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French Pages 623 [628] Year 1972
L'être et le code
Michel Clouscard
L'être et le code le procès de production d'un ensemble précapitaliste
Mouton • Paris · La Haye
Diffusion en France par la Librairie MALOINE S. A. Editeur : Librairie de la Nouvelle Faculté Librairie Maloine S. A. 30, rue des Saints-Pères, 8, rue Dupuytren, 75 —
PARIS v n e
75 —
PARIS v r
Diffusion en dehors de la France : Mouton & Co P. O. B o x 1132 LA HAYE
Library of Congress Catalog Card Number: 70-184757 © 1972, Mouton & Co Printed
in
France
INTRODUCTION
De la critique de l'épistémologie bourgeoise à la raison dialectique
I. CRITIQUE D E L'ANTHROPOLOGIE
BOURGEOISE
A . L E MODÈLE DE L'ÉPISTÉMOLOGIE IDEALISTE : HUSSERL
Nous préciserons notre démarche critique, notre méthode, notre problématique, à partir d'une critique de l'épistémologie bourgeoise, idéaliste \ C'est de la polémique que naîtra la démarche scientifique. Kant est à l'origine de l'épistémologie de notre période culturelle. Mais en tant que néo-kantisme, c'est-à-dire reprise et infléchissement, tendancieux, du corpus kantien. La démarche scientifique, légitime chez Kant, ne l'est plus chez Husserl. Et celui-ci fonde toute la connaissance anthropologique de la culture bourgeoise. Nous voulons donc montrer d'abord en quoi la démarche critique de Kant peut être considérée comme légitime puis comment le sujet transcendantal se pervertit en un idéalisme subjectif, réactionnaire. Autrement dit, l'accession au sujet de la connaissance étant révolutionnaire à l'égard de la connaissance empirique, irrationnelle, du moi psychologique, la réification de ce sujet transcendantal en un savoir de classe, empirique et sensible, fondement de l'anthropologie parcellaire, sera révélatrice. Le pourquoi et le comment de cette perversion, la critique d'une méthodologie, en son passage du progressisme à la réaction, montrera négativement ce que doit être l'anthropologie révolutionnaire. Nous aurons ainsi les premières conditions de notre méthode. Et si celles-ci ne sont pas suffisantes pour fonder une anthropologie historique, elles sont, en un premier moment, nécessaires. Kant 2 définit le sujet transcendantal comme synthétique ; c'est un lieu de coordination d'apports hétérogènes. Ce sujet du savoir n'est pas objet du savoir. Il se définit d'après des 1. La démarche polémique permet : 1° de localiser la problématique la plus actuelle ; 2 ° de définir la méthode en fonction de cette actualité culturelle ; 3" de reprendre une démarche exemplaire (celle de Marx). 2. Cf. Critique de la raison pure. N o u s résumons les quelques propositions qui seront reprises par Husserl.
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conditions logiques et le moi concret est renvoyé au niveau du sensible comme objet. Ce sujet transcendantal définit l'ensemble des conditions réglant la connaissance de tout objet possible. Une science est possible par des conditions à priori. Et la connaissance du sensible est d'ordre phénoménal (la chose en soi ne peut être connue). Elle est relative, de l'ordre de l'entendement, car soumise aux catégories de la connaissance humaine. L'intuition concrète (qui sera le contenu des sciences) sans laquelle le concept ne serait qu'une forme vide, est donc soumise à une double grille : des catégories de la connaissance et des conditions à priori de toute science. Au contraire, pour Husserl3, le sujet transcendantal est objet de connaissance. Il ne se définit pas selon des conditions logiques, comme légiférant les conditions à priori du savoir scientifique, mais comme saisie immédiate, cogito (non de la res cogitans) : intentionalité de la pensée, dans le mondain, le vécu. Le sujet transcendantal est alors ce pur savoir, qui, par « l'èpoche », a pu quitter toute compromission dans le sensible, et a atteint la radicalité qui fonde la connaissance. Le sujet transcendantal4 n'est pas défini comme l'opération, mais comme le résultat de l'opération qu'est le passage du sensible au transcendantal. S'il n'est pas res, il est réduit déjà à la tautologie qu'est l'identité de l'objet et du sujet de la connaissance. Aussi ne peut-il quitter cette identité qui est la marque, la preuve, de la pureté épistémologique. Le pensé renvoie au pensant, comme le pensant renvoie au pensé. C'est ce fixisme tautologique du sujet transcendantal qui sera à l'origine de toute la sophistique husserlienne. Le sujet transcendantal ne peut se quitter sans tomber soit dans le formalisme logique soit dans le concret empirique. Cette aporie guette toute sortie du sujet transcendantal. Alors que Kant avait pu définir le lieu de rencontre des lois de la connaissance et des objets à connaître comme relatif, phénomène, entendement, le sujet transcendantal de Husserl défini par une radicalisation fixiste et tautologique du pur savoir, qui n'est savoir que de lui-même, ne peut que juxtaposer le sujet réflexif et l'anté-prédicatif. C'est que le cogito pour Husserl6 (contrairement à Descartes qui assimile ce cogito à un axiome du savoir) est le fondement des axiomes mêmes. La réduction phénoménologique dans sa démarche vers le pur savoir réduit 3- A partir de la philosophie de Husserl, nous proposons le modèle du néokantisme. Notre démarche ne relève donc pas de la seule histoire de la philosophie. Elle est la construction d'un modèle. Elle est la «structure» non sue et non dite de l'oeuvre de Husserl. 4. Cf. Idées directrices pour une phénoménologie, t. I ; Méditations cartésiennes. 5- Cf. Méditations cartésiennes.
De la critique de l'épistémologie
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les axiomes, d'ordre géométrique, par exemple, au sujet transcendantal. C'est celui-ci qui est la justification dernière de l'épistémologie husserlienne. Le sujet transcendantal est ainsi la pure transparence du savoir et de son objet, l'identité radicale de l'objet de la connaissance et du sujet de la connaissance. Cette démarche tautologique (A est A car il connaît A) identifie l'existant du savoir et le savoir de cet existant. A ce niveau la tautologie n'est pas qu'opération formelle qui ne retrouve que le même. Elle fonde une réalité du savoir qui n'a plus à chercher son prédicat d'existence (que ce soit en fondant sa nécessité dans un réalisme des idées ou dans un réalisme sensible). L'apodictique est atteint. Mais à quel prix ! L'apodictique du sujet a comme corollaire la tautologie du savoir ! Et si ce savoir est ainsi un absolu, c'est comme absence de tout contenu concret, et comme interdiction, par définition, de tout autre objet de savoir que le sujet transcendantal. Car même la logique formelle est du côté de l'objet. La matbesis universalis «est ontologie formelle. Elle est la forme vide de région en général6». Ce qui a valeur de connaissance est réduction maximale du sensible. Aussi même le formalisme du réel sensible doit être réduit par le formalisme du sujet transcendantal, par la pure transparence du sujet connaissant. Aussi, lorsque le sujet transcendantal connaît autre chose que lui-même, ce n'est pas selon des conditions médiates du savoir, mais comme intuition, participation directe au monde pratique et sensible. La science est d'abord saisie intuitive de l'objet particulier «d'une essence» de la connaissance. Et c'est cette intuition qui donne la définition de la science, et c'est seulement après cette définition que la méthodologie se constitue, selon cette intuition, pour constituer la recherche empirique. Alors que Kant soumettait l'intuition à une double grille à priori (catégories de la connaissance, conditions à priori d'une science) Husserl saisit immédiatement et l'objet de la science et son contenu. Ainsi le statut du savoir n'est que le chantage du sujet transcendantal qui de par son autorité transcendantale habilite l'empirique. Une construction idéelle et artificielle de la science est proposée comme «essence». Mais la réalité atteinte n'est alors ni le transcendantal ni la réalité naïve de l'objet. C'est seulement un mixte qui n'a plus la valeur épistémologique du transcendantal et qui n'a plus la signification agnostique de la chose en soi. Mais ce qui est inadmissible, c'est que ce savoir empirique va se proposer comme connaissance de la chose en soi. La prétention du sujet transcendantal d'atteindre la chose en soi par la saisie intuitive d'une empirie est alors inadmissible. «La conscience de soi donne le vécu en lui-même, c'est-à-dire pris 6. Cf. Recherches
logiques.
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comme un absolu.» En effet, si le sujet psychologique et le sujet transcendantal peuvent être justement considérés comme participants au mondain, ceci n'assure que la réalité du monde extérieur (dont l'intentionalité témoigne) et non la valeur cognitive des réalités connues. Exhausser une empirie à la dignité épistémologique du savoir transcendantal est déjà un scandale sur le plan épistémologique. Mais ensuite proclamer comme chose en soi ce savoir bien qu'il soit aussi reconnu comme «révision, correction, dépassement» bien qu'il soit reconnu comme «rétention» dans le flux du vécu, est une décision subjectiviste et volontariste qui trouve son appui dans un pouvoir extérieur à la pure démarche épistémologique (c'est-à-dire dans le pouvoir d'une classe sociale dirigeante). Le sujet transcendantal de Husserl juxtapose l'existence formelle du savoir et l'empirie du savoir pratique. A ce premier moment se répète la dichotomie traditionnelle : formalisme-empirisme, logique-intuition. C'est la définition de l'idéalisme subjectif. Car il est impossible d'établir le lien entre la subjectivité et le monde extérieur. Telle est la prétention, en un premier moment, de l'idéalisme subjectif : atteindre la chose en soi, par une démarche intuitive, qui pourtant, de son propre aveu, ne porte que sur l'empirique. Contradictoirement à son premier énoncé, et sans appareil formel et médiat, le sujet transcendantal connaît la chose en soi, c'est-à-dire la réalité intime et particulière de la chose extérieure. Le deuxième moment de cette démarche épistémologique fait apparaître l'irrationalisme comme corollaire du nominalisme et de l'intellectualisme. C'est que la définition de la radicalité du savoir par le sujet transcendantal (dans la transparence tautologique) a comme corollaire la définition du substrat sensible, immédiat, pratique, comme totale privation d'intellection, de rationalité. C'est l'anté-prédicatif, dans lequel l'idéalisme subjectif ne reconnaît pas ses à priori implicites. Cet idéalisme a constitué lui-même le négatif du nominal : une réalité privée de la logique transcendantale, un sensible comme substance, une réalité objective privée d'intelligibilité. Et à partir de cet anté-prédicat, le lien avec le sujet de la connaissance va apparaître ; le hiatus entre la nécessité de l'ego transcendantal et la contingence de la chose sera comblé. Si dans le premier moment de l'idéalisme transcendantal la logique et l'intuition se juxtaposent, sans pouvoir fonder la connaissance, en un second moment, c'est l'anté-prédicatif qui propose la justification du sujet transcendantal, qui est la réalité même du constituant, et qui propose le sens et de l'être et de sa connaissance. Alors sont justifiés l'intuition et l'empirisme comme accession à la chose en soi. L'intuition dit bien l'anté-prédicatif et l'empirisme l'absence de logique
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formelle. L'intuition accédait au savoir puisque celui-ci prend racine dans l'anté-prédicatif. Tels sont les deux moments de l'épistémologie husserlienne : le primat du sujet transcendantal (justifié par le formalisme logique) et l'empirisme transcendantal (justifié par l'intuition) qui révèle le sens des choses. Le sujet transcendantal, par l'intuition, retrouve l'anté-prédicatif comme le même retrouve le même. Le sujet concret est le même que le sujet transcendantal. La donation de sens et de forme vient du pré-savoir (ainsi est justifié l'empirisme méthodologique). De même que le savoir formel du sujet transcendantal était tautologique, la relation du moi concret et du sujet transcendantal débouche sur une identité tautologique. Alors les deux moments de l'idéalisme subjectif se «synthétisent». Le lien entre le formalisme et la réalité sensible est trouvé. C'est le continuum de l'anté-prédicatif au sujet transcendantal. C'est le sens. Le sens (ou l'explication) n'est pas du logique à l'irrationnel mais, au contraire, la pulsion vitale venue du monde de la vie. L'épistémologie bourgeoise a réalisé une double opération : habiliter l'autorité de la classe qui dispose du langage (par la logique formelle) et dans la pratique sociale habiliter la situation de fait, politique et historique, en la réifiant en pré-réflexif révélé par l'épistémologie. Tel est le modèle épistémologique de la bourgeoise. La stratégie de l'idéalisme subjectif est d'établir un hiatus entre l'existentiel et le savoir, entre la pratique et la théorie, entre la classe cultivée et la classe productive, entre la vie intime et le discours scientifique, pour profiter doublement en jouant sur les deux tableaux : par l'autorité du savoir (statut de classe) et par le pouvoir de la nature (qui donne même le sens au savoir). La dualité entre la pratique et la théorie doit être maintenue (au prix de l'aporie nominalisme-réalisme) pour maintenir la ségrégation de classe. Il faut empêcher la non-intellectualité d'accéder à la transparence et au savoir d'elle-même, qui serait sa désaliénation, en la réduisant à un résidu à tout savoir. Les techniques opérationnelles de ce modèle épistémologique sont : le formalisme, l'intuition, la tautologie, la méthodologie empirique, la donation du sens par l'anté-prédicatif. L'ego transcendantal s'arroge le pouvoir de décision épistémologique. Ce privilège ne serait que le mérite de l'ascèse qu'est le passage du moi concret au sujet de la connaissance. Alors serait valable l'intuition, pouvoir du savoir, qui peut connaître la nature des choses, leur sens.
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Β . L'APPLICATION DE CE MODÈLE A QUELQUES SCIENCES DE L'HOMME
C'est sur ce modèle épistémologique que se sont constituées les sciences humaines, en particulier, et toute anthropologie, en général. Notre critique de ces savoirs consistera donc à montrer qu'ils ne font que reprendre, à leur manière, l'épistémologie husserlienne. Les sciences humaines (psychologie, sociologie) sont peut-être le modèle du savoir tautologique. Dans un premier moment les «essences saisies» ne sont que la projection empirique du moi concret. Puis, progressivement, elles accèdent à une méthodologie particulière à chaque intentionalité cognitive. La sociologie est le discours qui se dit sociologique, discussions de sociologues, la littérature sociologique, la licence de sociologie. La reconnaissance du statut professionnel, c'est-à-dire la promotion politique, a habilité la science sociologique. L'objet du savoir est le savoir de la sociologie. La science constituée justifie un objet de connaissance sans que les fondements de la science, et la nature de cette connaissance, aient été définis par une problématique critique. Alors qu'il s'agit de l'homme, de son destin dans et selon les groupements humains ! De même que le moi concret a empiriquement et intuitivement instauré un corpus sociologique, la science constituée prétend définir la personne sociale. La démarche tautologique est exemplaire. On pourrait l'illustrer par certains procédés. Ainsi le questionnaire. D'abord inventé, comme pré-questionnaire, puis confronté à la réalité, celle-ci permet une réévaluation de la problématique, et alors un retour à la pratique. Le résultat est doublement interprété : et par l'individualité du sociologue qui interroge, et par le groupe de sociologues qui déchiffre, interprète. Ce cycle, du sujet empirique de la connaissance au sujet empirique connu, est une inter-subjectivité qui ne peut délimiter la part de l'un et de l'autre. Du questionnaire à la réponse, de la réponse au questionnaire, s'instaure une stratification d'empiries, d'images, de parcellarités concurrentielles. Mais ainsi ce savoir prend l'autorité qu'est la présence d'une réalité institutionnelle, politique. On identifie alors la valeur de connaissance à la valeur de réalité sociale. Et c'est le deuxième moment de l'épistémologie husserlienne. De même que le moi concret a sécrété la science empirique d'une empirie (et que l'un se justifie par l'autre), la réalité «scientifique» des sciences humaines va se proposer pour donner le sens des choses humaines. C'est la phase de soumission, à la technocratie dirigeante, des sciences humaines appliquées au politique. (Et on peut proposer une illustration de cette phase : les sondages à propos des élections en France. Avant les élections a été proposé le sens,
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c'est-à-dire la tendance majoritaire. C'était vouloir imposer la chose avant la décision. On indique une loi et on demande la ratification, l'inexistence de l'opposition étant pré-établi. C'est une pression politique sur l'indécis, sur le marais. Et les fourchettes ne font que définir la part de résistance du citoyen aux pressions du pouvoir socio-politique.) Telle est donc la démarche épistémologique des sciences humaines : le moi concret connaît des empiries qui prétendent décider du sens politique. La classe dirigeante distribue ainsi son idéologie, non plus dans la naïveté des proclamations de foi, mais par l'appareil de connaissance dont elle dispose. Non pas comme répression, mais comme libéralisme du savoir. Mais, nous dira-t-on, cette critique des sciences humaines ne porte par sur le nouvel intelligible proposé par le langage ; les sciences humaines pourraient dépasser l'empirisme, le savoir pourrait être celui de la chose en soi, lorsque la logique immanente au langage, dégagée de toute empirie, serait le référentiel de toute anthropologie. Le langage aurait le statut privilégié qui permet d'écarter l'aporie de la philosophie de la connaissance : celle du réalisme-nominalisme, celle de la subjectivité-objectivité, celle du sensible-intellect. «Le langage, ni subjectif, ni objectif, enveloppe le sujet et l'objet... il détiendrait une objectivité qui ne serait pas celle d'une chose, d'une substance (relative ou absolue). Il posséderait une réalité irréductible à celle d'une ' conscience ', détachée, séparée de l'objet (qu'on se la représente comme existentielle ou comme ' transcendantale ' '...)» Nous pensons qu'au contraire le langage ne fait que répéter la vieille querelle scholastique des universaux, nominalisme-réalisme, et qu'à l'intérieur du langage le respect du principe d'immanence fait apparaître la contradiction traditionnelle du savoir idéaliste. Deux cas limites des opérations faites sur le langage ne feront qu'illustrer cette traditionnelle dualité. Tantôt le langage débouche sur le nominalisme, tantôt sur un hyper-réalisme (qui est donation du sens par l'anté-prédicatif). A quelles conditions devrait répondre la syntaxe logique ? La syntaxe logique ne doit présenter aucune compromission dans le sensible et l'empirique, et quand même reconstituer tout le discours immédiat et pratique. Elle ne doit avoir aucun fondement extérieur au langage que ce soit d'une réalité idéelle ou matérielle. (La problématique, traditionnelle, de la linguistique, ne pose qu'un problème subsidiaire, qui n'est pas fondamental. Ce problème : si une logique est immanente au langage par quelle opération peut-on connaître sa non7. H. Lefebvre, Le langage et la société, p. 36-37.
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contradiction et son irréductibilité axiomatique, est d'ailleurs insoluble, par la propre syntaxe logique.) Nous voulons montrer que la syntaxe logique, lorsqu'elle répond à ses propres exigences, se réduit au pur intellect, au nominalisme et au solipsisme. Donc, selon le principe d'immanence, cette syntaxe logique ne devra tirer aucun prédicat, soit d'existence, soit de nécessité logique, à l'extérieur de sa propre écriture. Par conséquent, un double référentiel implicite doit être définitivement écarté. Les opérations et signes de la syntaxe logique ne peuvent se justifier, prendre présence, de par un réalisme platonicien des entités utilisées par la syntaxe. Ces opérations et signes n'ont pas leur existence de par une réalité extérieure au seul langage. La syntaxe logique sera donc un conventionalisme. Et toujours en vertu du principe d'immanence, ce conventionalisme se renforce du formalisme, qu'est l'interdit de fonder la syntaxe logique en quoi que ce soit du réel, sensible, pratique. La syntaxe logique est double interdit de la réalité, soit des idées, soit du sensible. Elle ne doit être ni l'une, ni l'autre, alors qu'elle voudrait jouer sur les deux tableaux. Elle est donc la pure opération intellectuelle dont la seule existence est l'acte du sujet transcendantal lorsque celui-ci s'éprouve dans le solipsisme et le nominalisme. La syntaxe logique existe et est justifiée, en logique, par le champ d'existence du sujet transcendantal. La loi de l'esprit, propre logique, est l'identité tautologique qui fonde le solipsisme. Alors la syntaxe logique atteint sa justification par sa propre réalité. Le répétitif de A à A, l'identification A est A, est le seul énoncé justificatif de la syntaxe logique, car immédiate identité du connaissant et du connu, de l'existence d'un savoir et de ce savoir, de l'objet et du sujet. La rigueur formelle de la tautologie est la seule syntaxe logique et celleci est aussi le fondement de l'idéalisme subjectif. La syntaxe logique n'est, dans sa réalité, qu'opération intellectuelle du sujet. Par la tautologie, le sujet transcendantal et la logique formelle identifient l'existence et le savoir. Le solipsisme est l'acte décisif, qui fonde et la logique (mais formelle) et le sujet (mais transcentandal). La syntaxe logique est existence formelle du sujet. L'idéalisme subjectif est dans ces deux moments : fondement logique, rationnel, du moi, puis expérience de la solitude du moi, par l'opération intellectuelle impuissante, par définition, à rejoindre le réel. L'opération intellectuelle, dans la mesure où elle est formelle (syntaxe logique) est l'existant du sujet transcendantal. L'idéalisme subjectif, tautologique et nominaliste, s'est donc révélé dans cette première prétention du langage à fonder un modèle d'intelligibilité par une syntaxe logique. Le même idéalisme subjectif va se révéler dans la démarche symétrique :
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le structuralisme linguistique, qui se fonde sur le réalisme, le sensible, le pratique, selon le même principe d'immanence. Et de même que la volonté d'intelligibilité, par l'intellect, débouche sur le solipsisme et le nominalisme, le fondement des universaux par le réalisme illustre la deuxième démarche husserlienne : la donation du sens par l'anté-prédicatif. Par la phonologie serait faite une acquisition épistémologique fondamentale, la révélation de l'ordre véritable commun à toute chose, que des superpositions lexicales, sémantiques, historiques ne font que cacher : le mode exemplaire de rencontre de la logique et de l'inconscient, comme immanence. Les lois du langage révéleraient à la fois l'entendement et la nature. (Et le système élémentaire de la parenté peut illustrer, dans la pratique sociale, la commune loi.) Le sens que révèle l'historicité, la loi du devenir, ne seraient plus que des perversions d'une ontologie définie par la logique. (Et sans qu'il y ait une antériorité quelconque de l'un des termes : l'immanence, l'ordre, l'ontologie sont donnés par la phonologie. Il suffit de bien connaître les lois du langage pour enfin accéder à la connaissance véritable, qui est celle de l'être, ou plus exactement de la «structure», qui est la systématique de l'infrastructural et du superstructural, dans la moindre historicité, comme fixisme, meilleur équilibre possible.) O n connaît le succès de cette démarche ; une longue chaîne de sciences «modernes» partant des lois phonologiques, par le détour de l'ethnologie, et par le truchement de la psychanalyse, découvre enfin l'universalité commune aux sociétés primitives et historiques. Le superstructural des sociétés occidentales ne fait qu'occulter la vraie structure. Et connaître celle-ci, c'est dénoncer le pseudo-sens, l'historicité, qui n'est que contingence et facticité. Notre critique soulignera d'abord l'empirisme d'une démarche exemplaire, car composée d'ethnologie, de structuralisme linguistique, de psychanalyse : Lévi-Strauss, par quelques relations, d'une logique combien sélective, fragmentaire, du langage (de la phonologie) reconstitue les lois de la parenté et l'entendement 8. Nous dirons, nous aussi, qu'il s'agit bien de l'entendement des Bororos, que c'est bien la pensée primitive, c'est-à-dire un système relationnel privé d'histoire. Mais en révélant la pétition de principe. C'est justement en tant que système privé d'histoire que l'inconscient peut être immanent à un entendement réduit, ramené à quelques catégories élémentaires. C'est parce que cet entendement contient le moindre relationnel, la moindre élaboration historique, qu'il dit effectivement une nature, mais non pas la nature en soi, éternelle, mais la nature elle aussi la plus pauvre, l'inconscient le moins 8. Cl. Lévi-Strauss, Les structures élémentaires
de la parenté.
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élaboré. C'est la commune pauvreté de l'entendement et de l'inconscient qui fait leur immanence. Et à ce niveau, en effet, les deux s'identifient, ne sont pas en contradiction, mais dans une continuité non conflictuelle. L'immanence entendement-inconscient ne révèle donc pas la structure, l'ordre idéal de la disposition du savoir et de la vie, mais l'immanence d'une société non historique à son négatif. Cette moindre distance entre l'entendement et l'inconscient est la moindre structuration. Ce n'est donc pas la révélation de l'inconscient qu'apporte Lévi-Strauss, mais d'un entendement rudimentaire, d'un système relationnel totalement réifié, car privé de la variable qu'est l'histoire. L'inconscient est aussi pauvre et insignifiant que l'entendement. La nature est, comme privation du sens que donne l'histoire à la nature elle-même. Elle est la culture fixée à un mode de production et d'existence, incapable de faire apparaître une stratification historique, d'acquérir même la dimension existentielle qu'est la temporalité historique. Notre critique peut maintenant s'élargir : la relation inconscient-entendement, nature-culture, doit être historique. D'immanents, lorsque l'entendement est rudimentaire, expression d'un mode de production fixiste, subsistance élémentaire, les deux termes se font dualité et contradiction, à mesure que l'entendement progresse. Il faut qu'il y ait un processus de négation de longue durée, immanent au devenir, d'une continuité sans rupture, pour que l'inconscient de la culture historique soit constitué. C'est l'acte de négation qu'est l'histoire qui élabore la nature, lui donne son sens, son contenu comme substance devenue. Aussi, en aucune manière, ne peut-on extrapoler, identifier l'inconscient du primitif et l'inconscient devenu élaboré par l'histoire. Et d'ailleurs, n'estce pas contradictoire, dans les termes même de l'ethnologie bourgeoise ? Si chez le primitif le structuralisme linguistique révèle une immanence de l'entendement et de l'inconscient, cette situation n'est plus valable dans le champ historique où les deux termes ont une relation de dualité ! Entre les deux champs culturels le hiatus est définitif. Cette identification ne peut se faire qu'en ignorant la loi fondamentale du langage : la double articulation9. La première articulation définit des unités signifiantes, signes linguistiques, monèmes, qui donnent le sens, le contenu sémantique, illimités, ouverts. C'est l'histoire qui définit ce premier champ culturel. La deuxième articulation est purement physiologique, mécanique. C'est une science de la nature : fonctionnement des organes qui produisent des sens. On peut donc les caractériser par des traits pertinents, calculer leurs combinaisons. Elles relèvent du calcul des probabilités. 9. A. Martinet, Eléments
de linguistique
générale,
p. 19-25.
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Il va de soi que le sens se dit dans et à partir d'un commun système phonologique. Tout signe est matériel. Mais si, à un premier moment, le phonème est le sens, parce que privation d'histoire, répétition organique, l'histoire n'est autre que l'arrachement à la nature, une progressive distanciation du sens et du signe. Ainsi se constitue tout un savoir, comme négation du système phonologique. Et qui est l'histoire : savoir non matériel, système culturel. Et l'inconscient n'est plus la première nature mais tout ce savoir historique, tout cet acquis, nié par le pur répétitif, le mécanisme des combinatoires, la réification culturelle qu'est la première nature, la présence organique. (Cette relation sens-signe peut être comparée à la relation rythme-mélodie. La mélodie se dit dans, à partir du rythme. Mais elle finit par le nier et même par s'en passer.) Il y a deux inconscients : celui de la pensée sauvage et celui de la pensée historique. Les deux ont en commun l'équipement physiologique. Mais alors que chez le primitif cet équipement physiologique donne le sens du relationnel, immédiatement, sans liberté, sans variable, sans marge d'interprétation, au contraire, pour l'homme historiquement devenu, le sens est la négation du seul système phonologique, du fixisme du relationnel de la production de seule subsistance. Le sens vient du relationnel, de la création, du politique et non de l'équipement mécanique et physiologique. L'inconscient du primitif est comme privation du sens, de l'histoire. L'inconscient de l'histoire est comme négation de cet inconscient du primitif. De même que l'inconscient du primitif, défini par l'ethnologie, est négation de l'histoire, l'inconscient de la culture historique est négation de la nature définie par la situation du primitif. Cette négation, par l'histoire, du biologique, physiologique, mécanique, phonologique, conformisme, est déterminante de l'inconscient historique ; elle donne au comportement du corps un autre sens, elle lui apporte un contenu, une finalité, d'ordre historique. Cet inconscient, d'ordre historique, reste un non su et un non dit. Il peut être représenté, institutionalisé, mais comme avatar momentané, car il est le devenir historique. L'histoire n'a conscience d'elle-même qu'à travers des symboles, des accidents. (La fin et le sens de l'histoire sont l'accession à la conscience de ce devenir, le passage de l'en soi au pour soi, la rationalisation de l'inconscient.) Aussi ce processus de négation du conformisme (lequel est la répétition de l'équipement physiologique dans le relationnel) est couramment nié. Le nier, c'est affirmer l'inconscient du primitif, revenir au comportement politique organisé par l'équipement physiologique. Et cette opération doit être considérée comme intégrante à l'inconscient historique : celui-ci nie la réduction au seul
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physiologique, puis se refuse à cet effort, à cette contradiction intime. C'est que la démarche historique se fait avec le corps, l'équipement physiologique, qui peut toujours s'actualiser, mais dans le contexte historique. Aussi, pour l'ethnologue, le structuralisme linguistique, la psychanalyse, la spécificité de l'inconscient historique est refusée. Ce serait le même inconscient, pour la pensée sauvage et pour le sujet transcendantal ! Le même, pour une culture définie par l'identification aux lois de la nature, et pour une culture définie par le dépassement de ces lois de la nature ! Le non-savoir des déterminations qui relèvent de la nature serait identique au non-savoir des déterminations qui se refusent à cette nature ! Le relationnel dicté par la nature serait identique au relationnel qu'est la négation de cette nature ? C'est ce que propose la phonologie, lorsqu'elle extrapole, nie le sens, pour imposer l'anté-prédicatif à l'histoire. Cette extrapolation a comme corollaire néo-kantien la paradoxale et combien curieuse identification de la pensée sauvage et du sujet transcendantal. L'anté-prédicatif est donation du sens dans les deux cas. Un homme éternel, une nature humaine, sont retrouvés. Et cela est révélé par les lois de la phonologie : «Ça parle.» Un transcendantal sans sujet transcendantal est l'objectivité enfin atteinte. Une impersonnalité qui serait l'universel est révélée par le langage. Plus de dualité nominal-sensible puisque immanence de l'inconscient et de l'entendement. «Qu'importe» que ce soit la grille de l'ethnologue qui s'impose à la nature du primitif ou que ce soient les mythes de celui-ci qui proposent cette grille. L'ambiguïté entre le sujet de la connaissance et l'objet de la connaissance serait enfin levée. Dans ce syncrétisme et ce confusionisme, l'histoire, le sens, n'ont plus aucun rôle. Aussi faut-il encore dénoncer le mécanisme de l'idéalisme subjectif, ce deus ex machina caché dans le réalisme impersonnel du «ça parle». C'est toujours le sujet qui connaît et décide de la connaissance. Car c'est toujours un tel, ethnologue, psychanalyste, linguiste, qui dit : «ça parle» 10. Et son dire, son je, est une antériorité logique au ça impersonnel. C'est le savoir de l'homme occidental, de la culture bourgeoise, qui, à tel moment de son histoire, définit l'entendement, la psychanalyse, la science, et ses postulats implicites ou explicites. Psychanalyse, ethnologie, structuralisme linguistique ne sont que des illustrations, des champs d'expérience, de la même situation culturelle. C'est la culture qui a défini la nature, qui a extrapolé sa connaissance en nature. Le savoir ne révèle pas la nature mais la crée. Et selon des motivations qu'un usage pertinent, alors, de la psychanalyse révélerait (nostalgie
10. J. Lacan, Ecrits.
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de la mère, conflit avec le père, réaction libérale devant la raison dialectique, refus de la rationalité, de la société industrielle, etc.). Le langage, comme la phénoménologie de Husserl, ne révèle donc qu'un formalisme tautologique, ou qu'un anté-prédicatif, dont la valeur opérationnelle est de nier le sens, l'histoire. C'est la double opération de l'idéalisme subjectif ; c'est sa contradiction (donc sa dénonciation), entre le solipsisme, pureté du savoir, et sa perdition dans l'irrationnel.
II. LE SUJET TRANSCENDANTAL SELON SON PROCÈS DE PRODUCTION : LA THÉORIE DE L'ENSEMBLE PRÉ-CAPITALISTE QUI PRODUIT CE SUJET TRANSCENDANTAL A . DE LA CRITIQUE DU NÉO-KANTISME A LA RAISON DIALECTIQUE
1. Le double avantage de notre méthode C'est à partir des propositions insuffisantes ou contradictoires du néo-kantisme que nous définirons notre méthode historique. Ce procédé a un double avantage. Premièrement : ce sera par la problématique même du sujet transcendantal que nous passerons à la méthode historique. Pour bien préciser comment le sujet de la connaissance est pleinement assumé. Nous reprendrons les catégories néo-kantiennes non pour nier à travers elles, le kantisme, mais au contraire pour montrer que la solution des contradictions néo-kantiennes est d'ordre historique. Le kantisme s'est doublement prolongé : comme idéologie de la bourgeoisie et comme rationalité de la méthode historique. Et cette dualité de contradiction est la double interprétation du post-kantisme. A partir d'un acquis commun se sont constituées l'idéologie d'une bourgeoisie qui se fait conservatrice et la méthode d'opposition à cette bourgeoisie. Par la méthode historique, donc, nous proposons la solution du problème que le néo-kantisme ne peut ni ne veut résoudre. C'est le sujet de la connaissance qui est le problème commun. C'est le savoir, la méthode scientifique, que l'on doit définir. Et la méthode historique reprend le sérieux du kantisme en critiquant le néo-kantisme. En montrant qu'à son projet kantien de rationalité une solution empiriste et irrationaliste a été proposée. En montrant comment les contradictions exaspérées dans le néo-kantisme peuvent être dépassées. La méthode historique dira la raison historique de ces contradictions et leur solution historique.
