et l'emploi du genos doivent se comprendre dans un contexte platonico-aristotélique, ainsi nous devons regarder l'utilisation concrète d'une division entre le général et le particulier dans ce même contexte, et tout laisse supposer que nous sommes ici plus près d'Aristote que de Platon. Ce n'est pas le seul cas; nous verrons dans la suite plusieurs situations où se perçoit un lien avec la tradition aristotélicienne, et ceci est d'une importance exceptionelle pour la compréhension de l'ouvrageu). e) Explication par les causes
Il est ensuite caractéristique pour notre ouvrage que les explications par la cause occupent une place très importante. Dès l'introduction, dans une des classifications des groupes de problèmes dont il est parlé dans la lettre de Porphyre, on lit qu'un bon nombre de problèmes doivent être compris à partir de la cause d'après laquelle tels faits s'enchaînent de telles façons déterminées et de la cause d'après laquelle un fait donné est pensé d'une façon déterminée 96 ). L'explication par les causes est très étroitement utilisée dans l'étude de la mantique. Nous devons, lit-on, chercher les a{Tta de la mantique, on pense surtout par là au fondement rationnel. Tout à fait comme Aristote, il n'y a pas de distinction de principe entre la raison et la cause 96 ). Les menaces cultuelles contre les puissances divines ont une raison cachée, lit-on en un autre passage, et cette raison Jamblique cherche maintenant à la découvrir 97 ). Le concept de causalité se trouve dans le De mysteriis Aegyptiorum lié à bien des sujets. Il est parlé de la cause du bien98 ), de la cause au sens cosmologique 99 ), de la cause première et originelle100 ), de la cause au delà de la compréhension rationelle 101 ), etc., et il est à peine besoin de dire que nous avons là dans notre ouvrage un trait nouveau et précis issu de la tradition platonico-aristotélicienne 102 ). 93) Cf. BoNITZ, Index Arist. s.v. ic01v6çp. 399,18 ss. 94) A propos du lien avec Aristote il y a lieu de mentionner une ancienne tradition selon laquelle Aristote aurait écrit un ouvrage, le Mysticae Aegyptiorum Philosophiae, en 14 livres (cf. FABRI• CIUSIII p. 162). Sur les traits aristotéliciens dans 1,11 p. 39 ss. cf. RosTAGNIScritti Minori I p. 107 et 291 ainsi que SCHUHL,Platon et l'art p. 35 note 2. Il est probable que la remarque de myst. Aeg. 5,8 p. 208 sur les crocodiles est une réminiscence de ARIST.hist. an. 5,33 p. 558al9; quant à l'expression linguistique, un toivov final par ex., comme en 5,14 p. 218,4, est trés aristotélicien. 95) 1,1 p. 4,6: tà µtv ... tà 6' tan 1t&p!tllV a!tiav 61' fiv ficacrtà fotl t& outù>CJiicai votlta1, tà 6' ... a. 1,2 p. 7,6. 96) 3,9 p. 117,1: 6&t ÇT)t&lvtà tf)ç lMaç µaviaç aina. Cf. 3,10 p. 120,14; 3,13 p. 131,5; 3,20 p. 148,10. Sur le motif et la cause chez Aristote voir DüRING, Arist. p. 202. 97) 6,5 p. 245, 10: Cl>tp&611 ouv icai 1t&p! o.À:i..ouytvouç ô:1top1&vàitoic&icpuµµtVT)vftxovtoç tllV al t !av not T)aci>µ&Sa Â.6yov. 98) 1,5 p. 15,15. 99) Ainsi 5,9 p. 209,17; 5,26 p. 240,2. Cf. cause du mouvement 1,5 p. 18,10 et 7,2 p. 252,18-19. 100) Ainsi 5,10 p. 210,2; 5,17 p. 222,10; 9,10 p. 284,12. 100 1,11 p. 37,7. a. 5,6 p. 206,11-12. 102) Sur la recherche de la cause comme trait essentiellement platonicien cf. DüRING, Arist. in biogr. trad. p. 461. Pour Aristote, voir id., Arist. p. 202, p. 238 et passim.
171 f) àpxit Nous avons chez Aristote, en liaison directe avec l'étude des causes, la recherche de l'origine comme caractéristique essentielle de sa méthode philosophique et scientifique. Nous trouvons cette même recherche ici dans cette œuvre de Jamblique. En effet l'origine est essentielle à la compréhension, et avec l'origine est aussi donné le principe immanent qui suit, structure et définit chaque phénomène 163 ). Nous avons déjà cité le passage où Jamblique, dans la classification des divers domaines de la connaissance, prend son point de départ pour la classification précisément dans la cause et l'arche: to6trov µtv l>aa &lç tà 1tpô'>taaina 6tit1Œt Katà tàç 1tprotaç àpxàç O"UVaKoÂ.ouSoDvn:ç &îç vKp&ttt6vrov f\ KaS' 'ftµiiç, totaDta 1tpè>çat 'A.tyro. Si l'on veut éviter les difficultés à propos de la mantique, le meilleur moyen, lisons-nous, est de connaître son origine. En effet la mantique n'a pas son origine dans l'homme, dans le corporel ou dans les forces naturelles, mais elle a sa source chez les dieux: 3,1 p. 100,10: MtyLO'tOV61i oov àÂ.&çupapµaKOV1tpè>çfütavta tà tOlaüta àxopitµta tK&tv6 èatl, yvéi'.wmtflV àpxriv tfjç µavttKfjç 166 ). Il faut en effet comprendre chaque chose à partir de son commencement, d'où il est possible de voir aussi le but final, lisons-nous de nouveau dans un autre passage, et nous voyons ici comment àpx11 est rattachée à tÉÂ.oç tout à fait comme chez Aristote. 5,10 p. 213,12: fKaatov yàp àvtf'jç cpua&roçtàç xprotoupyoùç aîtiaç nov Ktvita&rovàµ&ptatô'>çtv6C6rom. 103) O:PXT'I chez Aristote, voir par ex. SnGEN, The structure s.v.; DüRING Aristote/es, passim; id., Arist. and Plata p. 35-55. GADAMER dit à bon droit:« àpxii-Forschung ist aber aile philosophische Wissenschaft bei Aristoteles » (Hermes 63, 1928 p. 157). 104) 1,2 p. 7,6 a. ci-dessus p. 168. 105) Cf. 3,3 p. 107,9 et surtout 3,1 p. 101 s.
172
g) L'argumentation hypothétique
Que dans le De mysteriis Aegyptiorum il s'agisse d'une analyse philosophique de sujets religieux et philosophiques, ceci ressort en outre du fait de la forme d'argumentation hypothétique que nous trouvons dans notre ouvrage. Si nous considérons une fois encore l'étude de la mantique où la manière de travailler de tout l'ouvrage apparaît de façon particulièrement typique, il se fait une construction de l'argumentation qui permet au premier terme de devenir les prémisses du suivant: « si nous avons raison en ceci, il suit de nouveau ... ». Ainsi dans: 3,12 p. 128,17 El 6ti ,aDta ôp8roç tlpt')Kaµev, ... De même: 3,27 p. 165,9 Ei 6ti ,otoD,6v ècrn ,o 6v,roç µavnKè>v8etov &pyov,... On reconnaît par là une vraie argumentation philosophique, et il apparaît aussi en plusieurs passages de l'ouvrage que le projecteur est dirigé vers les données préalables d'une pensée à la fois dans un sens négatif - en cherchant à voiler les fausses bases - et dans un sens positif - en faisant ressortir et en précisant les bases exactes - pour qu'il soit possible de construire une connaissance cohérente et d'arriver à une compréhension réelle. Par là il est facilement explicable que ux68emç ait en même temps le sens souvent reconnu de sujet. C'est impliqué dans la structure même de la pensée. Quelques exemples peuvent le montrer: 4,1 p. 180,13: cruµtv oôv Ka,à ,t'tv xapoDcrav u1t68emv, waxep iipl;ro, xp6,etve ,àç èµ1to1oucraçàxopiav füaµq>tcr~t'),etç,... 1 0 1). De même au chapitre 4 nous voyons un exemple de suppression des prémisses à la question de Porphyre: 4,3 p. 186,4: èàv 6&xav,rov ,ou,rov ... u1tepi6roµev,... àvljp11,m eù8ùç Tt1tpci>,11 'TWV ÇTl'TT)µ(l'TO)V'TOU'TO)VU7t08f:O"lÇ 167 ).
Jamblique reconnaît le positif et le nécessaire dans l'argumentation hypothétique quand il introduit une nouvelle argumentation pour éclairer le rapport entre le tout et les parties, de la façon suivante: 4,8 p. 191, 1l: 'Ax' aÀ.À.TJÇ ,oivuv aù8tç ôpµci>µevo1uxo8tcreroç ,à crroµanKà µtpTJ ,o0 xav,oç oihe àpyà oü,e 6uvaµeroç ciµotpa dvm n8tµe8a, ... 108 ). En conformité avec ceci, un «admettons» est une introduction normale à une argumentation 169 ). Nous pouvons prendre un dernier exemple au chapitre 9 qui traite la question du démon personnel et où l'argumentation hypothétique apparaît aussi clairement 110 ). 106) Des Places traduit:« ainsi donc, pour le sujet présent, développe comme tu as commencé les doutes qui font difficulté, ... »; en réalité uit69Eµatov 1tav-raxoOtanv 61tou1tEpùv PouÀritatu 0). Le monde divin est un univers spirituel et doit être compris ainsi. Equivalemment, la façon de procéder de Porphyre est erronée lorsqu'il cherche à éclairer le monde divin à partir d'une distinction entre ce qui est soumis aux passions et ce qui en est exempt 1u). En effet il est vrai de dire pour tout le divin qu'il est tçtJpritat tflç tvav-rtci>crEroç toO 1tciç 142 fi µti 1tciCJ):Etv ). Cela vaut aussi par exemple pour le dernier des groupes divins, les âmes. L'âme est en effet tout entière indivisible, elle a toujours la même forme, elle est dans son principe incorporelle et ne participe aucunement au monde variable, influençable et corporel1 43). Et cela n'est pas vrai seulement de l'âme dans son état pur, dans lequel elle n'est pas incarnée; l'âme qui est dans un corps est, elle aussi, en dehors de cet antithèse et elle n'est pas soumise à l'influence du corps. Cela est 137) l,S SS. 138) La question est citée en 1,9 p. 29 ss. 139) 1,8 p. 28,1-3: oùx 6p6) 6è fyooy& Kai tiva tp61tov 6T1µtoupy&itat tà til6& Kai d6o1tot&ttŒ1, &t y& µT16&µia S&ia 6T1µ1oupyia Kai tébv S&icov &!6ébvµ&toooia 6tat&iv&ta1 61à navt~ K6aµou.
toll
140) 1,8 p. 27,12. 141) 1,10 p. 33,lS ss. trad. des Places. 142) 1,10 p. 34,3--4. 143) 1,10 p. 35,2-6: ôMOÇ6è àµéptatoç oooa Kai èv évi &t6&1µévoooa t~ aùt~, Ka8' avàyaÂ.µata). L'unité qui existe et doit exister nécessairement entre le modèle et l'image a sa source dans le spirituel luimême. Le modèle n'est donc pas dépendant de l'image mais au contraire l'image est dépendante du modèle qui peut très bien exister sans image. Par là est mise au point la hiérarchie des êtres 1 "). Cette structure du monde est ainsi la condition préalable à son évolution dynamique vu que deux grands mouvements caractérisent le cosmos. L'un consiste en ce que tout sort du divin unique et l'autre en ce que tout aspire à retourner de nouveau à son principe, les deux mouvements étant respectivement àcp' tv~ 1tp606oç et dç fv tô'>vv6eutépcov xp~ tà xpô'>ta voepà tmcnpocp1' Kai àxo tô'>v xpotépcov eiç toùç 6eutépouç Seoùç 66cnç tfjç aôtfjç oôa{aç 1eai 6uvc'tµecoç(Jt)VÉXet t1'v dç fv aôtô'>vO'Uvo6ovà6tc'tï..utov161 ). Par là nous pouvons comprendre, que, dans notre réflexion sur le cosmos, nous pouvons distinguer entre le point de départ, le milieu et le terme. Le point de départ et le terme sont exprimés par les deux grands mouvements cosmologiques et le milieu devient le point tournant, l'tmcnpocpft permanente. Jamblique emploie ici ces expressions à propos de « tout ce qui concerne les dieux (secondaires) », mais il est très clair qu'il est question d'une esquisse pour une cosmologie générale ce qui trouve sa justification en ce que Jamblique ici se rattache à Platon (Les Lois 4 p. 715 e ss.) où il est parlé d'une détermination générale 161 ). Début, milieu et terme seront donc les données fondamentales dans la structure du monde et par cela même ils le seront aussi pour la compréhension du monde: c'est à ces faits que la connaissance doit être particulièrement éveillée. Le fondement du début, du milieu et du terme est l'unité aussi bien dans la connaissance que dans l'existence: àpxit te 1eai µtaa 1eaitÉÀfl 1eat' aôto to fv (Jt)Wmipxei163 ). d) La mantique
Nous passons au grand chapitre 3 qui traite de la mantique. Porphyre a demandé ce qu'il arrive exactement dans la connaissance anticipée de l'avenir dans la mantique164). Aussitôt Abammon arrête la formulation même de Porphyre sur la question. Il est faux en effet de demander ce qui arrive (t{ to yiyvoµevov), car il n'arrive rien. C'est seulement dans la nature et dans le naturel (tv til cpuaet) qu'il arrive quelque 149) 1,19 p. 57-58. 150) 1,19 p. 58. 151) 1,19 p. 59,1-4. Cf. aussi p. 60,5-8. 152) PLATONLois 4 p. 715e8: 6 ... 9c6ç ... àpxftv tE Ka! tEÀ.t:utnvKai µfoa téi>v6vtoov cimivtoov fxoov. 153) 1,19 p. 60,1-2. 154) 12 p. XXXIII (Parthey).
183 chose. Mais la mantique prend sa source dans le divin et en tire son explication: ceci est capital. La connaissance dont il est question dans la mantique prend naissance dans une union avec le divin, c'est pourquoi elle est élevée au-dessus des possibilités humaines ordinaires, de telle sorte que les choses sont vues pour ainsi dire sous l'angle des dieux. Par là elle embrasse tout ce qui existe et elle saisit les causes essentielles qui, dans la plus forte acception du terme, sont générales. La connaissance est donc soulevée au-dessus de ce qui est limité par le temps et saisit la structure fondamentale, structure valable évidemment pour les évènements futurs; l'esprit contemple tout et l'âme porte en elle les dimensions qui existent dans la structure spirituelle: 6 µtv Â.6youç6' fi 'lmx:r'I-rt'bvyiyvoµtvrov tv ao-rij 1tav-rrov1tEpttXEl, voOç tà 6v-ra S&COpst, c'est pourquoi elle est capable d'une connaissance aussi générale que celle de la mantique 166 ). Le principe de la mantique réside cependant tout d'abord dans le fait qu'elle a son origine dans le divin, elle est donnée à l'homme de l'extérieur et il ne peut jamais se produire un tel mélange de divin et d'humain que la souveraineté du divin en soit attaquée. Il est souligné et au début et au travers du chapitre tout entier, qu'on ne doit pas croire que la mantique a une origine dans la nature 158 ). Mais puisqu'elle a son origine dans le divin, il est compréhensible qu'elle a un caractère si général, qu'elle peut aussi s'appliquer à l'avenir. C'est à partir de là que doivent se comprendre les formes et les expressions particulières à la mantique, car les formes de la connaissance de l'inspiration divine sont naturellement multiples 167 ). Dans la mantique des songes, par exemple, l'âme se sépare du corps et de la domination de celui-ci sur elle; elle peut ainsi s'unir aux dieux et par là participer à leur connaissance et à leur contemplation universelle. Il en va de même dans l'extase divine selon d'autres formes: ici non plus ce n'est ni la sensation de celui qui est ravi en extase, ni sa manière de voir, ni son état d'âme qui est le principe directeur, mais quelque chose de tout autre: le divin. Comment les relations normales et naturelles cessent d'être en vigeur, cela se constate par le fait que les personnes en extase peuvent devenir invulnérables, au feu par exemple: il y a autre chose en jeu que le naturel 168 ). La présence d'un feu divin se manifeste et une lumière divine enveloppe la personne en extase qui s'est livrée au divin et n'a plus en ellemême le principe de l'action 169 ). Le divin est tellement souverain qu'il ne doit pas être identifié avec son expression ou avec les moyens dont il se sert. Ainsi quand un devin de Colophon fait un présage après avoir bu de l'eau d'une fontaine sacrée, ce n'est qu'apparemment que la mantique a ici son origine dans l'eau. La puissance divine survient et prend possession 155) 3,1-3. Citation de 1,3 p. 106,15. IS6) Voir par ex. 3,1 p. 100,3-9 et p. 100,12 ss; 3,6 p. 114; 3,10 p. 120 s. etc. Dans 3,27 p. 166,5 on lit: lff:laç ... µavnrljç où6tv tcm crntpµa tv 'l'lµtv ttc cpoo&roç. 157) 3,1-2. a. 3,5 p. 111,4. 158) 3,4 p. 110. 159) Surtout 3,6 et 3,8.
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de l'eau, elle projette une lumière sur la source sans lui devenir identique et sans en devenir dépendante. La prêtresse de Delphes ne fait pas de présages par la puissance du trépier et de la vapeur sortante, mais parce qu'elle s'est donnée elle-même à l'esprit divin et de ce fait est illuminée par lui. Elle appartient ainsi entièrement au dieu dont elle peut exprimer la volonté et le dieu la prend en sa puissance sans devenir dépendant d'elle. Le dieu est présent, mais il diffère de toute choses dans la préparation préalable 180 ). Ainsi la structure spirituelle est soulignée par la mantique et c'est cette structure spirituelle qui démontre la possibilité de la mantique.
e) Le culte
Dans la 5e partie il est traité des sacrifices, mais en divers autres endroits du De mysteriis Aegyptiorum, avant comme après la 5e partie, il est question du culte dans un sens plus large (l&patt1CTIµucnayroy(a). Déjà dans la première partie (1,11 p. 37ss.) il est répondu à la question de Porphyre: pourquoi au juste y a-t-il un culte si les dieux ne peuvent pas en être influencés. Il y est répondu que la cause de cette question est le manque de compréhension de l'essence du culte. Certes, dans le culte, se trouvent bien des choses qui ne peuvent se comprendre au moyen d'une simple réflexion rationnelle, mais il faut se rappeler en tous cas, d'abord que le culte a une fonction de symbole et ensuite - en commun avec la nature elle-même - il manifeste les formes divines1411). Par là le culte a une fonction réelle, sans pourtant apporter des changements ou des modifications aux dieux. Le culte est d'abord une glorification des dieux, ensuite les hommes, incorporés dans le culte, deviennent semblables aux dieux et s'unissent à eux 111 ). Par ce moyen le culte purifie l'homme de ses 1taSriet il assume une fonction qui peut se comparer au drame scéniqueu8). Dans la 5e partie, bon nombre de conceptions anthropomorphiques des dieux sont rejetées. On ne peut par exemple - lisons-nous - honorer les dieux comme on honore un bienfaiteur, et le sacrifice ne peut se fonder sur le désir de remercier les dieux pour des bienfaits reçus, non plus que l'offrande des prémices ne peut être une rétribution offerte aux dieux pour la moisson. Ceci est sans commune mesure avec la sublimité des dieux, dit Abammon 1 "). Des anthropomorphismes de cette espèce ne donnent pas une explication adéquate des effets réels du culte: qu'il fait cesser la maladie, la faim et le dénuement, qu'il donne la pluie et qu'il accorde (ce qui est le plus important de tout) la pureté de l'âme. Comment en va-t-il alors des effets du culte? 160) 3,10-11. cpucnc;t6'>vàcpav6'>vï..6yrov tµcpavttc; nvoç µop161) 1,11 p. 37,9: Ka8a1ttp 6ri Kai t'IYEVEaato. 162) 1,11 p. 37,11-12: tà 6t nµi')c; fvi:Ka npoaciyi:tm il àcpoµo1cooi:roc; 61toiaaoOv fi Kai oliœul>aEroc; atoxaÇi:tm. 163) 1,11 p. 40. 164) s,s p. 205-206.
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Tout d'abord l'opinion qu'il y soit question de magie est rejetée: il n'y a aucune relation automatique entre l'accomplissement du culte et ses effets. Cela supposerait ou impliquerait aussi que l'homme, par le moyen du culte, aurait le pouvoir sur les dieux et sur le divin, et c'est précisément cela qui, de par son principe même, ne sera jamais possible. Le spirituel est toujours supérieur et indépendant. A l'encontre de ce que certains prêtres égyptiens ont cru, l'effet ne peut pas non plus résulter de ce que tout l'univers serait comme un grand corps, en sorte qu'une sympatheia le traversant signifierait que le sacrifice, comme une articulation du corps, devrait amener le reste à « suivre immédiatement ». Le fait que ces rapports normaux pourraient être une condition sine qua non pour le déroulement de l'ensemble, depuis les pratiques du culte jusqu'à l'apparition des effets, ne doit pas entraîner à croire qu'il s'agit ici de ce qui est véritablement essentiel186}. Une telle conception rendrait en effet les dieux dépendants, non d'un processus automatique, mais d'un processus organique. Or les dieux sont indépendants de la nature. L'effet du culte doit donc avoir aussi une cause surnaturelle: ô1tepqmfJçttç Tl tlbv S6lbv alda 11 '}. C'est pourquoi le culte est mieux caractérisé par des mots tels que amitié ou parenté, parce que ces mots désignent mieux ce dont il s'agit (5,9). Et Jamblique emploie maintenant comme image exprimant la causalité dans le culte, le rapport entre l'artiste et son œuvre, et le rapport entre le père et son fils. L'artiste n'est pas une simple cause automatique de la genèse d'une œuvre (comme le serait son instrument), et pourtant il est le principe supérieur de cette genèse. Ce principe est défini comme cause démiurgique. Dans le culte il arrive donc que les choses soient placées dans leur rapport « démiurgique » vrai et par là est atteint le point d'où peut sortir un nouveau sens et un nouvel ordre de choses - ce qui se constate dans les effets du culte: la pluie, la guérison, la purification. Avec cette appréciation positive des sacrifices est souligné le contexte religieux de l'existence; en même temps la transcendance du divin est toujours respectée, quelque présente et agissante que le divin soit. Tout est lié à l'unique cause démiurgique originelle et le donné initial à toute analyse est le monothéisme, même s'il est parlé de dieux ( au pluriel). f) 1A prière
Un des éléments centraux qui établit la liaison intérieure et l'unité du culte est la prière. La prière signifie le contact de l'homme avec le divin, de sorte qu'à travers elle l'homme apprend aussi à connaître le divin. En second lieu la prière crée la compréhension réciproque et la communauté entre les dieux et les hommes; par là elle sert d'intermédiaire aux dons divins. Enfin la prière scelle l'unité de l'homme avec le divin d'une façon telle que l'homme prend son point de départ et son principe vital chez les dieux et que l'âme repose entièrement dans le divin 187 }. La prière est donc 165) S,7-8. 166) S,8 p. 209,2. 167) S,26 p. 237-238.
186 le chemin que mène à un triple don: elle apporte la lumière dans l'esprit de l'homme, elle permet à l'homme de collaborer avec les dieux et elle remplit l'homme du feu divin 188 ). Déjà plus haut dans le De mysteriis Aegyptiorum il a été souligné que le but n'est pas de faire pression sur les dieux par l'imploration et l'invocation; d'ailleurs ce ne serait pas possible 119 ). La lumière qui peut être donnée à l'homme dans la prière ne peut être ni obtenue de force, ni attirée des hauteurs sur la terre; indépendante, elle rayonne et se suffit à elle-même 170 ). C'est pourquoi elle est un don offert gratuitement; l'homme se tourne dans la prière vers le principe de vie éternel et intelligible des dieux: t1ti 6t t1'v àifüov x:ai vo11-r1'vaôtlbv àpx1'v 1t&puiysaSa1171 ). La prière nourrit l'esprit, elle rend l'âme apte à recevoir le divin, elle habitue l'homme à la lumière divine, et le rend parfait, si bien qu'il est conduit à l'union complète avec le divin. Elle attire les pensées de l'homme vers le haut, elle est la route qui mène à l'amitié et à la communauté avec les dieux, elle fait grandir en l'homme l'amour divin et permet au divin d'agir dans l'âme. Elle purifie tout ce qui pourrait vicier l'âme, elle rend l'espérance et la foi en la lumière. Elle fait de l'homme, pour ainsi dire, le confident des dieux: 6µ1Â.11tàc;tlbv S&lbv,tva oûtroç d1tcoµ&v, toùc; xpcoµtvouc; aôtatc; (c.à.d. soxatc;) à1tspycil;sta1171 ). g) Le symbole
Le caractère symbolique est signalé comme un trait particulièrement important pour l'intelligence de la religion telle qu'elle se présente en Egypte. Il est nécessaire, dit-on, de ne pas s'arrêter à des représentations préalables, mais de tourner son attention vers la vérité spirituelle intérieure (vo&pà àÂ.TJ8&1a) qui y est cachée 17 1). Les expressions religieuses doivent être comprises par analogie avec le monde de la nature puisque lui aussi, dans la contemplation, dévoile les pensées divines cachées sous les figures extérieures du monde. Quelques exemples sont donnés à l'appui, voici comment. Lorsque le dieu soleil est représenté dans la religion égyptienne sous l'aspect d'un enfant assis sur une fleur de lotus sortant à peine du limon, nous avons alors dans le limon une représentation de tout le corporel et de tout le matériel, non comme quelque chose d'affreux mais comme un élément nourricier et fécondant. Le limon est le milieu primitif de toute existence. Mais au-dessus de lui se tient le dieu, cause première de toute existence. Le dieu lui-même est immatériel, au-dessus de la nature, séparé du limon et élevé au-dessus de lui. Il est assis sur la fleur de lotus, car il est maître de tout. La fleur de lotus est l'intermédiaire entre le dieu et la matière, et elle désigne l'action de la raison par la forme ronde de ses feuilles et de ses fruits; la nature a pris forme ici grâce au pouvoir créateur de la raison divine. 168) 169) 170) 171) 172) 173)
Ibid. 1,12 p. 40 SS. Ibid. 1,12 p. 41,9. S,26 p. 239,11-13. 7,1-2 p. 249-250.
187 L'utilisation égyptienne du navire cultuel a une profonde signification. Le pilote est le dieu soleil: il est assis sur le navire, il est clairement distinct du navire et indépendant de lui, mais c'est lui qui a les mains sur les avirons de direction. Il est ainsi l'origine du mouvement en soi et de la direction du mouvement: c'est un enseignement important sur les causes premières (At 1tpo>'t'oupyolal-t{at) 17 '). A travers ces expressions et représentations - et par d'autres - la religion égyptienne renvoie à la structure propre de l'existence et y fait pénétrer. C'est une µuertaycoy{a. h) Le langage religieux
La question du langage religieux se place en étroite liaison avec le symbole. Porphyre a demandé pourquoi, dans la religion, on utilise tant de noms qui n'ont aucune signification 176 ). Il est répondu à cela qu'il n'est pas exact de dire que ces noms n'aient aucun sens, c'est nous qui n'en connaissons pas toujours la signification, et celle-ci ne se trouve pas dans un mode usuellement exprimable. Pour arriver à une compréhension il n'est ni suffisant ni exact de partir de concepts imaginatifs: la compréhension s'obtient par une méditation intime des mots. Ces mots ont en effet d'autant plus de signification qu'ils sont plus simples dans leur signification. C'est ainsi qu'ils expriment le monde spécifique des dieux, et pour cela des pensées, des calculs, des images physiques et des comparaisons ne sont suffisantes. L' « incompréhensibilité» de ces noms devient donc une clef permettant d'accéder à comprendre leur supériorité puisqu'ils appartiennent entièrement à ce qui est en dehors et au-delà de la connaissance rationelle. Ainsi l'âme.peut-elle alors, par l'entremise de ces mots, être imprégnée de divin, de sorte qu'elle porte en son for interne une image inexprimable des dieux 171 ). Quant au fait que, dans le monde des religions, des langues vieilles et étrangères ont une prééminence, la raison en est profonde 177 ). Le fait que les Egyptiens et les Assyriens ont, à une époque r~ulée, exprimé le religieux par leur langue, est regardé comme une preuve que les dieux ont désigné pour ainsi dire ces langues comme devant être des langues sacrées. Ces expressions anciennes et insolites doivent donc être conservées, et parce que les dieux les ont choisies et parce que la stabilité est précisément un élément essentiel au monde des dieux; elle doit aussi s'exprimer par la stabilité du langage. En face de cela Porphyre pose la question particulièrement grecque de savoir s'il n'est pas suffisant que le concept intérieur (fvvota) soit gardé de sorte que seule l'expression linguistique soit changée. Abammon y répond (7,5) en disant que ce serait exact si le langage était uniquement conventionnel, mais puisque les mots sont donnés en liaison avec la nature même des choses, les dieux sans doute préfèrent174) 7,2 p. 252,18. 175) 4miµa 6v6µata (7,4). 176) àSp6av tTIV µoottlCT)V Kat à1t6pp11tov &IK6va tèi>v S&èi>vtv tfl \j/lJJ(fl 6iaq>uMtwµ&v (7,4 p. 255-256). 177) 7,4 p. 256,3 SS.
188 ils le langage qui exprime mieux la réalité 178 ). Par là une traduction est rendue quasi impossible. Car lorsqu'un mot est changé ou traduit, le sens (6tavota) lui aussi est changé, et chaque peuple a ses expressions particulières qui ne peuvent être exprimées par des termes employés chez d'autres peuples parce qu'alors la signification est autre. Mais on ne peut absolument pas dire, dit Abammon, que les langues égyptienne ou assyrienne soient le langage des dieux, comme si les dieux n'étaient pas supérieurs à toutes formes de langage ou d'expression humaines. Cette assertion veut seulement dire que les dieux en agissant dans ces peuples et à travers leur religion et leur langue cultuelle ont rendu ces langues sacrées et cet ordre de choses ne doit pas être changé. Ajoutez à ceci que ces langues ont une concision particulière et ne sont ni aussi ambigües ni aussi susceptibles d'interprétations aussi variées que ne l'est le grec par exemple. De plus et en premier lieu: ces langues ne se transforment pas tellement. C'est le défaut propre aux grecs de toujours vouloir essayer du nouveau, de tout transformer et de rejeter aussitôt ce qu'ils viennent d'introduire. C'est comme si les grecs sont par nature vero-repo1toto{et, par suite, ils manquent de stabilité pour conserver ce qui leur est donné. Il en est tout autrement avec ceux que les grecs appellent barbares: chez eux aucun changement n'est permis dans la langue religieuse ni dans tout le comportement. C'est pourquoi ils sont chéris des dieux.
i) Monothéisme Dans les dernières parties sont traitées des questions d'un caractère plus proprement philosophique posées par Porphyre. Leur traitement est aussi philosophique et en même temps, il y est référé plusieurs fois à l'étude qu'on a fait des questions dans la religion égyptienne ou aux conséquences qu'on peut déduire de la pratique religieuse égyptienne. Lorsque Porphyre s'est ainsi renseigné sur la cause première de toutes choses, il lui est répondu d'une part au moyen d'un exposé philosophique sur le monothéisme, d'autre part au moyen d'une référence à la religion égyptienne (8, lss). La structure de l'existence est rigoureusement monothéiste, construite sur l'évidence qu'il y a un dieu et rien qu'un dieu. Avant tout être, avant qu'il puisse être parlé de principes formants, avant tout changement et toute variation, avant tout et au-dessus de tout est le seul dieu; disons ceci d'une façon plus précise: s'il y a un dieu, il est unique car ce dieu doit aussi être placé au-dessus des dieux que nous connaissons dans la religion et avant eux: TTpo -rô'>vov-rroç ov-rrov Kai -rô'>voÀrov àpxô'>v tan Seoç &te;,1tpro-rta-roç Kai -roU 1tpro-rou SeoU Kai pacnÀtroç, àdVT)-roç tv µov6-r11n 'ti'jç tau-roU tv6-r11-roç µtvrov 1 79 ). Cette unité divine, transcendante dans le sens le plus strict, n'est pas seulement immobile et immuable mais, aussi inaccessible à toute forme de recherche faite par l'homme pour le saisir par l'intelligence. 178) L'antithèse classique Stcn:i-1pooe1est ici donnée par icatà m>vSiJic11v et tü 1pooe1tcilv 6vtrov. 179) 8,2 p. 261.
189 Nous n'en avons pas moins ici la source de tout (1tfiYl'Itlbv 1t6:vtrov),le point de départ pour le premier qui puisse devenir l'objet de notre pensée. Toute origine de l'être (oôalo1t6:trop) et le principe fondamental de toute réflexion (vorita:pxriç) est secondaire par rapport au seul unique. Et c'est aussi l'enseignement de la religion égyptienne telle qu'elle est révélée par Hermès. Emef est en effet ici le premier des dieux du ciel, il est pensée pure. Mais avant lui se trouve l'unique, purement indivisible Eikton, et il est donc tout normal et conséquent que le culte doive alors se dérouler dans le silence absolu: il n'y a rien ici qui puisse s'exprimer par des mots. Mais en dessous se présente la hiérarchie des dieux qui président à la création du monde visible dans ses divers degrés. Pour comprendre ces profondeurs de l'existence, il n'est pourtant pas suffisant, d'après la théologie égyptienne, de penser, il est nécessaire de s'en initier par participation au culte. En effet, par le culte, l'homme est conduit dans ce monde supérieur qui est aussi plus universel parce qu'indépendant du destin; sans utiliser ce qui est matériel, l'homme est mené jusqu'à ce monde supérieur et jusqu'à l'union avec le divin seulement en observant au bon moment (icaip6ç) 180 ).
j) L'heirmarmene Le destin, l'heimarméne, est en effet, dans le De mysteriis Aegyptiorum, complètement lié à la nature. C'est pourquoi lorsque Porphyre demande si la volonté libre de l'homme n'est pas d'après la théologie égyptienne supprimée du fait que tout est gouverné en dépendance des mouvements des corps célestes, il est répondu que ce n'est qu'une demi-vérité. L'homme en effet a comme deux âmes, l'une provient de l'intelligibilité originelle dans le monde et elle participe à la puissance créatrice. L'autre âme, au contraire, a un lien avec les mouvements célestes et c'est pourquoi elle suit également les mouvements périodiques du cosmos. Mais comme la première est au-dessus du mouvement de la nature, nous pouvons par elle nous .détacher du destin, et nous pouvons grâce à elle monter vers les dieux. Et il faut bien remarquer que c'est sur ceci que la théurgie se base. En plus de la participation à l'ordre des lois de la nature, l'homme a donc dans son âme un principe spécifique, point de départ pour être libéré de l'heimarméne, c.-à-d. la contrainte des lois naturelles. En effet, d'après le De mysteriis Aegyptiorum, l'heimarméne ne peut pas (comme l'ont fait les Stoïciens) être rattachée aux dieux; bien au contraire, est-il dit, nous rendons un culte aux dieux pour qu'ils nous délivrent de l'heimarméne, et ils le peuvent parce qu'ils sont eux-mêmes indépendants de l' heimarméne. Il est reconnu dans le myst. Aeg. que l'homme a un démon personnel qui le dirige au travers de la vie. Mais Porphyre, à partir de l'astrologie, a associé le démon personnel à l'heimarméne et cette opinion est rejetée 181 ). Car, là encore, le rapport spirituel est oublié. Le démon n'a pas son principe dans l'heimarméne, mais il est 180) 8,4 p. 267. 181) 9e partie.
190 supérieur au destin: il est en effet spirituel et divin et il faut absolument comprendre ceci pour saisir le noeud du problème démon-heimarméne et du comportement du démon vis-à-vis l'heimarméne de la nature. Le démon personnel conduit vers les dieux et vers Je spirituel dans la vie et, même si les calculs astrologiques sont très compliqués, le problème en son entier prend un sens plus profond lorqu'on songe que le démon tout comme le culte sert à libérer l'homme du destin.
k) La route vers le bonheur
La dernière partie du De myst. Aeg. traite de la question de Porphyre qui peut être comme un résumé de tous ses problèmes: N'est-il pas au fond tout à fait possible de trouver le chemin du bonheur en dehors de la religion? En effet, tout semble reposer sur les opinions arbitraires des hommes. La réponse est: non. Parce que si le bien en son être même et en sa perfection est divin et par là se trouve chez les dieux, alors la religion n'est pas seulement importante mais c'est en elle que nous trouvons l'alpha et l'omega de tout ce qui est bien: 7tapà µ6votç t'lµtv ... t'l -rlbvàya8ô'.>vÔÀcovàpcoil icai -rü.su-ril cr7tou6aicoçtm't116tûe-rat181). Alors c'est dans la religion que la vérité peut être contemplée, que la connaissance spirituelle peut être atteinte et, avec la connaissance des dieux, nous nous retournons vers nous-mêmes et nous apprenons à nous connaître nous-mêmes: tv-raOSa 61'1oôv icai f\ -rf\ç àÂ.T)8Eiaçmipecrn 8ta icai l'i -rf\ç voepéiç tmcr-rftµT)ç,icai µe-rà -rf\ç -rlbv 181). 8Elbv yvrocrecoçl'i 7tpoç tau-roùç tmcr-rpoq>il icai l'i yvlbcrtç tau-rlbv cruvÉ7t6-rat En ce qui concerne les nombreuses opinions et illusions humaines il nous faut dire que la théologie égyptienne ne se base justement pas sur ce qui est le point de départ de l'illusion, à savoir sur l'imagination. La vraie connaissance ne se base pas sur les images de l'imagination, mais sur un savoir qui les transcende. Elle a son principe dans la vérité qui réside chez les dieux et qui est indépendante du jugement que les hommes portent sur elle. Même les fautes ou les défauts qui pourraient se glisser dans le culte des dieux ne peuvent pas changer ce fait fondamental 1u). La route vers le bonheur passe donc, ainsi que la religion l'enseigne et le réalise, par une union avec les dieux, donateurs de tous les biens excellents: fvCOcrtç7tpè,ç -roùç -rlbv àya8lbv 6o-rf\paç 8eoùç186). 182) 10,1 p. 286,S-8. 183) 10,1 p. 286,8-11. Au cours des âges ce passage a, d'une façon ou d'une autre, été mal compris. Quillard le traduit ainsi: « après le culte des dieux vient la conversion vers eux et la connaissance de ce qu'ils sont ». La connaissance y est alors remplacée par le culte et tout est centré sur les dieux, tandis que le texte parle de connaissance par les dieux, et les pronoms réfléchis tautoliç et taUtiilv sont à rapporter à l'homme. Gale a traduit correctement cognitio deorum mais il écrit ensuite conversio ad deos au lieu de conversio ad se de l'homme. (a. PLonN, Enn. S,3,6 et en outre 1,2,4). Il s'agit de vraies conséquences philosophiques de la religion. Hopfner traduit correctement: « Mit der Erkenntnis der Gôtter aber folgt die Erkenntnis unser selbst » de même que des Places: « et la connaissance des dieux s'accompagne du retour à nous-mêmes et de la connaissance de notre âme ». 184) 10,2. 185) 10,S p. 292,3.
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Le bien absolu est ce Dieu, qui précède chaque pensée, et pour l'homme le bien consiste dans l'union avec Lui181). Ce n'est pas pour rien que le premier mot dans le De mysteriis Aegyptiorum est 0&6ç.
9. Platon dans le De mysteriis Aegyptiorum Nous avons mentionné que le De mysteriis Aegyptiorum à la fois dans ses positions générales de départ et dans sa manière de travailler est fortement imprégné de la tradition de Platon, et nous avons mentionné un exemple isolé de parallélisme avec Platon 187 ). Cependant il se trouve tant d'autres réminiscences de Platon dans notre œuvre qu'il y a lieu d'en citer quelques-unes, réminiscences qui ne sont pas seulement d'un caractère linguistique, mais qui ont trait au contenu lui-même et à la pensée de l'ouvrage 188 ). Il est important de remarquer d'abord que Jamblique n'utilise Platon en aucun passage du myst. Aeg. de la même façon qu'il l'a fait dans Synag. Pyth. Les pensées platoniciennes sont transcrites de telle sorte que quelques mots seulement sont les mêmes, le rapport au texte de Platon est partout lointain. Les quelques mots et expressions qui peuvent être appelés, avec plus ou moins de raison, des réminiscences de Platon, et qui, en fait, se trouvent chez Platon, sont employés normalement dans des contextes et des rapports tout à fait autres que ne Je fait Platon. Jamblique n'a pas écrit cette oeuvre avec les textes de Platon sous la main et il n'y pensait même pas. Mais en même temps on découvre que Platon marque Jamblique d'une empreinte si profonde que celle-ci perce et s'exprime en bien des occasions. Citons en premier quelques expressions et tournures de phrases d'un genre formel; sans nul doute une expression comme 1,3 p. 9,10: touct'tco 61' oôv 'totç àt6iotç ... 6uv6.µ&t.Certainement vient de Phèdre 246 a 6, où nous lisons: totlCÉ'tco61' croµcpirtq> 7tŒV'tOÇ µtv oôv À&{1t&l (3,29 p. 171,14) est une expression très rare chez Platon, mais ce ne peut être par hasard que la même tournure de phrase se trouve justement dans Les Lois 5 p. 728 a 2, d'autant plus que chez Jamblique se trouve peu après une expression aussi courante chez Platon que noÂ.Â.oO y& 1Cai6&1181). On peut tout à fait assimiler à ces tournures de phrases l'adjonction que fait Jamblique de toute une citation de Platon (de Banq. 210 a 3-4) dans son texte à lui en 5,5 p. 206, 1-2: tp& µtv oôv tyro, 1Cai npoSuµiaç où6èv ànoÀ&{'lfco·n&tp7t0'tOO àya8o0 xapdvm, àÂ.Â.àKai 'tO stva{ 'tS K«i 'tt)v oôa{av ô1t' &Ksivouaô'toîç 1tpoœtvai, oôJCoôaiaç 6V'toç 'tOOàya8o0, àÂ.Â.'fn tntKsiva 'tfjç oôaiaç 1tpsapsi~ Kal 6uvaµsi ôxsptxoV'toç. Dans tout le monde divin décrit par Jamblique en 1,5 p. 15 ss. on remarque clairement le lien qui le rattache au monde dépeint par Platon dans Phèdre (surtout 246ss.)181 ). Dans ce monde essentiellement spirituel et construit hiérarchiquement, les liens intermédiaires ont une signification déterminante pour le contexte. Diotime, dans son entretien avec Socrate dans le Banquet,l'initie à ce que ·Epcoç est un 6aiµcov, qui comme tous les 6aiµ6vla établit le contact entre Dieu et les hommes comme interprète et porte-parole des hommes à Dieu et de Dieu aux hommes: 1tt'i.v'tO 6aiµ6viov µs'ta!;u &O''tl8so0 't&Kai 8VTJ't00.Tiva, ftv 6'tyro, 6uvaµtv fxov; 'Epµ11vsOov Kai 6tanopllµs0ov 8sotç 'tà xap' àv8pro1tcovKai àv8prono1ç 'tà xapà 8séi)V,'tlov µèv 'tàç 6&'10'&tç Kai 8uaiaç, 'tlov 6è 'tàç &m'taçstç 't&Kai àµo1pàç 'tlov 8umlov, tv µtaq> 190) Ce sont les deux plus grandes parties. 191) L'emploi de cruvona6oi pour les compagnons des dieux en est ici un exemple marquant:myst. Aeg. 1,3 p. 9,10 Phèdre 248c3. PLOTIN est peut-être intermédiaire, cf. Enn. 4,8,2,27 ss. et 4,8,3,1 SS.
~
193 rocn.: -ro 1tiiv aù-ro aô-r(j>c:ruv6.:6tcr8al.(Banquet 202 6è 6v àµq,o-rtpwv c:ruµ1tï..11poî, d 13- e 7). Dans le De mysteriis Aegyptiorum, quand il est question de la prière et des sacrifices, il n'est pas fait allusion directement à ce passage, ce qui aurait pu sembler naturel, vu que Diotime dit justement que ce sont la prière et les offrandes qui sont apportées aux dieux par les hommes et que les prescriptions des dieux et leurs réponses aux sacrifices redescendent vers les hommes. Mais il s'agit de la même conception, elle est vue seulement dans la perspective de la construction du monde: médiation et contact aussi bien que relations sont créés entre les dieux et les hommes par les êtres spirituels qui remplissent l'espace entre les dieux et les hommes; et Jamblique emploie ici la même expression que Platon dans le Banquet: Tao-ta 61'1oôv -rà YÉVllµtcra c:ruµ1tï..11pot>v-rm -rov Kolvè>vcruv6.:crµovS.:&v -r.:Kai 'l'uxtbv, Kai àfüaï..u-rov aù-rtbv -r11vc:ruµ1tï..0K11v à.1tepyaÇ.:-ra1,µ{av -r.: c:ruvtx.:1av 192 avroS.:v µtxpl -rot>-r.:ï..ot>ç c:ruv6.:î(1,5 p. 17,7-10) ). On pourrait trouver chez Platon bon nombre de parallèles à des passages tels que 1,9; l, 17 et 1,19 avec leur interprétation astrologique des corps célestes et de leur animation; en tous cas à ce propos, il y a lieu de nommer l' Epinomis et il faut encore dire que le myst. Aeg. n'est pas aussi proche de l'astrolâtrie que ne l'est l'Epinomis 183 ). Un certain nombre d'expressions ayant rapport à Dieu, aux dieux et aux autres êtres de rang supérieur sont employées par Jamblique avec une résonance clairement platonicienne. Not>ç ity.:µtbv dans 1,7 p. 22,1 a son parallèle dans le Philèbe 30 d 2ss. Que tout soit rempli de dieux, c'est-à-dire que toutes choses soient basées et fondées sur le spirituel est une expression tout à fait courante dans la philosophie grecque, mais il n'y en a pas moins une relation entre 1tav-ra1tï..itp11S.:tbv en 1,9 p. 30, 2-3 et S.:tbv 1tï..itp11 1t6.v-radans les Lois de Platon 10 p. 899 b 9, et l'expression presque tout à fait identique en Epinomis 991 d 4. Que les dieux soient bienveillants et cléments, ceci est exprimé par les mots de Platon dans Phèdre 251 a 7: .:ùµ.:vdç ... Kai iï..t:ql(1,12 p. 41,5). C'est surtout le dialogue du Timée auquel nous pensons quand Jamblique parle de 611µ1oupyè>çKai 1ta-ritp1H). En plusieurs passages, Jamblique désigne les dieux par les expressions qui chez Platon sont employées dans un contexte plus philosophique 1H). Comme chez Platon, il est fortement souligné dans le De mysteriis Aegyptiorum que les dieux n'ont aucune part dans le mal. L'étude du problème du mal en 1,18, nous permet de remarquer des données du problème prises dans les Lois et la République 192) Immédiatement avant (p. 17,7) Jamblique a employé un autre terme essentiel tiré du passage du Banquet, à savoir 6la1topSµwco et il l'a fait dans un contexte exactement correspondant. Cf. aussi l'Epinomis 984d8~3 et sur ceci DES Pt.ACES, Portée religieuse de l'Epinomis p. 323 s. 193) Voir 1,9 p. 32,8 et I, 19 p. 57, 18 ~ l'Epi nomis 984a I et I, 17 ~ les Lois 10 p. 898e ss. et Epinomis 982 ss. (à quoi il convient d'ailleurs aussi d'ajouter ARIST. De coelo B 7). Dans l'ensemble l'Epinomis joue un grand rôle dans le De myst. Aeg. 194) 1,21 p. 65,7 et 5,23 p. 232,18. Cf. Tim. 28c3-4; 37c7; 4la7. 195) 3,12 p. 128,10 tà navtaxoo JCaià&i sur la présence des dieux en tous lieux; Platon, lui, emploie cette expression lorsqu'il parle de l'idée. De même pour cruµq>wvov1tpè>çéautè> JCai ùEi tuut4> waairrwçfxov (4,7 p. 191,6). Cf. notes de des Places.
194 et il y a un rapport évident entre 4,6 p. 189 et le mythe d'Er de Platon (République 10 p. 617 e); en voici la ressemblance linguistique: myst. Aeg. 4,6 p. 189, 4-10: 6&µev el Poui..t:t1eai 'tO tvavdov où KŒ'tta1eeooaaµev, d>çli6t1ea nva 6péia&at tv 'tatç Ka'tà 'tàç 1eÀ.iJaetç ,cpayµa'teiatç· 6n 'to{vuv oùfü: 'tOU'tCOV alnattov 'toùç Seoùç aùt6Sev µtv ,cp66TJÂ.Ov· o{ yàp à:ya&oià:yaS&v dmv alnot, 1ea1CoO 6t 1tavtoç à:vahtot· Kai ol Seoi ica't' oùa{av lxoum 'to à:ya86v· où6tv lipa li6ticov 1to100atv. 'AU' lipa 'tà aina 'tô'.>V 7tÂ.T)µµtÂ.ô'.>Ç yiyvoµtvcov ÇT)'tTJ• tÉOV. La République 2, p. 379 b 15-c 7: OùK lipa 1tavtcovye al nov 'tO à:ya86v, O:Â.Â.à tô'.>vµtv eù ëx6v'tcovalnov, 'tô'.>v6t icaicô'.>v à:va{nov .... Où6' lipa, ... , 6 Se6ç, ê1te1611 à:ya&6ç,1tav'tcovliv dl') ahioç, d>çol 1toÂ.Â.oi Â.Éyoumv,à:Â.Â.à ÔÂ.{ycov µtv 'tOÎÇà:vSpro1tO\Ç ainoç, 1COÂ.Àô'.>V 6&àvahtoç· 1COÂ.Ù yàp &Â.a't'tCO 'tàyaSà 'tô'.>V ICŒKô'.>V T}µtv,1eai tô'.>vµtv àyaS&v où6tva aÂ.Àovalnattov, 'tô'.>v 6t icaKibvliU' dna 6d 1118 ÇTJ'tdV'tà ai'tta, QÂ.Â.' où 'tov Se6v ). Il est compréhensible que la mantique tienne une grande place dans le De mysteriis Aegyptiorum - aussi considéré à la lumière de Platon. Ce n'est pas seulement dans le discours de Socrate dans le Phèdre, qu'il est relevé que les dieux peuvent faire participer l'homme à leurs propres dons en laissant tomber leur inspiration sur l'homme, de telle sorte que celui-ci ne peut plus s'exprimer avec ses propres mots, mais qu'il est possédé par les pensées des dieux. Diotime parle aussi de ce sujet avec Socrate dans le Banquet et nous le constatons dans le Timée197 ). Il est tout à fait essentiel aux dieux d'être purement sans jalousie et sans rancune. Ils donnent librement de la bonté de leur être et cela sans jamais être liés par le bénéficiaire: myst. Aeg. 3,17 p. 140, 14-141,3: µt'ta6{6cocn(Tt'tô'.>v Se&v6uvaµ1ç)µtv néim 'tô'.>v à:yaS&vicai 1eapa1tÀ.iJmanpoç tau'triv 'tà 6Â.a à:,cepyaÇe'tat,q,ei..t:t te 'tà 6to11eouµeva à:q,S6vcoç,µtvet 6t d>ç1toÂ.ùµéiÂ.Â.ov èq,' éautfjç 'toaou'tq>µaÂ.Â.ov tfjç ol1eeiaç 'tti..t:t6'tTJ'tOÇ 1tt1tÀ.iJpcota1. Kai aÜ'tTJµtv où y{yve'tat t&v µetex6vtcov tà 6t µt'taÂ.aµpavovta i6ta tau'tfjç ànepyaÇetat Kai aù>Çetµtv aùtà ,cavteÂ.&ç,µtvet 6t èv éau'til 'tti..t:ia Kai auÂ.Àaµpavetµtv aù'tà dµa èv tautil, im' où6ev6ç ye µriv &Keivcov oü'te Kpattt'tat oi>te 1eep1txe-ra1. En parallèle nous lisons chez Platon (à propos de la création) Timée 29 e 1-4: à:ya&oçriv, àya&4'>6t où6dç ,cepi où6evoç où6t1to'te èyyiyve-rat q,S6voç-'toi>'touô' 198 &K'tOÇ rov navta 6n µaÂ.ta'ta ëpouÀiJS11yevta&at 1tapa1tÀ.iJmaéau'tq'> ). Dans cet ouvrage de Jamblique, l'important concept de participation, jailli immédiatement de la structure de l'univers, est également bien connu de Platon 1911). Et nous rencontrons aussi dans l'ouvrage d'autres expressions spécifiquement philo196) Cf. d'autres passages importants de Platon, comme par ex. République 10 p. 617e5; Tim.42d4 etc. 197) Cf. les notes de des Places sur la 3e partie surtout 3,1-2 et 3,7-10. 198) Sur ce thème essentiel d. MILOBENSKI, Der Neid. 199) Cf. 1,18 p. 55,3 (µ&tllÀ'llf/lÇ) et passim. Chez Platon par ex. Parm 131a6 (µttllÀ'lllflÇ), Phaed. 10lc5 {µ&tacrx&cr1ç)et en outre µt9&!;1ç chez Platon.
195
sophiques de Platon• 00 ). Nous trouvons encore dans l'oÙvrage de Jamblique comme chez Platon l'opposition entre l'éristique et la philosophie, et le fait que Jamblique, comme Platon, distingue entre la nécessité physique et le 1ttt80> qui présuppose le spirituel, répond exactement à cette philosophie spiritualiste101 ). Le De mysteriis Aegyptiorum confirme que Jamblique est un IlÂ.a-rrovuc6ç.
1O. La date du De mysteriis Aegyptiorum De prime abord il est difficile de déterminer une date précise en se basant sur le contenu et le caractère général de l'œuvre: aucune allusion directe n'est faite à un
évènement historique et une pseudonymie est généralement l'occasion de problèmes pour la fixation d'une date. En ce qui concerne la pseudonymie, il faut souligner pourtant, que celle-ci n'est pas rigoureusement maintenue tout au long de l'ouvrage de telle sorte qu'il faille distinguer entre « l'époque de la scène » et « le temps de la rédaction », comme c'est le cas p.ex. pour la fixation de la date des dialogues de Platon. Le destinataire n'est pas anonyme, c'est seulement l'expéditeur qui se cache derrière un pseudonyme. C'est pourquoi il devrait être légitime de supposer que l'ouvrage en tous cas a été rédigé avant la mort de Porphyre en 304 101 ). D'un autre côté, rien n'empèche qu'il ait pu y avoir un intervalle appréciable de temps entre la lettre de Porphyre et la réponse de Jamblique; donc si l'on se base sur une date pour la lettre de Porphyre, il est seulement possible d'obtenir un terminus post quem. La lettre de Porphyre se situe généralement durant le premier séjour de Porphyre à Rome 263-268I0 3). Si nous comparons avec la chronologie pour Jamblique, nous osons en conclure qu'il a pris connaissance de cette lettre durant son séjour à Rome aux environs de 270-280 1°"). Mais il est absolument invraisemblable d'admettre que Jamblique ait aussi répondu de Rome à cette lettre. Ici intervient la pseudonymie. Lorsque Jam200) 1,5 p. 18,15 l!v - 1ti..it8oç(voir DESPLACESdans REG 50,1937, 327-8), 1,8 p. 26,13: airtà éin&p tcmv b:acna (cf. Phédnn 78d3; République p. 490b3); cruvtal;tç dans 1,17 p. 52,12 (cf. les Lois 10 p. 903c--0); aùtonpay{a sur la justice dans 4,5 p. 187 (cf. République 4 p. 444c8 et al.). Importantes sont les remarques sur les « causes premières et suffisantes » 11:pûltaKai 11:pEO"• Pirrata atna dans 5,6 p. 207,5 (à rapprocher des Lois de Platon JO p. 966d9 et passim; cf. aussi Epinomis 980el et 99ld2). « Conditio sine qua non » s'appelle chez Jamblique 6 · 1t&pi6uvciµsrov 'lfUXflÇ 'Ev taùtq'>· 1t&pi1tÀ.i)8ouç6uvciµsrov 'Ev taùtq'>· xspi téi'.>v 1V &v&py&tlbv ti'jç 'lfUXflÇ
se
11) ZELLER,Phil. d. Gr. éd. p. 740 note. FESTUGIÈRE,Révél. III p. 185 note 8 (à la page 186). SIMPLICIUSqualifie, dans son commentaire du De anima aristotélicien, !'oeuvre de Jamblique comme une pragmateia, comme l'a fait Jamblique lui-même (SIMPL.ln Arist. an. p. 240,37). 12) Les maîtres de Jamblique ont pourtant été une source orale, ainsi Porphyre, voir 1,49,37 p. 375,24. 13) cr. note 10. 14) Il n'y a aucune raison de croire que la question des sources de Stobée atteigne la valeur probante de cette argumentation.
201
37 38 39 40 41
42 42a 43
'Ev 'Ev 'Ev 'Ev 'Ev ('Ev
'tŒÙ't4'.>· 1tspi 'tli'.>vëpycov'tfjç 'ljlUXflÇ 'tŒÙ't4'.>· 1tspi µé'tpou 'l'UXflÇ 'tŒÙ't(i>· 1tspi füacpopaçica866ou 'tli'.>v'l'uxli'.>v 'tUÙ't4'.> 'taù't(i> 'tUÙ'téj'.))
'Ev 'taù't(r 1tspi Sava'tou.
Evidemment, nous avons là a priori une sérieuse complication au sujet du matériel du De anima trouvé chez Stobée, du fait que le /emma avec le nom de Jamblique n'a pas été transmis conjointement avec cette série de fragments. Mais nous avons pourtant tout lieu de croire que Wachsmuth (d'ailleurs à la suite de Cantérus) a raison d'ajouter le /emma, et que les fragments proviennent en fait de l'œuvre de Jamblique. Un seul titre rappelle un ouvrage de Porphyre cité à un autre endroit, mais nous ne pouvons pas avoir sous les yeux des fragments de Porphyre, du seul fait que le nom de Porphyre y est mentionné 16). Il y est encore dit que l'ouvrage provient de l'époque postérieure à celle de Porphyre; qu'en tout cas le /emma a été perdu (et peut-être même un chapitre) ressort de ce que Platon est cité immédiatement avant (La République 44lc). Lorsqu'il est ensuite possible d'identifier ce chapitre comme des fragments de Jamblique, c'est surtout dQ au fait que Stobée introduit deux autres fragments du De anima - précisément du même caractère doxographique que celui que nous rencontrons ici - et ici le lemma (en référence au De anima de Jamblique) est conservé11 ). En nous basant sur Stobée, nous pouvons distinguer 5 groupes de sujets, quand nous considérons l'enchaînement des 13 fragments en vue de la structure de l'œuvre: upi 6uvaµscov'l'uxfjç 1tspi tvspysili'.>v'tfjç 'l'UXflÇ 1tEpiµÉ'tpou 'l'UXflÇ 1tEpiica866ou tli'.>V'l'UXli'>V 1tEpi8aVU'tOU
des facultés et des aptitudes de l'âme de l'action de l'âme de la mesure de l'âme de la descente de l'âme de la mort.
Nous pouvons distinguer ici encore entre deux parties, dont la première est si nettement élaborée d'après la façon de penser aristotélicienne, tandis que la deuxième sur la descente de l'âme est visiblement déterminée à partir d'une tradition pythagoricoplatonicienne. Cette distinction apparaît encore manifestement dans les documents doxographiques, parce que toute la tradition grecque est représentée dans la première partie, et nous avons là encore beaucoup de références directes à Aristote et aux lS) Cf. l'ouvrage de Porphyre IIEpi t(Î)V t~c; ljl\):X~Ç l>uvo:µErov en 1,49,24 ss. 16) 1,48,8 et 2,1,16; par contre 2,31,32 auquel renvoie WACHSMUTH (app. crit.) et 3,2S,6 n'ont pas beaucoup de poids dans ce contexte, même s'ils sont tirés du De anima de Jamblique. l,49,6S et 67 sont aussi sans aucun doute du De anima, même si, comme le grand chapitre, ils manquent de lemma.
202 Péripatéticiens; par contre il ne s'y trouve aucune référence à Aristote ou aux Péripatéticiens dans le chapitre sur la descente de l'âme; en revanche, ici il est les Pythagoriciens, les Platoniciens, l'école du Taurus et d'autres moyens platoniciens qui sont mentionnés, ainsi que Plotin y occupe une place importante. Les Péripatéticiens ne sont de nouveau mentionnés qu'après le chapitre sur la descente de l'âme 17}. Par suite il est encore une fois confirmé que nous ne sommes pas en présence d'un commentaire, puisque dans sa construction il n'est pas relié au De anima d'Aristote; en outre cette construction témoigne d'une tendance que nous avons rencontrée et que nous retrouverons plus tard chez Jamblique qui est de considérer Aristote en liaison avec Platon et comme introduction à Platon. Nous ne pouvons placer dans l'œuvre avec une précision exacte les autres fragments du De anima cités par Stobée, et pourtant dans l'ensemble il n'y a aucun doute à avoir sur la place de ces fragments. Il s'agit des suivants: Stobée 1,49 m:pi voO 8 'Iaµ~i..ixou èK toO fl&pi. lf'uxflç 1,49 1t&pilf'U:Xi'\Ç 65 {'laµf}i..ixou èlCtOO 7t&pilf'UXflÇ) 67 'Ev taùt{j')18 ) 2, l fl&pi tii'.>vtà 8&ia êpµ11veu6vtrov, _JCaici>ç&111 àv8pv JCatà t1)v oùaiav ài..118&1a 16 'Iaµfli..ixou èJCtoO fl&pi lf'uxflç 2,31 fl&pi àyoryflç JCai1tm6&iaç 32 'laµ~ÀiXOUèlCtoO fl&pi lf'UXflÇ 3,25 fl&pi µv11µ11ç 6 'laµfli..ixou èJCtoO fl&pi lf'UXflç
Pour situer ces fragments, nous n'avons pas ici, dans les /emmata, de points de repère, mais nous pouvons nous appuyer d'une part sur les chapitres principaux de Stobée où sont placés les fragments, d'autre part sur leur contenu; en outre il nous faut tenir compte des sources citées. 1, 48, 8 est placé par Stobée sous «l'intellect», qui traite la question de 6uvaµ&tç de l'âme et cite les Stoiciens, Platon, Pythagore, les Péripatéticiens et les Platoniciens - il appartient au premier groupe de sujets. 1,49,65 et 67 se trouve comme étant la partie, grande d'ailleurs dans le chapitre de Stobée sur l'âme et après le grand chapitre, qui traite la question de la purification de l'âme, du but final, du jugement, etc .... et où sont cités Plotin, les Platoniciens, les Pythagoriciens, les « anciens »: Platon, Plutarque, Porphyre, Plotin et Numénius - ces passages appartiennent à la dernière partie de l'ouvrage de Jamblique et doivent éventuellement être considérés comme faisant partie d'un sixième groupe de sujets à l'intérieur de la section platonico-pythagoricienne de l'œuvre. Selon les sections 17) 1,49,42a et 43 (sur la mort). 18) Ici le lemma est aussi rétabli. 1,49,67 se trouve dans l'édition de Stobée immédiatement après 1,49,65.
203 principales de Stobée, 2,1,16 pourrait bien être placé dans la partie ultérieure de l'ouvrage de Jamblique, mais comme Jamblique ne traite ici que de questions générales et comme Héraclite seulement y est cité, nous n'avons pas les éléments suffisants pour situer ce fragment. Ceci vaut encore pour 2, 31, 32 qui est introduit par Stobée dans un chapitre sur l'éducation et qui traite d'une façon très générale d'un problème d'éducation, si bien qu'il ne peut être situé de façon plus précise. Il faut seulement remarquer que nous avons ici un fragment à contenu pédagogique dans l'ouvrage de Jamblique. En ce qui concerne le dernier fragment 3, 25, 6 il ne peut par contre y avoir aucun doute sur sa place dans l'œuvre. Le chapitre principal de Stobée indique la première partie de l'ouvrage, et bien que le fragment n'apporte pas de références aux sources, son emplacement indique son contenu: il s'agit de ~ova.µ&1ç de l'âme. Dans les témoignages que nous avons conservés sur le De anima en marge de Stobée, il est mentionné tout d'abord que Jamblique a beaucoup insisté sur le fait que l'âme a une position médiane entre le divisible et l'indivisible, entre l'éphémère et le durable, entre le changeant et l'immuable et entre ce qui apparaît et ce qui n'apparaît pas dans le monde de la nature 19). Ces réflexions touchent à des principes plus fondamentaux d'ordre métaphysique et c'est pourquoi elles devraient être placées dans la dernière partie de l'ouvrage; elles servent à souligner l'intérêt de Jamblique pour les perspectives proprement philosophiques dans le problème de l'âme. Nous avons ainsi une idée très précise de la structure de l'œuvre d'après les documents transmis et, sans aucun doute, nous pouvons être autorisés à entreprendre une division supplémentaire à l'intérieur de l'œuvre, division qui peut être caractérisée d'après le contenù des fragments, ainsi que l'a fait Festugière10 ). Cependant ici, 19) Voir FESTUGID.E, Révél. Ill p. 252 ss. avec examen des passages (PROCL.in Plat. Tim. III p. 333,28 ss.; SIMPL.In Arist. an. p. 5,38 ss.; 89,22 ss.; 237,37 ss.; 240,33; 313,1 ss.; PluscIAN. Metaph. in Theophr. p. 32,13 ss.). 20) FESTUGIÈRE, Rév. III Appendice I p. 177 ss. avec la disposition suivante: Section I: L'Ame et ses puissances. 1. Nature de l'âme. A. Ame composée d'atomes. B. Ame forme du corps. C. Ame essence mathématique. a. Ame figure géométrique. b. Ame nombre. c. Ame harmonie. D. Ame substance incorporelle. E. Ame corporelle. 2. Sur les puissances de l'âme. A. Nature des puissances. B. Distinction des puissances. C. Sur le nombre des puissances. D. Sur les puissances qui tiennent à l'essence de l'âme et sur les adventices. E. Sur la mémoire. F. Sur l'intellect. 3. Sur les activités de l'âme. 4. Sur la mesure de l'âme.
