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French Pages [204] Year 2009
PARLONS ARAWAK Une langue amérindienne d' Amazonie
Parlons... Collection dirigée par Michel Malherbe Dernières parutions
Parlons khakas, S. DONIYOROV A, D. ARZIKULOV A, C. DONYOROV, 2008. Parlons bamiléké, Dieudonné TOUKAM, 2008. Parlons manadonais, Chrisvivany LASUT, 2008. Parlons yaqui, Z. ESTRADA FERNANDEZ, A. ALVAREZ GONZALEZ, 2008. Parlons kihunde, Jean-B. MURAIRI MITIMA, 2008. Parlons grec moderne, Cyril ASLANOV, 2008. Parlons lü, Tai Luc NGUYEN, 2008. Parlons karimojong, Christian BADER, 2008. Parlons azerbaïdjanais, Kamal ABDOULLA, Michel MALHERBE. Parlons manjak, Carfa MENDES et Michel MALHERBE. Parlons arménien, Elisabeth MOURADIAN VENTUTINI et Michel MALHERBE. Parlons romanche, Dominique STICH, 2007. Parlons gallo, Nathalie TREHEL-TAS, 2007. Parlons lobiri, Fané MAÏMOUNA LE MEN, 2007. Parlons pijin, Christine JOURDAN, 2007. Parlons maori, Michel MALHERBE, 2007. Parlons soundanais, Viviane SUKANDA-TESSIER, 2007. Parlons oromo, Christian BADER, 2006. Parlons karen, Julien SPIEWAK, 2006. Parlons ga, Mary Esther DAKUBU, 2006. Parlons isangu, Daniel Franck IDIA TA, 2006. Parlons kuna, Michel MALHERBE, 2006. Parlons boulou, Marie-Rose ABOMO-MAURIN, 2006. Parlons komi, Yves AVRIL, 2006. Parlons zarma, Sandra BORNAND, 2006. Parlons citumbuka, P. J. KISHINDO et A. L. LIPENGA, 2006. Parlons mordve, Ksenija DJORDJEVIC et Jean-Léo LEONARD, 2006.
Marie-France Patte
PARLONS ARAWAK Une langue amérindienne d' Amazonie
L'Harmattan
Ce livre est dédié aux Arawak de Guyane qui tentent de préserver leur langue et leur culture. Les cartes sont de Rozenn Douaud.
@ L'Harmattan,
2008 5-7, rue de l'Ecole polytechnique; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [email protected] harmattan [email protected]
ISBN: 978-2-296-07578-8 EAN : 97822960755788
Histoire et société Peuple amazonien, les Arawak - dont on considère généralement qu'ils viennent de la région Orénoque-Rio Negro - sont les descendants d'un groupe amérindien arrivé en Guyane par vagues migratoires successives. Leur sphère d'influence était très large, bien en amont des villages actuels et des localisations mentionnées dans les textes historiques. Les études linguistiques, les textes historiques et l'archéologie concordent sur le rôle joué par les Arawak, ou leurs proches parents, dans la région caribéenne, que ce soit dans les îles ou sur la terre ferme. Beaucoup reste à savoir sur leur histoire, mais l'état de nos connaissances nous transmet du moins l'image d'un peuple de grands voyageurs et d'habiles navigateurs. Au cours de leurs voyages, qui empruntaient un vaste réseau de voies fluviales et maritimes, s'échangeaient des biens, des savoir-faire et des techniques, mais aussi un ensemble de croyances et de pratiques liées au milieu. L'acquisition de biens matériels et culturels était le résultat des guerres et du troc, les deux modalités principales des relations interethniques dans la région. Pour mieux connaître les Arawak de Guyane, il faut les replacer dans leur contexte historique et les situer dans l'environnement qui est le leur et qu'ils ont participé à configurer : l'Amazonie et la Caraïbe. Avant l'arrivée des Européens, des peuples proches, linguistiquement et culturellement, occupaient de vastes zones de cette partie du continent américain. Plus particulièrement, dans la région du littoral amazonien et la Caraïbe, des peuples parlant une langue voisine étaient constamment en contact, commercial et guerrier, avec les Arawak, dont le territoire, constamment disputé et renégocié, couvrait une vaste zone du littoral guyanais, correspondant de nos jours à ce que l'on appelle «les cinq Guyanes» - Guyane française, Surinam, Guyana, la Guyane vénézuélienne et l'Etat d'Amapa au
Brésil - et les îles de l'arc antillais. Les Arawak des Guyanes doivent donc être rapprochés, du point de vue linguistique et culturel, des populations amérindiennes des îles de la Caraïbe, les Taïnos des grandes Antilles et les « Caraïbes» des petites Antilles. La parenté linguistique de l'arawak des Guyanes avec deux langues du nord-ouest du Venezuela, le guajiro et le paraujano, nous amène à postuler également une proximité bien plus étroite qu'on ne pourrait le supposer au regard de la distance géographique qui sépare actuellement les peuples qui les parlent. Du fait précisément de leur présence sur le littoral caribéen, les Arawak ont été très tôt en contact avec les Européens. L'image que ceux-ci nous ont transmise dans les textes historiques est celle d'un peuple jouant un rôle prépondérant dans un monde pluriethnique, intégré dans un tissu complexe de relations qui les rattachent à la fois aux sociétés amazoniennes et caribéennes. Beaucoup plus tard, à la fin du XIXe siècle, le terme arawak a été adopté pour faire référence à l'ensemble linguistique auquel appartient la langue des Arawak, et qui s'étend sur une grande partie du continent américain. Le terme «arawak» en est donc venu à désigner à la fois le groupe amérindien des Guyanes dont nous présentons ici la langue mais également la famille linguistique à laquelle elle appartient.
L LES ARAWAK DES GUYANES
Actuellement, les villages arawak des Guyanes sont dispersés sur la côte du Guyana et de la région voisine au Venezuela, du Surinam et du département français de la Guyane alternant avec ceux d'autres amérindiens, particulièrement les Kali'na qui parlent une langue appartenant à une autre famille, la famille caribe. En Guyane française, environ 1 500 Arawak vivent principalement dans les villages amérindiens de Sainte-Rose de Lima et de Cécilia, qui font partie de la commune de Matoury et à Balaté, situé au bord du Maroni, fleuve frontalier avec le Surinam, et administrativement rattaché à la ville de Saint-Laurent du Maroni. Quelques familles arawak vivent à Saut-Sabat, petit village dépendant de la commune de Mana. Ils sont plus nombreux au 8
Surinam, qui compte une dizaine de villages peuplés d'Arawak, parfois mélangés à d'autres Amérindiens, et surtout au Guyana, où ils représentent le groupe autochtone le plus important. Leur langue est généralement appelée « arawak », parfois aussi « lokono », un mot de la langue difficile à traduire hors contexte, puisqu'il peut signifier «les gens» (par opposition aux autres êtres animés et aux personnages mythologiques); «les Amérindiens» (par opposition avec les autres groupes humains) ou « les Arawak» (par opposition avec les autres Amérindiens). Il s'agit donc d'une notion d'inclusion dans une communauté, par rapport à un Autre, variable selon le point de vue où se place la personne qui parle. Le terme arawak, d'étymologie incertaine, est probablement à rattacher au nom d'un important village du basOrénoque nommé Aruacay et mentionné dès les premières chroniques, pour son importance commerciale et stratégique. En arawak, arhoa signifie «jaguar », et kairi «île ». Doit-on reconstruire ce toponyme comme «l'île des jaguars»? La langue du moins le permet. Quoiqu'il en soit, bien que les Arawak se désignent volontiers eux-mêmes par le terme arhoaka, ils ne le reconnaissent généralement plus comme un mot autochtone. Les premiers témoignages de la langue datent de la fin du XVIe siècle: une liste de mots collectée dans l'île de Trinidad est titrée «Aroaca, sermo lndianus ». Les descendants des Arawak dont nous tenons ces premiers documents historiques ont disparu de Trinidad. Cette Île est appelée par ses habitants Cuiri, et diverses nations y vivent: aux environs de Parico sont appelés laio, à Punta Carao sont les Arwacas, et entre Carao et Curiapan se nomment Saluaios, entre Carao et Punto Galera sont les Nepoios, et ceux qui se trouvent à proximité de la cité espagnole se nomment eux-mêmes Carinepagotos. W. Raleigh, 1596 A la même époque, les commerçants flamands qui voyageaient dans cette région nous livrent quelques mots provenant de «la tribu aruaca, qui vit aux embouchures de l'Orénoque ».
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Les Arawak sont cités dès le début du XVIe siècle. Le nom est différemment transcrit comme Aroaca, Aruaca, Arawagoe, Arwaca, Arowacca, Arrowouka, Arwac, Arawaca, Arauca, Arrouagues, Allouagues... dans les sources espagnoles, anglaises, hollandaises et françaises et il est entré dans la littérature moderne comme Aruak ou Arawak. Bien que les désignations varient et que les localisations manquent souvent de précision, les premiers témoignages laissent supposer qu'à l'origine, les Arawak résidaient dans des villages sur les berges les plus basses des fleuves de la côte guyanaise, en aval de tous les autres groupes amérindiens. La toponymie confirme la présence arawak dans la région. Ainsi, la dénomination de nombreux cours d'eau présente une forme interprétable comme un composé dont le second élément peut aisément être rapproché de oni~uni «eau»: Marowini (Maroni), Dumaruni (Demerara), Cussewini, Cuyuni, Mazaruni, Rupununi, Corentini (Courantyne)... ou de aima ~ eima « bouche» et « embouchure» : Coppename, Suriname. . . Les cartes localisent généralement plus à l'intérieur des terres, des Indiens appelés Caribes (Caniba, CaUna, Canibal) -désignant les Kali 'na, auto-dénomination d'un groupe caribe avec lesquels les Arawak ont un long passé de rivalité pour l'occupation du territoire et avec lequels ils continuent à coexister sur la côte guyanaise. Les études historiques s'accordent sur le fait que les Indiens Kali'na étaient établis en amont des Arawak. Certaines cartes partagent le territoire guyanais en deux zones: Caribana au nord et Guiana au sud. Comme le terme «arawak », celui de « caribe » en est venu à désigner un ensemble de langues parlées dans la région des Guyanes. La côte atlantique entre l'Orénoque et l'Amazone qui inclut d'Ouest en Est le delta de l'Orénoque au Venezuela, le Nord du Guyana, du Surinam et de la Guyane française, de même que la côte de la Guyane brésilienne appelée aujourd'hui «État d'Amapa» formait une unité à l'époque aborigène. Elle est maintenant divisée en cinq entités politiques différentes. Bien que Trinidad soit rattachée de nos jours aux West-Indies, elle appartenait aussi au même domaine culturel.
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Ainsi, le bas-Orénoque occupait une position stratégique bien avant l'arrivée des Européens: à la croisée des chemins entre les îles de la Caraïbe et les hautes terres amazoniennes, il permettait l'échange de produits côtiers et insulaires comme le sel et les perles contre des produits de l'intérieur. Pour sa part, Trinidad (appelée Kairi, « île» en arawak) contrôlait le golfe de Paria et l'embouchure de l'Orénoque. En réalité, l'image de la région et de ses habitants transmise par les chroniqueurs et les voyageurs européens, est largement influencée par l'expérience coloniale et une tentative de reconstruction historique rencontre plusieurs obstacles: les sources sont souvent contradictoires, les localisations imprécises et les dénominations varient d'un auteur à l'autre. Ainsi, l'exploration de l'Est de la Guyane fut bien postérieure à celle de la côte Ouest. Au début du XVIIe siècle, de Laet reprend les informations rapportées par les commerçants flamands ayant voyagé dans la région, et cite parmi les populations « arrivées de Trinidad ou des provinces de l'Orénoque» les Arwacas avec les Yaos et les Sapai ou Shebayo, Sabayo (De nos jours, Sabayo désigne un lignage arawak de Guyane et du Surinam). Il les localise notamment sur la Berbice et l'Essequibo, sur les terres basses du Marwin (Maroni) et aussi loin à l'Est que le Wiapoco (Oyapock), mais aussi plus à l'intérieur des terres. Il n'est pourtant pas impossible que ces établissements arawak de l'Oyapock soient aussi anciens que ceux du bas-Orénoque, ou même leur soient antérieurs. Des trois grands fleuves sud-américains, l'Orénoque était et demeure toujours le plus navigable. Lors de son troisième voyage, Colomb remarque le courant impétueux d'eau fraîche entre Paria et Trinidad, le Rio Dulce, qu'il décrit dans sa correspondance comme l'un des quatre fleuves du Paradis. Pendant tout le XVIe siècle, il sera la route privilégiée des Anglais, Français, Espagnols, Allemands et Hollandais partis à la recherche du royaume légendaire de l'El Dorado. L'arrivée des Européens bouleversa durablement l'équilibre inter-ethnique du monde amérindien dans la région. Le cours inférieur de l'Orénoque était déjà un axe de communication à 11
l'époque pré-colombienne, il devint un enjeu important de la conquête et la position de Trinidad en fit l'escale des expéditions vers la terre ferme. La région dans son ensemble devint le théâtre des luttes entre Européens. Dans ce contexte, les relations entre Arawak et Espagnols passèrent par différentes phases. Les auteurs espagnols, chroniqueurs et commentateurs, les représentent comme amis des chrétiens et ennemis des Caribes. Cette «amitié» favorisa les échanges commerciaux. Ce furent aussi souvent des Arawak qui accompagnèrent les Espagnols dans leur navigation au large de la côte entre l'Orénoque et la Courantyne. Ces Amérindiens guidant les Européens dans leurs expéditions étaient souvent appelés « pilotes». Le rapt d'esclaves était autorisé par la couronne espagnole, pour autant qu'il s'agisse d'Indiens «caribes» et les Arawak trouvèrent là un produit d'échange. En général, le mot «caribe » ne désignait pas une ethnie précise pour les Espagnols: ils utilisaient juste le terme pour désigner toutes les tribus amérindiennes «hostiles» dans l'aire caribéenne. Les échanges commerciaux prirent aussi la forme d'une alliance. Les Espagnols s'appuyèrent sur les Arawak pour s'opposer aux Caribes. Ces relations d'entraide et de commerce pourtant se dégradèrent au cours du XVIe siècle et en particulier à Trinidad, les tentatives espagnoles pour établir un système d' encomienda (système par lequel la Couronne espagnole confiait un certain nombre d'Indiens à un colon en récompense de ses services) comme dans les Grandes Antilles provoquèrent une rébellion réunissant Arawak et autres Amérindiens contre les Espagnols. Les conflits entre Européens, que l'on retrouve par exemple dans les écrits de W. Raleigh, contribuèrent aussi à vider l'île d'une grande partie de sa population amérindienne. L'image de la région guyanaise transmise par les textes la situe dans l'ensemble amazonien, monde complexe caractérisé par une grande pluralité ethnique et linguistique. Cette multiplicité des ethnies s'accompagnait d'intenses contacts commerciaux et guerriers qui permettaient la circulation de biens prestigieux comme les pierres vertes d'Amazonie et les fameux kalikuli -
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plaques d'or de titre bas (ou guanin) provenant du cours supérieur de l'Orénoque - mais aussi de produits manufacturés spécialisés selon les ethnies. Comme les autres peuples amazoniens, les Arawak se regroupaient pour organiser des raids, souvent saisonniers, contre les villages ennemis. Victorieux, ils en rapportaient des rançons, des femmes et des prisonniers qu'ils gardaient en captivité et qu'ils utilisaient comme esclaves, appelés poilos ou moavis. Doiton reconnaître dans poile, nom par lequel les Arawak désignent parfois les Français, un avatar du premier de ces vocables, que pour leur part les Wayanas - un peuple appartenant à l'ensemble caribe - utilisent avec le sens assez proche de sujet ou subordonné? Expéditions guerrières ou commerciales, ces voyages pouvaient couvrir de grandes distances. Le réseau hydrologique constituait la voie d'accès privilégiée et des routes particulières empruntaient le réseau fluvial ou longeaient le littoral maritime, particulièrement périlleux au large de Trinidad. Ils vivaient dans des villages regroupant parfois plusieurs centaines de maisons collectives. Situé sur la rive gauche du bas-Orénoque et à l'intersection de routes commerciales, le village d' Aruacay - qui pourrait donc être à l'origine du terme « arawak» - est un bon exemple de ces établissements amérindiens où convergeaient produits et personnes d'origines différentes et qui favorisaient l'échange de biens matériels et culturels. Il était renommé, si on en croit les fréquentes mentions dont il fait l'objet dans les textes. Sa situation en faisait le passage vers le haut-Orénoque. Le terme en serait donc venu à désigner le peuple originaire d' Aruacay et de ses environs, puis par extension, ceux qui parlaient la même langue. C'est cette langue particulière qui a donné son nom à la famille linguistique à laquelle elle appartient, la plus étendue sur le continent. On trouve des langues arawak depuis l'Amérique centrale au Nord -le black carib ou garifuna, parlé au Bélize et au Honduras- jusqu'aussi loin au Sud que la Bolivie -le bauré et le mojo ou ignaciano - le Paraguay -le guami - et le Sud du Brésil- le terena.