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Ainsi, en situant la problématique critique de l'histoire à partir de la problématique kantienne et néo-kantienne, nous aurons d'abord l'avantage, sur le plan polémique, de retirer ses arguments à la partie adverse. (Et nous parlons des arguments sérieux d'ordre rationnel.) Deuxièmement : notre méthode a un intérêt ; ces prolégomènes de la méthode historique (par la critique du néo-kantisme) proposent déjà la problématique anthropologique (anthropologie historique). En effet, la vraie anthropologie n'est autre que la révélation des raisons historiques des contradictions néo-kantiennes. La méthode néo-kantienne révèle à partir de ses contradictions ce que la bourgeoisie non seulement ne veut pas connaître mais nie. Il s'agit encore de renverser des propositions idéalistes qui alors seront révélatrices de la raison de leur occultation. Le néo-kantisme est une méthodologie de l'occultation. Son non-dit méthodologique révélera la réalité historique. La critique du néo-kantisme est donc partie intégrante de l'anthropologie historique. Nom précisons bien : la méthode historique, comme révélation du non-dit néo-kantien, s'applique immédiatement comme révélation d'une pratique socioculturelle. L'anthropologie historique, à travers la sociologie de la connaissance, doit révéler le conditionnement historique du savoir. Et non pas seulement selon les catégories constituées du savoir mais selon les conduites concrètes, existentielles. Et ce n'est pas seulement une psychanalyse existentielle du néokantisme que nous proposons. Mais la problématique historique et objective qui rend nécessaires les déterminations existentielles. 2. Les trois niveaux de définition de notre méthode historique selon la triple critique du néo-kantisme Nous définirons d'abord les implications historiques dérivées du sujet transcendantal. Nous définirons les propositions méthodologiques qui corrigent l'interprétation néo-kantienne de ce sujet de la connaissance. Puis nous corrigerons la dichotomie husserlienne formalisme-empirisme. Pour cela nous proposerons la science qui autorise une logique concrète : la science de l'histoire. Enfin, troisièmement, nous reprendrons plus précisément les applications modernistes du néo-kantisme. Ainsi le couple inconscient-structure sera reconverti dans le couple négatif-champ de production. Reprenons donc les postulats néo-kantiens en propositions critiques qui, progressivement, nous permettront de définir notre problématique et notre méthodologie.
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B . LES IMPLICATIONS HISTORIQUES DU SUJET TRANSCENDANTAL. DU SUJET LOGIQUE A L'HISTOIRE
Première proposition : l'idéalisme subjectif hypostasie le sujet de la connaissance en un absolu. Il nous faut donc montrer qu'il n'est qu'un résultat historique, que son transcendantalisme se ramène à un immanentisme. Il nous faut donc montrer que l'idéalisme subjectif n'est autre que la négation (non sue, non posée comme telle) de la démarche historique. Et c'est d'ailleurs une constante de la démarche idéaliste, du libéralisme, de l'idéologie bourgeoise : nier le procès de production, mais en même temps capter le résultat de ce procès de production. L'idéalisme subjectif est au résultat d'un processus, il s'empare de ses réalisations, et présente comme a-historique, chose en soi, ce qui est devenu son statut de classe. Il faut donc montrer le procès de production du sujet transcendantal. Ce n'est plus l'usage, faussement innocent, d'une acquisition, mais l'opération d'acquisition qui est le problème. Quel est donc le conditionnement historique de son surgissejnent ? Ce sujet transcendantal se propose, au niveau de l'idéologie constituée, de la philosophie, comme la synthèse d'un double processus épistémologique : passage du moi sensible au sujet logique et passage du transcendant au transcendantal. Il est donc le résultat d'un double processus de négation : du sensible et de l'empirique (de l'immédiat concret) et des représentations spirituelles exprimées par le christianisme (lequel exprime le référentiel transcendant). Un schéma formel de l'opération logique, qui aboutit au statut de la connaissance, est donc défini. C'est ce schéma formel qui doit être repris, mais historiquement, concrètement, dialectiquement. Cette synthèse, ces processus de négation, doivent être définis selon leur condition sociale, selon la réalité sociale qui est le lieu de l'effectuation. Alors la signification politique de la connaissance apparaîtra : un niveau du savoir, un champ de conscience, sont historiquement apparus. Mais ce savoir a été capté par la classe sociale qui, niant sa réalité historique, l'a déformé pour habiliter son statut de classe. La localisation du savoir dans son conditionnement économico-politique, comme devenir et résultat de ce devenir, permettra de redéfinir le savoir dans sa nécessité historique. Deuxième proposition : le sujet transcendantal est donc historiquement produit. Cette production définit le sens ; elle trouve sa fin par le sujet transcendantal. Celui-ci, en tant que fin d'une production, consacre le sens de la production.
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Cette donation du sens, par la fin d'une production, s'oppose donc radicalement à la donation du sens par l'anté-prédicatif. Ces deux systèmes épistémologiques sont contradictoires comme l'idéologie conservatrice et réactionnaire est contradictoire à l'explication scientifique par la production d'une fin. Et les paradoxes du néo-kantisme vont pleinement apparaître : comme négation du sens de l'histoire et affirmation du sens donné par l'anté-prédicatif. Mais cette démarche n'est possible qu'à un moment historique : le kantisme (et le néo-kantisme à fortiori) sont produits à un moment de l'histoire. Et ce sens de l'histoire est le passage du sensible au transcendantal, de la législation empirique à la législation par la raison pratique. Le kantisme (et le néo-kantisme) étant une production historique (ils n'existeraient pas sans l'histoire) comment le néo-kantisme peut-il nier ce sens, qui lui donne sa seule réalité ? Il ne peut le faire qu'en niant le procès de production historique, qu'en hypostasiant la fin de cette production en idéalisme subjectif. Or c'est la démarche historique qui a produit cette négation de l'histoire. Aussi peut-on dire que le néo-kantisme est doublement historique. A l'historicité que nous venons de définir (production historique du néo-kantisme) s'ajoute l'historicité qu'est la négation de l'histoire. Le néo-kantisme est doublement historique : comme résultat d'un processus historique et comme négation, historique, de l'histoire. Le sens, selon la production historique, est donc doublement définissable : selon la fin de cette production, et, à la fin, comme négation de cette production. Ce paradoxe du néo-kantisme est révélateur : pour donner le sens selon l'anté-prédicatif il faut refuser l'histoire. La production d'un système d'intelligibilité, qui trouve son sens en son accomplissement, dénonce comme démarche rétrospective, restauration du sujet sensible et empirique, la donation du sens par l'anté-prédicatif. Celui-ci n'est que négation de la réalité historique du sens. L'anté-prédicatif dans sa génétique conceptuelle se révèle non comme antériorité à la raison mais comme appareil idéologique de destruction de la raison. Il n'est qu'opération intellectualiste de restauration du sensible, décision politique de négation de l'histoire. Il est l'idéologie de la réaction politique. Alors le sujet sensible, empirique, qui est proposé selon la nature, l'instinct, l'intuition, n'est pas l'expression d'une réalité recevable sur le plan épistémologique. Il n'est que construction d'un sens totalement produit par l'idéologie bourgeoise. Il n'est que définition de conduites politiques pour restaurer, comme réaction devant la raison. Cette deuxième proposition définit le sens. Elle complète la première
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qui a défini la localisation historique. La production historique du sujet transcendantal donne le sens. Et nous ajouterons un corollaire à cette deuxième proposition, en l'utilisant pour définir la temporalité. Celle-ci n'est pas l'existentiel en dehors de l'histoire, la durée selon un écoulement organique qui ne se réfère qu'à lui-même, ou la durée selon des surgissements existentiels discontinus mais répétitifs. La temporalité est un savoir du sens. C'est un sens intime de la transformation, de la fixation, de la restauration. Toute durée contient une information historique qui interdit toute innocence individualiste devant l'histoire. Nous développerons longuement cette conception de la temporalité comme savoir historique immanent à l'existentiel. Mais nous fixons déjà son modèle ; la temporalité est le savoir du sens, comme expérience existentielle, d'une nécessité, d'un ordre. Elle est confrontation d'un acquis historique selon une structuration d'ordre politique et restauration d'une étymologie selon une déstructuration encore politique. Il n'est pas d'innocence naturelle de l'individu d'avant l'histoire. Définissons maintenant notre troisième proposition, reprise du néo-kantisme, qui nous permettra de préciser encore mieux notre méthode : le sujet de connaissance est objet de connaissance. Dans la perspective néo-kantienne cette démarche se ramène au solipsisme et à la tautologie. Dans la perspective historique, au contraire, le sujet de connaissance se connaît comme tel (selon les conditions logiques du savoir) et comme production historique. Ce sujet de connaissance est objet de connaissance lorsque son savoir théorique et formel lui est connu comme résultat d'un devenir historique de la connaissance, laquelle connaissance n'est qu'un effet d'un processus historique global. Le passage de l'empirico-sensible (moi concret) au logico-normatif (sujet transcendantal) se fait selon la dialectique des forces productives et des rapports de production. Le sujet de connaissance et l'objet de connaissance sont donc tous deux d'ordre historique. Leur relation est celle d'un procès de production et de son accomplissement, du devenir et de la fin. Le sujet de connaissance est le résultat d'un processus historique et l'objet de connaissance est l'étude de ce processus historique. Ainsi l'identité n'est plus celle de la tautologie mais celle de deux moments historiques, du devenir et de sa fin. Et la distance des deux termes, dans le même lieu homogène, selon le même sens, n'est plus celle d'un savoir formel et d'une pratique empirique, mais l'immanence, dans la praxis, de la pratique et de la théorie. Nous proposerons cette relation du sujet et de l'objet de connaissance (du
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savoir formel et de sa production historique) comme la «coupure épistémologique» radicale. Précisons les caractéristiques de celle-ci. Cette coupure épistémologique ne peut être réduite à la coupure entre la pratique théorique et la formalisation systématique de cette pratique. Elle ne saurait se limiter au passage d'une science empirique, qui se cherche, à l'axiomatisation de cette science. Cette coupure mineure se fait à l'intérieur des sciences constituées. La coupure épistémologique radicale est le passage de la praxis globale à un statut du savoir produit par cette praxis globale (sujet transcendental). Ce statut du savoir consacre la prise du pouvoir politique par la bourgeoisie (kantisme). Et à partir de ce statut deux orientations contradictoires seront possibles : le néo-kantisme, comme idéologie de la bourgeoisie qui se fait conservatrice, et la raison dialectique (Hegel-Marx). Selon deux systèmes logiques que nous nous attachons à définir. L'importance de cette coupure est donc capitale et actuelle, elle montre d'abord comment la praxis a produit le statut du savoir, puis, en retour, comment le savoir acquis se fait soit idéologie conservatrice soit science révolutionnaire dans la nouvelle praxis industrielle. C'est toute la problématique de la connaissance qui se trouve confrontée à la praxis. L'élaboration superstructurale la plus formalisée doit se proposer selon l'ordre matériel de sa production. C'est le topique même : comme articulation du discours culturel de notre époque à la logique de la production. Précisons la relation de la pratique et de la théorie, de la production historique du savoir et de sa formalisation, selon cette coupure épistémologique. En tant qu'immanence à l'histoire, c'est-à-dire aux rapports de production, le savoir, même le plus formel, ne saurait être désincarné. Le savoir relève du rôle du savant dans les rapports de production. C'est son statut socioculturel qui consacre dans les rapports sociaux le degré d'élaboration de la science. Et même lorsqu'il s'agit de la science la plus formalisée, du système le plus axiomatisé, fermé, autonome, c'est le statut de l'épistémologie qui doit révéler la signification la plus profonde de la formalisation. Encore une fois nous devons éviter de réifier la connaissance, non pas en abstraction, moment logique de la production théorique, mais en idéalisme, en système d'entités qui aurait son prédicat d'existence transcendant à la praxis. Et pour cela nous devons proposer comme constante, à la production du savoir et à sa formalisation, le statut du chercheur, du savant, de l'épistémologie. Ainsi la formalisation et la systématisation seront des signes sociaux d'un moment de la science et d'une détermination spécifique du statut. Le rôle dans le procès de production (qui localisera le statut) sera la constante,
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l'invariant, dans la dialectique de la pratique théorique et de la théorisation pure. Le statut social, selon le rôle dans le procès de production, définit donc l'immanence du savoir à la vie. Non plus à la manière néo-kantienne (relation fixiste du sujet et de l'objet de connaissance, comme dédoublement de la personne bourgeoise) mais selon le rôle de plus en plus déterminant du savoir dans les rapports de classe. Ainsi, la science et ses sciences n'apparaissent plus en tant que discours formel et constitué qui semble surgir ex nihïlo, pure production du sujet transcendantal, discours sans rapports avec une existentialité impuissante à quitter la gratuité. Les forces productives définissent des rapports de production selon la relation existence-savoir, selon une dialectique historique de la personne sensible et de la personne intellectuelle. Ce sont les rapports de production qui sont constitutifs de l'existence et du savoir. La science exprime l'existentiel comme l'existentiel suscite la science. Telles sont les trois implications historiques dérivées du sujet transcendantal et qui corrigent l'interprétation néo-kantienne. Le sujet transcendantal est une production historique. Ce procès de production propose le sens en référence à la fin. Le sujet transcendantal marque la coupure épistémologique radicale : I o entre la pratique sociale et son savoir théorique ; 2° entre l'interprétation conservatrice et révolutionnaire. Nous venons de déplacer la problématique spéculative et idéaliste, à propos du sujet de la connaissance, sur le plan de l'histoire. Notre problème est aussi ceLui de la connaissance. Mais les déterminations logiques du sujet de la connaissance sont maintenant les déterminations socio-culturelles, historiques, de ce sujet logique. Maintenant nous pourrons reconstituer la production historique de ce sujet logique. C'est l'histoire qu'il faut connaître, car c'est elle qui produit le savoir. Et c'est le vrai problème : montrer comment le sujet logique peut historiquement apparaître.
C. LES IMPLICATIONS HISTORIQUES DERIVEES DE LA CRITIQUE DE L'ANTINOMIE HUSSERLIENNE FONDAMENTALE
1. Le réalisme logique comme fondement scientifique de notre démarche a) Nécessité d'un détour pour fonder scientifiquement l'étude historique Avant de montrer, donc, la production historique du sujet logique, nous devons faire un détour pour justifier notre étude historique.
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Nous avons rompu radicalement avec le discours transcendantal néo-kantien, avec sa définition idéaliste du sujet logique. Et c'est seulement maintenant, à proprement parler, que commence la définition méthodologique, après l'exposition qui nous a permis d'accéder à l'énonciation de notre problème. C'est en son fondement que notre méthode doit se justifier : pour établir comment historiquement se produit le sujet logique, il faut d'abord justifier scientifiquement cette démairche, montrer que les lois de la production historique autorisent cette connaissance. Pour cela, il faut que l'histoire réelle (l'histoire faite par les hommes) puisse être connue. Il faut que l'intelligibilité de l'esprit humain puisse atteindre la réalité historique. Autrement dit, le rationnel doit être réel. Et inversement cette réalité historique doit porter, immanente, sa propre logique, pour que cette réalité soit rationnelle. Le réel doit être rationnel. Le réalisme logique sera le grand principe qui autorise l'étude scientifique de l'histoire. b) he savoir théorique n'est qu'un «reflet» de la réalité Par le réalisme logique, nous écarterons le pouvoir transcendantal du sujet de la connaissance. C'est l'histoire qui produit le savoir. Celui-ci n'est pas produit par un pouvoir ex nihilo du sujet logique. Tel sera l'ordre de la production historique : l'histoire produit le sujet de la connaissance lequel produit le discours théorique et formel. Si le rationnel est réel, c'est que la réalité est rationnelle. C'est l'histoire qui est le fondement épistémologique de la logique. C'est sa logique immanente qui peut autoriser, par la redite, dans le répétitif, mais d'un discours codifié (lequel prétexte son code spécifique et autonome pour prétendre se substituer) la rationalité du savoir. La logique concrète est alors immanente au discours théorique. Le discours théorique n'est que le «reflet» de la réalité déjà logique. Et si nous parlons de «reflet» pour indiquer la relation du réel et du savoir, c'est pour bien préciser la reprise, par le discours théorique, de la rationalité originelle. En ce sens l'esprit humain reflète le réel : car il n'est d'intelligibilité possible, de savoir, que par la rationalité de l'histoire. (Mais il va de soi que cette relation de reflet ne doit pas être mécaniste, relation immédiate et naïve, mais médiatisée par la dialectique, produite historiquement.) c)' Le réalisme logique comme correction du dualisme (dont l'avatar moderniste est l'antinomie husserlienne : empirisme transcendantal et formalisme transcendantal) Par le réalisme logique, fondement de la scientificité de l'histoire concrète, nous dépassons l'antinomie traditionnelle entre la réalité et la logique.
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Ce dualisme n'est d'ailleurs qu'une position de repli de l'idéalisme. Celui-ci traditionnellement s'efforce de réduire l'être historique. Que ce soit l'idéalisme spiritualiste de la religion (qui veut soumettre la vie à la Révélation), que ce soit la raison analytique de la bourgeoisie (qui veut ordonner la praxis selon ses catégories formelles). Mais l'intelligible ne peut alors récupérer toute la praxis. Et c'est un constat de l'irréductibilité de l'être historique aux catégories spirituelles ou arbitrairement et formellement logiques. Ce dualisme fonde l'idéologie bourgeoise, car il justifie la ségrégation de classe par l'irréductibilité des deux ordres : rationnel et pratique, de l'intellect et du travail. Cette dualité s'exprime en sa perfection par l'antinomie husserlienne fondamentale entre le formalisme transcendantal (qui propose un savoir formel et abstrait), et l'empirisme transcendantal (qui propose une réalité concrète mais intuitive... et empirique). Par le réalisme logique le réel n'est plus d'ordre intuitif, empirique, parcellaire, mais s'exhausse au contraire à la dignité des catégories logiques. C'est la réalité qui est logique. d) ha réalité historique se produit intégralement (causalité immanente) C'est à ce niveau qu'il faut proposer une importante distinction entre la nature et l'ontologie. L'histoire assure la coupure de l'ordre naturel et de l'ordre politique, historique. La phénoménologie (c'est-à-dire la logique de la production selon la réalité concrète) est cause d'elle-même. Il ne saurait y avoir une logique antérieure ou transcendante à celle de la production historique. Méthodologiquement : principe, fin, causalité sont d'ordre historique. Nous définirons l'ontologie comme l'être produit par la phénoménologie (selon des déterminations à préciser). Et c'est à partir de cette définition que la nature peut être définie : comme privation de toute détermination phénoménologique, comme manque de l'être produit historiquement. Cette définition dialectique de la nature comme non-historicité radicale propose d'importantes garanties méthodologiques. On ne doit pas attribuer à la nature, à une soi-disant innocence antéprédicative et pré-historique, ce qui n'est qu'une détermination non connue dans sa nécessité historique. Plus généralement nous dirons qu'il n'y a pas de dialectique de la nature mais une production historique de l'ontologie. Cette distinction radicale entre la nature et l'ontologie est proposée pour bien marquer «l'absolutisme» de la production historique. L'ontologie n'est plus la nature et l'ontologie est production historique. Ainsi nous écartons les philosophies naturalistes ou de l'ontologie transcendante. L'être de la production historique est radicalement
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autre que la nature et cet être n'est pas un absolu qui transcenderait la relativité de l'histoire. Toute ambiguïté doit être levée entre la «nature humaine » et la production historique du corps-sujet. Et on ne saurait reconnaître une transcendance du sujet ontologique u . 2. Le réalisme logique selon les forces productives et les rapports de production La production historique est donc une réalité logique, et c'est celle des forces productives et des rapports de production. C'est selon les forces productives et les rapports de production que nous exposerons la logique de la production. a) Rationalité de la production. L'infrastructure productive qui objective la rationalité étymologique C'est le procès de travail qui fonde, instaure la rationalité : en tant que transformation de la nature (et ainsi passage à la phénoménologie) et en tant que première objectivation de la rationalité. Cette praxis élémentaire s'objective dans la réalité infrastructurale référente de tout autre production. Et cette matérialité produite est rationnelle. Par la première accumulation du travail la force productive produit son moyen de production. Le corps, en tant que force de travail, est dans le commencement logique de la production : moyen de production. Le corps comme outil du corps (la main, le geste), l'identité de la force productive et du moyen de production, est la réalité productive originelle. Cette moindre technicité, mais technique en puissance, permet la fabrication du moyen de production : le travail s'accumule dans l'outil, l'instrument, la médiation matérielle qui est une nouvelle fonction productive. Une durée productive se ponctualise en une réalité spatiale. Une série de gestes productifs s'objective en une production. Le procès du travail s'est objectivé en un objet qui reproduit tout ce travail sans qu'on ait à l'accomplir. Une production en devenir se répète en une fonctionnalité. C'est la production du moyen de production. En un second moment de l'accumulation, le pluralisme des moyens de production s'organise selon un système productif, qui est déjà une organisation synthétique, l'organisation de séries fonctionnelles qui se recoupent et se hiérarchisent. Toutes les relations de travail médiates s'objectivent en un système producteur. Est alors réalisée une infrastructure productive qui est la finalité et l'objec11. Heidegger.
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tivation du premier travail. Elle est recréative de ce travail et fonctionnelle. La rationalité est en acte à trois niveaux : comme réalisation d'une médiation pour une finalité (fonction causale), comme mise en relation de toutes les médiations en un système (fonction de synthèse), comme permanence fonctionnelle de l'acquisition médiate qui autorise un autre système (fonction opératoire). Cette infrastructure, accumulation de séries du travail en leur accomplissement objectif et fonctionnel, est productive : elle autorise la production des biens matériels. La force de travail produit le moyen de production et par ce moyen la force de travail produit des biens. L'infrastructure productive est le nécessaire relais de la production économique. Mais la production économique est dans la continuité de la force de travail. L'ordre de la production est donc à deux niveaux : production des moyens de production qui autorise la production des biens. Cette dernière production est fondée sur la médiation infrastructurale puisqu'on peut considérer la production des biens comme un effet de l'infrastructure productive. Cette infrastructure productive est à la fois synchronique et diachronique. Elle est d'une part historiquement accumulative, résultante d'un processus global, et en même temps nécessaire médiation à toute production. b) L'ordre du relationnel : c'est l'ordre de l'échange de la marchandise. L'infrastructure relationnelle qui s'objective en classes sociales L'ordre de la production historique commence par la production des biens matériels par la force de travail. Et c'est encore le travail qui assure la continuité de l'infrastructure productive à la superstructure idéologique. En effet, c'est le travail qui est la monnaie concrète de l'échange : c'est le temps de travail pour produire une marchandise qui est la valeur de celle-ci. L'échange de la marchandise n'est qu'échange de temps de travail. Ainsi, à la valeur d'usage de la marchandise se substitue la valeur d'échange qui n'est autre que sa signification sociale concrète. Car la quantité de temps de travail est devenue la mesure objective de la valeur de l'échange social. S'identifient : valeur d'échange de la marchandise (au niveau d'une certaine division du travail) et système relationnel. Le temps de travail est le signifiant concret enfoui dans le système de l'échange. Ce système relationnel, effet du travail, et qui va autoriser tout le travail de la distribution, qui est effet et moyen, s'objective matériellement par le travail en une infrastructure relationnelle médiatrice (comme l'infrastructure productive). C'est la matérialisation du relationnel (routes, ports, dépôts), des
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moyens de relations (bateaux, camions, etc.), des réseaux de signes de la relation (codes de circulation et de transmission). Ainsi le travail en tant que force de travail et temps de travail, objectivé et médiatisé par l'infrastructure produttive et l'infrastructure relationnelle, est la réalité même de l'action et de la relation. Mais ce référent concret à toute conduite logiquement postérieure va être nié par l'économie de marché, le profit, la plus-value. L'ordre propre à ces termes va se substituer à l'ordre de la production. L'ordre logique est du travail au moyen de production et de celui-ci à la marchandise. Mais l'économie de marché, la loi du profit, l'extorsion de la plus-value, vont se substituer à ce référent (la force de travail, les infrastructures). L'effet tend à se substituer à sa cause. Deux systèmes de signification, l'ordre de la production et celui de l'argent, s'affrontent. Le capitalisme révèle le processus historique qui autorise cette subordination de la production par son effet (l'économie de marché). C'est qu'il est l'expression finale de la plus-value, la plus grande extorsion possible de force de travail. Tout un processus s'est accompli lorsque un retournement paradoxal a été autorisé, lorsque la force de travail productive de la marchandise n'est plus qu'une marchandise, achetée sur le marché du travail. Alors l'effet prétend se substituer à sa cause (le capitaliste dira qu'il fait vivre ses ouvriers). Du communisme originel au capitalisme tout un processus s'est accompli. On peut définir le communisme originel comme un système de production autarcique en ce sens que sa production est peu différenciée (selon la moindre division du travail) et intégralement consommée par la communauté. C'est le lieu de production des biens pour la seule valeur d'usage. Le bien produit n'est pas être pour l'échange. L'ouverture relationnelle systématisable par le négoce n'est pas possible. Il y a la moindre distance entre la production, la distribution, la consommation. C'est le moindre système de médiations, de spatio-temporalités spécifiques et autonomes. Les fonctions sociales peuvent se ritualiser et se séparer mais sans s'objectiver en groupements spécifiques. Le capitalisme, au contraire, en tant que toute-puissance de l'économie de marché sur le travail, redistribue les fonctions sociales devenues hétérogènes : les classes sociales. Dans la situation-limite, la production, la distribution, la consommation, s'ordonnent non pas en ce qu'on a appelé la société de consommation, mais en deux classes sociales : l'une qui produit et l'autre qui consomme (prolétariatbourgeoisie) selon la distribution du néo-capitalisme. Les classes sociales (prolétariat-bourgeoisie) sont donc l'objectivation des deux ordres : de la production et de l'économie de marché, de la logique du travail et de la logique du profit. Ces rapports de classe vont produire l'idéologie qui n'est jamais que l'expression de la classe dominante.
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c) ha production de l'idéologie concrète : l'infrastructure institutionnelle qui autorise l'échange des signes Cette production idéologique est objectivée par le constitutionnel et le juridique. Cette idéologie constituée est alors la codification des droits, devoirs, sanctions. Elle est l'expression coercitive et répressive de la classe dominante. Cette idéologie constituée se redistribue fonctionnellement et concrètement selon un appareil institutionnel : les instances de l'Etat, l'école, la famille, etc. Cet infrastructural institutionnel est l'appareil opératoire de l'idéologique. (Mais ces institutions par elles-mêmes ne sont pas l'idéologie. Elles sont les lieux d'expression, de manipulation, de l'idéologie de la classe dominante. Mais cet institutionnel en sa fonctionnalité n'est pas idéologique. C'est l'idéologie qui utilise la médiation institutionnelle.) Cet infrastructural institutionnel joue le même rôle que les deux autres infrastructures : il est médiation. Produit, il autorise la production. Ainsi l'infrastructural est à trois niveaux. Il est la triple objectivation de l'ordre du travail, de l'ordre du marché, de l'ordre institutionnel idéologique. C'est le réfèrent non dit et non su de toute relation inter-subjective. C'est-à-dire de toute relation qui n'est plus l'expression immédiate, fonctionnelle, du travail, de l'économique, de l'institutionnel. L'inter-subjectif est le relationnel produit par ce référent en dehors des lieux d'expression du réfèrent. Ce réfèrent est l'inconscient collectif. L'inter-subjectivité n'est possible que par ce commun référentiel des individus. La relation inter-subjective n'est qu'un effet du référent. Si les individus peuvent communiquer en dehors du travail, de l'échange économique, de la coercition institutionnelle immédiate, c'est de par la participation qu'est le référent. Mais l'immédiat recours de cette inter-subjectivité est l'infrastructure institutionnelle qui véhicule l'idéologie. Le référent est capté par l'idéologie qui exprime l'ordre de la classe dominante ; aussi l'inter-subjectivité sera comme la pratique existentielle de l'institutionnel. Celui-ci se déverse dans la pratique existentielle par les modèles, statuts, rôles sociaux. Et en tant que référentiel variable selon les dispositions concrètes des groupes, fonctions, relations, spatio-temporalités. L'inter-subjectivité est donc le lieu de rencontre de l'institutionnel et du sujet. Par cette mixité l'institutionnel se redistribue en termes existentiels, ce qui n'est plus qu'allusion à l'institutionnel servant à l'expression du particulier et du concret. Et à la limite l'institutionnel se perd dans l'existentiel. L'inter-subjectivité, lieu de la pratique existentielle de l'institutionnel, dispose d'un système qui autorise ila participation des deux termes : c'est le système des signes.
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Le signifiant du signe doit assurer un triple rôle : inarquer, tracer l'institutionnel, représenter l'organicité politique ; ensuite exprimer l'existentiel en une ponctualité encore objective ; enfin établir un lien entre ces deux extrêmes par un terme médiateur, de seule communicabilité. Le signifiant doit être soit fort (du point de vue institutionnel), soit faible, soit neutre. Ces trois constituants du signifiant représentent la syntaxe élémentaire du signe. Leur mise en relation dans la même série homogène est la phrase relationnelle modèle, à partir de laquelle toute l'inter-subjectivité s'exprime, à partir de laquelle tout Je système des signes se réalise. La logique des signifiants est donc l'expression dernière, camouflée, apparemment spontanée, existentielle, de l'idéologie de la classe dominante. Cette idéologie se redistribue progressivement comme existentiel. D'abord codée, constituée, écrite, elle s'objective par un infrastructural institutionnel à partir duquel les grandes attitudes sociales se constituent. L'inter-subjectivité est le lieu immédiat, concret, des échanges possibles à partir de ces modèles. Et la logique des signifiants est le code pratique des échanges existentiels. Précisons cette fonction idéologique du système des signes. Elle est à la fois libérale (pour les mêmes de la classe dominante) et répressive (pour les autres classes). La manipulation des signes est le pouvoir de classe concret, immédiat, sensible. Et cette mainmise sur la logique des signes autorise la reconnaissance intime des membres d'une même classe. Alors, à partir des signifiants, tout un jeu des signifiés est possible. L'inter-subjectivité en tant que complicité de classe s'exprime sans se dire et sans se savoir. Tout un procès de reconnaissance déploie des signifiés ineffables, qui se dénoncent en s'affirmant, ou s'affirment en se dénonçant, selon l'impalpable écoulement du vécu. La fonction idéologique du signe est aussi d'être répressive, mais à l'égard des autres classes. L'ordre du signifiant va superposer ses significations à l'ordre de la production. Alors que celle-ci est la réalité même, sans expressions superfétatoires, comme référent de tout discours culturel, le système des signes va revenir sur un domaine qui n'est pas le sien, en sens inverse de la dynamique productive, pour constituer une inter-subjectivité venue d'ailleurs (de l'institutionnel), une hiérarchisation fonctionnelle qui n'appartient en rien au monde du travail mais qui écrase celui-ci par l'autorité politique et répressive immanente au signe. C'est par récurrence que la logique du signe se redistribue en une réalité étrangère qu'elle balise d'autorité silencieuse mais vigilante. L'inter-subjectivité est alors soumise à une action politique terroriste qui doit interdire toute culture propre au travail. Et de plusieurs manières. En parquant en un ghetto culturel 'l'expression ouvrière et en la recouvrant de signes esthético-culturels produits par la bourgeoisie (populisme, réalisme
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poétique, etc.). En interdisant les organisations propres au monde du travail, ou en les déterminant de teile manière que leur valeur institutionnelle soit insignifiante. Alors la logique des signes peut imposer au prolétariat un système de valeurs bourgeoises. Nous ne saurions trop insister sur l'importance idéologique du signe. Ce n'est pas le lieu d'une scientificité privilégiée et exemplaire, car neutre politiquement, comme le prétendent les idéologues du signe. C'est la surdétermination en tant qu'effectivité existentielle. Et bien connaître le procédé de cette surdétermination c'est faire apparaître la spontanéité existentielle comme, le plus souvent, stricte détermination idéologique. Cette surdétermination est triplement définissable. Elle est d'abord le camouflage de l'idéologie par l'expression existentielle, traditionnellement pensée comme le secteur réservé de l'individu, comme lieu du privé et de l'intime. Ainsi, l'idéologie en tant que pouvoir politique, contrôle et occupe l'existentiel, élimine la concurrence sans se démasquer, en s'affublant de spontanéité. (On règne sur le sexe, en particulier, par les signes de la mondanité, par la plus grande culture de classe.) La surdétermination est ensuite dans la constante de la fonction répressive, inhibitrice, du système des signes à l'égard des travailleurs. De la féodalité à la bourgeoisie, du capitalisme concurrentiel au néo-capitalisme, le signe a comme constante de réduire au silence le monde du travail et à la limite de lui interdire la participation inter-subjective. Et cette constante a comme corollaire la troisième caractéristique de la surdétermination du signe : celui-ci est le lieu de continuité, d'accumulation synthétique de toutes les expressions idéologiques des classes dominantes qui se sont succédées jusqu'à l'actuel néocapitalisme. Le système des signifiants de l'actuelle société bourgeoise est résultante et accomplissement historique. Et ce système des signifiants après décantation des signifiants trop spécifiques, trop revendicatifs, s'est axiomatisé par la condensation, la ponctualisation des formes les plus belles et les plus expressives. La lutte des classes, mais des classes dominantes, des classes qui constituent la culture en se constituant, s'est figée en une résultante opérationnelle qui permet la plus grande efficience existentielle. Et ce code de classe, qu'est la logique des signes, montre bien au-delà du conflit interne la complicité des classes dominantes sur le monde du travail. Et la fin du profit, la raison de l'exploitation du travail : le statut mondain autorisé par ces signes de classe autorise le plus grand pouvoir sur l'existentiel. C'est le statut de la séduction, le pouvoir sur le sexe, la mesure du plaisir. d) Logique de la production et idéologie du signe C'est donc selon la relation des forces productives et des rapports de pro2
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duction que nous avons proposé la logique de la production selon sa réalité concrète. Contre le dualisme du néo-kantisme nous proposons : l'autoproduction de la réalité originelle et de ses trois niveaux. Ainsi est expliqué le commencement qui n'est plus le lieu nouménal de l'irrationalité. Ainsi est expliquée la différence dans la production historique entre les forces productives et les rapports de production. (Différence qui, lorsque le procès de production est ignoré, apparaît comme la dualité du concret et de la pensée formelle.) Les forces productives et les rapports de production s'organisent selon cet ordre de la production : la production de l'infrastrutture productive permet la production des biens, cette production permet la production de l'économie de marché, qui s'objective en classes sociales et ces rapports de classe produisent l'existentiel. Cet ordre de la production nous a permis non seulement de dénoncer le néo-kantisme mais aussi l'idéologie du signe. L'ordre de la production est du référent (les trois infrastructures) au signifiant et de celui-ci au signifié. (R — S — s). Il est ternaire. Et non binaire comme le voudraient les idéologues S du signe (—) qui oublient la réalité (le référent) pour pouvoir faire d'un s effet, superstructural, la réalité même. En toute bonne foi de la mauvaise foi, puisque l'univers du signe est le mode d'expression et de participation de la bourgeoisie et qu'il est la seule réalité connue des non-producteurs. Et ces idéologues peuvent pousser la malice (ou la naïveté ?) jusqu'à proposer une énorme inversion : le signifiant (qui n'est qu'un effet du réel) va se proposer pour la cause réelle des signifiés (incorporels ineffables). L'ordre du superstructural (le système des signifiants) se substitue à la nécessité infrastructure et se prend pour la réalité même ! Et cet idéalisme (qui n'est que le non-savoir de la réalité étymologique) peut même s'offrir le luxe de dénoncer... l'idéalisme ! C'est que les incorporels ineffables (les signifiés) sont effectivement des effets de la réalité qu'est le signifiant. Mais cette démarche n'est possible que par l'ignorance de la logique de la production, que par l'occultation de la réalité étymologique.
