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French Pages [194] Year 2013
Martial Matoumba
Série: Préhistoire et Archéologie
Paléolithique au Gabon
© L'Harmattan, 2013 5-7, rue de l'Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan®Wanadoo.fr [email protected] ISBN: 978-2-343-01645-0 EAN : 9782343016450
Martial Matoumba
Paléolithique au Gabon Les technologies lithiques dans la région de la Nyanga (sud-ouest)
L'Hannattan
du même auteur
Recherches archéologiques dans la province de la Nyanga (Sudouest du Gabon), Libreville, Editions Odette l\1aganga, 2011.
À nos lointains ancêtres du Gabon
Remerciements
J'exprime ma gratitude et ma reconnaissance à M. Roger Joussaume (Directeur honoraire au CNRS) et à M. Manuel Gutierrez (Maître de Conférences à Paris I. HDR) pour leurs avis, leur inépuisable enthousiasme, leur curiosité intellectuelle, leur expérience et leur disponibilité malgré leurs nombreuses occupations qu'ils m'ont apportés pour la réalisation de ce travail.
INTRODUCTION
Le paléolithique a le même sens sur tous les continents. l\1ais ses stades successifs (ils articulent les grands types humains, les industries et les divisions climatiques) sont différents d'un continent à un autre. Si l'on retient en général trois stades constitués par le Paléolithique inférieur, moyen et supérieur pour l'Europe, ceux-ci ne correspondent pas à ceux retenus généralement en Afrique centrale et au Gabon en particulier. La périodisation consiste ici en un Early Stone Age, un Middle Stone Age et un Late Stone Age. Cette périodisation a été introduite dans les années 1920 par John Goodwin et Clarence Van Riet Lowe. Ils constatérent que les recherches archéologiques africaines ne cadraient pas avec le modèle de périodisation défini pour le Paléolithique européen. Cette nomenclature a été définie sur la base technologique du matériel archéologique mis au jour en Afrique du Sud (Clark et al. 1974 ; McBrearty 1988 ; McBrearty et al. 2000). Le Early Stone Age, le Middle Stone Age et le Late Stone Age ont été ensuite formellement approuvés et leur emploi conseillé pour la préhistoire des pays au sud du Sahara par le Congrès Panafricain de Préhistoire de 1955 (Clark et al. 1957 ; Bishop et al. 1967). Aujourd 'hui, le Early Stone Age inclut 1'Oldowayen et l'Acheuléen. Le Middle Stone Age englobe des industries sur éclats et lames et comprend souvent des nucléus et des pointes préparés. Le Late Stone Age se caractérise par la technologie microlithique.
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Paléolithique au Gabon. Les technologies lithiques dans la région de la Njanga (sud-ouest)
Au Gabon, depuis 1886, date de la première découverte archéologique signalée, de milliers d'artefacts lithiques ont été mis au jour sur de nombreux sites. Leur étude, qui aurait dû être avant tout une histoire des techniques, s'est le plus souvent limitée aux décomptes typologiques. Il est rare de trouver dans la littérature archéologique gabonaise des études technologiques complètes sur des industries préhistoriques. Cette attitude est justifiée en grande partie par une absence quasi chronique de contextes taphonomiques précis. Le matériel, généralement découvert en contextes archéologiques imprécis, est identifié typologiquement ou il est simplement abandonné dans des tiroirs jusqu'à sa prochaine disparition. Les collections archéologiques des pionniers, des membres de la Société Préhistorique et Protohistorique Gabonaise, du Laboratoire National d'Archéologie de l'Université Omar Bongo, de Paléogab, du département d' Archéologie du Centre Intemational des Civilisations Bantu sont difficilement reconstituables. Au-delà de la richesse préhistorique de la province de la Nyanga que peuvent révéler les sites archéologiques anciens de Sanga-forêt, de l\1anfila et de Milolo, il s'agit d'établir et de dépasser le stade de l'inventaire typologique pour mettre en lumière les choix technologiques des Hommes préhistoriques de la Nyanga (perceptibles au travers des techniques et des procédés de fabrication des objets), de définir l'origine et les modalités d'acquisition de la matière première et d'envisager des hypothèses de sériation. Pour une archéologie préhistorique encore balbutiante, il paraît important de définir chaque site par et pour lui-même pour espérer dégager des caractéristiques spatio-temporelles des industries. Le présent travail aborde alors les industries paléolithiques de la Nyanga à travers l'étude du matériel lithique de trois sites dans une perspective d'analyse typotechnologique.
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Introduction
La typologie est entendue comme la méthode d'analyse des attributs (techniques de fabrication, formes, matières premières, etc.) qui permettent de reconnaître, de définir et de classer les objets découverts sur les différents sites préhistoriques (Bordes 1961 ; Julien 1992). Son élaboration consiste à créer des groupes de pièces ayant des caractères communs en utilisant des techniques descriptives et comparatives qui dégagent des types, subdivisés parfois en sous-types (Bordes 1961 ; BrézilIon 1969 ; Mourre 2003). Le but de la typologie ici est l'identification d'un type et sa caractérisation, de passer ensuite de l' analyse qualitative des objets à une analyse quantitative globale des ensembles. Tout ceci en essayant de se rapprocher du concept originel du fabricant et/ou de l'utilisateur en recourant à ce titre aux acquis de la typologie et de l'expérimentation. Pour passer d'un niveau à l'autre, il est nécessaire de définir des « types », à savoir des modèles théoriques d'objets qui regroupent un certain nombre de caractères (Mourre 2003). Le type est défini comme un objet possédant une valeur intrinsèque résultant de l'association préférentielle d'un certain nombre de caractères. Les modèles théoriques sont fournis par les définitions déjà existantes qui supposent « l'existence a priori acceptée de types, c'est-àdire d'objets isolés de leur contexte pour leurs caractères propres. Elle acquiert de ce fait une portée universelle en ce sens que chaque fois qu'un type est défini, sa signification ne se limite ni dans le temps ni dans l'espace, son extension déborde largement le contexte dans lequel il a été crée » (Cahen et al. 1972 : 3536). Le projet à vocation cognitive généralisée (Leroi-Gourhan et al. 1966), la dénomination des objets de pierre taillée (BrézilIon 1968), la typologie du paléolithique ancien et moyen (Bordes 1961) complétés et actualisés dans certains cas par d'autres auteurs fondent le vocabulaire préhistorique utilisé pour la présente étude.