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A l'époque pré-coloniale, des langues arawak étaient parlées dans la plupart des îles de la Caraïbe et dans de vastes zones des basses terres sud-américaines. Quand Christophe Colomb arriva en Amérique, les premiers Amérindiens qu'il rencontra dans les grandes Antilles, appelés par les colonisateurs « taÏno », parlaient une langue arawak. D'autres langues apparentées, comme le shebayo et l'eyeri parlés dans les Petites Antilles, et le caquetio, langue des basses terres vénézuéliennes, ont disparu dès les tout premiers temps de la conquête. Dans les petites Antilles maintenant françaises, les «Caraïbes des îles» parlaient une langue arawak, où des mots, identifiés comme «langue des hommes », avaient été empruntés aux guerriers kali 'na venus coloniser ces îles. Leurs descendants, métissés avec les Noirs fugitifs, furent déportés en Amérique centrale, où le black carib ou garifuna est la langue de plusieurs dizaines de milliers de personnes. Appartenant au même groupe, les Arawak de l'ouest de la côte caraïbe, plus de 200000 Guajiros ou Wayuu et Paraujanos ou Afiun parlent une langue proche de l'arawak des Guyanes, aussi bien du point de vue du lexique que de la grammaire.
II. LES TAÏNOS DES GRANDES ANTILLES
Au moment de l'arrivée des Européens, les Taïnos occupaient la majorité des terres des grandes Antilles, c'est-à-dire Porto Rico, pratiquement toute l'île d'Hispaniola (Saint Domingue et Haïti) et la région orientale de Cuba. Ils connaissaient aussi d'autres régions de Cuba, la Jamaïque et les Bahamas. Leur société venait d'anciennes vagues migratoires de groupes arawak, dont l'origine est généralement localisée dans le bassin de l'Orénoque et l'on suppose qu'ils avaient pénétré dans les Antilles environ 1500 ans avant les Européens. On pense que ces premiers habitants d'origine arawak ont introduit l'agriculture et la céramique dans les îles et qu'ils furent à l'origine du processus adaptatif en milieu insulaire qui aboutit à la naissance de la culture taïno, environ 300 ans avant l'arrivée des Européens.
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L'organisation sociale, politique et religieuse du peuple taïno était assez complexe et lui permit de parvenir au plus haut degré d'évolution de la région antillaise. Ils avaient développé une économie basée essentiellement sur la production agricole, ce qui les amena à se grouper dans des villages très peuplés, sous l'autorité de caciques, ou chefs, lesquels étaient secondés par des personnages de haut rang, appelés nitainos alors que les naborias, attachés aux tâches agricoles et à d'autres services, occupaient un niveau plus bas dans la société. C'est de nitaino que nous vient le vocable Taïno, par lequel ce peuple est connu désormais. Ils vivaient dans des maisons communales faites de planches et de palmes. Ils dormaient dans des hamacs, ou lits suspendus. Ils naviguaient dans de rapides canoës - en fait de grands vaisseaux embarquant couramment de vingt-cinq à quarante-cinq personnes - qui constituaient leur principal moyen de transport fluvial et maritime. La culture prédominante des Taïnos était la yuca (manioc amer) qu'ils récoltaient dans leurs jardins. Le manioc était râpé, puis passé dans un manchon de vannerie tressé, pour en extraire le jus toxique. La pâte obtenue servait à la confection de casabe, qui était leur base alimentaire, une sorte de pain qui était cuit sur un buren, plat de terre cuite. Le «casabe» (ou cassave) a eu une importance primordiale dès les premiers temps de la colonisation: les Européens l'utilisèrent dans leurs voyages d'exploration des autres îles de la Caraibe et du continent et lui donnèrent le nom de «pain de la conquête ». Les Taïnos cultivaient d'autres tubercules, comme la patate douce (hage), mais aussi le maïs (mahici, maiz) qui était un élément important de leur diète alimentaire. Ils le récoltaient deux fois par an et le mangeaient cru quand il était tendre, et grillé quand il était sec. Ils le râpaient ou après l'avoir moulu, en faisaient une sorte de bouillie. Leurs jardins contenaient d'autres plantes, en particulier le piment (ahz), la cacahuète, l'ananas, le tabac, qu'ils utilisaient avec d'autres substances dans les pratiques chamaniques. Ils
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recueillaient aussi des fruits sylvestres, comme la guanabana (pomme anone, appelée pomme cannelle aux Antilles), la quenette, la papaye et la goyave. La pêche, la chasse et la récolte de fruits de mer complétaient l'alimentation des Taïnos. Les instruments et les techniques qu'ils utilisaient dans leurs activités ainsi que l'usage médicinal des plantes, témoignent d'une profond savoir et d'une grands maîtrise de leur milieu ambiant. Une parfaite connaissance de la mer, des vents et des courants a permis aux habitants des îles de circuler autour du bassin caribéen. Le monde antillais pré-colombien est largement interconnecté. Le jeu de balle taino - certainement inspiré par le jeu de balle des Mexicains, et comme celui-ci, un rite solaire et cosmogonique - était pratiqué à l'aide d'une balle en caoutchouc. Les jeux avaient lieu sur une grande place rectangulaire -le batey - qui servait d'espace sacré au centre du village. Ils croyaient en un être suprême et protecteur. Dans leurs croyances, étaient d'autres êtres divins comme les cemis. Le mot s'applique au dieu lui-même, certainement lié au culte des ancêtres, et à sa représentation en bois, en pierre, en coquillage ou en coton. On a retrouvé nombre de ces figurines dans les sites étudiés dans les Grandes Antilles, notamment à Porto Rico et à Saint-Domingue. Le cemi a des comportements qui ressemblent à ceux des humains. Les mythes que nous rapportent les tout premiers chroniqueurs racontent la création de la terre, l'origine des ancêtres, la reproduction du genre humain, les pratiques rituelles pour assurer l'abondance des récoltes et le succès des entreprises guerrières. L'image transmise par les témoignages donne à voir une société hiérarchisée, articulée autour du culte des ancêtres, une population insulaire reliée aux autres îles de la région caribéenne, et aux populations du littoral, aussi bien au Nord - en MésoAmérique et en Floride - qu'au Sud - sur la côte guyanaise. Il y a de l'or dans les îles mais en réalité, les Taïnos ne s'intéressent pas particulièrement à l'exploitation des veines 16
auriphères, le métal n'est pas plus estimé que d'autres symboles du pouvoir, comme les pierres vertes de jadéïte, les plumes, l'albâtre, l'ambre ou la nacre. L'insistance des Européens pour connaître l'origine de l'or les aura certainement surpris dans un premier temps. Mais ils comprennent rapidement le danger et répondent régulièrement que l'or n'est pas autochtone: il provient d'une autre région. Ainsi les habitants des îles Lucayas (les Bahamas) disent que l'or provient de Cuba, ceux de Cuba indiquent Hispaniola, ceux d'Hispaniola envoient les Européens à Porto Rico... Cette stratégie ne leur donna qu'un répit de quelques années. Indépendamment des brutalités et des vexations auxquelles ils furent soumis, l'extraction de l'or dans les mines pour le compte des Espagnols a signé le destin des Taïnos. Ils s'y refusent pour deux raisons: nés libres, ils ne supportent pas de devenir esclaves; de plus, le travail dans les mines est totalement opposé à leur culture. On considère généralement qu'en 1511, la population de l'Hispaniola est exterminée à 90%. Les conquérants vont alors à Cuba, aux Bahamas et à Porto Rico où le même schéma se répète à un rythme accéléré. Lorsque la couronne espagnole condamne ces agissements et que certains religieux prennent parti en faveur des Taïnos, il est trop tard: la civilisation a été anéantie et un peuple entier a été éliminé. Un chroniqueur rapporte que le dernier Taïno d'Hispaniola meurt en 1541, dernière victime de cette destruction massive, où furent massacrés un million et demi d'individus. Cette disparition s'explique globalement. Confrontés à la brutale déstructuration qui leur fut imposée, leur conduite paraît se résumer à « plutôt mourir que vivre esclave ». Dépossédés de leur terre, de leur mode de vie et de leur liberté, les hommes déportés et séparés de leur famille, les terres cultivées envahies par le bétail apporté d'Espagne, les lieux sacrés brûlés, pourquoi les Taïnos auraient-ils persévéré sous la domination des Espagnols? Toutes les chroniques relatent des suicides massifs. Les hommes et les femmes se pendent, se jettent dans les ravins, ou absorbent le jus toxique du manioc amer. Les femmes refusent d'avoir des enfants et utilisent de violents abortifs.
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Notre connaissance des sociétés indigènes lors des premiers contacts avec les Européens dépend essentiellement des écrits qu'en firent ceux qui furent les responsables de la rapide disparition de la population native dans les îles. L'archéologie permet de compléter notre vision de ce monde disparu. Toutefois, ces sociétés avaient développé une culture basée sur une production matérielle en grande partie périssable et les vestiges archéologiques qui nous sont parvenus ne reflètent donc pas le haut niveau qu'elles avaient atteint. Bien que les récits des premiers Européens qui arrivèrent aux Antilles à la fin du XVe siècle et au début du XVIe siècle contribuent à corriger cette image, il nous faut tenir compte du fait que les documents de la conquête donnent une vision fragmentaire et souvent biaisée des sociétés aborigènes.
III.
