Où sera le prochain séisme ?: Défis de la sismologie au XXIe siècle 9782759820375

Où sera le prochain séisme ? Après chaque tremblement de Terre, les médias, la population questionnent, en vain, les sis

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French Pages 191 [190] Year 2016

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Où sera le prochain séisme ?: Défis de la sismologie au XXIe siècle
 9782759820375

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Où sera le prochain séisme ? Défis de la sismologie au XXIe siècle

Où sera le prochain séisme ? Défis de la sismologie au XXIe siècle

RÉMY BOSSU, JOCELYN GUILBERT ET BRUNO FEIGNIER

17, avenue du Hoggar – P.A. de Courtabœuf BP 112, 91944 Les Ulis Cedex A

Illustration de couverture : Rupture de surface associée au séisme de Kokoxili (Chine) de magnitude 7,8 en 2001. Ce séisme décrochant a rompu la surface terrestre sur 430 km de long, avec un déplacement horizontal moyen de 4 m et un maximum proche de 10 m (photo de Yann Klinger).

Mise en pages : Patrick Leleux Imprimé en France ISBN : 978-2-7598-0942-4

Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinés à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. © EDP Sciences, 2016

À Jocelyn, un sismologue remarquable et un ami

SOMMAIRE

Préambule ..................................................................................

11

Chapitre 1. Quelques notions essentielles !................................... Qu’est-ce qu’un séisme, qu’est-ce qu’une faille ? ............................ Quelle est la cause des séismes ? ................................................ La tectonique des plaques........................................................... Épicentre et hypocentre .............................................................. Plan de faille ........................................................................... Glissement et type de failles ...................................................... Magnitude ............................................................................... Longueur de rupture, glissement et moment sismique ..................... Ondes sismiques, fréquence et période .......................................... Études des ondes sismiques......................................................... Zone de subduction ................................................................... Rebond élastique, cycle sismique, temps de retour et déformations ........................................................................ Couplage, zone de subduction et aléa .......................................... Lacune sismique ........................................................................ Aléa sismique et réglementation ................................................. Vulnérabilité et risque sismique .................................................. Les principaux métiers de la sismologie .......................................

13 13 15 15 16 17 17 18 18 20 21 21 23 25 26 26 28 28

7

SOMMAIRE

8

Chapitre 2. Comment écouter les séismes ? .................................. Mesurer les séismes.................................................................... Mesurer les mouvements du sol depuis l’espace .............................. Du capteur aux antennes de capteurs ...........................................

31 32 51 57

Chapitre 3. La routine du sismologue ........................................... Réseaux de surveillance, localisation et magnitude ......................... Bulletin et alerte sismique .......................................................... Alerte aux tsunamis ................................................................... Du séisme à son impact .............................................................. Le traitement opérationnel du séisme de Tohoku ............................

61 62 73 76 82 86

Chapitre 4. Information et éducation des citoyens ......................... Alerte précoce et information rapide après un séisme ..................... Communiquer sur l’aléa sismique et pendant une crise sismique .....................................................................

89 90 104

Chapitre 5. La sismologie sans les séismes ! ................................. La surveillance des essais nucléaires ............................................. Analyser les explosions accidentelles ou terroristes......................... La sismicité générée par les activités humaines ............................. À l’écoute d’autres phénomènes ...................................................

121 122 128 133 145

Chapitre 6. Les grands chantiers actuels de la sismologie .............. Exploiter toute la richesse du signal sismique (big data)................................................................................. Étude du bruit de fond ............................................................... Multiplets et détéctions des petits séismes.................................... Retournement temporel et étude de la rupture des grands séismes ... Glissements lents ....................................................................... Précurseurs et laboratoires naturels ..............................................

149

OÙ SERA LE PROCHAIN SÉISME ?

150 153 158 165 169 171

SOMMAIRE

Et demain alors ? ........................................................................

175

Annexe. La sismicité de la France en quelques phrases .................

177

Glossaire ...................................................................................

183

9

Carte de la sismicité mondiale. La sismicité délimite les principales plaques tectoniques. La couleur représente la profondeur des séismes. Les séismes les plus profonds sont localisés dans les zones de subduction où leur profondeur peut atteindre 700 km. © CSEM.

PRÉAMBULE

Où sera le prochain séisme ? À l’heure où nous rédigeons les dernières lignes de ce livre, la région d’Amatrice en Italie vient d’être frappée le 24 août 2016 par un séisme dévastateur de magnitude 6,2. Un nouveau séisme meurtrier à moins de 50 km du séisme de l’Aquila qui détruisit la ville 7 ans plus tôt ! Alors où sera le prochain ? Tokyo, Istanbul ? Ces villes connaîtront un violent tremblement de terre à l’avenir, mais quand, nul ne le sait ! Répondre à cette question est le défi ultime de la sismologie du XXIe siècle. D’ici là, il y en aura bien d’autres à relever, bien d’autres sur lesquels les sismologues aujourd’hui travaillent sans relâche. Ce livre n’est pas une introduction à la tectonique des plaques, ni à l’histoire détaillée de la sismologie, cette science encore jeune, et encore moins un cours ! Notre ambition est autre : présenter la sismologie telle qu’elle est en ce début de XXIe siècle dans le contexte français où, à l’exception notable des Antilles, aléa et risque sismique restent modérés, illustrer ses avancées récentes, ses apports à la société dans des domaines parfois inattendus, et les questions auxquelles elle se confronte. Le texte se veut accessible à tous, sans recours aux équations, comme lors des discussions que peut avoir un sismologue avec ses amis ou ses proches. 11

PRÉAMBULE

Le panorama offert fait la part belle à la surveillance et l’observation des séismes, et aux thématiques situées à l’interface entre la sismologie et la société, des domaines au cœur de nos propres parcours professionnels et rarement traités dans les ouvrages scientifiques. Un premier chapitre présente les principales notions et définitions nécessaires à la compréhension de cet ouvrage. Certains pourront se passer de sa lecture, et chacun pourra y revenir si nécessaire. Comme pour l’ensemble du livre, les exemples ou explications plus pointus sont présentés dans des encarts afin de laisser le choix au lecteur d’approfondir ou non les notions en question. Nous passerons ensuite à la description de ce qu’est un séisme, son observation, l’interprétation des données, les différents usages, quelquefois surprenants, des techniques issues de la sismologie. Nous traiterons de la surveillance des séismes et des tsunamis sur Terre, en mer ou depuis l’espace, des challenges de l’information du public à l’ère d’Internet et des réseaux sociaux où l’information est partagée en quelques secondes de San Francisco à Istanbul, de Tokyo à Santiago ainsi que du rôle grandissant des citoyens dans la surveillance sismologique : la sismologie citoyenne. Enfin, nous parlerons de ces séismes causés par les activités humaines, exploitations d’hydrocarbures, mise en eau de grands barrages, de la surveillance des essais nucléaires en passant par la sismologie au service de la justice et des grandes thématiques actuelles de la recherche en sismologie. Historiquement, la sismologie a toujours été une science proche de la société. Jusqu’au déploiement des réseaux modernes de surveillance, elle était essentiellement basée sur les observations des citoyens, ou leurs témoignages recueillis par les gazettes, retranscrits dans les relevés paroissiaux. D’ailleurs, l’étude des écrits historiques, l’analyse des mythes et légendes demeurent une activité incontournable encore aujourd’hui : mieux connaître le passé pour mieux anticiper l’avenir. Mais voilà, depuis une cinquantaine d’années, l’accès à de nombreux enregistrements a peu à peu cantonné les sismologues à leur laboratoire et distendu ce lien avec la société. Gageons que ce livre puisse contribuer à sa manière à le rétablir, amener certains d’entre vous à approfondir ce sujet passionnant et, qui sait, susciter des vocations. 12

OÙ SERA LE PROCHAIN SÉISME ?

1 Quelques notions essentielles !

A

vant d’explorer la sismologie du XXe siècle, revenons ensemble sur des notions essentielles à un voyage agréable et instructif à travers cet ouvrage. Dans ce chapitre, vous trouverez des définitions sur lesquelles vous pourrez, si nécessaire revenir en cours de lecture ainsi qu’une description des principaux métiers de la sismologie. L’objectif n’est pas de couvrir l’ensemble du phénomène « séisme », un chapitre n’y suffirait pas mais de se concentrer sur les notions essentielles à la compréhension des chapitres suivants. Un glossaire reprend, à la fin de cet ouvrage les notions décrites dans ce chapitre.

QU’EST-CE QU’UN SÉISME, QU’EST-CE QU’UNE FAILLE ? Un séisme, ou tremblement de terre, est le résultat du glissement brutal de deux masses rocheuses l’une par rapport à l’autre le long d’une faille (Figures 1 et 2). On parle de rupture sismique.

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QUELQUES NOTIONS ESSENTIELLES !

Figure 1 | Vue aérienne de la faille de San Andreas en Californie. Cette faille apparaît comme une cicatrice dans le paysage. Lors d’un séisme, le glissement se produit sur une portion de faille plus ou moins grande en fonction de la magnitude (voir paragraphe Magnitude, p. 18) du séisme. Le long de cette section, les masses rocheuses situées de part et d’autre de la faille se déplacent horizontalement l’une par rapport à l’autre pendant le séisme générant des vibrations qui se propagent dans la Terre. © Ikluft.

Figure 2 | La plupart des ruptures sismiques se produisent en profondeur et demeurent invisibles en surface. Le séisme de Spitak en Arménie en 1988 a provoqué l’escarpement visible sur l’image, le bloc de droite se soulevant par rapport au bloc de gauche. Cet escarpement reste visible aujourd’hui sur plusieurs kilomètres de long. © brgm.

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OÙ SERA LE PROCHAIN SÉISME ?

QUELQUES NOTIONS ESSENTIELLES !

QUELLE EST LA CAUSE DES SÉISMES ? Un séisme se produit sur une faille lorsque les forces appliquées sur celleci dépassent la résistance mécanique liant les deux pans de la faille. Même si, comme nous le verrons, certaines activités humaines peuvent causer des séismes, la vaste majorité des séismes à l’échelle du monde est liée à la tectonique des plaques. Les plaques bougent les unes par rapport aux autres et le séisme se produit lorsque les contraintes sur la faille dépassent sa résistance mécanique. Le modèle du rebond élastique (voir paragraphe Rebond élastique, cycle sismique, temps de retour et déformations, p. 23) décrit les différentes phases du chargement jusqu’à la rupture.

LA TECTONIQUE DES PLAQUES Le globe terrestre est couvert par une douzaine de plaques principales (Figure 3). L’épaisseur de ces plaques est d’une centaine de kilomètres. Elles se déplacent les unes par rapport aux autres formant un puzzle à l’échelle du Globe. Le moteur de ces déplacements est la dissipation de la chaleur contenue et produite dans les profondeurs de la Terre. Depuis sa création la Terre s’est refroidie plus rapidement en surface qu’en profondeur. Surtout la désintégration d’éléments radioactifs continue de produire de la chaleur en profondeur. La dissipation de cette chaleur génère des déplacements de matière entre les zones chaudes et froides, appelés convection, comme lorsque de l’eau est chauffée dans une casserole. Les plaques sont entraînées par ces mouvements de convection comme un tapis roulant. Les plaques se déplacent les unes par rapport aux autres de manière continue. Les vitesses de déplacements des plaques ne dépassent pas les 10 cm par an, valeur maximale mesurée dans le Pacifique. À titre de comparaison, dans la région euro-méditerranéenne, la sismicité est causée par la remontée vers le Nord de la plaque Africaine, à une vitesse d’environ 7 mm par an, soit environ la vitesse de croissance des ongles. Une vitesse qui peut paraître faible mais reste inexorable. 15

QUELQUES NOTIONS ESSENTIELLES !

Figure 3 | Cartes des principales plaques tectoniques à la surface de notre planète. Ces plaques se déplacent les unes par rapport aux autres et ce sont ces mouvements qui sont à l’origine de la grande majorité des tremblements de terre. © Boilley Adrien.

ÉPICENTRE ET HYPOCENTRE L’hypocentre est le point où la rupture a débuté sur la faille. L’hypocentre est situé en profondeur. La projection de l’hypocentre sur la surface de la Terre est appelée épicentre (Figure 4).

Figure 4 | Représentation en coupe de la faille, de l’épicentre et hypocentre. Dans ce schéma, la faille atteint la surface, ce n’est pas toujours le cas. La plupart des failles ne débouche pas en surface. © CEA.

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OÙ SERA LE PROCHAIN SÉISME ?

QUELQUES NOTIONS ESSENTIELLES !

PLAN DE FAILLE Le plan de faille correspond à la portion de la faille sur laquelle se fait le glissement au cours d’un séisme donné. Le plan de faille est défini par sa taille, c’est-à-dire sa largeur, et sa longueur ainsi que son orientation. Son orientation doit être décrite en 3 dimensions : l’orientation à la surface de la Terre (par exemple Nord-Sud), et dans quelle direction et avec quel angle elle s’enfonce (plongement), par exemple 50° vers l’Ouest. Cette représentation purement géométrique ne reflète pas la complexité d’une faille mais l’idéalise pour la mise en œuvre de calculs géophysiques. En pratique, l’orientation du plan de faille qui localise la rupture lors d’un séisme peut montrer des variations considérables d’orientations et un plan ne peut être qu’une approximation.

GLISSEMENT ET TYPE DE FAILLES Le glissement caractérise le déplacement d’un bloc par rapport à l’autre qui se produit pendant le séisme (Figure 5). Il est défini par sa valeur (en millimètres pour des séismes de faible magnitude et en dizaines de mètres pour les séismes de très forte magnitude) et sa direction sur le plan de faille.

Figure 5 | Cette figure représente 3 orientations différentes de glissement sur une même faille. À gauche, les deux blocs s’écartent l’un de l’autre, on parle d’extension ou de faille normale ; au milieu les deux blocs se rapprochent l’un de l’autre on parle de compression ou de faille inverse ; enfin, dans le troisième cas, les blocs se déplacent sur le plan horizontal, on parle alors de faille transformante ou de décrochement. © CEA.

Il existe 3 principaux types de failles en fonction de la direction du glissement. On parlera par exemple de mécanisme décrochant pour un séisme où le glissement est horizontal (Figure 5). La faille 17

QUELQUES NOTIONS ESSENTIELLES !

de San Andreas (Figure 1) est un exemple d’une faille décrochante. Bien entendu, en pratique le glissement sur une faille donnée peut comporter une composante verticale et horizontale.

MAGNITUDE La magnitude mesure l’énergie sismique libérée par un séisme. Elle est basée sur une échelle logarithmique. Ainsi l’énergie libérée augmente très rapidement avec la magnitude : lorsque la magnitude augmente de 1, l’énergie est multipliée par 32 ! Cette caractéristique entraîne souvent des confusions. Non, un séisme de magnitude 7 ne libère pas l’énergie de deux séismes de magnitude 3,5 mais 185 000 fois plus ! Une seconde caractéristique, souvent méconnue et qui découle elle aussi de l’échelle logarithmique, est la possibilité de mesurer des magnitudes négatives ! Ce sont alors de très petits séismes, observés par exemple dans des mines ou lors d’expériences de mécanique des roches. À titre de comparaison, l’explosion d’une grenade équivaut en termes d’énergie à une magnitude 0,2 environ.

LONGUEUR DE RUPTURE, GLISSEMENT ET MOMENT SISMIQUE La magnitude est reliée au moment sismique, c’est-à-dire à la surface de la rupture multipliée par le glissement moyen sur la faille. On parle de glissement « moyen » car le glissement sismique peut fortement varier d’un point à l’autre de la faille. Le glissement moyen étant dépendant de la dimension de la rupture, il est possible de donner des ordres de grandeur de la rupture sismique en fonction de la magnitude. Lors d'un séisme de magnitude 6, la rupture se propage sur environ 1 km, 10 km pour un séisme de magnitude 7 et 100 km pour un séisme de magnitude 8. Ces valeurs ne sont qu’approximatives et la variabilité reste forte. La rupture du mégatremblement de Terre de magnitude 9,3 en 2004 en Indonésie 18

OÙ SERA LE PROCHAIN SÉISME ?

QUELQUES NOTIONS ESSENTIELLES !

parcourut 1 200 km de Sumatra au Sud aux îles Andaman au Nord. Quant à la longueur de rupture du séisme de T hoku, pourtant de magnitude 9,1, elle ne fût « que » de 300 km et le glissement a été beaucoup plus fort que ce que prédisaient les relations empiriques pour atteindre localement 50 m ! Le tableau 1 donne des ordres de grandeur des principales caractéristiques de la source sismique en fonction de la magnitude. Insistons sur le fait qu’il ne s’agit que d’ordre de grandeur et que pour un séisme donné les valeurs peuvent être très différentes. Tableau 1. Ordre de grandeur des principales caractéristiques d‘un séisme en fonction de sa magnitude. Ces valeurs correspondent à la vitesse de rupture de 3 km/s généralement observée. Il existe néanmoins des séismes dits « lents » pour lesquels la vitesse de rupture est bien moindre. Les ondes générées par ce type de séisme sont alors plus riches en basses fréquences et pour des conditions de magnitude et distance équivalentes, ils auront tendance à être moins ressentis qu’un séisme présentant une vitesse de rupture plus élevée. Magnitude

Longueur de rupture

Glissement moyen

Durée de la rupture

4

10 m

1 mm

0,003 s

5

100 m

1 cm

0,03 s

6

1 km

10 cm

0,3 s

7

10 km

1m

3s

8

100 km

10 m

30 s

Une précision importante : il faut distinguer la durée de la rupture de la durée des secousses engendrées par le séisme. La durée de la rupture est simplement la durée du glissement sur la faille. Les vibrations quant à elles durent beaucoup plus longtemps. Prenons l’analogie avec les orages : les éclairs sont instantanés, mais le grondement du tonnerre dure plus 19

QUELQUES NOTIONS ESSENTIELLES !

longtemps car les différentes ondes qui composent le son se propagent beaucoup plus lentement et peuvent avoir suivi des parcours variés dans l’atmosphère avant d’atteindre nos oreilles.

ONDES SISMIQUES, FRÉQUENCE ET PÉRIODE Lors d’un séisme, le frottement des deux masses rocheuses génère de la chaleur et des vibrations qui se propagent dans la Terre dans toutes les directions. Ces vibrations sont des ondes sismiques. Comme pour toutes les ondes, le son ou les ondes de diffusion radiophoniques par exemple, leur amplitude s’atténue et devient de plus en plus faible en s’éloignant de leur source. La vitesse de propagation des ondes sismiques varie en fonction du type d’onde et de la profondeur. Elle est de plusieurs kilomètres par seconde, autour de 5-6 kilomètres par seconde pour les plus rapides à quelques kilomètres de profondeur et atteint 14 km/s pour ces mêmes ondes à 2 900 km de profondeur. La fréquence est une caractéristique importante des ondes. Un son aigu a une fréquence plus élevée qu’un son grave. Lors de leur propagation, l’amplitude des ondes de fréquences plus élevées s’atténue plus rapidement que l’amplitude des ondes de fréquences plus basses. C’est pourquoi un son grave aura une portée plus grande qu’un son aigu. La fréquence se mesure en Hertz (Hz). Une fréquence de 10 Hz signifie 10 oscillations par seconde. La période d’une onde est l’inverse de la fréquence. Une fréquence de 10 Hz correspond à une période de 0,1 s, c’est-à-dire que la durée de la vibration est de 0,1 s (Figure 6).

Figure 6 | Représentation d’une onde. L’onde présentée est cyclique, c’est-à-dire qu’elle se reproduit à l’identique à chaque période.

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OÙ SERA LE PROCHAIN SÉISME ?

QUELQUES NOTIONS ESSENTIELLES !

ÉTUDES DES ONDES SISMIQUES Revenons aux ondes sismiques. Une fois générées par la rupture sismique, les ondes se propagent dans le sol dans toutes les directions. Elles vont traverser des matériaux géologiques aux caractéristiques différentes (densité, atténuation, présence de fluides, etc.). Chacun de ces matériaux va modifier les ondes, leur amplitude, leur direction, leur contenu en fréquence, une partie de l’onde pourra être réfléchie… C’est ce que nous observons tous les jours avec le son : une voix va être plus ou moins déformée et atténuée par une fenêtre, un mur ou modifiée par la présence de brouillard par exemple. Ainsi, les ondes enregistrées intègrent 2 types d’informations : l’information sur le séisme et l’information sur les caractéristiques des matériaux géologiques traversés entre le séisme et la station d’enregistrement. S’il s’intéresse au séisme, le sismologue va corriger les ondes des modifications liées à leur propagation entre l’hypocentre et la station d’enregistrement. Il s’intéresse alors à la source sismique et déterminera l’orientation du plan de faille, la magnitude et tous paramètres d’intérêt décrivant le séisme. Au contraire, il peut s’intéresser à la structure et la composition de la Terre. Il cherchera alors à extraire les informations liées non pas au séisme, mais aux caractéristiques des matériaux géologiques traversés. C’est le principe de la tomographie et les techniques employées seront similaires à celles employées pour une échographie.

ZONE DE SUBDUCTION Les plaques tectoniques se déplacent les unes par rapport aux autres. Au milieu de l’océan Pacifique ou de l’océan Atlantique, elles s’écartent laissant la place à de nouveaux matériaux provenant du manteau terrestre. C’est donc là que sont créées les plaques. À d’autres endroits, comme aux Antilles, deux plaques rentrent en collision. La plaque la plus lourde passe alors sous la plaque la moins dense et s’enfonce lentement entraînée par son propre 21

QUELQUES NOTIONS ESSENTIELLES !

poids (Figure 7). C’est le phénomène de subduction. Deux types de séismes sont générés dans les zones de subduction. Les séismes interplaques qui se produisent au contact entre les deux plaques jusqu’à une quarantaine de km de profondeur. Les séismes intraplaques quant à eux se produisent à l’intérieur de la plaque qui, en plongeant se déforme ; leurs positions dessinent la géométrie de cette plaque. C’est dans les zones de subduction que sont observés les séismes les plus profonds jusqu’à 700 km de profondeur à proximité des îles Tonga dans le Pacifique Au-delà de cette profondeur, la température de la plaque plongeante est trop élevée, les séismes deviennent impossibles et la plaque plongeante disparaît. Les zones de subduction concentrent la grande majorité de la sismicité mondiale et des séismes les plus forts. La seule ceinture de feu, les zones de subduction autour du Pacifique sont le lieu majeur de 80 % de la sismicité. Sur les 17 séismes ayant atteint ou dépassé la magnitude 8,5 depuis le début du XXe siècle, 16 sont localisés dans une zone de subduction.

Figure 7 | Coupe schématique de la zone de subduction dans les Antilles. La plaque d’Amérique du Nord plonge sous la plaque Caraïbes. Le volcanisme des Antilles est lié à cette subduction. En s’enfonçant la plaque s’échauffe entraînant sa fusion partielle ; le magma trouve un chemin jusqu’à la surface et les éjections de magmas créent les volcans. La notion de couplage est présentée au paragraphe Couplage, zone de subduction et aléa, p. 25.

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OÙ SERA LE PROCHAIN SÉISME ?

QUELQUES NOTIONS ESSENTIELLES !

REBOND ÉLASTIQUE, CYCLE SISMIQUE, TEMPS DE RETOUR ET DÉFORMATIONS Le modèle du rebond élastique donne un cadre simple pour appréhender les différentes phases séparant deux séismes similaires sur le même segment de faille, c’est-à-dire comprendre les déformations observées en surface au cours de ce cycle. Prenons une portion de faille décrochante (Figure 5) et regardons comment évolue au cours du temps la déformation de la surface de la Terre le long d’une droite perpendiculaire à la faille (Figure 8). Dans un premier temps, en l’absence de séisme, la faille est bloquée et aucune déformation n’est observée à sa proximité immédiate. Rappelons que les plaques, elles, se déplacent de manière continue. Par conséquent, à grande distance de la faille, la déformation se poursuit, les mouvements détectés mesurant le déplacement des plaques. Ces déplacements déforment à grande échelle la masse rocheuse, et la faille étant bloquée, la masse rocheuse se charge en énergie élastique, exactement comme un ressort que l’on comprime. Lorsque la résistance à la rupture sur la faille est atteinte, le séisme survient relâchant tout ou partie de l’énergie élastique emmagasinée. Les mesures de part et d’autre de la faille indiquent alors le glissement cosismique. Le cycle, connu sous le nom de cycle sismique, de chargement-déchargement peut alors recommencer. Sa durée est appelée temps de retour, soit la durée moyenne entre deux séismes. Le rebond élastique est un concept essentiel pour comprendre certaines des mesures géodésiques présentées dans cet ouvrage qui peuvent être contre-intuitives, mais il reste un concept. La notion de cycle sismique doit être prise avec précaution car il n’existe pas de régularité absolue dans la survenance des séismes.

23

QUELQUES NOTIONS ESSENTIELLES !

Figure 8 | Représentation schématique du rebond élastique sur une faille décrochante. Le même cycle se reproduit entre chaque séisme d’importance sur la même portion de faille. En dehors des zones de subduction, la plupart des séismes se produisent dans les premières dizaines de kilomètres de profondeur, au-delà la faille glisse librement et sans séisme.

En zone de subduction (voir paragraphe Zone de subduction, p. 21), au cours de la phase séparant deux séismes, appelée phase intersismique, la plaque continentale se déforme dans la direction de la subduction et peut aussi subir des déformations verticales (Figure 9), comme une feuille de papier bloquée à une extrémité et poussée de l’autre crée une ondulation. Lorsque le séisme se produit, la plaque continentale se relâche, le déplacement horizontal cosismique observé sur la plaque continentale est alors dans le sens opposé à celui observé pendant la phase intersismique. Les mouvements cosismiques peuvent ainsi exposer à l’air des massifs coralliens et surélever des zones côtières.

24

OÙ SERA LE PROCHAIN SÉISME ?

QUELQUES NOTIONS ESSENTIELLES !

Figure 9 | Représentation schématique et en coupe du rebond élastique dans le cas d’une zone de subduction. La plaque continentale (à droite) se charge en énergie élastique comme un ressort entre chaque séisme, et subit un raccourcissement horizontal et des déformations verticales. Le déplacement de la plaque continentale au cours du séisme est dans le sens inverse de celui observé entre deux séismes majeurs (appelé période intersismique). En dessous d’une quarantaine de kilomètres la plaque glisse librement. Les séismes majeurs se produisent sur une zone bloquée entre chaque séisme et où les contraintes s’accumulent. Dans la zone de transition, une partie du glissement est asismique et une autre sismique. © Mathilde Radiguet.

COUPLAGE, ZONE DE SUBDUCTION ET ALÉA Le couplage est la capacité d’une faille ou d’un segment de faille d’être bloqué et d’accumuler ainsi de l’énergie élastique. Un faible couplage signifie que la faille n’est pas bloquée, elle glisse facilement en dehors de tout séisme. Les sismologues ont observé que les séismes les plus forts ont tendance à se produire dans les zones de subduction où la plaque plongeante est jeune (à l’échelle géologique des temps) et la vitesse de convergence des plaques élevée. Au contraire, les zones de subduction où la vitesse de convergence est faible et la plaque plongeante ancienne produisent peu de très forts séismes. Quelle que soit la zone de subduction, en dessous d’une quarantaine de kilomètres, les plaques 25

QUELQUES NOTIONS ESSENTIELLES !

ne sont généralement plus couplées ; la plaque plongeante poursuit sa descente entraînée par son propre poids. La notion de couplage est très importante dans l’évaluation de l’aléa sismique puisque, par définition, dans une zone peu couplée une part significative du mouvement relatif des plaques sera accommodée de manière asismique. D’ailleurs une manière de quantifier le couplage est de mesurer le rapport entre le glissement sismique et le mouvement des plaques. À 1, l’ensemble du mouvement des plaques est libéré au cours de séismes, à 0 le mouvement est totalement asismique. Une faille non couplée ne génère pas de séisme et ne contribue pas à l’aléa sismique.

LACUNE SISMIQUE La notion de lacune sismique (appelé aussi gap) fait partie intégrante du concept de rebond élastique. Une lacune sismique est un segment de faille qui n’a pas connu de séisme significatif depuis un temps approchant ou excédant la période de retour. Imaginons une faille séparant deux plaques se déplaçant à 1 cm par an. Au bout d’un siècle sans séisme et sans glissement asismique, c’est-à-dire lorsque le couplage est élevé, cette section de faille peut accommoder un glissement de 1 m, soit un séisme de magnitude 7 (Tableau 1). Et plus le temps passe, plus ce segment de faille se rapproche de la rupture. Un des exemples emblématiques de lacune sismique est la faille de Marmara, située au sud de la ville d’Istanbul, où un très fort séisme est probable au cours des prochaines décennies (voir p. 119).

ALÉA SISMIQUE ET RÉGLEMENTATION L’aléa sismique caractérise le niveau de l’activité sismique ; il prend en compte le nombre, la magnitude et la distribution géographique des séismes dans la région considérée. Plus l’aléa est élevé, plus les violents mouvements du sol seront fréquents. L’aléa étant le résultat de l’activité sismique, il ne peut pas être modifié. 26

OÙ SERA LE PROCHAIN SÉISME ?

QUELQUES NOTIONS ESSENTIELLES !

En fonction du niveau d’aléa, les autorités françaises ont défini différentes zones de sismicité. Plus la sismicité est élevée, plus les mesures de protection sont contraignantes, notamment pour les constructions de nouveaux bâtiments. Si la métropole est une zone à sismicité modérée, les Antilles sont soumises à un niveau d’aléa sismique beaucoup plus élevé (Figure 10).

Figure 10 | Carte réglementaire de l’aléa sismique en France. Cette carte définit les différentes zones sismiques et sert de base à la réglementation sismique nationale. © Ministère de l’environnement.

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QUELQUES NOTIONS ESSENTIELLES !

VULNÉRABILITÉ ET RISQUE SISMIQUE Le risque sismique est la possibilité d’avoir des pertes humaines et/ou économiques causées par des séismes. Ainsi, en plein désert, même si l’aléa est très élevé, le risque est nul car il n’y a ni habitant, ni bâtiment. Les éléments pouvant subir des dommages sont appelés les enjeux. Les enjeux regroupent bien entendu les populations, mais aussi les bâtiments, les différentes composantes de l’économie ou encore les infrastructures (routes, réseaux de télécommunications). La réduction du risque passe par la construction de bâtiments qui résistent aux secousses sismiques. Plus les bâtiments sont vulnérables, c’est-à-dire peu susceptibles de résister à une secousse, plus le risque sismique augmente.

LES PRINCIPAUX MÉTIERS DE LA SISMOLOGIE Si beaucoup considèrent que le Graal du sismologue est de prédire quand et où le prochain séisme va frapper, nous verrons dans ce paragraphe que les métiers de la sismologie sont en réalité beaucoup plus diversifiés. Les métiers de la sismologie peuvent se diviser en 3 catégories principales, les métiers liés à l’acquisition des données, les métiers d’analyse de données et enfin les métiers de la recherche. Opérateur de réseau Cette catégorie inclut plusieurs métiers avec des expertises diverses. L’opérateur est en charge du choix des sites pour l’installation des stations, de leur maintenance, de leur protection (foudre, intrusion…), de la transmission des données et d’en assurer la qualité. Il maîtrise l’électronique et les mesures physiques. Le séisme étant un phénomène court et – en tout cas aujourd’hui – imprévisible, une station sismologique doit fonctionner 24 h sur 24 et enregistrer les mouvements du sol en continu. La rigueur est donc de mise. 28

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QUELQUES NOTIONS ESSENTIELLES !

Analyste Lorsque les données arrivent dans le laboratoire, elles sont automatiquement analysées par des logiciels. Par exemple, les premières localisations, c’est-à-dire la première estimation du lieu où s’est produit le séisme, sont réalisées automatiquement. Malgré les progrès constants des traitements de données, rien ne remplace l’œil de l’expert. L’analyste est une personne clé qui, grâce à l’expérience construite au fil des ans, va affiner les traitements pour améliorer l’estimation de magnitude ou de localisation, séparer les séismes des explosions (tirs de carrières, explosions nucléaires…) et détecter des changements qui pourraient être inhabituels (problème de capteur, nouvelle source de bruit…). L’analyste constitue les catalogues de sismicité, c’est-à-dire la liste des séismes qui va ensuite être utilisée dans de nombreuses recherches et dans les évaluations de l’aléa sismique. C’est aussi lui qui valide les informations qui sont diffusées vers le public et les autorités en cas de séisme important. Plus qu’une formation initiale, ce sont les qualités de rigueur, d’observation et de précision qui font la qualité d’un analyste. Sismologue Le sismologue est un chercheur qui s’intéresse au séisme en tant que phénomène et/ou, qui utilise les ondes sismiques pour étudier la Terre. Il développe de nouvelles méthodes d’analyse, teste des hypothèses et essaye de répondre aux nombreuses questions que soulèvent encore les tremblements de terre. Une fois éprouvées, les méthodes développées passent dans le domaine de l’analyse routinière. En pratique, le sismologue est titulaire d’un Doctorat en sismologie. Sa formation initiale comprend généralement de la physique et des mathématiques car analyse des données et programmation informatique sont des outils primordiaux et quotidiens du sismologue. Trois grands types de sismologues se côtoient : les enseignantschercheurs qui vont consacrer une partie significative de leur 29

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temps à la transmission des connaissances dans les Universités, les chercheurs qui vont se consacrer à des études fondamentales et enfin des chercheurs se spécialisant dans des domaines appliqués comme la surveillance de la sismicité ou les études d’aléa sismique. En France, on peut estimer le nombre de sismologues en activité à une bonne centaine de scientifiques, la majorité étant employée par les Universités ou le CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) ou le CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique et aux énergies alternatives). L’emploi dans le secteur privé tend à se développer au service de l’industrie pétrolière (exploration, surveillance des gisements) ou des bureaux d’études et sociétés de services (études d’aléa, déploiement de réseaux de surveillance…).

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2 Comment écouter les séismes ?

Que nous disent les témoins et que nous montrent les images après un violent séisme ? Le sol et les bâtiments tremblent et le grondement est assourdissant… En fait, suite à un séisme, la Terre, l’atmosphère et même les océans se mettent à vibrer. Chaque fois que les ondes sismiques atteignent la surface du sol, ou le fond des océans, une partie de l’énergie traverse l’interface et se propage dans l’eau ou dans l’air : l’observation des séismes ne se limite pas à l’enregistrement des ondes sismiques par les sismomètres, elle passe aussi par des mesures en mer et dans l’atmosphère. Insistons sur un point essentiel : l’ensemble de ces observations sont indirectes. Personne n’a jamais observé la rupture sismique se propager sur un plan de faille, ni mesuré sur ces failles les conditions de contraintes ou de températures aux profondeurs où se produisent les séismes (de quelques km à 700 km de la surface) ! Comme pour les astrophysiciens, l’objet d’étude des sismologues reste désespérément hors d’atteinte !