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Paléolithique au Gabon. Les technologies lithiques dans la région de la Njanga (sud-ouest)
La technologie est prise dans son acception préhistorique, à savoir l'analyse de l'ensemble des procédés employés pour produire un outil ou une arme. L'Homme préhistorique, pour l'instant, est approché à travers les objets de pierre dure taillée qui constituent les témoins pérennes de nos sites localisés dans un contexte de conservation difficile. L'acidité (pH) élevée des sols engendre une meilleure conservation des matériaux d'origine minérale que celle des matériaux d'origine organique. L'observation des stigmates de taille nous permet d'interroger, comme Jacques Tixier et al., « les pièces afin qu'elles livrent le maximum d'informations pour décrypter leurs aventures » (Tixier et al. 1980 : 7) en procédant « à la lecture des certitudes et des présomptions des gestes techniques de taille, mais aussi l'usage » (id. : 7) et en les situant dans leur ordre chronologique. La technologie s'attache à reconnaître les processus d'acquisition, de transfonnation, d'utilisation et de consommation des divers matériaux et produits de la nature en se fondant ici sur le concept de chaîne opératoire. La chaîne opératoire, « désigne la succession effectivement réalisée - ou une fraction cohérente de celle-ci - de tous les gestes et ce qui les sous-tend pour conduire d'une matiére première brute à un ou des produits » (Karlin et al. 2005 : 225). Cet outil de base du préhistorien des techniques « sert de grille de lecture et/ou de classement pour mettre en ordre, en leurs temps et place, les différents moments d'une action technique. Des séquences peuvent être ainsi identifiées même si elles ont été effectuées en dehors du site, ou si leurs produits sont manquants » (id. : 225). Cet ouvrage est structuré autour de quatre chapitres. Le premier chapitre précise les méthodes d'analyse utilisées. Le deuxième présente les gisements étudiés et il établit l'inventaire du matériel qui est ensuite sérié. Les deux chapitres suivants mettent en exergue les technologies lithiques employées dans la province de la Nyanga en s'appuyant sur les analyses et les résultats concernant le débitage et l'outillage.
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Chapitre 1
MÉTHODOLOGIE
L'analyse typotechnologique permet de révéler les technologies lithiques qui ont été mises en œuvre par les Hommes préhistoriques sur les sites de Sanga-forêt, de l\1anfila et de Milolo. Grâce à cette approche, il est possible de classer les produits issus de toute opération de taille (façonnage', débitage', retouche') suivant leur situation dans la chaine opératoire. Des critères, communs à l'ensemble du matèriel recueilli, spécifiques d'une partie ou d'un type précis, facilitent cette analyse typotechnologique.
1. Critères communs Les critères communs à l'ensemble du matériel recueilli sont constitués par la matière première, le cortex, la taphonomie, la conservation.
1. Taille d'un bloc ou fragment de roche dure, par enlèvements successifs, qui donne alors des déchets, afin d'en dégager un outil ou une ébauche (Karlin et al 2005, 1061).
2. Production d'éclats, de lames ou de lamelles, dont une part au moins est des-
tinée à être utilisée, par taille d'un bloc ou fragment appelé alors nucléus (Karlin et al 2005, 1061). 3. Modification d'un support afin de réaliser ou d'achever un outil (Karlin et al 2005, 1061).
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Paléolithique au Gabon. Les techn ologies lithiques dans la région de la Nyanga (sud-ouest)
1.1. Matière première L'identification des matières premières permet de cerner leur qualité technique de débitage, de rechercher et de localisation les lieux d'approvisionnement. « Une bonne connaissance des ressources locales ou exogènes » (Demoule et al. 2002 : ll5) permet d'envisager les circuits d'échanges et la compréhension des liens éventuels entre peuples par le biais de la technique. La nature des roches est déterminée à partir d'une analyse macroscopique4 .
1.2. Cortex L'analyse des surfaces naturelles présentes est intéressante pour discriminer les formes originelles. Le cortex est analysé sur l'ensemble du matériel lithique qui en est recouvert. Les critères de description retenus sont le type et la quantité de cortex résiduel. L'état physique du cortex permet d'envisager la provenance de la matière première. Le type de cortex se décline sous plusieurs modalités. Le cortex, rugueux au toucher, est considèré comme frais et de formation locale. Le néocortex, lisse au toucher, est d'origine fluviatile (Mourre 1996 2003 ; Pottier 2005). Les autres surfaces sont constituées de cassures anciennes, de surfaces diaclasiques patinées, etc. Le type de cortex permet également d'indiquer les formes sous lesquelles la matière première est introduite sur les diffèrents sites. Un objet lithique présentant un cortex est considèré comme extrait d'un roguon. Un autre qui serait recouvert d'un néocortex est alors tiré d'un galet. Un autre objet encore, présentant une surface différente des deux dernières, est tiré « d'un bloc, sans 4. Des manuels spécialisés comme le Dictionnaire de géologie (Foucault 2005 et al.) ont été mis à contribution.