LES« CARAÏBES» DES PETITES ANTILLES
On les connaît sous le nom de « caraibes (ou caribes) » parce que le Père Raymond Breton a décrit leur langue et l'appela «caraibe des îles ». Leur histoire illustre bien la complexité culturelle et ethnique de la région. Le premier groupe humain des petites Antilles mentionné dans les textes nous est parvenu sous le nom Eyeri (ou Iiieri, Igneri...). Les données linguistiques permettent de l'identifier comme une branche particulière de l'ensemble arawak. On ne sait pas si ces Eyeri précédèrent ou suivirent les Proto- Taïnos dans leur occupation des îles. On évalue la date de leur arrivée dans les Petites Antilles dans les premiers siècles de l'ère chrétienne. Peu avant l'arrivée des Européens, peut-être au milieu du XVe siècle, des guerriers et marins kali'na (appelés en français « galibi ») envahissent ces îles. Selon la légende, ils exterminent les hommes et se marient avec les femmes Eyeri. Mais l'on considère maintenant qu'un autre scénario est tout aussi plausible: l'établissement progressif dans les Petites Antilles de ce peuple parlant une autre langue, et ennemi traditionnel des Arawak du continent, avec lesquels il a un long passé de rivalité pour le territoire. 18
Quoiqu'il en soit, les envahisseurs caribes du continent fondent des familles avec les femmes insulaires, arawak. C'est le début d'un processus linguistique qui a fait couler beaucoup d'encre. Les Caribes appartiennent à une nation de gueuiers prestigieux, ennemis des Arawak du littoral guyanais. Il semble que leur langue, dont on pense maintenant qu'il s'agissait plutôt d'un jargon de traite à base kali'na, ait été rapidement valorisée. Dans ces îles, il y a donc la langue des vaincus (langue eyeri, famille arawak). Les enfants sont éduqués par les femmes, ils sont les fils de ces femmes arawak et des Ka/ifia, (famille caribe). Après la petite enfance, les jeunes garçons accompagnent leur père dans ses activités. Les descendants de ces gueuiers caribes se reconnaissent euxmêmes comme membres du groupe paternel (caribe) et s'identifient comme caribes. Mais dans l'enfance, aussi bien les garçons que les filles parlent la langue apprise de leur mère, l'eyeri. Plus tard, les jeunes gens apprennent des éléments de la langue caribe, en même temps qu'ils s'initient aux activités exclusivement masculines. Certainement dès la première génération née de ces unions entre vainqueurs - les continentaux caribes - et vaincues - les insulaires arawak - la «langue des hommes », à base lexicale caribe, parlée par les jeunes gens est déjà très influencée par la langue arawak, la langue maternelle, parlée originellement dans ces îles. Les premiers éléments de la langue des Petites Antilles n'ont pas laissé de trace écrite parce que dans les premiers temps de la conquête, ces îles n'intéressaient pas beaucoup les Européens, si ce n'est comme escales vers la «teue ferme ». Le premier recueil de données linguistiques est daté du XVIIe siècle, quand les populations indigènes se trouvent assiégées par les Anglais, les Français, les Espagnols et les Hollandais. Le «caraioe des îles» décrit par le Père Breton (1609-1679) qui vécut dans l'île de la Dominique entre 1641 et 1653 et qui publia sa « Grammaire caraïbe» quatorze ans après avoir laissé les Antilles, est une langue arawak avec des emprunts lexicaux au kali' na. 19
Presque à la même époque, un flibustier français dont 1'histoire n'a pas retenu le nom, et qui est connu comme l'Anonyme de Carpentras, car son manuscrit fut trouvé à Carpentras, nous laisse un témoignage précieux de son séjour de près d'un an chez les « Caraïbes ». Il nous apporte les premières sources ethnographiques sur les Indiens des Petites Antilles (1619-1620). Centré sur la Martinique, il parle aussi de la Dominique, de SaintVincent, de Sainte-Lucie, de la Guadeloupe et de Marie-Galante. Telle qu'il nous la décrit, l'économie caraïbe repose sur une agriculture sur brûlis. La production, essentiellement de manioc, l'aliment de base, est assurée par les femmes et les esclaves, les hommes se consacrant à la chasse, la pêche, la construction des maisons et la guerre. La société repose sur une division sexuelle du travail très nette. Les femmes prennent en charge la cuisine, l'éducation des enfants en bas âge, le tissage du coton, tandis que les hommes confectionnent les outils propres à leurs activités. La division sexuelle est encore accentuée par l'existence de nombreux tabous comme ceux qui interdisent aux hommes certaines activités féminines et ceux qui concernent les rites anthropophagiques. La hiérarchie sociale masculine s'établit à partir de la réussite à une série d'épreuves, extrêmement codifiées, censées correspondre à l'aptitude à faire la guerre et par 1'habileté guerrière au cours d'expéditions au Nord dans les colonies espagnoles d'Hispaniola (Haïti et Saint-Domingue) et de Boriquen (Porto Rico), au Sud dans les îles perlières de Cubagua et Margarita, à Trinidad et chez les «Inibis », nom par lequel ils désignent les Arawak de Guyane, leurs ennemis traditionnels. Ces raids ont pour but essentiellement de se procurer des femmes pour assurer la production et des captifs pour les rites anthropophagiques. Il existe donc une hiérarchie entre les sexes; cette dichotomie explique certainement la pérennité de l'existence de ces deux « langues» : la langue des hommes, langue des guerriers caraïbes, valorisée, et celle des femmes - en fait deux registres qui se différencient essentiellement par le lexique. Le manuscrit de Carpentras permet non seulement de comprendre la société caraïbe, il nous renseigne aussi sur d'autres 20
aspects de la culture. Les techniques de pêche, de chasse, ainsi que les instruments qu'elles nécessitent sont détaillées. Dans un chapître dédié aux plantes, l'Anonyme de Carpentras mentionne et décrit une quantité de fruits: acajous (cajou), goyaves, papayes, ananas, bananes... De tous les tubercules comestibles, le manioc est à juste titre défini comme «la plus nécessaire racine des Indes, parce que d'icelle ils Jont pain et vin ». Du «poivre des Indes », qu'il nomme aussi ati, pymant ou toumali, il note: «nos Indiens en usent en tout ce qu'ils mangent au lieu du sel [...] qu'ils ont en horreur ». Il explique ensuite la recette du suc de manioc pimenté, sauce à base de jus de manioc cuit avec du piment, « et quoiqu'ils mangent, ils le trempent dans cette sauce ». La religion des « Caraïbes» semble s'articuler autour de deux figures spirituelles: Mabouya et Chemin. Mabouya les bat et les tourmente. Chemin, principe spirituel positif, « est celui, disent-ils, qui Jait croître toutes leurs racines et Jruits de la terre, qui les conserve sur la mer et les préserve d'être pris de leurs ennemis, qui les guérit étant malades roo.]». L'Anonyme de Carpentras décrit la cérémonie de Chemin. S'il est appelé pour un malade, il souffle, tape et s'en va. Mais il arrive qu'il parle jusqu'à deux heures, et «sa voix ressemble à un qui parlerait dans un pot cassé, ou le plus souvent à celle d'un petit eifant enroué.» L'auteur mentionne l'oiseau de Chemin, coribibi, qui «ressemble tout à Jait à un hibou, et n'est pas plus gros que les deux poings» et qui caquette pour annoncer l'arrivée de Chemin. On éteint alors les feux dans la maison et on allume son tabac. D'autres auteurs mentionnent l'existence de figurines. «Ils ont aussi de certains marmousets de coton, par la bouche desquels, à ce qu'ils disent, le diable leur parle [...] ». Il est tentant de rapprocher Chemin et ces « marmousets» aux pratiques religieuses des Taïnos et à leurs cemis. Très prolixe sur les fêtes qu'il nomme «caouynage », l'Anonyme de Carpentras décrit en détail ces réunions où on boit, danse et chante. Il en donne cette définition: «Caouyner, c'est boire nuit et jour sans manger jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de vin. »
21
Plus qu'un divertissement, elles s'inscrivent dans un rituel en relation avec l'environnement social. Les occasions sont multiples, et l'auteur en cite une quinzaine, parmi lesquelles: le départ à la guerre; le retour de guerre d'une pirogue; l'accueil d'un chef ou du fils d'un chef; la naissance d'un enfant; la cérémonie de puberté ou bien encore la fin de la punition pour adultère. Tous les commentateurs s'accordent sur la fréquence de ces événements, et sur la quantité de boisson alcoolisée à base de cassave -la bière de manioc appelée ouécou ou ouicou -ingérée par tous, hommes, femmes et enfants à ces occasions. Le jeu de balle est aussi mentionné par l'Anonyme de Carpentras. La balle est faite d'une «certaine gomme [...] laquelle mêlée avec du coton fait comme une paume, grosse comme les deux poings [...] ». Suit une description précise du jeu. Très répandu en Méso-Amérique et aussi pratiqué dans les Grandes Antilles par les Tainos, le jeu de balle tel que le rapporte l'Anonyme de Carpentras près d'un siècle après la disparition des Tainos n'est identifié par aucun terrain particulier et n'est pas associé à un rituel. Les dits «Caribes» résistèrent le mieux aux Européens dans deux îles, la Dominique et Saint Vincent. En 1635, deux navires d'esclaves noirs échouent au large de Saint Vincent. L'hospitalité que les «Caraïbes» de Saint Vincent montrent envers les Noirs échoués sur leur côte a pour conséquence d'attirer les fugitifs des îles voisines qui viennent s'y établir. De ce métissage naît la communauté qui fut appelée Black Carib. Bien qu'ils soient plus noirs qu'amérindiens du point de vue biologique, et que leur langue soit fondamentalement arawak, les dits « Black Carib» se reconnaissent culturellement et linguistiquement comme caribes. Les Black Carib et leurs voisins, appelés « Yellow Carib », sont environ 10 000 au milieu du XVIlle siècle. Alors que quelque cent ans plus tôt, on parlait seulement « caraïbe» dans les îles de la Guadeloupe, la Dominique, Saint Vincent, la Martinique et Granada, on ne signale plus qu'un petit groupe à la Dominique et à Saint Vincent au XVIlle siècle.
22
Quelques Black Carib s'incorporent aux soldats de la Révolution française et attaquent les colons anglais. Environ 5 000 d'entre eux sont déportés par les Anglais en 1797, au Honduras, alors britannique. Maintenant, sous le nom de «Garifuna », ils constituent un groupe linguistique de plusieurs dizaines de milliers de personnes. Pendant ce temps dans les îles, les communautés « caraïbes» sont progressivement absorbées par une population majoritairement noire. A la fin du XIXe siècle, ils sont quelques centaines. La langue disparaît comme outil de communication dans la première moitié du XXe siècle.
IV.
LES
GUAJIROS
ARAWAK
DE LA
CÔTE
OUEST
DE LA
CARAÏBE:
ET PARAUJANOS
Les indiens Wayuu, appelés aussi Guajiros, vivent dans la péninsule de la Guajira située au Nord de la Colombie et sur la côte Ouest du Golfe du Venezuela. Ils se nomment eux-mêmes Wayuu (gens). Le terme «guajiro» viendrait, dit-on, du maya yucatèque, et signifierait seigneur. Il s'applique aussi aux paysans cubains. Les Espagnols l'ont utilisé en lui donnant le sens d'« Indien principal ». Ce même terme pour se référer aux habitants de la Guajira apparaît seulement vers 1560, quand les Espagnols sont présents depuis plus de 30 ans au Nord de Maracaibo et dans certains points de la péninsule (Rio Hacha et Cabo de la Vela). Les Espagnols emploient de nombreux noms pour désigner les habitants de la péninsule, y compris celui d'Indiens caribes (-
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LES CINQ GUYANES
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« kye » Exemple: kêke, panier, se prononce à peu-près « kyéékyé ». Influence de i sur la voyelle 0 Lorsque dans un même radical, une syllabe contenant 0 est suivie d'une syllabe contenant i, le 0 se prononce «ou» comme dans «cou ». Exemple: awadoli, vent, se prononce « awadouli ». Note: Lorsque dans le même radical, plusieurs syllabes contiennent 0, alors 0 se maintient, même si le dernier 0 est suivi d'une syllabe qui contient i. Exemples: bosoli, manioc doux, se prononce toujours «bosoli », lokhodi, dans, « lokhodyi ». Dans les radicaux des mots arawak, on trouve parfois une consonne suivie de deux voyelles. On écrira toujours les deux voyelles même si parfois on entend plutôt « y » ou « w ». Exemples: kairi, fle, doada, marmite.
36
LE NOM ET LE GROUPE NOMINAL
1.
NOMS ABSOLUS
ET NOMS RELATIFS
La plupart des noms arawak se rangent dans deux classes: les noms relatifs et les noms absolus, selon qu'ils renvoient à un terme externe, les « relatifs », ou au contraire qu'ils se conçoivent comme autonomes, indépendamment d'une relation à un autre terme, les « absolus ». Les noms «relatifs » ne se conçoivent qu'en relation avec une autre entité. Ils apparaissent sous une forme possédée, et cette relation à un autre terme, relation possessive ou génitive, est matérialisée dans l'énoncé. On retrouve dans cette classe nominale termes de parenté, parties du corps, ou plus généralement partie d'un tout (comme par exemple rhebo, bord), et ce qui s'envisage dans la langue comme dépendant: îri, le nom; uya, l'image; diki, l'empreinte, la trace; tunamali, le propriétaire (d'un animal par exemple); birakha, le jouet; nakara, le fardeau, la charge; hiwi, le butin; kori le lieu de baignade... Certaines notions, selon qu'elles sont conçues comme autonomes ou comme dépendantes, se traduisent par deux signes différents. Une maison peut être vue comme une construction, un bâtiment (terme absolu, bahu) ou bien comme le lieu où habite X (terme relatif, shikoa). De même, ikihi évoque l'élément feu, alors que îme donne à voir le feu domestique, allumé par un individu ou sous sa responsabilité. D'autres objets culturels susceptibles d'être représentés comme une entité en soi, ou liés à une autre par une relation de possession ou d'appartenance ont deux noms en arawak: le hamac (absolu, hamaka; relatif, kora) ; le chemin 37
(absolu, waboroko; relatif, bunaha), ou encore le champ, l'abattis (absolu, kabuya ; relatif, koban).
Transfert de classe Hormis les exemples ci-dessus, qui n'autorisent pas le transfert de classe, et les termes de parenté, toujours relatifs, les noms absolus peuvent se relativiser, et les noms relatifs peuvent devenir absolus, moyennant l'adjonction d'un marquage morphologique spécifique. Un nom absolu est relativisé
Les noms absolus peuvent entrer dans une relation génitive. Ils sont alors relativisés. La plupart des noms absolus indiquent cette relation par la marque -!!. Les noms absolus recouvrent divers champs sémantiques. Quelques-uns sont cités ci-dessous: - instruments et autres objets utilitaires: yadoala, couteau; kashipara, machette; arakabosa, fusil; barho, hache; kanoa, bateau; doada, marmite; karobo, assiette; hako, mortier; yoro, presse à manioc tressée appelée « couleuvre» ; pulâta, argent... - animaux: pêro, chien (qui vient de l'espagnol perro); karhina, poule (de l'espagnol gallina); kakoaro, vache; kodibio, oiseau... - plantes: nana, ananas; yafo, coton; manikinia, banane... - éléments naturels: shiba, pierre; ada, arbre. . . Le terme régissant, celui qui détermine la relation génitive et auquel se rattache l'entité considérée, s'exprime par:
.
un groupe nominal, Ii wadili, l 'homme Ii wadili arakabosan fusil (possédé) de l 'homme
38
.
.
un nom propre, BinaIi BinaIi pêro!! le chien de Binali (pêro chien) un pronom personnel, Ii 3èrepersonne, masculin Ii pêro!!, Ii doada!!, Ii yafo!! son chien, sa marmite, son coton (à lui) ère ou dei I personne deipêro!!,deidoada!!,deiyafo!! mon chien, ma marmite, mon coton
L'ordre des termes est donc le suivant: déterminant
- déterminé
I
I
C'est le déterminé qui porte la marque de la relation. Les préfixes personnels se substituent au nom ou au pronom: lu-pêro-n, lu-doada-n, lu-yafo-n son chien, sa marmite, son coton da-pêro-n, da-doada-n, da-yafo-n mon chien, ma marmite, mon coton Certains noms absolus relativisés ne se combinent pas avec -Al, malS avec -ï!. La plupart d'entre eux ont pour voyelle finale -i : borodi, coffre de voyage en vannerie; manarhi, tamis; samarhi, râpe à manioc; wayarhi, panier de chasseur; warhiwarhi, éventail pour le feu; marishi, maïs; hathi, piment; haIithi, pomme de terre; hikorhi, tortue; fodi, singe. . . mais quelques-uns se terminent par -0 : pamo, sel; kodo, cruche; tambo, nasse; karhao, herbe. Ii wadili borodiï! le coffre de I 'homme
BinaIi borodiï! le coffre de Binali
39
dei borodiï!, dei marishiï!, dei fodiï!, dei kodoï! mon coffre, mon maïs, mon singe, ma cruche da-borodi-ï!, da-marishiï!, da-fodiï!, dakod0ï! mon coffre, mon maïs, mon singe, ma cruche Quelques noms isolés présentent une terminaison encore plus rare.