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Nous présenterons dans ce chapitre comment les sismologues contournent cette difficulté en déployant des techniques d’observations dans des environnements variant de la chaleur d’un forage expérimental au froid sidéral qui entoure les satellites.

MESURER LES SÉISMES Pendant de nombreuses années, les études des tremblements de terre et de la propagation des ondes sismiques se sont cantonnées aux enregistrements provenant des stations sismiques (Figure 11). Or, lorsqu’un séisme a lieu, l’ensemble des couches de la Terre (terre solide, atmosphère et océans) se retrouvent soumises à l’excitation des divers types d’ondes se propageant depuis la source. Comprendre l’ensemble des phénomènes associés aux séismes impose d’enregistrer leurs manifestations sur Terre, dans l’atmosphère, dans les océans et même depuis l’espace. Des capteurs spécifiques à chaque milieu sont développés pour enregistrer sans le déformer le phénomène physique. Prenons l’exemple du son, le capteur sera sensible aux variations rapides de la pression de l’air. Un microphone de bonne qualité enregistrera sans les altérer aussi bien les sons aigus que les sons graves qui constituent la voix. Il a alors une bande passante en fréquence adaptée pour restituer le plus beau des opéras. En dehors de sa bande passante, le capteur ne « voit » pas le signal. Un micro classique n’enregistrera pas les ultrasons auxquels les chiens sont eux sensibles et sera inadapté à leur étude. Une bande passante adaptée au signal recherché est indispensable mais elle n’est pas suffisante. Si le bruit ambiant est trop fort car la fenêtre est ouverte sur une rue bruyante, impossible de suivre une conversation, on parlera alors de rapport signal à bruit insuffisant. Un capteur doit toujours être adapté à l’objet de l’étude. Un capteur visant à détecter des séismes de l’autre côté de la planète sera plus sensible qu’un autre dédié à l’enregistrement des mouvements forts à proximité de l’épicentre 32

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Un capteur adapté, de bonnes conditions d’enregistrements, voilà l’équation à résoudre !

Figure 11 | Station sismologique vue de l’extérieur. Seuls sont visibles les panneaux solaires assurant l’alimentation électrique et l’antenne satellite pour la transmission des données en temps réel. © CEA.

Depuis les continents L’enregistrement des ondes sismiques nécessite des capteurs sensibles aux mouvements du sol dans 3 directions perpendiculaires. Habituellement les capteurs sont orientés selon les 3 directions : Verticale/Nord-Sud/Est-Ouest. Pour un séisme comme celui de Sumatra en 2004, des déplacements exceptionnels de plus de 2 cm d’amplitude ont été observés à plusieurs milliers de kilomètre de l’épicentre pour des périodes d’oscillation supérieures à 1 minute, des périodes imperceptibles pour les humains. Pour la sismicité courante, en métropole par exemple, les déplacements enregistrés par les sismomètres sont de l’ordre du micromètre (1/1000 de millimètre) alors qu’un sismomètre situé à proximité de la source d’un séisme 33

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peut subir des amplitudes de déplacement de plusieurs dizaines de centimètres et des accélérations dépassant l’attraction terrestre (une telle accélération est en mesure de projeter en l’air un objet déposé sur le sol). Les capteurs sismiques doivent ainsi être adaptés à des gammes très importantes de mouvements. Ils sont, pour l’essentiel, basés sur un mécanisme plus ou moins complexe d’une masse en mouvement par rapport au sol (Figure 12). L’inertie de la masse, c’est-à-dire sa résistance aux variations de vitesse du sol, retranscrit les vibrations du sol. Selon le type de capteur, le signal sortant du capteur peut être proportionnel à la vitesse ou à l’accélération du sol.

Figure 12 | Schéma de principe d’un sismographe enregistrant le mouvement vertical du sol. Le socle est solidaire du sol. En cas de séisme, la masse (rectangle vert) entre en mouvement, mouvement amorti par le ressort. Ce mouvement est retranscrit sur le cylindre qui tourne à vitesse constante le long de son axe vertical. La courbe obtenue est un sismogramme, elle représente le mouvement du sol en fonction du temps appelé aussi forme d’onde.

Il existe plusieurs types d’instruments selon l’objectif recherché. Pour la simple détection des séismes, le choix des sismologues se tourne vers des capteurs moins coûteux dits courte période (période propre proche de 1 seconde d’oscillation) mesurant la vitesse le long de l’axe vertical mais peu sensibles aux basses fréquences. Bien qu’il en existe de très nombreux en fonctionnement dans le monde (les 34

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capteurs ont des durée de vie de plusieurs décennies), ils disparaissent aujourd’hui des catalogues des fabricants au profit de capteurs à bande intermédiaires dont le coût est de l’ordre de 15 000 € pour l’ensemble capteur et électronique. Pour les études scientifiques plus poussées, la largeur de la bande passante en fréquence est privilégiée au travers de sismomètres dits large bande (Broad Band en anglais). Ils sont plus coûteux, de l’ordre de 25 000 € pour le capteur de surface nu, 50 000 € avec l’ensemble de l’électronique (les prix sont beaucoup plus élevés pour des installations en forage), plus délicats à installer, mais indispensables à la recherche scientifique. Enfin, mentionnons les capteurs très large bande, environ 300 dans le monde. Ils étudient les oscillations libres de la Terre, oscillations qui apparaissent après de très gros séismes. La Terre vibre alors librement, elle résonne comme un ballon, à des périodes de plusieurs dizaines de minutes et dont les observations peuvent se poursuivre des jours après le séisme qui leur a donné naissance ! Le coût de ce type de capteur est d’environ 70 000 € mais ses coûts d’installation sont bien supérieurs.

LE SISMOMÈTRE MÉCANIQUE PEUT-IL ENCORE ÉVOLUER ? La mesure du déplacement de la masse à l’intérieur du sismomètre est principalement basée sur 2 technologies que sont la bobineaimant et les circuits électroniques adaptés. La base mécanique de ces capteurs rend leur taille et poids non négligeable: un sismomètre STS 2, un des sismomètres large bande les plus courant pèse 9 kg et se présente sous la forme d’un cylindre de 24 cm de diamètre et de haut. Depuis le début des années 2000, l’interférométrie laser a fait l’objet d’expérimentations. Elle pourrait remplacer à terme la base mécanique des capteurs large bande actuels en offrant une très large bande passante, un bruit de capteur extrêmement faible et un encombrement réduit.

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Il existe une alternative aux sismomètres mécaniques, les capteurs d’accélération basés sur la technologie MEMS (Micro Electro Mechanical Systems). Ces capteurs, souvent de moindre qualité par rapport aux accéléromètres mécaniques, présentent l’avantage d’un faible coût de fabrication ouvrant la voie au déploiement massif de capteurs comme nous le verrons plus en avant dans ce chapitre. Ce type de capteur se retrouve par exemple dans les smartphones notamment pour les jeux et dans certains ordinateurs portables pour bloquer la tête de lecture du disque dur en cas de chute. Des applications se donnent comme objectif de transformer votre téléphone ou votre ordinateur en un sismomètre portable. L’idée est de disposer à moindre coût de réseaux d’accéléromètres très denses dans les zones urbaines. Le potentiel est colossal et englobe des objectifs aussi variés que la sensibilisation des populations au risque sismique ou l’étude du comportement des bâtiments pendant une secousse sismique. Affaire à suivre…

La figure 13 montre deux enregistrements d’un même événement sur un capteur large bande et un capteur courte période. Un peu comme la photo noir et blanc et couleur d’une même scène, les capteurs large bande offrent une plus grande richesse d’information ; le capteur courte période quant à lui discerne mieux les changements rapides et est parfaitement adapté à la mesure des temps d’arrivée des ondes. Précisons un peu ce dernier point. L’information contenue dans le sismogramme courte période est aussi contenue dans le sismogramme large bande, ce dernier est plus riche en informations ! En filtrant numériquement un sismogramme large bande pour en supprimer les basses fréquences, il est aisé de produire un sismogramme courte période et d’identifier les temps d’arrivées des ondes sismiques. L’inverse n’est pas vrai : il est possible de passer d’une photo couleur à une photo noir et blanc, mais le chemin inverse est impossible sans information autre que celle de la photo.

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Figure 13 | Exemple du même séisme enregistré au même lieu sur deux capteurs différents : un capteur large bande vertical en haut (BBZ) et un capteur dit courte période (ou haute fréquence) vertical en bas (SPZ). Le capteur courte période ne « voit » pas les ondes de grande période clairement visibles à la fin du sismogramme large bande. Beaucoup moins cher et plus facile à installer, le capteur courte période contient moins d’information car il filtre en fréquence le mouvement du sol. Il est souvent utilisé pour la surveillance sismologique. © CEA.

La très grande sensibilité des capteurs de vitesse a un prix : ils sont inadaptés aux mesures des secousses sismiques violentes. Lorsque l’amplitude du mouvement dépasse sa capacité d’enregistrement, on dit que l’instrumentation sature ou qu’il n’a pas la dynamique suffisante (Figure 14). L’information perdue lors du phénomène de saturation ne peut être reconstituée et le sismogramme devient inexploitable pour mesurer correctement l’amplitude du signal. Ce phénomène se rencontre fréquemment lorsqu’un capteur est à proximité du séisme, c’est-à-dire là où les mouvements sont les plus violents.

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Figure 14 | Exemple de saturation du signal sismique sur la station SURF localisée dans les Alpes (Le Z indique que le mouvement enregistré est vertical) pour un séisme de magnitude 2,7. Bien que ce séisme soit de très faible magnitude, l’amplitude du mouvement à cette station à quelques kilomètres de l’épicentre dépasse la capacité d’enregistrement de l’instrument, ce qui démontre sa très haute sensibilité. L’amplitude des ondes du même séisme enregistrées sur les stations GRN et GDM (en haut) situées à plus grande distance de l’épicentre est beaucoup plus faible. Un séisme de magnitude 7 sature les stations large bande jusqu’à 300 km de l’épicentre. © CEA.

Pour les mesures à proximité de l’épicentre, dites en champ proche, les sismologues remplacent les vélocimètres par des accéléromètres (Figure 15) afin d’éviter tout phénomène de saturation du capteur. Les accéléromètres peuvent classiquement enregistrer des accélérations atteignant 2 g, soit deux fois la pesanteur terrestre sachant que 1 g d’accélération verticale suffit à faire décoller les objets posés sur le sol ! On comprend pourquoi on parle de mouvements forts ! En pratique, dans les pays où l’activité sismique est élevée, comme en Italie, au Japon, de plus en plus de stations sismologiques sont composées de deux capteurs : un vélocimètre pour détecter les signaux faibles et un accéléromètre pour les mouvements forts. 38

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Figure 15 | Exemple de capteurs sismique de gauche à droite, un capteur 3-composantes courte période, un accéléromètre 3-composantes et enfin un capteur large bande 3-composantes. Les deux premiers ont des dimensions d’une quinzaine de centimètres, un capteur large bande une trentaine de centimètres et pèse autour de 9 kg. Un capteur 3 axes enregistre le mouvement sismique suivant la verticale et les deux directions horizontales (N-S et E-O). Lors de son installation, l’horizontalité du capteur est vérifiée sur le niveau à bulle visible sur l’accéléromètre. © DR.

Du fait de la mécanique mais également de l’électronique mises en jeu, les capteurs sismiques sont sensibles à leur environnement, et notamment aux variations de température et de pression atmosphérique. Leur sensibilité peut descendre à 10-10 m/s (1 dixième de milliardième de mètre), un simple mouvement d’air peut alors perturber les enregistrements. Ainsi, les meilleures stations sismiques disposent de capteurs implantés soit en forage (Figure 16) à plusieurs dizaines de mètres de profondeur soit dans des caves isolées des variations thermiques et de pression extérieures par un système de sas faisant tampon avec la pièce abritant le capteur. Inutile de préciser que le coût d’une telle installation est significatif, et dépasse souvent les 100 000 €.

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Figure 16 | Installation d’un sismomètre en forage. Le sismomètre est le cylindre d’acier. Il sera descendu jusqu’au fond du forage et sera soit cimenté en fond de forage soit recouvert de billes de petites tailles assurant le couplage entre les parois du forage et le capteur. Une des difficultés est d’assurer la verticalité du capteur pour son bon fonctionnement. © kinemetrics.

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POURQUOI NE PAS INSTRUMENTER DIRECTEMENT LES FAILLES ? Car il est techniquement difficile de forer au-delà des premiers kilomètres de profondeur, quasiment impossible de dépasser la dizaine de kilomètres et surtout les conditions sont très éprouvantes pour les capteurs. En effet, en moyenne, la pression et la température à l’intérieur de la Terre augmentent respectivement de 300 fois la pression atmosphérique et de 10 à 30 °C tous les kilomètres. Ces conditions ainsi que les coûts de forage et de maintenance font que seuls les premiers kilomètres sont accessibles pour l’instrumentation. Le forage le plus profond jamais effectué est situé sur la presqu’île de Kola en Russie, région qui regroupe des conditions particulièrement favorables ; il a atteint la profondeur de 12 262 m après 19 ans (!) de travaux. En France, les forages géophysiques de Soultz-sous-Forêts dédiés à une expérimentation d’exploitation de l’énergie géothermique (injecter de l’eau froide dans un forage et récupérer de l’eau chaude dans un forage proche) ont atteint 5 km de profondeur. En pratique, l’instrumentation sismique en forage reste exceptionnelle au-delà des premières centaines de mètres. Des projets pilotes existent néanmoins. Un forage de 2 km a été foré sur la faille responsable du séisme de Chi-Chi (Taïwan) en 1999 de magnitude 7,7 afin de prélever des échantillons et essayer de mieux comprendre l’état des contraintes sur la faille. Au Japon, un forage a été réalisé en 2012, sur la faille ayant jouée lors du séisme de T hoku de 2011 afin d’effectuer des prélèvements mais aussi d’installer des mesures de température afin de mieux estimer la part de l’énergie dissipée sous forme de chaleur. Le défi dans ce cas ? Atteindre le fond de l’océan à 7 000 m de profondeur avant même de débuter le forage, de forer le fond de l’océan sous une colonne d’eau de 7 000 m puis réaliser un forage de 850 m ! Enfin, mentionnons le projet SAFOD (San Andreas Fault Observatory at Depth) d’instrumentation en profondeur de la faille de San Andreas en Californie. Un forage pilote de 2 200 m a été foré en 2002 à proximité de la faille. Le forage principal a atteint la faille de San Andreas et un observatoire de fond de puits a été installé en 2008 à 2,7 km de profondeur afin de comprendre les processus physiques et chimiques qui contrôlent la déformation et la génération des séismes. Les données s’accumulent, les failles commencent à livrer leurs secrets.

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En France, les meilleures stations sismiques pour la surveillance de la sismicité, dites de classe A+, se trouvent dans d’anciennes galeries relativement profondes dans des massifs montagneux et loin des sources de bruit et notamment des activités humaines (villes, sites industriels…). Des stations, souvent des accéléromètres peuvent aussi être installées dans des milieux très différents, et notamment en milieu urbain, pour contribuer aux études d’aléa sismique. Nous avons vu les mesures des mouvements du sol en vitesse et en accélération grâce aux différents sismomètres. Depuis quelques années ces mesures des ondes sismiques sont complétées par des mesures en déplacements par l’utilisation de GPS spécifiques appelés RTK (Real Time Kinematic). Quand nous utilisons notre voiture, le GPS mesure notre position à chaque instant. Le principe reste le même en sismologie, la précision des GPS RTK étant bien supérieure, le GPS RTK pourra mesurer les déplacements à chaque instant lors du passage des ondes. Dans les océans Les ondes sismiques peuvent également être mesurées par des capteurs placés sur le fond marin (capteurs dits OBS pour OceanBottom Seismometer). Les OBS (Figure 17) utilisent une technologie similaire aux sismomètres de surface. Les océans représentant plus de 70 % de la surface du globe, l’apport scientifique de ce type de mesure est primordial notamment pour les études de la structure interne de la Terre. La difficulté est de s’adapter aux conditions de pression, salinité, et de transmettre énergie et données entre le fond de l’océan et la surface puis de la surface de l’océan au laboratoire.

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Figure 17 | Installation de mesures géophysiques en fond de mer. Ce site d’observation fond de mer appelé MOMAR est situé au sud des Açores par 1 740 m de profondeur. En arrière-plan se trouve un sismomètre (OBS) couplé à un capteur de pression. Au premier plan se trouve une balise acoustique chargée de transmettre les données vers la bouée en surface. © ifremer-Victor/Campagne Momarsat 2011.

LES OCÉANS : LA NOUVELLE FRONTIÈRE La surface du globe est couverte à 70 % par les océans, et ces 70 % sont à de rares exceptions près, vierges de toute station sismique ! Notre connaissance de la sismicité du Globe est ainsi basée sur des observations très parcellaires et réparties sur seulement 30 % de la surface de notre planète ! Les difficultés sont légion : installer solidement un capteur sur le fond de l’océan à 100, 1 000 ou 4 000 m de profondeur à partir du pont d’un bateau, le récupérer pour réparation ou opérations de maintenance, transmettre les données, l’alimentation électrique, faire survivre l’instrumentation sous fortes pressions, la corrosion… Les coûts sont sans commune mesure avec une installation à terre. Les océans sont aujourd’hui la nouvelle frontière de la sismologie.

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Des expériences pilotes sont en cours en Europe et ailleurs. Au large de Porquerolles en Méditerranée, un sismomètre est installé par 2 300 m de profondeur et bénéficie de l’infrastructure mise en place pour un télescope à neutrino appelé ANTARES. Au Japon, des câbles d’une vingtaine de kilomètres relient les capteurs aux installations terrestres et prolongent en mer les observations des séismes. Suite au séisme de T hoku en 2011 (le séisme qui déclencha le tsunami et, par conséquence, l’accident de Fukushima), les Japonais ont débuté en 2015 l’installation de 154 sismomètres et tsunamimètres supplémentaires sur le fond de l’océan entre la côte Nord-Est de l’île d’Honshu et la fosse où s’est produit le séisme à une centaine de kilomètres ce qui reste sans conteste, l’effort le plus conséquent dans ce domaine. Les capteurs sont installés le long de segments de fibre optique déposés en serpentins au fond de l’océan, chaque extrémité étant reliée au bâtiment d’acquisition sur la côte. La longueur totale de fibre optique à installer est de 6 000 km (Figure 18) ! Malgré ces efforts, le fond des océans reste encore très largement une page blanche pour les observations sismologiques. Un projet totalement différent appelé MERMAID pour « Mobile Earthquake Recorder in Marine Areas by Independent Divers » est testé depuis quelques années par l’Université de Nice. MERMAID, qui signifie « sirène » est basé sur de petits robots sous-marins qui flottent à 2 000 m de profondeur et voguent au gré des courants ; dès lors que l’un d’entre eux décèle une onde sismique, il remonte rapidement à la surface, envoie ses données et sa localisation GPS et replonge vers les profondeurs pour poursuivre son voyage.

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Figure 18 | Représentation du réseau sous-marin installé au large de l’île d’Honshu (Japon). Une fibre optique relie à des centres d’observations les 154 points d’observations situés en mer, chacun étant composé d’un sismomètre et d’un capteur de pression destiné à mesurer les tsunamis. © NIED.

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Lorsqu’une onde sismique atteint le fond de l’océan, une partie de l’énergie est transmise dans l’eau sous forme d’onde acoustique. Ce phénomène, dit de couplage, génère des ondes hydroacoustiques se propageant dans une couche particulière des océans appelée SOFAR (SOund Fixing And Ranging channel). Cette couche, située à une profondeur moyenne de 700-1000 m n’atténue que très peu les ondes assurant une propagation efficace sur de très grandes distances. Le SOFAR peut être surveillé par des capteurs de pression hydroacoustique. Ils sont généralement installés le long de câbles notamment sur des îles présentant des côtes abruptes atteignant rapidement la profondeur du SOFAR. À chaque point de mesure, trois capteurs sont installés afin de pouvoir déterminer l’orientation et la vitesse des ondes, un peu comme nos deux oreilles nous aident à localiser d’où vient le bruit. Deux points de mesures de 3 capteurs chacun sont généralement installés de part et d’autre de l’île pour assurer une surveillance à 360°. Ces ondes se transmettent sur de telles distances que, dans le cadre du système de surveillance du Traité d’Interdiction complète des Essais nucléaires, seules onze stations hydroacoustiques suffisent pour assurer la détection d’éventuels essais nucléaires sous-marins pour l’ensemble de notre planète. Les ondes transmises par le SOFAR sont issues de la conversion d’une onde sismique en onde hydroacoustique lorsqu’elle atteint le fond de l’océan. La conversion inverse peut aussi être observée : l’onde hydroacoustique, lorsqu’elle rencontre la côte peut ainsi donner naissance à une nouvelle onde sismique, appelée onde T dont l’amplitude peut être significative : elle est pour certains séismes algériens enregistrés par les stations du sud de la France, l’onde présentant la plus forte énergie !

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LES SONS DANS LES OCÉANS Les cétacés ne s’y sont pas trompés : ils utilisent le SOFAR situé à une profondeur moyenne de 700 à 1000 m et jouant le rôle de guide d’ondes acoustiques pour communiquer sur de grandes distances. La profondeur de cette couche dépend de la température et de la salinité de l’eau. Instrumenter cette couche (Figure 19) avec des hydrophones permet d’écouter des phénomènes lointains avec une grande efficacité. Cette propagation est si efficace qu’il a été possible d’enregistrer des explosions de grenades marines de quelques kilogrammes sur la côte Est du Japon à plus de 3 000 km et d’en déterminer la profondeur et la charge !

Figure 19 | Représentation d’une installation hydroacoustique. Trois capteurs installés au fond de l’océan assurent la détection et la mesure des ondes sonores se propageant dans le SOFAR. Ils sont reliés par des câbles au centre de traitement qui renvoie les données par satellite. Pour éviter qu’ils ne soient détruits par les vagues, les câbles passent par un forage pour rejoindre le centre de traitement. © DR.

En décembre 2004, a eu lieu au large de Sumatra l’un des séismes les plus importants des temps historiques avec une magnitude de 9,2 et une rupture de plus de 1 200 km de long entre le nord de Sumatra et les îles Andaman. Ce séisme a surpris les sismologues et les outils n’avaient pas été prévus pour analyser un tremblement de terre d’une telle ampleur : longueur de rupture et magnitude restaient incertaines même 24 h après le séisme. Une étude originale a montré qu’il était possible de suivre la rupture de ces

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grands séismes à partir des données hydroacoustiques et de déterminer la longueur de rupture en quelques minutes seulement (Figure 20) ! Cette information, complémentaire à la magnitude, est essentielle aux calculs de simulation de tsunamis souvent générés par ce type de séisme.

Figure 20 | Cette figure complexe illustre l’étude d’un grand séisme, le séisme de Sumatra du 26 décembre 2004, cause du terrible tsunami qui ravagea les côtes de l’océan Indien. Ce séisme a provoqué une rupture de 1 200 km le long de Sumatra (Indonésie) au Sud aux îles Andaman au Nord. L’étude d’un enregistrement du séisme (en bas à gauche) par une station hydroacoustique (triangle) de l’océan Indien (carte à droite) identifie à chaque moment du sismogramme la direction (l’azimut) d’où provient l’énergie sismique (en haut à gauche). L’azimut est représenté en couleur (en haut à gauche et sur la carte). Au début du séisme, l’énergie est libérée suivant un azimut (rouge) correspondant au Nord de l’île de Sumatra, 10 minutes plus tard, vers 01:40, l’azimut (bleu) correspond à la position des îles Andaman. Ainsi la propagation de la rupture sismique peut être imagée à partir d’une seule station hydroacoustique si celle-ci est bien placée.

Dans l’atmosphère Le phénomène de couplage qui existe entre la Terre et les océans existe également avec l’atmosphère. Une partie de l’énergie sismique est ainsi convertie à l’interface Terre-Atmosphère et génère des trains d’ondes acoustiques qui se propagent dans l’atmosphère. Une illustration de ce type de couplage est le grondement parfois entendu par les personnes se trouvant à proximité d’un séisme ; le phénomène est restreint à quelques kilomètres ou quelques dizaines de kilomètres autour de l’épicentre car l’atténuation des ondes sonores est forte. Dans des gammes de fréquence plus basses, les ondes sont qualifiées d’infrasonores. Elles sont non perceptibles par l’oreille humaine et se propagent à des distances beaucoup plus grandes que les ondes 48

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sonores. Leurs mesures sont réalisées à l’aide des micro-baromètres (Figure 21). Ces capteurs sont basés sur un soufflet extrêmement sensible enregistrant des variations de pression de l’ordre du dixième de milli-Pascal (1/10 000 de la pression atmosphérique). À titre de comparaison, les variations de pression atmosphérique liées au passage d’une dépression atteignent les 3 000 Pascal ! Comme pour l’hydroacoustique, plusieurs capteurs seront installés à proximité les uns des autres pour former une « antenne » afin de déterminer la vitesse et la direction de propagation des ondes infrasonores. L’atmosphère dans lequel se propagent les infrasons connaît des variations rapides (journalières, saisonnières) et complexes qui modifient le parcours des ondes ! C’est une différence notable avec la sismologie terrestre où les caractéristiques du milieu de propagation, la terre, sont stables. Localiser des sources d’infrasons impose de prendre en compte les variations saisonnières et météorologiques qui modifient les caractéristiques de l’atmosphère. À quoi peuvent servir ces ondes ? Étant de plus basses fréquences que les ondes sonores, elles rencontrent une plus faible résistance du milieu durant leur propagation – une atténuation plus faible – et autorisent des détections des sources d’infrasons à grande distance. Les sources d’infrasons peuvent être d’origine naturelle, comme les éruptions volcaniques ou humaines comme d’éventuels essais nucléaires aériens, ou les très fortes explosions comme celle du port de Tianjin (Chine) en août 2015. Les éléphants émettant eux aussi des ondes infrasonores pour communiquer entre eux, elles pourraient même être un outil d’études des pachydermes, comme les capteurs hydroacoustiques espionnent les conversations des baleines !

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Figure 21 | Site d’une station de mesure infrason. Le capteur (en haut à gauche) infrason MB2000 développé au CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique et aux énergies alternatives) est installé dans une cave de mesure reliée à chacun des tuyaux visibles sur l’image. Cette disposition vise à réduire le bruit et améliorer la détection des ondes infrasonores. © CEA.

COMMENT A RÉAGI L’ATMOSPHÈRE AU SÉISME DE TOHOKU ? À l’image du son émis par les vibrations de la peau d’un tambour ou de la membrane d’une enceinte, lorsqu’elle fût secouée par le séisme de T hoku, l’île du Japon émit des ondes infrasonores dans l’atmosphère. À partir de l’enregistrement de ces ondes, il a été possible de remonter à leur origine, c’est-à-dire aux mouvements du sol dans tout l’archipel. La validité du résultat a pu être confirmée en comparant le résultat déduit de l’analyse des infrasons aux mesures directes du mouvement du sol provenant des sismomètres (Figure 22). Ce séisme a été tellement violent que des perturbations se sont propagées jusqu’à l’ionosphère à 350 km d’altitude.

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Figure 22 | En cas de très fort séisme, comme le séisme de T hoku au Japon en 2011, la surface du sol agit comme la membrane d’un haut-parleur en devenant une source d’infrason. La figure de gauche représente l’amplitude de l’accélération du sol mesurée au sol. À droite, les variations d’amplitude du mouvement ont été recalculées à partir d’enregistrements d’infrasons. Sans rentrer dans le détail de l’étude ou des légendes, la comparaison visuelle des deux figures montre une bonne cohérence. L’étoile représente l’épicentre du séisme et le contour noir la projection en surface de la rupture du séisme.

MESURER LES MOUVEMENTS DU SOL DEPUIS L’ESPACE Le GPS sait, dans certains cas, mesurer le passage des ondes sismiques, comme nous l’avons déjà mentionné. Mais ce n’est pas son principal apport à la sismologie : le GPS a surtout révolutionné la géodésie, c’est-à-dire les mesures de déplacements du sol avant et après un séisme. Avant un séisme, les plaques bougent doucement, imperceptiblement, l’énergie s’accumule jusqu’au moment du séisme. Le séisme produit un déplacement sur la faille, mais dans les jours et semaines suivantes, la faille peut continuer à bouger lentement sans séisme. C’est le déplacement postsismique. L’apport majeur du GPS en sismologie est de couvrir l’histoire de ces déplacements. Le GPS (Global Positioning System) a pour objet le positionnement précis de tous points à la surface terrestre. Basé comme ses homologues GLONASS (Russie) et GALILEO (Europe) sur des constellations de satellites, le GPS mesure des déplacements de l’ordre du millimètre. 51

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Lors du séisme de T hoku, le réseau GPS Japonais a mesuré des déplacements cosismiques de 3 mètres sur l’île d’Honshu (Figure 23) ! La déformation observée en surface donne des indications sur ce qui s’est passé en profondeur, comme on peut deviner la forme d’un objet enterré à faible profondeur. En analysant la répartition des déplacements mesurés en différents points de l’île, le sismologue peut en déduire la distribution du glissement sur le plan de faille situé en mer. Depuis le milieu des années 1990, une autre technique a vu le jour pour mesurer la déformation du sol : l’interférométrie radar satellitaire. À la différence du GPS, elle offre non pas des mesures ponctuelles de cette déformation, mais produit une carte. Plus besoin d’estimer les déformations entre chaque point de mesures GPS. Le principe est de comparer deux images radar de la même région acquises par un même satellite à deux instants différents. Si entre les deux passages du satellite, un événement a provoqué des déformations de la surface du sol, ces dernières seront cartographiées par interférométrie, une technique exploitant les interférences entre des ondes cohérentes. Ainsi, une montée de magma à l’intérieur d’un volcan qui provoque son gonflement sera détectée et cartographiée par cette technique La pratique est un peu plus complexe. L’interférométrie ne donne pas directement la cartographie des déformations, le résultat se présente sous la forme de franges d’interférométrie (Figure 24) qu’il faut convertir en déplacement. Mesures GPS et interférométrie radar sont complémentaires : l’interférométrie donne la cartographie des déformations entre deux instants donnés espacés de plusieurs jours ou semaines, alors que les GPS mesurent chaque seconde les déplacements d’un point donné.

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Figure 23 | Carte des mouvements enregistrés par le réseau GPS du Japon lors du séisme de T hoku en mars 2011. Les longueurs des flèches, exagérées ici, montrent la direction et l’ampleur de la déformation. Le rectangle noir représente la projection en surface de la rupture sismique. Des déplacements horizontaux exceptionnels de 3 m ont ainsi été observés au cours de ce séisme, l’île se déplaçant vers l’est. Les déplacements varient fortement en fonction de la position. La densité du réseau GPS est exceptionnelle au Japon, plus de 1 000 stations soit un maillage de 25 km. À titre de comparaison, le réseau permanent en métropole inclut environ 70 stations. © Tectonics Observatory.

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Figure 24 | L’interférométrie radar est un autre moyen de cartographier les déplacements en surface après un séisme, la figure 23 présentant ces déplacements mesurés pour le même séisme de T hoku à partir de stations GPS. Contrairement au GPS, l’interférométrie radar est une mesure continue dans l'espace. En revanche, la mesure est plus complexe car sous forme de franges qu’il faut compter pour retrouver la mesure du déplacement. Trois bandes sont visibles sur cet interférogramme, elles correspondent chacune à un passage du satellite au-dessus du Japon et au cours duquel les données sont acquises. © Tectonics Observatory.

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LA GÉODÉSIE SOUS-MARINE Un des chantiers actuels en géodésie est le développement des mesures en fond de mer afin d’étudier le comportement des failles sous-marines. Schématiquement, il s’agit d’immerger un réseau de balises acoustiques (c’est-à-dire qui communiquent entre elles par ondes sonores) bien ancrées au fond marin. Les variations de temps de parcours des ondes acoustiques entre les éléments du réseau reflètent les mouvements relatifs horizontaux entre les balises ; les déformations verticales sont mesurées par des capteurs de pression (après correction des marées). Ces mesures sont relatives, et un bateau est indispensable pour les rattacher aux mesures GPS faites sur terre (Figure 25). La position du bateau est alors mesurée simultanément depuis la surface par GPS et depuis le fond grâce aux balises acoustiques. Les défis restent majeurs, les techniques évoluent rapidement, et les coûts sont substantiels mais ces mesures sont indispensables comme par exemple en mer de Marmara au sud d’Istanbul où un fort séisme risque de se produire au cours des prochaines décennies (voir encart Le cas d'Istanbul, p. 119). On peut espérer mieux l’anticiper si l’on a pu observer le fonctionnement de la faille sur une certaine période avant le séisme.

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Figure 25 | Schéma de fonctionnement des mesures géodésiques sous-marines. Les balises acoustiques installées en fond de mer mesurent les déplacements relatifs entre balises. Pour obtenir des déplacements par rapport à un point de référence situé à terre, ces mesures doivent être calées par GPS. Cette opération est réalisée par un bateau qui communique avec les balises et dont la position par rapport au point de référence est déterminée par GPS. © Pierre Sakic.

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DU CAPTEUR AUX ANTENNES DE CAPTEURS Les antennes de capteurs Une antenne est composée de plusieurs capteurs positionnés à proximité les uns des autres et dont les données ne seront pas traitées individuellement capteur par capteur mais conjointement. Ces traitements extraient les caractéristiques du champ d’ondes, notamment la direction de propagation et améliorent la capacité de détection d’un signal faible (par rapport à un capteur isolé). Pour la sismologie, une antenne standard comporte une dizaine de capteurs déployés dans un rayon de quelques centaines de mètres à quelques kilomètres. Cette distance entre capteurs est reliée aux longueurs d’ondes et donc aux fréquences des ondes ciblées. À titre d’exemple, l’antenne sismique ARCES en Norvège est constituée de 25 capteurs, un au centre et les autres répartis sur 4 cercles de 150 m, 325 m, 700 m et 1 500 m de rayon (Figure 26). L’idée fondamentale est d’exploiter la cohérence (c’est-à-dire la ressemblance) des signaux enregistrés d’un capteur à un autre pour s’affranchir le plus possible du bruit et détecter des signaux de très faible amplitude. Une technique consiste à « sommer » les sismogrammes enregistrés à plusieurs capteurs proches les uns des autres, c’est-à-dire d’additionner à chaque instant la valeur de chacun des sismogrammes et obtenir ainsi un sismogramme unique. Les ondes sismiques qui sont cohérentes entre chacun des capteurs s’additionnent alors que le bruit, plus aléatoire, tend à s’annuler lors de la sommation. Cette technique améliore le rapport signal sur bruit et la détection des faibles signaux (Figure 27) ce qui en fait un outil essentiel de surveillance du traité d’interdiction des essais nucléaires.