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Méthodologie
préjuger des dimensions de celui-ci » (Mourre 2003 : 68). L'extension du cortex sur les pièces permet de les classer dans une phase de débitage ou de façonnage. Ce critère concerne la face supérieure des produits de débitage et de certains produits de façonnage, les surfaces (débitées ou non) pour les autres produits (nucléus, galets, etc.). La quantité de cortex est relevée sous la forme de pourcentages. Les éclats et lames couverts par 100 %, 50 % et plus (ou par 100 % et un talon préparé), moins de 50 %, 0 % de cortex sont respectivement des éclats d'entames, des éclats ou lames de décorticage, des éclats ou lames de débitage présentant une plage résiduelle plus ou moins large, et les éclats de plein débitage'- Ces différents pourcentages de cortex permettent également d'indiquer le niveau atteint dans l'élaboration d'autres pièces.
1.3. Taphonomie L'état apparent de la surface des objets lithiques récoltés, sans lui accorder une quelconque signification chronologique, est défini en observant les bords, les arêtes et la morphologie des pièces. Trois groupes taphonomiques d'objets correspondant à trois états différents sont distingués : frais, esquillé, émoussé. Le matériel frais se compose des objets dont les bords sont vifs ou légèrement esquillés. Les arêtes des traces d'enlèvements antérieurs sont vives et la morphologie retrouvée est identique à celle d'origine.
S La position adoptée ici est plus ou moins tranchée dans la mesure où il est difficile de distinguer sans ambiguïté ces différentes pièces. En effet, en l'absence de remontages (c'est le cas pour les sites étudiés ici), il convient de concéder ensemble qu'une pièce présentant moins de 50 % de cortex sur sa face supérieure pourrait aussi bien être un produit d'épannelage ou un produit de débitage présentant une plage corticale plus ou moins large qu'un produit de préparation issu de l'épannelage principal du nodule ou encore un produit de plein débitage issu d'une zone du nucléus pour laquelle la mise en forme n'a pas été étendue.
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Le matériel esquillé rassemble les objets dont les bords ne sont plus tranchants et portent des retouches abruptes non ou peu organisées. Les arêtes peuvent être vives ou lisses et la morphologie reste similaire à celle d'origine. Le matériel émoussé comprend les pièces dont les bords et les arêtes des enlèvements antérieurs sont érodés et se distinguent difficilement. La morphologie générale n'a plus rien de comparable avec celle de l'objet d'origine.
1.4. Conservation Elle donne des indications sur la qualité des produits débités ou façonnés et les conditions de leur séjour dans les milieux d'abandon. Il s'agit de déterminer si les objets sont entiers ou fragmentés. Dans le cas où ils sont fragmentés, il est important de connaître les parties conservées. Deux caractères autorisent une bonne description: le fragment conservé et le type de fracture. Le fragment conservé peut être proximal, mésial, distal, latéral droit ou latéral gauche. Le type de fracture peut être rectiligne, concave, convexe, concavo-convexe, en écharpe, en écharpe arrondie, en écharpe d'angle, irrégulière, transversale, oblique, longitudinale. Les dernières modalités permettent de différencier, au moins partiellement, les fractures accidentelles dont les origines peuvent être multiples des fractures volontaires. Le quartz étant très récurrent dans le débitage, un critère supplémentaire est observé: le plan de fracture par rapport au point d'impact. Les caractéres descriptifs des accidents de taille sont liés aux principes de fracturation par percussion directe au percuteur dur et au percuteur tendre. La fréquence de fractures incontrôlées survenant lors de la taille amène à déterminer les accidents de taille de type Sirej6. Ces accidents présentent un grand nombre 6. Le quartz et les roches dures à grains grossiers (quartzite) « soumis à la contrainte d'une percussion directe au percuteur direct dur, les ondes de choc se propagent dans les trois dimensions à partir du point d'impact, suivant des sphères
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de variantes ayant en commun le développement d'un plan de fracture non recherché passant par le point d'impact. L'éclatement accidentel de l'éclat peut se faire suivant: - une série de plans perpendiculaires à son plan de fracturation divisant l'éclat en deux parties égales suivant l'axe de débitage (accident de Siret stricto sensu) ou bien le (s) plan (s) de fracturation secondaire (s) sont décalés sur la gauche ou la droite; - une série de plans sécants à son plan de fracturation et variant autour de l'axe de débitage ; - une série de plans divisant l'éclat dans son épaisseur à partir du point d'impact (Mourre 1996 ; fig. 1). Pour la percussion directe au percuteur tendre, les accidents de Siret sont moins fréquents. Mais les pièces débitées dans le quartz et le quartzite, en fonction de leur finesse et en relation avec la cohérence, se fragmentent davantage transversalement. À ces accidents, sont adjoints les accidents de réfléchissement et d'outrepassage souvent « liés à un mauvais dosage de l'intensité de percussion et aux variations des caractéristiques mécaniques de la matière.