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nous ne devons pas examiner de plus près la question d'une division supplémentaire dans la structure, mais au contraire d'après la structure fondamentale, revenir à la question du caractère de l'œuvre. A ce sujet, Festugière donne une interprétation malheureuse de l'ouvrage de Jamblique, en faisant entrer les fragments du De anima en appendice à un ouvrage sur Hermès le Trismégiste. Le contenu des fragments, aussi bien que la structure de l'ouvrage que nous pouvons reconstituer sur cette base, ne nous autorise pas à comprendre le caractère de l'œuvre à partir de la littérature hermétique. On remarque encore que Festugière considère la dernière section du De anima comme une section qui traite de l'eschatologie, terme admissible en liaison avec la tradition hermétique, mais très douteuse vu les fragments que nous possédons de l'ouvrage de Jamblique. Le fait que Stobée place des citations de la littérature hermétique immédiatement après celles de Jamblique, ne compte pas ici, car si nous examinons le contexte chez Stobée, nous remarquons aussi qu'immédiatement avant Jamblique, c'est Platon qui est cité. Les documents doxographiques que Jamblique donne lui-même dans les Section II: Descente des âmes. I. Point de départ et buts de la descente. 1. Points de départ. 2. Buts de la descente. Il. L'Union de l'âme avec le corps. 1. Diverse selon la diversité des âmes. 2. Diverse selon la diversité des buts. 3. Diverse selon les genres de vie düférents des âmes avant la descente. III. Temps et modes de l'incorporation. 1. Temps de l'incorporation. 2. Modes de l'incorporation. A. Comment l'âme entre dans le corps. B. Comment l'âme se sert du corps. C. Comment l'âme s'unit aux Dieux. Section III: Vie de l'âme dans le corps. 1. Choix du genre de vie à la puberté. 2. Sur la mort. A. Problème essentiel. B. Questions subsidiaires. a. Cause de la mort. b. Sort des parties du composé. 1. Sort de l'intellect. 2. Sort des puissances irrationnelles. 3. Sort des substances intermédiaires. Section IV: Eschatologie. 1. Jugement, châtiment et purification. A. Nature de ces opérations. B. Causes efficientes de ces opérations. C. Causes finales de ces opérations. D. Termes extrêmes de ces opérations. 2. Récompense des âmes.
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fragments, situe l'ouvrage dans la tradition de la philosophie grecque et pas seulement dans la tradition hellénistique. Bien au contraire, c'est la philosophie grecque ancienne et ses représentants classiques qui donnent leur empreinte au portrait. Tandis qu'il était pleinement autorisé dans le cas du De mysteriis Aegyptiorum, de considérer le rapport et la liaison avec la littérature hermétique, on peut dire au contraire du De anima qu'il est très spécialement un ouvrage philosophique.
b) Méthode de travail de Jamblique dans le De anima
Le premier trait de la méthode de travail de Jamblique dans le De anima est qu'il utilise - ainsi que nous l'avons mentionné - un vaste matériel doxographique. Nous retrouvons ici un trait connu d'Aristote et nous avons remarqué aussi que le De anima est introduit par un problème de caractère nettement aristotélicien: l'interprétation de la dynamis et de l'energeia de l'âme. Ce trait est pourtant loin d'être le seul. Nous remarquons en divers domaines que la méthode de travail employée par Jamblique a une affinité évidente avec la méthode aristotélicienne, ainsi que nous avons vu Jamblique l'employer dans le De mysteriis Aegyptiorum. Nous trouvons ainsi dans le De anima la même tentative pour définir le genos et pour délimiter, compte tenu du genos 11 ). Et la distinction qui est à la base d'une telle définition se retrouve, ici, comme dans le De mysteriis Aegyptiorum 11 ). Nous pouvons remarquer de même que, dans cet ouvrage, la distinction entre les diverses façons d'aborder le sujet joue un rôle important, d'où il s'en suit plusieurs manières de considérer le sujet 13). Evidemment ceci est étroitement lié au fait que Jamblique travaille sur la base de documents très hétérogènes. Mais il est à remarquer que ces documents ne sont pas entremêlés, d'après la conviction qu'en réalité tous sont de même vue en contenu. Il ne s'agit ici dans ce sens ni d'éclectisme, ni de syncrétisme14). Ce n'est guère non plus à tort que Festugière admet que même la dernière partie de l'ouvrage est travaillée selon la conception aristotélicienne de la cause 111). En ce qui concerne l'utilisation des sources chez Jamblique dans le De anima, il est caractéristique que dans les cas où nous pouvons en contrôler l'emploi, il s'agit tout d'abord d'extraits. Les citations directes sont courtes et non pas nécessairement littérales; c'est la tendance que nous connaissons dans Synag. Pyth. de rendre les sources en conservant des mots centrais, tandis que la phraséologie elle-même est le propre de Jamblique. Un simple exemple suffit pour éclairer ceci: 21) 1,49,32 p. 364,2: fan 6,; rtvcx; fv n aotf\c; tô axf\µa ib. p. 354,7 naÀ1v toivuv 6 àp1Sµoc; tv tt&pql ytvt:1 ict:tta1. 1,49,37 p. 372,15 rapporte ti icatà rtvri icai d6TJ (66ça). cf. 1,49,43 p. 383,23. 22) 6taipt:a1c; 'Ap1atotti..11c;µtv oov tà µcU.,ata 6o1CoOvtat1I ARIST.
&bt&tv,1CtVT10'&1, alaStia&t, t4>à.aroµcitq>·toiitcov 6' fKQO'tOVàvtiy&tQI1tpoc;tac; àpxac;.
1111.>XO U1tŒPX&IV ≤tpia ta IC\)pui>tata ytV11 àvayaymv, 1C{V11a1v t& Kal yv6)0'1v Kal Â.&1tt6t11ta ooo{aç, f\v tvl0t& Kal àacbµatov (nt6atam v tnovoµciÇ&t.
Dans une citation courte mais textuelle Jamblique reproduit ainsi la description donnée par Aristote de la conception orphique de l'âme: ARIST.
De anima 1,5 p. 4l0b27:
cp11alyàp (6 tv totc; 'Opcp11Cotc; KUÂOuµtvo,c; fn&at Â.6yoc;)tflV 11/UXTIV tK toO ôwu &la,tva, àva1tv&6vtrov,q,&pOµÈVTIV (mà tlilv à.vtµrov, oùx o[ov KtÂ..
JAMBL.ap. Stob. 1,49,32 p. 366,17: ô'>cm&p•Aptatott)..11c; µtv tv totc; 'Opcp11Cotc; f1t&al cp11mliy&aSat tflV 111\JXTIV &la,tva, tJC toO ôwu àvaJtV&6vtcovflµ&v cp&poµtVT'lv ô1t6 tlilv àvtµcov· fotd y&KtÂ..
Il ne peut y avoir aucun doute sur le fait que Jamblique a travaillé d'après des sources écrites, mais nous voyons en même temps que nous sommes loin d'un extrait mécanique18). Nous avons vu comment Jamblique dans le myst. Aeg. travaille sous le couvert d'un pseudonyme. Ce qui est intéressant,c'est qu'ici dans le De anima, nous retrouvons aussi la même tendance à voiler qu'il s'agit maintenant de sa propre pensée. Jamblique peut même adjoindre sa propre pensée à celle des autres, et se contenter de désigner la sienne comme « une opinion non encore exprimée jusqu'ici », sans qu'il soit possible de douter que c'est sa propre opinion à lui 11 ). Nous devons admettre que cette tendance est l'expression de la même tendance trouvée dans le myst. Aeg.: il n'est pas essentiel de savoir qui dit quoi, mais ce qui est dit. c) Position de Jamblique vis-à-vis d'Aristote dans le De anima
C'est une critique intéressante que porte Jamblique sur Aristote immédiatement à la suite de la citation que nous venons de donner 18 ). Lorsqu'Aristote classe les explications existantes sur l'âme d'après trois problèmes principaux: le mouvement, la connaissance (Jamblique dit yv&v t1'.j6&KanoOaa dxpavtov
no1&Ita1Kal tTtVKâ9o6ov (un des rares endroits où l'opinion personnelle de Jamblique apparait clairement). 58) Voir FESTUGJÈRE, Révél. Ill notes du paragraphe p. 238 ss. et id., Contemplation p. 131 ss. 59) 1Cpia1ç,6i1CT1, tmKapnia, 1Câ9apa1ç, 1,49,65 p. 454 ss. FESrumÈRE, Ràél. Ill p. 238 ss. 60) Les textes les plus importants de Pt.ATON sont ici Phèdre 246a-49; la République JO p. 614a-621, le Phédon 107-115; le Gorgias 522-527 et le Timée. Cf. FESTUGIÈRE, Révél. lll p. 243 note 2. Dans ce chapitre, Jamblique montre une compréhension historique perspicace en établissant une distinction entre les différentes étapes de la tradition pythagorico-platonicieMe, entre les anciens et les plus jeunes, et une attitude exégétique en établissant une distinction entre les Platoniciens purs et les moins purs. Cf. FESTUGIÈRE, Révél. Ill p. 239 note 9 et p. 240 note 2 et 5.
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problème de l'âme et l'ait travaillé si à fond. Il s'est situé par là parmi les interprétateurs de Platon qui pensent que nous trouvons ici un point essentiel de la philosophie de Platon.
2. Les lettres Déjà les titres rapportés par Stobée en relation avec les fragments de lettres de Jamblique montrent le caractère philosophique de ces lettres, et parmi les questions philosophiques traitées, ce sont les sujets éthiques qui ont l'intérêt principal 61). Nous pouvons non seulement supposer que la lettre à Sôpater sur àpe-r11a eu une portée considérable, mais aussi constater que les vertus cardinales ont été traitées dans les lettres de Jamblique 81). A travers ces lettres nous avons le témoignage de l'intérêt de Jamblique pour le mariage et l'éducation des enfants. Les questions concernant la société, en un sens plus large, sont traitées en partie dans la lettre à Macedonius, qui a pris ôµovo{a comme thème, en partie dans divers écrits où a été traitée la question fondamentale du gouvernement dans la société. Nous devons admettre que l'étude de füaÂ.t:K'ttKTI a été faite d'une manière plus spécialement philosophique; et même si la question participe largement de la philosophie de la nature, nous pouvons finalement la compter au nombre des thèmes religieux et philosophiques, quand Jamblique, ici encore dans les lettres, aborde la question du destin pour la traiter (1tEpiEεapµtV11Ç). Comme il fallait s'y attendre, Jamblique traite les vertus cardinales à propos de Platon; il peut directement se référer à la fois à Platon et à Socrate•3). Surtout, nous pouvons remarquer comment Jamblique, en étroite conformité avec la tradition platonicienne, souligne d'une part l'unité entre tous les àpe-ra{, de l'autre leur importance pour devenir semblable aux dieux. Il est dit que la justice est atteinte quand l'homme est orienté vers le but de toutes les àpe-ra{ (-rà -r&v5À1tOPXEIV,roç ÔOICOOO\7tOIEÎVol q>1Mcrmpo1 Kai aùtoç 6 'laµl3i.1xoç aUo91 tE ltOÀÀ.axoOKai ÈVtù 7ttpi 9i:wv. 81) Cf. myst. Aeg. 1.9 p. 32,7-18. 82) PHOTIUS, Bibl. 215.
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d'abord cette tradition qui s'occupe des questions de rhétorique, tandis que la tradition de l'Académie, platonicienne dans un sens plus restreint, tient rigueur vis-à-vis de la rhétorique 83 ). Les rapports de Jamblique avec la tradition péripatéticienne dans l'ouvrage de rhétorique se remarquent encore visiblement dans le court passage conservé 84). Jamblique souligne ici que la brièveté de l'expression ('rè>cruv-roµov) ne doit pas nuire à la clarté (être à.crmptç);ce qui est clair (-rè>craq,tç) ne doit pas de son côté être vulgaire (l6uo-ruc6v). La question de la brièveté de l'expression est mentionnée par Aristote dans les mêmes termes, et toute la question de la clarté dans l'expression est la searétè de style introduite par Théophraste 86 ). La règle, mise en relief par Jamblique, d'éviter les extravagances de style, est également aristotélicienne. La dignité (-rè>cr&µv6v)ne doit pas être exagérée, tandis que ce qui est commun (-rè> Kotv6v) ne doit pas être méprisable (&ù1ea-racpp6vri-rov) mais être exprimé avec une certaine ampleur. Encore une fois, c'est toute la terminologie de la tradition grecque rhétoricienne que nous avons devant nous, en même temps que l'évaluation péripatéticienne perce dans le texte 88 ). On ne peut exclure que Jamblique en quelques points se réfère ici à la rhétorique stoïcienne, qui occupe une place importante à l'époque hellénistique à côté de la rhétorique péripatéticienne 87). Il serait à propos de garder ces remarques de Jamblique in mente, surtout lorsqu'on se réfère au style qu'il a employé dans Synag. Pyth. En tous cas nous ne savons que très peu de choses des réflexions théoriques de Jamblique sur les questions de style. Le fragment se termine par une référence à Homère, Platon et Démosthène que Jamblique considère comme les représentants suprêmes du style qu'il apprécie le plus. Si nous croyons Eunape, Jamblique en ce qui concerne le style n'a pas eu beaucoup de chances avec l'éloge d'Alypius qu'il aurait écrit. Non parce que Jamblique, suivant l'opinion d'Eunape, a manqué de clarté dans sa présentation, mais, pense Eunape, parce que Jamblique a commis l'erreur de vouloir imiter le style même d' Alypius, et ainsi il n'a atteint ni son modèle, ni la beauté 88 ). Il est très difficile de savoir ce qui se trouve sous ces remarques d'Eunape. Le renseignement sur l'imitation est intéressant dans la mesure où Jamblique aurait voulu, pour ainsi dire, faire sien le style même d'Alypius - de même qu'il a assumé la personnalité d'Abammon dans le myst. Aeg. Dans l'éloge sur Alypius, cela n'a pourtant pas pu avoir une importance qualifiante quant au contenu, comme c'était le cas pour le De mysteriis Aegyptiorum. 83) Voir par ex. KRoLL dans: RE Suppl. 7,1940, 1080 ss. 84) Chez SYRIEN,ln Hermogenem I p. 9,11-18 voir plus haut p. 59. 85) aûvtoµov Kanrfoptô'.>vt!;Tl'Yfl'tftç), et il mentionne qu'Andronicus a écrit une 1 paraphrase du traité 7). Nous trouvons aussi des traces des commentaires d'Andronicus chez Simplicius18 ). BoÉTHUS DESIDON,élève et successeur d' Andronicus dans l'école péripatéticienne, préférait commencer l'étude d'Aristote par la Physique qui, à son avis, était plus facile que les traités de logique et autres 19). Simplicius ne parle pas moins de lui comme un interprète des Catégories; et son interprétation a eu aussi une importance. capitale et un grand rayonnement. Il a considéré le général comme secondaire dans l'ordre de la nature, par rapport au particulier 10). D'après lui, les idées doivent être comprises seulement comme des concepts d'espèce 21). Par conséquent le général ne devient pas quelque chose d'ontologique, et les concepts généraux ne sont pas l'expression de réalités mais quelque chose de purement nominal. La position de Boéthus devient celle du nominalisme. Ceci a naturellement des conséquences pour son interprétation des Catégories. Ainsi, il prétend, par exemple, que la catégorie de la substance s'occupe seulement de la matière, et de la matière moulée dans la forme, mais pas du tout de la forme 21 ). ARISTON D'ALEXANDRIE fut élève d'Antiochus mais alla ensuite à Péripatos. Nous avons conservé, en particulier, de son commentaire des Catégories, quelques remarques sur l'interprétation de la relation 13 ). On remarque chez lui, comme il faut s'y attendre chez un élève d'Antiochus, l'influence de la conception stoîcienne des catégories14). 15) 16) 17) 18)
En particulier l'introduction, de plus par ex. p. 159-160 etc. ELIAS,ln Arist. Categ. p. 117,20 ss.; 118,20 ss. SIMPL.ln Arist. Categ. p. 26,17; 30,3 et 159,32. Sur Andronicus par ailleurs, entre autres L1rno, PLEZIAet UP (p. 559). Sur l'importance d'Andronicus pour la classification des œuvres d'Aristote, entre autres DüRING, Arist. in Biogr. Trad. p. 444-445. 19) Jon. PHILOP. ln Arist. Categ. p. 5,16; ELIASln Arist. Categ. p. 117,20; 118,9 ss. 20) DEXIPP. ln Arist. Categ. p. 45,13 ss. 21) SYRIAN.ln Arist. Metaph. p. 106,8 ss. 22) SIMPL. ln Arist. Categ. p. 78,6 ss. Sur l'influence de Boéthus sur Alex.Aphrod. MORAUX,Alex. Aphrod. p. 9. 23) SIMPL. ln Arist. Categ. p. 188 et 202. 24) Cf. GERCK.Edans RE 2,1896, 956; UP p. 560.
226 La conception stoîcienne des catégories devait d'ailleurs jouer un grand rôle dans la tradition aristotélicienne des catégories, et elle a, au premier siècle avant J. C. des représentants importants comme ATHÉNODORE DE TARSEet CoRNUTUS.Du point de vue stoïcien, les catégories sont considérées comme une systématique linguistique et c'est sur cette base que les catégories d'Aristote sont critiquées 111). Cette critique stoïcienne devait être grosse de conséquences non seulement pour l'école stoîcienne mais aussi, en particulier, pour la tradition platonicienne. Ella va en ligne directe jusqu'à la tradition anti-aristotélicienne du Platonisme Moyen 18). Mais déjà, au cours de ce siècle, on trouve une critique des catégories d'Aristote, venant de l'Académie: EuooRE D'ALEXANDRIE, d'après des citations de Simplicius, a fait une sérieuse critique des catégories 1 7). Premier siècle après J. C. ALEXANDRE D'EGÉE,maître de l'empereur Néron, semble avoir été le seul péripatéticien de valeur, au cours du premier siècle après J. C. Il semble avoir repris la question de principe à savoir: quelle est la portée exacte du traité aristotélicien des Catégories: les catégories aristotéliciennes sont-elles des catégories linguistiques, ontologiques ou conceptuelles? Et il s'est efforcé de combiner les trois possibilités 18 ). Deuxième siècle après J. C. Par contre, le traité des Catégories est le sujet d'un débat très animé au cours du deuxième siècle. Non seulement nous avons ici la continuation d'une tradition péripatéticienne, mais le siècle est caractérisé, en particulier, par la dispute sur le traité des Catégories dans l'école platonicienne 19). Pendant la première partie du siècle nous avons, dans l'école péripatéticienne, les commentaires des Catégories par ASPASIUSet ADRASTEet les Zetemata sur les Catégories de HERMINus30 ). Pour l'école platonicienne, c'est GA1us et son cénacle, qui représentent l'opinion positive envers les Catégories. Ainsi, dans le commentaire anonyme de Théétète, qui peut être attribué à l'école de Gaius, déclare-t-on que les catégories aristotéliciennes sont utilisées en pratique dans le dialogue de Théétète, et il est évident que cette conception a une importance toute décisive tant aussi bien pour l'interprétation des Catégories que pour l'interprétation du rapport entre Platon et Aristote 81 ). C'est ainsi, en se basant sur l'école de Gai us, qu' ALBINUS,dans son 2S) Cf. PRAECHTER, Nikostratus p. S08-S09, avec renvoi aux passages principaux chex Dexippe (In Arist. Categ. p. S,19 ss) et Simplicius (ln Arist. Categ. p. 18,27 ss). 26) Et jusqu'à Plotin, voir PRAECHTER, Nikostratus, p. S09-S 11. UP p. S30. THEILER,Vorbereitung p. 6-8. Plutarque a aussi écrit sur les dix catégories, voir à ce sujet VoLKMANN,Leben, Schriften und Philosophie des Plut. p. 20 ss. 27) Sur Eudore en particulier H. DoERRIE,Der Platoniker Eudorus. 28) UP p. S61. 29) L'article de Praechter sur Nikostratus. 30) UP S62. Sur Herminus SIMPL.ln Arist. Categ. p. 1,14. 31) Cf. l'introduction de Diels p. XXX.
227 lsagoge, peut dire que ]es catégories aristotéJiciennes sont indiquées dans Je Parménide et aiJleurs chez Platon 31). Mais ]es attaques contre les catégories aristotéliciennes ne furent pas moins passionnées. Lucms et à sa suite immédiate N1cosTRATUS, que l'on peut situer vers 160-170 (acmé) en sont les figures dominantes 88 ). Pour les Platoniciens, une des difficu]tés principales était que pour eux, Aristote, avec ses catégories, ne s'occupait pas de la contradiction entre le monde sensible et le monde extra-sensoriel. Durant le même siècle, SÉVERUS essaya de résoudre ce problème en partant « du tout» (1tllv) comme catégorie supérieure, ainsi que l'enseignaient les StoîciensH). Pour Lucius et Nicostratus, il y a le fait, qu'ils se sont servis à un tel point de la terminologie stoîcienne, que Zeller a pu ]es considérer comme faisant partie de l'école stoîcienne 111). Simplicius nous apprend fort peu de chose sur Arr1cus, mais son opposition à Aristote est bien connue grâce à d'autres fragments et lui aussi, utilise la philosophie stoîcienne dans sa lutte contre Aristote 81).
Troisième siècle après J. C. Le commentaire des Catégories o' ALEXANDRE o' APHRODISE est perdu; il a marqué le dernier apport capital des Péripatéticiens à la tradition des Catégories; nous devons maintenant nous borner à reconstruire la position d'Alexandre en partie, grâce aux citations chez Simplicius et à ce qu'en disent Simplicius et d'autres auteurs, et en partie, grâce à ce qu'il dit dans le reste de ses œuvres. Cependant, il est ainsi possible d'obtenir une connaissance étendue de l'interprétation des Catégories par Alexandre. Il est particulièrement important pour l'histoire de l'interprétation des Catégories, qu'Alexandre pense que les concepts généraux ne sont relatifs qu'à la pensée et que le général, somme toute, ne se trouve que dans la pensée 8 7). Naturellement, ceci doit avoir une importance toute décisive pour l'interprétation des Catégories et implique une remarquable position nominaliste. De plus, ceci a une importance décisive pour la compréhension même de la connaissance, et la conception de l'intellect; et ici aussi, Alexandre prend une position particulière 38 ). Alexandre, évidemment, est infJuencé par Boéthus, mais pour nous, il est au moins aussi important 32) ALBINUS Epit. 6 p. 159,35 H. Dberg pense que Galien aussi, qui a des affinités avec le cénacle de Gaius, a écrit un commentaire des Caug. (RhM LII p. 595); en tout cas, il a travaillé sur la logique aristotélicienne, bien que probablement sur un plan tout à fait élémentaire (cf. MEWALDT dans RE VII 1912, 588). 33) PRAECHTER, article de Nikostratus, et CAPELLE dans RE XIII 1927, 1791-97, avec l'étude des
problèmes de détermination de la date. PRAECHTER sur Séverus dans RE 2 R. II 1923, 2007---08,avec renvoi à PROCL. ln Plat. Tim. 1 p. 227,15 ss. 35) a. les articles sur Nikostratus de CAPELLE et de PRAECHTER. 36) Cf. l'édition des fragments de Baudry, de plus l'article dans RE Il, 2241 et G. MAR TANO, Attico. 37) En particulier De an. 90,6 ss.: d 6t µ11voelto (se. tà KaS6).ou Kai 1Co1và)où6t fcm fn. Cf. UP p. 564. 38) A ce sujet, en particulier MORAUX, Alex d'Aphrod. exégète de la noétique d'Aristote. Cf. aussi le résumé chez UP p. 565. 34)
228 de se souvenir, qu'Alexandre a une influence considérable sur Plotin, qui l'incorpora dans son Canon 39 ). Après Alexandre, c'est PLOTINqui, au troisième siècle, devint la personnalité la plus importante de la tradition des Catégories. En s'appuyant et en continuant la critique qui, auparavant et du côté platonicien, avait été dressée contre les catégories aristotéliciennes, Plotin, dans Ennéades 6, 1-3, nous donne une analyse étendue des problèmes qui sont impliqués dans le concept aristotélicien des catégories. Comme l'avaient fait les Platoniciens avant lui, Plotin critique en particulier le fait qu'Aristote ne s'occupe que des catégories du monde sensible40 ). De plus, il critique la façon dont Aristote limite ses catégories, et Plotin essaie de montrer leurs insuffisances et leurs inconséquences. Pour Plotin, on ne peut pas comprendre les « premières espèces» à partir de la catégorie de la substance d'Aristote, mais ce sont les cinq espèces, qui sont énumérées dans le Sophiste de Platon: l'être, le repos, le mouvement, l'identité et la différencen). Dans un examen de la conception des catégories par Plotin, là où il peut y avoir des points communs avec Aristote, c'est-à-dire les catégories du monde sensible, Rutten a montré que, là aussi, il apparaît que l'interprétation des catégories par Plotin est nominaliste. li y a partout une identité entre la pensée et ce qui est; ce qui revient à dire dans le contexte de Plotin que la pensée devient à un tel point primordiale qu'il n'est plus possible de distinguer entre l'objet de la pensée, et la façon dont l'objet est pensé 41). Le prédicat dans une catégorie n'est pas alors seulement un concept, mais il est aussi un être 43 ). De sorte que tout ce qui est se dégage en une émanation qui coule de l'intelligible dont le principe premier le plus profond est l'ineffable ëv. Ceci veut dire que pour le monde concret, sensible, Plotin ne croit pas que celui-ci ait une unité en soi, mais qu'il la reçoit d'abord par la connaissance"). Nous avons ici une interprétation très remarquable et simultanée d'Aristote et de Platon, et une interprétation par laquelle on ne peut éviter de supposer une rupture très sensible entre les deux. 39) PoRPH. Vita Plot. 14. Au sujet des rapports de Plotin à Alexandre cf. les notes de BRÉHIER dans son édition ainsi que l'article de P. HENRYdans Sources de Plotin p. 429 ss. 40) Enn. 6,1,1. 41) Enn. 6,2. Pour les catégories intelligibles de Plotin voir en particulier NEBEL,Plotins Kategorien der inte/ligiblen Welt. 42) Dans la terminologie d'une époque plus tardive: il n'est pas distingué entre l'objet-formel quod et l'objet-formel quo. Voir DE CoRTI!,La dialectique de Plotin. 43) Cf. RurnN, Les catégories du monde sensible dans les Ennéades de Plotin, p. 68. Dans son compte-rendu analytique du livre de Rutten (MH 20,1963,246) THEILERpense qu'il n'y a pas de raison d'admettre que le nominalisme se trouve chez Plotin ainsi qu'il se trouve plus tard chez Porphyre. Theiler renvoie au fait que Plotin a éprouvé si fortement l'unité de la pensée et de la réalité, qu'il n'est pas justifié d'admettre qu'il ait pu douter que la pensée se base sur la réalité. Néanmoins, une expérience mystique, existentielle, de l'unité entre la pensée et la réalite peut très bien être un obstacle au maintien d'une théorie réaliste de la connaissance. Justement, par nature, le nominalisme ne distingue pas nettement entre pensée et réalité, comme articulation d'une seule et même connaissance. La remarque de Theiler est difficilement un argument contre l'interprétation de Plotin de Rutten. 44) Cf. là-dessus UP 607 et l'introduction de Bréhier, à l'édition.
229 Quant à Plotin, il faut de plus préciser que, dans sa critique d'Aristote, il emploie souvent la terminologie stoïcienne et continue, ainsi que nous l'avons déjà signalé, l'influence stoïcienne dans la tradition des Catégories. Que Plotin le fasse, est assez compréhensible d'après sa métaphysique. La pensée discursive (6uivota), n'est pas en état, d'après lui, d'atteindre la réalité parce que celle-ci seule se comprend par la connaissance intuitive de l'intelligible. Ainsi, pour Plotin, cette pensée discursive arrive à ressembler, sur beaucoup de points, à l'interprétation linguistique stoïcienne, avec l'accent mis sur la cohérence sémantique, sans pour cela préciser le rapport entre le langage, la pensée et la réalité 0 ). Ceci est d'une importance capitale pour la tradition des Catégories parce qu'il y a une interdépendance étroite entre la conception stoïcienne de la langue, et la logique stoïcienne. La logique stoïcienne est caractérisée par une logique des propositions mais non par une logique de concepts, comme est la logique aristotélicienne. Par conséquent, la logique stoïcienne s'occupe principalement des calculs des propositions, et il est facile de voir que ceci correspond précisément à l'interprétation linguistique stoïcienne"). Ainsi une confrontation avec la réalité n'est pas concluante de la même manière que pour une logique aristotélicienne, et par suite il y a de nombreux points communs avec la conception de Plotin de la pensée discursive. C'est, sans aucun doute, ce qui fait que nous trouvons un certain accord entre la conception de Plotin de 1eatl1'YOP{a et le Â.E1Ct6v stoïcien' 7). Avec ces prémisses, il sera donc naturel de critiquer sévèrement Aristote, et de plus - et c'est au moins aussi important - il y aura une tendance à interpréter Aristote de telle manière que l'aspect purement formel sera souligné alors que les implications ontologiques ne seront pas considérées48). PORPHYRE reprend, sur beaucoup de points, les points de vue de son maître. Cependant, dans ce qui suit, nous reviendrons si souvent à l'interprétation des Catégories de Porphyre, et à son interprétation d'Aristote en général, que nous pouvons ici nous limiter à signaler que les efforts de Porphyre - le premier néo-platonicien à avoir commenté le traité des Catégories d'Aristote, dans une exégèse continue se présentent à nous par trois œuvres essentielles: 1) Un grand commentaire philosophique des Catégories. Ce traité est maintenant perdu et nous devons nous satisfaire avec les citations que l'on trouve chez les commentateurs plus récents, en particulier Simplicius. 2). Un petit commentaire, sous forme dialoguée, évidemment destiné à un enseignement assez élémentaire sur la logique d'Aristote. Il est conservé ( =CAG IV 1). 3) Une introduction aux Catégories aristotéliciennes, le célèbre Isagoge, 45) Sur les rapports de Plotin avec Stoa cf. entre autres SCHWYZERdans RE XXI, 1,1951, 576-579, et THEILER,Plotin zwischen Platon und Stoa dans: Sources de Plotin p. 65 ss. Sur la compréhension stoicienne de la langue voir STEtNTHALI, en particulier p. 297, 299 et 338. Sur l'importance du stolcisme pour la formulation de Plotin de sa critique d'Aristote voir RUTTEN op. cit. p. 38 ss., p. 54 et passim. 46) Sur la logique stoïque, en particulier MATES,Stoic logic. 47) Cf. RUTTEN,op.cil. p. 114. 48) Cf. Lwvo, Neoplatonic logic and Aristote/ian logic.
230 d'où ou comme l'œuvre est aussi appelée Quinque voces (Ilepl 'tli'.>vxtV'tE v) il faut comprendre ytvoç, d6oç, 6taq>opa, i61ov, auµPeP11K6ç)0 ). Il est inévitable, que l'introduction aux Catégories qu'écrit Porphyre, vienne à marquer son interprétation personnelle, sur de nombreux points. Le fait de commencer par une étude de certains termes et expressions, étude considérée par lui comme une prémisse nécessaire pour la compréhension des catégories, d'avance, le rapproche un peu de la tradition stoicienne qui dès le début du Platonisme Moyen mettait l'accent sur le déterminant linguistique. Ce n'est pas par hasard que Porphyre parle justement de q>rovai. On peut aussi signaler que Simplicius raconte que Porphyre, dans son grand commentaire philosophique des Catégories, avait beaucoup travaillé sur l'exposé de la doctrine stoicienne 10). Que les rapports de Porphyre avec la tradition stoicienne soient, de façon ou d'autre, déterminés dans les détails, il n'en est pas moins bien connu que Porphyre se trouve d'accord avec l'interprétation stoïcienne nominaliste des catégories, exposée dans le Platonisme Moyen, interprétation qui se trouve aussi chez Plotin 11). C'est ici que se place le commentaire de JAMBLIQUE, nous y reviendrons bientôt, après avoir énuméré brièvement les dernières œuvres principales de l'histoire des commentaires des Catégories. ces œuvres à partir desquelles tant de l'histoire précédente doit être reconstruite. Avec Jamblique, nous entrons dans le Quatrième siècle après J. C.
Le commentaire dialogué des Catégories de DEXIPPEqui nous est conservé, utilise largement Porphyre et Jamblique, ainsi que le dit lui-même Dexippe 11 ). Le commentaire est bien aussi, en particulier, un témoignage de cette tradition qui s'est efforcée de réfuter la critique d'Aristote par Plotin 51 ). Dexippe appartient à l'école syrienne. MAXIMUS,le maître de Julien, appartient à l'école pergaménienne. Nous savons très peu de choses sur le commentaire qu'il écrivit sur les Catégories. Simplicius dit que Maxime s'est efforcé non seulement d'interpréter Aristote, mais aussi de traiter le sujet même 14). Et ceci, il l'aurait fait en concordance avec Alexandre d' Aphrodise. THÉMISTIUS représente l'école péripatéticienne à Constantinople (il vécut de 317 à 388 environ) mais on ne peut plus parler d'une œuvre philosophique originale. Ses paraphrases des œuvres aristotéliciennes ont d'abord et avant tout comme but, 49) Cf. UP p. 610 et BEUTLER dans RE XXII 1, 1953, 282-284. tKt:i 6oyµatc.ovKatà tliv KOIV(l)V{av 50) SIMPL.ln Arist. Categ. p. 2,8-9: 1toi..M Kal tG>vItc.o1KG>v
toO i..6you1tpocmnopG>v(se. nopcpup1oç). 51) Cf. PRANTL, Gesch.d.Logik p. 626--38, et en plus les remarques de LLOYD dans Neop/at./ogic and Arist./ogic p. 155-159 et RUTTEN,Les Catégories, p. 115. Sur l'lsagoge de Porphyre dans
!'Antiquité, entre autres BussE, Die griech. Aus/eger. 52) p. 5,9. Ka! aùtàç µtv to toO "Ap153) SIMPL.ln Arist. Categ. p. 2,25-29: Ka! Mçm1toç 6t 6 'laµl3)..ix&1oç 0'îOîÉÂ.OUÇ l31!3Mov Ollvt6µc.oçtçrJYlicrato, 1tpo1]Youµtvc.oç 6t tàç TTi..c.otivou à1toplaç d,ç tv
6ia)..6yqi1tpot&1voµtvaçaùi:0 6iaM&1v1tpoi:i8&1:a1, où6tv où6t oôi:oç crxe6ov totç nopcpuplou ,mi "laµl3)..ixou7tpocrt&3&1Kù>Ç. cr. UP p. 618. 54) SIMPL./n Arist. Categ. p. 1,15 s. Pour Maximus en outre PRAECHTER dans RE XIV, 1930,2563 ss.
231 de donner un exposé pédagogique du texte aristotélicien 66). Il n'y a pas de raison de croire que nous aurions beaucoup mieux connu la tradition antique des Catégories si nous avions conservé la paraphrase de Thémistius du premier traité de l'organon 118). Cinquième siècle après J. C. SYRIENsuccède, vers 431/432, au premier néo-platonicien d'Athènes, Plutarque 5 7). Il a travaillé sur le traité des Catégories, mais nous n'avons que des renseignements indirects sur son exégèse de l'œuvre aristotélicienne 58 ). Il est fort vraisemblable que Syrien apporte la tradition alexandrine des Catégories à l'école d'Athènes. De là, part de nouveau un courant d'influences d'Athènes à Alexandrie, car l'élève de Syrien, Proclus est le maître d'une importance personnalité venant ensuite dans la tradition des Catégories: AMM0NIUS (né avant 445, mort vers 520). Avec lui commence un renouveau aristotélicien très important, ce qui a des conséquences dans une quantité de domaines, aussi bien pour les traités de logique que pour les autres œuvres d' Aristote 5 8). Ammonius a pu puiser aussi bien dans la tradition alexandrine que dans la tradition athénienne, et il a pu ainsi synthétiser toute la tradition philosophique des Catégories80). Nous avons conservé le commentaire d' Ammonius (CAG IV 4) et son exégèse est aussi connue indirectement, nous voulons dire par les commentaires de ses élèves qui, évidemment, se basent sur ses études et ses interprétations orales. Sixième siècle après J. C. JEAN PHILOPONet ÜLYMPIODORE sont tous deux, élèves d'Ammonius. Leurs commentaires conservés des Catégories contiennent un matériel considérable sur le précédent débat des Catégories. Leur plan est, dans l'ensemble, déterminé par des considérations pédagogiques 81 ). Une PARAPHRASE ANONYME conservée, appartient à ce contexte alexandrin. Elle semble avoir une source commune avec Olympiodore, mais ne semble pas avoir suivi ou avoir influencé Olympiodore 82). En tout cas, elle appartient à l'école d' Ammonius. SS) Thémistius expose lui-même sa méthode dans l'introduction à la paraphrase de Anal. post. Sur Thémistius, voir STEGEMANN dans RE 2.Rh. V, 1934, 1642-1679. 56) Les paraphrases conservées se trouvent dans CAO V. 57) PRAECHTER dans RE IV A 2, 1932, 1728-75. 58) SIMPL.op.dt. p. 3 et p. 9 et passim, cr.Index nominum. Syrian est nommé de plus par Elias (cf. Index nominum dans CAO XVIII 1), mais n'a pas d'intérêt particulier pour notre contexte. 59) Un ouvrage capital est ici KREMER,Der Metaphysikbegriff in den Aristote/es-Kommentaren der Ammonios-Schule. 60) Sur la tradition alexandrine des Catégories, PRAECHTER dans Geneth.Robert p. 151 ss et dans BZ 21, 1912, 1 s. Cf. de plus UP 664. 61) Sur Philopon, KRoLL dans RE IX, 1916, 1764-95 (datation de l'acmé aux premières décennies du Vl 8 siècle, col. 1764 ss.; sur le commentaire des Catégories col. 1774 s.). - Sur Olympiodore, BEUTLERdans RE XVIII, 1939, 207-227 (sur le commentaire des Catégories col. 220). 62) PRAECHTER dans OGA 1904, 374.
232 Avec Ammonius, la tradition alexandrine s'assimile déjà à une tradition chrétienne qui accepte l'étude d' Aristote 83 ). Elle se continue aussi par les deux élèves d'Olympiodore: ELIASet DAVID. Le commentaire d'Elias est conservé {=CAG XVIII 1) tandis que le commentaire de David est disparu. En revanche, nous avons conservé l'introduction de David à l'/sagogé de Porphyre et ainsi avons-nous une branche particulière de la tradition des Catégories"). L'école d'Athènes dut fermer en 529. Mais tout de même un élève d'Ammonius a ici encore apporté la dernière œuvre capitale dans l'histoire de l'interprétation des Catégories dans !'Antiquité: SIMPLICIUS, dont nous avons parlé si souvent du commentaire. En plus d'une contribution importante à l'interprétation du traité aristotélicien, Simplicius apporte un si riche ensemble de matérieux au sujet des sources de la tradition antérieure, que son commentaire - même si certains des commentaires alexandrins sont plus tardifs - doit être considéré comme la véritable conclusion et synthèse des commentaires anciens des Catégories. Il est écrit quelque temps après que Simplicius soit revenu de Perse, vers 53366 ). b) Le commentaire des Catégories de Jamblique
Le caractère du commentaire des Catégories de Jamblique peut être partiellement jugé d'avance, lorsque l'on sait qu'il est nommé dans la tradition alexandrine et connu d'abord et surtout grâce à Simplicius. La tradition alexandrine est une tradition d'enseignement et les commentaires sont écrits en vue de l'enseignement. Ils sont surtout élémentaires et pédagogiques. Au contraire, le travail de Simplicius est avant tout scientifique, aussi parce que l'enseignement public lui a été interdit au moment de la rédaction. Il est aussi confirmé, par des fragments chez Simplicius, que le commentaire de Jamblique a été un travail important et en profondeur, ce que nous pouvons conclure aussi du fait que Simplicius dont le travail était extrêmement scientifique, a pu utiliser le commentaire de Jamblique comme base de son propre travail 88 ). Dexippe, ainsi que Simplicius, disent que le commentaire de Jamblique est difficilement accessible, et tous les deux considèrent comme un but important, d'introduire et d'expliquer les commentaires difficiles mais particulièrement importants de Porphyre et de Jamblique 87 ). 63) cr. les articles de Praechter nommés dans le note 60. 64) cr. BussE, Die griech. Aus/eger der lsagoge des Porphyrs, et l'introduction du même auteur pour l'édition de l'lsagoge de Porphyre dans CAG IV 1 p. XXXIV-L. 65) PRAECHTER dans RE 2 Rh. Ill, 1927, 204. 66) SIMPL. ln Arist. Categ. p. 3,2-10: tycli yàp tvtrux.ov µtv Ka{ ncrt Tô'lv dp11µtVO>v cruyypâµ1c:ai µatlS,11.11,tôv Alfü:alou µtv toO 'laµl3À1x_tiouµaSTJtl'IV,tv 6t t(j) de; tac; KatTJyopiaç ù1toµvtiµat1 ncivta auvqaavta. ax&6ôv tli> AÀ&l;av6PQ> 71) SIMPL. op. cil. p. 1,3-7: IloÀÀi1toÀÀciçKat&j3aÀovtoq>povti6ac;de; tô t6'.lvKatTJyop16'.lvtoO 'Ap1ototÉÀouc; l31l3Àlov,où µ6vov ôn 1tpooiµ16v tan tflç ÔÀTJÇ q,1ÀOtô µtv tf'IÇ ÀOYIKf'IÇ &"(llCl')ti'jç ÔÀTJÇ 1tpOÀaµl3ùV&talfü1Caicoçq>IÀOtv toiç 1t&pltoO cnc01toO .!x&1oc; CJK01t6ç. 73) Dans la tradition p~ente, cette question est souvent discutée comme étant une question de sujet de l'écrit. Les prolégomènes d'Ammonius au commentaire des Catégories sont un bon exemple de Prolegomena travaillées en profondeur. 74) a. AMMON.ln Arist.Categ. p. 8; ÜLYMP.ln Arist. Categ. p. 18 s.; JOH. PHIL0P. ln Arist.Categ. p. 8; ELIASln Arist.Categ. p. 129; SIMPL.ln Arist.Categ. p. 9. 75) /ocis laudatis, le premier se référant à Categ. 2 p. lat 6: 'tli>V).&yoµtvrov 'tà µÈv ... 'tà 6t (et 4 p. lb25 de même que 2a4), le deuxième se référant à 2 p. la20: 'tô'>vÔV'trov'tà µtv K't>..(et 5 p. 2all), le troisième se référant à 10 p. llb5: i11tÈp... y&vli>viic:avà 'tà &lp11µtva. A ceci, s'ajoutent d'autres arguments. 76) ÜLYMP.op.cil. p. 19,36 ss.; JoH. PHILOP.op.cil. p. 9,12 SS. transmis par ELIAS,op.cil. p. 130, 14 ss. Voir Test. et fragm. n° 3 ss.
236 à l'étude « des conceptions plus complètes» 7 7). Ici, il se montre que Simplicius, par celles-ci, comprend précisément les déterminations combinantes; il commence par Alexandre d'Aphrodise et ajoute ensuite que déjà Alexandre d'Egée et Herminus avaient fait des combinaisons en déterminant l'intention du traité; et qu'ils avaient été suivis en ceci par Porphyre, Jamblique, Syrien et par ceux que Simplicius signale comme ses maîtres, parmi lesquels Damascius, en particulier, doit être compté 78 ). Par conséquent, pour préciser davantage la place de Jamblique dans la discussion sur v µ6vrov
d'après Philopon 7tf:pi q,rovêi'>v µ6vwv 1t&pivo'lµlitrov
d'après Elias 1t&piq,rovii'>v 1t&pivo'lµlitrov
79
)
Dexippe n'est pas nommé dans la tradition alexandrine. D'après Simplicius, ALEXANDRE a pris comme point de départ pour sa définition du scopus « les mots » q,rovai, ainsi que le disent Philopon et Elias (en divergence avec Olympiodore), mais il n'a pas pris q,wvai, dans un sens aussi étroit que le laisse entendre la tradition alexandrine 80 ). Simplicius donne une citation d'Alexandre (venant certainement du commentaire) où Alexandre dit qu'Aristote a voulu montrer et préciser que ce sont les concepts qui sont désignés par les parties les plus simples du langage et que, par conséquent, il a divisé ce qui est non d'après les objets simples, mais d'après les dix genres supérieurs et il les a appelés catégories: tiva 6s ècrnv tà u1tô tii'>v 1tpci>trovKai 6.1tÀii'>v µopirov toîi À6you v Kai y&v1Krotcitrovto0 Àoyou 77) p. 10,8: [6roµev 6è Kai toùç teÀeci>tepov àvt1ÀUµ~avoµtvouç. 78) p. 13,15 SS. 79) Il n'est pas nécessaire ici de prendre en considération des personnalités moins importantes telles que Herminus et Eustathius. 80) SIMPL. ln Arist. Categ. p. 10,10. 81) ap. SIMPL. op.cil. p. 10,12-16.
237 µopirov &Ivai -rôv crico1tôv-rébv-rà 6:1tÀ.ti1tpâyµa-ra crqµatv6v-rrovicai -rà 1ttpi -rébv 6:1tÀ.ébv 1tpayµâ-rrov6:1tÀ.ti vo11µa-ra.Cette conclusion est quelque peu surprenante, quand on la compare avec l'argumentation précédente. C'est justement, d'abord dans la conclusion que 1tpâyµa-ra est introduit; en outre, il est mentionné que le travail a pour sujet les parties les plus simples et les plus élémentaires comme désignations des choses et des concepts des choses, tandis que dans l'argumentation il n'est parlé que des parties du langage comme désignation des concepts. Peut-être est-ce ainsi parce que, dans la citation, il nous manque une argumentation antérieure, mais cela peut vouloir dire aussi, que la conclusion est celle de Simplicius. De toutes façons, on comprend par là, que les alexandrins s'expriment comme ils le font sur la position d'Alexandre. Qu'Alexandre ait compris la question des mots comme primordiale ainsi que le disent Philopon et Elias, est évident par le passage de Simplicius. Mais il est tout aussi évident que la pensée de base d'Alexandre est centrée sur le concept comme celui qui est indiqué par le mot. Par suite, la caractérisation d'Olympiodore de la définition du scopus par Alexandre devient tout à fait compréhensible et dans l'ensemble correcte. Simplicius confirme ce qu'Olympiodore signale: qu'Alexandre a référé au passage des Catégories p. li b 15 ({mi:p µtv oùv -r&v1tpo-r&Sév-rrov ytv&v {icavà -rà tlp11µtva) et une mise en lumière de cet endroit est, d'après le témoignage unanime de la tradition, caractéristique de ceux qui veulent comprendre le scopus à partir du concept 82 ). La question est de savoir comment est la relation entre le concept et le réel. Comme Simplicius la présente, nous ne pouvons pas dire que 1tpâyµa-ra obtiennent une place propre et indépendante dans l'argumentation. Quand justement, les concepts, dont il est ici question, sont yévq, et qu'il est souligné que ceux-ci n'existent pas, mais sont une abstraction, alors ceci est en parfait accord avec la position nominale d'Alexandre, d'après laquelle le concept universel ne se rapporte qu'à la pensée83 ). Mais cela veut dire aussi que « le concept d'une chose » devient assez tautologique. Quant à la partie précédente de la conclusion d'Alexandre, ainsi que Simplicius la rapporte, on peut également se demander, s'il est vrai que «l'expression désigne la chose » comme il est dit dans le texte de Simplicius. Les expressions dont traitent les Catégories ne désignent justement pas des choses mais des catégories ce qu'Alexandre même a souligné dans la discussion précédente. Il est donc naturel de conclure de ces renseignements, qu'Alexandre identifie 1tpayµa-ra et voiJµa-ra, non parce qu'il le souhaite ou parce qu'il veut que les deux mots s'équivalent, mais parce que ce résultat déroule de sa position philosophique. Tous nos renseignements correspondent à cette interprétation. La tradition alexandrine de parler des mots et du concept dans la définition du scopusd'Alexandre, prend alors une valeur de fait, parce qu'il devient correct de réduire la définition du q,11mv ôn 1tEpi vo11µutwv fotiv aùtq> 6 o-Kon6ç, (l)T1CJIV imtp µtv oùv TÙJVltPOtE9i:vtwv "(EVÙJViKavà taùta.
82) OLYMP. in Arist. Categ. p. 19,28: toooùt6v Ôtl tv tq> t&À.<cÏ>VKat11yopui)v
Olympiodore montre aussi dans son exposé précédent, qu'Alexandre a donné une place centrale au concept. 83) Cf. ci-dessus p. 227 avec note 37.
238 scopus d'Alexandre à une définition par des « mots » et du « concept». Ceci est
en accord avec l'argumentation de Simplicius et répond à ce que nous savons d'ailleurs sur la théorie de la connaissance d'Alexandresc). Cela correspond aussi précisément à cette définition du scopus qu'Alexandre, d'après Simplicius et Olympiodore, a soulignée, c'est à dire que le traité des Catégories est un traité de logique, et qu'il a compris celui-ci dans une opposition aussi bien à la métaphysique qu'à la philosophie de la nature, ainsi que le dit Olympiodore86). Pour Alexandre, les Catégories ont été une œuvre de principes logiques (mais tout abstraits) et comme telle un outil pour la philosophie, mais non un véritable traité philosophique. Nous nous occuperons maintenant de PORPHYRE. Dans la tradition alexandrine, les renseignements sont ici à l'inverse de ceux que nous avons sur Alexandre: d'après Philopon et Elias (qui se suivent encore) Porphyre a compris scopus comme étant de concepts, tandis qu'Olympiodore dit que Porphyre a défini scopus comme étant des mots seuls. Nous avons déjà vu chez Alexandre qu'en soi-même, le point crucial, n'est pas dans la relation concept-expression mais par contre dans la relation avec le réel. Ceci est d'autant plus compréhensible qu'il existe une vieille tradition - en règle générale d'inspiration stoîcienne - pour tellement rapprocher le concept et le mot que ceux-ci sont considérés comme deux aspects d'un même cas et qu'ils peuvent simplement s'identifier 88 ). On peut donc voir aussi qu'en réalité, la tradition alexandrine peut s'accorder aussi bien avec les renseignements de Simplicius qu'avec les propos de Porphyre, que nous avons la chance de posséder, et que le renseignement d'Olympiodore est de nouveau un petit progrès quant à la précision. C'est d'abord tout à fait en accord avec les renseignements de Simplicius, quand Olympiodore dit que Porphyre a argumenté pour sa conception de scopus en partant du titre du traité des Catégories: le livre s'apelle 1Cat11yopiat,par conséquent son sujet principal doit être les mots et l'énoncé 87 ). Ce renseignement est confirmé par Porphyre même 88 ) Par contre, ce qui est remarquable immédiatement, c'est que Porphyre, dans sa définition de scopus, ne s'occupe plus du concept - en contradiction flagrante avec l'indication de Philopon et d'Elias. Il semble que, pour Porphyre, l'essentiel ait été que scopus était les mots qui désignaient les choses: oùK âv EÎTJ m:pi yevlbv toO ovtoç it 1tpayµatf.ia oùô' 6Â.coç tvtaüSa tq> cp1À.ocr6cpcp ôiaÀ.a~&îv1t&picprovéi'>v cr11µmvoucréi'>v 1tpayµata 93 ô1à µÉcrrovvo11µatrov ). Que ceci soit la définition du scopus de Jamblique est aussi confirmé par le fait qu' Ammonius, immédiatement après, commence justement à étudier l'unité de cette définition du scopus, ce qui est un héritage de Jamblique (cf. test. et fragm. n° 7). Il se montre de plus que, lorsque Simplicius ne parle pas seulement en général de la formulation combinée du scopus, et que, pour lui-même, il 'doit préciser le scopus pour les Catégories, il utilise la formulation suivante: à.À.À.' &1t&iÔÉÔ&llCtU\ 93)
AMMON.
/11Arist.Categ. p. 9,17-18.
241 1t&piq>&· p6µ&va). Quand nous prenons la citation littéralement, il n'y a naturellement aucun 116) Cf. l'étude chez, par ex., AcKRILL, et STEINTHAL, Sprachw. 1 p. 210 ss. 117) Voir en outre, en particulier, les remarques de STEINTHAL, dans Sprachw. I p. 212. 118) Le passage de Porphyre est In Arist.Categ. p. 68,16.
246 doute que Simplicius a raison. Mais, d'ailleurs, Jamblique ne cite pas Alexandre, mais reprend en propres termes ce qui a été pour lui la position d'Alexandre, et nous sommes s1lrementici devant le problème de la reproduction d'Alexandre dans la tradition alexandrine, problème que nous avons d'abord rencontré ci-dessus dans l'étude de la question du scopus119). Voyons-nous la déclaration de Jamblique à la lumière de la tradition alexandrine, nous comprenons qu'il considère la conséquencede l'interprétation d'Alexandre comme donnant un placement insuffisant au concept dans la conception de la connaissance. Si le concept n'est plus du tout considéré, le mot doit alors exprimer la chose même, et il arrive une identité de fait entre le mot et la chose. Si c'est le cas, la remarque de Jamblique est compréhensible et justifiée. Cependant, on doit ajouter, qu'en fait, Alexandre a le concept dans sa théorie de la connaissance, mais il est frappant de remarquer que la chose et le concept, pour ainsi dire, sont égalisés comme deux points de référence possibles pour l'affirmation, et même comme des points parallèles. Nous l'avons vu dans la définition du scopus d'Alexandre: le scopus est les parties les plus simples du langage qui définissent les choses les plus simples et les concepts simples des choses simples1111). Nous comprenons que Jamblique en soulignant fortement la fonction d'intermédiaire du concept ait pu abréger tellement la pensée d'Alexandre. En même temps, la conception fondamentale des Catégories de Jamblique apparaît clairement111). Jamblique n'a pas - à notre connaissance - apporté quelque chose d'essentiellement nouveau au commentaire du reste du deuxième chapitre. Aristote distingue ici entre ce qui se dit sur quelque chose d'actuel (icaS' fotoicetµtvou) et ce qui est dans quelque chose d'actuel (tv û1toicetµÉvcp), d'où quatre possibilités: 1) «homme» - se dit au sujet d'un homme concret, mais ne se trouve pas dans un homme concret, 2) « grammaire » - est dans les pensées d'un homme mais ne se dit pas au sujet de quelque chose d'actuel, 3) « le savoir » - par contre se trouve à la fois chez un homme et peut se dire par exemple sur la grammaire, et enfin 4) « un homme concret » ne se trouve pas dans quelque chose d'autre d'actuel et ne s'utilise pas non plus comme prédicat pour quelque chose d'autre. Avec ces distinctions, Aristote aboutit, entre autres, à une distinction entre la substance et l'accidence qui est pertinente pour l'exposé des catégories. - Dans le commentaire ancien on a essayé de définir plus nettement ce qu'Aristote a voulu dire avec èv û1toicetµÉvcp. Le texte même donne deux renseignements (1 a 24-25): d'abord qu'ici, il ne s'agit pas d'une relation, comme entre une partie et un tout, ensuite que la chose actuelle est conditio sine qua non pour ce qui est dans celle-ci. C'est pourquoi Jamblique, pour en illustrer la signification, avance la relation entre la forme et la matière, car la forme n'est pas une partie de la matière, mais, d'autre part, la forme ne peut exister sans la matière (test. et fragm. n° 14). Simplicius dit que ceci est en accord avec Aristote même, et il réfère à la discussion dans la Physique au sujet des différentes manières dont on peut dire que 119) Page 236-238. 120) Voir page 237. 121) On peut comparer ceci avec que, chez Aristote, tO çaU.o tv aï..Â.Q} ï..tyetat. 123) Porphyre ne semble pas (p. 78) s'appuyer directement sur ARIST. Phys. 4,3, mais cependant la relation se sent indirectement dans l'énumération des possibilités de Porphyre. 124) Inspiré évidemment par la philosophie stoïcienne cf. DEXIPP. op.cit. p. 25,22 ss. 125) Chez Simplicius. L'exégèse alexandrine se contente d'une référence assez simple à ce passage des Catégories. 126) Ceci est aussi brièvement indiqué par Porphyre (cf. p. 81,1), mais il ne peut guère avoir travaillé davantage avec ceci, dans le grand commentaire perdu, puisque Simplicius ne le mentionne pas quand il parle de Porphyre p. 53,7-9. 127) Test.et fragm. exeg. n° 16. 128) Ibid.
248 à l'exégèse ancienne. « Avec les genres qui sont différents et non subordonnés l'un à l'autre », dit Aristote, « les differentiae sont aussi différentes d'espèces ». L'exemple même d'Aristote fut abondamment utilisé: un« être vivant» et« savoir» sont deux genres différents; les êtres vivants peuvent être classés en ceux qui marchent sur la terre, en ceux qui volent et en ceux qui vivent dans l'eau; de même « bipède » est une division possible, mais rien de ceci ne vaut pour le savoir car, comme le dit Aristote, il n'y a pas de savoir qui se sépare d'un autre en étant bipède. L'exégèse ancienne souligne normalement qu'Aristote dit avec raison qu'il n'est pas seulement question de genres différents, mais aussi de genres qui ne sont pas subordonnés l'un à l'autre, car ils peuvent être différents de plusieurs manières. Quand Aristote dit que differentiae sont différentes « d'espèce » (tq'.)&iô&ll bl 7) on suppose que, par là, il a voulu repousser certains cas où apparemment, mais, précisément seulement apparemment, il est question de différences communes pour des genres différents: l'exemple habituellement cité est que les meubles peuvent être classés en « meubles avec pieds » et en « meubles sans pieds », mais on souligne qu'ici il n'est question que d'une analogie ou d'une expression métaphorique et ces cas sont exclus 11 9). par Aristote quand il ajoute tq'.)&iô&t Il en est autrement à la fin du troisième chapitre (p. l b2~24). Ici, le texte aristotélicien est difficile, la discussion ancienne est compliquée et les fragments et testimonia peu nombreux de Jamblique que nous avons sur ce passage, sont si succincts et si spéciaux, qu'il est très difficile de reconstruire leur cohérence et de dire quelque chose de sOr sur l'exégèse de ces lignes aristotéliciennes, par Jamblique. Nous confrontons nos renseignements et nous essayons une reconstitution. Dans ce passage, Aristote passe au sujet des differentiae avec des genres qui se subordonnent. Dans ces cas, dit-il, il n'y a rien qui empêche (oùôèv KO>Àt>&l) que les differentiae soient les mêmes.« Car les genres supérieurs sont des prédicats pour des subordonnés, de sorte que toutes les differentiae dans le prédicat doivent être aussi differentiae pour le sujet ». Mais, cette raison est bizarre venant après la phrase d'introduction sur les genres subordonnés. Si, justement, toutes les differentiae du genre supérieur valent pour le genre subordonné, alors il sera trop faible de dire que « il n'y a rien qui empêche », car alors il y a nécessairement les mêmes differentiae. Si nous prenons la première phrase littéralement, elle doit être ainsi comprise qu'Aristote accepte des cas de genres subordonnés qui n'ont pas les mêmes differentiae mais, comment est alors la transition à la raison suivante? Il semble qu'il y ait une divergence indiscutable. Boéthus a proposé la solution du problème en échangeant, dans la dernière période les deux mots « prédicat » et « sujet » (Kat11yopouµtvou et ô1to1C&tµÉvou dans lb23 et 24). Ceci diminuerait la divergence pour autant qu'elle suppose que les differentiae du sujet sont valables pour le prédicat mais, que le prédicat peut très bien avoir une suite de differentiae qui ne valent pas pour le sujet. Cependant, une 129) Cf. par ex. AMMON. op. cit. p. 31, JoH. PHILOP. p. 41 (il met tout court tq') &tô&t = tij) 1tpayµat1), SIMPL. op. cit. p. 57,14. Porphyre a souligné, entre autres, que »subordonné l'un à l'autre» ne signifie pas un rapport interchangeable (p. 83,35).
249 telle transposition est en contradiction avec le contexte, parce qu'Aristote juste auparavant (dans lb22), pense clairement« de haut en bas» et que l'on peut aussi se demander si, tout de même, il ne se trouve pas une concordance nécessaire dans les dijferentiae. Ce ne fut pas non plus la solution proposée par Boéthus qui fut acceptée dans l'exégèse ancienne 130 ). Dans toute l'exégèse conservée des Catégories, la solution dont nous parlons est recherchée dans une division des differentiae. Aussi loin que nous pouvons en remonter le développement, l'assise de la solution est posée par Porphyre. A partir de lui et avec lui, la solution se voit dans une division et une précision plus parfaites des dijferentiae, de même qu'un examen plus approfondi de tous les termes joue un rôle de premier plan dans le commentaire 131 ). Les « êtres vivants » peuvent être classés de nombreuses façons différentes; on peut distinguer entre les êtres doués de raison et les êtres sans raison; on peut distinguer entre les êtres vivants ceux qui vivent sur terre, dans l'air ou dans l'eau, on peut distinguer parmi les herbivores, les granivores, et comme troisième groupe, les carnivores. De telles dijferentiae servent à classer le genre « êtres vivants » et elles sont appelées en conséquence 6tmpopai Ôlatp&-ruca{dijferenliae divisivae. Mais, avec les êtres vivants, on peut aussi parler de dijferentiae dans un autre sens, car les êtres vivants se distinguent des choses sans vie, justement en étant vivants, et ont par là-même une dijferentia; un être vivant est aussi une substance et se distingue par là, par exemple, de la qualité; un être vivant peut sentir et la faculté de sentir peut être considérée comme étant une dijferentia par rapport aux choses sans vie, etc. Ces differentiae sont essentielles pour le genre dans sa nature même, et s'appellent par conséquent 6tacpopai &l601to10{dijferentiae specificae, ou aussi parce qu'elles constituent le genre, 6tacpopai CJ\la-ra-rucai,differentiae constitutivae. Aussi longtemps qu'il s'agit de differentiae divisivae, il y a une possibilité pour que deux genres subordonnés puissent avoir les mêmes dijferentiae, mais c'est loin d'être toujours le cas. Si nous divisons les êtres vivants en herbivores, en granivores, et en carnivores, cette division peut aussi s'utiliser pour le groupe « oiseaux », qui est subordonné au groupe « êtres vivants »132). Si, au contraire, nous divisons les êtres vivants en êtres« doués de raison » et « non doués de raison », alors cette division ne peut pas être utilisée dans le sousgroupe « oiseaux », et il ne s'agit pas des mêmes differentiae 133). C'est pourquoi, Aristote a raison de dire « qu'il n'y a rien qui empêche» les mêmes dijferentiae, on en trouve en effet, mais pas nécessairement. Il en est autrement avec les differentiae 130) Simplicius, au sujet de Boéthus, op.cil. p. 58,27. Quand Simplicius dit que Boéthus a posé la base de la solution des difficultés du texte (p. 59,4) ceci ne se rapporte pas évidemment à la nouvelle disposition du texte, mais à sa façon de saisir la problématique du texte. 131) a. chez PORPH.op.cil. p. 82,5 SS, chez DEXIPP.op.ci(. p. 27,3 SS., chez AMMON.op.cil. p. 31-32, ÛLYMP.op.cil. p. 49 SS., JOH. PHJLOP.op.ci(. p. 40 SS., ELIAS op.cil. p. 157,8 SS., ANON.Paraphr. p. 7,29 ss., SJMPL.op.cil. p. 54-60. Simplicius mentionne directement qu'il a son point de départ chez Porphyre. 132) Ceci est l'exemple de Simplicius. 133) Exemple de Porphyre. Çq)ovest utilisé partout comme point de départ des considérations sur la classification.