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III. L'ÊTRE E T LE CODE D'UN ENSEMBLE HISTORIQUE COMPLET. LE CORPS-SUJET COMME SIGNIFIEUR A . LES IMPLICATIONS HISTORIQUES DÉRIVÉES DE LA CRITIQUE DE LA MODERNITÉ NÉO-KANTIENNE
1. Bilan provisoire des acquisitions théoriques dues à la polémique La double critique faite au néo-kantisme permet donc de dégager mieux que des prolégomènes de l'anthropologie historique. Certes, nous avons défini les propositions fondamentales qui doivent présider à une explication historique non entachée de néo-kantisme. Cette démarche est la nécessaire introduction à la méthode historique. Mais notre polémique nous a surtout permis de dégager et la problématique et la méthodologie. Nous est apparue la problématique décisive de l'histoire : celle du surgissement du sujet de la connaissance. Quel est le procès de production qui permet d'accéder à ce statut de classe, qui est aussi modèle d'intelligibilité, moment historique décisif ? Comment l'accession à ce savoir s'est historiquement réalisée ? Il définit un avant et un après, un sens de l'histoire. Comment ce savoir peut ensuite servir à sa propre négation par le néokantisme ? Un champ d'investigation s'est délimité. Par la même polémique, la méthodologie s'est précisée : elle consiste à révéler le négatif du discours néo-kantien. Celui-ci, en tant qu epistémologie bourgeoise, dit comment faire pour ne pas savoir... cette lutte des classes. Aussi c'est par la lecture à rebours de sa méthode que l'on connaît ce qu'elle veut cacher. Le réalisme logique et radical permet de dire en plein ce qui s'écrit en creux : c'est la réalité même de la chose occultée qui est dite, c'est-àdire la logique de la production selon les forces productives et les rapports de production. Aussi, nous pouvons mettre en relation la double critique déjà faite au néo-kantisme, comme relation de la problématique et de la méthodologie. C'est donc selon les forces productives et les rapports de production que nous définirons la production historique du sujet logique (mise en relation de Β et C). C'est selon la logique de la production historique que nous pourrons définir la production du savoir. La localisation historique (en tant que coupure épistémologique radicale) sera reconstituée, reproduite, selon les déterminations logiques de l'histoire (causalité immanente, réalisme logique, logique de la production).
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2. Du néo-kantisme à la raison dialectique : du couple inconscient-structure au couple négatif-champ de production Le champ de la production de ce sujet logique doit être maintenant défini scientifiquement. Et ses déterminations scientifiques apparaîtront encore selon la polémique, en tant que critique de la modernité néo-kantienne. Déjà, au niveau de la critique de l'idéologie du signe, cette modernité néo-kantienne nous est apparue12. Cette démarche doit se systématiser : les fondements de la méthode historique sont l'inverse des propositions fondamentales du néo-kantisme. Aussi, c'est en reprenant l'essentiel de la modernité néo-kantienne que nous compléterons notre critique du néo-kantisme et qu'ainsi les déterminations scientifiques du champ historique seront définies. Cette démarche est légitime. Nous ne ferons que rendre à la raison dialectique des techniques et opérations particulières qui ont été détournées, récupérées, à deux fins : pour fonder les carrières universitaires des idéologues de la bourgeoisie ainsi que les modes de l'intelligentsia parisienne. Il s'agit d'un découpage, qui extrait un thème, une méthode, de l'ensemble qu'est la raison dialectique et qui les propose alors comme découverte, comme quelque chose de nouveau. Nous systématiserons donc la modernité néo-kantienne selon les deux notions : inconscient et structure, ces places fortes de l'épistémologie libérale. Le couple inconscient-structure, revu et corrigé, doit redevenir le concept opérationnel de la raison dialectique. La récupération par le libéralisme a permis un discours qui n'est pas faux... mais qui n'est pas vrai non plus ! La malice du savoir bourgeois est justement d'être toujours dans l'apparence du vrai. Les néo-kantiens ont deux fois raison : mais trop raison, car leur vérité est, soit formelle, soit empirique. Et les critiques sont difficiles car les vérités formelles ou partielles sont, après tout, celles du sens commun ! (Le néo-kantisme ne quitte pas les «vérités» de la banalité quotidienne.) La relation inconscientstructure doit être reprise et redite selon la raison dialectique. L'infléchissement tendancieux, ce petit rien qui permet de ne pas dire le faux sans être dans le vrai, sera corrigé. Sur le plan de la terminologie, nous remplacerons tout d'abord inconscient par négatif. C'est pour préciser que ce non-conscient en tant qu'oubli, négation du réel, est un acte politique (dont nous avons étudié le mécanisme dans le chapitre précédent). Ce qui n'est ni dit ni su est une pratique de classe. Le négatif est l'inconscient mais selon les rapports de classe. Ce négatif, en tant 12. Mais à un premier niveau descriptif et purement critique.
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que «stratégie épistémologique», s'exhausse en sa perfection par le néo-kantisme. Et nous avons déjà dit qu'en tant que méthodologie de l'occultation il était révélateur de la réalité même, de par l'inversion de son discours. Aussi, le réalisme radical, qui prétend exprimer la totalité du réel trouve une nouvelle application. La polarité du réel se délimite par la relation de l'être et du code, c'est-à-dire, de l'épistémologie (de classe) et de l'ontologie. La réalité se révèle par le discours théorique proclamé, qui révèle, par son inversion, la réalité cachée. La méthodologie qu'est le réalisme radical consiste donc à reprendre le discours idéologique de la classe dominante d'une époque et de révéler à travers lui la réalité qu'il cache. Nous dirons que l'être et le code sont le double aspect de la réalité, comme être non dit (et non su), «l'inconscient», et comme codification de l'existentiel et du savoir de la classe dominante. (Et la lecture va du code à l'être. C'est par le savoir que l'être est représenté.) L'être et le code sont la double révélation du réalisme radical. Le négatif de la bourgeoisie révèle donc des rapports de classe, c'est-àdire le réel. La codification du non-dit autorise, par son interprétation inversée, la connaissance du réel. Et sur le plan de la terminologie une autre rectification sera faite. Nous remplacerons structure par champ de production homogène : ensemble. Pour bien préciser que l'invariant est produit selon les forces productives et les rapports de production, qu'il ne saurait être une détermination arbitraire issue de l'idéologie (d'un effet d'ordre superstructural) et qu'il ne saurait recouvrir, comme nous l'avons vu déjà pour Lévi-Strauss, l'invariance de la nature humaine. (De même le concept d'ensemble permet d'écarter une autre notion entachée d'organicité : celle de totalité.) Ces définitions étant posées nous substituerons maintenant à la relation inconscient-structure la relation négatif-ensemble (ou champ de production). Alors que l'inconscient (au sens de l'école structuraliste de Paris) révèle la structure, le négatif va révéler l'être et le code, la double composante de l'ensemble. A l'invariant formel (de la nature humaine) qu'est la relation inconscient-structure, nous substituerons la relation négatif-champ de production que nous pouvons considérer à trois niveaux. Ce sera d'abord la relation de l'être et du code selon une conjoncture économico-politique spécifique. A cette empirie, mais systématisable, d'une homogénéité locale, nous ferons correspondre, en nous référant au modèle néokantien, l'invariant formel qu'est la relation infrastructure-superstructure, forces productives-rapports de production, économique-politique, politique-existentiel. Mais nous dépasserons ce dualisme, empirisme réaliste et formalisme théorique. C'est selon l'homogénéité d'un mode de production que nous définirons la relation de l'être et du code. Ce sera alors un ensemble, c'est-à-
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dire un champ de production homogénéisé : la systématique du relationnel de telles forces productives et de leurs rapports de production. La « structure » est alors la systématique des relations de l'être et du code dans un ensemble donné, définissable en son commencement, par l'économique. Résumons-nous : le négatif révèle la structure lorsque les rapports de classe sont dits, selon la relation être-code, dans la totalité d'un champ de production. La structure est la systématique de la variable être-code dans un ensemble et non l'invariant de la relation nature-culture. 3. L'ensemble en tant que modèle de l'unité des contraires ; le procès de production de l'ensemble est le passage de l'être au code Il nous faut donc définir la systématique de la variable être-code (de l'ontologie et de l'épistémologie). Et dans l'homogénéité du champ de production qui produit cet effet superstructural spécifique qu'est le sujet transcendantal. Celui-ci propose déjà plusieurs déterminations de ce champ de production : son sens, un modèle d'intelligibilité, un moment historique décisif, un statut de classe. Le sujet de la connaissance représente une prise de pouvoir, par la bourgeoisie, qui est accession à un mode de savoir et d'être. Mais avant de déterminer la spécificité historique d'un ensemble et de cet ensemble, nous devons préciser comment la systématique de la variable être-code se distribue en ensemble d'ordre logique. (Et à partir de ces définitions nous pourrons faire d'importantes mises au point épistémologiques.) A quelles conditions logiques doit répondre un ensemble ? Le champ de production peut être considéré comme un ensemble lorsque son procès de production inclut la «totalité» : la logique de la production économique et la logique du superstructural. Et ces deux logiques doivent apparaître selon une continuité spécifique à l'ensemble, de telle manière que la manifestation superstructurale la plus spécifique ne soit qu'un effet de l'infrastructure. Cette continuité de l'ensemble doit se compléter de l'interaction, spécifique à l'ensemble, de l'infrastructure et de la superstructure ; il faut établir dans quelle mesure et par quelle configuration le superstructural peut agir sur l'infrastructure. Le procès de production est l'étude de cette mutation interne, dans la continuité d'un mode de production, selon la fixation d'une force productive. Tel est l'objet de notre étude : la dialectique de cette production interne, la connaissance des passages, le relais des nécessités, la genèse des déterminations de classe. C'est ce mûrissement progressif qui fait l'homogénéité d'un ensemble, de ses fondements à son sommet, et c'est le déplacement de la nécessité qui est l'essentiel de la définition. Et nous précisons bien que c'est la génétique de l'ensemble qui est notre problème, la stratification histo-
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rique des déterminations économico-sociales. Nous devrons montrer l'accumulation des stratifications historiques en tant qu'ensemble, c'est-à-dire les lois historiques de la fixation, de l'oubli, de la prospective. Nous compléterons ces conditions logiques de l'ensemble par ses conditions historiques (cf. la première partie, I). Mais une autre détermination fondamentale nous permettra de caractériser logiquement l'ensemble. Et selon la relation être-code. Celle-ci, qui, nous l'avons dit, délimite les rapports de classe, qui définit la réalité (dont l'Ersatz est l'anthropologie bourgeoise), caractérise aussi l'ensemble, le champ de production dont l'accomplissement est le sujet transcendantal. Et selon une délimitation logique du commencement et de la fin de l'ensemble. En effet, le sujet de la connaissance marque la fin d'un ensemble : en tant que fin du référentiel transcendant qui a fondé l'idéologie et aussi en tant que fin des déterminations organiques qui ont fondé l'infrastructure. Cette fin du transcendant et du sensible (de la dualité traditionnelle de la philosophie entre la pensée et la matière) est celle de l'ensemble qui les avait ordonnés selon sa spécificité historique. Et un autre ensemble commence : celui du pouvoir épistémologique comme statut de classe de la bourgeoisie libérale qui sera au service de la bourgeoisie affairiste et du capitalisme qui va se développer. Cette fin de l'ensemble est donc un savoir, d'ordre scientifique, qui a été acquis en tant que réduction de l'être de l'ensemble (de la totalité de ses étants), c'est-à-dire des déterminations de classe qui ont fixé, étymologiquement, et le transcendant et le sensible. Cet aspea fondamental de la lutte des classes, l'accession au savoir en tant que critique de la classe dominante, en tant que réduction de l'être de l'ensemble, sera le sens de l'ensemble, sa mutation interne, sa finalité. La relation être-code sera donc le passage d'une substance au sujet (de la connaissance). De l'être au code, des déterminations de classe qui fondent l'ordre de l'ensemble à la critique radicale de cet ordre, selon un statut qui se substitue à l'ordre originel, telle est la délimitation logique de l'enseitible étudié. L'ensemble propose l'unité des contraires. Il est un modèle de l'unité des contraires. Il est une application de la dialectique au sens léniniste : «La dialectique peut être brièvement définie comme la théorie de l'unité des contraires. Par là on saisira le noyau de la dialectique". » L'ensemble est ce lieu où la donnée originelle s'est changée en son contraire, où l'être se nie, en tant que savoir, où le fondement politique de cet être (en tant qu'être de 13. Cf. Lénine, Résumé des «Leçons d'histoire de la philosophie de Paris, Ed. Sociales, Cahiers philosophiques, 1955, p. 182.
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classe) est anéanti par l'esprit scientifique. L'ensemble est donc le lieu des termes contradictoires, le système de la mutation en son intégralité. Ainsi l'ensemble est le modèle historique le plus complet ; il est le lieu où la dialectique révèle l'essence même des choses : «Au sens propre, la dialectique est l'étude de la contradiction dans l'essence même des choses : les phénomènes ne sont pas seuls à être transitoires, mouvants, fluides, séparés par des limites seulement conventionnelles, mais il en va de même pour les essentialités des choses14.» L'ensemble, en tant que système exemplaire de la contradiction, et de la contradiction dépassée (par la raison dialectique et le marxisme-léninisme) propose le passage : d'un «inconscient» au savoir, de l'être à sa représentation, de la contradiction originelle (spiritualisme-paganisme) à sa négation et dépassement par le sujet de la connaissance. Le sujet de la connaissance, en tant qu'effectivité scientifique qui s'identifie au statut de classe, est le résultat d'une double négation : du référentiel transcendant de la superstructure (christianisme-spiritualisme) et du référentiel sensible de la force productive (paganisme-naturalisme). Négation de leur référentiel et de leur être de classe, de leurs modèles existentiels et de leurs pratiques. Une double justification ontologique (de l'être de classe) du pouvoir politique et du pouvoir de la nature a perdu ses fondements. Le code, maintenant au sens de savoir criticiste, réduit l'être (de classe). Le savoir est négation des corps sociaux qui ont fondé le champ de production ; de nouvelles forces productives (dont la science) les nient et mettent en place de nouveaux groupements. La théorie de l'ensemble est donc soumise à une double relation de l'être et du code : dans le diachronique et dans le synchronique. Dans le devenir : comme passage de l'être au code, comme réduction de l'ontologie par le savoir. Alors la relation de l'être et du code est la contradiction. Etre et code se définissent en raison inverse. Etudier l'ensemble, c'est définir ce passage de l'être au code, la progressive négation de la substance. Dans le synchronique, chaque conjoncture (période, durée) s'ordonne d'abord selon ce devenir, est donc avatar de l'ensemble, mais s'ordonne aussi selon sa spécificité (qui peut se croire naïvement autonome). Alors la relation de l'être et du code témoigne à la fois du passage de l'être au code (macro-social de longue durée) comme dépassement de l'être originel, mais aussi d'une particularité, d'une singularité de cette relation être-code. Dans ce dernier cas (de la synchronie) l'être et le code sont dans un rapport d'immanence, dans un rapport d'expression immédiat. Le code révèle l'être, comme l'être révèle le code, selon la particularité historique, économique, des rapports de classe. 14. Ibid., p. 211.
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Et cette relation peut être, en certains cas, contradictoire du devenir global. Etudier l'ensemble c'est aussi localiser ce qui peut être l'accident dans la dialectique et bien marquer, alors, son rôle. L'ensemble, en tant que modèle de l'unité des contraires, sera alors défini en sa polarité dimensionnelle et en son intégrale réalité. Le réalisme radical sera la totale expression des rapports de classe, selon le devenir et les moments cruciaux de ce devenir, de son commencement à sa fin, de son être à son savoir.
B. l'êitre de l'ensemble 1. L'être est produit Notre renversement épistémologique proposera une définition de l'être inverse de celle du néo-kantisme. Alors que pour celui-ci l'être est transcendant à toute historicité dans notre perspective l'être est constitué par les rapports de production. Proposons donc d'abord le résumé du système de non-dits, d'implicites, du néo-kantisme (qui inversé permettra de définir l'être de l'ensemble). Le sujet ontologique transcendant15 est l'implicite sous-jacent au déchiffrage de «l'inconscient». Celui-ci, en sa fonction idéologique, n'est que la révélation de la nature et de la nature humaine. Celle-ci est niée par la culture alors qu'en droit et en fait elle est la réalité constitutive du relationnel dont toute historicité n'est qu'inauthenticité. Cette entité antérieure et opposée au prédicat produit par l'histoire, cet anté-prédicatif, n'est au fond que \t noumène, l'absolu et l'infini, qui transcende l'apparence. L'être du néo-kantisme se révèle selon une lecture à trois niveaux : le sujet ontologique transcendantal — la nature humaine — le noumène. Et selon une identification non sue (ce qui est l'opération purement idéologique) : du sujet particulier, de l'universalité naturelle, de la transcendance nouménale. Cette image composite de l'être est l'être métaphysique, idéologique, bourgeois. Elle est le fondement épistémologique de l'individualisme petitbourgeois. Et tout le discours culturel de l'époque (inconscient-structural) ne cherche qu'à l'habiliter. L'inconscient révèle la structure, l'invariant transhistorique, c'est-à-dire le référentiel ontologique du sujet. Pour la raison dialectique, l'être ne sera que la chute de ces privilèges ontologiques. (Et une humilité épistémologique non moins énorme que la pré15. Cf. Heidegger.
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tention bourgeoise sera nécessaire pour le redéfinir. Nous voulons montrer que le statut de la personne est une conquête historique, que son fondement et son expression est politique et que ce statut ne peut se référer à l'idéologie néo-kantienne. Deux statuts de la personne se confrontent : celui qui se fonde sur l'être et celui qui se fonde sur les rapports de production. L'un est réactionnaire et l'autre révolutionnaire. Et seule la raison dialectique peut consoler de la perte de l'être.) La critique déjà faite au néo-kantisme nous a permis de proposer une première définition de l'être selon la raison dialectique. «L'être», avons-nous dit, est doublement historique. Il commence par le passage de l'ordre de la nature à l'ordre politique. Cette première définition est formelle et négative : la nature est alors définie comme privation de toute détermination phénoménologique. Réciproquement, la phénoménologie n'est plus la nature car la phénoménologie apporte une détermination caractéristique et spécifique : celle de la dialectisation du devenir qui est le manque même de la nature. La phénoménologie est cause d'elle-même : l'être est cette production. Cette réalité concrète s'organise selon le relais des infrastructures matérielles. Cette réalité occultée par le néo-kantisme est l'être de la phénoménologie. Donc au niveau de cette première définition l'être n'est plus la nature puisque réalité produite qui propose toute détermination. Précisons bien : ce serait un contresens de penser que la nature est absente de l'être de la phénoménologie : mais elle est toujours exprimée selon les déterminations de cette phénoménologie. Et elle n'est ni une antériorité (historique ou logique) ni un substrat à l'être de la phénoménologie. La nature est l'immanence de l'indétermination radicale à la constante déterminante de la phénoménologie. C'est son manque même qui autorise l'être de la phénoménologie. 2. La manifestation de l'être : le corps-sujet (le signifieur) Cet être de Ja phénoménologie, de la réalité produite, selon l'ensemble considéré, peut être exprimé en sa totalité. Ce sera par la formule : Référent — Signifiant — signifié (R — S — s) que nous avons déjà établie. L'inter-subjectivité, l'échange, le relationnel, sont effectivement ordonnés selon ce système, qui met en relation : le référent (oublié), le signifiant (en tant que logique de l'échange), le signifié (en tant que variable spécifique, lieu de la singularité). Et effectivement ce système, par ses composantes, transcende le sujet, qui alors n'est qu'un effet. Le «Ça parle» est alors l'expression des rapports de production dont le sujet n'est que l'expression. Cette syntaxe de l'être
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(R — S — s) se redistribue dans la sémantique qu'est Tinter-subjectivité. Mais, s'il est vrai que ces composantes syntaxiques de l'être sont logiquement antérieures au sujet, il est faux de ne prêter à ce sujet qu'un rôle négligeable. Bien au contraire ! Ce n'est que par le corps-sujet que l'être accède à l'existence. Le corps-sujet est l'acte de l'être. Si le corps-sujet est le dernier maillon de la production il en est aussi le signifieur. Il est le lien synthétique des données syntaxiques : en ce sens il est déjà plus qu'un effet. Puis il est le lien unitaire de l'action qui agit sur l'être. Le corps-sujet est effet et cause ; produit de la praxis il produit la praxis. (On pourrait représenter par cette très simple formule l'interaction : Etre = ensemble historique corps sujet.) Ce rôle de signifieur est d'ordre opératoire. Le corps-sujet donne le sens de l'être en tant que lien synthétique et unitaire qui rend compte du procès de production macro-social. Nous proposons donc une définition du corps comme expression et production de l'être. Et c'est cet acte qui est le corps-sujet, antérieurement à toute autre détermination (psycho-physiologique ou psychanalytique...). Il est lieu et acte de ce système de mutation. C'est par lui que le multiple (R — S — s) s'unifie en un sens. Il est à la fois oubli, présentification, finalité. Et coordination de ces fonctions. Ce rôle du corps-sujet, de signifieur de l'être, et de l'être de son ensemble, pourrait être représenté par la formule : R — S— s signifieur De l'être de l'ensemble à l'existence du corps-sujet, de la puissance à l'acte, de l'essence à l'existence, il n'y a donc pas le hiatus de la tradition libérale : individu et société. Au contraire ! L'ensemble est le lieu de la coexpression et de la co-production des rapports de production et du corpssujet. 3. Le corps-sujet et l'ensemble historique Pour des raisons polémiques nous avons représenté les relations de Γ'êtrecode de l'ensemble et du corps-sujet selon les termes culturels de l'époque. Aussi voudrions-nous maintenant développer notre formule d'une manière plus simple et selon notre problématique et méthodologie de l'anthropologie historique. Méthodologiquement, donc, on ne peut définir le corps-sujet qu'en référence à l'ensemble culturel (de l'expression existentielle de celui-ci et du discours culturel qui en parle). Autrement, on reste au niveau de l'idéologie
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bourgeoise ; c'est-à-dire d'un sujet ontologique transcendantal référentiel implicite ou explicite de cette idéologie. Nous voulons dire que le discours sur le corps-sujet est toujours une projection idéologique et que les déterminations prêtées au corps, à sa nature, ne sont que des dérivés idéologiques. Ainsi, dans notre contexte culturel actuel (celui du néo-kantisme) le corps reste toujours définissable selon le traditionnel discours théologique. Et si ce discours a été laïcisé, au niveau de la psychanalyse, par exemple, c'est toujours selon une «nature humaine» indiscutée, en tant que légitimité de la démarche qui consiste à parler du corps comme d'une donnée première, évidente et à lui prêter toujours des attributs théologiques ou métaphysiques. Ces attributs, en leur pérennité idéologique, surdéterminés, sont Eros et Thanatos, l'instinct de vie et l'instinct de mort. (Le pape et Marcuse parlent de «l'instinct» avec la même innocence pontifiante.) Et même lorsque la psychanalyse s'arrache à cette théologie, c'est pour un discours culturel encore plus idéologique (discours initiatique d'une classe sociale, qui marque la participation culturelle de classe, reconnaissance de signes culturels élitiques) et qui reste en définitive toujours fondé sur les déterminations théologiques et métaphysiques. Notre méthode consiste donc à reconnaître explicitement cette projection idéologique dans la constitution du corps-sujet. Et nous radicaliserons même cette méthode en posant un axiome : tout discours sur le corps individuel sera idéologique. Toute notre connaissance du singulier corporel est bourgeoise, ou pire, féodale. Elle a été constituée par le mythe, le romanesque, la poésie des classes dominantes. Ainsi, l'âme, les vertus individuelles (et les vices), le «cœur», toutes les expressions de la subjectivité sont compromises dans l'idéologie. Et que ce soit d'une manière scientifique, ou au contraire comme expression de la vie privée, le corps-sujet tombe soit dans le néo-positivisme des études parcellaires ou fonctionnalistes soit dans l'imagerie des mass media, du feuilleton ou de I'esthétisme d'avantgarde. (Aussi, c'est à juste titre que le marxisme n'a pas proposé la définition scientifique du corps-sujet, car aussitôt ce serait s'empêtrer en une terminologie chargée d'idéologie.) Mais pour des raisons polémiques il nous semble que l'on peut et que l'on doit proposer un contre-modèle à cette somme de projections idéologiques qui constituent le corps-sujet. C'est que la stratégie idéologique du néocapitalisme s'efforce, par le détour du corps-sujet, de contaminer le marxismeléninisme : le pseudo-marxisme, Marcuse, l'expression corporelle de l'avantgarde, etc., reconstituent un statut du corps faussement libéré, qui n'est autre qu'une disponibilité aux nouveaux modes de consommation autorisés par le néo-capitalisme. Et ce sont même les nouveaux modèles de consomma-
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tion, d'une nouvelle bourgeoisie libertaire, qui sont proposés sur le marché culturel. Aussi doit-on se risquer à proposer un contre-modèle de l'idéologie bourgeoise du corps-sujet. Mais il nous faut convenir que dans l'état actuel de la science marxisteléniniste cette démarche est anticipée. Aussi notre modèle restera idéologique ; mais ce sera le modèle le moins idéologique possible, puisque contremodèle du sujet ontologique transcendantal. Et en ce sens notre démarche se justifie. Comment construisons-nous ce contre-modèle ? Selon les définitions suivantes. a) Puisque le corps-sujet est le lieu de synthèse, d'unification, d'expression de l'ensemble historique, ses éléments constitutifs seront dérivés de ceux de l'ensemble. Autrement dit, le corps-sujet sera constitué selon les catégories logiques de cet ensemble. Mais bien sûr selon les transpositions (à définir) de l'ensemble historique à l'historicité du corps. Si le corps-sujet est l'expression de l'ensemble, c'est selon sa spécificité organique, selon sa structure bio-chimique. Nous pouvons donc proposer cette définition du corps-sujet : c'est une historicité délimitable et délimitée par l'être et le savoir, comme passsage de la substance au sujet de la connaissance. Et à chaque moment de ce devenir (synchronique) le corps est une relation de l'être et du code. Le corollaire de cet énoncé c'est que le corps est un sens : son devenir spécifique se soumet au devenir historique. Le sens intime n'est autre que celui du macro-social. Le corps est procès de production, comme l'ensemble historique. Et Freud a bien montré cette historicité du corps. Alors que le néo-freudisme, à la manière de Lacan, fige le sujet en son statut néo-kantien, réinterprète Freud selon la linguistique, le mérite de Freud est d'avoir brisé la substantialité du sujet, d'avoir montré l'acquisition culturelle des données «naturelles» du corps. Avec Freud, le corps se dédouble selon ses fixations originelles et son devenir. La dualité conscience-sulbconscient renvoie à deux moments historiques, du développement du corps, qui, par le synchronique, se font contradictoires. Les fixations qui sont le référentiel, d'ordre nécessaire, universel, «ontologique», sont historiquement acquises. Le corps devient, se fait et se défait, en références à ces fixations. Et celles-ci sont un circonstanciel historique : leur conditionnement est péripétie, passation selon les parents. Toute une problématique confronte l'enfant à l'adulte, selon le décalage et le système de conflits des conduites d'ordre social, politique, et des conduites d'ordre organique fixées sur les besoins primaires, étymologiques.