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Figure 26 | Carte de l’antenne de capteurs sismologiques ARCES développée, initialement, pour la détection des essais nucléaires souterrains soviétiques. Chaque symbole correspond à une station sismologique. Les stations sont installées dans un cercle de 3 km de diamètre. Des capteurs infrasons sont localisés avec les stations sismologiques représentées par des triangles jaunes. Les triangles rouges représentes des capteurs large bande. © Norsar.

Figure 27 | Un des avantages des antennes sismiques est de pouvoir détecter des signaux faibles par sommation. Le signal enregistré à chacune des 19 stations du réseau GERES est sommé. Le signal somme en noir présente une réduction de l’amplitude du bruit d’un facteur 4 et améliore la détection des signaux faibles. Cette amélioration s’explique par le fait que, contrairement au signal sismique, le bruit à chaque station n’est pas cohérent.

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Ce n’est pas tout, la cohérence du signal entre les capteurs permet aussi de déterminer avec précision le temps de propagation du front d’onde en analysant les variations les plus subtiles d’un capteur à un autre. Ainsi, une seule antenne de capteurs, si elle est bien placée par rapport au plan de faille, peut suivre la propagation de la rupture sur la faille lors des tremblements de terre de forte magnitude, comme lors du séisme de Sumatra en 2004, où cette technique a été appliquée sur une antenne hydroacoustique (voir Figure 20). Ce chapitre a illustré les moyens déployés pour l’observation des tremblements de terre et comment la science et la technique essayent de conquérir les océans pour améliorer sans cesse ces observations. Le chapitre suivant présente les analyses réalisées au quotidien à partir de ces données.

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3 La routine du sismologue

L

e 21 novembre 2013, la population de la région de Vannes en Bretagne est secouée par un séisme, certains entendent un grondement. Après quelques secondes d’étonnement, le retour au calme, puis la recherche d’information, qui en allumant la télévision, en surfant sur Internet ou en appelant les pompiers. Le sismologue d’astreinte a lui déjà été averti par son bipeur. Il vérifie qu’aucune erreur n’est venue entacher les résultats des traitements automatiques des signaux renvoyés par les sismomètres du réseau national. Il avertit, généralement une vingtaine de minutes après le séisme, le centre de la sécurité civile qu’un séisme de magnitude 4,6 vient d’avoir lieu près de Vannes et que, au vu de sa magnitude, aucun dégât significatif n’est à craindre. Le centre téléphonique de la sécurité civile reçoit déjà de nombreux appels et l’officier a maintenant une réponse claire à fournir. Entre-temps, données sismologiques, localisation et magnitude du séisme ont été automatiquement partagées avec les autres instituts scientifiques en Europe et dans le monde.

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Tout ce travail repose sur un réseau national de stations sismiques qui enregistrent 24 h/24 et de manière continue les moindres vibrations du sol. Nous présentons dans ce chapitre comment se construisent ces réseaux, les traitements appliqués au quotidien par le sismologue en continuant par la présentation de l’alerte au tsunami et des efforts réalisés pour fiabiliser les estimations rapides des dégâts. Cette routine du sismologue sera illustrée par un cas beaucoup plus exceptionnel, l’analyse en temps réel du séisme de T hoku de 2011 réalisée par nos collègues Japonais.

RÉSEAUX DE SURVEILLANCE, LOCALISATION ET MAGNITUDE Construire un réseau de surveillance Un réseau de surveillance est construit en fonction de la zone à surveiller et de la magnitude des séismes que l’on souhaite détecter. Le premier réseau mondial dans les années 1950 était constitué d’une centaine de stations réparties sur le Globe. Il enregistrait tous les séismes de magnitude supérieure à 5, soit en moyenne 1 500 séismes par an environ. À une échelle beaucoup plus petite, certaines mines, comme les mines de diamants et d’or en Afrique du Sud sont équipées de réseaux de surveillance pour la protection des mineurs. Ces mines atteignent des profondeurs de plus de 3 km et à ces profondeurs, la paroi des galeries peut exploser (phénomène connu sous le nom rockburst en anglais) sous la pression des terrains situés au-dessus d’elles. L’objectif de ces réseaux n’est pas d’enregistrer les séismes mondiaux mais de détecter les moindres petits craquements pouvant précéder un tel rockburst. Il existe des similitudes et bien sûr des différences entre un réseau qui ausculte la planète à la recherche de forts séismes et un réseau espionnant des craquements dans des parois de mines. 62

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S’agissant des similitudes, dans les deux cas les stations seront installées de telle sorte qu’elles entourent, de manière aussi homogène que possible, la zone ou le volume à surveiller. Dans les deux cas, on essayera de ne pas placer ces stations à proximité de sources de bruit sismique qu’elles soient d’origine naturelle (par exemple une rivière, ou des arbres dont les moindres mouvements dus au vent sont transmis par leurs racines…) ou d’origine humaine (trafic routier, canalisations souterraines…). Une étude théorique, sur carte ou plan, identifie les zones à prospecter et des mesures de bruit viennent ensuite affiner ces choix. Le choix final de l’emplacement d’une station demeure toujours un compromis : le bruit doit certes être faible, mais le site doit demeurer accessible pour les opérations de maintenance et, suivant les options techniques retenues et la finalité du réseau, l’accès à l’électricité et aux moyens de communications peuvent être des paramètres déterminants. Il existe en revanche des différences sur l’instrumentation déployée : dans une mine, les capteurs enregistreront des signaux de haute fréquence, typiquement jusqu’à plusieurs kHz (plusieurs milliers de Hz), générés par des microséismes de magnitude parfois négative (le calcul de la magnitude étant issu d’un logarithme, c’est possible !), alors que pour l’observation des forts séismes au niveau mondial, l’objectif sera d’enregistrer la totalité du spectre du signal généré, du centième de Hz à une dizaine de Hz. Les réseaux sismologiques enregistrent les mouvements du sol en continu, qu’il y ait ou non des séismes, et 24 h sur 24, 7 jours sur 7. Ces données doivent être transmises pour être analysées. Le choix du mode de transmission dépend de son coût et de la finalité du réseau. Un réseau opérationnel ayant pour vocation de prévenir les autorités se doit de fonctionner même en cas de fort séisme car c’est à cet instant que son rôle est crucial, alimentation électrique et transmission de données seront particulièrement fiables et robustes. L’alimentation électrique sera ainsi doublée par 63

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des batteries autonomes, et les transmissions par liaison satellite seront redondées (c’est-à-dire que l’on aura, à tout moment, la possibilité d’utiliser deux satellites différents). Mais ce n’est pas suffisant. Derrière cette description technique se greffe aussi une organisation de moyens matériels et humains dédiés, astreinte, redondance des équipements, permanence à même de corriger rapidement le moindre défaut et réparer la plus petite panne. C’est ce type d’organisation et de moyens techniques qui sont mis en œuvre par le CEA pour le Centre National d’Alerte aux Tsunamis (CENALT) de Bruyères-le-Châtel où la protection des populations impose une remontée d’information obligatoire vers la sécurité civile en moins de 15 minutes, quels que soient l’instant ou les circonstances (Figure 28).

Figure 28 | Le CENALT assure la surveillance 24 h sur 24 des tsunamis pouvant affecter les côtes métropolitaines. L’opérateur analyse les données sismologiques et informe la protection civile dans les 15 minutes qui suivent un séisme pouvant avoir généré un tsunami. © CEA.

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LA SURVEILLANCE DES TSUNAMIS EN FRANCE Le CENALT est en charge de la surveillance des tsunamis pouvant affecter les côtes métropolitaines. Le Centre d’information sur les tsunamis du Pacifique (PTWC) à Hawaï fournit les informations pour la mer des Caraïbes et c’est Météo-France, point focal pour les Antilles françaises, qui relaie les informations vers les autorités locales. Le même schéma est en place dans l’océan Indien où Météo-France est là encore le relai pour la Réunion. En Polynésie, un laboratoire du CEA émet les alertes pour les territoires français de la région. La situation de la Polynésie en plein cœur du Pacifique a deux conséquences. En premier lieu, elle peut être affectée par un grand nombre de tsunamis se produisant dans cet océan, que le séisme ait lieu au Chili ou au Japon. En second lieu, étant éloignée des zones de subduction où les séismes tsunamigéniques ont lieu, le laboratoire dispose de plusieurs heures pour délivrer son analyse du tsunami à venir.

Détection, localisation et magnitude Le travail au quotidien d’un réseau de surveillance consiste à détecter, enregistrer et caractériser les séismes, c’est-à-dire déterminer leur position (épicentre et profondeur), l’heure exacte à laquelle ils se sont produits (heure origine) et leur magnitude. Le processus de localisation utilise les propriétés de propagation des ondes sismiques. Quand un séisme se produit à l’intérieur du réseau de surveillance, la première station à enregistrer le séisme sera celle la plus proche de l’épicentre, la seconde la plus proche verra l’onde sismique en second et ainsi de suite (Figure 29). La localisation du séisme sera la position (latitude, longitude et profondeur) qui donnera le meilleur accord avec les temps d’arrivées des ondes sismiques observés aux différentes stations et les temps d’arrivées théoriques calculés à partir de cette position et des vitesses des ondes sismiques. Inutile d’insister sur l’importance du calage précis, au centième de seconde, des horloges internes des différentes stations et sur la nécessité de connaître la vitesse de propagation des ondes sismiques pour localiser précisément un séisme. 65

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Figure 29 | Plus une station est éloignée de l’épicentre plus la première onde (onde P) l’atteindra tard (en haut). La différence de temps d’arrivées sur une station donnée entre les ondes P et les secondes ondes (appelées S) caractérise la distance existant entre l’épicentre et la station. Lorsque plusieurs stations enregistrent un même séisme, l’épicentre peut être déterminé en traçant des cercles centrés sur chaque station et dont le rayon est égal à la distance entre l’épicentre et la station considérée ; l’épicentre est alors situé à l’intersection des cercles. Cette méthode a été utilisée jusqu’au milieu du XXe siècle, aujourd’hui les algorithmes de localisation sont beaucoup plus complexes et précis.

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Cette méthode de localisation est la plus simple mais beaucoup d’autres existent. Par exemple, sur des capteurs à 3 composantes (c’est-à-dire mesurant l’onde sismique dans les 3 directions de l’espace, les deux directions horizontales et la verticale), la direction de propagation du mouvement sismique peut être mesurée et intégrée dans le processus de localisation. Lorsque l’on s’intéresse à un essaim de séismes, les localisations relatives peuvent être plus pertinentes. La localisation du séisme maître, en général le séisme de plus forte magnitude, est déterminée de manière classique, et la localisation de chacun des autres séismes sera calculée par rapport à celle-ci en analysant les variations des temps de propagation sur chacun des trajets entre le séisme considéré et chacune des stations par rapport au séisme de référence. L’avantage de cette approche est de mieux imager la géométrie de l’essaim sismique pour identifier par exemple une éventuelle faille ; elle est souvent mise en œuvre pour l’étude des répliques.

DE NOUVELLES APPROCHES POUR ESTIMER LA PROFONDEUR DES SÉISMES La profondeur des séismes est un paramètre essentiel tant pour identifier les failles que pour évaluer l’aléa sismique : à magnitude égale, un séisme provoquera une secousse d’autant plus violente dans la zone épicentrale qu’il est proche de la surface. Pourtant, la profondeur reste souvent entachée d’une incertitude non négligeable. La raison est simple : la profondeur et le temps origine du séisme sont liés. Qu’il soit localisé à 10 ou à 15 km de profondeur, un séisme donnera des différences de temps de propagation mesurés à la surface de la Terre similaires dans les 2 cas. La seule différence sera que le séisme à 15 km de profondeur se sera produit environ 1 s avant un séisme ayant le même épicentre mais situé à 10 km.

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Il existe malgré tout des techniques permettant de déterminer ce paramètre avec une très grande précision. Ces techniques se basent sur les enregistrements des signaux sismiques dits lointains (> 3 000 km de distance) et sont donc limitées aux séismes suffisamment puissants (M > 4,0-4,5 environ) pour être enregistrés à de telles distances. Lorsque l’onde sismique arrive à la surface, une partie est réfléchie comme sur un miroir et poursuit son parcours à l’intérieur de la Terre. Les écarts de temps entre les ondes directes (hypocentrestation sismique) et les ondes réfléchies (hypocentre-surface-station sismique) donnent une mesure précise de la profondeur. Schématiquement, c’est un peu comme utiliser la différence de temps entre un son et son écho pour évaluer la distance entre la source sonore et la falaise responsable de l’écho.

Énergie et magnitude La magnitude d’un tremblement de terre est liée à l’énergie libérée au cours du séisme. Plus l’énergie libérée est importante et plus la magnitude sera élevée. La magnitude se mesure sur une échelle logarithmique de l’énergie. Un accroissement de magnitude de 1 correspond à un facteur multiplicatif d’environ 32 sur l’énergie. Ainsi, l’énergie libérée par un séisme de magnitude 7 est 32 fois supérieure à l’énergie libérée par un séisme de magnitude 6, et près de 1 000 (32w32) fois supérieure à l’énergie libérée par un séisme de magnitude 5 ! Ce point est fondamental et souvent mal compris.

COMBIEN Y A-T-IL DE SÉISMES CHAQUE ANNÉE ET POURQUOI LES FORTES MAGNITUDES CONTRÔLENT LE RELÂCHEMENT D’ÉNERGIE ? Quels sont les séismes qui relâchent le plus d’énergie, les séismes de forte magnitude ou les séismes plus nombreux de plus faible magnitude ? Deux chiffres doivent être mis en perspective pour comprendre l’effet dominant des séismes de forte magnitude dans le relâchement de l’énergie sismique : le nombre de séismes en fonction de la magnitude et l’énergie libérée en fonction de celle-ci.

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À l’échelle du Globe, il y a en moyenne un séisme de magnitude supérieure à 8 par an, une quinzaine de magnitude supérieure à 7, 150 de magnitude supérieure à 6 et 1 500 environ de magnitude supérieure à 5, etc. À chaque fois que la magnitude descend d’une unité, le nombre total de séismes augmente d’un facteur 10. Une autre manière de voir ces valeurs est que 90 % des séismes de magnitude supérieure à 6 ont une magnitude comprise entre 6 et 7. Les séismes les plus forts sont donc, de très loin, les moins nombreux, mais chaque fois que la magnitude augmente d’une unité, l’énergie libérée est multipliée par 32. Ainsi, même l’énergie libérée par 10 séismes de magnitude 6 reste plusieurs fois inférieure à l’énergie relâchée par un seul séisme de magnitude 7. Les séismes les plus forts dominent le relâchement d’énergie.

Une caractéristique, là encore méconnue de la magnitude et qui découle de l’échelle logarithmique, est la possibilité de mesurer des magnitudes négatives ! Ce sont alors de très petits séismes, observés par exemple dans des mines ou lors d’expériences de déformations des roches. Pour un séisme, l’énergie sismique est proportionnelle à la surface de la faille mise en jeu multipliée par le glissement relatif moyen entre les deux bords de la faille, l’aspect « cinématique », c’est-à-dire la vitesse à laquelle se produit la rupture n’entre pas en considération. Intuitivement, on perçoit qu’un séisme présentant une faible vitesse de rupture génèrera moins d’ondes sismiques destructrices qu’un séisme de même magnitude ayant une vitesse de rupture plus élevée. Ainsi, deux séismes de même magnitude et profondeur mais présentant des vitesses de rupture significativement différentes n’auront pas les mêmes effets en termes de violence des secousses. Continuons notre analyse des secrets de la magnitude. Le glissement moyen (soit le déplacement mesuré en mètres d’un bloc par rapport à l’autre au cours du séisme) n’étant pas indépendant de la surface de la rupture (la surface en m2 de la section de la faille où le glissement s’est produit), magnitude et dimensions de la rupture sont aussi liées. Pour des 69

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vitesses de rupture usuelles (autour de 3 km/s), la dimension de la rupture d’un séisme de magnitude 6 est de l’ordre de 1 km, de 10 km pour un séisme de magnitude 7 et de 100 km pour un séisme de magnitude 8 (voir tableau 1, p. 19). La rupture du mégatremblement de terre de magnitude 9,2 en 2004 en Indonésie parcourut 1 200 km de Sumatra au sud aux îles Andaman au Nord. Quant à la longueur de rupture du séisme de T hoku, pourtant de magnitude 9,1, elle ne fût « que » de 300 km et le glissement a été beaucoup plus fort que ce que les relations empiriques laissaient penser pour atteindre localement plus de 50 m ! Certes magnitude et taille de la rupture sont liées, mais la variabilité est tout à fait considérable. Enfin, la mesure de la magnitude est complexe. Difficile de quantifier de manière homogène des phénomènes aussi variés qu’un craquement dans un bloc rocheux et une rupture s’étalant sur des centaines de kilomètres, la durée et les dimensions de ces phénomènes sont incomparables et les gammes de fréquences émises totalement différentes. C’est pourquoi il existe un très grand nombre d’échelles de magnitude, chacune présentant un intérêt spécifique, et des conditions d’application qui le sont tout autant ce qui complique bien souvent la communication avec le grand public. Rappelons-nous que la magnitude est une échelle sans d’unité qui sert à classer les séismes les uns par rapport aux autres en fonction de l’énergie libérée. RICHTER, UNE MAGNITUDE PARMI TANT D’AUTRES Avant les travaux de Charles Richter au milieu du XXe siècle, la magnitude des séismes était estimée par leurs effets. L’objectif poursuivi par Richter était donc très précis : estimer de façon objective et cohérente l’énergie libérée par les séismes en Californie à partir des enregistrements sismiques proches de l’épicentre. La magnitude de Richter est liée à l’amplitude maximale du signal mesurée en déplacement. Lorsque la magnitude augmente d’une unité, cette amplitude, mesurée à la même distance épicentrale, est multipliée par 10 (Figure 30).

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Figure 30 | Sismogramme d’un séisme de magnitude 5,1 en Oklahoma et de sa première réplique de magnitude 4 dix minutes plus tard. La station est localisée à environ 200 km de ces séismes. Cette figure illustre la variation d’amplitude pour une variation de magnitude de 1,1. Un séisme de magnitude 2,7 s’est produit une minute avant le choc principal, il est à peine visible sur le sismogramme !

Au fil du temps, de nombreuses échelles de magnitude basées sur la mesure de l’amplitude des différentes ondes sismiques sont apparues, les principales étant la ML (magnitude locale), la mb (magnitude des ondes de volume), la Ms (magnitude des ondes de surface) et la Mw (magnitude de moment). Les magnitudes ML et mb sont rapides à calculer ce qui est utile pour l’information du public et des autorités, mais elles saturent à une magnitude d’environ 6, au-dessus elles sont inopérantes. La magnitude Ms exploite les ondes de surface, qui sont les ondes les plus lentes, mais si elle n’est pas rapide à obtenir, cette magnitude ne sature qu’au-delà d’une magnitude 7. Seule la magnitude de moment Mw ne sature pas mais sa mesure est complexe et très délicate pour les petits séismes (magnitude inférieure à 4). Ainsi il est fréquent d’avoir de multiples estimations de magnitude pour un seul et même séisme !

Magnitude et intensité La magnitude mesure l’énergie libérée par un séisme et l’intensité mesure ses effets en un endroit donné. Un séisme a une seule et unique magnitude (bien que son estimation puisse varier suivant les modes de calcul) alors que ses effets vont être différents à proximité 71

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de l’épicentre ou à plus grande distance : une seule magnitude mais plusieurs valeurs d’intensité pour un même séisme. Même si elle peut être reliée à des caractéristiques du mouvement du sol, l’intensité n’étant pas une mesure physique, elle n’est pas (sauf au Japon et à Taïwan) dérivée des sismogrammes mais de questionnaires auprès des témoins et d’enquêtes de terrain pour évaluer les effets permanents (destructions). Elle prend en compte le ressenti des témoins, comme la perception du niveau de violence de la secousse et les éventuels effets durables comme les dommages aux bâtiments. L’intensité est une notion capitale en sismologie car c’est elle qui fait le lien entre les séismes historiques c’est-à-dire connus uniquement à travers des traces écrites et les séismes instrumentaux. Dans le cas des séismes instrumentaux, nous connaissons d’un côté la magnitude et la localisation fournies par les réseaux de surveillance et de l’autre, les effets du séisme dérivés d’enquêtes et de témoignages. Ces informations peuvent donc être reliées entre elles et ces relations sont ensuite appliquées aux séismes historiques pour dériver leur magnitude et localisation à partir des seuls effets décrits dans les documents historiques (registres paroissiaux, articles de gazettes…). Des cartes d’intensités théoriques appelées shakemaps (shake signifie secousse) sont souvent produites après les séismes de forte magnitude. Elles intègrent les relations empiriques liant le couple magnitude-distance à l’intensité, les éventuelles données accéléromètriques qui caractérisent le niveau de violence de la secousse et les témoignages.

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CONFUSION ENTRE MAGNITUDE, INTENSITÉ ET PERCEPTION DU RISQUE « J’ai déjà vécu un séisme de magnitude 6 au Japon, et je peux vous dire que celui-là était bien plus violent. Vous vous trompez. C’est sûr, la magnitude est supérieure au 4,5 indiqués ! ». Ce type de commentaire est courant et il reflète la confusion entre magnitude et intensité. Et comme nous le verrons, cette confusion peut entraîner une mauvaise perception du risque. D’abord un rappel : la magnitude mesure l’énergie libérée par un séisme à sa source et l’intensité décrit ses effets en un lieu donné (violence de la secousse, effets sur les bâtiments…). Pour un même séisme, l’expérience vécue par ses différents témoins va être très différente : à proximité de l’épicentre la secousse sera plus violente qu’à grande distance. Insistons encore une fois : pour un séisme donné, la magnitude est unique alors que l’intensité (et le vécu des témoins) est variable d’une localité à une autre. Lors du séisme M 5,8 de Virginie (États-Unis), on estime que sur les 100 millions de personnes ayant ressenti le séisme, seuls 76 000 personnes ont été soumises à un niveau d’intensité VI ou plus, niveau suffisant pour fissurer des bâtiments, soit moins de 0,1 % des témoins ! Seuls ces 0,1 % ont fait l’expérience de la violence de la secousse pouvant être générée par un séisme de magnitude 5,8 ! Les autres 99,9 % n’ont pas vécu d’expérience représentative du potentiel destructeur d’un séisme de cette magnitude. S’ils le croient, ils se trompent grandement. Et cette confusion peut les amener à sous-estimer le risque auquel ils sont soumis et à négliger, à tort, les mesures de prévention.

BULLETIN ET ALERTE SISMIQUE La sismologie est une science observationnelle, comme par exemple la météorologie. La surveillance au jour le jour des séismes y joue un rôle central ; la localisation des séismes et la mesure de leur magnitude sont des opérations quotidiennes pour les opérateurs des réseaux. 73

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Cette surveillance de la sismicité a un objectif à court terme, informer le public et les autorités en cas de violente secousse et un objectif à long terme, améliorer notre connaissance de la sismicité de la région couverte par le réseau. L’alerte sismique est probablement l’activité des sismologues quelque peu visible par le grand public. Les ondes sismiques sont automatiquement détectées et analysées par des logiciels automatiques et une première estimation des caractéristiques du séisme est calculée en quelques minutes. Lorsque la magnitude dépasse un seuil, en France métropolitaine 3,5 (au-delà, le séisme a de forte chance d’avoir été ressenti compte tenu de la densité de population), un sismologue est appelé pour vérifier et affiner les résultats avant de les envoyer à la protection civile, à des opérateurs de sites industriels ou de barrages et de les partager avec le public. Des exercices, appelés « exercices Richter » sont réalisés par les préfectures et les services de l’État, les communes pour tester les procédures d’urgence, la mobilisation des équipes en cas de séisme destructeur, mais aussi la coordination avec les communes impactées, les partenaires comme la SNCF, MétéoFrance ou ERDF. L’alerte ne concerne qu’une minorité de séismes, les plus forts. L’amélioration de la connaissance de la sismicité passe par la constitution d’un bulletin, soit une liste homogène et précise de séismes couvrant la plus grande période de temps possible et incluant les plus petits séismes possibles. Pourquoi la constitution d’un bulletin sismologique est-elle importante ? Car c’est le seul moyen de connaître la sismicité, comprendre ses caractéristiques, identifier les régions où l’aléa est plus ou moins élevé. Nous connaissons les températures moyennes mois après mois pour Mulhouse ou Bordeaux grâce à deux siècles d’observations météorologiques dûment consignées. La sismologie est engagée dans une démarche similaire mais nous sommes loin d’avoir atteint le même niveau de connaissance. En France, le cycle des saisons a été documenté 200 fois, alors que nous ne disposons 74

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d’un bulletin sismologique que depuis une soixantaine d’années pour des phénomènes dont la périodicité se mesure au mieux en siècles !

SISMICITÉ HISTORIQUE, ARCHÉOSISMOLOGIE, PALÉOSISMOLOGIE : TOUS LES MOYENS SONT BONS ! Comment connaître les séismes passés, ceux qui se sont produits avant l’installation des réseaux de surveillance ? Nous avons déjà parlé des séismes historiques, et comment les traces écrites de leurs effets sont exploitées pour identifier et caractériser les séismes. Le séisme de 1755 qui a détruit Lisbonne a été abondamment décrit laissant même une trace dans la littérature, comme par exemple dans Candide de Voltaire. Dans un pays comme la France, la sismicité historique couvre une période de plus de 700 ans, avec très certainement des omissions et incertitudes significatives. D’autres techniques sont développées pour remonter plus loin dans l’histoire de notre planète et identifier des traces, des enregistrements de séismes passés. Et les scientifiques font feu de tout bois ! L’archéosismologie se focalise sur l’étude des sites archéologiques : ont-ils eu à subir des dommages causés par des séismes ? Le pont du Gard a fait l’objet d’études spécifiques car situé au-dessus d’une faille sismique. Les secousses peuvent soulever les sédiments se déposant au fond des lacs, trouve-t-on ces perturbations, si oui quel âge ont-elles ? La rupture de grands séismes (M > 7) atteint parfois la surface, puis celle-ci est lentement érodée par les intempéries, cachée par la végétation. Des tranchées font quelquefois réapparaître ces cicatrices. Le cours d’une rivière peut avoir été détourné, des dépôts d’alluvions avoir été soulevés… A contrario, un rocher en équilibre instable n’indique-t-il pas qu’aucune violente secousse ne s’est produite dans cette zone… ? Tous ces indices sont autant de pièces d’un puzzle géant décrivant avec plus ou moins d’exactitude, avec des lacunes plus ou moins grandes, l’histoire sismique de la région.

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Une attention particulière est portée à la discrimination, c’est-à-dire à la séparation des séismes des événements artificiels qui viendraient polluer les bulletins de sismicité. Plus le bulletin contient des séismes de faible magnitude, plus la discrimination est essentielle. En France, les principaux événements sismiques d’origine anthropique sont les tirs de carrières et les destructions de munitions de la seconde guerre mondiale réalisées par l’armée au large des côtes normandes. La discrimination sera présentée dans le chapitre 5 traitant de la surveillance des essais nucléaires.

ALERTE AUX TSUNAMIS Le tsunami de Sumatra en 2004 a été un choc au niveau mondial. En dehors du Pacifique où ce phénomène, sans être fréquent est moins exceptionnel, beaucoup n’en avait jamais entendu parler. L’impact humain a été colossal notamment en Indonésie. C’est aussi une des plus grandes catastrophes civiles pour plusieurs pays d’Europe du Nord qui ont vu plusieurs centaines de leurs concitoyens, alors en vacances en Indonésie ou en Thaïlande, périr. Une catastrophe dont l’ampleur aurait pu être grandement réduite si un système d’alerte au tsunami avait été en place dans l’océan Indien. Comment fonctionne un système d’alerte au tsunami ? Il faut tout d’abord savoir que la plupart des grands tsunamis sont causés par des séismes. Le système d’alerte au tsunami repose sur le fait que les ondes sismiques voyagent plus vite que le tsunami lui-même. En détectant rapidement les séismes, il est possible d’avertir les populations avant l’arrivée du tsunami pour qu’elles puissent se mettre en sécurité en rejoignant un point en hauteur. Plus le séisme est éloigné de la côte que l’on souhaite protéger, plus le tsunami l’atteindra tardivement et moins l’alerte tsunami constitue un défi. Le tsunami de 2004 frappa la côte Indienne 2 heures après le séisme et 7 heures pour la côte Somalienne située de l’autre côté de l’océan Indien. A contrario, pour les populations à proximité du séisme, le système d’alerte seul 76

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n’est pas forcément efficace car le tsunami arrive rapidement après les ondes sismiques. L’analogie avec les orages peut illustrer ce point : ce n’est que lorsque la foudre tombe à plusieurs kilomètres, que le grondement du tonnerre est perçu nettement après l’éclair. Alors, que faire pour les populations côtières situées à proximité du séisme ? Les éduquer et expliquer qu’en cas de forte secousse sismique, il faut se mettre en sécurité (c’est-à-dire s’éloigner du bord de mer et se mettre en hauteur) sans attendre une éventuelle alerte. L’éducation fait partie intégrante de tout système d’alerte au tsunami.

Figure 31 | Tsunami consécutif au séisme de T hoku en 2011 au Japon. Le séisme luimême n’avait provoqué que des dégâts mineurs. Le tsunami a dévasté certaines zones, notamment à Sendai et provoqué la catastrophe nucléaire de Fukushima. © DR.

COMMENT UN SÉISME PEUT CRÉER UN TSUNAMI ? Lorsqu’un séisme se produit sous la mer et est suffisamment fort et proche du fond marin pour le déformer, la couche d’eau située à l’aplomb du séisme est mise en mouvement. Ce ne sont pas les ondes

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sismiques qui causent les tsunamis mais c’est le rebond élastique (voir p. 23), et surtout sa composante verticale lorsqu’elle atteint le fond d’un océan. La colonne d’eau soulevée – ou abaissée – par le déplacement du fond de l’océan crée une onde, un tsunami qui va alors se propager. Un peu comme si l’on soulevait très brusquement le fond d’une bassine remplie d’eau. Seuls les séismes de forte magnitude M > 7 génèrent des déplacements significatifs, de l’ordre du mètre, susceptibles de générer de forts tsunamis. La puissance du tsunami est fonction du volume d’eau mis en mouvement, et en théorie dépend de la composante verticale du déplacement sismique, de la longueur de rupture et de la profondeur de l’océan. D’autres facteurs peuvent rentrer en ligne de compte. Par exemple, de nombreux câbles sous-marins de télécommunications ont été endommagés lors du séisme de Boumerdès en 2003 au Nord de la côte Algérienne démontrant ainsi l’existence de nombreux glissements de terrains sous-marins. Ces glissements sous-marins ont probablement contribué au tsunami qui détruisit des bateaux dans plusieurs ports des Baléares.

En pratique, un système d’alerte au tsunami est avant tout un réseau de surveillance sismologique en temps réel, fiable et robuste, fonctionnant 24 h/24 et capable de déterminer rapidement la magnitude de très forts séismes. En 2004, la meilleure estimation de la magnitude du séisme de Sumatra ne dépassait pas 8,1 plusieurs heures après l’occurrence du séisme, soit une sous-estimation d’un facteur 30 de l’énergie libérée. En 2011, pour le séisme de T hoku au Japon (Figure 31) de magnitude 9,1, l’estimation de la magnitude était correcte au bout de 15 minutes. Les progrès sont notables. L’alerte initiale est diffusée uniquement à partir de l’estimation de la magnitude et de la localisation du séisme, les mesures éventuelles du niveau de la mer ne viendront que dans un second temps. La rapidité est essentielle. 78

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L’existence du tsunami est confirmée ou non ultérieurement par des mesures de niveau de la mer à partir de marégraphes répartis le plus souvent dans les ports pour mesurer la marée ou, plus efficace, grâce à des tsunamimètres, c’est-à-dire des capteurs de pression installés sur le fond marin qui mesurent le passage du tsunami en haute mer. Dans un bassin océanique aussi petit que la Méditerranée occidentale, le temps de parcours d’un tsunami de part en part soit entre la côte algérienne et la côte d’Azur est de 75 minutes environ. Le système d’alerte du CENALT mis en place au CEA pour ce bassin a été dimensionné pour avertir la Sécurité Civile en moins de 15 minutes. Les 2 à 3 premières minutes sont nécessaires pour détecter et localiser le séisme, les 3 à 5 minutes suivantes pour évaluer sa magnitude. Il reste alors quelques minutes à la personne de permanence pour vérifier les résultats des traitements automatiques, apporter d’éventuelles corrections, les valider et transmettre l’information aux autorités, ellesmêmes en charge de la mise en sécurité des populations concernées.

LA PROPAGATION DES TSUNAMIS EN HAUTE MER ET SUR LA CÔTE En haute mer, la longueur d’onde du tsunami, c’est-à-dire la distance entre deux points maximum consécutifs de l’onde est de l’ordre de la centaine de kilomètres et son amplitude, c’est-à-dire l’élévation, n’est que de quelques centimètres à quelques dizaines de centimètres. Grande longueur d’onde et faible amplitude, le tsunami est imperceptible en haute mer pour qui est en bateau. Le tsunami se propage en haute mer à une vitesse de plusieurs centaines de km/h, soit la vitesse d’un avion de ligne. Lorsque le tsunami se rapproche des côtes, il ralentit jusqu’à quelques dizaines de km/h, la longueur d’onde diminue, l’amplitude de l’onde augmente pouvant atteindre localement plusieurs dizaines de mètres (Figure 32).

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Figure 32 | À l’approche de la côte, plus la profondeur diminue plus la vitesse du tsunami diminue. L’onde la plus proche de la côte étant ralentie, les ondes successives se superposent entraînant une augmentation de l’amplitude. Pour un tsunami donné, la hauteur observée sur une côte va ainsi fortement dépendre de la bathymétrie locale, c’est-à-dire le relief sous-marin. © CEA.