-the: kosa
---7
dakosathe, mon aiguille
-le: -re: -ra:
---7 ---7 ---7
deidale, ma calebasse dakêkere, mon panier dakonokora, maforêt
îda kêke konoko
Quelques autres dérivations exceptionnelles concernent un très petit nombre de nominaux mais d'emploi courant:
arhoa
---7
rhoathe,félin, prédateur de X
khali budali
---7 ---7 ---7 ---7
khale, cassave de X budale, plat pour la cassave de X dis ara, auge pour le manioc de X orhora, sol, terre de X
hadisa horhorho
Ainsi, korhi rhoathe, (korhi, souris), littéralement prédateur de souris est le nom couramment utilisé pour le chat. Un nom relatif est absolutivisé Les nominaux relatifs entrent dans une relation génitive et ils sont nécessairement accompagnés de leur déterminant - nom ou pronom. Les termes de parenté ne peuvent apparaître sans mention du terme qui les régit. Mis à part les termes de parenté, les autres noms relatifs peuvent apparaître sans référence à un autre terme. Pour indiquer la notion « abstraite », dégagée de toute relation, ils reçoivent une marque spécifique, que l'on représente -hV, V représentant une voyelle dont le timbre copie la dernière voyelle du radical. Ainsi barha, cheveu, poil, plume, terme relatif, engendre la forme absolutivisée barha-ha, chevelure, fourrure, plumage. De même, le terme relatif kori, le lieu de baignade de X, entité nécessairement mentionnée, donne lieu à la forme absolutivisée kori-hi. 40
On observe que le morphème -hV qui absolutivise un nom relatif a pour effet de renvoyer à une notion générique et collective: issue du terme relatif shikoa, lieu où habite X, la forme absolue shikoa-hu, peut se traduire par maisonnée, ou village. C'est le même suffixe qui dérive d'un verbe la notion abstraite dégagée de toute relation: kaku-n, vivre
-7
kaku-hu, vie, existence
II. LE GENRE / NOMBRE
La catégorie du genre/nombre se manifeste grammaticalement par l'accord entre les déterminants nominaux et l'élément nominal qu'ils déterminent, ainsi que par le repérage effectué par les substituts du nom - pronoms ou indices personnels - et les déictiques' . La catégorie s'organise selon une double opposition où un terme non-marqué (non-masculin, non-pluriel) s'oppose à la fois au masculin et au pluriel. Ce terme générique et non-marqué est appelé «féminin» puisqu'il codifie les êtres humains de sexe féminin, mais il inclut aussi bien les entités animées dont le sexe n'est pas spécifié, les animaux par exemple, ainsi que les entités, animées ou non, dont le nombre n'est pas spécifié. Le champ d'application du féminin est donc extrêmement large et se définit mieux comme un neutre indifférencié, tant du point de vue du genre que du nombre. Pour ce qui est du nombre, il met en évidence une hiérarchisation du référentiel selon des paramètres culturels qui distinguent le monde animé de l'inanimé, non-pluralisable. Les emplois particuliers de la catégorie découlent de ces caractéristiques. En effet, genre et nombre se révèlent sensibles au niveau discursif, au degré de saillance des protagonistes.
.
Les mots suivis d'un astérisque sont définis dans le glossaire en fin d'ouvrage.
41
Le genre Déjà relevée par des descripteurs antérieurs, notamment de Goej e, la fréquence de l'alternance vocalique -i (voyelle haute, antérieure, étirée) / -0 (qui se définit négativement par rapport à ces mêmes traits: non-haute, non-antérieure, non-étirée) pour distinguer le masculin du féminin est une caractéristique remarquable en arawak, que partage cette langue particulière avec de nombreuses autres langues appartenant à cet ensemble. La persistance de cette alternance, «symbolique» selon de Goeje, et sa fréquence dans des langues voisines nous font penser qu'il pourrait s'agir d'anciens classificateurs nominaux, bien attestés dans la région amazonienne. La distinction masculin! féminin se retrouve dans certaines langues de la région et se reflète dans l'usage de classificateurs spécifiques regroupant, hormis des entités animées de sexe masculin, des objets longs, dressés, (arbres, etc), par opposition à un autre classificateur, commun aux objets ronds (fruits, graines, calebasses, etc) et aux entités de sexe féminin. Les groupes nominaux Ii wadili, l 'homme ou cet homme (le déterminant masculin lAet le nom masculin wadilD et to hiyaro, la femme ou cette femme, (le déterminant féminin tQ et le nom féminin hiyarQ) composés d'un nom et du déterminant qui s'accorde en genre avec lui, sont un bon exemple de cette alternance vocalique. Le nombre Le pluriel ne s'applique qu'à des êtres animés et il est généralement réservé aux humains. Dans certaines circonstances pourtant, le pluriel peut être assigné à des animaux, en particulier dans les récits mythologiques; inversement un groupe d'humains, hommes ou femmes, en tant que groupe indifférencié, est traité grammaticalement comme non-marqué ou neutre, et reçoit les marques du féminin.
42
Par ailleurs, le pluriel établit une distance: il est notamment de règle entre gendre et belle-mère, en réalité vestige d'un tabou interdisant qu'ils s'adressent directement l'un à l'autre. Certains contes sont très explicites à cet égard. Le pluriel signale aussi le respect que doivent les jeunes générations (bikidoliathi, littéralement, les «récemment grandis ») aux adultes (thoyothi, souvent traduit en français «les grandes personnes» par les locuteurs). Le lien de parenté partagé: la marque intra-nominale
na
Avec les termes de parenté, la marque intra-nominale de pluriel -na- met en lumière le lien que représente le fait de partager le même rang dans la parentèle. dayo, ma mère; wayo, notre mère dathi, mon père; wathi, notre père
-7 wayonatho -7 wathinathi
Wayo, notre mère, et wathi, notre père, sont des expressions courantes; en mettant l'accent sur la proximité qu'établit une relation familiale commune, wayo.lli!tho et wathi.lli!thi ajoutent une connotation d'intimité. Wathinathi est une des désignations de Dieu le père. Un pluriel particulier
pour les termes de parenté:
yo
Une autre marque nominale, -yo-, exprime le pluriel avec les termes de parenté. Elle est certainement à rapprocher de oyo, mère. On la retrouve dans le nom relatif davono, mafamille, mes proches, mes gens.
.
. .
bokethi,frère aîné yorodatho, sœur aînée okethi, frère cadet
boke.YQthi,frères aînés yoroda.YQthi, sœurs aînées oke.YQthi, cadets, frères et sœurs
Vision globale d'une pluralité:
le collectifbe
Il existe dans la langue un autre morphème qui transmet la notion d'une pluralité, mais alors que -no appartient au pluriel et donc renvoie à des êtres humains individualisés, -be indique une
43
quantité indéterminée, perçue globalement comme une collection d'éléments non dénombrés. Le collectif be indique un groupe que l'on appréhende comme un ensemble, les unités qui la composent étant alors conçues globalement, comme une collection d'éléments semblables.
. . . .
adabe hiyarobe wadilibe
groupe, collection d'arbres groupe de femmes groupe d'hommes
yawahube
groupe, troupe de diables
C'est avec le féminin, terme non marqué, ni du point de vue du genre, ni du point de vue du nombre, que s'accorde le collectif -be.
III.
LES DÉICTIQUES
Tout acte de parole est inscrit dans la situation d'énonciation et l'énonciateur organise son message en fonction des coordonnées qui font son présent au moment où il s'exprime. Mis à part les protagonistes de la situation dialogique, qui sont ère
encodés par la 1
et la 2èmepersonnes, ce dont on parle, ce qui est
présent matériellement et que l'on peut montrer - ou que l'on rend présent dans le discours - est exprimé en arawak par les déictiques to, celle-ci, ceci (féminin, noté j) Ii, celui-ci (masculin, noté m) et na, ceux-ci (pluriel, noté pl).
I
~o
I
: I:: I
Les formes de base, to, Ii et na sont également des déterminants du nom et sont les pronoms personnels, respectivement féminin, masculin et pluriel de 3èmepersonne. A partir de ces formes de base, l'arawak a développé une série de déictiques qui désignent les objets du monde, et les situent par rapport à l'énonciateur, selon deux paramètres: la distance et l'emphase (- emph, non emphatique; +emph, emphatique).
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proximité
distance
.
.... ICI
LÀ
LÀ-BAS
f
to
toho
tora
toraha
tukuta
tukutaha
m
Ii
lihi
lira
liraha
likita
likitaha
pl
na
naha
nara
naraha
nakuta
nakutaha
locatif
akutaha LES DÉICTIQUES SELON LA DISTANCE ET L'EMPHASE
IV.
MARQUES PERSONNELLES
Cette catégorie grammaticale qui distingue les entités selon leur position dans un échange conversationnel est représentée en arawak par plusieurs ensembles de marques personnelles. Ci-dessous, se trouvent les pronoms, autonomes, et la série des préfixes. Pronoms
Préfixes
lSG
dei
dA-
2SG
bui -bî
bU-
3F
to
thU-
3M
Ii
lU-
lPL
wei
wA-
2PL
hui -hî
hU-
3PL
na
nA-
PRONOMS
ET PRÉFIXES
PERSONNELS
Les marques personnelles se développent selon trois personnes et distinguent singulier (sg) et pluriel (Pl). La 3ème personne
45
manifeste la catégorisation en genre/nombre vue précédemment qui distingue le féminin (j), le masculin (m) et le pluriel (Pl). Les pronoms de 3èmepersonne reprennent la série des déicitiques. Pour leur part, les préfixes sont liés à la racine, et leur voyelle finale est influencée par la voyelle initiale de la racine. Dans cette série, les symboles «A » et « U » représentent les voyelles canoniques; celles-ci sont parfois réalisées par une voyelle de timbre différent, selon des règles d'harmonie vocalique en fonction de la voyelle initiale de la racine avec laquelle elle est en contact. Les préfixes s'associent aux noms relatifs, aux verbes actifs et à une autre classe de mots, les relateurs ou postpositions. da-khabo ma main da-shika je donne da-mun à/pour moi Les pronoms personnels sont indépendants. dei khabo ma main (ma main à moi) dei shika .ft donne (c'est moi qui donne) dei mun à/pour moi (c'est à/pour moi)
JI: LES MODIFICATEURS DU NOM
L'arawak possède plusieurs marqueurs nominaux. Les premiers, ro (j), Ii (m) et na (Pl) sont issus des déictiques, ils désignent, distinguent dans un ensemble, ils identifient. Ils substantivisent, dans le sens où ils font d'un item lexical originellement nominal ou non, une substance nominale. Les seconds tho (j) et thi (m/pl) définissent. Ils attribuent une propriété à une entité, ou ils assignent une entité à une classe. Ils peuvent déterminer un autre nominal.
-
C'est également le cas du déverbal sa sha, qui dérive d'un verbe actif un nom relatif qui exprime le résultat d'une action. Syntaxiquement, les uns et les autres peuvent former des appositives et permettent de relier un contenu propositionnel au nominal qu'ils déterminent: c'est ainsi que l'arawak construit des relatives. 46
Les nominaux de désignation Les nominaux de désignation -ro if), -Ii (m) et -no (Pl) sont sensibles au genre/nombre.
8:
I::
Par leur forme et leur fonction, ils sont proches des déictiques. Comme eux, leur rôle essentiel dans l'énoncé est de désigner, ils identifient et répondent à "lequel ?" dans un ensemble. On trouve le masculin -!! dans des termes comme Hada!!, soleil; wadi!!, homme, Hadaya!!, Seigneur, aussi Dieu, Hariwan!!, nom d'un héros culturel, ou encore burhuburhu!!, (litt. le dessiné, le rayé, désignation expressive par redoublement de la racine burhu, tracé, dessin, ligne) arbre sp. au tronc rayé. Le féminin -!!! se retrouve dans un grand nombre d'items lexicaux, parmi lesquels sobole!!! (litt. le jaune), plante sp. qui porte des petits fruits jaunes; shife!!!, bile (litt. l'amer) ; thora!!! (le léger), arbre sp. appelé ainsi parce qu'il est très léger; kudu!!!, (litt. la lourde), autre désignation de pierre; korhe-koro (litt. le rouge), poisson sp. de cette couleur. Marques de détermination nominale, -Ii et -ro construisent également des appositives: binali (bina, thème verbal de danser) et baliro (bali, passer) : Li binali Celui qui danse, le danseur To hiyaro bali!!! Cette femme qui est passée, la passante On observe que la relation entretenue entre les différents éléments du groupe nominal se manifeste par l'accord: Ii binali
-to hiyaro-
bali!!!.