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Le subconscient est le passé qui se retrouve au moindre signe, à la moindre allusion au présent. C'est cette perspective historique du freudisme que nous voulons reprendre et systématiser radicalement. Contre l'amalgame qu'est le freudo-marxisme. En montrant bien qu'à tout moment de son discours le freudisme est subsumable par l'historicité dialectique. b) Le corps est donc une production historique. Et de même que l'ensemble historique, il doit être défini selon la relation de son être et de son code, comme passage de la substance au savoir. Cette substance, étymologie du corps-sujet, sera définissable en référence au bio-chimique. C'est en tant qu'espèce : continuité biologique (gènes, A.D.N.) d'un invariant. Et la charge bio-chimique élémentaire a un double rôle. Elle autorise un automatisme fonctionnel, une permanence de l'être. Et à partir de cet invariant, de cette permanence, l'élan de la variable, de l'adaptabilité socio-culturelle. C'est parce que le corps-sujet dispose de cette permanence qu'il pourra s'ouvrir, s'adapter aux formes de la sociabilité. (Et à chaque stade du corps nous retrouvons cette relation d'un invariant et d'un devenir, d'un rythme et d'une conduite créée.) Quel que soit le rôle de l'acquis bio-chimique il ne se manifeste jamais en tant que tel. La vie ne relève du mécanisme qu'en tant que moindre expression de la sociabilité. Et dès la naissance (parturition) le corps tombe dans les déterminations phénoménologiques autorisées par le bio-chimique, mais qui constituent, culturellement, ce que l'on considère comme les qualités naturelles du corps (par exemple : sensation et perception). Nous proposerons cette définition : la substance sera le corps en tant qu'étymologie de sa phénoménologie, le lieu de rencontre de la spécificité bio-chimique de l'espèce et de la première expression (corporelle) du socioculturel. La substance est le lieu des fixations originelles et référence de toute nostalgie. Maintenant nous pouvons comparer le sujet ontologique transcendantal et la substance qu'est le corps en son principe. Les deux termes sont analogiques : une réalité organique leur est commune. Mais alors que dans notre perspective la substance n'est que le commencement de la phénoménologie du sujet, pour le néo-kantisme cette substance est considérée comme ontologie, c'est-à-dire réalité organique transcendante au devenir ultérieur du sujet. (Cette ontologie peut être le référentiel qui donne le sens de toute conduite, ou bien l'être devenu dans le plein accomplissement de sa substantialité transcendantale. Mais dans les deux cas l'authenticité du sujet néo-kantien sera l'arrachement à la facticité historique.) c) Pour nous, l'unicité du sujet n'est, au contraire, que l'arrachement à
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cette substantialité qui ne fait que consacrer la passivité organique du corps. C'est l'acte du corps pour atteindre son autonomie. Aussi, comme le devenir de l'ensemble historique, le devenir du corps sera" la négation de la substance. Et cette situation du corps qui commence par la substance, la nie pour atteindre le savoir, sera explicative de la construction du contre-modèle à l'idéologie néo-kantienne. On proposera une définition du corps selon la réalité «ontologique» commune à la substance et au sujet de la connaissance. On concédera le maximum aux constituants théologiques : Eros et Thanatos aux pulsions figées en instinctuel. Comme nous le disions, il faut faire sa part à l'idéologie qui a présidé aux modèles culturels du sujet. Mais pour montrer que l'unicité du sujet s'acquiert en tant que négation d'une substance qui d'ailleurs n'est qu'un acquis, étymologique, du socio-culturel (qui ne témoigne ni d'une singularité individuelle ni de l'inaliénable de la nature). Le sujet se produira en tant qu'historicité de son corps et en tant qu'expression de l'historicité macro-sociale. Et pour que ce contre-modèle soit complet (c'est-à-dire pour qu'il exprime la complétude de l'ensemble historique), c'est la négation maximale et radicale de la substance qui sera la totale autonomie du sujet. On pourra donc proposer cette définition : l'unicité du sujet sera sa plus grande autonomie possible, dans l'ensemble donné, en tant que dépassement de sa passivité originelle. Le modèle proposé, en son commencement, a dû se défendre de l'ontologisme (tout en reconnaissant certaines similitudes). De même, en son accomplissement devra-t-il se distinguer d'une conception intellectualiste du sujet qui consacrerait la promotion morale par le savoir. Ce sera en référence à la coupure épistémologique définie au niveau du macro-social que nous définirons cette situation du corps-sujet (pour consacrer le parallélisme de la génétique du sujet et de son ensemble historique et pour bien préciser que le statut du corps-sujet relève d'une pratique sociale). Le sujet qui accomplit le dépassement des fixations de son ensemble par la théorie révolutionnaire et l'esprit scientifique, c'est-à-dire le sujet individuel et historique, est analogique du sujet logique kantien. Lorsque le corpssujet, en ses conduites et références, dépasse les références religieuses et les fixations dans la substance par une pratique historique du savoir, il est identifiable au sujet transcendantal de la raison pratique qui opère en dehors de l'empirico-sensible et du transcendant. Kant n'a fait que théoriser une situation culturelle acquise. Mais il faut bien préciser la portée de cette analogie. Le moment du savoir, consacré par le sujet logique, signifie une pratique culturelle enfin possible, consacrée par le statut du savant, de l'intellectuel... et une réalité subjec-
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tive, individuelle, en tant que conduite libre, choisie. Les deux démarches, publique et subjective, s'identifient dans ce même moment car le comportement du sujet consacre, objective, actualise la finalité de l'ensemble. L'individu, en tant que théoricien du politique et homme de savoir, accomplit le système des négations. Il ne fait que ratifier la logique de la production. Ainsi, une conduite privée s'objective en statut qui ratifie un mode de vie. Le corps-sujet atteint alors l'attitude limite de non-participation aux données sensibles et transcendantes qui expriment l'ensemble historique. Et en ce sens le sujet de la connaissance sera la plus grande négation possible du corps-substance. Cette participation et adhésion du sujet à un statut acquis du savoir marque donc l'expression limite du corps-sujet. Celui-ci sera donc le procès de production de la substance au sujet logique. Et même s'il ne s'agit que d'un moment, cette attitude marque la limite logique du sujet en tant que négation de l'organicité originelle. Dans l'ensemble étudié, ce moment de la connaissance marque donc l'aboutissement limite du corps-sujet. Et nous devons préciser dans quelle mesure ce moment peut être élargi et interprété. Est-il identifiable à la personne ? La conduite spécifique du sujet qui s'identifie, en un moment, au sujet logique, devient-elle constitutive du sujet ? Le sujet logique est-il la référence, le mode d'existence, la finalité de la personne ? La coupure épistémologique nous permettra de trancher. En fait, la personne opère historiquement cette identification : selon une conjoncture particulière, pour quelques individualités, selon des déterminations de classe très restrictives. Alors dans ce cas d'individualités, qui ne sont plus d'espèce sans atteindre le groupe homogène, on peut identifier le destin d'un individu et le sujet de la connaissance. En tant qu'expérience concrète, l'individualisation est la pratique de ce sujet de la connaissance. Le savoir se fait statut du savoir par la pratique culturelle ; le savoir n'est pas exercice formel et abstrait mais système de conduites publiques et privées. La néantisation du sujet sensible et du référentiel transcendantal est la pratique existentielle de ces individualités. Cette situation historique peut être formalisée, axiomatisée, par le discours philosophique. Alors le procès de production peut être ignoré. Le sujet logique kantien retient seulement le résultat et le définit selon un autre procès de production, celui de la connaissance. A juste titre, un acquis historique est consacré en tant qu'acquis de savoir. Et la nécessité historique de cet acquis, même si elle n'est pas posée comme telle, est ratifiée par l'ordre logique qu'elle autorise. Par cette formalisation et axiomatisation la nécessité d'une particularité historique accède à l'universel. Mais un universel abstrait qui certes marque un acquis, un point de non-
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retour, mais qui ne saurait être définitif et ne saurait prétendre au rôle d'impératif catégorique. Si le sujet de la connaissance, en tant que négation du sujet empirique et concret, est un acquis irréversible, il ne saurait être le modèle de toute pratique à venir. C'est que repris au niveau du néo-kantisme, le formalisme de l'impératif catégorique n'est plus que moralisme. C'est-àdire utilisation comme pouvoir de classe (de la bourgeoisie) d'un acquis révolutionnaire, utilisation comme justification de l'individualisme bourgeois, référence et valeur abstraite et formelle, alors que la pratique bourgeoise restaure le transcendant et le sensible «Enrichissez-vous». Au niveau de Rousseau et de Kant la conscience morale est une pratique culturelle (politique ou scientifique). Alors la réalité sociale est affrontée et dépassée par la dynamique du savoir concret. Au contraire, au niveau du néo-kantisme, l'ordre moral n'est que l'occultation de la réalité politique, discours de diversion, redondance formelle qui cache l'implantation barbare du capitalisme. Telle est la triple signification du sujet lorsqu'il exprime le sujet logique : ce peut être la réalité d'une situation historique, ou bien l'universalisation abstraite d'un modèle formel, ou bien le prétexte idéologique d'un pouvoir de classe. Nous avons bien précisé ce pluralisme pour écarter toute ambiguïté : le corps-sujet atteint sa limite par l'expression de l'ensemble en tant que négation de la substance. (Et cet acquis irréversible se fait modèle universel et formel pour l'ensemble à suivre qui l'appliquera en tant que négation de la réalité sociale.) Dans l'ensemble considéré, donc, le sujet logique historiquement produit est l'accomplissement du corps-sujet. 4. La relation consommation-production. La théorie d'un ensemble pré-capitaliste comme détermination du capitalisme dans la logique de la production et dans l'histoire des rapports de classe Le néo-kantisme est le code du néo-libéralisme. Son décryptage doit révéler ce que l'épistémologie bourgeoise a fonction de nier : la lutte des classes, le sens de l'histoire. Nous avons proposé l'interprétation à rebours : c'est ce qui n'est pas dit par l'idéologie bourgeoise qui doit être révélé. Les contradictions du néo-kantisme sont résolues par la raison dialectique. Le réalisme radical doit se substituer à l'idéalisme. Les épistémologies bourgeoise et révolutionnaire sont contradictoires : le code de l'une est l'inverse de celui de l'autre. Et de même la réalité révélée par ces deux codes. Pour la classe libérale au pouvoir l'histoire n'est pas constitutive du réel. Donc l'inconscient révèle la structure : l'universalité constitutive de l'anté-prédicatif, du non-historique, de la nature humaine. Par conséquent, au contraire, le négatif révèle la variable que l'histoire
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apporte au prétendu invariant structural. Dans un champ de production on peut définir la systématique de cette variable. La logique de la production définit la systématique des rapports de classe. Par la dialectique épistémologie bourgeoise-épistémologie révolutionnaire (confrontation des codes), nous sommes passés à la confrontation des réalités, de la «strutture» de la nature humaine à la logique de la production. Et ces réalités sont aussi constituées par la dialectique de l'être et du code, de l'épistémologie et de la vie, du savoir et du négatif. Le réalisme radical inclut, comme expressions limites, l'être et le code. Ainsi l'étude du champ de production inclut l'épistémologie, le savoir, le code, comme double réalité, double trame. D'abord les catégories du savoir organisent les rapports de classe, la réalité politique, selon le devenir, l'évolution interne du champ productif, selon la réduction progressive de l'être par le superstructural. Le statut des classes sociales se définit d'après cette élaboration du savoir. Ensuite, dans le synchronique, l'idéologie précise les rôles sociaux, les conduites, les signes, selon l'institutionnel mais aussi selon «l'inconscient». Le code peut être référentiel implicite ou explicite. C'est dire la connexion et l'immanence au politique, de l'être et du code. C'est la logique de la production, c'est tel mode de rapports de classe, qui répartissent, définissent, délimitent l'être et le code. Aussi ce n'est que par l'étude historique, dialectique, que l'on peut préciser la relation être-code. Et c'est justement cette mutation interne de l'ensemble étudié, qui est notre problématique. Par quelles catégories, par quelle transformation, s'opère le passage de l'être au code, et comment le code peut tantôt exprimer l'existence, (symbole ou représentation) et tantôt la constituer ? L'immanence de l'être au devenir, de l'épistémologie au négatif, de l'idéologie à la production, permet de préciser encore la problématique de l'être 16 . Il n'est pas le constituant, mais le constitué : ce sont les rapports de classe qui le définissent. Il est dans et selon le politique : manifestation, expression. Et il peut être intégralement connu, dévoilé, lorsque sont dits la causalité économique et les rapports de production. L'être n'est donc pas la source mystérieuse, le noumène, la substance intangible, que le politique ne peut que corrompre, et qui serait irréductible au savoir. L'hypostase : être (et ses dérivés : nature, instinct, chose en soi, etc.) témoigne de la constante aliénation politique. «L'inconscient» révèle le noumène car cette aliénation politique 16. Nous voulons reprendre la problématique traditionnelle et «l'être et le savoir». Mais selon les forces productives et les rapports Le marxisme doit récupérer le discours métaphysique et dénoncer modernistes. Il doit surtout montrer que la classe qui consomme et plaisir sont immanents.
la philosophie de production. ses expressions le principe du
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n'est pas connue. L'inconscient n'est que le hiatus, entre deux systèmes de conduites qui s'ignorent ; c'est la scission radicale de la classe qui produit et de la classe qui consomme, de la classe non cultivée et de l'épistémologie du pouvoir. L'inconscient est le lieu de rencontre de la dualité production-consommation, de leur incompréhension historique. L'être, de l'épistémologie bourgeoise, n'est que le déchirement historique, la distance d'un producteur frustré de sa production et d'un consommateur non productif. Il est le nonsavoir réciproque de la systématique productive (non-savoir de la consommation, culturelle, et des signes et valeurs qu'elle sécrète) et de la systématique du consommateur (non-savoir du procès de production). Et la liberté, de définition bourgeoise, n'est autre que le refus de connaître le vrai lien du producteur au consommateur, la nécessité de ce cycle. Cette liberté est la négation de la nécessité. Le bourgeois est libre, mais de par l'aliénation de l'ouvrier. (Et si une certaine bourgeoisie de gauche peut le reconnaître sur le plan du discours, dans sa pratique, son existence, elle le nie systématiquement. C'est que cette situation de classe est effectivement devenue une nature, un être...) Telle est la problématique de l'être : la systématique des rapports de classe, la systématique des rapports de la production à la consommation, la dévoile. Tel est l'objet de notre théorie d'un ensemble pré-capitaliste, de l'ensemble qui produit son système de connaissance, selon la dualité néokantisme et raison dialectique. La relation marxisme-psychanalyse illustre bien, à un moment historique, la relation des deux problématiques, bourgeoise et socialiste, productrice et consommatrice. Et Marx est plus profond que la psychologie des profondeurs. Car il a dit la vraie logique : c'est la production du prolétariat, c'est son travail (et l'exploitation de ce travail) qui a permis la situation historique de la bourgeoisie libérale, son rôle social et sa problématique... de consommation. La production industrielle produit, aussi, la problématique du consommateur, mais dans le décalage du prolétariat et de la bourgeoisie libérale. La force productive produit le consommateur. Et celui-ci, pour nier cette causalité, qui le dénonce, proclame une soi-disant universalité de sa problématique : sujet transcendantal, inconscient «structural». Mais la problématique de sa consommation n'est que celle de la bourgeoisie libérale. C'est celle d'une classe sociale qui a dépassé la problématique historique des besoins élémentaires (la faim) qui a conquis de nouvelles temporalités, libres (de par le travail des autres), et qui dispose de grands moyens et pouvoirs (argent, esthétique, épistémologie...) et qui est aussi disponible à la séduction, au plaisir, au sexe. Et ceci fait problème, en effet. La psychanalyse doit être épistémologi-
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que et éthique, savoir et norme sociale. Car elle doit préserver une opération politique, garantir des privilèges par un certain sérieux, ne serait-ce qu'au niveau des signes de l'autorité et en même temps profiter de la consommation des biens produits par le prolétariat. Elle doit liquider le péché (et en ce sens le freudisme est désaliénation) et définir un nouveau système régulateur de la consommation sexuelle. Car le sexe, enfin possible, peut aussi désagréger le sérieux politique, révéler l'imposture du pouvoir, par la dégénérescence de la bourgeoisie. Comment préserver le rôle privilégié de la bourgeoisie (de par l'exploitation de l'ouvrier) tout en consommant des biens de luxe, confort, standing et «érotisme» ? Comment régulariser une consommation lorsqu'on n'est pas producteur ? Quels rapports instaurer entre l'homme et la femme pour garantir à la fois le sérieux du pouvoir et pour profiter des privilèges de classe ? Comment jouir sans culpabilité ? Comment ne pas nommer le problème politique ? Ce problème se pose très précisément en conflit de générations, selon le schéma traditionnel et classique (situation-type de la comédie) : père avarefils prodigue17. Et les conjonctures économico-politiques différencient cette situation selon tel aspect de la psychanalyse. La psychanalyse au service du père est normative ; elle dit l'ascendance, la dynamique de l'économie (EtatsUnis). Le sérieux politique du père est alors total monopole (et sur l'ouvrier et sur le fils). Il écrase les velléités d'émancipation du fils. Celui-ci ne dispose d'aucun avoir, d'aucun savoir. Il est réduit à la débilité, à la dégénérescence. Sa situation est névrotique. Dans le cas contraire (la psychanalyse au service du fils), thématique d'émancipation du fils prodigue, la situation économico-politique se caractérise par un néo-libéralisme, un recul de l'économie bourgeoise traditionaliste devant le néo-capitalisme. L'extension du secteur tertiaire permet un recyclage du fils, qui peut quitter la famille, dénoncer le père. Mais le fils n'a pas quitté sa problématique. Il peut dépasser la conduite névropathe, privée, solitaire, subjectiviste, dans des conduites sociologiques, grégaires, de socio-drame, selon les nouveaux modèles culturels, de l'émancipation, proposés par le néo-capitalisme. Mais pour profiter pleinement de la production du prolétariat. Lorsque les pères paient les impôts et que les ouvriers produisent, les fils de bourgeois se disent libres. Alors la psychanalyse, de régulatrice, normative, se fait émancipatrice, libératrice (Marcuse). Les fils de bourgeois retrouvent : l'instinct, la liberté, tous ces concepts éminemment métaphysiques, formels, univoques du néo-kantisme. Mais le bourgeois n'a pu
17. Les situations-types socio-politiques expliquent la psychanalyse et non l'inverse.
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quitter le regard du père car il ne soupçonne toujours pas la problématique réaliste de la production. Le marxisme est la vraie solution de la névrose1S, de la problématique bourgoise, du problème parcellaire de la consommation. Et Marx n'avait pas à se poser notre problème : lorsque les forces productives seront dans les mains du peuple, lorsque le producteur se sera réapproprié son œuvre, la consommation se soumettra «spontanément» à l'ordre du collectif qu'est la société sans classe. C'est effectivement la pratique, le travail, la science, qui sans détours spéculatifs ordonnent la relation du politique et du sensible. Mais si la société sans classe est la solution de la problématique production-consommation, savoir-existence, un nouveau clivage révolutionnaire doit être défini, pour se défendre de la corruption néo-kantienne, de l'interprétation néo-kantienne du marxisme, origine culturelle de la récupération du marxisme. C'est le rôle de l'intellectuel, qui se dit révolutionnaire, de défendre, comme acte révolutionnaire, la théorie révolutionnaire. Sans parler de l'imagerie révolutionnaire que les mass media ont imposée (de la révolution au niveau de signes), toute une corruption est apportée par le néo-freudisme (Marcuse), le volontarisme subjectiviste qui campe les personnages, le néolibéralisme culturel qu'est le savant dosage de freudisme, de marxisme, de structuralisme, de néo-positivisme scientiste (sciences humaines)..., d'arrivisme et de séduction. La relation production-consommation (problématique de l'être) est produite par les rapports de classe, selon la logique de la production. La solution du problème de l'être, le lien «structural», enfin, à définir entre la production et la consommation, est la solution du problème révolutionnaire. Le rapport production-consommation est un rapport de classes, qui est le rapport force productive-ontologie bourgeoise. A la créativité de la force productive, à son fabuleux pouvoir de mutation, s'oppose la permanence de la consommation parasitaire selon les alibis idéologiques de la classe dominante. L'être défini par la classe dominante est le conservatisme qui s'opose au devenir de la création, de la production. Aussi doit-on poser le problème révolutionnaire selon l'identification du couple production-consommation aux couples force productive-classe dominante, prolétariat-bourgeoisie. La problématique révolutionnaire est celle des rapports de l'être et du code, selon la logique de la production.
18. Le traitement non de la névrose mais du discours de la psychanalyse sur la névrose consiste à montrer la réalité sociologique de l'anomie (dernier refuge de la singularité ineffable de l'individualisme).
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La théorie d'un ensemble pré-capitaliste aura donc une double nécessité. D'abord définir le problème : identité des rapports de classe et des relations épistémologie-ontologie et montrer leur systématique de letymologie au capitalisme. Alors la pròblématique particulière de la société industrielle peut être résolue selon le devenir global des forces productives, dans la continuité de l'histoire. La problématique décisive des rapports capital-prolétariat se définit dans une continuité, selon un acquis, un savoir de la logique de la production. On évitera ainsi bien des réductions (par exemple de la nécessité organique, l'économique, en économisme) et bien des hypostases (par exemple du moment du capitalisme qu'est le capitalisme concurrentiel, d'implantation, en capitalisme en soi, ce qui rend incompréhensible le néocapitalisme). La théorie de l'ensemble pré-capitaliste doit donc faire apparaître le cycle production-consommation et la réconciliation des deux termes. Elle doit définir la relation du corps, du sujet, et du corps social, selon la progressive définition du corps par le politique, le système de circulation qui sera le passage du principe le plus passif, digestif, au principe producteur, à la force productive élémentaire, au bien élémentaire de subsistance. La dialectique du désir à l'objet doit être redéfinie selon l'acquisition des conduites du corps. Le rôle des médiations, qui sont moyens et fins, est primordial, car elles sont moyens politiques (acquis par le relationnel) de fins organiques. Leur systématique permet d'établir le lien de la concupiscence, de la libido, principe du plaisir, du corps, à l'économique, à la force productive. Ce qui est, en première instance, déterminant, rencontre ce qui est, en dernière instance, déterminant. Si l'espèce, en tant que principe (germen), doit se perpétuer, de même que le corps social se garantit par tel mode de production, c'est dans le système politique défini par les rapports de production, que le corps acquiert ses conduites de consommation. Aussi doit-on élargir la problématique du corps, du désir, de la libido, du plaisir. Leur définition traditionnelle définit la seule fixation étymologique de l'être. C'est selon le devenir du corps, le passage aux conduites de maturité, que ces définitions doivent être reprises. L'organicité du sujet doit se dire selon la sociabilité des conduites de consommation, sexuelle, et de toutes les conduites de participation sensible. Et inversement, le macro-social, dont la cause est l'économique, doit se définir selon la problématique de sa production. La lutte des classes, à partir de l'économique, doit se définir selon le pluralisme et la hiérarchie des catégories de la culture, selon le micro-relationnel et selon l'existence. De l'institutionnel au non-dit existentiel, c'est le même référentiel. Alors l'orga-
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nicité du macro-social dans le synchronique et le diachronique se dispose selon des niveaux qui autorisent l'intégration et la participation de la subjectivité. Les fonctions sociales objectivent en des conduites de classe la mutation de l'organique. De l'être à sa connaissance, de l'implantation des forces productives à la raison dialectique, le devenir s'objective, de la participation immédiate à la représentation. De l'organique à la sensibilité, de celle-ci à l'esthétique, puis par l'accession à l'entendement, les catégories macro-sociales peuvent s'identifier aux conduites personnelles. Ainsi peut apparaître le cycle consommation-production. La distance du désir à son objet, de la consommation à la production, autorise la transmutation du besoin, selon les rapports de classe. Et la bourgeoisie au niveau de «la société de consommation18» reconnaît bien qu'elle consent au devenir puisque ses désirs sont produits par le prolétariat, puisque toutes les conduites de consommation sont médiatisées selon la société industrielle. C'est bien la classe productive, qui, par un long détour, propose comme finalité du désir une production historique. Et c'est la classe productive qui peut définitivement désaliéner la relation production-consommation en proposant comme finalité du désir la finalité de l'histoire. C'est la production qui produit la finalité, le passage du besoin au besoin, la hiérarchisation des besoins du corps selon le devenir. Et ce passage de la libido aux besoins créés, le modelage du besoin sur la production, n'est pas rupture du destin organique, mais son accomplissement. Le corps crée et son désir et l'objet de son désir, selon les rapports de classe. Tel est le dernier énoncé de la problématique de l'être et du code. La société sans classe, par la raison dialectique, peut rendre la production au consommateur, et la consommation au producteur. Le code, alors, crée l'être : les fins de l'histoire sont celles du corps. Le matérialisme est assumé. Le pourrissement de l'histoire, au contraire, ferait prévaloir le néo-libéralisme. Les racines de l'ontologie (l'anté-prédicatif) peuvent rester les fins des conduites. Les nostalgies, par l'esthétique, et la consommation, par le capital, peuvent triompher de la raison dialectique. Dans le premier cas, l'universel concret est atteint. La subjectivité peut s'assumer dans la communauté. Le résidu ontologique peut être éliminé. Dans l'autre cas, la perte de l'être est telle, dans le néo-libéralisme, qu'elle ne peut être que désespoir esthétique, restauration politique, néo-kantisme de la connaissance, retour à Dieu.
19. «La société de consommation» est une expression qui relève du camouflage libéral. Il y a une classe qui consomme : la bourgeoisie, et qui ne produit pas.
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Introduction
La logique de la production pose et résout la problématique productionconsommation. L'ensemble pré-capitaliste, que nous allons étudier, n'inclut pas la définitive solution des rapports de l'être et du code. Mais si Le Capital de Marx est effectivement l'acte révolutionnaire décisif, car théorisation de la pratique, réduction de l'être par le code, savoir de la causalité, le capitalisme, et son idéologie, le néo-kantisme, ne sont que l'accomplissement du champ de production que nous étudions. Et la bonne lecture du Capital20 consiste aussi à bien définir le capitalisme dans la paxis globale, comme moment particulier et décisif de la lutte des classes. Et en ce sens l'étude d'un ensemble pré-capitaliste peut être considérée comme une introduction à la lecture du Capital. La théorie d'un ensemble pré-capitaliste permet de définir le capitalisme dans la logique de la production, dans l'histoire des rapports de classe. Le capitalisme n'est pas une chose en soi, une entité qui pourrait être considérée indépendamment d'un devenir dont il est le résultat (car alors il est réduit à une empirie). Bien au contraire, de même que le capitalisme apparaît à un moment de la logique de la production, il doit être constitué aussi selon la relation de l'être et du code que le procès de production de l'ensemble pré-capitaliste a définie. 5. L'étude de la praxis selon la problématique que la critique du néokantisme a définie La critique du néo-kantisme a permis de définir notre problématique historique : la théorie d'un ensemble pré-capitaliste, selon la production de ses catégories cognitives et de ses modes d'existence. Elle permet aussi de lever les interdits. La raison dialectique ne se laissera pas intimider par le terrorisme culturel du néo-kantisme et de la démagogie libérale, qui, hélas, sont les références implicites d'une intelligentsia qui se dit (et se croit) révolutionnaire. Et maintenant nous pouvons dire le positif de toute cette démarche critique. Nous pouvons dire la praxis21, la logique de la production, la lutte
20. Nous nous définissons par rapport à Althusser (Lire le Capital) : nous montrerons la permanence de la lutte des classes selon l'historicité. 21. La praxis est d'ordre logique, on ne peut en aucune manière en faire le refuge de l'irrationnel ou de la spontanéité.
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des classes. Et comme totalité, selon la logique interne au devenir de la réalité sociale. La théorie d'un ensemble pré-capitaliste, par la praxis, dit positivement le négatif du néo-kantisme. Elle reprend et intègre le néo-kantisme comme terme constitué de l'ensemble pré-capitaliste. La critique spéculative, du néokantisme, est reprise, dans la praxis, comme un mode d'expression de la réalité. L'idéalisme se fait l'un des termes du réalisme radical.
PREMIÈRE
PARTIE
La structure féodale
CHAPITRE
I
Le modèle d'ensemble historique1
I. LA CONSTRUCTION DU MODÈLE D'ENSEMBLE HISTORIQUE : DU
LOGICO-FORMEL
A
LA
LOGIQUE
HISTORIQUE
DE
LA
PRODUCTION
A . DU CONCEPT DE MODÈLE AU MODELE HISTORIQUE ; LA FONCTION
DE
CONSTRUCTION DU CONCEPT COMME PROCES DE PRODUCTION DE L'ENSEMBLE. L'IDENTIFICATION DE LA RELATION SYNTAXE-SEMANTIQUE ET DE LA RELATION M D - M H
Nous nous proposons de construire un modèle d'ordre historique. Il nous faut donc définir le statut épistémologique de ce modèle. Est-ce que ce projet est recevable sur le plan scientifique ? A quelles conditions d'ordre logique, à quels critères de la science de l'histoire, ce modèle devra être soumis pour être valide ? En un premier moment, nous construirons ce modèle de la manière la plus formelle. Cette conceptualisation, selon le référentiel logico-mathématique, sera une garantie épistémologique. On aura défini la nécessité logique à partir de laquelle tout modèle doit être construit. C'est le concept de modèle qui sera la matrice du modèle historique. En un second moment nous définirons les conditions qui autorisent l'exportation de cet appareil logique dans le domaine de la science de l'histoire. Comment la généralité formelle du modèle doit s'intérpréter dans la particularité historique ? Ce passage, du concept de modèle au modèle d'ordre historique, sera épistémologiquement recevable lorsqu'il sera précisé que c'est le passage d'un discours scientifique à un autre discours scientifique. En effet, c'est selon le 1. C'est le troisième niveau de la polémique. Après le modèle néo-kantien et ses applications voici le structuralisme marxiste. Notre modèle sera construit en tant que critique d'Althusser.
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La structure féodale
matérialisme dialectique que le concept de modèle sera interprété, pour construire le modèle d'ordre historique. C'est donc la problématique des rapports d'un appareil logico-mathématique et d'une méthodologie de l'étude historique qui sera le préalable à la construction effettive du modèle. Et cette problématique est épistémologique : elle doit être délimitée par la double référence au concept de modèle et au matérialisme dialectique. Le concept de modèle 2 va donc nous proposer l'armature logico-mathématique. Nous allons reprendre la construction de ce concept en schématisant ses moments essentiels. La relation syntaxe-sémantique sera la première autorisation de cette construction : «A partir d"un ensemble initial d'énoncés, les axiomes, on dérive des théorèmes selon des règles de déduction... L'ensemble des règles du système, soit la façon de former les écritures (grammaire pure) et la façon de les déduire (grammaire des enchaînements) définit... une syntaxe.» Cette syntaxe, système formel, permet de cerner «une pratique théorique dont les effets sont inscrits dans l'histoire... l'aspect mécanisable d'un domaine scientifique...». Pour vérifier qu'un système formel exprime bien cette structure, on doit mettre en correspondance les énoncés du système formel avec ceux où s'organise le domaine d'objets scientifiques considéré. On définira des règles de correspondance. Tout ce qui concerne ces règles relève de la sémantique du système, de son interprétation. Le domaine d'interprétation sera un modèle pour le système formel lorsqu'on peut : «assigner» à tout théorème dérivable un énoncé du domaine d'interprétation. Une deuxième condition est nécessaire pour que le modèle soit possible : c'est la délimitation non empirique du domaine d'objets qui doit être interprété selon la syntaxe «... rien n'est plus indistinct, et plus empiriste, que la notion d'une collection d'objets, au point qu'à s'y tenir la sémantique n'aurait aucune chance de s'articuler scientifiquement : c'est uniquement dans la mesure où elle dispose du concept mathématique d'ensemble, et transforme par son effet la notion de multiplicité domaniale, que la théorie des interprétations d'un système formel échappe à cette impuissance». Nous résumons les deux moments du concept de modèle : la relation syntaxe-sémantique autorise l'interprétation d'un système formel, et cette interprétation n'est possible que selon un ensemble. Nous exporterons cette armature logico-formelle dans le discours scientifique à propos de l'histoire. Et tout d'abord ce sera ce formalisme qui sera le constitutif du modèle historique. Pour proposer un modèle idéal, c'est-à2. Badiou, Le concept de modèle. Introduction à une épistémologie matérialiste des mathématiques. Cette étude f o n d e cette première démarche.
Le modèle
d'ensemble
historique
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dire un modèle qui exprimerait l'histoire comme totale identification au logico-formel. Que serait donc ce modèle qui autoriserait une lecture idéalement scientifique de l'histoire ? Nous identifierons d'abord la relation syntaxe-sémantique à la relation matérialisme dialectique-matérialisme historique. C'est parce que le matérialisme dialectique est une conceptualisation d'ordre scientifique qu'on peut le proposer comme syntaxe, système formel, «stock de marques suffisant pour répartir plusieurs espèces d'inscription, qui sont les pièces du jeu». Et cette syntaxe autorise l'interprétation d'un champ particulier de l'histoire, dans la mesure où cette histoire se proposera déjà comme relevant du matérialismehistorique, c'est-à-dire déterminations témoignant déjà d'une élaboration scientifique, expressions exprimant une objectivation (institutionnel). Nous recouvrirons ensuite l'ensemble, lieu d'interprétation de la syntaxe proposée par le M D , par l'ensemble relevant de la théorie mathématique des ensembles. (L'ensemble d'ordre historique sera désigné par structure, pour le différencier de l'ensemble d'ordre mathématique.) De même que le modèle est possible par la théorie des ensembles, le modèle historique est possible par la structure. Dans les deux cas, c'est un système logique, et formel, encore, qui opère dans le champ d'objets à interpréter. L'existence, logique, de la structure tient à ce relationnel interne au champ d'interprétation. Cette double identification étant posée, comme constitution formelle de ce modèle historique, nous devons la développer pour définir ce que pourrait être l'étude historique idéale. Pour cela nous dégagerons la règle fondamentale dans la construction du modèle ; nous la dégagerons d'abord du concept de modèle pour la rapporter, la répéter, dans le concept de modèle historique. On supposera : «qu'il existe une fonction, fonction de correspondance, définie sur les marques syntaxiques et telle : I o qu'à toute constante individuelle du système (formel) elle fasse correspondre un objet de la structure ; 2° qu'à toute constante predicative elle fasse correspondre un sous-ensemble de la famille qui définit la structure3». Cette fonction sera la règle fondamentale de construction du modèle. Elle soutient tout le calcul entre la syntaxe et la sémantique, entre la théorie formelle et le champ de réalisation. C'est par ce concept opératoire que l'on peut démontrer 4 la proposition définitive du concept de modèle : «Une 3. Badiou, Le concept de modèle, p. 39. 4. Ibid., p. 37-44.
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structure est modèle d'une théorie formelle si tous les axiomes de cette théorie sont valides pour cette structure.» Rapportons cette fonction de correspondance, ce concept opérationnel, comme construction du concept de modèle historique. Si nous pouvons définir par la relation M D-M H un modèle historique selon la même nécessité logique qui préside à la construction du concept de modèle (par la relation syntaxe-sémantique), nous pourrions établir cette importante conclusion épistémologique : le procès de production d'un modèle historique est assimilable à la fonction de construction du concept de modèle. La connaissance historique, comme problématique même de l'histoire : généalogie, processus, développement, etc., s'exprimerait, se créerait, selon les règles de la logique mathématique. L'ensemble, d'ordre historique, serait connu selon la loi qui préside à sa construction. Ce modèle idéal permettrait ainsi au matérialisme historique de substituer à la notion de totalité le concept d'ensemble, à la notion d'historicisme celle de fonction de construction, à la notion d'empirisme celle de modèle. Essayons donc de construire le modèle historique directement dérivé du concept de modèle, selon la fonction de construction, selon le concept opératoire. Pour cela construisons d'abord la syntaxe du M D selon la syntaxe du concept de modèle. Le système formel (définition et règles du jeu syntaxique) peut être proposé selon trois niveaux. D'abord le niveau fixe des constantes référentielles (niveau A). Puis le niveau des propriétés de ces constantes (prédicats), (niveau B). Enfin le niveau des variables individuelles, indéterminées, qui peuvent être remplacées par des constantes (variables libres et liées), (niveau C). Très schématiquement le système formel pourrait se résumer ainsi : A développe Β comme Β développe C. (Ce système formel pourrait trouver une analogie dans la démarche spinoziste : la substance se distribue en attributs et les attributs en modes.) La syntaxe du M D pourra être proposée selon un système analogique : l'économique sera le principe générateur, la matrice à partir de laquelle est développé le juridico-politique, lequel développe les formes de la conscience sociale. Le terme développe est employé comme signifiant la mise en relation, mais la plus neutre, qui ne fait que désigner le sens de production logique seulement défini par le M D. La fonction de correspondance reprend ce système de relation et l'applique à une structure quelconque du champ historique : ce serait l'étude historique idéale. La spécificité du modèle historique doit s'exprimer selon cet appareil formel idéal, mais ne doit pas se réduire à cet appareil formel. Si notre long détour pour justifier l'étude historique selon le formalisme, la logique, nous autorise à quitter l'empirisme, il ne faut pas tomber dans le défaut contraire : le
Le modèle d'ensemble historique
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formalisme ne doit pas être un interdit de l'étude concrète. Aussi, maintenant devons-nous définir la spécificité du modèle historique à partir d'un formalisme dont la généralité autorise des déterminations plus précises. Une remarque, tout d'abord. L'ensemble : économique-politico-juridiqueformes de la conscience sociale peut recevoir des équivalences qui le simplifient (ainsi l'infrastructure développe la superstructure : l'infrastructure économique développant la superstructure qui contient à la fois le politico-juridique et les formes de la conscience sociale). Et il peut recevoir des équivalences qui posent la même relation en d'autres termes (ainsi forces productives et rapports de production). C'est dire que notre définition de l'ensemble peut trouver un pluralisme d'expressions, selon les besoins de l'interprétation, mais selon la constante d'un référentiel qui a défini le sens de la production logique. Nous faisons cette remarque pour bien préciser qu'à partir du formalisme l'expression concrète peut être plurielle : le formalisme ayant donné le sens de la production logique la construction du modèle historique dispose d'analogies d'expressions.