La figure 33 montre le tsunami associé au séisme du 11 mars 2011 au Japon mesuré sur un marégraphe des îles Marquises et qui se superpose à la marée. Il frappe les Marquises le 11 mars vers 18 h. Les perturbations sont importantes pendant 6 h puis augmentent de nouveau le 12 mars vers 14 h. Après avoir traversé le Pacifique, une partie de l’énergie du tsunami a été réfléchie par la côte Chilienne et a traversé le Pacifique dans le sens inverse pour atteindre les Marquises 20 h après la première vague ! Cet exemple illustre la très faible atténuation des ondes des tsunamis et explique pourquoi, contrairement aux séismes où les dégâts sont localisés autour de la faille, les tsunamis peuvent provoquer des désastres à des milliers de kilomètres de distance !

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Figure 33 | Enregistrement du tsunami associé au séisme de T hoku mesuré sur un marégraphe situé dans les îles Marquises (Polynésie française). Le tsunami se superpose aux marées. L’arrivée du tsunami est nette. Une quinzaine d’heures plus tard, le tsunami qui a été réfléchi sur la côte Chilienne vient frapper les mêmes îles. Deux jours après l’arrivée du tsunami les perturbations restent visibles.

LES SÉISMES LENTS, UN CASSE-TÊTE POUR L’ALERTE TSUNAMI Le calcul de la magnitude est à la base des systèmes d’alerte au tsunami. En théorie, la magnitude ne dépend en rien de la vitesse de rupture. Pourtant, en pratique, l’estimation rapide de la magnitude des séismes présentant une faible vitesse de rupture, on parle de séismes lents, peut être problématique. En effet, les séismes lents émettent peu d’ondes sismiques haute fréquence. Cette absence de hautes fréquences complique leur détection et peut conduire à la sous-estimation de leur magnitude même lorsqu’ils présentent un fort potentiel tsunamigénique. En anglais, ils sont connus sous la terminologie tsunami earthquake et l’exemple le plus connu est le séisme de magnitude 7,7 de 1992 au large du Nicaragua

Il arrive aussi que certains événements ayant un fort potentiel tsunamigénique ne déclenchent aucun tsunami observable. C’est le cas du séisme de Nias, en mars 2005 à Sumatra. Ce séisme, de magnitude 8,9, soit le 4e plus fort séisme jamais enregistré, bien que localisé en mer, n’a déclenché qu’un tsunami local, d’amplitude certes notable, mais en rien en rapport avec ce que les sismologues prédisent pour ce type d’événement. 81

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DU SÉISME À SON IMPACT Le 25 avril 2015, un violent séisme frappe le Népal. La secousse est ressentie jusqu’à Delhi en Inde et Dhaka au Bangladesh à plus de 700 km de là. Partout sur la planète, les sismomètres s’affolent. Les réseaux de surveillance donnent leurs premières estimations automatiques : la rupture s’est produite au pied de l’Himalaya, à une quinzaine de kilomètres de profondeur, la magnitude oscille entre 7,4 et 8. Nous sommes face à un séisme majeur. C’est une certitude. Mais quel est son impact ? Quelle est la situation à Katmandu situé à 80 km de l’épicentre ? Comment passer des caractéristiques du séisme à une estimation de son impact indispensable à l’organisation des secours ? L’estimation rapide de l’impact des séismes mondiaux reste, mis à part dans quelques régions du monde fortement instrumentées, nous y reviendrons, une opération délicate et surtout imprécise à ce jour. La difficulté à prévoir les dommages causés par un séisme provient des grandes incertitudes qui entachent les données indispensables au calcul de scénarios. Le principe de ces estimations est de recouper 3 types d’informations : la distribution spatiale de l’accélération du sol qui représente le niveau d’agression auquel sont soumis les bâtiments, la vulnérabilité de ces bâtiments, c’est-à-dire leur capacité ou non à résister à la secousse, et enfin le nombre d’habitants soumis à cette secousse. Lorsque les bâtiments subissent des niveaux d’accélération dépassant leur résistance mécanique, ils s’effondrent et les personnes à l’intérieur sont en grand danger. Commençons par la vulnérabilité, un paramètre très mal connu. Bien entendu, la vulnérabilité au Japon est bien plus faible qu’au Népal où les maisons en pierres sèches, c’est-à-dire non cimentées les unes aux autres ne résisteront pas à une accélération horizontale importante (Figure 34). À l’échelle d’un pays ou d’une région, la vulnérabilité moyenne sera estimée par exemple à partir des données du cadastre (âge et type de construction), ou encore plus imprécis en liant la qualité de construction dans le pays à sa richesse économique. Une telle 82

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approximation a ses limites, une maison en bambou est par exemple peu vulnérable et n’est pas exactement l’apanage des pays riches. Et puis, impossible d’obtenir un scénario des dégâts à l’échelle d’une ville ou d’un quartier. Bien sûr des études bâtiment par bâtiment sont réalisables mais les coûts sont tels que cette application est limitée à des cas particuliers. Aux Antilles, chaque école et collège a été inspecté en détail suite au séisme du 29 novembre 2007 qui avait démontré en vraie grandeur, mais fort heureusement sans faire de victime, que certains d’entre eux restaient vulnérables. Des travaux ont été entrepris pour s’assurer que ces constructions résisteront aux séismes à venir. UN SÉISME PEUT-IL RÉVEILLER UN VOLCAN ? Il semble que oui. Même si la preuve finale n’a jamais été apportée, un séisme de forte magnitude à proximité d’un volcan génère des variations de contraintes et de pressions pouvant faciliter les remontées de gaz et de magma. En 1960, le volcan Cordón Caulle (Chili) est entré en éruption 2 jours après le séisme de magnitude 9,5 considéré encore à ce jour comme le plus fort séisme jamais enregistré ; quant au volcan Talang à Sumatra (Indonésie), son éruption a suivi le séisme de Nias de magnitude 8,5 en avril 2005. Cependant, dans la grande majorité des cas, activité sismique et activité volcanique ne sont pas corrélées.

La situation est tout aussi complexe pour prévoir la distribution spatiale de l’accélération à partir des caractéristiques du séisme. Sa variabilité spatiale est très forte, l’accélération mesurée peut fortement varier à seulement quelques centaines de mètres de distance sans que l’on soit en mesure de modéliser précisément et encore moins de prévoir ces variations. Mais les incertitudes liées à la source sismique ont elles aussi des conséquences majeures quant à la distribution de l’accélération. Dans le cas des séismes de magnitude modérée, autour de magnitude 6, comme le dernier séisme destructeur de la métropole à 83

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Lambesc en 1909, les dommages significatifs sont généralement limités à une distance d’une quinzaine de kilomètres autour de l’épicentre. Or l’incertitude de localisation en temps réel à l’échelle du Globe est d’une dizaine de kilomètres (les réseaux locaux plus denses ont des incertitudes de localisation plus faibles mais rarement inférieures à 5-8 km en temps réel). Prenons le cas du séisme d’Athènes de magnitude 6 en 1999. Localisé à environ 15 km de la ville, il coûta la vie à 143 personnes. Les données sismologiques seules ne permettaient pas d’exclure dans les toutes premières heures que ce séisme se soit produit sous la ville et dans ce cas l’impact aurait été bien plus fort.

Figure 34 | La vieille ville de Katmandu (Népal) a été particulièrement impactée par le séisme du 25 avril 2015. © CSEM.

LA PRÉVISION RAPIDE DE L’IMPACT D’UN SÉISME EST TECHNIQUEMENT POSSIBLE ! Elle est possible mais coûteuse ! Au Japon ou à Taïwan, les réseaux d’accéléromètres en temps réel sont très denses, comme à Tokyo avec ses 1 000 capteurs, et ces seules données autorisent la cartographie précise et rapide de la distribution spatiale du mouvement sismique dans la ville. Associée à une bonne connaissance de la vulnérabilité des bâtiments, la prévision de l’impact est alors possible ! Mais ces réseaux sont chers et par conséquence n’existent que dans quelques régions où le risque et les moyens économiques sont élevés. D’ici que ces réseaux se généralisent, l’estimation rapide de l’impact restera difficile.

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Pour les séismes de forte magnitude, la longueur de rupture est significative. Or en temps réel, aujourd’hui seuls sont connus son point d’initiation et sa longueur approximative dérivée de la magnitude. Pour le séisme du Népal, l’épicentre se trouvait à 80 km de Katmandu pour une longueur de rupture de 120 km. Plusieurs scénarios de rupture sont alors possibles : la rupture peut s’être propagée de manière unilatérale vers la ville, c’est le scénario le pire, de manière bilatérale ou unilatérale dans la direction opposée à la ville. La direction de la rupture n’est connue que plusieurs heures après le séisme, durant cette période le flou demeure. Une des approches pour rendre les estimations rapides d’impact plus fiables – présentées dans le chapitre suivant – est de se tourner vers les témoins et de collecter grâce à Internet, aux applications smartphones leurs témoignages, photos et tout indice pouvant aider à réduire les incertitudes. Aujourd’hui, dans la grande majorité des cas, les sismologues ne sont pas en mesure de fournir une cartographie rapide et fiable des dégâts juste après un séisme.

LES EFFETS INDIRECTS DES SÉISMES La secousse n’est pas toujours la seule cause des destructions après un séisme. Les tremblements de terre ont des effets indirects, les tsunamis, les incendies et les glissements de terrain et avalanches qui peuvent avoir un impact majeur. Si les tsunamis peuvent être l’objet de système d’alerte, il est impossible sans observation directe de savoir où et quand des glissements de terrain, avalanches ou incendies se sont déclenchés. En conséquent, ce type de dégâts n’est pas intégré dans les estimations d’impact. Lors du séisme au Salvador en 2001, la moitié des victimes a péri suite à des glissements de terrain. En 2015, le séisme au Népal a déclenché de très nombreux glissements de terrain et des avalanches, notamment celle qui dévasta le camp de base de l’Everest. À Tokyo, où l’on s’attend malheureusement à un fort séisme au cours des décennies à venir, les études prédisent que le nombre de victimes dépendra de la vitesse du

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vent : si le vent se lève, les feux se propageront dans les quartiers historiques, comme celui de Yanaka où les maisons en bois sont nombreuses et causeront de nombreuses victimes. Ce triste scénario s’est malheureusement déjà produit en 1923 dans cette même ville.

LE TRAITEMENT OPÉRATIONNEL DU SÉISME DE TOHOKU Un pays sismique Le Japon est le pays le plus avancé au monde pour l’élaboration et la diffusion des alertes en cas de séisme ou de tsunami. Il dispose d’un réseau sismologique extrêmement dense (Figure 35) et de nombreux capteurs en mer pour la détection des tsunamis, ces données étant transmises en temps réel à la Japan Meteorological Agency (JMA). Le mandat de cette agence est de fournir une alerte tsunami dans les 4 minutes qui suivent le séisme. Ce délai très court est lié à la proximité de la zone sismique par rapport à la côte qui induit un temps de propagation très court pour le tsunami, entre le lieu de sa genèse, le séisme, et la côte. Le 11 mars 2011 Le 11 mars 2011, le séisme de T hoku a été effectivement localisé en quelques minutes mais, la secousse a été tellement violente que les stations les plus proches ont été saturées et dans l’incapacité de mesurer l’amplitude réelle du mouvement sismique. Le calcul de la magnitude s’appuyant sur des mesures d’amplitudes saturées, la première estimation a été grandement sous-estimée à 7,9 au lieu de 9,1. Même sans cette saturation, l’estimation rapide d’une magnitude supérieure à 8 (on parle de mégaséisme) est un vrai défi car le séisme lui-même, c’est-à-dire la rupture dure plusieurs minutes, et il est impossible de caractériser de manière fiable un phénomène qui n’est pas encore terminé. 86

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Figure 35 | Carte des stations sismologiques en opération au Japon au moment du séisme de T hoku en 2011. Le Japon est le pays le plus instrumenté au monde avec plus de 4 000 stations. De nombreuses stations sont installées en forages de plusieurs centaines de mètres pour les isoler du bruit généré par les activités humaines. Suite au séisme de T hoku le Japon a débuté l’installation de 6 000 km de fibre optique reliant 154 sismomètres et mesures de pression en fond de l’océan à l’Est de l’île d’Honshu pour détecter plus rapidement séismes et tsunamis se produisant dans cette zone (voir Figure 18). © Japan Meteorological Agency.

Quoi qu’il en soit, cette sous-estimation a mis en lumière un défaut dans les procédures en place en 2011. En effet, à cette date, lorsque la magnitude dépassait 7,5, l’alerte tsunami devenait l’unique tâche des 87

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analystes qui devaient alors mesurer le tsunami sur les données du niveau de la mer observées à proximité des côtes par des bouées GPS. Aucune révision de la magnitude n’a ainsi été réalisée, révision qui aurait permis d’alerter plus tôt de l’arrivée d’un mégatsunami. L’alerte pour un mégatsunami a été émise à partir de mesures du niveau de la mer ¼ d’heure après le séisme soit juste avant l’arrivée des premières vagues le long de la côte. Deux points ont contribué à cette gestion déficiente de l’alerte. D’une part, la plupart des scientifiques considéraient que la magnitude maximale dans cette région du Japon ne dépassait pas 8,5 – aucun séisme connu dans la région n’avait dépassé cette magnitude –, inutile de préparer des procédures pour un séisme de magnitude 9 supposé impossible. D’autre part, les données des tsunamimètres situés au niveau de la zone de subduction et donc à proximité du séisme n’étaient pas transmises en temps-réel à la JMA. Un accès à ces données aurait permis de gagner de précieuses minutes pour la révision du niveau d’alerte. Depuis, les procédures ont été révisées : les données des tsunanimètres sont disponibles en temps réel, l’intégration d’accéléromètres et de mesures GPS continues évitera tout phénomène de saturation, les modèles autorisent des séismes bien plus forts que les séismes historiques et enfin le nombre de niveaux d’alerte a été réduit de 8 à 4 : tsunami modéré, tsunami, fort tsunami et mégatsunami. Le pays est ainsi mieux préparé à faire face aux futurs séismes de cette ampleur et à chaque fois que la science ou la technologie l’autorisera, les procédures évolueront pour une meilleure efficacité.

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4 Information et éducation des citoyens

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ne réunion professionnelle parmi tant d’autres à Sendai (Japon) se tient en ce 11 mars 2011. Comme tous les téléphones du pays, les téléphones des participants sont équipés de l’alerte précoce au séisme. Soudain, les téléphones vibrent et la sonnerie caractéristique de ce type d’alerte retentit dans la salle. Le message est clair : le bâtiment va bientôt être violemment secoué par un séisme. Comme ils l’ont appris, les participants se mettent à l’abri sous les tables, dans les encadrements de portes pour se protéger des chutes d’objets. Les secondes s’égrènent, le temps reste comme suspendu. Puis, l’onde sismique frappe, le sol, les murs bougent, le bruit devient assourdissant, les débris volent… Il faudra attendre plusieurs minutes avant que le calme ne revienne. À Tokyo, situé à 400 km du séisme, les téléphones ont là aussi retenti. Ils indiquent maintenant le compte à rebours des secondes qui restent avant l’arrivée de la secousse. Les ascenseurs s’arrêtent au premier étage rencontré, les portes s’ouvrent, les occupants vont se mettre à l’abri ; les ascenseurs restent figés portes grandes ouvertes. L’arrêt d’urgence des trains à grande vitesse Shinkansen est activé. Les 89

INFORMATION ET ÉDUCATION DES CITOYENS

programmes télévisés et radios sont automatiquement interrompus pour annoncer l’arrivée et la violence des ondes sismiques. Quelques minutes plus tard, ils diffuseront de la même manière l’alerte au tsunami qui impactera dramatiquement la région de Sendai. Ce chapitre est consacré à cette thématique de l’information sismologique, domaine dans lequel le Japon est sans conteste le pays le plus avancé au monde. Nous verrons que comme les météorologues, les sismologues transforment la connaissance scientifique en une information aussi accessible et pertinente que possible pour le public et la société. L’exercice en sismologie demeure délicat, incertain voire risqué pour les scientifiques. La condamnation en première instance de sismologues italiens suite à leur gestion de la communication publique dans les jours qui ont précédé le séisme de l’Aquila en 2009 en témoigne. Nous présenterons les raisons qui expliquent cette difficulté, certains concepts clés seront détaillés comme l’alerte précoce ainsi que l’impact d’Internet, des smartphones et des réseaux sociaux sur la manière dont les sismologues interagissent avec le public. Comme nous le verrons, et c’est peut être une évolution majeure dans ce domaine, les citoyens sont amenés dans les années qui viennent à jouer un rôle grandissant dans la collecte d’observations sismologiques. Nous traiterons successivement de l’information rapide après un séisme puis des enjeux de communication dans les zones à sismicité modérée, comme la métropole et lors d’une crise sismique.

ALERTE PRÉCOCE ET INFORMATION RAPIDE APRÈS UN SÉISME Un exemple d’alerte précoce « Allo, je suis dans le train et j’arrive à la gare dans 20 minutes. Tu viens me chercher ? ». Voilà un exemple usuel d’une alerte précoce : prévenir à l’avance de l’arrivée en un point donné d’un phénomène, ici l’entrée en gare du train, en utilisant une information voyageant plus vite que le phénomène en question grâce ici au téléphone. Deux 90

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considérations générales sur l’alerte précoce à partir de ce simple exemple. Plus la vitesse de propagation du phénomène est élevée, plus le délai annonçant son arrivée sera court. Deuxième élément fondamental, quelle que soit la vitesse du phénomène, le délai sera maximal si l’alerte est lancée au départ même du phénomène. En conclusion, l’alerte précoce d’un phénomène lent, comme l’arrivée d’une masse d’air froid sur le pays, n’est plus réellement une difficulté à l’heure des communications en temps réel mais cette alerte reste un défi pour les phénomènes rapides comme les séismes (Figure 36). L’alerte précoce au séisme Le Japon est aujourd’hui le seul pays au monde à diffuser publiquement une alerte précoce (« early warning ») pour l’ensemble des séismes pouvant affecter son territoire (il existe d’autres types d’alertes précoces aux séismes dans le monde couvrant des zones géographiques et/ou des installations spécifiques). L’objectif de l’alerte précoce est d’avertir les populations avant que les ondes sismiques ne les atteignent. Le principe est similaire à l’alerte au tsunami : prendre de vitesse les ondes destructrices. La magnitude et la localisation du séisme sont déterminées en quelques secondes à partir des seules stations sismologiques les plus proches de l’épicentre ; le temps de propagation des ondes et leur amplitude théorique sont calculés pour chaque ville située à distance et ces informations automatiquement envoyées sur les smartphones des habitants. Chaque utilisateur reçoit une indication sur la violence de la secousse qu’il va subir avec quelques secondes, à quelques dizaines de secondes d’avance en fonction de la distance à l’épicentre. Ces quelques secondes peuvent être cruciales pour se mettre en sécurité ou au moins pour se préparer psychologiquement à la secousse.

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Figure 36 | Le principe de l’alerte précoce au séisme est d’utiliser les stations sismiques les plus proches de l’épicentre pour localiser très rapidement le séisme, en déterminer la magnitude et notifier par téléphone les habitants situés à plus grandes distances de l’arrivée des ondes sismiques. Alerte précoce n’est pas prédiction car les notifications sont envoyées après le séisme mais avant que ses ondes n’atteignent la ville.

POURQUOI PAS D’ALERTE PRÉCOCE À DESTINATION DU PUBLIC EN FRANCE ? L’alerte précoce au séisme à destination du public est peu adaptée aux régions à sismicité modérée, comme la métropole pour des raisons de coût et en raison de la difficulté à former la population à des alertes rares. Le cas des Antilles est légèrement différent mais la conclusion reste la même : les investissements requis seraient considérables et difficilement justifiables au regard des bénéfices potentiels. Parlons coûts dans le contexte métropolitain. Localiser un séisme en quelques secondes requiert un réseau dense, robuste et fonctionnant en temps réel. Au Japon, il y a une station tous les 10 km environ. Même en ramenant cette valeur à 30 km, 600 stations seraient nécessaires pour couvrir la métropole ; pour comparaison, le réseau actuel en charge de la surveillance opérationnelle de ce territoire comporte une cinquantaine de stations. Soulignons enfin que le fonctionnement de

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ces stations devrait être particulièrement robuste puisqu’elles devraient transmettre les données de forts séismes se produisant à proximité immédiate, soit les conditions les plus extrêmes en termes de violence de la secousse. Surtout, une alerte précoce ne réduira pas l’impact humain des futurs séismes car dans un contexte de sismicité modérée comme la métropole, ce système est généralement inefficace dans les zones endommagées. Il existe une zone dite aveugle d’une trentaine de kilomètres autour de l’épicentre dans laquelle il est impossible d’émettre une alerte précoce car le temps de parcours des ondes sismiques n’est que de quelques secondes et inférieur au temps nécessaire pour émettre une alerte quelle que soit la densité du réseau. Or seuls les forts séismes (M > 6-6,5) sont susceptibles d’engendrer des dégâts à des distances de plusieurs dizaines de kilomètres ou plus, et ils sont par définition – et fort heureusement – rarissimes dans les zones à sismicité modérée. Ainsi, nos collègues suisses ont calculé que si leur pays s’équipait d’une alerte précoce au séisme, en moyenne, l’arrivée d’ondes destructrices ne serait précédée d’une alerte qu’une fois tous les 200 à 250 ans ! Le cas des Antilles est différent. La sismicité est soit liée à la subduction située à environ 200 km de la Guadeloupe et où de forts séismes peuvent se produire et à des séismes à proximité immédiate de l’archipel, voire sous les îles, comme pour le séisme des Saintes de magnitude 6,3 en 2004. Instrumenter une zone de subduction pour un système d’alerte précoce aux séismes est d’une très grande complexité, et à ce jour seul le Japon a débuté un tel projet suite au séisme de T hoku (voir Figure 18). Quant aux séismes situés à proximité ou sur les îles, on retrouve la problématique décrite pour la métropole. Des investissements considérables, une amélioration marginale de la sécurité et surtout l’assurance que la population ne saura pas réagir à une alerte aussi rare, l’alerte précoce ne saurait être une priorité dans un tel contexte.

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Soulignons une différence de taille avec l’alerte précoce au tsunami : la rapidité de la propagation des ondes sismiques interdit toute intervention humaine dans le traitement des données. L’ensemble du processus de l’alerte précoce, du traitement des données à la diffusion de l’alerte est automatique et des ratés peuvent survenir. Ce fût le cas après le séisme de T hoku. Les ondes sismiques en provenance des très nombreuses répliques se mélangeaient : des ondes en provenance de séismes différents étaient considérées par le système comme provenant de la même source sismique. Les fausses alertes et les alertes erronées ont été nombreuses. Il n’en demeure pas moins qu’interrogés après ces événements sur l’utilité de leur smartphone, les Japonais ont classé l’alerte au séisme comme la seconde fonction la plus utile après la consultation des emails. Un véritable plébiscite. Et lorsqu’on leur demande le bénéfice qu’ils en retirent, ils indiquent un bénéfice d’ordre psychologique, pouvoir anticiper psychologiquement l’arrivée de la secousse.

DES SYSTÈMES D’ALERTES SPÉCIFIQUES Au Japon, le système d’alerte précoce fonctionne quel que soit le lieu où se produit le séisme. Dans d’autres cas, certaines villes sont menacées par des séismes localisés dans des régions clairement identifiées. C’est le cas de Mexico (Mexique), Istanbul (Turquie) ou Bucarest (Roumanie) où des alertes spécifiques ont été mises en place. Dans ces cas, la zone à surveiller se limite à une région déterminée dans laquelle des séismes majeurs ont été observés de manière récurrente. Par exemple, la région de Vrancea, à 140 km au nord de Bucarest est le siège des séismes destructeurs qui ont affectés la ville en 1945, et 1977 causant la mort de 1 400 et 300 personnes. La localisation rapide du prochain séisme destructeur grâce au réseau de surveillance déployé à proximité de cette zone offrira une trentaine de secondes pour agir. C’est peu pour une action humaine mais c’est suffisant pour mettre en œuvre des procédures automatiques

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comme, par exemple, la fermeture des vannes du réseau de distribution de gaz afin de limiter le risque d’incendie après le séisme, ou une alerte visuelle dans les salles d’opérations afin d’éviter un accident chirurgical… Les installations à risque spécial, comme les centrales nucléaires, peuvent aussi bénéficier de systèmes d’arrêt rapide spécifiques. Ils sont généralement basés sur des valeurs seuils mesurées à proximité du site : dès que la secousse dépasse un niveau prédéfini, elle déclenche un système d’arrêt d’urgence. Pour certaines centrales nucléaires, des barres de contrôle tombent dans le réacteur stoppant la réaction nucléaire en quelques secondes. Pour le TGV du Sud-Est de la France, les freins sont actionnés pour éviter que le train ne déraille sur des rails déformés par le séisme ou un affaissement de terrain.

L’information rapide après la secousse sismique Mis à part au Japon, l’information sur le séisme est donnée après que la secousse ait été ressentie. En France l’alerte est gérée par un sismologue d’astreinte 24 h/24 pouvant réaliser l’ensemble des opérations à distance en dehors des heures de bureau, dans les pays à plus forte sismicité, comme l’Italie, par une équipe de permanence. Dans tous les pays, l’information diffusée reste sensiblement la même, la localisation, la magnitude et l’heure du séisme, voire une estimation des possibles effets. Les sites Internet demeurent le principal moyen de diffusion de l’information sismologique vers le public, mais les réseaux sociaux, notamment Twitter, et les applications pour smartphones commencent à venir diversifier les canaux de diffusion d’un nombre croissant d’instituts. Q Information pour quels séismes ?

Les alertes sismiques sont basées sur un seuil en magnitude. Dès que la magnitude estimée par les traitements automatiques dépasse le seuil fixé, le sismologue d’astreinte ou de permanence est averti (SMS, pager, etc.), et débute l’analyse des signaux. La magnitude est effectivement un critère objectif pour déterminer l’importance d’un séisme : seuls les séismes les plus forts peuvent être 95

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destructeurs et, en métropole, compte tenu de la densité de population, tous les séismes de magnitude supérieure à 3,5-4 sont généralement ressentis. Mais ce seul critère ne couvre pas tous les besoins. Ainsi, à l’inverse, il arrive à la protection civile de contacter le sismologue d’astreinte pour identifier la cause d’une secousse reportée aux pompiers dans tel ou tel département. Dans certains cas, il s’agit bien d’un séisme dont la magnitude est trop faible pour avoir déclenché l’alerte. Alors, pourquoi ne pas simplement abaisser ce seuil ? Tout d’abord car le nombre d’alertes à traiter d’urgence augmenterait rapidement ; les séismes plus petits étant plus nombreux, l’abaissement du seuil actuel de magnitude de 3,5 à 3 doublerait le nombre d’alerte passant d’une cinquantaine à une centaine par an pour la métropole et les régions frontalières. Surtout, la pertinence du service pour le public ou les autorités ne s’en trouverait pas améliorée, la plupart des nouvelles alertes correspondant à des séismes non ressentis par la population. Q Pourquoi est-il difficile d’identifier les séismes ressentis ?

De décembre 2002 à avril 2003, les habitants du hameau de Clansayes dans la Drôme sont intrigués par des bruits d’explosions et des vibrations. Le hameau est situé juste à l’aplomb d’un essaim de séismes, c’est-à-dire un groupe de séismes proches dans le temps et dans l’espace. Le plus surprenant est la magnitude de ces séismes ressentis : le plus « fort » sera de magnitude 1,7 ! Comment peuvent-ils être ressentis ? Car ils se produisent à une profondeur exceptionnellement faible : à moins de 500 m pour la plupart d’entre eux alors que très rares sont les séismes se produisant à moins 2 km de profondeur. Cette faible profondeur plaide pour un mécanisme spécifique qui pourrait être lié aux circulations d’eau et aux cavités existantes dans les couches calcaires souterraines. Quoi qu’il en soit, il aurait suffi que ces séismes soient d’une profondeur moins inhabituelle ou s’éloignent d’un kilomètre ou deux des habitations pour que seuls les instruments détectent leur existence. Or la précision d’un réseau national de surveillance est de l’ordre d’une dizaine de kilomètres pour l’épicentre et la profondeur. Impossible 96

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dans ces conditions d’identifier quels séismes de faible magnitude sont susceptibles d’être ressentis. D’ailleurs dans le cas présent, un réseau de 16 stations a dû être déployé dans une zone de 10 km par 10 km pour caractériser et étudier cet essaim. LE SON ET LES PHÉNOMÈNES LUMINEUX GÉNÉRÉS PAR LES SÉISMES Les témoignages de bruits d’explosions à l’occasion d’un séisme sont innombrables. Ces sons sont générés lorsque les ondes sismiques atteignent la surface du sol, une partie de l’énergie sismique se transmet alors dans l’air. Pour qu’elles soient audibles, ces ondes sonores sont émises dans une gamme de fréquence de 20 à 20 000 Hz. De telles fréquences s’atténuant rapidement lors de la propagation des ondes sismiques dans le sol, ces sons indiquent une proximité de l’épicentre et une faible profondeur du séisme. Les premiers témoignages de phénomènes lumineux au moment des séismes avaient laissé les sismologues sceptiques. Mais voilà, avec les smartphones, les témoins ont maintenant un appareil photo à portée de main. Des photos ont été prises de lueurs en Chine à l’occasion du séisme du Sichuan en 2008. Cette fois les preuves sont indéniables. Les recherches ont commencé et des pistes existent ; ces lueurs pourraient être liées à des phénomènes électriques dans le sol, phénomènes eux-mêmes liés aux circulations de fluides. Q Les citoyens comme détecteurs des tremblements de terre !

Dans les années 1990, les sismologues savaient qu’un séisme avait été ressenti lorsque les différents téléphones du laboratoire se mettaient à sonner en même temps ; le temps de trouver le numéro et les témoins venaient s’enquérir de l’origine de la secousse qu’ils venaient de vivre. Aujourd’hui, plus de coup de téléphone, les témoins se précipitent sur Internet et tombent en nombre sur les sites d’information sismologique, entraînant des augmentations rapides et massives de trafic, jusqu’à dans certains cas rendre le site inopérant. Un des 97

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moyens d’identifier les séismes ressentis est donc de détecter ces augmentations de trafic, méthode proposée et implémentée sur le site internet du CSEM1. Dès qu’une augmentation est détectée (Figure 37), l’origine géographique des visiteurs est déterminée à partir de l’adresse Internet de leur ordinateur (la précision de cette localisation est, dans le meilleur des cas, au niveau de la ville). La région où le séisme a été ressenti est ensuite cartographiée à travers les villes pour lesquelles l’augmentation de trafic est significative (Figure 38).

Figure 37 | Évolution du trafic sur le site Internet du CSEM suite au séisme de Barcelonnette du 7 avril 2014 magnitude 4,9. L’augmentation de trafic a été détectée automatiquement 96 s après le séisme et aussitôt publiée sur le compte Twitter @LastQuake. © CSEM.

1. http://www.emsc-csem.org/

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Figure 38 | Le 26 octobre 2015, un séisme (représenté par l’étoile) de magnitude 7,5 se produit en Afghanistan. Près de 300 victimes sont à déplorer. Il est ressenti de l’Asie Centrale au nord de l’Inde. Malgré la violence de la secousse et le faible développement économique, les témoins affluent sur le site du CSEM dès les premières minutes. Cette carte représente en rouge les villes pour lesquelles une augmentation de trafic est observée dans les premières 6 minutes 30 après le séisme. Les ondes sismiques S sont représentées par le cercle jaune, les ondes P, plus rapides étaient déjà en dehors de l’emprise de cette carte 4 minutes après le séisme. Cette technique cartographie la région où le séisme a été ressenti indépendamment de toute information sismologique. © CSEM.

Point fondamental, cette méthode ne mesure pas le séisme mais la réaction du public. Elle est indépendante de la magnitude et donc complémentaire des informations sismologiques. En septembre 2015, cette méthode a détecté un séisme de magnitude 0,9 localisé sous la ville de Zagreb (Croatie) ! Le plus étonnant est la rapidité de la réaction des témoins : dans un pays sismique comme la Grèce où les sites d’informations sont bien connus de la population, les augmentations de trafic débutent 15 à 40 secondes après le séisme. Dans 95 % des cas la détection 99

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de l’augmentation de trafic précède la localisation issue des réseaux de surveillance ! Dans le cas du séisme de Mineral (Virginie, ÉtatsUnis) de magnitude 5,8 en 2011, une étude réalisée a posteriori a montré que l’heure d’arrivée des témoins sur le site du CSEM suivait la propagation des ondes sismiques : plus les gens étaient près de l’épicentre, plus ils sont arrivés rapidement sur le site ! Le séisme ayant été ressenti à plus de 800 km, il a même été possible de localiser son épicentre avec une précision de 30 km en n’utilisant que les deux premières minutes de trafic sur le site du CSEM pour un séisme se produisant, rappelons-le, de l’autre côté de l’Atlantique ! Les témoins sont des sismomètres en temps réel ! Une technique similaire a été développée aux États-Unis par l’US Geological Survey : la détection des séismes ressentis sur Twitter, le site de micro-blogging. En pratique, le nombre de messages (appelés tweets) contenant le mot « séisme » dans la langue du pays où se produit le tremblement de terre suit la même évolution que le trafic sur les sites d’informations sismologiques : il explose en quelques dizaines de secondes. Il suffit là encore d’identifier l’origine géographique des tweets – un processus moins précis que pour les augmentations de trafic – pour savoir où le séisme a été ressenti. À l’occasion du séisme de Napa qui frappa en pleine nuit la Californie en août 2014, un fabriquant de bracelets connectés, bracelets qui, grâce à un accéléromètre compte le nombre de pas réalisés au cours de la journée, a montré que le pourcentage de personnes qui se sont réveillées et levées immédiatement après le séisme dépendait de la distance à l’épicentre ! Internet agit comme le système nerveux de la planète et ces méthodes détectent les réactions de la population en temps réel. Ni la détection sur le trafic Internet, ni celle sur Twitter ne donnent à elles seules une liste exhaustive des séismes ressentis : le CSEM n’est pas universellement connu et l’utilisation de Twitter varie grandement d’un pays à un autre. Néanmoins, en compilant les différentes techniques d’identification disponibles, on estime le nombre de séismes ressentis au minimum à 2 000 par an, et au 100

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plus à quelques milliers. Plus de 90 % des 50 000 séismes localisés chaque année par le CSEM ne sont pas ressentis et n’ont pas d’intérêt immédiat pour le public. Ces méthodes nous aident à différencier l’information utile pour le public de celle à destination des sismologues qui eux cherchent à comprendre comment « vit » notre planète.