Les formes longues koro if) et kHi (m) permettent désigner (shoko,petit) : shokokili, le petit homme; shokokoro, la petite femme;
47
aussi de
et de fonner des appositives (usa, nommer; baIi,passer) : Li wadili dausabokili L 'homme que j'ai nommé To orhika baIikoro La nuit passée La distinction humain/non-humain Mis à part la fonction de montrer, ou de désigner, les marqueurs nominaux -ro, -Ii et -no, pennettent d'identifier le référent, et signalent les protagonistes ayant une proéminence particulière, les êtres animés. Ils s'associent à aba, un : aba!!, un homme; aba!!!, une femme; aba!!.Q.,quelques uns, certains. Le nominal ainsi fonné peut détenniner un substantif, cidessous bodedârhin, pêcheur: aba!! bodedârhin, un pêcheur Au pluriel, la marque no est répétée: kabuni!!.Q.wadilino, troishommes. Le pluriel no qui codifie le substantif loko, Arawak (loko!!.Q.)et le quantitatif aba (abano) est en co-référence avec le préfixe personnel na Clli!yono) : Abano loko!!.Q.ôsa nayono âmun. Certains Arawak partent chez leurs proches. Par contre, les noms dénotant des inanimés, comme kasakabo jour, ou wiwa, an, ne reçoivent pas ces marqueurs nominaux de genre/nombre: aba kasakabo, unjour kabun wiwa, troisans Le pluriel no s'applique aux humains loko être humain bikidoIia jeune wadili homme
--7 --7 --7
lokono bikidoIiano wadilino
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êtres humains jeunes gens hommes
Le nominal ainsi constitué régit le groupe nominal qu'il fonne avec le déterminant pluriel na : na lokono eux, les êtres humains na bikidoliano eux, les jeunes na wadilino eux, les hommes na hiyarono elles, lesfemmes na dayono eux, mes parents, mes proches Combiné à un thème verbal, -no signale la fonction nominale. Ci-dessous, thika, creuser, est combiné au pluriel no: thikano est un nom qui dénote des êtres humains et qui régit waya argile: waya thika!!Q les creuseurs d'argile
Les nominaux de définition tho, thi Les « nominaux de définition» -tho if) et thi (m/pl) assignent l'entité à une classe, lui attribuent une propriété, ils indiquent l'inclusion par rapport à un ensemble, une relation qui peut être caractérisée comme classificatoire. Un grand nombre de tennes de parenté se rangent dans cette catégorie: FÉMININ
MASCULIN
deinthi oncle ithi père eithifils dokothi grand-père yaboatho
tante
reithi époux
reitho épouse
lukunthi
lukuntho
okethifrère
petit-fils cadet
petite-fille
oketho sœur cadette
Certains tennes de parenté, frères et sœurs aînés, pennettent une double distinction du point de vue du sexe, du référent par la
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marque de genre thi / tho, mais aussi du terme de référence, marqué dans la liste par E:m (Ego masculin) ou EI (Ego féminin) : boke!hifrère
aîné (E:m)
thilikithifrère
aîné (E:.!) tula!h2 sœur aînée (E:.!) yoroda!!!Q sœur aînée (E:m)
Les classes d'âge se combinent définition: bikidoliathijeune
homme
également
au nominal
de
bikidoliatho jeune fille
hebethi vieillard
hebetho vieille femme
ilonthi petit enfant
ilontho petite enfant
korheliathi bébé
korheliatho bébé
shokothi petit garçon
shokotho petite fille
thoyothi adulte
thoyotho adulte
Plus généralement, des racines associées à ces nominaux expriment l'appartenance à une classe, par partir des racines kaku-, vivre et ôdo-, mourir sont nommaux : kakuthi kakutho if) vivant (m/pl) odothi mort (m/pl) odotho if)
marqueurs exemple, à formés les vivante morte
A leur tour, les substantifs ainsi formés entrent dans la constitution de groupes nominaux, ci-dessous constitués par le déterminant pluriel na au pluriel, qui s'accorde avec la marque nominale pluriel -thi : na kakuthi lesvivants
-na ôdothi -
-
-
les morts
De même, le numéral kabun, trois et le nominal wadili, homme, qu'il détermine présentent la même marque de pluriel,.!!Q, alors que bikidolia, jeune, qui fait référence à une propriété classificatoire, est associé au morphème nominal, thi :
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kabuni!!Q bikidoliathi wadili!!Q, trois jeunes gens Le pluriel codifie les êtres animés humains, il est répété dans chaque constituant du groupe nominal comme on le voit cidessous dans le déterminant pluriel na et les modificateurs pluriel -thi et -no
- -non:
, ill!
kakuthinon les êtres humains Au contraire, le nominal yawahube, troupe de diables, est un collectif et l'accord avec le déterminant féminin to montre qu'il est régulièrement indicié comme féminin, c'est-à-dire qu'il appartient à la catégorie non-marquée, ou neutre: to yawahube le groupe de diables ill! kakuthi
C'est la co-référence des morphèmes nominaux, le déictique féminin to, le modificateur féminin -tho et le collectif -be qui permet de délimiter la catégorie à laquelle appartiennent les êtres non-humains: to kakuthobe le groupe d'êtres vivants Le nominal kakutho-be, groupe d'êtres vivants, indicie des êtres non-humains, ce que révèle régulièrement l'accord tout au long des récits consacrés à ceux qui «ressemblent» mais n'appartiennent pas à la classe des humains.
VI. LE RÉSULTAT n'UNE ACTION
-
Le déverbal -sa -sha forme à partir d'une racine verbale active, un nominal relatif qui exprime le résultat d'une action. En tant que nom relatif, il marque la relation de détermination génitive par un préfixe personnel: dôthikisha, ma trouvaille, ce que j'ai trouvé (ôthiki-n, trouver) deithi~, ma connaissance, ce que je connais (eithi-n, connaître) dâkâsha, mon récit, ce que je raconte (âka-n, raconter) lukusu~, ce qu'il puise, ou : a puisé (kusu-n, puiser) lodoro~, son tissage, ce qu'il tisse, ou : a tissé (doro-n, tisser)
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wadukhusha, notre vue, ce que nous voyons ou: avons vu (dukhu-n, voir) L'exemple ci-dessous, qui est tiré d'un texte traditionnel rapportant l'origine de la Voie lactée, illustre les différents types de modificateurs nominaux. D'une part, une propriété (wadi, long, harira, blanc) est attribuée (wadi-tho, qui appartient à l'ensemble des objets longs; harira-tho, qui appartient à l'ensemble des objets blancs) à une entité: thuburhu, sentier étroit, trace: To waditho, hariratho thuburhu... Ce long, blanc sentier... D'autre part, thuburhu est également modifié par la forme déverbale wadukhusha (notre vue, ce que nous voyons) : thuburhu wadukhusha sentier [objet de] notre vue kasakoda kha ayon banan nuit époque ciel surface Enfin, le déterminant pluriel -no forme un nominal à partir du thème verbal thika, creuser: nasâka «W aya thikano bunaha » ils-nomment argile les-creuseurs chemin Ce sentier long et blanc que nous voyons la nuit à la surface du ciel, ils [l'] appellent « Le chemin des creuseurs d'argile ». Waditho et hariratho sont des nominaux en apposition modifiant le terme régissant, le nominal thuburhu. Egalement en apposition, wadukhusha, notre vue, présente une double incidence: d'une part, en tant que terme relatif, il contient la relation à un autre terme, indicié par le préfixe de I èrepl wa- et d'autre part, il modifie thuburhu.
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VIL
NOMS D'AGENT,
DE LIEU ET D'INSTRUMENT
Trois marqueurs dérivent des nominaux à partir de verbes actifs. Ils indiquent trois fonctions nominales essentielles. A partir d'un verbe dénotant une action, ils indiquent: i) l'agent qui a pour habitude de l'exécuter, ii) le lieu où elle se déroule et iii) l'instrument qui sert à la réaliser. ârhin, l'agent d'une action nom d'agent nom de lieu nale, le lieu où... koana, ce avec quoi, grâce à quoi... nom d'instrument Ces trois morphèmes dérivationnels sont très productifs et pour nombre d'items, l'usage en est fixé, de sorte qu'ils sont entrés dans le stock lexical de la langue. Pour d'autres, il semble au contraire qu'ils soient parfois créés en discours. Appartenant à la lexico-génèse de la langue, ces trois marqueurs, tout particulièrement koana, permettent de créer des néologismes. La liste ci-dessous présente un échantillon de ce procédé dérivationnel, toujours disponible pour produire des nominaux à partir de racines verbales actives.
Noms d'agent: ârhin, celui qui, d'habitude... budedârhin,pêcheur (à la ligne) yokhârhin, chasseur himedârhin, pêcheur bokodârhin, homme de barre, timonier ibi(h)idârhin, médecin bokârhin, cuisinier burhutârhin, écrivain, dessinateur yokarârhin, commerçant kodârhin, tisseur marhikhotârhin, enseignant
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budedan, pêcher à la ligne yokhan, chasser himedan, pêcher bokodon, conduire, diriger ibi(h)idin, soigner bokan,jaire la cuisine burhutun, écrire, tracer, dessiner yokaran, vendre kodon, tresser, tisser marhikhoton, enseigner
Sans doute par analogie, un terme renvoyant à une occupation habituelle est construit avec le même morphème, mais cette fois en combinaison avec un nominal: beyokha beyokhârhin musicien instrument de musique
Noms de lieu: nale, le lieu où, d'habitude... marhikhotanale, école, salle de classe biranale, aire de jeux sokosanale, lavoir khotanale, lieu où l'on mange bokanale, lieu où l'on cuisine timanale, lieu où l'on traverse, gué
thokodanale, lieu où l'on descend yokaranale, marché
marhikhotan,
enseigner
biran,jouer sokosan,faire la lessive khotan, manger bokan,jaire la cuisine timan, traverser thokodan,descendre yokaran, vendre
Ce n'est pas un verbe, mais un nom (itika, excrément) autorise la dérivation suivante: tikanale, latrines itika, excrément
Noms d'instrument:
koana, ce avec/grâce à quoi
balutukoana, siège bokotokoana, anse, ce qui sert à saisir dukhukoana, miroir, lunettes rhukukoana,c~eaux darhidikoana, véhicule mudakoana, échelle bokodakoana, gouvernail, timon diakoana, téléphone bokakoana, cuisinière burhutukoana, crayon, ce qui sert à écrire surubudakoana,balai 54
qUl
...
balutun, s'asseoir bokoton, saisir, retenir dukhun, voir rhukun, couper darhidin, courir mudun, grimper bokodon, conduire, diriger dian, parler bokan,jaire la cuisine burhutun, écrire, dessiner surubudun, balayer
Ces nominaux peuvent être fléchis en personne: l'!P«A» signale la détermination génitive. Ils forment une classe mixte, de noms soit relatifs soit absolus, sans marque nominale de transfert de classe. Ainsi, nabikidakoana, qui se segmente: na-bikida-koana 3PL-élever-INSTR
est un nominal construit à partir du verbe bikidin élever. Nom relatif, il porte préfixée la marque de 3èmepersonne pluriel na. Il indique l'instrument de leur croissance, l'entité qui a permis de les élever, qui a pourvu à leur subsistance, c'est-à-dire leur nourrice.
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LE VERBE
1. VERBES ACTIFS ET VERBES STATIFS
Comme il est nécessaire de distinguer en arawak deux classes de noms, les relatifs et les absolus, puisqu'ils ne s'associent pas aux mêmes marques grammaticales, il existe aussi deux classes de verbes: les verbes actifs et les verbes statifs. Une phrase où intervient un verbe actif décrit un événement et les participants se définissent selon le rôle qu'ils jouent dans cet événement. L'agent se définit comme l'entité douée de puissance à la source de l'événement, et le patient comme la cible, c'est-àdire l'entité non puissante qui en représente le but, le terme visé. Avec les verbes statifs, une entité est décrite comme affectée par un état ou dotée d'une propriété. En fonction du rôle sémantique qu'ils jouent dans l'énoncé, les actants* entrent dans différents schémas prédicatifs et se reconnaissent par le traitement grammatical qu'ils reçoivent: la position vis-à-vis du verbe et la série d'indices qui les codifient. . Dans le schéma dit «actif», l'agent, qui peut être un actant dirigeant son action vers une cible ou un actant unique engagé dans une activité, reçoit le même traitement grammatical: il est indicié par la même série de marqueurs actanciels et la même position dans l'énoncé. . Dans le schéma prédicatif statif, l'actant unique affecté par un état reçoit le même traitement grammatical que le patient dans une structure à deux arguments. Le tableau ci-dessous représente le statut de l'événement, en fonction du contenu sémantique du verbe et du rôle des actants qu'il suppose.
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Deux termes et deux positions sont possibles. Le premier, conventionnellement noté «A», est à l'origine du procès, et le second, «B», représente le but ou la destination. La différence de potentiel entre les deux termes est représentée respectivement par « + » et « - » et l'orientation du procès par « ---7». Le signe «ex » symbolise une propriété qui affecte l'entité. ACTION
A+
---7
ACTIVITÉ
A+
---7
ex
---7
AFFECTATION
B-
B-
LE STATUT DE L'ÉVÉNEMENT
Deux séries d'indices personnels (notés IP) et leur position respective permettent de reconnaître le rôle des actants. Ils sont nommés « indices personnels de série A » et « indices personnels de série B », et notés respectivement IP A et IP B.
Iso 2so 3F 3M IPL 2PL 3PL
IPA
IPB
dAbUthU1UwAhUnA-
...de ...bo ...no ...Ï ...we ...hu ...ve
INDICES ACTANCIELS
Ces paradigmes se développent selon trois personnes, et pour ce qui est du nombre, distinguent singulier (sa) et pluriel (PL). Seule la troisième personne du singulier est sensible à la catégorie du genre qui dans la langue, oppose une classe générique et nonmarquée (notée F, puisqu'elle codifie les entités de sexe féminin) à la classe positivement marquée (notée M) selon des traits sémantiques organisés hiérarchiquement animé, humain, mâle. IP A et IP B sont différents morphologiquement; ils se distinguent aussi par leur position relative vis-à-vis de la base verbale.
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A gauche de la base verbale, les IP A sont des préfixes. Rien ne peut les séparer de la base lexicale à laquelle ils sont attachés. Ils codifient l'actant à la source d'un événement dynamique, c'est-àdire l'agent. La même série codifie également le «possesseur» avec les noms relatifs, ainsi que le terme régi par les relateurs, ou postpositions, qui relient les autres participants à l'événement que décrit la phrase. Au contraire, les IP B sont spécialisés; ils sont réservés à la fonction actancielle. Ce sont des clitiques*. Toujours à droite de la forme verbale, ils peuvent en être séparés par des compléments. Ils codifient a) le patient dans un schéma prédicatif bi-actanciel, et b) l'entité affectée par un état, l'actant unique dans un schéma prédicatif statif. La série d'énoncés minimaux présentés à la suite illustrent les structures actancielles de base. Ils apparaissent en regard: à gauche, les indices personnels signalent le rôle sémantique de chacun des termes, à droite ils sont développés par un groupe nominal. Remarquons toutefois que si les IP ont une position fixe, celle des groupes nominaux peut varier en fonction d'impératifs discursifs. La marque d'accompli, qui se matérialise par la voyelle finale, a, des formes verbales est traduite conventionnellement par le présent.
Schémas prédicatifs actifs Bi-actanciels
ou transitifs
L'IP A 3M lU-, préfixé, codifie l'agent dans la forme verbale lu-fara. Le rôle du patient est dévolu à to kama le tapir et à sa représentation pronominale, l'IP B 3F no, l'un et l'autre à droite de la forme verbale: (1)
A+ -7 lu-fara 3M-tuer Ille tue.
A+
Bno 3F
-7
Jj
Ii yokhârhin fara to kama le chasseur tuer le tapir Le chasseur tue le tapir.
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A nouveau, l'IP A 3M lU- permet d'identifier l'agent à la source du procès; il représente le groupe nominal Ii wadili, l'homme; à droite de la base verbale, l'IP B 3F no et le groupe nominal qu'il reprend, to hiyaro, lafemme, sont encodés comme l'actant B. (2) Ii-shimaka no Ii wadili shimaka to hiyaro 3M-appe1er 3F l'homme appeler la femme Ill' appelle. L' homme appelle lafemme. L'IP A 3F thU- indicie l'actant A développé par le nominal correspondant, ori, serpent, et l'IP B 3M i indicie l'actant B qui représente le syntagme nominal Ii wadili, l'homme: (3) thu-ruda i ori ruda Ii wadili 3F-mordre 3M serpent mordre l'homme Ille mord. Un serpent mord l' homme. Ci-dessous, deux IP 3F dans les rôles d'agent (IP 3F A) thU- et de patient (IP 3F B) no indicient respectivement un actant A: to hiyaro, lafemme, et un actant B : to khotaha, la viande (4) : (4) tho-boka no to hiyaro boka to khotaha 3F-cuire 3F la femme cuire la viande Elle la cuit. La femme cuit la viande. Mono-actanciels
ou intransitifs
Comme les exemples précédents, ceux que nous présentons ciaprès illustrent des schémas prédicatifs actifs. L'actant à la source du procès, le support de la relation prédicative, se signale par: i) l'indiciation actancielle appartenant au paradigme des IP A; ii) la position à gauche de la base verbale. En revanche, à l'encontre des exemples précédents impliquant deux termes dans les rôles respectifs d'agent (A) et de patient (B), ceux-ci illustrent un schéma prédicatif qui ne suppose qu'un terme, un agent engagé dans une activité. Les bases verbales qui entrent dans ce schéma prédicatif déterminent une relation dynamique, ou processive, et nous y retrouvons les verbes de mouvement:
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(5)
A+ -7 th-anda 3F-arriver Elle arrive.
A+ -7 to hiyaro anda la femme arriver La femme arrive.
Ce même schéma regroupe l'ensemble des activités des êtres vivants, que celles-ci fassent intervenir la volonté, ou qu'elles relèvent plutôt d'un comportement spontané: (6) lo-donka Ii wadili donka dormir 3M-dormir l'homme Il dort. L' homme dort. Les faits d'expérience, comme les phénomènes atmosphériques, correspondent au même schéma et un actant A est exprimé, soit sous la forme de l'IP A 3F thu-, soit sous la forme d'un terme nominal, ci-dessous oni, pluie: (7) thu-khia oni khia 3F-pleuvoir pluie pleuvoir Il pleut. (La) pluie pleut. Les structures prédicatives actives, qui représentent un événement processif, codifient l'agent, c'est-à-dire l'actant à la source du procès, par la même série indicielle (IP A) et la même position relative par rapport à la base verbale que l'agent d'un schéma prédicatif transitif.
Schémas prédicatifs
statifs
La troisième série d'exemples illustre un second schéma prédicatif mono-actanciel. Une entité non puissante (B) est le support d'une relation attributive. Dans les structures prédicatives statives, le traitement de l'actant unique est comparable à celui qui indique le patient dans un schéma actifbi-actanciel à la fois par i) l'indiciation par la série des IP B ; ii) la position, à droite du verbe.
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Lorsqu'il n'est pas exprimé par un terme nominal, l'actant, à droite de la forme verbale, est indicié par le paradigme des IP B. Cette relation attributive est située par rapport au moment de l'énonciation. On la présente ci-dessous en combinaison avec la marque -ka, flexion des verbes statifs à l'accompli (noté ACC),qui inscrit l'énoncé dans l'actualité. Il est traduit par le présent. (8)
a ~ Ir halekhebe-ka i joyeux- ACC 3M Il est joyeux.
a ~ Ir halekhebe-ka Ii yokhârhin joyeux- ACC le chasseur Le chasseur est joyeux.
L'actant unique est représenté par un IP B ci-dessus 3M, ou cidessous par l'IP B 3F : halekhebe-ka no Elle est joyeuse. Une propriété est attribuée à une entité, support de la relation. Comme halekhebe, joie, les racines statives telles que there, chaleur, methe, fatigue, hamaro, peur, habori, honte, entrent dans ce type de construction. Les exemples ci-dessous illustrent les constructions statives avec un actant codifié par l'IP B 3F no, qui dénote une entité animée de sexe féminin ou une entité inanimée, selon le contexte et le sémantisme du verbe: There-ka no. Elle a très chaud. ou : C'est très chaud. Methe-ka no. Elle est très fatiguée. Hamaro-ka no. Elle a peur, elle est effrayée. Habori-ka no. Elle a honte, elle est honteuse.
Pour comparaison, un actant codifié par l' IP B 3M i indicie une entité animée, un humain de sexe masculin, selon la catégorisation du genre en arawak: There-ka i. Il a très chaud. 62
Methe-ka i. Il est très fatigué. Hamaro-ka i. Il a peur, il est effrayé. Habori-ka i Il a honte, il est honteux. L'arawak:
langue active ou « duale »*
La langue distingue donc plusieurs types de schémas prédicatifs, qui reflètent différents schémas conceptuels. . Une entité vue comme la source, ou l'origine, d'un procès dynamique - que celui-ci soit transitif ou non, qu'il s'agisse d'une action où sont engagées deux entités dans les rôles respectifs d'agent et de patient, ou d'une activité qui n'en implique qu'une seule - est codifiée de la même façon: i) série de personnels IP A préfixés à la base verbale; ii) position à gauche de la base verbale.
.
Une entité affectée par un état reçoit le même traitement grammatical que celle qui a le rôle de patient dans un schéma bi-actanciel : i) même série d'indices personnels, IP B ; ii) même position dans l'énoncé, à droite de la forme verbale.
La langue montre ainsi sa sensibilité à la distinction entre PROCÈS(1) à (7) et ÉTATS(8) à (10) et sur cette dimension active / stative, peut être définie comme une langue dite «active» ou «duale », puisque l'actant unique reçoit un traitement grammatical différent selon le module actanciel du verbe. En effet, l'actant unique des exemples (5) à (7), s'aligne sur l'agent d'une structure bi-actancielle des exemples (1) à (4). Par contre, l'actant unique des énoncés statifs (8) reçoit un traitement analogue au patient d'un schéma bi-actanciel (1) à (4). La distinction est sémantique: la «dualité» des schémas prédicatifs est déterminée par le sémantisme de la forme verbale.
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Les verbes « actifs» dénotent un procès dynamique; au contraire, les verbes « statifs » dénotent un état.
II. MORPHOLOGIE DU VERBE
Le système verbal de la langue révèle plusieurs niveaux. On distinguera le plan lexical -l'ensemble des procédés dérivationnels qui constituent la base verbale - et le plan grammatical où intervient la flexion. Plusieurs procédés dérivationnels interviennent dans la formation des verbes actifs pour enrichir les capacités expressives de la langue:
. . .
.
le verbalisateur d/tV forme un verbe actif; deux types de représentation du procès sont matérialisés par une variation vocalique, V/â ; le formant verbal âbo ajoute au sens de la racine verbale la nuance d'intensif; le redoublement de la racine exprime la répétition.
L'ensemble de ces marques intraverbales interviennent dans la formation de la base verbale. Chaque type de base verbale se combine à une série de marques pour constituer la forme verbale dans un énoncé particulier. Sur ce plan de la flexion, il faut prendre en compte: . la voyelle thématique; . les marques aspectuelles ; . les marques diathétiques ; les marques de modalité.
.
LA BASE VERBALE
Le verbalisateur
d/tV
Un procès actif suppose un agent, une force dynamique à sa source. Le formant verbal d/tV permet de dériver un verbe actif à partir d'une racine stative ou d'un élément non-verbal. 64
Racines statives La racine stative there est ci-dessous appliquée à hadali, soleil : Danda, hadali theren. Je suis arrivé, le soleil étant très chaud. (ou: ilfaisait très chaud au soleil) Lorsqu'il s'associe aux racines statives, dltV représente un événement processif, dynamique, caractéristique de la voix active; la mention d'un agent à la source de l'événement est alors obligatoire. there, très chaud --7there-ti-n, chauffer Avec la racine stative there, très chaud, le formant verbal d/tV se réalise ti. Un actant à la source du procès est ajouté: hadali, soleil, dans le rôle de l'agent, cause l'état dénoté par la racine stative (there, très chaud) qui affecte un patient, indicié par de, IP B lSG: Hadali thereta de. Le soleil me donne chaud. (m'échauffe) Avec le même verbe, l'IP A lSG da-, préfixé, signale l'agent, et le nom kadukura, soupe pimentée, dans le rôle du patient, est à droite de la forme verbale: Dathereta kadukura. Je fais chauffer la soupe pimentée. hemelia, nouveau, neuf
--7 hemelia-tu-n,
rénover
La racine stative hemelia, nouveau, neuf, associée à d/tV, réalisé tu, forme le verbe actif hemeliatun, rénover. Le rôle de l'agent revient au nom dabokethi, mon frère, et celui de patient est indicié par l'IP B 3F no, qui référencie dashikoa, ma maison, mentionnée dans le contexte antérieur : Wâdotho dashikoa, dabokethi hemeliatuha no. Ma maison est abîmée, mon frère va/doit la rénover.
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Ce même procédé dérivationnel s'associe à d'autres classes de mots de la langue, noms, relateurs, et quantitatifs, pour créer un verbe actif, apte à représenter un événement dynamique. Noms shikoa, maison
----7shikoa-tu-n, faire une maison
Hushikoata yaha wamun ! 2PL-maison-VBTR ici pour nous Faites une maison ici pour nous! baru, peigne
----7baru-du-n, peigner
Thubaruda i. Elle le peigne.
Postpositions loko, dans
----7lokho-to-n, mettre dedans, charger
Régulièrement, k est remplacé par l'aspirée kh dans les formes dérivées des post-positions. Holokhota to koriara. Chargez le canoë!
Quantitatifs yoho, nombreux ----7yoho-to-n,jaire se multiplier Navohota. Ils se sont multipliés.
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nombre,
VERBES STATIFS
large biloko duku tassé grand firo hemelia nouveau hibi fini puant hishi ikorhi blessé guéri kala kaleme lumineux kumuku obscur mishi droit ferme tata there chaud
bilokoton dukudun firoton hemeliatun hibidin hishidin ikorhidin kalatun kalemetin kumukudun mishidin tatadun theretin
élargir tasser agrandir rénover finir puer blesser guérir allumer obscurcir redresser raffermir chauffer
poisson sel salive goutte souche ombre, reflet
borhodon budedan bukhutun burhutun dibaledin himedan khabatun khuidin thibitin torodon yaboton
faire des rejets pêcher à l' hameçon faire cadeau tracer, dessiner boucaner pêcher saler cracher goutter, ruisseler faire souche ombrager
à (proximité) sur dans
âmuntun diakhodon lokhoton
approcher couvrir charger, remplir
abatun yohoton
devenir différent multiplier
NOMS
borho bude bukhu burhu dibale hime khaba khui thibi toro uya
rejet, surgeon hameçon cadeau tracé, dessin viande boucanée
RELATEURS
âmun diako loko
QUANTITATIFS aba yoho
un, autre nombreux
LE VERBALISATEURt/dV ET LA FORMATIONDE VERBES ACTIFS
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Le mode d'action* Un grand nombre de verbes se révèlent sensibles à une catégorie sémantique, d'un rendement fonctionnel très important dans la langue, qui fait varier la représentation de l'événement. Elle se matérialise par la voyelle finale de la base verbale: une voyelle simple autre que a (bases verbales de classe I) est remplacée par â dans la base verbale dérivée (classe 2). Les bases verbales de classe l représentent un procès à occurrence unique, qui contient en soi sa fin, alors que les bases verbales de classe 2 montrent un procès à occurrences multiples, dont aucune ne peut être dite la dernière. De ce fait, les bases verbales de classe 2 mettent en lumière le lien entre une activité et l'agent qui en est la source, la cible de cette activité se voit reléguée au second plan et le degré de transitivité affaibli. Cette catégorie verbale se définit donc mieux comme « mode d'action» : non-atteinte d'un but, réduction de la dynamicité et de l'effectivité du procès, indétermination du patient, pluralité - que ce soit de l'action elle-même, des participants ou d'un circonstant. Intransitivisation ou réduction de la transitivité En étudiant la liste des racines verbales qui la connaissent, on constate que les verbes sensibles à cette distinction ne sont pas toujours transitifs. Les bases verbales (BV) de classe 1 et de classe 2 peuvent être toutes deux intransitives, avec parfois des effets de sens inattendus. De plus, la classe 2 n'entraîne pas nécessairement l'intransitivation du procès. Pourtant la différence la plus directement observable entre les deux classes a trait à la transitivité. Les exemples qui suivent illustrent la variation de la transitivité en corrélation avec le mode d'action. Les verbes de la classe 1 yonton, acheter quelque chose, bokon, cuisiner quelque chose et sokoson, laver quelque chose, sont transitifs, la place du patient est nécessairement instanciée par un actant B. En revanche, la classe 2 entraîne une certaine indétermination de l'actant B et souvent la pluralité, que ce soit de l'action ou de la cible: yontan, faire des achats, bokan, faire la
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cuisine, sokosan, faire la lessive, autorisent une structure monoactancielle. yonton, acheter quelque chose de précis, nécessairement exprimé: Davontoha hime. J'achèterai du poisson. yontan, faire des achats: Davontâha. Jeferai des achats. Les bases verbales de la classe 2 n'entraînent pas nécessairement une construction intransitive. Ci-dessous, le verbe yontan, de classe 2, est transitif, l'actant B étant représenté par le nom hime, poisson: Davontâha hime. Jeferai des achats de poisson. De même, bokon est toujours transitif: bokon, cuisiner quelque chose (plus précisément: cuire à l'étuvée) : Dabokoha thumun to hime. Je cuisinerai ce poisson pour elle. Au contraire bokan, qui implique une activité, peut être intransitif: bokan,jaire la cuisine, cuisiner plusieurs choses: Dabokâha thumun. Je ferai la cuisine pour elle. La paire sokoson, laver quelque chose de précis, nécessairement mentionné, et sokosan, faire la lessive, illustre à nouveau les implications sémantiques de cette catégorie grammaticale. sokoson, laver quelque chose: Sâre ba bosokoson bukhaboa ! Lave-toi bien les mains! (plus litt. : «très bien tu-fais ton-laver tes-propres-mains ») sokosan, faire la lessive, implique une activité avec un objet pluriel:
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Herebeka to bokorho, dasokosâha. Ce linge est sale, je vais/je dois faire la lessive. En modifiant l'énoncé par substitution de la BV de classe 2 à la B V correspondante de classe 1, le sens change: Herebeka to bokorho, dasokosoha. Cette pièce de linge est sale, je vais/je dois [la) laver. Dans la locution ôsun (aller) qui est associée à l'allatif -nro :
-nro, c'est la BV de classe 2
khorodon, débroussailler quelque chose de précis khorodan, débroussailler, faire du débroussaillage Dôsufa khorodanro. Je vais / je dois aller au débroussaillage. Au contraire, dans la phrase suivante, l'objet du débroussaillage, dakobaniawa, mon propre abattis, est déterminé et la base verbale khorodon est de classe I : Dôsufa khorodonba dakobaniawa.
Je vais / je dois aller débroussailler mon propre abattis. La classe 2 ne détermine donc pas l'intransitivation du procès, mais elle a pour corollaire d'en réduire l'effectivité, et de représenter l'événement comme un comportement ou une activité, dont le but, indéterminé, peut ne pas être exprimé. Non atteinte d'un but Une action orientée vers une cible précise, une occurrence unique qui atteint totalement son but est exprimée par une base verbale de classe l, shimakun, lancer un appel, pousser un cri, appeler quelqu'un. Dans l'exemple qui suit, le a final de la forme vrbale est la flexion de l'accompli) : Li-shimak-a to lureithoa. 3M-appeler-Acc DETF3M-épouse-RÉFL Il appelle sa propre femme. Au contraire, shimakan traduit un comportement, une suite répétée d'occurrences, qui n'implique pas de destinataire et dont on ne précise ni la phase finale ni le destinataire (-ka est la flexion de l'accompli pour les bases verbales de classe 2) :
70
shimakan, lancer des appels, pousser des cris: Li-shimakâ-ka. 3M-pousser ,des.cris-ACC Il crie. (Il lance des appels) De même, le couple suivant illustre bien la distinction entre une action qui atteint un but précis et une activité dont l'objet est non précisé et indéterminé: dukhun, voir quelque chose, implique un objet, nécessairement exprimé et dukhan, rendre visite. L'expression du mouvement tourner à 180° donne lieu au couple sémantique: shifodun, tourner, retourner quelque chose, ci-dessous khali, galette de cassave et shifodan,jaire demi-tour: Dashifoduha khali bumun. Je retournerai la galette de cassave pour toi. Avec la classe 2 correspondante, l'atteinte d'un but externe étant absente, le mouvement s'oriente vers l'agent: Dashifodâha, dôsuha bahunro kidaba. Je ferai demi-tour, je partirai à la maison à nouveau.
Introduction d'un participant à un cas oblique Une cible externe et spécifique, unique et singularisée, n'est pas compatible avec une base verbale de classe 2, mais un participant au procès peut pourtant être introduit. Celui-ci n'a plus alors le statut d'actant, il est satellisé, en dehors de la zone actancielle. farun, frapper un coup définitif, tuer, implique un patient, totalement et définitivement affecté: Li wadili fara to kama. L' homme afrappé à mort, a tué le tapir. faran, frapper des coups, en venir aux mains, lutter, exige, pour qu'un second protagoniste soit matérialisé dans l'énoncé, qu'il soit introduit par le sociatif orna, avec: Li ilonthi farâ-ka lomanthi orna. DETM enfant
frapper-ACC
3M-camarade
SOCIATIF
L'enfant a donné des coups, s'est battu avec son camarade. 71
Accumulation d'activités, pluralité, déplacement Le couple sémantique yokhon, viser une cible, flécher, tirer un coup de fusil, et yokhan, chasser, illustre bien le contraste entre les deux bases verbales, qui oppose une action, une occurrence unique à une activité. Avec des verbes intransitifs, l'effet de sens le plus manifeste est souvent la pluralité: andun, arriver andan, arriver ensemble, converger; aiyin, pleurer aiyan, être en larmes, verser des pleurs; donkon, dormir donkan, dormir ailleurs. Verbes sans variation de classe Tous les verbes intransitifs ne sont pas sensibles à cette catégorie. Ainsi ôsun, aller, partir, n'a pas de correspondant de classe 2. Inversement, certaines racines verbales appartiennent à la classe 2 sans classe I correspondante: mithadan, sourire, rire shinan, se perdre, s'égarer biran,jouer et en général les verbes du dire asan, nommer; âkan, raconter; adian, dire et onaban, répondre. De même, les verbes actifs ci-dessous, issus d'une dérivation à partir d'un nominal combiné au verbalisateur, appartiennent à la classe 2 sans correspondant de classe 1 : kashiridan, préparer le cachiri (kashiri, cachiri, bière de manioc) budedan, pêcher au hameçon (bude, hameçon) himedan, pêcher (hime, poisson) eredan, piéger, épier (ere, piège) yorodan, presser la cassave dans la couleuvre (yoro, presse à manioc, couleuvre) Le tableau ci-après reprend quelques-uns des exemples vus précédemment pour illustrer les effets sur la diathèse du mode d'action.
72
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Quatre verbes marginaux Enfin, bien qu'ils ne présentent pas la tenninaison vocalique caractéristique de cette classe, quelques verbes montrent par leur comportement morphologique qu'ils appartiennent à la classe 2 : balin, passer anshin, désirer, aimer (aussi: désir, amour) nekhebon, travailler (aussi: travail) anin,jaire (aussi: chose) Quelques énigmes Quelques couples verbaux sont manifestement issus de cette catégorie, mais il est difficile de comprendre l'évolution qui a abouti au sens qu'ils ont actuellement. timun, nager et. timan, traverser, et par extension, émigrer konon, faire eau, couler, se grouper (les poissons), s'envoler Ueunes oiseaux) et konan, marcher yàdun, marcher, voyager, vagabonder, se développer et yàdan, récolter du manioc ou d'autres tubercules Bien que moins productifs, les deux autres procédés dérivationnels présentés ci-dessous sont bien représentés dans la langue: l'intensif âbo et la répétition par redoublement de la racine.
L'intensif â-bo Une racine en combinaisonavec la séquence -à-bo, génère une base verbale dénotant l'intensité. On peut représenter l'agencement pondant à ce type de dérivation:
morphématique
corres-
RACINEVERBALE + à+ bo I
La flexion des bases verbales ainsi formées est celle de la classe 2. Cette combinaison a des effets de sens différents selon la valeur aspectuelle de la racine. Avec une racine exprimant une action qui n'implique pas en soi une phase finale, l'intensif renforce la notion exprimée: 74
dukhun,
voir
--7 dukhâbon, scruter, examiner Yon land un, lu-dukhâbo-ka. là 3M-arriver 3M-examiner-ACC Arrivé là, il examine. ôsun, aller, partir --7 ôsâbon, se presser, se hâter N-ôsâbo-ka. 3PL-se-presser-Acc Ils se pressent.
Avec une racine verbale dont le sens implique que l'action atteint son terme, cette combinaison exprime l'itération: tunun, poser le pied quelque part, se poser (oiseaux) --7 tunâbon, piétiner, fouler aux pieds, écraser qqch du pied dûdun, sauter, bondir --7 dûdâbon, sautiller To pêro halekhebetoaka dûdâbon lokhona. Le chien se réjouit, sautillant sur lui. Le redoublement
de la racine: répétition
Un troisième procédé dérivationnel se caractérise par un redoublement total ou partiel de la racine, suivi du formant verbal dV. Il exprime une suite ininterrompue d'occurrences. ôsaôsadun, aller sans relâche (ôsun, aller, partir) marhimarhidan, ne pas cesser de fabriquer (marhitin, faire, fabriquer) timatimadun, nager sans fin (timun, nager) Ce procédé permet de forger des mots nouveaux, souvent créés ad hoc dans le fil du récit. Mais certains d'entre eux sont entrés dans le stock lexical de la langue: ainsi diadiadun, formé à partir du verbe dian, dire, signifie banalement bavarder, converser. Les formes verbales dérivées par répétition de la racine suivent les mêmes règles distributionnelles que les autres verbes. Ainsi, le moyen (-oan) dans la forme diadiadoan montre que les 75
bases verbales ainsi formées reçoivent les mêmes marques flexionnelles que les verbes simples. Abaruku dukhâthe diadiadoanthe Joma. quelques venir-VERS=ICIbavarder-VERS=ICI3M-avec Quelques-uns viennent rendre visite venant bavarder avec lui. Un autre patron produit des locutions adverbiales à partir d'idéophones. Une ou deux syllabes sont dupliquées; à cette séquence s'adjoignent le formant verbal-dV- sous la forme -da- et le continuatifkoa (la forme citative ajoute -n final). taotaodakoan,faire taotao, le bruit d'un rayon de miel quand on le détache; kurukurudakoan, faire kurukuru, le bruit d'un canoë qui approche. Le tableau synoptique ci-après vise à résumer les procédés dérivationnels exposés dans cette première partie. Nous avons choisi pour cela quatre items très courants. La première ligne donne une traduction du sens général de la racine, à partir de laquelle sont construites les bases verbales (E V) et les formes dérivées. voir
sauter
fabriquer
BVV
dukhun
dûdun
marhitin
BVâ
dukhan aller voir, rendre visite
dûdan
marhitan être occupé à lafabrication
faire des sauts
RVâ-bo
dukhâbon examiner, scruter
sautiller
RVRVdV
dukhadukhadun ne pas cesser de regarder, regarder constamment
dûdadûdadun marhimarhidan ne pas cesser ne pas cesser de sauter d'être occupé à la fabrication, bricoler
dfidâbon
marhitâbon faire des réparations
partir ôsun -
ôsâbon se presser, se hâter ôsaôsadun ne pas cesser d'avancer, aller sans relâche
LES BASES VERBALES ET LA REPRÉSENTATION DU PROCÈS
76
LA FLEXION
Les bases verbales reçoivent une flexion spécifique en corrélation avec la fonction assumée par la forme verbale dans une phrase particulière. A ce niveau il y a lieu de distinguer:
.
la voyelle thématique
.
thème verbal; le jeu des marques aspecto-temporelles qui se combinent au
. .
(vt) qui entre dans la constitution
thème verbal, l'accompli,
du
le cursif et le prospectif;
les marques diathétiques qui modifient le module actanciel de la forme verbale, le moyen et le factitif
;
les marques modales, qui décrivent le jugement de l'énonciateur vis-à-vis de son message, le potentiel, le déontique et le volitif.
La voyelle thématique La voyelle thématique (vt) détermine le thème du verbe et permet de distinguer les différentes bases verbales. Les bases verbales de classe I développent deux thèmes qui se reconnaissent à la voyelle finale: pour le premier, un segment, autre que a, qui reproduit totalement ou partiellement le timbre de la voyelle de la syllabe antérieure, pour le second, le segment -a-. Chacun des deux thèmes verbaux est lié à des marques aspectotemporelles spécifiques. Les bases verbales de classe 2 sont affectées d'un thème verbal uniforme qui se signale par la voyelle thématique - le segment vocalique long â - à laquelle s'adj oignent les marques aspecto-temporelles attachées à cette classe. Les B V statives ont un thème identique à la racine. Enfin, un très petit nombre de bases verbales actives présentent, comme les bases verbales statives, un thème identique à la racine.
Les marques aspectuelles S'ajoutant au sens déjà porté par la racine et les marques de dérivation qui forment la base verbale, l' aspect* informe sur les 77
manières diverses de concevoir le déroulement du procès. Les marques aspectuelles offrent différents cadrages de la situation. Elles n'apportent pas en elles-mêmes d'information sur la localisation temporelle par rapport à l'instant de l'énonciation, elles permettent de visualiser l'événement du point de vue de son déroulement. Ces marques expriment le point de vue de l' énonciateur, la perspective qui est la sienne, sa visée. Elles intègrent donc les coordonnées temporelles de la situation de référence, généralement le présent de l' énonciateur. Ainsi, l'accompli est compris comme indiquant un moment vu à partir du moment de l'énonciation, donc passé ou présent. Le prospectif signale toujours un événement à-venir, il relève donc du futur. De même, sans autre information donnée par le contexte, le cursif, qui présente l'événement en saisie interne, indique la concomitance et renvoie au présent de l'énonciateur. Sans autre indication, le domaine temporel est donc déterminé par le moment de l'énonciation, mais si un élément du contexte modifie le repérage - et ceci est fréquent dans les narrations - les formes adoptent sans altération les nouvelles coordonnées temporelles, telles qu'elles sont construites par le fil du récit. Cette série de marques prennent en compte trois zones. L'actuel, le parvenu, l'advenu, le réalisé, l'accompli, ou parfait. On le traduira en français soit par le présent, soit par le passé. Avec le cursif, l'événement est saisi dans son déroulement, il est concomitant au moment de l'énonciation. Son terme n'est pas envisagé. Le prospectif situe l'événement dans le domaine du virtuel, un à-venir sans lien avec le présent de l'énonciateur. Le schéma ci-dessous vise à représenter graphiquement ce système tripartite. Si l'on représente par une flèche l'axe temporel, on peut situer trois zones, qui correspondent aux trois visées qui appréhendent l'événement: visée «prospective» (vl); visée « interne» (v2) ; visée « rétrospective» (v3).
78
vI
v2
\
-ha
- -fa
ACCOMPLI
CURSIF
PROSPECTIF
virtuel virtualisé
V
..