B. LE MODÈLE HISTORIQUE : LE MODE DE PRODUCTION COMME EXPRESSION HISTORIQUE DE LA LOGIQUE DE LA PRODUCTION (LA GÉNÉTIQUE SANS HISTORICISME)
Cette syntaxe, ce système formel, aura une première interprétation, un premier passage à l'histoire, par le concept de mode de production. Une détermination, de la production, produit un ensemble, d'ordre historique, qui répète le système formel. Déjà, à ce niveau, la production logique de l'ensemble s'exprime selon une généralité historique. Un mode de production «est toujours une combinaison spécifique de trois facteurs — le travailleur, les moyens de production, mais aussi le non-travailleur s'appropriant le surtravail... Ces trois facteurs se combinent selon un premier axe, celui de l'opposition entre la propriété et la séparation du travailleur avec les moyens de production 5 ». Ainsi, de par la définition de l'ensemble selon la logique de la production, de par la définition de l'ensemble selon le mode de production, nous disposons d'un double système d'interprétation. La première grille de lecture : la syntaxe (proposée par le concept de modèle) s'applique sur un ensemble : le mode de production, structure proposée comme généralité, à priori historique de la production. Nous constaterons 5. Forquin, C.C.E.S. 3
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La structure féodale
que la construction du modèle historique s'est d'abord coupée de la construction du concept de modèle, puis du concept de modèle historique idéal : le mode de production propose un ensemble déjà construit, par l'histoire, réinterprétable par la logique de la production. Deux logiques ont été nettement distinguées : celle de la production et celle de l'histoire. Le procès de la production selon sa logique interne, et la production historique selon sa logique interne, autorisent alors la construction du modèle d'une structure. Ce modèle sera la relation de la logique de la production (infrastructure —» superstructure) et de la logique de la production historique (mode de production). La syntaxe (de la production) peut interpréter un champ historique lorsque celui-ci se propose dans l'ordre de la production historique. La mise en relation du système formel et du mode de production, de la logique de la production et de l'ensemble historique, va autoriser une généalogie sans historicisme, un procès de production d'ordre logique. L'histoire sera la logique de la production dans un mode de production, la reconstitution de l'ensemble historique qu'est le mode de production mais selon la logique de la production. L'ensemble formel et logique : économique juridico-politique —> formes de la conscience sociale va prendre les déterminations historiques de l'ensemble qu'est tel mode de production. Le système formel reconstituera l'ensemble historique mais selon la logique de la production, non plus selon son ordre historique. Mais cette reconstitution se fera selon la particularité historique, selon les données immédiates, concrètes, du mode de production. Le procès de production authentique est cette identification de la nécessité de la logique et de la nécessité de l'histoire. La production, particulière à un mode de production, doit être reconstituée selon l'universalité de la production. Alors la logique s'exprime selon la nécessité historique, comme l'histoire s'exprime selon la nécessité formelle. Deux axes de coordonnées localisent toute détermination de l'ensemble qu'est un mode de production. L'économique est doublement déterminant : de la logique de la production et de la logique de l'histoire, en deux systèmes de connaissance qui se différencient selon deux modes d'expression des effets de l'économique et qui s'identifient de par leur commune étymologie.
C . L'ENSEMBLE HISTORIQUE SELON SA GÉNÉALOGIE LOGIQUE, CRITIQUE DU STRUCTURALISME MARXISTE : C'EST UN NÉO-KANTISME
Ce double système référentiel autorisera donc la construction définitive de l'ensemble selon des déterminations communes à la logique et à l'histoire. L'ensemble sera définissable selon une généalogie logique (sans empirisme ni
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historicisme). L'ensemble aura un commencement, un parcours, une fin. Et la définition de ces trois moments consécutifs sera la définition des trois règles de formation de l'ensemble. Le commencement sera la formation particulière du mode de production : l'implantation infrastructurale de la relation force de travail-moyen de production. Cette singularité du mode de production sera très précisément définie par des unités productives, d'ordre strictement économique et technique. La fin d'un ensemble sera l'implantation d'un autre mode de production apprécié selon deux effets d'ordre superstructural : l'un qui liquide l'idéologie du mode de production antérieur et l'autre qui propose l'idéologie du nouveau mode de production. Le parcours de l'ensemble sera la causalité structurale qui rend compte du passage de l'infrastructure (du premier mode de production) à la superstructure (du second mode de production). Par ces trois règles de formation (que nous allons développer) nous nous proposons de définir exhaustivement la généalogie d'un ensemble. Autrement dit, la «compiétude» d'un ensemble est le parcours (de l'infrastructure) jusqu'au dernier effet superstructural de cette infrastructure. De l'affirmation à la négation, de l'infrastructural à l'idéologie qui nie l'idéologie du mode de production autorisé par le premier infrastruttura!, telle est la délimitation d'un ensemble. Et dans cette délimitation, la continuité, le devenir de l'ensemble, est la continuité logique de l'économique au politico-juridique puis aux formes de la conscience sociale. Le passage de l'infrastructural au dernier mode d'expression doit être montré dans cette continuité. Le modèle historique proposé comme définition d'un ensemble selon la généalogie de ses moments doit être maintenant confronté à la notion de structure d'un certain structuralisme marxiste. Nous voudrions montrer une autre application du modèle néo-kantien, particulièrement grave, car, en définitive, réduction du marxisme à ce néo-kantisme. Le modèle historique (selon la généalogie des moments de l'ensemble) a une double valeur épistémologique : au niveau du M D et au niveau du M H, comme concept, fondement doctrinal et comme application à la science de l'histoire. Dans le premier cas, on dispose de la méthode la plus parfaite pour définir l'historicité d'un ensemble. C'est en droit le modèle idéal. Mais en fait, sur le plan empirique, particulier, cette démarche n'est pas toujours possible (de par l'insuffisance des matériaux historiques). C'est à partir de cette distinction que nous pourrons expliquer la dichotomie méthodologique «du structuralisme marxiste», dichotomie entre le formalisme et l'empirisme. En effet, la définition théorique de la structure comme interdit de l'histoire, comme refus à priori d'un devenir de la structure ne peut que ramener au néo-kantisme. La causalité structurale ne pourra être
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(pour ce structuralisme) la logique de la production économique selon le devenir spécifique de l'économique révélé par l'histoire. Cette causalité structurale à priori ne devra pas révéler la logique du superstructural, le devenir idéologique qui est le corollaire du devenir économique. Et il va de soi que la mise en relation de ces deux systèmes ne doit pas révéler la particularité historique. Dans ces conditions «le structuralisme marxiste» reprend notre distinction M D et M H. Mais selon cette distinction radicale : comme privation de toute génétique. Et, par conséquent, comme dualité d'un modèle formel de la structure et d'une expression empirique de sa réalité particulière. Et l'on ne doit pas proposer une antériorité logique de l'empirisme sur le formalisme, ou du formalisme sur l'empirisme. Les deux opérations se définissent l'une par l'autre. La définition formelle de la structure est implicitement construite à partir de l'image empirique. Et de même celle-ci se construit à partir de l'image formelle. Il faut considérer ces deux opérations comme la double expression de la connaissance néo-kantienne. Chaque opération proposée a comme inconscient et référence l'image inverse. Définissons donc cette dualité de complémentarité de l'empirisme er du formalisme, à partir du M H et du M D, des études historiques et de la méthode. Au niveau du M H, la recherche s'est ordonnée en référence à une convention méthodologique, à une commodité d'expression, à une image générique. Une structure particulière sera dite selon une simplification, une quasi-axiomatisation : comme rapport d'expression immédiat de l'infrastructure par la superstructure. C'est que, dans bien des cas, de par l'insuffisance des matériaux proposés, on est bien obligé de se satisfaire des approches elliptiques, et même allusives, de la structure particulière étudiée. Dans bien des cas la généalogie ne peut être étudiée dans sa complétude. On en reste à des études partielles, empiriques, de par la force des choses. Aussi, pour rendre compte de l'étude parcellaire, on se sert d'une image qui simplifie à l'excès, qui réifie infrastructure et superstructure en un fixisme, selon un relationnel immédiat, adéquation de la superstructure et de l'infrastructure. Et cette image est à la fois résultat et modèle, référentiel implicité et état de fait d'une investigation historique malheureusement limitée dans ses moyens. Cet empirisme s'organise selon l'intuition marxiste, matérialiste, de l'immanence de l'idéologie à la praxis. Et ce n'est pas l'utilisation de cette image eidétique qui est critiquable, lorsqu'elle sert à la recherche ou rend compte d'une étude forcément parcellaire. Ce qui est critiquable c'est la théorisation de cette image, le passage à la méthodologie. Ce qui n'est que saisie eidétique d'une essence particulière, «la structure», seulement décrite sans que le
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procès de production ait été défini, sera proposé comme théorie de la connaissance, d'ordre logique. Le non-savoir de la généalogie a comme effet de présenter le raccourci, l'ellipse, d'ordre intuitif et empirique, comme rapports d'expression immédiats, sans médiation, de l'infrastructure par la superstructure. A un fixisme de l'infrastructure correspond le même fixisme superstructural et c'est le même fixisme qui met les deux termes en totale réciprocité d'identification. C'est la théorie du reflet qui exprime alors cet immédiat rapport d'expression d'un système fixiste. Elle propose comme modèle l'investigation intuitive et empirique, réifie en perfection théorique une insuffisance pratique, propose déjà la relation fixiste pour la perfection structurale. L'empirisme transcendantal propose en méthode la saisie eidétique. La critique faite à cette interprétation de la théorie du reflet, par la notion de causalité structurale, va permettre de dépasser la naïveté du rapport d'expression. Et en ce sens la démarche est justifiée. Mais le postulat implicite de cette théorie du reflet est repris (postulat d'ordre intuitif et empirique) : comme fixisme des termes infra et superstructure de par l'interdit méthodologique qu'est le refus de l'histoire. L'énoncé empirique est aussi et encore ratifié comme structure, constante relationnelle valable à priori. Et c'est ce formalisme transcendantal qu'il nous faut bien préciser comme hypostase méthodologique. La structure est l'invariant formel. La relation logique (infrastructure développe superstructure ou économique —» idéologie) est reprise mais comme discours qui reste formel car il ne s'applique pas dans la réalité, dans l'histoire. Aussi ce discours ne saurait être faux car il a la véracité de l'abstraction, du formel, du général. L'invariant qui est dit comme celui de la structure n'est que celui de la logique formelle. C'est la relation formelle qui est dite, par exemple, dans la proposition : l'économique développe l'idéologique. Et ce formalisme implique une synchronie formelle des termes. Il ne saurait y avoir antériorité quelconque (soit logique, soit historique) de l'économique... sur l'économique, ni d'antériorité de l'idéologie... sur l'idéologie, ni bien sûr d'antériorité de l'idéologie sur l'économique. En ce sens la structure dit bien l'invariant mais du formel et de l'abstrait. Et de par la logique interne du néo-kantisme le formalisme transcendantal va susciter l'empirisme transcendantal. Nous avons déjà montré un sens de cette circulation idéologique : l'image empirique étant réifié en méthodologie formelle. Maintenant nous devons montrer l'autre sens, à rebours, lequel va compléter la définition de ce cercle vicieux néo-kantien. C'est que cette structure formelle devra s'appliquer à la praxis, à la réalité d'ordre historique. Alors elle devra conserver sa pureté invariante. Ayant interdit toute génétique de la structure, l'application pratique doit aussi s'interdire tout
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devenir immanent à la production, et en particulier à la production économique. Aussi ce «structuralisme» va passer du discours formel à letude particulière, comme juxtaposition de l'universel abstrait au particulier concret. Et il est par définition incapable de définir le passage de l'un à l'autre. La génétique de la production économique ne devant pas être constitutive de «la structure», selon une logique de la production, la structure particulière sera définie comme un mode de production, comme une constante productive à priori. Ce mode de production sera étudié à son résultat, dans la perfection formelle, abstraite et schématique. Ce ne sera pas le problème de son implantation historique qui l'aura défini. Il ne s'agira de découvrir dans ce mode de production déjà formulé que la causalité structurale. Celle-ci est un procédé empirio-criticiste. La théorie du reflet, en tant que ratification théorique de l'empirisme, reste le référentiel inconscient, implicite. Mais aménagée, rectifiée, d'une part comme réciprocité du superstructural sur l'infrastructural, et, par ailleurs, comme renchérissement sur le jeu de miroir (une multiplicité de renvois de l'infra au supra créant une constante ambiguïté du réel et de l'idéologique). Et le décodage de ce jeu subtil de l'idéologie et de l'économie sera proposé par un néo-criticisme, qui ne relève pas de la théorie marxiste, mais qui est l'importation dans le matérialisme dialectique de la psychanalyse. Et cet empirio-criticisme, en effet, s'affronte à une occultation : celle que le sujet transcendantal s'est donnée en interdisant la génétique, celle qu'il fabrique en niant l'histoire. Aussi la reconstitution, par la causalité structurale, ne sera que variation sur le thème donné : le mode de production sera différencié selon des médiations restées inaperçues, sans doute, mais qui proclament toujours l'immanence au mode de production, la contemporanéité de toutes les catégories. Lorsque la structure est ainsi réduite au mode de production (comme fixisme de la polarité du référentiel, fixisme de l'infrastructure et de la superstructure, à l'intérieur duquel tout un jeu d'occultation et de révélation est alors possible) toute l'occultation de l'histoire, du devenir économique va bien sûr réapparaître, mais à l'extérieur de la structure comme résidu et anodin «bricolage». La pureté de la structure a comme corollaire l'empirisme du «bricolage». Et une fois de plus cet empirisme évolutif n'est pas su comme le nécessaire négatif d'un à priori fixiste. Le fixisme suscite l'évolutif mais comme le fixisme a été proclamé structure, l'évolutif ne peut être que bricolage. L'historicité, et de la production, et de la structure, ne peut être totalement niée, dans une perspective marxiste (ce serait la folie). Mais on peut la réduire (ce n'est que la névrose). De l'ordre logique, on fait un bricolage ! L'empirisme est le résidu de la structure, comme le bricolage est le résidu du mode de production défini d'une manière fixiste.
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Tel est le nouvel avatar néo-kantien : dualité du fixisme d'un mode de production et du bricolage, de la structure et de l'empirisme, nouvelle figure de la juxtaposition du théorique et de la praxis. Mais alors ! Ne peut-on soumettre cette proposition à l'argument logique suivant ? Le «bricolage» est soit un effet spécifique du mode de production, soit un effet spécifique de la production en général. Dans le premier cas, si le mode de production consent à la déstructuration et à la restructuration, c'est selon une nécessité spécifique à son procès de production. Ce mode de production porte en lui un principe de différenciation qui a été caché par la définition fixiste. Et la logique de cette opération (de déstructuration-structuration), non comprise, est alors «bricolage». Ce que le mode de production nie dans sa propre production a été naïvement repris et proposé comme bricolage, alors que c'est ce négatif même qui doit être révélé (surtout quand on se proclame du criticisme freudien). Le mode de production doit être dit selon sa contradiction interne, et selon les différenciations de production qu'il produit. Dans le second cas le bricolage est un effet spécifique de la production en général, dans sa définition universelle. Alors cette production est la matrice commune à tous les modes de production, qu'ils soient considérés en leur résultat (définition du structuralisme marxiste) ou en leur génétique (bricolage), qu'ils soient en puissance ou en acte. Ces deux moments sont des modalités particulières du devenir de la production économique. Alors c'est la logique de cette production qui doit être théorisée, selon ses fixations (modes de production) et selon sa génétique (le «bricolage» interprété dans la nécessité de la logique). Aussi, dans les deux cas, la logique de la production économique doit être révélée : qu'elle soit le principe de différenciation de la production à partir justement du mode de production ou qu'elle soit la loi de la production en son universalité. (Et nous réconcilierons les deux perspectives en disant que la logique de la production universelle, en même temps qu'elle se fixe par un mode de production, se différencie par la production spécifique de ce mode de production.) Résumons la critique faite au structuralisme marxiste : c'est un néo-kantisme dont l'opportunisme se déplace du formalisme transcendantal (définition formelle, abstraite, de la structure) à l'empirisme transcendantal (définition fixiste, en référence à une image, ellipse, d'ordre parcellaire, qui substitue le résultat au procès de production). La causalité structurale ne sera que l'interdit de la génétique, de l'historicité, de la logique de la production. Par conséquent, elle va déboucher sur la dualité d'une formalisation de l'homogène dans le contemporain (mode de
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La structure féodale
production) et de l'empirisme qu'est alors le devenir historique (bricolage). La définition de la structure comme réduction aux à priori d'un mode de production a comme négatif l'impuissance à définir la nécessité de la production «du bricolage». La causalité strutturale ne fera que reconstituer, à sa manière, le mode de production comme commentaire au second degré d'une formalisation.
II.
LES MOMENTS LOGIQUES DE QUE. CAUSALITE «STRUCTURALE» MÉDIATION
L'ENSEMBLE HISTORIET NÉCESSITÉ DE LA
A . LE COMMENCEMENT DE L'ENSEMBLE (L'IMPLANTATION DU MODE DE PRODUCTION). LES RÈGLES DE FORMATION
Le modèle historique proposé comme définition d'un ensemble selon la généalogie de ses moments dépasse ce dualisme : l'ensemble se constitue selon la logique de la production. La généalogie de l'ensemble s'identifie à la logique de la production ; le mode de production est reconstitué selon l'ordre logique de la production et comme ensemble historique. Aussi la définition des moments de l'ensemble est-elle la définition même de la logique de la production dans l'histoire. L'ensemble commence par la définition de l'implantation du mode de production ; implantation de la particularité de ce mode de production comme spécificité de la relation force de travail-moyen de production. En tant qu'ensemble d'ordre historique cette spécificité de la relation force de travail-moyen de production doit être définie, expliquée, selon l'histoire (ce n'est qu'après que le structural, une fois acquis, se fait constitutif). La perfection du modèle historique sera définissable, comme commencement de l'ensemble, selon les règles de formation suivantes. D'abord il faut définir la formation historique de chacun des termes constitutifs du mode de production, dans sa spécificité (à savoir : force de travail, moyen de production, mais aussi spécificité de l'opération par laquelle le non-producteur s'approprie le surtravail). La raison historique de cette opération doit être précisée, pour éviter la réification de l'historicité accidentelle en entité intemporelle structurale. Ensuite, deuxièmement, la synthèse des trois données historiques en structure doit être définie comme solution du problème géo-politique. C'est cette nécessité géo-politique, de la production, de l'implantation de l'unité de
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production, qui est la cause de la permanence constitutive des trois termes d'étymologies historiques différentes. La contingence de leur surgissement historique se fera nécessité (structure). Mais parce que le problème géopolitique de la production cellulaire est ainsi résolu. Et troisièmement, puisqu'il y a structure (mode de production) c'est parce que cette production cellulaire a pu se faire normative. Et au niveau de son appréciation économique d'ordre fiscal (manse, par exemple). Alors la structure est norme (nature des choses). Si un institutionnel l'exprime (au niveau de la codification des rapports de production) c'est que la production économique est normalisée, comme autonomie de la cellule productive, comme solution de la problématique de production, comme quantité productive. Aussi, quatrièmement, ce mode de production, s'il se produit d'abord lui-même, est pleinement autonome lorsqu'il produit l'infrastructure, le dispositif économico-technique d'un autre mode de production. Et cette production, d'un mode de production par un mode de production, ne doit pas être considérée comme marginale, mais comme la finalité même (non sue) du mode de production. Enfin, cinquièmement (dans notre perspective : perfection du modèle historique), une systématique de la relation événement-institution peut et doit être définie. Cette systématique doit rendre compte de cette implantation du mode de production, du passage de la contingence à la nécessité. La solution du problème géo-politique, comme accession à l'unité productive, comme normalisation de cette production, enfin comme département de ce mode de production par le saut qualitatif de la production, sera la grille d'interprétation et d'organisation de la relation événement-institution. Comment l'événement cherche la formalisation normative, comment l'institutionnel se redistribue en événementialité ? Par la solution de la problématique de la production. Ainsi, l'historicité (l'événementiel) s'organise selon la nécessité logique de la production. L'ordre de l'ensemble est une historicité de l'économique. Cette logique de la production peut être schématisée et résumée en quelques propositions. C'est dans un ensemble que les termes constitutifs de la production se font effectifs. C'est au niveau de la structuration d'apports contingents que la cellule de production se fait normative. La progression logique de la production est alors le saut qualitatif autorisé par la progression quantitative (niveau de production-seuils). Alors le mode de production produit les conditions infrastructurales et économiques d'un autre mode de production. C'est donc selon ces cinq règles de formation que l'implantation d'un ensemble doit être définie. (Et rappelons encore qu'il s'agit alors du modèle historique le plus complet.) Cette syntaxe permettra de définir le commencement de l'ensemble, du mode de production selon sa spécificité, et productive et historique. Ainsi pour-
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La structure
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rons-nous définir le mode de production comme commencement d'un ensemble historique. Nous appliquerons cette syntaxe sur le champ empirique (institutionnel et sémiologique) qu'est la territorialité de ce qui sera la nation française, au moment de l'implantation des cellules productives, de la normalisation (institutionnel) du mode de production qu'elles instaurent. Les règles de formation permettront de constituer le commencement de l'ensemble selon la logique de la production.
B . LE PARCOURS DE L'ENSEMBLE : LA MISE EN RELATION DE LA PROGRESSION ÉCONOMIQUE ET DE LA CONTRADICTION SUPERSTRUCTURALE
PAR
LE SYSTÈME DES MÉDIATIONS (L'ÉTAT)
1. La définition des termes génétiques de l'ensemble Le parcours de l'ensemble sera défini par la «causalité structurale». Et celleci ne sera pas révélatrice d'une occultation dans le synchronique (synchronique de la structure formelle ou du seul mode de production considéré en son résultat) mais révélatrice de la génétique de l'ensemble. Cette causalité «structurale» doit révéler la systématique des effets de la cause étymologique ; c'est-àdire du mode de production dont nous venons de définir l'implantation. La génétique de l'ensemble se développera selon la logique de la production économique. Mais la progression de la production économique ne provoque pas mécaniquement la progression de l'ensemble. Les deux rythmes de croissance ne sont pas identifiables. Alors que l'économique se produit luimême, selon une continuité et progression spécifiques, l'ensemble doit résoudre la contradiction d'ordre superstructural. Autrement dit, alors que la production économique est un ordre spécifique, selon une croissance qui n'est explicable que par l'économique, les modes superstructuraux de cette progression économique rentrent, eux, en contradiction. (Et par effet de retour font apparaître la croissance économique selon les spécificités superstructurales.) La génétique de l'ensemble est donc la confrontation des deux ordres : économique et superstructural ; confrontation de la progression infrastructurale et de la contradiction superstructurale. Cette définition de la génétique de l'ensemble permet de renouveler la relation infrastructure-superstructure. Ce que la causalité «structurale» doit révéler ce n'est pas la médiation synchronique mais la médiation génétique. Et à la limite, la perfection d'un ensemble historique sera la systématique de ces médiations génétiques. Alors la génétique de l'ensemble est la détermination du système médiateur qui permet la progression économique selon la solution de la contradic-
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don superstructurale. L'ensemble, selon la génétique, est la mise en relation de l'ordre économique et de l'ordre superstructural selon le système de médiations historiques qui peuvent être définies selon un ordre spécifique (qui est celui de l'ensemble, qui est celui de l'histoire). Reprenons cette définition de la génétique de l'ensemble (selon la causalité «structurale») en précisant les termes proposés : progression spécifique de l'économique, contradiction superstructurale, médiation historique systématisable. 2. La progression économique selon la continuité infrastructurale Le procès de production, dans sa spécificité économique, peut s'apprécier à trois niveaux : taux de croissance, moyens de production, histoire de la technologie. Et selon un rapport de cause à effet : la technologie est la cause de l'exploitation selon telle pratique économico-technique comme celle-ci estla cause du taux de croissance. Ces trois niveaux permettent de définir «l'économie politique» selon trois paliers en profondeur, qui renvoient l'un à l'autre, selon trois relais. Ainsi un chaînon manquant dans une série peut être reconstitué selon les deux autres séries parallèles. Ainsi une mesure possible dans une série permet d'évaluer une progression apparemment inexplicable selon une autre série. Ainsi l'histoire de la production peut être reconstituée selon sa propre logique. Ainsi le matérialisme historique peut définir sa continuité infrastructurale. Le taux de croissance peut proposer, dans ce système, une loi dialectique : une extension, d'ordre quantitatif, d'un volume de production, permet d'atteindre un seuil, permet un saut qualitatif. Alors est autorisée (selon des conditions à définir) une mutation d'ordre qualitatif. Ce seuil, acquis par un processus d'accumulation, peut proposer les conditions de la mutation, peut en être une mesure, peut être même la mutation spécifique d'une époque. Ce saut qualitatif peut marquer le passage à un autre mode de production, à l'hégémonie économique d'un mode de production. L'économiste bourgeois voudrait privilégier ce secteur, et même faire de ses lois les lois générales de l'économie. La seule mesure de la production à la consommation serait l'économie politique. Mais cette dynamique propre aux biens doit être imputée à sa cause : les moyens de production. L'historicité de ceux-ci, leur actualisation, répond à certaines conditions : ils sont une pratique produttive, lieu d'insertion de la technologie (inventions, etc.) dans la production. Et c'est dans un ensemble économico-technique que la technologie se fait pratique produttive, que le progrès, l'invention, s'appliquent comme produc-
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tion de biens. Cet ensemble économico-technique peut être considéré comme l'infrastructure du mode de production. Celui-ci est un système même et surtout au seul niveau infrastructural, au niveau du complexe : technologie, moyen de production, exploitation commerciale. Cet ensemble techno-pratique est fixé et formalisé au maximum dans le mode de production, selon un système spécifique d'exploitation de la classe dominante. Et selon le critère des moyens de production une historicité de la production, des modes de production, peut être définie. Une hiérarchie des modes de production doit soumettre le pluralisme empirique des surgissements productifs. Une logique de la production doit, dans sa perfection, à partir d'une matrice étymologique, distribuer les modes de production. Tout mode de production, dans la chaîne productive, se hiérarchise selon ses moyens de production, comme effet d'un mode de production antérieur et comme cause d'un mode de production postérieur. Et c'est l'histoire de la technologie qui doit ordonner cette logique de la production. La continuité formelle et linéaire qui peut être faite de l'histoire de la technologie indique les discontinuités que sont les modes de production. (Pourquoi et comment un système productif s'organise, fixe des périodes, comme modes de production ?) Cette histoire de la technologie serait le lieu d'homogénéisation et d'expression d'un pluralisme, combien empirique, de séries hétérogènes (histoire des sciences, inventions sur le terrain, grandes découvertes, etc.). Ainsi, selon ce système à trois niveaux (taux de croissance des biens, hiérarchie des modes de production, histoire de la technologie) peut-on définir le procès de production selon la logique de la spécificité économique. 3. La contradiction superstructurale : la lutte des classes. La surdétermination Mais cet ordre n'est pas l'ordre historique ; la génétique de l'ensemble reprend, certes, le procès de production économique, mais selon la contradiction superstructurale. C'est que, si le mode de production originel produit un autre mode de production selon une progression technologique et économique, le superstructural de chacun des modes de production rentre en contradiction. Et la génétique de l'ensemble se définira selon cette contradiction. Définissons cette contradiction superstructurale lorsque le modèle historique la révèle selon la meilleure connaissance possible. Elle est caractéristique de l'ensemble. Celui-ci est le lieu de la contradiction superstructurale. L'ensemble doit révéler un parcours génétique complet : la naissance et la fin de la contradiction. Alors le mode de production étymologique aura épuisé ses effets superstructuraux ; son contradictoire l'aura définitivement éliminé.
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L'ensemble se clôt : tous les effets superstructuraux du mode de production étymologique se sont accomplis (de même la causalité économique aura révélé la totalité de sa production). Les classes sociales objectivent cette contradiction : des groupements qui diiposent des moyens de production (spécifiques à un mode de production) exploitent (plus-value) la force de travail. L'ensemble est le lieu de leur conflit : chaque classe tend à l'hégémonie politique. Mais cette contradiction des classes sociales est interne : l'ensemble se continue en tant qu'exploitation de la force de travail par les deux classes sociales qui disposent des moyens de production. Aussi c'est dans un continuum de formes institutionnelles, de thèmes idéologiques, dans la constance d'un référentiel commun que l'antagonisme interne s'objective en contradiction idéologique, institutionnelle. C'est selon le même référentiel idéologique (parce que commune exploitation de la même classe laborieuse) que la contradiction idéologique et politique des classes sociales doit être définie. Nous désignerons comme surdétermination cette situation idéologique : la contradiction interne ratifiant l'homogénéité de l'exploiteur devant l'exploité. Cette notion de surdétermination est le concept clé de l'idéologie. (C'est par elle que doit être expliqué, en particulier, le pseudo-révolutionnarisme des idéologies de contestation interne.) Dans cette continuité, la contradiction interne doit être radicale (lorsque la contradiction est caractéristique de l'ensemble). Il faut donc que la nouvelle classe sociale soit totalement indépendante, autre. (Ce qui n'est pas le cas pour certains ensembles historiques : la même classe sociale cumulant l'exploitation des travailleurs selon les deux modes de production.) La nouvelle classe peut être dérivée de la classe sociale dirigeante (du mode de production originel). Ou bien elle peut être issue, au contraire, de la «base», comme arrivisme d'un groupe ou strate de classe. Mais, dans les deux cas, elle doit se couper de ses origines pour se faire autonome. C'est alors le système de la parenté qui permet d'apprécier cette autonomie. D'abord comme idéologie qui préside à cette politique dynastique, comme système de valeurs qui codifie l'organico-affectif de classe. Ensuite comme système économico-politique, qui, par le seul jeu de cette politique dynastique, autorise la mutation économique (ainsi l'accumulation qui débouche sur le capital). Cette autonomie de classe, comme politique dynastique qui autorise la mutation économique, revendique un statut politique et mondain, que la culture véhicule et qui se fixe en thèmes politiques.