SISMOLOGIE CITOYENNE Un des défis aujourd’hui en sismologie est de déterminer rapidement les dégâts causés par un séisme. Les citoyens font partie de la solution. L’analyse du trafic Internet peut aller au-delà de la détection des séismes ressentis, et détecter l’existence de dommage. Que se passe-t-il en cas de dommages majeurs ? L’ensemble des internautes en provenance de la zone impactée et présents sur le site Internet avant le séisme perdent leur connexion instantanément. Ces connexions disparaissent de manière concomitante des écrans de contrôle du CSEM indiquant la possibilité de dommages. Mais ce n’est pas tout. Internet, les smartphones et leurs applications offrent la possibilité aux témoins de partager instantanément leurs observations, qu’ils s’agissent de décrire leurs expériences ou les dégâts autour d’eux, leurs commentaires ou des photos géolocalisées. L’application pour smartphone LastQuake a ainsi collecté des milliers de témoignages et une centaine de photos géolocalisées à la suite du séisme M7,8 du Népal en avril 2015. Et la rapidité est surprenante : 500 témoignages dans les 30 premières minutes après la réplique de magnitude 7,3 au Népal, 700 témoignages collectés dans le même laps de temps après le séisme de magnitude 4,2 qui réveille en pleine nuit les habitants du Kent (Grande-Bretagne) en mai 2015 ou encore 2 400 lorsqu’un séisme secoue Phoenix (Arizona) en novembre 2015, soit plus d’un par seconde ! Autant d’informations qui complètent les données sismologiques et affinent rapidement l’image de l’impact des séismes (Figures 39 et 40).

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Les citoyens peuvent même héberger une station sismologique et participer à un réseau sismologique citoyen ! Depuis quelques années, des capteurs de mouvements peu onéreux (quelques dizaines d’Euros) sont disponibles et transforment un simple ordinateur en station sismologique. La faible sensibilité des capteurs limite à ce stade l’intérêt de ce type d’approche dans les zones à sismicité modérée comme la métropole. Des déploiements existent en Californie, en Nouvelle-Zélande, à Taïwan, et le CSEM coordonne les initiatives similaires en Grèce, au Portugal, aux Antilles… Grâce à la technologie, le citoyen peut devenir acteur de la surveillance sismologique !

Figure 39 | Les témoins ne fournissent pas que des informations sur les destructions mais aussi des images de phénomènes rares, comme ici l’effondrement d’une falaise au cours d’un séisme en Grèce en 2008, image envoyée au CSEM par un témoin. © CSEM.

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Figure 40 | Carte des 1 000 témoignages reçus par le CSEM après le séisme de magnitude 7,5 en Afghanistan du 26 octobre 2015. La couleur des points indique l’importance des effets, bleu, simplement ressenti à rouge, dégâts importants. Ce séisme a été ressenti jusqu’au Émirats Arabes Unis et au Qatar à plus de 2 000 km notamment dans les tours de grande taille qui tendent à amplifier les basses fréquences. L’épicentre est représenté par l’étoile en rouge. © CSEM.

Q Amélioration de l’information à destination du public

Deux pistes d’amélioration de l’information à destination du public et des autorités sont en développement au sein de la communauté sismologique : apporter une information plus complète et diversifier les moyens de communication. L’information plus complète consiste à ne plus se limiter aux seules localisations et magnitude du séisme, mais à fournir des cartes, une information sur les séismes passés, une carte des effets tels que reportés par les témoins ainsi que des informations relatives à la prévention du risque sismique, ou aux gestes qui sauvent. Couvrir non seulement le 103

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séisme lui-même, mais tous les aspects reliés pouvant avoir un intérêt pour le public. La diversification des moyens de communication exploite les technologies Internet et les smartphones. Au Costa Rica, le site Internet n’est plus le principal vecteur de diffusion de l’information sismologique de l’institut national, c’est aujourd’hui sa page Facebook ! Un des avantages indéniables de cette approche est que même en cas d’afflux massif de témoins, Facebook restera accessible, ce qui n’est pas toujours le cas des sites Internet. Facebook, Twitter sont ainsi devenus des outils complémentaires des sites Internet. Enfin, les smartphones et tablettes changent l’accès à l’information : grâce aux applications, plus besoin de vérifier les mises à jour des sites Internet, les informations arrivent automatiquement sur l’écran. Il est fort à parier qu’ils constitueront très bientôt le principal mode d’accès à l’information sismologique et que les sites Internet verront leur nombre de visites diminuer. Ce qu’ont changé les nouveaux modes de communication c’est l’instantanéité de la demande d’information après une secousse : le monde fonctionne en temps réel et les témoins s’attendent à avoir une réponse immédiate. La démonstration est claire avec la détection des séismes ressentis sur Twitter ou par l’analyse de trafic Internet. Des initiatives sont en cours, notamment sur Twitter, l’icône de l’instantanéité, avec la création de robot de publication automatique (appelés quakebot). Ainsi le quakebot @LastQuake peut publier jusqu’à une vingtaine de tweets différents pour le même séisme, de la détection d’une augmentation de trafic Internet, à la carte des témoignages, en passant par la carte épicentrale, ou les informations sur une éventuelle alerte tsunami associée.

COMMUNIQUER SUR L’ALÉA SISMIQUE ET PENDANT UNE CRISE SISMIQUE Le schéma classique après un premier séisme est d’observer des répliques, c’est-à-dire des séismes de plus faible magnitude se produisant à proximité du premier, leur nombre et leur magnitude tendant à 104

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diminuer au cours des jours et semaines suivantes. Malheureusement, ce n’est pas la seule évolution possible. Des séismes de magnitude similaire se produisent quelquefois ; dans d‘autres cas encore, le choc principal n’arrive qu’après des secousses de plus faible magnitude. Nous parlerons pour l’ensemble de ces cas de crise sismique, c’est-à-dire d’une période où l’activité sismique est inhabituelle. Bien entendu, la population pose des questions, mais comment y répondre ? Comme nous allons le voir, la communication liée aux tremblements de terre se heurte à deux difficultés fondamentales : l’impossibilité actuelle de savoir où et quand un séisme va se produire et notre incapacité à identifier d’éventuels signaux précurseurs dans les jours ou les heures précédents un séisme destructeur. Nous traiterons dans un premier temps de la communication liée à l’aléa sismique avant de traiter le cas très sensible des crises sismiques. Communication et aléa sismique L’impossibilité de prédire où et quand un séisme va se produire conduit à utiliser des mesures statistiques pour caractériser l’aléa sismique et définir les politiques de prévention. Or statistiques et communication font rarement bon ménage. Ainsi, la protection du bâti conventionnel (les approches pour les industries chimiques ou nucléaires sont différentes et nettement plus contraignantes) est basée sur le mouvement sismique ayant une période de retour de 475 ans2. En d’autres termes, sur une période de temps de 50 000 ans par exemple, ce mouvement sismique sera observé une bonne centaine de fois ; des mouvements plus violents seront aussi observés au cours de cette période mais moins fréquemment. À première vue, rien de très compliqué (Figure 41). Pourtant la pratique est différente. 2. Un mouvement sismique de 475 ans de période de retour correspond mathématiquement au mouvement dont l’ampleur à 10 % de chance d’être dépassée sur une période de 50 ans. En considérant que la durée de vie d’une habitation est de 50 ans, construire pour se protéger du mouvement sismique de 475 ans de période de retour équivaut à la protéger dans 90 % des cas.

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Figure 41 | Destructions lors du séisme de l’Aquila en 1999 (Italie). L’aléa sismique est exprimé par des probabilités, or les probabilités s’appliquent à des grands nombres, alors que les séismes destructeurs sont forts heureusement rares. Cette différence de nature entre la mesure scientifique de l’aléa et l’expérience pratique de la population rend la communication difficile. © CSEM.

LES SÉISMES FONT-ILS PLUS DE VICTIMES OU Y-A-T-IL PLUS DE SÉISMES ? Le nombre de séismes n’augmente pas mais le nombre de leurs victimes, lui, augmente et continuera malheureusement d’augmenter à l’avenir. Ce phénomène s’explique avant tout par l’accroissement de la population mondiale – 1 milliard en 1800, 7 milliards aujourd’hui, 9 milliards en 2050 – et le fait que les bâtiments parasismiques restent, à échelle des régions à risque, l’exception plutôt que la règle. Un chiffre pour illustrer cette dramatique évolution : le nombre de victimes des séismes entre 500 avant Jésus-Christ et l’an 2000 est estimé à 12 millions. Sur ces 12 millions, 2 millions ont perdu la vie durant le seul XXe siècle !

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Ce tableau morbide se noircit encore lorsqu’est prise en compte la concentration de la population dans les zones urbaines (la population urbaine devrait doubler dans les 50 prochaines années). Elle s’accompagne du développement de mégapoles qui lorsqu’elles sont frappées par un séisme laissent derrière elles un terrible bilan humain. Rappelons-nous du séisme à Port-Au-Prince (Haïti) en 2010 et ses centaines de milliers de victimes. Malheureusement, ce type de désastre se reproduira. Et le bilan d’un mégaséisme (M > 8) frappant une mégapole peut potentiellement atteindre un million de victimes ! La ville de Téhéran est une de ces mégapoles à risque. À risque non seulement de connaître un bilan humain effroyable mais aussi d’impacter l’organisation politique du pays. Quelle serait l’évolution d’un pays dont les structures de pouvoir disparaîtraient ? Le gouvernement Iranien a plusieurs fois évoqué le possible déménagement de sa capitale vers la ville d’Ispahan jugée plus sûre. Le Kazakhstan, lui, a franchi le pas en 1997 et transféré sa capitale d’Almaty vers Astana pour, entre autres raisons, éviter qu’un séisme ne plonge le pays dans l’inconnu.

Aujourd’hui, les bâtiments de la ville du Mans recevant du public, comme les collèges sont soumis à des règles de construction parasismique. Certains élus – en charge des budgets et de gérer de multiples priorités – ne comprennent pas et demandent l’abrogation de ces règles « car la ville n’a jamais connu de séisme ». Leur observation est correcte (Le Mans est située dans la zone à sismicité faible de la Figure 10), en tout cas à partir des informations disponibles aujourd’hui, mais cela ne signifie pas qu’un séisme est impossible à l’avenir. Pour comprendre, prenons l’exemple d’un autre risque naturel : les crues. Les crues ont différentes périodes de retour : annuelle, décennale, centennale... Même si aucune crue significative n’a été observée sur une rivière donnée depuis 10 ou 50 ans, il ne viendrait à l’esprit de personne d’en conclure qu’il n’y aura plus de crue à l’avenir. Pourquoi cette différence lorsque l’on parle des séismes ? Car les périodes de retour dans une région à sismicité modérée comme la 107

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métropole sont trop longues pour être facilement appréhendées par l’esprit humain (Figure 42). Face à de telles valeurs, notre esprit cherche des éléments concrets issus de notre propre expérience et de notre mémoire pour comparer et hiérarchiser ce risque et se forger sa propre opinion. Mais comment appréhender des durées aussi longues ? Imaginez : il y a 475 ans nous étions dans la France de François 1er !

LES MÉGASÉISMES NE CONTRÔLENT PAS LE RISQUE SISMIQUE ! La concentration de population au sein de mégapoles augmente le risque sismique et s’il est vrai qu’un mégaséisme (M > 8) frappant l’une d’elles pourrait entraîner la mort d’un million de personnes, ce ne sont pas ces séismes qui contrôlent le risque sismique. En effet, ce sont des séismes rares, en moyenne un tremblement de terre atteint ou dépasse cette magnitude chaque année. Or, les séismes de magnitude inférieure, beaucoup plus nombreux, sont à l’origine de catastrophes à fort impact humain. En 2003, à Bam (Iran), un séisme de magnitude 6,6 entraîna la mort de près de 30 000 personnes. À Tangshan (Chine), en 1976, c’est un séisme de magnitude 7,5 qui entraîna la mort de 300 à 700 000 personnes (le nombre de victimes reste l’objet de débats). Le séisme d’Haïti en 2010 atteignait seulement une magnitude de 7,3. Nous pourrions continuer cette énumération. En pratique, dès que sa magnitude approche 7, un séisme se produisant à proximité d’une zone urbaine importante peut provoquer des dégâts considérables, dégâts dont l’ampleur dépendra en grande partie de la vulnérabilité des bâtiments. Et parce qu’ils sont beaucoup plus nombreux que les mégaséismes (M > 8), au total le nombre des victimes qu’ils occasionnent dépasse le nombre de victimes causés par les mégaséismes. Les mégaséismes sont trop rares pour contrôler le risque sismique global.

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La communication sur les risques à grande période de retour se heurte à ce processus d’assimilation de l’information ainsi qu’à l’absence de perception du risque : comment rendre concret le risque sismique, alors que les témoins du dernier séisme meurtrier en métropole, le séisme de Lambesc en 1909, ne sont plus de ce monde. Dans des pays comme le Japon ou l’Iran, où les séismes sont bien plus fréquents et présents dans la mémoire collective, chacun est conscient de la réalité du phénomène et de la nécessité de s’en protéger. La communication sur l’aléa et le risque est bien plus simple ! Que va-t-il se passer maintenant ? Votre maison vient d’être secouée par un séisme pour la seconde fois en quelques semaines. Fort heureusement, plus de peur que de mal. Vous retrouvez votre calme. Rapidement une question vous vient à l’esprit « Que va-t-il se passer maintenant ? Va-t-il encore y avoir un autre séisme ? Que dois-je faire ? » La question est légitime. Mais aujourd’hui la science ne sachant ni prédire les séismes, ni détecter d’éventuels signaux précurseurs, impossible de répondre de manière tranchée. Que savons-nous ? Nous savons qu’un fort séisme est généralement suivi de répliques. Nous savons aussi qu’il va augmenter temporairement la possibilité d’observer un séisme de magnitude équivalente ou supérieure dans la même zone. Cet effet s’atténue avec le temps et disparaît dans un délai de quelques semaines à quelques mois. L’AQUILA (ITALIE) : UNE COMMUNICATION DÉFAILLANTE Six scientifiques et un responsable de la protection civile italienne avaient été condamnés en première instance pour homicides involontaires à la suite du séisme de l’Aquila en 2009. En appel, seul le responsable de la protection civile n’a pas été acquitté, jugement confirmé en novembre 2015 par la cour suprême italienne. Que leur reprochait-on

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exactement ? D’avoir donné une information trop rassurante au public quelques jours avant le séisme du 6 avril. Une trentaine de personnes qui avaient quitté leur maison après avoir ressenti plusieurs secousses seraient retournées y dormir après avoir entendu leur message et auraient ainsi trouvé la mort lors de ce séisme.

Figure 42 | Carte d’aléa sismique de la zone Euro-méditerranéenne. Les régions en rouge sont celles soumises au plus fort aléa. Cette carte est statique, elle n’évolue pas en fonction du temps et ne permet pas de répondre à la question du public « mais que va-t-il se passer maintenant ». Ces cartes sont révisées tous les 10 à 15 ans pour intégrer les avancées scientifiques. Comparé à l’Italie, le Sud-Est des Balkans ou la Turquie, l’aléa sismique en métropole est nettement plus faible. Les cartes d’aléa dessinent la présence de grandes failles actives, comme par exemple la faille Nord Anatolienne dans le Nord de Turquie, ou la faille du Levant orientée Nord-Sud de la mer Rouge au sud-est de la Turquie. La raison est simple, dans ces régions la grande majorité des séismes sont localisés sur ces failles. L’aléa est donc localisé et diminue rapidement dès que l’on s’éloigne de celles-ci. © DR.

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Sans rentrer dans les détails d’une procédure judiciaire qu’il ne nous appartient pas de commenter, ni dans les raisons, complexes, qui ont conduit à cette situation, force est de constater que la communication a été défaillante. La communication vers le public a été réalisée uniquement par oral, au travers d’une conférence de presse impromptue tenue à l’issue d’une réunion scientifique avant même qu’un compte rendu en ait été écrit. Cette communication non maitrisée a semble-t-il conduit à une erreur laissant croire au public que l’occurrence de petits séismes relâchaient suffisamment d’énergie pour rendre l’occurrence d’un violent séisme improbable. Une affirmation scientifiquement fausse (voir p. 112).

Depuis plusieurs années, un domaine de la sismologie appelé « la prévision sismologique opérationnelle » (« Operational earthquake forecast ») essaye de quantifier l’évolution temporelle de l’aléa sismique en intégrant au calcul les perturbations engendrées par chaque nouveau séisme. D’après ces résultats, la probabilité d’observer un séisme plus violent peut être temporairement multipliée par 100 voire, dans les cas extrêmes, 1 000 après un premier choc. L’augmentation peut donc être tout à fait significative, mais, et c’est le point principal, la probabilité d’observer un nouveau séisme demeure infinitésimale et toujours très inférieure à 1 % : dans la vaste majorité des cas (99 %), un premier tremblement de terre ne sera pas suivi par un séisme plus violent. Même dans le cas d’une forte augmentation de l’aléa, cela ne veut pas forcément dire que celui-ci devient significatif !

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NON, LA RÉPÉTITION DE PETITS SÉISMES NE DIMINUE PAS LA PROBABILITÉ D’UN FORT SÉISME ! Intuitivement, il semblerait logique que plus le nombre de petits séismes est important, plus l’énergie libérée est importante et plus la possibilité d’un fort séisme diminue. Et bien non car l’énergie libérée par des petits séismes est insignifiante par rapport à celle libérée lors d’un séisme de forte magnitude. Rappelez-vous, un séisme de magnitude 7 libère 32 fois l’énergie d’une magnitude 6, et même s’il y a 10 fois plus de séismes de magnitude 6 que de magnitude 7, l’énergie libérée par un seul de magnitude 7 est plusieurs fois supérieur à l’ensemble des séismes de plus faible magnitude dans la même région.

Mais alors, est-ce que ce type d’information à une réelle utilité pratique ? Le débat est encore vif au sein de la communauté scientifique, certains estiment qu’après l’Aquila tout vaut mieux que ce qui pourrait ressembler à de la rétention d’information alors que d’autres pensent que seule une communication simple et accessible est réellement utile.

ET SI L’AQUILA SE PASSAIT DEMAIN EN FRANCE ? Que se passerait-il si la France était confrontée sur son territoire à un cas similaire à la crise sismique de l’Aquila ? Pourrions-nous fournir une information pertinente et claire à la population angoissée d’une ville soumise à une série de tremblements de terre ? Ou alors rejouerions-nous le scénario déplorable de la polémique publique comme lors de la crise éruptive du volcan de la Soufrière de Guadeloupe de 1976 ? Avons-nous tiré toutes les leçons de ces échecs ? Pas sûr, même si la prise de conscience des difficultés et des enjeux est aujourd’hui incontestable, les évolutions notamment en termes d’organisation restent à finaliser.

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Impossible de résumer en quelques lignes la crise éruptive de la Soufrière, sujet épineux et encore aujourd’hui polémique. Tous les ingrédients étaient là pour rendre la situation explosive : la mémoire de la catastrophe de la Montagne Pelée en 1902 dans la Martinique voisine, l’éruption la plus meurtrière du XXe siècle avec 30 000 morts, un observatoire volcanologique jeune et qui manquait d’équipements, une crise qui s’installe dans le temps (sur plus d’une année) et qui affecte la population (jusqu’à 70 000 personnes seront évacuées) et deux fortes personnalités. Autant d’éléments qui auraient dû conduire à la plus grande maîtrise de la communication vers le public. La polémique scientifique fît pourtant rage sur la place publique et par articles de journaux interposés entre partisans et opposants de l’évacuation. Elle culmina le 11 novembre 1976 par un face à face télévisé entre Claude Allègre et Haroun Tazieff, deux futurs ministres, qui se transformera en un interminable règlement de comptes scientifique et judiciaire. Inutile de dire que la crédibilité des scientifiques auprès des Guadeloupéens vola en éclat. Pour preuve, le Conseil Général vota une pétition signée par 6 000 Guadeloupéens, pétition qui prenait parti dans cette polémique ! La confiance dans les scientifiques impliqués dans la gestion de cette crise avait disparu. Pour éviter qu’un tel gâchis ne se reproduise fût institué par un décret de 1988 le Comité Supérieur d’Évaluation des Risques Volcaniques (CSERV) avec notamment pour mission de recommander, au ministre chargé de la sécurité civile, les mesures à prendre en cas de graves éruptions. Le CSERV a pourtant disparu en 2007 sans être remplacé. La France dispose-t-elle aujourd'hui de l'organisation nécessaire pour faire communiquer décideurs et scientifiques en cas de crise ? La réponse est non. Ni pour les crises sismiques, ni pour les éruptions volcaniques. Évitera-t-on les querelles scientifiques sur la place publique ? Peut-être car depuis l’Aquila les scientifiques savent que leur responsabilité individuelle pourrait être engagée devant des tribunaux. Mais a contrario, quel scientifique osera s’exprimer sur une situation évolutive, complexe et incertaine sans un cadre juridique établi et alors que planent au-dessus de lui d’éventuelles poursuites judiciaires?

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Il est par conséquent indispensable, avant la prochaine crise, de mettre en place une structure à même de gérer le nécessaire débat scientifique en interne, et de fournir aux gestionnaires de la crise les éléments scientifiques leur permettant d’asseoir leurs décisions sur l’état actuel des connaissances, et ce dans un cadre juridique clair et transparent.

Que faire de ces valeurs ou comment décider dans un environnement incertain ? La prévision sismologique opérationnelle tente d’évaluer l’évolution temporelle de l’aléa, mais que faire de ces valeurs ? Dans quelles situations des mesures de protection supplémentaires seraient-elles envisagées ? Dans quels cas l’évacuation d’une ville pourrait-elle être justifiée ? D’abord deux éléments importants pour appréhender la difficulté de la prise de décision dans un environnement incertain. En premier lieu, il est indispensable de garder à l’esprit que les statistiques n’ont aucune valeur prédictive. La médecine estime qu’un fumeur sur 6 développera un cancer du poumon, mais elle ne sait prévoir quels fumeurs seront malheureusement concernés. La prévision sismologique opérationnelle calcule que dans une minorité de cas, un séisme bénin s’avèrera, a posteriori, être précurseur d’un séisme destructeur, sans être pour autant en mesure d’identifier ces cas. La pertinence des décisions prises à un moment donné ne doit pas être jugée en fonction de l’évolution ultérieure de la situation. Elle doit être évaluée à partir des informations disponibles au moment où ces décisions ont été prises. Le fait qu’ultérieurement un séisme destructeur se produise ou non, ou qu’a posteriori d’autres décisions auraient pu être plus efficaces ni ne valide, ni ne récuse les décisions prises. Décider ce n’est pas parier sur l’avenir, mais exploiter au mieux les informations disponibles à un moment donné. Les décideurs ne sont pas des voyants ! Le second élément central dans la gestion de ce type de situation est l’analyse des coûts et des bénéfices des mesures envisageables, analyse dont les résultats peuvent différer d’un acteur à un autre. 114

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Illustrons ce point par un exemple. La météo prévoit un risque d’orage demain sur Paris. Le touriste qui a prévu de visiter la ville pourra ne prendre aucune mesure, au pire il s’en tirera avec une bonne douche. Dans la même situation, le candidat à un entretien d’embauche ne souhaitera probablement pas prendre le risque d’arriver trempé devant un futur potentiel employeur, surtout qu’il lui suffit de glisser un parapluie dans son sac pour se protéger ; pour lui, le coût est faible, le bénéfice potentiel élevé, la décision est simple. Bien sûr la réalité est plus complexe, tout d’abord car la sismologie traite d’événements beaucoup plus rares et beaucoup moins prévisibles que les orages et les averses, mais aussi car les mesures envisageables (fermetures des bâtiments vulnérables ou des écoles, évacuations temporaires…) ont un coût économique et social considérable. Imaginons l’évacuation de la région de Los Angeles avec ses 18 millions d’habitants : où les loger, combien de temps devrait durer cette évacuation, combien de personnes risqueraient de perdre la vie durant cet exode, quelles conséquences du stress sur la santé des populations, combien d’entreprises ne survivraient pas à cette interruption d’activité ? Enfin, si par bonheur le séisme redouté ne se produit pas – ce qui reste de très loin le scénario le plus probable et souhaitable –, le coût devra être assumé alors que le bénéfice attendu se sera évanoui ; sans parler de la réputation et de la crédibilité des scientifiques qui seront à reconstruire ! Au-delà du coût économique et social des mesures, la conciliation d’intérêts de nature différente et pouvant être concurrents est un exercice périlleux. La reprise rapide de l’activité économique est essentielle pour réduire le coût économique d’un désastre. Fautil pour autant autoriser le retour d’employés dans des bâtiments fragilisés au risque de les voir s’effondrer en cas de forte réplique ? Sinon combien de temps faut-il attendre ?

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PRÉDICTION DES SÉISMES : POURQUOI LES SISMOLOGUES SEMBLENT-ILS SCEPTIQUES ? Prédire les séismes, c’est le Graal de la sismologie. Pourtant, les sismologues semblent souvent sceptiques quand leur sont présentées de nouvelles méthodes de prédiction qui au premier abord semblent vraiment encourageantes. Comment est-ce possible ? Effectivement, les sismologues sont souvent sollicités après un séisme destructeur pour s’exprimer sur le bienfondé d’une prédiction qu’ils découvrent à cette occasion. Difficile de s’enthousiasmer car chacun des espoirs qui ont jalonné l’histoire de la sismologie ont été déçus. Impossible d’évaluer la pertinence d’une prédiction sans une analyse longue et détaillée. Le temps scientifique n’est pas le temps médiatique ! Et puis il y a prédiction et prédiction. Si la prédiction consiste à dire que dans les jours qui viennent il y a aura un séisme au Japon, elle va se réaliser, c’est certain ! Le CSEP (Collaboratory for the Study of Earthquake Predictability) a été mis en place en 2006 pour sortir de cette situation et ne pas rejeter des méthodes qui pourraient être efficaces. Le CSEP est un partenariat scientifique entre plusieurs instituts autour du monde coordonné par le SCEC (Southern California Earthquake Center). Il a développé des procédures scientifiques pour l’évaluation des méthodes de prédiction (quelles sont les hypothèses, quels sont les critères de succès, les succès peuvent-ils être dus au simple hasard…). Chacun peut tester sa méthode de manière rigoureuse et scientifique. Les résultats des méthodes testées sont disponibles sur leur site (http:// www.cseptesting.org). Malheureusement à ce jour, tous les tests ont été négatifs.

Finissons ce paragraphe sur une belle réussite. Le 20 mai 2012, un premier séisme secoua la région d’Emilie Romagne dans le Nord de l’Italie et engendra des dégâts dans certains bâtiments. Plusieurs éléments, notamment l’étendue inhabituellement grande dans laquelle étaient observées les répliques, conduiront la Haute 116

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Commission aux Risques Italienne (dont le fonctionnement a été revu en profondeur après l’Aquila) à estimer que la probabilité d’un nouveau fort séisme était non négligeable. À la vue de cette évaluation, les autorités italiennes prirent plusieurs décisions, comme le prépositionnement de moyens d’interventions. Neuf jours plus tard, un second séisme produisit de nouveaux dégâts. Les équipes étaient prêtes. Ce cas, 3 ans après le fiasco de l’Aquila (voir encart L’Aquila (Italie) : une communication défaillante, p. 109) a été considéré par les médias italiens et la population comme un réel succès. Serait-il toujours considéré comme un succès si l’évacuation d’urgence des stocks du complexe pétrochimique, décidée pour limiter les risques d’explosions avait conduit à des accidents routiers meurtriers ? Ces décideurs aujourd’hui félicités, ne seraient-ils pas face aux tribunaux ? Alors que faire ? Les paragraphes précédents illustrent la complexité de la situation : face aux informations et rumeurs circulant sur Internet, le silence est impossible mais la communication est périlleuse. L’expérience à l’étranger, en Californie ou aujourd’hui en Italie, démontre que plusieurs conditions sont indispensables – mais pas forcément suffisantes – à une gestion aussi efficace que possible de ce type de situation : un cadre juridique clair, une organisation transparente, le respect strict des rôles entre scientifiques et décideurs, et une communication active vis-à-vis du public. En pratique, les autorités doivent pouvoir s’appuyer sur un avis scientifique officiel reflétant l’état actuel des connaissances pour décider des mesures de protection envisageables. Et les scientifiques ne sont pas les gestionnaires de la crise : les décisions sont du ressort de l’autorité publique. En Californie et en Italie, cet avis est émis par une commission qui gère les débats scientifiques en interne. Bien entendu, toute improvisation doit être exclue. Les modes de nomination, les attentes, les responsabilités respectives, 117

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le fonctionnement général doivent être préétablis de manière rigoureuse. Les scientifiques qui participent au débat dans le cadre de la commission ne s’exposent pas juridiquement, en revanche cette protection disparaît s’ils devaient s’exprimer à titre personnel dans les médias. Et le public dans tout ça ? Rappelons que l’objectif de cette démarche est de répondre autant que faire se peut à ses attentes et de lui offrir une information claire et utile. Plus le public aura confiance dans les acteurs, moins la pertinence des messages et mesures sera remise en cause et moins le risque judiciaire sera élevé pour les gestionnaires de la crise et les décideurs. Or sans transparence, pas de confiance possible. Le processus de décision doit être transparent et susciter l’adhésion du public. Et cette adhésion peut, à son tour, renforcer l’autoprotection : fixer les étagères aux murs, connaître les consignes en cas de séisme, ou se débarrasser d’objets lourds suspendus sont des mesures simples qui peuvent faire une réelle différence. La communication vers le public des informations scientifiques et des incertitudes associées est partie intégrante de la transparence. Chacun pourra prendre les décisions qu’il estime opportunes, qui de prolonger les vacances des enfants dans la famille, qui de dormir sous la tente ou simplement de ne pas modifier ses habitudes en fonction de ses propres critères et de sa situation personnelle. Est-il illogique que face à la même augmentation temporaire de l’aléa sismique dans une ville donnée, des parents d’enfants en bas âge décident de prendre quelques jours de vacances et que des personnes âgées préfèrent ne rien changer de leurs habitudes ? Probablement pas, et ne sont-ils pas les mieux placés pour en juger ? La situation présente des similarités avec des thématiques de santé publique, comme la lutte contre l’obésité ou le tabagisme, où si les politiques nationales sont indispensables, la responsabilité du citoyen l’est tout autant. 118

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LE CAS D’ISTANBUL Istanbul, capitale économique de la Turquie est menacée par un futur séisme. Il devrait secouer la ville au cours des prochaines décennies. Dans cette région, les forts séismes se produisent sur la faille Nord Anatolienne qui parcourt le Nord de la Turquie d’Est en Ouest sur 1 000 km. La partie située au sud de cette faille se déplace vers l’ouest à une vitesse de 25 mm par an. Depuis 1939 et le désastreux séisme d’Erzincan (30 000 victimes) dans l’est du pays, l’ensemble de la faille a cassé au cours d’une succession de tremblement de terre, à l’exception d’un seul segment de faille situé dans la mer de Marmara, à une distance située entre 20 et 50 km de la ville d’Istanbul. Le bloc situé au sud de la faille continue de se déplacer vers l’ouest et les contraintes s’accumulent chaque jour un peu plus sur ce segment de faille (Figure 43). Chaque jour ce séisme qui, d’après la longueur du segment prêt à rompre, pourrait atteindre 7,5 de magnitude se rapproche. Mais personne ne sait s’il se sera produit quand vous lirez ces lignes ou si les Stambouliotes ont encore un répit de 30 ou 40 ans. Cette situation particulière a conduit les autorités turques à instrumenter la mer de Marmara pour progresser dans la compréhension de la région et à développer un système d’alerte précoce pour essayer d’en atténuer les conséquences. Les défis demeurent majeurs : la ville contient un grand nombre de bâtiments historiques souvent vulnérables, mais surtout au cours des 50 dernières années la population de la ville a été multipliée par 7 pour atteindre bientôt 14 millions d’habitants et la plupart des habitations ont été construites à une période où les règles parasismiques étaient inexistantes. Pour pallier cette situation, les autorités turques investissent massivement : en 2014, 700 bâtiments publics avaient été renforcés pour résister à la secousse attendue, un demi-million de personnes formées à la préparation au séisme. La course contre la montre continue.

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Figure 43 | Carte des segments de la faille Nord Anatolienne (Turquie) ayant rompus au cours des séismes majeurs du XXe siècle. La rupture engendrée par chaque séisme est indiquée en couleur et l’année du séisme reportée au-dessus de la carte. Depuis 1939, l’ensemble de la faille Nord Anatolienne a cassée à l’exception de la section de la mer de Marmara au sud d’Istanbul à l’ouest des séismes de 1967 et 1999. Cette section connue sous le nom de Marmara gap (lacune sismique de Marmara) devrait être le lieu du prochain fort séisme sur cette faille et devrait se produire au cours des prochaines décennies. Ce futur probable séisme est une réelle menace pour la ville d’Istanbul.

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5 La sismologie sans les séismes !

C

omme un médecin ausculte son patient à l’aide de son stéthoscope, le sismologue scrute l’intérieur de la Terre grâce aux ondes sismiques. Et il ne voit pas que les séismes, mais aussi toutes sortes de vibrations d’origines naturelles et artificielles qui, pour une oreille avertie regorgent d’informations. C’est pourquoi les techniques issues de l’étude des tremblements de terre trouvent des champs d’applications aussi variés que la surveillance des essais nucléaires, l’étude de la stabilité des mines, l’analyse d’explosions accidentelles ou terroristes, la surveillance de la fracturation hydraulique ou, de manière peut-être encore plus surprenante, le suivi de certains paramètres climatologiques comme le mouvement des glaciers, l’évolution de la banquise ou l’érosion de l’Himalaya pendant la mousson ! Il y a même eu des tentatives de suivi de possibles micro-craquements lors de montée de sève dans des cactus après des pluies. C’est de ces applications non sismologiques de la sismologie dont nous allons parler dans ce chapitre, applications qui ouvriront peut être de nouveaux débouchés professionnels aux étudiants en sismologie !

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LA SISMOLOGIE SANS LES SÉISMES !