2. Critères spécifiques Le tranchant" et le bulbe sont observés sur tous les produits bruts et retouchés de débitage. Les négatifs de la face supérieure et le talon concernent aussi bien les produits de débitage que les produits façonnés.
concentriques si l'on se réfère au modèle hertzien de propagation des ondes dans les solides homogènes. La nature pétrographique du quartz va permettre le développement, suivant de nombreuses autres directions, de plans de faiblesse sécants au plan de fracturation de l'éclat ainsi obtenu: ces plans de faiblesse sont à l'origine
des accidents de taille de type Siret» (l:vfourre 1996 : 209). 7. Le tranchant est considéré sous l'angle de la localisation uniquement. Ce critère étant important pour caractériser de nombreuses pièces (bifaces, grattoirs et racloirs), il y est traité de façon spécifique dans ces catégories typo-technologiques.
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2.1. Localisation du tranchant Le tranchant peut être bilatéral proximal, distal, frontal, latéral droit, latéral gauche ou périphérique (fig.2).
2.2. Face supérieure Les négatifs de la face supérieure sont examinés sous deux angles : leur agencement et leur profondeur. L'agencement peut être pertinent dans la mesure où il permet de savoir si les négatifs ou les empreintes des enlèvements antérieurs sont organisés ou non. Dans le cas où ils l'auraient été, on peut déterminer potentiellement les techniques de débitage mises en œuvre pour leur préparation. Les modalités d'étude sont: parallèles, transversaux, centripètes, subparallèles, convergents et inorganisés. La profondeur des empreintes concerne quasi exclusivement les produits de façonnage. Elle est estimée à l'œil nu sans recourir à une quelconque variable métrique. Cette estimation relative et subjective se décline sous deux modalités: creuse ou plate. Elles aident à distinguer les négatifs résultant du percuteur dur de ceux issus du percuteur tendre. Généralement, les empreintes creuses résultent d'un débitage au percuteur dur. Elles sont plates quand le percuteur utilisé est tendre (Bordes 1961).
2.3. Talon, bulbe et angle de chasse La partie proximale des pièces révèle les caractères liés à la préparation, consécutifs au détachement, rattachés à l'onde de choc et à sa trace sur la face d'éclatement (Demoule et al. 2002). L'analyse morphologique du talon concourt à la mise en valeur des choix techniques du tailleur et de certaines étapes de la chaîne opératoire. 18
Méthodologie
x
Source (Mourre 1996)
Fig.l. Variabilité des plans de fragmentation accidentels (type Siret)
Ista
bord
1 et 2: proximal 1: proximal gauche 2: proximal droit
®
(j)
gauche
bord droit
3 et 6: mésial (bilatéral) 3: mésial droit 6: mésial gauche 4 et 5: distal 4: distal droit 5: distal gauche 1,2,3 ,4,5 ou et 6: périphérique 1,2,3 ou et 4: semi-périphérique
l , 3,4: latéral droit 5,6,1: latéral gauche
proxlInal
Fig.2. Localisation du tranchant
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Paléolithique au Gabon. Les te chnologies lithiques dans la région de la Nyanga (sud-ouest)
L'observation de la surface des talons conduit à en préciser leur nature et par là même à renseigner les traitements ou non des plans de frappe. Onze modalités suffisent à les décrire : cortical, néocortica18 , lisse plan, lisse concave, lisse convexe, à facettes plan, à facettes convexe, à facettes concave, punctiforme, dièdre, linéaire. L'épaisseur fournit des indications sur les modes de percussion mises en œuvre. « L'expérience montre que l'épaisseur d'un talon varie statistiquement selon la nature du percuteur utilisé, tout au moins par percussion directe » (Pelegrin 1995 : 67). Le talon obtenu grâce à un percuteur dur est « généralement large, plus ou moins oblique sur la face d'éclatement » (Bordes 1961 : 18). Le bulbe, bien développé, peut être proéminent esquillé ou esquillé. Le percuteur tendre donne lieu à des talons généralement étroits, souvent déversés sur la face d'éclatement. Le bulbe diffus s'accompagne d'un talon épais ou mince (fig.3).
2.4. Retouche Scrutée sur les produits de débitage retouchés, la retouche décline sous plusieurs caractères (fig.4) : - la position dont les possibilités internes sont directe, mverse, alterne, alternante, bifaciale ; -la répartition qui est soit discontinue, soit partielle ; -l'étendue qui peut être courte, couvrante, envahissante ; -la localisation qui peut être distale, frontale, latèrale droite, latérale gauche, périphérique, semi-périphérique ; la délinéation qui peut être en biseau, en 8. Le cortex est différencié du néo cortex sur le talon pour envisager la provenance des matériaux utilisés. En plus, le néocortex constitue un stigmate d'analyse technologique pour les objets débités dans du quartz ou du quartzite dans la mesure où, d'origine fluviatile, il semble très bien adapté et recherché pour le débitage de ces types de matériaux (1vfourre 1996).
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6
~
,
,
~~ Source (Tixier et al 1980)
Fig.3. Type de talon
Fig.4. Caractères de la retouche
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coche, convexe, cran, denticulé, épaulement, irrégulier, museau, régulier ; -l'inclinaison qui peut être abrupte, abrupte croisée, rasante, semi-abrupte ; - la morphologie qui peut être écailleuse, parallèle, subparallèle (Bordes 1961 ; Brézillon 1968 ; Tixier et al. 1980). Les percuteurs employés pour retoucher sont envisagés en s'appuyant sur l'observation des stigmates constitués par les négatifs des enlèvements. Selon que ces enlèvements sont le fait d'un percuteur tendre, ils ont une emprise sur le bord de la pièce retouchée et ils sont plus larges que ceux résultant d'un percuteur dur. Les nervures produites par un percuteur dur sont généralement plus rectilignes ou régulièrement courbées. Celles produites par un percuteur tendre peuvent être plus sinueuses. Les contre-bulbes obtenus au percuteur dur sont souvent plus marqués que ceux obtenus au percuteur tendre. Les accidents de Siret sont extrêmement rares au percuteur tendre. La rupture d'angle enveloppante, fréquente sur la partie distale qui résulte d'un percuteur tendre, est absente avec le percuteur dur (Mourre 2003).