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4. La causalité «structurale» et la mise en relation formelle La causalité «structurale» corrigée (comme révélation de la génétique de l'ensemble) doit mettre en relation la continuité infrastructurale de l'économique et la contradiction superstructurale. Et un premier schéma formel peut déjà être proposé à partir des définitions maintenant acquises de la progression économique et de la contradiction idéologique (des classes). Ce schéma indiquera les moyens de mise en relation, les perspectives de la causalité structurale (corrigée). Pour cela précisons les relations dialectiques qui président à la création historique de la contradiction superstructurale (objectivée par les classes sociales). Ce schéma formel, des relations dialectiques, est une première approche de la génétique de l'ensemble. La causalité structurale révèle les médiations historiques qui autorisent le passage. Et passage dans un ensemble : comme passage de l'économique à l'idéologique et comme passage d'un mode de production à un autre. Mais ce schéma formel, s'il peut être le modèle d'études partielles, s'il précise la problématique de la génétique, est insuffisant. C'est le procès de production de l'ensemble que la causalité structurale doit révéler. Et selon la systématique des médiations historiques. (Aussi faudra-t-il définir ce système des médiations historiques.) La classe sociale, totalement créée, est le résultat d'un double processus : économique et idéologique. Ces deux termes convergent dans la classe sociale constituée. Ainsi nous aurons un lieu épistémologique privilégié. Ce sera l'intersection d'une continuité économique (selon une logique propre à la progression économique) et d'une discontinuité idéologique (contradiction superstructurale). La nouvelle classe sociale est négation de l'idéologie, du politique, de l'institutionnel de la classe sociale étymologique, en même temps qu'affirmation de la progression économique. La causalité structurale doit suivre ce schéma pour reconstituer le procès de production de la nouvelle classe sociale. Celle-ci est un double effet : de la négation et de l'affirmation. Mais la reconstitution de la formation de la nouvelle classe sociale (formalisation et objectivation de la contradiction) doit se compléter d'une nouvelle relation dialectique du schéma formel : la relation continuité-discontinuité doit être reprise pour redéfinir chacun des termes (continuité économiquecontradiction idéologique) à mettre en relation. Ainsi, par cette nouvelle relation dialectique pourrons-nous compléter le procès de production de la nouvelle classe sociale. (Le schéma formel et logique de l'opération historique sera complet.) Nous dirons donc que la discontinuité superstructurale (comme contra-
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diction politique) n'est possible que dans le continuum de la surdétermination. C'est selon une commune idéologie que la contradiction interne s'actualisera. De même pour la logique de la production : par elle-même celle-ci se définit dans la continuité infrastructurale du matérialisme historique, selon la progression des biens, la hiérarchie des moyens de production, la progression technologique. Mais par un effet en retour du superstructural, les modes de production se fixent et s'opposent selon l'antagonisme politique. Et cet effet en retour de l'idéologique est tel qu'il peut diviser et opposer dans la même classe laborieuse aliénée (le prolétariat des villes s'oppose au serf, selon l'antagonisme des secteurs de production, de la ville et de la campagne). Alors que le mode de production étymologique produit un mode de production plus élaboré, de par cet effet en retour de l'institutionnel, du superstructural, ces deux modes de production s'opposent au niveau économique (disparité des prix agricoles et industriels, etc.). Le schéma formel, selon ces deux niveaux de la relation discontinuitécoiitinuité, propose donc quatre procédés (et quatre questions) complémentaires, pour définir le procès de production de la contradiction (objectivée en antagonisme de classe). Ce schéma formel a son utilité pour guider l'étude empirique, pour systématiser les séries continues et discontinues, homogènes et hétérogènes, macroet micro-sociales, selon un secteur, une période, une conjoncture. 5. La causalité «structurale» est identifiable au système des médiations. L'objectivation de ce système : l'Etat. Sa définition : l'Etat est médiation de l'autre et du même cause et effet Mais la mise en relation de l'économique et de l'idéologique doit être systématisée selon les médiations historiques ; la causalité structurale doit révéler la génétique de l'ensemble selon la logique de la production. Cette mise en relation définitive va définir l'ordre historique de l'ensemble. Et l'ordre historique de la logique de la production. C'est la nécessité historique de la production de l'ensemble pré-capitaliste qui va disposer l'ordre commun à la progression économique et à la contradiction des classes sociales. Mais pour définir cette génétique de l'ensemble (selon la logique de la production) il nous faut d'abord définir le système de médiations qui la révèle. Alors les caractéristiques de ce système médiateur permettront de définir les grands moments de l'ensemble. Ce système médiateur est l'Etat. Et l'on peut tout d'abord définir celui-ci comme la forme institutionnelle du pouvoir politique qui dispose d'un appa-
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reil exécutif. L'Etat est le politique comme fonction institutionnelle. Cette définition formelle sera complétée d'une double caractéristique : I o L'Etat est système des médiations, par le même appareil, dans l'ensemble et de l'ensemble avec les autres ensembles. 2° L'Etat, en tant que médiation, est effet et cause (et la complémentarité de ces deux fonctions définit la nécessité de l'Etat). L'Etat est système des médiations dans l'ensemble et de l'ensemble avec les autres ensembles. C'est donc au niveau de l'Etat, par l'Etat, que peut s'apprécier (se formaliser et se mesurer) la praxis globale, c'est-à-dire la totalité des modes de production selon un système de codification de leur rencontre. Cette rencontre est celle de la praxis régionale (praxis de l'ensemble) et de la praxis mondiale (praxis des autres ensembles, et, en particulier, des ensembles historiquement les plus élaborés). Mais cette rencontre est orientée, formalisée, réduite, selon l'Etat, c'est-à-dire selon le principe directeur, organisateur de l'ensemble. Nous dirons que l'Etat est «structure d'accueil» de la praxis mondiale par le même système superstructural médiateur de la contradiction interne. L'ensemble historique se caractérisera par cette double fonctionnalité qui consiste à assurer la continuité de l'ensemble, au-delà de toutes les différences et contradictions, mais à un niveau superstructural qui s'éloigne ainsi, de plus en plus, de sa base infrastructurale étymologique. Un ensemble est historique lorsqu'il dispose de cette structure spécifique, d'accueil de la praxis mondiale qui est aussi médiation de la contradiction interne. L'Etat est à la fois effet et cause. Et il est cause parce qu'effet. La médiation est un résultat, et de causes venues d'ailleurs. Le pouvoir d'Etat comme carrefour des médiations peut en proposer la synthèse. Il est la ligne de force qui rend compte des rapports de force. La «structure d'accueil» de l'Etat est lieu d'enregistrement, de synthèse, de codification. Cet effet de la totalité des causes est alors nécessité, comme résultante des forces et vecteur qui les interprète. Le multiple est objectivé et formalisé. L'Etat donne valeur et sens aux variables dans un système dont il est la clé, la grille. C'est lui qui propose la syntaxe de cette opération de médiation. Le pouvoir d'Etat médiatise le pluralisme en un ordre autoritaire, selon une grille d'interprétation, qui assure la continuité de l'ensemble. C'est par ce rôle de synthèse et de grille d'interprétation que l'Etat se fait pouvoir autoritaire qui redistribue, dans la fonctionnalité et la pratique de l'ensemble, la nécessité. Le pouvoir comme effectivité (et non comme seule forme : la royauté) est la mutation du pluralisme des causes en une nécessité totalitaire et institutionnelle. (Aussi son histoire indiquera l'ordre his-
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torique de l'ensemble, comme nécessité en devenir qui se soumet à la logique de la production, mais de la praxis globale.) Telle est la double signification de la nécessité de la médiation de l'Etat : comme résultante des causes et comme systématisation des effets. Le rôle de la médiation est triple : recollection du pluralisme des causes, interprétation selon une grille de lecture, redistribution selon l'unification institutionnelle. Ainsi la causalité structurale (principe d'explication) ne devra pas définir l'Etat comme une autonomie et une toute-puissance causale. Ce serait sousestimer, et même ignorer, que l'Etat est d'abord un effet. Certes l'Etat se réifie en principe autoritaire. Mais ce n'est qu'un moment, qu'un aspect, qu'on peut privilégier pour dénoncer la déviation d'une fonction qui se justifie par un autre principe. L'Etat peut chercher à substituer sa causalité spécifique (au niveau de la codification et de la redistribution) à sa fonction de résultante des effets... et déboucher sur l'arbitraire. Mais alors l'Etat perd sa fonction de médiation... et sa nécessité. Cette double caractéristique de l'Etat historique : médiation, dans l'ensemble, et du même avec l'autre (de l'ensemble avec les autres ensembles) et médiation qui est effet et cause, permettra d'ordonner la logique de l'ensemble. La causalité «structurale» dispose d'éléments logiques dont la disposition indiquera la génétique logique de l'ensemble. La médiation qu'est l'Etat est le lieu qui rend compte de la nécessité.
6. Les deux grands moments de l'ensemble selon le rôle de l'Etat a) De la praxis agraire à la toute-puissance de l'Etat ; ce sera la contradiction du grand commerce et des cellules productives originelles Cette génétique de l'ensemble peui être disposée selon deux grands moments de l'Etat. En un premier moment l'Etat assure la médiation interne (des deux grands modes de production : agraire et industriel) par la médiation externe (des modes de production des autres ensembles). Autrement dit, la continuité interne de l'ensemble n'est possible que par la médiation externe. Ce premier moment correspond à un double processus interne. C'est le superstructural (le roi) du mode de production étymologique (production agraire) qui assure la médiation, dans l'ensemble, avec l'économico-politique (l'infrastructural) du nouveau mode de production (par la bourgeoisie industrielle). Le roi, émanation de la noblesse, principe de la superstructure, fait la médiation de politique (forme étymologique) à l'économique (nouvelle production). Grâce à l'autorité acquise, de par son rôle politique, il peut favoriser, provoquer, créer même, l'expression du système corporatif, des échanges com-
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merciaux, du grand commerce. C'est lui qui met en place les conditions superstructurales qui autorisent le nouveau mode de production. Ce processus interne qui garantit la continuité de l'expansion économique de l'ensemble par la mise en place de ce qui deviendra discontinuité et même contradiction superstructurale (des classes sociales) n'est possible que par un autre processus : la médiation externe. L'Etat met en relation la praxis de l'ensemble et la praxis mondiale. Et s'il y a progression dans l'ensemble, c'est de par la nécessité globale de la production : la progression économico-technique, extérieure à l'ensemble, doit être récupérée dans l'ensemble. La royauté doit assurer la continuité de l'ensemble. Et pour que l'ensemble persévère dans l'être selon les meilleures conditions historiques, la croissance économique interne de l'ensemble doit s'identifier, à la limite, à celle de la praxis globale. La surdétermination de l'Etat est dans cette fonction. Alors que la noblesse tend à interdire le progrès économique pourtant produit par son mode de production, alors que son hégémonie politique tend au fixisme, au monolithisme de son mode de production, le roi autorise l'expansion économique qui s'objectivera en une nouvelle classe sociale. C'est que, autrement, cet ensemble non historique serait débordé (économiquement, culturellement, militairement) par les ensembles dirigés selon les nouveaux modes de production. Il se ferait marginal à l'histoire, décadent, lieu d'expansion de la praxis des autres ensembles, marché. Mais, par contre, l'Etat ne doit pas trop anticiper sur l'expansion économique, se risquer dans des aventures coloniales ou commerciales. Car dans ce cas il risque, après une hégémonie passagère, de retomber dans une économie traditionnelle, mais appauvrie (et même ruinée), car c'est cette dernière qui aura supporté les frais de l'aventure (de par les mécanismes économiques). Aussi, si sur le plan empirique il peut y avoir soit des retards, soit des anticipations, l'Etat doit garantir la meilleure expansion. Ni avant, ni après, mais pendant. Pour cela, deux mécanismes doivent s'harmoniser pour identifier les deux rythmes de croissance (de la praxis interne et de la praxis mondiale), deux médiations doivent se compléter. L'Etat, avons-nous dit, comme médiation interne, fait la médiation d'un infrastructural (du nouveau mode de production) au superstructural qui autorisera l'expansion économique (protectionnisme, lois, etc.). La médiation de l'Etat, entre l'ensemble et les autres ensembles, consiste alors à reprendre comme superstructural interne les effets, les analogies, les conditions du superstructural des nouveaux ensembles de la praxis mondiale. Et d'une manière synthétique, l'expérimentation ayant été faite par les autres, comme opportunisme.
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En un premier moment, l'Etat a intégré la praxis mondiale par la continuité de la praxis interne. Ainsi, grâce à l'Etat, l'ensemble va devenir selon la praxis mondiale (ainsi grâce à l'Etat la nouvelle classe, la bourgeoisie industrielle, pourra même prétendre diriger cette praxis mondiale). La double médiation aura autorisé la toute-puissance de l'Etat : lorsque l'Etat accomplit la médiation, au moment où grâce à son pouvoir sur la noblesse il garantit un pouvoir sur la bourgeoisie. C'est qu'alors l'Etat est tout-puissant sur une noblesse dont la suprématie politique ne repose déjà plus sur l'hégémonie du mode de production. C'est qu'alors l'Etat est tout-puissant sur une bourgeoisie industrielle encore embryonnaire, soumise à l'institutionnel du mode de production étymologique et qui n'est autorisée à l'expansion que par la protection (combien intéressée et combien dangereuse) de la royauté. Les deux classes sociales n'ont de réalité politique (la noblesse) et de réalité économique (la bourgeoisie industrielle) que par la royauté. Et les deux classes sociales ne peuvent que consentir (bon gré mal gré) à cette situation et ratifier l'Etat. En effet, pour la noblesse, l'intégration, la récupération, des nouveaux modes de production permettent de récupérer sous la dépendance politique (mais médiate) la nouvelle classe sociale, qui, dans d'autres ensembles, alors hégémoniques, déborderait, réduirait le mode de production agraire. Et mieux encore : l'expansion économique, par le commerce, la fiscalité royale, permet à cette noblesse (au service du roi) d'assurer une suprématie, à l'intérieur de la caste féodale, sur les ensembles fixés à la seule production agraire. Ainsi, grâce au rôle de l'Etat, la noblesse, caste guerrière, peut affronter favorablement les autres noblesses et les autres bourgeoisies. La bourgeoisie industrielle et commerçante ratifie l'Etat pour deux raisons fondamentales. L'Etat (de par son rôle surdéterminant) garantit la permanence de l'exploitation ouvrière (ou servile), que ce soit dans le mode de production féodal ou industriel. C'est de par la surdétermination institutionnelle que l'exploitation industrielle peut se développer par le réinvestissement (capitalisation) de la plus-value. Deuxièmement, l'industrialisation (et surtout le commerce) ne sont possibles que par le conditionnement superstructural que l'Etat crée et garantit (protectionnisme, juridiction, etc.). Cette hégémonie politique de l'Etat sur les deux classes sociales antagonistes repose sur la monopolisation des conditions superstructurales de la distribution et de la consommation. L'Etat, en tant que médiateur, est le lieu commun de l'exploitation commerciale de deux modes de production parasitaires de la force productive. La surdétermination, en son appréciation économique, maintenant, est la constante de la valeur de la marchandise, dans la constante d'un marché organisé par l'Etat (la royauté). L'Etat a le monopole de la distribu-
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tion. Il est le gérant de la consommation. Le circuit commercial tombe dans l'organisation étatique dès qu'il quitte la production. L'Etat est alors plusvalue de la plus-value, parasite des parasites (fiscalité). Parce que la plusvalue est extorsion par la noblesse et la bourgeoisie, ces classes sociales doivent consentir à l'extorsion de l'Etat sur ce qu'ils ont extorqué. La suprématie politique de l'Etat sur les classes sociales exploiteuses repose donc sur la monopolisation du circuit de distribution (et corollairement sur les modes de consommation). La médiation, du producteur au consommateur, est alors l'Etat, comme même médiation historique de la noblesse à la bourgeoisie, de la production agraire à la production industrielle. D'un système producteur à un autre, la continuité est assurée par le lieu commun du marché (contrôlé par l'Etat). Telle sera la médiation d'un mode de production à un autre. Ainsi l'Etat assure la médiation de la noblesse à la bourgeoisie. Résumons-nous en une formule elliptique : l'Etat est médiation historique car monopolisation du système commercial. Ce premier moment, de la génétique (révélé par la nécessité qu'est la médiation de l'Etat) aboutit donc à un monopolisme d'Etat : captatrice de la praxis mondiale et régionale, la royauté monopolise le système commercial. Et paradoxalement ce nouveau système de distribution, commercialisation, consommation, va s'imposer au mode de production étymologique, agraire, domanial, autarcique. Une mutation fondamentale se sera accomplie : la praxis, de régionale, s'est faite mondiale. (La Renaissance, comme donnée historique, consacre ce premier moment.) Ainsi, l'Etat, comme médiation, a arraché l'ensemble de son implantation par le mode de production étymologique. La médiation, d'un mode de production à un autre et de l'hégémonie politique de la noblesse à l'hégémonie politique de la bourgeoisie industrielle, en son premier moment, élimine l'hégémonie économique de la noblesse. Alors cette médiation étatique est toute-puissante puisque la bourgeoisie industrielle n'est qu'embryonnaire, sans réel pouvoir de classe. L'Etat, de résultante des médiations, d'interférence des effets, se fait cause. La monarchie tend à se faire absolue, et l'autorité de l'Etat tend à l'arbitraire. b) De la toute-puissance de l'Etat féodal à l'hégémonie politique de la bourgeoisie ; ce sera la contradiction du dirigisme monopoliste d'Etat et de l'expansion industrìelle et commerciale à la conquête de nouveaux marchés Ce sera le deuxième moment de l'ensemble. La médiation apparaît en un second moment : comme passage à la prise du pouvoir politique par la bourgeoisie, comme hégémonie politique de la bourgeoisie de par sa conquête du pouvoir d'Etat.
Le modèle d'ensemble historique
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C'est que l'Etat (monarchie absolue) a atteint la limite de la conciliation possible de la noblesse et de la bourgeoisie commerçante et industrielle, du mode de production agraire et de la praxis mondiale. Aussi son rôle de médiateur se fixe à cette situation. L'Etat n'est plus dans la dynamique, il se fait réactionnaire. Alors que dans son premier moment il a autorisé le marché qui a permis le développement de la bourgeoisie commerçante et industrielle, par l'organisation autoritaire des conditions superstructurales de ce marché, en son second moment il reste fixé aux privilèges de son monopole. Et de par une fatalité de la logique économique : l'Etat, même de la monarchie absolue, reste un Etat féodal. La monarchie doit maintenir un équilibre entre la production étymologique et l'expansion commerciale et industrielle. Et cet équilibre est le principe de sa médiation entre noblesse et bourgeoisie. Les deux économies doivent se faire complémentaires pour que l'Etat soit l'expression de leur double puissance. Si cet équilibre était brisé au profit de l'expansion industrielle, la bourgeoisie tendrait à l'hégémonie. Alors et la noblesse et la royauté seraient débordées. Aussi la monarchie absolue n'est que l'exploitation intensive du marché qu'elle a créé et qu'elle contrôle. Et défense de ce marché, par l'appareil structural, devant la concurrence du nouveau marché autorisé par la praxis mondiale et dont la bourgeoisie industrielle et commerçante de l'ensemble veut profiter. Le superstructural étatique doit empêcher les deux praxis de se rejoindre et de se compénétrer. Mais la bourgeoisie industrielle et commerçante peut alors accomplir le dernier moment de son ascension : la prise du pouvoir politique, de l'Etat, de l'appareil qui organise le marché. C'est qu'alors elle dispose d'un effectif pouvoir politique : celui qu'autorise sa pratique économique. Et celle-ci n'est que l'opération qui consiste à synthétiser les deux productions fondamentales de l'ensemble. Le mode de production industriel, spécifique de l'ensemble (et l'expansion commerciale qui en est le corollaire) a été produit par le mode de production étymologique agraire et par la praxis mondiale. C'est de par ce double conditionnement, de par la synthèse des deux productions, que le mode de production industriel a déjà acquis une réalité économico-politique qui peut revendiquer l'organisation hégémonique du marché et qui peut revendiquer le pouvoir d'Etat. La prise du pouvoir politique ne fera que consacrer une situation acquise. Nous ferons remarquer que la production économique est différente selon l'histoire (M H) et selon la logique de la production (MD). Au niveau de la seule logique de la production économique, nous avons dit que la technologie était la cause de l'exploitation effective et que celle-ci était la cause du taux de croissance. Selon la production historique du mode de production,
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La structure féodale
l'ordre peut être différent : le rôle de la médiation est tel qu'il peut substituer son rôle historique à la logique de la production. Ainsi un conditionnement politique (superstructural) peut redistribuer les moments de la production, économique, mais parce qu'il ne fait que ratifier, en dernière instance, l'ordre économique. Si le taux de production, le volume des échanges, la situation du commerce international autorisent l'actualisation de la technologie dans une pratique économique, c'est que la production dans son universalité logique se distribue selon les interférences historiques des ensembles. La systématique des médiations, comme médiation de l'Etat, définit donc la génétique de l'ensemble selon deux grands moments (qui définiront les deux parties de notre plan). c) La fin de l'ensemble : le dernier effet superstructural possible La fin de l'ensemble, selon la généalogie logique, est immédiatement proposée par cette définition de la génétique selon le rôle de la médiation. La fin de l'Etat (de la monarchie absolue) est la fin de l'ensemble. La Révolution française (au-delà de son événementialité) consacre la fin des médiations possibles dans un système donné. Et c'est parce que toutes ces médiations possibles ont été effectives qu'il ne reste plus de possible à la monarchie. Aussi l'Etat monarchique n'est plus opérationnel. Il suffit de détruire l'appareil et la personne qui le représente pour en finir. La mise en relation de la progression infrastructurale et de la contradiction superstructurale, selon la médiation génétique, dans un ensemble, se fait donc par la médiation de l'Etat. (Et la génétique de l'ensemble se définit selon cette médiation.)
C.
CONCLUSIONS
ÉPISTÉMOLOGIQUES.
LE
RÉALISME
LOGIQUE DU
MODÈLE
D'ENSEMBLE HISTORIQUE
1. Les trois niveaux du concept de modèle : — au premier niveau (logico-formel) c'est la fonction de correspondance — au deuxième niveau (génétique du mode de production) c'est la causalité «structurale» — au troisième niveau (système des médiations) c'est le rôle de l'Etat La progressive identification de la logique à la réalité Nous voudrions maintenant mettre en évidence la valeur épistémologique du modèle d'ensemble historique. La construction de ce modèle est suffisam-
Le modèle d'ensemble historique
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ment élaborée pour permettre de tirer déjà quelques conclusions épistémologiques. Notre problème était de définir scientifiquement la logique de la production dans la réalité historique. Le modèle doit dire la relation universelle : infrastructure —> superstructure selon la particularité historique. Pour cela, nous avons défini le modèle à trois niveaux : d'abord comme armature logico-formelle, ensuite comme génétique logique des moments du mode de production, enfin comme systématique des médiations. Ainsi nous avons défini l'ensemble historique selon la méthode scientifique. Logique et réalité sont immanents dans la définition de cet ensemble. En effet la succession des niveaux indique la répétition et la progression : comme répétition logique et progression dans la réalité. La répétition est celle de la nécessité logique : au niveau de la logique formelle de la production, puis au niveau de la génétique de l'ensemble, enfin au niveau de la systématique de la médiation. Ainsi le modèle d'ensemble historique est triplement stratifié : c'est la même logique qui est dite selon la production, selon l'ensemble, selon la médiation. La progression est celle de la réalité historique : d'abord celle d'un champ historique empirique, puis celle du mode de production, enfin celle de l'Etat. Ainsi le modèle d'ensemble historique est triplement stratifié dans la réalité : dans la progressive réalité qui est celle de la production immédiate et empirique de l'institutionnel, puis celle de l'ensemble, puis celle de la médiation. Ainsi dans la succession des trois niveaux on constate d'une part l'identification de la logique et du réel en même temps que la progression dans le réel. L'identification se fait à partir du modèle le plus formel et le plus logique (premier niveau) alors qu'au dernier niveau la systématique de la médiation-Etat, de la plus décisive réalité historique, s'est identifiée à la plus formelle nécessité logique. Ce réalisme logique de l'ensemble a été défini par le même concept opératoire, mais différencié selon les trois niveaux. Au premier niveau, sur le plan logico-formel, ce concept opératoire est la fonction de correspondance. Au deuxième niveau, sur le plan de la génétique de l'ensemble, c'est la causalité structurale. Enfin, au troisième niveau, ce concept opératoire est la nécessité de la médiation de l'Etat. La progression logique, dans le réalisme, de ce concept opératoire doit être bien marquée. Au premier niveau, nous garantissons la légitimité logique, mais formelle. La mise en relation de la syntaxe et de la sémantique est le modèle formel de la démarche réaliste. L'identification de la logique formelle de la production (syntaxe) à la réalité historique (sémantique) écarte tout empirisme, définit la nécessité, mais reste (et doit rester) un cadre vide. Au deuxième niveau, la causalité structurale opère dans la réalité historique
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La structure féodale
et économique du mode de production. Ce réalisme est synthétique à la logique constitutive des moments de l'ensemble. Le mode de production selon la génétique de ses moments est un équilibre de la logique et du réel. Enfin au troisième niveau : la logique est la réalité historique de l'Etat, le réalisme est complet. La nécessité logique, comme immanence de l'économique à l'histoire, se révèle dans l'immédiateté qu'est l'Etat, la systématique des médiations. Un topique privilégié est ainsi défini : celui de la cause, de la nécessité dans une pratique historique totalement révélable. L'expression de cette pratique est totalement connaissable et comme immédiateté. Certes, la nécessité étatique est encore construite mais selon l'ordre que la fonction étatique constitue : la logique est l'expression du réel. Le concept opératoire a atteint la logique dans le réel, et comme expression du réel. Ce concept opératoire connaît donc la nécessité comme réalité. La construction de l'ensemble est triplement déterminée : dans le réalisme logique de l'institutionnel, dans le réalisme logique des moments constitutifs du mode de production, dans le réalisme logique de l'Etat. Ainsi nous pouvons définitivement couper court aux spéculations empirio-criticistes de l'équipe althussérienne. Ce n'est pas comme lecture du creux, du manque, du symptôme, du métonymique, que l'on dit le réalisme socialiste. Mais comme constitution de la réalité logique selon l'institutionnel, selon le mode de production, selon l'Etat. Résumons-nous. Nous avons construit analytiquement le concept d'ensemble historique. La réalité logique de l'ensemble a été définie à trois niveaux : logico-formel, historico-économique, médiation-Etat. Cette démarche épistémologique a été un constructivisme, un à-priorisme, une analytique. Nous voulons proposer l'étude de l'ensemble historique sans empirisme. Maintenant nous devons passer à une autre opération conceptuelle qui est complémentaire de cette première démarche. Nous devons actualiser ce concept d'ensemble historique : c'est la réalité logique de l'ensemble qui doit être proposée. C'est la réalité même qui doit être dite à partir de nos garanties épistémologiques : constructivistes, à-prioristiques, analytiques. Et la réalité logique. Cette actualisation, réalisation de l'ensemble historique, sera maintenant spécifique à la réalité logique de l'ensemble. Autrement dit, la réalité logique de l'ensemble actualisé va maintenant se proposer selon la logique spécifique de l'ensemble.
he modèle d'ensemble historique
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2. Le réalisme logique du modèle : synthèse, genèse, continuité Mais avant de définir cette spécificité de l'ensemble, avant de passer au modèle au sens logique du terme, nous pouvons déjà proposer très brièvement quelques caractéristiques de sa réalité logique. Et ces caractéristiques peuvent être déduites de la conceptualisation déjà faite, des conclusions sur notre démarche épistémologique. Première caractéristique : le passage de l'analyse à l'actualisation sera une synthèse. Précisons et justifions cette opération. C'est le même concept opératoire qui a distingué analytiquement des niveaux. Et ce même concept peut maintenant opérer non plus en répétant le même en un pluralisme d'expressions mais en reconstituant l'unicité du même par le pluralisme d'expressions. Ainsi la réalité de l'ensemble est la convergence de ses modes d'expression. Cette reconstitution de la réalité logique de l'ensemble (de par l'immanence de la logique au réel de chaque niveau) relève de multiples procédés. Citons : la complémentarité dialectique, la mise en implication mutuelle, la réciprocité des perspectives, la lecture en relais des niveaux, etc. Par cette synthèse, l'ensemble, en tant que réalité et en tant que logique, est triplement renforcé. L'ensemble se constitue comme réalité ; à la fois institutionnelle (du premier niveau), du mode de production (du deuxième niveau), de l'Etat (du troisième niveau). Et l'ensemble se constitue aussi comme logique ; à la fois formelle (du premier niveau), économico-historique (du deuxième niveau), de la médiation (du troisième niveau). Cette triple répétition du même dans la réalité et dans la logique est constitutive de l'ensemble, de sa réalité logique. Et l'opération de synthèse permet aussi le renforcement de la réalité de l'ensemble par la répétition logique qui lui est immanente, comme cette opération de synthèse permet le renforcement de la logique de l'ensemble par la répétition de la réalité qui lui est immanente. Ainsi la réalité de l'ensemble est triplement logique : elle est à la fois la logique formelle du premier niveau, la logique économico-historique du deuxième niveau, la logique de la médiation étatique du troisième niveau. Et la logique de l'ensemble est triplement réelle : elle est à la fois la réalité institutionnelle, la réalité du mode de production, la réalité de la médiation étatique. Deuxième caractéristique : lorsque cette synthèse s'est systématisée et unifiée, lorsque cette construction logique construit la réalité de l'ensemble, le concept opératoire s'identifie au procès de production de l'ensemble. La construction logique est identifiable au devenir réel de l'ensemble. La logique de la construction est la réalité génétique. La causalité immanente du devenir
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La structure féodale
est dite par la construction de la réalité logique de l'ensemble. Précisons et justifions ces propositions. Sur le plan analytique et à priori nous avons défini chaque niveau comme immanence de la logique et du réel. Aussi lorsque c'est l'ensemble c o m m e tel qui est défini (comme systématisation et unification du pluralisme des modes de sa connaissance, c'est-à-dire des niveaux), cette construction est le devenir m ê m e de l'ensemble : construction logique et génétique réelle de l'ensemble sont immanentes. C'est que l'ensemble a été défini par la délimitation de deux points fixes... et qui sont aussi un commencement et une fin. Et la mise en relation de ces deux points fixes (c'est-à-dire la construction conceptuelle qui établit la causalité de A à B) est aussi la loi génétique du passage, de la mutation. La génétique est le lien des deux points fixes. Cette génétique est loi causale, causalité immanente de l'ensemble. Cette identification de la causalité immanente (c'est-à-dire de la construction conceptuelle)
et de la génétique peut être considérée de la plus
grande
extension (l'ensemble proprement dit) à la plus petite médiation, en passant par les termes moyens que sont les deux moments de l'ensemble. L'ensemble est la loi du passage de son commencement
à sa fin, du
mode de production agraire au mode de production industriel, c o m m e
le
premier m o m e n t est le passage d u m o n o p o l e politique de la noblesse à sa supplantation par l'Etat monarchique, c o m m e le second m o m e n t est la supplantation de cet Etat par la bourgeoisie commerçante et industrielle, c o m m e chaque médiation indique l'ambiguïté d u devenir entre l'avant et l'après. O n peut proposer une troisième caractéristique de la réalité logique de l'ensemble : la continuité. La synthèse génétique est aussi continuiste. (Répétons que ces caractéristiques sont celles de l'ensemble.) N o u s avons déjà défini, dans l'ensemble, deux perspectives continuistes : celle de l'infrastructurel et celle de la surdétermination. A u niveau idéologique, la noblesse et la bourgeoisie ont en c o m m u n l'exploitation de la force de travail. A l o r s que ces deux classes sociales sont en contradiction, entre elles, elles ont en commun la m ê m e exploitation d u travailleur. Cette surdétermination s'objective dans le rôle de l'Etat dont la continuité marque la complémentarité des deux classes exploiteuses, complémentarité plus forte que leur contradiction. Et l'exaspération de celle-ci entraînera la chute de l'Etat monarchique, c'est-à-dire la rupture de la continuité. Cette continuité est d'ordre superstructural. L'ensemble a été défini, aussi, selon la continuité infrastructurale. Celle-ci doit autoriser la fonction vitale élémentaire du corps social. Aussi la fonctionnalité de l'équipement infrastructural garantit cette permanence biologique. Mais cette continuité infra-
Le modèle d'ensemble historique
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structurale doit s'élargir dans la continuité de l'ensemble techno-pratique, complexe constitué selon l'interaction de trois séries homogènes : technologie, pratique économico-technique, taux de croissance. La lecture en relais de ces trois séries autorise la définition de la continuité du complexe infrastructural. (Et à partir de cette continuité la logique de la production peut être définie.) Ces deux perspectives de continuité peuvent proposer une première définition de la continuité de l'ensemble alors défini selon la polarité infrastructure-superstructure. Mais c'est la continuité de l'ensemble (en tant que tel et non seulement de ses éléments), que nous voulons souligner. Cette continuité est celle du même ; c'est-à-dire du mode de production, du même selon la systématique de ses effets, du même selon la relation infrastructure-superstructure, du même selon le pluralisme de ses expressions dans la génétique. La différenciation de ce même peut être comparée à la différenciation spinoziste du même : substance, attributs, modes. Mais à la différence que la relation infrastructure-superstructure (qui constitue ce même) se distribue synchroniquement et diachroniquement. C'est-à-dire que dans la permanence synchronique du mode de production (de la relation infrastructuresuperstructure) le même se distribue ainsi selon le diachronique. Et dans la constante «structurale» de l'ensemble la variable répète mais selon l'historicité. Le mode de production apparaît tel qu'en lui-même l'histoire le change ; le mode de production est la totalité de ses expressions historiques, de son commencement à sa fin. Dans la constance du mode de production étymologique, les rapports de production ne varient que modalement. Cette continuité du même, selon le synchronique et le diachronique, s'objective selon la dialectique de l'être et du code. La continuité de la relation dialectique de l'être et du code est celle du même selon la progressive négation de l'être par le savoir (le code). C'est la continuité de la relation être-code qui autorise (dans) la progressive négation de l'ontologie originelle par le procès de production du savoir (sujet transcendantal). De l'ontologie étymologique à sa plus grande réduction par le code (le savoir), c'est le même, mais comme passage d'une ontologie à son savoir, de l'inconscient au discours logique, de la substance au sujet. Le procès de production qui autorise le passage du mode de production agraire au mode de production industriel n'accomplit que la variable du même ; c'est la continuité du même qui autorise la négation de l'étymologie par la production. La réalité logique de l'ensemble est donc triplement caractérisable : comme synthèse, genèse, continuité. L'ensemble va révéler sa spécificité selon cette réalité logique qui permettra de définir la relation dialectique de l'être et du code. Nous aurons ainsi le modèle d'ensemble historique.