LA SURVEILLANCE DES ESSAIS NUCLÉAIRES À la suite des explosions nucléaires d’Hiroshima et Nagasaki en 1945, les grandes puissances se sont immédiatement lancées dans d’importants programmes visant à développer leurs armements nucléaires. Ces programmes incluaient des essais nucléaires pouvant libérer de très grandes quantités d’énergie. Ainsi, l’essai nucléaire le plus important jamais réalisé fût l’œuvre des Soviétiques en 1961 et a libéré une énergie équivalente à 50 millions de tonnes de TNT – 50 mégatonnes – soit 3 800 fois l’énergie libérée par l’explosion d’Hiroshima ! Étant aériens, ces essais généraient des ondes acoustiques (des infrasons) dans l’atmosphère pouvant faire plusieurs fois le tour de la Terre et détectables par des microbaromètres. Depuis les années 1980, les essais nucléaires ont tous été réalisés sous terre. Plus moyen de les détecter avec des microbaromètres ! L’énergie de ces essais de plusieurs kilotonnes dégage de la chaleur, suffisamment pour faire fondre la roche localement et des vibrations qui vont se propager dans la Terre sous forme d’ondes sismiques, exactement comme les séismes ! Voilà pourquoi la sismologie est la première technologie de surveillance des essais. Comme pour un séisme, elle pourra les localiser, déterminer l’énergie libérée et apporter d’autres éléments utiles aux spécialistes pour évaluer à distance le degré de perfectionnement des engins testés. Généralement les sites où sont réalisés les essais sont connus et les moyens de surveillance sont déployés en conséquence. Des antennes de capteurs sont configurées et positionnées à des distances spécifiques de telle sorte que l’énergie des ondes sismiques issues d’un essai sur le site en question soit maximale afin d’en extraire un maximum d’informations. C’est cette démarche qui a conduit au développement pendant la guerre froide d’antennes de capteurs (aussi appelées miniréseaux) notamment dans la péninsule scandinave afin d’écouter les sites d’essais nucléaires soviétiques. Dans les années 1970, le principal mini-réseau en Norvège a compté jusqu’à 154 capteurs répartis sur une zone circulaire de 110 kilomètres de diamètre ! Un joli stéthoscope ! 122

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LA SISMOLOGIE SANS LES SÉISMES !

LA DÉTECTION DES 3E ET 4E ESSAIS NUCLÉAIRES NORD-CORÉENS Le 12 février 2013 à 2h54 T.U. (soit 3h54 du matin heure de Paris), la Corée du Nord réalisait son troisième essai nucléaire. Grâce aux capteurs sismiques répartis autour de ce pays, les ondes sismiques ont été détectées en quelques minutes (Figure 44) et l’événement a pu être localisé à quelques kilomètres du site connu pour avoir hébergé les deux premières expérimentations. La détection du 4e essai nucléaire Coréen le 6 janvier 2016 à 01h30:00 (temps universel) a suivi exactement le même traitement. Sa magnitude était de 5,1.

Figure 44 | Comparaison de signaux sismiques des 4 essais nucléaires de la Corée du Nord enregistrés à la station sismique IRIS MDJ en Chine. L’amplitude a été normalisée. La ressemblance des signaux issus de ces essais nucléaires est frappante, et atteint 80 %. Les explosions se caractérisent par des ondes P (Pn et Pg) de fortes amplitudes par rapport aux ondes S.

Comment distinguer une explosion d’un séisme ? Le premier critère est de s’assurer que l’événement sismique (la notion d’événement sismique s’applique à tout phénomène générant des ondes sismiques, qu’il soit naturel ou artificiel) s’est bien produit sur le site d’expérimentation. Dans les régions où la vitesse des ondes sismiques est bien connue, notamment dans les premières dizaines de 123

LA SISMOLOGIE SANS LES SÉISMES !

kilomètres de profondeur, une précision de quelques kilomètres peut être atteinte même avec des stations situées à plusieurs centaines ou quelques milliers de kilomètres. Une fois qu’on est sûr que l’événement a bien eu lieu sur le site d’expérimentation, la vraie difficulté consiste à déterminer si les ondes proviennent d’un événement naturel (un séisme) ou d’un événement artificiel (et particulièrement une explosion nucléaire). C’est ce qu’on appelle la discrimination. La discrimination présente un assez grand taux de réussite. Elle se base essentiellement sur la différence de mécanisme générant les ondes sismiques. Une explosion est une expansion brutale dans toutes les directions. Elle va générer un seul type d’ondes, appelées ondes de compression ou ondes P, émises de manière homogène dans toutes les directions. Quant au séisme, qui est un glissement sur un plan de faille, il engendre des ondes P mais surtout un second type d’ondes dites de cisaillement ou ondes S qui seront les plus énergétiques (Figure 45).

Figure 45 | Comparaison de signaux sismiques pour deux événements en Corée du Nord enregistrés à la station sismique IRIS MDJ en Chine. Le signal rose correspond à un séisme en Mer Jaune de magnitude mb = 4,8 et le signal en jaune correspond à l’essai nucléaire Nord-Coréen de 2009 de magnitude équivalente. Contrairement aux séismes, les explosions génèrent des ondes P plus fortes que les ondes S. Cette différence est utilisée dans la discrimination entre explosion et séisme.

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OÙ SERA LE PROCHAIN SÉISME ?

LA SISMOLOGIE SANS LES SÉISMES !

En principe une explosion ne devant pas présenter d’ondes S, la discrimination devrait être simple. Ce ne serait vrai que si les ondes se propageaient dans un milieu homogène, un milieu où la vitesse des ondes ne change pas, ce qui n’est pas le cas de l’intérieur de la Terre où les conversions d’un type d’onde à un autre sont nombreuses, notamment en fonction des couches géologiques traversées. Malgré ces limitations, le rapport d’énergie entre ondes P et S reste un outil puissant de la discrimination. Ainsi, la sismologie est particulièrement performante pour détecter, identifier et localiser une explosion, mais comment déterminer qu’une explosion est nucléaire ? La seule indication que peut fournir la sismologie est celle de la vitesse de détonation de l’explosion, soit la durée de l’explosion. En effet, dans une explosion nucléaire la libération d’énergie est quasiment instantanée (en tout cas aux échelles de temps qui nous intéressent) tandis que pour une explosion chimique, le temps de détonation, plus lent, va dépendre du volume d’explosif utilisé. En théorie, au-delà de quelques kilotonnes d’équivalent TNT, la sismologie devrait être capable d’identifier ces petites variations à partir des sismogrammes. Mais il est très rare de voir une explosion chimique de plusieurs kilotonnes. Les plus importantes furent réalisées par les Américains, sur le site du Nevada Test Site, pour simuler les effets aériens des explosions nucléaires. Lors de l’expérience Misty Picture, réalisée en 1987, 4 700 tonnes d’ammonitrate ont été détonnées soit une demi-sphère d’explosif de 27 m de diamètre ! Dans la pratique, si l’on veut garantir la nature nucléaire d’une explosion, mieux vaut réaliser une mesure de radionucléides solides ou gazeux pouvant être émis lors de cette explosion. On détient alors une preuve irréfutable de sa nature nucléaire.

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LA SISMOLOGIE SANS LES SÉISMES !

DÉTECTER ET ANALYSER DES ÉVÉNEMENTS DE PLUS EN PLUS RARES ! En 1962, il y a eu en moyenne plus de 3 essais nucléaires par semaine… et seulement 4 essais de 2000 à 2016 ! On ne peut que se féliciter de cette évolution. Mais comment maintenir l’expertise des équipes en charge de détecter tout essai qu’une nation pourrait réaliser ? Comment former les nouveaux experts sur des phénomènes aussi rares ? Autant dans les années 1970 et même 1980, les puissances nucléaires réalisaient des essais presque chaque semaine (Figure 46) et le travail consistait alors à comparer le dernier enregistrement obtenu avec les précédents pour estimer l’énergie de l’essai, autant aujourd’hui les essais nucléaires sont l’aiguille dans la botte de foin de la sismicité naturelle ! Seulement 4 essais nucléaires depuis le début 2000 jusqu’en janvier 2016, tous localisés en Corée du Nord, à comparer aux dizaines de milliers d’événements naturels localisés chaque année ! On comprend alors l’importance de disposer de réseaux de surveillance permanents dont les performances et spécificités sont bien documentées et d’outils de traitement automatisés et performants pour pouvoir rapidement reconnaître et caractériser des événements aussi rares.

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OÙ SERA LE PROCHAIN SÉISME ?

LA SISMOLOGIE SANS LES SÉISMES !

Figure 46 | Cette figure présente le nombre d’essais nucléaires réalisés chaque année dans le monde. En 1959 et 1960, Américains et Soviétiques signent un moratoire sur l’arrêt des essais. En 1961 ils reprennent et 1962 fut, de très loin, l’année la plus active. En revanche, depuis 1992 très peu d’essais nucléaires ont été réalisés, et depuis 1998, tous les pays, sauf la Corée du Nord, ont soit ratifié le TICE (Traité d’Interdiction Complet des Essais) et donc arrêté définitivement leurs essais, soit déclaré un moratoire. (Source www.ctbto.org). © DR.

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Le TICE et son système de surveillance Dans les années 1990, une forte volonté politique au niveau international a permis de mettre au point le Traité d’Interdiction Complète des Essais nucléaires (TICE). Ce Traité interdit aux États Parties de réaliser tout essai nucléaire, quelle que soit son énergie. Ce Traité s’accompagne d’un système de vérification qui doit permettre de surveiller l’ensemble de la planète et les différents milieux où un essai peut être réalisé : l’atmosphère, la mer, la terre. En conséquence, le système de surveillance est doté de différentes technologies de capteurs : des capteurs sismiques pour détecter les essais souterrains, des capteurs acoustiques pour détecter les essais aériens, et des capteurs hydroacoustiques (plongés dans les océans ou en bordure de côte) pour détecter les essais sous-marins. À ces trois technologies a été rajoutée la mesure des radionucléides afin de caractériser la nature nucléaire ou non d’une explosion. Le système de surveillance mis en place dans le cadre du TICE a été défini pour garantir la détection et la discrimination de tout essai dont l’énergie serait supérieure à une kilotonne quel que soit l’endroit où il pourrait se produire. Il est composé de 321 stations de mesure réparties sur toute la planète ! À terme, toutes ces stations transmettront leurs données en temps réel au Centre International de Données, situé à Vienne en Autriche. Bien qu’ouvert à ratification depuis 1996, le Traité n’est toujours pas entré en vigueur car plusieurs pays (États-Unis, Chine, Israël, Iran, Égypte, Inde, Pakistan, Corée du Nord) ne l’ont toujours pas ratifié. Cependant, plus de 90 % des stations sont déjà installées et transmettent leurs données, ce qui en fait un outil de surveillance de la planète absolument unique au monde !

ANALYSER LES EXPLOSIONS ACCIDENTELLES OU TERRORISTES Au-delà des explosions nucléaires, toute explosion chimique peut générer des ondes sismiques et sera donc susceptible d’être enregistrée par les réseaux de surveillance. C’est ce que l’on voit quotidiennement en France métropolitaine où 90 % des événements de faible magnitude (M < 3,5) enregistrés sont en fait des événements artificiels ! Tirs 128

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de mines sur des chantiers, carrières en exploitation, détonation de munitions, … tous ces événements sont très fréquemment détectés et ne doivent pas être confondus avec des séismes sous peine de polluer toutes les estimations d’aléa sismique ! Mais les explosions ne sont pas uniquement des nuisances pour les sismologues : si l’on connaît son heure et sa position, l’enregistrement peut être utilisé pour « calibrer » le modèle de vitesse de propagation des ondes dans cette région. Rappelons-nous, l’enregistrement contient les informations sur la source sismique et sur la propagation, en connaissant parfaitement la source, on en extrait les caractéristiques de propagation, dans ce cas-là, les vitesses de propagation des ondes. Dans certains cas exceptionnels, en cas d’accident, ou d’acte terroriste, l’analyse des sismogrammes peut fournir des informations pertinentes à l’enquête pour mieux comprendre le déroulement des événements. On parle alors de sismologie criminalistique ou, pour reprendre un terme anglo-saxon de « forensic seismology ». C’est un domaine d’expertise récent, mais en pleine expansion et ne doutons pas qu’avec la judiciarisation croissante de la société celui-ci ne se développe encore dans les années à venir. Le premier cas d’étude complet fut celui de l’attaque terroriste contre le bâtiment fédéral à Oklahoma City (États-Unis) le 19 avril 1995. Cet attentat réalisé à l’aide d’un camion rempli d’explosifs a détruit la moitié du bâtiment visé, endommagé plus de 300 autres et tué 168 personnes. L’étude sismologique a utilisé les sismogrammes enregistrés par deux stations sismiques distantes de 7 et 26 km et démontré que l’attentat n’était constitué que d’une seule explosion contrairement à ce que certaines rumeurs entretenaient. Trois années plus tard, le même type d’analyse a pu être mené suite à l’attentat terroriste contre l’ambassade américaine de Nairobi (Kenya), le 7 août 1998 grâce à un capteur sismique situé à seulement 3 km et qui a parfaitement enregistré les ondes sismiques ainsi que les ondes acoustiques, et leurs multiples réflexions sur les bâtiments voisins. En plus d’une estimation précise de l’heure de l’attentat, l’analyse des 129

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sismogrammes avait également permis d’estimer l’énergie libérée par l’explosion. L’explosion de l’usine AZF à Toulouse en 2001 Plus récemment, c’est en France, et pour apporter des éléments à la compréhension de l’enchaînement des faits lors de l’explosion de l’usine AZF à Toulouse le 21 septembre 2001 (Figure 47) que la sismologie a été mise à contribution. Dans ce cas particulier, des sismologues ont été joints au collège d’experts chargés d’assister le juge d’instruction.

Figure 47 | Site d’AZF, local d'EDF, après l’explosion du 21 septembre 2001. © Anton Merlina Bonnafous, https://commons.wikimedia.org.

Deux raisons principales expliquent cela : d’une part un enregistrement sismique avait été réalisé à 4,2 km du site dans le soussol de l’Observatoire Midi-Pyrénées (OMP) et nécessitait une analyse 130

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détaillée, d’autre part des doutes subsistaient sur la chronologie précise des faits et la sismologie devait pouvoir aider à préciser l’instant de l’explosion du hangar de l’usine. L’étude du sismogramme de l’OMP a été menée en grand détail, d’autant plus qu’il s’agissait d’un capteur en test n’ayant donc pas été installé avec toutes les précautions d’usage, en s’aidant notamment de campagnes sismique pétrolière pour préciser la structure du sous-sol (épaisseur des couches et vitesses de propagation des ondes) entre l’usine et le capteur. Cette analyse a permis d’affirmer que l’enregistrement correspondait au signal d’une seule explosion, provenant du hangar de l’usine AZF, pour laquelle les différentes familles d’ondes sismiques (P, S, ondes de surface) pouvaient être identifiées ainsi que l’onde acoustique de l’explosion, exactement comme cela avait été observé lors de l’explosion de Nairobi. En revanche, ce capteur, en test au moment de l’explosion, n’était pas relié à une horloge précise, il ne pouvait donc pas préciser l’instant exact de détonation. Une analyse fine des enregistrements réalisés par les stations sismiques permanentes de la région a alors été menée. Celles-ci se trouvent localisées dans les Pyrénées et le Massif Central où les conditions d’installation de stations sismiques sont les meilleures (rocher affleurant, faibles perturbations liées à l’activité humaine). Le sous-sol n’étant pas parfaitement connu, une incertitude existait sur le temps de propagation des ondes. Pour le préciser, il fut décidé de mener une campagne de calibration. Des explosions de faible énergie (10 à 30 kg de TNT) ont été réalisées, positionnées de manière très précise et espacées de quelques mètres, à proximité du cratère de l’explosion et l’instant de leur détonation était mesuré au millième de seconde. Ces petites explosions ont pu être enregistrées sur les mêmes stations permanentes. Il a été ainsi observé que le temps de propagation des ondes variait de quelques millièmes de secondes en fonction de la distance entre chaque point de détonation et la station de mesure. On tenait donc un moyen de mesurer très précisément le temps de trajet des ondes depuis le cratère jusqu’aux stations de mesure et, par 131

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simple soustraction, de déterminer l’heure à 3 centièmes de seconde près de l’explosion du 21 septembre 2001 ! Cette précision était suffisante pour démontrer que l’explosion enregistrée était antérieure à toutes les autres perturbations (notamment celles observées sur le réseau électrique) qui étaient donc des conséquences et non des causes de l’explosion. D’autre part, les sismogrammes issus des petites explosions étaient parfaitement superposables, à un facteur d’échelle près, à ceux collectés lors de l’explosion d’AZF démontrant ainsi que la complexité observée sur les sismogrammes était uniquement due aux différents trajets suivis par les ondes sismiques dans la croûte terrestre et aucunement à d’éventuelles explosions multiples. Un tel exemple d’expérimentation scientifique au cœur d’une enquête judiciaire reste un cas exceptionnel. Il illustre cependant très clairement l’apport de la sismologie en cas d’explosion majeure. Sachant que la planète est aujourd’hui couverte de plus de 10 000 capteurs sismiques correctement calibrés et reliés à des horloges fiables, il est aisé d’imaginer qu’ils soient mis à contribution de plus en plus fréquemment dans de telles investigations. L’accident du Koursk Le 12 août 2000, le monde entier apprenait la catastrophe de l’accident du sous-marin russe appelé Koursk. Le sous-marin avait coulé en Mer de Barents avec à son bord 118 hommes d’équipage. Mais très peu de choses étaient connues sur les circonstances de cet accident, ce qui, bien entendu, contribuait à entretenir les rumeurs. À force de scruter les sismogrammes la trace de cette explosion fût observée jusqu’à plus de 5 000 km de distance ! Plusieurs questions se posaient : combien y avait eu d’explosions, de quelle énergie chacune, quel était leur enchaînement dans le temps et à quelle profondeur s’étaient-elles produites ? Nous ne rentrerons pas dans les détails de l’analyse particulièrement complexe mais de manière très schématique la profondeur des explosions a été estimée en mesurant la différence de temps entre l’onde directe (sous-marin – station) et l’onde réfléchie (sous-marin – surface 132

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de la mer – station). Conclusion : il y a eu 2 explosions à 2 minutes 15 secondes d’écart, la seconde, contrairement à la première s’est produite alors que le sous-marin était déjà sur le fond de l’océan, vers 112 m de profondeur et correspondait à environ 4 tonnes d’explosifs (Figure 48). Le travail des sismologues s’arrête là et d’autres compétences, celles des militaires, sont nécessaires pour évaluer le scénario le plus probable.

Figure 48 | L’analyse des enregistrements sismiques du sous-marin Russe Koursk a permis de déterminer la profondeur du sous-marin au moment de l’explosion, la profondeur de l’océan à l’endroit de l’explosion ainsi qu’une estimation de la charge de l’explosion. La profondeur de l’océan est estimée à partir des ondes piégées dans la couche d’eau et qui se réfléchissent entre le fond océanique et la surface de l’eau. La profondeur de l’explosion est estimée par les différences de temps de parcours entre l’onde initiale qui va se réfléchir en surface (jaune), et celle se réfléchissant sur le fond (orange). Enfin, l’explosion provoque un dégagement gazeux qui crée une bulle qui rentre en expansion, jusqu’à ce que la pression inverse le processus et que la bulle se contracte. La bulle rentre en pulsation, une série rapide de phases d’expansion et de contraction. Connaissant la profondeur de l’explosion, et donc la pression exercée par l’eau sur la bulle, la mesure de la fréquence de pulsation permet de déterminer la charge de l’explosion !

LA SISMICITÉ GÉNÉRÉE PAR LES ACTIVITÉS HUMAINES Cela peut paraître surprenant mais l’homme par son action peut luimême déclencher des séismes. Dans leur très grande majorité, ceux-ci seront de très faible magnitude et donc non ressentis par la population, mais quelques-uns peuvent avoir des conséquences majeures. C’est donc une spécialité particulière de la sismologie qui s’est développée, principalement 133

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depuis les années 1980, et l’on parle généralement de sismicité induite, c’est-à-dire induite par les activités humaines. Cette spécialité connaît un vif regain d’intérêt ces dernières années en raison notamment de l’exploitation des gaz de schistes et de l’augmentation considérable de la sismicité dans certaines régions des États-Unis. L’Europe n’est pas en reste, et l’exploitation conventionnelle de gaz aux Pays-Bas conduit là aussi à une sismicité de moins en moins acceptée par la population. La surveillance des mines Historiquement, c’est la sismicité induite par le creusement et l’exploitation des mines qui a été la première étudiée. En effet, le creusement de cavités en profondeur s’accompagne d’une vérification permanente de leur stabilité pour la sécurité des mineurs. Ce sont les mines d’or d’Afrique du Sud, particulièrement profondes puisque certaines descendent à plus de 4 km de profondeur, qui ont été les premières équipées de réseaux spécifiques de surveillance des microséismes. Les réseaux de surveillance se sont ensuite rapidement développés dans les mines d’Europe et d’Amérique du Nord. Dans le contexte des mines, le réseau de surveillance est tridimensionnel, c’est-à-dire que les capteurs sont installés à différentes profondeur afin de déterminer très précisément la position des événements. Des capteurs sont installés dans la mine elle-même et les données sont retransmises en surface par fibre optique. La sécurité des mineurs étant un des enjeux majeurs, la capacité de traitement en temps réel des événements est indispensable. Dans ce cas, la sismologie sera utilisée pour localiser les événements et ainsi définir les zones de mouvement potentiel, et surtout étudier les changements de comportement du massif rocheux pouvant conduire à un effondrement. On s’attachera donc à suivre l’évolution du nombre d’événements dans une zone donnée et de l’énergie totale libérée par ces microfractures afin d’anticiper une éventuelle rupture majeure. Ces informations sont utilisées de manière très concrète pour choisir les zones à exploiter ou pour décider de l’arrêt temporaire de l’exploitation. 134

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En France, la mine de Gardanne, mine de charbon située au nord de Marseille, a été équipée d’un tel système local de surveillance au temps de son exploitation. Cette mine exploitait une veine subhorizontale de quelques mètres d’épaisseur et un gigantesque rabot venait grignoter la couche. Aucun soutènement n’étant mis en œuvre à l’arrière de ce dispositif, les 1 000 mètres de roches situées au-dessus de la partie exploitée se tassaient pour combler le vide, générant des événements sismiques de faible magnitude à répétition. Les mineurs ont l’habitude de parler de « coup de terrain » lorsque ces secousses induites produisent un effet visible dans la galerie (effondrement partiel ou total, déplacement des murs de la galerie). En Lorraine, l’INERIS3 exploite des réseaux sismiques pour surveiller la stabilité d’anciennes mines dans l’Est de la France qui ont laissé de nombreuses cavités souterraines dont certaines menacent la stabilité des habitations en surface. La surveillance des gisements d’hydrocarbures C’est à Wilmington, en Californie, en 1930 que, pour la première fois, une association fut faite entre l’exploitation d’un gisement de pétrole et la survenue d’événements sismiques. Il faut dire que sur ce site où la poche de pétrole était très superficielle, le pompage avait fait chuter la pression à l’intérieur du gisement, entraînant une subsidence (affaissement) du sol de plus de 9 m en surface ! La sismicité observée était liée à cet affaissement, elle correspondait aux réajustements des terrains situés au-dessus du champ d’hydrocarbures. Comme pour la sismicité induite par les mines, c’est la perturbation apportée au milieu rocheux (baisse de pression, extraction de masse) qui crée les conditions favorables à la survenue d’événements sismiques. Plus les gisements sont profonds et dans des roches cassantes et plus la probabilité de déclencher une telle sismicité sera forte. Aujourd’hui des cas de sismicité induite sont reportés dans tous 3. INERIS : Institut National de l’Environnement Industriel et des risqueS.

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les grands bassins producteurs du monde ; dans la très grande majorité des cas, la magnitude reste modérée (inférieure à 4) et ces séismes n’ont généralement pas d’effet en surface, surtout si les gisements sont à distance des habitations. Aux Pays-Bas, ce n’est pas le cas. Dans la région de Groningen où un champ de gaz est en exploitation depuis 1963, certaines maisons ont subi des fissures, visiblement liées à de petits séismes induits. Au-delà des compensations financières pour ces dommages, la population, nombreuse à proximité du gisement milite maintenant pour un arrêt de l’exploitation. En France, le site de Lacq (Pyrénées-Atlantiques) où un gisement fût découvert en 1951 a été l’objet de toutes les attentions. Dès les années 1980, un réseau de surveillance sismique a été installé à la demande de l’exploitant par l’Institut de Physique du Globe de Strasbourg puis repris par l’université de Grenoble. En effet, l’exploitation de la poche de gaz, qui était située sous des couches de calcaire massif, a fait baisser très significativement la pression à l’intérieur du gisement. Des mouvements sismiques ont alors été observés, principalement au sein du calcaire massif. La surveillance a démontré que tous les séismes étaient localisés à l’intérieur de l’emprise du gisement, signant ainsi leur caractère induit. À Lacq, les événements de plus forte magnitude ont atteint voire légèrement dépassé la magnitude 4. Compte tenu de leur caractère assez superficiel (quelques kilomètres de profondeur), ceux-ci pouvaient être ressentis par la population locale. Ce gisement, dont l’exploitation a stoppée en 2013 a été aussi le lieu d’expérimentations de séquestration de CO2. Le site reste maintenant sous surveillance pour évaluer cette technique de réduction des émissions atmosphériques des gaz à effet de serre. Aujourd’hui, de nombreux gisements sont équipés des systèmes d’écoute sismique, utilisés de manière passive pour écouter la vie du réservoir et de plus en plus de manière active, c’est-à-dire pour enregistrer des tirs et cartographier l’état du réservoir à un moment donné, suivre son évolution dans le temps et en optimiser l’exploitation. 136

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Injection de fluides et fracturation hydraulique À l’inverse de la production d’hydrocarbures où l’exploitation du gisement va avoir tendance à faire baisser la pression et à compacter les couches géologiques, l’injection de fluides dans la terre peut conduire à une augmentation de la pression. En réduisant la contrainte normale sur les failles (c’est-à-dire la force qui s’exerce perpendiculairement à la faille) et en agissant comme un lubrifiant, une injection de fluide peut déclencher des séismes. Le premier cas historique bien connu est celui de l’arsenal de Rocky Mountain aux États-Unis, où l’injection de déchets liquides dans un puits a déclenché un séisme de magnitude 5,5 près de 5 ans après le début des injections, et certains séismes étaient localisés à plus de 10 km du puits d’injection ! À une échelle plus petite, l’injection de fluides peut être réalisée dans l’objectif de fracturer la roche. C’est le principe même de la fracturation hydraulique. Cette méthode crée, par sa nature même, de la micro-activité sismique. À l’heure actuelle, la fracturation hydraulique est principalement utilisée pour les forages géothermiques et l’exploitation des fameux gaz de schiste. Dans le cas de la géothermie, deux puits sont forés : l’un d’injection d’eau froide, l’autre de récupération d’eau chaude, une eau qui se sera chauffée pendant son trajet entre les deux forages dans un milieu rocheux fissuré où les températures atteignent 100 à 200 degrés (Figure 49). La fracturation hydraulique sert à relier ces deux puits par un réseau de fractures le long desquelles l’eau va circuler, et se réchauffer au contact de la roche. Le principe est de faire grandir progressivement un réseau de multiples petites fractures, efficace pour les échanges de chaleur, plutôt que de provoquer un nombre limité de grandes fractures. L’objectif est clairement de limiter la taille des séismes à de faibles magnitudes et de restreindre l’activité sismique au volume rocheux entre les deux puits. Si ces objectifs sont très souvent atteints, l’injection d’importants volumes d’eau à grande profondeur a, à plusieurs reprises et dans des contextes différents, été la cause de séismes dont la magnitude a 137

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été suffisamment importante pour être ressentie par les populations. Cela a notamment été le cas en France sur le site d’expérimentation géothermique de Soultz-sous-Forêt en Alsace, où les injections ont déclenché des événements jusqu’à une magnitude de 2,9. Lors d’une expérimentation similaire, de tels événements ont également été ressentis en décembre 2006 à Bâle (Suisse), une ville qui fût détruite en 1356 par un séisme important et les incendies qui s’ensuivirent, et ont conduit à l’abandon du projet de centrale géothermique jugée trop proche de la ville et de failles potentiellement actives.

Figure 49 | Schéma de principe de l’exploitation de la géothermie. Le puits d’injection (1) est éloigné de quelques centaines de mètres du puits de pompage (3), la roche est fracturée entre les deux puits par fracturation hydraulique. Une fois en exploitation, l’eau froide est injectée par un puits, se réchauffe au contact de la roche entre les puits (2) et est récupérée dans le second puits (3). Aucune nouvelle fracture n’est créée durant la phase d’exploitation. L’eau chaude produite peut être utilisée pour le chauffage ou pour produire de l’électricité (4). © CEA.

Dans le cas des gaz de schiste, de l’eau associée à des produits chimiques et du sable est injectée dans le sous-sol afin de fracturer la roche-réservoir et libérer le gaz emprisonné, le sable évitant que les fractures ne se referment. La durée d’injection ne dépasse pas quelques jours et les perturbations qu’elle engendre restent localisées dans un 138

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volume de roche proche du puits d’injection. Après fracturation, le même puits est utilisé pour pomper le gaz qui a été libéré, et remonte avec lui de grands volumes d’eau saumâtre (cette eau salée provient d’anciens océans et a été piégée lors de la formation des sédiments). Il suffit d’analyser la figure 50 indiquant le nombre de séismes de magnitude supérieure à 3 dans le Centre et l’Est des États-Unis pour constater que, depuis 2010 et le début de l’exploitation des gaz de schistes, la sismicité a fortement augmenté dans ces régions. L’exploitation des gaz (et pétroles) de schistes aux États-Unis est indéniablement la cause de nombreux séismes (de faible magnitude pour la plupart d’entre eux). Et pourtant, ce n’est pas la fracturation hydraulique qui en est directement responsable, mais la ré-injection en profondeur des eaux usées récupérées pendant la phase de production selon le même mécanisme que celui observé à Rocky Mountain. GRONINGEN : UN AVANT-GOÛT DES CONSÉQUENCES SISMIQUES DES MODÈLES ÉNERGÉTIQUES DU XXIE SIÈCLE ? Sismicité associée à des activités humaines, craintes des populations, communication du risque et prise en compte des demandes sociétales et de l’impact économique, instrumentation dense et en forage, évaluation de l’aléa et de son évolution dans le temps… Le cas de Groningen illustre un grand nombre de thématiques présentées dans cet ouvrage. Mais revenons aux faits. Les Pays-Bas sont un important producteur de gaz. Le gisement de Groningen qui couvre une région densément peuplée de 20 km par 40 km est le plus grand champ de gaz d’Europe Occidentale ; son exploitation a débuté en 1963. La sismicité est apparue en 1986, soit plus de 20 ans après le début de l’exploitation. Depuis 2003, le champ de Groningen est le réservoir le plus actif du pays d’un point de vue sismique: sur les 1 100 séismes enregistrés dans le pays entre 1986 et 2015, 800 concernent le seul champ de Groningen. Il s’agit en majorité de très petits séismes : sur ces 800 séismes, seuls 250 dépassent la magnitude de 1,5 et le plus fort à ce jour (début 2016) est d’une magnitude de 3,6.

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Bien que de faible magnitude, ces séismes ont engendrés plus de 30 000 demandes d’indemnisations (sur une population de 580 000 habitants) par des particuliers pour des fissures apparues dans leurs habitations ! Ces séismes ont des profondeurs inférieures à 3 km, et donc plus faibles que celles des séismes naturels expliquant, au moins en partie, un mouvement sismique en surface plus violent que pour des séismes naturels de magnitude équivalente. Les enjeux économiques sont considérables. En 2011, l’exploitation de gaz a rapporté 12 milliards d’Euros aux Pays-Bas, un pays de 17 millions d’habitants. La population craint un séisme plus fort et demande l’arrêt de la production. Surtout que, pour l’instant, les sismologues ne peuvent exclure cette possibilité. En 2014, les exploitants ont créé un fonds d’indemnisation de 150 millions d’Euros qui montera progressivement à 1 milliard et ont accepté de baisser la production de 10 %. Compte tenu des enjeux sociaux, économiques et scientifiques, un effort exceptionnel d’instrumentation a été entrepris. Deux cents accéléromètres ont été installés dans des bâtiments. Dix stations GPS suivent les déformations de surface. Cinquante-neuf sites sont équipés de 5 accéléromètres chacun, un en surface et 4 en forage à 50, 100, 150 et 200 m de profondeur. Enfin, 2 forages atteignant le réservoir de gaz à 3 km de profondeur sont équipés de 11 accéléromètres chacun répartis entre 2 750 et 3 050 m de profondeur. Aujourd’hui la région de Groningen est la plus densément instrumentée d’Europe ! Première question posée à la sismologie : quelle est la position exacte des séismes par rapport au réservoir ? Cette information est essentielle pour comprendre le lien entre la sismicité et la compaction du réservoir, elle-même liée à la baisse de pression consécutive à l’exploitation. Plus globalement, les études lancées par les autorités néerlandaises ont pour objectif de réduire les incertitudes sur les évaluations de l’aléa et du risque, d’identifier les mesures pouvant contribuer à leur réduction et d’évaluer leur efficacité et enfin de détecter rapidement des éventuelles déviations du comportement sismique du réservoir par rapport aux modèles d’évolution du réservoir et de la sismicité qui sont en cours d’élaboration.

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Mais Groningen n’est pas un cas unique en Europe. En 2013, à Tarragone en Espagne, la terre tremble, avec deux séismes de magnitude 4,1 et des dizaines de secousses ressenties par la population. La cause ? La conversion d’un ancien gisement de pétrole situé en Méditerranée à 20 km de la côte en réserve tampon de gaz. Le gaz est injecté temporairement dans ce gisement de pétrole épuisé et pompé dans le réseau de distribution lors des pics de consommation au cours de l’hiver. La technique est éprouvée et utilisée dans de nombreux pays dont la France. L’Espagne compte quatre autres sites de stockage qui n’ont pas posé de problèmes. Pourquoi celui-là génère-t-il une telle sismicité, la réponse n’est pas claire et comme à Groningen des études seront indispensables. Le changement climatique conduit à des révisions des modèles énergétiques et, conséquences inattendues, à développer des activités comme la séquestration géologique de CO2 ou les projets de géothermie profondes susceptibles de générer de la sismicité. Il est ainsi probable que de plus en plus de sismologues soient appelés à étudier ces questions.