3. Données spécifiques
3.1. Nucléus L'étude des nucléus s'appuie sur la nature des matières débitées, les plans de frappe, l'abandon des nucléus, les formes globales et les surfaces débitées. Pour cerner la nature primitive des différentes matiéres premiéres débitées, leur forme est décomposée en potentiels supports. Le rognon : une masse minérale arrondie et enrobée dans une roche de nature différente. Comme le galet, duquel il se distingue par la présence du cortex, il est identifié par sa surface arrondie.
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Le galet: il désigne une pierre arrondie et polie par le frottement dû à l'action des eaux. Il se caractérise par la formation d'un nouveau cortex, en l'occurrence le néocortex. La plaquette: une masse minérale, recouverte d'un cortex/néocortex, se caractérise par des faces plates, parallèles ou subparallèles et par une tranche étroite. L'éclat: issu d'un rognon ou d'un galet important, il se distingue par la présence d'un talon, d'un bulbe ou d'une partie visible de la face d'éclatement. Le fragment diaclasique : il présente au moins une face constituée d'un plan diaclasique (Pelegrin 1995). Le support indifférencié: il se caractérise par l'absence d'indice qui permet de le ranger parmi l'une des formes précédentes. L'étude des plans de frappe met en relief leur surface, leur nombre et leur disposition sur les nucléus. Les plans de frappe donnent des informations sur les modalités technologiques mises en œuvre en vue de leur exploitation. Ces plans sont corticaux (ou naturels) lorsqu'ils sont recouverts de cortex ou de néocortex, lisses lorsqu'ils sont constitués par l'empreinte d'un éclat antérieur (entame, tablette d'avivage). La disposition des plans de frappe (s'ils sont supérieurs à un) se traduit par plusieurs modalités : croisés, opposés, opposés et croisées, successifs. « Le nucléus, en ordre d'extraction, libère des éclats ( ... ) qui laissent des traces d'enlèvements concentriques, unipolaires, bipolaires ou multipolaires » (LeroiGourhan et al. 1966 : 247). Les nucléus ont pu être abandonnés au cours d'une de trois différentes phases d'exploitation suivantes. Durant la préparation, des défauts de la matiére (diaclase, inclusions calcaires, etc.) sont découverts. Ils ne permettent pas l'obtention de produits de bonne qualité. Pendant le plein débitage, le nucléus peut être volontairement abandonné bien que le débitage peut encore se poursuivre. Des défauts de qualité sont découverts tardivement.
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À la fin du nucléus, le manque de matières suffisantes à exploiter entraine son abandon. Le type de produits (éclats ou lames) et la productivité des nucléus sont appréciés en lisant et en dénombrant les produits obtenus sur les nucléus grâce aux empreintes visibles sur leur surface de débitage.
3.2. Burins Les techniques employées pour la production des burins et leur classification sont appréhendées d'après les éléments de morphologie descriptive suivants. L'association: elle permet de savoir si le burin est simple, double ou multiple. La position du tranchant: elle peut être d'axe dièdre, d'axe, déjeté dièdre, déjeté, transversal ou d'angle. Le plan de frappe: il peut être un bord tranchant, une surface retouchée, une cassure transversale, un pan, un piquant trièdre, une
coche. Le type de chute: la chute peut être première, une recoupe ou une chute seconde, une chute outrepassée, une chute réfléchie, une chute torse, une chute première et une recoupe. Ces différents caractères permettent non seulement de définir le type de burin, mais ils mettent aussi en lumière les procédés et techniques de fabrication (Leroi-Gourhan 1964 ; BrézilIon 1968 ; Tixier et al. 1980). Pour la coche, sa localisation et l'inclinaison de la retouche sont précisées.
3.3. Racloirs Le tranchant constitue un critère supplémentaire d' analyse. Il est analysé d'après sa position et sa morphologie. La position est établie par rapport à l'axe de débitage de la
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Méthodologie
pièce. Elle peut être déjetée, latérale ou transversale. La morphologie est déterminée en s'appuyant sur la méthode de François Bordes. Elle consiste à appliquer une règle ou un crayon sur le bord dont on veut définir le caractére. Celui-ci peut être droit, concave, convexe, concavo-convexe sur le même côté ; droit convexe sur le même côté, caractère droit dominant ; droit convexe sur le même côté, caractère convexe dominant ; concavo-convexe sur le même côté, caractère concave dominant ; concavo-convexe sur le même côté, caractère convexe
dominant ; déjeté (Bordes 1961).
3.4. Grattoirs La nature du tranchant engendre des grattoirs à enlèvements courts, des grattoirs à enlèvements lamellaires, des grattoirs carénés ou denticulés. La morphologie du support (pour les grattoirs sur bout de lame ou d'éclat) détermine des grattoirs à bords parallèles, en èventail, cunéiformes, semi-circulaires, en museau, à épaulement double, à épaulement simple. La morphologie du tranchant peut être convexe, oblique, rectiligne, convexe surbaissé, convexe en demi-cercle, convexe en ogive (Leroi-Gourhan et al. 1966 ; Brézillon 1968).