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constitutivae. S'il est parmi les différences constitutives pour les êtres vivants de
pouvoir sentir et bouger, alors ces différences doivent valoir pour tous les sousgroupes, pour l'homme, l'oiseau etc., et ce doit être à ceci que, d'après l'exégèse ancienne, Aristote a pensé en écrivant la dernière partie du chapitre 31u). Quel est maintenant le rôle de Jamblique dans cette évolution du commentaire? Un fragment de commentaire de ce passage des Catégories se rapporte évidemment à un problème tout à fait spécial, à l'intérieur de tout le complexe. Dans l'exégèse ancienne, il est habituellement soutenu que lorsqu'on procède à la distinction des differentiae, il est nécessaire de séparer certains cas où il est question de quelque chose de tout à fait unique en son genre. L'exemple le plus habituel est ici l'oiseau Phénix, celui-ci doit avoir évidemment ses différences particulières, et pour lui seul, à moins que l'on ne prenne en considération la suite d'oiseaux Phénix qui se sont succédés. On peut dire la même chose du soleil qui, lui aussi, est (dans la conception ancienne) unique en son genre 186 ). Jamblique a fait ressortir à ce sujet que même si certaines différences ne peuvent pas s'appliquer à plusieurs cas, en elles-mêmes elles pourront cependant se dire au sujet de plusieurs cas. De telles differentiae seront plus spécifiques et plus proches de la nature immanente, mais en principe, elles seront tout aussi valables par la suite. Quand ceci ne se passe pas, c'est qu'il s'agit la plupart du temps d'un concours fortuit de circonstances (fragm. n° 17). Plutôt que d'accepter que de tels cas soient éliminés, Jamblique, lui, a souligné que ces cas particuliers ne sont aucunement un empêchement aux considérations apportées des differentiae, car celles-ci ne sont faites que sur les conditions du monde concret, mais, pour ce qui est de la prédication, elles entrent fort bien dans l'ensemble. Ici, il est évident que l'universel est souligné, aussi dans des circonstances qui peuvent paraître particulières. Cependant, une autre remarque que Simplicius extrait du commentaire de Jamblique, est plus intéressante. Il y est dit que Jamblique a préféré parler de differentiae qui reposent sur genos et de celles qui reposent sur eidos, plutôt que de dire differentiae constitutivae et differentiae divisivae, en grec: 6tmpopal y&vuca{pour 6tmpopai m.>matuca{ ou &i601toto{et 6tacpopai d6ucai pour 6tacpopai 6tatp&tt1Ca{(test. n° 18). Cette manière de s'exprimer n'est pas du tout sans intérêt dans le commentaire du chapitre 3138 ). Ce qui est justement le problème pour l'interprétation ancienne habi134) La tradition alexandrine dit aussi, par conséquent, qu'Aristote donne trois canones dans le chapitre 3: 1. canon (1 b 10-15): si a qualifie b, et c qualifie b, par conséquent c qualifie aussi a. 2. canon (1 b 20-24): deux genera subordonnés l'un à l'autre ont toujours les mêmes differentiae constitutivae, tandis que leurs dijferentiae divisivae peuvent être, mais pas nécessairement, les mêmes. 3. canon (1 b 16--20): des genera différents, qui ne sont pas subordonnés l'un à l'autre, ont toujours en fait, des differentiae différentes. (Voir en particulier l'exposé d'Olympiodore foc.taud. p. 49 ss.). 135) Cf. SIMPL. op.cit. p. SS ss. Cette discussion peut aussi être suivie jusqu'à Porphyre, cf. le commentaire de Porphyre p. 82,35. 136) L'expression même se trouve aussi chez Porphyre, mais dans un autre contexte (PORPH. op.cit. p. 58,13 ss. et 71,26); elle est aussi utilisée dans la tradition tardive, le plus souvent dans une
251 tuelle de la dernière partie du chapitre 3,est de savoir s'il est correct d'accepter qu' Aristote, dans lb21, parle de dijferentiae divisivae pour ensuite terminer en parlant de dijferentiae constitutivae. Aristote, fait-il en réalité, un tel changement ? 18 '). Si les expressions de Jamblique doivent avoir, d'une manière ou d'autre, leur propre signification, et ne doivent pas être comprises tout simplement comme étant identiques avec la terminologie de Porphyre, elles comportent alors une véritable diminution de la contradiction dans ce que dit Aristote. Quand on souligne le constitutif et le distributif, il est alors question de deux choses bien plus différentes. Si au contraire, comme Jamblique, on se contente de dire que certaines différences se rapportent au genre, d'autres à l'espèce, on ne peut plus alors parler d'un changement brutal dans le texte aristotélicien. Le sens du texte est donc qu'il n'y a rien qui empêche que des espèces subordonnées l'une à l'autre aient les mêmes dijferentiae, car ceci est valable généralement (et dans ceci nous devons entendre aussi le mot genos) que ce qui est dit sur le supérieur vaut aussi pour le subordonné, et les differentiae qui valent pour le prédicat supérieur vaudront aussi pour le sujet subordonné. Par là, il est pleinement démontré qu'il n'y a aucun empêchement pour les mêmes dijferentiae; de l'autre côté il n'est pas nécessaire qu'il s'agisse toujours des mêmes differentiae, car il y a bien certaines de celles-ci qui se disent surtout à propos du spécifique. On peut bien se demander si cette interprétation n'a pas eu d'influence sur l'interprétation de Jamblique de -rlj> EUÎEl dans lbl7, mais ici nous ne pouvons malheureusement que deviner 138). Quant à l'essentiel, il semble que l'interprétation de Jamblique ait eu une certaine importance, même si elle n'apparaît pas comme centrale dans la discussion qui suivra. Mais il y a une certaine tendance, dans la tradition alexandrine, à souligner qu'Aristote, dans le chapitre 3, termine avec une affirmation générale (et que les differentiae constitutivae sont générales); et ceci correspond bien à l'interprétation de Jamblique. D'après cette interprétation, Aristote conclut son chapitre en revenant à son point de départ, au commencement du chapitre 139 ). Dans le chapitre 4, Aristote énumère les dix catégories et en donne des exemples. Si nous ne faisons pas cas des différentes remarques qu'ici, il est question d'expressions autre relation (cf. par ex. JoH. PHILOP.op.cil. p. 135,11 ss.). - Dexippe utilise l'expression de Jamblique en relation avec l'interprétation du chap. 3; par conséquent, il l'a évidemment reprise à Jamblique, mais il comprend les expressions en concordance complète avec Porphyre (voir sa définition op.cil. p. 27,33 ss.). 137) « There is nothing in the context to justify such an interpretation », dit AcKRILL, Aris1.Ca1eg. p. 73. 138) Il serait tentant de supposer que Jamblique a fait la relation avec ceci, avec son expression
tl611e1'1 6u1q>opa. 139) C'est ainsi qu'il est dit chez Ammonius que differentiae avec des espèces subordonnées les unes aux autres sont souvent les mêmes« d'après la précédente règle» (avec renvoi à I b 11-12) 1toÂ.Â.a1C1c; µtvto1 croµfmiv&1tàc; aotàc; &tva1 61à tov 1tpo&1p11µtvovKav6va tov Uyovta ooa Katà tOO ICŒ'tTIYOP0Uµtvou )J:y&tal, 'tOO'aOta Kai Katà tOO UltOK&tµtvoup119tia&tat. Ceci est continué par Olympiodore (son commentaire p. 51,7 ss) et Elias (op. cil. p. 157,34). La paraphrase anonyme mentionne que les differentiae constitulivae sont générales (1m9oÀ.tK 'ti'lç oùcriaç ... µtiÀ.Àovà1tè>'tOOi>v'toç). Aristote donne, d'après Jamblique, par son écrit, une introduction aux nombreuses manières de parler de ce qui est 141). Sur quelque chose d'étant, nous pouvons justement dire, et qu'elle est, et qu'elle a telle et telle qualité, quantité, etc., de sorte que l'étant sera la base commune pour tous les prédications, la première catégorie comprise. Ceci est, dit Simplicius, en accord précis avec le scopus de l'ouvrage, et nous voyons ainsi la relation qui existe aussi avec la définition de scopus de Jamblique. Jamblique, dans son interprétation, sou140) Ceci a été l'objection d'Herminus envers la tradition que reprend et continue Jamblique, voir Test. et fragm. n° 19. 141) ôm;p (se. to ov èvta(i9a µtv noUax&ç 1..i;y6µcvov)dç tùç ôéKa KatT]yopiaç 'AptatotUT]ç fümpda3m l3ou1.ctm (/oc. luud.)
253 ligne la base ontologique des catégories et bâtit son exégèse en conséquence sur elle. Il se montre que ceci est poursuivi par l'exégèse suivante, en particulier par la tradition alexandrine1'1). Simplicius justifie l'exactitude de l'interprétation en se référant à la Mé!aphysique (5,2 et 6,1) et il ne fait aussi aucun doute qu'ici, Aristote montre qu'il pense à partir de tô l>v143). Il ne ressort pas du texte de Simplicius que c'est Jamblique qui, a ce propos, a référé à la Métaphysique, mais, à partir de tout l'ensemble, cela peut être plausible, de sorte que l'utilisation de la Métaphysique est un trait dans la manière d'interpréter de Jamblique. Cette interprétation a une grande importance pour l'autre sujet très fortement controversé: existent-il vraiment 10 catégories ainsi que les énumère Aristote, ou bien peut-on en imaginer plus, ou moins, ou d'autres? La base ontologique des catégories doit nécessairement avoir une importance primordiale pour décider de leur nombre, et de leur compréhension dans l'ensemble. Nous voyons donc aussi comment Jamblique dans ses raisons pour reconnaître qu'il se trouve les dix et seulement les dix catégories qu'Aristote énumère, prend son point de départ dans l'ontologique: d'abord il doit y avoir une base pour tout le reste, une chose, un objet prédicable comme tel (« La chose est»). Ensuite la forme et la constitution sont les caractéristiques les plus évidentes, c'est-à-dire ce que nous rencontrons ensuite chez l'objet. De là, nous avons les catégories quantité et qualité. Ensuite viennent les autres relations qui peuvent se dire sur un objet donné (crxtcrttç de l'objet), sa relation à d'autres choses, sa situation de temps et de lieu, sa place etc. (test. et fragm. n° 21). Cependant, à partir du texte de Simplicius, on ne voit pas clairement comment Jamblique arrive à accepter précisément le nombre dix pour les catégories. Immédiatement après avoir parlé de Jamblique et de sa construction du système de catégories sur une base ontologique, Simplicius rapporte comment Archytas a admis que le nombre 10 était basé sur la structure même de l'univers comme l'admettaient en général les Pythagoriciens. La façon dont Simplicius introduit ceci tend à nous faire admettre que c'est Jamblique qui a cité l'argumentation d'Archytas, et que Simplicius reproduit le texte de Jamblique. L'argumentation plus détaillée, et la relation entre le point de départ de Jamblique et la compréhension pythagoricienne du nombre dix, ne sont pas éclaircis dans le texte. Mais on peut penser que Jamblique a référé à la philosophie pythagoricienne, comme une confirmation décisive du bien-fondé du nombre dix dans la doctrine des catégories. D'ailleurs, on peut voir aussi que Simplicius souligne que si l'on veut réfuter Aristote sur ce point il faut aussi qu'on se rende compte, qu'il sera nécessaire, en même temps, de réfuter toute la philosophie pythagoricienne 1 "). 142) Voir en particulier, par ex. ÛLYMP. ln Arist.Categ. p. 54,4 ss. et ELIAS ln Arist. Categ. p. 158. 143) 5,2 p. 1026 a 33: to ôv tà {mÀwç i..ey6µtvov ÀtyEtm noÀÀaxwç ... crxt'Jµutu ti')ç icutnyopiaç olov to µèv ti, to 6t 1t016v, tà 6è noa6v, tà 6è noü ictÀ. Et 6,1 p. 1028 a 10: to ôv ÀÉyEtm
nou.axwç,...
a11µuivE1 yùp to µèv titan, icul t66E n, tà 6t ôn no1ov li noaov li ictÀ. ÔÀWÇ 6t 6 npoç tnv 61uipta1v li ànupitµnmv tautriv ùvt1Àtywv iatw µt'J npoç 'ApiatotÈÀll nptwç à.À.À.à npoç wuç nu9uyoptiouç icul 'Apxurnv ttiv àvnÀoyiav ltOIOUµEVOÇ, ôç npo tOÜ 'Ap1atotÉÀOUÇ tT]VEli; 6ticu YÉVll6tuipEmv <OITJç 1..tyea8m µfJ'te tv ô1to1Ce1µtv
fot1 xrop!aa1 t1 tfl èmvolQ, iiï..M>cl> imo,mµi:vcp O'l)À.À.a~tîv. 160) Nous pouvons aussi, dans la tradition alexandrine, rencontrer le contraste v µiiÀ.Àovoôa{a to d6oç tofl ytvooç (2b7-8). Ceci est une remarque étrange d'autant plus qu'Aristote lui-même dit plus tard (p. 3b33), que la substance ne peut pas être plus ou moins substance: c'est soit une substance ou ce ne l'est pas. Ceci aussi, a été l'objet constant du commentaire dans l' Antiquité. La propre raison d'Aristote a été le point de départ: « l'espèce » est, dit Aristote (2b8) plus proche de la substance primaire que « le genre » ce qui veut dire que le cheminement de la pensée est analogue à la différence fondamentale entre les substances primaire et secondaire, et c'est pourquoi c'est aussi cette distinction qui donne la clé de la connaissance de la question. Ici aussi, on a souligné qu'Aristote parle plus ou moins en se référant à la suite de la connaissance et nous retrouvons chez les commentateurs néo-platoniciens la même discussion, avec Boéthus et Alexandre, que nous avons vue avec l'interprétation des substances primaire et secondaire111 ). Cependant, nous voyons chez Simplicius que Porphyre et Jamblique sont encore allés plus loin dans l'interprétation. Ils ont souligné qu'il doit toujours être valable que la substance ne peut pas être plus ou moins substance; quand il faut parler de plus ou de moins, cela doit être entre plusieurs sortes de substances, parmi lesquelles il peut y avoir un classement ontologique et épistémologique, tout ceci pendant que chaque sorte en elle-même ne peut pas être plus ou moins substance (test. n° 25). Sur ce point aussi, évidemment en relation avec Porphyre, Jamblique s'est opposé à la tendance moniste d'Alexandre dans la compréhension de la substance. C'est une caractéristique de la substance qu'elle n'a pas de contraire. Car, que pourrions nous mettre comme contraire, par exemple, à un cheval concret ou à un homme individuel, demande Aristote (Categ. 3b24ss.). Ce passage a provoqué la question suivante, à savoir si un être vivant rationnel n'est pas un contraire d'un être vivant irrationel. Simplicius rapporte aussi bien dans son commentaire des Catégories que dans son commentaire de Du Ciel la réponse de Jamblique à cette question (fragm. n° 31 et 32): en parlant ici de 'contraire' on veut dire que les differentiae caractéristiques sont contraires, mais il n'est pas dit par là que les substances considérées comme un tout soient contraires 183 ). Ceci est aussi la raison pour laquelle Aristote peut parler de feu et d'eau, air et terre comme contraires (cf. par ex. De gen. et corr. B 3 p. 330 a 30 ss.). Car il s'appuie ici justement sur les différences, qui constituent les différentes espèces (differentiae specificae), c'est-à-dire chaud161) Si Simplicius ne se sent pas convaincu par la critique de Jamblique, au sujet d'Alexandre, c'est probablement, parce qu'il considère, en fin de compte, qu'il appartient à la philosophie aristotélicienne de considérer les choses concrètes comme étant aussi ontologiquement primaires. Cf. StMPL.ln Arist.Categ. p. 82,12 ss. comparé avec p. 82,7. 162) Nous la rencontrons aussi dans la discussion sur il).11- &Ilioçen relation avec le concept de substance. 163) Une comparaison de deux citations de Jamblique par Simplicius montre que celui-ci prend assez de liberté avec les citations.
260 froid et humide-sec, et ici il est bien juste de parler de contraires, mais ceci ne touche pas aux substances comme telles (fragm. n° 32)184 ). Le sixième et dernier trait qu'Aristote souligne comme particulièrement caractéristique de la substance, est, que la substance, tout en étant identique avec ellemême, et numériquement parlant une unité, est capable de « recevoir des contraires »: Ma.i..tcrta ôt iôtov tflç oùcr{aç ôoic&i dvm tè> taùtè>v icai ëv àpt8µ4'> ôv téi>v tvavtirov dvm ô&icttic6v(Categ. 4al0-I 1). Un homme concret, par exemple, identique à lui-même, et numériquement une unité, peut être tantôt chaud, tantôt froid, il peut « recevoir ces contraires». Il est normal que ce iôtov qu'Aristote lui-même qualifie de particulièrement importante ait été aussi l'objet d'un grand intérêt dans l'exégèse antique. Quant à Jamblique, nous avons, à ce sujet, conservé chez Simplicius un fragment excessivement important et intéressant (fragm. n° 33). IJ ne s'agit pas tellement du texte isolé d'Aristote, mais plutôt du contexte philosophique. Nous avons vu comment Plotin critique Aristote pour n'avoir pris en considération que la substance physico-corporelle. Jamblique et d'autres avec lui, ont souligné qu'Aristote, il est vrai, n'introduit pas d'autres formes de substance dans les Catégories, mais ce fait ne signifie pas une suppression, pas plus qu'une faute dans l'évaluation de l'ordre ontologique. En effet, de toutes façon, il est nécessaire de différencier entre les différentes sortes de substances. Maintenant,Jamblique met en relation les différentes sortes de substance en ceci - à la manière pythagoricienne, dit Simplicius - qu'il souligne que le trait particulier qu'Aristote, dans Categ. 4al0, prend comme caractéristique pour la substance (physico-corporelle) vaut aussi par analogie pour toute substance. Aristote a non seulement raison dans sa domaine, (ainsi qu'il doit être complété quant aux autres sortes de substance), mais ce qu'il dit au sujet de la substance physico-corporelle, vaut per analogiam pour toute substance. On peut difficilement donner une évaluation plus positive de l'interprétation de la substance d'Aristote. En même temps nous voyons comment Jamblique ne conçoit pas l'écrit des Catégories dans un ensemble logique isolé, mais le voit en étroite dépendance avec l'ontologie. Dans le fragment, Jamblique explique comment la caractérisation aristotélicienne de la substance dans Categ. 4al0, peut être appliquée à la substance intelligible (spirituelle) en même temps qu'à la substance dont sont faits les corps célestes, éternellement en mouvement; car ces derniers étaient, comme on le sait, dans la tradition philosophique ancienne considérés comme animés et divins, et c'est pourquoi ils ont leur propre place dans la hiérarchie de l'être 186 ). Jamblique dit que pour la substance intelligible (de même que pour la substance physico-corporelle), nous pouvons aussi parler de contraires: mouvement-repos sont des contraires qui se trouvent dans l'intelligible. La seule différence est que les contraires, dans l'intelligible, n'apparaissent pas successivement (ce serait en contradiction avec la nature de l'intelligible), mais simultanément. De plus, il n'est pas possible de séparer la substance fondamentale et les caractéristiques contraires que «reçoit» cette substance. A cause de 164) L'argumentation
de Jamblique est aussi continuée dans la tradition alexandrine, voir, par ex. p. 73-74. 165) TlVOT(TTJ oùcria est traité 1. 2-8, Tlàt:1KiVT(TOÇ oùcria 1. 9 ss. ÛLYMP. op.cil.
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la nature de l'intelligible, il est ici question d'une identité et d'une unité entre elles, de sorte que nous n'avons pas la séparation que nous connaissons dans la substance physico-corporelle entre la substance et les « contraires reçus » 1H). Mais l'analogie est valable. Il est correct de considérer l'identité et l'unité comme caractéristiques de la nature intelligible et c'est également correct ici de distinguer entre la substance et les contraires reçus, même si c'est une coïncidence ontologique. Comment Jamblique comprend ceci est le plus évident dans sa démonstration: les traits caractéristiques, avancés par Aristote au sujet de la substance, sont valables en fait pour l'univers. Nous pouvons observer ici, dit Jamblique dans le même fragment, comment les contraires se trouvent dans le ciel et l'univers mêmes. Quand, par exemple, les étoiles fixes se lèvent d'un côté de l'horizon, elles forçent par là un coucher du côté opposé et ces deux mouvements opposés d'en haut et en bas appartiennent ensemble au même ciel et sont simultanément et réciproquement dépendants l'un de l'autre. De même, quand nous considérons le mouvement des corps célestes en relation avec le méridien, ce cercle qui passe par les deux pôles et le point vertical d'un point donné, le mouvement par rapport avec le point vertical, correspondra à un mouvement inverse de l'autre côté de la terre, et il y aura la même dépendance étroite, nécessaire et réciproque entre ces deux mouvements contraires qui, dans l'espace céleste sont signalés comme des mouvements d'en avant et en arrière. Les exceptions se trouvent seulement aux pôles, ceci à cause de l'identité des lieux. En plus de ces paires contraires valant toutes deux pour tous les corps célestes il y a pour les planètes, une paire contraire complémentaire, en ceci qu'elles ont en même temps le mouvement direct d'est en ouest et un mouvement rétrograde par rapport à la voûte céleste. Pour définir ces mouvements, on utilise - pour des raisons que nous n'examinerons pas ici - les désignations droite et gauche. Tout ceci montre comment les contraires ne se trouvent pas seulement dans le ciel mais qu'ils sont simultanés et existent par conséquent, l'un par l'autre, et dans une interdépendance réciproque. L'espace céleste diffère de la substance intelligible en ceci que les contraires interdépendants, réciproques et simultanés reposent sur plusieurs substances individuelles (étoiles fixes différentes et différentes planètes). Or, pour la substance intelligible, les contraires se trouvent pour une et même substance, de sorte que nous avons ici dans une forme toute simple et non composée ce que nous voyons illustré au ciel, en grand et dans une forme composée. Quant à la substance physico-corporelle, nous pouvons constater qu'ici les contraires ne peuvent pas apparaître simultanément, mais doivent, pour autant qu'il y ait une correspondance entre eux, apparaître successivement. La façon dont Jamblique, ici, analyse et met au point le caractère universel de la conception aristotélicienne de la substance est de la plus grande importance pour la compréhension de sa conception philosophique. Nous avons ici l'expression remarquable d'une pensée qui s'oriente à partir d'analogia entis. De plus, il y a lieu de remarquer que dans son traitement du cosmologique, il se fonde sur une base ancienne, 166) Cf. la superposition de essentia et existentia dans la terminologie moyennagcuse.
262 aristotélicienne aussi bien que pythagoricienne. Les trois paires de contraires qu'il énumère, sont justement les trois paires que traite Aristote comme étant la base de l'étude de l'univers dans De Coelo (2,2), et Aristote le fait - en acceptant les concepts « droite » et « gauche », qui donnent lieu au plus de problèmes - en relation avec les Pythagoriciens. La sixième caractéristique de la substance d'Aristote n'est pas seulement pour Jamblique une question de logique. mais aussi une question de cosmologie, d'ontologie et de métaphysique, car ce sixième et dernier trait caractéristique de la substance est commun pour tout ce qui existe: -ro t6{IDµa -roO-rodjc; oùcr{ac;1eo1vov1ea-rà 1téicravoùcr{av187).
g) Quantité
Après la substance c'est de la quantité que traite Aristote dans son écrit des Catégories. Plotin a critiqué cette suite, et pensait que la qualité devrait être traitée avant la quantité et cette critique, dans l'exégèse ancienne, a été le point de départ de considérations sur la suite des catégories 188 ). Ceci était d'autant plus naturel que le pythagoricien Archytas avait placé la qualité immédiatement après la substance dans son traitement de ce sujet, et il est aussi bien connu, qu'ailleurs, Aristote a une autre suite dans l'énumération des catégories 119 ). Chez Porphyre, nous trouvons l'argument qui, pour toute la tradition suivante, devait être décisif dans la question de la place dans l'énumération: la quantité a beaucoup plus de traits communs avec la substance que n'en a la qualité. Par conséquent, c'est avec raison qu'elle est placée la première 170 ). Ici, il est pensé en particulier au fait que la quantité, comme la substance, n'a pas de contraire, et qu'avec la quantité nous ne pouvons pas parler d'un en plus ou en moins. Une drachme n'a aucun contraire, et 3 aunes ne pourront être plus ou moins que 3 aunes. C'est autre chose pour la qualité: bon a pour contraire mauvais, et il se trouve des gradations dans un plus ou un moins 171 ). Jamblique suit cette interprétation (fragm. n° 34) et par là il ne fait pas plus attention que le reste de la tradition, à la suite utilisée ailleurs par Aristote ou, - ce qui est au moins aussi important à remarquer, -à la suite d'Archy167) Fragm. n°. 33 in fine. 168) Il est vrai que Plotin, dans Enn. 6,14 et 5 de même que dans 6,3, 11-15, traite de la quantité en relation avec la substance, mais pour Plotin même, la qualité est, sans aucun doute, plus importante que la quantité. C'est avec juste raison que Rutten a pensé qu'il était nécessaire d'étudier la conception de la qualité, de Plotin, avant sa conception de la quantité, d. RUTTEN,us Catégories p. 71 ss. Nous rencontrons le premier témoignage au sujet des conséquences de la critique de Plotin. sur l'interprétation, chez DEXIPPE, ln Arisl. Caleg. p. 64, mais ces conséquences sont déjà à l'arrière plan chez Porphyre (p. 100). 169) Par ex. Metaph. 5,2 p. 1026 a 33 et 6,1 p. 1028 a 10. Archytas est cité par DEXIPP. op.cil. p. 65,9-13. 170) PoRPH. ln Arisl.Categ. p. 100. 171) Simplicius étudie ceci op.cil. p. 120 ss.
263 tas 17 1). C'est l'opinion de Jamblique que lorsque de fait, il y a plusieurs traits communs entre la substance et la quantité, ceci est plus décisif que des ressemblances de hasard entre la substance et la qualité. Pour lui aussi, il y a donc une raison valable pour qu'Aristote étudie la quantité après avoir traité de la substance 178 ). Dès le début de son étude de la qualité, Aristote distingue entre « le limité » et « le continu». Simplicius représente une vieille tradition lorsqu'il remarque à ce sujet, qu'Aristote par ceci n'a pas vraiment fait une division de la quantité, mais au contraire fait une distinction entre deux dijferentiae specificae, qui, de leur côté, sont le point de départ de deux sortes de quantités, le nombre (qui est limité) et la grandeur (qui est continue); le premier se compte, la deuxième se mesure 17 '). Ce ne serait justement pas correct d'identifier la quantité avec le limité, car il se montre que, par exemple, un mot est une quantité limitée mais n'est pas par conséquence multitude 176 ). Cette remarque de la part de Jamblique montre qu'il a participé à la formation de l'analyse précise que nous rencontrons, à cet endroit, chez Simplicius. Par contre, cette analyse a ses prémisses générales dans le fait que Porphyre souligne qu'Aristote en traitant la quantité n'applique pas un seul système rigoureux mais, au contraire, donne différentes divisions qui sont pertinentes pour le traitement de la catégorie quantité 17 •). La division de la quantité en nombre et en grandeur est-elle suffisante? Cette question fut excessivementdiscutée; Simplicius en réfère le débat 177 ). Il s'agit surtout de savoir si la gravité et la légèreté peuvent être considérées comme une qualité ou une quantité. Porphyre, de même que Comutus, les a considérées comme qualité mais Jamblique réfute ceci et suit la conception d' Archytas, que nous avons là une quantité pour autant que le poids peut être mesuré (fragm. n° 36). Le poids est justement, dit Jamblique, une quantité en mouvement, et il semble qu'il ait repris ainsi la relation entre le poids et le mouvement que nous rencontrons chez Aristote 178 ). La gravité et la légèreté peuvent bien être considérées comme qualités, mais, dit 172) Il est vrai qu'Aristote est bien, dans d'autres passages, assez négligent avec la suite des catégories, mais on peut supposer avec raison qu'il y a fait attention dans un travail qui traite le sujet ex professo. On peut dire sur le passage d'Archytas, qu'il a une autre pointe que la suite des catég. chez Dcxippe (/n Arist.Categ. p. 65, 12-13). 173) Il y a lieu de souligner que cette argumentation antique est en correspondance exacte avec le concept de la substance physico-corporelle chez Aristote. La tradition antique nie que la suite des categ. puisse être arbitraire; chez SIMPL.par ex. op.cil. p. 155,33 ss. 174) Il est assez remarquable que les propres définitions d'Aristote, Metaph. 4,13 p. 1020 a 7 ss., ne soient pas incorporées; elles sont en effet plus développées que celles des Catégories mêmes 4b20ss. C'est déjà l'opinion de Porphyre que dans les Catég. Aristote ne donne pas « les espèces« mais differentiae, voir le commentaire de Porphyre p. 100,29. 175) Jamblique Test. exeg. n° 35. 176) PORPHYRE ln Arist. Categ. p. l01,3---4: to yàp aùt6, ïJ-.yro 6t tà nocr6v, 6tmpcîtm aÀ.À.roçKai liÀÂ.O>Ç.Ceci est une observation excellente des méthodes de travail d'Aristote. Elle sera, de plus, incorporée par Jamblique à l'interprétation. 177) Le commentaire p. 128. 178) Ainsi par ex. dans De Coelo (cf. BoNITZ, Index p. 668 b 45 ss.). Cf. aussi le chapitre sur la quantité dans la Métaphysique (4,13), où le poids est aussi traité.
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Jamblique, contredisant Cornutus et Porphyre, le poids n'est justement pas gravité et légèreté, mais une mesure pour la gravité et pour la légèreté et ceci montre que nous sommes passés dans le quantitatif. La discussion de la question du poids comme quantité est un bon exemple du caractère principal de cette tradition exégétique; il ne s'agit pas seulement de comprendre le texte aristotélicien isolément, mais, de le comprendre en liaison avec le contenu philosophique et avec le sujet objectif. Sur ce point, Jamblique se laisse encore inspirer par la penseée pythagoricienne. C'est aussi une vieille tradition grecque qui, à ce sujet, lui fait retirer aussi bien l'âme (psyche) que l'esprit (nous) dans la discussion de la catégorie quantité. Ce n'est pas dit directement, mais il est évidemment question d'un raisonnement par analogie du même genre que celui que nous avons rencontré en relation avec la substance. L'âme, dit Jamblique, peut être aussi conçue comme une quantité pour autant qu'elle puisse être poussée vers la terre, de même que la légèreté peut la soulever vers le spirituel1 79 ). L'esprit est à un degré encore plus haut, il est en équilibre, et est ainsi une quantité sans poids (fragm. n° 36 continué). Ceci est évidemment en connexion avec la conception de Jamblique de l'unité dans la catégorie de la quantité. Jamblique a ceci de particulier et de caractéristique, qu'il soulève la question de savoir par où se constitue l'unité dans la catégorie, et Simplicius voit en ce fait l'une des nombreuses preuves de la perspicacité philosophique de Jamblique (fragm. n° 37). Jamblique part d'un principe commun pour toute la catégorie. Ceci doit être une force (dynamis), qui prend sa source dans l'intelligible et qui par suite traverse toute la catégorie, et en fait une seule catégorie 180 ). D'où deux choses arrivent: le principe, d'un côté, donne la quantité continue, et, de l'autre, il arrête et constitue la quantité limitée, sans pour cela endommager son unité. Par ceci précisément, se constituent la liaison et la séparation entre le monde sensible et le monde noétique et par conséquent il est facilement conpréhensible que Jamblique puisse admettre « une quantité noétique ». Sa conception donne bien lieu ici aux remarques critiques qu'il lance aussi bien contre les Péripatéticiens que contre les Stoïciens. D'après la conception de Jamblique, les Péripatéticiens font trop souvent la faute de penser que le spirituel est immobile, ce qui signifie que le sensible et le mobile (en relation desquels la catégorie de la quantité apparaît) n'auraient pas leurs véritables prémisses dans le spirituel. Le résultat en est que le champ de vision se rétrécit jusqu'au physico-corporel. Par contre, les Stoïciens identifient le mobile avec le spirituel, mais par là ils suppriment la source spirituelle du principe, en ceci que l'on nie toute dualité entre le spirituel et le corporel. Jamblique représente une troisième solution: l'unité de la catégorie de la quantité est causée par un principe d'unité, qui a sa source dans le spirituel et qui, par son effet, fait de la catégorie une catégorie avec différentes espèces. Par conséquent la quantité est un phénomène fondamental de l'univers, elle passe par toute la hiérarchie ontologique - par une analogia quantitatis. 179) Il est évident qu•ici Platon est à l'arrière plan, par ex. Phaedr. 246---47. 180) C'est encore Plotin qui a fourni roccasion d·une considération plus approfondie du problème de l'unité dans cette catégorie; car il a soutenu qu·ir était erroné de considérer le continu et le limité dans une même catégorie, la quantité, cf. E11n.6, 1,4 et DEXIPP. op.cit. p. 66-67.
265 Aristote donne comme premier exemple de quantité le nombre (categ. 6 p. 4b25). « Trois bœufs » est ainsi, par exemple, une indication quantitative. Ici aussi, Plotin a avancé des remarques critiques 181 ). Il a soulevé la question de savoir s'il n'est pas incorrect de compter le « nombre » dans la quantité, parce que le nombre, d'après lui doit ou reposer sur le nombre idéal «trinité» (et par suite ne pas être dépendant des trois bœufs donnés) ou, s'il est lié aux bœufs, il a alors besoin d'être lui-même compté par quelque chose d'autre 182 ). Plotin conclut que le nombre, que nous rencontrons dans l'exemple « trois bœufs » repose seulement sur notre propre opération mentale 183 ). Jamblique le réfute 184 ). Il suit certainement d'assez près la tradition platonicienne et opère avec le « nombre idéal», dont il ne met pas en doute l'hypostasis185).Mais, comme Aristote, il accepte que le nombre se trouve, de fait, dans les objets sensibles, physiques et extérieurs, dans notre exemple les bœufs. C'est ici la même relation qu'avec la forme et la matière, dit Jamblique, de même que la forme repose en elle-même, mais entre en relation avec la matière pour ensuite nous devenir visible, de même le nombre repose en lui-même, mais n'entre pas moins en relation avec les choses qui se comptent, de sorte qu'elles ont un nombre qui peut être compté (fragm. n° 38)188 ). Il est évident que c'est aussi Jamblique qui est à la base de l'utilisation par Simplicius de la justice comme illustration: la justice se trouve à la fois « en elle-même» et dans un homme en tant que disposition et attitude de l'âme (fragm. n° 39). L'origine est évidemment platonicienne. Elle l'est également lorsque Jamblique refute la critique de Plotin sur cette pensée que la quantité en elle-même serait quelque chose de quantitatif 187 ). Ceci est tout à fait naturel, dit Jamblique, que quantité en soi-même ait ce qu'elle donne à d'autres choses, c'est à dire le quantitatif (fragm. n°40). 181) Enn. 6,1,4. 182) Dexippe reproduit ainsi l'aporie de Plotin (p. 69,6-10): •Exe'tat 6è 'toO ainoO àxopfiµa'toc; 6 IlÂ.O>'ttvoc;Kai xciÂ.tv Ç11'td, 1t6'tepov twxcipxet oùtoç 6 àpt9µ6ç tolc; àpt9µouµtvotc;, i\ xropic; aù'tc'.ôvµetpd cl'>crnep 6 Kavti>v. d µèv yàp ainoç 1Ca9' &aU'tôv U(j)&O't111Cf:, µttpov µèv fo-tat, oùdn 6è xoo6v· d 6è tvuxàpxet, Kai aùtôc; un' dUou µf:TpTJ9fiO'ETat. 183) Voir RUTTEN, Les Catégories p. 89-92 (Le chapitre « Nombre substantiel et nombre quantitatif»).
184) Pour autant que nous sachions, Porphyre n'a pas traité ce sujet. 185) Cf. ROBIN, La Théorie platonicienne des Idées et des Nombres d'apr~s Aristote. 186) Une comparaison avec la citation de Jamblique faite par Simplicius (Fragm. exeg. n° 38) montre que Dexippe (op.cil.) expose la conception de Jamblique p. 69,11-25 (dans une forme assez élémentaire et populaire, ainsi qu'il se l'était proposé). Il y est dit: 'A'JJ.,' ônep èl; àpxfic; dxoµev, 'toOto Kai vOv dxetv dl;1ov. 1tapdva1 µèv yàp 'tOV àp19µ6v 'tOlc; àp1Sµouµtv01c; xpciyµaO't Kai auvuxapxetv à1to(l)(ltv6µ&Sa, où µ&V'tOI èv aùtoic; f)(&1v 'tTIV ÔltÔO''tUO'IV roc;tv auµl3&f3TJ1C6toç 'tŒÇ&l9&ropouµ&VOV.ùlO'lt&p yap 'ta fvuÂ.a &i611 &Xf:l µèv 16iav i;icao-tov ooo{av 1Caiux6o-tamv, auvtan 6è tij ÜÂ.IJ,oütro icai ol àp19µoi icatà ttiv i61av oooiav \)(jlf:O'TTJIC6tec; µ&ta tc'.ôvxpayµcitrov daiv rov àq,opiÇooot icai oie; tô oiic&iov µttpov è1t1nStao-1 auv6V't&Ç 'totc; àpt9µouµtvotc; roc;àp19µo0vt&c;· Ôl0'1t&ptà &i601to100vta toic; d6ox01ouµtvo1c; O'UV'tŒ't'tEta1xplô'tov roc; èv taumtc;, 61ao-tao-1v 6è Katà tô unoic&lµ&vov à1t&pyaÇ&tat, oütro icai tà àp19µoùV'ta totc; àp1Sµ11toic; xpoc; tô oiic&iov µttpov i:icuata ltvaq,tpe1 µtvoV'ta ô1t&pfotiv tautc'.ôv icai µ116èvuno tc'.ôvµ&tpouµtvrov xaaxov'ta. 1t01fiaroµ&v 6è aaq>ÉO't&pov'tO Â.&y6µevov 61à xapa6&iyµutoc;· tô &l6oc; toO àv6p1avtoc; fx&1 µèv ica9' tautô (610v Â.6yov, 9&rop&itat 6è µ&ta ti'ic; ÜÂ.TJc;. icai 6 àp19µ6c; oùv fivrotat µ&tà t&v àp19µ11tc'.ôv fxrov 'tTIV 16iav un6a'tamv.
187) Ceci est traité chez DEXIPP. op.cit. p. 69,26 ss.
266 C'est précisément la même relation entre le corporel et son origine dans le spirituel que nous avons vue dans le traitement par Jamblique de la question de l'unité dans la catégorie de la quantité. Aristote donne comme deuxième exemple d'une quantité limitée le logos ( Categ. 4b32 cf. 4b23). Plotin critique que le mot soit rapporté à la quantité; pour lui, le mot est caractérisé comme étant significatif et à partir de cela il nie qu'il doive être compté comme quantité. Ceci vaut aussi quand nous considérons que le mot se forme en l'air par l'articulation et que l'air est sa matière, car il est question d'une qualification de la matière et le mot est la qualité qui reçoit l'air 188 ). Cette critique provoquait naturellement une vaste discussion; elle a rendu nécessaire de préciser ce qu'Aristote avait voulu dire par logos, et une défense d'Aristote se trouve tout au long des commentaires. D'abord, Porphyre a précisé, qu'il s'agit du mot articulé et audible et non pas du mot intérieur; Jamblique a ici suivi Porphyre et a remarqué que le« mot intérieur» n'est pas une quantité (fragm. n° 41) 1811). Porphyre a de plus défendu le quantitatif en référant à la pensée d'Aristote sur les syllabes qui peuvent être ou courtes ou longues1110). Jamblique a souligné ceci, et, en relation directe avec les remarques de Plotin sur le mot « dans l'air», poursuit l'examination du mot en tant que phénomème physique (fragm. n° 42). Comme Plotin, il considère le mot comme « un coup dans l'air», mais une observation plus approfondie de ce coup exige des distinctions. Ce n'est pas un coup à la manière d'un doigt qui frappe l'air mais un coup qui est de telle nature qu'il donne un son, et est ajusté, et mesuré pour l'ouïe, tantôt fort, tantôt doux; c'est ceci qui constitue le son, et c'est quelque chose qui peut être mesuré. Par conséquent il est question de quantité 191 ). - Ici aussi, Jamblique comprend clairement Aristote à partir de la pensée physico-corporelle; il le fait à la suite de Porphyre et à la différence de considérations plus purement spéculatives de Plotin. Dans p. 5 a 15 Aristote passe au traitement de la question de la quantité et de la position qu'il avait introduite dans 4 b 21. Il fait la distinction entre la quantité, dont les parties ont une position par rapport l'une à l'autre et la quantité où ceci n'est pas le cas. La ligne, la surface, le volume, de même que le lieu appartiennent à la première quantité, le nombre, le temps et la parole appartiennent à la deuxième. En comparaison avec la division précédente en quantité limitée et quantité continue, un changement a eu lieu; le temps qui faisait partie auparavant avec la ligne, la surface et le volume d'une quantité cohérente, en est maintenant séparé car le temps n'a pas de position. 188) Cf. Enn. 1,6,S. 189) a. PoRPH. op.cit. p. 101,26-28. Par ailleurs il ressort clairement du texte aristotélicien (4 b 343S) qu'il s'agit du mot parlé (proféré). 190) Ibid. p. 101,30 ss., aussi en accord avec le texte aristotélicien. 191) Dexippe reproduit Jamblique (p. 70,9-14) de la manière suivante: ·on oùx cirtM,ç 1tÀ.l1YTl àtpoç tmiv ft (j)ù)Vll (1tÀ.T1tt&1 yàp tè>vàtpa Kai oo.KroÀ.Oç1tapay6µevoç Kai mpoôpà Kai tocrn&, OJ 1tocrè>vµttpov tftç (j)ù)vf'lç nStµ&voç ltOCJTlVaÙtflV &lK6troç &lva1 (lltO(j)Q(V&îQl.
267 Il est traditionnel dans le commentaire ancien de souligner que la position présuppose trois choses: 1) la localité, 2) que les parties existent simultanément ensemble, 3) que les parties soient enchaînées les unes aux autres 19 1). Vers la fin de la tradition antique Simplicius n'admet pas que ces trois conditions soient toutes nécessaires avant que l'on ne puisse parler de position et il suit évidemment Jamblique (test. n° 43) 19 8). La raison de ce refus est surtout que la première condition n'est pas remplie avec la « ligne » qu'Aristote attribue à la quantité avec position. La « ligne », au sens strict du terme, n'a aucune largeur et par conséquent ne peut pas occuper un endroit localisé. La localité n'est pas ainsi objectivement nécessaire; elle n'est pas non plus exigée par Aristote, dit Simplicius 1 "). Jamblique a déplacé l'accent sur la coexistence des parties et laisse l'unité cohérente des parties constituer l'esse de la quantité définie par la position. Par là, il devient clair que ce n'est pas le lieu localisé qui est décisif, mais par contre la dépendance relative des parties entre elles 1911). Jamblique dit au sujet du lieu que celui-ci a une position grâce au corps qui l'entoure. Il présuppose que le lieu en tant que surface est sur un corps, - ou bien en tant qu'endroit est entouré par un corps. Dans tous les deux cas, le lieu est considéré à partir du substratum,et de là vient sa position 1 "). Nous passons à la quantité sans position (5 a 24), et la première question soulevée ici par l'exégèse ancienne est la suivante: pourquoi le nombre n'a-t-il pas de position 192) Il y a une certaine variation dans la manière dont ceci est exprimé: PORPH. op.cil. p. 101,12: AMMON. op.cil. p. 59,3: 1) tÔlt~ 1) ()lto1Œ(µ&VOV 2) ai>'tà tà µ6pta µri àcpavt1;6µeva 2) tô ICE[olkn tà µ6pta itou icai µri 3) O'U\'txEta ubv µop(cov àllnÂ.OOX~ àcpaviCEolkn 3) tô tal;•v fx1t•v 1tpôç dllnÂa
JOH.PHn.oP.op.cil. p. 92,2: J) tÔ 1C8(0'8a\ltOU 2) tà &uctà dva, 3) tO O'UVEO't'llCÔTQ fXE\Vta µÔpla
p. 88,28: 1) tô fv nvt slvat 2) tà O'UVEX&ç dval 3) tÔ 6E(ÇEl61to1ti1ttElV
OLYMP. op.cil.
ELIASop.cil. p. 194,20: SIMPL.op.cil. p. 136,12 (citation): 1) tà 6Â.Ovdµa Üq>Eotiivat 1) t61t~ 2) tO 6Eiç&l \lltOffiltt&lV 2) tà tà µ6pla O'\lVUltllPXtlV 3) tô t1t•6txto8al tà fi; Sttucci t1tlppiiµata 3) tô O'\lVÉX&lQV icai àllnÂ.Ouxiav fXElV1tpàç (se. 1tp6aco-ôlt(aco, &l;ui-àplO'ttpa, dvcodllnÂa iccitco) 193) Nous concluons de la relation avec la citation de Jamblique p. 136,21-23, qu'il s'agit de la pensée de Jamblique. 194) En ceci, Jamblique (et Simplicius avec lui) n'est donc pas d'accord avec par ex. Ackrill, qui considère la « spatial location» comme un des traits caractéristiques du lieu (Notes p. 94; ce problème joue aussi un rôle dans les remarques critiques d'Ackrill au sujet d'Aristote, ibid.). Il est encore plus évident à quel point les exigences de localité en relation avec la ligne, sont excessives, lorsque Elias pense (op.cil. p. 194,20) qu'il s'agit à la fois d' 'avant' et d' 'arrière', de 'gauche' et de 'droite', de 'haut' et de 'bas', avec toute quantité dérinie par la position, et par suite, par la ligne (cf. note 192). 195) 06 T'flVKatà t61tov Stcnv Uytl (se. 'AplotOtÉÂ.T1ç), àÂ.Â.àt11v icatà axtow, dit Simplicius (p. 136,4). 196) Fragm. exeg. n° 44. Simplicius souligne ce qui est aristotélicien dans la conception du lieu de Jamblique.
268 d'après Aristote? Jamblique répond à cela (fragm. n° 45) que le nombre est composé d'unités, et comme ces unités prises individuellement n'on pas de position parce que l'unité est un signe sans position, il n'y a pas de position non plus quand plusieurs unités sont comptées ensemble. A cela s'ajoute que les parties de la quantité nombre ne sont pas immuables; quand nous comptons, le nombre précédemment énuméré disparaît tout le temps. Naturellement ce qui est compté demeure, mais le nombre compté est remplacé par un nouveau nombre, exactement de la même manière que les parties simples de la parole disparaissent 197 ). A la place de la position, on peut parler au sujet de quantités comme le nombre et le temps, d'un certain ordre ('tci!;tç5a29). Ceci vaut aussi pour le mot, dit Aristote (5a33), et Jamblique ajoute ici la remarque intéressante, que nous pouvons difficilement parler d' « ordre » en relation avec la parole, à moins de nous occuper de sémantique (fragm. n° 46). Dans la distribution des syllabes longues et courtes nous pouvons difficilement constater un ordre véritable - et c'était ceci, qui justifiait que la parole pouvait être placée dans la catégorie de quantité! Tandis que le nombre et le temps peuvent être caractérisés comme quantité avec taxis, ceci, d'après la conception de Jamblique, ne vaut que partiellement pour la parole (test. n° 47). En relation avec l'étude du passage sur la quantité, avec ou sans position, Simplicius cite de Jamblique une remarque philosophique avancée (fragm. n° 48) 118 ). Jamblique fait valoir ici que la quantité avec position est pour ainsi dire la base de toute quantité. Nous avons besoin de la position pour comprendre la cohérence de la quantité en général. Ce fragment est excessivement important, quand nous devons caractériser Jamblique comme exégète et philosophe. Il montre d'une part que Jamblique - comme nous l'avons vu auparavant - a, dans ce cas aussi, repensé la problématique précisément à partir des prémisses aristotéliciennes, car le physicocorporel en est le point de départ. D'autre part, il est évident que dans la formulation de Jamblique, il n'est pas seulement question de référer une position philosophique à laquelle il est personnellement opposé, mais au contraire, il expose un sujet objectif, qu'il approuve parfaitement. La philosophie n'est pas ici remplacée par quelque forme de mystique. Jamblique pense qu'il est nécessaire d'apprendre à connaître la quantité avec position avant que la quantité sans position puisse être conçue et comprise. La connaissance des lignes, surfaces, espace et lieu, est la base de la connaissance du nombre, temps et parole. D'après Aristote le mouvement ne peut vraiment être ajouté à la quantité (5b3). Quand nous pouvons parler d'un « grand mouvement », pour Aristote c'est l'ex197) Ici Simplicius tient rigueur à Jamblique et soutient qu'il y a une différence entre nombre et logos. Il pense que ce qui est décisif est le manque d'une relation nécessaire entre les unités dénombrées (p. 138,16 ss). Il mentionne les doigts en exemple: même si les cinq doigts ne sont pas comptés, ils existent cependant en tant que 5 doigts Katà to tautfüv d6oç. Mais dans ce cas, on pourrait tout aussi bien soutenir qu'en fait, ils sont en relation; de sorte que Simplicius ne peut pas utiliser ceci pour défendre la conception aristotélicienne: que le nombre n'a pas de position. Sans aucun doute, ici Simplicius identifie trop connaissance et réalité. La conception de Jamblique est plus précise. 198) Jamblique, ici, s'avance Seropt1t1Klllç,dit Simplicius et nous avons surement ici un extrait d'une « theoria » du commentaire de Jamblique.
269 pression que le mouvement prend beaucoup de temps, de sorte que la définition quantitative, non dans son sens véritable, s'applique au mouvement. C'est caractéristique pour l'exégèse de Jamblique, orientée vers le sujet traité, qu'il ne se contente pas de référer ce que dit Aristote et d'étudier ses raisons pour ne pas compter le mouvement avec la quantité. Dans son commentaire, Jamblique fait valoir que le mouvement, de fait, doit être considéré comme quantité (fragm. n° 49). Jamblique pense qu'un mouvement présuppose une dimension et est ainsi par sa nature même, attaché au quantitatif. Par conséquent, le mouvement doit, de même que la parole, être attribué à la quantité parce qu'il se fait grâce aux dimensions quantitatives, et parce qu'il peut être mesuré. La plupart du temps sans donner de noms, Simplicius réfère à plusieurs tentatives pour placer le mouvement dans le système catégorial, entre autres le mouvement a été attribué à la relation, et a été mis en relation avec plusieurs catégories simultanément 1911). Plotin a donné son interprétation du mouvement•00). L'interprétation de Jamblique représente, pour autant que nous connaissions la tradition, un effort original; Porphyre se borne à référer et à suivre Aristote 101). Pour Jamblique c'est insuffisant d'attribuer, comme le fait Aristote, le mouvement à la quantité en rappelant qu'en parlant du mouvement, nous prenons en considération un quantitatif distinct du mouvement lui-même tel que le temps ou le lieu 101). Et nous pouvons nous demander si Jamblique n'a pas raison en ceci que, lorsque nous parlons de « faire un grand mouvement avec la main », nous considérons en fait, le mouvement quantitativement; « grand » ne se dit guère ici en référence au temps ou au lieu. De même que la substance, la quantité n'a pas de contraire (Categ. p. 5bll ss). Les expressions « grand » et « petit » pour la quantité sont bien sOr des contraires, mais il est ici question des expressions relatives qui ne touchent pas la quantité en tant que telle. Nous pouvons parler d'un grand grain de millet, malgré l'énorme différence qui existe entre lui et une «petite» montagne; ceci montre clairement que ce ne sont pas les quantités qui font les contraires. A la suite de ces réflexions d'Aristote dans l'écrit des Catégories, l'exégèse antique mit en délibération d'autres contraires possibles dans la catégorie de la quantité. On s'est évidemment demandé si l'incorporel n'était pas un contraire du corporel qui est un quantitatif. Jamblique suit ici Porphyre et dit avec Aristote que les contraires supposent le même genos, mais le corporel et l'incorporel ne sont pas du même genos, et par suite ils ne sont pas non plus des contraires (test. n° 50)1 03). Dans le commentaire antique de ce passage des Catégories, ce sont cependant les remarques d'Aristote sur « grand » et « petit » qui ont le plus donné lieu à discussion. Plotin a critiqué Aristote pour comprendre « grand » et petit » comme des termes 199) SIMPL. op.cil. p. 139,34. 200) Enn. 6, 1,15 et 6,3,21 (nou:rv-micr)(Etv comme le yi:voç [ô1ov du mouvement). 201) PORPH. In Arisl.Caleg. p. 105,36 ss. 202) a. ARIST. Phys. 5,13 p. 200 b 32-201 a 3 et 8,7 p. 260 a 26--b 7. 203) PoRPH. op.cil. p. 106,25 ss. a. ARIST. De gen.et corr. p. 324 a 2; Metaph. 1,4 et par ailleurs Categ. p. 6 a 17 et 14 a 20. Pour toute la question, voir ANTON, Aristotle's theory of contrariety
p. 55-56.
270 relatifs. La relativité, dit Plotin, suppose que nous utilisons les formes comparatives « plus grand », « plus petit » etc. •ot). Sans doute avons nous là une vieille discussion, car Jamblique, à la suite d' Andronicus - et d'ailleurs d'accord avec Porphyre - a donné en partie raison à Plotin (fragm. n° 51)106 ). «Grand» et «petit», dit Jamblique, ne sont pas seulement quelque chose de relatif, mais définissent aussi une quantité non limitée. Jamblique accepte alors « grand » et « petit » comme termes quantitatifs. Mais, pense Aristote, que « grand » et « petit » soient considérés comme quantité, ou non (alors: comme relation) ils n'ont pas de contraires; car comment quelque chose qui ne peut pas être considéré en soi-même, mais seulement par rapport avec autre chose, peut-il avoir un contraire? (Categ. 5 b 31-33). Ceci est une remarque surprenante, puisque « grand » - « petit » en tant que relation peuvent fort bien être considérés comme antagonistes, des grandeurs relatives peuvent très bien être contraires ainsi que le dit plus tard Aristote lui-même 108 ). La remarque a donc aussi déjà, dans l' Antiquité, donné lieu à des réflexions. Jamblique pense qu'Aristote ici s'exprime très concisément, et il fournit son apport à l'interprétation du passage en formulant in extenso, ce qu'il considère comme étant l'opinion d'Aristote (fragm. n° 52). D'après Jamblique la remarque complète doit être à peu près ceci: « ce qui n'est pas en soi-même, mais est attribué à quelque chose d'autre, n'est pas le contraire de ce qui reçoit l'attribution», et il ajoute un exemple: le grand grain de millet est référé au petit grain, mais le grand n'est pas le contraire du petit. Ceci est une réelle possibilité d'interprétation, d'une part parce que d'être référé à quelque chose d'autre est fondamental dans la problématique, d'autre part, parce que quelque chose peut difficilement être référé à quelque chose d'autre, s'il y a une contrariété entre les deux choses 107 ). A ceci s'ajoute qu'en toutes circonstances, il est nécessaire de penser à la question du substratum pour les prédications « grand» et « petit » parce qu'ailleurs Aristote peut très bien parler de « grand » et de « petit » comme contraires: un objet ne peut pas être en même temp et dans le même sens à la fois petit et grand; ici grand et petit sont contraires 108 ). Nous devons supposer, dit Olympiodore, deux substrata, avant que nous puissions dire qu'il n'y a pas de contraires 108 ). L'exégèse de Jamblique tend dans le même sens. Nous revenons au refus de Plotin de quelque relation possible dans le cas des termes positifs de «grand» et « petit». Ce point est important, car bien qu'Aristote lui204) 205) 206) 207)
Enn. 6,3, 11.
ln Arist.Categ. p. 108,13 ss. Categ. p. 6 b 15. Note d'Ackrill sur le passage (Notes p. 96). Habituellement, l'exégèse antique souligne davantage que « grand » et « petit » ne sont pas des contraires (cf. la fin du fragm. de Jamblique) et, en relation avec Aristote, mentionne plusieun preuves à cc sujet, d. par ex. Olympiodorc (p. 93,28 ss.) et Elias (p. 196,20 ss.). De même Porphyre (p. 109,30 ss.), qui, cependant, est aussi très attentif à la question de savoir jusqu'à quel point quelque chose se dit « en soi-même » ou « au sujet de quelque chose d'autre » PORPH.
(cf. p. 110). 208) Cf. Metaph. 1,6 p. 987 b 20 ss. 209) ÛLYMP. ln Arist.Categ. p. 94, 13 SS.
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même ait déclaré que ceci n'était pas décisif pour la question des contraires (5 b 30), il semble cependant prévoir lui-même une relation et les commentateurs ont dQ, tout le temps, rechercher la solution par les définitions de la relation. Il ne fait aucun doute que lorsque Plotin écarte la relation il exprime un certain platonisme « extrêmiste ». Quand, d'après Plotin, « grand » et « petit » doivent être compris comme absolu et simple ceci est sans aucun doute le résultat de la conception de Plotin qu'une quantité reçoit sa forme limitée seulemen_t « du haut » en participant à l'idée de quantité. La quantité ne se forme pas sous l'influence de faits empiriques de quantité, mais seulement par la connaissance 110 ). Il est d'autant plus important de remarquer à ce sujet quel est le point de vue de Jamblique. Jamblique fait valoir que les termes quantitatifs tels que « grand » et « petit » doivent être vus dans plusieurs contextes et perspectives (test. et fragm. n° 53). Ils doivent être vus à la fois en eux-mêmes, dans leur propre forme incorporelle, et dans leurs relations respectives à leur apparition dans le matériel. La première perspective implique encore deux façons de considérer les termes quantitatifs, d'une part l'idée de quantité comme supérieure au mouvement dynamique qui amène aux quantités matérielles, d'autre part la quantité comme pure et idéelle quantité. La quantité idéelle, dans sa forme pure, n'est pas examinée de plus près et n'a pas plus d'intérêt ici. L'essentiel est comment Jamblique voit la relation entre l'idée de quantité et la quantité empirique. Car c'est cela qui, d'abord, touche à l'interprétation de la relation entre Platon et Aristote. Jamblique explique que l'idée est le principe formant, quand la forme quantitative s'insère dans le monde matériel. Mais il y a alors une double dynamique. Car il y a aussi à partir de la matière un facteur causal. Le tout ne se passe pas exclusivement « d'en haut», mais la forme s'avance grâce à la double dynamique de l'idée et de la matière. Il est donc vrai que la forme empirique de la quantité se forme et apparaît par sa participation à l'idée et par sa ressemblance avec l'idée. Mais en même temps il y a de la matière qui reçoit la forme, infinie elle-même, et c'est cette base qui rend possible et amène qu'une quantité donnée n'est pas seule, mais dans son apparition et avec son apparition a aussi une interdépendance avec d'autres formes de quantité. Par conséquent Plotin a tort de ne vouloir la quantité que dans une seule perspective. Cette réfutation de Plotin par Jamblique est évidemment un témoignage sur la façon dont il comprend Platon et Aristote dans leurs rapports respectifs. Il le fait, en contredisant Plotin, et en soulignant la dimension « aristotélicienne » de l'analyse de la quantité. Il est intéressant de remarquer comment Jamblique peut aussi critiquer Plotin, à partir de la dimension « platonicienne ». - Quand justement Plotin fait valoir qu'il est nécessaire d'utiliser les formes comparatives « plus grand » et « plus petit » si nous voulons exprimer la quantité relative, Jamblique repousse ceci en prenant la direction opposée. Il soutient alors, contre Plotin, que les termes de quantité relatifs tels que « plus grand » et « plus petit » supposent aussi bien une participation à « grand » et « petit» comme idée des quantités, c'est-à-dire, supposent 210) Cf. RUTTEN, op.cit. p. 83 ss.
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aussi la perspective platonicienne à partir « du haut»; ceci n'est pas seulement expliqué avec les relations du monde sensible: ici, Jamblique exige que la pensée platonicienne soit aussi considérée. Après avoir argumenté que « grand » et « petit » ne signifient aucune opposition entre les quantités, Aristote déclare qu'en relation avec des termes quantitatifs locaux, il semble qu'il puisse exister des oppositions, ainsi entre « en haut » et « en bas », car il est habituel d'utiliser une métaphore pour la définition du lieu dans la définition d'une opposition en ceci que l'on dit souvent, que les contraires sont des choses qui « se trouvent le plus loin l'une de l'autre» (Categ. 6 a 11). Aristote ne termine pas l'argumentation, mais elle a été reprise dans le commentaire ancien, où justement, on faisait la différence entre le « haut-bas » en relation avec nous, c'est-à-dire quelque chose de relatif et le « haut-bas » déterminant quelque chose de physique, c'est-àdire étant un terme appliqué à l'espace 211 ). Il est évident que dans le premier cas, · il est question de quelque chose de relatif et par conséquent nous n'avons pas une opposition dans la catégorie de quantité, mais dans le dernier cas non plus, il n'est pas question d'opposition, car haut et bas dans l'espace ne désignent pas un contraire comme par exemple les deux extrémités d'un diamètre; mais il est question d'une position entre la périphérie et le centre, et il ressort de là, qu'il n'y a pas non plus de base cosmologique pour accepter une opposition dans la catégorie de quantité. C'est dans cet contexte et à sa suite que nous savons que Jamblique a fait quelques remarques (test. n° 54). Il s'agit de définitions cosmologiques du « haut », qu'il n'est pas ici nécessaire d'étudier de plus près. Mais, ce que nous pouvons remarquer est que Jamblique, ici aussi, a donné un commentaire du sujet philosophique contenu dans le texte et que ce commentaire dépasse le texte aristotélicien même; Jamblique, comme d'ailleurs Aristote même à cet endroit s'en approche, introduit le cosmos dans le commentaire. Il y a lieu de croire que sur ce point la tradition alexandrine a été inspirée par Jamblique qui semble avoir été le premier à impliquer le cosmologique en relation avec categ. 6 a 11. En tous cas, Porphyre n'en parle pas dans le commentaire conservé, et Simplicius ne cite que Jamblique 111 ). Après un court paragraphe, où il nous est démontré, que les quantités « ne reçoivent pas plus ou moins» (Categ. 6 a 19-25) et nous n'en avons pas de remarques de la part de Jamblique - Aristote essaie dans un dernier passage (6 a 26-35) de définir le proprium de la quantité, son iôtov, de la même manière qu'il l'a fait à la fin de la catégorie de la substance et plus tard le fera avec la catégorie de la qualité (p. 11 a 15 ss.). Le propre de la quantité est d'après Aristote que nous pouvons parler ici d'égal et d'inégal (icrov - avtcrov). Dans d'autres cas nous nous exprimons autrement, par exemple, quand il s'agit de qualité, nous disons de quelque chose, qu'elle est ressemblante ou qu'elle ne l'est pas. Jamblique accepte complètement cette définition aristotélicienne du proprium de cette catégorie. Mais il est intéressant de remarquer que, dans ses commentaires, à 211) Ainsi, en particulier dans la tradition alexandrine, cf. AMMON.op.cil. p. 64---65,OLYMP. op.cil. p. 94-95, JoH. PHILOP. op.cil. p. 99, ELIAS, op.cil. p. 198-199 et ANON.Paraphr. p. 25. 212) StMPL.ln Arist.Categ. p. 147-150.
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l'occasion de cette définition aristotélicienne du proprium, Jamblique essaie de trouver la méthode employée dans la définition du proprium pour toutes les catégories (fragm. n° 55). Il caractérise ainsi la manière de procéder: Nous prenons les traits que nous trouvons dans des exemples de la catégorie donnée; puis nous considérons ces traits à travers toutes les espèces du groupe donné (ainsi nous pouvons voir si nous avons vraiment trouvé un proprium pour toute la catégorie donnée). Il peut être question d'une quantité plus ou moins grande, c'est-à-dire: des quantités peuvent être égales ou inégales l'une à l'autre, et quand nous étudions les différents cas, il se montrera que ceci vaut pour toute la quantité 213 ). La même méthode sera utilisée pour définir le proprium des autres catégories, par exemple, pour la substance qu'elle ne peut admettre de contraires, et il sera prouvé que ceci vaut pour toute substance. Nous remarquons deux choses dans ces réflexions de Jamblique: d'abord son intérêt pour la méthodique, ensuite le caractère déductif - inductif de sa méthode de définition. Nous rencontrons aussi un autre trait caractéristique de Jamblique dans son commentaire de la catégorie de quantité. Il ne se contente pas du proprium défini par Aristote pour la catégorie, mais il essaie de trouver un concept commun plus universel pour la catégorie (fragm. n° 56). Comme pour la catégorie de substance, Aristote a souligné et examiné tantôt l'un, tantôt l'autre trait, et le dernier trait mentionné dit bien quelque chose d'important sur la quantité, mais n'en est pas pour autant une véritable définition. Jamblique recherche une véritable définition, et il n'y a aucun doute, qu'il est ici plus platonicien qu'aristotélicien. Simplicius considère aussi que le traitement du sujet par Jamblique est plus théorique; nous en avons un exemple dans son fü:ropia. Justement pour cela, ce fragment est intéressant214).Car il recherche bien d'une manière philosophique, une synthèse et un dénominateur commun, pour une suite de points de vue différents, mais il le fait en étroite relation avec les matériaux aristotéliciens qu'il a devant lui. La conception de Jamblique du concept commun recherché s'exprime ainsi: « la quantité est ce qui peut être divisé en parties actuelles » 216 ). Ceci vaut par exemple à la fois pour la multitude et la grandeur car, soit que nous comptions une multitude ou que nous mesurions une grandeur, dans les deux cas nous supposons que nous divisons la quantité et que nous comptons les unités simples. Car la quantité peut être mesurée, et la mesure suppose une division, par conséquent division et divisibilité sont un concept commun pour toute quantité. Simplicius délibère si Jamblique en parlant de parties ne vient pas, d'une manière malheureuse, à comprendre aussi le tout. Par là, d'après la conception de Simplicius, 213) Jamblique utilise les expressions ù1t&pox11et UAf:11111çnon au sujet de « plus » et « moins » (ce qui serait en contradiction avec Categ. p. 6 a 19), mais en accord avec ARIST.Metaph. 3,2 p. 1004 b 12. Cf. aussi note d'Ackrill sur 6 a 26. (Notes p. 98). 214) Malheureusement nous ne pouvons pas déterminer où Jamblique a placé sa theoria dans son commentaire. Nous la placons en dernier, mais dans son commentaire, Simplicius la place au courant du commentaire (après le commentaire du passage 5 b 11-6 a 10). 215) Avec« parties actuelles», il est fait allusion évidemment, à ce que dit un peu plus tard Simplicius: que Jamblique ne pense pas tellement à la division d'un ensemble en parties, mais plutôt à un ensemble de beaucoup de choses simples (Cf. Test. n° 57).
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il s'éloignerait complètement de la catégorie de quantité et serait attiré vers une autre question: celle de la relation entre le tout et la partie. Cependant, Simplicius ne peut non plus s'empêcher d'avouer qu'évidemment Jamblique n'a pas vu pour autant les parties à partir du tout mais à partir de quelque chose de divisible 111 ). C'est justement le cceur du problème. En fait Jamblique pense ici très « aristotélicien ». h) Relation
Quand Aristote parle de relation, il le fait par l'expression prépositive 1tp6ç n, « à l'égard de quelque chose». Dans le paragraphe sur la relation dans l'écrit des Catégories, l'expression se met à la forme définie à l'aide de l'article au pluriel neutre: TÙ 1tp6ç u 217 ). Est-ce un hasard, ou bien faut-il y voir un sens défini, et dans ce cas lequel? Cette question est posée dans l'exégèse à l'époque de Jamblique. Les plus anciens exégètes tels que Boéthus, Ariston, Andronicus, Eudore, et Athénodore n'ont pas fait attention à cette forme du pluriel, mais parlent de la catégorie de relation comme TÔ 1tp6ç n. Mais des interprétateurs plus récents pensaient que ceci était incorrect, et considéraient que la forme pluriel avait un sens très défini. Par là est exprimé, disaient-ils, qu'il est dans la nature même du fait de la relation qu'il n'est jamais question d'un rapport unilatéral, mais qu'il doit toujours y avoir au moins deux parties impliquées, avant que l'on puisse parler de relation 118 ). Porphyre donne raison à ces exégètes plus récents et il a argumenté pour leur point de vue119). Jamblique rejette cette interprétation et préfère suivre les anciens exégètes (fragm. n° 58). Jamblique fait valoir, d'une part, qu'elle n'est pas correcte du point de vue de l'usage aristotélicien de la langue, d'autre part qu'elle est en contradiction avec les données objectives. Il réfère à Archytas, - sans que nous puissions voir quel est le texte auquel il pense - et nous pouvons remarquer quelle importance revêt à ses yeux la manière de s'exprimer d'Archytas pour l'exégèse d'Aristote. De plus, il renvoie à Aristote pour son usage même de la langue - avec raison, car dans la Physique, la Métaphysique aussi bien que, par exemple, dans !'Ethique à Nicomaque, Aristote utilise le singulier TÔ 1tp6ç n, et on peut présumer que Jamblique y pensait, tandis que Porphyre s'en est tenu seulement à l'usage de la langue dans les Catégories. De plus Jamblique souligne que l'utilisation du singulier et du pluriel, au point de vue purement linguistique n'est pas du tout aussi fixée que l'interprétation de Porphyre et des jeunes exégètes le présuppose. Athènes et Thèbes sont en grec des mots pluriels, et inversement un mot singulier peut très bien désigner une pluralité, comme le font par exemple, « armée » et « phyle ». Quand ici, Aristote a utilisé le pluriel, il a seulement pensé, d'après l'opinion de Jamblique, à plusieurs exemples de la relation, exactement de la même manière que lorsqu'il a écrit son exposition d'ensemble 216) Test. exeg. n° 57. 217) Le titre de ce chapitre: m:pi twv 1tp6ç n dans tout les commentaires antiques préservés est en accord avec ceci. 218) Il est signalé comme exemple« père», qui implique toujours« fils» ou« fille». 219) Cf.