CHAPITRE
II
La causalité économique de la féodalité et la dualité des " estais "
I. LA CAUSALITÉ ÉCONOMIQUE DE LA FÉODALITÉ A . STRUCTURE ET HISTOIRE. LA LOCALISATION HISTORIQUE PAR LA FORCE PRODUCTIVE
Quelle est la relation structure-histoire ? La structure formelle est l'invariant. Les deux termes, économique et politique, qui recouvrent le champ structural, sont des catégories universelles. Il n'y a pas d'antériorité de l'économique sur l'économique, ni d'antériorité du politique sur le politique. Quant au relationnel, entre ces deux termes, c'est l'économique qui le suscite : la production se répète, comme production de l'objet de consommation et comme production du mode de relation qui permet cette production. Le même se répète, comme cause et comme effet, de la production, comme production de la marchandise et production du moyen de production, comme forme politique et mode de production. La nécessité de la production est celle de tout mode de production. L'histoire réelle est la variable : l'économique et le politique, ces deux catégories majeures, ont des modes particuliers. La force productive est l'universel, les forces productives sont le particulier. De même pour les rapports de production : le politique se manifeste par des superstructures, idéologies, différentes et même contradictoires. Sur le plan structural, le politique n'a pas de relation causale médiate avec l'économique ; les deux termes sont immanents. Mais l'histoire apparaît de par le décalage possible entre telle force productive et son rapport de production : lorsque des rapports de production, qui ne correspondent plus aux forces productives, cherchent à s'imposer à ces forces productives, et empêchent ces forces productives de se donner leurs rapports de production adéquats, alors la structure trouve une localisation historique. Ainsi la structure féodale sera donc essentiellement la conquête par le mode de production de son pouvoir politique. La propriété foncière, comme
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La structure féodale
unité de production, comme pouvoir de l'économique, comme lieu d'effectivité politique de l'économique, va produire son propre système politique. La localisation historique de la structure féodale sera donc paradoxale : c'est au niveau de la singularité historique que l'universel économique révélera son effectivité totalitaire. Ainsi on acquiert une précision méthodologique : ce moment où l'universel et la nécessité se révèlent dans le singulier et le particulier ne sera pour nous un commencement que par la raison économique et non par une causalité événementielle. Aussi, pour justement briser l'historicisme, nous exposerons cette nécessité économique avant le rôle de l'événement et du superstructural. Ce sera elle qui sera constitutive. Et nous pourrons délimiter toute la macro-événementialité dans une antériorité à ce moment crucial. Ainsi une réduction à priori de l'effervescence événementielle est facilitée car celle-ci peut être définie en référence à ce moment. Celui-ci est donc pour l'économique l'indice d'un commencement et pour l'événementialité antérieure l'indice d'une fin. La structure féodale sera doublement définie, dans l'universel de l'économique et le singulier de l'histoire, dans la conjoncture culturelle qu'est la rencontre d'une nécessité économique et d'une particularité historique.
B . L'HISTOIRE DE LA PRODUCTION
Cette acquisition de l'effectivité politique par l'unité de production va se révéler à travers une donnée d'ordre empirique (la justification conceptuelle et logique de cette donnée n'importe pas, puisqu'elle n'aura qu'une valeur d'indice ; elle témoignera, en un lieu et en un moment, d'un référentiel économique qui porte sa propre autorité politique). Cette donnée, d'ordre empirique, fait historique, sera la forme du pouvoir : la royauté, comme constante formelle à travers les grands régimes : mérovingien, carolingien, capétien. Dans cette forme, on peut distinguer une périodicisation, non en soi, mais d'après l'effectivité, le lieu réel du pouvoir. Cette périodicisation aura, elle aussi, valeur démonstrative, d'indice, elle n'est pas considérée comme une temporalité objective. Ce n'est pas un réalisme du temps, mais le témoignage d'une praxis, d'un taux de croissance de la production, d'une transformation de l'économie. Les périodes ne sont que des transformations à partir d'une formalisation d'un terme homogène. La périodicisation du pouvoir politique révélera sa cause réelle : la transformation de la production. La circulation de l'autorité dans la constante formelle (du sommet à la base, ou de la base au sommet) est un effet qu. témoigne, par ses fluctuations, de la fluctuation économique, de la cause.
La causalité économique de la féodalité et la dualité des " estats "
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La constante qu'est la forme politique (royauté) renvoie à la constante productive : la production rurale. Celle-ci, comme la forme politique, est une constante : la propriété foncière est son moyen et sa fin. La modification à l'intérieur du pouvoir politique n'exprime qu'une modification du régime de la propriété foncière. Ainsi, si de nouveaux rapports de production apparaissent, c'est parce qu'il y a, bien sûr, de nouveaux moyens de production, mais comme transformation de la même production, la production rurale. C'est dans la continuité d'une forme (système monarchique, mais selon une circulation différente du pouvoir) que la propriété foncière se donne l'ordre politique de sa production. L'économique ne crée pas de forme nouvelle. Il y a seulement un saut qualitatif de la production rurale, qui a comme effet de déplacer l'autorité politique dans la forme générale de cette production rurale. La superstructure est constante à cette fluctuation de la production, et c'est à l'intérieur de la superstructure, sans susciter de nouvelles formes, que la révolution économique peut s'accomplir. C'est dans la superstructure, la forme politique, que le centre de décision, le pouvoir réel se déplacera, par paliers, du sommet à la base, puis de la base au sommet. La dialectique descendante de l'effectivité politique est d'abord dans le passage de l'autorité du roi à celle des comtes (10e siècle) \ Cette période pourrait être considérée comme mixte : l'institutionalisation centralisatrice continue à s'exercer. Mais de par la seule autorité centrale. Ainsi, par exemple, la puissance comtale exerce toujours les droits régaliens. Mais déjà la relation féodale n'est plus fondée sur l'autorité centrale. Les liens féodaux se nouent entre les comtes et l'aristocratie foncière. La puissance de celle-ci est dans la prise en considération de la richesse foncière par le pouvoir traditionnel, la réciprocité encore très vague du devoir entre le détenteur du politique et le détenteur de l'économique. La deuxième période de la dialectique descendante de l'effectivité politique est dans «le temps des châtelains indépendants», lorsque le comte ou duc, représentant de l'autorité royale, a perdu tout pouvoir, lorsque le comitatus s'est effrité et qu'il n'en reste que des bribes partielles ou locales (tournant du 10' et 11e siècles). Alors, leur autorité doit être renouvelée, se fonder sur la propriété foncière, de vastes domaines, et sur la clientèle vassalique. Mais cela à l'imitation des grandes familles de l'aristocratie foncière, qui ont accaparé les terres. C'est maintenant le grand domaine qui est la puissance politique, de par la force de la richesse foncière et de la clientèle vassalique 1. La documentation sut les institutions du Moyen Age a été essentiellement puisée chez J. Ellul, Histoire des institutions du Moyen Age à 1789, t. II, ainsi que dans la bibliographie qu'il propose et dans les Cahiers de l'I.S.E.A. (sous la direction de F. Perroux).
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qui la défend. La crise de l'autorité politique a été résolue sur le plan de la cellule économique, par la nécessité de substituer à un ordre défaillant un nouvel ordre, mais qui consacre la nouvelle autorité acquise par le grand propriétaire foncier. Car c'est lui qui assume maintenant les fonctions de protection que le pouvoir central ne réalise plus. Le propriétaire foncier assume la fonction guerrière mais pour garantir l'économique : le travail et la rentabilité de ses terres. Le grand propriétaire se reconvertit en chef d'Etat, cellulaire, en chef de guerre, local, c'est lui qui assume les responsabilités publiques. Une troisième période, maintenant ascendante, est la reconquête du pouvoir centralisé, maintenant sous l'autorité du propriétaire foncier, du sérieux de l'économique. Alors, dans la constante formelle du politique, la nécessité économique suscite son relationnel politique. La politique dynastique constituera une classe sociale dont l'émanation sera le roi. Le politique comme forme se reconduit, et cela témoigne, au niveau superstructural, d'une permanence des termes constitutifs. Si certains disparaissent, les autres demeurent mais selon un indice d'efficace différent : c'est l'ordre de préséance des termes, dans l'invariant qu'est la structure, qui donne les significations de ces termes, et non le fait de leur existence. Cette permanence de la forme politique témoigne d'une continuité du mode de production, de l'exploitation rurale (période féodale). Mais le déplacement du pouvoir du sommet à la base, puis de la base au sommet, témoigne que la propriété foncière a le pouvoir économique, le niveau de production, qui lui permet d'être le fondement du pouvoir politique, d'écarter l'autorité extérieure et centralisée, puis de la reconstituer, mais à son profit. Cette circulation du pouvoir est l'indice d'une transformation qualitative de l'unité de production, de la propriété foncière. Il s'agit d'une mutation de la production, de la rentabilité, du rendement dont les expressions pourraient être proposées par des critères de sociologie rurale, d'économie politique (poussée démographique, extension quantitative des exploitations, défrichements, etc.). Et c'est dans la propriété foncière (qui dans sa relation avec la superstructure extensive : administration, royaume, n'est pour nous encore qu'une entité économique imprécise) qu'il faut placer la raison économique de cette mutation. La propriété foncière, en tant que nécessité économique, cherche sa plus grande extension et la plus forte production. Et le grand domaine, l'exploitation du type «villa», a fixé cette production rurale, la comprime, la mesure, par une autre production, celle de l'artisanat auto-produit par la villa. Aussi, la mise en valeur, sur le plan extensif, territorial, pose un problème qui sera révolu par l'implantation du fief (plus petite unité politique), et de la tenure (plus petite unité productive possible). L'exploitation maxi-
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maie, d'après les nouveaux moyens de production, dans la constante de la forme de production, doit renouveler l'exploitation foncière. Celle-ci : le grand domaine, va redistribuer la relation force productive et rapports de production. C'est l'exploitation qui suscite et sa production et l'organisation de cette production. La relation antérieure entre le pouvoir central et le grand propriétaire terrien se ramène à la relation, dans l'exploitation foncière, du suzerain et du vassal, du politique et de l'économique. A la relation force productive (selon la propriété foncière, mais du grand propriétaire) et superstructure politique formelle, extensive, succède la relation fieftenure, politique-économique dans l'exploitation foncière elle-même. La nécessité de la relation économique-politique est dans la dualité qui apparaît au niveau de la propriété foncière, lorsque celle-ci systématise, en extension, le mode de production. La solution politique, du problème économique, est la multiplication des tenures contrôlées par les fiefs. C'est le politique qui crée le politique : le fief est octroyé par le suzerain au vassal. La relation antérieure : grand propriétaire foncier et pouvoir centralisé, lieu de l'effectivité politique, est reconduite dans la relation suzerain-vassal. Et la relation économique antérieure modale est reconduite dans la relation noblesse-serf, d'après la spécificité que lui donne la relation fief-tenure. Le renouveau de la mise en valeur, plutôt la première mise en valeur systématique, la recherche de l'autarcie dans la plus petite cellule territoriale, dont l'appréciation fiscale sera la manse, plus petite unité de production, sera, par l'augmentation de la production, un débordement possible du produit, de la marchandise, de l'économique, sur le politique, sur le propriétaire foncier, sur le mode de production. L'enrichissement (par des termes comme l'alleu) pouvait susciter une menace, de par le producteur, de par la vraie force productive réduite à un moyen de production. Aussi c'est ce qu'il faut empêcher, par des barrages, des formalisations, l'institutionalisation. Il n'y aura pas de promotion verticale du producteur, mais cette frustration sera compensée par un réseau marginal et horizontal de l'échange, par un circuit de la marchandise qui permettra une double désaliénation du serf : comme producteur (richesse du laboureur, paysannerie aisée) et comme producteur d'un autre système politico-économique (mouvement communal). Empiriquement, une promotion de «la base», de la force productive, s'est manifestée et a été reconnue par le grand propriétaire ; c'est le cas des paysans enrichis par leur labeur et leur parcimonie, de modestes prévôts villageois qui s'étaient enrichis sur le dos des seigneurs primitifs, puis les avaient évincés et s'étaient même substitués à eux. Plutôt que d'être supplanté par les «services», par l'intendant qui gérerait un trop grand domaine, plutôt que d'être supplanté par les riches laboureurs, le grand propriétaire terrien organise lui-même la néces4
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sité économique, abandonne une production et un bénéfice économique pour un droit politique. Ce qui se serait naturellement passé, mais de par la nature économique, est préalablement politisé. Ainsi le politique ordonne son mode spécifique de production, et évite l'inverse, le mode de production, la force de production qui suscite sa propre autonomie politique. La perte économique qu'est l'abandon du fief à un vassal se récupère totalement dans le bénéfice politique qu'est le pouvoir politique sur ce vassal. Le grand propriétaire se donne ainsi les services, administratifs, et surtout la représentation guerrière nécessaire à l'autorité. D'ailleurs, la perte économique est relative : lorsque la donation se fait héréditaire, un droit doit être payé par le nouveau vassal à son suzerain. (La donation dans le principe pouvant n'être qu'un abandon de terres à mettre totalement en valeur. Dans le principe, le vassal peut n'être qu'un chef d'entreprise, un défricheur à partir d'un acquis économique sommaire, l'octroi de quelques manses). Le politique suscite son propre pouvoir et c'est à partir de sa nouvelle autorité que les dynasties régionales reconstituent une centralisation. L'échange consiste pour le suzerain à concéder une part économique contre une part politique. La somme économique perdue est rattrapée par le service des vassaux, par l'autorité guerrière et politique qu'ils autoriseront. Le vassal se bat et concède à déléguer son pouvoir, se soumet, car il se bat pour ses terres, pour l'économique, autant que pour son suzerain. C'est le vassal qui fait le pouvoir politique de suzerain (mais parce que le suzerain fait son pouvoir économique). Le problème de la propriété foncière est reconduit au niveau du vassal : la force productive se heurte au mode autoritaire de production. Mais alors que le suzerain a résolu ce problème en mettant entre le grand domaine et l'enrichissement du paysan la médiation (qui ne saurait plus être une promotion, caf cette promotion a été créée pour servir de barrage), le vassal, lui, doit régler le concurrentiel, entre le politique et l'économique : c'est à lui d'empêcher la progressive égalité entre le chevalier le plus pauvre et le laboureur le plus riche. C'est à lui d'éviter que l'unité productive la plus forte ne supplante l'unité politique la plus faible et que la force productive suscite son mode de production politique. La promotion est politique, modèle accompli. Elle ne saurait tolérer une concurrence d'ordre économique. A ce niveau la forme de production rencontre la force productive élémentaire, réduite à un moyen de production : le servage. Le pouvoir du vassal est l'aliénation du serf. Au premier aspect d'autarcie, de l'exploitation rurale, le travail du serf doit d'une part subvenir à ses propres besoins et par ailleurs à l'exploitation particulière du domaine seigneurial. La marchandise n'intervient pas encore comme critère explicatif des échanges. Le bénéfice comme numéraire n'a pas de signification dans ce cycle commercial. En effet, la seigneurie du haut
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Moyen Age comprend d'une part la réserve, directement exploitée par le seigneur, et les tenures. Alors le seigneur est le directeur d'une vaste exploitation agricole, et même partiellement industrielle. Les services dus par les tenanciers l'emportent sur les redevances. La tenure est avant tout source de main-d'œuvre. Le seigneur est essentiellement chef d'entreprise. Le système d'exploitation, et de la terre et du serf, va se transformer et montrer la valeur de la marchandise, témoigner d'un niveau économique, d'un système d'échange, qui déplace la production de la grande exploitation à l'unité fiscale qu'est la manse. En effet, du 12' et 13e siècles, la réserve est distribuée en tenures. Le seigneur n'exploite plus lui-même. Les redevances (loyer de la tenure) augmentent : taille, dîme, droits pour usages des banalités, etc. Cette transformation du mode de production témoigne d'une transformation de la production, dont les manifestations peuvent être décalées, historiquement, mais dont l'ensemble constitue un nouveau système économique, et politique. De même que le grand propriétaire, lorsqu'il est l'exploitant de la villa, crée son propre système d'exploitation et son propre système politique, le serf, lorsqu'il est la seule force productive, crée son propre système économique, puis politique. Mais d'après les formes politiques constituées, d'après sa situation dans un système constitué, en tant que serf, praxis qui ne pourra atteindre qu'à une autonomie partielle du niveau de la production rurale, et qui devra se réaliser ailleurs. La production a fait ce saut qualitatif qui permet de quitter l'autarcie originelle, qui fait du produit la marchandise. Alors, le serf comme producteur donne à la marchandise une triple signification politique, dans le système économique politique en place (comme modification) et comme création d'un nouveau système de relation. Dans le système féodal le serf pourra devenir un riche laboureur et le seigneur devient rentier du sol. Dans le système dynamique marginal à l'exploitation domaniale, la circulation de la marchandise crée, consacre, développe le bourg et toute la dynamique économico-politique qui aboutira à la Commune. La marchandise, c'est-à-dire la production selon un critère qui déborde déjà l'autorité du domanial, comme production rurale dans sa relation avec la ville, est une nouvelle production telle que l'économique est une nouvelle dynamique, qui, dans le système constitué, bouleverse les rapports de production, et crée un autre système de production. Ce passage, d'une économie de subsistance à une économie de marché, est le passage du produit de consommation à la valeur de la marchandise. Un système d'échange objectif, monétaire, se substitue à l'autarcie domaniale du haut Moyen Age. Les rapports de production, la relation du seigneur et du serf, se sont transformés. Le serf peut racheter sa liberté. Le producteur
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produit son rachat, l'émancipation, qui est encore une redevance versée au seigneur, mais qui, par le numéraire, fixe le seigneur dans l'économie politique, le destitue. C'est l'épreuve, non sue, l'inverse de l'adoubement, de sa puissance politique. Du service, force de travail concrète, à la redevance, comme impôt, au rachat par le numéraire, la relation du seigneur et du paysan tend à s'inverser, de par la dynamique de l'économique. Le seigneur préserve son autorité politique, mais celle-ci n'est que forme, signe, autoritarisme. Elle n'a plus de nécessité d'ordre productif. D'une économie contractée, dirigiste, à l'économie toujours rurale, mais d'échange, de commercialisation du produit naturel, le paysan gagne ce que le seigneur perd, dans ce passage à l'abstraction qu'est la monnaie. Le pouvoir n'est plus celui du seigneur, n'est pas encore celui de la Commune. Il est le pouvoir de la marchandise, du réseau d'échange morphologiquement en place, qui donne la valeur. L'émancipation politique, du serf, et l'enrichissement économique, du laboureur, ne sont donc que les deux modes de la même réalité économique, les deux moments du saut qualitatif de la production. L'émancipation témoigne d'une maturité, d'un fonctionnel du réseau économique, qui subordonne l'autorité seigneuriale à l'autorité du numéraire. L'émancipation prouve que le vilain s'est enrichi et que le seigneur a besoin d'argent : les deux termes sont constitués par !e niveau de la production rurale. Le seigneur, comme rentier du sol, profite de cette situation et la suscite. Son profit est proportionnel au taux de croissance de la production. La productivité est son œuvre. L'intendant, qu'est le vassal, a bien rempli son contrat : l'exploitation rurale est l'exploitation intensive du serf «taillable et corvéable à merci». Mais la situation originelle s'est transformée : la propriété foncière est devenue rente du sol ; le produit, naturel, de consommation, est devenu la marchandise ; l'autarcie, circulation de cette marchandise. La toute-puissance politique du seigneur est maintenant fondée sur un système monétaire qu'il ne contrôle pas. Et le paradoxe, c'est que le système de la circulation de la marchandise, qui est nécessaire à la rente du sol, est marginal au relationnel domanial d'origine, et qu'il est l'autonomisation économique, puis politique du serf. La puissance du seigneur est soumise à la valeur de la monnaie, et toute une nouvelle économie va déprécier la propriété foncière. La production n'est plus celle du seigneur (chef d'entreprise) de par la double transformation productive : celle du serf (qui par son travail peut se racheter, s'émanciper, et dont la promotion possible est le riche laboureur) et celle de la circulation du grain, qui permet le développement des bourgs, villes, du mode de production artisanal. Mais le seigneur non seulement consent, mais veut cette situation. C'est lui qui la crée. Il apparaît comme parasitaire des forces productives. Mais celles-ci mettent en
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place de nouveaux rapports de production qui se feront concurrentiels à l'autorité seigneuriale et qui la supplanteront. La relation : grand propriétaire — suzerain-intendant — serf est commune au synchronique et au diachronique (double mode de la structure féodale). Et la différenciation entre la durée historique et la constante synchronique est d'ordre économique : c'est parce que la production, de par son extension territoriale et l'exploitation intensive du serf, passe du quantitatif au qualitatif, que l'économie devient économie d'échange, du numéraire, de la rente. La mise en valeur, du monde rural, le problème économique de l'exploitation, trouve sa solution dans la dynamique de l'économie, de la production. Et c'est celle-ci qui rend compte du dédoublement successif et progressif de la relation économique-politique. De même que la production produit son mode de distribution de la marchandise, elle produit les rapports de production qui rendent compte du niveau économique. La dynamique productive circule dans la constante structurale selon des fixations de la production qui alors définissent une chronologie historique. Ainsi, le dédoublement politique-économique, d'un point de vue structural, sera la relation noble-serf sans différenciation de l'indice d'efficace de l'économique sur le politique, sans terme comparatif. D'un point de vue historique, la transformation de la production, produite par la production, rend compte de moments économiques qui renvoient à des moments politiques différenciés, particularisés. Alors la fluctuation de l'indice d'efficace de l'économique renvoie à la fluctuation du relationnel. Une différenciation du seul terme politique peut apparaître. On peut alors étudier le politique en soi, comme une catégorie autonome, parce que, au pféalable, on l'a défini en fonction de l'économique, non seulement dans la genèse du politique, mais de tout moment politique, et de toute relation dans ce moment. L'histoire, mais de l'économique, définit donc l'histoire des rapports du noble et du serf. La structure féodale est d'abord cette causalité économique : la production fixe des moments, une chronologie historique non événementielle.
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II. LA DUALITÉ DES ESTATS : NOBLE ET SERF A . LA STRUCTURE FÉODALE COMME HOMOGÉNÉISATION PAR LA CAUSALITÉ ÉCONOMIQUE
Dans la structure, chaque terme, chaque catégorie, se définissent d'après la totalité ; aussi, la forme politique et le mode de production, qui originellement sont contingents, juxtaposition, amalgame, vont se définir par le commun référentiel qu'est la structure. C'est à partir de la relation occasionnelle, d'une forme, idéologie, superstructure, et d'un mode de production, infrastructure, moyen de production, que la structuration féodale fait circuler, de l'infrastructure à la superstructure, la nécessité économique de la production. La force productive n'a créé ni la forme (royauté), ni l'idéologie (christianisme), ni le mixte qu'est le droit romain. La force productive n'est pas explicative de la genèse du superstructural, celui-ci peut être rapporté d'autres modes de production. Mais, et c'est une nouvelle preuve de l'efficience de l'économique, lorsque les formes idéologiques sont empruntées, qu'elles coiffent artificiellement les forces productives, elles perdent leur autonomie référentielle pour se soumettre aux déterminations de la structure. Alors, la spécificité originelle s'intègre dans la causalité économique. Et à travers une permanence de forme, le relationnel, le fonctionnel, les temporalités, déterminent des significations très différentes à l'origine. Cette rencontre, d'un mode de production et d'une forme politique contingente, dans la causalité économique que nous avons définie, constitue un autre ordre causal, une autre chronologie. Comment donc le terme le plus spécifique de la superstructure et de l'infrastructure se rencontrent dans la structure féodale, se modifient réciproquement et quelle autonomie peuvent-ils conserver ? Et d'abord quels sont ces termes ?
B.
LE STATUT POLITIQUE DU SERF. L'ONTOLOGIE DÉFINIE
A PARTIR
DE
L'INTÉGRATION DE LA CAUSALITÉ ÉVÉNEMENTIELLE PAR LA CAUSALITÉ ÉCONOMIQUE
Nous définirons la force productive (en l'occurrence, travail du paysan) essentiellement par rapport aux moyens de production. Ce secteur technoéconomique (cette relation) peut être considéré comme un circuit spécifique, déterminant, à priori aux formes politiques (cultures, civilisations). Le statut juridique, qui définit ce producteur, comme travail du vilain, dans les rapports de production, peut être considéré indépendamment des
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spécificités superstructurales dans un premier cas. Celui du fellah égyptien, du colon de l'empire romain, du serf du 10e siècle. Le producteur n'est pas une personne juridique. Il n'est qu'un terme générique. Il n'a pas d'existence légale, de droit. Ce mode de production témoigne de la totale déréliction du producteur : il ne dispose même pas de l'outillage rudimentaire, des quelques outils qui permettent le travail individualisé. Le serf, pour mettre en valeur l'unité de production (manse) n'apporte même pas l'outillage qui autorise le procès de la production élémentaire. Aussi, dans ce cas, la force productive s'identifie au moyen de production : le travailleur n'est rien qu'un instrument, en tant que privation de toute médiation productive (technique). Aussi, lorsqu'il travaille le lopin de terre, il n'en a que l'usufruit (droits d'usage et d'occupation). La terre lui est prêtée, pour qu'il la mette en valeur, mais pour le propriétaire. Et l'usufruit se réduit à la seule subsistance, les charges, redevances, corvées, représentant le bénéfice possible du serf (dont il est spolié). Ainsi, lorsque la force productive ne dispose ni de l'outillage, ni de la terre, de ces deux moyens nécessaires de production, elle est réduite au servage, identification de la personne au moyen de production. Cette situation du serf réduit la continuité macro-événementielle par la seule causalité économique. En effet, comme étymologie, le serf est le barbare vaincu. Si le colon est encore un libre, il est fixé, lié au sol. Et, dès 614, le servage est institutionnel. Mais entre le serf descendant de l'esclave et le serf défini par la causalité économique, il n'y a que continuté de «lignées» (toute une descendance de serfs étant de cette origine, de cet événement qu'est le barbare vaincu et réduit en esclavage). De plus, le servage aura d'autres origines. L'esclavage, du à la défaite, n'est pas la seule cause du servage. Et c'est justement par le pluralisme des situations qui débouchent sur le servage, qu'apparaîtra la causalité économique comme réduction des origines macro-événementielles. Donc, cette première situation du servage se présente comme passage du conditionnement par le macro-événementiel au conditionnement par le seul économique. L'histoire du servage ne relève pas de tel ou de tel régime, ou du macro-événementiel que peut être la succession des régimes politiques : Gaule romaine, Mérovingiens, Carolingiens, et que peut être l'histoire des invasions. Ces péripéties et ces formes ne sont ni constitutives ni explicatives. La mutation, déterminante, a été dans la réduction de la causalité événementielle par la causalité économique. Cette situation, comme schéma de l'évolution historique, témoigne de la transmutation du «barbare» vaincu en producteur. Le servage est d'abord
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le passage de 1' «idéologie» barbare à celle du producteur. L'envahisseur, le conquérant, profiteur, parasite, est réduit à un moyen de production. Réduit en esclavage, d'abord, il devient un semi-libre, comme colon, pour se réduire au servage. Il est l'esclave de la terre. Le serf est donc ce lieu de culture qui soumet à l'ordre de la production l'échec du conquérant, de l'envahisseur, du barbare. Fixé, le nomade est soumis au négatif de son projet. Le domaine d'expansion, d'invasion, de rapine, qu'était l'Occident, s'est réduit à cet atome élémentaire qu'est la manse, champ de travail et de constante surveillance. Ce parcours définit l'ontologie, la matière brute de la culture. Car il définit une situation politique, comme moindre culture. Cette nature se définit comme conjoncture économico-politique. Elle est d'abord totale identification de la force productive et du moyen de production, de l'homme à l'instrument. Aucune idéologie ne représente (ou ne se surajoute à) cette réduction de l'homme au biologique, au seul besoin élémentaire. Le référentiel possible, comme passé, comme autre dimension temporelle du serf, est l'irrationalité de la situation conquérante, de l'attitude guerrière. Et cette attitude n'est que l'exaspération d'un paganisme qui sera la mémoire du serf. Et ce n'est que par son travail, par la mise en valeur de la manse, par la production, que le serf peut trouver une démarche prospective, accéder à une culture qui débouchera sur l'émancipation. Le barbare se fait paysan : l'irrationnel passe du relationnel au fonctionnel. L'attitude guerrière, agression et violence, subit la culture de la production. La nature est le procès de la production, elle n'est plus la relation avec l'autre sans la médiation du travail. Le milieu naturel brut, non élaboré, comme lieu de travail, s'est substitué au champ de violence et de rapine. Par la production, le paysan éprouve que l'ordre de la nature est celui de son travail. «Le naturel» qu'est la nature, productive par elle-même (cueillette et chasse), le naturel, qu'est la conquête, l'agression, «l'instinct» ce naturel est devenu la production de la subsistance (agriculture). La nature est produite par le travail. Le procès de la production permet la subsistance. Ainsi, de la nature comme relation guerrière (barbare), le paysan passe à la nature comme fonction de production. Mais ce rapport avec la nature, maintenant à l'intérieur de la production, est la confrontation de la production par le travail et de la production dite naturelle. Au moment de cette mise en valeur, création de l'exploitation, la campagne n'est que très localement cette campagne humanisée qui est celle de la production humaine. La production comme lieu, territoire, doit se gagner et se garder contre la nature naturée, milieu hostile, inconnu (défrichement, etc.). Et cette irrationalité de la nature naturée se double de l'irrationalité
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de la nature naturante, du mystère de la germination. Le vitalisme, le biologique, le cosmique comme système élémentaire de représentation, comme mythologie, paganisme, s'affrontent à la praxis. La déréliction qu'est le servage, la fixation d'un homme à un lopin de terre, est la rencontre de la production, par le travail, et de la production, par la nature. La praxis élémentaire qu'est le travail de la terre a donc dédoublé le paganisme, comme relationnel et fonctionnel, comme agressivité et comme superstition. Le paysan se confronte à la terre, le barbare s'affrontait à l'autre. Ce sont les deux faces de la même réalité, l'avant et le pendant de la production rurale. Mais la culture va permettre au paysan de s'éloigner du paganisme (lequel restera sa mémoire, dans la sorcellerie). Lorsque sa production atteint un certain seuil, l'un et l'autre mode de la subversion, par la nature, de l'ordre politique féodal, sont abandonnés, au profit de ce qui devient première conscience politique : la conscience servile. Alors le producteur établit un rapport de causalité entre sa praxis et la production, qui se substitue à la relation causale entre la nature et la production, parce que le politique, la loi du seigneur, est devenu le seul référentiel, le terme régulateur. A la double passivité qu'est l'invocation magique dans la célébration du mythe de la germination, succède l'apparition d'une norme, d'un progrès, de la production, la pratique de catégories économiques, le sentiment d'une aliénation, l'expérience d'une frustration. C'est par les normes de travail qui lui sont imposées, par le système féodal des redevances, services, corvées, que le paysan quitte la mythologie païenne pour une comptabilisation, combien empirique, de sa production. Aux deux parts de la production, comme subsistance et redevance au seigneur, s'adjoindra une troisième part, dont la définition est la relation entre le travail du vilain et les droits du seigneur, dont l'aménagement pratique, l'appréciation économique, est la solution d'un conflit politique. Alors le paganisme se dépasse lui-même. A la production de la nature par elle-même succède la production de la nature par le travail : le grain, la céréale, comme subsistance et redevance. Et au pouvoir de la nature, comme vitalisme (instinct d'agression et germination) succède le pouvoir économique de la marchandise sur la force oppressive. La contestation par la praxis, pour accéder à l'efficace, doit elle-même éliminer son originelle contestation de la praxis. Cette conscience politique du vilain est rupture avec le paganisme et commencement du cycle d'émancipation. Elle est passage d'une économie de subsistance à une économie de marché : l'être, comme production de la nature par elle-même, comme volontarisme et agressivité, comme double manifestation vitaliste, n'est déjà plus immédiat, totale immanence. Cet être
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est déjà une mémoire du paganisme, qui ne peut se susciter, se rappeler, que par la médiation de la forme politique et coercitive qui définit la praxis, comme lecture à rebours du superstructural. C'est la sorcellerie. Dans le principe du politique, de sa moindre élaboration, l'être est déjà référence à son passé. Le présent de l'être, comme être devenu (par le politique), sera la permanence du mode de production, la répétition de la production dans le système féodal : la germination est praxis et la production moyen d'émancipation. Le besoin, le produit, la marchandise se sont identifiées dans le relationnel. Un équilibre est apparu entre le mode de production et la forme politique, entre l'origine (le paganisme) et le dépassement du mode de production rural que sera la praxis urbaine. On pourrait dire que les trois parts de la production : de subsistance, de redevance, d'économie, se distribuent comme équilibre des fonctions de l'être défini par la cellule de production élémentaire. Le devenir, de cet être, est celui du cycle d'émancipation du vilain, le circuit de la marchandise quasi marginal aux instances seigneuriales, la migration à la ville. Et cette démarche retrouve le relationnel : la production, fonctionnalité comme confrontation à la terre, devient comme négoce, comme marchandise, la relation avec le consommateur, le client, loi de l'offre et de la demande, en même temps qu'elle demeure relation avec le seigneur, servilité. C'est dans ce statut économico-politique que le vilain reconduit la subversion originelle du barbare, le vitalisme agressif. Le producteur (le vilain) du produit rural, de consommation urbaine, s'oppose à la fois au seigneur et au bourgeois, au mode de production qui l'exploite et au nouveau mode de production (corporatisme) qu'il autorise. Aussi le vilain, comme producteur, est doublement réduit à sa fonctionnalité. Le seigneur et le bourgeois le renvoient à la production. Et c'est à partir de la double aliénation qui lui est attribuée qu'il se définit lui-même, qu'il se comporte. Le naturalisme (l'être) est alors la défense des intérêts du producteur contre la double aliénation du politique. Mais quelle que soit l'origine du servage (et nous allons en définir une autre, très différente), la situation du serf, de par la causalité économique, relève de cette ontologie. C'est que toute étymologie événementielle, et même la coutume, doivent se soumettre à la nécessité économique. Ainsi les communautés de village. «Les barbares germains, en occupant peu à peu l'Empire romain, y installèrent, ou plus exactement, y rétablirent une paysannerie libre organisée en communautés de villages 2 .» C'est l'autre moment des invasions 2. C. Parain et P. Vilar, «Mode de production féodal système pré-capitaliste.» CAHIERS DU C.E.R.M., p. 7.
et classes sociales
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barbares qui définit une autre stratification ; le barbare vaincu et le barbare vainqueur se définissent dans la praxis selon les forces productives. Et leur différentiel, énorme en regard de l'événement, puisqu'il s'agit du vainqueur ou du vaincu, est réduit par la nécessité économique. Le paysan des communautés de village, originellement libre, devient un serf, selon une progressive détérioration de son pouvoir économico-politique. C'est d'abord le développement des moyens de production (défrichements, techniques agraires, en particulier le passage de l'araire à la charme, modes d'élevage) qui, schématiquement, stratifié deux économies : l'une routinière, et l'autre qui peut innover, dans d'autres espaces, selon d'autres moyens et d'autres perspectives. Le dépassement d'une économie rurale fondée sur la routine communautaire est accéléré par la radicale mutation qu'apportent des moyens de production révolutionnaires, comme le moulin à l'eau. Alors «l'inféodation» n'est autre que la soumission au chef d'entreprise qui a pu construire, se procurer, aménager, et inféodation d'une économie traditionaliste. D'une part, il dispose de moyens, par ailleurs, à la suite des défrichements, mises en valeur, progrès agraires, il peut créer, aménager les nouveaux moyens techniques dont la nouvelle production a besoin. Une communauté productive est concurrencée par des moyens de production qui répondent à de meilleures normes d'exploitation collective. L'économie des communautés libres ne peut rester compétitive à l'économie du ban. Le système économico-politique du seigneur l'intègre progressivement. Sans que le mode d'exploitation communautaire disparaisse ! Mais il se fait économie de complément. Et même il fixe dans la routine l'exploitation rurale, alors que la dynamique est alors l'économie des banalités. La structure communautaire des villages libres tend à se réduire à la gestion d'un acquis. Aussi 1 evénementialité, les guerres, le désordre croissant, seront les moyens de révélation de ce décalage, intégration et dépassement. Ce n'est pas l'expropriation brutale, peut-être, mais la progressive soumission des paysans les plus pauvres, la «recommandation» au propriétaire des moyens de production les mieux adaptés. La crise accélère le processus d'intégration, désintégrant la communauté villageoise. C'est d'abord les paysans les plus pauvres qui ont à gagner en servant dans les services subalternes du seigneur, et dans ses armées (piétaille). Les terres dévastées par la guerre, ou en friches, peuvent être reprises par le seigneur. La double appartenance au système communautaire et au système domanial, peut équilibrer un moment l'économie du vilain. Puis le système des services (corvées, redevances) en échange d'une protection guerrière en période de crise, s'institutionalise, par l'intégration à l'économie domaniale, comme norme économico-juridique.