3.5. Perçoirs Les perçoirs sont classés en fonction de l'orientation et de la section de leurs pointes telles que définies par Leroi-Gourhan (Leroi-Gourhan et al. 1966). L'orientation des pointes est rendue par les variations suivantes: perçoir d'axe, oblique et d'angle.
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La section de la pointe est traduite sous les termes triangulaire, carré, losangique, trapézoïdal et parallélogramme (LeroiGourhan et al. 1966 ; Brézillon 1968).
3.6. Bifaces Les morphologies du tranchant et de la partie proximale du biface sont également analysées. Le tranchant peut être convexe, droit ou concave. La région du talon, en fonction de la localisation et de la présence importante, relative ou non de cortex ou encore d'une surépaisseur de matière première donne lieu à un biface à réserve enveloppante, à réserve semi-latérale, à talon réservé, à tranchant continu dans le cas où le talon est fa-
çonné comme le reste du pourtour (Leroi-Gourhan 1964).
3.7. Core-axes Ce terme anglophone qui siguifie littéralement hache nucléus en français désigne une gamme d'outils en pierre taillée, bifaciaux ou non, à bords généralement parallèles, plus ou moins longs et d'usage varié allant du Sangoen au Tshitolien. Les évolutions du core-axe montrent des formes primaires et des formes évoluées. Les formes primaires sont habituellement constituées d' outils lourds. Débités dans des galets, des rognons ou des éclats épais, ils ont des bords parallèles ou convergents. Ils sont bifaces, plus rarement unifaces et leur profil montre des bords latéraux irréguliers. La base, dans la plupart des cas, est complètement non travaillée donnant ainsi du poids à l'outil lors de son utilisation. La section transversale est souvent épaisse. La partie la plus fonctionnelle de l'outil est le bout opposé à la base et celui-ci montre le plus souvent une retouche plus soignée (Clark et al 1974 ; Lanfranchi et al. 1991 ; Clist 1995).
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Méthodologie
Les formes postérieures sont sensiblement plus symétriques, plus soigneusement retouchées, moins épaisses par rapport à leur largeur, de plus petite taille, moins lourdes. Souvent, l'extrémité distale, mais aussi proximale parfois, est équilibrée pour donner au core-axe un profil symétrique (hache), asymétrique (herminette) ou des bords concavo-convexes (gouge). Si certains core-axes s'apparentent aux hachereaux notamment ceux aux bords divergents, ils ne peuvent pas pour autant être définis dans leur ensemble comme des hachereaux. On peut y reconnaître également des ciseaux, des gouges, des rabots, etc. Par conséquent la traduction de Jacques Tixier du terme core-axe par hachereau en français ne prend pas en compte l'ensemble des outils que sous-entend ce terme. De ce fait, la classification typologique des hachereaux de Jacques Tixier n'a pas court ici'. Dans l'étude des core-axes, plusieurs critères sont mis en exergue. La section de la pointe: elle peut être biconvexe, elliptique, 10sangique, piano-convexe, triangulaire, triangulaire convexiligue. Les bords : ils varient de concaves à sinueux en passant par convexes, concavo-convexes, convergents, irréguliers et parallèles. La taille: elle est unifaciale ou bifaciale (fig.5).
3.8. Percuteurs L'étude des percuteurs s'appuie sur l'approche des blocs ou galets qui portent des traces d'utilisation, mais qui n'ont pas fait l'objet d'un débitage et encore moins d'un façonnage. 9. Aucun hachereau n'a été relevé parmi les core-axes (voir le paragraphe qui inventorie le matériel recueilli). Jacques Tixier définit le hachereau comme « un outil à tranchant terminal. Le tranchant qui est toujours naturel, c'est-à-dire exempt de retouches intentionnelles, est obtenu par la rencontre de deux plans: plan de la face d'éclatement et un des plans de la face supérieure, ce qui impose immuable-
ment un outil sur éclat» (Tixier 1956 :916). Il a par ailleurs classé les hachereaux en 6 types allant de 0 à v..