SIMPL.
ln Arist.Categ. p. 160,10. PoRPH. ln Arist.Categ. p. 111,22 ss.
275 au début des catégories 110 ). Il le fait pour rendre plus évident la nature même de la relation (axtmç), mais il ne veut pas dire par là, que l'on ne doit pas considérer et comprendre la relation en soi-même. Autrement, nous serions aussi en contradiction avec les conditions objectives. Si la relation doit être d'une manière quelconque une catégorie, il faut, qu'en plus de contenir un grand nombre de phénomènes et d'exemples simples, elle soit véritablement une unité; on doit pouvoir voir, en superposition de tous les exemples simples, qu'il s'agit d'un seul et même fait, qui peut se concevoir comme une unité 111 ). C'est justement par là, que nous délimitons notre catégorie 112 ). Nous sommes sans doute ici à une croisée de chemins dans le débat. C'est le concept catégorial même de la relation qui est en jeu, car si on ne peut parler que de choses simples (au pluriel), alors le concept même d'unité est menacé. Jamblique souligne l'unité dans la catégorie, et il le fait sur une base solide au point de vue de l'interprétation: il réfère à l'usage de la langue, et aux réalités objectives, que traite le texte 113 ), Jamblique suit de très près les prémisses et la méthode aristotéliciennes, et il affirme la relation avec Platon, par son accentuation de l'unité 1H). L'interprétation que donne Porphyre à la suite des « exégètes récents » est en réalité une interprétation allégorique du pluriel 'tà 1tp6ç 'tl. Il est vrai que la relation est une question de proportions entre plusieurs choses, d'où il est possible de laisser le pluriel jouer sur cela, mais ce n'est pas le sens propre du texte. L'interprétation de Jamblique, au contraire, se réfère à la langue et au fait 216 ). Dans l'écrit des Catégories, Aristote n'entreprend pas véritablement une subdivision systématique de la catégorie de relation. Il donne surtout des exemples et des groupes d'exemples. A d'autres endroits, ainsi par exemple dans la Physique (3,1), et en particulier dans la Métaphysique (4,15) il semble qu'Aristote travaille davantage sur la subdivision systématique et, tout de même, on peut aussi discuter ici, si la systématique est rigoureuse et décisive. Il est évident que dans son commentaire de la classification et de la subdivision de la catégorie de relation, Jamblique en tient compte et se sert des classifications qu'Aristote a utilisées lui-même dans la Physique et dans la Métaphysique (fragm. n° 59). Nous avons déjà vu cette manière de faire dans l'interprétation de Jamblique. En même temps, Jamblique ne dépasse pas Aristote dans la systématisation, mais conserve l'énumération caractéristique d'Aristote; après avoir donné la citation de Jamblique, Simplicius, non sans raison, se demande s'il n'est pas plutôt question d'une énumération que d'une classification. Categ. 4 p. 1 b 2S. icatà ttiv µ{av crxtcnv et un peu plus tard icaS' l\v vo&îtat, Fragm. n° 58. tv µt~ {ÔtÔTiltl'tfl -yvéi'.>vat t1'\v téi'.>v 1tp6ç n q>1'.Jmv. Les corrélats qui entrent dans la relation sont d'espèces différentes tellement nombreuses, qu'elles ne peuvent pas former l'unité et la nature propre de la catégorie. D'après la conception de Jamblique, elle doit être en ceci que partout il est question de la même relation ou d'une relation analogue entre les composants et c'est ceci qui peut être observé dans la nature particulière de la catégorie: Kat' aùtè>v tè>v Â.6-yovtfiç crxtcr&wç,; 16t6trtÇ téi'.>v 1tp6ç n Stwp&îtat. Celle-ci est au dehors des composants individuels, et n'est pas influencée par leurs nombreux changements. Jamblique diverge ici par ex. de la conception de Trendelenburg (Gesch. d. Kateg. lehre p. 124), que f!;u; devrait se trouver dans le deuxième groupe de relation de la Métaphysique (1to1t:tv-naax&1v). A l'appui de Jamblique, nous voyons qu'Aristote considère aussi bien àp&tai que tmatiiµat pour f!;&tç cf. Categ. p. 8 b 29, Probl. p. 955 b 1, Eth. Nic. p. 1139 b 31 et passim. 230) Il s'agit du substantif verbal d"un verbe transitif. Trendelenburg exagère la difficulté de placer 9fotç (Gesch.d.Kateg.lehre p. 134). Gesch.d.Kateg.lehre p. 123. 231) Cf. à ce sujet TRENDELENBURG, 232) Nous ne pouvons pas comparer tout simplement le commentaire de Jamblique avec le commentaire conservé de Porphyre, mais il est cependant remarquable que, dans son étude, Porphyre ne s'occupe pas du reste du traité d"Aristote; il ne cite, et sans suite, que 1tatt'lp-u!6ç, aia911a1c;;-aiaS11t6v, µtya-µ111:p6v comme exemples, pour ensuite étudier servilement les exemples de l'écrit des Catégories. Porphyre aurait il aussi incorporé la Métaphysique et la Physique, cela se verrait facilement aussi dans un commentaire élémentaire. 233) « Doux » est cité comme ex. au premier, « père » pour le deuxième. 234) SIMPL. ln Arist.Categ. p. 165,32-167,36.
278 Mais, par là, il est aussi donné qu'il n'a pas été question, au sens propre, d'une classification de la catégorie de relation; par contre on a pu donner des classifications des éléments. Tout en suivant et commentant les classifications aristotéliciennes - qu'il accepte positivement - Jamblique garde son intérêt fondamental pour l'unité de la catégorie. Dans le texte d'Aristote que Jamblique et Simplicius après lui ont lu, la lecture de Categ. p. 6 b 21 a été: àvtaa{t&pov µéU.Àov1eaifittov Nous sommes au paragraphe où Aristote explique que la catégorie de la relativité est caractérisée par ce que nous pouvons parler « de plus ou moins », et comme exemple est nommé « inégal », où nous pouvons dire que quelque chose est plus ou moins inégal en relation avec une autre. C'est la forme comparative àvtaa{t&pov qui a suscité un commentaire chez Simplicius, et avant lui, chez Jamblique. On s'en est étonné, parce qu'il y a par le mot, pour ainsi dire, donnée une double comparaison, quand µàÀÀov Kai f)ttov viennent ensuite. Jamblique a pensé trouver une raison pour cette double comparaison (test. n° 62). Il pense qu'Aristote a voulu, en vérité, exprimer par là deux choses, d'une part, que l'inégalité peut grandir à l'infini (et devenir de plus en plus grande), d'autre part, qu'on peut distinguer des degrés dans cette inégalité grandissante, par rapport à jusqu'où on procède par les degrés (c'est pourquoi µliÀÀovKai fittov est ajouté). Ce mouvement ne s'arrête pas, par conséquent l'inégalité n'est jamais « grande », mais toujours « plus grande », jamais « petite » mais toujours « plus petite ». - Il ne fait aucun doute que Jamblique est trop subtile dans son interprétation. Nous aurions pu souhaiter une remarque qui interprèterait le double comparatif comme un simple pléonasme linguistique ou une référence que le mot n'est pas connu chez Aristote. Cette dernière remarque ne peut guère être attendue chez notre auteur, aussi peu qu'un traitement qui s'occupe de la transmission du texte, car il est ici assez uniforme136). Aristote mentionne la relation entre la connaissance et l'objet de la connaissance et signale qu'il ne peut y avoir de savoir/connaissance s'il n'y a pas d'objet; inversement l'objet demeure, indépendamment, qu'il soit connu ou non. Ainsi, dit Aristote, si la quadrature du cercle est un objet réel pour la connaissance, en tout cas, la connaissance de cet objet n'existe pas encore (Categ. 1 p. 7 b 31). Ceci est le sujet d'un commentaire très intéressant de Jamblique. La quadrature du cercle, dit Jamblique, a été justement trouvée par les Pythagoriciens, et il cite les Pythagoriciens qui ont continué cette tradition (fragm. n° 63). C'est évidemment les intérêts pythagoriciens de Jamblique qui se manifestent ici. Mais, avec sa connaissance de la tradition pythagoricienne, il est très naturel pour Jamblique de donner ce renseignement objectif et de corriger Aristote (Jamblique pense qu'il s'agit d'une vieille tradition pythagoricienne). Après avoir cité le fragment de Jamblique, Simplicius ajoute qu'il est assez étonnant que Porphyre, par ailleurs si érudit, ne l'ait pas remarqué. Il ne 235) Chez Philopon civ1crovpeut très bien être une rectification provoquée par la discussion des commentaires. D'ailleurs elle est vraisemblablement correcte.
279 fait aucun doute, que nous avons aussi ici, une expression des deux hommes et de leurs différentes sphères d'intérêt 188 ). Au début du chapitre 7, Aristote a donné une définition de la relation, d'après laquelle les entités relatives soit « appartiennent » à quelque chose d'autre, soit « sont rapportées » à quelque chose d'autre, le premier cas s'exprime par le génitif, l'autre par une préposition: l>oa &téprov &lva1 Àéy&tat ii 61troooOvaÀÀc.oç1tpôç ft&pov 13 7).
A la fin du chapitre, Aristote se voit obligé de reprendre cette définition pour la réviser et la préciser. Le problème est le suivant: dans quelques cas, n'y a-t-il pas une coincidence entre la première catégorie et la catégorie de relation? Lorsque nous parlons de « la main de l'homme », il semble que nous avons alors exprimé un état de relation entre la « main » et « l'homme », et cependant nous devons considérer « la main >► comme une substance. Pour éviter cette équivoque, nous devons différencier entre l'expression linguistique (génitive) et les conditions réelles, et Aristote précise maintenant la définition, en disant que les « choses relatives sont les choses pour lesquelles le fait d'être rapportées à quelque chose d'autre est identique avec leur existence »: l:ott tà 1tp6ç tt otç tô &lvm taùt6v èott tq> &X,&lV(8 a 3(-32) 1tp6Çt{ 1tC.OÇ
Cette précision, est-elle nécessaire? Quel en est le sens? Est-elle suffisante? Telles furent les questions centrales du commentaire antique. Nous avons conservé chez Simplicius des extraits du commentaire de Jamblique sur cet endroit (fragm. n° 64). Jamblique présente quatre raisons pour la justification de cette nouvelle définition de relations: I) La nouvelle définition est nécessaire, parce que la première définition peut comprendre des choses qui n'appartiennent pas à la relation, par exemple: la blancheur et la justice, où la relation n'est pas l'essentiel138). 2) Si la relation est définie comme dans la première définition par le génitif ou par la préposition («de» ou « par rapport à»), la relation est vue unilatéralement, c'est-à-dire d'une chose à l'autre, avec laquelle la première est en relation. Mais par là, nous n'avons pas défini la relation même, mais dit seulement quelque chose sur la première chose en relation avec la deuxième. La relation réciproque des deux corrélateurs n'est pas introduite en réalité dans la définition, tandis que les corrélateurs eux-mêmes en ressortent, ce qui amène aussi que certaines « substances », d'après la première définition peuvent être placées dans la catégorie de relation. 3) La première définition ne 236) Sur la question de la quadrature du cercle, voir HEAllf, Greek Math. I p. 220 ss., qui incorpore l'étude détaillée de Simplicius, dans le commentaire de la Physique, où nous trouvons aussi ce fragment du commentaire des Catégories de Jamblique, et où nous trouvons la confirmation que le fragment provient de ce commentaire de Jamblique. 237) Souligné avec raison par EDGHILL (note à la traduction de 6 a 36). 238) Jamblique a repris «blancheur» à Porphyre (cf. ln Arist.categ. p. 124, 6 ss.). Par contre, « justice » est son propre exemple.
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touche que la prédication (« secundum dici »), tandis que la deuxième se base sur l'ontologique (« secundum esse »). D'après la première définition, la main devient une relation, parce que l'on peut dire au sujet de la main qu'elle est la « main de l'homme », mais, d'après la dernière définition « la main » se trouve en dehors de la catégorie de relation, parce que par elle, il devient évident, que d'être main n'est pas identique avec se rapporter à autre chose. 4) Avec la nouvelle définition Aristote atteint la précision que la relation est un « moyen » (µtcrov tt) car c'est justement caractéristique pour l'état (axtmç) de la relation qu'elle se trouve entre des choses, qui sont à la base (tà uxoic&iµ&va),c'est-à-dire les corrélateurs, ce sont eux qui ne sont pas la relation - mais ont la relation (tà Ë)Covtatl)v crxtmv). Simplicius n'est pas particulièrement positif au sujet de cette argumentation de Jamblique. Il remarque, au sujet de la première raison, que « justice » peut très bien se comprendre comme un ëçtç, et par là, ne doit pas être expulsée de notre catégorie. Ici, cependant, Simplicius a sans aucun doute mécompris Jamblique. Ce n'est pas l'intention de Jamblique de nier que la justice peut être vue sous le point de vue relation, mais, de faire ressortir qu'elle ne doit pas être comprise exclusivement ou principalement comme une relation. Sans aucun doute, c'est un véritable intérêt platonicien pour la « justice même » qui fait que Jamblique soutient ici Aristote 139). La troisième raison de Jamblique est presque une copie, mot à mot, de celle que donne Aristote pour la nouvelle définition. Par contre, la deuxième et la quatrième contiennent à un plus haut point l'interprétation de Jamblique, et il est clair qu'elles sont aussi sur la même ligne. Toutes deux s'emploient à défendre la nouvelle définition en rappelant qu'elle transporte l'accent, dans la définition, des corrélateurs sur leur relation. Ceci répond de très près à l'interprétation de Jamblique de la question du singulier et du pluriel dans l'expression même des relations 140). Et il n'y a pas de doute que c'est le même intérêt platonicien que Jamblique exprime en supportant la deuxième définition de la catégorie de relation d'Aristotem). i) Qualité
Dans plusieurs contextes différents, nous avons rencontré le problème théorique de la connaissance. Il est mis particulièrement en évidence dans la catégorie de la qualité 239) cr. à ce propos que la fl;tç aussi appartient à la catégorie de la qualité. 240) Ci-dessus page 274 s. avec fragment n° 58. 241) Simplicius doute qu'Aristote, comme le pense Jamblique (cf. 2• raison) ait évité « l'étroitesse ►> dans la définition de la relation quand elle s'appelle encore 1tp6ç n et non 1tp6ç dÂ.À'lMIdans la nouvelle définition. Néanmoins, on doit remarquer à ce sujet, qu'il y a eu un grand changement dans l'énoncé de la relation du génitif, qui exprime fortement la relation de dépendance par rapport à quelque chose d'autre. Cet exclusivisme restant, ne peut pas et ne doit pas être évité, si la relation doit être prédicat du sujet (cf. note 223). Si AcKRILLpense (Notes p. 102), que cette nouvelle définition est« too strong ►>, parce qu'elle implique l'exigence de la connaissance du terme corrélatif (categ. 8 a 36) ceci est en partie, imputable à lui-même. Même si « moitié » présuppose la connaissance précise du « tout » (et« père», la connaissance de« fils»), par là, on n'exige pas nécessairement la compréhension de ce qu'est substantiellement le tout (ou qui est le fils); c'est ce que semble présupposer Ackrill. Jamblique, avec raison, n'a pas insisté sur ce point dans son interprétation, mais a justement repoussé une telle dépendance.
281 car ici, il s'impose tout de suite de considérer si la qualité des choses est caractéristique et réelle pour les choses mêmes, ou bien, si c'est quelque chose, que dans notre connaissance, nous attribuons aux choses. La conception idéaliste et la conception réaliste de la connaissance sont ici immédiatement confrontées l'une à l'autre. Ceci devient évident dans l'exposition assez longue, dans laquelle Simplicius réfère au commentaire de Jamblique des questions principales et préliminaires de la catégorie qualité (test. n° 65)241). Jamblique commence son traitement en critiquant les interprétations fausses de notre catégorie. La première conception de la qualité, que rejette Jamblique, suppose que la qualité est un groupe de plusieurs choses différentes qui, dans notre pensée deviennent une unité. Mais par là, dit Jamblique, la qualité ne devient pas du tout quelque chose en soi-même, la qualité devient alors àvmt6crtatoç. Ainsi, Jamblique se place immédiatement et clairement du côté du réalisme épistémologique, il rejette une interprétation nominaliste ou conceptualiste de la qualité. Sans aucun doute, nous avons ici un exposé du problème qui, dans sa forme essentielle, est déterminé par la critique de Plotin des catégories aristotéliciennes. Plotin a eu justement une compréhension nominaliste de la qualité 20 ). Jamblique la rejette, de même que par ailleurs, il contredit la critique d'Aristote par Plotin; il a pu suivre en partie Porphyre qui, bien qu'essentiellement nominaliste, a ouvert, dans beaucoup de cas, de nouvelles voies au commentaire d'Aristote 1tc ). Cependant, ce n'est pas seulement Plotin qui est derrière la problématique chez Jamblique. Il se montre qu'il s'agit, au plus haut point, d'une question qui est générale dans la philosophie grecque. A partir de la fausse conception de la qualité, l'Ecole d'Erétrie a aussi complètement supprimé et rejeté la catégorie de qualité, car en réalité, il ne reste plus rien de commun entre les choses qualifiées, si la qualité est pensée et attribuée aux choses, par nous mêmes. La qualité devrait alors plutôt être conçue comme une particularité de la psychologie humaine que comme un problème philosophique ou logique. D'après 242) JI est possible que SJMPL.aussi, ln Arisl. Categ. p. 213, 29 ss soit un référat de Jamblique; en tout cas on indique un nouveau chapitre, et ceci après une étude de Porphyre: Â.Éye:tat µtv Kat taOta (justement ce qui dit Porphyre) JCaMi'>ç, fn KaÀÀ.icov ànoÀ.Oytaµoç 6 Uycov wç... En se basant sur l'attitude de Simplicius envers Porphyre et Jamblique il serait naturel d'admettre qu'ici Simplicius passe à Jamblique. Cependant, nous ne considérons pas ici ce chapitre. Dans le chapitre suivant de Jamblique, chez S1MPL.op.cil. p. 216,6 ss., celui-ci ne marque pas clairement quelles sont les limites de la référence. La division en deux parties du traité de Jamblique, que Simplicius mentionne préliminairement (p. 216,7-8) et d'après laquelle Jamblique a d'abord critiqué diverses conceptions pour donner ensuite un exposé positif en relation avec Aristote, répond cependant complètement à la construction de Simplicius (p. 216,8218,4 et 218,5-219,35). Ainsi, il n'y a aucun doute qu'ici, Simplicius, réfère à Jamblique dans tout le chapitre; ce qui, de surcroît est confirmé par les mots de la conclusion p. 219,33-35. 243) Cf. RUTTEN,Les categ. p. 71-92. 244) Quant à la catégorie de qualité, il est important de remarquer la distinction que fait Porphyre (ap. SIMPL.op. cil. p. 213,10 SS.) entre 6 7tEpi tT)Ç 7t01Ôtl'lt0Ç)..6yoç èWOl'lµUtllCÔÇ,qu'il voit exposé dans l'écrit des Catégories et 6 1t&pitT)Ç1to16t1'1tOÇ )..6yoç oùu1çSeoO oùu(a toO t61tou). La source et la base de chaque lieu devient ainsi en fin de compte le lieu divin (6 Seîoç t61toç). 310) Ce qui ressort de la comparaison entre !"expression de Jamblique et les passages d'Aristote comme dans le De coel. 4,3 p. 310 b 7, Phys. 4,2 p. 209 b 1; 4,4 p. 210 b 34 et 4,S p. 212 b 27 ss. etc. 311) La «limite» chez Aristote joue aussi un rôle décisif dans la définition du lieu cf. par ex. De coe/. 4,3 p. 310 b 7. 312) Test. exeg. n° 112 1. 85.
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p) La catégorie lXElV Le commentaire de cette dernière catégorie anticipe le traitement d' « avoir » dans le dernier chapitre de l'écrit des Catégories. Il est dit ici qu' « avoir » s'utilise dans plusieurs sens différents. Dans son commentaire de cette catégorie, Jamblique a précisé, qu'il n'est pas seulement question de différences dans une suite de sens par ailleurs semblables mais que, de plus, ces différences sont pertinentes pour une division de la catégorie (test. et fragm. n° 114). De sorte que, pense Jamblique, il y a entre « avoir une bague au doigt » et « avoir des vêtements sur le corps », une différence: dans le premier exemple nous avons quelque chose de partiel, dans le dernier exemple quelque chose de total. Il y a aussi une différence entre avoir quelque chose qui est utile à la guerre et avoir quelque chose qui est utile à la paix, et il y a une différence entre avoir des vêtements et avoir des chaînes, entre avoir les cheveux longs et avoir beaucoup d'argent. Dans l'ensemble, Simplicius est sceptique au sujet de cette conception de Jamblique, mais il est tout de même disposé à admettre avec Jamblique qu'il y a une différence dans la signification d'« avoir» dans les expressions « avoir un bâton à la main» et « avoir des sandales aux pieds » 318 ). Jamblique analyse la catégorie en prolongement de la tradition philosophique grecque; en plus des Aristotéliciens, un apport à l'analyse est tiré de l'Académie (fragm. n° 116), et son exégèse aboutit encore une fois à une considération plus vaste de notre catégorie, dans la voi;pà 8Eropia (fragm. n° 117). Elle comporte ici une recherche du rapport de cette catégorie avec le système cosmologique et ontologique. Si nous regardons justement la construction du cosmos, il est caractérisé par de nombreuses choses étant réciproquement liées et enchainées, de sorte qu'il est naturel d'admettre « avoir » comme quelque chose de général dans l'univers, pour autant justement qu'une chose « a » l'autre dans un grand ensemble. C'est pourquoi pense Jamblique, ce serait trop peu de voir ce qui est d'«avoir», seulement en relation avec nos propres corps et les relations corporelles. Toute notre nature et notre âme doivent être comprises de même que tout le cosmos. Il devient alors évident, que cette catégorie rend aussi possible - précisement comme la catégorie « où » - de voir la structure de l'univers s'ouvrir devant nos yeux. L'océan comprend et «a» les poissons, la terre tout ce qui est dessus, et tout le cosmos comprend et « a » tout dans son sein: le supérieur et l'antérieur dans la structure de l'univers (tà àvrotÉpro Kai 1tpEcrP6tEpa) comprennent et « ont » toujours l'inférieur (tà imofü:tcrtEpa), et c'est à partir de cette structure de l'univers, que la catégorie« avoir » est, en somme, apparue. La relation fondamentale est alors différenciée pendant la durée du processus du monde, et ce qui est d'avoir devient alors distribué dans différentes forces divines et spirituelles de l'univers jusqu'aux formes toutes concrètes qui sont le point de départ du traitement aristotélicien de la catégorie.
q) Postpraedicamenta
La question de savoir dans quelle mesure les chapitres 10 à 15 (la troisième et dernière partie de l'écrit des Catégories), appelés traditionellement postpraedicamenta 313) In Arist. Categ. p. 367.
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appartiennent vraiment à cet écrit, et, si la chose est exacte, quelle est leur relation avec le contenu du reste de l'écrit, a été souvent discutée dans l'Antiquité ainsi que plus tard. Avec d'autres, Andronicus a pensé que ces chapitres faisaient en réalité un écrit indépendant Ilepi Tc1>v T67te.ov. Par là, evidemment, il n'a pas voulu ici attaquer l'authenticité, mais a supposé que cet écrit plus court a été simplement ajouté à l'écrit des Catégories au moment de l'edition. Mais, dit Simplicius chez qui nous trouvons la référence, cette conception ne voit pas qu'il se trouve une relation étroite entre cette dernière partie et ce qui est dit sur les catégories dans ce qui précède 8 u}. Il est particulièrement nécessaire d'abord et avant tout, de comparer et d'examiner s'il se trouve une telle relation interne et interdépendante, et ici Porphyre et Jamblique ont tous les deux donné leur apport pour démontrer l'interdépendance, et ont ainsi prouvé que ces derniers chapitres appartiennent à l'écrit des Catégories. Porphyre renvoie au fait qu'Aristote en traitant les catégories utilise d'une part des mots et des concepts généralement connus et d'autre part certains mots et concepts qui ne le sont pas. Ces derniers, les homonymes, synonymes et paronymes justement, ont dû être expliqués avant l'examen des catégories, par contre les autres pouvaient être parfaitement utilisés sans plus, mais il était utile de les traiter indépendamment d'une façon approfondie après l'examen des catégories. Simplicius accepte dans l'ensemble cette argumentation, mais il pense cependant que Jamblique a encore mieux interprété le fait. Jamblique ne fait pas un point essentiel de la différence entre les mots rares et techniques et ceux généralement connus mais - et ceci peut fort bien, comme l'admet Simplicius, s'accorder avec la conception de Porphyre-il pense que dans la dernière partie, Aristote donne un jugement d'ensemble et une évaluation de tout ce qu'il a utilisé dans son exposé des catégories. D'après Jamblique, les postpraedicamenta sont un è1tbcp1cnçxavTrovolç t:x.pt1cr«To('Ap.) (test. n° 118). Evidemment en relation avec Jamblique, Simplicius en explique la signification. Il montre comment Aristote dans plusieurs relations a parlé de « recevoir des contraires » et il reprend maintenant cette question dans un tout. Avec la catégorie de relation, il a parlé de simultanéité, parce que lorsque nous disons « esclave » nous impliquons simultanément la corrélation « maître ». Maintenant dµa est traité. Mais toutes les relations ne reposent pas sur la simultanéité, certaines se basent sur une relation de succession dans un « avant » et «après», ainsi que l'a démontré Aristote dans 7 b 22. C'est pourquoi on traite maintenant 1tp6tepov et ÜCJT&pov. Qu'il soit nécessaire plus tard d'expliquer les différents groupes de mouvement, est dû à ce que le mouvement est compris par les catégories 1to1&tvet xacr:x,etv;et il est tout naturel que ce qui est« d'avoir» a besoin d'être approfondi (nous avons vu le chapitre 15 être compris déjà dans le commentaire de cette catégorie). Enfin, ajoute Simplicius, cette dernière partie est tout particulièrement utile pour toute la logique: Ilpoç 1tticrav TT\V8taÂ.&1C'tlKT\V :X.Pllcrtµa.Ceci est aussi, probablement, une référence à Jamblique. Il est en tout cas très clair, que Jamblique a conçu les postpraedicamenta comme étant une partie 314) In Arist. Categ. p. 379.
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conclusive de l'écrit des Catégories,où Aristote a expliqué plus à fond les mots et les concepts les plus essentiels qu'il a utilisés dans son exposé des Catégories316 ). Pour certains postpraedicamentanous avons conservé un bon peu de fragments et de témoignages sur le commentaire de Jamblique 318 ). Partout ici nous remarquons aussi l'intérêt doctrinal pour le contenu philosophique des questions soulevées; Jamblique considère les problèmes en relation avec le texte aristotélicien, mais aussi à partir d'un intérêt pour le sujet objectif. On le voit, par exemple dans son traitement de àvnKEtaSa1 où il a utilisé des mots dans le sens qu'ils ont dans l'écrit des Catégories,ce qui est en accord étroit avec sa conception de base des postpraedicamenta. Mais il ne force en aucune façon les relations, et il ne semble pas être particulièrement intéressé à démontrer dans les détails la validité de sa thèse. Au contraire il laisse, en général, les différentes parties être indépendantes et suit ainsi dans son commentaire l'écrit aristotélicien d'assez près, étant donné que les relations spéciales et nécessaires des postpraedicamenta avec le traitement des catégories ne sont pas non plus expliquées dans l'ecrit. Nous n'irons pas plus loin au sujet du commentaire de Jamblique de chaque postpraedicamentum.Nous dirons seulement que nous rencontrons ici cette manière de penser qui est déjà représentée dans les analyses précédentes de Jamblique. Les commentaires sont de préférence et principalement basés sur des considérations philosophiques générales; des réflexions approfondies sous forme de 8&mpiane jouent aucun rôle dans cette partie. De plus, Simplicius donne à entendre qu'ici Jamblique n'a pas utilisé un travail d'Archytas ainsi qu'il eut été d'ailleurs tentant de le faire 317 ). Ainsi, apparemment, la dimension historique a joué un moindre rôle dans cette partie du commentaire de Jamblique, de même que les conséquences plus lointaines de chaque postpraedicamentum318 ). En examinant les postpraedicamenta Jamblique a terminé son commentaire, et Simplicius fait de même (test. n° 136): t1t&1ôtiµtxp1 to0ô& Kai 6 8&toç 1tpof\À8&v 'Iaµp11.1xoç,Kai tyco Kata1taoo -càv 11.6yov... 315) RoLFESpartage la pensée de Jamblique; il écrit - lui aussi, évidemment d'après une considération philosophique - (Einleitung p. 31): « Nachdem der zweite Teil die einzelnen Kategorien beschreiben hat, handelt der dritte Teil von einigen Bestimmungen, die teils mit allen Kategorien, teils mit den meisten von ihnen logisch verknüpft sind. Es sind dies der Gegensatz, K.10 u.11, das Früher, K.12, das Zugleich, K.13, die Bewegung, K.14 und das Haben, K.15. Drei von diesen Bestimmungen, der Gegensatz, das Früher und das Zugleich, folgen einigermassen auf aile Kategorien .... Die Bewegung folgt der Substanz (Werden und Vergehen), der Quantitât (Zu- und Abnahme), der Qualitât (Alteration) und dem Ort (Fortbewegung). Das Haben endlich folgt besonders der Substanz, da man sagt, sie habe Grosse, Beschaffenheit, Lage usw. » Rolfes ne renvoie pas aux commentaires plus anciens, mais au contraire au traité de Silvester Maurus sur les postpraedicamenta. 316) Test. et fragm. exeg. n° 118-135. 317) Test. exeg. n° 123. Il s'agit de IlEpi civt11Àoyoç, qu'utilise d'abord Aristote dans 17 a 9, et ensuite dans 17 a 16 319) Ci-dessus p. 53.
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n'a pas le même sens aux deux endroits. Dans le premier cas, Jamblique pense que cruv6taµcpindique une conjonction de coordination comme dans le type de période « Socrate marche et Platon converse », tandis que dans le dernier cas l'expression cruv6taµcp indique une conjonction de subordination du type: si le soleil est audessus de la terre, il fait jour. Stephanus refuse l'interprétation de Jamblique et considère évidemment pour absolument injustüié qu'il puisse se trouver deux sens différents pour les deux expressions identiques avec un intervalle aussi court. Cependant l'affaire n'est pas aussi simple qu'elle paraît, et le passage est une parfaite illustration et peut servir d'exemple, de la perspicacité dans l'exégèse de détail de Jamblique. Nous nous trouvons au chapitre S du De interpretatione,chapitre excessivement difficile qui aussi, aux temps modernes, a prêté à discussions et a donné lieu à une critique d'Aristote pour manque de clarté 810 ). D'ailleurs l'interprétation du chapitre est à peine terminée aujourd'hui, et pour comprendre la position de Jamblique, nous devons nous approcher davantage du contexte dans et autour du chapitre. Après avoir étudié l'articulation de la proposition principale et après avoir donné ses définitions de la proposition, Aristote, dans le chapitre 5, est arrivé au traitement de la différence entre des propositions simples et des propositions complexes et ici, les propositions simples attirent essentiellement son intérêt, car celles-ci conduisent immédiatement ensuite à l'analyse du jugement catégorique qui, de nouveau, forme plus tard la base de l'analyse des syllogismes. Il est maintenant absolument essentiel de se souvenir que ce qu'Aristote veut examiner et définir est indiscutablement non identique avec notre « proposition ». Pour Aristote il s'agit de définir et de diviser Â.oyoçresp. Â.oyoi,et logos ne signifie pas seulement la proposition, mais aussi la période, mais aussi tout un ouvrage littéraire, pour autant que cela soit une expression de l'auteur. C'est ici que se trouve toute la problématique de notre chapitre. Comme le dit Aristote au début du chapitre, un logos peut cependant être d'abord un «jugement confirmé», ensuite un «jugement infirmé»; d'autres logoi (et cela veut dire tous les autres, comme le traduit Ross pertinemment) sont une affirmation (dç se. Â.6yoç) grâce à une conjonction (cruv6taµcp). D'une façon schématique Aristote commence ainsi avec cette division: dç Â.oyoçà1toq>avnK6ç o{
6è aÂ.Â.Ol
{
1tpô'.ltoç <a
KUtacpamç à1t6q>amç
cruv6taµcpdç
Dans les deux cas, Aristote parle d'une affirmation unitaire, en ce qu'il différencie seulement entre le jugement catégorique (positif et négatif) d'un côté, et toutes les affirmations unitaires de l'autre côté, et affirme que les dernières, pour être des affirmations unitaires doivent se construire à l'aide de conjonctions. Qu'il soit question d'une classification des affirmations unitaires, de telle manière que le dernier groupe 320) CT. ACKRILL ad loc. p. 125 SS.
304 par exemple comprenne des poésies, apparaît, lorsque Aristote peut utiliser l'Iliade pour illustrer &lç 01Jvôécrµq>Â.6yoç311 }. En réalité, à ce moment là, il n'est donc pas encore question d'une division plus raffinée des propositions en propositions simples et composées, mais seulement d'une classification générale des affirmations unitaires. Après cette introduction, Aristote traite (17 a 9 ss) de la question de la nécessité du verbe dans une proposition ainsi que de la question, plus ou moins essentielle de la relation entre un prédicat composé et l'unité de la proposition. Nous pouvons ici, laisser ceci à côté. Dans 17 à 15, Aristote retourne à la question principale et il reprend sa classification du début du chapitre, et limite maintenant les affirmations unitaires par rapport aux affirmations « pluralistes » qu'il appelle 1t0Uoi. se. Â.6yot. Au sujet de ces dernières, Aristote dit qu'elles sont « pluralistes », soit parce qu'elles désignent plusieurs choses, soit parce qu'elles sont « asyndètes ». Nous avons donc maintenant cette classification: &lç Â.6yoçà1toc;,6 µtv auv6tcrµq>, ..oovµri Katà auµj3&~f1KOÇ. Cf. de plus ibid. 92 b 32, Metaph. 1030 b 9 et 1054 a 13 et surtout Poet. 20 p. 1457 a 29 avec les notes de Rostagni. 322) A partir de maintenant il n'y a plus division dans Katàcpacriç et à1t6q,acriç, parce que cette division n'est plus pertinente. La division à cet endroit souligne que l'introduction est une classification des propositions d'unité. 323) Il est tout à fait remarquable que Stephanus même se réfère à Ammonius sans voir combien celuiVê/;TJ'YTJîéi'.>V ). C'est l'opinion de Jamblique qu'il n'y pas un pléonasme, mais au contraire une brachylogie (test. n° 140). Jamblique pense qu'en réalité Aristote, dans sa forme d'expression, doit être compris à partir de tout le système de types de propositions avec lequel il travaille, car c'est ceci qui se montre par une formulation brachylogique dans 24 b 17. ttpocrnSeµtvou ne comporte aucun problème, car il couvre aussi les jugements normaux, où, au sujet et au prédicat, est « ajouté » une copule affirmative ou négative. Mais que veut dire 6tatpouµtvou? Cela renvoie aux propositions modales qu'Aristote traite dans le chapitre 12du De interpretatione. Justement dans de telles propositions, entre le sujet et le prédicat, est introduite non seulement une simple copule, mais une forme modale pour la copule, par exemple « A peut être B » etc. 833). Et ici, il peut y avoir de bonnes raisons de parler d'une division de la copule (qui, de son côté, peut être positive ou négative), car c'est justement cela qui se passe. L'affirmation modale Ul>ICplltT)6uvat6v êcrttv cp1Â.6crocpov Elvat est ainsi une division d'une copule positive, une 6taipemç toO Elvat (cf. 6tatpouµtvou toO Elvat dans 24 b 18) et l'affirmation l:roicpatT)6uvat6v êc:ntv cpti..6crocpov µt) Elvat devient une division d'une copule négative, une 6taiptcrtç toO µt) Elvat (cf. 6tatpouµtvou toO ... µt) Elvat dans le texte aristotélicien). Si nous devons trouver rapidement quelques points d'appui pour une évaluation de cette subtile interprétation de la part de Jamblique, nous devons aussi, évidemment, prendre le même point de départ que Jamblique et avouer que le contraire de 1tpocrnSeµtvou n'est pas 6tatpouµévou, mais àcpatpouµévou33'). Cette constatation rend difficile de repousser 6tatpouµtvou comme une interpolation, parce que le mot au point de vue du sens est un lectio difficilior par comparaison avec àcpatpouµévou, qui était à attendre comme interpolation (pléonastique). Mais le mot est-il authentique et se différencie-t-il quant au sens de àcpatpouµévou, alors c'est le devoir de l'interprétation d'expliquer pourquoi Aristote a utilisé ce mot. C'est à ceci que Jamblique nous a amenés. Il est possible que nous ne mettions pas aussi fortement que l'exégèse ancienne, l'accent sur l'enchaînement nécessaire du contenu. Nous devons certaine332) JoH. PHILOP.ln Arist. Anal. pr. p. 25,30 ss. Minio-Paluello et Ross considèrent 61aipouµtvou
comme une addition plus tardive. 333) Sur les expressions modales 6uvat6v et tvfü.:x6µcvov voir PRANrL, Logik I p. 166 ss. et AcKRJLL
ad loc. 334) Cf. Ross ad loc.
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ment faire attention à la psychologie linguistique aristotélicienne, en particulier à la brachylogie et aux associations croisées. Mais il n'est nullement nécessaire que ceci soit en contradiction avec l'exégèse de Jamblique, au contraire il peut se faire que Jamblique nous ait donné une aide particulièrement précieuse en nous renvoyant aux propositions modales. Dans sa première définition du syllogisme Aristote ajoute (p. 24 b 22) une différenciation entre les syllogismes complets et les syllogismes incomplets; par syllogismes complets il comprend les syllogismes dont la validité peut être reconnue directement et immédiatement (est évidente), tandis que les syllogismes incomplets exigent des additions extérieures - non pour être des syllogismes valables, mais pour pouvoir être reconnus comme valables 336 ). Tandis que les syllogismes dans la première figure, sont évidemment valables et sont donc par suite complets, ce n'est pas le cas des syllogismes de la deuxième et troisième figures; ici leur validité est alors examinée à l'aide de la conversion, réductio ad impossibile ou bien à l'aide de la méthode appelée ficS&cnç338 ). Pendant son commentaire de ce passage, Ammonius raconte que toute une suite de commentateurs et de philosophes n'ont pas été d'accord avec Aristote quand celuici appelle incomplets les syllogismes de deuxième et de troisièmes figures, et ils ont fait valoir que ces syllogismes sont aussi complets que les syllogismes de la première figure. Ainsi, Boéthus a divergé d'Aristote, et il a été suivi par Porphyre et par Jamblique (test. n° 141). De plus, Ammonius ajoute que Maximus et Proclus et le maitre de celui-ci (il pense à Syrian) de même que son propre père (c'est-à-dire Hermias) avaient une conception différente de celle d'Aristote. Le texte nous laisse entrevoir que Théophraste aurait été contre la conception d'Aristote, et quand Thémistius a voulu aller contre la tendance générale et se joindre à la conception d'Aristote, l'empereur Julien joua le rôle d'arbitre entre Maxime et Thémistius et trancha la dispute en faveur de Maxime et par suite de Boéthus, Porphyre, Jamblique et plus. Naturellement, dit Ammonius, certains ont voulu soutenir Aristote en disant que, strictement parlant, les figures 2 et 3 ne sont pas du tout des syllogismes, en ceci que pour l'être, elles doivent être d'abord réduites à la figure 1. Ceci est repoussé par Ammonius, avec raison, car il est évident que ce n'est pas la pensée d'Aristote de les refuser comme n'étant pas de vrais syllogismes387 ). Cette exégèse, à laquelle Jamblique et beaucoup d'autres se rallient, prend aussi la direction opposée et déclare qu'il n'est pas seulement question de syllogismes véritables et valables mais aussi de 335) Voir le commentaire de Ross sur p. 24 b 20-24. 336) Voir l'introduction de Ross p. 29 ss. - Comme illustration nous pouvons - comme le fait Ammonius (ad loc.) - prendre la deuxième figure et voir que la validité de la conclusion peut être prouvée en inversant la majeure: 2e figure ___ _,, 1• figure aucun A n'est B ___ _,. aucun B n'est A tous les C sont B tous les C sont B aucun C n'est A aucun C n'est A 337) Ce qui ressort clairement à la fois de 24 a 12-13 et de 24 b 22-26, comme le remarque Ross avec raison (commentaire ad toc.).
311
syllogismes complets dans ce sens qu'ils n'ont pas besoin d'aide extérieure pour être valables. Ceci, on peut le voir, dit Ammonius, par ce qu'il ne s'ajoute pas de nouvelle articulation par la conversion, et par conséquent, Aristote devrait avouer que les syllogismes de deuxième et troisième figure sont aussi complets. Naturellement cette interprétation n'est pas particulièrement avancée. Elle a raison de repousser l'essai de réduire les syllogismes de 2e et 3e figures en des syllogismes non véritables, mais elle n'a pas suffisamment et clairement vu que la différence, pour Aristote, est entre être « évidemment valable » et « pas évidemment valable » et que ceci est la raison véritable de sa distinction. Mais l'interprétation montre une chose intéressante: les syllogismes de la 2e et 3e figure sont compris, par la plus grande partie de la tradition antique tardive comme étant plus indépendants que ce n'est le cas chez Aristote même. Elle n'est donc pas seulement une interprétation d'Aristote mais un prolongement des considérations logiques d'Aristote, en ceci que les syllogismes de deuxième et troisièmes qu'il a voulu prouver grâce à f1C8&01.c;, figures sont valables en eux-mêmes sans devoir être nécessairement transformés ou rattachés aux syllogismes de la première figure 338 ). Cette interprétation représente l'intérêt de l'interprétation ancienne pour le contenu objectif et philosophique du texte aristotélicien. Dans un autre cas, Jamblique a pris le parti d'Aristote contre une suite d'autres commentateurs. Il s'agit du commentaire de Anal. pr. chap. 9 (p. 30 a 15 suiv.), où Aristote étude les syllogismes, qui sont « mélangés », c'est-à-dire formés de différents types de jugements 389 ). Aristote se concentre sur cette combinaison dans le chapitre 9; elle est la réunion d'un jugement n.écessaireet d'un jugement général dans la première figure et on arrive au résultat que si, et seulement si, le jugement nécessaire est la proposition majeure, la conclusion en est un jugement nécessaire. Ainsi: tous les A sont nécessairement B tous les C sont A tous les C sont nécessairement B C'est sur la validité de cette conclusion qu'a lieu la dispute. Déjà Eudème et Théophraste, élèves d'Aristote, ont soutenu que la conclusion n'est pas valable, et ils ont suivi ici plusieurs platoniciens, ainsi qu'il est raconté par Alexandre d' Aphrodise et par la tradition plus tardive du commentaire, en particulier par Pseudo-Ammonius. Ceux-ci ont eu l'adhésion de Thémistius, Syrien et Proclus, tandis qu'au contraire Alexandre et Jamblique se sont ralliés à Aristote (test. n°143). 338) Par exemple la validité d'un syllogisme de la troisième figure comme tous les A sont B tous les A sont C quelques C sont B est prouvée par fKSEcnç: si en effet nous prenons et isolons un A, nous pouvons voir que cet A est à la fois B et C, c'est pourquoi quelques C (ou au moins un seul C) seront B. 339) Voir l'introduction de Ross p. 40 ss. et son commentaire sur ce passage.
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Les adversaires de la conception d'Aristote ont soutenu qu'une conclusion ne peut jamais être « plus forte » que la prémisse la « plus faible » du syllogisme et que par par conséquent la modalité de nécessité ne peut pas être amenée à la conclusion. Une prémisse plus faible, c'est-à-dire la prémisse générale, l'en empêche8 • 0). La modalité, pense-t-on, doit être assurée aussi dans la proposition mineure, si la conclusion doit être modale. Dans une considération purement formelle et logique, cet argument est correct, sans aucun doute. Aux temps modernes on a aussi pensé qu'Aristote conclut ici à partir de prémisses fausses. Ainsi, Ross remarque que ce que fait Aristote - et vu logiquement, il fait une faute - est d'introduire le moment de nécessité dans le prédicat, et si cela est fait, la conclusion est naturellement formellement en ordre, c'est-à-dire ainsi: Tous les A sont (nécessairement B) tous les C sont A tous les C sont (nécessairement B)341 ). Pourquoi donc Aristote a-t-il pensé ainsi, et pourquoi Alexandre et Jamblique y ont-ils adhéré? La réponse à ceci doit être sOrementcherchée dans l'attitude d'Aristote envers la question souvent débattue de l'interdépendance entre la logique formelle et la logique réelle. Qu'Aristote introduise la nécessité dans le prédicamment, doit être dO à ce qu'il ne peut pas imaginer une modalité qui ne soit pas, pour ainsi dire, immanente dans ce qui est modifiée, c'est-à-dire que ce qui est logique ne peut pas être considéré dans une perspective absolument formelle, mais continue à avoir une relation avec ce qui est, ontologiquement. On peut donc voir aussi dans le commentaire que c'est pour cela qu'Alexandre et plus tard Jamblique suivent Aristote. Alexandre renvoie à ce qu'Aristote dans son exposition a utilisé« le tout comprenant» comme base: afrtôç µèv oi'iv (se. 'AptO"tOt&Â.f'IÇ) txpftcrato tep Katà 1tavt6ç841 ). Cela veut dire que la prémisse ne contient pas seulement ce que nous exprimons lorsque nous disons « tous les A sont nécessairement B », mais beaucoup plus: « A à tous les points de vue (« en tout ») est B », et ceci est le résultat d'une pensée ontologique. Evidemment Alexandre a vraiment considéré ceci, par contre nous ne savons pas si Jamblique y a beaucoup travaillé. Mais ce ne peut guère être un hasard, quand Jamblique préfère une position exégétique et philosophique qui ne force pas l'aspect purement formel de la logique mais conserve la relation avec l'ontologie.
4. La définition de Jamblique de CJ1Co1t6ç dans le Du ciel Comme nous l'avons dit, il n'y a pas de raison suffisante pour affirmer que Jamblique ait écrit un commentaire au Du cie/ 30 ). Cependant, Jamblique s'est tout de même 340) 341) 342) 343)
ln Arist.anal.pr. p. 124. Voir Ross, commentaire p. 319. Op.dt. p. 125,33-126,1. Ci-dessus p. 54. ALEX.APHROD.
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occupé de l'ouvrage, et on peut penser que d'une façon ou d'une autre, c'est par l'enseignement oral qu'il a contribué à l'interprétation de ce qui a été le a1Co1t6c; de ce travail. Tout d'abord, nous devons nous souvenir brièvement des problèmes principaux relatifs à la structure, au contenu et au sujet du De coelo, avant de passer à l'énoncé ancien du problème et à la proposition d'une solution par Jamblique. On voit, dans le prologue aux Météorologiques qu'Aristote conçoit le Du ciel, comme une partie de la « physique » (cpoTJYll'l'tK6ç 1tpOÇ1tpiiçtV 1tpè>çà1t6ôEt!;tvtoO ÙÀT1800ç
1
1
1tpè>çyuµvacr{av 1tpè>çàylbva 1tpè>ç&ÀEYX,OV tOÜ 'lfEUÔOÙÇ
1 1
tlbv 1tpayµcitrov O'tOX,UÇE'l'Œl 'l'&v1tpocrci>1trov O'tOX,UÇEtat
Sans transition et apparamment sans aucune véritable liaison avec ce schéma, Albinus continue ensuite avec une classification des œuvres de Platon dans les groupes suivants: cpucruc6ç 118t1C6ç ÀOYlKOi &ÀEYKtlKOi 1tOÂ.ltl1COi 1tEtpacrn1eoi µatEUtl1C6Ç àvatpE1ttt1eoi:
le Timée !'Apologie le Théagès, le Cratyle, le Lysis, le Sophiste, le Laches, le Politique le Parménide, le Protagoras le Criton, la République, le Phédon, le Minos, le Banquet, les Lois, les Lettres, l'Epinomis, le Ménéxène, le Clitophon, le Philèbe l' Euthyphron, le Ménon, I' Ion, le Charmide I' Alcibiade I' Hippias, I' Euthydème, le Gorgias
La relation se trouve dans le fait que, dans cette dernière synoptique, il s'agit d'une classification par groupes de caractères. Mais une plus grande cohésion ne se montre que lorsque nous comparons la synoptique d' Albinus avec celle donnée par Diogène Laërce. Celle-ci donne en effet l'explication de la classification d' Albinus, de sorte que nous pouvons comparer cette classification du Platonisme Moyen avec celle de Jamblique et voir les traits caractéristiques de la synoptique de Jamblique. 66) L'ouvrage n'est cité que dans la tradition arabe (chez Nodîm) voir v. Theon (p. 2069, 2-49).
FRITZ
dans: RE s.v.
338
Voici la synoptique que nous trouvons chez Diogène Laërce 17 ): Serop11 µan K6ç xapaK'tf\P Ôq>TJYTJ'tlK6Ç
{
q>Uç Proclus passe ensuite, dans son commentaire, à la question de savoir comment le dialogue doit être subdivisé. Il étudie une division qui présente les sous-divisions 68) A une époque plus récente Friedlânder a interprété !'Alcibiade comme « un chemin vers Platon ».
341
suivantes: 1) louanges, car le jeune homme qui doit commencer la philosophie a besoin de louanges. 2) réfutation, car les opinions fausses de l'élève doivent être épurées. 3) exhortation, c.-à-d. chercher la participation dans l'arétè. 4) dissuasion, se. à ne pas suivre la foule et les démagogues. 5) enfin l'art maïeutique même. D'après l'opinion de Proclus, il y a beaucoup de vrai dans cette division, mais elle ne peut pas être la décisive, car elle divise seulement d'après les moyens, les opyava, au lieu du contenu, les 1tpayµata, qui doivent être l'essentiel. Par conséquent une autre division sera meilleure, parce qu'elle sera plus relative aux faits objectifs. D'après celle-ci, le dialogue est construit sur dix argumentations, auÂ.Â.oytoµo(,de sorte que dans la première, il est démontré qu' Alcibiade ne connaît pas ce qui est juste, dans la deuxième que la foule n'est pas un bon maitre pour apprendre la justice etc. Mais, pense Proclus, cette division fait aussi trop de cas des moyens formels. La vraie division et la « plus parfaite » doit se baser entièrement sur le contenu du dialogue, et cette division est celle de Jamblique (Test. n° 158)88 ). Dans la division admise par Jamblique, l'économie de tout le dialogue doit être comprise en trois parties principales. Ce qui est mentionné dans les deux divisions précitées peut bien être utilisé dans celle-ci, mais comme il s'agit de questions plus techniques, celles-ci ne doivent nécessairement prendre qu'une place secondaire. Il est évident, dans l'exposé de Proclus, qu'il y a une interdépendance entre l'interprétation de la structure du dialogue et son scopus. C'est le scopus qui peut faire connaître les endroits et les passages importants dans le cours du dialogue. Bien que Proclus ne signale pas directement la définition du scopus comme étant celle de Jamblique, nous pouvons conclure du contexte, qu'à l'arrière-plan de la division admise par Jamblique, se trouve la même conception du scopus du dialogue que nous trouvons chez Proclus. C'est le but du dialogue, lisons nous, de nous montrer à nous hommes, notre vraie nature, notre oùcria, de nous faire faire un retour sur nous-mêmes, afin que nous ne nous perdions pas dans l'intérêt des choses extérieures et que nous ne nous occupions pas de choses qui nous sont étrangères. En somme le scopus, comme aussi les Prolégomènes le résument, peut-être défini comme la connaissance de soi. A partir de cette définition du scopus, le sujet de la première partie du dialogue est l'élimination des manières de penser qui empêchent la connaissance de soi, c'està-dire cette connaissance apparente qui voile une ignorance de fait (ayvma). Ceci se fait grâce à une série de délibérations qui frayent la voie au moyen d'une argumentation strictement logique (auÂ.Â.oytcrµoi).La deuxième partie du dialogue fait plus spécialement attention à la place concrète de l'homme afin d'en déduire les conclusions nécessaires pour la connaissance philosophique. Il se montre ici que le succès extérieur ne doit en aucune façon empêcher quelqu'un de travailler avec les véritables 69) Il ne ressort pas indubitablement, du texte de Proclus, que Jamblique soit le premier qui se soit servi de cette classification. tvh:p1vEv peut signifier à la fois se décider soi-même et accepter quelque chose de transmis. Il n'est pas nécessaire que 1mi signifie « aussi », mais il peut tout aussi bien signifier « justement » (cr. KG II 254). En tout cas, pour Jamblique cette classification a été décisive, - classification faite d'après le contenu des dialogues.
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questions philosophiques. Dans le dialogue qui porte son nom, Alcibiade est le prototype de la question générale sur la relation entre la place extérieure et matérielle et les lumières philosophiques. La troisième partie du dialogue est donc un rappel de ce qu'est notre vraie nature en tant qu'homme (àvaµV'Tlv. àcpa{pecnçîli>vèm1tpoo-Souvtrovelç tTtV tf'\ç àÂ.TtSo0çèmo-tTJµTtç àv«Â.Tt'lftV. 2e partie: fcpecnçyf'\ç yvcoo-eroç (se. tauto0). elç tautôv èmO'îpocpTJ Je partie: yvli>cnçtauto0 70). La tradition n'indique pas clairement où Jamblique a vu les limites de chaque
partie du dialogue. Mais lorsque nous comparons avec le texte de Platon, nous pouvons admettre que la première partie va jusqu'à p. 112 e. Dans ce passage, la lumière est centrée sur le fait qu' Alcibiade croit savoir ce qu'il ne sait pas. Socrate a découvert tout de suite que ce qui pousse Alcibiade à convoiter une carrière politique n'est pas la connaissance mais une avidité et une ambition sans limites qui ne pourront jamais être satisfaites (p. 105 b). Tout ce qui a dévoyé Alcibiade doit être mis au jour, de même que ses faux motifs, sa méconnaissance de soi et de sa tâche véritable. La fin de cette première partie donne une place importante à ce que dit Alcibiade: c'est de « la foule » qu'il a appris à distinguer le juste et l'injuste, et cette 70) Ceci est exprimé différemment: sur l'ooola de l'homme, sa q,ooiç, sur ce qu'est l'homme (tiç 6 av9pronoç 0LYMP. In Plat. Alcib. 9,17). Nous relevons ici le plus simple parce qu'il semble être plus près de la formulation de Jamblique. Il ressort de l'aperçu que c'est à tort qu'Asmus (dans: Der Alkibiades-kommentar) pense que la deuxième partie d'après Jamblique a traité de la connaissance de soi-même et la troisième partie, de la connaissance de Dieu. Cette thèse d' Asmus se base sur des représentations erronées des tendances religieuses de Jamblique.- Il ne faut pas nier que, au point de vue du contenu, il y a chez Jamblique une relation entrela connaissance de soi-même et la connaissance de Dieu, mais ceci n'a pas été un principed'interprétation pour la classification du dialogue.
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partie se termine par Socrate admettant que la « foule » est impossible comme maître (p. 112). Ainsi, Socrate a montré qu'Alcibiade manque d'indépendance, il n'a fait qu'emprunter à d'autres. Il est difficile d'admettre ceci pour Alcibiade; par contre, c'est précisément cet aveu qui sera son premier acte indépendant. Ce n'est pas par hasard que Socrate insiste sur le fait que c'est Alcibiade lui-même qui juge Alcibiade (p. l l 2e 7). Ce doit être ceci qui, pour Jamblique, a caractérisé la deuxième partie du dialogue, ce qu'il définit comme « se tourner vers soi-même ». Il est évident aussi, chez Platon, que Socrate, dans ce qui suit, maintient Alcibiade dans la voie de la méthode nouvellement acquise; ne rien dire que ce dont lui-même puisse véritablement se porter garant (cf. p. 116 e). Maintenant qu'Alcibiade est renvoyé à lui-même, l'autognosie devient décisive, cela se voit en particulier à partir de p. 123 d 8, et c'est ici que nous pouvons bien admettre que Jamblique a fait commencer la troisième partie. C'est dans cette partie que le rappel de l'oracle de Delphes: « connais toi, toi-même», joue un rôle essentiel, et il est important de remarquer qu'ici aussi, se pose la question considérée dans beaucoup de traditions antiques comme le sujet central du dialogue: « Qu'est-ce que l'homme?» (p. 129 d 9). Ces deux considérations ont aussi certainement joué un grand rôle dans le travail de Jamblique sur cette partie. C'est aussi dans cette partie du dialogue que nous voyons l'homme compris comme l'âme, parce que c'est l'âme qui constitue l'homme en tant qu'homme dans toute la force du terme. C'est cette considération qui devait aussi avoir la plus grande importance dans le néo-platonisme (p. 130 c 3). Avec une dernière référence à l'oracle delphique {p. 132 c 10 suiv.) Socrate exhorte Alcibiade à apprendre ce qui doit être appris et puis, à faire de la politique même si lui, Socrate, a ses doutes sur la suite des évènements. C'est ainsi que dans l'ensemble, Jamblique doit avoir compris le cours et la division du dialogue. Et, sur cet arrière-plan, nous pouvons revenir à la question du scopus. Il apparait justement qu'Olympiodore, dans son étude du scopus du dialogue, a un moment qui n'apparaît pas tout de suite chez Proclus ou dans les Prolégomènes. Olympiodore redonne le scopus, d'après Damascius, comme 1tepi toO 1t0Àttt1Cli)ç yvl'.i>vatéaut6v 71).
Nous pouvons considérer comme vraisemblable qu'ici, Damascius réfère à la tradition de Jamblique. En témoigne justement, d'une part ce que nous avons pu esquisser de la conception de Jamblique de la partie centrale du dialogue. Il n'est pas seulement question de connaissance de soi-même, abstraitement, mais d'une autognosie dans le contexte social et, dans le cas d'Alcibiade, en vue d'une tâche politique. D'autre part, nous pouvons remarquer que le dialogue qui vient immédiatement après l'Alcibiade, dans le canon de Jamblique, c'est-à-dire le Gorgias, est considéré comme un dialogue éthique, dans un sens politique, d'après les Prolégomènes, et 71) OLYMP. ln Plat. Alcib. 4,17. Cf. ibid. 177,3.
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Olympiodore réfère lui-même à cette relation entre !'Alcibiade et le Gorgias 71 ). Si Jamblique a introduit le moment politique dans le scopus du dialogue, cela signifie une contribution à contrebalancer la tendance, que nous pouvons remarquer ailleurs chez Jamblique, à délaisser les aspects politiques et sociaux de l'œuvre de Platon et ceci correspondrait bien au contenu véritable de l' Alcibiade de Platon.
b) Remarques de Jamblique sur certains points de /'Alcibiade Les quelques remarques de Jamblique, conservées sur certains points de !'Alcibiade, sont toutes au sujet de l'introduction du dialogue (p. 103-104) ou de la toute première partie (p. 106 a). Mais elles ne manquent pas d'intérêt pour l'interprétation du dialogue. La première remarque précise est que Jamblique a pensé que le dialogue d'Alcibiade doit être compris en relation avec les autres dialogues de Platon sur éros (Test. n° 160): toîç m:pi Ëprotoç À.6yotç êcrti toîlto ôtmpep6vtroç 1tpocri'jteov.Que ceci doive être compris comme une référence au Phèdre et au Banquet ou seulement en général « aux mots et pensées de Platon sur eros » n'est pas très clair, mais n'est pas pour autant décisif, car, dans tous les cas, ce sont ces deux dialogues qui sont particulièrement pertinents pour exprimer cet aspect important du travail philosophique de Platon. Il est tout à fait justifié de la part de Jamblique de souligner le thème d'éros dans !'Alcibiade. Justement la situation, au début du dialogue, est que Socrate est le seul des tpacrtai d' Alcibiade qui s'intéresse encore à lui, après qu'il ait dépassé sa toute première jeunesse. Il approche de vingt ans. Et qui plus est, jusqu'ici Socrate, à l'inverse des autres tpacrtai, ne s'est pas adressé à Alcibiade; c'est seulement maintenant qu'il lui est possible de le faire - avec la permission du Dieu, dit Socrate. Le dialogue qui commence maintenant dévoilera Socrate comme le véritable tpacrttiç d'Alcibiade, tandis que les autres l'abandonnent maintenant, alors qu'il s'agit de l'épanouissement de sa vie et de la question de la carrière politique qu'il s'est choisie comme but. A ceci s'ajoute que Socrate, à des moments importants, réfère plus souvent à sa relation d'éros avec Alcibiade. C'est la passion de Socrate pour Alcibiade qui le rend dur envers lui, l'oblige à le corriger, et lui fait dire franchement qu'il souffre de la pire forme d'ignorance, l'ignorance de soi-même, et quand Alcibiade ne peut pas comprendre pourquoi Socrate s'emporte ainsi contre lui, Socrate répond ceci (119 b 5): àyavatetro u1tÉ:pte croîl teai toîl tµautoîl Ëprotoç. Ce qui est désastreux pour le développement d'Alcibiade c'est qu'il n'y a eu personne pour lui témoigner une véritable affection sauf peut-être justement son tpacrttiç (p. 122 b 7), et l'étroite relation entre la connaissance de soi-même et la passion de Socrate apparaît de nouveau à la fin du dialogue (p. 131 e 2). Ainsi s'éclaire le début du dialogue où Socrate insiste sur le fait que lui, Socrate, est pour Alcibiade la seule chance d'atteindre 72)
ANON. Pro/eg. 26,25: ropyiav ... 1toÀ1t11,6vllvta. OLYMP. ln Plat. Alcib. 177,9: icai lin l6t:1 nvà 1tapaÀT111>3i')vm tni ttÉÀEI toO nap6vt0ç 6taÀ6you cruµl3aÀÀ6µt:va npôç tôv tcpt:!;ftç 6uiÀoyov, nt:pi noÀmicô>v àpt:t&v 61aÀaµl3avovta, il6t:t ot>v t:!nt:iv tiç 6 noÀmic6ç ...
345 le but qu'il désire, car lui seul peut voir plus loin et pénétrer le monde d'apparence d'Alcibiade et par suite le sauver, - avec l'aide de Dieu (p. 105 d - e6). Sans aucun doute Jamblique a mis le doigt sur quelque chose de central pour l'interprétation du dialogue, lorsqu'il réfère au thème d'éros. C'est ainsi que nous l'avons dit, le« démon » de Socrate qui, jusqu'ici l'a empêché de parler avec Alcibiade. Plus tard dit Socrate, Alcibiade lui-même apprendra à connaître la dynamis du démon (p. 103 a 5-6): -ro ainov ytyovEv oùic àvSp 6è tocroutrov ttébv où6è 1tpocr&t1tov.Dans sa réplique, Alcibiade reprend cette expression et déclare que lui-même a voulu demander à Sôcrate pourquoi il le suit continuellement et l'importune; il questionne: dç tiva tÀ1ti6a pÀt1trovtvoxutç µ&(p. 104 d 2). D'après Proclus, Jamblique aurait remarqué dans son interprétation que « importuner » doit être compris dans deux sens différents dans les deux phrases (Test. n° 163). Cette interprétation est assez subtile. Au vrai sens du terme, il n'y a naturellement pas de différence, mais ce que 74) Syrien a dO rapporter cette exégèse d'Alexandrie à Athènes. 75) 91,15: Kai toivuv Kai 6 uo v ftSucô'.>v 6\aÀ.&XSflvat -rô'.>v q,epouaô'.>v iiµêiç 80 &7ti'tî)V1tOÀ.l'tllCT)V &ù6atµoviav ). Et l'autre définition correspond étroitement au sous-titre du dialogue conservé de l'ancien temps: 1t&piPTITopuci'jç;il est seulement ajouté ici que ce n'est pas la rhétorique tout simplement qui est le sujet, mais au contraire, la vraie rhétorique. Ici, il n'est pas clair, cependant, si Jamblique a limité son interprétation du scopus du Gorgias à la précision d'indication du contenu donnée dans le titre, ou si c'est lui qui a continué les réflexions sur le sujet du dialogue et fait valoir que le dialogue a un but en réalité plus lointain que le traitement de ce qu'est la vraie rhétorique. Nous inclinons à considérer pour vraisemblable que Jamblique s'est ainsi avancé dans la conception du but du dialogue, mais nous ne pouvons pas le savoir avec certitude 81 ).
5. Le Phédon Nous avons conservé quelques renseignements sur le commentaire du Phédon de Jamblique, dans le commentaire de ce dialogue par Olympiodore, et dans les suites d'extraits qui proviennent de la même tradition exégétique que le commentaire d'Olympiodore 82 ). Cependant, aussi bien le commentaire d'Olympiodore que les trois suites d'extraits (qui s'appellent B, Cet D) sont incomplets, car le commentaire d'Olympiodore ne traite que de la p. 61 c-79 e, B seulement 62 lr70 c, C p. 69 e118 et D p. 69 e-117 e. Par conséquent, les introductions au commentaire ne sont conservées dans aucun des quatre groupes des commentaires et par conséquent, il nous manque des renseignements, souvent de grande valeur, qui sont donnés normalement en introduction et qui généralement disent beaucoup sur la manière dont l'œuvre commentée a été comprise. C'est ainsi qu'il nous manque des renseignements sur la conception antique du scopus du Phédon et que nous sommes réduits à en reconstruire les considérations. 80) ÜLYMP. ln Plat. Gorg. p. 3,6--8. Olympiodore a seulement ajouté« politique». 81) A une époque plus récente, il est général de souligner la perspective plus vaste dans le Gorgias, en dehors de la rhétorique. Voir le commentaire de DODDS,Introduction p. l ss. 82) Voir sur ce sujet, NoRVJN, O/ympiodor p. 18-28. D'après Norvin il s'agit de différentes formes du même commentaire.
349
Le commentaire d'Olympiodore et les suites d'extraits montrent le plus grand intérêt pour les cinq argumentations pour l'immortalité de l'âme et nous pouvons voir que celles-ci ont été traitées sous des titres séparés. Ces argumentations sont appelées ensemble 83) oi 1t&pià8avacriaç "tfjçwuxi'jç Â.6-yot
et chacune, séparément, est ainsi définie: 6 &K tébv tvavtirov Â.6-yoçu) 6 &K tébv àvaµvricrf;(l)V).6yoç 86) 6 tic tfjç 6µot6tT)tOÇ).6yoç 81 ) ( 6 tic tfjç apµoviaç Â.6-yoç)' 7). 6 &K tfjç oùcriaç tfjç wuxfiç ).6yoç 88).