La production d’hydrocarbures est toujours associée à la production d’eau saumâtre quel que soit le mode de production. Dans les exploitations conventionnelles, cette eau est souvent réinjectée en périphérie du réservoir pour limiter la baisse de pression et améliorer le taux de recouvrement des hydrocarbures. Pour les gaz de schistes, cette eau est injectée en profondeur, parfois pendant des années, dans des puits dédiés. Il en existe environ 35 000 aux États-Unis (à titre de comparaison, dans ce même pays, plusieurs dizaines de milliers de forages sont soumis chaque année à des opérations de fracturation hydraulique). Seule une très faible proportion des puits d’injection génère de la sismicité, quelques douzaines environ soit moins de 1 % ! Une combinaison de facteurs semble nécessaire pour induire de la sismicité : la présence de failles de taille suffisante pour produire des séismes 141

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ressentis, des chemins permettant aux fluides injectés d’atteindre ces failles, des niveaux de contraintes proches de la rupture, ainsi que d’autres facteurs dont nous n’avons probablement pas encore connaissance.

Figure 50 | Ce diagramme illustre le nombre de séismes de magnitude supérieure à 3 dans le Centre et l’Est des États-Unis. Si la courbe montre une tendance très stable jusqu’en 2009 liée à l’activité sismique naturelle, on observe une forte augmentation du nombre de séismes après cette date, et particulièrement après 2010, qui correspond également au début de l’exploitation massive des gaz de schiste dans cette partie des États-Unis.

Dans l’Oklahoma (États-Unis), deux séismes de magnitude supérieure à 5 enregistrés en 2011, et un troisième en février 2016 sont fortement suspectés d’être liés à ces réinjections. Ce point est aujourd’hui un sujet de recherche en plein essor. Autant ces injections sont visiblement responsables de l’augmentation de la sismicité, autant il est très difficile de prouver scientifiquement qu’un séisme donné a bien été déclenché par ces activités. Une plainte a été déposée contre des exploitants de gaz de schiste aux États-Unis, des sismologues seront vraisemblablement appelés à la barre. 142

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La surveillance des barrages et de leur mise en eau Si dans les cas précédents, la sismicité induite par les activités humaines restait de magnitude relativement modérée et peu susceptible de créer des dommages en surface, le changement d’échelle est notable avec les grands barrages. Dans ce cas, les centaines de millions de m3 d’eau stockées vont avoir un double effet. En premier lieu, le poids de l’eau appuie sur la surface de la Terre et la déforme – phénomène appelé flexure régionale. De plus, l’eau sous pression au fond du barrage agit comme un puits d’injection : elle s’infiltre dans chaque fracture et se propage de fractures en fractures tant qu’elle trouve un chemin ; sur chacune de ces fractures, elle agit comme un lubrifiant. De manière schématique, la pression du fluide à l’intérieur de la fracture tend à en écarter les parois et ainsi à faciliter la rupture (Figure 51). Comme pour les puits d’injection la possibilité d’induire de forts séismes dépendra de l’existence de failles de taille suffisante car le phénomène ne peut créer de nouvelles failles. Les deux phases connues pour être plus particulièrement associées à de la sismicité sont la mise en eau et les vidanges où les perturbations créées sont les plus fortes. Ce double effet, flexure régionale et augmentation de la pression, est associé à des séismes significatifs. Le cas le plus connu est probablement celui du séisme de magnitude 5 associé à la mise en eau de Hoover Dam aux États-Unis dans les années 1930. Mais surtout, le séisme de Koyna (Inde) en 1967, de magnitude 6,5 et qui fît 180 victimes est fortement suspecté d’avoir été déclenché par la mise en eau d’un grand barrage.

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Figure 51 | La mise en eau des grands barrages peut déclencher des séismes. L’eau sous pression s’infiltre et se propage à travers le réseau de fractures existant. L’eau sous pression lubrifie ses failles et peut contribuer au déclenchement de séismes. La magnitude maximale des séismes dépend de la dimension des failles lubrifiées, plus elles sont de grandes tailles, plus les séismes peuvent atteindre de grande magnitude.

En France aussi, la question a été posée à propos du séisme de Corrençon-en-Vercors qui s’est produit le 26 avril 1962. Ce séisme de magnitude 5,3 provoqua des dégâts significatifs dans le village et fut ressenti jusqu’à Grenoble et Lyon ; il s’est produit très peu de temps 144

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après la mise en eau du barrage du Monteynard situé à une dizaine kilomètres de distance seulement. Ces informations sont cohérentes avec un déclenchement lié à l’arrivée de l’eau sur la faille. Encore un suspect, mais toujours un doute ! Un doute qui ne pourra être levé sans une connaissance directe de l’état de contrainte à l’intérieur de la Terre et un suivi précis des mouvements de fluides. Là encore, il est capital de maintenir des systèmes de surveillance sur de très grandes périodes pour être à même de détecter des changements de comportements et affiner notre connaissance de ces phénomènes.

À L’ÉCOUTE D’AUTRES PHÉNOMÈNES Les réseaux sismiques sur la planète enregistrent la signature de phénomènes bien éloignés des séismes comme la dérive des icebergs ou le charriage de galets par les rivières. Quelques exemples qui sans être exhaustifs illustrent la variété des phénomènes pouvant être étudiés. Écouter la dérive des icebergs Dans le très grand territoire du sud Pacifique, l’activité sismique enregistrée provient principalement des frontières de plaques tectoniques du pourtour de l’océan Pacifique. Cependant, au début des années 2000, l’attention des sismologues locaux fut attirée par de nouveaux signaux, inconnus, qui ne ressemblaient en rien à ceux issus des séismes. Ces signaux de faibles amplitudes et de contenu fréquentiel limité pouvaient durer plusieurs heures, indiquant que la cause était un processus lent et constant. L’analyse de ces ondes démontra que la source venait du Sud, du grand Sud ; en fait, les signaux venaient directement de l’Antarctique ! La solution de cette énigme fut trouvée en croisant ces résultats avec l’analyse d’images satellites : ces signaux n’étaient autres que le bruit des icebergs se détachant du glacier de Ross, se déplaçant au gré des courants, 145

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entrant en collision avec d’autres icebergs ou frottant sur le fond de l’océan ! Aujourd’hui ces signaux sont observés durant chaque été austral et une équipe américaine a même eu l’idée d’implanter des stations sismiques sur un iceberg pour en étudier la fragmentation au cours de sa dérive ! Les techniques de la sismologie étudient les craquements quel que soit le milieu dans lequel ils se produisent. On parlera d’icequake (ice pour glace en anglais), les craquements générés lors de l’avancée des glaciers et de l’ouverture des crevasses, des moonquakes (Moon signifie Lune) ont été observés lors des missions Appolo à la fin des années 1960, leurs causes n’étant pas tectonique, mais liées à des phénomènes thermiques, la marée terrestre ou des impacts de météorites. Et en 2017, si tout va bien, les premiers sismomètres seront installés sur Mars et enregistreront les premiers marsquakes ! Étudier le bruit des torrents durant la mousson En l’absence de séisme, les stations enregistrent le bruit de fond. Mais qu’est-ce que le bruit ? Le bruit est la somme de toutes les sources sismiques enregistrées en même temps à la même station : le passage d’une voiture, le choc répété de la houle sur le rivage, le passage d’un animal, le balancement des arbres lié au vent et transmis au sol par les racines, le roulement des galets au fond d’un torrent de montagne… En général, les stations sismiques sont installées aussi loin que possible des sources de bruit pour améliorer la détection du moindre signal sismique, loin des côtes, des villes, des routes, des rivières… Voilà pourquoi les meilleures stations sismiques au monde sont toutes localisées à l’intérieur des continents. L’idée originale de certains chercheurs a été d’étudier le bruit de fond enregistré en Himalaya, le long d’un torrent appelé Trisuli. Ils ont remarqué que ce bruit variait fortement en fonction de la saison, le bruit augmentant en période de mousson avec le débit. Une partie du bruit étant liée aux chocs des blocs rocheux charriés dans le lit du 146

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torrent, ne pourrait-on mesurer la quantité de roche transportée et ainsi quantifier l’érosion subie par la chaîne de l’Himalaya durant la mousson… On est loin des séismes !

DES ONDES DE JOIE ! Le 11 janvier 1996, un signal inhabituel est observé sur les signaux continus en provenance de la station ALB située sur l’île de Vancouver à 15h45 heure locale. Une demi-heure plus tard l’amplitude du signal augmente. À 125 km de la station qui a déjà été vandalisée à plusieurs reprises, le sismologue qui ausculte le signal craint une nouvelle tentative d’intrusion et décide de demander l’assistance de la police et du directeur de l’école situés à proximité. À 16h28, l’amplitude du signal sismique revient brutalement à des valeurs plus habituelles. Le directeur de l’école expliquera par téléphone avoir interrompu les ébats d’un jeune couple qui s’était malencontreusement installé sur la buse de protection du sismomètre ! Plus proche de nous, le 9 juillet 2006, finale de la coupe du monde de football à Berlin entre la France et l’Italie, finale qui se jouera aux tirs au but. L’amplitude du bruit sur la station sismique de l’Université de Basilicata à Potenza une ville de 75 000 habitants est inhabituellement bas, la grande majorité de la population visionnant le match. À 20h41 (Temps Universel), l’Italie marque le pénalty qui lui octroie une nouvelle étoile sur le maillot national. Instantanément, l’amplitude de bruit augmente (Figure 52) reflétant l’explosion de joie des Italiens ! Le niveau de bruit restera élevé pendant de nombreuses heures. Aucun signal similaire n’a été observé sur les stations françaises ce jour-là !

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Figure 52 | Signal sismique enregistré sur la station de Basilicata (Italie) lors de la finale de coupe du monde de football de 2006. Le signal observé au milieu du sismogramme reflète l’explosion de joie des populations dans les villes transalpines lorsqu’un peu après 20h41 (Temps universel), l’Italie marque le pénalty qui leur donne la victoire ! Ainsi, la complexité du signal sismique présente une forte variabilité avec la distance. © Seismological Society of America.

La sismologie s’ouvre aujourd’hui à toute une série de nouveaux domaines et applications : les compagnies pétrolières suivent l’évolution des gisements d’hydrocarbures pendant leur exploitation, des sismographes scrutent les glissements de terrain pour surveiller les prémices d’une mise en mouvement des masses rocheuses, des bâtiments sont équipés de multiples capteurs sismiques pour étudier à partir de simples mesures de bruits les effets du vieillissement des matériaux sur leurs comportements en cas de séisme… Ainsi, la sismologie, science inventée pour l’étude des séismes, s’est largement diversifiée et nul doute que demain d’autres thématiques viendront encore étoffer la variété de son champ d’application.

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6 Les grands chantiers actuels de la sismologie

C

omme tous les domaines de la recherche scientifique, la sismologie est en constante évolution. Nous présentons dans ce chapitre, sans être exhaustif, de grands chantiers prometteurs qui transformeront peut être notre compréhension des séismes et des phénomènes associés ou compléteront la boîte à outils du sismologue. L’un de ces chantiers est associé à l’augmentation des puissances de calcul et à l’explosion de la quantité de données disponibles. Souvent appelé par le terme anglais de « Big Data », le défi consiste à extraire des informations pertinentes d’une grande masse de données en perpétuelle évolution. Encore un terme anglais pour décrire cette extraction : « Data Mining ». La maîtrise des outils informatiques est indispensable autant pour le data mining que pour la confrontation des données avec les résultats de simulations numériques toujours plus complexes. Le sismologue n’a d’autres choix que de se frotter aux supercalculateurs pour poursuivre ses recherches. Un des domaines emblématiques de ce type de développement est la tomographie par le bruit de fond sismique. L’idée originale a été de considérer qu’en dehors des séismes, les enregistrements 149

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sismiques n’étaient pas qu’un bruit inutile mais un signal riche d’informations nécessitant d’autres types de traitements pour les mettre en valeur. Entre les bouffées d’énergie relâchées par les séismes et le bruit sismique, les enregistrements sismiques ont mis en évidence des phénomènes discrets et très lents appelés tremors pouvant durer des jours, des jours pendant lesquels le segment de faille situé dans la zone de transition (voir Figure 9) va doucement glisser. Quels sont leurs rôles dans le fonctionnement d’une zone de subduction ? La réponse n’est pas claire à ce jour. Enfin, la sismologie n’a pas abandonné la possibilité de pouvoir un jour peut-être prévoir les séismes. Elle recherche des phénomènes précurseurs, des phénomènes pouvant être détectés plus ou moins systématiquement avant une secousse catastrophique. Affaire à suivre !

EXPLOITER TOUTE LA RICHESSE DU SIGNAL SISMIQUE (BIG DATA) Aujourd’hui les réseaux de surveillance sismique enregistrent les mouvements du sol en permanence, 24 h/24 et suivant les 3 composantes N-S, E-O et verticale. Ces enregistrements comprennent des sections correspondant à des séismes et d’autres à du bruit, c’est-à-dire des périodes de temps où aucune onde sismique ne se distingue clairement. S’agissant des sections correspondant à un séisme, rappelons que le sismogramme contient deux types d’informations : l’information relative à la source sismique (le séisme ou l’explosion à l’origine du signal) et l’information relative aux propriétés des milieux traversés par les ondes sismiques entre la source et la station d’enregistrement. Plus l’enregistrement est réalisé à grande distance de l’épicentre plus le sismogramme s’enrichit d’informations sur le milieu traversé, et plus il devient complexe (Figure 53). 150

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Figure 53 | Si la Terre était homogène, les sismogrammes seraient beaucoup moins complexes et reflèteraient essentiellement les caractéristiques de la source sismique. En pratique, chaque fois qu’une onde sismique rencontre une variation de densité, de vitesse, elle subit une modification, une partie de l’onde est réfléchie, une autre transmise, des conversions d’un type d’onde sismique à un autre peuvent se produire…

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Face à cette complexité la stratégie des traitements de routine est la simplification. Dans un premier temps, seule la partie de l’enregistrement où un signal sismique est visible est considérée, puis le sismogramme est ramené à quelques paramètres comme les mesures d’amplitude et de temps d’arrivées de différentes ondes sismiques. L’analyse s’en trouve grandement simplifiée mais que d’informations perdues ! Un des défis de la sismologie moderne est d’exploiter toute la richesse et la variété d’information des sismogrammes. C’est un grand chantier actuel que nous allons illustrer à partir de quelques exemples. LES RÉSEAUX DENSES ET L’ASSIMILATION DES DONNÉES Télévisions HD, UHD, la qualité et la résolution d’image de nos écrans ne cesse de progresser. La sismologie suit un processus similaire avec la mise en place de réseaux denses, l’exemple de l’US-Array aux États-Unis (Figure 54) en étant la plus parfaite illustration. La densification des mesures améliore l’image de la sismicité – les petits séismes sont facilement détectés et localisés –, et notre connaissance de la structure interne de la Terre. Le sismologue chausse une nouvelle paire de lunettes !

Figure 54 | L’US Array est l’exemple emblématique d’un réseau sismique dense. Ce réseau est constitué de 400 stations, espacées de 70 km. Chaque station fonctionne 2 ans, puis les stations les plus à l’ouest sont déplacées pour étendre le réseau vers l’est et partir à la conquête de l’Est ! Aujourd’hui, le réseau est déployé en Alaska suivant les mêmes principes mais avec de très grandes difficultés logistiques.

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Ces nouveaux instruments de la recherche fondamentale créent aussi de nouvelles difficultés. Imaginez, 400 stations qui enregistrent le mouvement du sol suivant 3 composantes toutes les 0,01 s, ce sont 300 mesures par seconde et par station, 120 000 mesures par seconde pour le réseau… des données qui doivent être transmises, vérifiées, analysées, enregistrées et archivées, un vrai défi ! En pratique, l’immense quantité de données à traiter exclut de facto les traitements manuels classiques (voir chapitre 3) et seuls des traitements automatiques sont envisageables. Un des enjeux pour les années à venir est de développer des outils d’assimilation automatiques de ces données, c’est à dire des processus où les nouvelles données viennent enrichir automatiquement les modèles existants. Prenons l’exemple de la structure interne de la Terre, c’est-à-dire comment la vitesse des ondes sismiques change à l’intérieur du Globe. Les modèles de cette structure sont dérivés des temps de propagation des ondes sismiques observés sur les différentes stations sismiques. Plus le nombre d’observations augmente, plus la qualité du modèle s’améliore. Le principe de l’assimilation automatique est, dans ce cas-là, de mesurer automatiquement le temps de propagation, et s’il est compatible avec le modèle existant de l’intégrer afin d’améliorer ce modèle ; si la nouvelle donnée ne confirme pas le modèle existant, qu’elle est incohérente, elle sera analysée manuellement pour en déterminer la cause : problème technique, nouvelle découverte scientifique ? Le travail de routine pour l’ordinateur et les avancées scientifiques pour le sismologue !

ÉTUDE DU BRUIT DE FOND En économie, la variation des volumes d’achats d’emballages par les entreprises est un indicateur précoce du ralentissement ou de la croissance de l’économie. Ce qui n’est que du bruit pour certains peut être une information pour d’autres. Le bruit sismique est aujourd’hui à l'origine d’une évolution majeure de la sismologie car il contient des informations sur les propriétés de l’intérieur de la Terre et il est à la base de nouvelles approches de tomographie. 153

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Le bruit sismique résulte de la superposition de signaux émis par de très nombreuses sources. Ces sources de bruits peuvent être liées à l’activité anthropique (circulation routière, activité industrielle), à l’environnement à proximité de la station (rivière, vent…) ou globales comme la houle océanique. Ce « bruit sismique » est donc la somme de tous ces signaux se propageant sur une multitude de trajets entre ces diverses sources et la station sismique. Et sur chacun de ces trajets, le signal est modifié par les propriétés du milieu traversé. Le bruit sismique est donc bien du bruit dans le sens où il ne correspond pas à une source sismique clairement identifiée mais il contient de l’information sur les milieux. La difficulté est la suivante : ne sachant pas où sont les sources, comment savoir quels milieux ont été traversés par les ondes sismiques ? L’astuce est la suivante : le bruit se propageant dans toutes les directions, il est possible de démontrer mathématiquement (nous ne le ferons pas ici) que le seul trajet commun entre des enregistrements de bruit réalisés à deux stations distinctes est la ligne reliant ces deux stations (Figure 55). En d’autres termes, en analysant la similitude – appelée aussi corrélation – entre des enregistrements de bruits réalisés aux mêmes moments par deux stations distinctes, il est possible de caractériser la propagation des ondes sismiques entre les deux stations. En pratique, on ne s’intéresse pas uniquement à la propagation entre deux stations, l’objectif est de créer une tomographie couvrant la totalité de la zone étudiée. La similitude des mesures de bruit va être étudiée entre l’ensemble des couples possibles de stations, et ainsi, pour 3 stations, caractériser la propagation sur 3 trajets différents, pour 100 stations sur près de 5 000, et pour 500 stations sur près de 125 000. Plus le nombre de stations sera élevé, plus la tomographie sera précise mais plus le calcul sera lourd. Cette méthode est d’autant plus complexe à mettre en œuvre que, l’information contenue dans le bruit étant ténue, la durée de bruit à analyser est très longue, typiquement plusieurs mois ! Imaginez le volume de données correspondant à des centaines de mesures continues de bruits 154

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Figure 55 | Le bruit sismique enregistré aux stations 1 et 2 suit de multiples trajets dans la croûte terrestre (flèches orange). Parmi tous ces trajets, seul celui symbolisé par la flèche rouge est commun aux 2 stations. L’analyse par corrélation de bruit caractérise la propagation entre les 2 stations analysées.

s’étalant sur plusieurs mois, les difficultés liées à la préparation de ces données, à leur manipulation et la puissance de calcul requise pour en réaliser l’analyse. Nous sommes typiquement dans un cas où le sismologue doit s’allier aux informaticiens spécialistes du calcul intensif pour réaliser ces études. Mais l’objectif recherché mérite cet effort, c’est celui d’une caractérisation fine de l’intérieur de la Terre, de la connaissance approfondie des entrailles de notre planète.

LA SISMOLOGIE DANS LES BÂTIMENTS ET LES GRANDS OUVRAGES ! En général les sismomètres sont installés à distance des villes pour limiter le bruit et améliorer les capacités de détection. Pourtant, depuis une quinzaine d’années, de plus en plus de capteurs sont installés à l’intérieur de bâtiments et de grands ouvrages (ponts, barrages, etc.). L’objectif n’est pas l’étude des séismes mais l’étude de leur comportement au cours d’une secousse sismique.

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Imaginez un bâtiment de grande hauteur lors d’un séisme : ses fondations, ancrées dans le sol, suivent ses mouvements et l’ensemble du bâtiment se met à onduler. Des enregistrements réalisés à différents étages montrent les fréquences amplifiées par le bâtiment et sont riches d’enseignements sur les modes de déformations mis en jeu. Les données acquises permettent de contrôler la pertinence des modélisations numériques. Mais ces études ne requièrent pas nécessairement l’enregistrement d’un séisme, des résultats similaires peuvent être obtenus à partir de simples enregistrements continus de bruits. Lorsqu’ils sont poursuivis sur de grande période de temps, ces enregistrements mesurent les effets du vieillissement du béton sur le comportement du bâtiment. Lors du séisme de Boumerdès (Algérie), en 2003, la comparaison de mesures réalisées avant et après le séisme permit de détecter et quantifier son impact sur les bâtiments alors que, dans certains cas, aucun dommage n’était visible de l’extérieur. Lorsqu’elles seront largement répandues, ces approches accéléreront le diagnostic des bâtiments après un séisme : quels sont ceux qui restent sûrs, quelles réparations sont requises pour les autres. La chute des prix des capteurs MEMS (voir encart Le sismomètre mécanique peut-il encore évoluer ?, p. 35) rend cette instrumentation abordable. Certains projets prévoient de noyer dans le béton des centaines de capteurs au cours de la construction même de l’ouvrage et d’en assurer un suivi en temps réel tout au long de sa vie. Les bâtiments connectés arrivent !

Grâce aux analyses de bruit, il n’est plus nécessaire d’enregistrer un séisme pour observer et comprendre l’intérieur de notre planète. Ce point a des conséquences importantes pour la tomographie (Figure 56) et la prévision des mouvements sismiques. Avec 80 % des séismes localisés sur le pourtour de l’océan Pacifique, la répartition de la sismicité est loin d’être homogène. Pour une tomographie, ce seront donc principalement les trajets entre la station considérée et l’océan Pacifique qui seront bien connus. En revanche, si vous vous intéressez à la propagation des ondes sismiques entre la 156

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Grande-Bretagne et la Scandinavie, les séismes d’intérêts seront peu nombreux. Ce problème est résolu en remplaçant les séismes par le bruit ! D’ailleurs, il en est de même en planétologie où le bruit sismique enregistré par des sismomètres posés durant les missions Apollo ont permis de déterminer la structure interne de la Lune. La prévision des mouvements sismiques quant à elle se heurte à une très forte variabilité : pour une magnitude et une distance données, l’accélération générée par un séisme peut varier d’un facteur 4 en fonction de la région considérée. Pour prévoir les mouvements sismiques dans une région donnée, il fallait jusqu’à maintenant avoir enregistré beaucoup de séismes ce qui est une vraie gageure dans les zones de faible sismicité. Grâce à la connaissance des caractéristiques de la propagation des ondes déduite de l’étude du bruit, il devient plus simple de déterminer les caractéristiques du mouvement sismique généré par un séisme ce qui réduit les incertitudes sur les estimations de l’aléa sismique ! Mais plus impressionnant encore, il devient possible de caractériser non seulement les propriétés de propagation des ondes sismiques mais aussi leurs variations au cours du temps. Une équipe de Grenoble a détecté des variations temporelles de vitesse sismiques dans l’île d’Honshu au Japon au cours des jours qui ont suivi le séisme de T hoku, notamment dans les zones volcaniques. L’explication des variations observées pourrait être liée à des mouvements de magmas et fluides en profondeur déclenchés par la violence de la secousse sismique. Le champ d’application des techniques d’analyse du bruit devrait continuer à s’étendre au cours des prochaines années et il est probable qu’elles deviennent une des méthodes standard du sismologue. À plus petite échelle, il est possible d’appliquer cette méthodologie au suivi temporel d’objets de dimensions limitées (quelques kilomètres à quelques dizaines de kilomètres), tels qu’un volcan, une faille active, un réservoir souterrain d’hydrocarbures, un champ de gaz, ou une zone de géothermie profonde afin d’identifier rapidement 157

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et avec précision les moindres variations des propriétés physiques des régions étudiées. La sismologie se dote ainsi d’un tout nouvel outil offrant une vision dynamique de l’intérieur de la Terre.

Figure 56 | Profondeur en kilomètres du Moho, une discontinuité majeure où la vitesse des ondes sismiques augmente brutalement, sous les Alpes déterminée par une analyse de corrélation du bruit sismique. À titre d’information, le Moho sépare la croûte terrestre du manteau supérieur ; densité et minéralogie changent fortement au passage du Moho. © Stealhy.

MULTIPLETS ET DÉTÉCTIONS DES PETITS SÉISMES Les doublets, quand ils sont deux, ou les multiplets quand ils sont plus nombreux, sont des séismes dont les sismogrammes enregistrés à la même station se ressemblent. Des séismes avec un air de famille ! Repartons toujours de la même idée simple selon laquelle un sismogramme intègre l’information sur la source sismique et sur les propriétés de propagation des milieux traversés entre la source et la station. Imaginons deux séismes localisés à 158

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proximité l’un de l’autre et enregistrés par la même station, les ondes enregistrées auront parcouru un trajet très similaire, traversées les mêmes milieux et les différences entre les deux sismogrammes reflèteront principalement des différences liées à la source sismique. Imaginons maintenant que ces deux séismes se produisent sur une même faille, les deux ruptures se produisant alors sur un plan de même orientation, la ressemblance des sismogrammes sera encore plus grande ; enfin, si la direction de la rupture est la même, les sismogrammes devraient présenter des formes quasiment identiques, seule leur amplitude diffèrera en fonction de l’importance du glissement. Et bien ces séismes dont les sismogrammes se ressemblent comme deux gouttes d’eau existent ; ils sont appelés les doublets et multiplets (Figure 57) et cette ressemblance est largement exploitée en sismologie.

Figure 57 | Exemple de multiplets enregistrés à la station HINF du réseau sismique du CEA après le séisme de Rambervillers (22 février 2003, M5,9). Au total, 195 multiplets ont été identifiés avec des cohérences supérieures à 92 %.

Une de ces exploitations est la détection des séismes. Traditionnellement, la détection des séismes se base sur les variations d’amplitude du signal ; l’arrivée d’une onde sismique se manifestant par une augmentation du mouvement du sol, le système de détection analyse le signal mesuré par la station 159

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sismique pour détecter toute augmentation de l’amplitude du signal. Ces approches fonctionnent très bien dès que l’amplitude de l’onde est nettement supérieure au niveau de bruit, de l’ordre de 3 à 4 fois supérieure. Pour des augmentations moins significatives, le nombre de fausses détections augmente très rapidement et ce type d’approche devient inopérant. Une approche plus efficace, mais plus coûteuse en temps de calcul, exploite la ressemblance des sismogrammes enregistrés par une station sismique donnée. Les sismogrammes s’organisent en familles en fonction de cette ressemblance et l’idée est de chercher dans le mouvement du sol enregistré en continu des signaux qui ressemblent aux familles déjà identifiées par une mesure dite de corrélation qui caractérise la similitude entre deux signaux. C’est un peu comme identifier une musique dans une salle bruyante en attrapant seulement quelques notes au vol. Certains parlent d’ailleurs du Shazam de la sismologie, du nom de cette application qui utilise le microphone du smartphone pour identifier la chanson et l’artiste. Bien entendu, il faudra avoir dans un premier temps créé ces familles, c’est-à-dire avoir identifié dans les enregistrements passés de la station considérée chaque séisme présentant un sismogramme spécifique. Plus la station aura été en fonctionnement depuis longtemps, plus la liste de ces familles sera complète. Au cours d’une expérience sur les données Chinoises, cette approche a détecté 10 fois plus de séismes que les traitements classiques, les nouveaux séismes détectés étant des sismogrammes de faible amplitude passés inaperçus au milieu du bruit lors de l’analyse par des techniques plus usuelles (Figure 58).

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Figure 58 | La détection par corrélation recherche dans les données enregistrées en continu la forme d’un sismogramme qui a déjà été observée à cette même station. Cette technique peut détecter des séismes passés inaperçus par les méthodes de détections basées sur des variations d’amplitude du signal.

DOUBLETS ET MULTIPLETS POUR DÉTECTER D’INFIMES VARIATIONS! Les volcans ou les champs d’hydrocarbures en exploitation peuvent être l’objet de variations rapides de leurs propriétés géophysiques causées par une injection de magma ou des migrations de fluides. Le sismologue va chercher des sismogrammes présentant un très haut niveau de similitude, des signaux d’une telle ressemblance en dehors de leurs amplitudes que les différences sont presque imperceptibles à l’œil nu. S’ils sont aussi ressemblants, c’est que les séismes se sont produits au même endroit, sur le même plan de faille et avec une même direction de glissement. L’étude va se porter sur la dernière partie du sismogramme, appelée coda, afin de détecter par corrélation d’éventuelles variations de vitesse de propagation des ondes sismiques s’étant produites entre

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les deux séismes étudiés. Et ça marche, des variations de quelques pourcents peuvent être mises en évidence sur des volcans et reliées aux processus volcaniques. Doublets et multiplets dotent le sismologue d’un microscope pour étudier les détails d’un objet bien précis !

Mais ce n’est pas son seul avantage : il est même possible de localiser et fournir la magnitude d’un séisme détecté par une seule et unique station. En effet, si un autre séisme de cette même famille est bien localisé et sa magnitude connue avec précision, la seule comparaison des signaux des 2 séismes enregistrés à la même station permettra de déduire magnitude et localisation du second séisme. Ce sont les petites différences entre les signaux de deux séismes d’une même famille qui sont ainsi exploitées. L’inconvénient de ce type de méthode est de ne détecter que des familles de séismes ayant déjà été observées. Si une nouvelle famille apparaît, associée par exemple à de l’activité sismique sur une faille jusqu’alors silencieuse, l’ensemble des enregistrements passés devront être ré-analysés pour détecter d’éventuels séismes plus anciens et de faible magnitude localisés sur cette même faille. Appliquée au volcan Kasatochi dans les îles Aléoutiennes, le chapelet d’îles entre l’Alaska et la Russie, cette approche a mis en évidence le début de l’activité sismique qui a précédée l’activité éruptive des 7 et 8 août 2008 ; tous ces petits séismes précurseurs de l’éruption avaient échappé à la surveillance ! En conclusion, les méthodes de détection par mesure de corrélation exploitent efficacement et en temps réel les données des réseaux permanents de surveillance pour lesquels la sismicité passée est connue. Cette exploitation est réalisée station par station, en temps réel et accélère la détermination des caractéristiques d’un séisme ou d’une explosion. Elles sont une aide essentielle au sismologue qui devant l’augmentation permanente du nombre de stations disponibles n’est plus en mesure d’en étudier chaque sismogramme et doit pouvoir se concentrer sur des séismes singuliers ou des études spécifiques. 162

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ET LA SISMOLOGIE VOLCANIQUE ? La sismologie est un des outils d’étude des volcans, avec entre autres, la géodésie et la géochimie. L’activité sismique d’un volcan est relativement faible en termes de magnitude et n’est généralement ressentie que dans la région proche de l’édifice volcanique. Elle est principalement liée aux mouvements de magma ou de gaz de 10 à 15 km sous le volcan, puis dans la chambre magmatique, cette zone généralement à quelques kilomètres de profondeur où le magma peut être stocké et enfin dans l’édifice volcanique, c’est-à-dire dans le relief visible à la surface du sol (Figure 59).

Figure 59 | Distribution de la sismicité en profondeur sous le volcan Saint Helens (État de Washington, États Unis). Les séismes sont représentés par les points roses, les variations de vitesses des ondes sismiques sont représentées en couleurs et exprimées en pourcentage par rapport à un modèle moyen. La chambre magmatique est visible en orange entre 1 et 3 km. © IMUSH.

Les failles ou fractures mises en jeu ont des dimensions décamétriques au sein de l’édifice volcanique à kilométriques à plus grande profondeur. La sismicité est associée à la migration du magma et des gaz. En France, les volcans potentiellement actifs sont suivis sismiquement par les Observatoires Volcanologiques et Sismologiques (de la Soufrière, de la Montagne Pelée et du Piton de la Fournaise) afin de caractériser l’évolution des humeurs du volcan. Des bulletins d’activité des volcans sont ainsi disponibles sur internet (http://www.ipgp.fr/fr/ovsg/actualites-ovsg).

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Selon la position dans le volcan et le type de mouvement de fluide (par exemple, une formation de bulles), la sismicité peut être classée en différents types spécifiques à la sismicité volcanique (Figure 60). Une des particularités de certains volcans est de parfois émettre un signal sismique continu sur plusieurs minutes voire plusieurs jours. Ce signal continu, appelé tremor volcanique, est l’effet mécanique des mouvements de gaz dans l’édifice volcanique qui met en vibration les fractures le long du chemin de leur remontée.

Figure 60 | Exemple des différents type de signaux sismiques enregistrés sur le volcan Mérapi en Indonésie, de haut en bas, un tremor sismique, séisme basse fréquence (Low Frequency), séisme volcano-tectonique de type A puis de type B (VTA, VTB) et séisme multiphases (MP). Les séismes LF correspondent à des mouvements de magma dans l’édifice, et les MP à des mouvements de gaz dans le même édifice.

Dans certains cas la sismicité suit les remontées magmatiques, dans d’autres ces remontées sont asismiques. Il faut alors se tourner vers des mesures de déformations pour détecter le gonflement de l’édifice volcanique engendré par ces montées de magma. La tomographie sismique est elle aussi délicate à mettre en œuvre sur les volcans ; les temps de trajets des ondes sont courts, et la présence de fluides et les hautes températures conduisent à une atténuation sismique élevée. Une approche novatrice, par corrélation du bruit de fond sismique (voir paragraphe Étude du bruit de fond, p. 153), augmente la précision des mesures tout en autorisant le suivi de l’évolution temporelle des vitesses des ondes

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dans le milieu. On peut ainsi suivre les évolutions du volcan, les conséquences des mouvements du magma et offrir aux volcanologues un outil de prévision des éruptions.