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convergente
irrégulière
6
troncature
convergente pointue
8~
9~
I O~
II ~
1 2~
divergents convrgents
parallèles
Source (Clark et al 1974)
Fig.5. Retouches et bords des core-axes
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Méthodologie
Cette approche, mise en place par Sophie A. de Beaune, a pour but « de retrouver l'action exercée avec l'outil, puis l'activité à laquelle il aurait servi » (Beaune 2000 : 28). Cette approche intègre les types de percussionlO définis par André Leroi-Gourhan (Leroi-Gourhan 1971). Elle consiste à observer des traces présentes sur l'objet pour indiquer l'action qui les aura produites. Elle s'accompagne d'une analyse physique et chimique susceptible de révéler la présence de matières organiques. L'approche morphométrique adjointe précise la forme de l'objet et la localisation des traces et une formulation d'hypothèses fonctionnelles. Celles-ci peuvent être vérifiées par une expérimentation et une comparaison avec les documents archéologiques. Un recours à l'ethnographie permet de proposer des hypothèses d'utilisation par comparaison avec les outils existants et de vérifier les caractéristiques techniques ou encore de contrôler en comparant le matériel archéologique et le matériel ethnographique (Beaune 2000). Un filtre résultant de cette approche a été appliqué au matériel concerné dans le présent travail (fig.6). Ce filtre infére « les types d'outils à partir de traces de percussion lancée, de l'emplacement des traces sur le support et la forme de ce dernier » (id. : 45). L'aspect des traces peut être constitué de petits négatifs d'enlèvements, de grands négatifs d'enlèvements ou bien de traces punctiformes. 10. André Leroi-Gourhan a défini trois types de percussion, à savoir la percussion posée, la percussion lancée et la percussion posée avec percuteur. « La percussion posée consiste à appliquer l'outil sur la matière en imprimant directement la force des muscles. Le couteau, le rabot, le racloir, la scie en sont des exemples courants. La percussion lancée est réalisée lorsque l'outil tenu en main est lancé dans la direction de la matière. Le bras (et souvent un manche qui allonge le bras) accompagne l'outil dans une trajectoire plus ou moins longue, il assure l'accélération de la partie percutante qui arrive avec une grande force sur le point attaqué. La percussion posée est précise [ .. ], la percussion lancée est au contraire assez imprécise [ .. ] [La percussion posée avec percuteur] combine les avantages propres aux deux premières [.. ]: l'outil est posé avec précision sur la matière, l'autre main applique avec un percuteur séparé le poids accru par l'accélération.)) (Leroi-Gourhan 1971 :
48).
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Le type de traces, représenté par les traces d'impact et leur localisation, peut être sur les flancs, sur les extrémités ou sur les faces. La nature et la morphologie du support varient entre galet ovoïde et galet sphérique. La conjugaison de tous ces éléments permet d'envisager le type d'outil (enclume", percuteur12 , retouchoir 13 , maillet14, etc.)
4. Tracéologie L'identification des traces d'utilisation, en l'absence d'un matériel adéquat, constitue une tâche délicate pour des pièces lithiques. Aussi est-il raisonnable de distinguer les outils utilisés 11. « Les objets dont l'utilisation comme enclume est plausible sont les galets, blocs ou plaquettes présentant des traces d'impacts sur une ou plusieurs faces, mais également parfois aussi sur les arêtes On peut distinguer deux sortes d'enclume assez différente: d'une part les blocs et les grandes dalles pesant plusieurs kilos, souvent de forme pyramidale, avec une base bien stable, d'autre part les galets de plus petites dimensions, de forme hexagonale, quadrangulaire ou ovale, présentant des traces sur leur surface. Ses deux principaux usages sont le débitage et le concassage de matériaux durs tels que des os ou des écales de noix)) (Beaune 2000: 46). 12. Il s'agit en général de galets de rivière qui ont une forme régulière sphérique, ovoïde ou oblongue et des angles arrondis. « Certains objets taillés ont parfois été utilisés comme percuteur )) (Tixier et al 1980 : 96). « Leurs stigmates d'utilisation sont des traces d'impacts et d'écrasement pouvant aller jusqu'à de véritables enlèvements sur les parties contondantes (angles, arêtes ou extrémités) )) (Beaune 2000 : 50). Le percuteur a été utilisé pour débiter ou retoucher la pierre dure (Tixier et al 1980) mais aussi probablement à régulariser des parois rocheuses de grottes par piquetage léger, mais encore, au Néolithique notamment, de bouchardes pour raviver la surface des meules devenues trop lisses (Beaune 2000 : 50-53) 13. Percuteur de petites dimensions destiné principalement à effectuer des retouches.Il porte des traces d'utilisation sur ses extrémités et éventuellement sur ses flancs et non sur ses faces (Beaune 2000). Ce terme n'est pas communément admis par tous les Préhistoriens. Des auteurs, comme Jacques Tixier par exemple, considèrent que le même galet peut servir à détacher des éclats, lames ou lamelles et à retoucher. Toutefois, ils admettent que la réussite de certaines opérations (cas de la technique du micro burin) nécessite le choix de petits percuteurs relativement plats (Tixier et al 1980; Beaune 2000). 14. « Petits galets plats et allongés, portant des traces d'impacts sur une ou les deux extrémités de leurs surfaces, parfois suffisamment intenses et nombreuses pour former une v éritable cupule )) (Beaune 2000 : 58).
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Méthodologie
un et p at, un bloc ou d ' une dalle
+-1 enclume 1
'un g et oog et mm ce . . co ou ou quadnmglliaire plat ciseau un g etsp l'l''Iqu e ~ ou quadrAllgulaire ~~
·un oc ou une roch e en place
~
----...~
(Beaune 2000)
Fig.6. Types d'outi ls
.... Fig.? Mesures prises
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Paléolithique au Gabon. Les techn ologies lithiques dans la région de la Ny anga (sud-o uest)
ou non à travers les tranchants montrant de probables traces d'utilisation. Ces traces sont « constituées d'esquillements présentant un état de surface homogène avec l'ensemble de la pièce. Les esquillements récents qui se caractérisent par une patine ou un émoussé différent de celui du reste de la pièce » (Mourre 2003 : 70) sont évidemment exclus. Les fractures abruptes du tranchant pouvant parfois être le résultat d'une utilisation en sont exclues. Il découle de fait qu'un outil est entendu ici comme toute pièce lithique retouchée par des enlévements réguliers ou irréguliers. Par ailleurs, les objets lithiques taillés dans la masse et façonnés sont également considérés comme outils.