C'est pourquoi les renseignement&les plus importants que nous ayons sur le commentaire du Phédon de Jamblique, sont en relation avec ces cinq argumentations et Olympiodore raconte que Jamblique pensait que l'ensemble des cinq argumentations démontraient l'immortalité de l'âme, ce qu'Olympiodore lui-même récuse, car il fait valoir que ce n'est que la cinquième argumentation qui est une preuve véritable de l'immortalité de l'âme 88). C'est en relation avec ces cinq argumentations qu'Olympiodore parle de scopus. Immédiatement il ne s'agit que du scopus des argumentations pris séparément, car il indique que Jamblique comprend que le scopus des argumentations est de démontrer l'immortalité de l'âme 110). Le problème est cependant de savoir si cette question ne touche pas le scopus de toute l'œuvre. Nous voyons justement dans les Prolégomènes que c'est une règle formelle que le scopus doit être défini de telle façon qu'il est valable pour toute l'œuvre 111). Par conséquent, on peut douter que le scopus des cinq argumentations puisse être sans influence sur la définition du scopus de toute l'œuvre. A ceci s'ajoute que nous savons qu'en réalité cette définition du scopus a existé, car les Prolégomènes la citent parmi trois possibilités: l'immortalité de l'âme, une belle mort et la véritable vie philosophique 91 ). Les Prolégomènes refusent la pensée que ces trois argumentations seraient ensemble le scopus et affirme que le scopus doit être unique et, à partir de la suite des définitions, il nous est permis de croire que les Prolégomènes considèrent la première comme étant la définition corln Plat. Phaed. p. 49,3, cf. NORVIN,Olympiodor p. 23. ln Plat. Phaed. p. 64,23. Ibid. p. 65, 1. Ibid. p. 74,3. D'après C p. 168. 0LYMP. ln Plat. Phaed. p. 65,28 et 78,10. NoRVIN,Olympiodor p. 264 avec renvois à p. 106; 126 et 137. 90) Voir par ex. p. 57,2: 6 aKonoç t4) 1tpo1C&1µtvcp Â.Ô')'Q>. 91) ANON. Proleg. 22, 1-20. 92) ANON. Pro/eg. 21, 25-26. 83) 84) 85) 86) 87) 88) 89)
OLYMP.
OLYMP.
350
recte 93 ). A ceci s'ajoute que plus tard, dans une étude des méthodes de travail de Platon, les Prolégomènes mentionnent un exemple de Phèdre qui montre comment Platon peut argumenter pour l'immortalité de l'âme, mais, par erreur, les Prolégomènes ont mis Phédon pour PhèdreH). Mais, il nous est permis de supposer que cette erreur est due justement à ce que, consciemment, le Phédon a été considéré comme le dialogue qui traite de l'immortalité de l'âme et par conséquent, il se trouve être mentionné ici sous l'influence du fait qu'il s'agit d'un argument sur l'immortalité de l'âme. Malgré une certaine incertitude il nous est permis de conclure que Jamblique a considéré le scopus du dialogue comme étant « sur l'immortalité de /'8me ». C'est une précision et une continuation de la définition qui se trouve dans l'ancien sous-titre: « de /'4me ». Si nous considérons ensuite chaque argumentation nous verrons qu'Olympiodore récuse la conception de Jamblique que la première argumentation démontre l'immortalité de l'âme (Phédon p. 69 e-72 e, Test. n° 166) et Olympiodore justifie sa récusation de la manière suivante"). Ni questions ni réponses ne sont mentionnées quant au problème de l'immortalité de l'âme dans ce passage de Platon, dit Olympiodore. Cébès a justement demandé si l'âme peut continuer d'exister quand elle a été séparée du corps ou bien si elle se décompose dans toutes les directions, comme un vent, et Socrate démontre qu'elle existe un certain temps après avoir été séparée du corps, mais non qu'elle existera toujours et serait ainsi immortelle. Il se trouve évidemment ici un conflit entre Jamblique et Olympiodore, conflit qui est tout indiqué pour démontrer la position exégétique de Jamblique. Olympiodore reproche à Jamblique de dépasser ce qui est dit en réalité dans le texte (TlU!;tç). Il est de plus caractéristique pour Olympiodore, qu'il résume la première argumentation dans un syllogisme, à partir duquel il doit arriver naturellement au résultat qui, vu d'un point de vue purement logique, ne peut que démontrer que l'âme existe un certain temps après la mort. Ce qui se trouve en plus dans l'exégèse de Jamblique est qu'il est insuffisant de rester à Àtçiç parce que Platon avait un plus grand dessein dans ce passage du Phédon. Olympiodore parle d'une part d' « intention », d'autre part de « preuve », en relation avec la première argumentation et quand, dans sa représentation, nous pouvons voir que les considérations sur le scopus sont étroitement liées au nom de Jamblique, il se confirme donc que c'est cette perspective que Jamblique a soulignée, tandis qu'il n'y a pas de raison de croire que Jamblique ait appuyé sur une synthèse syllogistique de l'argumentation parce que, aussi pour Jamblique, celle-ci devait amener à une limitation de l'étendue de l'argumentation. Ici, Olympiodore a été seulement un peu obscur dans la reproduction de ce qu'était l'exégèse de Jamblique et de ce qui est ses propres considérations 96 J. 93) Les trois définitions correspondent à la division normale en trois parties du dialogue dans la tradition du Phédon: 1) La justification du courage de Socrate devant la mort. 2) Les cinq argumentations. 3) Le mythe eschatologique dans la scène de la mort. Les Prolégomènes citent seulement ceci dans un autre ordre. Sur la division en trois parties, voir Norvin, Olympiodor p. 23. 94)
ANON.
Pro/eg. 21,12.
95) Parallèlement à ceci: Ca' p. 132,7 et 13. 96) En d'autres passage aussi Olympiodore réfère à Jamblique d'une façon incomplète, voir NoRVIN,
O/ympiodor p. 104.
351 Dans une évaluation de la divergence entre Jamblique et Olympiodore, il est permis de se demander si le traitement syllogistique du passage n'en limite pas exagérèment la perspective 9 7). Mais quoi qu'il en soit, Olympiodore est dans une position encore bien plus faible dans sa polémique avec Jamblique, car il dit lui-même dans l'introduction à ce passage que Cébès, au sujet des remarques d'introduction de Socrate, n'a pas de problèmes en relation avec la pensée de la Providence, mais souhaite au contraire un examen plus approfondi du problème de l'immortalité de l'âme, d 'fi 'l'l>XTIà8avatoç 98). Et, ajoute-t-il, les différents /ogoi de l'immortalité de l'âme sont donnés à partir de cet examen 6to 6ta6txovrai ot 1tepi àSavaa{aç tflç 'l'l>Xflç Â.oyot99 ). Ainsi, Olympiodore a dit en réalité ce qu'il reproche plus tard à Jamblique d'avoir dit, - sous le prétexte que Jamblique, dans son exégèse, s'efforcerait de définir l'argumentation comme une preuve au sens technique et syllogistique au lieu d'une preuve, au sens exégétique, de l'expression de la pensée de l'auteur. Quand Olympiodore dit que Jamblique admet aussi que les autres argumentations démontrent l'immortalité de l'âme, nous devons comprendre ceci par analogie avec l'interprétation de Jamblique de la première argumentation 100). Il est très difficile de préciser les détails à cause des renseignements incomplets que donne Olympiodore. C'est pourquoi nous n'insisterons pas sur ceux-ci, mais nous citerons seulement encore un détail, qui contribue à caractériser Jamblique comme exégète, tout à fait dans la ligne d'interprétation des cinq argumentations considérées dans leur ensemble. Il s'agit d'un endroit de la première preuve, c'est-à-dire p. 70 d. Ici, Socrate dit que pour comprendre l'étendue du vieux mythe d'Hadès, nous devons non seulement considérer le monde des hommes mais aussi considérer les animaux et les plantes, car là aussi nous pouvons observer l'alternance entre la vie et la mort, alternance qui est le sujet de la légende d'Hadès. Certains ont voulu en déduire, dit Olympiodore, que l'immortalité de l'âme dont il est question dans Phédon, ne vaut pas seulement pour l'immortalité de l'âme humaine mais aussi implique une âme immortelle chez les animaux et chez les plantes parce que l'âme se conçoit comme un principe de vie (xop11yoç Çroflç) qui ne peut pas mourir, principe qu'ont aussi les animaux et les plantes en étant vivants. Olympiodore rompt avec cette exégèse et préfère s'en tenir à Ammonius pour lequel, dans la référence de Socrate aux animaux et aux plantes, ne se trouve qu'une référence au cycle des contraires valable partout dans la nature, de sorte qu'ici la question de l'immortalité des âmes des animaux et des plantes peut et doit être exclue. Par contre, Jamblique a donné (ou suivi) une exégèse qui considère la référence de Socrate à la nature comme pertinente, justement pour la question de l'immortalité de l'âme (Test. n° 168). La pensée est la suivante: puisque l'âme dans l'exposé 97) A quel degré la problématique de « la justification » donne aussi lieu à un manque de clarté dans les recherches modernes sur Platon, nous le voyons par ex. dans les remarques de Dumet sur la p. 70 e 4 ss. 98)
ÜLYMP.
ln Plat. Phaed. p. 52,4.
99) Ibid.
100) Cf. Test. n° 170 et 171.
352
du dialogue du Phédon donne la vie, elle ne peut naturellement pas recevoir le contraire de ce qu'elle donne elle-même. Le feu ne peut pas recevoir le froid, puisqu'il donne lui-même la chaleur. C'est pourquoi l'âme qui donne la vie doit être immortelle. Et Jamblique ajoute que, de même que le feu ne peut pas recevoir ce qu'il donne lui-même, c'est-à-dire la chaleur, ainsi de même l'âme ne peut pas non plus revevoir ce qu'elle donne elle-même, c'est-à-dire la vie. Par suite l'âme doit être en dehors de la vie et de la mort, de la génération et de l'extinction, elle doit être éternelle101).C'est pourquoi d'après Jamblique, la conséquence de la référence de Socrate aux animaux et aux plantes est que l'âme des plantes et l'âme des animaux est aussi immortelle, ainsi que nous avons pu le voir dans les extraits B (Test. no 169) 102). De prime abord, Ammonius et après lui Olympiodore ont raison de soutenir que Socrate, dans sa remarque, ne vise pas directement le problème de l'immortalité de l'âme, mais au contraire celui du cycle des contraires 103 ). Mais il ne faut pas négliger cependant que cet antagonisme, vers lequel Socrate dirige plus largement la conversation, est l'antagonisme entre la vie et la mort 104). Il ne fait non plus aucun doute, que l'alternance entre la vie et la mort qui se trouve partout dans la nature, est l'horizon que Socrate souhaite ouvrir pour éclairer l'immortalité de l'âme. Quand Jamblique en conclut que l'âme des plantes et des animaux dans cette perspective platonicienne est immortelle, il dépasse sans aucun doute le contenu et le propos du texte. Ce que fait Jamblique est de déduire une conséquencedu contenu, et c'est ceci qui est si caractéristique pour son exégèse philosophique, déterminée par le contenu. Qu'il n'ait pas quitté les perspectives du monde de pensées platonicien, ressort du fait que Platon même peut très bien déduire des conséquences dans le même sens106). 101) A notre avis Norvin se trompe dans la reconstruction de l'opinion de Jamblique; car celle-ci a été rapportée d'une façon défectueuse par Olympiodore (NORVIN,O/ympiodor p. 104). Il n'est pas nécessaire ici de prendre en considération l'âme du monde comme le fait Norvin, parce qu'un rapport entre celle-ci et l'âme sans raison ou animale n'y est pas mis en évidence. Il n'est pas du tout exact que l'âme, suivant l'opinion de Jamblique dans ce passage, recevrait la vie comme préalable à l'immortalité. La vie est beaucoup plus une question de mobilité et c'est l'âme qui est le support de cette vie; l'âme a justement son immortalité parce qu'elle est une donnée de base pour la vie (cf. les propres paroles de Norvin p. 97-98). - Enfin Norvin semble penser (p. 104) que Jamblique rejette l'opinion que l'âme sans raison et végétative est immortelle elle aussi. Mais Jamblique ne la rejette pas dans son interprétation, ce qui se constate dans l'extrait B (p. 124,17), et Norvin l'avoue lui-même clairement dans un autre passage (p. 264). 102) Les extraits B rapportent, ainsi que le dit Norvin, toute une doxographie sur ce sujet. Jamblique n'a pas voulu tirer la conséquence de ce fait que la transmigration de l'âme se fait au travers des différentes espèces d'êtres vivants; ceci se constate dans une citation de Jamblique chez NEMES1us (nat.hom. 51 col. 58Jc_5g4h PG 40). Cf. ci-dessus p. 62. 103) 70d8: Çqia - q)Utci 70d9: 'lfUXtKè>v KaÀÂ.oc;),c'est-à-dire àp&,a{ et tmcnitµat, de là jusqu'à la beauté du monde des dieux cosmiques (,o ,ô'.>vtyKocrµ{rov8&lovK 'lfUXtKè>v x:aÂ.Àoc;) jusqu'à la beauté du discours (,è> tv ,otc; i.,6-ymc;KaÂ.6v)pour ensuite se conclure en revenant au point de départ. Il n'est pas douteux que cette interprétation de la structure du dialogue soit celle de Jamblique, en particulier parce qu'elle se rattache à tel point à la définition du scopus. C'est pourquoi Bielmeier souligne avec juste raison que « l'ascendance » et « la descente » ont été l'essentiel pour Jamblique dans son interprétation du Phèdre 1 u). Mais Bielmeier appuie trop sur le côté réligieux quand, sans plus, il met comme apogée de cette ascendance« die Vereinigung mit den Gottem». Jamblique et Hermias, après lui, sont plus platoniciens et considèrent en fait « le beau même », aù,è> ,è> KaÂ.6v,comme l'apogée 161 ). c) Le genre du dialogue
Hermias donne plusieurs possibilités pour caractériser le genre du dialogue du Phèdre 163 ). Quand nous pensons à la personne Phèdre, nous pouvons dire que le dia150) ANON. Pro/ég. 22,5-6. Ceci confirme que la premiere critique de principe dans Hermias (cf. ci-dessus p. 364-365) a son origine chez Jamblique. 151) Die neup/atonische Phaedrosinterpretation p. 24. 152) Hermias a une remarque un peu confuse au sujet d'une forme encore plus basse de la beauté au commencement du dialogue, parce que l'attrait de Lysias pour Phèdre est indiqué comme exemple d'un éros qui seul est dirigé vers quelque chose d"apparemment beau (p. 11,20). Le sens en est que Lysias convoite ce qui est purement corporel chez Phèdre et c'est pour cela qu'il est à un degré plus bas que Phèdre parce que celui-ci n'aime pas le corporel, mais il aime au contraire un discours. - Cependant cette remarque chez Hermias ne correspond pas très bien à la conception citée (p. 12,5), à savoir que la descente finit où l'ascension commenca. C'est pourquoi nous pensons qu"il s'agit d'une remarque ajoutée au cours de la tradition. Si la pensée devait se bâtir dans cette direction, nous préférerions mentionner le tableau introductif au dia-· logue de l'idylle près de l'llissos - et la prière finale de Socrate aux dieux de ce lieu ravissant. Il faut peut-être souligner que l'interprétation que donne Jamblique du dialogue comme une montée et une descente, n"implique en aucune façon l'acceptation d'un mouvement circulaire dans le cours du dialogue. Ce qui se passe est bien plus un cheminement de la catharsis. 153) p. 10,3.
367 logue est 1'StKÔÇ,KaSap-rtKè>ç, èÀ6yKnK6çet 1tpotpt1tnKÔÇtlç q>tÀocroq>iav. Quant à la place occupée par éros dans le contenu du dialogue, elle peut être caractérisée comme q>UcrtK6ç Kai SeoÀoytK6ç. Enfin, faisons-nous cas de la trame rhétorique du dialogue, il peut être caractérisé comme ÀoytK6ç. - Il y a évidemment une affinité entre ces définitions de genos et la définition du scopus, même si Hermias lui-même ne semble pas remarquer la relation: il ne parle pas à nouveau de genos tandis qu'il se tourne vers la question du vrai scopus du dialogue. Mais nous avons l'important renseignement que le dialogue a été caractérisé comme théologique, à partir de la palinodie 1H). Il s'est passé ici un grand développement dans l'interprétation du Phèdre, depuis l'époque où le dialogue était considéré comme «éthique», avec des rapports avec le motif d'éros 166 ). Il est ainsi acquis, que la palinodie, aussi pour Jamblique, a été la partie la plus importante du dialogue et son apogée; mais Jamblique n'a pas voulu voir la palinodie isolément, mais il a voulu la voir comme le centre du dialogue dans son ensemble. Ainsi, avec sa définition du genos du dialogue, Jamblique a fait les concessions qu'il pouvait faire aux définitions du scopus qui se basaient sur la palinodie. Nous pouvons très difficilement décider si ce sont ces définitions du scopus qui, déjà avant l'époque de Jamblique, avaient donné lieu à la définition du genre comme « théologique ». Il n'est pas sOr que Jamblique soit le premier qui ait caractérisé le Phèdre comme un dialogue théologique, mais il est sOr qu'il a, ainsi qu'il ressort du canon, compris le dialogue comme étant St0Àoy1K6ç. d) Considération organique
Nous voyons chez Hermias que le dialogue du Phèdre est considéré organiquement. Quand il parle de la division du dialogue, il dit que le dialogue peut être divisé en trois parties ou trois articulations organiques (Çroa{).Mais, déjà auparavant, la considération organique est apparue chez Hermias et ceci à un endroit particulièrement important pour nous: en relation avec la définition du scopus, et de telle manière qu'il est certain que nous avons ici la manière de considérer de Jamblique. La conception se justifie chez Hermias en ce que le dialogue ne peut avoir qu'un scopus, autrement, il ne pourrait pas être considéré comme « un organisme vivant »: le scopus unique est la conditio sine qua non pour que tout puisse être assemblé dans une unité organique. Il n'est pas douteux que cette raison appartienne à la conception jambliquienne d'un scopus unique - Hermias s'exprime ainsi: Kai aùtoO ëv&Ka(mivta) 1tap&tÀf\q,9at, p. 9,7: ëva 6t 1tavtaxoo XPTIdvat tè>vCJK01tè>v tva ci>çtv Çci> 1tcivta tlp évi cruvtcitt'ltat. Peu après, Hermias rejette la pensée de plusieurs scopi, avec la raison suivante: oütE oùv 1tOÀÀoùçdvat q>atéov toùç crK61touç{1tpè>çyùp ëv n 1tcivta 61::îtE68 tcioSat tv' rocr1tepëv Çipov ô À6yoç ô1tcipxtJ}1 ). 154) HERMIAS ln Plat.Phaedr. p. 11,7.
155) La tradition que représente Diogène Laërce (Omo.LAERT. 3,58). 156) p. 11,17.
368 Il n'est pas si surprenant que Jamblique ait souligné la considération organique, précisément avec le dialogue du Phèdre. C'est bien dans ce dialogue que Platon luimême la souligne en faisant Socrate faire comprendre ceci à Phèdre:
:tn. 'A)..)..àt66e
ye olµai cre cpavm av, ôeîv 1tavta Àoyov ro01tep Çipov cruvn ëxovta aùtàv aùto(), &crte µiJte àictcpaÀovdvm µiJte d1touv, ÙÀÀà ecrtavai crt'i'>µa µtcra te ëxe1v icai liicpa, 1tpé1tovta àÀÀTJÀ.OlÇ icai téj'lÔÀ.cpprov, it ëv9ouç 110 ). Ces trois articulations, dit de plus Hermias, sont un exposé des différentes étapes et formes d'éros (tà èp&vta), de même que l'on y donne une classification des types d'amants (èprota{), ainsi que l'objet même de cette attirance dont on parle (aùtà tà èpacrta). Ceci veut dire que nous pouvons et nous devons voir une analogie (àvaÀ.oyov chez Hermias) entre la division du dialogue et la conception des trois perspectives dans tà èp&vta/toùç èprotaç/tà èpacrta. L'utilisation de l'analogie dans l'interprétation renoue avec cette définition du scopus qui prenait son point de départ dans éros et dans éros seul. La pensée analogique est valable pour rassembler des choses dans une large considération de synthèse, même si en elle-même, elle est insuffisante dans ses dimensions. Mais en même temps, il est évident que dans l'ordonnance analogique d'Hermias nous ne nous arrêtons pas à cette définition du scopus du Phèdre. La dernière analogie montre qu'Hermias se b~e sur la mise en lumière par Jamblique que c'est l'objet d'éros qui est le vrai scopus du dialogue. Par conséquent, il y a tout lieu de croire que c'est Jamblique qui a utilisé cette pensée analogique dans son interprétation. En même temps que nous pouvons conclure des ptopos d'Hermias sur l'analogie dans le dialogue du Phèdre, que Jamblique doit être ses prémisses, nous pouvons voir justement comment cette manière de procéder contient certaines possibilités pour réunir les interprétations antérieures, de sorte que tout est rassemblé dans une synthèse; cette tendance que nous avons rencontrée précédemment chez Jamblique est ainsi confirmée 181 ). ] 57) p. 264 C. 158) Dans: Phil. Wochenschr. 42, 1922, 1195 ss. 159) Page 366. 160) HERMIAS ln Plat. Phaedr. p. 9 ss. 161) Cf. pour ce passage BIELMEIER op.cil. p. 21 au sujet de« Analogischc Stufenfolge in der lnterpretation »; de plus ibid. p. 59 ss.
369 () Systématique de l'interprétation
Hermias termine son introduction en refusant une nouvelle fois de considérer éros comme le scopus du dialogue de Phèdre. Il justifie maintenant son refus: si Platon traite un tel sujet, il traite « l'essence, les possibilités innées et l'action extérieure» du phénomène: oùcr{a,6uvaµtç, tvtpytta. Mais en réalité il n'est question dans le Phèdre que des effets d'éros dans le monde et dans les âmes 182 ). Par conséquent éros ne peut pas être le sujet du dialogue. Que Platon procède de cette manière, se trouve, pour Hermias, justifié en partie dans le Banquet, en partie dans la palinodie du Phèdre, où« l'âme» est traitée dans cette triple perspective. Ce que signifie cette dernière, ressort d'une comparaison entre les mots du dialogue du Phèdre, et la formulation d'Hermias: Pl.ATON,
Phèdre
24Sc2 6&t oùv np&rov ljl\)Xflç cpooi:roç lttp1 S&iaç tE icai àvSpoml VTJti'Itfjv ai>ti'jç, nG>çµ116' lteavlilç fxovtoç. 213) En refusant Héraclite: 5 p. 159, 5 ss. 214) De anim. creat. 9 p. 167,10. Plutarque a probablement cherché à s'appuyer sur le Timle 30 a.
383 tion de l'origine du Mal, telle que Plutarque même y fait allusion 1 u). Si justement le point de départ de la création est une matière complètement sans qualités, nous n'aurons aucune explication du Mal. Le Mal doit alors ou venir du dieu créateur ce qui est absurde - ou ne pas exister du tout en soi-même, c'est-à-dire être uniquement une négation. Plutarque repousse la dernière solution qui pourtant est l'interprétation stoïcienne du problème du mal - et qui devait être plus tard la solution néo-platonicienne. Mais, en la repoussant, Plutarque n'a plus qu'une issue: admettre que le Mal est un principe particulier, séparé, à côté de la matière - et indépendant du dieu 1141). Plutarque trouve ce dualisme même confirmé, non seulement dans la philosophie grecque (Empédocle, Héraclite, Parménide) mais aussi dans la pensée iranienne et égyptienne 117 ). Plutarque s'est certainement rendu compte qu'il dépassait là le texte du Timée. Mais il pensait pouvoir trouver confirmé dans les derniers ouvrages de Platon, que Platon lui-même, au sens profond, avait eu cette conception dualiste, mais ne l'avait exprimée clairement que dans ses derniers travaux, où il abandonne la symbolique et le mystère dans la façon de s'exprimer 118 ). Ainsi Plutarque donne une interprétation, qui s'approche de l'allégorisme, mais d'une manière tout à fait différente de celle des premiers Académiciens. L'exposé de la philosophie de Platon par Diogène Laërce (3,67 suiv.) est un témoignage très éloquent de la place du dialogue du Timée au début de la tradition du Platonisme Moyen, tradition à laquelle appartiennent ses sources. Précisement, tout l'exposé s'édifie sur le Timée et ceci vaut aussi pour la première partie sur la conception de l'âme par Platon - où il aurait été autrement tentant de référer par exemple à Phédon dont le sous-titre « De l'âme » a été précédemment indiqué par Diogène 1111). Il n'existe pour ainsi dire aucun autre passage où la conception que « Timée est Platon par excellence », soit exprimée plus clairement. L'exposé de Diogène n'est pas une référence rapide, mais une exposition systématique dont le point de départ se trouve dans l'âme et le microcosme humain, de là, la perspective s'élargit jusqu'au macrocosme et les questions cosmologiques. Le rapport entre dieu et la matière se voit comme un dualisme entre deux principes; la matière est comme chez Plutarque et en accord avec le Timée (p. 30 a) - avant la création dans un mouvement non ordonné; mais il n'est pas indiqué si c'est dans le mouvement même que devrait se trouver un principe indépendant, ainsi que le pensait Plutarque. Comme le dieu préfère l'ordre au désordre il assemble la matière en un seul lieu, les quatre éléments sont constitués et deviennent le matériau de construction de l'édifice du monde. Le temps est conçu comme créé à l'image de l'éternité; le soleil, la lune et les planètes, à cause de leurs fonctions, deviennent une articulation de la dimension du temps. L'exposé se termine par une esquisse de la conception de Platon au sujet du Bien comme étant une ressemblance avec Dieu, et par une esquisse Op.cil. 6 p. 162. Voir THÉVENAZ, op.cil. p. 67 SS. 27 p. 177-178. Sur Plutarque et le dualisme iranien voir HAN! dans: REG 77, 1964, 489-526. De Is. et Os. 48, 370 F: dans son dernier ouvrage Platon dit où 6L' aivtyµcùv oùlit cruµJ30Â.11,cùç, àÂ.Â.à 1CUpi0tçôv6µamv. 219) 1, 58.
215) 216) 217) 218)
384 au sujet de la conduite du sage. Diogène quitte alors le Timée et passe au traitement de la méthode philosophique de Platon. Le traité anonyme Du Monde, écrit un peu plus tôt, n'appartient pas autant à la tradition du Timée ou à la tradition de Platon en général. Il contient trop de choses d'une autre origine. Cependant, au point de vue de l'histoire des idées, il n'y a pas moins lieu d'indiquer ce traité en relation avec le Timée car nous avons ici un beau témoignage d'une forte orientation cosmologique dans la philosophie. En particulier, le fameux chapitre d'introduction sur la philosophie montre que ce que l'auteur comprend par philosophie est « la considération de l'univers comme ensemble ». Cette conception ne peut manquer d'être de la plus grande importance pour la place du dialogue du Timée dans la philosophie ancienne et pour son interprétation. Comme le traité Du Monde, à côté de son matériau de base aristotélicien, comprend aussi à la fois des matériaux platoniciens et pythagoriciens, stoïciens et néo-héraclitéciens, il est en plus un témoignage de la pensée synthétisante que l'on recherche. Enfin, pour la tradition du Timée, il est important de noter que, dans le traité, il y a une nette tendance vers une conception transcendentale de Dieu. Ceci vaut d'ailleurs pour la tradition péripatéticienne que, de nouveau, le Timée prend une place importante, de même que chez Aristote. Ici, on peut nommer l'alexandrin Ptolémée Chennos, et, en particulier Adraste, dont le commentaire du Timée a une grande influence à l'époque suivante. Nous connaissons peu de détails de cette interprétation. Nous pouvons admettre qu'Adraste, entre autres, a transmis les parties de l'interprétation du Timée de Posidonius, à Théon, puis à Proclus qui, comme Calcidius, a pris des matériaux à Adraste 110 ). Pour nous, nous nous intéressons particulièrement à la situation du Timée dans le cercle de Gaius. Nous savons que Gaius lui-même a travaillé sur ce dialogue, sans que ce soit une raison pour admettre qu'il en ait écrit un commentaire 111 ). Nous trouvons des traits importants du travail du cercle de Gaius sur le Timée, chez des élèves de Gaius et chez des auteurs influencés par le cercle. - L'introduction mathématique de Théon à l'étude de Platon, vise nettement le Timée, et ce dialogue se trouve à la seconde place dans son exposé, juste après la République. Un grand passage, au centre du travail de Théon, vise en particulier le Timée p. 35 ss. 212 ). De même que les questions mathématiques sont traitées par Théon, les questions médicales du Timée sont traitées par Galien, élève de Gaius de la deuxième génération, élève d'un élève de Gaius. Un fragment important de cette contribution de Galien au commentaire du Timée a été retrouvé par Daremberg dans un manuscrit Parisien; et nous pouvons constater qu'il n'est pas question, au sens propre du terme, d'un commentaire bien que le passage p. 76 d 3-80 c 8 soit commenté d'assez près. Les points de vue médicaux dominent. La contribution de Galien a d'ailleurs l'intérêt d'être la seule étude antique de la dernière partie du dialogue du Timée, car les 220) Au sujet d'Adraste cf. HILLER dans: Rhein. Mus. et UP p. 562 ainsi que ZELLERPhil.d.Gr. Sur Ptolemée Chennos voir UP p. 561. 221) ZELLERPhil.d.Gr. Ill t• 805; PRAECHTER,Gaios p. 511 et id., article sur Gaius dans RE. 222) THEON, p. 63 SS.
385 commentaires conservés ne suivent pas le dialogue aussi loin. Pour la même raison, nous ne nous intéresserons pas davantage au travail de Galien. Mais il est un témoignage important de la place occupée par le Timée, dans la tradition, à partir de GaiusZ23). L' Epitome d' ALBINUSqui expose les traits principaux de la philosophie de Platon est, dans son plan, marquée par la systématique aristotélicienne. La dialectique et la logique sont placées en introduction et sont un peu isolées, tandis que le sujet se divise par ailleurs en deux parties: une partie théorique avec la théologie, la physique et la mathématique comme sous-divisions, et une partie pratique avec l'éthique, l'économie et la politique comme sous-chapitres. Le dialogue du Timée sert de base au chapitre sur la physique 114 ). Cependant, Albinus ne suit pas directement le dialogue du Timée et cette divergence fait qu'il est naturel d'admettre qu' Albinus ne travaille pas directement sur le dialogue du Timée, mais s'appuie sur un épitomé antérieur du dialogue 125 ). En plus de la création (qui a lieu en tenant compte d'un paradigme exemplaire) les questions antropologiques jouent un grand rôle dans l'exposé: chap. chap. chap. chap. chap.
17 de l'homme en relation avec le Timée p. 41 a 18 de la vue,.._, Timée p. 45 b--47 c 19 de l'ouïe ,.._,Timée p. 47 c-d 128 ) 21 de la respiration ,.._,Timée p. 79 b ss. 22 des maladies ,...,Timée p. 81 e-87 b.
L'étude se termine par un traitement plus détaillé de l'âme, de ses parties, de ses facultés et de son immortalité, et enfin, par un paragraphe sur l'heimarméne qui devrait être plus inspiré par le stoïcisme que par le platonisme 12 7). - Albinus cherche à résoudre par un compromis, la question débattue de savoir si le monde est créé dans le temps. Nous ne devons pas comprendre la création temporellement, dit-il dans chap. 14, comme s'il y avait un temps où le monde n'était pas, mais la création a lieu dans le temps, pour autant que le mouvement implique le temps: le cosmos est toujours en devenir. Ainsi, Albinus essaie à la fois d'assurer la perspective du temps, et d'éviter la conséquence: que la création ait eu un commencementH 8). D'une autre manière aussi, Albin us cherche à réunir des conceptions différentes et divergentes. La remarque de Platon que la matière avant la création se mouvait sans ordre et sans beauté, donna l'occasion à Plutarque d'admettre un principe séparé. Albinus n'en tire pas cette conséquence, au contraire, le moment du mouvement avant la création est voilé par une remarque sur le premier dieu éveillant à la vie l'âme du monde. Ainsi, d'une part, l'existence d'une âme du monde avant la créa223) Sur le fragment de Galien voir l'introduction de DAREMBERO à l'édition ainsi que KueANSKI, Plat.trad. p. 41 et JAEOER,Nemesios p. 71. 224) Chap. 12-26. 225) Cf. WITT,Albinus p. 77 ss. et 102 avec la note 8. Witt suppose que la source est Arius Didymus. 226) Avec une remarque un peu mal placée au sujet du léger et du lourd dans le chapitre 20 (peutêtre avec référence au Timée 63 e ss.). 227) Cf. aperçu de l'Epitomé dans UP p. 542 s. 228) Albinus n'évite pas ainsi une certaine allégorie dans son interprétation. Cf. UP loc.laud.
386 tion est admise; d'autre part elle est décrite comme endormie, ce qui veut dire que le mouvement n'était pas actualisé. Il y a lieu de souligner que la partie théologique de l'exposé d'Albinus (chap. 7-11) est aussi marquée par le Timée. Ainsi ÜÀ.fl, lôtai et xp&-roç St:6ç jouent un rôle de premier plan, de même que dans le Timée. De plus, nous pouvons remarquer dans ce chapitre que {ôtai sont hypostasées et sont nettement différenciées des t:iô11aristotéliciens pour lesquels elles sont considérées comme paradigmes. 'Iôtai ne sont plus par conséquent àp:x,ai pour le cosmos, une dérivation directe n'est pas supposée. Ceci est aussi souligné par la conception des Idées comme « les pensées éternelles et indépendantes du Dieu »219 ). Bien que ce soit à peine une raison pour admettre, avec Switalski, qu'Albinus ait écrit un commentaire du Timée, d'un autre côté il n'est pas douteux qu' Albin us a considéré le Timée comme le dialogue le plus important de Platon 130). Le Timée dans l'explication de la philosophie de Platon par APULÉE,a une place aussi importante que chez Albinus. Dès le premier livre, Apulée amène l'étude de la partie physique de la philosophie de Platon tandis que l'éthique est reportée jusqu'au 2e livre, et il va de soi que la base du premier livre devient ainsi le Timée. L'exposé et l'interprétation d' Apulée divergent sur quelques points de ceux d' Albinus mais, dans l'ensemble, il est cependant très évident, qu'il s'appuie sur la même tradition que celle d' Albinus, probablement même sur le même épitomé du Timée 231 ). La tendance au dualisme reprend ici sa courbe originale en ce que ousia se divise en deux groupes dont l'un, qui se conçoit avec la pensée, est toujours égal à soimême et est immuable; tandis que l'autre qui se conçoit à l'aide des sens, est soumis à la naissance et à la mort; dieu, l'esprit, l'idée, l'âme (deus, mens, forma, anima) font partie du premier groupe, tandis que tout ce qui est changeant (labentia) appartient au deuxième groupe 132 }. Par contre, chez Apulée, il n'y a aucune tentative pour faire du mouvement de la matière avant la création, un principe indépendant, comme l'a fait Plutarque. Apulée est ici sur la même voie qu' Albinus, il néglige tout à fait de parler de ce mouvement, et dit seulement que la matière avant la création était mélangée et sans ordre 233 }. Ce n'est pas le mouvement, mais l'empreinte de 229) Chapitre 9 p. 163,13 et 27 s. 230) SWITALSKI, Cha/C'idiusp. 106. De plus KRAUSE, Studia Neop/atonica 52. 231) Cf. Win, Albinus p. 103 et surtout S1NKO. L'étude d'Apulée se divise ainsi: chap. 1-8: La création du monde. chap. 9: anima coelestis ~ Tim. 35b-36b et 51d-52. chap. IO: { le temps c~mme aevi imago} ~Tim. 37d_39d. les corps celestes chap. 11: les espèces d'êtres vivants ~ Tim. 39e ss. chap. 12: providence et destin~ Tim. 42d. chap. 13: fonction et division de l'âme du monde~ Tim. 69c-70b et 70e ainsi que 44d-45a. chap. 14: vue et ouïe~ Tim. 45b-47d. chap. 15-16: le reste du corps ~ Tim. 70--79, 91a-b. chap. 18: maladie~ Tim. 86b ss. 232) Chap. 5---6. 233) 7 p. 89,2: quae cum inordinata permixtaque essent, ab illo aedificatore mundi deo ad ordinem numeris et mensuris in ambitum deducta sunt. - Le mouvement de la matière n"est pas du tout mentionné au chapitre 5, où on aurait pu facilement trouver une occasion de le citer (à la fin du chapitre).
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l'idée qui est décisive: les Idées, au cours du processus de la création, donnent une forme à la matière, comme un signet fait une empreinte dans la cire, et deviennent exempta rerum1H). Le temps se comprend comme imago aevi, et est ainsi une articulation dans l'ordre physique186 ). Mais Apulée pense que Platon dans le Timée, n'admet pas que le monde ait un commencement, bien qu'il en donne cependant l'impression138 ). C'est en relation avec le dualisme, mentionné ci-dessus, dans l'interprétation de la substance. Précisément, le commencement est une question seulement sur le monde sensible, mais en fin de compte ce monde n'existe qu'apparemment et il n'est pas réel au sens propre. Si, par conséquent, on dit que le monde a un commencement, on ne peut penser qu'au monde apparent et non au véritable. Dans ce sens, Apulée a dO alors comprendre le récit de la création dans le sens allégorique. Il serait très naturel que la partie anti-aristotélicienne du platonisme, veuille maintenir l'interprétation littérale du Timée pour éviter ainsi la pensée aristotélicienne d'un monde éternel. Ce n'est cependant pas si simple. Mais ceci vaut pour ATI1cus188 ). Il voit dans la création, telle qu'elle est exposée dans le Timée une création dans le temps, c'est-à-dire que le temps aussi a existé avant la création. Ici aussi, il insiste beaucoup sur la remarque de Platon sur le mouvement avant la création et, de même que Plutarque, il avance que ce mouvement est un principe particulier et original. - A l'inverse d'Atticus, TAURUS accepte l'éternité du monde, et son interprétation du Timée en devient par suite allégorique. Pour lui, le récit de la création chez Platon sert à un but pédagogique1311). Taurus va même si loin qu'il modüie le texte de Platon (dans le Timée p. 27 c) et donne une réinterprétation radicale de ytvrit6ç, de sorte que le moment de la création est éliminé. Tandis qu'ainsi, le Timée peut être interprété allégoriquement, cela ne veut pas dire que le récit de la création soit sans valeur. En plus du côté pédagogique, d'après Taurus, il y a dans l'exposé de Platon cette qualité spéciale qui sert à fortifier la croyance à la providence. L'exposé figuré de Platon est édifiantH0). Une forte critique de la modification du texte de Platon par Taurus, dans sa forme et dans sa signification, a été prononcée par rien moins qu'Alexandre d'Aphrodise, ce qui montre que Peripatos continue à être extrêmement attentif à ce dialogue de Platon 1u). 234) 6 p. 87,25: ad instar ccrae formas et figurationes ex illa exemplorum impressione signari. Ibid. p. 87,19 ss. 235) Chap. 10. 236) 8 p. 91,12: hune quidem mundum nunc sine initio esse dicit, alias originem habere natumque esse. 237) 8 p. 91,13: nullum autem eius (se. mundi) exordium atque initium esse (se. dicit Plato) ideo quod semper fuerit, nativum vero videri, quod ex bis rebus substantia eius et naturae constet, quae nascendi sortitae sunt qualitatem. bine et tangitur et videtur sensibusque corporeis est obvius (c'est nous qui soulignons en cursive). 238) Voir UP p. 548 et PRAECHTER, Nikostratus p. 495. fvt:KU. 239) fü6amcaÂ.iaç ou GUlpTJV&lUÇ 240) Praechter donne dans RE s.v. un aperçu détaillé de l'interprétation du Timée par Taurus. Nous connaissons surtout l'interprétation de Taurus par les fragments importants chez Jean Philopon. 241) Praechter dans l'article cité sur Taurus.
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Ainsi qu'il ressort des fragments conservés, le Timée occupe aussi une place importante chez NUMÉNIUS, le précurseur immédiat du néo-platonisme. Il y a une raison spéciale pour cela. Numénius, à tendances néo-pythagoriciennes, devait naturellement insister sur le fait que le dialogue est conduit par le pythagoricien Timée, et porte son nom, qu'il est ex Pythagorae magisterio, comme devait l'exprimer plus tard CalcidiusH2). Les tendances dualistes sont évidentes chez Numénius, ainsi, une bonne âme du monde s'oppose à une mauvaise243), l'être incorporel s'oppose à un devenir corporeJl144), l'incarnation se voit comme un mal, c'est-à-dire que l'âme et le corps s'opposent 246 ), et Numénius n'admet pas seulement deux parties dans l'âme mais résolument deux âmes chez l'homme2'8). Tout ceci a dO avoir naturellement une importance considérable pour l'interprétation du Timée, d'autant plus que Numénius est convaincu de la concordance réciproque entre Platon et Pythagore (telle qu'il la conçoit). Un autre trait important chez Numénius est qu'il distingue entre trois divinités: le Père, le Créateur et la Créature: 1tatT)p,1to1otT)Ç, 1toiriµau7). Le passage du Timée p. 34 b, fait comprendre pourquoi Numénius appelle la Créature un dieu, et Numénius reprend directement le Créateur, 6 ~riµ1oupyoç8t6ç, à Platon. L'original est le premier dieu, le Père, que Numénius identifie à voOçet à j3acnuuç et conçoit comme étant le principe même de l'être: cipx.1'oùaiaç 148). D'autres endroits du texte de Platon sont évidemment utilisés ici, et on ne peut pas exclure non plus que le nous aristotélicien ait joué un rôle dans les reflexions, mais de plus, il est évidemment question chez Nurnénius d'une relation entre les pensées gnostiques et philonistiques au sujet de la situation intermédiaire de logos. Quant à l'interprétation du Timée, cela signifie que le dieu créateur se conçoit comme un intermédiaire entre le monde éternel et le monde changeant, car, dans son œuvre de créateur, il s'inspire des idées éternelles, qu'il prend pour paradigmes de sa création. Numénius réunit le monde éternel et les idées éternelles dans la divinité du Père dont il souligne ainsi aussi bien l'unicité que la transcendance. Nous n'avons pas de raison d'admettre que Numénius ait écrit un commentaire du Timée2'9). Cela signifie que ses réflexions ne valent pas explicitement pour l'interprétation du dialogue de Platon. Mais il est naturel que Numénius puisse être d'accord aussi bien avec Platon qu'avec Pythagore. Par conséquent, ses considérations sont aussi de la plus grande importance pour le développement de l'interprétation du Timée. De même que Numénius, PLOTINtraite très souvent les questions philosophiques en relation si étroite avec le Timée qu'il s'agit indirectement d'une interprétation du Timée. Ainsi, par exemple l'étude sur le Cosmos (Enn. II 1) est une analyse de ce 242) CT. UP 521 ; Waszink dans l'édition de Calcidius, praef. p. XL V note 1. 243) Fragm. 16 Th. = CALC. In Plat. Tim. c. 295. 244) Fragm. 20 Th. = EusEB.Praep. ev. 11,10,7. 245) Jamblique en parle dans De anima, ap. Sroe. ecl. 1 p. 375, 14 et 380, 14 ss. = 50Th. 246) Fragm. 53 Th. = Srne. ec/. I p. 350,26 ss. 247) PROCL. In Plat. Tim. 1 p. 303,27. 248) Fragm. 25 = EusEB.Praep. ev. 4,22,3. 249) Cf. entre autres la note de Waszink p. XLV (praef. à l'édition de Calcidius).
NUMENIUS
fragm.
389 qui est cosmologique en relation très étroite avec le Timée, il en est de même pour le traité sur le temps et l'éternité (Enn. III 7) et pour les traités sur l'âme (Enn. IV 1-5). Ici aussi, Plotin travaille en relation étroite avec le Timée. Enn. II 2 (Sur le mouvement du cercle) prend son point de départ dans Tim. 33-34; Enn. III 6,12-13 est une interprétation du traitement de la matière par Platon dans le Timée 5 l ; Enn. III 9, qui contient plusieurs cercles de problèmes, commence par un commentaire du Timée 39; Enn. IV 2 est un commentaire direct du Timée 35 a, etc., etc. no). Il est partout évident que Plotin souhaite suivre Platon et reproduire exactement sa pensée; en relation avec le Timée ceci se voit, très nettement en particulier, dans le traité contre les gnostiques, Enn. II 9 161 ). Quand Plotin exprime implicitement ou explicitement son interprétation du Timée, nous pouvons remarquer que la pensée de la création ne le préoccupe pas particulièrement. La création se conçoit à l'origine comme une processio 1tp606oç151 ). Le dieu créateur joue, par conséquent, un rôle modeste. Pour la même raison la perspective temporelle recule dans la création: l'existence éternelle du monde est un point capitalu 3). Il s'en suit nécessairement une interprétation allégorique du récit de Platon. Il est intéressant de noter comment Plotin refuse la tendance à la division ternaire que nous avons rencontrée chez Numénius. Plotin repousse l'indépendance du nous chez les gnostiques; ceux-ci ont mécompris Platon, dit Plotin 254 ). Bien siir le dieu créateur porte sa vue vers quelque chose d'idéal ainsi qu'il ressort du Timée 39, et pour autant, on peut dire que les idées sont « avant » la création, mais ce qui est décisif c'est que « l'intelligible n'existe pas en dehors de l'intellect », ainsi qu'il est dit dans la formule célèbre de Plotin. Quand à ceci s'ajoute aussi que Plotin affaiblit la relation entre le dieu créateur et le cosmos en laissant la création dans le temps être une expression au figuré, il est alors évident que non seulement Plotin a évité toute forme de dualisme ontologique mais de plus a mis en lumière un monisme basé sur l'intellect, c'est-à-dire, un monisme qui a ses prémisses dans la conception nominaliste de la connaissance de Plotin. Cependant il y a chez Plotin une tendance dualiste sur un autre point, c'est-à-dire dans la conception de la relation entre l'âme et le corps. Plotin conçoit la descente de l'âme vers le corps, la kathodos, de telle faç~n qu'il s'agit d'un réel dualisme. On le voit entre autres, lorsqu'il admet que quelques fois l'âme ne descend pas complètement vers le corps 255 ). Le corps peut être seul, ainsi que l'âme. C'est pourquoi Plotin peut ainsi aussi comprendre le Timée 36: le dieu a étendu l'âme autour du monde 156 ). Pour Plotin la question déci250) Le dernier passage est traité par SCHWYZER, Une interprétation plotinienne d'un passage du Timée, dans: Rhein. Mus. 84, 1935, 360-69. Cf. Budé, Actes 1954 p. 255-56. 251) Voir surtout chapitre 6 avec la relation au Timée 39. 252) Cf. Enn. II 5,5; 9,18 de plus V 1. 253) Enn. II 1,4; 9,3; III 2,1; IV 3,9 etc. Dans II 1,6 Plotin nie la pensée stoïcienne sur l'anapyrosis en renvoyant au Timée 31 et 56: Plotin n'accepte pas une ruine périodique et un nouveau commencement. 254) Enn. II 9,6. 255) Enn. IV 8,8. 256) Enn. V 1.
390 sive est la présence de l'âme dans le corps et dans le monde. Non seulement ceci est naturellement en contradiction formelle avec la pensée aristotélicienne, mais il n'y a pour ainsi dire rien dans la formulation de Plotin qui découle de Platon; c'est sans doute justifié quand Douillet suppose qu'il y a des traits orientaux dans la formule de Plotin 1167). Dans notre contexte et sur cet arrière-plan, il est d'autant plus important de remarquer que justement Jamblique repousse l'interprétation du kathodos de Plotin 168 ). Un commentaire continu de la main de PORPHYRE a existé, mais a été perdu. Cependant, de nombreux fragments ont survécu, en particulier chez Proclus; ils sont maintenant rassemblés et édités par Sodano qui a aussi écrit sur le commentaire du Timée par Porphyre 119 ). Le commentaire, avec son caractère de continuité, a été clairement orienté vers la philologie et a voulu être un véritable commentaire du texte de Platon. En plus, c'est un trait tout à fait fondamental du commentaire de Porphyre que, quant au contenu philosophique, le Timée a été interprété allégoriquement de sorte que Porphyre voit les recits de Platon comme des allégories avec un but éthique. Dans ce qui suit nous aurons bien des fois l'occasion de voir comment ceci se passe dans les détails, car Proclus, d'une même haleine, réfère à Jamblique et à Porphyre, et fait de nombreuses références. Sur de nombreux points, dans son commentaire du Timée, Jamblique a aussi eu égard au commentaire de Porphyre et se trouve de préférence en polémique avec lui. C'est pourquoi, nous n'étudierons pas ici de plus près le commentaire du Timée, par Porphyre, mais nous passerons à l'interprétation du Timée par Jamblique. b) Interprétation de Jamblique: le Timée comme oeuvre de philosophie de la nature
Jamblique, dans le plan fondamental de l'étude de Platon a dit qu'il concevait le dialogue du Timée comme une synthèse de toutes les réflexions philosophiques de Platon sur la nature 180 ). Ceci est de la plus grande signification non seulement pour l'interprétation du Timée par Jamblique mais aussi, pour sa compréhension de Platon, dans l'ensemble. Ce n'est pas très original de la part de Jamblique de conçevoir le Timée comme montre un dialogue « physique ». Déjà, l'ancien sous-titre du dialogue 7t&ptq>6cr&coç cette conception fondamentale, et nous avons indiqué ci-dessus qu'Aristote a compris le dialogue dans la même perspective181 }. Il y a lieu d'indiquer cette concordance entre les traditions de la première Académie et la tradition aristotélicienne parce qu'entre autres, elle correspond exactement à l'interprétation littérale d'Aristote. Mais aussi plus tard, nous trouvons l'expression de cette interprétation: aussi bien 257) Trad. de Plotin, I p. 361. 258) Voir là-dessus Bouillet, note sur le De anima de Jamblique dans la traduction de Plotin p. 630 note 6; p. 631 et p. 667. 259) Cf. introduction à l'édition des fragments, et de même, Grammatica e fi/o/ogia ne/ Commento di Porfirio al Timeo di Platone, dans: RFIC 92, 1964, 40--58. 260) Test. et fragm. n° 155. 261) Page 381.
391 Diogène Laërce qu' Albinos définissent ce dialogue comme un dialogue « physique »H 1). Sans aucun doute, Jamblique est d'accord avec l'interprétation du cercle de Gaius et il y a de bonnes raisons pour admettre avec Jaeger que nous avons ici un trait qui a aussi pu se trouver dans l'interprétation du Timée par Posidonius 181 ). Ce qui est particulier dans le cas de Jamblique, c'est qu'il a repris cette manière de considérer à un moment où elle n'était pas prédominante. Nous pouvons voir dans le commentaire du Timée par Proclus, que le prédécesseur de Jamblique, Porphyre, a eu une autre conception fondamentale du dialogue: il a pensé que nous sommes devant un dialogue «éthique», ce qui signifie que le dialogue devrait surtout viser vers la connaissance et l'attitude éthiques de sorte que ce qui est cosmologique devrait servir de matériel d'illustration et d'inspiration. Par là, l'interprétation de Porphyre a été allégorique. C'est ici que nous avons, entre Porphyre et Jamblique, une divergence fondamentale dans la conception du Timée. De même, nous voyons chez Proclus que Jamblique a dQ s'éloigner d'une autre interprétation, c'està-dire de l'interprétation mathématique qui veut voir seulement l'idée mathématique dans le dialogue mais non, par contre, ses perspectives cosmologiques dans une signification propre. Il est certain que nous avons ici une interprétation d'observance néo-pythagoricienne et il est intéressant de noter que Jamblique, malgré ses intérêts pythagoriciens marqués, puisse s'éloigner si nettement d'une interprétation mathématique de Platon aussi tendancieuse. C'est le rejet d'une interprétation éthico-allégorique et d'une interprétation mathématico-allégorique et la reprise d'une interprétation marquée par la perspective de la philosophie de la nature qui caractérise la contribution de Jamblique à la tradition du Timée. Son interprétation eut une influence considérable; nous la voyons dans toute son étendue chez Proclus qui souligne si fortement cet apport de Jamblique et le suit dans son vaste commentaire 184 }. Ce n'est pas par hasard que Proclus, dès l'introduction à son commentaire, expose de façon détaillée la conception de la nature de Platon comme une prémisse du dialogue 185 }. Jamblique a été convaincu qu'ici, la nature a été la véritable source de la pensée de Platon. Il va de soi que pour Jamblique cette conception a eu aussi une influence considérable sur son interprétation de la relation entre Platon et Aristote. Ceci doit être souligné parce que nous avons ici une des principales raisons de la conviction de Jamblique: il y a une concordance fondamentale entre Platon et Aristote 2811). c) Définition de l'intention du dialogue
Une reproduction explicite de la formulation de Jamblique du scopus du dialogue du Timée, n'a pas survécu jusqu'à nous. Mais nous avons des traités sur la question 262) Omo.LAERT. 3,60. ALBIN. Jsag. chap. 3. 263) a. JAEOER, Nemesios p. 117. a. aussi Plutarque, qui dans De anim. procr. p. 167,22 dit sur le dialogue du Timée: ôi..ov yàp ical nàv i:oouyypaµµa nepi ic6oµou yevfoeooç. 264) Voir par ex. test. et fragm. n° 205 et 244. 265) I p. 9,30--12,30. 266) Cf. les remarques pertinentes sur ce sujet chez MERLAN, From Platonism p. 63-64.
392 du scopus qui ne peuvent pas être indépendants de Jamblique, et nous avons un renseignement unique qui peut être mis plus directement en relation avec Jamblique. Dès l'introduction à son commentaire du Timée, Proclus traite la question du sujet du dialogue (xp63&ç (j)UCJtOÀ.oyEt Ka'tà 'tOÙÇ1tOÀ.À.OÙÇ vaù-rè>v-ru1tov)175 ). Plotin aurait dit de Longin, qu'il était bien philologue, mais non philosophe 179 ). En complet accord avec ce jugement, nous voyons Jamblique réagir contre Longin (test. exeg. n° 202). Ceci se passe à l'occasion de l'utilisation par Platon de trois mots et expressions différents pour« vieux»: àpxatov, 1taÀ.at6v,où vtov, au commencement du récit de Critias. Longin a vu la synonymie, la même chose se dit avec des mots différents. Jamblique renvoie à la réalité que définissent les mots, et fait remarquer la multiplicité exprimée par les expression de Platon. Si, de la part de Jamblique nous n'avons aucune interprétation de la place de l'Egypte dans le Timée, il ne néglige pas de remarquer la plus large perspective historique qui se trouve dans la remarque que les Grecs ne sont que des enfants (Tim. 22 a 4). Les Assyriens ne sont pas seulement un peuple beaucoup plus vieux que les Grecs, mais ils ont aussi conservé de nombreuses traditions anciennes dans leur discipline astrale (test. n° 204). Nous voyons ici comment Jamblique a trouvé chez Platon, la perspective historique universelle qui est une condition si importante pour De mysteriis Aegyptiorum. Le contraste entre l'interprétation éthique de Porphyre et l'interprétation physique de Jamblique apparaît à propos de la remarque dans 22 d, sur les dévastations périodiques (par le feu ou par les inondations) qui ont détruit le lien des Grecs avec la grandeur des temps anciens de leur histoire. Porphyre admet que par ceci le texte signifie la relation de l'âme avec son origine de sorte que ce qui est historique est utilisé comme une image de l'âme. Par contre, Jamblique a vu les dévastations dans une perspective physique réelle, comme les dévastations par le feu et l'eau, et il vient avec des observations physiques: pourquoi le feu dévaste-t-il des lieux élevés, tandis que l'eau.au contraire, ravage les régions basses (test. n° 205). Nous voyons ici comment, sans exagérer les interdépendances du dialogue, Jamblique maintient que la perspective du dialogue est la perspective physique. La même chose se passe avec le commentaire de 22 a 2 ss. où il est dit que l'Egypte n'est pas frappée par les mêmes dévastations que la Grèce parce que l'eau en Egypte vient « d'en bas » et non pas « d'en haut >►. Nous ne voyons pas ici directement l'interprétation éthique de Porphyre mais c'est 274) Platon dit lui-même que ceci est vrai, remarque Proclus en renvoyant à 20 d 8 (ln Plat. Tim. I p. 76,12-17). 275) Cf. test. n° 203, où il est parlé d'analogie. 276) PORPH. Vila Plot. 14.
397
probablement celle qui se trouve dans le propos de Porphyre mentionnant la tradition que le Nil a été considéré comme la « sueur de la terre»; c'est à celle-ci que fait allusion le prêtre égyptien chez Platon. Jamblique repousse ceci et déclare qu'il est tout simplement question des fameuses inondations du Nil, ou plutôt (pour éviter le thème des dévastations) de sa fluctuation (àvapacnç) (test. n° 206). Par conséquent, il nie que l'on doive chercher une origine déterminée de l'eau dont il est question, et remarque que l'on peut supposer que les masses d'eaux du Nil proviennent de pluies, plus au Sud, en Afrique. Quand l'Egypte a ainsi évité la destruction et la perte de traditions anciennes, la raison en est, dit Jamblique, la volonté de leurs dieux d'abord, ensuite, les conditions climatologiques. Cette combinaison étrange chez Jamblique, d'une perspective strictement physique et d'une perspective théologique doit être évidememnt comprise en pensant au texte de Platon 1177). Avec les De mysteriis Aegyptiorum à l'arrière-plan, il n'est pas étrange que Jamblique trouve l'occasion de commenter les remarques extrêmement anthropomorphiques du Timée 23 d 7 - e 2, au sujet d'une déesse ayant d'abord nourri et éduqué la communauté urbaine grecque et ayant reçu ensuite le soin de la communauté égyptienne. Une telle considération, prise strictement, signifierait que la déesse est définie par le lieu et le temps, et on pourrait aussi se demander si Athènes ne sera pas alors abandonnée par le divin quand la déesse s'occupera de l'Egypte. Comme dans le De myst. Aeg. Jamblique fait remarquer ici que le monde divin est éternel et que l'unique différence est une question de participation, changeante, au divin (test. n° 207). La question se voit du point de vue humain, d'« en bas »278 ). Dans Timée 24 a, le prêtre égyptien fait un parallèle entre les lois et les conditions sociales égyptiennes et les grecques. Les lois et conditions égyptiennes ressemblent sur beaucoup de points aux anciennes lois et conditions grecques, dit-il, en ce qu'il réfère à la situation particulière des prêtres, à la structure de la société en différents groupes: artisans, bergers, chasseurs, etc. Nous pouvons voir ici, remarque Proclus, une société encore plus spécialisée que celle esquissée par Socrate qui, lui, ne connaît que trois groupes 279 ). Mais, dans la suite de son étude d'interprétations antérieures, ce ne sont pas ces considérations qui prédominent. Ici, nous voyons qu'il existe une large unanimité dans la tradition d'interprétation, pour comprendre allégoriquement la structure sociale. Ainsi, Porphyre a compris la description comme un exposé exemplaire de la hiérarchie divine avec les démons et les archanges. Jamblique repousse cette allégorie religieuse et à tendance théologique (entre autres, en remarquant 277) Cf. Tim. 23 d 6-7, surtout l'emploi de ).ayxavro dont Jamblque se sert justement. Nous avons dans le commentaire de 23 e tout un contraste parallèle entre l'interprétation physique de Jamblique et l'interprétation éthique de Porphyre. Porphyre conçoit les périodes dont on parle comme les périodes de l'âme d'après Phèdre 248 d, tandis que Jamblique les comprend comme des périodes réelles, historiques (Test. n° 209). 278) Jamblique compare l'expression avec les y&vt9Àta 9&G>v, connus dans l'histoire de la religion, périodes du règne des dieux (cf. PLAT. Leg. 729 c et 879 d). Plus tard Proclus fait remarquer que de telles périodes sont un trait caractéristique des tcooµuca 9&ta &ÏOTJ, ce qui correspond à Jamblique (test. exeg. n° 208). 279) tè> q>UMllCÔV, tè> tmtcoUpljtllCÔV, tè> 9Tjt1KÔV (PROCL.op. cit. I p. 150,21 SS.).
398 qu'il n'est pas parlé d'archanges chez Platon), mais l'interprétation de Jamblique est aussi allégorique: il comprend la description considérée au point de vue cosmologique. Jamblique examine d'une façon extrêmement minutieuse (test. n° 210) comment les différentes classes sont les images des différents forces vitales du monde physique180).Il est aussi certain que c'est cette allégorisation qui fait que Jamblique considère l'» artisanat « comme une définition supérieure et une désignation commune des sous-groupes: /
TÔ VOµt:UTUC6V
-rô 6T)µt0opyuc6v" tô ST)p&tuc6v tô y&ropyuc6v C'est ainsi que l'image convieni. le mieux, mais il faut bien avouer que Proclus a raison de penser que c'est une manière un peu ambiguë de montrer la relation entre ce qui est politique et ce qui est cosmologique. Nous trouvons une allégorisation analogue dans le commentaire du récit (dans Tim. 24 b) où Athéna apprend d'abord aux Grecs puis aux Athéniens l'usage du bouclier et de la lance. Porphyre allégorise ici anthropologiquement: le bouclier est le corps, la lance est l'âme de la vie (SOµoç), Jamblique le fait physiquement: l'armement que donne Athéna symbolise les forces vitales qui agissent dans le monde physique (6uvciµstç). Jamblique souligne par là, comme si souvent dans De mysteriis Aegyptiorum, que ce n'est pas le divin qui subit des changements, et l'image doit être comprise ainsi: la lance représente le divin qui imprègne tout et est lui-même inchangé. Il s'agit de la manifestation divine dans le monde, et l'ordre établi par Athéna est une expression ou tout simplement une partie de l'organisation universelle divine du monde physique (test. n° 212). Par conséquent, ce pays qu'Athéna choisit pour les Athéniens, n'est pas seulement un évènement isolé, mais définit le véritable sol fécond de toute vie et de tous les hommes, la cause (divine) qui coule dans tout et qui est par suite la base et la source de tout (test. n° 215). Chez Platon, Athéna a deux attributions importantes: la guerre et la sagesse. Porphyre a compris ceci anthropologiquement comme les deux aspects de l'homme, Jamblique le comprend physiquement: la guerre est l'image de la nature immanente, désordonnée, la sagesse est celle de l'intelligible dans la structure du monde (test. n° 216). Nous pouvons voir dans Je commentaire au Timée 24 e 1 suiv., que Jamblique non seulement utilise pour son interprétation, d'autres allégories que celles de Porphyre, mais aussi que, par principe, il a une tendance à interpréter différemment et ne donne pas des allégories aussi simples que celles de Porphyre. Le passage du Timée 24 e 1 ss. raconte comment Athéna a gagné la guerre et a soumis de fortes puissances à la fois en Europe et en Asie. Porphyre comprend ceci comme une image de la lutte entre les démons et l'âme. Jamblique repousse cette interprétation (test. n° 217). Mais il ressort de la reproduction de Proclus que Jamblique non seulement utilise d'autres images de caractère physique (Porphyre n'en dit absolument rien 280) Dans test. n° 211 les prêtres représentent pourtant la partie supérieure divine de la hi6rarchie de l'être.
399 à cet endroit), mais critique l'interprétation partielle utilisée par Porphyre et caractérisée chez Proclus par l'expression µ&puccôt&povàvnÀ.aµ~avtcr&m tfjç àvaÀ.ucr&roç (test. n° 218). Jamblique est orienté vers une interprétation qui vise l'ensemble. A ceci s'ajoute que Jamblique, ici aussi, veut comprendre ce qui est dit, à l'intérieur de l'horizon de la perception des choses sensibles, c'est-à-dire physico-historiques, car il est convaincu qu'il s'agit, dans le dialogue, de quelque chose qui apparaît dans cet horizon. Jamblique interprète, comme dit Proclus icatà tô q,mv6µ&vov(ibid.). Ainsi, nous nous rapprochons d'une interprétation qui ne voit pas seulement ce qui est dit comme des images de quelque chose d'autre, mais bien plutôt comme quelque chose qui participe à un plus grand ensemble, d'où il faut comprendre: la guerre n'est pas seulement l'image d'une lutte mais elle est aussi une partie d'une lutte de forces cosmiques. C'est ce contexte que perd de vue l'analyse partielle de Porphyre. La prise de position de Jamblique, envers l'allégorisation de Porphyre, correspond évidemment à sa conception générale: il est nécessaire de comprendre à partir de l'ensemble. Dans l'exégèse, elle correspond à cette façon de procéder que nous avons rencontrée auparavant chez Jamblique et qui consiste,au cours du commentaire du texte, à s'arrêter et à considérer le texte dans un plus grand contexte, à le considérer dans une &trop{a. Cette correspondance nous est confirmée quand Proclus termine son étude du récit de Critias par une theoria, au sujet de laquelle il renvoie immédiatement à Jamblique (test. exeg. n° 219). Cette theoria est expliquée en relation avec l'affirmation de Critias que ce qu'il a raconté est vrai parce qu'il n'oublie pas dans la vieillesse ce qu'il a appris étant enfant. Jamblique a souligné ici le rapport entre le processus d'assimilation de l'enfant et les lois physiques générales. Il y est dit que les mots entendus par Critias ont été créateurs et ainsi les causes cosmiques et toute la perspective cosmique deviennent prépondérantes. Cette theoria d'ensemble comprend alors l'interprétation de base du Timée par Jamblique, en tant que dialogue physique en même temps que sa définition du scopus orientée par le mot créateur. Dans l' Antiquité, on a discuté si le passage 17 a 4 - 27 a 1 appartient ou non au dialogue du Timée. Proclus a référé certains points de vue principaux. Pour Porphyre et Jamblique l'affaire était claire: le passage appartient au dialogue. Mais leurs raisons ont à nouveau été différentes. Proclus critique aussi ici Porphyre pour avoir trop vu chaque partie, séparément dans le texte, tandis que Jamblique a compris la relation avec les yeux de l'initié (test. n° 220)181 ). 281) Proclus ne nous dit pas directement, comment Jamblique a compris la relation, mais il est très vraisemblable que Proclus suit Jamblique quand (p. 205 s.) il caractérise le rapport entre l'introduction et la partie principale de cette façon: les deux parties de l'introduction, à savoir la récapitulation de la pensée politique de Socrate et le récit de Critias sur Atlantide, répondent la première, à l'ordre entier de l'espace céleste, à son organisation et à sa beauté (TlîOOoùpavoO 6iaK6crµl]cnç)tandis que la guerre contre Atlantide correspond à la collision qui a lieu dans le cosmos et qui est décisive pour son développement (Tltcocrµttct'ltvavtirocrtç). Proclus parle à cc propos de 6ovaµ&1çtout à fait comme Jamblique (cf. ci-dessus).