RETOURNEMENT TEMPOREL ET ÉTUDE DE LA RUPTURE DES GRANDS SÉISMES Si pour les séismes de petite magnitude, localisation et magnitude sont suffisantes pour les caractériser, ce n’est pas le cas pour les forts séismes dont la rupture s’étale sur des dizaines, des centaines voire plus d’un millier de kilomètres. Imager la cinématique, c’est-à-dire la manière dont la rupture s’est propagée sur le plan de faille, est essentielle pour anticiper l’ampleur d’un potentiel tsunami, identifier la distribution du glissement sur la faille, prévoir les zones où les répliques sont le plus susceptibles de se produire, comprendre le risque de déclenchement de nouveaux séismes sur les failles voisines, ou plus simplement comprendre l’initiation et l’arrêt de la rupture sismique. Les techniques de retournement temporel (Figure 61) sont une des approches de l’imagerie de la rupture sismique. L’idée est de simuler le trajet retour des signaux enregistrés aux stations, c’està-dire le trajet théorique entre la station et le séisme à partir de modèles de Terre précis. Comme si le temps était inversé, les ondes sont renvoyées vers la source et leurs caractéristiques corrigées des effets de propagation. L’énergie se focalise sur les sections du plan de faille où elle a été émise imageant ainsi l’évolution de la rupture dans le temps. La figure 62 montre l’image de la rupture du séisme de T hoku de 2011, à différents instants et comment elle s’est déplacée sur le plan de faille, laissant apparaître 103 secondes après le début de la rupture une seconde zone de glissement au sud de la zone de glissement principal. En poussant encore plus loin ce concept, l’utilisation de cette méthode en continu pour l’ensemble des stations sismiques 165

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disponibles en temps réel pourrait déboucher alors sur le film des relâchements des bouffées d’énergie sismique dans le monde ! On passerait alors d’une liste de séismes au film de leur rupture sismique ! Les points communs entre les méthodes de corrélation de signaux sismiques et le retournement temporel sont de traiter les signaux continus – au prix de moyens de calculs significatifs – et d’offrir une richesse d’information exceptionnelle.

Figure 61 | Principes du retournement temporel. Les ondes enregistrées sont renvoyées dans l’ordre chronologique inverse et se refocalisent à l’endroit de la source. Une des applications de cette technique est la communication sous-marine, milieu où la propagation des ondes est très complexe. Le premier bateau émet un signal simple et court. Lorsqu’il est reçu sur les différents capteurs du second bateau le signal est plus long et complexe à cause des multiples réverbérations. Le bateau 2 inverse le signal, y rajoute le message qu’il souhaite faire parvenir à l’autre bateau et le réémet instantanément. Comme par magie, le signal fait le trajet inverse et vient se focaliser sur le bateau 1 qui peut alors prendre connaissance du message de ses collègues.

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Figure 62 | L’application du retournement temporel pour le séisme de T hoku permet de retrouver l’histoire de la rupture sismique à différents instants de 22 à 190 secondes après le début du séisme. La couleur représente l’amplitude du glissement sismique. La majeure partie du glissement s’est produit au Nord mais une seconde zone de glissement apparaît plus au sud 103 secondes après le début du séisme.

UCREF : MODÉLISER LES INTERACTIONS ENTRE LES FAILLES Lorsqu’un séisme se produit, il perturbe l’état des contraintes autour de sa zone de rupture et peut ainsi déclencher d’autres séismes de magnitude équivalente voire encore plus violents sur des failles situées à proximité. Un projet de recherche appelé UCREF (Uniform California Rupture Earthquake Forecast) intègre ces mécanismes pour essayer d’affiner les calculs de probabilités de séismes pour la Californie. L’UCREF est un modèle numérique intégrant l’ensemble des données disponibles, la géométrie des failles en 3 dimensions (Figure 63), l’histoire de la sismicité sur chacune d’entre elles, les modèles de transfert

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de contraintes, tout élément connu pouvant modifier l’évolution de la sismicité en Californie. Les incertitudes sont prises en compte par un arbre logique, c’est-à-dire que l’impact de la variation d’un paramètre sur un autre donne lieu à un modèle différent représenté graphiquement sous la forme de ramification d’où l’appellation d’arbre logique. Près de 6 000 modèles différents sont calculés afin d’évaluer la probabilité de différents scénarios dans les 30 prochaines années. Les résultats publiés en mars 2015 sont significativement différents de ceux de la version de 2009. Pourquoi ? Car les scientifiques n’ont pas exclu cette fois la possibilité que la rupture initiée sur une faille se propage sur une autre faille à proximité au cours du même séisme ! Un séisme sur deux failles. Quel est l’enseignement principal d’UCREF ? C’est que notre capacité à prévoir l’évolution de la sismicité même en termes statistique dépend fortement de notre compréhension des phénomènes associés aux séismes et que nous sommes encore très loin de pouvoir anticiper le comportement d’un réseau de failles !

Figure 63 | Représentation en 3 dimensions du réseau de failles utilisé dans les modélisations UCERF et de la probabilité pour chaque segment de failles de localiser un séisme de magnitude d’au moins 6,7 au cours des 30 prochaines années. La durée de 30 ans correspond à la durée moyenne des emprunts immobiliers en Californie.

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GLISSEMENTS LENTS Un séisme « classique » peut être schématisé par un front de rupture se propageant sur une faille à la vitesse de 3 km/s environ. Il existe aussi des séismes « lents », dont nous avons déjà parlé à propos des tsunamis ; leur vitesse de rupture est plus lente (de l’ordre de quelques dizaines de mètres à 1 kilomètre par seconde) et les sismogrammes plus riches en basses fréquences. Depuis la fin des années 1990, l’amélioration des réseaux d’observations, notamment des réseaux géodésiques GPS, ont mis en évidence un phénomène encore plus lent où la propagation du glissement peut être de l’ordre de 1 km par jour comme observée dans la zone de subduction au sud du Mexique en 2006. Ces événements sont trop lents pour générer des ondes sismiques, et pour les distinguer des séismes on parlera de « glissement lent » (tremor en anglais). Ils peuvent durer sur de grandes périodes de temps. Dans la zone des Cascades au Nord-Ouest des ÉtatsUnis, un glissement lent a duré 42 jours en 2012 et s’est propagé sur près de 1 500 km (Figure 64). En Nouvelle-Zélande, les glissements lents semblent se répéter tous les 18 à 24 mois dans la zone de subduction de Hikurangi. Les observations s’accumulent notamment dans les zones de subduction et les mécanismes physiques à l’origine de ces glissements restent incompris. Une question agite les sismologues : quels liens existent-ils entre ces glissements lents et les séismes ? Ainsi deux épisodes de glissements lents se sont produits à proximité de l’épicentre du séisme de T hoku. Le premier épisode s’est produit au cours de la seconde quinzaine de février 2011 et a été suivi par un séisme de magnitude 7,3. Le second épisode a débuté immédiatement après et a été suivi par le séisme de magnitude 9,1, le séisme de T hoku lui-même. Aujourd’hui nous ne comprenons pas encore le lien qui peut exister entre ces événements. Est-ce une simple coïncidence ou alors est-ce que les glissements lents conduisent au déclenchement des forts séismes par les variations de contraintes qu’ils induisent ? Si tel devait être le cas, est-ce que l’observation des glissements lents pourra un jour permettre de prévoir l’occurrence des grands séismes de subduction ? 169

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Figure 64 | Au cours de 2012, des glissements lents ont été détectés sur une période de 42 jours dans la région des Cascades entre les États Unis et le Canada. La couleur représente la date du glissement. Celui-ci s’est déplacé au cours de ces 42 jours du Nord vers le Sud sur une distance de 1 500 km environ.

GLISSEMENTS LENTS, LACUNE ET ALÉA SISMIQUES Les glissements lents ont des implications significatives dans l’évaluation de l’aléa sismique. Dans la zone de subduction des Cascades au Nord-Ouest des États Unis, les glissements lents relâchent l’équivalent d’un séisme de magnitude 6,5 tous les 14 mois. C’est une bonne nouvelle car plus la proportion du glissement asismique sur une section de faille est important plus le temps de retour des séismes sur cette même section sera long (voir paragraphe Couplage, zone de subduction et aléa, p. 25). Le glissement asismique réduit la probabilité d’un séisme et réduit ainsi l’aléa sismique. En 2001, sur la lacune de Guerrero dans l’Ouest du Mexique a été mesuré un glissement qui a duré 6 mois équivalent à un séisme de M7,5. Autant d’énergie qui ne sera pas libérée par un séisme destructeur !

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De nombreuses équipes se penchent sur ces sujets, des projets de forages profonds sont en cours pour étudier ces glissements en profondeur, étudier le rôle des fluides, les changements de contraintes. Ces éléments nous aideront à comprendre le fonctionnement des zones de subduction où sont observées de très forts séismes, des séismes lents aux limites des zones couplées et dans certains cas des glissements lents. Quels sont les interactions entre ces différents phénomènes, nous ne le savons pas. Il existe des indications que des glissements lents précédent les forts séismes mais la physique de ces phénomènes reste mal comprise. Une chose est sûre : les glissements lents bien que constituant un élément essentiel du fonctionnement des zones de subduction n’ont pas encore livré tous leurs secrets.

PRÉCURSEURS ET LABORATOIRES NATURELS Pourquoi finir par cette question des précurseurs ? Car elle est considérée comme le Graal de la sismologie ; d’ailleurs peu d’interviews se terminent sans que ce sujet n’ait été abordé ! L’état des lieux est simple : aucune méthode de prédiction fiable n’existe aujourd’hui. Même si beaucoup de sismologues doutent que les prédictions à court terme soient possibles, les recherches continuent. Mais après les nombreuses déconvenues des années 1970 et 1980, les approches sont aujourd’hui radicalement différentes. Le film « San Andreas » illustre à merveille ce qui n’a pas marché : le sismologue découvre un mystérieux signal électromagnétique avant chaque séisme et le tour est joué, la prédiction fonctionne ! L’époque où l’on pouvait croire qu’une apparente anomalie dans un signal électromagnétique, géochimique, radiologique avant un séisme ou qu’une coïncidence avec un phénomène astronomique, météorologique ou autres résoudrait la question est totalement révolue. De multiples études ont été réalisées dans tous ces domaines, incluant des changements de comportement d’animaux, des variations 171

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de champ électrique, d’émission de radon (un gaz radioactif naturel), de hauteur d’eau dans des puits (traduisant l’effet de l’accumulation des contraintes dans la croûte sur la nappe phréatique)… Toutes ces anomalies ou coïncidences ont été scrutées, disséquées ; certaines observations sont indéniables mais aucune statistique probante n’existe et encore moins d’observations récurrentes et systématiques. PARKFIELD : UN RETENTISSANT ÉCHEC Parkfield est situé sur la faille de San Andreas. Sur cette section de faille ont été localisés des séismes de magnitude 6 (environ) en 1857, 1881, 1901, 1922, 1934, et 1966. Cette apparente régularité a incité les sismologues à faire de Parkfield le premier laboratoire naturel et à instrumenter cette section de faille dès le milieu des années 1980. Plus qu’à attendre puisque les calculs prévoyaient que le prochain séisme aurait lieu avant 1993 ! Le séisme a effectivement eu lieu, mais en 2004 rompant ainsi la régularité observée depuis le milieu du XIXe siècle ! Et même si cette expérience a collecté de très nombreuses données, aucun signe précurseur n’a été observé !

Ces méthodes reposent sur l’idée que le milieu géophysique change de propriétés avant un tremblement de terre. L’initiation de la rupture serait précédée de phénomènes potentiellement détectables. Plutôt que la seule recherche de ces éventuels signaux précurseurs les sismologues ont créés des « laboratoires naturels », des sites fortement instrumentés dont l’objectif plus général est de comprendre la physique menant au déclenchement de la rupture sismique et son arrêt. Pourquoi la rupture s’initie-t-elle à cet instant précis, pourquoi s’arrête-elle et ne se propage-t-elle pas sur la totalité de la faille ? En Europe, le premier de ces laboratoires naturels, appelé aussi supersites, est installé dans le golfe de Corinthe en Grèce, l’une des zones sismiques les plus actives d’Europe ! Le site est instrumenté en sismologie, géodésie, complété par des mesures de niveaux d’eau, des mesures de déformation en forage… Ces sites, car il en existe une douzaine à travers 172

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le monde, sont étudiés sous toutes les coutures, géochimique, sismique, géodésique, électrique, magnétique… pour obtenir l’image la plus fiable et précise possible de ses caractéristiques et de leurs évolutions. Si des signaux précurseurs existent, ils devraient être observés. Mais, en premier lieu ces laboratoires cherchent à mieux comprendre la rupture sismique en l’observant au plus près ! Et les questions restent nombreuses : comment évoluent les contraintes et la friction au cours et après la rupture, quel est le rôle des fluides… Les filets sont jetés et nous verrons ce que donnera cette pêche dans les années à venir ! DISTINGUER LES SÉISMES DE FORTES MAGNITUDES DÈS L’INITIATION DE LA RUPTURE ? Des études récentes semblent montrer que le début de la rupture des petits et des gros séismes serait différent. Cette idée même peut surprendre. En effet, elle signifie que la magnitude du séisme serait définie dès les premiers instants de la rupture, avant même que celle-ci, c’est-à-dire le séisme lui-même, ne soit terminée. En d’autres termes, le séisme connaîtrait sa magnitude, c’est-à-dire la dimension finale de la rupture, dès le début de celle-ci ! L’explication serait liée à la réduction de la friction au cours du glissement. Nous avons tous expérimenté lorsque l’on pousse un meuble qu’une fois qu’il est en mouvement, l’effort nécessaire est nettement moins important. L’explication est la suivante : la friction, c’est-à-dire la résistance au mouvement, diminue dès que le déplacement commence. Dans le cas des séismes, la réduction de friction est liée à la chaleur et à la pulvérisation de matières rocheuses au contact entre les deux côtés de la faille. Mais pourquoi cette réduction de friction serait-elle différente entre un petit et un gros séisme ? Cette baisse de friction serait graduelle sur une distance donnée, appelée distance critique et cette distance critique augmenterait avec la magnitude. L’initiation de la rupture des séismes de forte magnitude, soit le temps nécessaire à la rupture pour atteindre cette valeur critique serait plus long mais une fois dépassée, la rupture se propagerait sur une plus grande surface.

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Ces recherches aident à comprendre le phénomène de la rupture. Si ces résultats devaient être confirmés, la première application pratique sera pour les systèmes d’alerte sismique précoce – rappelons-nous qu’un séisme comme celui de Sumatra en 2004 a duré environ 8 minutes – : il suffira d’analyser les premières secondes des sismogrammes pour estimer la magnitude du séisme et gagner ainsi de précieuses secondes voire de précieuses minutes pour les séismes les plus forts.

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ET DEMAIN ALORS ?

N

ous avons essayé dans cet ouvrage de vous offrir une vision de la sismologie en ce début de siècle en donnant des coups de projecteur sur certains aspects qui, sans couvrir l’ensemble de la discipline, donnent une idée de sa diversité et de ses grandes évolutions au cours des dernières années et décennies. Le métier de sismologue est en train de se diversifier. La demande d’information rapide après un séisme ne cesse de s’amplifier l’obligeant à revoir ses modes d’interactions avec le public. Les techniques du sismologue voient leurs champs d’application s’élargir de la sismologie des bâtiments à l’étude des glaciers et elles s’invitent même dans certains procès. Des activités humaines souvent liées à la transition du modèle énergétique, comme l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, le stockage souterrain de gaz, la séquestration géologique de CO2, la géothermie profonde génèrent dans certains cas de la sismicité. Des études poussées et au cas par cas doivent être conduites pour comprendre ces comportements et anticiper les possibles évolutions. Enfin l’accroissement du volume de données associé à des puissances de calculs informatiques toujours plus grandes a donné naissance à un nouveau domaine, hybride entre sismologie et informatique. 175

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Cette sismologie informatique sera le seul moyen à l’avenir pour faire face aux données des milliers de sismomètres qui, sur notre planète, enregistrent les mouvements du sol en continu : analyser ces données, intégrer les résultats automatiquement dans les modèles, détecter les incohérences et laisser au sismologue le soin de les étudier ! Peut-être que demain la surveillance sismologique sera totalement automatisée et que les modèles de rupture des séismes, de tomographie et les cartes d’aléa sismique automatiquement mis à jour ! Le sismologue sera peut être ainsi moins impliqué dans les traitements routiniers et se consacrera à l’analyse des résultats discordants, au développement de nouvelles méthodes de traitements de données et à la compréhension de la rupture sismique. Avant d’en arriver là il reste énormément de travail, bien assez pour une nouvelle génération de sismologues, qui devra savoir être à l’écoute non seulement des séismes mais aussi des demandes des citoyens, savoir expliquer mieux que nous ne le faisons aujourd’hui ce qu’est le risque sismique, comment l’intégrer dans nos décisions, comment évaluer ses possibles variations et comment vivre avec et s’en prémunir ! Où sera le prochain le séisme ? Nous ne le savons pas aujourd’hui. Et le seul moyen de peut-être – et nous l’espérons bien ! – le savoir demain est de poursuivre l’étude des tremblements de terre sous tous les angles possibles pour enfin résoudre cette question fascinante.

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ANNEXE

LA SISMICITÉ DE LA FRANCE EN QUELQUES PHRASES En France métropolitaine, seuls six séismes historiques ont eu des effets destructeurs : ceux de Bâle (Suisse) en 1356 (à proximité de la frontière française), de Bigorre en 1660, de Remiremont en 1682, de Bouin en 1799, de Mer Ligure en 1887 (à proximité des côtes italiennes) et enfin, le plus récent et aussi le plus connu, le séisme de Lambesc de 1909. Ce séisme s’est produit le 11 juin 1909, on estime sa magnitude à environ 6. Il causa la mort de 46 personnes et en blessa plusieurs centaines. Mais surtout, ce séisme est célèbre car il détruisit plusieurs villages provençaux situés au sommet de collines abruptes. Il est donc emblématique d’un effet de site, où les ondes sont amplifiées au sommet des topographies et y provoquent plus de dégâts. Une étude menée par le ministère de l’Environnement en 1982 montre que le même séisme aurait fait à cette date entre 400 et 1 000 victimes, plusieurs milliers de blessés, évolution liée à la densification de la population.

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SISMICITÉ DES DOM-TOM Les Petites Antilles, c’est-à-dire les départements de Guadeloupe et de Martinique sont soumises à une sismicité importante du fait d’un contexte tectonique actif lié à un rapprochement de 2 plaques lithosphériques, les plaques Amérique du Nord et Caraïbe. Ces déplacements relatifs de l’ordre de 2 cm/an génèrent des contraintes importantes à l’origine de la subduction, des déformations intraplaques et de la sismicité. Les Petites Antilles ont été fortement touchées par le passé par des séismes meurtriers notamment en 1839 en Martinique et en 1843 en Guadeloupe. En plus du risque volcanique, l’aléa sismique aux Petites Antilles est fort et la population s’étant accrue depuis le XIXe siècle, il est raisonnable de dire que le risque sismique de la région est élevé. Le séisme des Saintes du 21 novembre 2004 en Guadeloupe à une dizaine de kilomètres au sud des îles des Saintes en est le parfait exemple. Sa magnitude 6,3 en fait le plus gros séisme touchant l’archipel de Guadeloupe depuis plus d’un siècle. Il a causé une victime et 50 millions d’euros de dégâts. Actuellement, le suivi de la sismicité locale est assuré par les Observatoires Volcanologique et Sismologique de la Martinique et de la Guadeloupe. Mentionnons aussi le Seismic Research Center de l’University of the West Indies, qui surveille notamment l’île de Montserrat, visible de la Guadeloupe, où l’éruption d’un volcan dévasta la capitale Plymouth en 1997. La forte sismicité de la zone Caraïbe est également à l’origine de l’aléa tsunami important pour les Petites Antilles. Des tsunamis ont été observés en 1842 suite à un fort séisme dans la région d’Haïti, en 1867 suite à un autre fort séisme dans les îles Vierges mais aussi en 1755 suite au séisme de Lisbonne de l’autre côté de l’Atlantique. Le Centre d’information sur les tsunamis du Pacifique (PTWC) à Hawaï fournit les informations pour la mer des Caraïbes et c’est Météo-France, point focal pour les Antilles françaises, qui relaie les informations vers les autorités locales. Les îles de la Réunion et de Mayotte sont quant à elles des îles intraplaques associées à un volcanisme de point chaud. L’aléa sismique à Mayotte est légèrement plus fort qu’à l’île de la Réunion avec un séisme de référence de 5,2 fortement ressenti en 1993.

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ANNEXE

Il est défini comme « modéré » à Mayotte et « faible » à la Réunion. Ces deux îles sont malgré tout soumises à l’aléa tsunami de l’océan Indien principalement des forts séismes en Indonésie (île de Sumatra) et du Pakistan (Makran).

Figure A | Sismicité de la région des petites Antilles et contexte tectonique de la région. La sismicité est représentée en carte (en haut) et en coupe (en bas). Sur la coupe, la plaque plongeante est clairement visible.

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La sismicité instrumentale fait l’objet d’un suivi systématique depuis 1962. Nous disposons donc d’une image très précise de l’activité sismique de la métropole sur plus de 50 ans. L’image qui se dessine (Figure B) est très instructive. On voit que la sismicité se concentre principalement dans les chaines de montagnes jeunes

Figure B | Carte de la sismicité métropolitaine instrumentale de 1962 à 2009. Cette carte est le résultat d'un travail scientifique qui a rassemblé l'ensemble des données sismologiques recueillies en France par les différents réseaux de surveillance. La métropole se caractérise par une activité sismique modérée.

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(Alpes, Pyrénées) et le fossé rhénan. Cette activité est directement liée à la tectonique et à la formation de ces chaines de montagne. C’est d’ailleurs dans les Pyrénées que la densité de séismes est la plus forte et que l’énergie sismique libérée est la plus importante. On remarque aussi que des séismes se localisent du Massif Central au Massif Armoricain. Là, ce sont de « vieilles » failles de l’ère primaire qui sont activées et qui continuent d’héberger une sismicité certes plus faible mais néanmoins notable. C’est tout particulièrement le cas au niveau de l’Ile d’Oléron où des séismes se produisent régulièrement. Et, par contre, on observe que les deux grands bassins sédimentaires, le bassin parisien et le bassin aquitain, sont quasiment asismiques.

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GLOSSAIRE

Accéléromètre : Type de sismographe mesurant l’accélération du sol en fonction du temps. Aléa sismique : Probabilité pour un lieu donné d’être soumis à un niveau de secousse sismique donné. Amplitude : Mesure caractérisant l’ampleur des variations d'une grandeur, par exemple l’amplitude d’un signal sismique. Asismique : Qui n’est pas associé à un séisme, par exemple un glissement asismique est un glissement qui ne génère pas d’onde sismique. On parle aussi de régions asismiques lorsqu’aucun séisme n’a été identifié. Atténuation : Baisse de l’amplitude d’une onde en fonction du temps ou de la distance parcourue. Choc principal : Le séisme de plus forte magnitude dans une région et une période donnée. Il est généralement suivi par des répliques et plus rarement précédé par des séismes précurseurs. Chute de contraintes : Baisse soudaine des contraintes sur une faille au cours d’un glissement. Coda : La dernière partie d’un sismogramme après l’arrivée des principales ondes. L’amplitude de la coda diminue avec le temps. Couplage : Le couplage est la capacité d’une faille ou d’un segment de faille d’être bloqué. Lorsque la faille est bloquée, l’énergie élastique 183

GLOSSAIRE

s’accumule dans la masse rocheuse. Un faible couplage signifie que la faille n’est pas bloquée, elle glisse facilement en dehors de tout séisme. Cycle sismique : Successions de périodes asismiques au cours desquels l’énergie élastique s’accumule et de libération d’énergie par l’activité sismique. Contrainte : Mesure de la force par unité de surface. Dérive des continents : Théorie selon laquelle les plaques tectoniques se déplacent (à l’échelle géologique) les unes par rapport aux autres à la surface du Globe. La vitesse de déplacement est de l’ordre de quelques centimètres par an. Doublet : Paire de sismogrammes enregistrés à la même station et présentant une très forte similarité. Les doublets sont des séismes se produisant à proximité l’un de l’autre et avec une orientation de glissement similaire. Effet de site : Augmentation locale de l’amplitude des ondes sismiques. Les effets de site peuvent être dus à la présence de sédiments ou à une topographie. Énergie élastique : Énergie stockée dans un solide (ou un fluide) lorsqu’il est déformé de manière élastique. La déformation élastique est réversible : le solide revient à sa forme initiale lorsque les forces appliquées ne s’exercent plus. Enjeux : Éléments soumis à un risque. Dans le cas du risque sismique, les enjeux sont liés aux populations et aux activités humaines, les constructions, habitations ou infrastructures. Épicentre : Point à la surface de la Terre située à la verticale de l’hypocentre. Essaim de sismicité : Une série de séismes se produisant dans une zone et une durée limitées et sans choc principal clairement identifiable. Faille : Zone de fractures dans les roches où les mouvements se produisent ou se sont produits. Les failles sont des zones de fragilité. Faille active : Une faille qui a récemment – d’un point de vue des temps géologiques – accommodé un déplacement ou sur laquelle des séismes sont localisés 184

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GLOSSAIRE

Fosse océanique : Dépression longue et étroite du fond océanique observée dans les zones de subduction et résultant de la courbure de la plaque plongeante (voir zone de subduction). Foyer d’un séisme : Voir hypocentre. Front d’onde : Surface ou ligne imaginaire joignant les points ayant le même temps de parcours depuis la source sismique. Fréquence : Nombre d’oscillations par seconde. L’unité de mesure est le Hertz. Friction : Force qui s’oppose au glissement de deux objets en contact. Gap sismique : Voir lacune sismique. Géodésie : Science étudiant la forme, les dimensions et les déformations de la Terre. Elle est à la base du tracé des cartes et étudie les mouvements associés à la tectonique des plaques. Glissement sur une faille : Mouvement relatif d’un côté de la faille par rapport à l’autre. Le glissement peut être sismique ou asismique. Hertz : Unité de mesure de la fréquence ; 1 Hertz (Hz) correspond à un cycle par seconde. Hypocentre : Localisation sous la surface de la Terre du séisme Intensité sismique (ou macrosismique) : Mesure de l’effet des séismes (ressenti, dégâts). Pour un même séisme, l’intensité varie d’une localité à une autre. Plusieurs échelles d’intensité existent, le niveau le plus faible correspond à une secousse ressentie seulement par une petite fraction de la population, le niveau le plus élevé à une destruction totale. Lacune sismique : Une zone, généralement le long d’une faille active, où le taux de relâchement de l’énergie sismique est très inférieur à la moyenne de la région considérée. Sur une faille active, une lacune est le segment de la faille où aucun fort séisme n’a eu lieu depuis une durée dépassant largement le temps de retour. Une lacune est le lieu probable d’un futur séisme. Multiplets : Plusieurs sismogrammes enregistrés à la même station et présentant une très forte similarité (voir doublets). 185

GLOSSAIRE

Plan de faille : Plan sur lequel se produit la rupture au cours d’un séisme. Il s’agit d’une approximation géométrique, une faille n’étant pas plane. Liquéfaction : Processus au cours duquel un sol soumis à une vibration prend temporairement les caractéristiques d’un fluide. Le sol se comporte alors comme un liquide. Longueur d’onde : Distance entre deux maxima (ou minima) successives de l’amplitude d’une onde. Magnitude : La magnitude est une mesure de la quantité d’énergie relâchée au cours d’un séisme. Mouvements forts : Secousse violente et potentiellement destructive. Les mouvements forts sont généralement observés à proximité de l’épicentre. Ondes de surface : Onde qui se propage à la surface de la Terre. Les ondes de Love et de Rayleigh sont des ondes de surface. Ondes de volume : Onde qui se propage à l’intérieur de la Terre. Les ondes P et S sont des ondes de volume. Les ondes P sont les ondes de volume les plus rapides et sont souvent ressenties par les humains sous forme d’un bang, les ondes S provoquent une secousse plus violente. Onde réfléchie : Partie de l’onde qui à l’interface entre deux milieux différents est renvoyée dans le milieu d’où elle provient avec un brusque changement de direction. Onde réfractée : Partie de l’onde qui à l’interface entre deux milieux franchie l’interface et subit un changement de direction. Paléosismologie : Étude des séismes préhistoriques à partir des traces qu’ils ont laissées dans le paysage ou les couches géologiques. Période d’une onde : Intervalle de temps entre deux maxima ou minima successifs d’une onde. La période est l’inverse de la fréquence. Phase sismique : Début de l’oscillation sur un sismogramme indiquant l’arrivée d’un type différent d’onde sismique. Plaque tectonique : Ensemble d’éléments de 10 à 100 km d’épaisseur couvrant l’ensemble de la surface du Globe et se déplaçant les uns par 186

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rapports aux autres (de quelques centimètres par an). Il existe une douzaine de plaques principales. Plongement (d’une faille) : Angle avec lequel la faille s’écarte de l’horizontal. Première arrivée : Premier signal sismique observé causé par une source (un séisme ou une explosion). Précurseur : Changement d’un paramètre – généralement géophysique – observé avant un séisme. Le caractère précurseur d’un changement n’est défini qu’après l’occurrence du séisme. Prédiction des séismes : Annoncer avant qu’il n’ait eu lieu, la magnitude, la localisation et le moment auquel se produira un séisme. Il n’existe à ce jour aucune méthode de prédiction de séisme. Prévention des séismes : Ensemble des mesures visant à limiter l’impact d’un séisme s’il devait se produire. La prévention sismique passe bien entendu par des constructions de faible vulnérabilité, mais aussi l’organisation efficace des secours et une population sensibilisée et informée. Profondeur d’un séisme : Profondeur à partir de la surface à laquelle s’est produite la rupture. Pour les séismes de forte magnitude, la rupture est étendue. La profondeur est, suivant les méthodes de mesures utilisées, la profondeur à laquelle s’est initiée la rupture ou sa profondeur moyenne. Rapport signal sur bruit : Comparaison entre l’amplitude du signal sismique et l’amplitude du bruit sismique. Un faible rapport signal sur bruit limite fortement l’exploitation des données. Récurrence : Voir temps de retour. Rebond élastique : Concept (voir paragraphe Rebond élastique, cycle sismique, temps de retour et déformations, p. 23) décrivant les différentes phases de chargement et déchargement entre deux séismes sur le même segment de faille. Réplique : Un séisme qui se produit après et à proximité d’un séisme de plus forte magnitude. Les répliques correspondent à des réajustements du milieu rocheux autour de la rupture du choc 187

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principal. La longueur de la rupture augmentant avec la magnitude, la zone où des répliques peuvent se produire est d’autant plus grande que la magnitude est importante. La durée des répliques dépend de nombreux paramètres et peut atteindre des années. Le taux de répliques est généralement le plus fort immédiatement après le choc principal. Risque sismique : Probabilité en un lieu donné d’observer des dommages consécutifs à un séisme. Le risque est le produit de l’aléa par les enjeux et leur vulnérabilité. Dans un désert où les enjeux n’existent pas, le risque est nul quel que soit l’aléa. Le développement économique d’une région entraîne l’augmentation des enjeux ; le moyen pour contenir le risque est de construire des bâtiments de faible vulnérabilité. Séisme : Relâchement brutal d’énergie élastique stockée dans la masse rocheuse au cours du mouvement le long d’une faille. Une partie de l’énergie est relâchée sous forme d’ondes sismiques, ondes responsables du mouvement du sol, une partie sous forme de chaleur. Séisme précurseur : Un séisme qui se produit avant et à proximité d’un séisme de plus forte magnitude. Le caractère précurseur d’un séisme n’est déterminé qu’après le séisme de plus forte magnitude. Séquestration géologique de CO2 : Procédé visant à piéger le dioxyde de carbone en profondeur, généralement dans des anciens champs d’hydrocarbures. Le CO2 est liquéfié et injecté par des forages afin d’éviter son relâchement dans l’atmosphère et limiter le changement climatique. Sismographe : Voir station sismique. Sismogramme : Représentation graphique du mouvement du sol enregistré par une station sismique. Source sismique : Origine d’ondes sismiques. Les sources sismiques classiques sont les séismes et les explosions. Réseau sismique : Ensemble de stations sismiques dont les données sont analysées conjointement pour assurer par exemple la surveillance d’une région donnée. 188

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Séisme interplaque : Séisme se produisant aux limites des plaques tectoniques. Ce sont les séismes les plus fréquents. Séisme intraplaque : Séisme se produisant à distance de toutes limites de plaques tectoniques. Ces séismes sont rares et leur cause n’est pas toujours aisément identifiable. Sismique : Associé à un séisme. Sismologie : Étude des séismes, des sources sismiques et de la propagation des ondes dans la Terre. Sismomètre : Capteur sensible aux mouvements du sol. Sismotectonique : Étude de la relation entre les séismes, les failles et le contexte tectonique. Station sismique : Équipement qui mesure et enregistre le mouvement du sol. Téléséisme : Un séisme situé à grande distance du point d’observation (plus de 2 000 km). Temps d’arrivée : Le moment auquel l’onde arrive au capteur. Temps de retour : Temps moyen entre l’occurrence de deux séismes consécutifs de magnitude similaire dans une région donnée. Temps origine : Heure à laquelle le séisme s’est produit. Pour les séismes de forte magnitude, la durée de la rupture n’est pas négligeable, et l’heure de l'initiation de la rupture diffère de l’heure moyenne de la rupture. Temps de parcours : Temps nécessaire à une onde pour se propager de la source au point d’observation. Temps universel (TU) : Échelle de temps fondée sur la rotation de la Terre. Le temps universel est très utilisé en sismologie car il s’affranchit des fuseaux horaires et permet aux données enregistrées sur n’importe quel point du Globe de partager la même échelle de temps. Tomographie : Construction de l’image des variations de propriétés de propagation (comme les vitesses) des ondes sismiques à l’intérieur de la Terre à partir de sismogrammes. Tsunami : Mot japonais signifiant « vague de port ». Série de vagues résultant d’une variation rapide et à grande échelle du niveau de la 189

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mer. Les grands séismes qui déforment le fond océanique sont une des principales causes des tsunamis. Vulnérabilité sismique : Capacité d’un enjeu (bâtiments, usine…) à résister ou non à une secousse sismique. Plus la vulnérabilité est élevée, plus les destructions seront élevées pour un même niveau de secousse sismique. Zone de rupture : Zone de la Terre où le glissement sismique s’est produit. Pour les séismes de faible magnitude, la zone de rupture peut être de quelques millimètres et pour les séismes majeurs présenter une longueur de plusieurs centaines de kilomètres. Zone de subduction : Une région où deux plaques tectoniques rentrent en collision et l’une d’elle plonge sous l’autre. La majorité de la sismicité du monde est localisée dans les zones de subduction.

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