~/ -bo actuel actualisé
-a I-ka réel réalisé
Ce schéma doit être interprété en relation avec le moment de l'énonciation, le temps présent de l'énonciateur. Ce point de repère est essentiel, mais cela n'implique pas qu'il ne puisse être transféré. Dans les récits, le narrateur construit les repères temporels au fil de l'histoire, en intégrant les coordonnées du tissu narratif à partir desquelles sont présentés les événements. Le prospectif présente deux formes alternes -ha (~ -fa) déterminées dialectalement : la première est la plus fréquente dans le parler contemporain de Guyane française. Le cursif -bo a une combinatoire spécifique. Cette particularité, ainsi que sa valeur sémantique, amènent à y reconnaître un usage particulier du mot (a-)bo dont le sens général est la coïncidence. Enfin, deux marques, -a et -ka relèvent de l'accompli: -a est réservé aux B V de classe 1 ; -ka est associé à la classe 2 et aux B V statives. Ces dernières peuvent, hors aspect, exprimer un état stable, ou permanent, sans lien spécifié avec la situation d'énonciation. Il faut donc poser pour celles-ci 0 pour rendre compte d'emplois que ne partagent pas les bases verbales actives. Le tableau ci-dessous synthétise l'agencement morphématique de la voyelle thématique (vt) et des marques aspectuelles.
79
vt accompli cursif prospectif hors-aspect
BVactives ell V/a a a-bo V-ha (~fa)
LA VOYELLE
BVactives el2 â â-ka â-bo â-ha (~fa) -
THÉMATIQUE
BV statives V V-ka V-bo V-ha (~fa) V-0
ET LES MARQUES
ASPECTUELLES
Les B V de classe 1 développent deux thèmes différents, alors que les BV de classe 2 (voyelle thématique â) et les BV statives présentent un thème uniforme. La marque d'accompli a distingue également les BV de classe 1 des autres BV: BV de classe 2 et BV statives, -ka. Les bases statives reçoivent donc la même marque d'accompli que les BV actives de classe 2, mais elles ne sont pas nécessairement aspectées. En outre, quelques unes d'entre elles, ainsi sâ, bon, wakhai, mauvais, tata, dur, fort, se révèlent incompatibles avec le marquage aspectuel. C'est le thème du participe et d'un aspect particulier, le prospectif, qui construit la forme la plus proche d'un infinitif et la plus simple du point de vue de la flexion, puisqu'elle peut apparaître sans marque de personne ni d'aspect. Elle est utilisée comme forme citative, sa terminaison est -no L'expression de l'aspect avec les verbes statifs Les B V statives se caractérisent par une structure actancielle différente de celle des BV actives, décelable notamment par le jeu des marques actancielles, les IP B. Elles se distinguent aussi de celles-ci par leur thème, identique à la racine, et par le j eu des marques aspectuelles, analogues à celles des BV actives de classe 2. Dans ces trois phrases, il est question d'un panier (kêke) auquel on assigne un état, la plénitude, (hebe). Elles ne diffèrent que par la permutation des trois marques aspectuelles : Hebeka to kêke. Le panier est rempli. (accompli) 80
Hebebo to kêke.
Le panier se remplit. (cursif) Hebeha to kêke.
Le panier sera rempli. (prospectif) Ces trois marques doivent être interprétées en relation avec le moment de l'énonciation. C'est à partir de ce repère que l'énonciateur peut affirmer que le panier est rempli (accompli), ou bien qu'il le devient (cursif), ou encore qu'il le sera (prospectif). Si l'on peut affirmer que le panier est rempli, c'est sans doute qu'à un moment antérieur, il n'en était pas ainsi, mais au moment de l'énonciation, avec l'accompli, il est dit du panier qu'il est parvenu complètement à la plénitude, il renvoie au domaine du réalisé. Au contraire, le cursif présente un procès actualisé, en évolution, en cours de réalisation; appréhendé dans son déroulement, donc en saisie interne, il est vu en progression. S'opposant à l'un et à l'autre, le prospectif situe le procès en dehors de l'actuel, il projette le prédicat dans le domaine du virtualisé. Le morphème aspectuel -ka permet de construire un prédicat à partir d'une racine décrivant une propriété et de constater « maintenant» que cette propriété peut être assignée à une entité. C'est pourquoi les expressions décrivant un état interne sont très généralement marquées par -ka; le lien avec le présent de l'énonciateur est ainsi explicitement maintenu, et de ce fait la description acquiert la valeur d'état résultant: Halokoshaka de. J'ai soif. (l'état « soif» m'affecte totalement.) Au contraire, le cursif donne à voir un processus en constante évolution que l'on pourrait gloser « ma soif ne cesse d'augmenter» : Halokoshabo de. J'ai de plus en plus soif, je commence à avoir soif (l'état « soif» progresse en moi) La forme aspectée semeka est construite à partir de la racine seme, bon (au goût), savoureux. A propos de quelque chose, déjà donné par le contexte ou la situation, indicié par no (IP B 3F), l'énonciateur constate maintenant, et déclare que c'est agréable au goût:
81
Semeka no. C'est bon. Les racines statives sont aptes à se combiner aux morphèmes nominaux. Associée au morphème de définition, la racine seme assigne une propriété représentée comme stable ou permanente: Daketika semetho. je-manger-DÉsID-ACC bon-NOMF J'ai envie de manger quelque chose de bon. Certains verbes statifs, comme shoko, petit, firo, grand, ou mishi, droit, expriment une propriété permanente et l'accompli -ka a une valeur constative : Shokoka no, firoka no. C'est petit, c'est grand. (ou: Elle est petite, elle est grande. ) Mishika to waboroko. Le chemin est droit. La flexion
.
des verbes actifs de classe 1
L'accompli
L'accompli présente l'événement comme appartenant au domaine du réalisé. Depuis le point de repère, la visée est rétrospective: les événements sont définis, ou délimités. L'accompli peut se traduire par le présent ou le passé, selon le contexte. La flexion de l'accompli pour les bases verbales de classe 1 est a. La phrase ci-dessous montre une série de procès à l'accompli, tunun, se poser; thokodon, descendre, débarquer, atterrir, qui reçoit le marqueur d'orientation the, vers-ici, ces deux verbes indiciés par l'IPA 3F th V- ; dukhun, voir, verbe transitif, reçoit à la fois l'IPA 3M préfixé lu- et l'IPB 3F no: Thutuna lâmun... thothokodathe horhorhonro... 3F-se poser-ACC lui-près
3F-descendre-ACC-VERS=ICI terre-à
ludukha no. 3M-voir-Acc3F Elle se pose près de lui ... elle atterrit (vers ici) à terre...
ilIa voit. 82
Ci-dessous, les fonnes verbales à l'accompli (flexion a) et fléchies en personne (3F th-) thôsa (ôsun, aller, partir) et thandathe (andun, venir, arriver) sont inscrites dans la situation temporelle de référence, donnée par le circonstant temporel harhan kasakabo, chaque jour: Harhan kasakabo, thôsa kabuyanro, chaque jour 3F-aller-ACC champ-à
hamâreken thabo thandathe. toutes-sortes 3F-avec 3F-arriver-ACc-vers-ici Chaque jour, elle va à l'abattis, elle [en] rapporte toutes sortes [de choses].
.
Le prospectif
Avec le prospectif, les événements sont situés dans le domaine du virtuel ou de l'inactuel, projetés dans un à venir, à réaliser. Le marqueur du prospectif présente deux variantes déterminées dialectalement : -ha et -fa. Le thème verbal du prospectif a pour voyelle thématique V, dont le timbre est défini par la racine verbale. Pour le verbe bokoton, prendre, attraper, la voyelle thématique est 0 : Wabokotoha i. - Wabokotofa i. Nous l'attraperons. La fonnule d'adieu classique montre le verbe ôsun, partir, au prospectif: Dôsuha. Dôsufa.
-
Je vais/je dois partir.
.
Le cursif
Le cursif -bo rend compte d'un procès saisi dans son déroulement, en visée interne. Avec les B V de classe 1, elle se combine à la voyelle thématique -a. Elle est présente dans la fonnule de salutation quand on arrive dans un village, qui inclut le verbe and un, arriver, fléchie en personne (w-, IPL) et qui reçoit l'orientateur -the, vers ici : Wandabothe ! Nous sommes en pleine arrivée! (Nous voici, bonjour !) La phrase exclamative suivante est aussi en visée interne: 83
Hamathali andabothe dakhonan, haikhaba tora ! chose arriver-cURS-vers-ici moi-sur danger-dubit cela Une chose est en train de fondre sur moi, c'est peut-être dangereux!
La flexion des bases verbales de la classe 2 L'exemple suivant présente une série de procès à l'accompli, le premier avec une base verbale de classe 2, suivi de plusieurs bases verbales de classe 1. Il s'agit d'une suite d'événements, tous situés dans le domaine du réalisé. Cet énoncé est tiré d'un récit, et pourrait être rendu par une série de passés. La forme verbale lishifodâka est la forme à l'accompli de la BV de classe 2 shifodan, faire demi-tour. La visée n'est pas différente de celle qui est liée aux formes verbales de classe 1 : lôsa (ôsun, aller, partir), landa (andun, arriver), lishimaka (shimakun, appeler) : Lishifodâka, lôsa bahunro kidaba, 3M-se=retourner-ACC
3M -partir-ACC maison-à à=nouveau
landa to oniyabo abo, lishimaka to lereithoa. 3M-arriver-ACC cette eau avec 3M-appeler-Acc cette safemme-RÉFL Il fait demi-tour, il part à nouveau à la maison, il arrive avec l'eau (ie : il apporte l'eau), il appelle sa (propre) femme. On comparera maintenant la B V de classe 1 shimakun, appeler quelqu'un, avec la BV correspondante de classe 2 shimakan, faire des appels, crier, pousser des cris, ci-dessous également au prospectif: Lishimakâka tataren. Il pousse des cris très fort.
Quelques bases verbales actives marginales Enfin, nous illustrons les verbes marginaux anin, faire, mais aussi chose; balin, passer, ou : survenir, se produire; nekhebon, travailler, mais aussi travail et anshin, aimer, désirer, mais aussi désir, énergie vitale. 84
Leur thème verbal est identique être classés parmi les verbes actifs marques actancielles qui leur sont regroupés avec les B V de classe 2 aspectuelles qu'ils reçoivent:
à la racine, mais ils doivent - comme le révèle le jeu des attachées - et ils doivent être du point de vue des marques
balin, survenir, se passer: Hamâ balika ? Que s'est-il passé? (accompli) Hamâ balibo ? Que se passe-t-il ? (cursif) Hamâ baliha dei oma? Que va-t-il arriver avec moi? (prospectif) anin,jaire
:
Hamâ hanika miaka ? Qu'avez-vousfait hier? (accompli) Hamâ banibo ? Qu'est-ce que tu fais? (cursif, que l'on pourrait Dans quelle action es-tu engagé ?) Hamâ waniha ? Qu'allons-nous faire? (prospectif)
gloser:
nekhebon, travailler: Harhan kasakabo nanekheboka nakobanin. Chaque jour ils travaillent dans leur champ.
Les particules temporelles Nous avons vu que les marques intra-verbales ne précisent pas le temps grammatical, au sens où nous l'entendons généralement. Un autre élément dans la phrase peut donner un ancrage temporel.
.
une particule temporelle, comme miaka, hier; môthi, demain; tanoho, aujourd' hui : Da-dukhu-ha to tanoho hamâ tora din. l-voir-PROSPcela aujourd'hui quoi cela-comme Je verrai/je dois voir au;ourd' hui à quoi cela ressemble.
85
.
un circonstant abatiman kasakabo dikhidi, six jours plus tard, inscrit le départ (ôsun, partir) d'un actant A (1- 3M) dans un avenir situé par rapport au repère construit dans le récit: Abatiman kasakabo dikhidi, lôsufa. Six jours plus tard, il partira voir. Mis à part les particules qui situent l'événement par rapport à des repères objectifs, tels que hier, demain, aujourd'hui... un jeu de trois particules délimitent sur l'axe du temps trois zones de relative proximité par rapport à la situation d'énonciation. (a) bi exprime la proximité, il est choisi pour les événements appartenant au passé proche de l'énonciateur, qui peut être de l'ordre de la journée. Waboka dôsa bi khorodonba dakobaniawa. Il y a juste un petit moment je suis allé débroussailler mon propre abattis. (b) buna est souvent employé pour ce qui a eu lieu la veille ou quelques jours avant la situation temporelle de référence. La zone délimitée est celle d'un passé relativement proche, peu éloigné du présent de l'énonciateur. Dôsa buna khorodonba dakobaniawa. Il y a peu (quelques jours) je suis allé débroussailler mon propre abattis. (c) koba renvoie au passé lointain. Très fréquent dans les récits mythiques, il est aussi utilisé plus banalement pour se référer à des événements appartenant à une époque perçue comme n'ayant plus de lien avec la situation d'énonciation. Ainsi, dans la phrase suivante, l'événement décrit par la phrase est perçu comme appartenant à une autre époque, déliée du présent de l' énonciateur : Dôsa koba khorodonba dakobaniawa. Il y a longtemps, j'allais débroussailler mon propre abattis. De même, dans les récits, la présence de koba renvoie à un passé révolu: Nashikoatoa yon koba. Ils construisirent là leur maison autrefois. 86
Les marques diathétiques* Il ressort de l'analyse de la morphologie verbale que la voix active est sujette à des variations qui se font essentiellement jour à travers deux marques intra-verbales :
.
Le moyen oa oriente le procès vers une seule entité, au double titre d'agent et de bénéficiaire; . Le factitif kVtV introduit un nouvel actant, un causateur, à la source du procès. Le moyen Le marqueur oa exprime que l'action se réalise au seul bénéfice de l'agent, soit qu'elle se développe dans sa propre sphère, soit qu'il en soit le seul affecté. Les bases verbales qui se combinent à oa peuvent pour la plupart être rattachées à une racine qui permet de dériver aussi une base simple. Les verbes déponents seront mentionnés. Les variations liées à la distinction entre la classe 1 et la classe 2 se matérialisent à la forme citative, par les formes -onoan (cI. 1) et -oan (cI. 2).
.
L'expression du devenir
Le verbalisateur d/tV forme des verbes actifs à partir de racines dénotant un état. La forme active directe montre un procès bi-actanciel: un agent, codifié par un IP A, est à la source d'un état expérimenté par un destinataire, un actant B codifié pour sa part par un IP B. Ces deux rôles sont illustrés ci-dessous avec un IP A de 3èmepersonne masculin 1- et un IP B de 1èrepersonne, de. Lîmata de. I! m'a mis en colère. Lorsque s'y ajoute la marque du moyen, cette combinaison présente un processus interne, l'évolutif ou le « devenir ». eima, colère ~ eimatonoan, être en colère, se mettre en colère Lîmatoa. Il s'est mis en colère. (~ I! est en colère.) 87
... ~ :::::
~ ...
.~
~ ...
... \:S
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~~ _\:S._ p:::
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c