400 e) Commentaires au Timée 27 c l - 29 d 3
Après le résumé de Socrate et le récit de Critias, Timée devra donner sa contribution, car il est le meilleur astronome et celui qui a le plus étudié la nature; il commencera avec la genèse du monde et terminera avec la nature de l'homme 182 ). Timée accepte l'exhortation de Socrate de commencer comme le veulent les usages par une prière et déclare qu'elle est tout particulièrement nécessaire à ceux qui doivent s'attaquer à un sujet aussi difficile. Ensuite, il donne une esquisse des notions les plus importantes, nécessaires au traitement du sujet, et cette esquisse forme le proème de son exposé (Tim. 27 c 1 - 29 d 3)183 ). Proclus donne une référence circonstanciée du commentaire de Porphyre au sujet des remarques sur la prière 2 u). Porphyre étudie les opinions ayant existé précédemment au sujet de la prière, allant d'un point de vue positif à un point de vue négatif (chez les athéistes), et il dit que des philosophes de tout premier ordre ont toujours eu un rapport étroit avec la prière. Jamblique repousse une supputation aussi ordinaire comme commentaire du passage (test. n° 221). Dans ce cas, il n'y a aucune raison de citer les athéistes, par exemple, car Platon suppose ici des hommes de raison pour lesquels la prière est une chose acquise 285 ). Par conséquent, d'après Jamblique, nous devons voir bien plus dans la perspective du texte, à quel grand sujet nous amène ici la prière, c'est-à-dire, nous devons voir la puissance et la signification de la prière, son sommet idéal et sa plénitude, en même temps que l'espoir qui se trouve en elle. dans Timée 27 c 4: 1e&pi-rot>1eavràç Â.6youç 1eot&iQu'y a-t-il dans le petit mot 1C1J µÉÂ.Â.ovraç?Certains exégètes de l'Antiquité ont voulu l'attacher au mot suicrSai 1C1J vant fi, Jamblique, par contre, l'attache comme restrictif à 1eavràç, car au sens strict, il n'est pas question d'un traitement pur et simple du tout; par exemple, la matière non formée ne sera pas traitée bien qu'elle appartienne au « tout » (test. n° 222), Proclus va beaucoup plus loin et veut voir dans le mot une allusion aux différentes manières de procéder 286 ). Cependant, le plus important est l'interprétation de ce qui suit immédiatement où le commentaire antique a discuté comment spiritus avec T) doit être compris dans le passage 27 c 5: T) ytyov&v 11,cai ày&vtç tmtv. Certains exégètes ont admis spiritus asper dans le premier cas, dit Proclus, et /enis dans le second cas (comme le manuscrit A); d'autres ont admis spiritus asper aux deux endroits (fi ... fi ..). Par contre, Porphyre et Jamblique ont admis lenis aux deux endroits (comme nos manuscrits F et Y): f\...f\... (test. n° 223). Pa1 là, l'expression devient une parenthèse et la pointe de cette interprétation doit être que l'examen qui va commencer n'est pas exclusivement compris comme une investigation du monde 282) Tim. 27a3-6: Ëooçi:v yàp iiµîv Tiµmov µtv, litE 6vta àatpovoµtKtepov fiµébv Kai itEpi ç Eiotvm µaÀ.l'fflt;toi} KÔCJµouYEVÉCJEWÇ, tEÂ.EUtéivot tiç àv3pmov vS&tov (test. n° 228). De sorte qu'ici, nous avons déjà rendu évident que Jamblique n'admet pas une genèse du monde dans le temps, mais pense que le temps, d'après Platon, est créé avec le reste du monde. L'altérabilité et la complexité sont, pour Jamblique, les traits caractéristiques de ce monde considéré par Timée, chez Platon 189). Timée a différencié entre ce qui est toujours et ce qui devient. Pour la connaissance, cette différenciation signifie une différenciation entre ce que nous pouvons savoir, au sens propre, et ce au sujet duquel nous ne pouvons avoir qu'une opinion vraisemblable (La question scientifique de la nature dans le dialogue du Timée appartient à ce dernier plan). C'est peut-être à ceci que fait allusion un propos de Jamblique, référé par Proclus, et dans lequel Jamblique a remarqué que la clarté (dans l'exposé et la connaissance) est méritoire pour autant qu'elle correspond au savoir, c'est-à-dire au caractère du sujet 190). Ce n'est pas peu de chose que de trouver le Créateur et le Père de tout, dit Timée (28 e 3-5) et si on l'a trouvé, ce sera impossible de le dire à tous. Proclus réfère à de nombreux commentateurs antiques de ce passage. Pour nous, il y a lieu de remarquer que, tandis que de nombreux commentateurs ont, dans l'Antiquité, utilisé cet endroit comme l'occasion d'expliquer la multiplicité de la divinité (Proclus lui-même essaie de différencier entre le Créateur et le Père), Jamblique, lui, a une interprétation clairement monothéiste. Ce Créateur et Père, dont il est ici question, est celui qui tient dans sa main tout ce qui est au sens propre, le principe de ce qui arrive, les modèles intelligibles du monde, et les causes de ce qui arrive dans la nature (fragm. n° 229). Jamblique s'éloigne par là de Porphyre qui a essayé d'identifier le dieu créateur avec l'Ame du monde, en contradiction avec Plotin, dit Jambliquel 91). Jamblique comprend lui-même le Créateur et le Père comme celui qui synthétise les événements physiques et les relations causales qui sont déroulées dans le dialogue du Timée, bref tout le monde de la nature. Le dieu créateur est comme l'artisan ou l'artiste qui modèle sa matière. Ce n'est pas sans raison qu'il est appelé chez Platon 611µ1oupy6ç.Mais, de même que l'artisan ou l'artiste a un modèle devant ses yeux intérieurs, une Idée, d'après laquelle il crée, de même le dieu créateur a aussi un modèle pour sa tâche de création et ce modèle 1tapét6&1yµaest ce qui est éternel (Tim.28 a 6 et 29 a 3). Par ce qui est éternel Jamblique comprend l'étant comme tel (to ov ô1t&p ov) et il ajoute que l'unicité y est transcendante (test. n° 231). Par là, Jamblique renoue la relation avec le dialogue du Parménide. Quant au Timée il est cependant capital que tout le monde physique, avec ses nombreuses relations causales soit synthétisé dans le Dieu Créateur qui le modèle et le dirige (Test. n° 232). 289) Dans une large mesure, Proclus a assumé cette interprétation de Jamblique. Taylor donne un aperçu de l'interprétation de Proclus dans A Commentary p. 68 note 1. 290) PROCL.ln Plat. Tim. I p. 290,13-14: i:o -yàp omptç i:iµ16v ton, q>floiv'laµl3Â.1xoc;,ôi:av obc&tov npoc; tmai:tiµflv. Cette citation provient sans doute d'un autre contexte que le commentaire du Timée. 291) On ne voit pas clairement à quoi Jamblique renvoie précisément. Mais cf. Enn. 3,9,1 ou Plotin repousse une interprétation (du Tim. 39e), qui admet une subdivision des hypostases supérieures dans la hiérachie de l'être, subdivision trop minutieuse à son avis.
u
403 f) Commentaires au Timée 29 d 7 ss.
à29d7-30cl: Le Dieu Créateur reprend un monde en mouvement, un monde qui se meut sans ordre et sans harmonie. Il apporte l'ordre dans ce désordre, crée le cosmos à partir du chaos (Tim. 30 a). Ce fut cette description du Timée qui amena Plutarque à admettre qu'il devait donc se trouver deux principes indépendants dans le monde: le Mal et le Bien191 ). Porphyre et Jamblique s'opposent fortement à une telle interprétation (test. exeg. n° 233). Elle signifierait justement que le désordonné eOt la priorité dans le monde aux dépens de l'ordonné, de plus que le rationel dOt céder la place fondamentale à l'irrationel et dOt se trouver au deuxième rang dans son effort d'apporter l'ordre et la rationalité au monde. Par suite, le Bien dans le monde serait aussi affecté. Porphyre et Jamblique pensent que Platon a beaucoup plus voulu montrer la providence et la présence et l'impulsion de l'esprit partout dans le monde, il a voulu montrer comment est le monde corporel quand il est abandonné à soi-même, et comment il est, grâce à la providence du démiurge. Ce qui ici, mérite en particulier notre attention est la remarque qu'en quelque sorte Platon considère d'une part la nature du monde matériel en soi-même {1toiav µtv 'tÔ acoµa'tO&t6tç1eaS' aO'tÔ q>uov,qui en réalité, comprend « le système complet des formes ou ei611» (Taylor), pourquoi donc commencer par repousser &l6oç? D'une autre, l'expression même « l'eidos du partiel » est en soi une contradiction, puisque eidos est toujours une entité. Jamblique a pensé que nous sommes en face d'une expression au figuré et a peut-être de plus proposé le changement de texte suivant: tv µtpouç ci>çtv &i6&t(test. n° 237)197). Le trait caractéristique de ce problème est que l'on considère comme allant de soi que le mot eidos est utilisé dans un sens spécüiquement philosophico-technique; et c'est cette fausse prémisse qui provoque les difficultés. Mais nous voyons par là, non seulement comment le texte a été lu philosophiquement mais aussi comment le texte a été lu avec un appareil de concepts philosophiques scolaires, appareil qui a pu arrêter la compréhension. A ce sujet, Jamblique n'a pas été libéré de cet appareil mais, dans son cadre, il a expliqué que le texte ne parle pas ici de l'idée platonicienne. Proclus est le premier chez qui nous rencontrons une exégèse plus simple du passage: tv µtpouç &i6&tdit-il, signifie tv µtpouç 't'âç&t. L'exégèse néo-platonicienne du passage qui suit immédiatement, a exactement les mêmes faiblesses. Il est dit ici, que le modèle du démiurge bien plutôt (que d'être le partiel) doit être ce auquel participent tous les autres êtres vivants « à la fois individuellement et en groupes»: teaS' lv teai tea't'à 'Y&Vl'I(Tim. 30 c 6). Aussi bien le concept de l'unité que le concept de genre devaient inévitablement, à partir de la tradition scolaire, donner lieu à une sur-interprétation en accord avec la terminologie philosophique. Proclus réfère à une tradition évidemment ancienne sur l'être vivant intelligible comprenant quatre î6tm c'est-à-dire le point, la ligne, la surface et le volume, et de plus, les classifications en genres semblent avoir eu le plus grand intérêt pour le commentaire. Par contre, Jamblique s'intéresse principalement au concept de l'unité et il constate que l'unité se place avant genos, ce qu'il comprend comme une structure de principe universelle: l'unité n'est pas la somme de parties, mais leur prémisse, l'unité n'est pas non plus seulement une prédication commune aux parties mais, inversement, elle est la cause et le principe des parties multiples. Ainsi Jamblique va très loin dans l'interprétation philosophique d'une seule expression linguistique. Quoi que nous veuillons en dire, nous pouvons accepter que le point de départ n'est pas incorrect. Car on peut difficilement nier qu'ici, Platon, en utilisant une telle expression linguistique, dévoile comment il comprend la relation entre l'unité et la multiplicité. Atticus a soulevé la question de savoir si le démiurge était parmi les êtres vivants qui sont contenus dans l'être intelligible, le aù't'6Çq>ov.Si c'était le cas, le démiurge 297) Nous ne pouvons pas savoir avec certitude, d'après le texte de Proclus, si Jamblique a proposé un changement du texte ou, s"il a seulement voulu comprendre le texte de la facon indiquée.
406 ne serait-il pas imparfait? mais, si non, « l'être intelligible» ne comprendrait-il pas tous les êtres intelligibles? Il arrive au résultat que l'on doit placer le démiurge au-dessusdu aô't«Sl;cpov;au contraire, Porphyre a voulu placer le démiurge plus bas, à proximité immédiate de l'intelligible en concordance avec son interprétation du démiurge comme wuxiJ.Jamblique, dit Proclus, a pris un chemin intermédiaire (test. n° 239). Il conçoit la relation entre le démiurge et paradeigmacomme analogue à la relation entre l'intellect (voOç) et l'intelligible {VOTJ't6v) - ce qui correspond à l'interprétation du démiurge comme voOç. Par suite, Jamblique évite la tendance à une interprétation panthéiste qui se trouve dans les autres interprétations: le démiurge se trouve à l'extérieur de la hiérarchie ontologique. Dans son exposé, Timée va plus loin en demandant s'il y a un ou plusieurs mondes - le monde d'ici, comme aussi d'ailleurs, compris comme le système planétaire (Tim. 31 a). Il conclut qu'il n'y a qu'un monde et ni deux ni un nombre infini de mondes. Dans l'Antiquité, l'analyse détaillée du texte s'est ici étonnée de la division ternaire de la formulation de la question et de la réponse; il est dit d'abord: « y-a-t-il un ou plusieurs ou un nombre infini? » puis la réponse: « il y a un, et ni deux, ni un nombre infini ». Plusieurs exégètes ont pensé qu'il s'agit ici d'une expression explétive et que le texte, en fait, veut dire seulement qu'il y a deux possibilités: un seul monde ou de nombreux mondes. Porphyre et Jamblique ont par contre maintenu qu'il y a une signification dans la division ternaire, et que par conséquent, celle-ci doit être prise littéralement (test. n° 240). On doit remarquer ce maintien aux mots précis du texte mais les sources ne nous renseignent pas suffisamment sur la manière dont Jamblique a voulu expliquer la teneur du texte 298 ). Quelle raison scientifique y a-t-il maintenant pour accepter la conception de Timée, c'est-à-dire: qu'il n'existe qu'un seul monde? Porphyre soulève ici cette question: pourquoi ne peut-il pas y avoir plusieurs mondes de la même manière qu'il y a beaucoup d'hommes, car beaucoup d'hommes ne signifie pas qu'il y ait plusieurs formes pour les hommes? Il trouve la réponse dans le fait que les hommes sont mortels, tandis que le soleil est impérissable. Ainsi le soleil est un maillon d'un ordre éternel et cet ordre doit être le seul ordre qui exprime le modèle unique. Jamblique repousse l'interprétation de Porphyre, et voit la solution dans une considération beaucoup plus métaphysique (test n° 241). Pour tout le monde sensible, dit Jamblique, vaut le paradoxe que l'indivisible est divisé, que l'inséparable est séparé, que l'unité est dans une multiplicité. Jamblique voit cette structure ontologique exposée dans le Philèbe; le limité et l'illimité impliquent deux principes d'où il s'ensuit qu'aussi bien l'unité que le nombre « deux » deviennent les principes de la structure du monde sensible. Dans l'analogie qui suit, il y a aussi des « formes » qui sont caractérisées par l'identité (par 'taôt6tTJÇ),et par la stabilité {crto:c:nç),d'autres sont caractérisées par le mouvement et la différence; les premières sont les causes de l'unicité et de l'éternité, les autres sont les causes du mouvement et de la complexité. Les dieux mêmes sont 298) Les Néo-platoniciens semblent ne pas avoir deviné que la formulation pourrait avoir son origine dans les considérations cosmologiques des Pré-socratiques.
407 caractérisés par cette structure. Ils peuvent être caractérisés d'une part à partir de l'ensemble, ce qui signifie providence, cohésion et création, d'autre part, à partir des parties, ce qui signifie une genèse procréatrice et reproductice (au contraire de la création modélatrice) concevant à l'infini 199 ). Jamblique dépasse ici l'horizon physique et cosmologique du texte et dévoile un examen philosophique et scientifique s'appuyant sur le Philèbe. C'est un avantage pour autant que Jamblique évite de restreindre le sens du texte comme étant l'admission d'un seul et unique système solaire. En fin de compte ce n'est pas la véritable intention de Platon de dire qu'il n'y a qu'un seul système solaire. Ce qui le préoccupe est l'unité 300 ). à 31 b 4 - 32 c 4:
Dans ce passage, Timée traite de l'édification du monde avec les quatre éléments. Les deux premiers sont le feu et la terre, car Timée prend son point de départ dans le monde physique, que nous pouvons en partie voir, en partie toucher. La condition pour cette expérience sensible est d'abord le feu sans lequel rien ne pourrait être vu, s'il est absolument isolé du feu comme source de lumière. D'autre part, on suppose un élément solide, la terre, parce qu'aucune expérience sensible n'a lieu à moins qu'il n'y ait une résistance d'un corps solide. Le commentaire de Jamblique est d'un grand intérêt pour la théorie de l'épistémologie (test. n° 242). La question a été posée de savoir si, dans la connaissance sensible, nous ne reconnaissons pas, en même temps que le purement sensible, quelque chose d'immatériel, c'est-à-dire les formes et les qualités immanentes(quand nous procédons comme Timée). Il a semblé remarquable que par la sensation nous devions connaître quelque chose de spirituel, et que les formes de qualités immatérielles soient unies à tel point au signe corporel, que, pour ainsi dire, elles en viennent à appartenir au périssable et au muable. Jamblique confirme qu'il y a en fait cette interdépendance entre la connaissance sensible et la connaissance spirituelle. Cela repose sur le fait, dit-il, que la forme et les qualités apparaissent dans et avec l'objet, en tant qu'objet et en tant qu'objet physique. Jamblique évite ainsi un dualisme vulgaire dans la relation de forme à matière, et, bien plus, il rassemble la forme et la matière dans une perspective toute aristotélicienne. Par suite et par conséquent il maintient l'unité de la connaissance: la connaissance a Heu, qu'elle ait le physique ou le spirituel 299) Nous pouvons comparer avec la scholie de la p. 11,9 ss. chez Proclus (édition de Diehls p. 459), où nous lisons que Jamblique a admis que l'âme est créée par une déesse. - Il est très douteux que ceci soit pris dans le commentaire du Timée de Jamblique, c'est pourquoi nous ne le prenons pas parmi les testimonia. Il n'y a aucune raison de croire que Jamblique n'est pas conscient de ses expressions antropomorphiques. 300) a. la remarque de Taylor (p. 85): « It is in many ways unfortunate that Plato should have confused the principle of the « uniformity » of nature with the assertion that there is only one « stellar system »». Taylor dit à propos de la pensée de Platon (ibid.): « I suppose that what is really meant is that there is thorough-going interconnexion between ail the parts that make up « nature »».
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comme objet, par les mêmes sens et dans les mêmes conditions épistémologiques. Ainsi Jamblique ne partage pas l'opinion d'époques ultérieures où on différencie nettement entre la connaissance de qualités primaires et secondaires. Les qualités secondaires comme par ex. les couleurs, se trouvent être tout comme les primaires (par ex. la grandeur) à l'intérieur de la connaissance objective. Il n'est pas douteux que par là Jamblique a compris correctement la pensée de Platon 301). A partir de considérations mathématiques Timée essaie en particulier de prouver qu'entre les deux premiers éléments le feu et la terre, s'en trouvent deux autres qui les réunissent. Si les deux éléments, le feu et la terre doivent vraiment être rassemblés, dit Timée, il doit y avoir quelque chose d'intermédiaire pour les réunir. Un intermédiaire serait suffisant, poursuit Timée, s'il est question de relation à deux dimensions. Mais il est question de relations à trois dimensions dans le monde sensible, et par conséquent il doit y avoir nécessairement deux intermédiaires entre la terre et le feu, c'est-à-dire que la physique ancienne a euraison d'admettre quatre éléments et d'ajouter l'eau et l'air, au feu et à la terre. Il ressort du traité de Proclus, que la plus grande partie du commentaire de ce passage a été de caractère mathématique, c'est-à-dire a consisté en des analyses approfondies des relations mathématiques qui sont à la base du traitement de Timée301).En plus de la raison mathématique, Jamblique s'est occupé de la raison physique - ce que les autres ont oublié, dit Proclus (test. n° 244). Jamblique fait justement remarquer que les relations mathématico-géométriques qui ont pour effet que le hi-dimensionnel exige un intermédiaire, que le tri-dimensionnel exige deux intermédiaires de liaison, ne valent pas seulement mathématiquement mais peuvent aussi se retrouver dans des relations physiques dans un sens plus largement philosophique. Il présente plusieurs relations parallèles comme illustration. Ainsi, d'après Jamblique, à la surface géométrique qui est hi-dimensionnelle, répondent les choses simples tandis que les choses complexes correspondent aux tri-dimensionnelles (cube). De même est le rapport entre la partie et le tout, une partie en tant que partie aura une dimension de moins que le tout, parce que le tout a les dimensions des parties et en plus est un tout par rapport aux parties. Ensuite par exemple, la pesanteur est définie par deux dimensions en direction vers le centre de la terre, mais le corps, soumis à la pesanteur, a en plus une dimension par rapport aux autres corps, c'est-à-dire est aussi défini tri-dimensionnellement dans la considération physique. De même aussi est le rapport entre les formes immanentes et les corps qui possèdent ces formes. Une forme, dans un corps donné, répond exactement à la figure géométrique à deux dimensions, parce que dans les deux cas il est question d'un contour, tandis que le corps qui a la forme, grâce à sa place dans l'espace, a une dimension supplémentaire. Il y a tout lieu de considérer l'exégèse de Jamblique de ce passage comme l'une de ses exégèsesles plus importantes du dialogue du Timée. Nous ne devons pas oublier 301) Cf. TAYLOR, A Commentary p. 90 ss. 302) Cf. à ce propos TAYLOR, op.dt. ad loc.
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que beaucoup d'excellents commentaires de la main de Jamblique peuvent avoir été perdus. Ici Jamblique, avec le commentaire du Timée, se trouve être à la hauteur de ses meilleurs commentaires des Catégories, commentaires qui laissent mieux voir que le commentaire du Timée son exégèse avancée. A cet endroit-ci, nous voyons l'indépendance de Jamblique: il a approfondi le commentaire qu'il avait en mains, mais il a justement élargi sa perspective. Ceci est d'autant plus remarquable que nous connaissons parfaitement les intérêts mathématiques et pythagoriciens de Jamblique, intérêts qui auraient pu l'amener facilement à ne pas dépasser l'exégèse traditionnelle de cet endroit du Timée. Quand, cependant, Jamblique a pu voir plus loin, nous devons le comprendre en relation avec sa conception fondamentale du dialogue comme étant un dialogue physique, et son commentaire montre par conséquent avec quelle logique il travaille. A cet endroit il est d'importance particulière pour le commentaire, de prendre en considération le physique et de ne pas faire, de tout le paragraphe, des réflexions uniquement mathématiques. Sans les considérations physiques de Jamblique nous ne pourrions pas comprendre correctement ce passage du Timée. Justement il ressort clairement du texte que Timée pense vraiment aux relations physiques dès le début du passage, et c'est évidemment, précisement les choses que nomme Timée, que Jamblique utilise dans son commentaire illustratif (c5yicotet 6ovaµttç dans 31 c 4-5). Il ressort aussi clairement du texte platonicien que, lorsque Timée arrive aux trois dimensions (32 a 2) c'est qu'il a eu pour but les trois est tri-dimensionnel303). dimensions, parce que le Tout, 'tO'tOO1tavtàç KÂ.q> Jamblique a pensé qu'il était question d'un mouvement double dont une partie se ramène au corporel et •l'autre au mouvement de l'âme (test. exeg. n° 249). A part que dans le contexte, la genèse de l'âme est rattachée au mouvement du corps du monde, nous ne pouvons pas dire qu'avec cette exégèse Jamblique ait touché quelque chose d'essentiel889 ). Nous arrivons ensuite à ce passage du Timée que Taylor a appelé « the most perplexing and difficult passage of the whole dialogue»: 35 a 1-37 c, sur la genèse de l'âme, wuxoyovia. A partir des deux formes ontologiques dont l'une est indivisée et toujours identique à elle-même, l'autre divisée et altérable par rapport au corporel, le démiurge obtient une troisième forme ontologique qui est la base de la formation de l'âme. Dans son commentaire à ce point, Jamblique appuie sur deux choses. La première: la position intermédiaire de l'âme, en ce qu'il ne voit pas tellement l'âme comme un mélange des deux premières formes ontologiques citées, mais il souligne que l'âme est simultanément libérée du corporel et lui est attribuée (le corporel est seul « mixtum » au sens propre) (test. n° 250). La deuxième: cette âme dont il est ici question, 'l'UXTJ•Ici nous devons évidemment est l'âme «supra-cosmique»: ô1ttpK6CJµtoc; comprendre que Jamblique interprète à nouveau le Timée dans la perspective cosmologique: ce n'est pas l'âme dans une perspective anthropologique qui est le sujet, mais au contraire l' Ame du Monde (test. n° 251)818). Le démiurge continue sa construction de l'âme en prenant des parties de la forme unique qui résulte maintenant d'un assemblage des trois formes ontologiques. Il prend d'abord une partie, puis en série six autres encore, de sorte que la proportion entre elles est la suivante: l-2-3-4-9-8-27811 ). Que signifie ceci? Dans la tradition antique, la proportion de sept nombres était interprétée de manières différentes, la plupart allégoriques. Ces nombres sont ainsi mis en relation avec les sept sphères célestes, éventuellement en combinaison avec leurs distances relatives au centre de la terre, éventuellement en combinaison avec la question des vitesses relatives des 309) A bon droit TAYLOR dit:« Ali that has been insisted on is that « imparted motion» is always dependent on internally initiated movement » (A Commentary p. 105 ad 34 b 10-c 6). 310) Cf. là-dessus TAYLOR, op.cil. p. 109. 311) A comprendre comme deux groupes de quatre: 1-2-4--8- et 1-3-9-27 traditionellement rendu par la figure de lambda: l
2 3
4 8
9 27
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sphères. Proclus, qui réfère à ces interprétations, les repousse en tenant compte qu'il n'est pas question ici de cosmogonie mais de psychogonie. Amélius a interprété la suite de nombres comme l'hiérarchie ontologique des êtres divins et vivants, de sorte que les dieux correspondent à l'unité, les démons à 2 et 3, les hommes à 4 et 9, et les êtres vivants irrationnels à 8 et 27. Porphyre a compris les nombres en relation avec la théorie pythagoricienne de la musique (la gamme diatonique) 812 ). Proclus repousse d'une part, que ces nombres doivent être seulement compris mathématiquement, d'autre part, qu'il soit question à cet endroit de cosmogonie. Il n'en souhaite pas moins que les nombres soient compris «physiquement» et « philosophiquement » et il est vraisemblable qu'en souhaitant ceci il ait Jamblique comme prémisse. Cependant, l'interprétation de Jamblique doit, peut-être, être plutôt appétée ontologique que « physique », mais il se peut fort bien que c'est cette interprétation de Jamblique, que Proclus considère comme la meilleure. Jamblique examine l'importance et la signification de chaque nombre pour la structure universelle (test. n° 252). L'unité est la cause de l'identité ('taùt6tTJÇ)et de toute formation d'entité (ëvrocnç).La dualité est décisive pour les progressions (1tp60Sot) et pour la possibilité de différenciation (6taicptcnç). Jamblique pense évidemment ici, aussi bien ontologiquement qu'épistémologiquement. La triade désigne un retour au point de départ (parce que la dyade précédente reprend l'unicité. Quatre contient tous les nombres précédents et est soi-même complètement harmonique (puisque c'est un nombre carré). Neuf est la base de la perfection véritable (cf. c'est un nombre carré) et de l'égalité; neuf participe à l'identité puisque (par 3) il est en famille avec un. Huit est (ainsi que sa racine cubique 2) cause de progression et enfin vingt-sept est cause d'un retour (êmcrtpocpt'l)(ce nombre est le cube parfait de 3). Il faut faire deux remarques au sujet de cette interprétation. La première est que Jamblique évite d'allégoriser dans un sens traditionnel au sujet des nombres et les explique dans une perspective ontologique. Il est inévitable de ne pas comparer ceci avec la conception pythagoricienne selon laquelle l'univers non seulement ressemble à des nombres mais est nombres 318 ). La deuxième remarque est que le propos de Proclus sur la nécessité d'une interprétation « physique » peut se rapporter à l'interprétation de Jamblique et que, par conséquent, cette interprétation donnée par Jamblique doit être comprise comme se rapportant à l'univers réel, « physique ». Il se montre que les parties que le démiurge a rassemblées (des parties brisées sont insérées entre les sept premières) doivent être conçues comme un « faisceau allongé». Car, après la formation, elles se séparent en deux moitiés formées comme des javelles, posées l'une sur l'autre, en forme d'un chi, avec les bras en angle droit. Les quatre extrémités de cette croix se recourbent et se rencontrent en un point, de sorte qu'il se forme deux cercles, dont les plans sont à angles droits. - Jamblique 312) PRocL. ln Plat. Tim. II p. 212 ss. Nous trouvons dans l'introduction de Théon une interprétation plus mathématique de ces nombres (p. 94-96). 313) Cf. TAYLOR,op.cil. p. 132 medio.
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a interprété ceci en ce que le faisceau formé en bâton qui se divise, est l'unique âme du monde, d'après laquelle se forment toutes les âmes (test. n° 253). A cette unité, le démiurge ajoute la dualité par la scission et c'est ainsi qu'apparaît la dualité dans le monde; c'est par ailleurs la même dualité qui se trouve dans le monde des dieux, dans la relation entre l'unique dieu primordial et les dieux secondaires. Quand le centre de la croix est maintenu après la formation des cercles, Jamblique y voit une allusion au fait que la dualité dans l'univers ne supprime pas l'unité principale, mais au contraire que l'unité est toujours la prémisse de la dualité. Ce qui doit nous manquer en particulier, dans ces remarques de la part de Jamblique, est une relation avec la perspective astronomique qui, bien entendu, se trouve maintenant dans le texte. Les deux cercles qui ont fait leur apparition ne sont pas immobiles, mais se meuvent de la même manière et en relation avec le même centre. Avant Jamblique, l'exégèse a compris ce mouvement comme le mouvement caractéristique de l'âme. Mais Proclus félicite Jamblique d'avoir rompu avec cette tradition (test. n° 254). Il est justement question ici, dit Proclus, d'un mouvement perpétuel (ldvricnç à&udvritoç) tandis que le mouvement de l'âme est plutôt caractérisé par l'autocinésie (aùtoldv11toç). C'est pourquoi, d'après la conception de Proclus, Jamblique doit avoir raison quand il dit que le mouvement auquel nous sommes arrivés ici est d'un caractère plus intelligible, c'est-à-dire, a une relation plus étroite avec voOç. Le résultat final de la création est bien un être vivant, qui participe aussi bien de l'âme que de l'esprit (nous) et c'est cette dernière participation qui s'exprime par le mouvement, à cet endroit de l'exposé. Abstraction faite que l'entité dans et avec les deux cercles représente l'âme du monde, Jamblique comprend les deux cercles mêmes comme l'expression primordiale, non de l'âme, mais de nous en partie dans sa pureté, en partie dans sa combinaison avec l'âme (test. n° 255). Comment Jamblique a rattaché ceci avec le propos précédent sur I'Ame du monde (test. n° 253) ne ressort pas tout à fait clairement des témoignages, mais sa pensée est évidemment de souligner l'intelligible comme la condition permanente et la plus élevée du cosmos, non seulement dans un sens immanent, mais dans un sens aussi bien transcendant qu'immanent. Comment Jamblique est-il arrivé à cette interprétation des deux cercles du Timée 36 c? Il n'est pas douteux que c'est le résultat des remarques du texte: que l'identité {taùt6t11ç) est la caractéristique du cercle « extérieur », tandis que la diversité (tt&p6t11ç)est caractéristique pour le cercle intérieur (Tim. 36 c 5)8H). Une réflexion philosophique à propos de ces remarques doit naturellement amener Jamblique à admettre que le premier cercle vaut pour nous car l'identité dans son essence est transcendante tandis que le deuxième cercle doit valoir pour quelque chose de plus immanent, puisque la dualité (et par suite la diversité) est caractéristique de la 314) «Extérieur»
et «intérieur»
doivent se comprendre dans la perspective immédiatede l'œil:
ê
415
processio (1tp606oç). Que viendraient faire autrement ces remarques métaphysiques dans ce contexte ?116). L'âme du monde maintenant créée converse avec elle-même, à la fois au sujet de l'identité et de la diversité (Tim. 37 b 3-6). Cette ï..6-yoça été comprise par Atticus comme l'« attention» de l'âme, c'est-à-dire, comme une qualité particulière de l'âme, tandis que Porphyre a voulu comprendre ceci à partir du double attelage du Phèdre, décrivant l'âme (p. 246-247) et il l'a interprétée comme le cocher. Par contre Jamblique n'a pas vu dans ï..6yoç une partie ou un caractère de l'âme mais l'a compris comme l' Ame du monde dans son ensemble (test. n° 256). Par là, Jamblique a évidemment souligné les relations rationnelles qui se trouvent dans toute l' Ame du monde et par suite dans l'œuvre de la création en tant qu'ensemble. Les impressions des objets de la connaissance mettent en mouvement les « cordes » ou cercles correspondants de l'âme. Car la connaissance sensible est dans le cercle intérieur (cf. ét&p6t11ç)qui se met en mouvement. Cette connaissance, dont il s'agit ici, ne peut être naturellement qu'une impression et qu'une opinion (66!;a, 1t{anç) mais si le mouvement à l'intérieur est correct et dans la bonne direction (ôp86ç) l'opinion qui en découle est solide et vraie (Tim. 31 b 6-8). Porphyre et Jamblique sont d'accord que le mouvement « droit » dans le cercle intérieur, ,ci,,cï..oçôp86ç, doit être compris en relation immédiate avec l'opinion et la conviction véritable de la connaissance sensible (ôp8oôo!;{a) (test. exeg. n° 257). Mais ils se séparent l'un de l'autre en ceci que Porphyre met l'accent sur le fait que la connaissance sensible appartient au cercle intérieur et, par analogie, que la connaissance intellectuelle appartient au cercle extérieur, tandis qu'au contraire Jamblique pense que cette caractérisation est bien trop grossière et trop humaine, lorsque nous réfléchissons qu'il est question de réalités divines. Jamblique ne pense pas, que les deux domaines épistémologiques peuvent ou doivent se séparer à ce point l'un de l'autre, en somme, la connaissance sensible d'après Jamblique ne peut pas être comprise sans relation avec aussi bien le cercle intérieur que le cercle extérieur. Il y a une interdépendance entre les deux formes de la connaissance, et la connaissance intellectuelle est la prémisse de la connaissance sensible et lui est aussi concomittante. Nous rencontrons ici la même conception de la connaissance que nous avons vue dans De mysteriis Aegyptiorum et quant au texte de Platon ici, il y a lieu de remarquer dans l'interprétation de Jamblique que le cercle qui se meut, apporte des messages à l'âme de tout l'univers irov &iç 1tiiaav aùtoD tT}V'VUXtiV.La cohésion du système est indiquée. Quand il est question du rationnel et que le cercle extérieur tourne parfaitement, le résultat en est la connaissance et le savoir (voDç et tmattiµTJ) (37 c 3-5). Proclus comprend ici - avec raison - voDç comme « le résultat » du processus de la connaissance intellectuelle, tandis qu'au contraire Jamblique a souligné vouç comme le postulat supérieur pour toute l'âme (test. n° 258). Jamblique a par là compris voüç prin315) Proclus rajoute que voOc;est µovott6fic;, tandis que l'âme est 6uot16fic;,ce qui sert à prouver que
l'on doit rattacher ici le mouvement à vol),; et non pas à 111uxfi.
416 cipalement comme le sujet de la connaissance tandis que dans le texte il semble se rapporter au contenu de la connaissance. Evidemment Jamblique a demandé au texte: que devient le sujet de la connaissance? Et à partir de ceci, on comprend son interprétation. Car l'œuvre de la création est un grand être vivant possédant à la fois âme et esprit (voîiç). C'est cette connexion que Jamblique a soulignée. Cela signifie que son interprétation a été une interprétation de la signification plus étendue du sens philosophique du texte. à 37 c 6-38 b 5:
Nous avons un ensemble de fragments quelque peu plus riche que d'habitude, au sujet du commentaire de Jamblique sur la création du temps dans le Timée (37 c 639 e 2). Non seulement ici, Proclus apporte des citations directes du commentaire de Jamblique, mais nous avons aussi des extraits directs importants, conservés chez Simplicius. Nous savons par Simplicius que Jamblique a commenté ce passage du Timée dans le huitième livre de son commentaire et y a consacré plusieurs chapitres 319 ). C'est pourquoi nous avons ici la très bonne possibilité de voir de plus près le commentaire du Timée de Jamblique en même temps qu'il s'agit toujours de la survivance de fragments. Quand le Dieu créateur a créé l'univers comme un être vivant en mouvement, il regarde son œuvre et s'en réjoui. Cependant, le modèle d'après lequel l'univers est créé, est éternel. L'univers ne peut pas, par son essence, être éternel; mais pour que l'univers créé ressemble le plus possible à son modèle, le dieu crée le temps comme une image vivante de l'éternité (Tim. 37 d 3-7). Pourquoi est-ce justement le temps qui est une image de l'éternité? C'est laquestion habituelle de l'exégèse antique. Porphyre et d'autres Platoniciens ont, d'après Proclus, pensé que la sensation dans le monde est aussi une image de l'éternité, tandis que par ex. Amélius a soutenu que c'est l'intelligible qui est l'image qui correspond à l'éternité. Jamblique prend, dans un sens, une position intermédiaire pour l'interprétation de cette question (Fragm. n° 259). Il nie que l'intelligible doive être l'image de l'éternité et il ne pense pas non plus que le sensible sans plus, puisse être l'image de l'éternel. Par contre le temps est l'image adéquate parce qu'il est d'une part, partout pertinent dans l'entité universelle (aussi pour les choses et les évènements sensibles), et, d'autre part, parce qu'il est supérieur dans sa relation avec l'entité. Le temps est l'image simple et primordiale de l'éternité. Ainsi Jamblique réussit à dire non seulement que la création du temps doit être vue en connexion avec le processus de la création en général 317 ), mais aussi que le temps a une place par principe - plus importante que de nombreux éléments dans l'œuvre de la création; bien plus, dans l'exposé du Timée, il place le temps entre l'éternité et l'univers 318 ). Le temps est si important, et ceci à cause de cet emplace3 I 6) Cf. ci-dessus page 57. 317) Cf. Taylor sur 37 d S. 3 I 8) Cf. en outre ce test.aussi test. n° 260 et 268.
417 ment, qu'il peut être la base pour mesurer le mouvement et être le facteur qui rassemble et préordonne toutes choses: -ra~tv µèv oùv elvm -roOxp6vou icai T)µetçauyxropoOµev où µtv-rot -rt'lv-ranoµtvriv, àÂ.Â.à-rt'lv -ranouaav, oùôt -rt'lv t1toµtvriv -rotç 1tporiyouµtvo1ç, àÂÂà -rt'lv àpxriyov -rli'>v à1to-reÀ.ouµÉvrov icai 1tpeapu-rÉpav319). Par suite le temps n'est pas non plus identique avec le mouvement, car le mouvement suppose des points fixes et ne se trouve que dans une telle relation; le temps ne se définit pas par quelque chose de directement différent de lui-même. Par contre, plusieurs mouvements peuvent avoir lieu simultanément et par suite il se découvre que le temps est quelque chose de supérieur (test. n° 262). La création du temps signifie que nous pouvons parler de « était », « est » et « sera », « de plus vieux » et de « plus jeune » en même temps que de « a eu lieu », « a lieu », « aura lieu » (Tim. 37 e 3 ss.). Jamblique commente ces trois expressions dans la formulation du temps citée dans le Timée 1) -rè>riv icai -rè>ëa-rat 2) -ro vero-repovyiyvea9at icai 1tpeapu-repov 3) -rè>y{yvea9m 1tOTEii vOv yeyovtvat ii etaau9tç ëaea9at
(test. n° 263). Avec la première, nous attribuons ce au sujet duquel nous parlons, à l'être comme point de départ (chç à1tè>-roO lSv-roç1tpoe)..l}6v)dit Jamblique, et il s'appuie en ceci évidemment sur la propre remarque du texte de Platon que, strictement, des trois expressions «était» «est» et« sera», la forme du présent(« est») est la seule adéquate 320). Jamblique dit au sujet de la deuxième forme d'expression, qu'avec elle nous parlons à partir du vivant (car « plus jeune » et « plus vieux » sont utilisés primitivement au sujet de relations réciproques d'êtres vivants et de leurs relations avec eux-mêmes). Par là, Jamblique pense évidemment à tout l'univers comme à un être vivant ou peut-être encore à son modèle. En tout cas, il pense qu'avec les expressions temporelles « plus vieux » et « plus jeune » nous montrons ce que nous comprenons à partir d'une conviction que le vivant est une attribution essentielle de l'univers. Jamblique dit au sujet de la troisième expression, qu'elle montre que les évènements temporels dépendent de l'ordre intelligible. Ceci est intéressant, car ceci montre une interprétation de Platon où il est fait état d'une relation très étroite entre le cours des évènements du monde sensible et l'être spirituel et immuable. L'intelligible est la condition constante et immédiate du cours des évènements, et il n'est pas considéré, sans plus, comme un monde séparé de ces évènements. Mais le cours des évènements indique l'ordre intelligible et nous le montrons dans notre forme d'expression. Pour Jamblique, c'est la base ontologique qui est la plus importante dans l'exposé du Timée - elle est appelée « théologique » dans le langage de 319) Fragm. n° 260 1. 15-17. Cf. test. n° 261. 320) Tim. 37e5-7: Â.tyoµev yùp 6Ticilç riv fottv te ,mi fotat, ti'.) 6è tô fonv µ6vov Katà tov ÙÀ.TJ9fl À.6yov 1tpocrriKEI.
418 l'époque (Test. n° 264). On souligne par là la relation avec les autres dialogues, comme le Sophiste et le Parménide311). à 38 b 6--44 d 2:
Nous nous contenterons de citer quelques traits au sujet des témoignages qui restent à étudier. Les témoignages au sujet du commentaire du Timée par Jamblique deviennent toujours de plus en plus sporadiques après Timée 38 b 6. C'est pour cela,
qu'il faut remarquer en particulier que nous n'avons pas conservé, de la part de Jamblique, un commentaire continu et de grande importance sur le discours du Dieu, Timée 41 ss., bien que nous puissions considérer comme certain que Jamblique s'est beaucoup occupé de ce passage 311 ). Nous pouvons remarquer comment Jamblique, tout au long de l'interprétation du récit de la création maintient la perspective fondamentale qui se trouve dans l'accentuation initiale du dialogue: que l'univers est créé d'après un paradigme (Test. n° 269). Il est aussi confirmé, dans ces derniers témoignages sur l'exégèse du Timée de Jamblique, qu'il a insisté sur le fait de comprendre un dialogue, ici le Timée, à partir d'autres dialogues, en particulier ici, le Sophiste, le Phi/èbe et le Parménide, mais le Cratyle a été aussi évidemment utilisé (test. n° 268 et 270). C'est sûrement très conforme à Jamblique et à sa tradition, quand Proclus souligne l'importance de comprendre les passages et les questions isolés du texte à partir de toute la pensée de Platon (fi TIÀ.atrovoç6tavo{a, test. n° 270). Une autre chose qui doit être soulignée dans ces témoignages est que Jamblique montre ici qu'il utilise une perspective historique dans son exégèse. Quand Proclus souligne que, dans le commentaire du Timée, il faut se souvenir que Timée est pythagoricien et que les Pythagoriciens doivent être compris en relation avec l'orphisme, il reproduit le point de vue de Jamblique. Nous pouvons conclure ceci d'une part, de l'interprétation générale de Jamblique de la relation entre Platon et Pythagore et de son interprétation du dialogue du Timée dans son ensemble, d'autre part de ce que dit Jamblique dans De vira Pythagorica 323 ). Le commentaire du Timée de Proclus s'arrête au commentaire du Timée 44 c 5d 2 et par suite nous perdons aussi les traces du commentaire du Timée de Jamblique. Nous voyons à nouveau, dans les derniers témoignages, Proclus faire l'éloge de Jamblique pour l'attention qu'il montre à l'égard d'une compréhension précise de la teneur du texte platonicien (À.é!;tçtest. n° 283) et c'est presque symbolique lorsque, dans le dernier témoignage, Jamblique souligne la limite de la connaissance humaine: Nous ne pouvons pas connaître rationnellement ou comprendre comment est en réalité la relation entre l'âme et le corps, pas plus que nous pouvons pénétrer au plus profond du mystère de la providence divine (test. n° 289). 321) Cf. les références au Sophiste, au Philèbe et au Parménide dans test. exeg. n° 268. 322) Cf. ci-dessus au sujet du scopus. 323) Surtout 98,146. Sur Platon et Orphée voir aussi test. n° 273. Bien que Proclus continue son travail sur le sujet (cf. In Plat. Tim. III p. 176,19 ss.), il se base clairement sur Jamblique dans sa problématique.
419
12. Le Parménide Avec le Parménide, nous atteignons le sommet de cette étude de Platon que Jamblique a préparée, et en même temps nous atteignons à l'apogée de la philosophie dans son ensemble. Le Timée a embrassé tout le monde physique dans son exposé, le dialogue du Parménide le dépasse maintenant en embrassant tout « théologiquement ». Dans l'interprétation de Jamblique, les deux dialogues ne sont pas seulement des dialogues parfaits au sens esthétique mais d'abord et avant tout, au sens philosophique: ils traitent les questions les plus fondamentales. Le Parménide est le plus parfait des deux parce qu'il traite les ultimes conditions « théologiques » de toute la structure du cosmos et de la connaissance. C'est un dialogue traitant des principes. Il n'est pas clair comment le Parménide a été commenté avant Jamblique. Peut être Porphyre a-t-il écrit un commentaire, peut être aussi Castricius Firmus, nous ne le savons pas pour certain 3H). Mais quant à l'importance du dialogue dans la tradition philosophique, il est hors de doute que c'est d'abord et avant tout Plotin qui a eu une action décisive pour l'emplacement central du dialogue 326 ). Dans la tradition scolaire avant Plotin, le Parménide était surtout utilisé et compris comme un travail d'exercises logiques et méthodiques, ainsi qu'il ressort de l'Jsagoge d'Albinus. Ainsi, les perspectives philosophiques du dialogue étaient oubliées. A partir de Plotin et avec lui, le Parménide est considéré comme le meilleur de tous les dialogues de Platon, et cette tradition se poursuit au cours des siècles suivants jusqu'à Syrien et Proclus. Chez Plotin et chez Proclus c'est la Jeposition ou hypothèse du Parménide qui attire le plus d'intérêt, mais il se trouve aussi un commentaire continu qui comprend tout le dialogue, comme chez Damascius 316 ). Il ne fait aucun doute que le fait que Moderatus ait soutenu que le dialogue devait être interprété du point de vue pythagoricien, a eu une influence sur le nouvel emplacement du dialogue 31 7). Toute une tradition a supposé que Parménide devait justement être considéré comme ayant été pythagoricien et qu'il devait être considéré dans un contexte pythagoricien 328 ). Même si on n'insista pas sur ce dernier point, l'appréciation du dialogue du point de vue pythagoricien est une accentuation de son contenu et de ses perspectives philosophiques, en relation avec tout le renouvellement platonicien originaire de cercles néo-pythagoriciens et de cercles s'inspirant du néo-pythagorisme. Il est d'un intérêt capital que cette conception véritablement philosophique du dialogue indique une redécouverte. Cette conception existait dans la tradition immédiatement après Platon. Ainsi De ideis d'Aristote ont été, par beaucoup d'aspects, comme un commentaire continu de la Jepartie du Parménide 329 ). De plus, beaucoup 324) DoDDS, The Parm. of Plato p. 135. 325) VOLKMANN-SCHLUCK, Plotin; DoDDS, op.cil. p. 133 (avec référence à PLOTIN Enn. 5,1,8); KuBANSKY, Ein Proklosfragment p. 7, THEILER, Vorbereitung p. 56--57. 326) cr. SPEISER,Ein Parm. komm. p. 70-72. 327) DODDS, op.cit. p. 137. 328) KlENLE, Philosophen-Sukzession p. 85. 329) K. FRns JoHANSEN, Parmenides p. 222 avec renvoi à DüRING, Aristotle and Plato p. 113.
420 fait penser que c'est le point de vue du Parménide qui a été l'objet d'une analyse approfondie dans le travail de Speusippe: Sur les Principes 330 ). Porphyre et Longin ont tous deux écrit des ouvrages qui témoignent, au temps du néo-platonisme, d'une reprise de l'intérêt pour les problèmes et les principes absolument fondamentaux et philosophiques 331 ). a) Le Parménide comme dialogue théologique
Nous avons déjà vu auparavant comment Jamblique a compris le Parménide comme une synthèse de la théologie de Platon et comment il l'a exprimée en attribuant au dialogue la place qu'il occupe dans son étude raisonnée de Platon 3H). Qu'y a-t-il maintenant dans sa définition du Parménide comme dialogue théologique? Le point de départ de cette définition est évidemment la même conviction que nous trouvons plus tard chez Proclus et chez Damascius, c'est-à-dire que le contenu du dialogue est un examen des principes primordiaux de l'univers. Damascius appelle son propre travail de commentaire Sur les principes, tout comme le fait Speusippe pour son travail, et Damascius dit aussi directement qu'il pense que dans le 333 ). dialogue du Parménide, il s'agit des principes: m:pi o.pxéi>v Pour autant, cela pourrait très bien être compris dans un contexte « purement » philosophique, mais ceci est précisément impensable pour l'interprétation néo-platonicienne: les principes les plus décisifs de l'univers, les causes, les lois et les forces qui sont à l'œuvre ne doivent pas être seulement compris d'un point de vue étroitement philosophique, car ils sont essentiellement divins. C'est ceci qui justifie pour les néo-platoniciens que le dialogue n'est pas seulement appelé philosophique (ontologique ou métaphysique) mais doit être appelé théologique. C'est d'abord chez Jamblique que nous rencontrons la caractérisation « théologique» pour le Parménide, et il y a tout lieu de croire que c'est lui aussi qui l'a introduite. Elle est bien née de l'interprétation systématique de Platon qui s'exprime dans les deux curricula de Platon de Jamblique. Une définition du genos devient d'abord vraiment actuelle dans une exégèse systématisante et c'est sur ce point que nous devons considérer l'influence de Jamblique comme décisive. Quant au mot même «théologique», à cause du contexte philosophique où il se trouve et où il est placé avec o.pxai, il ne doit pas être compris dans un sens généralement religieux mais au contraire dans le sens qu'a le mot chez Aristote. Ceci est essentiel, car ceci indique la base aristotélicienne de Jamblique pour son interprétation du Parménide et pour son exégèse de Platon. D'autre part, lorsque le sens philosophique et le sens religieux sont liés dans l'interprétation, il est possible de comprendre le sens religieux dans les contextes plus 330) Voir Ravaisson sur cet ouvrage de Speusippe. 331) Cf. PROCL.ln Plat. theol. I, VI p. 27 et Vila Porph. 14. (Sur le commentaire sur Parménidede Porphyre voir HADOT dans REG 1961 p. 410-438); L'édition de loNGIN par EooERS et la thèse de RuHNKEN). 332) Test. n° 155-156. Voir ci-dessus p. 332 ss. 333) § 430.
421 larges qui sont caractéristiques pour l'époque hellénistique. Ainsi il peut être naturel de comprendre une hiérarchie de principes fondamentaux en relation avec une hiérarchie de divinités, d'êtres divins et de puissances divines. C'est ce qui se passe aussi dans l'interprétation néo-platonicienne. Nous le voyons chez Proclus et celui-ci se base sur la tradition de Jamblique. Mais c'est justement là qu'est approfondie la raison de l'interdépendance du Timée et du Parménide. Car de même que le Timée représente une cosmogonie, de même le Parménide se trouve être une théogonie, et le Timée aboutit à une cosmo-logie, de même Je Parménide aboutit à une théo-logie. C'est chez Proclus que nous voyons ceci exposé en détails, mais comme des passages essentiels de cette interprétation de Proc]us sont attribués à Jamblique, il y a lieu de croire que la pensée de la théogonie, comme articulation de l'interprétation du Parménide, se rattache à la conception jambliquienne du dialogue comme dialogue théologique. b) Définition du scopus du dialogue
La définition du scopus du Parménide par Jamblique n'a pas survécu directement. Mais nous pouvons la déduire à peu près avec certitude. Aussi bien chez Damascius que chez Proclus, nous trouvons des définitions du scopus de chaque hypothesis; Damascius dit que la définition du scopus donnée par Jamblique est la plus vraisemblable de toutes celles données précédemment, entre autres parce qu'elle est soutenue par le Banquet 3H). Il y est dit très brièvement qu'il est question dans la troisième hypothèse, « des êtres (divins) qui suivent toujours les dieux» (test. n° 292). Cette définition du scopus de la troisième hypothèse correspond exactement à celle qu'en donne Proclus 336 ). Chez Proclus, il est dit justement que dans la troisième hypothèse, il ne s'agit pas, comme certains l'ont pensé auparavant, de l'âme, mais au contraire des« espèces» (yÉvl'I)qui sont au-dessus de nous: anges, démons, héros, car ceux-ci naissent des dieux et se trouvent à un niveau plus élévé que les âmes (ils sont Kp&ittova) et se trouvent aussi par conséquent avant elles. En plus de cette remarque sur la troisième hypothésis, Proclus donne un tableau complet des scopi des neuf hypothèses qui divisent le Parménide dans cette tradition; comme la troisième, d'après le témoignage de Damascius, vient de Jamblique, nous osons croire que le scholiaste a raison quand il remarque que Proclus suit Jamblique dans ses définitions du scopus de chaque hypothesis. C'est-à-dire que Jamblique, pour l'essentiel, doit avoir caractérisé le scopus des différentes hypothésis de la manière suivante (test. n° 293). 1e hypothesis: Dieu et le divin (en soi-même) 2e hypothesis: l'intellectuel (tô voep6v)336 ) 3e hypothesis: anges, démons, héros 334) § 397. La référence au Banquet peut être de Jamblique. 335) Test. n° 293. 336) La deuxième hypothèse est disparue du texte; sur la reconstruction voir Cousin note p. 1055.
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4e hypothesis: la rationnalité psychique, les âmes rationnelles ('lf\lxai Àoyucai) 5e hypothesis: les âmes qui se trouvent au niveau suivant 6e hypothesis: les idées immanentes et 7e hypothesis: la matière (en soi-même) ge hypothesis: le corps céleste 9e hypothesis: le corps terrestre (sublunaire) La conception hiérarchique de l'univers et de la structure du cosmos, si caractéristique pour Jamblique apparaît clairement dans ces définitions. Que cette disposition, dans l'ensemble, vienne de Jamblique, est confirmé par l'évidente relation avec l'interprétation du dialogue du Timée. En particulier les deux dernières indications de scopus semblent tout à fait présupposer l'interprétation du Timée, et par suite, nous voyons aussi comment le Parménide, dans l'interprétation de Jamblique, devient un dialogue universel qui comprend toutes choses dans une perspective théologique plus élevée et sublime. Que Jamblique soit l'auteur de ces définitions, est confirmé de plus par leur profonde interdépendance. Quand, chez Damascius, dans l'introduction à la troisième hypothesis, il est dit qu'il est question de ceux qui suivent {Ë1t&a3m)les dieux, ceci naturellement ne doit pas être compris dans le sens simple, mais dans le sens hiérarchique. Ceci est confirmé par le propos de Proclus que les dieux sont « liés à » {1tpoaexioç tl;l]ptfla3at). Cette liaison est confirmée par toute la disposition des neuf scopi. Nous sommes ainsi arrivés à la question du scopus du dialogue dans son ensemble, tel qu'il est indiqué par l'intime interdépendance des neuf scopi. Sans qu'il soit référé à Jamblique, nous avons chez Proclus une définition du scopus dans deux formulations un peu différentes; la première dans son commentaire du Parménide, la deuxième dans son commentaire du Timée. Il y est dit: In Plat. Tim. l p. 13, 23-24:
ci>çyàp 6 Tiµmoç 1tavrcov tli>vtv t4'>ic6aµcp trtv altiav è1ti tov 1tpci>natov àvaye1 ô1,µ1oupy6v,oütcoç 6 Ilapµeviô11ç trov ovtcov t't1tavtcovtrtv 1tp6oôov tl;a1tt&t toO tv6ç. Et dans le commentaire du Parménide, Proclus écrit au sujet du dialogue, qu'il s'agit de: 1ttpi tli>v ovrcov ica9' ôaov taOta tic toO tv6ç tanv
337
).
La variation dans la définition a peu d'importance ici, l'essentiel est évident: Le dialogue du Parménide traite de l'étant pour autant qu'il naît de l'un. Il est très facile de voir que cette définition, chez Proclus, répond très exactement à toute l'édification de la définition du scopus de chaque hypothesis. De cela seul, nous pourrions déduire que l'on peut supposer que la définition vient de Jamblique. 337)
PROCL.
ln Plat. Tim. p. 641,19-20.
423
Cette supposition est confirmée de façon décisive, précisément par le passage du commentaire du Timée, où Proclus donne le renseignement reproduit ici, sur le contenu du Parménide, où il a expressément Jamblique comme prémisse et où il réfère explicitement à la place donnée par Jamblique dans le canon au Timée et au Parménide. « L'étant dans son origine de l'un » est alors la définition de Jamblique du scopus du dialogue du Parménide, dans son ensemble. Même la structure hiérarchique du
cosmos y est exprimée, et c'est elle aussi que Jamblique a pensé trouver dans le Parménide - comme il l'a trouvée aussi dans d'autres œuvres de Platon. Nous remarquons à quel point Jamblique est éloigné d'un dualisme dans l'édification ontologique de l'univers, tout est cohérent grâce à son origine. Dans le Parménide, nous avons l'analyse de l'univers poussée à fond; ici la pensée est amenée à son extrême et ultime limite, oui, à ce qui la dépasse: à l'ultime unité finale, celle qui est, de tout, la source la plus élevée et absolument transcendante. La définition du scopus du dialogue par Jamblique, montre que celui-ci, dans ses considérations théologiques sur le dialogue, est sur la voie d'une hénologie. c) Commentaire des premières hypotheseis
Les renseignements peu nombreux et très dispersés, que nous avons conservés sur le commentaire de détail de Jamblique sur le dialogue du Parménide, se trouvent dans le travail de Damascius Dubitationes et solutiones de principiis. Ce travail a un caractère original qu'il est nécessaire de prendre en considération avant de tirer des conclusions à l'égard des renseignements isolés de l'œuvre, et même dans ce cas, il est souvent très difficile de préciser ce que contiennent les différents renseignements. Il n'y a aucune raison de douter que le point de vue de Damascius est influencé par la position générale platonicienne et par suite aussi, par la tradition venant de Jamblique. C'est pourquoi, nous pouvons aussi en déduire quelque chose de général sur le commentaire des premières hypotheseis du Parménide par Jamblique. L'œuvre de Damascius porte traditionnellement le sous-titre Commentaire au Parménide de Platon. Cependant, il peut être spécieux de définir l'œuvre comme un commentaire, car il n'est pas question d'un commentaire continu comme nous le connaissons ailleurs dans la tradition néo-platonicienne. Ce n'est que vers la fin que nous avons un commentaire continu, mais cette dernière partie ne comprend qu'une septième partie de toute l'œuvre 338 ). La question est donc de savoir si par ailleurs, l'œuvre a quelque chose à faire avec le Parménide. C'est indiscutable: Le commentaire continu commence avec le commentaire du Parménide p. 155 e, c'est-à-dire avec la troisième hypothesis, de sorte que déjà pour cette raison nous devons nous attendre à ce que Damascius pensait aux deux premières hypotheseis, au début de son œuvre. Le fait est que primordialement, Damascius ne vise pas à donner des renseignements sur le dialogue du Parménide, mais par contre se tourne vers le sujet même qu'il considère comme étant aussi le sujet du Parménide de Platon: les prin338) C'est §§ 397-460.
424 cipes primordiaux de l'univers et de la connaissance 389 ). Il s'agit d'un travail doctrinal, exégétique, dans lequel le Parménide prend naturellement une place centrale, mais où il n'est pas vu dans une perspective philologique. Dans son traitement général des principes premiers l'œuvre de Damascius fait penser, sur de nombreux points, aux traités métaphysiques d' Aristoteat 0). De Principiis sont ex professa un traité sur la métaphysique. Quand, dans ce contexte, le Parménide de Platon est considéré comme une œuvre centrale, c'est exprimer de la manière la plus éclatante que ce dialogue ne représente pas un exercice dialectique mais est, au sens le plus profond, un dialogue philosophique, c'est-à-dire métaphysique. En même temps, il faut remarquer qu'il existe une tendance aristotélicienne dans l'interprétation fondamentale. A part la fin, le plan de l'œuvre de Damascius est très obscur 30 ). On peut apercevoir deux parties dont la dernière semble être construite en triades autour de trois thèmes: 1) l'intelligible, 2) l'intelligible et l'intellectuel et 3) l'intellectuel 80 ). La première partie comprenant les paragraphes 1-138 dans l'édition de Ruelle, traite surtout de la multiplicité des accès aux questions se rapportant à la compréhension des principes. Il n'y a pas de construction systématique mais de nombreuses répétitions et de nombreux cheminements destinés à éclairer le problème. Cependant, déjà dans cette première partie, Damascius renvoie à Jamblique, et ceci renforce la possibilité que Damascius, sur des points essentiels, continue et reproduit l'interprétation de Jamblique des deux premières hypotheseis du Parménide. Le point de départ décisif pour le traité de Damascius est que l'unité tà fv est le principe fondamental de tout, et dès le premier paragraphe de l'œuvre, il précise que cette unité se trouve avant la multiplicité et doit être transcendante 34 3). Ce principe d'unité est la cause de tout (§ 2) et il est si simple qu'il est ineffable (§ 3). C'est aussi ce qu'a dit Platon, signale Damascius, et ici dans sa première référence explicite à Platon, il pense évidemment au Sophiste (p. 238 c) (§ 4). Il s'en suit que l'unité ne peut pas être considérée parmi les choses qui sont (§ 5), et grâce à une suite de prédications négatives il devient plus évident que cette unité n'est pas et ne peut pas être (§ 6)3 "). La seule chose dont nous sommes capables à l'égard de cette unité est de montrer notre ignorance et notre manque de moyens d'expression (§ 7). A la fin du paragraphe 7, Damascius commence une étude plus systématique de ce que n'est pas et de ce que ne peut pas être notre premier principe. C'est ici que Damascius vient avec la remarque essentielle qu'il veut faire comme Parménide qui cherche l'unité, en étudiant les choses qui, d'une façon ou d'une autre, se basent sur 339) fü:pi àpx.éi'.lv, cf. ci-dessus p. 420. 340) Cf. la remarque de CHAIGNET, Préface p. XVIII: « Il y a plus d'une analogie entre la Métaphysique d'Aristote et le traité des Premiers Principes de Damascius ». 341) Sur la structure (ou peut-être le manque de structure) de l'œuvre voir CHAIGNET,Préfacep. XII SS. 342) CHAIGNET, op.cil. p. XII. 343) § 1 p. 3,4: tO i:v 1tpo téi'.lv!tOÀ.MÏJV p. 4,4: tçup11µtVT1vl"i&t&Ivai tl]V téi'.lvmivrrov àp)(.T]V. 344) oùl"i&6v / oùM Ëv / oùaè 1tàvta / oùfü: àp)(.T]Vtrov 1tàvtrov oùl"ièÈltÉKEtva1tàvtrov p. 10,22.
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l'unité. C'est ainsi que se noue la relation avec le dialogue de Platon. Damascius montre comment ni le corps(§ 9) ni la nature (§10)ni l'âme rationnelle ou irrationnelle (§§ 11-12) peuvent être principe. Tout ce qui est modelé en « un » ne peut pas être soi-même principe d'unité, mais présuppose un principe d'unité qui est impénétrable à la connaissance et inaccessible pour une prédication 345 ). L'unité, comme il est dit dans le Sophiste doit être avant l'étant (fv 1tpô toO ovroç), et est par suite identique avec le Bien qui, dans la République est déclaré être « au delà de tout » tàyaSôv t1rtic&1va1t«iCJT)Ç oùcriaç348). C'est ce principe que Platon a cherché, dit Damascius, et celui-ci donne ainsi silrement une caractéristique générale des efforts philosophiques de Platon, mais d'abord et avant tout il pense par là au Parménide; c'est ce que démontrent ses prédications négatives et sa référence directe au Parménide dans le § 734 7). Plus précisément, Damascius pense aux deux premières hypothéseis de Parménide, dans la première partie de son travail. Il y voit d'une part, l'unité absolument transcendante exposée par allusion négative, d'autre part, l'unité existante caractérisée chez Platon, respectivement dans la première et la deuxième hypothesis de la façon suivante: 1. &lfv tcrnv 2. d ÊV fCJ'tt v La synthèse de ces deux hypotheseis avec tout ce qu'elles contiennent, est bien, pour Damascius, le postulat constant de ses réflexions sur les principes premiers 848 ). Nous pouvons en conclure que Jamblique a compris les deux hypotheseis sur la même ligne de pensée. Il va de soi que cette interprétation est de la plus grande importance pour la question de savoir si Platon critique la « théorie des idées» dans le Parménide. Dans cette problématique, la « théorie des idées » aura pour objet les formes de l'être (tà &i~T)tô'.>vovtrov) c'est-à-dire qu'elle sera une onto-logie mais quoi que puisse exprimer une telle ontologie, elle ne peut cependant pas saisir les conditions plus profondes de l'étant; pour cela il faut une héno-logie (2e hypothesis), même, il faut sa base transcendante (le hypothesis). C'est ainsi qu'il y a parallélisme entre la critique négative de la « théorie des idées » du Parménide et les prédications négatives de l'hénologieH 9). La question est maintenant de savoir comment est le rapport entre le principe et ce pour quoi le principe est principe. Damascius éclaire ceci à partir de « toutpartie », et réfère en ceci à Jamblique. L'unité peut être vue d'une part, comme 345) Cf. surtout l'important § 22. 346) Soph. 244-245, Resp. 518 c. 347) § 22 p. 37,26-38,1: 'Ap:x11apa t6'lv 1tavtrov tK&tvo· Kai 6 IlM.trov tni tmitTJV àvaôpaµci>v oùK tô&ii9TJÜÀ.Â.TJÇ àp:xi')ç tv totç Â.Ôyo1ç.Chaignet comprend ceci généralement de Platon (« dans sa philosophie»), Ruelle renvoie à Parménide 142b et 153d. 348) CHAIGNET(Preéface p. XII) aussi bien que SPEISER(Ein Parm.komm. p. 71) semblent avoir méconnu que Damascius se base sur les premières hypothèses dans la première partie de l'œuvre. Le commentaire suivi ne commence pas, comme le dit Speiser, au § 139, mais seulement au § 397 avec la troisième hypothèse, comme le dit Chaignet. 349) DAMASC.op.cil. § 26 et la note 3 p. 47 de Ruelle.