5. Données quantitatives et traitement Les analyses typométriques des différentes catégories de pièces nécessitent la prise en compte de mesures courantes (longueur, largeur, l'épaisseur) et supplémentaires. Ces différentes mesures sont exprimées en millimètres. Elles sont majoritairement enregistrées par individu à l'aide d'un pied à coulisse gradué. Dans la plupart des cas, elles sont traitées sous forme de classes pour conserver un caractére objectif et favoriser d'éventuelles comparaisons avec des objets provenant d'autres sites. La longueur (L) est la mesure maximale prise suivant l'axe de débitage de la pièce (fig.7). La longueur permet de distinguer les éclats des lames. Tout fragment de roche dure détaché du nucléus par un coup de percuteur est rangé comme éclat dans le cas où sa longueur est inférieure à deux fois sa largeur maximale. Il devient une lame dès lors qu'il est allongé et qu'il a une longueur équivalente ou supérieure à deux fois sa largeur maximale (Bordes 1961 ; Brézillon 1968 ; Tixier et al. 1980: 90). La largeur (m) équivaut à la mesure maximale prise perpendiculairement à la longueur (fig.7). L'épaisseur (e) correspond à la
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Méthodologie
dimension maximale selon l'axe orthogonal au précédent (fig.7). Pour les nucléus, la longueur est prise dans le sens de l'axe de débitage, lui-même défini en fonction de l'axe teclrnologique (fig. 7). Pour les nucléus sans organisation particulière, il est difficile de déterminer l'axe de débitage. Aussi la longueur correspond-t-elle à la plus grande mesure. la largeur est la mesure intermédiaire et l'épaisseur est la plus petite (Pelegrin 1995 ; Pottier 2005). Des mesures supplémentaires sont prises sur des bifaces, des pics et des core-axes en s'inspirant du procédé pratique mis au point par François Bordes (Bordes 1961)"La pièce est préalablement fixée sur une surface plane en utilisant une « pâte à fixe ». Après avoir déterminé successivement la largeur maximale de la pièce, la largeur de la pointe ou de la base à liSe de la longueur et l'épaisseur de la base ou de la pointe à liSe de la longueur, une ligue est tracée au crayon sur la pièce pour coïncider deux bords. Ceci est réalisé en s'aidant de deux équerres dont l'une est perpendiculaire à la surface plane sur laquelle repose la pièce et l'autre perpendiculaire à la première. Ensuite on appuie un petit bloc de métal parallélépipède rectangle d'épaisseur connue sur le talon. À l'aide d'un pied à coulisse, on mesure la distance entre le trait préalablement marqué sur la pièce et le petit bloc inclus. La distance entre la largeur maximale et la base du biface ou la distance entre le talon et la largeur maximale du pic correspondent alors à la mesure relevée moins l'épaisseur du petit bloc. Pour les bifaces (fig.8), il s'agit de relever la distance entre la largeur maximale et la base du biface et de la largeur à mi-hauteur du biface (Bordes 1961; Brézillon 1968; Quechon 1974). La conjonction des mesures supplémentaires et courantes, traduite par les rapports longueur/hauteur de l'élargissement (Lia) et 15. TI s'agit d'un procédé rapide et pratique pour déterminer des mesures délicates de bifaces, à savoir la plus grande largeur f i et la distance entre la plus grande largeur et la base du biface appelée a (Bordes 1961).
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L
"2
L
Q
2
Source (Bordes 1961)
Fig.8. Mesures des bifaces
m
Fig. 9. Mesures prises sur les core-axes
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Méthodologie
largeur à mi-hauteur/largeur maximum (n/m), permet de préciser la morphologie des bifaces. Le rapport Lia « exprime la position de la plus grande largeur du biface par rapport à sa longueur et aussi l'arrondi de la base [ ... et le rapport n/m] exprime l'arrondi des côtés du biface» (Bordes 1961 : 72). Ces mesures sont prises à titre indicatif pour d'éventuelles études ultérieures. L'exploitation du graphique et de la classification des bifaces qui s'appuie sur l'expression algébrique y - ax - b »16), mise en exergue par François Bordes, est abandonnée. Les bifaces sont statistiquement insuffisants. Il est difficile dans ce cas d'espérer par exemple établir une distinction adaptée entre bifaces plats et bifaces épais par le biais du rapport largeur maximale/épaisseur. Pour les core-axes, des mesures 17 discriminant leurs formes ont été relevées: m/m2 ; L/L ; e/L (fig.9). Dans le rapport m/~ ml dés igue la largeur de la pièce à un 1/5 de sa longueur par rapport à son sommet (mJ m 2 est la largeur de la pièce à 1/5 de sa longueur par rapport au talon. Elle devient une largeur de la pointe dans le cas d'un outil à double pointe. Le rapport m/m2 est particulièrement sensible au caractére pointu et à l'arrondi. Dans le rapport L/L, LI est la distance allant du talon à la largeur maximale de la pièce. Ce rapport comme le précédent, reflète l'apparence générale de la forme, à savoir si l'objet est plus large à la base, au milieu ou au sommet. Dans le rapport e/L, el est l'épaisseur de l'objet à 1/5 de sa longueur par rapport à son sommet. Ce rapport donne une idée de l'amincissement ou l'index de la finesse de la finition (Roe 2001; Gowlett et al. 2001). 16. Y ayant la valeur du rapport LI a, x celle de n/mxl00, a et b ayant les valeurs
«(
attachées à chaque fonction. Elle s'adresse au premier chef aux bifaces plats (triangulaires, subtriangulaires, cordiformes allongés, ovalaires et limandes). 17. Elles ont été définies par Dereck Roe: