Loi et coutume dans l’Égypte grecque et romaine: Les facteurs de formation du droit en Égypte d'Alexandre le Grand à la conquête arabe (JJP Supplements 21) [JJP XXI] 8393842506, 9788393842506

The book is devoted to the sources of law from Egypt during the millennium from the rule of Alexander the Great (332 B.C

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French Pages 381 [391] Year 2014

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Loi et coutume dans l’Égypte grecque et romaine: Les facteurs de formation du droit en Égypte d'Alexandre le Grand à la conquête arabe (JJP Supplements 21) [JJP XXI]
 8393842506, 9788393842506

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DANS L’ÉGYPTE GRECQUE ET ROMAINE JOSEPH MÉLÈZE MODRZEJEWSKI

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VARSOVIE 2013

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Issu de la thèse de doctorat d’État en droit soutenue par l’auteur en 1970 à Paris, cet ouvrage propose une étude détaillée des sources du droit en Égypte durant le millénaire compris entre Alexandre le Grand et la conquête arabe (332 av. n. è. – 640 de n. è.). Dans la première partie, consacrée à l’époque ptolémaïque, on examine divers aspects du pluralisme qui caractérise l’évolution du droit. La coexistence de deux cultures juridiques, grecque et égyptienne, n’a pas abouti à un amalgame gréco-égyptien. Le droit ptolémaïque survit à la conquête romaine de l’Égypte à l’état de coutumes locales, tolérées et sanctionnées par le pouvoir impérial à condition de ne pas heurter de front l’ordre public romain. Après la généralisation de la citoyenneté romaine par l’édit de Caracalla en 212, ces coutumes sont intégrées dans l’ordre juridique de l’Empire comme un droit subsidiaire à l’usag des citoyens provinciaux. L’histoire des facteurs de formation du droit dans l’Égypte grecque et romaine, amplement illustrée par la documentation papyrologique, offre aux historiens et aux juristes un vaste terrain de réflexion sur le thème des rencontres et interactions de cultures juridiques.

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Après des études à l’Université de Varsovie dans les années 1948–1958, Joseph Mélèze Modrzejewski a été chercheur au CNRS à Paris, de 1959 à 1972 (médaille d’argent 1972), puis a enseigné pendant une trentaine d’années l’histoire juridique et sociale du monde hellénistique à la Faculté de Droit de Paris (Université Paris II) et à la Sorbonne (Université Paris I) ; il a également dirigé un séminaire de Papyrologie et Histoire des Droits de l’Antiquité à l’École pratique des Hautes Études (IVe Section, Sciences historiques et philologiques) créé en 1972. De 1979 à 2011 il a enseigné en outre l’histoire du judaïsme postexilique à l’Université Libre de Bruxelles (Institut d’Études du Judaïsme Martin Buber). Ses travaux – quelque 350 livres, articles, comptes rendus et chroniques depuis 1951– portent sur divers aspects de l’histoire du droit et des institutions de l’Antiquité, en particulier l’histoire juridique et sociale de l’Égypte grecque et romaine à la lumière des sources papyrologiques, ainsi que sur l’histoire du judaïsme à l’époque du Second Temple. Directeur de la Revue historique de droit français et étranger, il participe à la direction de plusieurs revues internationales spécialisées dans le domaine de l’histoire du droit et des institutions.

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Joseph Mélèze Modrzejewski

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Du même auteur : Aleksander Macedoński [Alexandre de Macédoine ; en polonais], Warszawa, Książka i Wiedza, 1958, 369 p., 1 carte (Coll. Światowid) ; 2e éd. 1961, 382 p., version hébraïque : Aleksander Makedon, Tel Aviv, Éditions Heder, 1961, 181 p. Le Monde hellénistique, Bruxelles, Université Libre de Bruxelles, 1965, 96 p. (Introduction bibliographique à l’histoire du droit et à l’ethnologie juridique, sous la direction de J. Gilissen, t. a/8). Droit impérial et traditions locales dans l’Égypte romaine, Aldershot, Ashgate, 1990, 336 p., frontisp. (Variorum Collected Studies 321). Les Juifs d’Égypte, de Ramsès ii à Hadrien, Paris, Éditions Errance, 1991 (Collection des Néréides), et Armand Colin, 1992 (Coll. U-Civilisations), 216 p., 30 ill., 3 cartes ; 2e éd., revue et complétée, Paris, P.U.F., 1997, vii + 376 p. («  Quadrige » 247). Version anglaise : The Jews of Egypt from Rameses ii to Emperor Hadrian. Translated by R. Cornman. With a Foreword by S. J. D. Cohen, Philadelphia – Jerusalem, The Jewish Publication Society, et Edimbourg, T&T. Clark, 1995, xxii + 279 p., 32 ill., 3 cartes ; 2e éd. revue, Princeton, Princeton University Press, 1997. Version polonaise : Żydzi nad Nilem, od Ramzesa ii do Hadriana, Cracovie, The Enigma Press, 2000 (Biblioteka zwojów : T o Nowego Testamentu 3), 350 p., 33 ill., 3 cartes. Statut personnel et liens de famille dans les droits de l’Antiquité, Aldershot, Ashgate, 1993, x + 298 p., frontisp. (Variorum Collected Studies 411). Troisième Livre des Maccabées. Traduction du texte grec de la Septante, introduction et notes (La Bible d’Alexandrie xv 3), Paris, Éditions du Cerf, 2008, 190 p., 1 carte. « Un peuple de philosophes ». Aux origines de la condition juive, Paris, Fayard – Mille et une nuits, Paris 2011 (Coll. «  Les quarante piliers » sous la dir. de P. Legendre), 462 p. Droit et justice dans le monde grec et hellénistique, Varsovie, Fondation «Raphael Taubenschlag», 2011. Textes réunis et édités par J. Urbanik. Préface d’Eva Cantarella (The Journal of Juristic Papyrology Supplements 10), xx + 565 p. Le droit grec après Alexandre, Paris, Dalloz, 2012, viii + 218 p. (Ľ esprit du droit). Revue historique de droit français et étranger, Paris, Éditions Dalloz, direction de la revue depuis 1972. Akten der Gesellschaft für hellenistische und griechische Rechtsgeschichte, Cologne – Vienne, Böhlau, 1975–2003, puis Vienne, Österreichische Akademie der Wissenschaften, 2007 et suiv., édition en collaboration avec G. Thür, M. Gagarin, Eva Cantarella, Julie Vélissaropoulos-Karakostas, M. Dreher, A. Maffi.

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WARSAW UNIVERSITY FACULTY OF LAW AND ADMINISTRATION CHAIR OF ROMAN AND ANTIQUE LAW WARSAW UNIVERSITY INSTITUTE OF ARCHAEOLOGY DEPARTMENT OF PAPYROLOGY THE RAPHAEL TAUBENSCHLAG FOUNDATION

THE JOURNAL OF JURISTIC PAPYROLOGY Supplements SERIES EDITORS

TOMASZ DERDA ADAM ¸AJTAR JAKUB URBANIK VOLUME XXI

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Supplements to The Journal of Juristic Papyrology are jointly published by the Faculty of Law and Administration of the University of Warsaw, the Institute of Archaeology of the University of Warsaw, and Fundacja im. Rafała Taubenschlaga, Krakowskie Przedmieście 26/28, 00–927 Warszawa 64 tel. (+48 22) 55 22 815 and (+48 22) 55 20 384, fax: (+48 22) 55 24 319 e-mails: [email protected], [email protected], [email protected] web-page: Cover design by Maryna Wiśniewska Computer design and DTP by Jakub Urbanik Proofreading Tomasz Płóciennik

© for the book by Joseph Mélèze Modrzejewski and Fundacja im. Rafała Taubenschlaga

Warszawa 2014

This publication has been published with financial support from the Ministry of Science and Higher Education of the Republic of Poland.

ISBN 978–83–938425–0–6

Wydanie i Druk i oprawa: Drukarnia Duo Studio, Warszawa

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TABLE DES MATIÈRES .........................................

xi

PROLÉGOMÈNES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

3

AVANT-PROPOS

§ 1. Les facteurs de formation du droit dans l’Égypte grecque et romaine – 3

I. L’Égypte ptolémaïque INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

39

§ 2. Le droit ptolémaïque – 39

Chapitre i LES COMPOSANTES DU DROIT PTOLÉMAÏQUE . . . . . . . . . . . . . . . . 53 § 3. La législation royale des Lagides – 53; § 4. Le droit égyptien – 69; § 5. Le droit grec – 88; § 6. Le droit des Juifs – 110

Chapitre ii LES MÉCANISMES DE Ľ ÉVOLUTION JURIDIQUE . . . . . . . . . . . . . . . 115 § 7. Les continuités locales – 115 ; § 8. Les continuités grecques – 120 ; § 9. Ľunité du droit grec en Égypte – 142; § 10. Les πολιτικοὶ νόµοι – 151; § 11. – La « personnalité du droit » – 169 $

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Chapitre iii LA STRUCTURE DU SYSTÈME . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185 § 12. « Droit mixte » ou pluralisme juridique ? – 185; § 13. – Ľ organisation de la justice – 198 ; § 14. La hiérarchie des règles de droit – 212; § 15. Ľ institutionnalisation des νόµοι – 221 $

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CONCLUSIONS DE LA PREMIÈRE PARTIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227 § 16. Un système complexe – 227

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VIII

TABLE DES MATIÈRES

II. L’Égypte romaine INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235 § 17. « Reichsrecht » et « Volksrecht » – 235 $

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Chapitre iv LES DROITS LOCAUX APRÈS LA CONQUÊTE ROMAINE DE ĽÉGYPTE . . . . . . . . . . . . . . . . 241 § 18. ĽÉgypte et l’Empire – 241; § 19. Le statut augustéen de l’Égypte – 249; § 20. La survie des droits locaux dans la chôra – 254; § 21. – « Loi des Égyptiens » – 259; § 22. Le droit des cités grecques d’Égypte – 271 $

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Chapitre v LA PÉNÉTRATION DU DROIT ROMAIN EN ÉGYPTE . . . . . . . . . . . 277 § 23. Droit de l’Empire et droit provincial – 277; § 24. La justice romaine – 283; § 25. Ľédit provincial – 286; § 26. La romanisation de la vie juridique – 292

Chapitre vi LE DROIT DE ĽEMPIRE ET LES DROITS LOCAUX APRÈS LA CONSTITUTIO ANTONINIANA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .299 § 27. ĽÉdit de Caracalla et ses suites – 299; § 28. La « double citoyenneté » – 304 ; § 29. Les coutumes provinciales – 311; § 30. – La « clause de sauvegarde » – 319; § 31. – Droit et rhétorique – 324 $

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Chapitre vii LES DESTINÉES DES DROITS LOCAUX

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 327

§ 32. Les accommodements – 327; § 33. Les coutumes illicites – 332; § 34. Les coutumes victorieuses – 337 CONCLUSIONS DE LA DEUXIÈME PARTIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 343 § 35. Mores regionis – 343

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TABLE DES MATIÈRES

IX

INDEX (par Maria Nowak) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 347 1. Sources : A. Sources littérairesֶ – 347 ; B. Inscriptions – 350 ; C. Papyrus, ostraca et tablettes – 351 ; D. Sources juridiques anciennes – 356 ; 2. Personnes – 358 ; 3. Lieux – 361 ; 4. Mots-clés – 362 BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE – PRINCIPALES ABRÉVIATIONS . . . 371 1. Revues, mélanges, ouvrages collectifsֶ – 371 ; 2. Actes des congrès papyrologiques – 373 ; 3. Symposia de la Société d'histoire du droit grec et hellénistique – 375 ; 4. Livres et articles – 376 ; 5. Sigles – 381

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AVANT-PROPOS

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rois ans après le recueil de travaux sur le thème « Droit et justice dans le monde grec et hellénistique »,1 un deuxième livre du soussigné bénéficie de l’hospitalité des Supplements au Journal of Juristic Papyrology. Il propose une édition corrigée et mise à jour de sa thèse de doctorat d’État en droit soutenue à l’Université Panthéon-Assas Paris-2 (Faculté de droit de Paris) en décembre 1970 sous la direction du professeur Jean Gaudemet.2 La première version de cet ouvrage, un volume polycopié de 480 pages, n’a connu qu’une diffusion limitée. Outre les membres du jury, quelques bibliothèques et quelques amis en ont reçu un exemplaire : le tirage inévitablement limité ne permettait pas d’envisager une plus généreuse distribution. J’espérais pouvoir publier rapidement ce travail, mais d’autres tâches ont retardé ce projet. Après plus de quarante ans, l’ouvrage est devenu introuvable. À le relire, je n’ai pas l’impression qu’il ait perdu tout son intérêt scientifique. La présente édition le rendra accessible aux papyrologues et aux historiens du droit sous une forme rajeunie. Les deux parties de ma thèse utilisaient certains résultats de mes recherches antérieures. En particulier, elles puisaient largement dans deux mémoires sur le thème « La règle de droit en Égypte », parus, l’un en 1966, dans les Mélanges dédiés à C. Bradford Welles,3 l’autre en 1970, dans $

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1

Droit et justice dans le monde grec et hellénistique, Varsovie 2011 (The Journal of Juristic Papyrology Supplements 10). 2

Résumé dans Iura 23 (1972), p. 361.

3

« La règle de droit dans l’Égypte ptolémaïque. État des questions et perspectives de recherches », [dans :] Essays in Honor of C. Bradford Welles (American Studies in Papyrology i), $

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AVANT-PROPOS

XII

les Actes du xiie Congres international de Papyrologie tenu à Ann Arbor, Michigan, en août 1968.4 Ces mémoires n’ont pas été repris dans les trois recueils qui regroupent mes travaux consacrés à l’histoire du droit et des institutions de l’Égypte grecque et romaine, à savoir deux volumes de la collection Variorum publiés en 19905 et 19936 et un Supplement au Journal of Juristic Papyrology cité plus haut.7 En revanche, ils ont été condensés dans deux articles de synthèse publiés en italien à Turin dans les années 1990.8 Les originaux français de ces synthèses ont servi de base pour la rédaction d’un précis de papyrologie juridique paru à Paris en janvier 2012.9 La version longue, telle qu’on pouvait la lire dans ma thèse, restait inédite, sauf quelques chapitres qui, détachés de la thèse, avaient fait l’objet de publications dans des volumes de mélanges, puis furent repris dans les recueils qui viennent d’être mentionnés ;10 ils sont incorporés dans le $

New Haven 1966, p. 125–173 ; c. r. par Marie-Thérèse Lenger, CdÉ 42 (1967), p. 433–434. Ce mémoire a été préparé par mes conférences, l’une sur le thème « La dualité de droit dans l’Égypte hellénistique », faite devant la Société d’histoire du droit le 15 février 1964 (résumé dans RHD 42 [1964], p. 726) et à la Faculté de Droit de Fribourg en Brisgau le 23 juin 1964, à l’invitation de H. J. Wolff, l’autre sur « La règle de droit dans l’Égypte ptolémaïque », présentée le 9 septembre 1965 au xie Congres international de Papyrologie à Milan (résumé dans PapCongr. xi, p. 594, et dans Iura 17 [1966], p. 251–252). $

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« La règle de droit dans l’Égypte romaine. État des questions et perspectives de recherches », PapCongr. xii, p. 317–378. Abrégé dans une conférence présentée à l’Institut de droit romain de Paris le 31 janvier 1969 : « Les droits locaux dans l’Égypte romaine ». $

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Droit impérial et traditions locales dans l’Égypte romaine, Aldershot 1990 (Variorum Collected Studies 321). 6

Statut personnel et liens de famille dans les droits de l’Antiquité, Aldershot 1993 (Variorum Collected Studies 411). 7

Droit et justice dans le monde grec et hellénistique (ci-dessus, n. 1).

8

« Le forme del diritto ellenistico », [dans :] I Greci. Storia, cultura, arte, società, iii. Una storia greca, iii. Trasformazioni, Turin 1998, p. 636–664 ; « Diritto romano e diritti locali », [dans :] A. Schiavone (éd.), Storia di Roma iii 2, Turin 1993, p. 985–1009. $

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Le droit grec après Alexandre, Paris 2012 (Ľ esprit du droit).

10

« Note sur la législation des Lagides », [dans :] Mélanges d’histoire ancienne offerts à William Seston, Paris 1974, p. 365–380 (= Droit et justice, chap. 3) ; « “Livres sacrés” et justice lagide », [dans :] Acta Universitatis Lodziensis, Folia Juridica 21 (Symbolae C. Kunderewicz), Łódź 1986, p. 11–44 (= Droit et justice, chap. 7) ; « “La loi des Égyptiens” : le droit grec dans $

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AVANT-PROPOS

XIII

présent ouvrage par souci d’intégralité nonobstant les inévitables doubles emplois qui en résultent. Pour le reste, excepté quelques points sur lesquels l’opinion de l’auteur a évolué, la présente édition suit le texte de 1970. On s’est contenté de corriger les erreurs matérielles et d’unifier autant que possible le mode de citation des sources et des ouvrages. La bibliographie a été mise à jour, mais mes références reflètent surtout l’état des travaux et des débats vers le milieu du xxe siècle. Ľ enquête sur les sources du droit menée dans l’ordre chronologique jalonne toute l’histoire juridique et institutionnelle de l’Égypte grecque et romano-byzantine. Aussi cette nouvelle édition d’un ouvrage quadragénaire pourrait être, suivant le vœu que je formais dans mon Droit grec après Alexandre, un utile prélude à un nouveau traité de papyrologie juridique dont la nécessité se fait sentir de plus en plus.11 Les synthèses proposées au xxe siècle par les coryphées de notre discipline ont pris de l’âge : un siècle pour Ludwig Mitteis12 et plus d’un demi-siècle pour Raphael Taubenschlag.13 Celle que Hans Julius Wolff préparait pour le Handbuch der Altertumswissenschaft est restée inachevée.14 Ľ Introduction à la papyrolo$

l’Égypte romaine », PapCongr. xviii, p. 383–399, et « Historia Testis ». Mélanges T. Zawadzki, Fribourg/Suisse 1989, p. 97–115 (= Droit impérial, n° ix). $

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11

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Le droit grec après Alexandre (ci-dessus, n. 9), p. 12.

12

L. Mitteis, Grundzüge. Pour Wolff ce manuel était périmé, alors que les Grundzüge d’U. Wilcken lui paraissaient garder toute leur valeur. 13

R. Taubenschlag, Law2. Sans doute cet ouvrage porte-il la marque de la formation de l’auteur qui observait l’évolution du droit en Égypte, comme beaucoup de ses contemporains, à travers les schémas élaborés par les pandectistes et exprimait sa pensée dans une terminologie dominée par le latin juridique dont est imprégnée l’étude du droit romain. Il reste néanmoins une mine de renseignements incontournables pour tous les problèmes que pose l’évolution du droit dans l’Égypte grecque et romaine. Le volume 38 (2008) du Journal of Juristic Papyrology, dédié à R. Taubenschlag pour le 50e anniversaire de sa mort, en apporte un beau témoignage. $

14

Seul a été entièrement rédigé le volume ii : H. J. Wolff, Das Recht der griechischen Papyri Ägyptens in der Zeit der Ptolemäer und des Prinzipats, ii. Organisation und Kontrolle des privaten Rechtsverkehrs, Munich 1978 (Rechtsgeschichte des Altertums im Rahmen des Handbuchs der Altertumswissenschaft x 5, 2). Le volume i, dont la rédaction fut interrompue par le décès de l’auteur en août 1983, a été publié vingt ans plus tard, avec seulement un complément bibliographique, par Hans-Albert Rupprecht, dans l’état où l’auteur l’avait laissé : Das Recht der griechischen Papyri Ägyptens in der Zeit der Ptolemäer und des Prinzipats, i. $

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AVANT-PROPOS

gie de Hans-Albert Rupprecht ne prétend pas la remplacer.15 C’est aussi le cas de l’impressionnant Droit grec d’Alexandre à Auguste de Julie Vélissaropoulos-Karakostas qui dépasse un cadre strictement papyrologique tout en offrant un vaste choix de textes grecs de l’Égypte hellénistique.16 Un nouveau traité d’histoire du droit de l’Égypte grecque et romaine à la lumière des documents papyrologiques serait à faire. L’étude des sources du droit pave la voie vers cet objectif. Je remercie chaleureusement Jakub Urbanik, à qui ce livre doit son existence, et toute l’équipe de l’Institut de Papyrologie de Varsovie grâce à laquelle cette publication a pu être réalisée. En particulier, je tiens à dire ma gratitude à Maria Nowak qui a établi les index, comme pour le volume précédent, et à Tomasz Płóciennik qui a relu et corrigé les épreuves. Je suis également reconnaissant à Chris Rodriguez qui m’a aidé à réparer les imperfections de la première mouture de ce travail. Je remercie le Prof. Steffan Pfeiffer de l’Université Martin-Luther de Halle – Wittenberg (Institut für Altertumswissenschaften), ainsi que le Dr. Fabian Reiter (Berliner Papyrussammlung) qui nous ont autorisés à utiliser le P. Hal. 1 (Dikaiomata) et BGU v 1210 (Gnomon tou Idiou Logou, la photo par Mme Sandra Steiß), respectivement, pour le fond de la couverture de ce livre. Józef Mélèze Modrzejewski Châtenay, août 2014

Bedingungen und Triebkräfte der Rechtsentwicklung, Munich 2002 (Rechtsgeschichte des Altertums im Rahmen des Handbuchs der Altertumswissenschaft x 5, 1). 15

H.-A. Rupprecht, Kleine Einführung in die Papyruskunde, Darmstadt 1994 ; version italienne par Livia Migliardi Zingale, Introduzione alla Papirologia, Turin 1999. $

16

Julie Vélissaropoulos-Karakostas, Droit grec d’Alexandre à Auguste (323 av. J.-C. – 14 ap. J.-C.). Personnes – biens – justice, Athènes 2011 (col. Meletêmata).

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PROLÉGOMÈNES

§ 1. LES FACTEURS DE FORMATION DU DROIT DANS Ľ ÉGYPTE GRECQUE ET ROMAINE

A

u seuil de cette étude, il paraît utile de donner quelques précisions sur son sujet, la méthode suivie pour sa rédaction, son cadre géographique et chronologique, les sources et la bibliographie sur lesquelles cette recherche est fondée, ainsi que le plan selon lequel elle est construite et le but qu’elle vise à atteindre.

a) Les sources du droit Ce travail porte sur les sources du droit privé en Égypte à l’époque ptolémaïque et sous la domination romaine. Cela implique le recours à deux notions complémentaires l’une de l’autre : « source du droit » et « droit privé ». Chacune d’elles appelle une brève explication. Quelques mots d’abord sur la notion de « source du droit ». On sait qu’elle présente pour le juriste un double aspect : elle a un premier sens que l’on pourrait qualifier d’« historique » ou d’« épistémologique » et un deuxième qui est « théorique » ou « dogmatique ».1 $

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1

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Voir, p. ex., H. Lévy-Bruhl, Aspects sociologiques du droit, Paris 1955, p. 47–83 (extrait de ĽAnnée sociologique 1953), et Sociologie du droit, Paris 1967 (3e éd.), p. 39–79. $

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Dans la première acception, cette notion désigne les éléments matériels de la connaissance. Ľétude des sources porte alors sur ces éléments – en général des documents écrits – à partir desquels il est possible de reconstituer le droit d’une société : elle a pour objet leur nature (les supports de l’écriture, leur date et origine, la transmission des textes, les éditions et l’histoire de celles-ci, etc.). Cet aspect du problème n’a qu’un intérêt secondaire pour nous. Il va sans dire que tout au long de notre étude les « sources de la connaissance du droit » y sont présentes, comme elles doivent l’être dans toute recherche historique. Mais notre intention n’a pas été de les réunir et les décrire de manière systématique. Nous nous sommes attaché davantage à l’aspect théorique de la notion. Celui-ci, plus proche de la métaphore dont le terme de « source du droit » est issu, concerne l’acception dans laquelle le mot désigne « les sources desquelles découlent les règles juridiques ». Il s’agit de répondre à la question : « d’où vient le droit ? », et de grouper ses normes selon les catégories propres à chaque époque et à chaque société : coutumes, lois, sénatus-consultes, édits de magistrats, écrits des juristes, constitutions impériales pour le droit romain ou loi, coutume, pratique, jurisprudence et doctrine pour le droit civil moderne. Nous avons eu recours à ces théories, auxquelles nous empruntons en particulier la distinction fondamentale entre la loi et la coutume qui figure dans le titre de ce travail ; nous reviendrons encore sur ce point en expliquant ci-dessous la méthode que nous avons employée dans cette recherche. Toutefois, l’étude des « sources créatrices du droit » n’apporte pas grand-chose à l’histoire juridique et institutionnelle si elle se limite à recueillir les témoignages et à les classer selon les catégories des normes. Plutôt que d’inventorier les éléments de l’information et de les grouper en fonction des espèces de règles et d’institutions,2 il paraît plus important $

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Un tel travail serait à faire. Pour les documents papyrologiques, qui fournissent la quasi-totalité des renseignements relatifs au droit de l’Égypte grecque et romaine, il serait facilité par des ouvrages qui décrivent le papyrus comme support de l’écriture, l’écriture elle-même, l’histoire et la répartition des trouvailles, les éditions de textes, etc. : voir, p. ex., Wilcken, Grundzüge, p. xxxiii et suiv. ; Schubart, Einführung, p. 18 et suiv. ; K. Preisendanz, Papyruskunde und Papyrusforschung, Leipzig 1933 (et mise à jour dans la 2e éd. du Handbuch der Bibliothekwissenschaft, Wiesbaden 1950, § iii : Papyruskunde, p. 163–248) ; $

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§ 1 – LES FACTEURS DE FORMATION DU DROIT

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d’interroger les textes et documents sur les données historiques qui permettent de comprendre comment se forme le droit d’une société, à quels mécanismes obéit son évolution, quelles nécessités expriment ses transformations, quel jeu de forces politiques et sociales détermine ses destinées. Derrière les « sources du droit » surgissent des forces multiples qui concourent à la formation de règles voulues par les législateurs ou effectivement suivies par les individus. Ce sont ces facteurs de formation du droit en Égypte pendant le millénaire de la présence grecque et romaine dans le pays du Nil qui, plus que les sources elles-mêmes, retiendront notre attention. Il convient de préciser ensuite que notre enquête est axée sur des problèmes qui concernent la formation du droit privé. La distinction entre « droit privé » et « droit public » est prise ici dans son sens moderne. Elle peut paraître anachronique à propos des phénomènes juridiques grecs et égyptiens qui sont étudiés dans cet ouvrage. Les Égyptiens l’ignorent. Les Grecs connaissent certes la différence entre les « actions publiques », ἀγώνες δηµόσιοι, et les « actions privées », ἀγώνες ἴδιοι ; elle implique l’idée d’un partage entre les intérêts « publics » et les intérêts « privés », dont la protection se réalise en justice au moyen de procédés distincts, mais ce partage n’a pas, on le sait, la même signification dans la cité grecque que dans les sociétés et les législations modernes.3 De même, l’opposition entre le droit de l’oikos et celui de la polis, retenue pour l’Athènes classique par certains savants italiens, est sans rapport avec les $

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L. Wenger, Die Quellen des römischen Rechts, Vienne 1953, p. 160 et suiv. ; E. G. Turner, Greek Papyri. An Introduction, Oxford 1968 (2e éd. 1980). Il serait utile de préparer, sous forme d’un fichier thématique qui pourrait être complété régulièrement, un catalogue de documents groupés d’après quelques critères relativement vastes (textes législatifs, actes de procédure, contrats, testaments et dispositions intéressant les successions à cause de mort, déclarations diverses, etc.) et avec des indications concernant la substance de chaque texte (date, lieu, objet, parties, etc.). Un tel catalogue fournirait aux chercheurs des listes de documents de chaque type, en évitant des enquêtes fastidieuses qu’il faut entreprendre pour les établir ou pour compléter celles qui existent déjà mais sont souvent difficilement accessibles aux non-initiés. $

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Voir, p. ex., Pringsheim, Sale, p. 1 et suiv. ; Harrison, Law of Athens i, p. viii et suiv. Sur l’origine de la distinction entre γραφαί et δικαί, E. Ruschenbusch, Untersuchungen zur Geschichte des athenischen Strafrechts, Cologne – Graz 1968, p. 30 et suiv. $

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notions modernes de droit privé et de droit public ; elle paraît d’ailleurs contestable dans son principe même.4 Enfin, la distinction entre le droit public et le droit privé prête à confusion dans un régime politique tel que celui de la monarchie hellénistique qui exprime la souveraineté en termes de propriété et qui ne connaît pas de différence entre l’intérêt public de l’État et l’intérêt privé du roi. Et même après l’inclusion de l’Égypte dans l’Empire, elle n’est pas pour nous ce qu’était pour les juristes romains l’opposition doctrinale « ius publicum » – « ius privatum », qui du reste s’efface souvent dans la réalité de la vie juridique provinciale. Aussi sommes-nous loin de vouloir imputer aux Lagides, ou à leurs sujets grecs et égyptiens, une distinction qu’ils n’ont pas connue, de même que nous n’avons pas l’intention d’emprunter aux Romains la leur, qui ne correspond pas à la perspective dans laquelle nous nous plaçons. Il nous paraît cependant à la fois légitime et nécessaire d’appliquer à l’Égypte grecque et romaine un concept moderne pour marquer clairement l’orientation et les limites de notre étude. Celle-ci est en effet focalisée sur des problèmes que soulève l’organisation de la vie juridique des individus dans leurs rapports réciproques ; elle n’aborde que de manière indirecte ceux qui intéressent les rapports de l’individu avec l’État ou l’activité de l’État lui-même. Bien entendu, il n’est pas possible d’ignorer certains aspects de cette activité qui ont des conséquences directes pour notre sujet : la législation des rois Lagides, puis celle des empereurs et des préfets dans l’Égypte romaine ; les structures étatiques de la monarchie ptolémaïque et les relations de celle-ci avec les cités grecques sous l’obédience des Ptolémées, puis le statut de l’Égypte dans le cadre de l’Empire romain ; l’organisation de la justice et les modalités d’application de la sanction judiciaire. Bien qu’elles appartiennent aujourd’hui à la sphère du droit public, ces questions retiendront notre attention dans la mesure où leur connaissance est indispensable pour l’étude de la formation et de $

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Ľidée d’un « diritto ecale », opposé au droit de la polis, est due à U. E. Paoli, qui l’a formulée dans ses divers travaux, en particulier « Ľanchisteia nel diritto successorio attico », SDHI 2 (1936), p. 77 et suiv., et art. « Famiglia (Diritto di), Diritto attico », NNDI 7 (1961), col. 35–42 ; elle est adoptée par son disciple A. Biscardi, Profilo di diritto greco antico, Sienne 1961, p. 11 et suiv. et passim. Réserves de H. J. Wolff, Traditio 2 (1944), p. 93, n. 235 (= Beiträge, p. 238, n. 219), et Tijd. v. Rg. 20 (1952), p. 4, n. 19. $

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§ 1 – LES FACTEURS DE FORMATION DU DROIT

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l’évolution du droit privé. En revanche, nous n’insisterons pas sur d’autres aspects de l’activité de l’État qui n’ont avec cette matière que des rapports très lointains : les détails concernant les rouages administratifs, la perception des impôts, la défense du pays ou la sécurité publique. Vu sous cet angle, le sujet paraît, sinon tout à fait vierge, du moins relativement négligé par les spécialistes. Sans doute son intérêt n’a-t-il pas entièrement échappé à l’attention de nos prédécesseurs : on peut citer à cet égard le premier chapitre du traité de notre maître R. Taubenschlag relatif aux droits égyptien, grec et romain et à leurs relations réciproques,5 ainsi qu’un important article de H. J. Wolff, dont le thème – les facteurs de formation du droit dans l’Égypte gréco-romaine – rejoint directement celui de notre étude.6 Mais ces travaux ne concernent qu’une partie des problèmes posés par notre sujet, et leurs résultats sont aujourd’hui susceptibles de révision. Pour le reste, la matière examinée ici n’a été abordée que de manière incidente à l’occasion de recherches consacrées à d’autres aspects de l’histoire juridique de l’Égypte grecque et romaine. Une étude d’ensemble restait donc à faire : nous avons tenté de l’amorcer ici.7 $

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b) Loi et coutume La méthode que nous avons employée pour mener à bien cette recherche procède d’une double préoccupation. D’une part, nous nous sommes efforcé de considérer les problèmes juridiques étudiés dans leur milieu historique. Nous avons essayé de ne 5

Taubenschlag, Law2, p. 1–55.

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Wolff, « Faktoren ». $

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Il faut mentionner encore l’exposé consacré aux sources du droit grec par Weiss, Griech. Privatrecht, p. 1–133, qui étudie brièvement la notion (p. 1–16), les conceptions grecques en la matière (p. 17–28) et consacre ensuite un long développement aux sources législatives (p. 29–133). Partisan de l’« unité du droit grec » (ci-dessous, § 9), Weiss utilise les sources papyrologiques, en particulier les textes de lois alexandrines (cf. ci-dessous, § 5), à côté des sources épigraphiques et littéraires qui constituent l’essentiel de sa documentation. Bien entendu, ce chapitre de son ouvrage ne coïncide que dans une mesure très restreinte avec le sujet de notre travail. $

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pas perdre de vue les rapports qui existent entre le droit et la société qui le produit et l’utilise : le lecteur verra combien il nous a paru nécessaire de mettre l’accent sur le rôle des formes d’organisation politique, des structures sociales et économiques ou des données concernant la langue et le vocabulaire pour expliquer la formation et l’évolution du droit privé dans l’Égypte grecque et romaine. À ce point de vue, nous avons résolument opté en faveur de l’exégèse historique dans la conviction qu’elle est une méthode apte à guider toute recherche consacrée à des problèmes relatifs au droit et aux institutions du passé dans un cadre géographique et chronologique déterminé.8 D’autre part, nous avons construit cette étude dans un esprit tendant à faire ressortir la signification juridique des réalités avec lesquelles l’analyse des documents anciens confronte l’historien du droit. Ľ étude des sources du droit pose un problème technique qu’il a fallu aborder en juriste plus qu’en historien : il s’agit de la nature même des règles de droit envisagées à la lumière de la théorie des sources. Le fondement de cette théorie est la distinction qu’il est possible de retenir, quel que soit le système juridique étudié, entre deux espèces principales de règles de droit : la loi et la coutume. Nous l’avons adoptée dans ce travail comme une hypothèse de recherche ; elle nous a conduit à exprimer les résultats de l’enquête en termes de doctrine juridique. Cet aspect de notre méthode appelle quelques précisions à propos des notions de loi et de coutume telles qu’elles sont employées dans les pages qui vont suivre. Le recours à ces notions ne va pas en effet sans quelques difficultés. Celles-ci tiennent à l’absence d’une doctrine solide ou, si l’on préfère, à la trop grande variété des conceptions selon les tendances méthodologiques, les écoles, les schémas conventionnels. Les notions n’ont pas le même sens pour le sociologue, le juriste moderne, l’historien du droit ; même pour les représentants d’une seule discipline, elles varient en fonction de la formation reçue, selon le milieu national et les habitudes du lan$

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Il serait superflu d’insister ici sur les qualités de la méthode historique appliquée au droit et aux institutions de l’Antiquité et d’aborder dans leur détail les multiples problèmes que pose l’emploi de cette méthode. Nous nous contentons de renvoyer à ce propos aux remarques de J. Gaudemet, « Méthode historique et droit romain », RHD 24–25 (1946–1947), p. 68–95. $

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§ 1 – LES FACTEURS DE FORMATION DU DROIT

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gage. Une terminologie flottante et l’imprécision des critères n’aident guère à clarifier les concepts et suscitent bien des malentendus.9 La loi est-elle un « ordre » émanant du législateur ou un « principe général d’organisation sociale » ? Faut-il réserver le nom de « loi » à un certain type d’actes normatifs désignés par ce terme français et par ses équivalents étrangers – lex, legge, Gesetz, etc. – ou bien faut-il étendre la notion à d’autres sources positives du droit – décret, ordonnance, règlement – qui peuvent être l’œuvre de la même autorité ou des organes divers, avoir le même degré de portée ou une portée différente, selon les régimes et les structures politiques ? Plus incertaine encore, la notion de coutume se prête à des interprétations très variées. La coutume, usage répété, peut paraître au sociologue la source première, sinon unique, de toute règle juridique : produit immédiat de la vie sociale, l’usage sera alors conçu comme le facteur essentiel dans la formation du droit, la loi n’étant qu’une « modalité de la coutume ».10 Le juriste hésitera au contraire à attribuer la qualité de coutume, en tant que règle positivement obligatoire, à des usages qui sont observés et respectés, mais qui ne sont pas formellement reconnus par le législateur, la justice ou la doctrine comme sources du droit. Quel embarras pour l’historien qui voudrait tenir compte des réalités sociales sans pour autant renoncer à la rigueur formelle du raisonnement juridique ! Les travaux du vie Congres international de droit comparé (Hambourg 1962), sur le thème « La loi et la coutume, manifestations d’autorité et sources d’enseignement à Rome »,11 ont montré combien la variété des doctrines en cette matière divise les opinions des savants modernes. Selon que l’on subordonne la réflexion des juristes d’aujourd’hui aux constructions doctrinales de leurs prédécesseurs antiques ou que l’on s’attache aux réalités politiques et sociales, on arrive soit à conclure que la coutume n’est pas, pour les Grecs et pour les juristes romains classiques, une source du droit positif, soit à lui reconnaître au contraire un rôle déci$

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Voir Gaudemet, « Ľautorité de la loi et de la coutume », p. 11 et suiv. $

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Dans ce sens, Lévy-Bruhl, Sociologie du droit (ci-dessus, n. 1), p. 13. $

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Vue d’ensemble et amples éléments bibliographiques dans Gaudemet, « Ľautorité de la loi et de la coutume », partic. p. 9–12, en note. $

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sif dans ce domaine.12 Tenant compte de ces difficultés, nous ne chercherons pas la justification de notre méthode dans une doctrine antique déficiente. Mais nous tâcherons, pour autant que cela soit possible, de faire coïncider le point de vue des anciens avec les conclusions que l’examen des sources suggère au juriste moderne. On verra qu’au terme de l’analyse les deux approches se rejoignent.13 Il faut préciser encore que ce qui nous intéresse ici, c’est le seul domaine du droit envisagé aux différents niveaux de l’univers juridique : les règles de droit, les institutions et les principes qui président à l’élaboration de ces règles et à l’organisation de ces institutions. Nous laissons délibérément de côté les règles de conduite qui échappent à ce domaine.14 Le trait fondamental du droit est son caractère obligatoire, qui vient de la contrainte assurée par la sanction judiciaire : la propriété essentielle de la règle de droit est sa « justiciabilité », pour employer le mot d’un grand juriste qui n’était pas indifférent à l’histoire du droit.15 Pour qu’une règle de comportement puisse devenir une règle de droit, elle doit être susceptible de sanction officielle garantie par un organisme social structuré, dont l’État est la forme privilégiée. À ce point de vue, les règles de bienséance, de la morale ou les commandements religieux peuvent paraître « extra-juridiques » aux yeux des juristes modernes : leur sanction n’est pas une sanction étatique. Le sociologue et l’historien auront tendance à adopter une attitude plus souple : l’analyse des comportements collectifs les amènera à reconnaître la qualité de règles juridiques à des impératifs dont le caractère obligatoire ne résulte pas d’une sanction accordée par l’État. Il existe en effet des droits supra-étatiques et infra-étatiques et il est certain que la coutume tribale, dans une société sans État, jouit d’une sanction aussi puissante – sinon plus forte – que la menace du juge$

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Gaudemet, « Ľautorité de la loi et de la coutume », p. 13, 23 et suiv. $

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Voir ci-dessous, § 29.

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Voir surtout G. Gurvitch, Traité de Sociologie ii, Paris 1960, p. 173 et suiv.

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H. Kantorowicz, The Definition of Law, Cambridge 1958, p. 76. La définition qu’il propose (p. 79) est : « a body of social rules prescribing external conduct and considered justiciable ». Sur Hermann Kantorowicz (1877–1940), K. Muscheler, Hermann Ulrich Kantorowicz. Eine Biographie, Freiburg i. Br. 1984 (Freiburger Rechtsgesch. Abh., N. F. 6). $

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ment, de la saisie et de la prison dans une collectivité organisée en État. C’est pourquoi on ne saurait sans réserve souscrire à la formule d’un certain marxisme, plus hégélien que marxien, selon laquelle il n’existerait pas de droit sans État.16 Il n’en reste pas moins que le lien entre la contrainte étatique et le caractère obligatoire des règles de droit est une donnée normale et essentielle dans la plupart des systèmes juridiques connus. Le point commun de la loi et de la coutume en tant que règles de droit réside donc dans la garantie de la sanction officielle qui leur confère la qualité de règles juridiques. La différence tient au contraire à leur « acte de naissance », moins qu’à leur forme, leur nom ou l’origine de leur inspiration. La loi procède de manière directe du pouvoir public, alors que la coutume prend sa naissance dans la pratique réitérée des intéressés eux-mêmes. Par sa nature, la loi est essentiellement l’œuvre de l’État qui détient le monopole du pouvoir législatif ; elle est l’expression directe d’une « volonté » incarnée par les organes étatiques. Dans cette perspective, on entendra par « loi » toute règle de droit voulue par l’État sous la sanction de la contrainte ;17 on ne tiendra pas compte de l’organe qui promulgue cette règle ni des rapports que celle-ci entretient avec d’autres règles de la même espèce. Au sens fort, que nous adoptons ici, la règle légale comprend aussi bien la « loi » stricto sensu que le décret, l’ordonnance, le règlement, expressions directes de la même volonté législative, quoique élaborées par des procédés divers et douées d’une force contraignante variable selon le degré de leur portée.18 $

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c) La coutume Par opposition à la loi, la coutume ne s’établit pas « par volonté étatique émise en un trait de temps », mais par l’habitude de l’usage suffisamment $

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Sur ce point, une partie de la doctrine autrefois dite « bourgeoise » rejoint la théorie marxiste telle qu’elle est exposée dans l’ouvrage collectif Théorie générale de l’État et du droit (en russe), Leningrad 1961. Pour une critique de ces conceptions, voir les observations de Lévy-Bruhl, Sociologie du droit (ci-dessus, n. 1), p. 17–21 et 25 et suiv. $

17

J. Carbonnier, Droit civil i, Paris 1967 (7e éd.), p. 7 et suiv.

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Carbonnier, Droit civil (ci-dessus, n. 17), ibidem.

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long et général pour finir par s’imposer comme source du droit positif.19 Mais seul un usage susceptible de sanction officielle est capable de conférer à la pratique la qualité de coutume au sens de règle de droit. La coutume doit avoir une fonction « juridiquement normative » ; sinon, elle ne sera, du point de vue où nous nous plaçons, qu’une règle de conduite normative de facto ou par convention sociale, sans implication judiciaire.20 Tout le reste – la forme, le nom, l’inspiration – paraît secondaire. Quelques exemples ne seront pas inutiles pour illustrer notre propos. Souvent, la distinction que l’on fait entre la loi et la coutume fait appel à un critère formel, à savoir l’expression écrite, associée habituellement à la loi, et la transmission orale, qui paraît être le trait caractéristique de la coutume. Mais cette différence matérielle entre le « droit écrit » et le « droit non écrit », quoique frappante, n’est pas décisive pour la distinction entre la loi et la coutume qui est une question de fond. Il est certain que la coutume n’est pas un droit oral qui se distinguerait de la loi écrite. Il existe aussi bien des coutumes rédigées par écrit que des lois qui ne sont exprimées par aucun texte.21 À cet égard, la notion représentée par le mot français de « coutume » diffère du « Gewohnheitsrecht » allemand, prisonnier de la brumeuse philosophie de l’école historique de Savigny et de sa conception quasi mystique d’un droit coutumier spontané et oral, produit de l’« esprit populaire » (« Volksgeist »).22 Dans l’histoire du droit français, la notion de coutume a un sens plus large.23 Dans les « pays de coutumes », sous l’ancien régime, les règles conservées par la tradition orale furent recueillies dans des cou$

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Carbonnier, Droit civil (ci-dessus, n. 17), p. 11 et suiv. Voir aussi les travaux cités par Gaudemet, « Ľautorité de la loi et de la coutume », p. 12, n. 3. $

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20

Voir, p. ex., A. C. Jemolo, « Il diritto ed il costume », Riv. ital. sc. giur., 3e sér., 10 (1962), p. 1–19. Cf. D. Nörr, ZRG RA 84 (1967), p. 456. $

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21

Gaudemet, « Ľautorité de la loi et de la coutume », p. 13 ; Carbonnier, Droit civil (cidessus, n. 17), p. 11. $

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Voir, p. ex., l’exposé dogmatique de S. Brie, Die Lehre vom Gewohnheitsrecht i, Breslau 1899. Cf. R. Sohm & L. Mitteis, Institutionen, Geschichte und System des römischen Privatrechts, Berlin 1939 (17e éd.), p. 23, n. 4. $

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23

Nous suivons P. C. Timbal, La coutume, source du droit privé français, Paris 1959 (cours de doctorat polycopié), à qui nous renvoyons pour tous les détails. $

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tumiers, recueils privés, avant même que le pouvoir royal ait décidé de les faire consigner par écrit. Leur caractère de règles écrites ne leur a pas ôté leur qualité de coutumes. Cette situation a été modifiée par la rédaction officielle imposée par Charles vii dans l’ordonnance de Montil-lès-Tours de 1454 et confirmée par Charles viii dans les lettres patentes de 1498. La réforme a eu des conséquences importantes pour le droit coutumier : elle lui a fourni des textes officiels, elle a consolidé son autorité par l’appui de l’intervention royale, elle l’a fixé de manière à entraver sérieusement son évolution ultérieure. Elle n’a cependant pas transformé la nature même de ce droit. Bien qu’elles soient désormais traitées comme des lois par les commentateurs et la jurisprudence, les coutumes françaises gardent, jusqu’à la Révolution, non seulement leur nom mais aussi leur qualité d’origine. Promues au rang de droit positif, elles ne peuvent pas être considérées comme des lois proprement dites car elles n’émanent pas directement de l’État, c’est-à-dire du pouvoir législatif des rois de France. Leur rédaction n’a pas été une codification : elle a confirmé les coutumes, elle leur a conféré la forme, mais non pas la qualité de normes légales.24 Il en va de même pour le droit romain dans le Midi de la France, « pays de droit écrit ». Pour les juristes de l’ancien régime, ce droit n’est pas une « législation », comme il l’était, pour des raisons politiques, dans la doctrine des docteurs bolonais. Ceux-ci, sujets des empereurs allemands et comblés de privilèges par eux, considéraient le droit romain comme un ordre légal « vivant », conservé et mis à jour par le Saint-Empire germanique et applicable dans tous ses territoires. Pour les souverains français, pareille conception équivaudrait à reconnaître la supériorité de l’Empereur sur le roi de France ; aussi le roi, qui est « empereur dans son royaume », n’admet-il l’application du droit romain dans le Midi de la France qu’à titre de coutume suivie par les populations de cette région. Les juristes, interprètes des intérêts de la royauté, partagent ce point de vue : ils considèrent comme coutumier le droit exprimé dans les lois des anciens empereurs romains et dans des textes des prudents auxquels Justinien avait reconnu la force obligatoire des lois.25 $

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24 25

Dans un sens différent, Lévy-Bruhl, Sociologie du droit (ci-dessus, n. 1), p. 54.

Voir F. Olivier-Martin, Histoire du droit français des origines à la Révolution, Paris 1948, p. 122 et 427. $

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Le droit écrit n’a de valeur qu’en tant que coutume puisqu’il n’émane pas du pouvoir législatif réservé au roi de France. Les seules véritables lois françaises sont les ordonnances et actes royaux.26 Ainsi, l’histoire du droit français nous fournit deux exemples notables de coutumes écrites, dont l’un est le contraire de l’autre : règles coutumières par leur origine mais ayant reçu la force de textes légaux dans les pays de coutumes ; règles d’origine légale conservées à titre de coutumes dans les pays de droit écrit. Le cas inverse est celui des lois orales. On peut en effet imaginer des « règles de droit proclamées oralement et ayant la portée de règles législatives ».27 Dans le monde grec, l’exemple de Sparte en fournit l’illustration : à en croire Plutarque, l’ordre juridique de la cité lacédémonienne repose sur des normes qui ne sont pas écrites.28 Quelques siècles plus tard, les auteurs des Institutes de Justinien s’en font l’écho : en reprenant un thème célèbre, ils opposent les Athéniens, partisans des lois écrites, aux Spartiates qui préfèrent confier les leurs « à la mémoire des citoyens ».29 Nul doute que nous sommes en présence de véritables lois, que l’on fait remonter à un législateur légendaire, et non pas de coutumes nées de l’usage répété. Des observations similaires peuvent être faites à propos du nom que l’on donne à une disposition juridique. Le nom de « loi » peut être associé à des règles qui, par leur nature, ne sont en fait que des coutumes ; en revanche, les dispositions légales établies par le pouvoir législatif d’un État peuvent recevoir des dénominations spéciales, autres que le terme « loi » ou ses équivalents dans la langue du pays concerné. C’est ainsi que, dans la monarchie franque, les actes législatifs des souverains portent le nom, non pas de « lois » (leges), mais de « capitulaires » – actes législatifs $

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Voir, pour les détails, J. Lelièvre, France (avant 1789), Bruxelles 1967 (Introduction bibliographique à l’histoire du droit et à l’ethnologie juridique sous la direction de J. Gilissen, c/1), p. 48 et suiv. $

27

H. Lévy-Bruhl, Sociologie du droit (ci-dessus, n. 1), p. 56.

28

Plutarque, Lycurgue 13, 1 : νόµους δὲ γεγραµµένους ὁ Λυκοῦργος οὐκ ἔθηκεν ; 13, 3 : µία µὲν οὖν τῶν ῥητρῶν ἦν, ὥσπερ εἴρηται, µὴ χρῆσθαι νόµοις ἐγγράφοις. Cf. Aristote, Poli$

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tique 1272 a. Voir Weiss, Griech. Privatrecht, p. 26. $

29

InstJ. 1, 2, 9–10.

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§ 1 – LES FACTEURS DE FORMATION DU DROIT

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divisés en petits chapitres nommés capitula ; les diverses leges ne sont au contraire que des recueils de coutumes propres aux divers groupes de sujets des rois francs.30 En Angleterre, le mot law désigne un droit coutumier issu de précédents judiciaires ; les textes de loi s’appellent statutes ou acts.31 Enfin, l’inspiration d’une règle de droit n’est pas un élément capable de déterminer sa nature. Ľ État législateur ne formule pas toujours lui-même les règles auxquelles il confère la valeur de normes légales. Il peut reprendre, tel un Hammourabi, les solutions fondées sur des décisions judiciaires et les élever au rang de lois générales.32 Il peut également « légaliser » les solutions élaborées par la doctrine, soit de façon préalable soit a posteriori : c’est ce qu’ont fait Auguste, en créant le ius publice respondendi, et Justinien, en accordant aux textes des juristes romains réunis au Digeste la valeur de droit positif.33 Plus souvent encore, le législateur se contente de mettre en forme une coutume préexistante en confirmant en tant que lois les règles coutumières antérieures à l’acte législatif qui les consacre. C’est le cas, dans l’Antiquité gréco-romaine, des plus anciennes « codifications », comme les lois de Dracon et de Solon à Athènes ou la Loi des xii Tables à Rome.34 Les législateurs de la Grèce archaïque et l’autorité décemvirale ne font que confirmer les usages anciens en les précisant sur les points controversés et les amendant dans l’intérêt de la cité. Avant de légiférer elle-même, la cité naissante sanctionne d’abord les coutumes ancestrales ; corrigée et proclamée par la cité, la coutume devient loi à la suite de cette consécration officielle.35 $

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30

Voir, p. ex., J. Imbert, Les institutions franques, [dans :] R. Monier, G. Cardascia & J. Imbert, Histoire des institutions et des faits sociaux, Paris 1955, p. 557–562. Cf. F. L. Ganshof, Was waren die Kapitularien ?, Weimar 1961. $

31

Voir, p. ex., S. F. C. Milsom, Historical Foundations of the Common Law, Londres 1969 ; R. Cross & J. W. Harris, Precedents in English Law, Oxford 1991 (4e éd.) ; R. Siltala, A Theory of Precedent : From Analytical Positivism to a Post-Analytical Philosophy of Law, Oxford 2000. $

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32

Voir G. Cardascia, Les Lois assyriennes, Paris 1969, p. 35–36.

33

Gaudemet, Institutions, p. 601 et suiv., 761 et suiv.

34

Cf. Imbert, « Loi et coutume », p. 17–18 ; Gaudemet, « Loi et coutume », p. 50. $

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Comme le note Arangio-Ruiz, « Règle de droit », p. 32, n. 1, on sait, depuis les travaux de G. Rotondi, que la Loi des xii Tables n’avait apporté que des modifications mineures $

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À l’inverse, un événement entraînant un changement au sommet des pouvoirs publics peut provoquer la dégradation d’un ensemble de règles juridiques : perdant leur rang de lois, elles ne subsistent, après cet événement, qu’à titre de coutumes. C’est le cas des lois babyloniennes en Mésopotamie après la conquête assyrienne36 ou celui de la loi musulmane dans les républiques soviétiques du sud de l’ancien empire russe après la Révolution socialiste.37 Leur destin est comparable à celui des textes romains qui ne furent applicables qu’en tant que coutumes dans le Midi de la France sous l’ancien régime. Dans de telles circonstances, la mutation subie par les règles de droit affecte la nature des dispositions écrites qui conservent ces règles. Celles-ci ne tirent plus leur force des textes dans lesquels elles sont consignées ; elles se fondent désormais sur l’usage dont le texte indique les formes et favorise le maintien continu en même temps qu’il en fournit une preuve plus facile que les divers procédés historiquement connus au moyen desquels on prouvait l’existence de coutumes purement orales. Mais il n’a plus la valeur d’un texte légal ; quand d’anciennes lois ne valent plus qu’en tant que coutumes, leur expression écrite n’est qu’une coutume rédigée : les codes et les recueils de textes de loi se transforment en coutumiers.38 $

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d) Nomoi Ľ idée qu’un usage, une pratique généralisée et durable puisse créer un droit capable de s’imposer et de bénéficier d’une sanction officielle est à la coutume ancestrale des Romains qu’elle tendait à fixer sur « certains points sur lesquels les interprètes de la coutume ne s’accordaient pas ». $

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36

Voir E. Szlechter, « Effets de l’absence (volontaire) en droit assyro-babylonien », Orientalia 34 (1965), p. 289 et suiv., partic. p. 298 ; idem, « Effets de la captivité en droit assyro-babylonien », Rev. Assyr. 57 (1963), p. 181 et suiv., partic. p. 191, et 58 (1964), p. 23 et suiv., partic. p. 30, 34–35. Voir aussi idem, « La loi et la coutume, manifestations d’autorité et sources d’enseignement dans l’Antiquité orientale », Travaux et recherches de l’Institut de Droit comparé de l’Université de Paris 13 (1962), p. 5–11, et R. Haase, art. « Gewohnheitsrecht », Reallex. d. Assyr. 3 (5), Berlin 1968, col. 322–323. $

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37

Voir l’ouvrage collectif russe, ci-dessus, n. 16, § 12, 6.

38

On pourrait citer d’autres exemples d’une survivance seulement coutumière de règles et d’institutions autrefois légales, p. ex., la survie coutumière de l’institution de protimesis $

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§ 1 – LES FACTEURS DE FORMATION DU DROIT

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étrangère aux Grecs à l’époque classique.39 Ľusage, ethos, n’a pas pour eux plus de force normative que l’équité, epieikeia, ou les « lois non écrites », nomoi agraphoi, devoirs moraux ou règles de droit naturel. Il ne s’agit pas là de la distinction entre l’oral et l’écrit, qui a orienté beaucoup de travaux, mais qui est secondaire à cet égard. Les nomoi de Sparte n’étaient pas écrits, mais personne ne doute qu’ils représentaient d’authentiques lois, remontant à un législateur légendaire. Plutarque note à ce propos que, à la différence de Solon, Lycurgue avait décidé par une rhétra que ses concitoyens ne devaient pas se servir de lois écrites.40 D’une manière similaire, les auteurs des Institutes de Justinien, on vient de le rappeler plus haut, opposeront les Athéniens, partisans des lois écrites, aux Spartiates qui préféraient confier les leurs « à la mémoire des citoyens ».41 En revanche, les nomoi que les Grecs venus vivre dans les royaumes hellénistiques utilisent dans leur pratique quotidienne, et que l’État-monarchie élève au rang de droit applicable par le biais de la justice, représentent bien un droit coutumier – droit qui ne découle pas formellement de la volonté d’un législateur mais repose sur l’usage effectivement suivi par les immigrants.42 C’est aussi sur une base coutumière que se perpétuent, après la conquête macédonienne, les traditions juridiques locales, tels le $

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(préemption et retrait) en Valachie et en Moldavie, après sa suppression par le code civil roumain de 1865 : voir V. A. Georgescu, Preemtiunea în istoria dreptului românesc. Dreptul de protimisis în Ţara Românească şi Moldova, Bucarest 1965 (c. r. par P. Ourliac, RHD 44 [1966], p. 635–637) ; voir aussi, du même auteur, « Le rôle de la théorie romano-byzantine de la coutume dans le développement du droit féodal roumain », [dans :] Mélanges Ph. Meylan ii, Lausanne 1963, p. 61–87. $

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Cf. H. J. Wolff, « Gewohnheitsrecht und Gesetzesrecht in der griechischen Rechtsauffassung », [dans :] Deutsche Landesreferate zum vi. Internationalen Kongress für Rechtsvergleichung in Hamburg (Rabels Zeitschr. f. ausländ. und intern. Privatrecht, Sonderveröffentlichung), Berlin – Tübingen 1962, p. 3–18 (= E. Berneker [éd.], Zur griechischen Rechtsgeschichte, Darmstadt 1968, p. 99–120). Mise au point : A. Maffi, « La consuetudine nella Grecia arcaica e classica », Rec. Soc. J. Bodin 51 : La Coutume, 1ère partie (1990), p. 71–77. $

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Ci-dessus, n. 28.

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InstJ. 1, 2, 9–10.

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Dans le même sens, H. J. Wolff, « Le droit hellénistique d’Égypte dans le kosmos des droits grecs », [dans :] Studi in onore di A. Biscardi i, Milan 1981, p. 327–342, partic. p. 331 et suiv. $

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« droit du pays » (nomoi tes chôras) égyptien. À défaut d’une théorie juridique, la valeur normative des uns et des autres est déterminée par l’attitude du pouvoir royal qui leur accorde la protection de la sanction judiciaire. Et c’est en qualité de coutumes locales – mores regionis, consuetudines loci – que les droits locaux survivront dans la pratique provinciale de l’Orient hellénisé sous le Haut-Empire romain, après la généralisation du droit de cité romaine par Caracalla en 212 de n. è. La doctrine juridique romaine trouvera dans cette survie une source d’inspiration pour élaborer une théorie de la coutume en tant que source du droit.43 Le règne de la loi dans la cité grecque classique ne laisse-t-il aucune place à la coutume ? Les avis des spécialistes sont partagés sur ce point. Plusieurs d’entre eux pensent pouvoir réserver à la coutume une place parmi les sources du droit positif chez les Grecs.44 Mais à en croire H. J. Wolff, il n’en est rien : l’idée que l’usage puisse créer un droit capable de s’imposer et de bénéficier d’une sanction officielle (« bindendes Recht ») serait toujours restée étrangère à la pensée grecque.45 Dans la mesure où $

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Le texte de Julien D. 1, 3, 32, 1  : « Inveterata consuetudo pro lege non immerito custoditur, et hoc est ius quod dicitur moribus constitutum. Nam cum ipsae leges nulla alia ex causa nos teneant, quam quod iudicio populi receptae sunt, merito et ea, quae sine ullo scripto populus probavit, tenebunt omnes: nam quid interest suffragio populus voluntatem suam declaret an rebus ipsis et factis? Quare rectissime etiam illud receptum est, ut leges non solum suffragio legis latoris, sed etiam tacito consensu omnium per desuetudinem abrogentur », première manifestation de cette doctrine, passe aujourd’hui pour classique : Kaser, RPR ii2, p. 57 et suiv. et bibl., n. 44. Cf. ci-dessous, § 29, n. 18. $

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44

Imbert, « Loi et coutume », p. 23, notait que, dans le monde grec, « la coutume complète la loi et … dans bien des cas elle se permet de la corriger ». Dans un sens analogue, parmi les auteurs antérieurs, P. Vinogradoff, Outlines of Historical Jurisprudence, ii. The Jurisprudence of the Greek City, Oxford 1920–1922, p. 75 et suiv. ; Weiss, Griech. Privatrecht, p. 25–27 ; G. M. Calhoun, Introduction to Greek Legal Science, Oxford 1944, p. 8 et suiv., 16. $

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45

Wolff, « Gewohnheitsrecht und Gesetzesrecht » (ci-dessus, n. 39), p. 3–18 (= Berneker [éd.], Zur griechischen Rechtsgeschichte [ci-dessus, n. 39], p. 99–120 ; version grecque moderne dans Ephemeris Hellenon Nomikon 29 [1962], p. 646–657), en particulier les conclusions pour Athènes, p. 15 : « Wir kommen zu dem Schluß, daß es nach der die klassische attische Polis beherrschenden Rechtsauffassung nur eine einzige wirkliche und autoritative Rechtsquelle gab : das Gesetz » ; et encore : « In keinem Fall wurde dem blossen Brauch, sei es des taglichen Lebens, sei es der Gerichte, unmittelbar normenbildende Kraft zugebilligt ». Wolff pensait pouvoir étendre ces conclusions à d’autres cités classiques. $

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ces conceptions traditionnelles grecques se perpétuent en Égypte, la coutume, usage répété et effectivement observé, n’aurait pas plus de chance d’acquérir une fonction normative dans le royaume des Lagides qu’à Athènes ou dans d’autres cités grecques. Reprenant et complétant les résultats d’une enquête de R. Taubenschlag,46 un jeune auteur allemand a exposé en 1970 les résultats d’une recherche tendant à confirmer cette hypothèse.47 Ľusage, la pratique désignés par les termes ethos, ethismos, synetheia, apparaissent dans plusieurs documents ptolémaïques à propos de situations juridiquement très variées : possession, testaments, jouissance des klêroi, fiscalité, religion et culte, serment, opérations bancaires, transport de blé. Mais dans tous ces cas, il s’agirait des états de fait (« Gewohnheit, Übung ») privés d’une force contraignante pour le juge, et non pas d’usages auxquels on pourrait reconnaître une valeur normative (« Gewohnheitsrecht ») ; au mieux, l’argument tiré de l’ethos aurait joué le rôle d’une « preuve prima facie », à défaut de texte législatif ou de contrat écrit.48 Même la référence à l’ἐθισµός dans deux ordonnances royales de Ptolémée viii Évergète ii et de Ptolémée Aulète, dont la première avait paru à R. Taubenschlag attester une « reconnaissance explicite de la coutume comme source du droit », ne serait pas probante sur ce point.49 $

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R. Taubenschlag, « Customary law and custom in the papyri », JJurP 1 (1946), p. 41– –54 (= Opera minora ii, p. 91–106). $

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H. D. Schmitz, Τὸ ἔθος und verwandte Begriffe in den Papyri, Diss. Cologne 1970.

48

Schmitz, Τὸ ἔθος (ci-dessus, n. 47), p. 106. Nous renvoyons à la thèse de H. D. Schmitz pour le détail de la documentation. Quant à ses conclusions, elles tendent à consolider les réserves formulées par Wolff dans son article « Gewohnheitsrecht und Gesetzrecht » (ci-dessus, n. 39), p. 17, n. 42, à propos de l’étude de Taubenschlag, « Customary law » (ci-dessus, n. 46) : « Die von ihm zusammengestellten Belege besagen immer, daß etwas üblich sei (souligné par Wolff), niemals tritt der Gedanke hervor, daß ein Rechtssatz durch lange Gewohnheit bindende Kraft erlangt habe ». $

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Ľordonnance en question, BGU iv 1185 (60 ? av. n. è.), est reprise par Marie-Thérèse Lenger dans C. Ord. Ptol. 71 (cf. § 1, n. 37, et § 3, n. 35), mais sans la fin de la col. ii où apparaît, l. 28, la mention de ἐθισµός : ὰ τά τε τείµια (l. τίµια) καὶ τοὺς ἐθισµούς. Si on adopte les conclusions de Schmitz, Τὸ ἔθος (ci-dessus, n. 47), p. 13 et suiv., l’interprétation de Taubenschlag (ci-dessus, n. 46) et, avant lui, celle de Preisigke, WB i, p. 418, s.h.v. : « Gewohnheitsrecht », devrait être écartée. Il en serait de même de l’ordonnance $

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Il y aurait à débattre sur cette interprétation du rôle de l’usage dans le droit ptolémaïque et sur ses reflets dans la législation des Lagides. Par exemple, l’évolution des droits reconnus aux clérouques sur les parcelles de terre qui leur avaient été accordées par les rois se fait, difficile de le nier, fondamentalement sur une voie coutumière. Partant d’un rapport contractuel entre le roi-bailleur et le clérouque-locataire, elle aboutit à transformer les klêroi en objets d’une propriété individuelle héréditaire et aliénable : dans cette évolution, la loi royale vient seulement consacrer a posteriori des modifications entraînées par un long usage.50 Sans doute ne lui reconnaît-elle pas explicitement une place parmi les sources du droit positif ; mais en fait, elle s’incline devant lui. Si le roi mentionne l’ἐθισµός dans ses ordonnances, soit que l’usage coïncide avec elles, soit qu’il s’y oppose, c’est que cet usage est une donnée réelle avec laquelle la législation royale doit compter.51 On verra plus loin qu’une préoccupation analogue guidait la chancellerie impériale à Rome sous les Flaviens, bien avant que la fonction normative de la longa consuetudo ait trouvé des appuis dans la doctrine des jurisconsultes.52 Admettons cependant que l’usage – ἔθος, ἐθισµός, συνήθεια – n’est pas aux yeux des Lagides et de leurs sujets hellènes une source du droit posi$

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d’Évergète ii, P. Tebt. 6 (= MChr. 332 = C. Ord. Ptol. 47, 140/139 av. n. è.), relative à la protection des revenus des temples ; dans ce texte, la formule concernant l’administration de ces revenus « contrairement à l’usage » (C. Ord. Ptol. 47, l. 28–29 : τὰς χεῖρας ἐπιβάλ[λειν καὶ δ]ιοικεῖν παρὰ τὸν ἐθισµόν, lecture de Marie-Thérèse Lenger suivie par Schmitz) et le rappel d’un prostagma antérieur (l. 30 ; cf. P. Tebt. 699 = C. Ord. Ptol. 43, l. 1–17, 145/144 av. n. è.) signifieraient seulement que le roi condamne des procédés contraires à la loi (le prostagma invoqué) et « inhabituels » (« nicht üblich »), et non pas « contraires à la loi et la coutume » en tant que sources du droit positif (op. cit., p. 16–18). $

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Voir Claire Préaux, Ľ économie royale des Lagides, Bruxelles 1939, p. 468–480, et son exposé « Ľévolution de la tenure clérouchique sous les Lagides », Rec. Soc. J. Bodin iii (1938), p. 41–57. Cf. M. Rostovtzeff, Social and Economic History of the Hellenistic World, Oxford 1941, p. 284 et suiv., et notes, p. 1471 et suiv. ; Taubenschlag, Law2, p. 236 et suiv. Sur l’hérédité des kléroi, voir aussi ci-dessous, § 3, n. 35. $

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51

Les recherches de Danielle Bonneau sur le régime administratif de l’eau dans l’Égypte grecque et romaine laissent entrevoir l’importance de la coutume : Le régime administratif de l’eau du Nil dans l’Égypte grecque, romaine et byzantine, Leyde 1993. $

52

Voir la constitution de Domitien IGLSyr. v 1998, signalée ci-dessous, § 29, n. 21.

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§ 1 – LES FACTEURS DE FORMATION DU DROIT

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tif. Si on adopte ce point de vue, on se trouve dans une situation paradoxale. Restés fidèles à une conception traditionnelle qui oppose la loi, nomos, à l’usage sans valeur normative, ethos, les Grecs d’Égypte, en particulier ceux de la chôra, seraient condamnés à une sorte d’anarchie juridique. Les véritables « lois » ptolémaïques seraient, dans cette hypothèse, les nomoi des poleis, intéressant seulement une partie des immigrants, et les nomoi tes chôras propres à la population indigène. Sans doute, les diagrammata et les prostagmata des Lagides, procédant d’une idée qui place la volonté de l’« homme royal » au-dessus du nomos, restent-ils, selon cette conception, des normes légales supérieures à tout nomos écrit. Mais le droit des immigrants qui vivent dans la chôra se serait trouvé privé de toute signification juridique, la pratique, sur laquelle ce droit était fondé, n’étant pas capable de lui conférer une valeur positive. Ľ existence de contrats écrits n’y changerait rien, puisque ceux-ci ne font qu’enregistrer les opérations de la pratique : expression formelle de l’usage, ils ne peuvent lui conférer la valeur normative que le roi et ses sujets d’origine grecque sont censés lui refuser. Or il est incontestable que, devant la pénurie des lois royales, l’usage est le principal ressort de l’évolution juridique en Égypte et que la pratique dans laquelle il se manifeste bénéficie non seulement de la sanction conventionnelle du milieu social, mais aussi de la sanction officielle de la part des représentants du pouvoir. Il faudrait donc conclure que la coutume est en fait une donnée fondamentale de la vie juridique, mais qu’elle n’est pas reconnue comme source du droit positif par les Grecs trop attachés à leurs traditions « légalistes ».53 Pareil divorce entre la réalité des faits et les conceptions traditionnelles paraît difficilement acceptable. Une interprétation conduite selon les critères de fond permet de le surmonter. À défaut d’une doctrine reconnaissant à l’ethos une place parmi les sources du droit dans la pensée juridique grecque, c’est dans les faits attestés par nos documents et dans une analyse attentive des données terminologiques qu’on peut trouver des arguments en faveur d’une conception différente de la loi et de la coutume dans l’Égypte ptolémaïque. $

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Sic Wolff, « Gewohnheitsrecht und Gesetzesrecht » (ci-dessus, n. 39), p. 15–17. $

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Si on réserve la qualité de « loi » aux actes normatifs émanant de l’autorité souveraine, on conviendra que les seules véritables lois en Égypte sont les dispositions de la législation royale. La loi est l’œuvre de l’État. Dans la monarchie hellénistique, l’État, c’est le roi. La formule est plus vraie pour les souverains lagides qu’elle ne l’est pour les rois de France : ceux-ci légiféraient dans « leur intérêt et dans l’intérêt de leur royaume » et parlaient, encore au xviiie siècle, du « bien de leur État » ;54 pour ceux-là, la personne du souverain s’identifie à l’État dont le bien et les intérêts sont « les affaires » (ta pragmata) du roi.55 Les rois sont les seuls titulaires du pouvoir souverain duquel la loi tire sa force normative.56 Les lois ptolémaïques, ce sont donc les diagrammata et les prostagmata des Lagides. La coutume, en revanche, ce n’est pas ἐθισµός, ἔθος ou συνήθεια, mais νόµος, terme qui est sur le point de perdre sa valeur de « règle légale », en prenant le sens de « règle de droit », notamment règle coutumière. Il faut rappeler à ce propos l’ambiguïté et le caractère peu technique du mot nomos dans le vocabulaire grec : pour les Grecs, nomos est aussi bien une obligation morale, une règle de conduite, une coutume, qu’une prescription de la loi au sens plus étroit.57 Dans les poleis de la Grèce classique – $

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Voir Olivier-Martin, Histoire du droit français (ci-dessus, n. 25), p. 307 (§ 239, n. 1 et 2). $

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Ehrenberg, Staat , p. 330, note à ce propos : « der Ausdruck war auch dem Polisgriechentum bekannt ; der Unterschied liegt darin, dass es im Hellenismus kein anderes Wort für den Staat gab ». 2

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À ce titre, l’expérience ptolémaïque participe à la naissance du concept de « force normative » à laquelle est consacré le recueil publié sous la direction de Catherine Thibierge, La force normative. Naissance d’un concept, Paris 2009. $

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57

Il suffit de consulter les dictionnaires, p. ex. LSJ, s.v. νόµος : « that which is an habitual practice, use or possession : usage, custom » (et, en second lieu) « statute » ; A. Bailly, Dictionnaire grec-français, Paris 1963 (26e éd.), s.v. νόµος : « usage », « coutume » ; κατὰ νόµον : « selon l’usage, d’après la coutume » ; « règle de conduite, coutume ayant force de loi, loi ». Sur ces divers sens du terme νόµος voir, p. ex., L. Gernet, Recherches sur le développement de la pensée juridique et morale en Grèce, Paris 1917, p. 26–27, et idem « Introduction à l’étude du droit grec ancien », AHDO 2 (1938), p. 261–292, partic. p. 282, n. 1, 284 et suiv. ; Weiss, Griech. Privatrecht, p. 68 et suiv. et passim ; F. Heinimann, Nomos und physis, Bâle 1945 ; M. Pohlenz, « Nomos », Philologus 97 (1948), p. 135–142 (= Kleine Schriften ii, Hildesheim 1965, p. 341–360) ; E. Laroche, Ľ histoire de la racine nem- en grec ancien, Paris 1949, p. 163–219 ; Jones, Law, p. 33 et suiv. ; Imbert, « Loi et coutume », passim ; K. Gregoriades, « Begriff und Wirklichkeit des Nomos bei den Griechen », Platon 13 (1961), $

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notamment à Athènes, du moins depuis Solon – la notion de nomos s’associe avant tout à l’activité législative de la cité,58 qui oppose la législation écrite à la procédure judiciaire essentiellement orale.59 Dans la monarchie hellénistique, au contraire, une terminologie nouvelle se forme qui renonce à cette notion à propos de la législation royale : les nomoi cèdent la place aux diagrammata et aux prostagmata royaux. Dès lors, le terme de nomos devient disponible pour tous les secteurs de la vie juridique qui se situent en dehors de l’activité législative de l’État monarchique ; il tend à devenir une notion générique servant à désigner les règles de droit qui ne découlent pas directement de la volonté du roi législateur. Expulsé de la chancellerie royale,60 nomos se définit désormais par opposition aux diagrammata et aux prostagmata des rois. Il continue bien entendu à s’appliquer à des règles écrites qui présentent tous les traits formels d’un texte légal. Mais il s’attache en même temps à des règles qui reposent sur le seul usage soutenu par la pratique notariale. La différence de forme n’est toutefois qu’un élément secondaire ; le fait important, c’est la nature des règles qui sont désignées par ce terme : à l’égard de la loi royale elles n’ont, selon la conception que l’on suit ici, que la valeur de coutumes, car elles ne procèdent pas directement du titulaire de la souveraineté étatique. $

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p. 205–231 ; Cl. Mossé, La fin de la démocratie athénienne. Aspects sociaux et politiques du déclin de la Cité grecque au ive siècle avant J.$C., Paris 1962, p. 348–360, partic. p. 352, n. 1 ; J. Herrmann, « Nomos bei Herodot und Thukydides », [dans :] Gedächtnisschrift Hans Peters, Berlin – Heidelberg – New York 1967, p. 116–124 (= Kleine Schriften, Munich 1990, p. 1–12). – S’il fallait citer des exemples, nous évoquerions seulement celui de l’« âge d’or » dépeint par Platon dans les Lois (678b et suiv.) : les hommes qui ont échappé au déluge, vivent à l’état de nature, dans un monde libre de contrainte, sans lois (sine lege fidem rectumque colebat, dira plus tard Ovide, Métamorphoses i 90), mais obéissant aux coutumes ancestrales – πατρίοις νόµοις. $

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Dans ce sens, p. ex., V. Ehrenberg, Die Rechtsidee im frühen Griechenland, Leipzig 1921, p. 122 et suiv. ; cf. idem, « Eunomia », [dans :] Charisteria A. Rzach, Reichenberg 1930, p. 19 (= Polis und Imperium, Zurich – Stuttgart 1965, p. 143–144) ; Jones, Law, p. 63 ; Imbert, « Loi et coutume », p. 18. $

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Voir M. Gagarin, Writing Greek Law, Cambridge – New York 2008 ; c. r. et discussion : G. Thür, ZRG RA 126 (2009), p. 482–494. Ce principe n’est pas toujours suivi dans la pratique comme le montrent les calculs d’E. Ruschenbusch, « Die polis und das Recht », Symposion 1979, p. 303–326. $

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Exceptions : ci-dessous, § 3, n. 7. $

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C’est ainsi que la formule κατὰ τοὺς νόµους dans un document grec de la chôra n’est plus, comme elle l’était dans les cités classiques, la référence à l’ordre juridique d’un organisme politique souverain. Si le Grec d’Égypte veut invoquer les lois auxquelles il entend se conformer, il fera appel aux diagrammata et aux prostagmata royaux : κατὰ τὸ διάγραµµα ou κατὰ τὰ διαγράµµατα καὶ κατὰ τὰ προστάγµατα. S’il se réfère aux nomoi, il reste sans doute fidèle à la conception traditionnelle qui considère comme « légal » un comportement conforme aux lois d’une polis ; en fait, l’acte accompli κατὰ τοὺς νόµους, ne l’est plus « selon les lois », mais simplement en accord avec les usages suivis dans la pratique par les immigrants. Une tournure telle que σύνειµι κατὰ τοὺς νόµους désigne une union conjugale légitime parce que conforme, non pas à une loi en matière de mariage, mais aux coutumes matrimoniales hellénistiques observées dans la pratique. En cas de litige, les conjoints n’auront pas à produire un texte de loi, inexistant ; le juge ptolémaïque respectera la coutume considérée comme règle de droit applicable aux justiciables.61 Une expression qui associe les nomoi aux diagrammata et aux prostagmata étend la portée de la tournure de ce type : elle s’emploie à propos d’un acte qui tout en respectant les lois royales reste en accord avec la coutume grecque.62 Des documents d’époque romaine soutiennent ces remarques. À cette époque, les notions de nomos et d’ethos sont interchangeables dans les papyrus :63 si elles s’opposent l’une à l’autre dans une expression telle que νόµος ἢ ἐθισµός,64 elles se recoupent ailleurs. Le mot nomos peut être $

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Voir, p. ex., le testament ptolémaïque P. Grenf. i 21 (= MChr. 302 = P. Dryton 4, 126 av. n. è.), l. 13 : [ἧι σύ]νειµι γυ(ναικὶ) κατὰ νό(µους) ; cf. l. 4 : ἧι συνήµην γυναικὶ κατὰ νόµους. Autre exemple: BGU 1820 (56/55 av. n. è.), l. 5, sous réserve de la conjecture : ὁ ἀνήρ µου – – – ἡ (l. ὧι) σύνειµι κατ2[ὰ νόµους. On pourrait restituer également κατ2[ὰ συγγραφὴν (cf., p ex., P. Tebt. i 51, env. 113 av. n. è., l. 7–8 : συνόντος µου κατὰ συγγρ[αφ]ὴν Α[ἰγυπ]τίαν τροφῖτιν), ce qui d’ailleurs ne changerait rien à notre raisonnement, le contrat écrit étant une expression de la coutume matrimoniale. $

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Exemples ci-dessous, § 15, n. 23 et suiv.

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C’est ce qui résulte de la confrontation des deux enquêtes de vocabulaire : R. Taubenschlag, « Customary law and custom in the papyri », JJurP 1 (1946), p. 41–54 (= Opera minora ii, p. 91–106), et idem, « Νόµος in the Papyri », JJurP 2 (1948), p. 67–73 (= ibidem ii, p. 107–114). $

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BGU iv 1127 (18 av. n. è.), l. 22 : νόµωι ἢ ἐθισµῶι. Voir aussi SB v 7696 (249 de n. è.), l. 33, ou νόµος est opposé à ἔθος par un rhéteur (T. C. Skeat & E. P. Wegener, « A trial $

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§ 1 – LES FACTEURS DE FORMATION DU DROIT

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employé pour « loi » au sens de disposition législative proprement dite ; exemple – deux papyrus du iie et du iiie siècle où la tournure κατὰ τὸν νόµον τῶν Ῥωµαίων se réfère aux lois romaines en matière de tutelle.65 À l’inverse, la formule κατὰ τὰ τῶν Ῥωµαίων ἔθη peut, dans certains cas, comporter une référence, non pas à des dispositions légales, mais à des règles d’origine coutumière,66 à des principes élaborés par la jurisprudence67 ou encore à des maximes de caractère juridique formulées par les rhéteurs.68 Enfin, il a été démontré que l’expression κατὰ τὸν νόµον dans deux contrats d’apprentissage du ier siècle de n. è. a trait à la coutume professionnelle, et non pas à un « code des tisserands » dont l’existence, admise autrefois par certains savants, paraît en fait fort douteuse ; cette $

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before the Prefect of Egypt Appius Sabinus », JEA 21 (1935), p. 224–247 ; cf. L. Wenger, « Rechtstheoretische Fragen in der juristischen Papyrusforschung », PapCongr . v, p. 537– –549). Sur le binôme nomos/ethos dans les sources grecques classiques, voir Weiss, Griech. Privatrecht, p. 25–26 et n. 33. Voir aussi la thèse de Schmitz (ci-dessus, n. 47), p. 33 et suiv. $

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P. Hamb. i 101 (époque d’Élagabal), l. 2, et SB vi 9105 (fin du iie s. de n. è.), l. 5–8, mentionnant chacun un tutor muliebris (κύριος κατὰ τὰ Ῥωµαίων ἔθη) dont la nomination dans d’autres papyrus de la même époque est sollicitée et accordée e lege Iulia et Titia et ex senatus consulto : voir notre art. « À propos de la tutelle dative des femmes dans l’Égypte romaine », PapCongr. xiii, p. 263–292 (= Droit impérial, n° iii). Il en va de même pour les textes où des femmes invoquent le ius liberorum κατὰ τὰ τῶν Ῥωµαίων ἔθη alors qu’il s’agit de dispositions législatives (privilèges introduits en faveur des « familles nombreuses » par les lois Iulia et Papia Poppaea ; cf. Kaser, RPR i2, p. 318 et suiv.) ; voir la documentation dans les articles de P. J. Sijpesteijn, « Die χωρὶς κυρίου χρηµατίζουσαι δικαίῳ τέκνων in den Papyri », Aegyptus 45 (1965), p. 171–189 et addendum dans Aegyptus 56 (1976), p. 44–45 ; liste des documents mise à jour : idem, Michigan Papyri (P. Mich. xv), Zutphen 1982, Appendix ii, p. 158–171. $

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P. ex. les attributions coutumières de la patria potestas romaine : P. Oxy. x 1268 (iiie s. de n. è.), l. 9 : τοῦ πατρὸς ἔχοντος α]ὐτὴ ὑπὸ τῇ χειρὶ κατὰ τοὺς Ῥωµαίων νόµους (cf. BGU 1578, iie–iiie s. de n. è., l. 9, et P. Oxy. ix 1208, 91 de n. è., l. 6). Cf. E. Volterra, « Nuove ricerche sulla conventio in manum », [dans :] Mem. Acc. Naz. dei Lincei, sér. viii, 12 (1966), p. 251–355 (= Scritti giuridici iii, Naples 1991, p. 3 et suiv.), partic. p. 270–272. $

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P. ex. les principes jurisprudentiels en matière d’acceptilatio : P. Lond. ii 470, p. 212 (= MChr. 328, 168 de n. è.), l. 9–10 : κατὰ τὸν νόµον τῶν Ῥωµαίων. Voir Taubenschlag, « Νόµος in the papyri » (ci-dessus, n. 63), dans Opera minora ii, p. 107–109. $

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P. ex. la règle bis de eadem re ne sit actio : P. Lond. ii 354, p. 164 (ca. 10 av. n. è.), l. 17–18 : $

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τῶν νόµων κωλυόντων δὶς περ[ὶ το]ῦ α[ὐτ]οῦ [δ]ικάζεσθαι (cf. P. Lips. 34, 375 de n. è., $

l. 19–20). Voir D. Liebs, « Die Herkunft der “Regel” bis de eadem re ne sit actio », ZRG RA 84 (1967), p. 104–132 (sur le P. Lond. ii 354 : p. 118–119). $

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expression signifierait simplement : « en conformité avec les usages généralement acceptés dans ce domaine ».69 On constate donc que ni la forme, ni la dénomination, ni l’origine effective ne sont déterminantes pour qualifier de loi ou de coutume telle règle de droit dans un contexte historique donné. Entre les deux notions, seul le rapport avec le pouvoir de l’État permet d’opérer une différence spécifique. La loi est une norme fixée par l’État, qui apparaît comme son créateur direct, même si en fait il proclame comme son œuvre des règles qu’il n’a pas « inventées » ; elle tire sa force normative de l’acte législatif qui est une manifestation de la souveraineté étatique. La coutume est au contraire une règle de conduite qui ne procède pas de cette souveraineté de la même manière directe bien qu’elle jouisse d’une protection officielle qui lui donne sa valeur juridique. Sans doute est-ce d’abord une règle fondée sur l’application de fait pendant un temps suffisamment long (l’inveterata consuetudo des juristes romains), reposant sur la tradition et le consentement, réel ou présumé, du groupe social qui l’observe, « rationnelle », transmise oralement de génération en génération. Mais c’est aussi la règle écrite, comme l’est normalement la disposition de la loi, parfois – on l’a vu plus haut – dérivée de cette dernière ; dans tous les cas, elle n’est pas l’émanation immédiate de l’État à qui appartient le pouvoir législatif au moment donné. Sa fonction normative ne vient pas de l’usage lui-même ou du texte dans lequel fut éventuellement enregistré cet usage : elle doit être reconnue par l’autorité publique, soit sous forme d’une confirmation expresse de la part du législateur, soit par la doctrine, soit enfin par les organes de la justice, de manière à pouvoir entraîner la sanction de l’usage et de lui assurer ainsi une place parmi les sources du droit positif. $

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Voir Ewa Wipszycka, « Polityka państwa rzymskiego wobec rzemiosła tkackiego w Egipcie, i–v w. n. e. » (« La politique de l’État romain à l’égard de l’artisanat textile en Égypte, du ier au ve s. de n. è. », en polonais, avec un résumé en français), Przegląd historyczny 54 (1963), p. 1–19, et le livre du même auteur, Ľ industrie textile dans l’Égypte romaine, Wrocław – Varsovie – Cracovie 1965, p. 60, à propos de P. Osl. 141 et PSI 902 (P. Mich. 355), contre l’hypothèse d’un « code de tisserands », admise par Taubenschlag à la suite de W. L. Westermann (Law2, p. 67–83) ; réserves de I. F. Fikhman, VDI 1966, 1, p. 196. $

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§ 1 – LES FACTEURS DE FORMATION DU DROIT

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C’est dans ce sens que les notions de loi et de coutume sont utilisées dans ce travail. Il nous a paru en effet qu’elles peuvent aider à expliquer la nature des règles de droit en Égypte à l’époque étudiée : les rapports entre la législation royale des Lagides et les droits privés grec et égyptien qui ne sont pas fondés sur cette législation, puis les rapports entre le droit romain et les droits locaux ayant survécu à la conquête romaine. On tâchera de montrer que cette approche répond aussi bien aux exigences d’une analyse juridique rigoureuse qu’à la réalité des faits historiques ; on verra qu’elle est compatible avec les données caractérisant les conceptions des anciens en matière de règles de droit et de leur sanction. $

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e) Le cadre géographique et chronologique Le cadre de ce travail est l’Égypte, de la conquête macédonienne (332 avant n. è.) à la conquête arabe (641 de n. è.). Il va cependant de soi qu’il ne pourra être respecté de manière stricte : la nature même du sujet oblige à le dépasser dans diverses directions. La survie du droit égyptien après la conquête macédonienne nous amènera à remonter dans le temps vers l’époque saïte et perse sinon jusqu’au Nouvel Empire.70 De même, pour le peu que l’on sait sur le droit de Naukratis, établissement grec dans le Delta antérieur à Alexandre, on aura à évoquer ses origines sous Psammétique ier et Amasis.71 La diffusion en Égypte du droit grec nous conduira souvent à revenir sur ses origines dans les institutions juridiques des cités et régions grecques anciennes, notamment Athènes. C’est soulever le délicat problème de l’« unité du droit grec » et de la frontière qui, dans l’évolution du droit, sépare la Grèce classique du monde des royaumes hellénistiques. Sans revenir sur ce qui a été dit ailleurs à ce propos72 et sans anticiper sur les observations qui seront encore faites à ce sujet dans la suite de cette $

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Ci-dessous, § 4.

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Ci-dessous, § 5.

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Voir notre c. r. des P. Dura, Iura 12 (1961), p. 294 et suiv., et nos « Réflexions », p. 43 et suiv. $

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étude,73 nous voudrions préciser brièvement la position que nous croyons pouvoir adopter en cette matière. Nous entendons par « droit grec ancien », non pas un système juridique homogène, car il est clair qu’un pareil système n’a jamais existé, mais une somme d’expérience juridique, dont les modalités varient de cité à cité et de région à région, en fonction de spécificités locales, mais se caractérisent par la communauté d’un certain nombre de notions fondamentales et de règles propres à tous les Grecs : « variations sur un même thème », selon le mot de Louis Gernet.74 Peut-être serait-il plus exact de parler des « droits grecs anciens », au pluriel,75 comme le font les assyriologues pour « les droits cunéiformes » ;76 mais l’unité conceptuelle de l’ensemble paraît, pour les besoins de l’étude, compatible avec la variété réelle des composantes historiques. Nous garderons donc le singulier, comme le font les historiens du droit français pour décrire un ensemble composé de données aussi variées. Ľ unité du droit grec privé se réalise dans les faits à l’époque hellénistique ; la notion de koiné juridique désigne ce droit grec « commun » qui est pratiqué par les immigrants hellènes dans les royaumes issus des conquêtes d’Alexandre le Grand.77 Le changement de structures politiques, qui impose la monarchie à la cité comme cadre de la vie juridique, autorise à considérer le dernier tiers du ive siècle avant n. è. comme le temps qui marque une frontière. Mais celle-ci n’a à nos yeux que la valeur d’un repère chronologique. Elle signifie, non pas la naissance d’un « système juridique » nouveau, mais le début d’une nouvelle étape dans une expérience déjà plusieurs fois séculaire ; dans le domaine du droit privé, les $

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Voir ci-dessous, §§ 2 et 9.

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Gernet, « Introduction à l’étude » (ci-dessus, n. 57), p. 278. $

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75

Sic Triantaphyllopoulos, Δίκαια i, qui, dans un livre dont le seul titre est déjà une prise de position, opte pour le principe tot iura quot civitates (p. 2). $

76

G. Cardascia avec la collaboration de J. Klíma, Droits cunéiformes, Bruxelles 1966 (Introduction bibliographique à l’histoire du droit et à l’ethnologie juridique, sous la direction de J. Gilissen, a/2), p. 15. $

77

Voir ci-dessous, § 9.

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§ 1 – LES FACTEURS DE FORMATION DU DROIT

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continuités entre la Grèce ancienne et le monde hellénistique sont plus fortes que la rupture provoquée par les exploits du Macédonien. Les transformations n’en sont pas moins sensibles, encore qu’elles procèdent de cette même expérience plus qu’elles n’apparaissent comme le résultat d’influences du milieu oriental. Le fait essentiel en cette matière est l’apparition de la monarchie qui rompt le lien entre la cité et la vie juridique de l’homme grec ; on aura l’occasion de voir quelles en sont les conséquences pour l’évolution du droit. Le rôle de la monarchie, comme type d’État et comme système de relations sociales différentes de ceux qui caractérisent la cité ancienne, nous amène à limiter la notion de « droit hellénistique » aux seuls royaumes fondés par les successeurs d’Alexandre ; dans les poleis de la « vieille » Grèce, la vie juridique suit un cours à peu près ininterrompu qui perpétue les particularismes poliades.78 Nous parlerons donc de « droit grec ancien » pour les cités avant et après Alexandre ; de « droit hellénistique », pour les royaumes et, plus tard, pour les provinces romaines d’Orient qui prolongent ces royaumes ; de « droit grec » tout court, pour tout phénomène juridique qui relève de l’expérience juridique grecque, et en particulier pour les manifestations des continuités grecques dans les documents d’Égypte. Dans la deuxième partie de l’étude, qui concerne l’Égypte sous la domination romaine, le cadre géographique sera à nouveau élargi : vers Rome, pour les rapports du droit romain avec les droits locaux de la province égyptienne ; vers d’autres provinces de l’Orient hellénisé pour les questions que soulève la persistance de leurs traditions juridiques face au droit officiel de l’Empire.79 $

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f) Les sources Notre documentation est constituée essentiellement des papyrus grecs d’Égypte. On connaît l’ampleur des trouvailles papyrologiques et leur 78

Voir ci-dessous, § 2. Sur les continuités grecques en Égypte, voir § 8 ; sur les contacts entre le droit grec et le droit égyptien, § 12. $

79

Ci-dessous, § 17 et suiv.

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inestimable valeur pour les recherches d’histoire juridique et institutionnelle. À la différence des textes sur lesquels se fonde l’étude du droit romain, les papyrus reflètent le droit et les institutions de l’Égypte ptolémaïque et impériale d’une manière plus complète et plus diversifiée que ne le font pour Rome les écrits des juristes et les constitutions des empereurs. Ils mettent à la disposition de l’historien des textes législatifs en même temps que des nombreux documents de la pratique : la confrontation des uns avec les autres lui permet de saisir les phénomènes juridiques dans toute leur complexité, sans l’obliger à se soucier des problèmes d’« interpolations » ou de « stratifications » que pose la transmission des textes des juristes romains. Libres d’altérations dues aux remaniements successifs, les papyrus sont les témoins directs du passé qu’ils font revivre avec une sincérité indiscutable. Mieux nanti que le romaniste, le papyrologue ne doit cependant pas surestimer la véritable valeur des richesses documentaires dont il dispose. Il doit les manier avec prudence et modestie pour éviter les dangers qui viennent du hasard des trouvailles, de l’état de leur publication, de leur répartition géographique et chronologique. Les documents papyrologiques déjà publiés se chiffrent par dizaines de milliers. Leur nombre dépasse seize mille dans le seul Sammelbuch où sont repris les documents grecs d’Égypte édités en dehors des grandes séries continues. Dans celles-ci, il est actuellement supérieur à 2800 pour la collection de Berlin (BGU) ; dans celle d’Oxyrhynchos (P. Oxy.) au moins la moitié de quelque 5000 papyrus publiés à ce jour représente des textes documentaires. Et pourtant, selon l’estimation avancée par un ancien président de l’Association internationale de papyrologues,80 il resterait encore autant d’inédits dans les collections du monde entier qu’il y a de papyrus déjà mis à la disposition des chercheurs, sans parler de ceux qui peuvent encore être trouvés en Égypte. Les résultats des enquêtes souvent fastidieuses demeurent donc précaires : s’ils sont souvent confirmés par la publication de textes nouveaux, ceux-ci peuvent aussi les remettre $

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Turner, Greek Papyri (ci-dessus, n. 2). Voir à présent B. Legras, « La papyrologie documentaire grecque en 2004 : bilan et perspectives », Anabases. Traditions et réceptions de l’Antiquité 1 (2005), p. 215–231. $

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§ 1 – LES FACTEURS DE FORMATION DU DROIT

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en question ou les modifier sur des points sensibles. Le romaniste, qui n’espère pas tant de nouveautés pour enrichir sa documentation traditionnelle, se consolera d’être à l’abri d’un tel risque. La répartition des documents dans le temps et dans l’espace crée d’autres difficultés que les papyrologues connaissent bien. Ainsi, pour l’Égypte ptolémaïque, les sources datées ne commencent à être abondantes qu’à partir d’environ 270 avant n. è. ; elles sont extrêmement rares pour le premier demi-siècle de domination macédonienne. Est-ce l’effet combiné du hasard et du petit nombre de Grecs qui vivent à cette époque sur les bords du Nil ou bien faut-il attribuer ce silence des sources au fait que la vie administrative et juridique ne commence pleinement pour les Grecs d’Égypte qu’avec les entreprises organisatrices et législatives de Ptolémée ii Philadelphe ?81 Quoi qu’on en pense, il y a la une lacune qui peut générer des hypothèses dont nous aurons à discuter la valeur pour l’histoire du droit ptolémaïque.82 À l’autre bout du millénaire marqué par la présence grecque dans la vallée du Nil, la pénurie de sources au ve siècle de n. è. pose un autre problème, qui a également attiré l’attention des papyrologues.83 De telles lacunes gênent la reconstruction de l’évolution juridique dont elles interrompent la continuité. Des fissures analogues caractérisent la répartition des documents dans l’espace. Pour Alexandrie, « les papyrus ne peuvent nous faire connaître que ce qui la liait à l’Égypte ».84 Si un hasard heureux nous a permis de saisir quelques aspects du droit alexandrin par des papyrus trouvés dans la chôra,85 bien des points demeurent obscurs en cette matière, faute de $

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81

Voir Préaux, Ľéconomie (ci-dessus, n. 50), p. 21, n. 1, qui rapporte l’opinion de M. Rostovtzeff attribuant la rareté des papyrus avant le règne de Ptolémée ii au fait que la bureaucratie ptolémaïque n’aurait été créée que par ce roi, mais qui se range à l’avis opposé de H. I. Bell, tendant à expliquer cette carence par le hasard des trouvailles, à quoi la savante belge ajoute les considérations d’ordre démographique concernant le nombre restreint de Grecs en Égypte au début de la domination lagide. $

82

Voir ci-dessous, § 13, à propos de l’organisation judiciaire des Lagides.

83

Voir R. Rémondon, « ĽÉgypte au 5e siècle de notre ère : les sources papyrologiques et leurs problèmes », PapCongr. xi, p. 135–148 (cf. RHD 45 [1967], p. 501–502). $

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84

Préaux, Ľéconomie (ci-dessus, n. 50), p. 15.

85

Voir ci-dessous, § 5, n. 17 et suiv.

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témoignages assez complets et explicites : « corps sans tête » a-t-on pu dire à ce propos en parlant de l’Égypte hellénistique et de sa capitale.86 Pour une autre cité du Delta, Naukratis, l’absence quasi totale de sources juridiques est encore plus gênante. Dans la chôra, la générosité de certains sites ne suffit pas à effacer de vastes ombres qui couvrent les régions plus pauvres en trouvailles. Dans quelle mesure est-il permis d’étendre à toute l’Égypte les constatations appuyées sur des textes recueillis dans quelques lieux privilégiés ? Que de généralisations n’a-t-on pas faites à partir des données recueillies dans le seul Fayoum. Ľ historien doit être sur ses gardes devant le risque d’extrapolations excessives. Ce risque est cependant moindre pour l’historien du droit que pour l’historien de l’économie ou des religions. Les textes normatifs – lois des Lagides, constitutions impériales et édits préfectoraux – présentent, dans leur majorité, un caractère assez général pour témoigner de règles, sinon effectivement appliquées, du moins voulues par le législateur pour l’ensemble du pays, quelle que soit la situation géographique de la trouvaille. De ces normes générales il faut distinguer, bien entendu, celles qui s’adressent explicitement à certains groupes de la population, déterminés d’après leur domicile ou d’après leur situation professionnelle et sociale.87 Quant aux textes de la pratique, il faut évidemment tenir compte de leur situation géographique qui peut impliquer, par les variantes de formulaires, une réglementation différente pour les détails, selon les régions ; ces différences sont toutefois secondaires pour le fond du droit.88 À un autre point de vue encore, l’apparente abondance des documents nous réserve des surprises déplaisantes. Comme le remarque avec raison $

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86

W. W. Tarn, Hellenistic Civilization, Londres 1952 (3e éd.), p. 186. $

87

Un exemple ptolémaïque : le prostagma de Ptolémée Aulète BGU iv 1185 (= C. Ord. Ptol. 71, 60 ? av. n. è.) qui étend, en matière de successions des clérouques, aux cavaliers catœques de l’Hérakléopolite une faveur dont jouissaient déjà ceux de l’Arsinoïte (col. ii, l. 16–19) : il s’agit d’une mesure particulière susceptible de se transformer en une règle d’application générale, mais conçue comme un privilège de portée restreinte. $

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88

Ainsi pour le mariage : U. Yiftach-Firanko, Marriage and Marital Agreements. A History of the Greek Marriage in Egypt: 4th Century bce – 4th Century ce, Munich 2003 (Münch. Beitr. 93) ; pour les testaments : idem, « Deeds of last will in Graeco-Roman Egypt. A case study in regionalism », BASP 39 (2002), p. 149–165. $

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§ 1 – LES FACTEURS DE FORMATION DU DROIT

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un historien attentif, « des institutions essentielles, ou du moins qui jouent un rôle central dans la reconstruction de la vie politique, économique, sociale de l’Égypte gréco-romaine, ne nous sont connues en réalité que par un très petit nombre de documents ».89 On verra que cette constatation, faite à propos d’un procédé de politique agraire, vaut aussi pour d’autres questions non moins importantes, comme le système d’organisation judiciaire attribué à Ptolémée ii90 ou le statut donné à l’Égypte par Auguste.91 Le hasard des trouvailles peut aussi bien nous fournir des centaines de textes pour l’étude d’un type d’opération juridique92 que nous laisser en présence de quelques données isolées, engageant le commentateur moderne à ériger en norme générale ce qui ne fut peut-être qu’un phénomène local et de portée restreinte.93 Autant de pièges pour un juriste mal averti qu’il faut s’efforcer d’éviter.94 $

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P. Vidal-Naquet, Le bordereau d’ensemencement dans l’Égypte ptolémaïque, Bruxelles 1967, p. 5.

90

Ci-dessous, § 13.

91

Ci-dessous, § 19.

92

Par exemple, les contrats de bail de terre : listes de documents dans D. Hennig, Untersuchungen zur Bodenpacht im ptolemäisch-römischen Ägypten, Munich 1967 (cf. RHD 47 [1969], p. 568). $

93

Par exemple, la responsabilité du mandataire telle qu’elle est conçue par Taubenschlag, Law2, p. 394 et n. 6, à l’aide de deux documents ptolémaïques, P. Ent. 89 (222 av. n. è.) et 90 (219 av. n. è.) ; cf. notre étude, « Le mandat dans la pratique provinciale à la lumière des lettres privées grecques d’Égypte », RHD 37 (1959), p. 465–484 (= Droit impérial, n° ii), partic. p. 482. $

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À la dispersion géographique et chronologique des trouvailles s’ajoute parfois leur relative concentration dans ce qu’il est convenu d’appeler les « archives », c’est-à-dire des lots groupant plusieurs textes (trouvés ensemble ou réunis par les chercheurs) concernant un personnage ou une famille. Ľimportance de ces « archives » pour l’histoire du droit est soulignée par Seidl, Ptol. Rg2, p. 15 et suiv. ; elle nous paraît inférieure à ce qu’affirme ce savant (cf. nos « Réflexions », p. 39 et suiv.) : nous continuons à penser qu’il serait plus utile, pour la recherche juridique, de multiplier les « corpus par matière », réunissant plusieurs textes d’un même type (ibid., p. 40). Sans doute, l’historien des institutions est-il heureux de disposer de recueils comme les P. Petaus, dont nous avons eu l’occasion d’indiquer ailleurs l’intérêt et la richesse (c. r. dans RHD 48 [1970], p. 261–264), mais il aurait un profit encore plus grand à tirer de recueils comme celui qui fut lancé par Orsolina Montevecchi et ses élèves sous le titre Corpus Papyrorum Graecarum, mais dont malheureusement seuls deux volumes ont paru (i. : Mariadele Manca Masciadri & Orsolina Montevecchi [éd.], I Contratti di baliatico, Milan 1984 ; ii. : Loisa Casarico [éd.], Il Controllo della popolazione nell’Egitto Romano, 1. Le Denunce di morte, Azzate 1985), le Corpus der pto$

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PROLÉGOMÈNES

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À côté des papyrus – surtout grecs, mais aussi démotiques et latins – cette étude fait appel à d’autres sources, selon les besoins de l’enquête : auteurs anciens, inscriptions grecques et latines, textes juridiques romains, textes orientaux et même quelques dispositions légales médiévales et modernes. Ľutilisation de ces éléments pose d’autres problèmes qui peuvent être aussi complexes que ceux qu’on vient d’évoquer pour la documentation papyrologique. Nous renonçons à y insister ici. On trouvera à la fin de cette étude un index qui reprend, avec des renvois aux paragraphes et aux notes, toutes les sources que nous avons utilisées ; cet index donne en même temps l’explication des sigles adoptés dans le corps de l’ouvrage. $

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g) La bibliographie Pour rédiger les pages qui suivent, nous avons consulté de nombreux ouvrages. Tous ne sont pas mentionnés ici : nous avons éliminé les références à des travaux qui n’ont avec les problèmes traités ici qu’un rapport indirect, de même que nous préférons ne pas citer ceux dans lesquels nous n’avons trouvé rien d’assez nouveau ou de particulièrement important. D’une manière générale, nous avons cherché à éviter de faire étalage d’une information bibliographique trop lourde, en nous bornant à n’invoquer que les travaux les plus récents ou les mieux documentés. Nous avons accompagné notre étude d’une « Bibliographie sommaire », où sont indiqués les titres complets des livres et des articles cités dans les notes sous une forme abrégée ; elle donne également la résolution des abréviations adoptée pour les actes de congrès, les revues et les publications de caractère collectif. Pour le reste, nous nous permettons de renvoyer nos lecteurs aux bibliographies spécialisées,95 en particulier aux $

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lemäischen Sklaventexte, i–iii, de R. Scholl (Stuttgart 1990), ou encore le recueil de testaments romains dans les documents d’Égypte dû à Livia Migliardi Zingale (I testamenti romani nei papiri e nelle tavolette d’Egitto. Silloge di documenti dal i al iv secolo d. C., Turin 1988, 2e éd. rev. et compl. 1991). $

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95

Comme celle que nous avons donnée dans notre Monde hellénistique, et qui a suscité des échos favorables de la critique : voir Marie-Thérèse Lenger, CdÉ 41 (1961), p. 405–406 ; $

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§ 1 – LES FACTEURS DE FORMATION DU DROIT

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chroniques périodiques consacrées aux sources et aux publications nouvelles, qui les aideront à se tenir au courant des progrès constants de la recherche dans le domaine de la papyrologie juridique.96

:

A. A. Schiller, BASP 4 (1967), p. 22 ; S. Daris, Aegyptus 47 (1967), p. 87 ; M. Talamanca, BIDR 9/10 (1967), p. 260–262. $

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96

Voir la liste de ces chroniques établie par Lenger, C. Ord. Ptol., p. 276–281, et les précisions données dans notre Monde hellénistique, p. 13–15. Ma chronique « Égypte gréco-romaine et monde hellénistique », RHD 1961 et suiv., reprise comme « Bibliographie de papyrologie juridique », AfP 1976–1978 (pour 1962–1972) et 1985–1988 (pour 1972–1982), est continuée par J. Hengstl, « Juristische Literaturübersicht » à partir du t. 39 (1993) (pour 1983–1989, à compléter par B. Kramer, « Urkundenreferat », à partir du t. 40 [1994]) ; il en va de même, pour la « Papyrologie juridique », SDHI 1975–1983 (pour 1970–1982), suite : « Papyrologie documentaire », JJurP 20 (1990 ; pour 1982–1984), 21 (1991 ; pour 1985–1988) et 22 (1992 ; pour 1989–1991), continuée également par J. Hengstl à partir du vol. 27 (1997). Pour les documents démotiques : « Demotistische Literaturübersicht » (DL), Enchoria, depuis 1971, par H. J. Thissen (DL 1–19/20), H. Felber (DL 20–24), M. Depauw & F. Hoffmann (DL 25 et suiv.), avec une version online complétée pour la période antérieure à 1968 : . $

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T H E J O U R N A L Supplement XXI

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PREMIÈRE PARTIE

L’ÉGYPTE PTOLÉMAÏQUE

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INTRODUCTION

§ 2. LE DROIT PTOLÉMAÏQUE

D

ans la deuxième moitié du xxe siècle, l’étude du droit et des institutions ptolémaïques a fait de notables progrès. Hans Julius Wolff a proposé une reconstruction de l’organisation judiciaire des Lagides, œuvre de Ptolémée ii Philadelphe ; il a décrit ses rouages et mis en lumière son rôle pour la solution des problèmes que posait à la monarchie ptolémaïque la sanction de comportements conformes à des traditions juridiques d’origine et de nature diverses.1 Erwin Seidl a donné la nouvelle édition de sa Ptolemäische Rechtsgeschichte, qui résume l’état actuel de nos connaissances concernant les sources, le procès et le droit privé de l’Égypte ptolémaïque.2 Marie Thérèse Lenger a réuni les prostagmata des Lagides dans son inestimable Corpus des ordonnances des Ptolémées.3 À ces ouvrages viennent se joindre de nombreuses études de détail que l’on ne saurait énumérer ici.4 $

1

Wolff, Justizwesen, voir ci-dessous, § 13.

2

Seidl, Ptol. Rg.2

3

Marie-Thérèse Lenger, Corpus des ordonnances des Ptolémées (C. Ord. Ptol.), Bruxelles 1980

(2e éd. mise à jour)$; complément$: Corpus des ordonnances des Ptolémées$: Bilan des additions et cor-

rections (1964—1988) : compléments à la bibliographie. Quant aux qualités du C. Ord. Ptol., nous nous rallions pleinement à l’opinion de C. B. Welles, BASP 2 (1964), p. 28 : « it is a magnificent piece of work on which we will all draw for a long time to come ». $

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4

On se reportera aux bibliographies mentionnées ci-dessus, § 1, n. 95–96. Pour l’état de la discipline au début du xxie siècle, voir B. Legras, « La papyrologie documentaire grecque en 2005 : bilan et perspectives », Anabases 1 (2005), p. 215–231. $

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INTRODUCTION

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Ľ apport de ces travaux incite à la réflexion. Sur certains points, ils marquent autant de pas en avant qu’ils révèlent de doutes et de zones d’ombres sur d’autres, moins bien explorés. En même temps, ils ébranlent des conceptions d’apparence solide : des hypothèses nouvelles, comme celles de H. J. Wolff concernant l’organisation judiciaire des Lagides, invitent à rénover les études sur des questions réputées résolues.5 On peut donc se demander où en est alors la recherche papyrologique en ce qui concerne l’histoire du droit et des institutions ptolémaïques. On pourrait recenser les études déjà faites et essayer, à cette occasion, d’établir un inventaire des sujets négligés par la recherche. Ainsi, le droit pénal de la monarchie lagide, laissé en friche après le travail de R. Taubenschlag publié en 1916,6 a dû attendre soixante-dix ans pour donner lieu à une étude d’ensemble dans la thèse d’Andréas Helmis soutenue en 1986.7 Plus généralement, l’histoire des institutions publiques de l’Égypte lagide n’a pas été présentée de manière systématique depuis les volumes iii et iv de l’Histoire des Lagides d’A. Bouché-Leclercq parus en 1906.8 Même dans le domaine du droit privé, où les monographies abondent,9 de vastes par$

5

Voir à ce propos notre article Zum Justizwesen, partic. p. 67 et suiv. ; cf. ci-dessous, § 13. $

6

R. Taubenschlag, Das Strafrecht im Rechte der Papyri, Leipzig – Berlin 1916, incorporé sans modifications essentielles dans Law2, p. 429–478. Pour les études ultérieures, voir notre Monde hellénistique, p. 68–69. $

7

A. Helmis, Crime et châtiment dans l’Égypte ptolémaïque. Recherches sur l’autonomie d’un modèle pénal, thèse de doctorat d’État en droit, Université de Paris x – Nanterre, Paris 1986, 409 p. (polyc.). 8

A. Bouché-Leclercq, Les institutions de l’Égypte ptolémaïque : Histoire des Lagides, iii–iv, Paris 1906–1907 (réimpr. Bruxelles 1963). Le petit traité de R. Taubenschlag, The Law of Greco-Roman Egypt in the Light of the Papyri, ii. Political and Administrative Law, Varsovie 1947, incorporé, avec seulement un complément de bibliographie, dans Law2, p. 559–691, n’a pas comblé la lacune : voir le c. r. de Claire Préaux, CdÉ 24 (1949), p. 366–368. Dans la Ptol. Rg.2 d’E. Seidl, le droit public des Lagides tient en une note bibliographique (cf. nos « Réflexions », p. 35). En attendant une future synthèse, que préparent les nombreuses monographies citées dans notre Monde hellénistique, p. 40 et suiv., on doit avoir recours à l’exposé donné par Ehrenberg dans son Staat, p. 161–302 et 325–340. $

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Il suffit de citer quelques dissertations allemandes des années 1960 et 1970 : H. E. Finckh, Das Zinsrecht der gräko-ägyptischen Papyri, Erlangen 1962 ; K. Kastner, Die zivilrechtliche Verwahrung des gräko-ägyptischen Obligationenrechts im Lichte der Papyri, Erlangen 1962 ; B. Adams, Paramoné und verwandte Texte. Studien zum Dienstvertrag im Rechte der $

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§ 2 – LE DROIT PTOLÉMAÏQUE

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celles restent en friche, tel le droit successoral qui a à peine attiré l’attention des papyrologues depuis les travaux, déjà anciens, de Vincenzo Arangio-Ruiz10 et de H. Kreller.11 La nouvelle édition des testaments ptolémaïques dans les P. Petrie, due à Willy Clarysse, apporte maintenant une base solide pour revivifier ce domaine.12 Ľ objet de la présente étude n’est cependant pas d’inventorier ces lacunes de notre discipline. Notre propos s’attache davantage aux concepts et aux méthodes dont la recherche est tributaire. Il convient, avant d’entrer dans le vif du sujet, de le situer par rapport à la doctrine des papyrologues à propos des règles de droit pratiquées par les Grecs et les Égyptiens dans la vallée du Nil sous le règne des Lagides. C’est d’abord la notion même du droit ptolémaïque qui appelle l’attention du chercheur. Le terme est équivoque, car il recouvre, selon le sens qu’on lui accorde, des réalités divergentes. $

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Papyri, Berlin 1964 ; V. Geginat, Prodoma in den Papyri aus dem ptolemäischen und römischen Ägypten, Cologne 1964 ; H. Kühnert, Zum Kreditgeschäft in den hellenistischen Papyri Ägyptens bis Diokletian, Fribourg en Br. 1965 ; H. H. July, Die Klauseln hinter den Massangaben der Papyrusurkunden, Cologne 1966 ; H.-A. Rupprecht, Untersuchungen zum Darlehen im Recht der gräko-agyptischen Papyri der Ptolemäerzeit, Munich 1967 ; H. W. Kraus, Ἀναγραφή und ἀναγραφεῖν im Ägypten der Ptolemäer und Römer, Cologne 1967 ; D. Hennig, Untersuchungen zur Bodenpacht im ptolemäisch-römischen Ägypten, Munich 1967 ; G. Häge, Ehegüterrechtliche Verhältnisse in den griechischen Papyri Ägyptens bis Diokletian, Cologne – Graz 1968 ; G. Hübsch, Die Personalangaben als Identifizierungsvermerke im Recht der gräko-ägyptischen Papyri, Berlin 1968 ; H.-Ch. Düwel, Die pareuresis-Klausel in Urkunden des ptolemäischen und römischen Ägypten, Munich 1969 ; R. Kniepman, Ὁ καρπός in den Papyri, Cologne 1970. $

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V. Arangio-Ruiz, La successione testamentaria secondo i papiri greci, Naples 1906 ; idem, « Osservazioni sul sistema della successione legitima nel diritto dei papiri », Studi econ.-giurid. dell’Univ. di Cagliari 5 (1913), p. 69–93 (= Rariora, Rome 1946, p. 123–148). $

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11

H. Kreller, Erbrechtliche Untersuchungen, Leipzig – Berlin 1919. Le chapitre sur « Law of inheritance » dans Law2 de Taubenschlag (p. 181–222) n’est qu’un résumé de ce livre de H. Kreller, complété par la bibliographie et les sources plus récentes ; dans la Ptol. Rg.2 de Seidl, le droit successoral tient en une page (p. 183–184), fondée elle aussi sur les recherches de Kreller. Pour d’autres travaux touchant à cette matière, voir notre Monde hellénistique, p. 81–82. $

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12

The Petrie Papyri, Second Edition, i. The Wills, éd. W. Clarysse, Bruxelles 1991. On peut également signaler deux récentes thèses de doctorat en droit : Maria Nowak, Τὴν διαθήκην ἐποίησα γράµµασιν Ἑλληνικοῖς. Testamenty a inne sposoby dysponowania majątkiem na wypadek śmierci w późnym prawie rzymskim [Testaments et autres dispositions mortis causa dans le droit romain tardif] (en polonais), Université de Varsovie, 2011, qui utilise abon$

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INTRODUCTION

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Si on voulait le prendre d’après la valeur première de l’adjectif on conclurait qu’il s’agit d’un droit voulu et édicté par les rois Ptolémées. Conclusion contestable parce qu’elle aboutit à un concept trop étroit et scientifiquement inopérable : le « droit ptolémaïque » devient, dans cette acception, le synonyme de la législation royale, qui est loin d’englober toutes les manifestations de la vie juridique du pays. D’un autre point de vue, le même terme pourrait, dans une acception plus étendue, être rattaché à un cadre géographique et chronologique : ce serait le droit du royaume des Lagides durant l’époque de leur domination en Égypte – et, par extension, dans leurs possessions extérieures13 – depuis l’établissement de la dynastie jusqu’à la mort de Cléopâtre vii et l’annexion du pays à l’Empire en tant que province romaine. Mais pareille définition serait trop vague si on ne l’assortissait d’une série de précisions. Elle laisserait sous-entendre l’existence d’un ordre juridique plus ou moins homogène, déterminé par sa seule situation dans le temps et l’espace ; elle escamoterait ainsi les différences dues à l’origine des règles réellement pratiquées par les populations du royaume ou imposées à celles-ci par le pouvoir royal ; en même temps, elle méconnaîtrait une donnée essentielle résidant dans la répartition de ces règles entre plusieurs groupes distincts caractérisés par l’inégalité du rang reconnu à chacun d’eux.14 C’est pourquoi il est nécessaire de ne manier la notion de droit ptolémaïque qu’en soulignant en même temps toute sa complexité. Cela revient à construire la notion à partir de ses éléments essentiels : législation royale, lois des cités grecques d’Égypte, pratiques des immigrants installés dans la chôra, traditions juridiques de la population autochtone. La méthode a pour elle d’être plus proche des faits qui se dégagent de nos sources. Elle ne va pas cependant sans certains dangers : ceux-ci tiennent à la manière de procéder au regroupement des composantes pour aboutir à une structure d’ensemble. $

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damment le matériel papyrologique à partir de l’époque ptolémaïque, et Frédéric Houssais, Les règles de droit patrimonial et successoral à la basse époque égyptienne et à l’époque ptolémaïque (664–30 av. n.$è.), Université Paris 2, 2012. 13

Voir Marie-Thérèse Lenger, « Comment les Ptolemées ont-ils fait la loi dans les territoires non égyptiens de leur obédience ? », RIDA 6 (1959), p. 209–225. $

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Voir ci-dessous, § 14.

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§ 2 – LE DROIT PTOLÉMAÏQUE

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Les pionniers de la papyrologie penchaient en faveur d’une construction doctrinale qui exposait le droit ptolémaïque comme un tableau à trois volets : droit égyptien, droit grec, droit royal. Le droit ptolémaïque serait le résultat d’une addition des « trois droits » qui composent ce triptyque.15 Cette théorie des « trois droits » a connu un succès durable. Elle est élevée au niveau de vérité acquise dans le manuel d’E. Seidl.16 Celui-ci nous propose d’abord une définition qui ne tient compte que des seuls aspects chronologique et géographique du problème : il entend par droit ptolémaïque « le droit qui fut en vigueur en Égypte depuis l’occupation du pays par Alexandre le Grand en 332 avant n. è. jusqu’au 1er août 30 avant n. è., date à laquelle Auguste (Octave) a pris Alexandrie ».17 Mais il précise aussitôt qu’il s’agit là d’une notion complexe. Comme pour W. Schubart, le droit ptolémaïque serait pour E. Seidl une construction composée de « trois ordres juridiques différents » (« drei verschiedene Rechtsordnungen »), ou encore, plus simplement, de « trois droits » (« drei Rechte ») : droit égyptien, droit grec, droit royal.18 Séduisante à première vue, cette conception tripartie appelle, lorsqu’on l’analyse de plus près, une série de réserves et de nuances. Le premier volet du triptyque paraît le plus net. Ce que nous savons du droit égyptien de la basse époque, grâce aux sources démotiques et aux recherches des spécialistes, permet de le considérer comme une entité relativement bien définie. Encore ne faut-il pas restreindre le droit égyp$

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Schubart, Einführung, p. 281.

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Seidl, Ptol. Rg.2 Voir, sur ce livre, nos « Réflexions » et les c. r. : M. Amelotti, SDHI 28 (1962), p. 439–442 ; M. Talamanca, BIDR, 3e sér., 4 (1962), p. 254–270 ; J. de Malafosse, RHD 41 (1963), p. 294–297 ; H. J. Wolff, ZRG RA 80 (1963), p. 417–426 ; Marie-Thérèse Lenger, CdÉ 38 (1963), p. 187–188 ; P. W. Pestman, Tijd. v. Rg. 32 (1964), p. 85–89, H. Petschow, Ztschr. d. Deutschen Morgenland. Gesellschaft 116 (1966), p. 364–366. $

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Ptol. Rg. , p. xii. Définition tirée de la première édition de cet ouvrage, parue à Erlangen en 1947 sous le même titre mais dans un volume beaucoup plus modeste que la seconde édition, largement remaniée et augmentée. 18

Ptol. Rg.2, p. 1 et 2 (dans le même sens, déjà dans la première édition, cité à la note précédente, p. 15–17 : « drei Rechtsordnungen »). Voir aussi p. 69, où nous trouvons cette formule : « Unsere Grundauffassung des ptolemäischen Rechts als einer Dreiheit von ägyptischen, griechischen und königlichen Recht ». $

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INTRODUCTION

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tien aux seules dispositions conservées par les recueils désignés généralement par le terme peu exact de « codes » (Gesetzbücher), mais y inclure toutes les règles suivies dans la pratique par la population indigène conformément à l’antique tradition de celle-ci. Nous reviendrons encore sur le détail de ce problème.19 Il n’en est pas de même du deuxième volet : le droit grec. Dans la construction dont on parle ici, ce terme s’applique, en premier lieu sinon exclusivement, à l’activité législative des cités grecques implantées en Égypte. Mais comme on aura encore l’occasion de le préciser, les traces de cette activité conservées dans nos sources sont fort minces.20 C’est assez dire que les manifestations de la culture juridique grecque en Égypte doivent être recherchées dans la pratique quotidienne des immigrants établis dans la chôra plutôt que dans les rares textes qui nous font connaître les règles appliquées aux citoyens des poleis d’Égypte. Assurément, l’apport grec dans la vie juridique du pays ne se limite pas à telle disposition d’une loi alexandrine susceptible d’être rapprochée de telle loi athénienne. Les continuités qui relient l’Égypte lagide à la Grèce ancienne dominent l’univers juridique de tous les immigrants, et non pas seulement celui des politai ; elles s’affirment dans la vie et dans les actes de tous ceux qui se considèrent comme « Hellènes », aussi bien par la langue qu’ils parlent et la culture dont ils se réclament que par le droit qu’ils pratiquent.21 Certes il est légitime de n’admettre de telles continuités qu’« avec prudence et sur la foi de bonnes preuves ».22 Mais pareil scepticisme ne devrait pas conduire à postuler une rupture nette entre le droit de la Grèce classique et celui de l’Égypte ptolémaïque ou, plus généralement, $

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19

Voir ci-dessous, §§ 4 et 7.

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Ci-dessous, § 5 (et, pour l’époque romaine, § 22).

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Nous rejoignons les observations de H. J. Wolff dans son c. r. du manuel d’E. Seidl (ci-dessus, n. 16), ZRG RA 80 (1963), p. 422 et suiv. Sur le droit grec dans la chôra, ci-dessous, § 5. $

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Seidl, Ptol. Rg. 2, p. 184 : « Wir meinen, dass man nur mit Vorsicht und bei guten Belegen aus dem klassischen Griechenland Uebernahme von da ins ptolemäische Recht feststellen darf ». $

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celui du monde hellénistique tout entier.23 La rupture n’affecte que les structures politiques et sociales ; dans le domaine du droit privé, l’évolution paraît au contraire suivre des chemins dont il est souvent possible de retrouver les points de départ dans les institutions de la Grèce ancienne.24 Sans doute n’est-ce pas là un prolongement pur et simple : dans le monde hellénistique, le droit grec se modifie en s’adaptant aux conditions nouvelles. Mais les transformations qui en résultent s’opèrent à l’intérieur d’un patrimoine importé. Elles utilisent les éléments d’une expérience du passé, abandonnant ceux qui ne répondent plus aux besoins d’une société « quasi coloniale » ou mettant en vedette des figures jadis secondaires au détriment d’institutions réputées typiques.25 De véritables nouveautés, résultat de l’influence égyptienne ou fruit de l’activité législative des rois, apparaissent comme de rares exceptions dans l’état actuel de nos sources.26 Il en résulte que, pour déterminer le rôle de l’élément grec dans le droit ptolémaïque, il faudra insister sur les aspects que l’on vient d’évoquer : son double champ d’action, dans les cités et dans la chôra, ses liens avec l’héritage culturel des cités et régions grecques anciennes, la nature des modifications survenues dans le milieu de la monarchie hellénistique. Nous en tiendrons compte dans la suite de notre étude. $

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Telle est en effet la conclusion de Seidl (ibid.) qui oppose le droit ptolémaïque au droit grec en le plaçant à mi-chemin entre celui-ci et le droit romain. Réserves de H. J. Wolff, ZRG RA 80 (1963), p. 422 et suiv., auxquelles nous nous rallions pleinement. $

24

Pour le détail, voir ci-dessous, § 8.

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Il faut signaler à ce propos les études de Barbara Anagnostou-Canas, « Rapports de dépendance coloniale dans l’Égypte ptolémaïque », i. « Ľappareil militaire », BIDR 92/93 (1989–1990, publ. 1993), p. 151–236, ii. « Les rebelles de la chôra », PapCongr. xix, ii, p. 323– –372, iii. « La colonisation du sol dans l’Égypte ptolémaïque », [dans :] S. Allam (éd.), Grund und Boden in Altägypten, Tübingen 1994, p. 355–374. $

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Pour l’influence égyptienne sur le droit grec, voir ci-dessous, § 12. Quant au rôle, parfois novateur, de la monarchie, créatrice d’institutions nouvelles, il suffit d’indiquer, dans le domaine successoral, le cas des successions en déshérence dévolues à l’État : voir notre étude « La dévolution à l’État des successions en déshérence dans le droit hellénistique », RIDA, 3e sér., 8 (1961), p. 81–113, partic. p. 103 et suiv. (= Statut personnel et liens de famille, n° ix). Les objections formulées à ce propos par Cl. Vatin dans BCH 86 (1962), p. 534–538, ne paraissent pas fondées : voir notre contribution aux Studi E. Volterra v, Naples 1969, p. 125, n. 130. $

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INTRODUCTION

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Enfin, le troisième élément du triptyque – droit royal – se distingue mal des précédents. Le critère du classement n’est plus le même : on n’est plus en présence d’un phénomène tenant à des considérations linguistiques et ethniques, mais d’une catégorie des sources du droit, au sens formel du mot, à savoir la législation des Lagides. Celle-ci est à la fois « grecque » et « égyptienne ». Non seulement parce qu’elle peut avoir recours aux deux langues – des décrets bilingues sont bien connus27 – mais encore parce qu’elle s’inspire, selon des modalités diverses, aussi bien des traditions grecques que des traditions égyptiennes.28 Si on considère certains traits extérieurs de cette législation – son vocabulaire, ses formes, ses techniques – elle nous apparaît comme un fait grec. Elle est aussi essentiellement grecque quant au fond dans tout ce qu’elle apporte à la formation du droit privé, encore que ses interventions en cette matière soient limitées à l’organisation de la justice ; elles ne touchent que rarement à des questions de détail concernant le régime des biens ou les opérations contractuelles et paraissent tout à fait absentes dans le domaine du droit familial. À ce point de vue, le « droit royal » et le « droit grec » ne sauraient être opposés l’un à l’autre comme deux « systèmes juridiques » différents ; il faudrait plutôt considérer le premier comme une partie d’un système, distinguée du second en tant que système lui-même.29 Si, au contraire, on analyse les objectifs de la législation royale dans les domaines économique et financier, on s’aperçoit que, dans la plupart des $

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Qu’on songe aux ordonnances royales publiées simultanément en deux versions, grecque et démotique, comme le prostagma sur la protection des poissons sacrés, P. Yale 56 (100 av. n. è.), ou le « dernier décret des Lagides », SB 7337 (= C. Ord. Ptol. 75–76, 41 av. n. è.). Pour d’autres exemples, voir W. Peremans, « Über die Zweisprachigkeit im Ptolemäischen Ägypten », [dans :] Studien zur Papyrologie und antiken Wirtschaftsgeschichte (Festschrift F. Oertel), Bonn 1964, p. 49–60, partic. p. 55. $

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Ci-dessous, § 12.

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Dans nos Réflexions, p. 45 et suiv., nous avons déjà souligné cet aspect de la législation royale. Nous nous limitions alors au seul domaine du droit privé ; nous continuons à penser que, dans ce domaine, il est inexact d’opposer le « droit royal » au « droit grec ». Nos recherches nous ont par la suite conduit à nuancer cette opinion en ce qui concerne la politique législative des Lagides à propos des problèmes administratifs et économiques (cf. ci-dessous, § 12). $

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§ 2 – LE DROIT PTOLÉMAÏQUE

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cas, les décrets et ordonnances des Lagides procèdent d’un esprit qui rompt avec le type d’État et le schéma de relations sociales propres à la tradition de la cité grecque. Pour autant qu’il incarne les aspirations « despotiques » de la monarchie, le « droit royal » est alors plus « égyptien » que « grec ». Le troisième volet du triptyque se confond avec le premier. Ces réflexions appellent quelques remarques sur le « despotisme » des Lagides. La monarchie ptolémaïque – comme tous les royaumes hellénistiques – représente une structure complexe dans laquelle se combinent des éléments propres à deux types d’État divergents : la monocratie despotique d’Orient et la cité antique. Le premier se caractérise par la concentration de tous les attributs de la souveraineté au profit d’un seul titulaire ; la donnée sociale essentielle qui le marque est l’antagonisme entre la bureaucratie royale, érigée en « classe fonctionnelle », et la population agricole, composée d’hommes juridiquement libres, mais réduits à l’état de servitude généralisée vis-à-vis du monarque et de ses agents. Dans le second type, les attributs de la souveraineté sont au contraire exercés par des titulaires multiples, pris au sein du corps civique ; le système des relations sociales y est fondé essentiellement sur le clivage qui sépare les citoyens libres des hommes de condition servile. À ce schéma – qui devrait bien entendu être développé et raisonnablement nuancé pour aboutir à une typologie de l’État dans l’Antiquité30 – répond dans la pensée grecque la distinction entre Hellènes et Barbares, entre la ville et la campagne. On pourrait en suivre la permanence depuis Platon et Aris$

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La mise au point de cette typologie reste à faire. Elle viserait à préciser les contours de deux formes principales (l’Égypte pharaonique pour le régime « despotique » et la démocratie athénienne pour le régime « civique »), à souligner la spécificité des situations marginales (la société mycénienne et les Hittites pour le premier type) et à mesurer le dosage d’éléments propres à chacun de ces deux types dans les structures étatiques composites (les royaumes hellénistiques et, dans une moindre mesure, l’Empire romain). Les manuels d’histoire institutionnelle de l’Antiquité dont on dispose aujourd’hui sont construits selon un schéma différent, soit purement chronologique (Orient, Grèce, Rome), soit purement formel (« cités » et « empires », les premières englobant les « cités » sumériennes à côté des poleis grecques, les seconds réunissant sous une même rubrique l’empire des pharaons et le régime impérial à Rome). Aucune de ces divisions ne rend compte de la corrélation entre la forme du régime politique et le système des structures sociales. $

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INTRODUCTION

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tote31 jusqu’à Dion de Pruse qui, dans un texte souvent invoqué, oppose à propos des exilés et des apatrides les Grecs vivant dans la cité aux barbares ne connaissant que le village.32 Le débat des historiens marxistes sur les modes de production « asiatique » et « esclavagiste » prenait son point de départ dans la même dualité.33 Nous verrons plus loin que celle-ci domine les problèmes posés par la survie des droits locaux en Égypte après la conquête romaine.34 Pour le monde hellénistique, la question est de savoir quelle est, dans la structure de l’État et dans l’organisation des rapports sociaux, la part qui revient à l’héritage de la monarchie de type oriental et celle qui prolonge la tradition de la cité.35 Dans les royaumes fondés par les succes$

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31

P. ex. Platon, Rep. 470c, 471a–b, mais opposition atténuée dans le Politique 262d ; Aristote, Polit. 1252b, 1285a. $

32

Dion de Pruse, Orat. 47, 10 : … φυγάδες ὄντες καὶ ἀπόλιδες πατρίδα ἕξουσι καὶ πολιτεύσονται κατὰ νόµους ἐν ἐλευθερίᾳ, µᾶλλον δ̓ ᾑροῦντο διῳκίσθαι κατὰ κώµας τοῖς βαρβάροις ὁµοίως ἢ σχῆµα πόλεως καὶ ὄνοµα ἔχειν. Il n’est pas possible d’insister ici sur $

les divers aspects du thème « Grecs et Barbares », dont la signification institutionnelle demanderait des analyses détaillées. Parmi les études consacrées à ce sujet, soulignons l’intérêt des recherches de R. Lonis : voir son livre Les usages de la guerre entre Grecs et Barbares, des guerres médiques au milieu du ive s. avant J.-C., Paris 1969, où l’on trouvera, outre des idées neuves sur la nature des relations entre Grecs et Barbares, une bonne présentation des données du problème (p. 13–25) et l’essentiel de la bibliographie antérieure (p. 312). Voir aussi J. Gaudemet, art. « Fremde », Reallex. f. Ant. u. Christentum, 1970, § iv. $

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Ce débat eut pour le point de départ la distinction formulée par K. Marx dans un texte redigé en 1857–1858, mais publié seulement en 1939 : « Formes qui précèdent la production capitaliste » (« Formen, die der kapitalistischen Produktion vorgehen », texte allemand dans Grundrisse der Kritik der politischen Ökonomie, Berlin 1953, p. 375–415 ; version française dans Ľhomme et la société. Revue internationale de recherche et de synthèse sociologiques, 1965). La bibliographie est copieuse. Citons seulement la préface de P. Vidal-Naquet à la traduction française de l’ouvrage de K. A. Wittfogel, Le despotisme oriental, Paris 1964, p. 7–44 ; M. Godelier, La notion de mode de production asiatique et les schémas marxistes d’évolution des sociétés, Paris 1965 ; les articles de J. Pecˇirka, « Die sowjetischen Diskussionen über die asiatische Produktionsweise und über die Sklavenhalterformation », Eirene 3 (1964), p. 147–169, et « Von der asiatischen Produktionsweise : zu einer marxistischen Analyse der frühen Klassengesellschaft », Eirene 6 (1967), p. 141–174 ; enfin, un recueil d’études (publiées antérieurement dans la revue La Pensée) sur le « mode de production asiatique », avec la préface de R. Garaudy, Paris 1969, où l’on trouvera d’autres éléments bibliographiques. $

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Ci-dessous, § 20.

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On tiendra compte à ce propos des théories que les anciens eux-mêmes auraient pu éla-

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§ 2 – LE DROIT PTOLÉMAÏQUE

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seurs d’Alexandre, l’opposition classique entre la cité et la campagne n’est plus une antithèse parfaite ; des formes intermédiaires, comme les politeumata et les katoikiai apparaissent, alors que la vie juridique et sociale de l’immigrant sort du cadre grec traditionnel.36 Le souverain hellénistique est aussi bien héritier des despotes d’Orient que de la cité grecque. Son « despotisme », dont une institution comme la diagraphè tou sporou peut témoigner pour l’Égypte dans le domaine de la politique agraire,37 s’accommode d’un certain esprit poliade qui domine la chancellerie royale.38 Cette ambiguïté se manifeste aussi bien dans les tendances et les limites de la législation royale39 que dans les transformations subies par le droit grec40 et dans les rapports de celui-ci avec le droit égyptien.41 Elle affecte la notion de droit ptolémaïque dans laquelle l’opposition du « droit royal » au droit grec et au droit égyptien aboutit à dresser une construction équivoque et assez mal équilibrée. Ajoutons que le triptyque est trop étroit pour embrasser toutes les manifestations de la vie juridique en Égypte, par exemple celle de la population juive ; le fait que, dans la pratique quotidienne, les Juifs d’Égypte adoptent les formes du droit grec ne suffit pas à écarter le problème de la liberté dont ils pouvaient jouir dans l’application de leur droit ancestral, qui n’est ni grec, ni égyptien, ni royal.42 $

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borer pour définir l’État hellénistique, telle la « constitution mixte » que H. Braunert a reconstituée dans ce qui nous est parvenue de l’œuvre d’Evhémère de Messène selon le récit de Diodore de Sicile v 41–46 (= FGHist. 63, f. 3) : voir H. Braunert, « Staatstheorie und Staatsrecht im Hellenismus », Saeculum 19 (1968), p. 47–66 (cf. RHD 47 [1969], p. 554) ; sur l’œuvre d’Evhémère de Messène, M. BroŻek, « Euhemerosa “Hiera Anagraphe” » [ĽHiera Anagraphé d’Evhémère, en polonais], Meander 24 (1969), p. 485–497, et M. Winiarczyk, Euhemeros von Messene: Leben, Werk und Nachwirkung, Stuttgart – Leipzig 2002 . $

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Cf. W. W. Tarn, Hellenistic Civilization, Londres 1952 (3e éd.), p. 147 et suiv.

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P. Vidal-Naquet, Le bordereau d’ensemencement dans l’Égypte ptolémaïque, Bruxelles 1967. Cf. ci-dessous, § 12, n. 21. 38

Cf. ci-dessous, § 12, n. 22.

39

Ci-dessous, § 3.

40

Ci-dessous, § 8.

41

Ci-dessous, § 12.

42

Cf. ci-dessous, § 6.

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INTRODUCTION

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Pour toutes ces raisons, il vaut mieux renoncer au « triptyque » dans l’étude des sources du droit ptolémaïque. Sans doute cette étude nous conduira-t-elle à examiner successivement l’activité législative des rois, les règles conservées au profit de la population autochtone et celles qui ont été importées en Égypte par les immigrants gréco-macédoniens. Mais il faudra se garder de voir là autant de « systèmes » distincts, susceptibles de se confondre dans un « ordre juridique » unifié. Il conviendra au contraire d’insister sur la spécificité de chacun de ces groupes, sur les propriétés particulières des règles et institutions qui les composent, sur les rapports d’exclusion, d’interpénétration et de subordination qui peuvent s’établir entre eux. Autrement dit, nous devrons les traiter – pour employer une métaphore empruntée aux mathématiques modernes – comme les parties d’un ensemble, mais non pas comme les termes d’une addition. Selon une autre conception, le droit ptolémaïque représenterait une notion unitaire. En effet, dans la mesure où elles ont été confirmées par l’État lagide et protégées par lui sur le plan judiciaire, les règles du droit égyptien et celles du droit des immigrants se trouvent, théoriquement du moins, incluses dans le droit émanant du roi lui-même. Au lieu de faire le contrepoids de la loi édictée par le roi, ces règles deviennent partie intégrante du droit royal. On assisterait ainsi à une « incorporation » de celles-là dans celui-ci.43 Cette idée est sans doute plus conforme à la logique juridique que le concept alambiqué des « trois droits ». Dans une monarchie absolue tout droit peut être qualifié de « royal » : qu’il découle directement de la volonté du roi ou des sources autres que le pouvoir législatif du souverain, il n’est en vigueur que parce que le roi le veut ou le permet. Mais la notion unitaire présente pour nous l’inconvénient de confondre deux aspects du problème que nous nous efforçons au contraire de distinguer : la source et la sanction du droit. Les règles qui ont leur origine en dehors de la législation royale peuvent bien être élevées au niveau de droit positif grâce à la sanction qui leur est accordée par le roi ; elles n’en restent pas moins, quant à leurs sources formelles, étrangères à l’activité normative du sou$

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Wolff, Plurality, p. 213 et suiv. ; idem, Justizwesen, p. 194 et suiv. $

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§ 2 – LE DROIT PTOLÉMAÏQUE

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verain. Il nous paraît donc préférable de restreindre le concept de « droit royal » à la seule législation des Lagides et ne pas abuser d’une construction théorique qui aboutit à établir une équivalence entre « royal » et « ptolémaïque ». Nous aurons encore l’occasion de revenir sur le problème de l’« incorporation » et sur celui de l’unité du système.44 Toutes ces considérations traduisent bien les difficultés que soulève l’étude des sources du droit ptolémaïque, notion complexe et difficile à exprimer dans une formule parfaitement explicite. Elles guideront cette première partie de notre recherche et justifieront le plan qui sera suivi. Nous examinerons dans un premier chapitre les divers groupes de règles juridiques qui forment l’ensemble désigné par la notion de « droit ptolémaïque ». Nous nous attacherons avant tout aux sources qui préservent les traces de dispositions de caractère normatif. Celles de la législation royale des Lagides seront envisagées en premier lieu ; ensuite l’enquête portera sur les éléments appartenant à la tradition autochtone, ce qui nous amènera à reprendre rétrospectivement le problème des lois en Égypte avant la conquête macédonienne ; enfin, deux paragraphes seront consacrés successivement au droit des immigrants gréco-macédoniens dans les poleis et dans la chôra et à celui qui fut pratiqué par la diaspora juive en Égypte. Après ce chapitre essentiellement descriptif, nous examinerons une série de problèmes posés par les facteurs de formation du droit ptolémaïque dans la perspective historique de l’époque étudiée : il s’agit de savoir dans quelle mesure les concepts tels que les « continuités juridiques », la « réception » du droit grec, la « personnalité » et la « territorialité » des lois peuvent aider à saisir les mécanismes de cette évolution ; l’épineux problème des politikoi nomoi fera à cette occasion l’objet d’un examen attentif. Les résultats ainsi obtenus permettront peut-être de définir, dans un troisième chapitre, la structure de l’ensemble. On tâchera de montrer comment, dans une situation où deux sphères de culture juridique coexistent sans s’amalgamer en un « droit mixte », les ressorts de l’organisation judiciaire et une relation de subordination hiérarchique aboutissent à for$

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Ci-dessous, § 15.

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INTRODUCTION

mer un système fondé sur la reconnaissance des droits pratiqués par les deux populations comme règles susceptibles de sanction officielle, sous réserve de leur soumission aux normes édictées par le législateur royal.

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CHAPITRE I

LES COMPOSANTES DU DROIT PTOLÉMAÏQUE

§ 3. LA LÉGISLATION ROYALE DES LAGIDES1

D

ans la monarchie ptolémaïque, la volonté du roi est la source suprême du droit.2 Elle l’est à double titre : successeurs des pharaons, les Lagides peuvent établir des normes qui s’imposent à leurs sujets de manière conforme à la tradition égyptienne ; en même temps, ils incarnent l’idée de l’« homme royal » à qui les philosophes grecs du ive siècle avant n. è. avaient reconnu la faculté de s’élever au-dessus des lois de la cité et de les subordonner à sa volonté.3 Pour reprendre la formule du Sta$

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1

Ce paragraphe a fait l’objet d’une publication indépendante, allégée quant aux sources papyrologiques citées dans les notes, mais augmentée par une conclusion qui confronte la législation des Lagides avec la « Lettre d’Aristote à Alexandre sur la politique envers les cités » : J. Modrzejewski, « Note sur la législation des Lagides », [dans :] Mélanges d’histoire ancienne offerts à William Seston, Paris 1974, p. 365–380 (= Droit et justice, p. 43–61). Le texte du présent chapitre suit le schéma de la thèse de 1970. $

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Cf. Wolff, « Faktoren », p. 26 et suiv. (« der König... oberste Quelle des Rechts »). $

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Voir Claude Mossé, La fin de la démocratie athénienne. Aspects sociaux et politiques du déclin de la Cité grecque au ive siècle avant J. C., Paris 1962, p. 375–397. Ainsi, « avec le Politique, Platon aboutit à une définition du pouvoir absolu dans lequel toute la souveraineté réside en la seule personne du Roi, le Politique, qui est à l’origine des lois... » (p. 387) ; plus subtil que Platon, Isocrate, « s’il loue Thésée de sa soumission aux lois de la Cité, affirme au contraire, dans le discours A Démonicos (i), 36, que la volonté des rois est la plus impérieuse des lois » (p. 388). À ce propos, voir aussi G. Vlachos, « Le principe de légalité et l’idée d’homme royal dans la pensée de Platon », Arch. de Philos. du droit 9 (1964), p. 193–213. $

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CHAPITRE I

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girite, « ils sont eux-mêmes la loi ».4 Soutenu à la fois par l’héritage local et par l’apport du courant monarchiste de la pensée grecque, le pouvoir législatif du roi ne connaît en principe aucune limite et ne supporte aucune concurrence. On sait comment la monarchie hellénistique a confisqué au profit des rois la traditionnelle idée grecque de la souveraineté de la loi – νόµος βασιλεύς.5 Incarnation du nomos aux yeux des philosophes,6 le roi s’abstient cependant, à quelques exceptions près, d’appeler nomoi les actes dans lesquels se manifeste sa volonté de législateur.7 Privilège de l’État$

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Αὐτοὶ γάρ εἰσι ὁ νόµος : Aristote, Polit. 1284a, 14. Voir H. Volkmann, « Ἔνδοξος δουλεία als ehrenvoller Knechtsdienst gegenüber dem $

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Gesetz », Philologus 100 (1956), p. 52–61. Sur la souveraineté du nomos dans la cité grecque, V. Ehrenberg, « Von den Grundlagen der griechischen Staatsordnung », Sitz.-Ber. d. Heidelb. Akad. d. Wiss., Phil.-Hist. Kl., 3 (1961) (= Polis und Imperium, Zurich – Stuttgart 1965, p. 105–138, partic. p. 111 et suiv. et 134). Sur l’évolution du concept, en particulier dans les œuvres de Pindare et d’Euripide, M. Gigante, Νόµος βασιλεύς. Ricerche filologiche, Naples 1956 (réimpr. avec un appendice, Naples 1993) ; plus récemment, M. Treu, « Νόµος βασιλεύς : alte und neue Probleme », Rhein. Mus., N.F., 106 (1963), p. 193–214. $

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Βασιλεὺς νόµος ἔµψυχος. La formule, annoncée par Aristote (ci-dessus, n. 4), remonte au néopythagoricien Diotogène (début du iiie s. av. n. è.) : voir le texte (ap. Stobée, Florilège vii 61, 10 : ὁ δὲ βασιλεὺς ἤτοι νόµος ἔµψυχος ἐντὶ ἢ νόµιµος ἄρχων) dans L. Delatte, Les traités de la royauté d’Écphante, Diotogène et Sthénidas, Liège – Paris 1942, p. 37, et son commentaire p. 245–249 ; voir aussi, sur cette formule et son succès ultérieur (lex animata des empereurs), A. Steinwenter, « Νόµος ἔµψυχος. Zur Geschichte einer politischen Theorie », Anzeiger d. phil.-hist. Klasse d. Akad. d. Wiss. Wien 83 (1946), p. 250–268 ; J. Béranger, Recherches sur l’aspect idéologique du principat, Bâle 1953, p. 232 et suiv. ; Mossé, La fin de la démocratie athénienne (ci-dessus, n. 3), p. 381, n. 1 ; G. Dagron, « La notion de “Loi vivante” chez Thémistios (ivème siècle après J.-C.) », communication à l’Association des études grecques le 7 février 1966, résumé dans REG 79 (1966), p. xiii. $

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C’est à tort qu’U. Wilcken (Grundzüge, p. 179–180) oppose, sans sources à l’appui, les

νόµοι en tant que « königliche Gesetzgebung » aux διαγράµµατα et aux προστάγµατα qu’il $

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qualifie de « königliche Kabinetsorders ». Les nomoi royaux sont très rares et apparaissent comme une exception parmi les actes législatifs des Lagides : voir Taubenschlag, Law2, p. 10, n. 27 i. f. (« nomoi issued by the king »), et la liste donnée par Lenger, C. Ord. Ptol., p. xxi, n. 2 (pour les nomoi et les diagrammata). Parmi ces textes, il faut relever surtout les νόµοι τελονικοί du P. Rev. Laws (à consulter dans l’édition de J. Bingen, SB/Bh. 1) : en substituant son monopole à l’activité des cités, la monarchie maintient le terme traditionnel ; cf. W. Schwahn, art. « Νόµος τελονικός », PWRE 17, 1 (1936), col. 843–845. Notons que ce « document, tel qu’il a éte trouvé, semble être la réunion de règlements périmés... Il faut se garder d’y voir un essai de codification fiscale et économique à l’usage des fonction$

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§ 3 – LA LÉGISLATION ROYALE DES LAGIDES

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cité, la notion de νόµος est dissociée de l’activité législative de l’Étatmonarchie. Le roi, qui est avant tout un commandant et un chef victorieux, ne « légifère » pas mais « ordonne » : ses lois sont des « ordres », prostagmata, ou des « règlements », diagrammata.8 Cette terminologie nouvelle traduit le passage vers une nouvelle forme d’organisation politique dans les royaumes issus des conquêtes d’Alexandre le Grand.9 Il n’est pas facile de déterminer avec précision la différence entre les diagrammata et les prostagmata dans la pratique législative des Lagides. Le premier terme a un sens technique qu’on peut essayer de préciser à la lumière des sources et des études qui leur avaient été consacrées, en particulier celles d’E. J. Bickerman et de C. B. Welles.10 On le trouve d’abord $

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naires » (Bingen, op. cit., p. 3). Autres exemples : la mention de la « loi fermière » (καθότι ἐν τῶι νόµωι τῶι ἐπὶ τῆς µισθώσεως γέγραπται) dans C. Ord. Ptol. 22, l. 26–27 (= SB v 8008, l. 58–59 ; C. Ptol. Sklav. i 3) (262/261 ou 261/260 av. n. è.), et l’ordonnance royale sur la ferme, UPZ 112 (= C. Ord. Ptol. Al. 33) (203–202 av. n. è.), où le mot apparaît parmi ceux qui désignent d’autres types d’actes législatifs du roi (col. I, ligne 6 : κατὰ τοὺς νόµους καὶ τὰ δια[γραµµάτα καὶ τὰ προ]στάγµατα). Voir, à ce propos, le commentaire de Wilcken, p. 510. $

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À côte des διαγράµµατα et des προστάγµατα, il faut mentionner les διορθώµατα et les προγράµµατα : les premiers « apportent des correctifs à des lois préexistantes, mais ils ne $

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sont connus que par des textes relatifs à l’affermage des impôts » (Lenger, C. Ord. Ptol., p. xxi et n. 3) ; le second terme sert à désigner « toute espèce d’avis officiels portés à l’attention des administrés par affichage » (ibid. et n. 4). Les uns et les autres jouent toutefois un rôle secondaire dans l’activité législative des Lagides. $

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En dehors de l’Égypte, un exemple notable d’un nomos royal est fourni par la mention du βασιλικός νόµος dans l’inscription des astynomes de Pergame, OGIS 483, l. 1 : [ – ca. 38 –-]ς ἀστυνοµῶν τὸν βασιλικὸν νόµον ἐκ τῶν ἰδίων ἀνέθηκεν. Mais ce témoignage n’est pas sûr, car on ne sait si l’adjectif βασιλικός se réfère, dans ce texte, aux rois de Pergame ou aux empereurs romains (Trajan ou Hadrien). Voir surtout G. Klaffenbach, Die Astynomeninschrift von Pergamon, Berlin 1954 (Abh. d. Deutschen Akad. d. Wiss., Kl. f. Sprache, Liter. u. Kunst, Jhg. 1953, n° 6) ; M. Amelotti, « Ľepigrafe di Pergamo sugli astynomoi e il problema della recezione di leggi straniere nell’ordinamento giuridico romano », SDHI 24 (1958), p. 80–111 (= Scritti giuridici, Turin 1996, p. 282–313) ; idem, « Leggi greche in diritto romano », Symposion 1997, p. 225–234 (= idem, Minima epigr. et papyr., iv [2001], p. 11–23). $

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C. B. Welles, « New texts from the chancery of Philip v of Macedonia and the Problem of the “diagramma” », Amer. Journ. Arch. 42 (1938), p. 245–260 ; E. J. Bickerman, « Διάγραµµα », RPh. 12 (1938), p. 295–312. Limitant notre enquête aux diagrammata ptolé$

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dans le langage savant, où il désigne la représentation graphique d’un rapport entre les nombres : « figure géométrique », « plan », « devis ».11 C’est pendant qu’il méditait sur un diagramma tracé devant lui dans le sable qu’Archimède fut tué par un soldat romain lors de la prise de Syracuse par Marcellus en 212 avant n. è. ;12 avant lui, le citharède Stratonikos, contemporain de Platon, utilisa le diagramma pour la notation musicale.13 À partir de là, l’administration financière à Athènes, au ive siècle, a repris la notion de diagramma, tableau de chiffres, pour l’appliquer dans le domaine fiscal : le diagramma athénien est, d’une part, le rôle d’imposition, d’autre part, le dû de chaque contribuable inscrit dans ce rôle ; toutefois son application dans ce domaine reste limitée au régime des symmories introduit en 378/377 pour assurer la rentrée de l’impôt sur le capital.14 La monarchie hellénistique continue cette pratique, en l’étendant à divers secteurs de la réglementation économique et financière ; plusieurs textes ptolémaïques en témoignent. Mais l’extension va encore plus loin : suivant l’exemple de la chancellerie macédonienne, les rois utilisent le diagramma comme une mesure législative tendant à organiser des matières très variées, au-delà de l’administration des finances et de l’économie royale. Les sources actuellement disponibles et les recherches effectuées depuis les travaux de C. B. Welles et d’E.J. Bickerman montrent qu’il en est aussi bien des diagrammata de type « macédonien » que $

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maïques, nous renvoyons à ces études pour les textes littéraires et épigraphiques concernant cette notion ; de même, nous renonçons à recenser la bibliographie antérieure, dont les principaux éléments sont indiqués par Welles, op. cit., p. 255, n. 2. Parmi les travaux plus récents, on retiendra surtout Lenger, « Ptolémées législateurs », p. 10 et n. 16, où la savante belge, reprenant la question posée déjà par L. Mitteis (Grundzüge, p. xii, n. 4), puis par H. J. Wolff (AfP 17/2 [1962], p. 197), propose un essai de définition diplomatique visant à faire apparaître la différence entre les diagrammata et les prostagmata. Notre exposé se fonde ici surtout sur l’étude de Bickerman, encore que nos conclusions sur la nature du diagramma dans l’Égypte ptolémaïque nous amènent à nuancer les thèses de cet auteur dans un sens plus proche des positions de Welles. $

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Pour le détail, voir Bickerman, « Διάγραµµα » (ci-dessus, n. 10). $

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Plutarque, Marcellus 19, 4 ; Jean Zonaras ix 5, 5 (Bickerman, « Διάγραµµα » [ci-dessus, n. 10], p. 309, n. 1). $

13

Bickerman, « Διάγραµµα » (ci-dessus, n. 10), p. 309, n. 3. $

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Bickerman, « Διάγραµµα » (ci-dessus, n. 10), p. 303–304. $

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des diagrammata ptolémaïques. Ceux-ci ne se limitent pas en effet, comme le suggérait le deuxième de ces savants, à des « régulatifs annuels de l’économie dirigée, promulgués par affichage à Alexandrie », mais se présentent comme des actes normatifs de portée générale en matière d’administration publique, de procédure, de droit pénal et de droit privé.15 Ainsi, une notion liée d’abord à la législation fiscale devient synonyme de législation tout court : à mesure que le poids de la souveraineté étatique passe de la cité à la monarchie, le diagramma prend la relève du nomos. Comme le nomos, le diagramma n’est pas une lettre qui doit atteindre le fonctionnaire destinataire pour être mise par lui en application ; il entre en vigueur dès sa promulgation, étant transmis d’office aux services compétents qui en publient les dispositions dans leurs ressorts et veillent à leur exécution. Seulement, à la différence de la loi, le diagramma ne procède pas d’un vote, mais repose sur l’autorité de son auteur : le rapprochement entre le diagramma, fondé sur l’autorité du roi, et l’edictum, fondé sur l’imperium du magistrat romain, traduit bien cette différence.16 Bref, le diagramma, c’est la loi hellénistique, mais contrairement au nomos poliade, qui procède d’un vote, c’est une loi octroyée. Dans la documentation actuellement disponible on peut distinguer, dans les dispositions des diagrammata ptolémaïques, quatre grands $

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15

Bickerman, « Διάγραµµα » (ci-dessus, n. 10), en particulier p. 306–308 (citation textuelle, p. 307). Réserves de Lenger, « Lois et ordonnances », p. 214, n. 7, et de Wolff, « Plurality », p. 206, n. 40 (voir aussi Wolff, « Faktoren », p. 26 et suiv.). Elles nous paraissent justifiées par la documentation qui est citée dans les notes suivantes. $

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Voir Bickerman, « Διάγραµµα » (ci-dessus, n. 10), p. 311, qui note l’équivalence edictum – διάγραµµα, à laquelle se substitue, vers la fin du iie siècle de l’Empire, celle de edictum – διάταγµα. Le texte de Plutarque, Marcellus 24, 7, est caractéristique à cet égard ; il emploie διάγραµµα comme une notion générique qui englobe edictum et διάταγµα, termes techniques des édits des magistrats : τὰ διαγράµµατα τῶν ἀρχόντων Ἕλληνες διατάγµατα, Ῥωµαῖοι δ’ἔδικτα προσαγορεύουσιν ; cf. Welles, « New texts » (ci-dessus, n. 10), p. 259, n. 1. Il est intéressant de noter qu’à cette même époque le sens primitif du diagramma, « tableau de chiffres », est attesté pour l’Égypte romaine par le SB 9086 (105 de n. è.), col. iii, l. 1, où ce terme désigne un registre de la βιβλιοθήκη ἐγκτέσεων. La lecture δ[2 ι]αγρ 2 1[άµ]µα 2 τ2 α dans un texte des « archives » de Dioscore d’Aphrodité au vie siècle de n. é. : P. Cair. Masp. i 67118 (547 de n. è.), où ce mot, au pluriel, devait désigner les ordres d’un censitor (ligne 28), n’est pas sûre ; la restitution δ[2 ι]ασ 2 τ2 ρ2 [1 ώ]µα 2 τ2 α est également possible (BL viii 72). $

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groupes, selon les matières qui font l’objet de ce type d’interventions législatives.17 Le premier groupe comprend des lois d’ordre économique et financier : tarifs d’impôts, de taxes et d’amendes ;18 tarifs de prix fixés en rapport avec le fonctionnement de monopoles royaux19 ou règlements établissant les conditions de l’affermage de ces monopoles ;20 barèmes déterminant le taux de conversion en espèces des revenus en nature21 ou le taux de l’agio.22 Dans un second groupe on pourrait classer des mesures organisant la protection des intérêts du roi et du royaume au moyen de $

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17

Nous utilisons les éléments d’une documentation que Marie-Thérèse Lenger a bien voulu mettre à notre disposition ; cette recherche devrait être poursuivie de manière systématique. Voir Lenger, « Lois et ordonnances », p. 137–140, et C. Ord. Ptol., p. xxi, n. 2. $

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18

Exemples : P. Hib. 29 (= WChr. 259, 265 av. n. è.), fragments de lois de Ptolémée ii Philadelphe organisant la ferme de plusieurs impôts et notamment d’un impôt sur la vente d’esclaves donnés en gage d’une dette hypothécaire ; ces dernières dispositions appartiendraient à un diagramma, si l’on accepte la restitution τὸ διά[γραµµα] τ[όδε] (l. 8–9) proposée par A. Wilhelm, Beiträge zur griechichen Inschriftenkunde, Wien 1909, p. 247 ; SB v 8008 (= C. Ord. Ptol. 22 = C. Ptol Sklav. i 3, 262/261 ou 261/260 av. n. è.), dans le prostagma du même Philadelphe, relatif au recenement du bétail en Syrie et en Phénicie, allusions (l. 6–7, 26, 30, 31) à un diagramma fixant le montant des amendes infligées à ceux qui ne respectent pas l’ordonnance, des primes accordées aux délateurs et les délais prévus pour le paiement des impôts sur le bétail recensé ; P. Col. iii 54 (256 av. n. è.), l. 13 et 50, et P. Tebt. iii 703 (fin du iiie s. av. n. è.), l. 81–82, 133 et 187, σιτολογικὸν διάγραµµα concernant les redevances en blé et les prix du blé ; P. Hib. 116 (vers 245 av. n. è.), recto, col. 1, allusion à un diagramma concernant un impôt sur le nitre (ou le prix de celui-ci) ; C. Ptol Sklav. i 5 (= Sel. Pap. ii 205 = P. Col. inv. 480, 198–197 av. n. è.), tarif des taxes dues sur les ventes d’esclaves. $

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Exemples : P. Rev. Laws (= SB/Bh. 1 = WChr. 299), col. 39, l. 1–12, extrait d’un diagramma fixant pour l’an 27 de Philadelphe (259–258 av. n. è.) les prix auxquels les cultivateurs royaux doivent vendre aux fermiers les graines oléagineuses (cf. col. 39, l. 16–17, col. 53, l. 10–11 et col. 55, l. 2–3) ; col. 40, l. 9–20, tarif des prix de vente de l’huile imposé par le roi et corrigé par le bureau du diœcète la même année (259–258 av. n. è.) (cf. col. 49, l. 3, et col. 55, l. 1) ; col. 103, l. 3, allusion à un diagramma fixant les prix de vente de tissus et de vêtements (bribes du tarif dans col. 94, 95, 98 ; cf. P. Tebt. iii 703, l. 92–93). $

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Exemple : P. Rev. Laws (= SB/Bh. 1, col. 73–78 = WChr. 181), conditions d’affermage du monopole des banques (διάγραµµα τραπέζων : col. 73, l. 1). $

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21

Exemple : P. Col. iv 120 (229/228 ou 187/186 av. n. è.), l. 15. $

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Exemple : P. Hib. 51 (246/245 av. n. è.), allusion (l. 6) à un arrêté (sans doute un diagramma) royal fixant le taux de la prime de change pour les paiements effectués en monnaie de cuivre. $

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dispositions de caractère pénal. C’est le cas d’une importante loi du iiie siècle avant n. è. concernant le brigandage, la sécurité des routes et de la navigation, et la police du Nil.23 En troisième lieu, le diagramma peut signifier « acte constitutionnel » : c’est en effet par ce terme que les rédacteurs d’une inscription célèbre désignent la « charte » donnée à Cyrène par Ptolémée ier Sôter, encore que nous ne sachions pas si le Lagide était formellement l’auteur de cette constitution ou si elle avait été, sur son instigation, votée par le peuple de Cyrène.24 Enfin le quatrième groupe, celui qui nous intéresse le plus, engloberait les diagrammata qui ont trait à l’organisation des tribunaux et de la procédure judiciaire ainsi qu’aux problèmes du droit privé : nous indiquerons plus loin les documents de ce groupe.25 Dans tous ces cas nous sommes en présence de vastes règle$

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23

P. Hib. 198, recto, col. v, lignes 85–122 (et 123–140 ?). Voir sur ce texte, Wolff, Justizwesen, p. 63, 93 et passim ; C. Kunderewicz, « Ad P. Hib. 198 », JJurP 15 (1965), p. 139–143 ; N. Lewis, « P. Hibeh 198 on recapturing fugitive sailors », AJPh. 89 (1968), p. 465–469 ; B. J. Müller, Ptolemaeus Philadelphus als Gesetzgeber, Cologne 1968, p. 87–91 ; A. Helmis, « La problématique de la fiction dans le droit de l’Égypte hellénistique », Symposion 2011, p. 389–398. Plusieurs éléments importants furent apportés à l’interprétation du P. Hib. 198 par R. S. Bagnall, « Some Notes on P. Hib. 198 », BASP 6 (1969), p. 73–118. On retiendra ici seulement la datation qu’il propose pour l’ensemble de la compilation contenue dans ce document, dont l’élément le plus ancien est de 275/274 av. n. è. et le plus récent de 243/242 et qui, par conséquent, aura été rédigée en 242 ou peu après. Comme les fragments qui y sont réunis ne se suivent pas dans un ordre rigoureusement chronologique, il n’est pas sûr que le diagramma sur la police du Nil doive être placé entre 278 et 272 (sic Wolff, l. c.) ; son attribution à Ptolémée Philadelphe paraît toutefois certaine. $

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Texte publié par S. Ferri, U. von Willamowitz-Moellendorf & G. Klaffenbach dans Abh. d. Deutsch. Akad. d. Wiss., Phil.-hist. Kl. 5 (1925), p. 3–19, n° 1, repris dans SEG ix 1 (1939), n° 1, p. 1–4, et dans SB viii 9934 ; à la bibliographie indiquée dans SEG on peut ajouter notamment Fr. Chamoux, Cyrène sous la monarchie des Battiades, Paris 1953, p. 49, n. 6, 215 et suiv., 223, 237 ; J. Machu, « Cyrène : la cité et le souverain à l’époque hellénistique », Rev. hist. 205 (1951), p. 41–55, partic. p. 43–45 ; H. Bengtson, Die Strategie in der hellenistischen Zeit iii, Munich 1952, réimpr. 1967 (Münch. Beitr. 36), p. 158–163 ; A. Pagliaro, « Osservazioni sul diagramma di Cirene », [dans :] Studi Calderini e Paribeni i, Milan 1956, p. 101–109 ; Marie-Thérèse Lenger, « Comment les Ptolemées ont-ils fait la loi dans les territoires non égyptiens de leur obédience ? », RIDA 6 (1959), p. 222–225 ; A. Laronde, Cyrène et la Libye hellénistique. Libykai Historiai, de l’époque républicaine au principat d’Auguste, Paris 1987, p. 85–91. $

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Voir ci-dessous, n. 41 et suiv.

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ments, embrassant dans leur ensemble des matières d’une certaine ampleur. Régulièrement mis à jour et constamment enrichis de l’apport des prostagmata, les diagrammata nous apparaissent comme une sorte de « lois-cadres ». Ils sont la principale manifestation de la fonction législative du pouvoir royal. Le prostagma paraît en revanche être d’abord une notion générique propre à des mesures de portée plus restreinte, concernant des cas individuels : attribution d’un privilège, octroi d’un titre de protection, proclamation d’une amnistie, décision prise par le roi dans l’exercice de ses fonctions judiciaires.26 Ce sont, selon la distinction retenue par M.-Th. Lenger, ces « prostagmata d’intérêt particulier » qui révèlent manifestement la spécificité du prostagma par rapport au diagramma.27 Mais à côté de ceux-ci, d’autres prostagmata comportent des mesures d’ordre général, applicables à toute la population du royaume ou à tous les membres d’un groupe déterminé, et étendues soit à l’ensemble du territoire soit à une ou plusieurs provinces. Ils sont rédigés – comme les mandata des empereurs romains – sous forme de lettres adressées par les souverains à des fonctionnaires ou comme des lois distinctes des ordres qui les rendent exécutoires, le plus souvent introduites par la formule abstraite : « par ordre du roi » (βασιλέως προστάξαντος) ou par une de ses variantes. Dans ce deuxième groupe, les prostagmata rejoignent les diagrammata ; seul l’emploi du verbe προστάσσειν, « ordonner », s’attachant de manière directe $

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Sur la notion de prostagma, à laquelle j’ai consacré mon premier article papyrologique (« The πρόσταγµα in the Papyri », JJurP 5 [1951], p. 187–206), on consultera surtout les travaux de Marie Thérèse Lenger cités dans son C. Ord. Ptol., p. 312, et dans C. Ord. Ptol.* Bilan des additions et corrections (1964–1988). Compléments à la bibliographie, Bruxelles 1990, p. 31 et suiv. Pour les prostagmata eux-mêmes, il faut se reporter bien entendu au C. Ord. Ptol. complété dans C. Ord. Ptol.* Pour PUG iii 92 (et non « 91 ») = C. Ord. Ptol.* 32, voir mon commentaire « Ľ“Ordonnance sur les cultures”. Droit grec et réalités égyptiennes en matière de bail forcé », RHD 72 (1994), p. 1–20, et [dans :] S. Allam (éd.), Grund und Boden in Altägypten (Rechtliche und sozio-ökonomische Verhältnisse), Tübingen 1994, p. 199–225 (= Droit et justice, p. 63–87). $

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Marie-Thérèse Lenger, « Les ordonnances particulières des Lagides », [dans :] Mélanges G. Smets, Bruxelles 1952, p. 497–508 ; cf. eadem, « Les prostagmata des rois Lagides », RIDA 1 (1948), p. 119–132 ; eadem, « Ptolémées législateurs », p. 7–8. $

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à l’expression de la volonté royale, permet de distinguer cette espèce de prostagma du diagramma, généralement anonyme.28 Il semble cependant qu’il soit possible d’observer une évolution chronologique qui affecte le choix entre le diagramma et le prostagma en tant que deux principaux types d’actes normatifs utilisés par la législation royale. Au iiie siècle avant n. è., le diagramma paraît être le type dominant. Sur une centaine de documents papyrologiques qui comportent des fragments de textes de diagrammata ou des références à ceux-ci, une cinquantaine remonte au iiie siècle ; une quinzaine est du iie et deux sont du ier siècle.29 Sans doute ce dénombrement de la documentation n’a-t-il qu’une valeur très relative en raison du hasard des trouvailles qu’il ne faut jamais perdre de vue. Il est néanmoins significatif que dans un texte officiel de ce même iiie siècle les prostagmata ne soient même pas mentionnés à propos de la hiérarchie des règles applicables devant les dicastères en cas de litige ; les lois royales, auxquelles est réservé le premier rang, ne sont représentées ici que par les seuls diagrammata.30 En d’autres termes, le dia$

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Lenger, « Ptolémées législateurs », p. 8 ; cf. C. Ord. Ptol., p. xxiii–xxiv. $

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Ce calcul, fondé sur la documentation mentionnée plus haut (n. 17), n’est qu’approximatif. Il se réfère à la date du document, et non pas à celle du diagramma lui-même qui est cité ou invoqué de manière allusive (p. ex. O. Bodl. 277, daté du iie s., mais concernant certainement un diagramma antérieur ; cf. Wolff, Justizwesen, p. 15), ou les mentions d’une πρᾶξις κατὰ τὸ διάγραµµα dans les documents du iie s., relatives sans aucun doute au même grand « diagramma judiciaire » de Ptolémée ii Philadelphe (cf. ci-dessous, n. 44, et § 13). De même, nous ne tenons pas compte des dispositions dont la qualité de diagramma paraît probable aux commentateurs, mais à propos desquelles ce mot n’apparaît pas dans les documents où elles sont rapportées, p. ex. P. Col. iv 83, l. 16, d’après Wolff, « Plurality », p. 207, n. 44, ou P. Hamb. ii 168a, d’après Seidl, Ptol. Rg.2, p. 107, n. 3, suivi par Müller, Ptolemaeus Philadelphus (ci-dessus, n. 23), p. 117 et suiv. Nous excluons également les documents du ier s. av. n. è. postérieurs à la conquête romaine, comme BGU iv 1118 (22 av. n. è.), qui conservent des survivances de lois ptolémaïques dont on ne peut fixer la date (cf. ci-dessous, § 20), ou encore les contrats alexandrins d’époque augustéenne où la référence au diagramma est une allusion à la loi de Ptolémée ii Philadelphe qui fixait à 24 % le taux annuel des intérêts prévus dans les prêts privés (cf. ci-dessous, n. 44). $

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P. Gur. 2 (= CPJud. 19, 226 av. n. è.), l. 42–43 (cf. ci-dessous, § 14). Au contraire, dans une formule analogue, à la fin du iie s. av. n. è., la référence aux lois royales applicables devant les tribunaux comprend les προστάγµατα et les διαγράµµατα, ceux-là invoqués avant ceux-ci : P. Tebt. i 5 (= C. Ord. Ptol. 53, 118 av. n. è.), l. 263–264. $

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gramma est, sous les premiers Lagides, la principale expression de leur volonté à laquelle est attribuée une valeur normative proprement dite. Les prostagmata paraissent au contraire plus rares à cette époque qu’aux deux siècles suivants : sur les quatre-vingt-douze textes réunis dans le Corpus de M.-Th. Lenger, un tiers environ est du iiie siècle, deux tiers appartenant aux iie et ier siècles ; les allusions aux prostagmata qui forment la deuxième partie du même Corpus présentent une répartition chronologique similaire. Sous réserve du caractère fortuit de notre documentation, ces données numériques supposent donc une évolution au cours de laquelle le prostagma tend à supplanter le diagramma dans l’activité législative des Lagides. Cette évolution reflète manifestement celle du pouvoir royal lui-même. Au début de la domination lagide, les rois sont forts et leurs affaires prospères. Ils organisent le royaume au moyen d’actes qu’ils veulent généraux et durables. En particulier, le long règne de Ptolémée ii Philadelphe, qui remplit à lui seul presque la moitié du iiie siècle (285 à 246), est marqué par une intense activité législative et organisatrice : la plupart des diagrammata ptolémaïques – et notamment le grand diagramma judiciaire – datent de cette époque. Par la suite, à mesure que les guerres, les crises et les révoltes indigènes affaiblissent l’autorité royale, les Ptolémées préfèrent recourir à des « ordres », aussi multiples qu’inefficaces ; interdictions et mesures répressives alternent avec amnisties et privilèges dans des prostagmata de plus en plus nombreux.31 Les diagrammata et les prostagmata royaux ont pour objet, avant tout, la protection des intérêts du roi et de l’économie royale des Lagides. Sans doute ne sont-ils pas totalement étrangers aux problèmes relatifs, selon nos catégories modernes, au droit privé de leurs sujets. Mais, comme le note M.-Th. Lenger, les dispositions concernant ces matières « constituent de réelles exceptions dans notre documentation ».32 En effet, de $

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Le grand recueil de prostagmata dans : P. Tebt. i 5 (= C. Ord. Ptol. 53) est le principal témoin de cette « décadence de l’autorité royale en Égypte à partir du iie siecle » (Lenger, introduction à ce texte, p. 131). Pour l’étude d’un de ces prostagmata (l. 93–98), qui montre comment « le roi s’avère incapable de remédier au désordre » en matière de fiscalité foncière, voir Danielle Bonneau, Le fisc et le Nil, Paris 1971, p. 140–144. $

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Lenger, « Ptolémées législateurs », p. 12. $

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vastes aires de droit privé, tel le droit des personnes et de la famille, échappent aux interventions du pouvoir législatif du roi. Le roi est appelé, en principe, à légiférer dans tous les domaines du droit public et du droit privé mais, dans l’état actuel de nos sources, l’effort de son activité législative apparaît surtout dans des mesures de caractère administratif et fiscal.33 Sur ce point, une nouvelle différence semble pouvoir être constatée entre les prostagmata et les diagrammata des Lagides : les seconds paraissent beaucoup moins indifférents au droit privé que les premiers. En effet, il n’y a, à notre connaissance, aucun prostagma royal qui soit consacré exclusivement et de manière directe à une question relevant de ce domaine. Le droit privé apparaît dans les prostagmata de manière incidente, comme la conséquence d’une réglementation dont l’objet est la protection des intérêts économiques et politiques du roi. C’est ainsi que d’importantes dispositions relatives au statut des personnes – privilège de l’État de réduire en esclavage ses débiteurs insolvables – sont insérées dans une ordonnance de Ptolémée ii Philadelphe concernant le recensement des indigènes asservis en Syrie et en Phénicie, une mesure d’ordre fiscal et administratif.34 Les règles établies par les prostagmata dans le domaine successoral, qui consacrent l’évolution des droits reconnus aux clérouques sur leurs tenures, viennent en complément d’une amnistie pénale et fiscale comme une faveur de portée restreinte.35 En matière de biens, on peut signaler les dispositions qui assurent aux acquéreurs des $

33

Lenger, « Ptolémées législateurs ». La même constatation peut être faite pour la législation des rois de France : voir F. Olivier-Martin, Histoire du droit français des origines à la Révolution, Paris 1948, p. 351 et suiv. $

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SB v 8008, col. ii, l. 33–37, et col. ii, l. 1–26 (= C. Ord. Ptol. 22, 262/261 ou 261/260 av. n. è.), en particulier l. 20 et suiv. Voir à ce propos, outre la bibliographie indiquée par Marie-Thérèse Lenger, notre étude « Servitude pour dette ou legs de créance ? Note sur CPJud. 126 », Rech. Pap. 2 (1962), p. 75–98, partic. p. 85 (= Un peuple de philosophes, chap. 8). $

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BGU iv 1185 (= C. Ord. Ptol. 71, 66 ? av. n. è.), déjà ci-dessus, § 1, n. 87. Voir aussi le P. Berl. inv. 16223 (milieu du ier siècle av. n. è.), édité par W. Müller dans PapCongr. ix, p. 190–193, et repris dans SB viii 9790, qui comporte la référence (l. 5–6) aux ordonnances des Ptolémées à propos du droit accordé aux femmes de succéder aux kléroi de leur père (C. Ord. Ptol., Al. 96 ; cf. notre c. r. des PapCongr. ix, RHD 42 [1964], p. 96–102, partic. p. 100–101). $

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biens confisqués et vendus par l’État une propriété « inattaquable ».36 Toutes ces lois abordent les questions de droit privé sous l’angle des intérêts du roi.37 Il en va de même, dans plusieurs cas, pour les prostagmata relatifs à la procédure judiciaire,38 dont certains sont cependant conçus dans un esprit qui tient compte des intérêts des justiciables.39 En revanche, les diagrammata paraissent être un instrument de politique législative particulièrement approprié au domaine du droit privé. Sans doute trouvons-nous parmi eux surtout des lois d’intérêt économique et financier40 qui, comme les prostagmata, peuvent comporter des dispositions intéressant les droits des individus. Tel est, par exemple, le cas du tarif de Columbia comportant une mention relative à des σώµατα λαϊκὰ ἐλεύθερα, « débiteurs asservis » ou « esclaves donnés en gage d’une dette » selon le sens que l’on donnera à cette formule.41 C’est aussi le cas des diagrammata fixant, à propos de la vente aux enchères de biens confisqués, des délais relatifs aux droits des personnes privées dont les intérêts $

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P. Tebt. iii 700, l. 22–55 (= C. Ord. Ptol. 50, entre 131 et 125 av. n. è.), l. 31–34. $

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Les exemples que l’on vient de citer n’épuisent pas la documentation disponible. Pour une enquête plus détaillée on se reportera à l’index des sujets du C. Ord. Ptol. 38

Exemples : P. Amh. ii 33 (= C. Ord. Ptol. 23, 259 av. n. è.), défense de plaider contre le fisc ; P. Hib. 198 verso, col. xi, l. 232a–245 (= C. Ord. Ptol. 26, 242 av. n. è.), juridictions spéciales ; P. Tebt. i 7 (= C. Ord. Ptol. 61, 114 av. n. è.), compétence exclusive du diœcète pour juger les agents de son ressort. $

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Exemples : P. Mich. Zen. 70 (= C. Ord. Ptol. 27, 237 av. n. è.), responsabilité des cautions garantissant la comparution en justice ; SB i 5675 (= C. Ord. Ptol. 30–31, 184/183 av. n. è.), répression de l’arbitraire en matière de procédure ; P. Tebt. i 5 (= C. Ord. Ptol. 53, 118 av. n. è.), l. 207–220, répartition des compétences entre chrématistes et laocrites ; l. 221–230 et 231–247, protection de certains biens contre l’exécution forcée ; l. 255–264, répression des arrestations arbitraires ; P. Tor. 1 (= MChr. 31 = UPZ 162, 117 av. n. è.), col. iv, l. 30–31, col. vii, l. 22–23 (cf. C. Ord. Ptol. Al. 72), ordonnances « sur les délais » (voir ci-dessous, § 5, n. 23) $

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Ci-dessus, n. 14–18.

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C. Ptol. Sklav. i 5 (= Sel. Pap. ii 205, ci-dessus, n. 18, i. f.), l. 23–26. Sur les hypothèses avancées pour l’interprétation de ces lignes, voir notre étude précitée, « Servitude pour dette » (ci-dessus, n. 34), p. 83 et suiv. Voir aussi le P. Hib. 29 (ci-dessus, n. 18) et les références au diagramma (l. 11–12) et aux diagrammata (l. 36–37) dans la loi de Ptolémaïs (ou de Naukratis ?) concernant la responsabilité noxale, P. Lille 29 (= MChr. 369, iiie s. av. n. è.) ; cf. ci-dessous, § 5, n. 14. $

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sont impliqués dans ces opérations.42 Mais d’autres diagrammata posent des normes qui s’attachent de manière directe au procès et au droit privé. On doit mentionner à ce propos, en premier lieu, le grand « diagramma judiciaire », pièce maîtresse du système reconstitué par H. J. Wolff,43 qui passe pour avoir établi, sous le règne de Ptolémée ii Philadelphe, l’organisation des tribunaux et les règles de procédure,44 ainsi que les modalités de l’exécution forcée à laquelle se réfèrent les clauses exécutoires dans les documents du iiie siècle avant n. è. et du début du iie.45 Le diagramma est $

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P. Eleph. 14 (= WChr. 340 = Jur. Pap. 57, 223/222 av. n. è.), l. 27 ; P. Eleph. 27a (223/222 av. n. è.), l. 19 ; P. Ent. 61 (début du règne d’Évergète ier), l. 11. Dans le premier texte, la référence au diagramma est faite à propos du délai après lequel les biens mis en vente sont déclarés non vendus ; dans les deux autres, il s’agit d’un délai de 60 jours dans lequel les anciens possesseurs d’un bien vendu par le fisc sont autorisés à profiter de l’ἐπίλυσις, c’est-à-dire à recouvrer ce bien à condition d’éteindre la dette qui a suscité la mise aux enchères. Voir M. Talamanca, Contributi allo studio delle vendite all’asta nel mondo classico, Rome 1954 (Mem. Acc. dei Lincei, Sc. mor., stor. e filol., ser. viii, vol. vi, fasc. 2), p. 71 et suiv., p. 82 et suiv. $

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Ci-dessous, § 13.

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Il s’agit de textes des iiie et iie siècles av. n. è. dont on a pensé qu’ils pourraient contenir des extraits de ce diagramma (invoqué au singulier !) ou y faire allusion. Extraits : P. Gur. 2 = CPJud. 19 (226 av. n. è.), l. 40–45 ; SB 10494 (iiie s. av. n. è.) ; P. Hal. 1 (iiie s. av. n. è.), l. 24–78 et 115–123 ; O. Bodl. 277 (fin du iie s. av. n. è.) ; P. Hamb. 168a (iiie s. av. n. è.). Allusions : P. Petrie ii 21 (b) (c) (a) (= iii 24 (b) (c) (d) = MChr. 28, iiie s. av. n. è.), l. 29–31 ; P. Ent. 63 (règne d’Évergète ier ou de Philopator), l. 9, et les références à la πρᾶξις κατὰ τὸ διάγραµµα citées à la note suivante. D’autres diagrammata (?) concernent les juridictions spéciales : P. Hal. 1 (iiie s. av. n. è.), l. 124–165 ; P. Petrie iii 36 (a) verso (= MChr. 5, iiie s. av. n. è.), l. 11–19 ; P. Hib.198 (242 av. n. è.), l. 241, et fixent le délai de comparution devant les chrématistes à Alexandrie accordé aux défendeurs habitant la chôra : P. Petrie iii 25 (= MChr. 30, iie s. av. n. è.), l. 17 et 51. Allusions aux diagrammata (au pluriel) en matière judiciaire : SB i 5675 (184/183 av. n. è.), l. 10, et P. Tebt. 5 (= C. Ord. Ptol. 53, 118 av. n. è.), l. 264 (cf. ci-dessus, n. 21). $

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Πρᾶξις κατὰ τὸ διάγραµµα : P. Hib. 88 (263/262 av. n. è.), l. 14 ; P. Hib. 92c (= MChr. 23, 263/262 av. n. è.), l. 22 ; P. Cairo Zen. iii 59340 (247 av. n. è.), l. 16 ; P. Mich. Zen. 71 (règne d’Évergète ier), l. 8 ; P. Hib. 91 (244/243 ou 219/218 av. n. è.), l. 13 ; P. Hib. 89 (239/238 av. n. è.), l. 18 ; P. Hib. 90 (223/222 av. n. è.), l. 16 et 18 ; BGU 1273 (222/221 av. n. è.), l. 32 = l. 78/ 79 ; BGU 1274 (218/217 av. n. è.), l. 14 ; BGU 1262 (216/215 av. n. è.), l. 15 ; SB 6303 (216/215 av. n. è.), l. 20 ; P. Hamb. 26 (215 av. n. è.), l. 3 (= 189, l. 22) ; BGU 1264 (215/214 av. n. è.), l. 25 (= P. Frankf. 2, l. 28 et 73) ; BGU 1275 (215/214 av. n. è.), l. 19–20 ; BGU 1277 (215/214 av. n. è.), l. 13 ; BGU 1278 (215/214 av. n. è.), l. 12 (= l. 30) ; P. Grad. 10 (= SB 6283, 215/214 av. n. è.) a, l. 20, b, l. 4 et 26 ; BGU 1265 (214/213 av. n. è.), l. 21 ; P. Frankf. 1 (214/213 av. n. è.), l. 25 = 77–78 et 49 = 105 : P. Hamb. 190 (règne de Philopator), l. 12 ; BGU 1267 (iiie s. av. n. è.), l. 15–16 ; $

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également utilisé par le roi pour légiférer sur le fond du droit privé en diverses matières : le taux des intérêts dans les contrats de prêt,46 la responsabilité du propriétaire pour les dommages causés par le bétail aux biens d’un tiers,47 l’occupation illicite du sol d’autrui et la construction sur ce sol,48 les hypothèques,49 les testaments.50 $

BGU 1279 (iiie s. av. n. è.), l. 10 ; P. Freib. iii 34 (174/173 av. n. è), l. 32. Formules qui font appel aux diagramnata et aux nomoi (cf. ci-dessous, § 14, n. 23), τὰ διαγράµµατα καὶ τοὺς νόµους : P. Gur. 7 (vers 212 av. n. è.), l. 14–15 ; [... κατὰ τὰ διαγράµµα]τα : P. Cairo Zen. 59668 (règne de Philadelphe ou d’Évergète ier), l. 5 ; κατὰ τοὺς νόµους κα[ὶ τὸ διάγράµµα] : PSI 389 (243/242 av. n. è.), l. 7 ; κατὰ τὸ διάγραµµα καὶ τοὺς νόµους : P. Amh. 43 (173 av. n. è.), l. 14. Autres références à la πρᾶξις κατὰ τὸ διάγραµµα : P. Hib. 34 (= MChr. 34), l. 7 et 11, et P. Hib. 73, l. 11–12 (les deux de 244/243 av. n. è.) ; P. Hal. 1 (iiie s. av. n. è.), l. 165. $

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P. Col. iv 83 (fin de 245 ou début de 244 av. n. è.), l. 15–16 ; sans doute aussi P. Mich. Zen. 68 (242 ou 241 av. n. è.), l. 1–2 : τόκωι τῶι παρὰ [τὸ διάγραµµα], selon la restitution des éditeurs des P. Col. iv, p. 85 (cf. BL iii, p. 116). Les dispositions de cette loi, qui fixait à 24% le taux annuel des intérêts prévus dans les prêts privés, sont invoquées dans les documents ptolémaïques postérieurs : O. Caire 9518 (124 av. n. è.), l. 14 (éd. Claire Préaux, « Prêt de blé et d’argent de Pathyris », CdÉ 25 [1950], p. 277–282) ; SB 7169 (milieu du iie s. av. n. è.), l. 16. C’est au même diagramma que se réfèrent encore, mais seulement pour les intérêts moratoires, les contrats alexandrins d’époque augustéenne, échelonnés entre 24 et 5 av. n. è., qu’on peut lire dans le vol. iv des BGU : 1161, l. 22 ; 1146, l. 21 ; 1162, l. 9 ; 1156, l. 21 ; 1147, l. 19 ; 1115, l. 32 ; 1055 (= MChr. 104), l. 33 ; 1054, l. 11 ; 1053 (= MChr. 105), l. 38 ; 1150, l. 21 ; 1151, l. 15 et 37 ; 1167, l. 57 ; 1170, l. 10 ; 1172, l. 12 ; 1145, l. 13 et 38. Voir à ce propos J. Herrmann, « Zinssatze und Zinsgeschäfte im Rechte der gräko-agyptischen Papyri », JJurP 14 (1962), p. 23–31 (= Kleine Schriften, Munich 1990, p. 212–220), partic. p. 24 et suiv. ; H. E. Finck, Das Zinsrecht der gräko-ägyptischen Papyri, Erlangen 1962, p. 42 et suiv. ; H. A. Rupprecht, Untersuchungen zum Darlehen im Recht der gräko-ägyptischen Papyri, Munich 1967 (Münch. Beitr. 51), p. 74. $

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P. Petr. iii 26 (milieu du iiie s. av. n. è.), d’après le texte établi et commenté par Marie-Thérèse Lenger dans Studi in onore di U. E. Paoli, Florence 1955, p. 459–467 ; cf. M. Jager & M. Reinsma, « Ein mißverstandenes Gesetz aus ptolemäischer Zeit », [dans :] Studia Papyrologica Varia, Leyde 1965, p. 114–115. À comparer avec l’édit du préfet d’Égypte Titius Honoratus dans P. Oxy. 2704 (292 de n. è.) : voir mon art. « Ulpien et la nature des animaux », [dans :] La filosofia greca e il diritto romano. Colloquio italo-francese, Roma, 14–17 aprile 1973 (Accademia Nazionale dei Lincei, a. 373, q. 221, t. 1), Rome 1976, p. 177–199 (= Droit impérial, n° v). $

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P. Tebt. 780 (171 av. n. è.), l. 12–14 ; P. Tor. 3 (= UPZ 170a = b, 127–126 av. n. è.), l. 43–44. Cf. R. Taubenschlag, « Der Schutz der Rechtsverhältnisse an Liegenschaften im gräko-ägyptischen Recht », ZRG RA 55 (1935), p. 278–288 (= Opera minora ii, p. 381–396), partic. p. 386 et suiv. et 388 ; idem, « La costruzione sul terreno proprio e sul terreno altrui », Aegyptus 32 (1952), p. 453–456 (= Opera minora ii, p. 400–404, partic. p. 402 et suiv.). $

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Dans l’état fragmentaire de notre documentation, il n’est pas aisé d’établir des liens précis entre ces divers textes qui font allusion à un diagramma royal ou comportent des extraits d’actes législatifs de ce type à propos du procès et du droit privé. En particulier, la question reste ouverte de savoir s’il faut y voir autant de traces de diagrammata distincts ou bien si l’on peut, comme le suggère Hans J. Wolff,51 rattacher ces références à un seul « diagramma judiciaire », dont l’existence, quoique fort probable, demeure elle-même hypothétique.52 Il n’est pas facile non plus de mesurer l’ampleur exacte de cette législation. Il semble bien que les diagrammata royaux aient considérablement contribué à la formation du droit privé en Égypte au iiie siècle avant n. è. Les déficiences de la législation royale en cette matière n’en sont pas moins sensibles. Le roi lui-même en est conscient, comme le montre, pour cette même époque, l’extrait du texte relatif à la juridiction des dicastères dans lequel se trouve posé explicitement le problème des lacunes de la loi.53 Guidé avant tout par des préoccupations d’ordre fiscal et administratif, le législateur royal – comme, plus tard, les empereurs et les préfets dans l’Égypte romaine54 – ne cherche pas à imposer au droit privé le poids de son pouvoir législatif. Ses initiatives dans ce domaine consistent surtout dans un effort d’organisation et de coordination qui porte sur les modalités d’exercice de la sanction judiciaire plus que sur le fond. Nous aurons encore à revenir sur ce trait caractéristique de la législation des Lagides.55 Contentons-nous pour l’instant d’enregistrer un premier résultat de l’enquête. $

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P. Ent. 14 (223/222 av. n. è.), l. 4 ; P. Ent. 15 (219/218 av. n. è.), l. 12 ; P. Tebt. 817 (= CPJud. 23, 182 av. n. è.), l. 20 ; peut-être P. Tebt. 970 (début du iie s. av. n. è.), l. 16 (conjecture). Cf. E. Schönbauer, AfP 12 (1937), p. 207–208. $

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P. Ent. 16 (221 av. n. è.), l. 8. $

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Wolff, « Plurality », p. 207.

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Cf. ci-dessous, § 13.

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P. Gur. 2 (= CPJud. 19, 226 av. n. è.), l. 40–45 ; cf. ci-dessous, § 14.

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Ci-dessous, §§ 20 et 22.

55

Ci-dessous, §§ 13 et 15.

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On constate que, loin être la source unique du droit privé dans la monarchie lagide, la législation royale n’en est même pas la source principale. Sans doute l’apport des diagrammata, on vient de le voir, n’est-il pas négligeable. Mais il reste limité à une période relativement restreinte, sinon à un règne. Plusieurs dispositions contenues dans les actes législatifs de ce type et concernant le droit privé, de manière directe ou par le biais de la procédure, remontent en effet au iiie siècle et paraissent imputables à Ptolémée ii Philadelphe.56 Le dénombrement proposé plus haut l’indiquait déjà ; les références aux diagrammata dans les documents des iie et ier siècles se reportent en effet, dans la majeure partie des cas, à une législation antérieure.57 Il semble bien qu’il y ait eu, sous Ptolémée Philadelphe, un vaste mouvement législatif utilisant le diagramma comme outil normatif.58 Les successeurs de Philadelphe semblent au contraire avoir renoncé à légiférer sur le droit privé en même temps qu’ils paraissent avoir abandonné le diagramma, « loi organique », au profit du prostagma, ordonnance $

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Dispositions concernant les tribunaux et le procès : voir les sources citées ci-dessus, n. 44 ; première mention de la πρᾶξις κατὰ τὸ διάγραµµα : P. Hib. 88 (263/262 av. n. è.) ; taux des intérêts : P. Col. iv 83, l. 15 (ci-dessus, n. 44), daté du début du règne de Ptolémée iii Évergète ier, mais concernant une réglementation qui remonte à Ptolémée ii (sic déjà, et avec raison à notre avis, A. Segrè, « Il mutuo e il tasso d’interesse nell’Egitto greco-romano », Atene e Roma n.s. 5 [1924], p. 119–136, partic. p. 126), comme pourrait l’indiquer l’expression τόκων ἐννόµων dans P. Cairo Zen. iii 59341a, l. 15, daté de la fin du règne de ce roi (247 av. n. è.) ; peut-être aussi les dispositions relatives à l’emprisonnement illicite auxquelles fait allusion le même texte, l. 16, si on les attribue avec Wolff (« Plurality », p. 207, n. 4) à un diagramma royal (cf. notre article « Servitude pour dette » [ci-dessus, n. 34], p. 84, n. 2), ainsi que les dispositions relatives aux dommages causés par le bétail (ci-dessus, n. 47) et celles qui concernent les hypothèques (ci-dessus, n. 49). $

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Voir les sources relatives à la πρᾶξις κατὰ τὸ διάγραµµα et aux intérêts dans les contrats privés, ci-dessus, n. 43 et 44. 58

Nous l’avons déjà souligné dans notre article « Zum Justizwesen », p. 70 et suiv. Dans sa thèse mentionnée plus haut (n. 23), B. J. Müller n’attribue à Ptolémée Philadelphe que les diagrammata d’intérêt financier et administratif (P. Hib. 29 et P. Rev. Laws, ci-dessus, n. 19 et 20), le diagramma sur la police du Nil (P. Hib. 198 r°, col. iii, l. 85 et suiv. ; ci-dessus, n. 23) et les dispositions procédurales dans le P. Hal. 1, l. 24–78 et 124–165 (ci-dessus, n. 42); mais sa prudence nous paraît excessive, en particulier son attitude critique à propos du « diagramma judiciaire » (op. cit., p. 132–135; cf. ci-dessous, § 13). $

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de caractère contingent. Les dispositions des diagrammata du iiie siècle restent en vigueur et continuent à être appliquées ou invoquées, encore que le système judiciaire dans le cadre duquel elles étaient appelées à fonctionner s’effrite dès le règne de Ptolémée iii Évergète ier.59 Le droit ptolémaïque devient désormais moins « royal » qu’il ne le paraissait à première vue et qu’il ne l’était peut-être effectivement sous le règne de Ptolémée ii Philadelphe. Ľimpulsion donnée par ce roi à l’organisation de la justice et du droit privé n’aura pas eu de prolongements notables dans l’activité de ses successeurs. En définitive, la législation royale des Lagides ne joue, dans le temps et quant au fond, qu’un rôle relativement limité pour la formation du droit privé de l’Égypte ptolémaïque. D’autres sources l’alimentent : traditions égyptiennes ayant survécu à la conquête macédonienne, activité législative des cités grecques, pratiques des immigrants établis dans la chôra. La volonté des rois peut bien les avoir marquées de son empreinte, fixant les conditions de maintien du droit égyptien, intervenant dans l’élaboration des nomoi des cités, modifiant le cours de la pratique suivie par les nouveaux venus. Mais ces trois groupes de règles juridiques n’en sont pas moins, dans la formation du droit ptolémaïque, des facteurs de formation du droit qui ne se confondent pas avec la loi royale. Chacun d’eux mérite de retenir notre attention. $

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À la différence des peuples du Proche-Orient ancien, l’Égypte pharaonique ne nous a laissé que peu de documents qui puissent témoigner clairement de l’activité législative des rois dans le domaine du droit privé.1 59

Ci-dessous, § 13.

1

La matière traitée ici fut reprise dans mon article « “Livres sacrés” et justice lagide », Acta Universitatis Lodziensis, Folia Juridica 21 (Symbolae C. Kunderewicz), Łódź 1986, p. 11–44 (= Droit et justice, chap. 7). $

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On connaît l’ampleur des codifications conservées par les sources cunéiformes : le Code d’Ur-Nammu, les Lois d’Eshnunna, le Code de Lipit-Ishtar, le Code de Hammourabi, les Lois Assyriennes et d’autres fragments de caractère législatif moins bien transmis ou moins importants.2 On ne trouve rien de comparable dans les documents égyptiens d’époque pharaonique avant la restauration saïte. S’agit-il d’un désaccord entre la réalité historique et l’état des trouvailles ou faut-il admettre, sur ce point, une différence foncière entre les droits cunéiformes, objet de codifications multiples, et le droit égyptien abandonné apparemment à une évolution purement coutumière ? Les avis des spécialistes divergent3 et on ne saurait ici prendre parti dans leurs $

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2

Pour une première orientation, je rappelle ici la bibliographie de G. Cardascia (avec la collaboration de J. Klíma), Droits cunéiformes, Bruxelles 1966 (Introduction bibliographique à l’histoire du droit et à l’ethnologie juridique sous la dir. de J. Gilissen, a/2). Parmi les publications postérieures, on retiendra : les éditions du Code d’Ur-Nammu, par E. Szlechter (« Les lois summériennes. i. Le Code d’Ur-Nammu », SDHI 46 [1980], p. 431–465) ; des Lois d’Eshnunna, par R. Yaron (The Laws of Eshunna, Jérusalem 1969 ; 2e éd. 1988) et par E. Szlechter (« Les lois d’Eshnunna », RIDA, 3e sér., 25 [1978], p. 109–219) ; du Code Hammourabi, par E. Szlechter (« Codex Hamurapi », Rome 1977, Studia et Documenta 3 = SDHI 40 [1974], p. 329–400, et 42 [1976], p. 303–400) et par A. Finet (Le Code de Hammurapi, Paris 1973 ; version française sans la transcription du texte akkadien) ; l’édition française du fragment des lois néo-babyloniennes, par E. Szlechter (« Les lois Néo-Babyloniennes », RIDA, 3e sér., 18 [1971], p. 43–107 ; 19 [1972], p. 43–127 ; 20 [1973], p. 43–50) ; la traduction commentée, avec une ample introduction, des Lois Assyriennes, par G. Cardascia (Les lois assyriennes, Paris 1969) ; pour les lois Hittites, R. Haase, Hethitisches Recht, Bruxelles 1967 (Introduction bibliographique à l’histoire du droit et à l’ethnologie juridique, sous la dir. de J. Gilissen, a/3) ; du même auteur, utile présentation des sources législatives cunéiformes en version allemande : R. Haase, Die keilschriftlichen Rechtssammlungen, Wiesbaden 1963 (2e éd. révisée et augmentée 1979) ; sur les notions de « loi » et de « code » à propos de ces sources, voir E. Szlechter, « Les anciennes codifications en Mésopotamie », RIDA, 3e sér., 4 (1957), p. 72–92 ; idem, « La “loi” dans la Mésopotamie ancienne », RIDA, 3e sér., 12 (1965), p. 55–77 ; idem, « La notion de loi dans la Mésopotamie ancienne », Travaux et recherches de l’Institut de Droit Comparé de l’Univ. de Paris 30 (1966), p. 8–16 ; G. Cardascia, « La codification en Assyrie », RIDA, 3e sér., 4 (1957), p. 53–71 ; idem, « La transmission des sources juridiques cunéiformes », RIDA, 3e sér., 7 (1960), p. 31–50, et idem, Les lois assyriennes, p. 17 et suiv. $

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3

Voir Seidl, Einführung, p. 19 et suiv. ; idem, Äg. Rg., p. 1–2 ; pour une orientation bibliographique : J. Pirenne & A. Théodoridès, Droit égyptien, Bruxelles 1966 (Introduction bibliographique à l’histoire du droit et à l’ethnologie juridique a/1), p. 43 et suiv., à qui nous $

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savantes controverses.4 Du moins convient-il de rappeler les principaux témoignages qui révèlent les traces de lois égyptiennes pour essayer de mesurer leur rôle dans la formation du droit ptolémaïque. À en croire Diodore de Sicile, il y aurait eu en Égypte des lois qu’une antique tradition, recueillie par cet historien, faisait remonter à Ménès, fondateur de la première dynastie.5 Si rien ne subsiste de la législation attribuée à Ménès, les « décrets royaux » trouvés à Dahshour, à Abydos et à Koptos conservent, pour l’Ancien Empire, des actes par lesquels ses $

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empruntons quelques-unes des références qui sont données dans les notes suivantes à propos des sources législatives égyptiennes à l’époque pharaonique. Voir à présent Sandra Lippert, Einführung in die ägyptische Rechtsgeschichte, Berlin 2012 (2e éd.). 4

Ainsi pour le savant russe I. M. Lourié, « Sur l’histoire du droit égyptien à l’époque du Nouvel Empire » (en russe), VDI 17.3 (1946), p. 29–45, les prétendues lois égyptiennes ne seraient que des « recueils de sentences visant des cas d’espèce » ; opinion plus nuancée du même auteur dans ses Studien zum altägyptischen Recht des 16. bis 10. Jahrhunderts v. u. Z. (version allemande, par H. Bente & J. Raecke, sous la direction de Sch. Allam, d’un ouvrage paru en russe à Leningrad en 1960), Weimar 1981, p. 126 et suiv. : idem, « Zur Geschichte der altägyptischen Gesetzgebung ». D’après J. A. Wilson, The Burden of Egypt, Chicago 1951 (trad. franc. par E. Julia, ĽÉgypte, vie et mort d’une civilisation, Paris 1961), il n’y aurait pas eu en Égypte de lois proprement dites en dehors des ordonnances royales nées d’une situation singulière ; la justice rendue par le vizir l’eût été selon un droit coutumier conçu comme l’expression de la volonté du pharaon (p. 172 de l’édition anglaise). En revanche l’existence, depuis l’Ancien Empire, des lois écrites est admise par Seidl, Einführung, p. 19 ; la même idée est défendue avec force par A. Théodoridès, « À propos de la loi dans l’Égypte pharaonique », RIDA, 3e sér., 14 (1967), p. 107–152 ; elle est contestée par Bernadette Menu & I. Harari, RHD 46 (1968), p. 526–527 : selon Menu, traduire le terme hp par « loi », comme le suggère le savant belge, serait conférer une signification trop restrictive à ce mot qui désigne plutôt « l’état du droit » ; elle opte par conséquent en faveur de la doctrine, traditionnellement admise, d’un système juridique reposant essentiellement sur un droit coutumier. Nouvelles prises de position en faveur de la loi pharaonique : Sch. Allam, « Le droit égyptien ancien. État de recherches et perspectives », ZÄS 105 (1978), p. 1–6, et en allemand : « Altägyptisches Recht (Forschungsstand – Perspektiven) », [dans :] Acts of the first International Congress of Egyptology, Berlin 1979, p. 61–65 ; cf. J.-M. Kruchten, Le décret d’Horemheb. Traduction, commentaire épigraphique, philologique et institutionnel, Bruxelles 1981 (c. r. de P. Vernus, RHD 51 [1983], p. 73–78). $

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Diodore de Sicile, Bibl. hist. i 94. Voir A. Burton, Diodorus Siculus, Book 1 : A Commentary, Leyde 1972 (EPRO xxix), p. 272–274 ; Bernadette Menu, « Les six pharaons législateurs d’après Diodore de Sicile », RHD 83 (2005), p. 635–646. Voir aussi Bibliothèque historique, 1. Introduction générale, par Fr. Chamoux & P. Bertrac, Paris 1972 (rééd. 2002). $

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successeurs réglaient des questions relatives à la fiscalité, à l’administration et au régime des terres ; des actes analogues se retrouvent sous les pharaons postérieurs, jusqu’à la fin du Nouvel Empire.6 Ce sont des chartes qui octroient l’immunité fiscale aux temples et aux fondations funéraires, des cérémonials concernant l’installation du vizir et précisant les attributions de celui-ci, des ordonnances portant nomination de gouverneurs ou destituant tel prince local. Il s’agit donc de mesures d’ordre administratif ayant trait à l’organisation du royaume et à la gestion de l’économie royale.7 À côté de ces actes, qui n’intéressent pas de manière directe la vie juridique des habitants, deux indices, appartenant à l’époque de la xviiie dynastie, militent en faveur d’une activité législative des pharaons dans ce domaine. Ľun d’eux nous est fourni par une stèle du temple de Karnak qui conserve un « décret pénal » du roi Horemheb, dernier pharaon de la xviiie dynastie (1345–1318 avant n. è.). Le texte, dont le style casuistique suggère des comparaisons avec les « codes » mésopotamiens, comporte des dispositions réprimant des abus commis à l’occasion des réquisitions ordonnées par le roi et de la perception des impôts. Il reste, pour toute la période ancienne, l’unique texte de loi à proprement parler qui nous soit transmis de manière directe par les sources égyptiennes.8 Le second témoignage, antérieur d’un siècle au précédent, est plus impressionnant. Il s’agit d’un bas-relief dans la tombe de Rekhmiré, vizir $

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Textes dans K. Sethe, Urkunden des Alten Reichs, Leipzig 1932 (2e éd.) ; cf. R. Weil, Les décrets royaux dans l’Ancien Empire égyptien, Paris 1912 ; voir aussi J. Pirenne, Histoire des institutions et du droit privé de l’ancienne Égypte ii, Bruxelles 1934, p. 233–269, qui donne les textes dans une version française empruntée à A. Moret, « Chartes d’immunité dans l’Ancien Empire égyptien », Journ. Asiat., 10e sér., 20 (1912), p. 77–113 ; 11e sér., 9 (1916), p. 271–341 ; 11e sér., 10 (1917), p. 359–447. $

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7

Pour les détails, voir Pirenne & Théodoridès, Droit égyptien (ci-dessus, n. 3), p. 44–47. Cf. Seidl, Einführung, p. 20–21. $

8

Texte, traduction en allemand et commentaire dans W. Helck, « Das Dekret des Königs Horemheb », ZÄS 80 (1955), p. 109–136 ; édition française : Kruchten, Le décret d’Horemheb (ci-dessus, n. 4). Cf. Seidl, Einführung, p. 20 ; A. PolaČek, « Le décret d’Horemheb à Karnak. Essai d’analyse socio-juridique », [dans :] Le droit égyptien ancien, Bruxelles 1976, p. 87–111. $

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de la Haute-Égypte sous Thoutmosis iii (vers 1502–1448).9 Le grand officier de la Couronne est représente siégeant pro tribunali ; devant lui se trouvent quatre tables avec dix objets de cuir posés sur chacune d’elles.10 D’après les « instructions du pharaon au vizir », trouvées dans la même tombe, ces quarante sheshemou contiendraient des textes de lois que le vizir devait avoir devant lui au moment de rendre justice.11 Il serait tentant de voir là une grande codification, dont l’initiative reviendrait aux pharaons thébains, créateurs de la puissance du Nouvel Empire (mais l’origine des « instructions » n’est pas certaine).12 Ľœuvre aurait été durable : Diodore de Sicile rapporte que dans les tribunaux égyptiens les lois se trouvaient placées devant les juges, formant un recueil en huit volumes.13 On a rapproché les quarante sheshemou de Rekhmiré des huit rouleaux de Diodore, en supposant une édition en quarante « fascicules » d’un code classé originairement en huit « sections » ; cette distribution aurait été destinée à rendre plus facile le maniement du recueil et la consultation simultanée de plusieurs prescriptions de celui-ci. Hypothèse séduisante, mais fragile.14 Le terme sheshemou peut certes s’appliquer $

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9

Texte dans K. Sethe, Urkunden der 18. Dynastie, Leipzig 1906, t. iv, p. 1104, l. 7. Traduction anglaise dans J. H. Breasted, Ancient Records of Egypt iii, Chicago 1906, p. 663–672. $

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10

Nombreuses reproductions ; voir, p. ex., « Le tombeau de Rehmara », [dans :] Mémoires de la Mission archéologique française au Caire 5 (1889), pl. iii, et dans J. Capart, Thèbes, Bruxelles 1925, p. 157 ; N. de Garis Davies, The Tomb of Rekhmire at Thebes, New York 1947 (réimpr. 1973). Cf. Seidl, Einführung, p. 19. $

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11

Instructions du Vizir, p. 4–20 ; texte dans l’article de Théodoridès, « À propos de la loi » (ci-dessus, n. 4), p. 148–150 ; cf. de Garis Davies, The Tomb (ci-dessus, n. 10), i, p. 86–88 ; ii, pl. xiv–xv. $

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Voir Seidl, Einführung, p. 21.

13

Diodore de Sicile, Bibl. hist. i 75. Cf. Arangio-Ruiz, « Codification », p. 30. $

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14

Le rapprochement est fait par Seidl, Einführung, p. 19, avec beaucoup de circonspection. Ľhypothèse qui tend à identifier les huit rouleaux de Diodore aux quarante rouleaux de Rekhmiré et qui aboutit à la theorie des « deux éditions » est développée par Arangio-Ruiz, « Codification », p. 30–31. Elle s’autorise de la constatation que « quarante n’est pas huit, mais tout de même quarante est un multiple de huit », ce qui aux yeux du savant italien montrerait, au point de vue arithmétique, la supériorité du système égyptien sur celui du Digeste de Justinien comportant sept parties distribuées en 50 livres. Cette hypothèse risque cependant d’impliquer un contresens chronologique : si Diodore, qui se fonde ici sur Hécatée d’Abdère, rapporte un état de fait postérieur au xve siècle av. n. è., la « version $

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à des rouleaux, mais il pourrait s’agir de listes à caractère fiscal, et non pas de textes légaux.15 Ce même terme pourrait désigner également des fouets, insignes plausibles du pouvoir judiciaire.16 Le débat n’est pas tranché. Il faut attendre la fin du Nouvel Empire, la restauration saïte et la domination perse pour que l’effort législatif des souverains d’Égypte se manifeste dans nos sources d’une manière plus facilement saisissable pour l’historien. Ici encore, Diodore de Sicile reste notre principale source d’information à propos de la législation qu’il attribue à Bocchoris, à Amasis et à Darius.17 Mais à la différence de ce que l’historien dit sur les lois des pharaons antérieurs, le récit de Diodore peut, pour ces trois souverains, être confronté avec des documents qui tendent à le confirmer. Ainsi, pour Bocchoris, une enteuxis de Magdôla semble attester le maintien, sous les Lagides, d’une disposition remontant à ce roi d’après laquelle le créancier incapable de produire une preuve écrite du prêt dont il réclamait le remboursement était réduit à exiger qu’un serment soit imposé au débiteur sans pouvoir lui-même utiliser le même moyen pour prouver son droit.18 Un texte démotique d’époque ptolémaïque, conservé perfectionnée » en 40 fascicules précéderait paradoxalement l’« édition originelle » en 8 volumes. Si donc, comme le souligne le regretté maître italien, « la correspondance entre le monument pharaonique et l’exposé de Diodore est indéniable » (p. 31), les conclusions tirées de ce rapprochement restent sujettes à caution. $

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Dans le même sens J. Hengstl & O. Witthuhn, « Das Grab des Rechmire und die altägyptische Gesetzgebung », ZRG RA 120 (2003), p. 166–173. $

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16

Bernadette Menu, RHD 56 (1978), p. 478, résumant une étude de G. Posener, « Les quarante rouleaux de lois », Göttinger Miszellen 25 (1977), p. 63–66. Avant lui, dans le même sens, de Garis Davies, The Tomb (ci-dessus, n. 10), i, p. 31–32, et d’autres auteurs cités par Théodoridès, « À propos de loi » (ci-dessus, n. 4), p. 135, n. 105. $

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Diodore de Sicile, Bibl. hist. i 94, 5 à 95.

18

P. Ent. 46 (221 av. n. è.). Cf. Arangio-Ruiz, « Codification », p. 31 et n. 8, qui renvoie à E. Seidl, Der Eid im ptolemäischen Recht, Munich 1929, p. 68. Ľ abolition de l’exécution sur la personne du débiteur, attribuée à Bocchoris par Diodore (i 79), pourrait avoir eu des prolongements dans la législation lagide où elle rejoignait une tradition grecque remontant à Solon (, Constitution d’Athènes 6, 1 ; 9, 1 ; Plutarque, Solon 15, 2 = E. Ruschenbusch, Solonos Nomoi, Wiesbaden 1966, fr. 69a–c) ; cf. notre étude « Servitude pour dette ou legs de créance ? Note sur CPJud. 126 », Rech. Pap. 2 (1962) (= Un peuple de philosophes, chap. 8), p. 79 et suiv. Ľhypothèse de M. A. Levi, Commento storico alla Respublica Atheniensium di Aristotele, Milan 1968, p. 81–85, selon qui l’interdiction de δανείζειν ἐπὶ $

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à Giessen, mentionne une loi d’Amasis datant probablement d’environ 540 avant n. è. : nous avons là un témoignage qui certifie l’information fournie par Diodore à propos de l’activité législative de ce roi et qui montre que cette législation avait, au moins partiellement, survécu à la conquête macédonienne.19 Un autre document démotique d’époque ptolémaïque corrobore ce renseignement de l’historien grec pour le dernier pharaon saïte et confirme en même temps celui que Diodore nous donne au sujet de la législation de Darius ier, deuxième souverain perse d’Égypte.20 Il s’agit d’un texte de la Bibliothèque Nationale de Paris, conservé au verso d’un papyrus connu sous le nom de « Chronique démotique ».21 En l’an 3 de son règne (519 avant n. è.), Darius aurait donné à son satrape d’Égypte l’ordre de réunir une commission composée de « sages » pris parmi les guerriers, les prêtres et les scribes égyptiens « pour qu’ils écrivent le droit de l’Égypte qui était auparavant en vigueur jusqu’à la 44ème année d’Amasis ». Étant donné qu’Amasis avait régné pendant quarante-quatre ans (568–526 avant n. è.), le projet de Darius aurait été de codifier tout le droit égyptien $

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τοῖς σώµασιν ne concernerait pas le prêt sur le gage de la personne du débiteur, mais une forme archaïque de travail forcé, ne s’est pas imposée. La législation de Bocchoris reste toutefois mystérieuse à bien des égards : voir Seidl, Einführung, p. 62, et Äg. Rg., p. 84 ; T. Markiewicz, « Bocchoris the Lawgiver – or was he really ? », Journal of Egyptian History 1 (2008), p. 309–330. $

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19

P. bibl. univ. Giss. inv. 101, décrit par E. Seidl, Das Giessener Fragment einer demotischen Zivilprozessordnung, Giessen 1963 (Kurzberichte aus den Giessener Papyrusammlungen 16) et publié par Sandra L. Lippert, « Die sogenannte Zivilprozessordnung : weitere Fragmente der ägyptischen Gesetzessammlung », JJurP 33 (2003), p. 91–135. $

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20

Diodore, Bibl. hist. i 94, 5.

21

P. dém. Paris Bibl. Nat. 215 (iiie ou iie s. av. n. è.), verso, col. c, l. 8–16 ; voir W. Spiegelberg, Die sogenannte demotische Chronik des Pap. 215 der Bibliothèque Nationale zu Paris, Leipzig 1914 (où l’on trouvera le texte, p. 30–32) ; voir aussi Ed. Meyer, « Ägyptische Dokumente aus der Perserzeit », Sitz.-Ber. d. Preuss. Akad. d. Wiss., philol.-hist. Kl., Berlin 1915, p. 287–311 ; N. J. Reich, « The codification of the Egyptian Laws by Darius and the origin of the “Demotic Chronicle” », Mizraim 1 (1933), p. 177–185 ; E. Drioton & J. Vandier, ĽÉgypte, Paris 1952 (3e éd.), p. 52 ; Seidl, Äg. Rg., p. 1–2. À ces références il faut joindre un mémoire inédit : Marguerite Bernard, La réorganisation de l’Égypte par Darius i, Louvain 1965, p. 140–146, dont j’ai pu prendre connaissance grâce à l’amabilité de son auteur, Mme Bernard-Vandeperre. $

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antérieur à la conquête perse, y compris la législation des rois saïtes jusqu’à la fin du règne d’Amasis.22 La commission aurait travaillé pendant seize ans (519–503 avant n. è.) et a rédigé un texte en double version, « assyrienne » et « épistolaire », c’est-à-dire, pense-t-on, en araméen et en démotique ;23 mais il est peu vraisemblable, contrairement à ce que l’on put supposer à ce propos,24 que ce travail codificateur bilingue ait favorisé l’intrusion d’éléments babyloniens dans le droit égyptien.25 Sur la foi de ces témoignages on peut admettre l’existence de textes législatifs égyptiens à la basse époque qui précède la conquête macédonienne. Les documents postérieurs prouvent que les règles consignées dans ces textes ont survécu à la conquête. À côté des documents déjà invoqués, nous disposons à ce propos de trois témoignages notables. Le premier est un texte habituellement désigné par le nom un peu anachronique d’« ordonnance de procédure civile » et conservé par des fragments de papyrus appartenant aux collections de Berlin, du Caire et de Giessen ; ce texte, qui dans sa forme actuelle paraît avoir été rédigé après octobre 186 avant n. è., comporte des dispositions concernant surtout la preuve par écrit, dont la reconstruction et l’interprétation sont malaisées en raison du mauvais état de conservation de ces fragments.26 $

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22

Sic les auteurs cités à la note précédente, notamment Bernard, mémoire précité, p. 142–143 ; réserves de R. A. Parker, MDAI 15 (1957), p. 208, signalées par Seidl, Äg. Rg., p. 1, n. 4. $

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23

Spiegelberg, Die sog. demot. Chronik (ci-dessus, n. 21), p. 31.

24

Reich, « Codification » (ci-dessus, n. 21), p. 182–185.

25

Seidl, Äg. Rg., p. 85 et suiv.

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26

P. Berl. dém. 13621 : W. Spiegelberg, Aus einer ägyptischen Zivilprozessordnung der Ptolemäerzeit, Munich 1929 (Abh. d. Bayer. Akad. d. Wiss., N. F. 1), et P. Caire dém. 50108 : K. Sethe & W. Spiegelberger, Zwei Beiträge zu dem Bruchstück einer ägyptischen Zivilprozessordnung in demotischer Schrift, Munich 1929 (Abh. d. Bayer. Akad. d. Wiss., N. F., 4) ; le troisième document est le P. bibl. univ. Giss. inv. 101, identifié comme faisant partie du même « code » par Ursula Kaplony-Heckel, Die demotischen Tempeleide, Wiesbaden 1963, p. 9, n. 2, et confronté avec les fragments de Berlin et du Caire par Seidl (ci-dessus, n. 19). Pour la datation de cet ensemble, voir L. Koenen, « Die “demotische Zivilprozessordnung” und die Philanthropa vom 9. Okt. 186 vor Chr. », AfP 17 (1) (1960), p. 11–16 ; pour l’interprétation, Seidl, Ptol. Rg.2, p. 3–7, l’étude du même auteur « La preuve d’après les documents démotiques », Rec. Soc. J. Bodin 16, Bruxelles 1965, p. 43–59, et Lippert, « Die sogenannte Zivilprozessordnung » (ci-dessus, n. 19). $

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Le second témoignage est le dossier d’un différend successoral du début du iie siècle avant n. è. dans les archives d’une famille de Siout.27 Le procès-verbal – le plus long de tous ceux que l’Antiquité nous a transmis – rapporte des dispositions relatives au régime des biens matrimoniaux : elles sont extraites d’une « loi de la vingt-et-unième année » qui pourrait être celle de Ptolémée v Épiphane (185/184 avant n. è.), mais peut-être aussi celle d’un souverain saïte ou perse ; en tout cas, le fond de ces règles remonte au passé antérieur à la conquête macédonienne.28 Enfin, le troisième document, le plus important de tous, est un recueil juridique, rédigé probablement sous le règne de Ptolémée II Philadelphe, mais remontant lui aussi, quant au fond, à l’époque précédente. Trouvé à Tounah el-Gebel (Hermoupolis-Ouest) au cours d’une campagne de fouilles de l’Université du Caire en 1938–1939, il est aujourd’hui conservé au Musée du Caire. Ses onze fragments y portent, au Journal d’entrée, les numéros d’inventaire 89127–89130 et 89137–8914.29 Ľ édition en avait été confiée au savant égyptien Ghirghis Mattha ; celui-ci a fait connaître la trouvaille au monde savant par quelques articles publiés entre 1941 et 1950.30 Après la mort de Mattha en février 1967, l’Institut français du $

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27

P. B. M. eg. 10591 (170 av. n. è.) : H. Thompson, A Family Archive from Siut, Oxford 1934 ; traductions : en danois par W. Erichsen, Processen i Siut, Copenhague 1945 ; en néerlandais par B. H. Stricker, « Een antiek procesprotocol », Oudheidkundige Mededelingen uit het Rijksmuseum van Oudeheden te Leiden, N.S., 26 (1945), p. 36–52, et en allemand par E. Seidl, « Der Prozess Chrateanch gegen Tefhape im Jahre 170 v. Chr. », Ztschr. f. vgl. Rw. 69 (1967), p. 96–117. Voir aussi Claire Préaux, « Une affaire de succession au iie siècle avant J.-C. », CdÉ 10 (1955), p. 162–166 ; E. Seidl & B. H. Stricker, « Studien zu Papyrus B. M. eg. 10.591 », ZRG RA 57 (1937), p. 272–308 ; E. Seidl, « Das juristische Gutachten im ptolemäischen Prozess », RIDA, 3e sér., 9 (1962), p. 239–258. $

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28

P. B. M. eg. 10591, recto, col. i, l. 17–20, et col. x, l. 7–9 ; voir le texte en traduction allemande dans l’article précité d’E. Seidl, Ztschr. f. vgl. Rw. 69 (1967), p. 98 et 116. Arangio-Ruiz, dans son article « Codification », p. 33, et Seidl, Ptol. Rg.2, p. 7, font remonter le fond de ces dispositions à l’époque du Nouvel Empire. $

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Trouvaille signalée par E. Seidl, SDHI 5 (1939), p. 635, et par Claire Préaux, CdÉ 14 (1939), p. 278–279. 30

G. Mattha, « A preliminary report on the Legal Code of Hermopolis West », Bul. de l’Institut d’Égypte 23 (1941), p. 297–312, rapport comportant un résumé de certains paragraphes du recueil, accompagné d’une traduction provisoire en anglais de quelques autres dispositions de celui-ci ; certaines parties de ce « Report » ont été reproduites sous forme $

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Caire, qui avait la responsabilité de la publication de ce papyrus, a pu s’assurer, pour réaliser cette tâche, la collaboration d’un spécialiste américain, le professeur George R. Hughes de Chicago. Ľ édition parue sous les auspices de l’IFAO en 1975 porte les noms de ces deux égyptologues.31 Elle n’a pas tardé à susciter des échos parmi les spécialistes.32 Nous sommes en présence d’un texte qu’il n’est pas facile de classer du point de vue de l’histoire du droit. Datable paléographiquement du iiie siècle avant n. è., et sans doute du règne de Ptolémée iie Philadelphe (285–246 avant n. è.), il se présente comme une collection de recettes pratiques indiquant des formules à employer pour la rédaction d’actes juridiques (contrats, reçus, etc.) et des solutions à adopter en cas de litige. Ces indications ayant été regroupées par matières, une sorte d’intitulé annonce, à deux reprises (mais ce chiffre faible est sans doute dû au mau$

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d’articles : « Rights and duties of the eldest son according to the native Egyptian laws of succession of the third century bc », Bul. of the Fac. of Arts 12.2, Le Caire 1950, p. 113–118, et « Le papyrus juridique de Tounah el-Gebel », CdÉ 41 (1946), p. 48–49. $

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31

G. Mattha & G. R. Hughes, The Demotic Legal Code of Hermopolis West, Le Caire 1975 (IFAO, Bibl. d’études xlv) ; résumé dans ma chronique RHD 55 (1977), p. 468–469 (= SDHI 47 [1981], p. 509–510) et Iura 27 (1976), p. 349–350. Voir à présent K. Donker van Heel, The Legal Manual of Hermopolis [P. Mattha]. Text and Translation, Leyde 1990. $

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Voir notamment E. Seidl, « Eine demotische Juristenarbeit », ZRG RA 96 (1979), p. 17–30 (c. r. détaillé de l’édition précitée) ; Bernadette Menu, « La colonne 2 du Code d’Hermopolis », PapCongr. xv, iv, p. 214–221 (= Recherches sur l’histoire juridique, économique et sociale de l’ancienne Égypte, Versailles 1982, p. 332–341) ; St. Grunert, « Das demotische Rechtsbuch von Hermopolis. Zu den Eigentumsverhältnissen im ptolemäischen Ägypten », Das Altertum 26 (1980), p. 96–102, article pour le grand public d’un auteur qui ne craint pas le ridicule en affirmant que le document d’Hermoupolis pourrait représenter une « synthèse » entre le « mode de production oriental » et « le mode de production esclavagiste ». Il faut rappeler également quelques travaux consacrés à ce document par des savants qui le connaissaient avant l’édition de l’IFAO : E. Seidl, Bodennutzung und Bodenpacht nach den demotischen Texten der Ptolemäerzeit, Vienne 1973 (Sitz.-Ber. Öster. Akad. d. Wiss., Philos.-hist. Kl., ccxci 2) ; idem, « Zur Vorgeschichte der Ersitzung », SDHI 39 (1973), p. 47–52 ; idem, « Die Verjährung als sozialer Behelf im Rechtsbuch von Hermopolis », ZRG RA 91 (1974), p. 360–363 ; Ursula Kaplony-Heckel, « Streitigkeiten zwischen Nachbarn. Lexikalische Beobachtungen am Rechtsbuch von Hermopolis », PapCongr. xii, p. 199–205. Une version française du document d’Hermoupolis a été élaborée au séminaire de M. Malinine, à la ive Section de l’École pratique des Hautes Études, en 1971 (voir Bernadette Menu, BO 35 [1978], p. 70). $

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vais état du texte), les problèmes qui vont être traités.33 Il est clair que le mot de « code » convient mal à un tel ouvrage, tant au sens romain (collection de lois impériales) qu’au sens des codifications modernes (ensemble des normes légales édictées par le pouvoir étatique pour un domaine déterminé). Nous avons devant nous, comme le notait Bernadette Menu peu après la parution de l’édition du Caire, « un recueil de pratiques jurisprudentielles (c’est elle qui souligne), présentées sous forme “casuistique” : “Si quelqu’un se trouve dans telle situation, voilà la solution que l’on adopte habituellement” ».34 Devons-nous alors, suivant l’hypothèse d’Erwin Seidl, considérer ce recueil comme un travail de doctrine juridique, un « commentaire » ?35 Cette hypothèse soulève diverses difficultés. Ľ une d’entre elles vient du caractère « monolytique » du recueil, proposant pour chaque problème pratique envisagé une solution unique, avec une totale absence de toutes « ces marques d’une subjectivité inhérente à la doctrine » qui caractérisent la jurisprudence romaine sinon la science du droit dans son ensemble.36 Sans doute le travail d’un juriste peut-il se limiter à donner la paraphrase d’une loi ou à réunir des éléments normatifs épars pour la commodité des usagers ; de telles compilations ignorent la subjectivité de la doctrine.37 $

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33

Col. ii, l. 23 : « droit des baux » ; col. iv, l. 6 : « droit de l’entretien ». $

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34

Bernadette Menu, BO 35 (1978), p. 70–73 (c. r. de l’ouvrage de Seidl, Bodennutzung, ci-dessus, n. 32) ; citation textuelle p. 72, col. 2. $

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35

Seidl, « Eine demotische Juristenarbeit » (ci-dessus, n. 32), dont le titre dit assez clairement l’opinion de l’auteur ; dans le même sens déjà auparavant, par exemple dans la brochure Bodennutzung (ibid.), p. 9 et suiv. Dans un esprit semblable, J. Klíma, « Zum Rechtscharakter der demotischen Gesetzesfragmente von Hermopolis », Archív Orientálni 34 (1966), p. 417–420. $

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36

Cardascia, Les lois assyriennes (ci-dessus, n. 2), p. 34 et n. 18.

37

C’est ainsi que, selon une autre hypothèse du même savant, l’auteur anonyme du Gnomon de l’Idiologue aurait réuni en un seul ouvrage les compléments successifs apportés à un règlement normatif pour en faciliter le maniement : E. Seidl, Rechtsgeschichte Ägyptens als römischer Provinz, Sankt Augustin 1973, p. 14–15 ; voir, à ce propos, ma notice introductive à l’édition du Gnomon dans Lois des Romains, Naples 1977, p. 520–557, partic. p. 521–522. Pour l’hypothèse d’une « littérature juridique » provinciale, constituée par la réunion en un ouvrage des plusieurs lois impériales, édits préfectoraux ct sentences judiciaires, voir H. J. Wolff, c.r. P. Oxy. xlii, ZRG RA 92 (1975), p. 273–274, à propos du P. Oxy. xlii 3016. $

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Mais ce n’est pas le cas ici : l’hypothèse du « commentaire » suppose un texte à commenter, une loi ou un « Rechtsbuch ».38 Cela soulève une nouvelle difficulté, plus grave : ce texte ne nous étant pas connu par ailleurs, il faut en postuler l’existence ; il faut l’imaginer derrière le « commentaire » et en deviner le contenu. C’est trancher d’une manière qui peut paraître cavalière le délicat problème des lois pharaoniques et de leur survie dans l’Égypte gréco-romaine. Mais l’idée d’un « travail de juriste » n’en est pas pour autant à exclure totalement. Seulement, il faut essayer de la préciser, en déterminant le milieu d’origine de l’ouvrage et sa portée pratique. À lire les recettes de notre recueil, on n’a pas l’impression que son objet soit de commenter des normes déjà fixées à l’extérieur de ce recueil lui-même. Ľauteur de celui-ci agit comme si c’était à lui de « dire le droit » : il indique des solutions à retenir, de préférence à d’autres qu’il passe sous silence ; il opère des choix et guide ceux des destinataires de son ouvrage. Ceux-ci ne sont pas difficiles à identifier : ce sont des praticiens du droit – notaires qui rédigent les actes et juges qui tranchent les litiges. Le recueil serait-il donc un « manuel » à l’usage des praticiens ?39 Sans doute, mais à condition de ne pas prendre le mot « manuel » dans un sens seulement didactique. Bien entendu, on peut apprendre le droit en étudiant ce texte. Mais l’auteur du recueil n’entend pas enseigner : il dispose. Sa démarche est bien celle d’un « juriste », mais d’un juriste investi d’une autorité qui lui permet de diriger l’action des notaires et des juges. En Égypte, seul le clergé indigène peut prétendre à exercer un tel pouvoir sur les praticiens du droit. Notre « juriste » représente donc en fait des générations de prêtres spécialisés dans le maniement du droit local et soucieux de sa conservation. Ľorigine sacerdotale du texte est confirmée par un deuxième exemplaire de cet ouvrage, trouvé en 1931 dans l’enceinte du sanctuaire de Sobek (Soukhos) à Tebtynis ; ses soixante et onze fragments, actuelle$

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Seidl, Bodennutzung (ci-dessus, n. 32), p. 9 : « Ein lemmatischer Kommentar zu einem anderem Schriftwerk, das seinerseits ein Gesetz oder ein Rechtsbuch sein kann ». $

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39

Sic P. W. Pestman, « Een juridisch “Handboek” uit het oude Egypte in twee talen », Phoenix 25 (1979), p. 25–31. $

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ment en possession de l’Institut papyrologique G. Vitelli à Florence, ont été publiés en 1981 par Edda Bresciani.40 Malgré le mauvais état de conservation de ce papyrus, qui semble dater de la fin de l’époque ptolémaïque ou du début de l’époque romaine, il est certain que ce n’est pas là une simple copie du texte de Tounah el-Gebel : il comporte des dispositions qui ne figurent pas dans ce dernier. Cette différence est-elle explicable par la seule distance qui sépare dans le temps deux exemplaires, le texte « primitif » ayant été complété par des additions ultérieures ? Il semblerait plutôt que nous soyons en présence de plusieurs rédactions du même recueil émanant de différents centres religieux. Nous allons voir dans quelques instants que le recueil a fait l’objet d’une traduction en grec sur un exemplaire qui paraît remonter, comme celui de Tounah el-Gebel, à l’époque de Ptolémée ii, mais qui lui aussi diffère de ce texte, l’ordre des matières n’étant pas le même. Ces divergences n’étant pas imputables, semble-t-il, à la traduction, elles ne peuvent pas, non plus, résulter d’une évolution puisqu’il s’agit cette fois-ci d’exemplaires contemporains. Nous devons donc conclure que le recueil avait connu une certaine diffusion à travers le pays, dans des versions locales présentant des variantes de rédaction. Cela n’exclut évidemment pas l’hypothèse d’un « archétype », à condition de placer celui-ci avant le règne de Ptolémée ii.41 Connaissant l’origine sacerdotale du recueil, nous pouvons essayer de mieux préciser sa nature. Les prêtres de Thot à Hermoupolis comme ceux de Sobek à Tebtynis et leurs confrères n’étaient certainement pas étrangers à des préoccupations théoriques ou pédagogiques. Mais en matière de droit, à l’époque qui nous intéresse, leur activité obéissait à des impératifs prioritaires d’ordre pratique : conserver le droit ancestral et en assurer l’application dans la pratique de tous les jours et dans l’activité judiciaire. Les vieilles lois pharaoniques, à supposer qu’elles aient existé et $

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40

Edda Bresciani, « Frammenti da un “prontuario legale” demotico da Tebtuni nell’Istituto Papirologico G. Vitelli di Firenze », EVO 4 (1981), p. 201–215 (cf. RHD 60 [1982], p. 472–473). $

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Seidl, « Eine demotische Juristenarbeit » (ci-dessus, n. 32), p. 19, préférerait placer l’« archétype » à la fin du iiie siècle av. n. è. et la version d’Hermoupolis peu après ; mais une date plus haute est plus vraisemblable aussi bien en vertu des critères paléographiques que pour des raisons de fond. $

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qu’elles aient pu survivre à la conquête macédonienne, n’y suffisaient pas. Le droit égyptien survit désormais à l’état de coutumes, et ce sont ces coutumes qu’il s’agit de préserver. La démarche des prêtres-juristes, auteurs présumés du recueil, porte effectivement les traits caractéristiques du travail qui est celui de rédacteurs de coutumes. Ils s’attachent de préférence à des questions à propos desquelles l’incertitude de la pratique peut être source de conflits ; ils insistent sur des situations particulières plutôt qu’ils ne cherchent à formuler des règles générales, qui de toute façon sont connues et observées. Si, par exemple, ils font état du cas d’un document d’entretien délivré par le mari, non pas, comme à l’ordinaire, à l’épouse elle-même, mais au père de celle-ci, ce n’est pas parce qu’une imaginaire « loi commentée » réglait le cas normal ; c’est que, le cas normal allant de soi, la coutume devait être précisée sur ce point exceptionnel.42 On ne légifère pas sur ce qui est évident, en Égypte ou ailleurs, que ce soit la sanction de l’homicide à Babylone,43 la vocation successorale des fils légitimes à Athènes44 ou l’incapacité féminine en Angleterre jusqu’à la fin du xixe siècle.45 Autrement dit, notre recueil, dans ses diverses versions, est un coutumier sacerdotal. À ce titre, il entre dans la catégorie des « livres sacrés », dm4-ntr (Σεµ[ε]νούθι), produits par les prêtres-savants dans la « Maison de Vie », qui fonctionnait comme un scriptorium où l’on rédigeait et copiait, à l’usage du clergé indigène et de sa clientèle, des ouvrages de contenu $

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42

P. Herm. dém., col. iv, l. 6 ; cf. Seidl, « Eine demotische Juristenarbeit » (ci-dessus, n. 32), p. 22. $

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43

Le commentaire de J. Klíma dans la collection des Littératures anciennes du Proche-Orient (cf. n. 1, traduction du Code de Hammurapi par Finet) n’ayant pas paru, on peut renvoyer à son livre sur les Lois de Hammurapi (n. 2), p. 169 et 170 de l’original tchèque (Prague 1954) et p. 269–271 de la version polonaise (Varsovie 1957). 44

La loi athénienne sur les successions ab intestat, rapportée par Démosthène, xliii (c. Macartatos) 51, commence, on le sait, par l’hypothèse des filles épiclères en l’absence des fils, dont la vocation successorale est pourtant absolument sûre ; voir Harrison, The Law of Athens i, p. 130 et suiv. ; A. Biscardi, Diritto greco antico, Milan 1982, p. 117 et suiv. $

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45

D. Daube, « Das Selbstverständliche in der Rechtsgeschichte », ZRG RA 90 (1973), p. 1–13, partic. p. 2. $

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religieux, scientifique ou juridique.46 Les matières traitées pouvaient se suivre sur les deux côtés d’un même rouleau : le verso de notre coutumier, dans l’exemplaire d’Hermoupolis Ouest, est un papyrus mathématique conçu, comme le coutumier lui-même, sous forme d’une longue série de recettes pratiques ;47 le verso d’un autre important document démotique d’époque ptolémaïque, connu sous le nom d’« ordonnance de procédure civile », déjà cité, est un règlement concernant les charges des prêtres thébains.48 Dans la mesure où les règles consignées dans ces ouvrages concernaient en premier lieu les prêtres, comme auteurs de recueils et comme autorité qui veillait à leur application, la dénomination ἱερατικὸς νόµος, « loi sacrée », attestée par quelques textes grecs, pouvait fort bien convenir à ces compilations.49 Elles survivront à la conquête romaine pour inspirer par exemple une partie du Gnomon de l’Idiologue.50 Ainsi s’expliquerait le lien qui pourrait exister entre la « codification » attribuée à Darius ier et le coutumier démotique. Il n’est pas interdit de voir dans celle-là l’« archétype » des diverses versions de celui-ci. Mais en l’absence de tout fragment qui puisse être directement représentatif de cette « codification », l’hypothèse d’une telle filiation demeure indémontrable. En revanche, il est tout à fait pensable que les commissaires de Darius – parmi lesquels se trouvaient, ne l’oublions pas, d’authentiques prêtres égyptiens – aient puisé dans l’expérience des temples du pays, qui conservaient dans leurs « livres sacrés » des formules et des recettes pou$

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46

J. Quaegebeur, « Sur la “loi sacrée” dans l’Égypte gréco-romaine », Anc. Soc. 11/12 (1981), p. 227–240, communication faite à Bruxelles, en mars 1978, au colloque sur « Le droit pénal pharaonique ». $

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47

R. A. Parker, Demotic Mathematical Papyri, Providence – Londres 1972, p. 1, 3–4, 13–53. Cf. Bernadette Menu, Rev. d’égyptol. 28 (1976), p. 195–197. $

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48

Ci-dessus, n. 26.

49

Sources et analyse dans l’article précité de Quaegebeur (ci-dessus, n. 46), prenant comme point de départ le P. Strasb. inv. n° 723, 739, 746, 747 = SB x 10564 (iie s. de n. è.) publié par F. Dunand, Rev. d’égyptol. 44 (1969), p. 302. Ľhypothèse d’une « loi royale ptolémaïque », que j’avançais au moment de la publication de ce texte à la suite d’une suggestion de mon maître R. Taubenschlag (RHD 49 [1971], p. 172), doit être abandonnée. $

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50

Gnomon §§ 71–97 ; texte et traduction en français dans Lois des Romains, p. 547–552. Pour une analyse de ces dispositions, voir Seidl, Rechtsgeschichte Ägyptens (ci-dessus, n. 37), p. 15–25. Cf. Quaegebeur, « Sur la “loi sacrée” » (ci-dessus, n. 46), p. 235. $

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vant servir à la confection d’un recueil d’une certaine ampleur. La filiation directe étant donc une hypothèse fragile, l’origine sacerdotale commune et partant une forte affinité substantielle du « code » de Darius et du recueil démotique d’époque gréco-romaine paraissent parfaitement vraisemblables. À ces textes de caractère législatif se joignent d’innombrables documents de la pratique conservés par les papyrus démotiques. Ceux-ci sont la source principale de notre connaissance du droit égyptien, depuis l’époque saïte et perse jusqu’au début de la domination romaine.51 Pour la période ptolémaïque, ils représentent à peu près la moitié des papyrus documentaires trouvés en Égypte.52 Ils témoignent d’une continuité certaine des traditions juridiques égyptiennes sous les Lagides ;53 celles-ci se reflètent parfois dans les papyrus grecs54 et elles resurgiront plus tard dans les documents coptes des époques byzantine et arabe.55 $

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51

Les documents démotiques font leur apparition en Basse-Égypte dès le début du viie s. av. n. è. et se répandent en Haute-Égypte sous le règne de Psammétique ier (663–609 av. n. è.) ; nombreux sous les Lagides, ils deviennent rares au ier siècle de n. è. et disparaissent pratiquement sous le règne de Marc Aurèle ; des inscriptions démotiques se retrouvent dans les temples égyptiens jusqu’au ve siècle, le dernier témoignage actuellement attesté étant de 453, date finale du tableau présenté par P. W Pestman, Chronologie égyptienne d’après les textes démotiques, 332 av. J.-C. – 453 apr. J.-C., Leyde 1967. $

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52

Cf. W. F. Edgerton, « Demotica », PapCongr. iii, p. 281–301. $

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Ci-dessous, § 7.

54

R. Taubenschlag, « Le droit contractuel égyptien d’apres les papyrus grecs », AHDO 1 (1937), p. 249–255 (= Opera minora ii, p. 447–449). $

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55

Cf. ci-dessous, § 20. Pour l’orientation dans la documentation copte, voir A. Steinwenter, Das Recht der koptischen Urkunden, Munich 1955 (Handbuch d. Altertumswiss., X 4.2) ; A. A. Schiller, « Zum gegenwärtigen Stand der juristichen Papyrusforschung. Coptic Documents », Ztschr. f. vgl. Rw. 60 (1957), p. 190–211 ; plus récemment, Bernadette Menu, « Une esquisse des relations juridiques privées en droit copte », Le monde copte 20 (1992), p. 71–78 (= Recherches sur l’histoire juridique, économique et sociale de l’ancienne Égypte, ii, Le Caire 1998, p. 401–412). La part des traditions nationales dans ces documents paraît considérable d’après les conclusions de Steinwenter, op. cit., p. 57–58 ; la continuité du droit égyptien depuis l’époque ancienne jusqu’aux documents coptes est soulignée par E. Seidl, « Altägyptisches Recht », [dans :] Handbuch der Orientalistik. Ergänzungsband : Orientalisches Recht, Leyde 1964, p. 1–48, et mieux encore par Menu, art. précité. $

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Ce sont ces règles du droit autochtone, appliquées dans la pratique dont les documents démotiques sont les témoins, et précisées, pour les cas douteux, dans des recueils comme ceux qu’on vient de passer en revue, que les Grecs désignent par le terme de νόµοι τῆς χώρας, hp nt en démotique – le « droit du pays ».56 Ľ expression est attestée depuis le début du iie siècle avant n. è. et on la retrouve encore dans des documents postérieurs à la conquête romaine ; les textes dans lesquels elle apparaît concernent essentiellement la matière des contrats démotiques et les procès qui peuvent naître de ces contrats.57 Il ne faut pas confondre ces νόµοι τῆς χώρας, « droit du pays », avec les νόµοι τῶν Αἰγυπτίων, « droit des Égyptiens », terme qui surgit au iie siècle de n. è. Nous verrons plus loin que ce changement de terminologie répond à l’apparition d’une notion nouvelle destinée à désigner, non plus le seul droit indigène, mais les règles pérégrines pratiquées par les Grecs de la chôra qui sont des « Égyptiens » pour les Romains.58 Par leur forme, νόµοι τῆς χώρας peuvent présenter les aspects d’un texte légal : les recueils démotiques et la lecture d’un fragment d’un tel nomos dans le procès d’Hermias en font foi.59 Ces textes remontent en partie, on l’a vu, à des codifications antérieures à la conquête macédonienne.60 Le terme qui les désigne est aussi ambigu en démotique qu’en grec. Le mot égyptien hp n’a pas la valeur précise de « loi » ; on trouvera dans un dictionnaire spécialisé des références à des textes où il est traduit tantôt par « Gesetz » tantôt par « Gewohnheit ».61 Il s’agit d’un « état de $

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Cf. ci-dessous, § 7, n. 11.

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BGU 1214, l. 5 ; P. Pebt. 776, l. 9–10 ; P. Ryl. 572, l. 31–32 (tous trois du iie s. av. n. è.) ; P. Tebt. 5 (= C. Ord. Ptol. 53, vers 118 av. n. è.), l. 217–220 ; P. Tor. 1 (= UPZ 162, 117 av. n. è.) col. iv, l. 17–20, et col. vii, l. 1–4 ; BGU 1148 (13 av. n. è.), l. 17. Un témoignage sujet à caution : P. Oxy. 795 (81–96 de n. è.), fragment d’un contrat de mariage où les éditeurs restituent la formule κατὰ τοὺς τῆς χώρας νόµους. U. Wilcken, Grundzüge, p. 20, parle de « χωρικοὶ νόµοι », mais ce terme n’apparaît, à notre connaissance, dans aucun texte d’Égypte. Ľadjectif χωρικός est absent des dictionnaires ; Liddell–Scott et Bailly ne connaissent que χωριτικός, « campagnard ». $

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Voir ci-dessous, § 21.

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P. Tor. 1 (= MChr. 31 = UPZ 162), col. iv, l. 17 et suiv.

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Ci-dessus, n. 26 et suiv.

61

A. Erman & B. Grapow, Wörterbuch der ägyptischen Sprache ii, Berlin 1971, p. 488–489. $

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droit » qui répond aussi bien à des dispositions ayant la forme de textes légaux qu’à des phénomènes juridiques qui ne procèdent d’aucune loi.62 Pour les Grecs et pour les Égyptiens, comme pour nous, les nomoi enchoriques n’impliquent donc pas l’idée d’une législation au sens strict. Le droit égyptien ne tire pas sa force des recueils dans lesquels certaines de ses dispositions furent consignées par écrit ; il repose sur la pratique de la population autochtone et ne s’applique en justice que parce que le roi le permet. Sa place parmi les sources du droit positif lui est assurée par la sanction que le roi veut bien lui accorder, et non pas par les dispositions des nomoi tes chôras eux-mêmes. Tout en étant le successeur des pharaons, le Lagide n’en est pas moins un conquérant étranger. Le pays « conquis à la pointe de la lance »63 lui appartient ; il peut laisser subsister les traditions juridiques de la population locale, mais il ne peut passer pour l’auteur des νόµοι τῆς χώρας.64 Les recueils démotiques sont donc des coutumiers plutôt que des « codes ».65 Ils précisent les règles qui ont survécu à la conquête, sont pratiquées de facto et respectées par les nouveaux maîtres du pays, sans pouvoir être considérées comme l’expression directe de leur pouvoir législatif.66 $

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62

C. F. Nims, « The term hp, “law”, “right” in Demotic », Journ. Near. East. Stud. 7 (1948), p. 243–260. Voir, Menu & Harari, RHD 45 (ci-dessus, n. 4), p. 526–527. $

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63

Diodore, Bibl. hist. xviii 39, 5.

64

Il ne faut pas confondre ces nomoi avec les ordonnances des Lagides en version démotique, comme dans les exemples cités ci-dessus, § 2, n. 27 ; elles font partie du droit royal, et non du droit égyptien. À l’inverse, une traduction en grec des νόµοι τῆς χώρας n’aurait pas suffi à transformer ceux-ci en lois émanant du pouvoir royal, à moins d’être accompagnée d’une confirmation expresse ou d’être entreprise sur ordre du roi. $

65

E. Seidl, SDHI 33 (1967), p. 543, nous reproche de considérer comme coutumier un droit qui s’est conservé sous une forme écrite. Cette critique nous paraît sans objet. Nous croyons avoir assez souligné la différence qu’il y a entre la forme, écrite ou orale, des normes et leur qualité de loi et de coutume, qui est une question de fond. Nous ne suivrons donc pas l’opinion isolée d’E. Seidl qui ne retient qu’une relation mécanique entre la « loi écrite » et « la coutume orale ». $

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La question de savoir si le roi intervient indirectement dans ce secteur et modifie certaines règles locales ne concerne pas le fond du problème. Il est évident que l’État lagide pouvait changer à son gré les dispositions des coutumiers démotiques, comme il pouvait promulguer des lois qui intéressaient au premier chef la population autochtone (tels de nombreux prostagmata concernant les prêtres et les temples égyptiens) ; mais ces lois res$

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§ 4 – LE DROIT ÉGYPTIEN

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Traduire nomoi tes chôras par « lois (du pays) », c’est se rendre responsable d’une double inexactitude : donner aux mots nomos et hp un sens trop étroit et reconnaître la qualité de lois à des règles qui ne l’ont pas. Il est préférable de traduire cette expression par « coutumes du pays », comme l’a fait un historien lucide, dont l’intuition se trouve confirmée par notre enquête.67 Le droit égyptien a donc survécu à la conquête macédonienne et régit la vie juridique de la population autochtone sous les nouveaux maîtres étrangers. Ľ attitude bienveillante de la royauté ptolémaïque favorise cette continuité ; la dualité ethnique, linguistique et culturelle qui caractérise la société de l’Égypte hellénistique empêche le droit égyptien de s’effacer sous l’influence grecque et assure son maintien jusque sous l’Empire.68 Dans ce domaine, comme dans tant d’autres, la vitalité des tra$

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tent des lois royales, tout comme les coutumiers, même retouchés sur tel ou tel point sur initiative royale, restent des coutumiers. Il semble d’ailleurs que de telles interventions aient été très rares : en dehors de la « loi de l’an 21 » dans le dossier de Siout, dont l’attribution à un Ptolémée n’est pas démontrée (P. B.M. eg. 10591, ci-dessus, n. 27), les sources disponibles donnent l’impression que la monarchie lagide ne cherche pas à exercer une influence quelconque sur le fond des nomoi tes chôras en matière de droit privé. $

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67

R. Cohen, La Grèce et l’hellénisation du monde antique, Paris 1934 (3e éd. 1948) (Clio. Introduction aux études historiques ii), p. 551. $

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Ci-dessous, § 12. Il s’agit d’une survie de traditions et de pratiques, non pas de lois égyptiennes elles-mêmes. Contrairement à ce que dit E. Seidl, SDHI 33 (1967), p. 543, il nous paraît peu vraisemblable que les textes de ces lois se soient conservés jusqu’à la fin du ve siècle de n. è. de manière à pouvoir être connus de l’empereur Zénon qui y ferait allusion dans sa constitution de 475, CJ. 5, 5, 8, à propos de certains usages matrimoniaux. Ľempereur réfute l’opinion des provinciaux qui croient licite, malgrè la législation officielle (CJ. 5, 5, 5 ; CTh. 3, 12, 2 ; 9, 12, 3 = CJ. 5, 5, 6 ; CTh. 3, 12, 4 ; cf. Gai. epit. 1, 4, 7), le mariage avec le beau-frère d’une femme dont le premier mariage n’a pas été consommé (trace d’un « mariage à l’essai » ? ; cf. Mitteis, Reichsrecht u. Volksrecht, p. 224 et suiv.). Cette opinion s’autorise d’une vague référence à certi legum conditores qui, dans l’esprit des provinciaux, seraient les auteurs présumés des règles locales prétendues applicables. Il n’en résulte pas pour autant que de telles règles aient existé à l’époque de Zénon sous forme de lois écrites et que celles-ci soient connues de l’empereur sous cette forme (sic Seidl, l. c. : … « in schriftlicher Form... noch dem Kaiser Zeno bekannt »). On peut du reste penser que les legum conditores mentionnés dans ce rescrit ne sont pas les rois d’Égypte, mais les prédécesseurs romains de Zénon à qui les Égyptiens essaient d’imputer une législation provinciale favorable à leurs pratiques matrimoniales. Zénon rejette l’argument en rappelant la teneur exacte des lois impériales antérieures en matière de maria$

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ditions locales aura été plus forte que les bouleversements politiques et la pression d’éléments étrangers apportés par les conquêtes successives.