426 l'assemblage de parties, d'autre part, comme la condition des parties. Est-il question de l'unité qui est, elle doit être alors comprise comme le tout, comme l'ensemble qui consiste de parties ainsi qu'il est dit dans Parménide 142 c-d, qui est sans aucun doute ici, la base de Jamblique. Mais vue à la lumière de l'unité absolue, l'ultime principe, nous devons comprendre le tout, comme la condition des parties, car le secondaire (les parties) ne peut pas être mis en relation directe avec les principes premiers mais doit d'abord entrer dans le tout (test. n° 294). Par suite Jamblique maintient la suite principe-unité-tout-partie, ce qui signifie comme l'exégèse du Parménide, qu'il souligne la relation entre la 28 et la 1e hypothesis 850 ). L'image du commentaire du Parménide par Jamblique est encore plus voilée quand Damascius introduit dans son travail à la fois l'œuvre de Jamblique et la théologie chaldéenne. Un seul exemple montrera le problème. Damascius dit que Jamblique a admis deux principes avant les triades intelligibles (telles que Ss6ç-voOç'lfUXllou 1tat11p-6uvaµ1c;-voOc; ou le limité-l'illimité-le mixte, comme nous les trouvons respectivement chez Plotin, les théologues chaldéens, Platon) 861 ). Pourquoi impliquer ceci à cet endroit? et quelle est la pensée de Jamblique? Damascius suppose évidemment chez Jamblique une perspective comme celle du Parménide. Dans Parm. 142 c-d il est dit que l'unité qui est, est un tout composé de parties, elle est par conséquent à la fois une unité et une multiplicité. Il est question, comme le dit Damascius, d'une paire-élémentaire (cruo-to1x{a)qui peut être démontrée et décrite (1eatà ëv6&1!;1v). Mais, quand nous avons réuni l'unité et la multiplicité, cette dyade, a-t-elle sa condition dans le transcendant ou apparaît-elle d'abord dans et avec l'unité-multiplicité démontrable? Evidemment, c'est ici que Jamblique a voulu dire que la prémisse pour l'unité-multiplicité est en soi-même transcendante et présuppose deux principes qui se trouvent avant l'intelligible. C'est ainsi que la remarque de Jamblique sur les deux principes doit être comprise - en tout cas, comme le fait Damascius, lorsqu'elle est à comprendre en relation avec le Parménide de Platon. Il va de soi que chez Jamblique, ces deux principes ne signifient pas une restriction soit pour l'emplacement premier de l'unité soit pour la transcendance fondamentale de l'unité. Nous voyons que Damascius souligne ceci dans de nombreux contextes 351). A partir de la définition du scopus de chaque hypothesis chez Proclus, nous nous attendrons à ce que Jamblique ait rattaché des concepts particulièrement religieux aux différentes hypotheseis (à part la première). En réalité, nous n'en rencontrons que très rarement chez Damascius; les formulations fortement spéculatives mais philosophiques sont au premier plan. Mais un seul exemple doit être indiqué. Dans le paragraphe 96, Damascius cite lui-même une telle interprétation à caractère religieux 3.50)Cf. là-dessus test. n° 323 (et tout le§ 320 chez Damascius), où la même dualité dans la relation « tout-parties » semble déduite de ce fait que « tout-parties » peut être utilisé dans l'analyse de Parménide à la page 142 d, mais est rejeté à la page 146 b: dans le premier cas - ainsi le comprend-on - le tout est considéré comme différent des parties, dans l'autre cas, le tout est « mélangé » avec les parties et a son existence grâce à elles; ici, les parties sont pour ainsi dire le tout. 3.51)DAMASC. § 43 p. 86; 4.5 p. 89,6---8. 352) cr. test. n° 295-302.
427 de la structure hiérarchique universelle, et à ce propos, il remarque que Jamblique, dans l'édification de la hiérarchie des dieux et des être divins, en relation avec la structure universelle a dû référer à une « source » particulière comme origine d'un groupe de dieux appelés les «implacables» (nous les connaissons par Suda, Hesychius et les fragments orphiques), source à laquelle on n'avait pas prêté attention auparavant, dans cette interprétation très considérable 363 ). Une religiosité platonicienne apparaît quand Jamblique peut appeler la réalité fondamentale: 1tatiJp 36 '). Mais, dans le même testimonium on voit que Jamblique aussi utilise dans ce contexte les termini aristotéliciens pour la définition: 66vaµu;-tvtpy&ta. Les testimonia de Jamblique chez Damascius sont si souvent si loin du texte du Parménide que nous ne savons pas ce que nous devons en faire en tant que commentaire du Parménide; même, très souvent il faut admettre qu'ils ne sont pas du tout dit en pensant à ce dialogue. Aussi est-ce d'autant plus le bienvenu, quand une rare fois Damascius réfère directement à « l'exégèse de Jamblique» (ainsi Test. n° 317). Damascius pose la question (dans§ 276) « pourquoi tout est-il dans tout», c'est-à-dire, au sujet de la profonde interdépendance entre tout ce qui est. Jamblique interprète ceci en référant à une citation du Parménide historique: que tout est plus que l'étant866). Par là, il est rendu évident, pense Jamblique, qu'il est question de l'édification d'un univers où le tout est supérieur aux simples parties et où « tout » cependant imprègne l'ensemble des parties simples. Quelle que soit notre évaluation de l'interprétation de Jamblique de ce passage du Parménide, il y a cependant cette circonstance d'un intérêt décisif: Jamblique implique le Parménide historique dans l'exégèse de Platon. Nous avons ici la même tendance à une interprétation historique que nous avons rencontrée à d'autres endroits, chez Jamblique. La cohérence profonde de l'univers devient maintenant celle où le supérieur n'engendre pas l'inférieur mais lui donne une direction dans une perspective téléologique, nous n'avons pas un où0101totôç voOç mais un t&À.&atoupyôçvoOç comme puissance créatrice dans l'univers, et c'est ceci justement qui rend possible la connaissance de cette profonde interdépendance, dit Jamblique (test. n° 318). C'est ainsi que Jamblique solutionne le problème soulevé dans Parm. 145 d, s'il n'y a pas une contradiction entre « être dans quelque chose d'autre » et « être dans soi-même ». Dans l'interprétation de Jamblique, ce sont deux aspects de la même question, les deux relations ne doivent pas être opposées l'une à l'autre ontologiquement. En réalité, Jamblique assure l'identité et la diversité de la structure universelle en différenciant entre les causes de manière aristotélicienne. Cette puissance directrice amène à penser au dialogue du Timée. La création 353) Test. n° 307. Damascius ne mentionne pas sa source jambliquienne; il est vraisemblable que ce n'est pas le commentaire de Parménide cf. la remarque au § 100, qui est sûrement tirée de Theo/.cha/d. On constate aussi dans test. n° 325-327 une cosmologie à tendance religieuse (n° 326 avec renvoi à la tradition chaldéenne). 354) Test. n° 312, cf. Phi/eh. 23 c. (v. 80) 355) niiv lit ni..tov tcrtiv t6vtoç. Le commentaire présuppose le texte reçu par MULLACHIUS et ne correspond pas à celui donné par DIELSet TARÂN(8 v. 24): nàv li' ˵rtÀt:ovfotiv t6vtoç.
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n'est pas une création e nihilo, mais une formation providentielle de la matière. Tout à fait dans cette ligne de pensée, nous voyons bien aussi Jamblique parler du démiurge (cf. test. n° 319). Même si nous ne pouvons pas savoir avec certitude si Damascius cite le commentaire du Parménide de Jamblique, nous pouvons l'admettre comme vraisemblable. Les dernières parties du Parménide de Platon peuvent, comme déjà sous la deuxième hypothesis (c'est-à-dire dans 146 a) impliquer la question du mouvement et du repos, c'est-à-dire des problèmes physiques. Nous avons donc aussi présupposé le lieu comme le supérieur, dit Jamblique, quand nous parlons « d'être dans soi-même » et « d'être dans quelque chose d'autre », car le lieu est nécessaire pour des définitions avec «dans», de même qu'il est la condition nécessaire des définitions du mouvement et du repos. Jamblique est allé dans la même direction dans son interprétation de la relation entre l'identité et la diversité, dans l'examen du dialogue du Parménide. L'identité est en relation avec le tout et l'unité et implique un repos en soi-même, au contraire la diversité donne une relation avec d'autres choses et se rattache au mouvement (test. n° 321). Toutes deux s'expriment dans l'acte créateur du démiurge. Pour Jamblique, ce sont les ultimes principes de l'univers qui ont été le sujet du dialogue du Parménide. De notre matériel fragmentaire, nous pouvons aussi conclure avec certitude que Jamblique a souligné que les ultimes principes sont de nature transcendante et que le principe fondamental pour toute l'existence universelle est le principe d'unité, l'unité absolue et l'unité absolument transcendante qui est identique avec la raison primordiale de l'univers: le Bien. L'unité en est l'ultime expression. Mais il est essentiel de remarquer que si Jamblique a compris Platon de cette façon, cela n'implique pas pour lui un dualisme entre deux mondes - le monde intelligible et le monde sensible; la transcendance ne signifie pas, d'après Jamblique, que la relation entre le transcendant et l'immanent soit supprimée, au contraire: tout l'univers est déterminé par son intime interdépendance. C'est pourquoi, Jamblique n'a rien non plus contre parler de principes sur plusieurs plans, même le mixte peut être le principe de quelque chose de subordonné, dit-il, il a seulement une place plus inférieure dans la hiérarchie ontologique (test. n° 328-329). C'est justement cette interdépendance profonde de l'univers qui dévoile la bonté du Dieu créateur: toute l'édification universelle dévoile la providence divine, car tout a son origine primordiale dans l'unité absfllument impénétrable et ineffable.
CHAPITRE VII
L'exégèse et l'herméneutique de Jamblique Nous allons maintenant récapituler brièvement les traits essentiels de l'exégèse de Jamblique, tels qu'ils apparaissent dans son commentaire d'Aristote et de Platon. De plus, nous allons examiner de plus près les principes philosophiques de l'exégèse donnée, c'est-à-dire examiner l'herméneutique de Jamblique telle qu'elle s'exprime implicitement ou explicitement dans son exégèse. Malgré les nombreux témoignages que nous ayons conservés au sujet de l'exégèse de Jamblique il est important, pour une évaluation d'ensemble, d'insister sur le fait que nous n'avons qu'une image fragmentaire devant nous. La preuve la plus frappante en est la différence que nous pouvons constater, entre l'exégèse d'Aristote et celle de Platon, toutes deux de Jamblique. La première semble plus précise, plus scientifique et plus philosophique que la deuxième, mais il y a tout lieu de croire que cette différence est due principalement à la différence de la survivance: le commentaire d'Aristote par Jamblique est référé par Simplicius, soigneusement pour l'essentiel, avec des citations textuelles, tandis que l'exégèse jambliquienne de Platon s'est bien plus intégrée dans la tradition générale de commentaire, de sorte qu'il est plus difficile d'avoir une image absolument précise de son commentaire. Cette survivance fragmentaire signifie de plus que, dans une suite de cas, nous ne pouvons pas juger le contexte plus détaillé auquel appartiennent les renseignements concernant l'exégèse de Jamblique. Probablement, il se trouve certains commentaires chez Jamblique, qui représentent une exégèse trop perspicace 1). Mais ce fait doit être vu en relation avec les tendances de l'exégèse néo-platonicienne dans son ensemble, et elle pourra y trouver une explication, même si, par là, le commentaire ne peut pas être justifié. Nous pouvons voir Jamblique travailler à partir des prémisses de la philosophie scholastique 2). Mais d'une part, nous ne pouvons pas déterminer précisément tout ce que cela implique, d'autre part, on ne peut, par là, changer le fait que Jamblique a marqué sa propre contribution à la tradition d'une façon décisive. Nous avons vu que Jamblique, dans son commentaire, peut allégoriser3). Mais si nous comparons ceci avec les tendances générales de son époque, son refus très net 1) Cf. ci-dessus p. 278. 2) Cf. ci-dessus p. 405. 3) Cf. ci-dessus p. 372 et 397-398.
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d'une interprétation allégorique devient essentiel. Ceci apparait le plus clairement quand Jamblique refuse l'interprétation allégorique moralisante du Timée par Porphyre; Jamblique, lui, considère le point de vue physique, c'est-à-dire philosophiconaturel comme essentiel et comme correspondant à la signification et à la perspective propre du dialogue'). L'opposition de Jamblique envers Porphyre, sur ce point, est un jalon dans l'histoire de l'exégèse. Ce que nous pouvons rencontrer chez Jamblique, est une interprétation typologique qui attire l'attention sur le typique qu'un endroit donné du texte peut exprimer, mais qui ne soutiendra pas que cette expression est le sens tout simple du texte 6). Et ici, apparait aussi l'analogie, car l'interprétation analogique peut justement insister à la fois sur le propre sens du texte et sur l'analogie de cet sens avec d'autres sujets, que ce soit d'autres textes ou des réalités philosophiques•). Ceci correspond à une attitude intransigeante envers l'allégorie quand Jamblique insiste sur le souci constant du sens littéral du texte et de la signification réelle des mots, sur la Uçti; 7). Cependant, ce qui est essentiel pour Jamblique n'est pas de s'en tenir à la simple teneur des mots, mais de comprendre le sens et la signification plus profondes du texte. Ceci n'est pas obtenu par une allégorisation qui admet simplement un autre sens du texte que l'immédiat, mais au contraire, par une considération de la perspective significative plus large du texte. C'est ce que comprend Jamblique 8 ). Nous avons vu de plus près ce que ceci implique. Theoria consiste, avec S&c.op{a après la lecture d'un passage d'un texte, à voir comment ce passage est en relation avec l'ensemble et la cohérence du texte, comment il se trouve dans une perspective historique (une comparaison entre Aristote et Platon était ici souvent actuelle) et enfin, comment le passage doit être évalué dans une perspective en principe philosophique•). De même que la considération historique est une articulation normale dans la theoria de Jamblique, de même, il est normal dans l'ensemble, de trouver dans son exégèse, une prise de conscience historique 10). De même, c'est en accord avec theoria lorsque, dans l'exégèse de Jamblique, nous trouvons une tendance générale à ce que nous pouvons appeler une exégèse comparative, c'est-à-dire, que d'autres œuvres de l'auteur sont impliquées dans l'interprétation d'une œuvre donnée: nous l'avons vu clairement, par exemple, quand Jamblique utilise la Métaphysique d'Aristote dans le commentaire des Catégories 11 ). Cf. aussi le rejet de l'allégorie dans le cas cité plus haut p. 275. Cf. ci-dessus p. 396. Cf. ci-dessus p. 396 note 275 et le passage p. 368. Cf. ci-dessus p. 406 et 418 ainsi que Test. et fragm. n° 258 (PllocL. ln Plat. Tim. Il p. 313) et n° 180 (HERM. ln Plat. Phaedr. p. 136,17-19.). 8) Simplicius est évidemment en accord avec la conception de Jamblique lorsqu'il dit (ln Arist. categ. p. 7,29-32): 6Ei 6t olµm Kai 't61v npoç TTÀ.atoova Àtyoµtvoov aù'tlj) µli npoç'fTIV À.tçlV 4) 5) 6) 7)
ùnof3Mnov'ta µ6vov 6taqxovlav t61v cp1À.006qxovKataljlT]cpiÇEo9m, àÀ.À. Eiç 'tÔV voOv àcpop61V'ta 'tTJVèv 'tOÎÇ !tÀ.tlçµuc:pè>v ôq,EiÀ.Et f3À.É1tt:tv, àÀ.À.à1tpè>çtè>lSÀ.ov1c:ai1tiiv29). Il est à peine nécessaire de dire que ceci est la conception aristotélicienne et platonicienne de la connaissance 30 ). Correspondant à la considération de l'ensemble, nous trouvons dans la pensée platonicienne et aristotélicienne la 6laipt:crtç31 ). La question de la division et du plan d'un ouvrage prend une place importante dans l'exégèse qui suit, et précisément aussi dans cette tradition qui est clairement dépendante de Jamblique 32). Nous pouvons admettre que l'on a pu la rencontrer chez Jamblique, en tout cas, nous en 25) Cf. K. FRtIS JoHANSEN,Parm. p. 439; WYLLER,Parm. p. 73. Généralement chez Platon, cf. RtTTER,Platon, Index s.v. (tome Il p. 885) et la formulation de Diès (Autour de Platon, p. 495): « Le travail fondamental de la science était de diviser par genres sans jamais confondre les Formes comprises sous le genre ». 26) Mem. IV 2 § 13 ss.: b: toü cruv16vtaç Kotvil fk>uÀ.Euto9atôtai..tyovtaç Katà ytVTt tà npàyµata. 27) Cf. l'historiographie Katà ytvoç; cf. là-dessus ROBERTDREWS dans: AJPh 84, 1963, 244 ss. 28) Cf. ci-dessus p. 399. 29) Cf. l'introduction au commentaire du Timée et ibid. passim (index s.vv. ÔM>V et ndv). De même chez STEPH. ln Arist. interpr. p. 50, 14 et chez Jamblique lui-même par ex. De vita Pyth. 29,160. 30) Pour Aristote voir par ex. l'introduction au De anima et la Metaph. par ailleurs l'analyse dans la Metaph. li. p. 1023 b 25 ss.; PLAT. Sophist. 253 d, Phaedr. 247 c, Parm. 157 c 4-e 5 et passim. 31) PLAT. Theaet. 201 e ss.; 205 d; Cratyl. 385 c et 424 b; Leges 633 a; 672 e etc. 32) SYRIAN.ln Arist.Metaph. p. 8,18; PHILOP. ln Arist.Phys. p. 1,3 ss.; id. /11 Arist.gen.et corr. p. 2,19 et surtout PROCL.ln Plat. Alcib. 11-12,1 p. 5.
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avons un exemple83). Et, une étude de la division naturelle, se basant sur l'ensemble et le genos est une des conséquences, naturelle et logique, de cette tradition. A partir des données modernes, il pourrait être tentant de concevoir l'utilisation herméneutique du genos par Jamblique - et par là de la compréhension du tout et des parties - comme un structuralisme statique. Mais ce serait absolument erroné. On ne doit pas oublier qu'Aristote, dans sa conception du genos, se base sur des faits biologiques, ainsi que le mot seul l'exprimeH). Que cette conception de base soit transférée à l'exégèse, se voit en ceci que précisément chez Jamblique, nous trouvons la considération organique comme le moyen de comprendre un ouvrage, ainsi que Platon même, dans Phèdre,l'a préparé; et la considération est réalisée de telle manière que l'ensemble aussi bien que l'articulation se comprennent dans cette perspective vitale et dynamique 85). Le monde de la nature vivante est la base de comparaison, car un dialogue, une œuvre littéraire, sont l'expression de quelque chose de vivant et doivent être ainsi compris. Ici, s'appliquent les mêmes lois que celles qui valent pour les autres expressionsde la vie. Cette expression de la vie dans un tout et d'après son espèce est ce que nous devons d'abord rencontrer et considérer pour la comprendre. Après avoir dirigé notre attention vers elle, il nous faut ensuite comprendre la direction du mouvement vital, le but du mouvement qui réunit tout dans un ensemble et une unité. Ceci s'exprime dans le mot clé de l'herméneutique de Jamblique: aico1t6c;.
2.
O'K07t6Ç
De même qu'avec le travail exégétique de Jamblique sur le genos, nous avons pu en trouver des prémisses dans la tradition exégétique qu'il continue, de même, nous pouvons voir aussi dans la période antérieure à Jamblique, que l'exégèse s'est posé la question de savoir quel était le sujet d'un ouvrage donné et par là son intention. Mais, pour le travail de Jamblique avec le scopus, il s'agit à un bien plus haut point que pour la question du genos, d'un apport véritablement fondamental dans l'histoire de l'exégèse. Nous avons vu combien Jamblique travaille partout, précisément sur le problème du scopusdans les œuvres, et nous avons vu combien de fois, il marque une opinion personnelle, comparativement à ses prédécesseurs, dans chacun des domaines traités. Le grand développement du travail sur le scopus des œuvres, développement qui a lieu dans l'exégèse après l'époque de Jamblique et qui fait rapidement de la définition du scopus une partie absolument nécessaire de tout accès préliminaire à la lecture de Platon et d'Aristote, confirme qu'il y a dû avoir un apport fondamental. Les exégètes anciens sont d'accord pour dire que c'est Jamblique qui a fait ce travail fondamental, et les fragments que nous avons étudiés confirment que nous avons ici un point cardinal dans l'apport exégétique de Jamblique. 33) DAMASC. Princ. 313 p. 181; cf. ib. 320 p. 186-87. Sur la méthode dans De myst.Aeg. voir cidessus p. 167. 34) Cf. Metaph. 1,7 p. 1057 a 26 et 28 p. 1033 b 32, là-dessus AueENQUE, L'Etre p. 223. 35) Ci-dessus p. 367-368.
436 Cependant, beaucoup indique que non seulement Jamblique a utilisé la définition du scopus comme une articulation centrale dans son exégèse mais aussi qu'il a réfléchi au sujet des règles détaillées pour la définition du scopus et qu'il a formulé nettement les principes qui doivent être suivis dans une définition de scopus, de sorte que nous nous approchons de considérations explicitement herméneutiques chez Jamblique. En effet, il se montre que l'on trouve de tels principes, complètement développés, à l'époque ultérieure. Nous les trouvons dans les Prolégomènes anonymes de Platon mais tout indique que, par l'intermédiaire de Proclus, et pour l'essentiel, ces principes proviennent de Jamblique. C'est pourquoi avant de définir plus précisément l'herméneutique qui se trouve dans le travail de Jamblique avec le scopus, nous devrons examiner d'abord la base de ce travail avant Jamblique, en même temps que les règles de formulation que nous trouvons après l'époque de Jamblique; règles qui, d'après nous, doivent avoir surtout Jamblique comme auteur. a) 1tp6Secnç et mco1t6ç avant Jamblique Nous avons vu que Jamblique, à plusieurs reprises dans son travail avec le scopus, avait critiqué ses prédécesseurs (en particulier pour des étroitesses de vues dans les définitions). Nous ne pouvons pas en conclure pour cela que la discussion de ce sujet ait été aussi consciemment délimitée à cette période antérieure, que la tradition, à partir de Jamblique et de son époque, en donne l'impression. Nous pouvons supposer que sur beaucoup de points, la période ultérieure a traité la période précédente à partir de sa propre prise de position au sujet du scopus. C'est ce qui rend difficile, en autres choses, de préciser dans les détails le développement du mot crJCox6çet son utilisation dans l'exégèse. Mais nous avons de bons points d'appui. D'abord et avant tout, il est frappant que le mot rov&v 'toiç À.EyoµtvotçCJK01t6ç 42) Westerink, introduction surtout p. XLIX. 43) Voir l'introduction de Westerink. 44) a. PROCL. Theo/. Plat. 42,19--40. 45) Cf. PROCL. In Plat. Rep. l p. 67,10--69,19. 46) Cf. PROCL. In Plat. Alcib. 170-171. 47) Cf. PROCL. In Plat. Alcib. 10,3-14; 19,2. 48) PROCL. In Plat. Rep. l p. 6,1-4. 49) De même aussi Westerink, cf. introduction p. XXXVI.
439 7) Une critique négative ne peut pas être l'intention d'un dialogue - crKoxàçoùK BK 'tl voç 'tOOKŒ'tŒ 8) Le but n'est pas de nature émotionnelle - oùK BµxaSitç ô crK01t6ç 9) Les moyens pour la présentation et l'étude du dialogue ne doivent pas être con.sidérés comme but - oùte BK-rô'.>v ôpyavrov ô crteox6ç 10) Les matériaux du dialogue ne doivent pas être pris pour le but- oùte BK'ti'jç ÜÀTIÇ Ô CJK07t6Ç Les Prolégomènes anonymes expliquent chaque règle plus précisément, grâce à des exemples provenant de dialogues de Platon et provenant de l'étude des dialogues par l'exégèse de tradition. Dans plusieurs cas, nous pouvons remarquer à l'arrièreplan le même point de vue exégétique que nous avons rencontré dans les commentaires de Jamblique. Ce qui est capital, c'est que tout le système est construit sur le postulat formulé dans la première règle; un dialogue a un seul et unique scopus. Car c'est ce postulat qui met tous les autres buts secondaires, au cours de la genèse d'un dialogue à une place subordonnée, et il s'en suit qu'il est naturel de chercher à déterminer quelles sont les autres données qui pourraient être confondues avec le scopus et qui, par conséquent, doivent être séparées de la question du scopus. De plus, il est naturel de se demander ce sur quoi il est permis de s'appuyer, si l'on doit respecter l'exigence de n'admettre qu'un seul scopus. Avec &lçcrKox6çcomme point de départ, Jamblique a bien délibéré et commencé la formulation de principes exégétiques généraux, et c'est à partir de cela que Jamblique, en plus d'exégète, est devenu herméneuticien. Que Jamblique soit l'auteur de la première règle, ressort de son travail sur le scopus ainsi que nous l'avons vu précédemment et ceci est confirmé - en plus des différentes conclusions indirectes - directement, grâce au témoignage d'Elias 60 ). Quant aux neuf autres règles, la troisième et la cinquième peuvent être référées, sans difficultés, à Jamblique, la deuxième et la quatrième par contre, difficilement dans l'exposé actuel, les dernières peuvent être référées au contexte de Jamblique, mais la relation n'est pas aussi évidente que pour la troisième et la cinquième règle. Les circonstances sont les suivantes: Pour illustrer la deuxième règle, que la définition du scopus doit être générale et non pas particulière, les Prolégomènes mentionnent le Sophiste de Platon. Dans ce dialogue dit-on, le sophiste est bien pour autant le sujet mais il n'en est pas moins vrai que le sophiste ne représente, en tant qu'exempte, que quelque chose de plus général c'est-à-dire « l'irréel » et le traitement de ce sujet doit être par conséquent le véritable scopus du dialogue. - Cette définition du scopus qu'utilisent ici les Prolégomènes, se différencie de celle donnée par Jamblique, et nous pouvons voir par là que les Prolégomènes ne reprennent pas à Jamblique son argumentation de la deuxième règle61 ). Ceci n'exclut pas cependant que la règle ait pu être formulée par Jamblique car aussi, dans la définition du scopus du Sophiste par Jamblique, le cas général et non le cas particulier est utilisé comme scopus. En outre, nous pou50) Test. n° 7 in fine. 51) Cf. ci-dessus p. 357 s.
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vons nous demander si véritablement la définition du scopus du Sophiste à laquelle font allusion les Prolégomènes, n'est pas en contradiction avec, par exemple la règle n° 5 qui exige que l'on doit supposer un but noble et bon. Ceci doit signifier à partir de l'idée des principes du scopus - que le but est de présenter quelque chose d'existant ou d'étant, de caractère positif. Et c'était très précisément cette pensée qui était à l'arrière-plan de la définition du scopus du Sophiste par Jamblique, telle que nous l'avons vue. C'est pourquoi, la conclusion doit être que la deuxième règle est certainement de Jamblique, tandis que les Prolégomènes donnent une explication illustrative, diffuse et qui n'est pas l'originale. Au contraire, pour la troisième règle, les Prolégomènes donnent une illustration qui correspond complètement à l'exégèse de Jamblique. Nous ne devons pas déduire, y est-il dit, du fait que la rhétorique est traitée dans une grande partie du Phèdre, que la rhétorique est le scopus du dialogue. Similairement, il serait faux de croire que le scopus du Gorgias est la question de savoir à quel point il vaut mieux faire ou subir l'injustice; elle est bien sOr traitée dans le dialogue, mais seulement dans une partie, et c'est pourquoi elle ne peut pas être le scopus de tout le dialogue ou même son seul scopus. - Les deux exemples font attention aux définitions du scopus de Jamblique. Nous avons vu que Jamblique dans sa définition du scopus de Phèdre n'a justement pas voulu s'arrêter à la « rhétorique » en tant que scopus, et, quant à Gorgias, nos renseignements ici sont bien sOr plus rares mais il en ressort clairement que la tradition ne s'est pas arrêtée à la définition du scopus refusée par les Prolégomènes, et qu'il y a tout lieu de croire, ainsi que nous l'avons vu, que c'est Jamblique qui a le plus nié la possibilité de définir le scopus en faisant attention seulement à une partie du contenu du dialogue 52). La quatrième règle exige qu'une définition du scopus plus précise soit préférée à une moins précise. Il est signalé comme exemple, dans les Prolégomènes, qu'il n'est pas suffisant de dire sur le Timée qu'il est « physique », il faut dire plus précisément que le sujet du dialogue est « physique platonicienne ». Ceci est une illustration très curieuse. Il est absolument certain qu'elle n'est pas celle de Jamblique. Cela ressort de la définition complètement divergente du scopus du dialogue du Timée donnée par Jamblique 53 }. Bien plus. Il est douteux que « physique platonicienne» puisse être une définition du scopus; ce serait bien plutôt, dans la pensée de Jamblique, une détermination de genos, surtout en considérant qu'ici, les Prolégomènes ne repoussent pas par principe « physique » comme une détermination possible de scopus, mais seulement ne veulent pas l'utiliser pour le Timée de Platon, parce que, dans ce cas, elle ne serait pas assez précise. Mais une telle démarche est diamétralement opposée à celle de Jamblique pour qui « physique » est partout une définition de genos. - C'est pourquoi il faut conclure que nous avons devant nous un des nombreux endroits où les Prolégomènes ont une exposition diffuse et que leur illustration de la quatrième règle est positivement incorrecte. Que Jamblique, par contre, puisse être l'auteur de 52) Cf. ci-dessus p. 363 s. (le Phèdre) et p. 347 s. (le Gorgias). 53) Cf. ci-dessus p. 391 ss.
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la quatrième règle, est indiscutable. Nous avons vu que Jamblique accentue partout la rigueur des définitions du scopus et les précise le plus possible et ce fut justement l'acribie de Jamblique, dans les définitions du scopus, qui fut louangé par les exégètes qui suivirent. La cinquième règle déclare que la détermination du scopus doit être noble et bonne. Les Prolégomènes illustrent ceci par le Gorgias. Il se trouve dans ce dialogue une critique de la rhétorique de Polus et de Gorgias, mais elle ne doit pas amener à la conception que c'est cette critique qui est le thème central du dialogue; ce serait réduire le dialogue à une pièce de polémique sophistique, une conception indigne du dialogue. Le scopus doit être plus élevé, c'est-à-dire montrer en quoi consiste la vraie rhétorique. Ici, la mention que font les Prolégomènes du scopus du Gorgias correspond entièrement au travail de Jamblique sur ce dialogue, pour autant que nous pouvons le suivre 54 ). La démarche de la pensée dans l'argumentation est toute jambliquienne: Non seulement la règle, mais aussi son exposé des motifs et l'explication donnée, proviennent sûrement de Jamblique. Avec la sixième règle, les Prolégomènes repoussent une proposition de définition du scopus du Gorgias, selon laquelle le scopus dans Gorgias, devrait être « la raison se considérant elle-même». Une telle chose est complètement étrangère au contenu du dialogue, disent les Prolégomènes. - Nous ignorons si Jamblique a rencontré et rejeté une telle formulation du scopus du Gorgias. C'est pourquoi nous ne pouvons pas faire remonter l'illustration des Prolégomènes jusqu'à Jamblique. Par contre, nous osons attribuer la règle même à Jamblique. La septième règle - qu'une critique négative ne peut pas être le but d'un dialogue - est en rapport étroit avec la cinquième règle; elle fut presque utilisée comme une justification de la cinquième règle. Pour illustrer la septième règle, les Prolégomènes soulignent que, par exemple, il est incorrect de penser, comme certains, que Platon avec Menéxène, a eu l'intention de critiquer Thucydide, et aurait écrit le dialogue pour rivaliser avec l'oraison funèbre de Périclès, chez Thucydide. - Ici, pour illustrer, on utilise un dialogue qui est complètement extérieur au canon de Jamblique. Bien sûr, l'illustration pourrait tout de même être celle de Jamblique, mais c'est peu probable. On ne peut pas non plus exclure que, dans les Prolégomènes, il y ait une certaine contamination entre la cinquième et la septième règle. La huitième règle est illustrée à partir du Philèbe. Platon a consacré sa vie et son œuvre tout entières à la catharsis, et par conséquent, il ne peut pas avoir un but dans quelque ouvrage qui soit en contradiction avec elle. C'est pourquoi, il est aussi incorrect d'admettre que le Philèbe devrait avoir le désir émotionnel comme but de l'exposé. Cette règle correspond très bien au point de vue et au travail de Jamblique et nous avons bien vu aussi que, quant au Philèbe, il y voit un but qui vise plus loin que l'émotionnel 55 ). 54) Cf. ci-dessus p. 347 s. 55) Cf. ci-dessus p. 374 ss.
442 Les moyens dont on parle et que l'on utilise dans le dialogue, ne doivent pas être confondus avec le scopus, est-il dit dans la neuvième règle. La méthode de division (ôta{p&cnç)est utilisée dans le Sophiste, mais c'est un moyen et l'exposé de cette méthode ne doit pas être compris comme le scopus du dialogue. - Nous n'avons pas vu le point de vue de Jamblique au sujet d'une telle conception du scopus. Mais la définition du scopus du Sophiste par Jamblique, montre une telle divergence de cette conception du scopus, que l'illustration peut être ancienne et venir de Jamblique ou de ses successeurs immédiats. La règle peut très bien être de Jamblique. Pour la dixième règle, c'est !'Alcibiade qui sert d'illustration. Ici, l'ambition d'Alcibiade occupe une place importante, mais c'est la matière du dialogue qui est formée d'après un point de vue; l'ambition d'Alcibiade n'est pas le but même du dialogue. - Suivant la reproduction par Proclus des considérations sur le scopus du dialogue d'Alcibiade, il semble plutôt que ce soit la neuvième règle qui ait été utilisée pour réfuter une telle détermination du scopusH). Il n'est pas certain que la règle remonte à Jamblique, et que l'argumentation des Prolégomènes soit ancienne. Nous n'essaierons pas davantage ici de suivre l'histoire de ces dix règles, de Jamblique jusqu'aux Prolégomènes. Beaucoup restera inéclairci, quant au développement. Cependant, il est important qu'il y ait de bonnes raisons d'admettre que la plupart des règles remontent véritablement à Jamblique et qu'il en a exposé les motifs. Quant à l'herméneutique, il est particulièrement important de saisir ce qui est la base et l'idée fondamentale de ces principes d'exégèse, et il est absolument certain que cette base et cette idée se trouvent dans la première règle fondamentale sur &tç a1eo1t6ç. C'est pourquoi nous devons examiner de plus près ce qui se trouve dans cette règle, du point de vue herméneutique. c) Cause finale
Le principe herméneutique fondamental de Jamblique est que, pour comprendre
un texte, nous devons comprendre son intention. C'est, en réalité, utiliser la doctrine aristotélicienne des causes dans le domaine de l'exégèse. Il est bien connu, comment pour Aristote toute vraie connaissance est une connaissance des causes, et comment, pour lui, des quatres causes qu'il dénombre - celles qu'il faut observer et comprendre - celle qui est la cause la plus essentielle et la plus primordiale, est la cause finale. C'est elle, pour ainsi dire, qui est la véritable clé de la compréhension. C'est cette méthode scientifique, avec son épistémologie implicite, que nous voyons chez Jamblique appliquée à un objet déterminé de la connaissance: les œuvres d'Aristote et de Platon. Quand nous considérons l'attitude de Jamblique envers Aristote, il ne peut faire aucun doute qu'il s'inspire directement d'Aristote et de la tradition aristotélicienne. Mais cette application signifie la création de l'exégèse scientifique, possédant une méthode analogue à d'autres formes de science dans le sens aristotélicien et se trouvant à la hauteur de ces sciences quant à l'exactitude. Il n'est pas étonnant que ce fut Jamblique même qui approfondit la question et se demanda comment déter56) Cf. ci-dessus p. 340 ss.
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miner précisément l'intention d'un texte afin de trouver sa véritable intention et non y mettre la nôtre. Pour faire ceci, il faut trouver des critères, définis extérieurement et contenus dans le texte. Ce sont ces critères que les principes de la définition du scopus cherchent à préciser. Il est dans la nature de la cause finale qu'il ne peut y en avoir qu'une seule pour une substance donnée. Car ce n'est que lorsque tout est ramené à un Tlvoç fveKa que nous avons trouvé ce qui est 'tàyaS6v pour la substance donnée, c'est-à-dire sa nature la plus profonde. Jamblique, par conséquent, n'ajoute rien de nouveau quand il exige que l'on n'admette qu'un seul scopus pour un travail donné. Mais la grandeur de Jamblique réside dans le fait qu'il a compris que ceci est la conséquence d'une explication par la cause finale et il a souligné explicitement que l'unité doit être comprise, si l'œuvre doit être comprise. La relation entre l'herméneutique de Jamblique et la tradition aristotélicienne est comfirmée par ce que déjà chez Aristote, nous avons de nettes tendances à l'utilisation de ces principes méthodiques pour l'interprétation du texte. Il n'y a pas seulement une relation générale chez Aristote entre genos et l'unité par exemple6 7). Il y a aussi chez Aristote cette pensée qu'un seul thème est nécessaire pour l'unité d'une epos et c'est précisément dans la Poétique qu'Aristote vient avec cette considération 68). Nous avons donc ébauchés ici la convergence du but et l'unité clairement exprimée, comme base d'une œuvre littéraire. On pourrait maintenant soulever la question de savoir si Jamblique, en supposant une seule intention, néglige la possibilité que l'auteur n'ait pas pu maintenir et réaliser une seule intention, c'est-à-dire ce qu'il y a en fait de mauvais ouvrages qui manquent de cohérence. Il faut dire à ceci que ce n'est pas une raison pour admettre que Jamblique aurait négligé cette possibilité. Il ne généralise pas le principe dans ce sens; nous ne le voyons pas affirmer que ce principe devrait être appliqué à n'importe quel écrit. Strictement parlant, Jamblique n'a formulé ses principes exégétiques que pour les œuvres de Platon. Ici, il suppose l'unité de l'intention; car Jamblique ne doute pas que les œuvres de Platon soient des œuvres littéraires parfaites. En fait, nous voyons que Jamblique transfère aussi ses principes à l'exégèse d'Aristote et cela signifie naturellement qu'il a aussi supposé l'unité d'intention chez Aristote. Il y a une autre chose dont il faut se souvenir en relation avec l'herméneutique de Jamblique. A partir de la situation moderne, nous pouvons parler quelque fois de « l'intention » d'une œuvre littéraire dans un sens totalement différent de celui dont il s'agit avec Jamblique. Nous connaissons le concept « la littérature de tendance » et nous comprenons par là une intention avec une œuvre qui, pour ainsi dire, est étrangère à l'œuvre même; l'intention devient ici problématique car elle veut dire arrière-pensée et désigne une divergence entre une tendance intérieure, innée, et une tendance ajoutée, extérieure, de sorte que la dernière compromet la première. On ne trouve pas cette problématique chez Jamblique. Quand il est question, très préciséS7) Cf. par ex. AUBENQUE, L'Etre p. 212. S8) Chap. 7 et 8 (début). Cf. ce que dit Aristote sur l'intention dans l'art et la nature dans la Phys. p. 198 b 32-199 b 33.
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ment, de la cause finale aristotélicienne il est question seulement de la « tendance » intérieure, innée; Jamblique pense à la direction propre de l'œuvre, à l'idée même. Pour comprendre l'étendue de l'herméneutique de Jamblique il est nécessaire de se souvenir de toute la perspective de la compréhension par la cause finale aristotélicienne. Nous soulignerons deux choses ici, en particulier. D'abord, la compréhension par la cause finale chez Aristote est appliquée à la compréhension de toute la nature. Par suite, la compréhension d'un texte s'insère, dans un plan cohérent avec la compréhension physique et métaphysique. Le texte est un objet de la connaissance de même que des faits physiques et ontologiques. D'autre part, l'explication par la cause finale a aussi une place centrale quand il s'agit d'êtres vivants, aussi bien d'animaux que d'êtres humains. Nous voyons comment Aristote pose la question du but final et de la destination aussi bien dans le Politique que dans l'Ethique 59). Par conséquent, c'est véritablement dans la cause finale aristotélicienne que nous avons aussi la possibilité de la compréhension organique de la littérature telle que nous l'avons rencontrée chez Jamblique. Il n'est donc pas seulement question, dans l'exégèse de Jamblique, de la construction et de la structure d'une œuvre et d'un « but » qui est comme un point final ou un sommet statique. Scopus est une question du mouvement vital dans l'œuvre, car un vrai travail littéraire est, d'après l'herméneutique de Jamblique, l'expression de quelque chose de vivant. Le mouvement vital cependant ne se déroule pas au hasard, il a un but qui le détermine et le façonne. d) Idée Mais après avoir dit que Jamblique s'inspire d'Aristote, dans son herméneutique, nous devons ajouter immédiatement que Jamblique est convaincu de l'unité entre Aristote et Platon, et qu'il souhaite, comme les autres Néo-platoniciens, être un élève de Platon. Il est aussi acquis que Jamblique, quant à son herméneutique, ne l'a pas reprise à Aristote comme quelque chose s'opposant à Platon. Au contraire, pour Jamblique, Platon est l'inspiration la plus profonde et celle qui a inspiré le travail scientifique étendu d'Aristote. Nous remarquons bien aussi dans les réflexions du néo-platonisme sur l'exégèse et l'herméneutique telles qu'elles sont traitées après l'époque de Jamblique, et telles qu'elles s'appuient sur les pensées de Jamblique, que pour elles, c'est Platon lui-même qui a indiqué la voie de la compréhension des principes herméneutiques fondamentaux. Si nous voulons comprendre l'herméneutique de Jamblique, nous devons donc considérer Platon, en plus d'Aristote. En fait, c'est chez Platon que nous trouvons l'origine de l'herméneutique de Jamblique. Il n'est pas nécessaire ici d'insister sur le fait bien connu que les considérations téléologiques d'Aristote, aussi bien sur la nature que sur l'existence humaine, ont leur base chez Platon. Nous n'avons qu'à penser, par exemple, à la compréhension de l'univers dans le dialogue du Timée ou à la question de crK01toçôp36ç pour tous les êtres vivants dans le Philèbe 60 ). En premier cependant, il est très important que les 59) Pour la Politique voir l'introduction de Newmann p. 44 ss. et p. 55 ss. Quant à l'éthique, seule l'introduction à !'Ethique Nic. montre la position d'Aristote. 60) Phileb. p. 60 a. Cf. Resp. 530 c: où navm c5&iÙq)111mv.
445 Néo-platoniciens - et cela va sans dire, y compris aussi Jamblique, et vraisemblablement justement Jamblique de manière fondamentale - aient vu le dialogue du Phèdre comme la source principale des supputations exégétiques et herméneutiques. Nous avons vu précédemment comment la considération organique des dialogues apparaît clairement, précisément dans l'interprétation du Phèdre et il est évident que c'est ce dialogue qui l'a inspirée. Nous avons vu aussi que justement la considération organique dans Phèdre donnait directement l'opportunité de souligner un seul scopus parce qu'un être vivant doit avoir un seul but, s'il doit être, en quoi que ce soit, un être unique 91). Nous avons aussi un autre témoignage sur le fait que c'est dans le Phèdre que l'on a trouvé l'assurance de Platon qu'un exposé doit avoir un seul et unique scopus: Olympiodore discute en effet dans son commentaire des Météorologiques d'Aristote, la question de savoir si, chez Aristote, il y a un scopus unique dans son travail De la génération et de la corruption, ou si Aristote a oublié l'exhortation de Platon qu'une œuvre ne doit pas avoir plusieurs intentions. Olympiodore arrive au résultat qu'Aristote s'est souvenu de l'exhortation de Platon; pour nous, il est important de remarquer qu'Olympiodore comprend ce qui est dit comme une recommandation explicite de Platon: tè> IlÂ.atrovucè>v1tapayy&Â.µa,6n où 6&t êvoç l3tl3Â.iou1toÂ.Â.oùçcrteo1toùç 1tot&icrSat81). Il ne fait aucun doute que l'éditeur de l'œuvre d'Olympiodore, Stüwe, a raison de présumer qu'Olympiodore a pensé par là au dialogue du Phèdre. Ici, l'endroit en particulier qui est important, est le passage 265 d, où il est dit que l'on doit résumer en une idée unique ce que l'on souhaite enseigner, c'est-à-dire qu'un logos ne doit avoir qu'un but; transféré à l'exégétique: qu'un dialogue et une œuvre littéraire ne doivent avoir qu'un but: &iç µ{av i6êav cruvopii'>vta6ptÇ6µevoç 1t&pioù av à&i 6t6aate&tv t9êÂ.1J. Cependant, c'est bien plus que le dialogue du Phèdre qui a pu faire comprendre aux Néo-platoniciens que Platon a été convaincu de l'intentionalité dans un ouvrage de l'esprit, en particulier dans un discours, un dialogue, et en général dans une œuvre littéraire. D'autres endroits le montrent aussi. Pour en citer seulement un seul: il est dit directement dans le Théétète, au sujet d'un discours qu'il « tend vers quelque chose »; par là l'intentionnel est exprimé clairement et l'unité est impliquée pour le 63 scopus: eiç yàp tofrr6 nou 1tâç 6 Â.6yoç11µtv &t&tv&v ). Mais ce qui est encore plus important que ces passages isolés, c'est que l'herméneutique de Jamblique est en accord total avec toute la conception de Platon de la connaissance et qu'elle ne peut être comprise complètement que dans ce contexte. Nous pensons ici à la manière dont Platon, à maintes reprises, redit que, dans la connaissance, « nous attendons quelque chose », que « nous avons l'attention dirigée vers quelque chose » et il est évident que ceci est pour Platon la conditio sine qua non de la connaissance. Toute l'attitude de Platon est exprimée ici par l'utilisation continuelle de mots tels que l3À.É1t&tv/à1tol3À.É1t&tv &iç/1tpè>çtt, tea9opâv, 9eàcr9m, 1tpocropiiv, CJK01t&iv, SeropEîv 61) Ci-dessus p. 367 s. 62) ÛLYMP. In Arist. meteor. p. 9,5 s. 63) Theaet. 163 a.
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etc."). La connaissance est l'observation attentive, et sans l'intentionalité dans l'attention il n'y a ni attention ni connaissance. Dans ce sens, la connaissance a lieu toujours comme une relation parce qu'il est dans la nature de la connaissance « d'être par rapport à quelque chose », si la connaissance doit être en quoi que ce soit connaissance66). Mais, par là, nous est aussi donnée la position herméneutique de Jamblique. Car, si la connaissance est « par rapport à quelque chose », il est donc aussi nécessaire pour la compréhension d'une expression d'une connaissance - et c'est ainsi que Jamblique conçoit un dialogue de Platon - que l'expression puisse être comprise seulement si on comprend ce qui a été l'objet de la connaissance de Platon dans le cas donné, c'est-à-dire si on comprend ce qui donne le sens à l'expression littéraire. Ainsi, l'herméneutique de Jamblique est en concordance précise et vient directement de l'attitude philosophique contemplative de Platon. Pour Jamblique, comme pour Platon, il est essentiel pour toute connaissance et pour toute compréhension d'avoir l'attention dirigée vers l'idée.
3. Texte et sujet Nous avons vu à plusieurs occasions, comment Jamblique, dans son exégèse, ne fait pas seulement attention au texte, mais comprend le texte à partir du sujet 18 ). Ceci n'est pas particulier à Jamblique, mais est un trait général de la tradition d'interprétation du néo-platonisme. Cependant, il y a tout lieu de croire que Jamblique a souligné ce point et a travaillé particulièrement en ayant cette attitude envers la question « texte et sujet ». Car cette attitude se retrouve de plus en plus après Jamblique, et nous avons déjà chez Jamblique même un travail d'exégèse qui est clairement construit sur la conviction que la compréhension du sujet et la compréhension du texte sont reliées très étroitement. Il est évident que nous avons ici un trait très important de l'herméneutique chez Jamblique. Il ressort déjà du canon de Jamblique et de sa classification de l'étude de Platon et de l'étude d'Aristote par rapport l'une à l'autre, que Jamblique n'oriente pas son exégèse à partir d'un simple intérêt philologique. Le but de Jamblique, avec son commentaire, est une introduction aux faits philosophiques. Il est évident qu'ici, entre autres, il s'oppose à Porphyre dont l'intérêt est plus «scientifique», en ce sens que Porphyre rassemble plutôt plus de renseignement mais ne les traite pas, dans le même degré, philosophiquement. Que Jamblique même puisse différencier ici les buts qu'il s'assigne, se voit clairement dans la différence des plans entre un travail scientifique comme De anima, et une œuvre plus populaire comme Synagoge Pythagorica. L'exégèse de Jamblique a été très largement et au plus haut point, scientifique; nous n'avons 64) Là-dessus entre autres MOTTE dans: AC 30, 1961, 26 avec la note 28; P. FAURE dans: REG 75, 1962, XVI-XVII et beaucoup d'autres. Quant à quelques passages de Platon cr. par ex. Theaet. p. 179 e, 184 d, 203-04; Phileb. 16 d, 25 a. 65) Wyller dit très exactement, à propos du Parménide, en parlant de la compréhension qu'a Platon de la connaissance: « Erkenntnis ist ein Relations-Phiinomen (np6ç n) » (Parm. p. 73). 66) cr. ci-dessus p. 269,406 s., 415 s. et passim.
447 qu'à penser à son commentaire des Catégories. Mais le point de vue philosophique a toujours été le point de vue dominant. Nous voyons aussi dans le traitement des différents ouvrages, comment le sujet est, pour Jamblique, décisif. Il est dans la nature de la détermination du genos que c'est une détermination à partir de critères déterminés par le sujet, et le scopus est précisément le but auquel tend le texte, au point de vue du contenu. Quand nous pensons aux raisons de Jamblique pour placer en premier !'Alcibiade dans son canon de Platon, nous avons ainsi résumée son attitude envers le travail exégétique: !'Alcibiade est placé en premier parce qu'il s'agit de la connaissance de soi, et que celle-ci est la porte de la sagesse. Ce n'est pas, sans plus, du dialogue de Platon dont il s'agit: le but est l'introduction à la sagesse; ici, le dialogue de Platon est un guide supérieur. En prenant comme deuxième exemple le dernier dialogue du premier curriculum, nous pouvons voir dans les Prolégomènes anonymes, que « le désir » est repoussé comme scopus pour le Philèbe, parce qu'il est exclu que Platon veuille introduire au sujet du « désir». On suppose comme une chose allant de soi que le texte de Platon a pour sujet et pour but, l'introduction à la sagesse et à une vie vécue dans la sagesse. De plus, c'est cette conception qu'il n'est pas suffisant de traiter le texte isolément mais qu'il doit être vu dans une plus grande perspective pour être compris, qui est la base de la 8&copiade Jamblique, car ici d'autres domaines, de plus grandes perspectives, des lignes plus étendues sont impliqués, pour laisser, de cette façon, le contenu du texte prendre toute sa valeur, et pour éclairer le sujet dans toutes ses dimensions. Il y a lieu de croire que Jamblique, en plus du travail avec 8&copia,a remanié ce point principiellement, en soulignant, si ce n'est même, en introduisant directement une interprétation par analogie. Par ceci on comprend que le contenu et l'expression du texte soient vus par analogie avec d'autres domaines et d'autres expressions de la connaissance que celle du texte même, pour grâce à cela obtenir une compréhension précise mais étendue de l'importance du texte. Nous voyons en particulier l'interprétation par analogie développée dans le commentaire du Timée par Proclus, et dans le commentaire du Phèdre par Hermias, et il y a tout lieu de penser que Praechter a raison de considérer l'interprétation par analogie comme une articuladon essentielle de l'exégèse de Jamblique, et comme un point important de l'apport exégétique de Jamblique 87). La condition philosophique, pour l'interprétation par analogie, n'est pas seulement la conviction qu'un texte doit être compris en ayant égard au sujet qui y est traité, mais aussi l'admission implicite que c'est une nécessité générale de la connaissance que de comprendre grâce à l'analogie. La connaissance est essentiellement une compréhension per analogiam. Pour comprendre l'herméneutique de Jamblique, il sera nécessaire, par conséquent, d'avoir à l'esprit l'importance de l'analogie comme structure de la connaissance chez Platon, c'est-à-dire qu'il ne peut y avoir aucun doute 67) Richtun[!en p. 113-114. Sur les passages de Proclus qui emploient !"analogie, cf. I p. 17,27 ss.; 29,7; 49,20; 55,9; 57,21 ss.; 58,10; 59,2; 63,2 ss.; 78,12; 88,2; 89; 95; 104,4; 128,14; 179,24; 310, 10 etc. On trouve aussi l'analogie employée dans le commentaire de Parménide, par ex. p. 630 et 749.
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que c'est précisément chez Platon que nous trouvons l'utilisation philosophique de la connaissance par analogie, que Jamblique a appliquée à la compréhension du texte. Coup sur coup, les grandes analogies apparaissent chez Platon: l'analogie entre le corps et l'âme, la bête et l'homme, le microcosme et le macrocosme, l'état et l'homme, le sommeil et la mort, 1tapci6&tyµaet &iKrovetc., etc., nous n'avons pas besoin de les citer toutes. Avec une base dans la philosophie pythagoricienne, nous avons chez Platon une compréhension de l'univers qui est une compréhension de l'ensemble, non parce que tout se rattache en un seul système mais parce que tous les faits qui peuvent être clairement distingués l'un de l'autre ont, comme relation entre les uns et les autres l'existence d'une analogie entre eux, et que par conséquent ils peuvent et doivent être aussi compris per analogiam. Il sera essentiel pour la qualité d'une exégèse que celle-ci n'ait pas seulement égard au texte comme au sujet, mais aussi qu'elle sache distinguer entre les deux choses. Si elle ne distingue pas entre le texte et le sujet il y a toutes raisons de croire que l'exégèse, d'une manière imprécise et obscure, mélangera les deux choses de sorte que l'on ne pourra pas comprendre ce qui est le contenu du texte et ce qui est impliqué dans le sujet même. Cependant, nous avons témoigné directement que Jamblique a été capable ici de distinguer clairement et nous devons considérer ceci comme un élément essentiel de son exégèse et comme un élément fondamental de son importance comme herméneuticien. L'attitude de Jamblique s'exprime avec concision quand il repousse une interprétation de Porphyre sur un passage du Timée, en donnant comme raisons que l'interprétation de Porphyre « n'est ni en accord avec Platon ni avec la vérité »: 6 6i: y& 8&ioç 'Iaµ~Àtx_oç èmttµfJaaç toutotç ci>çoüt& flÀatrovtKéi>çoüt& àÀTJ8éi>Ç À&yoµi:votç88 ). Une telle formulation montre d'une part que Jamblique pense à partir du contenu du texte, d'autre part qu'il peut distinguer entre Platon et la vérité. Que ceci soit vraiment la formulation de Jamblique ressort du fait que nous avons, dans une citation directe chez Simplicius, absolument la même formulation dans un rejet d'un certain commentaire d'Aristote: oüt& yàp t4'> 'Aptatoti:À&t 6oK&itoîito oüt& ÙÀTJ8i:çèattv 69 ). Nous savons aussi, que Jamblique a exprimé cette distinction en relation avec une discussion sur De anima d'Aristote: tEÀ&roaaµi:vou6è tt)v fl&pi 'l'UXl'\Ç1tpayµat&iav toîi 'Aptatoti:Àouç, ci>çt4'>àp{atq> ft téi>vtà èK&ivouampT)VtÇ6vtrov ti'jç ÙÀTJ8EiaçKpttil 6oK&itlp 'laµ~ÀiX,7tOÀÀ1) 1tpoç àÀÀfJÀouç6tacprovia où 7t&piti'jç 'Aptatot&ÀtKi'\ç Ài:ç,&roç µ6vov tpµT)v&iav, 70 ÙÀÀ.àKai 1t&piaùtà tà 1tpayµata µaÀtata ). Ici, Simplicius confirme que Jamblique a différencié scrupuleusement entre texte et sujet - et il affirme sa conviction que Jamblique n'est pas seulement un exégète remarquable mais qu'il est aussi celui qui a le mieux compris le sujet même. Nous voyons comment, à l'époque qui suit celle de Jamblique, la distinction nette entre texte et sujet est reprise, puis continuée par ses successeurs: telle quelle, elle est 68) PROCL. ln Plat. Tim. I p. 152,28. 69) Fragm.exeg. n° 75. Sur la faute de lecture de 'Avc'ipovit.:Q> pour'Ap1cnorl:Â.E1 voir la note de Kalbfleisch. 70) SIMPL. ln Arist. an. p. 1,11.
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basée sur le postulat que le contenu d'un texte vient en premier pour la compréhension du texte. Il nous suffira d'un seul exemple: Proclus distingue entre texte et sujet; il l'exprime clairement quand il dit: tà µÈv oov toO Ili..6.trovoçtotaOta, aùtè> 6t Kas· aôtè> tè> 66yµa ... 71). Simplicius utilise cette distinction 71 ). Et Elias déclare qu'un exégète doit comprendre à la fois le texte et le sujet: ô 6t t!;11y11t11ç ëcrtro éiµa ÈÇTIYlltllÇ Kai tmcrt11µrov73). Ce que Jamblique a souligné est devenu propriété commune: nous devons comprendre à parlir du sujet et il faut distinguer entre le texte et le sujet. Nous pouvons aussi reconnaître ceci comme platonicien. Dans Phèdre, nous avons cette même distinction clairement exprimée. Ce n'est pas pour rien que c'est Socrate même qui demande: ti 1tott i..tytt 'bmo1Cpat11çtt Kai ô à.i..11S11ç i..6yoç7'). Le facteur essentiel pour l'évaluation d'un texte est la question de son rapport avec la vérité; c'est pourquoi nous devons pouvoir distinguer entre le texte et le sujet car ce n'est pas le texte en soi-même et isolé qui est le but, le texte sert au contraire à la connaissance du sujet. En fin de compte, ce ne sont pas les textes qui sont essentiels, c'est la vérité qui est essentielle.
4. L'exégèse et l'herméneutique de Jamblique dans une perspective historique Nous disons de temps à autre que le temps est un tamis: il trie choses et gens, il en laisse tomber vers l'oubli, d'autres sont conservés en raison de leur grandeur et de leur valeur. Une très grande partie de la littérature antique a été perdue et nous avons vu qu'aussi, une très grande partie de l'ceuvre de Jamblique a disparu pour ne plus jamais être retrouvée. Mais l'apport essentiel de Jamblique, en tant qu'exégète et herméneuticien, n'a pas disparu avec les différentes ceuvres, car, aux époques suivantes, il fut repris et continué et fut la source d'une grande inspiration. Ceci est l'influence directe de Jamblique. Mais il y a aussi un autre moyen de juger la valeur de l'exégèse et de l'herméneutique de Jamblique: là même, où, dans la tradition exégétique ultérieure, nous ne pouvons plus démontrer ou admettre quelque influence directe de Jamblique, il se montre que certains des points de vue essentiels de Jamblique apparaissent à nouveau et ceci surtout à des périodes où il y a eu un grand renouveau dans l'art de comprendre les textes transmis. Nous considérerons ici, très brièvement, l'exégèse et l'herméneutique de Jamblique dans une telle perspective historique, et nous commencerons par l'influence directe de Jamblique. a) L'influence directe de Jamblique
Dans l'introduction nous avons exposé la problématique autour des élèves de Jamblique et de la formation des écoles qui s'ensuivirent. Nous avons souligné que nous 71) ln Plat. Tim. II p. 72,5-6. 72) 1tpiiyµa-Uç1ç par ex. dans le commentaire des Catégories p. 9,10 et 19; p. 180,11; 295,16; 312,27 etc. 73) ln Arist.categ. p. 122,25 et la suite. 74) Phaedr. p. 270 c.
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ne pouvons pas considérer Jamblique comme le fondateur de l'école de Pergame parce que cette hypothèse se base sur des suppositions incorrectes. Par conséquent, quand Eunape dit qu'après la mort de Jamblique, ses élèves se dispersèrent au loin et qu'ils furent tous célèbres et connus, on ne peut pas en conclure davantage que· le fait de l'importance générale de Jamblique et de l'évaluation d'Eunape 76 ). Quant à l'exégèse et à l'herméneutique il est"tout à fait évident que l'école de Pergame ne représente pas une tradition d'exégèse et, que ce que l'école a reçu de Jamblique, a été autre chose que sa compréhension pour l'interprétation d'Aristote et de Platon et pour les conditions générales de l'interprétation. Par contre, la tradition athénienne, aussi bien que la tradition alexandrine, montre qu'elle a puisé largement dans l'exégèse de Jamblique. L'influence directe que l'exégèse et l'herméneutique de Jamblique ont eu sur l'école athénienne et l'école alexandrine ressort le plus clairement de l'origine des témoignages et des fragments exégétiques711). L'attitude de Plutarque, fondateur de l'école néo-platonicienne d'Athènes, envers Jamblique, n'est pas claire. C'est un fait que Plutarque est exégète comme Jamblique et qu'il a donné des conférences sur Platon et sur Aristote. Parmi les ouvrages de Platon, il a travaillé en tout cas avec le Parménide, le Phédon et le Gorgiasqui tous, se trouvent dans le canon de Jamblique, et il s'est fort intéressé au De anima d'Aristote, ce qui est aussi le cas pour Jamblique 77 ). Nous ne pouvons pas exclure une influence directe de Jamblique, par exemple, par l'intermédiaire de Théodore d' Asine 78 ). Cependant, l'influence de Jamblique à Athènes nes peut avoir été aussi introduite par Syrien. En tout cas, elle est fortement accrue par l'attitude positive de Syrien envers Jamblique. Nous pouvons supposer que l'influence a commencé sous Plutarque, qu'elle s'est amplifiée et s'est étendue sous Syrien. Car la mise en évidence de l'importance de Jamblique, par Syrien, est bien connue, les renseignements de Suda en témoignent et elle ressort des propres écrits de Syrien71). Quelle est, par la suite, l'étendue de l'influence de Jamblique à Athènes, ressort le plus clairement de la place que Jamblique, comme nous l'avons vu, prend chez Proclus, élève et successeur de Syrien80 ). Comment se place Jamblique chez les deux successeurs de Proclus, Isidore et Zenodote, est plus obscur. Par contre, chez Damascius, successeur de Zenodote, Jamblique est mis en lumière à nouveau, et encore plus fortement chez l'élève et successeur de Damascius, Simplicius. Nous avons pu voir 75) Ci-dessus p. 22 s. EUNAPIUS,Vila Soph. 6,2,1. 76) a. notre Index fontium. 77) Voir BEUTLEll,Plutarchos von Athen dans: RE s.v. bd. XXI col. 962-75. 78) Cf. notre critique d'Evrard ci-dessus p. 21 note 54 sous c) - ZuMPT(Phi/osophenschulen p. 78) a admis une influence par Théodore, BRUCKER(Historia critica II p. 313) - moins vraisemblablement - par Chrysantius. 79) SuoA s.v. 1662: :Eup1avoç 1tpoat:Ix& 6t tè>v voîiv ~ tà µéù..1aÀ.ç chez saint Athanase surtout p. 423 ss. 6wvow joue aussi un grand rôle dans l'exégèse d'Atha-
nase. 98) KEluuOAN, St. Cyril of Alexandria. Sur cnco1t6çp. 87-110. 99) KEluuOAN, op.cil. p. 116-122, 190-191 et 238-239. 100) U-dessus surtout M. Pu!zlA, De Commentariis Isagogicis, et ad Auctores. 101) SIMPL. voir par ex. In Arlst.Categ. p. 3,18-29.
QUAIN,
The Medieval Accessus
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du scopus. Néanmoins, nous ne nous occuperons plus de la question de l'influence de Jamblique au sens direct, mais, par contre, de cette littérature préliminaire, dans son ensemble. Comme le scopus y entre comme une partie permanente, cette littérature a, en effet, une importante perspective pour les principes exégétiques de Jamblique. Il y a lieu de remarquer que le genre que nous pouvons comprendre sous la dénomination accessus a une relation évidente avec la tradition scientifique aristotélicienne. En plus de la tradition alexandrine qui est en relation avec l'école aristotélicienne d'Ammonius, et qui en est influencée, nous trouvons aussi, en prolongement de l'école d'Antioche, un contact permanent avec la tradition et l'esprit scientifique aristotéliciens. Aussi bien l'école de Nisibe d'où la ligne alla jusqu'à Junilius, que la tradition syriaque de commentaire, sont de tendance aristotélicienne 1oa). Le même fait se produit jusqu'au Moyen-Age dans la tradition ultérieure de l'accessus 108 ). Nous pouvons y trouver la confirmation qu'il y a une affinité entre les principes exégétiques et herméneutiques de Jamblique et Aristote. A l'ouest, nous voyons les questions préliminaires traitées chez Boëce, ce qui est important, quand nous pensons à la tradition de Boëce au Moyen-Age. Le désir de Boëce est de transposer et pour ainsi dire de traduire à la fois Platon et Aristote, parce qu'il suppose une synthèse entre eux deux. Boëce connaît Jamblique; cependant il n'y a aucune raison d'admettre quelque influence directe; mais Boëce connaît la tradition accessus et il s'appuie sur cette tradition. Une récapitulation de ses points préliminaires dans ses œuvres conservées, le démontre. Il traite les points suivants: dans dans dans dans
l'Isagogé: intentio, utilitas, ordo, auctor, inscriptio, pars philosophiae le Commentaire d'Isagoge: utilitas, intentio, inscriptio, pars philosophiae le Commentaire des Catégories: intentio, utilitas, ordo, pars philosoph1ae le Commentaire du De interpr.: intentio, inscriptio, utilitas
Intentio prend une place de premier plan et Boëce est tout à fait conscient qu'il construit ici sur une base grecque: « intentio », dit-il, « quod apud illos (se. Graecos) aico1t6çvocatur » 10 '). Ces schemata préliminaires ont une grande influence sur une série de formes litté-
raires, telles que la littérature juridique, la littérature médicale et la littérature philosophique, et de plus, cette influence continue naturellement dans la littérature exégétiqueios). 102) Là-dessus KlHN, Theodor passim. Un commentaire syrien sur l'lsagoge de Porphyre étudie, d'après Kihn, les points suivants: scopus, utilitas, ordo, causa scribendi, divisio capitum, cuius auctoris sil liber, de quo agat. 103) Cf. la remarque exacte de QUAIN (op.cit. p. 248): « Il is to be noted that these ten questions are not found, at least in the light of the e,ctant works of these men, in Commentaries on Porphyry or on any other philosopher than Aristotle. This would suggest that something in Aristotle himself might have been a motivating force in the construction of this schema ». 104) lntrod. au commentaire sur l'lsag. de Porphyre. 105) Cf. QUAIN, op.cil. (aperçu p. 240), en outre HUNT, The Introductions to the« Artes », et McKEON, Rhetoric in The Middle Ages.
456 c) L'exégèse du Moyen-Age L'exégèse du Moyen-Age est divisée par Spicq, en deux périodes principales; la première comprend la période du huitième au onzième siècle, tandis que la deuxième comprend l'époque du douzième au quatorzième siècle 108). La première période est caractérisée par la tradition d'interprétation allégorique venant de saint Augustin, par l'intermédiaire de M oralia de saint Grégoire le Grand 107). Ici, on suppose que les textes bibliques ont une signification (sensus) multiple et il est évident qu'ainsi, nous sommes loin des pensées de Jamblique sur un scopus unique108). Il y a d'autres principes derrière cette tradition d'interprétation 109). Il n'en est pas moins vrai que, dans cette première période, on rencontre aussi la tradition scientifique grecque par l'intermédiaire du néo-platonisme ainsi qu'il s'exprime chez Jean Scot Erigène par exemple (t870). La signification multiple ne se comprend pas seulement dans ce sens qu'un seul et unique texte biblique a plusieurs significations (ce qui donne lieu aux allégories), mais il est aussi souligné qu'il y a une différence entre le caractère des différents écrits bibliques, c'est-à-dire, que nous trouvons à cette période une conscience nette du genos, dans l'interprétation de la Bible. Jean Scot explique cela en détails et renvoie à un classement des écrits bibliques en différents groupes, correspondant au classement grec, en sciences éthique, physique et théologique (contemplative) 110). Ce sont précisement les définitions du genos de Jamblique que nous rencontrons ici. Ces définitions de genre donnent les différentes formes d'étude des écrits bibliques, dit Jean Scot, elles représentent « varietas theoriae Sacrae Scripturae » 111). Au cours de la deuxième période, cependant, les principes d'interprétation de Jamblique sont beaucoup plus directement mis en lumière. Maintenant, c'est l'exigence de connaître l'intention de l'auteur, qui s'impose: et l'intention est considérée maintenant comme la clé de la compréhension du texte. Il faut remarquer deux choses pendant cette deuxième période. La première, c'est que l'étude de la Bible prend une bien plus grande place que précédemment et qu'elle devient l'étude théologique toute primordiale; il s'en suit une intense activité, aussi avec les conditions scientifiques et les bases de l'interprétation de la Bible. La deuxième, c'est que la tradition aristotélicienne est un des facteurs essentiels de la renaissance théologique, dans laquelle la nouvelle interprétation est formulée 112). C'est déjà chez Anselme de Laon (t 1117) que nous rencontrons l'exigence que l'interprétation ait égard: 1) à l'intention de l'auteur (intentio ), 2) au sujet qui est traité (res) et 3) au bénéfice tiré de la lecture (utilitas) 113 ). 106) SPICQ,Esquisse. 107) SPICQ,op.cil. p. 11. 108) Angelôme de Luxueil ne distingue pas moins de sept sens, voir SPICQ,op.cil. p. 24. 109) Le Liber regu/arum de Tychonius est une source importante pour l'exégèse de saint Augustin. Cependant ici la perspective théologique a été tout à fait décisive pour l'herméneutique, voir BARDY,art. Tychonius dans: Dict.Theol.Cath. 110) Homil, inJoh.col. 291 (Migne PLCXXIl);cf.ib.col. 283-96et297-348. cr.Spicq, op.cil. p. 24-25. 111) Expositiones col. 183 (Migne PL CXXII); SPICQ,op.cil. ibid. 112) SPICQ,op.cil. 113) SPICQ,op.cil. p. 104. Anselme de Laon a une influence sur Prévostin (mort vers 1210).
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Hugo de St. Victor (tl 141) a une importance toute spéciale pour la formulation d'une nouvelle orientation dans l'exégèse. Il distingue scrupuleusement entre le sens littéral et le sens spirituel du texte; il souligne par là, à la fois, qu'il y a une unité dans le sens propre et le but du texte, et, que celui-ci, pour être compris complètement, doit être compris dans une perspective plus large, et dans une perspective spirituelle11 ') Hugo a aussi explicitement considéré les principes herméneutiques de l'interprétation et a écrit à leur sujet 116 ). L'analogie est utilisée chez Hugo, consciemment, comme méthode exégétique, car il souligne que la Bible doit être comprise à la lumière de la foi, c'est-à-dire à partir de l'incarnation de Dieu dans le Christ. Cela correspond à ce que nous avons vu dans la patristique grecque, mais la manière d'interpréter est ici plus explicitement expliquée comme l'utilisation de l'ana/ogia fidei 116 ). - Le travail d'Hugo est continué par Richard de St. Victor qui est considéré par Spicq comme le plus grand interprète biblique du douzième siècle « par la quantité et par la qualité et par les principes herméneutiques » 11 7). Au treizième siècle, le travail avec les genres littéraires et avec intentio devient une partie habituelle du travail théologique biblique. Ici, des noms comme Hugo de St. Cher, Querric de St. Quintin et Étienne Langton sont essentiels118 ). Mais il est particulièrement essentiel que le renouveau de l'interprétation est aussi continué par les plus grands noms du 138 siècle. - Saint Albert le Grand souligne que la seule vraie interprétation est l'interprétation qui explique l'intention de l'auteur, c'est-àdire l'intention qui se trouve dans le texte même119 ). « Intentio dicentis expressa in littera est litteralis sensus », est-il dit 110 ). Et précisément, comme chez Jamblique, la compréhension aristotélicienne des causes est la base de l'herméneutique, ceci se voit clairement, entre autres dans le commentaire de Jean par saint Albert, où les quatre causes aristotéliciennes sont employées directement dans l'exégèse111 ). - Saint Bonaventure fait remarquer que les contradictions apparentes de la Bible doivent être expliquées par l'intention théologique de l'exposé 121 ). Intentio est à ce point fondamentale pour l'étude biblique qui suit. - Saint Thomas d'Aquin suit, sur beaucoup de points, la tradition d'Hugo de St. Victor 113 ). Mais il précise et motive les principes 114) SPICQ,op.cil. p. 94 SS. 115) De scripluris et scriploribus sacris praenolationes, Migne PL 175 col. 9-28; de plus Je quatrième livre de Eruditionis didasca/ia, Migne PL 176 col. 777-812. 116) Voir SPICQ,op.cil. p. 82. 117) Richard est mort en 1173. 118) SPICQ, op.cil. p. 152 et passim. Sur Etienne Langton voir aussi SMALLEYdans: Archive de.v Hist.doclr.el litt. du Moyen Age, 1930, p. 155 avec note 1. 119) SPICQ, op.cil. p. 211. Sur saint Albert comme exégète, voir surtout A. VACCARI,S. Alberto Magno e l'exegesi medievale. 120) Summ.lheol. I, trac. I q. 5 n. 4; Bouquet XXXI p. 28. 121) a. l'édition de Bouquet. Nous rencontrons les mêmes principes chez Maimonides; nous pouvons en conclure qu'il s'agit de la tradition aristotélicienne; voir la traduction de Friedl, sur l'intention chap. 35 p. 465 et chap. 40; cf. SMALLEY, op.cil. p. 295 et passim. 122) ln Luc., ed. Quarachi VII, 101: Attendum, quod evangelista non prosequitur ordinem rei gestae, sed ordinem intentionis suae, et hoc quidem facit pluries et ideo cum unus Evangelista narret post, quod alius ante, non est repugnantia, quia non intendunt dicere eo ordine esse facta, quo sunt scripta. 123) SPICQ,op.cil. p. 94 SS.
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exégétiques et leur utilisation. Saint Thomas souligne fortement qu'il n'y a qu'un seul sens littéral et qu'il ne peut être question que d'un seul sens littéral - ce qui correspond précisément à l'exigence d'un seul scopus de Jamblique 1H). Ce sens littéral n'exclut pas, par contre, de plus larges perspectives dans la signification du texte, mais il est nécessaire de distinguer exactement entre l'un et l'autre. Nous pouvons comparer avec juste raison la signification spirituelle du texte de la Bible avec les pensées de Jamblique sur la 3ecopia, il s'agit d'une analogie avec la structure herméneutique, même si le contenu est différent 116 ). Qu'il s'agisse de la compréhension d'un texte biblique ou de la compréhension d'un texte philosophique, il est nécessaire de comprendre l'intention qu'a eue l'auteur avec son œuvre. D'un autre côté, un travail isolé philologique ne peut pas être suffisant pour la compréhension complète de la signification d'un texte philosophique ou d'un texte biblique. Cette compréhension exige une plus large perspective. d) LA Renaissance et la Réforme
Il est question à nouveau, d'une influence directe de Jamblique à l'époque de la Renaissance. Elle a lieu dans l'Académie Platonicienne Florentine 118 ). Cependant, ce ne sont pas tellement les œuvres exégétiques de Jamblique qui sont au premier plan, comme par exemple le De mysteriis Aegyptiorum 11 7). Tout de même, des positions essentielles de Jamblique sont ranimées et reprises dans ce renouveau de Platon à l'époque de la Renaissance. Ainsi, Pico, souligne la concordance fondamentale entre Aristote et Platon, et l'on pourrait croire que Pico est sous l'influence du canon de Jamblique, quand il prend l'Alcibiade de Platon comme point de départ de la philosophie, en donnant comme raison que ce dialogue a, comme sujet, la connaissance de soi118). Il est évident qu'un renouvellement exégétique a lieu aussi dans l'Académie Florentine. Il est à peu près certain que celui-ci accompagne aussi l'inspiration qui, del' Académie Florentine, alla vers les humanistes anglais tels que John Colet et saint Thomas More, et qui, de là, eut une importance ultérieure sur Erasme de Rotterdam 118 ). Cependant, dans notre contexte, il est encore plus important pour nous de remarquer quelle importance fondamentale Luther a attribué au scopus dans la compréhension de la Bible.186 ). Luther souligne que tout le scopus de }'Ecriture est le Christ 124) SPICQ, op.cil. p. 277. 125) Le travail de St. Thomas sur l'intention apparait très clairement dans le commentaire sur les Lettres de Paul. 126) ScHMIO-STAHLIN,p. 1054; KRISTELLER,Plat.trad. p. 45 ss.; TORRE, Storia del/' Academia Platonica di Firenze. 127) Ficino commente le De myst.Aeg., Opera II p. 848, voir Pus1No, Ficino und Pico. 128) CT. PusINo, op.taud. p. 88. Sur le Phèdre ibid. p. 89. 129) Cf. PusJNo, Der Ein/fuss Pico's au/ Erasmus; MESTWERDT,Die Anfiinge des Erasmus (surtout p. 56) et ScHLIN0ENSIEPEN, Erasmus ais Exeget. 130) Sur le scopus chez Luther: THESTRUPPETERSEN,Luther p. 152; 251 ss.; 270 ss. et p. 417 avec r~férence aux passages principaux chez Luther. De plus EeELINO, Evang.Evangelieausl. p. 200 (avec la note 304) et p. 410 ss.; id., Wort Gottes u. Hermeneutik; LoEWENICK,Luther ais Ausleger der Synoptiker, surtout p. 97 ss.
459 en tant que sacramentum,et une suite de conséquences découle de ce point de départ. Il est bien connu que c'est à partir de cela que Luther juge de la question de l'authenticité, car il considère comme critère d'authenticité qu'un écrit« treibt auf Christum». Mais il s'agit d'une manière d'interpréter beaucoup plus étendue. Pour Luther, la question du scopus ne peut pas être séparée de la question de l'âme et de la lettre, et, contrairement à la tendance du Moyen-Age de mettre d'abord l'intentioen relation avec l'interprétation littérale, Luther prend le scopus comme le but spirituel, tandis que l'interprétation littérale devient pour lui une manièr~ « légaliste » et « juive », de lire l'Ecriture 181 ). La compréhension spirituelle est la seule essentielle, car elle est le scopus de l'Ecriture. Par là, Luther s'oppose à une interprétation allégorisante, car la compréhension spirituelle ne signüie pas que le texte ait plusieurs sens, au contraire: le sens spirituel est le seul scopus du texte 131 ). Ce qui signifie que, pour Luther, le texte ne peut pas être compris sans la compréhension de ce dont parle le texte biblique. C'est pourquoi Luther distingue entre verba et res, et la compréhension des res est la clé de la compréhension du texte: « Res sunt praeceptores. Qui non intelligit res, non potest ex verbis sensum elicere » 18 8). Sans le sens du péché et de la grâce, l'homme ne pourrait pas comprendre la Bible. Enfin, cette attitude envers le texte biblique signifie pour Luther, que la lecture de la Bible n'est pas isolée mais qu'elle tend à la prédication. Par conséquent, il distingue entre le res de l'évangile et l'usus de l'évangile, son application. L'étude de la Bible est en relation directe avec la prédication et l'enseignement chrétiens 1H). Et l'étude de la Bible n'est pas un travail intellectuel isolé, mais une rencontre avec ce que les Ecritures désignent: ce sacramentumqui est le Christ 186 ). e) Exégèse et herméneutiqueaux temps modernes
A l'époque moderne, rares sont ceux qui ont eu une aussi grande influence que Schleiermacher, sur les réflexions herméneutiques. Ce n'est pas sans raison que Joachim Wach donne à son étude du travail herméneutique au 19e siècle, un titre si évidemment inspiré de Schleiermacher: Das Verstehen.Pour Schleiermacher, l'herméneutique est l'art de la compréhension. Le commentaire grammatical où chaque partie est comprise à partir du langage de l'auteur, où chaque mot est compris à partir de son contexte, et le commentaire psychologique à partir de la personnalité de l'auteur, servent tous deux à la compréhension. Ces deux formes d'exégèse sont intimement liées et sont la voie de la compréhension 181 ). Mais, dit Schleiermacher, 131) Au sujet de la position de Luther sur le littéralisme voir THESTRUP PETERsEN, op.cil. Kap. VII p. 413 ss. et p. 328. 132) cr. THESTRUP PETERSEN, op.cil. p. 343. Parfois Luther abandoMe l'exigence d'un seul scopus, voir l..oEWENJCK, op.cil. p. 101 SS. 133) WTi 5, 5246; cf. aussi 4, 5002 et 3, 3654 b. 134) 0. THESTRUP PETERSEN, op.cil. p. 123. 135) a. EBEUNO, Evang.Evange/ieausl. p. 439 ss. Hermeneulik p. 13 et passim. 136) ScHLEIEllMACHER,
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une vue d'ensemble correcte est la base de toute compréhension des détails 137 ). Car le point de départ commun du commentaire grammatical et du commentaire psychologique est une vue générale de l'unité et de la composition de l'ouvrage, et avec unité, Schleiermacher comprend le motif de l'auteur, ce principe qui inspire l'auteur et forme l'œuvre 138 ). Nous ne pouvons pas comprendre l'œuvre sans connaitre sa tendance particulière et son but 139 ). Les points de ressemblance avec l'herméneutique de Jamblique sont évidents. La différence dans la prise de position entre Schleiermacher et Jamblique apparait dans la dispute de Schleiermacher avec ses prédécesseurs. Ernesti avait fait valoir que l'herméneutique comprendfacultas docendi, c'est-à-dire, non seulement intellectus, mais aussi explicatio. Rambach avait soutenu qu'aussi app/icatio (sapienter applicare, comme disait Rambach) appartient à la tâche herméneutique (ou exégétique). Schleiermacher les repousse tous les deux de la manière la plus formelle1'0). Par là, Schleiermacher s'oriente autrement que l'exégèse antique de Jamblique, chez qui il allait de soi que la compréhension des textes philosophiques et l'enseignement de la philosophie fussent reliés très étroitement (explicatio), de même que la lecture du texte et l'application à la problématique actuelle philosophique (applicatio). Bien sOr, Schleiermacher souligne que l'herméneutique doit être comprise en relation avec l'art et par conséquent doit être comprise dans une perspective philosophique 1'1). Mais ceci vaut pour l'art de la compréhension, non, par contre, pour son application à l'exégèse concrète. Ici, c'est seulement la signification du texte qui compte, le sujet n'est pas touché, et ne doit pas être touché, d'après Schleiermacher142 ). Schleiermacher indique la voie d'une orientation strictement historique dans l'étude de la littérature antique. Il est évident que ce sont les méthodes de commenter de Schleiermacher qui sont plus précisément élaborées et poursuivies par Boeckh143 ). A l'interprétation grammaticale de Schleiermacher, Boeckh ajoute l'interprétation historique des mots (à partir des contextes réels). L'interprétation psychologique de Schleiermacher se voit divisée en deux domaines par Boeckh, car celui-ci fait valoir que les conditions subjectives, dans le texte donné, doivent être comprises, en partie à partir du sujet même (l'auteur), - Boeckh appelle ceci interprétation individuelle en partie à partir du sujet en relation avec la direction et le but de l'ouvrage, ce 137) Op.cil. p. 45: « Ein richtiger Totalblick muss immer zu Grunde liegen, wenn das Einzelne soli richtig verstanden werden »; cf. aussi p. 5 l et p. 142. 138) Op.cil. p. 143: « Der gemeinsame Anfang für diese Seite der Auslegung (à savoir le psychologique) und die grammatische ist die allgemeine Obersicht, welche die Einheit des Werkes und die Hauptzüge der Composition auffasst. Aber die Einheit des Werkes, das Thema, wird hier angesehen ais das den Schreibenden bewegende Princip, und die Grundzüge der Composition ais seine in jener Bewegung sich offenbarende eigenthümliche Natur ». De même aussi dans les pages suivantes (p. 144 ss.). 139) Op.cil. p. 157: « Ohne Kenntnis der besonderen Tendenz, des besonderen Zweckes, versteht man die Construktion des Werkes nicht ». 140) Op.cil. p. 7. 141) Op.cil. p. 8 (« Die Hermeneutik ist im Zusammenhange mit der Kunst zu denken und also Philosophisch »). 142) Cf. GADAMER, Wahrheil und Methode p. 184 et Husserliana, Bd. 6 p. 74. 143) Encyklopiidie und Melhodologie der Philologüchen Wisse11schajie11,de 1886.
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qui s'appelle dans la terminologie de Boeckh « interprétation générique » 1u). Pour nous, il est important de remarquer comment, dans la dernière formulation, Boeckh pense aussi bien à partir du scopus que du genre, et Boeckh est aussi pleinement conscient que le scopus de l'œuvre est la condition de son unité; cette unité supérieure, dit Boeckh, s'exprime toujours dans une forme particulière, une « Gattung »1' 6). Mais Boeckh, encore plus fortement que Schleiermacher, refuse que l'interprétation doive s'occuper de l'objet traité comme une réalité actuelle: « Der Zweck der Philologie ist rein historisch »1 "'). On ne peut guère contester qu'ici est posée la base d'une philologie non seulement historique mais aussi historistique, qui ne pose plus, ou ne veut plus poser la question de la signification de la littérature antique, pas plus qu'elle ne pose la question de la valeur quant à la vérité de la littérature philosophique antique 147 ). Une telle attitude était totalement étrangère à Jamblique. Tandis qu'au 191!siècle,les recherches bibliques, dans l'ensemble, suivaient le même développement qui est indiqué ici, et aboutissaient à une interprétation historique, par exemple dans la théologie libérale protestante, tendant nettement vers l'historisme, les recherches bibliques ont connu, au 2oe siècle, un nouvel épanouissement et un renouvellement dont nous devons parler brièvement, si nous voulons voir l'exégèse et l'herméneutique de Jamblique dans une perspective historique. Nous pensons d'abord et avant tout au travail innovateur sur les genres des textes bibliques. Les études du Professeur Gunkel sur la Genèse et les Psaumes ont été ici d'une importance primordiale, mais le travail est poursuivi, et a eu une influence décisive sur l'interprétation de presque tous les textes bibliques 148 ). La définition du genos est devenue une partie essentielle de toute interprétation de la Bible. Ceci doit nous faire penser à l'herméneutique de Jamblique. En même temps il est évident que dans le travail moderne sur le genos, nous avons un exposé, si nuancé et si avancé, si déterminé et si motivé historiquement, des problèmes se rapportant aux genres qu'il est question de réels et de très grands progrès par rapport à Jamblique. Mais, le point de départ est le même. Le but de la recherche des genres est de préciser l'intention de l'auteur. Ceci apparaît nettement dans la recherche moderne biblique 149 ). Par là, le travail qui fut fait aussi bien au Moyen-Age qu'à l'époque patristique, est repris et poursuivi. Le désir d'une continuation des recherches bibliques sur cette base, a été exprimé clairement par le Pape Pie XII dans son Encyclique sur l'étude de la Bible, Divino ajflante Spiritu160). L'intention de l'auteur y est soulignée comme la plus haute norme de l'inter144) Op.cil. p. 83. 145) Op.cil. p. 82-83: « Der Zweck ist die ideale hôhere Einheit des Mitgetheilten, die - ais Norm gesetzt - Kunstregel ist und ais solche stets in einer besonderen Form, einer Gattung, ausgepriigt erscheint » (C'est Boeckh lui-même qui souligne« Gattung »). 146) Op.cil. p. 18; cf. ibid. p. 82. 147) Cf. K. v. FRITZ, Ziele, Aufgaben und Methoden der Klassischen Philologie und Altertumswi.uen-
schafl. 148) Sur les rapports entre l'histoire des formes et l'étude des genres voir ScHNACKENBURG, dans: Fragen der Theo/ogie Heute p. 153. 149) Cf. BENOITdans: Rev. Bibl. 53, 1946, 500--501 avec la note 2. ISO) Sur cette encyclique, voir entre autres ScHILDENBERGER dans Bibel und Kirche 17, 1, 1962, 4 ss.
462 prétation. Il y est dit: « Neque enim quemquam latet summam interpretandi normam eam esse, qua perspiciatur et definiatur, quid scriptor dicere intenderit, ut egregie Sanctus Athanasius monet » 161 ). Et comme aide importante à la compréhension des écrits bibliques (et à la compréhension de l'intention de l'auteur) Pie XII souligne la nécessité d'étudier la forme et le genos littéraires: « Exegeta, ut hodiemis rei biblicae necessitatibus rite satisfaciat in exponenda Scriptura Sacra ... eo quoque prudenter subsidio utatur, ut perquirat quid dicendi forma seu litterarum genus, ab hagiographo adhibitum, ad veram et genuinam conferat interpretationem » 161 ). Si en dehors des recherches bibliques, nous considérons l'herméneutique philologique, nous ne pouvons guère éviter de devoir constater une certaine crise de l'herméneutique. Tandis que Dilthey et encore Betti, sont convaincus de l'importance de l'herméneutique, non seulement pour l'interprétation du texte mais aussi comme clé des sciences humaines en générales, l'herméneutique, en tant qu'aide pour assurer une interprétation vraie, est un problème à l'heure actuelle, car on renvoie au fait que la théorie de l'interprétation n'assure pas nécessairement une interprétation correcte et qu'une méthode près facilement devenir un méthodisme qui enfermeet restreint la connaissance sans la diriger vers la vérité. Gadamer est celui qui a exposé le plus clairement cette problématique 113 ). Si nous comparons avec Jamblique, nous pouvons remarquer comment pour Jamblique, comme par ailleurs pour l'exégèse antique, c'était une condition acquise pour le travail avec les textes que le but était les réalités en jeu et la connaissance de la vérité; l'herméneutique n'est pas chez Jamblique quelque « pure théorie » complètement abstraite. Le renouvellement des recherches bibliques confirme pour autant qu'il se trouve ici une divergence entre les tendances de la toute nouvelle herméneutique philologique et la position de Jamblique. Justement, on peut difficilement nier que le renouvellement des recherches bibliques a eu lieu dans une large mesure, parce que la théologie a eu une préoccupation objective et actuelle: la compréhension du véritable contenu du message biblique et son application à notre temps (tâche de prédication) 164 ). Par là, il semble que ni le texte ni la théorie de l'interprétation soient fondamentaux. Tous deux semblent avoir une condition première dans le sujet même et dans la vérité. Le texte est alors une expression, et l'herméneutique un compte-rendu des conditions de notre connaissance humaine. Mais la vérite et la réalité sont supérieures - objectives et souveraines. Nous terminons donc notre courte esquisse de l'histoire de l'exégèse par cette suggestion: la problématique qui se trouve dans les considérations herméneutiques en relation avec le travail philologique le plus récent, peut aussi éclairer l'herméneutique exégétique de Jamblique et son importance. 151) AAS 35, 1943, 314; la référence sur Athanase vaut pour Contra Arian. 1,54 col. 123 (Migne PG 26). 152) Ibid. p. 316. 153) Dans: Wahrheit und Methode. 154) Cf. O. CuLLMANN, Les Problèmes posés par la méthode exégétique de l'école rk Karl Barth; EBELINO, Wort Gattes und Hermeneutik; FRANZ, Das Wesen des Textes; et surtout GADAMER, Wahrheit und Methode (p. 165 et passim).
Conclusion Le but de ce travail a été de retracer une œuvre de la fin de !'Antiquité. Notre préoccupation essentielle a été de comprendre cette œuvre dans son ensemble. C'est pourquoi nous n'avons pas donné d'analyses de livres isolés dans l'ouvrage Synagoge Pythagorica, sans les voir dans leurs rapports réciproques et comme parties d'un ouvrage intégral. C'est pourqoui non plus, nous n'avons pas vu seulement les dimensions historico-religieuses d'une œuvre comme le De Mysteriis Aegyptiorum, mais nous avons montré ses relations avec les autres œuvres. C'est pourquoi, nous avons introduit les restes d'œuvres perdues, car même les restes bien modestes ont pu montrer des tendances et des traits caractéristiques de l'œuvre. C'est pourquoi enfin, nous avons pris et traité à fond les restes étendus du commentaire d'Aristote et de Platon, car, avec Praechter, il est justifié de considérer précisément cette partie comme la plus caractéristique et la plus importante de toute l'œuvre. Le resultat est que nous ne pouvons plus considérer un travail tel que Synagoge Pythagorica comme l'expression naive d'une philosophie populaire. Quand on compare Synagoge Pythagorica avec les autres parties de l'œuvre, il est impossible de soutenir que le style et la forme de cet ouvrage n'aient pas un but conscient. L'ouvrage est bien un ouvrage populaire, mais il l'est consciemment; ce n'est pas parce que l'auteur n'est pas capable d'écrire autre chose, car les autres œuvres montrent bien le contraire. L'ouvrage Synagoge Pythagorica est un travail qui introduit à la philosophie et qui prépare le terrain à la connaissance philosophique; connaissance qui sera augmentée grâce à l'étude d'Aristote et de Platon. Il introduit à la fois historiquement et principiellement à l'étude de deux grands philosophes classiques; il a pour but de montrer le chemin au débutant. Le De Mysteriis Aegyptiorum s'est montré bien autrement avancé quant à son intention. Nous n'avons pas nié l'importance que l'Orient a eu sur la genèse de cette œuvre, pas plus que son importance historico-religieuse. Mais, en considérant l'ouvrage dans son entier et en gardant à l'esprit l'œuvre dans son ensemble, nous avons pu voir que l'ouvrage se base principalement sur la tradition philosophique grecque. Quand le De Mysteriis Aegyptiorum essaie d'interpréter la sagesse égyptienne dans sa signification plus profonde et de l'évaluer positivement, ceci n'est pas seulement l'expression d'un penchant pour le mystique et l'exotique mais c'est l'expression d'une attitude de la connaissance qui s'exprime aussi dans la philosophie classique grecque. C'est seulement à l'époque moderne que l'on a essayé de nier l'intuition et la tendance
464 religieuse de cette philosophie. Nous n'avons pas nié une différence entre la philosophie classique et la tendance de De Mysteriis Aegyptiorum. Nous avons essayé entre autres, de l'expliquer par l'origine alexandrine de l'ouvrage. Mais il y a eu lieu de .;ouligner la connexion entre le De Mysteriis Aegyptiorum et la philosophie grecque classique; cette connexion a souvent été oubliée bien qu'elle soit suffisamment évidente. Grâce à cette connexion le De Mysteriis Aegyptiorum s'est montré comme une contribution à l'interprétation d'un aspect de la philosophie grecque, car, dans cet ouvrage, l'auteur essaie consciemment d'éclairer la philosophie grecque à partir d'une perspective alexandrine. Les restes de l'ouvrage De Anima montrèrent des tendances strictement scientifiques et des traits caractéristiques de notre auteur. Bien plus, nous avons pu observer ici l'étendue de l'œuvre, mais elle fut surtout démontrée par les Lettres conservées, dont le contenu philosophique confirma la relation de l'œuvre avec la philosophie grecque L'étude des testimonia et des fragmenta du commentaire d'Aristote et de Platon a m~ntré l'exégèse comme la préoccupation cardinale de l'œuvre. C'est d'abord ici qu'il se révèle que l'ceuvre doit être vue dans une plus grande lumière que celle diffusée par les ouvrages directement connus. Le cas particulier de la survivance de l'œuvre exigeait par conséquent, une attention toute particuliere envers un ensemble, qui peut encore être vu, mais qui est voilé par la survivance interrompue. Nous avons étudié les témoignages et les fragments et nous avons vu que non seulement, l'œuvre contient un commentaire de détail, mais aussi des considérations de principe sur les conditions et les prémisses de l'interprétation. En lisant l'œuvre dans son ensemble nous avons appris à connaître l'auteur. Jamblique de Chalcis a souvent été considéré comme un philosophe médiocre. Ce jugement a été le plus souvent rendu à partir des seuls livres de Synagoge Pythagorica. Notre étude de toute l'œuvre a pu éliminer la dénomination de médiocre, il est tout à fait défendable d'appeler Jamblique un philosophe. On ne peut nier que Jamblique, de temps en temps, de même que tant de philosophes grecs tardifs, n'ait pas tendu vers la limite du sophisme et vers une spéculation dont la valeur n'est pas à la hauteur de sa subtilité. Cependant, nous avons vu que ceci n'arrive pas aussi souvent qu'on le suppose généralement. Il est possible aussi que Jamblique ait essayé de poursuivre la tradition grecque d'une manière qui était historiquement impossible. En tout cas l'histoire a montré que l'essai que tenta l'école pergaménienne, en s'appuyant en particulier sur Jamblique, de rétablir la religiosité grecque et de construire une philosophie sur la tradition paîenne grecque, était voué à l'échec. Jamblique n'avait pas, sans plus, la responsabilité de cet essai, mais déjà chez Jamblique, une interprétation fautive du cours de l'histoire a pu se trouver. Néanmoins, Jamblique a évalué soigneusement la signification de la philosophie grecque et les moyens de la comprendre correctement. C'est ici que se trouvent son véritable apport et sa véritable valeur. Les penseurs chrétiens savaient aussi les apprécier. Aussi bien Aristote que Platon - et celui-ci en particulier - furent considérés par les Pères de l'Eglise comme de grands maîtres dans la recherche de la vérité, et la manière d'interpréter de Jamblique fut considérée à ce point si correcte, si par-
465 faitement correcte, principiellement et généralement, qu'ils pouvaient l'utiliser, et ils et l'utilisèrent comme la voie de la vraie compréhension des Saintes Ecritures. Ce n'était pas l'intention de Jamblique de s'arrêter aux considérations théoriques au sujet des conditions de l'interprétation. Pour lui, l'essentiel a été la vision philosophique et la connaissance de la vérité. Son exégèse a ses prémisses dans son point de vue philosophique et elle aboutit à son but qui est la connaissance philosophique. Le travail le plus important de Jamblique a été son commentaire d'Aristote et de Platon; l'exégèse a été la voie vers la philosophie: Jamblique est exégète et philosophe. Donc, la signification particulière de la position de Jamblique est que son intérêt n'est pas seulement dirigé vers le passé. Ce sont les réalités qui sont essentielles. Ce qui ne signifie pas que le passé peut ou doit être négligé; au contraire: il est le maître absolument nécessaire. Pour Jamblique, sans Aristote et sans Platon, il n'y a pas de vraie philosophie. Il est aussi important de comprendre précisément et correctement le passé, c'est-à-dire de comprendre la pensée propre du passé, in casu d'Aristote et de Platon; par conséquent, un travail précis et systématique est nécessaire, ce n'est qu'ainsi que nous éviterons de mettre nos propres pensées et les idées de notre propre temps dans les textes anciens. Mais Aristote et Platon ont essayé de connaître et de comprendre la vérité, c'est-à-dire les réalités même de la vie, et il faut avoir ceci à l'esprit si on veut les comprendre. C'est pourqoui l'étude de Platon et d'Aristote ne peut pas nous dispenser d'essayer de comprendre et de connaître la vérité, mais au contraire, notre devoir à l'égard de la vérité en deviendra plus exigeant. C'est ainsi que nous pouvons caractériser l'attitude de Jamblique au tant qu'exégète et philosophe. De là, vient un intérêt authentique pour l'histoire, pour le passé et ses réflexions sur la vie. Mais l'histoire n'est pas que le passé, nous en sommes, nousmêmes, une partie vivante, et nous participons à la formation de ce qui viendra. Par conséquent, l'attitude principielle de Jamblique n'est pas seulement importante pour la compréhension du passé, elle montre aussi la tâche actuelle, et elle montre celle de l'avenir.
Dansk Resumé (Résumé en danois) Den antikke filosofi er overleveret fragmentarisk; det grelder i udprreget grad den tidligt grreske filosofi, og det grelder den hellenistiske og sengrreske filosofi. Det er denne afhandlings mât at samle et fragmentarisk overleveret, filosofisk forfatterskab fra senantikken for at finde helheden deri og sâledes lrere forfatteren at kende. Indledning I indledningen vises, hvorledes denne forfatter, Jamblich fra Chalkis, ikke blot er overleveret fragmentarisk, men ogsâ er blevet lrest fragmentarisk. L0srevne dele af forfatterskabet bar vreret benyttet til at kaste lys over det ene eller det andet, men uden at der bar vreret spurgt efter den helhed, hvori de h0rer hjemme. Aristoteles' ungdomsskrift Protrepticus bar vreret s0gt rekonstrueret vresentligt ud fra Jamblichs bog af samme navn, og Jamblichs skrift om regypternes mysterier bar vreret benyttet som hândbog i hellenistisk religi0sitet. Nâr Jamblich bar vreret benyttet, som sket er, bar det beroet pâ en negativ vurdering af ham; man bar ikke ment, at der var andet at se efter end de stumper, der stammede fra andre sammenhrenge end bans egne. Afhandlingen lokaliserer denne vurdering til Zellers store vrerk om den grreske filosofis historie, og den gennemgâr denne vurdering kritisk og viser, at den bygger pâ et forkert og utilstrrekkeligt grundlag, og at den er afhrengig af Zellers opfattelse af den gre:ske filosofi og af filosofi i det hele taget. Navnlig fremhreves, hvorledes Zeller arbejder for abstrakt systematisk og for lidt litterrert, og desuden understreges, at Zeller bar overset den store del af Jamblichs forfatterskab, der er gâet tabt, men som er kendt fragmentarisk fra den efterf0lgende tid. Tager vi denne store del med i betragtning, vil vi opdage, for det forste, at den falder vresentligt inden for kommenteringen af Platon og Aristoteles, for det andet, at det netop var som den store Platon- og Aristoteles-tolker, Jamblich blev bernmmet i antikken. Praechter bar peget pâ denne side af Jamblich, og afhandlingen bar sit udgangspunkt i denne nyorientering i synet pâ Jamblich. Afhandlingen sretter sig imidlertid ikke blot som opgave at behandle denne fragmentariske del, den s0ger at gennemarbejde hele forfatterskabet og forstâ det i sin helhed; men for vresentligt at udbygge mulighederne for at kende Jamblichs tabte Platon- og Aristoteles-kommentering, er
468 vidnesbyrdene om og fragmenterne af disse kommentarvrerker samlet og udgivet som Appendix i forbindelse med afhandlingen. Kapitel I
F0rst gennemgâs Jamblichs liv og skrifter. Det vanskelige sp0rgsmàl om Jamblichs fodsels- og d0dsâr bliver gennemgâet ud fra kilderne. Gennemgangen konkluderer, at Jamblich er d0d ca. 325 e.Kr.; det er tidligere antaget, at Jamblich er fodt omkring 280, men allerede Bidez har fremdateret Jamblichs f0dselsdato til omkring midten af det 3. àrhundrede. Afhandlingen f0lger Bidez' tidlige ansrettelse og g0r det sandsynligt, at Jamblich endda kan vrere fodt i 40erne. At Jamblich stammer fra Chalkis i Coele-Syrien mellem Libanon og Anti-Libanon er brevet over enhver tvivl; han er fodt i et helleniseret milj0 og er selv vokset op med grresk kultur og filosofi. Der er en fransk tradition for at knytte Jamblich nrert til Alexandria, mens Zeller fra tysk tradition knytter Jamblich nrermere til syrisk tradition. Afhandlingen gennemgâr de srerdeles gode grunde for at knytte Jamblich nrert til alexandrinsk tradition, bàde hvad bans uddannelse og bans eget undervisningsarbejde angàr. Men den syriske historieskriver Johannes fra Malalas fra det 6. àrh.e.Kr. viser, at Zeller har ret for sà vidt som Jamblich bar levet sin sidste tid i Antiochias forstad Daphne og her har samlet en kreds af elever om sig. I forste kapitels anden del gennemgâs Jamblichs skrifter. Der geres rede for de overleveringsmressige forhold for de enkelte skrifter, og for de tabte skrifters vedkommende lregges der vregt pà at vurdere oplysningerne om deres eksistens. F0rst gennemgâs de bevarede skrifter: 1. Et stort samlevrerk om den pythagorreiske filosofi, bestàende af lO b0ger, bvoraf de fire forste er bevarede: De vita Pythagorica, Protrepticus, De communi mathematica scientia, In Nicomachi arithmeticam introductionem. Der g0res rede for det, vi overleveringsmressigt kan vide om de resterende b0ger i dette vrerk, og det afvises, at et anonymt skrift Theologoumena arithmetica, som undertiden antaget, skulle vrere identisk med 7. bog i Jamblichs vrerk. 2. Skriftet om de regyptiske mysterier, hvis overleveringshistorie er grundigt og omfattende gennemarbejdet, isrer af Sicher!. P. des Places har for nylig udgivet dette skrift i den franske Budé-serie. 3. Rester af et skrift om sjrelen. Betydelige fragmenter af dette skrift er overleveret hos Stobreus, der i begyndelsen af det 5. àrh. e.Kr. har Javet en antologi af grreske poesi- og prosatekster. 4. Det er ogsà hos Stobreus, vi har overleveret en rrekke st0rre og mindre stykker af op mod 20 Jamblich-breve, adresserede til elever. 5. De fleste fragmenter fra Jamblichs Aristoteles-kommentering stammer fra bans Kommentar til Aristoteles' Kategorier. Den sengrreske Aristoteleskommentator Simplicius (fra det 6. àrh.) er ber vor afg0rende kilde. 6. Ogsà til Aristoteles' Analytica priora har Jamblich skrevet en kommentar, men dens indhold er idag nresten helt ukendt for os. - Af Platon-kommentarer fra Jamblichs hànd som nu er gâet tabt nrevnes: 7. til Platon-dialogen Phaedrus, og 8. til dialogen Timaeus. Inden for Jamblichs Platon-kommentering er vi navnlig henvist til Timaeuskommentaren, hvoraf betydelige fragmenter og vidnesbyrd er bevaret hos Proclus,
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en nyplatoniker der i femte ârhundrede hl.a. skrev en omfattende kommentar til Timaeus og heri ofte bygger pâ Jamblich, som han citerer. 9. Ogsâ fra Jamblichs Parmenides-kommentar bar vi bevaret rester, men lagt frerre end for Timaeus-kommentarens vedkommende. De vanskeligt forstâelige vidnesbyrd om Parmenideskommentaren finder vi hos Damascius, den sidste leder af skolen i Athen (skolen blev lukket af kejser lustinian i 529). - De resterende vrerker er meget lidt kendt: 10. De theologia chaldaica. 11. De diis. 12. De iudicatione oratoria. 13. Contra Numenium et Amelium. 14. Vita Alypii. 15. De simulachris. 16. De symbolis. 17. De migratione animae. 18. Theologia Platonica. Kapitel II
Med kapitel II pâbegyndes den egentlige gennemgang og analyse af forfatterskabet. Der geres opmrerksom pâ det ejendommelige i, at et vrerk som Synagoge Pythagorica er udgivet i fire omgange, de fire b0ger hver for sig og af forskellige udgivere. Dermed er vrerket allerede pâ grund af udgivelsesmâden splittet op, og afhandlingen ser det som sin f0rste opgave pâny at holde disse b0ger sammen, - de er for0vrigt ogsâ hândskriftsmressigt overleveret sammen. Demrest karakteriseres vrerket som helhed. Det vises, at der er tale om en synagogé, d.v.s. et indledningsskrift, og denne genre kan fores tilbage til Platon, der netop lregger vregt pâ sâdanne sammenhrengende fremstillinger (ved siden af analysen). Litterrert udformes dog denne form f0rst for alvor i den peripatetiske skole. Det nrevnes, at Aristoteles selv bar arbejdet med pythagorreisk filosofi og skrevet en Synagogé herom, og det angives, hvilken omfattende rrekke vrerker, der findes i denne genre. Det drejer sig om en indledningsog indf0relseslitteratur, og den bruges specielt som elementrer indforelse i filosofiske studier. Der vises, hvad det betyder, at en nyplatoniker som Jamblich bruger Pythagoras som indledningsvrerk, og det vises, at det fâr konsekvenser for bans opfattelse af Platon: Platon ses herved i sammenhreng med den pythagorreiske tradition. Der er tale om et fortolkningsmressigt perspektiv. - l. bog bar ofte vreret opfattet som en Pythagoras-biografi. Det vises, at dette er en misforstâelse. Bogen vil vise den pythagorreiske livsform og livsstil og g0re klart, at der er nrer sammenhreng mellem sand filosofi og en livsstil, der svarer hertil. Filosofien opfattes som livsfilosofi. Det ligger i det grreske ord (philo-sophia), at filosofi er krerlighed til visdommen, og det religi0se fâr en klar plads. Pythagoras bar lrert i ./Egypten, og Jamblich fremhrever sammenhrengen mellem undervisning og frellesskab i det pythagorreiske samfund. Afhandlingen pâviser, at hele Jamblichs fremstilling er dybt prreget af Platons tankeverden; en rrekke paralleler godtg0r denne sammenhreng, og det vises, hvilken indvirkning dette bar pâ Jamblichs opfattelse af sâvel Pythagoras som Platon. - 2. bog, Protrepticus, plejer at blive opfattet som en opfordring til filosofi i lighed med Aristoteles' Protrepticus (og Cicero's Hortensius). Afhandlingen viser, at det er forkert. Jamblichs bog er en indf0relse i en bestemt og karakteristisk side ved den pythagorreiske filosofi og det pythagorreiske samfund. Det er den pythagorreiske forstâelse og anvendelse af symboler og en srerlig pythagorreisk, symbolsk udtryksmâde,
470 Jamblicb vil fremstille, og Jamblicb slutter derfor ogsâ denne bog med en gennemgang og udlregning af pythagorreiske «symbola». Ogsâ ber bygger Jamblicb over lange strrekninger pâ Platon, og det vises, hvorledes det sker. Afhandlingen behandler dernrest det omdebatterede sp0rgsmâl om Aristoteles i 2. bog. Der konkluderes, at Jamblich i b0j grad bar bearbejdet det aristoteliske stof; vi er dermed langt fra det aristoteliske skrift, men ikke derfor langt fra Aristoteles' tankeverden. Jamblicbs arbejdsmetode sammenholdes med den exegetiske genre parafrasen, og Jamblichs tolkning af de pytbagorreiske symbola analyseres. - Det bar vreret brevdet, at der mangler sammenhreng i Jamblichs 3. bog. Dette afvises ved redegerelse for bogens opbygning og ved kritisk vurdering af argumentationen. Herudover vises isrer, bvor nrer sammenhreng der efter bogens fremstilling er mellem matematik og filosofi. 4. bog markerer sig alene ved sin titel som et kommentarvrerk: det er en indledning til ny-pythagorreeren Nikomachus' Aritmetik. Jamblichs anvendelse af Nikomachus' tekst analyseres, og der konkluderes, at Jamblich nrermest laver en revideret udgave af Nikomachus; de bistoriske forudsretninger for denne arbejdsmâde vises. Kapitel III
I 3. kapitel bebandles De mysteriis Aegyptiorum. Anledningen til dette skrift er et brev, som Porfyr har skrevet til den regyptiske tempelskriver Anebo om en ra:kke tvivlssp0rgsmâl, han bar i forbindelse med religionen. Jamblicbs vœrk fremtrreder som et svar fra en h0jerestâende œgyptisk prrest Abammon, der er »profet«. Afbandlingen viser, bvorledes det ligger pâ linie med en stor del af den grreskefilosofiske tradition at lade ..-Egyptenfâ en fremtrredende plads som det land, hvodra visdom hentes. Der peges isrer pâ, bvorledes Platon og Aristoteles bar vurderet ..-Egypten og den garnie visdom dér. Det vises, bvorledes Jamblicb med sit skrift samtidigt med ..-Egypten-Hellas-sp0rgsmâletfâr fremstillet sp0rgsmâlet om forholdet mellem religion og filosofi. De mysteriis Aegyptiorum er en traditionel titel; den egentlige titel »Abammons svar pâ Porfyrs brev til Anebo og l0sning af de deri forekommende problemer« knytter skriftet tret sammen med en bestemt grœsk litterrer genre(»aporemata kai lyseis«, »problemer og l0sninger«). Det vises, bvorledes pseudonymanvendelsen bar filosofisk betydning, og der benvises til pseudonymitet, isœr hos Platon. Skriftet placeres i sin historiske sammenhreng (Den a:gyptiske tradition, den kristne tradition, den j0diske tradition: Philo, bermetismen), og der konkluderes, at skriftet bar en tilknytning til regyptisk og alexandrinsk tradition, mens de j0diske, kristne og hermetiske indslag ikke er afgerende, idet der er tale om fa:lles hellenistisk tradition, der er strerkt prreget af traditionen fra Platon. Det godtg0res, at skriftet i karakter og arbejdsmâde er et filosofisk skrift. Det vises, bvorledes platonske og aristoteliske arbejdsmetoder er fremtrredende; sâvel grresk ârsagstrenkning som grresk principtrenkning (arché) prreger tydeligt va:rket. Mere specielt vises, bvorledes Aristoteles' filosofiske metoder anvendes af Jamblicb. Afhandlingen gennemgâr og analyserer dernrest de religionsfilosofiske dimensioner i De mysteriis Aegyptiorum (Den erkendelsesteoretiske struktur, den ontologiske
471 struktur, Guds-erkendelsen, den guddommelige verden, kosmologien, mantik, kult, b0n, symbol, det religi0se sprog, monoteismen og skœbnetro). Denne gennemgang afsluttes med en pâvisning af, at der er tale om œgte filosofiske problemer fra den grreske filosofiske tradition, sâledes bebandler sidste afsnit af De myst. Aeg. sp0rgsmâlet om menneskets vej til lykken. Det vises, bvorledes Platon bar en central plads ogsâ i dette Jamblicb-vrerk. Afhandlingen konkluderer, at vrerket er skrevet ud fra alexandrinsk milj0, og at det sâledes viser Jamblicbs alexandrinske tilb0rsforbold. Kapitel IV
Med kapitel IV pâbegyndes gennemgangen af de tabte vrerker. Afhandlingen giver afkald pâ en kronologisk placering, fordi vore oplysninger er for sparsomme til, at der kan anlregges en sandsynlig kronologi for forfatterskabet. For De anima bebandles vœrkets karakter og opbygning. Det vises, bvorledes Jamblicb ber i srerlig grad arbejder videnskabeligt; arbejdsmâden er belt forskellig fra den vi f.eks. trœffer i den populœre Synagoge Pytbagorica. Der er tale om et meget omfattende og grundigt vrerk, der i arbejdsmetode er strerkt prœget af Aristoteles. Samtidigt er vœrkets tendens og intention tydeligt prreget af platonsk og pytbagorreisk filosofi. Brevene b0rer til den litterrere epistel-tradition og bebandler en rrekke emner. Det vises, bvorledes emnekredsen er œgte filosofisk, og bvorledes etiske sp0rgsmâl bar bovedinteressen. En livsnrer Jamblich m0der vi i bemœrkninger om hl.a. b0meopdragelse. Vore sparsomme oplysninger om andre tabte vrerker gennemgâs. Kapitel V
I 5. kapitel bebandles Jamblicbs Aristoteles-exegese. Jamblicb er ikke den f0rste nyplatoniker, der skriver egentlige kommentar-vrerker til Aristoteles. I sâ benseende betegner Porphyr i b0jere grad et nybrud. Jamblicbs indsats ligger i selve kommenteringsarbejdets art og kvalitet. I selve sin fortolkning af Aristoteles afviger han (som i Platonkommenteringen) ofte strerkt fra Porfyr. Det er Jamblicbs kommentering af Aristoteles' skrift om kategorierne, der er vor belt afgerende basis for at vurdere Jamblicb som Aristoteles-fortolker. Indledningsvis gives en oversigt over vore kilder til kendskab om den antikke Kategori-tradition, og de vigtigste led i udviklingen prresenteres. Det vises, bvilke erkendelsesteoretiske og logiske problemer, der bar stâet i focus i denne traditions bebandling af de aristoteliske kategorier. Dernrest behandles Jamblichs kategorikommentar og Jamblicbs indsats. Jamblicb bar lagt vregt pâ at bestemme, bvilken hensigt (intention, scopus), Aristotele:; bar baft med sit Kategori-skrift. Foruden at frembreve n0dvendigbeden af denne scopus-bestemmelse bar Jamblicb i en diskussion med andre l0sningsforslag fremsat sin egne bestemmelse af scopus, bensigten, og denne rekonstrueres i afhandlingen ud fra en analyse af kildematerialet. Sp0rgsmâlet om bensigten, scopus, i Categoriae kan kort formulere sâledes: Drejer dette skrift sig om udtryk (henboldsvis udtryks-
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former, prredikater), om begreber (henboldsvis visse almene kategoriale begreber) eller om realiteter (d.v.s. faktiske strukturer i tilvrerelsen forstâet objektivt). I traditionen bar der vreret lagt vregt pâ snart det ene, snart det andet moment. Jamblicb brevder, at aile tre momenter skal inddrages for at forstâ kategoriskriftets bensigt, og det vises i afhandlingen, bvorledes dette indebrerer en realistisk erkendelsesteori bos Jamblich. Jamblicb afviger ber fra Plotin (og Porfyr) samt fra den store Aristotelesfortolker Alexander fra Aphrodisias, men er i overensstemmelse med Aristoteles selv. Det vises, hvorledes Jamblichs scopusbestemmelse er afgerende for hele tolkningen, og det fremgâr af gennemgangen, at Jamblicb arbejder regte filosofisk og er i fuld kontinuitet med grresk filosofisk tradition, - og pâ h0jde med den. Der gives en detailleret analyse af Jamblichs kommentarer til den aristoteliske tekst, hvorunder sâvel de erkendelsesteoretiske som de ontologiske sp0rgsmâl inddrages, analyseres og placeres i fortolkningens st0rre sammenhreng. Jamblichs bebandling af de enkelte kategorier behandles: Substans, kvantitet, relation og kvalitet fâr en srerlig grundig bebandling i overensstemmelse med de fyldige fragmenter; de efterf0lgende kategorier gennemgâs dernrest, og der sluttes med Jamblichs grundopfattelse af de sâkaldte post-praedicamenta, slutningsafsnittet i Aristoteles' vrerk. Ogsâ andre Aristoteles-vrerker kan f0lges gennem den antikke tradition. For De interpretatione-traditionens vedkommende vises, bvorledes ogsâ den kommentering, der er sket mundtligt i filosofi-undervisningen gâr ind i den senere skriftlige tradition. Nogle enkeltheder bebandles. - Det er ogsâ vresentligt punktuelle oplysninger vi bar om Jamblichs kommentering af Aristoteles' skrift Analytica. Jamblichs bestemmelse af Aristoteles hensigt (scopus) med sit vrerk De Coelo rekonstrueres og forklares. Det vises, at Jamblichs scopusbestemmelse sretter dette Aristoteles-vrerk i sammenhreng med Platons Timreus. Sâledes bekrreftes ogsâ ber Jamblichs grundopfattelse, at Aristoteles er i vresentlig overensstemmelse med Platon. I et afsluttende afsnit gives en sammenfattende karakteristik af Jamblichs Aristoteles-exegese og af Jamblichs Aristotles-opfattelse. Jamblicb interesserer sig ikke kun for Aristoteles, men ogsâ og isrer for sagen, som Aristoteles behandler. Dette kaldes en doktrinal exegese. Jamblich standser efter behandling af et tekstafsnit ofte op og betragter stykket og dets indhold i et st0rre, ofte bistorisk, men isrer principielt perspektiv. Det er Jamblichs beremte exegetiske »theoria«, sammenfattende tekstbetragtning. Jamblichs kommentering af Aristoteles' kategorier viser, hvor uretfrerdigt det er at opfatte Jamblich ud fra fanatisk-religi0se bestemmelser. Jamblich skelner sobert mellem de forskellige omrâder og trin i sin exegese. Nâr han afslutter med st0rre perspektiver r0ber han kun kongenialitet med de tekster, han behandler. Jamblich viser sig som regte filosof og regte tekstfortolker. Kapite/ VI
I et indledende afsnit af 6. kapitel om Jamblichs Platon-exegese gives som ved Aristoteles-kapitlet en oversigtsmressig gennemgang af den platonske tradition med
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fremhœvelse af de vigtigste problemstillinger. Det vises, hvorledes der allerede i det tidlige akademi cr tale om en systematisk og videnskabelig analyse, der lœgger op til arbejde af den type, vi finder i nyplatonismen, sâledes hos Jamblich. Det vises, hvorledes Platon-fortolkningen i tidens l0b bar arbejdet med helt centrale sp0rgsmâl hos Platon, sâledes ikke mindst sp0rgsmâlet om dualisme hos Platon, et sp0rgsmâl der cr helt afgerende i tolkningen af Platons beremte idélœre. Det vises, hvorledes der mâ skelnes mellem epistemologisk og ontologisk dualisme; det vises, hvorledes store dele af Platon-fortolkningen bar forstâet dualismen hos Platon ontologisk, mens den i virkeligheden cr at forstâ erkendelsesteoretisk, hvilket Jamblichs fortolkning indebœrer. Platon cr for Jamblich filosofiens h0jdepunkt, og han bar tilrettelagt et Platonstudium bestâende af to dialog-kredse, hvoraf den f0rste omfatter 10 dialoger (Alcibiades, Gorgias, Phaedo, Cratylus, Theaetetus, Sophista, Politicus, Phaedrus, Symposium og Philebus), mens den anden og afsluttende bestâr af de to hoveddialoger Timaeus og Parmenides. Afhandlingen analyserer ved sammenligning med andre opstillinger, hvad der fortolkningsmœssigt ligger i opstillingen af denne kanon af Platon-dialoger, og konkluderer, at sammenstillingen af Timaeus og Parmenides reprœsenterer den sœrlige nyplatoniske tolkning af Platon. Timaeus-dialogen karakteriseres af Jamblich som fysisk dialog, mens Parmenides som teologisk dialog er det endelige h0jdepunkt med dens behandling af nyplatonismens kœmesag: enheden (»den/det ene«). Afhandlingen gennemgâr dernrest Jamblichs kommentering af de enkelte dialoger i denne kanon, sâ langt som fragmenter fra disse kommentarer er bevarede. Det viser sig, at bestemmelse af dialogernes hensigt indtager en fremtrœdende plads i ait arbejde med dem, og afhandlingen behandler disse bestemmelser og vurderer deres vrerdi. Foruden behandlingen af scopus-sp0rgsmâlene behandles en rœkke enkeltkommentarer. Det vises i forbindelse med dialogerne, hvorledes Jamblich foruden med scopus arbejder med sp0rgsmâlet om, hvilken genre den enkelte dialog tilh0rer (etisk, fysisk, teologisk m.v.), og det vises i forbindelse med Phaedrus-fortolkningen, hvorledes Jamblich i overensstemmelse med Platon og Aristoteles opfatter litterrere vœrker som organiske, levende virkeligheder. Langt de fleste fragmenter af Jamblichs Platon-kommentering stammer fra bans Timaeus-kommentar. Det bliver derfor ogsâ denne, der fâr den udf0rligste behandling i afhandlingen. De centrale Platonsp0rgsmâl i Timaeus-traditionen gennemgâs: Dualismen, skabelsestanken, tids-opfattelsen m.v. Jamblichs bestemmelse af scopus fremhœver skabelsesperspektivet i dialogen og lader skabelsen udspringe fra den universelle Alfaders Tale (Timaeus-dialogen p. 41 a-d). I gennemgangen af Jamblichs fortl0bende kommentering af dialogen behandles en rœkke centrale filosofiske sp0rgsmâl inden for kosmologien, og Jamblichs opfattelse af Platon analyseres og vurderes. Parmenides-dialogen blev undertiden opfattet som en teoretisk evelse i logik (dialektik). Men for nyplatonismen og for Jamblich er det en dialog om tilvrerelsens yderste og sidste principper, som en dialog, der ferer den menneskelige erkendelse og de menneskelige udtryk til deres muligheders yderste grœnser, ja, ud over dem,
474 ud til det, der hverken kan forstâs eller udtrykkes. Jamblich bestemmer scopus som »det vrerende i dets udspring fra det/den ene«, og dermed er det gjort forstâeligt, hvorfor denne dialog bliver det filosofiske studiums hsjdepunkt. Jamblichs behandling af de enkelte dele af Platon-dialogen behandles sâ langt vort materiale rrekker.
Kapitel VII I kapitel VII sammenfattes de vresentlige trrek i Jamblichs exegese, som den fremtrreder i kommenteringen af Aristoteles og Platon. Derudover behandles de filosofiske forudsretninger for denne exegese, d.v.s. Jamblicbs hermeneutik. Det vises, hvorledes Jamblich arbejder med genre-spsrgsmâlet i overcnsstemmelse med aristotelisk erkendelsesforstâelse. Dernrest, bvorledes Jamblicb direkte bar formuleret de regler, hvorefter et vrerks hensigt skal bestemmes. Dette er Jamblichs explicite hermeneutik. Jamblicb fremhrever herunder og specielt med henblik pà Platons dialoger fslgende punkter:
.J. en dialog har én og kun én hensigt, 2. hensigten skal bestemmes sâ aiment og omfattende som muligt, 3. hensigten kan ikke udledes af en del af dialogen, men skal udledes af hele vrerket, 4. bestemmelsen af hensigten skal vrere prrecis, 5. det mà f orudsrettes, at hensigten er god og vrerdig, 6. hensigtsbestemmelsen skal vrere i overensstemmelse med dialogens indhold, 7. negativ kritik kan ikke vrere bensigten med en dialog, 8. bensigten er ikke af emotionel art, 9. midlerne for fremstillingen og dialogemnets behandling mâ ikke gsres til mâlet for dialogen, 10. hensigten mà ikke forveksles med dialogens stof. Afhandlingen analyserer, hvad der Jigger i disse bestemmelser. Det vises, bvorledes 1. princip er afgsrende for hele opstillingen, og at dette fsrste princip er at forstâ ud fra og i sammenhreng med den aristoteliske finalârsag. Men det pâvises desuden, hvorledes dette ligger helt pâ linie med Platons opfattelse af den menneskelige erkendelse, at «idéen» forudsretter en opmrerksomhed, der er intentional d.v.s. rettet mod et màl. Dette har Platon da ogsâ positivt givet udtryk for i mangf oldige sammenhrenge. Det vises, at forudsretningen for Jamblichs hermeneutik Jigger i bans realistiske erkendelsesopfattelse. Der cri afhandlingen i forskellige forbindelser gjort rede for, bvorledes Jamblicb dels anvender »komparativ« fortolkning (inddragelse af andre vrerker i fortolkning af et givet vrerk) dels anvender analogi i fortolkningen (analogi til andre filosofiske sammenhrenge). Jamblichs exegese og hermeneutik ses afslutningsvis i et historisk perspektiv, der skal muligg0re en vurdering. Ved historisk perspektiv forstâs dels Jamblichs direkte indflydelse, dels en sammenligning mellem Jamblichs opfattelse og senere tiders problemstilling i sp0rgsmâl om tekstfortolkning og bermeneutik.
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Under Jamblicbs direkte indfiydelse benvises iszr til bans indfiydelse pâ de grreske filosofiskoler i Alexandria og Athen og desuden pâ bans indfiydelse pà de kristne kirkefredre. Det vises, bvorledes grundspergsmâlene omkring scopus-bestemmelsen fortszttes i ârbundredemes leb op gennem middelalderen. Den middelalderlige exegese bar trzk der oplagt minder om Jamblicb, selv om der ikke er tale om direkte indfiydelse. Sammenhzng er der via det fzlles aristoteliske udgangspunkt. Men den fremtrzdende plads, Jamblicbs principper bar ogsâ i middelalderlig exegese, viser noget om deres kvalitet. Renaissancens og reformationens stilling (Luther) gennemgâs, og det vises, bvorledes grundspergsmâlene bar vzret bebandlet i nyere tid (fra og med Scbleiermacher). Det anf0res, bvorledes i nyere tid grunden blev lagt til en bistoristisk opfattelse af de antikke tekster, som var Jamblicb ganske fremmed. En bistoristisk opfattelse af den antikke filosofi og litteratur glemmer at stille spergsmâlet om, bvad vi i vor tid kan lrere af disse tekster og af denne filosofi. Den forsemmer at sztte sagen selv i centrum, sâledes som det var Jamblicbs selvfelgelige forudsretning. Der benvises til den bermeneutiske krise i nutiden, og der peges pâ, hvorledes moderne bibelforskning bar genoptaget hovedpunkter i Jamblichs exegese og hermeneutik: bestemmelsen af scopus og bestemmelsen af genre.
Konklusion Til sidst sammenfattes kort resultatet af afhandlingens unders0gelse af Jamblicb fra Chalkis som exeget og filosof.
Bibliographie Abréviations AAS ARW
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1) Pour les revues et les séries sont employées en général les abréviations de
Les abréviations indiquées ici sont supplémentaires.
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Table des matières Préface ............. Introduction .............
. .
CHAPITRE I: Vie et œuvrcsde Jamblique 1. Vic de Jamblique . • . . • . . • . 2. Les œuvrcsde Jamblique . . . . . CHAPITRE II: Synagoge Pytbagorica 1. L'œuvre dans son ensemble . . • a) L'œuvre en tant que auvayaryfi . b) L'œuvre en tant que alcnrycay(J. . c) Synagoge Pythagorica et l'enseignement de la philosophie. d) Pythagore et Platon . . . e) Conséqucnccs ex~tiques. 2. De vita Pytbagorica. a) Vita Pytbagorica. b) qnAo-aocp(a . • • c) La religiosit6 . • d) L'Egypte . . . . e) Enseignement et communaut6 . f) Platon dans le De vita Pythagorica. g) Conséquences et perspectives ex~tiqucs . 3. Protrcpticus . . . . . . . . . . • . . . a) Qapitrc d'introduction et plan du livre. b) L'Euthydèmc de Platon dans le 2• livre. c) Aristote dans le 2• livre. . . . . . . . d) Platon dans les chapitres 13 à 19. . . . e) Reproduction indirecte et paraphrase ex~uc. f) Le dernier chapitre, exégèse des symbola pythagoriciens. 4. De communi mathcmatica scientia . a) Composition et contenu du livre . . . . . b) La cohérence du livre. . . . • . . . . . c) Platon et Aristote dans le 3• livre . . . . d) Le sens philosophique de la mathématique 5. In Nicomachi Arithmeticam Introductioncm . a) Contenu et caractère du 4• livre. . • • . . b) L'utilisation par Jamblique du texte de Nicomaquc. c) Les additions de Jamblique . . . . . . . . . . . d) But poursuivi par Jamblique dans son 4• livre • . • e) Méthode de travail de Jamblique dans le 4• livre et ses conséquences pour la compréhension de sa méthode de travail dans l'ensemble de la Synagoge Pytbagorica 6. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . CHAPITRE III: De mysteriis Aegyptiorum 1. Occasion et contenu de l'œuvrc . 2. L'Hellas et l'Egypte . . 3. Religion et philosophie. . . . .
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508 4. Le titre de l'ouvrage . . . . 5. La pseudonymie. . . . . . 6. Contexte historique de l'écrit a) La tradition égyptienne . b) La tradition chrétienne . c) La tradition juive: Philon d) L'hermétisme. . . . . . e) Conclusion. . . . . . . 7. Le De mysteriis Aegyptiorum en tant qu'écrit philosophique a) Distinction des genres . . . . . . . b) litaipecnç et O'\lvayroyti . . . . . . c) Diverses sphères de la connaissance . d) Le général et le particulier . e) Explication par les causes . . f) àpxti . . . . . . . . . . . g) L'argumentation hypothétique h) Une suite de manières d'envisagerles choses i) Interprétation . . . . j) ànoptiµata 1CaD.ixmç. . . . . . . . . . k) Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . 8. Les dimensions de la philosophie de la religion dans le De mysteriis Aegyptiorum a) Connaissance de Dieu . b) Le monde divin. c) Cosmologie . d) La mantique . e) Le culte . . f) La prière . . g) Le symbole . h) Le langage religieux. i) Monothéisme. . . . j) L'heimarmene . . . k) La route vers le bonheur 9. Platon dans le De mysteriis Aegyptiorum. 10. La date du De mysteriis Aegyptiorum . .
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CHAPITRE IV: Les œuvres perdues - à l'exception des commentaires d'Aristote et de Platon 1. De anima ................... . a) Caractère et structure de l'œuvre. . . . . . . . . . . . . b) Méthode de travail de Jamblique dans le De anima. . . . . c) Position de Jamblique vis-à-vis d'Aristote dans le De anima . d) Platon dans le De anima e) Conclusion 2. Les lettres . . 3. Autres écrits .
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CHAPITRE V: L'exégèse d'Aristote de Jamblique .. 1. Commentaire des Catégories . . . . . . . . . . . a) Les commentaires des Catégories dans !'Antiquité b) Le commentaire des Catégories de Jamblique . . c) La définition de Jamblique de