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De par le progrès de la production, les forces productives ont déplacé le relationnel immanent au mode d'exploitation rural. De communautaire, le relationnel s'est hiérarchisé selon la nouvelle hiérarchie de la production. Et la réduction du paysan libre au servage, comme dépossession de tout pouvoir politique, identification de la force de travail au moyen de production, retrouve la situation de l'esclave. Par le pluralisme des situations, l'ontologie st répète, de par l'économique.
C
LE LIEN VASSALIQUE COMME PROGRESSIVE RÉDUCTION ET FORMALISATION DU MACRO-ÉVÉNEMENTIEL PAR L'ÉCONOMIQUE
1. La causalité économique et l'aporie de l'explication historique Tels sont donc les trois moments du vilain. Sa fixation productive (présent de la répétition) rejette le paganisme dans le passé, dans ce qui n'est plus que mémoire. Le devenir de sa production projette l'émancipation politique et réalise un nouveau secteur productif. Ces trois moments relèvent d'une causalité économique. Même le premier moment, celui de l'insertion de la causalité événementielle dans l'économique, c'est-à-dire le passage de la barbarie à l'esclavage (de par la défaite de l'envahisseur) prend sa signification par l'économico-politique. C'est un mode de production qui a interprété, signifié, fixé l'altérité nomade. C'est une forme à priori, comme mode de production, qui intègre le barbare, le réduit à une force productive et établit ainsi la continuité entre la défaite guerrière et l'aliénation politique. La causalité événementielle apparaît donc comme contingence. Elle ne crée pas la structure productive. Mais au contraire celle-ci est intégrative, réductrice de toute contestation. La forme à priori qu'est le mode de production doit être proposée comme réduction de toute causalité événementielle. La relation particulière que nous venons d'étudier : la réduction du barbare à la servitude n'est qu'un aspect de la réduction du macro-événementiel par la causalité économique. Aussi doit-on systématiser la relation causalité événementielle et causalité économique. La structure féodale est l'accomplissement de la causalité événementielle (que nous appellerons la dynamique événementielle), dans et par la causalité économique. Les deux causalités sont toujours immanentes l'une à l'autre. Mais alors que dans la dynamique événementielle la contradiction des termes constitutifs de la dynamique n'est pas résolue, par la causalité économique cette contradiction est résolue. Sont ramenées à une totalité, à un ordre social hiérarchisé, les catégories (éthique, religieux, droit, etc.) qui se présentent dans la dynamique selon une juxtaposition concurrentielle. La
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dynamique et la causalité économique ont le même contenu catégoriel ; mais dans la dynamique ces catégories sont en conflit tandis que la causalité économique les subordonne dans une totalité. La dynamique est le pluralisme anarchiste des catégories, qui peuvent neutraliser, retarder, éluder la causalité économique. Cette crise, ce conflictuel, fait apparaître des modes d'opposition qui sont autant de tentatives dénonciation et de solution de la contradiction. Ainsi, progressivement, la causalité économique résorbe le conflictuel de l'événementiel, dans et par l'événement. La structure féodale sera la perfection formelle d'une dynamique qui a révélé le contenu catégoriel de la structure par les crises de la dynamique. Et si la structure féodale s'accomplit par la réduction qu'est la causalité économique, c'est que la dynamique a épuisé les modes d'opposition catégoriels. La turbulence contradictoire de l'écoulement dynamique est résorbée par l'ordre de la production. Cette réduction du macro-événementiel par la causalité productive permet d'éviter l'aporie majeure de l'explication historique3 : celle de la discontinuité-causalité, et de la réduire à une illusion chronologique. Ces deux méthodes contradictoires ont en commun le postulat d'une succession de temporalités. Mais alors que dans la perspective discontinuiste, une période succède à une autre, tout en pouvant être radicalement, qualitativement différente, l'explication causale suppose une homogénéité du temps, qui permet à l'effet de succéder à la cause. Dans le premier cas, la relation d'une période à une autre ne peut être établie. La rupture est d'ordre qualitatif. Les civilisations, qui sont mortelles, sont indifférentes les unes aux autres. Le temps est fait de juxtapositions. L'irrationnel et les critères arbitraires d'explication (esthétique, surtout) triomphent de la science historique. Au contraire, dans le deuxième cas, une progression linéaire apparaît dans un temps continu et homogène. L'historicisme, à partir d'une catégorie privilégiée aussi, établit une causalité qui montre un progrès quantitatif, d'abord, puis qualitatif. Alors il y aurait une finalité de l'histoire. L'entéléchie triomphe ; ce qui était dans le principe est accompli dans la fin. Notre méthode permet d'éviter l'historicisme et la juxtaposition des civilisations, des époques. La causalité économique, le coefficient d'efficience de l'économique, selon le niveau de la production rurale, ordonne le concurrentiel des catégories, de leurs durées. Dans la macro-événementialité et la causalité économique c'est, répétons-le, le même contenu catégoriel. Mais alors que par la causalité économique les catégories sont ordonnées, dans le macro-événementiel, dans la dynamique, elles se juxtaposent. La structure féo3. Nous faisons allusion à Spengler, Déclin pseudo-naïve de l'hégélianisme.
de l'Occident,
et à une interprétation
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dale est cette ordonnance du macro-événementiel selon la nécessité économique. La contradiction de la dynamique est résolue par l'économique. 2. Le superstructural comme solution progressive du problème géo-politique Cette contradiction du macro-social doit être définie tout d'abord selon la raison économique. Celle-ci va délimiter l'événement : elle propose la problématique dont la turbulence événementielle n'est qu'une manifestation. Alors que le problème de la production, de la force productive est posé et résolu par le producteur (le vilain) le problème du mode de production, en tant qu'aspect politique, institutionnel de la production, sera posé et résolu comme solution de la contradiction macro-sociale. Pourquoi la propriété foncière et pourquoi son statut selon le superstructural qu'est le droit romain, la relation su2erainvassal, le christianisme ? C'est que la production doit réaliser selon les moyens de production de l'époque, la mise en valeur d'une nature quasi vierge, d'une terre couverte de forêts et de marécages. Le problème est celui de l'implantation de la ferme isolée, de l'unité fiscale de production (la manse), de la campagne humanisée. L'événementialité est le passage d'un mode de production dirigiste, centralisé, celui de Rome, à un mode de production individualisé, pluraliste, à une cellule de production qui sera encore autarcie économique et indépendance politique. Le superstructural qui triomphe est celui qui résout ce problème. Et la problématique du superstructural trouve sa solution par la mise en valeur de la terre, par la production. Et cette donnée géo-politique de l'économique, comme problématique de la production à une époque donnée, est formalisatrice et réductrice de l'événementialité. C'est dans et par ce cadre géo-politique, que les événements ont leur signification. Et ce géopolitique est une réduction de toute événementialité, forme à priori qui contient et indique la finalité. La contradiction de la dynamique est donc d'abord dans ce passage d'un mode de production centralisé, dirigiste, autoritaire (celui de l'Empire romain) à un mode de production provincial, cellulaire, autarcique (celui du domanial). Une praxis régionale doit se substituer à une praxis globale ; le pouvoir politique doit passer de la ville à la campagne, de l'impérialisme du grand commerce à l'économie locale, de la Rome impérialiste à l'autonomie du secteur agraire. C'est que la nécessité économique qui fonde l'Empire romain, son impérialisme et affairisme, a comme conséquence le statut administratif des provinces. Dans celles-ci, et en Gaulle en particulier, l'autorité politique est exportée, elle n'est pas la superstructure qui répond à la production locale et rurale. C'est une juridiction formelle, centralisatrice, d'exploitation par la ville de la campagne, qui conditionne la praxis régionale.
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La contradiction, de la dynamique globale, est d'abord entre le formalisme dirigiste et la production locale. La mise en valeur de la terre répond aux nécessités de la stratégie économique et militaire de Rome. La Marche, puis la province, est un mixte entre la culture et la barbarie. L'Empire romain maintient la province dans sa fonction d'approvisionnement de Rome. La stratégie militaire immédiate ne fait que répéter la stratégie économique à longue échéance. Pas de transformation de la production qui modifierait les rapports de production locaux puis de la province à Rome. Non seulement la vocation rurale doit être maintenue, commercialisée par les Romains, mais encore délimitée, comme niveau de production, selon le dirigisme de Rome. La production est celle de la grande exploitation (villa). Le problème de la production cellulaire ne peut être résolu dans ce contexte. La contradiction de la dynamique va circuler de cette culture colonisée au formalisme juridique, dans cette relation de colonisé à colonisateur. La barbarie réapparaît aux frontières car elle est en puissance dans l'Empire, comme terres vierges de la province. A l'inculture des forêts et marécages dans l'Empire, répondra la barbarie, comme invasion. La contradiction entre l'Empire et la barbarie est amenée par la contradiction entre Rome et la province, entre l'impérialisme économique et la sujétion colonialiste de la province. La barbarie comme invasion, fait historique, n'est pas le surgissement d'une extériorité dans la culture délimitée géo-politiquement. Au contraire, elle est la contradiction que la culture porte en elle-même. Si l'Empire peut être envahi, si les invasions se succèdent et déferlent en Occident, ce n'est pas de par la dynamique spécifique des peuples de l'Est. Mais au contraire cette dynamique est provoquée par celle de la culture : la contradiction entre la Rome de l'origine et celle de l'impérialisme, entre la culture romaine et l'inculture des provinces, est aussi celle de l'Empire romain et des barbares. L'Empire ne peut s'opposer à l'extérieur à ce qu'il a instauré à l'intérieur. Cette fatalité de la contradiction de l'Empire, par l'extension territoriale, est donc la cause des invasions. L'Empire romain se désagrège et le barbare pénètre dans les provinces, triomphe et fait souche. L'invasion va faire progresser la problématique de la production. Elle brise le cadre juridique et formel de l'Empire (mais subsiste l'institutionnel qu'est le droit romain). Elle est un apport démographique (l'implantation d'une main-d'œuvre) et surtout elle apporte la relation suzerain-vassal, c'est-à-dire l'implantation, dans le secteur rural, d'un principe de hiérarchie et d'administration qui résoudra le problème de la production locale. Le lien vassalique sera le deuxième stade de la réduction et formalisation de la dynamique du macrosocial. Il est la forme à priori qui permettra la continuité de la société romaine à la société guerrière, du nomadisme à la propriété foncière, de la
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guerre à l'exploitation du secteur rural. Ce sera aussi la relation d'intégration de l'envahisseur par l'autochtone. La période féodo-vassalique, qui précède la féodalité dite classique des 10e et 12' siècles (et celle-ci ne verra pas de modifications essentielles des aspects juridiques de cet ordre) consacre un modèle de relationnel comme régime de la propriété foncière. Le statut de la personne est le régime de la propriété. Cette immanence du relationnel à la praxis deviendra décalage (par la médiation, le droit, l'institution) du système relationnel (comme code, honneur, psyché) et de la propriété foncière. Mais ce ne sera que progressivement que le statut de la personne se dégagera de l'organisation de la production. L'immanence du relationnel à la praxis est empiriquement indiqué par la double origine probable du lien vassalique. On pourrait faire remonter ses origines «soit dans les formes de clientèle qui étaient familières sous le nom de commaendatio, à la société du Bas-Empire romain, soit dans les liens de compagnonnage guerrier que connaissent presque toutes les sociétés germaniques4». Le même mode de relation a sans doute cette double étymologie, à la fois dans la société guerrière et dans la société civile. Cette dualité révèle sa complémentarité dans le lien vassalique-statut de la propriété foncière. Une double praxis guerrière et de production sera la spécificité du lien vassalique, de la féodalité. Et c'est par la propriété foncière que se fait la synthèse. L'échange entre personnes, le relationnel, est donc toujours tributaire du fonctionnel (métier, praxis). Il est hiérarchisation, et réciprocité, selon la praxis, selon le mode de gestion de la praxis. Mais cet échange est au niveau de la gestion, du possédant du superstructural. C'est l'organisation d'un secteur, de l'exploitation, et du produit (marchandise) et du producteur (serf). Le possédant, le pouvoir, prête, mais pour la gestion, une partie de son avoir, d'un avoir qui déborde ses propres moyens d'exploitation, délègue son crédit, qui est représenté dans une sous-division de l'avoir. Comme contrepartie il reçoit une sujétion toujours très importante sur le plan politique et relative sur le plan économique. Le vassal sera comme un intendant qui bénéficie, pour l'exploitation, d'une délégation de pouvoir, qui permet une autonomie de gestion garantie par le maître lui-même. Mais cet échange est celui du possédant et du gestionnaire (comme peut l'être celui de «l'exécutif», directeur, et du capital, dans le néo-capitalisme). C'est la hiérarchie économique qui crée la relation de personne. L'échange est hiérarchie dépendante de l'économique. C'est ainsi que se présente le relationnel, en son principe, lorsqu'il échappe à la production servile et que se cons4. C. Parain et P. Vilar, loc. cit., p. 34.
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titue la praxis rurale. Cet échange est entre le spontanéisme et l'institutionnel, entre l'improvisation et le code. Il est mutant et constitutif. Il est entre la praxis qui se défait, dont l'institutionnel n'est plus effectif, et la nouvelle praxis qui s'instaure, lorsque l'institutionnel n'est pas encore agréé. Ainsi, le fonctionnel sera mixte : à la praxis économique doit s'adjoindre l'autorité des armes. Et l'apparente spontanéité du relationnel, l'apparente empirie de l'organisation, n'est autre que la nécessité d'un volontarisme de l'individu qui se substitue à l'autorité de l'institutionnel. L'échange est réciprocité des personnes, car réciprocité de l'économique et des armes ; le grand propriétaire distribue une partie de ses terres à un vassal qui en contrepartie se bat pour le suzerain. Alors le fonctionnel est mixte : la pacification est à la fois fait guerrier et fait économique. La relation suzerain-vassal dédouble la même praxis comme modèle du relationnel car c'est la solution du problème de l'époque, la mise en valeur, comme implantation d'institution politique. Les différenciations historiques, de cette nécessité de la praxis, de ce modèle de relationnel, peuvent apparaître contradictoirement : tantôt c'est le barbare qui intègre, tantôt il est intégré. Mais le commun dénominateur aux différenciations historiques est le lien vassalique, le statut de la propriété foncière. C'est par cette forme que l'événementialité est réduite. Et c'est en référence à la propriété foncière qu'elle trouve un sens et une fin. Et c'est lorsque le mode de production a ce statut, lorsque «l'élan vital», la dynamique sont réduits, finalisés par le lien vassalique, que la troisième strate de la formalisation peut ordonner le nouveau secteur de culture qu'est la vie privée. Le christianisme (l'idéologie), lorsque la problématique de l'avoir est résolue, peut faire la régulation des rapports entre les possédants. C'est que toute une nouvelle culture s'ouvre à la praxis : celle du relationnel, qui, rapport de personne à personne, va devenir code d'une classe sociale et même civilisation d'Empire (chrétienté). Toute une praxis dans une classe a comme principe et fin le superstructural, lorsque la problématique de la production et de la possession est réglée. Le barbare se convertit car le christianisme est l'idéologie de la propriété foncière, parce que le relationnel entre propriétaires est le christianisme. Mais cette rencontre, de la propriété foncière et d'une religion, cet accident, qui met en connexion un mode de production local et un modèle de relation universel, a sa nécessité, son sérieux dans l'identification du statut de la production et du modèle de la relation. L'existant est à la fois production et relation. Nous avons déjà expliqué comment la causalité économique se fait constitutive et intégrative. Nous avons vu dans le politique, comme mode cons-
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titué, forme de gouvernement, système administratif, l'apparition de la superstructure, de l'idéologie de la cellule de production. Le relationnel, le modèle de la vie privée, va s'acquérir, comme création d'une superstructure spécifique, comme rencontre de la causalité économique et de la dynamique macrosociale. Alors la problématique du géo-politique, de la dynamique, du macrosocial s'est progressivement réduite et localisée dans l'institutionnel. Et c'est par la figure politique particulière de ce moment que la production rurale pourra finir sa réduction du macro-événementiel et commencer la constitution de son propre ordre macro-social. La continuité du superstructural dirigiste à l'infrastructural productif est donc la relation suzerain-vassal. Une fin et un commencement, une causalité événementielle et une causalité économique se rencontrent en cette institution. C'est le passage de l'Empire romain extensif, mode de production dirigiste venu de la grande métropole, colonisation des provinces, à la cellule de production, comme véritable commencement du système de production agraire, puisque accession à l'autonomie locale, puis à sa propre centralisation. A la praxis globale s'est substituée la praxis locale, c'est-à-dire la production rurale. Ce qui n'était qu'un terme constitutif est devenu le constituant. A partir de cette rencontre, toute l'événementialité antérieure n'est plus constitutive du superstructural, elle est intégrée par cette complémentarité de perspectives de la causalité économique et de la dynastie capétienne. Le vassal va identifier la double nécessité, de la dynamique et de la production : comme chef de guerre et comme intendant, comme continuité, accomplissement du superstructural antérieur et comme principe de la mise en valeur, ingénieur et contremaître de la production rurale. Cette relation suzerain-vassal est répétitive mais, ce qui fait la différence capitale avec l'antériorité, c'est que le lieu de ce répétif est la cellule de production, comme autarcie économique et autonomie politique (seigneurie, domanial). Le lien vassalique est la constante de tout régime politique, le vassal assurant une double fonctionnalité d'administrateur-gérant local et de capitaine-chef de guerre. Historiquement, une antériorité peut exister, entre les deux états, selon la conjoncture, d'attaque, ou de défense, selon le degré d'intégration au mode de production, selon le référentiel superstructural du géo-politique. Le fait de guerre peut avoir comme récompense le fief, de même que le fief suscite la défense héroïque du vassal. Et le problème de la genèse, de l'antériorité, du constitutif d'un terme est un faux problème. Le lien vassalique est en constante mutation, de la hiérarchie guerrière, au compagnonnage guerrier, selon les fluctuations du macro-social dans le cadre géo-politique. Il ne faut pas donner au terme un sens univoque, fixé à une époque ou même à une conjoncture. Mais ce qui fait sa spécificité, en France, vers le
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10' et le 11® siècle, est detre une vassalisation au deuxième degré, le répétitif, la constante de la fonction guerrière définie par le mode de production en même temps que la mise en valeur de l'unité de production. 3. De la relation personnelle au statut de classe Le suzerain choisit parmi sa clientèle son vassal. Et celui-ci choisit aussi son suzerain. Si cette élection est dépendante de l'économique, elle est aussi un lien de personne à personne. Les états affectifs, d'estime, de bienveillance, jouent librement dans le compagnonnage guerrier. A ce moment, aussi, la vassalisation (plus exactement son moment qui consacre le passage de la guerre à l'ordre chrétien : la chevalerie, sans encore la compromission économique du fief) est totale promotion sociale. Elle est anoblissement de fait. Le chevalier peut être encore n'importe qui, même un serf. Aussi la reconnaissance par le suzerain est passage du hasard des armes ou de l'anonymat de la glèbe, à un rôle social, à une indépendance locale consacrée par l'octroi d'un fief qui garantit l'indépendance économique. Aussi l'accession à, ou la confirmation dans la vassalisation, est la consécration à la fois de la volonté de puissance (intérêt de domination, champ social d'exercice de la vitalité) et de la réciprocité sociale (car au 1Γ siècle, au moment de la période guerrière, le suzerain a autant besoin de ses vassaux que ceux-ci du suzerain). En même temps que l'accession (ou la confirmation) à la puissance sociale, se réalise l'échange des hommes libres. Il ne peut encore y avoir de frustration chez le vassal, qui devient un maître et un égal. Mais ainsi est consacrée une distance infranchissable et qui est totalement consentie par le vassal. Celui-ci va apprendre, dans la scission qu'est l'impuissance, l'acceptation de la nécessité, la limite de son pouvoir. A la réciprocité guerrière se substitue la seule subordination économique. Et c'est le triomphe du chevalier, du vassal : la pacification est son œuvre. Mais elle le fait rentrer dans le rang. Au service guerrier va succéder le service de cour. La subordination rentre dans les cadres administratifs. Le fief n'est plus conquête, mais concession. S'il se fait héréditaire, consacrant l'accession à la noblesse par la continuité dynastique, c'est par la soumission à l'impôt (paiement au suzerain quand le fils du vassal succède à son père). Et cette brisure de la dynamique ascensionnelle, de la volonté de puissance, est aussi cassure de la réciprocité des libres. Le jeu dynastique ne met plus en relation des personnes mais des lignées. A cette impersonnalisation correspond le concurrentiel qu'est la progressive hiérarchisation de l'ordre, son passage à une classe sociale. Cette hiérarchisation a été sans doute celle de la dynamique. Mais maintenant, la paix acquise, c'est le jeu des successions et des alliances, la poli-
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tique dynastique qui devient le principe de hiérarchisation. Et celle-ci aura recours à toute une symbolique, à tout un système de préséances, qui sur le plan formel des relations sociales-libres, s'acharne à manifester le rang conquis et défendu. La délimitation de la volonté de puissance est aussi celle des suzerains. Le système féodal voit la multiplication des liens de suzerain à vassal (de par l'enchevêtrement des liens dynastiques, de mariage, de succession, de par la politique de regroupement des terres, l'acquisition de défrichements, etc.). L'hommage-lige doit être institué pour ordonner cette floraison. Ainsi le suzerain, qui subordonne son vassal, délimite sa puissance, le fixe dans une finitude, est le vassal d'un suzerain plus puissant. Cette chaîne remonte ainsi à cinq ou huit grands suzerains, eux-mêmes dans la relation de vassalité à l'égard du roi. La plupart des hommes libres et nobles font ainsi l'expérience de la domination et de la subordination. Leur maîtrise est la synthèse de cette double situation. Le suzerain est fixé dans cette situation qui le confirme dans sa puissance, mais la délimite. Et c'est la maîtrise de cette situation qui est le noyau de la structure à partir duquel va irradier l'idéal courtois. C'est aussi à ce moment des chaînes de relation suzerain-vassal que la volonté de puissance peut encore se manifester, dans le refus de la subordination vassalique. Mais ce ressurgissement de la guerre intime ne fait que consacrer l'ordre féodal dans sa finalité régionale. L'insoumission des grands vassaux est refus de l'intégration de la structure féodale dans l'Etat, négation des seigneuries autonomes. Leur force guerrière, politique, confirme par contre l'intégration dans la région, la pacification, la structuration féodale. Cependant, la même nécessité qui a subordonné le vassal au suzerain, va subordonner le suzerain au roi. L'Etat, négation des autonomies régionales, est accomplissement de l'ordre féodal. Sa structure n'est pas de nature différente de celle de la structure féodale. L'extinction de la guerre civile est donc la fixation dans l'ordre des hommes libres. C'est le consentement à la subordination qui autorise une domination. La liberté de l'homme est consentement à la nécessité de l'ordre. (Ce n'est que plus tard que le geste illustrera dans le particulier cette liberté de l'ordre, qui s'est conquise sur la relation étymologique purement guerrière.) Et c'est l'ordre qui assure par l'addition des forces libres (totalité des vassaux et suzerains) l'intégrité du territoire, portant la guerre chez le barbare, de même que la structuration globale impose la paix à l'intérieur des grandes régions.
CHAPITRE
III
La noblesse comme praxis de classe Du lien vassalique à la mondanité : de l'étymologie féodale à la vie de cour
I. IDENTITÉ DE LA HIÉRARCHIE NOBLE-SERF ET SUZERAINVASSAL — La coupure praxis de classe-praxis globale est aussi contradiction, dans la noblesse, de l'économique et du chevaleresque Si le paysan a dépassé le paganisme originel, par son travail il retombe dans l'aliénation, mais politique : il est frustré de sa production. Par l'étymologie de sa fonction et par le rôle économique (force productive réduite à un moyen de production), le paysan est doublement soumis à la noblesse. Sa praxis le libère de la nature pour l'asservir par le politique. Cette soumission du paysan est aussi soumission des biens de consommation à l'idéologie, au christianisme. Le biologique, au niveau des besoins, est totalement alors contrôlé par le politique. Du politique à cette première définition de la nature, il y a une différence «d'estats». Deux ordres s'excluent : celui de la nature (paysan) et celui de la culture (noblesse). La nécessité organique est totalement contrôlée par la classe des hommes libres. L'économie est totalement subordonnée et contrôlée. Ainsi les rapports d'estats, de classe (noble-serf) se présentent d'abord dans le dualisme de la liberté (réciprocités des libres) et de la nécessité (production). Mais la nécessité qui préside aux rapports de classe se retrouve aussi dans les relations personnelles des nobles pour fonder l'ordre. La hiérarchie sociale est fixée autant entre les personnes qu'entre les estats. C'est la même culture qui préside à la domination du politique sur la nature, que ce soit la nature politique du concurrentiel (volonté de puissance, anarchie) ou la nature biologique des besoins organiques. Ainsi la liberté n'est que le consentement, d'abord par l'individu puis par la dynastie, à un ordre. La relation la plus libre entre individus est la même que la relation la plus nécessaire entre les classes. Ainsi la liberté garantit la nécessité comme celle-ci garantit la liberté.
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Nous avons défini non seulement l'appareil institutionnel de cette culture mais aussi et surtout l'interdépendance de ses institutions. Nous avons essayé aussi de montrer la continuité institutionnelle, comment se fixent d'abord les relations et comment elles se continuent malgré les transformations des catégories, causes, origines, qui les ont motivées dans la chronologie des périodes. C'est l'interdépendance globale des institutions qui permet leur continuité à travers la discontinuité des périodes, des catégories, des séries causales. Et cette continuité est celle de la subordination de la nature par le politique. Une contradiction intime de la praxis sera contenue par la structuration, par la continuité de la relation suzerain-vassal et de la relation noblesse-paysannerie. En effet, la praxis, individuelle et de classe, se transforme, mais dans des formes institutionnelles qui concilient longtemps les modifications. Cette contradiction est interne à la classe dominante, entre le chevaleresque et la noblesse, le mérite et l'hérédité, le fondement étymologique et sa continuité dynastique. Cette contradiction fondamentale de la classe noble n'est pas fondamentale de la praxis globale. Celle-ci est maintenant essentiellement définie par la relation de classe (noblesse-paysannerie). Mais c'est par la praxis globale que la contradiction, dans la noblesse, s'actualisera. Si les deux évolutions sont parallèles (celle de la praxis gobale vers une domination de classe, d'exploiteur, et celle de la classe, noblesse, vers une subordination du chevaleresque, par la politique dynastique) ce n'est qu'au moment où le noble devient rentier du sol qu'il se détourne de son moment guerrier, chevaleresque. C'est lorsque le politique profite le plus de l'économique, lorsqu'il interdit la promotion sociale de la paysannerie dans la praxis globale, en la frustrant de son travail, c'est alors qu'il se coupe du principe de promotion interne par l'accident, le contingent (la guerre), dans la praxis globale, et de promotion individuelle par des mérites guerriers, dans la praxis de classe.
II. LA CONTRADICTION DE L'ÉCONOMIQUE ET DU CHEVALERESQUE Vers la dichotomie idée-réel Ce que l'économique avait été contraint d'agréer, qui avait mis sa puissance en réciprocité avec les hommes d'armes, qui l'avait menacé, parfois supplanté, mais qui avait été résorbé par l'intégration dans l'économique de par l'expansion productive, sera maintenant exclu, par la ruse de la politique dynastique du regroupement des terres, qui subordonne de plus en plus, jusqu'à les exclure, la femme, le vassal, le cadet. Non seulement toute promotion
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de type chevaleresque sera impossible (c'est-à-dire la quasi-réciprocité humaine qu'est l'hommage du vassal et la protection du suzerain ; cette relation se fait exclusivement économique), mais encore les modes, devenus traditionnels, du chevaleresque seront exclus de la praxis, de l'effectivité des rapports politiques. Ce qui n'est pas pouvoir économique est écarté, ou s'écarte. Dans la même classe certains se réfèrent au passé, à ce moment de la praxis globale qui justifie leur situation personnelle, tandis que d'autres s'implantent dans le présent, par leur progrès dynastique, profitent pleinement du travail paysan, se tournent vers l'Etat féodal. Le chevaleresque rentre dans la disponibilité, la réserve. Il est entre les deux grandes justifications de sa praxis dans la praxis globale : celle de l'implantation féodale et celle de la période guerrière de la royauté. Ainsi le service de guerre devient le service de cour. La concentration de la vie sociale (plus exactement le commencement de la vie sociale) qui n'est autre que la substitution du service de Cour au service de Guerre, le passage d'une vie de relations locales aux relations provinciales, est aussi concentration des vassaux autour du suzerain, dans la totale dépendance du fonctionnement administratif (justice, etc.), dans l'essentielle référence aux hiérarchies économiques. Alors se révèle la vacuité chevaleresque, la quasi-scission de l'économico-politique et du chevaleresque. Mais cette scission ne peut aller jusqu'au rejet, l'abandon, dans la classe des paysans des plus pauvres. Ce serait se référer aux seuls critères économiques et politiques. La justification de l'ordre, par sa fonction guerrière, par ce qui constitue la symbolique d'une éthique religieuse, de salut temporel et éternel, demeure l'essentiel barrage contre la nouvelle richesse de la production rurale, un nouvel ordre bien plus menaçant que le quasi-parasitisme de centaines de chevaliers sans assises économiques. Abandonner le chevaleresque serait s'abandonner à cette nouvelle promotion, de l'économie rurale. Aussi le chevaleresresque s'il n'est plus le fondement de la praxis de classe est encore nécessaire à cette classe. A la relation suzerain-vassal, mode privilégié et exemplaire de la liberté des rapports humains, relation d'homme à homme, se substitue une vie publique qui doit subordonner à la politique dynastique la disponibilité chevaleresque. C'est maintenant dans le groupe que se déterminent les relations humaines fondamentales, et non plus dans le duo du suzerain et du vassal. Sans doute qu'au 10' siècle, à la période la plus guerrière, ces relations de groupe existaient déjà. Mais ce n'est qu'aux 12' et 13* siècles qu'elles sont déterminantes, qu'elles sont conscientes, comme déterminations élaborées (chevaleresque, courtoisie), comme idéologie, revendication de mode de vie. Et ces notions s'élaborent concrètement, existentiellement, sans qu'il y ait décalage entre la représentation et le vécu, le réel et l'idée. Si la concep-
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tualisation apparaît, prise de conscience de classe, mais aussi de la praxis globale, c'est comme expression du réel. Pas de dualisme idée et réalité. Mais c'est que déjà la réalité est une dualité, dualité de la praxis de classe qui connaît les contradictions entre noblesse et chevaleresque, fondement économique et fondement guerrier de l'ordre. L'idée ne fait donc qu'exprimer la scission du réel. Et l'adéquation du réel et de l'idée n'exprime pas la plénitude que serait la surimpression de l'idée sur le réel, dans un dualisme, d'ordre modal expressif de la même substance. L'idéal (l'idéologie) est le réel lui-même en tant que réconciliation de contraires, tolérance «libérale» qui permet non pas à des contradictions, mais à des moments et des causes différents, qui n'expriment pas une contradiction irréductible, de se concilier par des concessions réciproques. L'idée (chevaleresque, courtoisie) est la ludicité apparue dans l'être féodal, l'être de classe. L'idée n'est pas l'échappatoire du réel, la projection abstraite et ineffective, dans l'idéal, d'une praxis impossible à réaliser. Elle est au contraire la réalisation de deux praxis dans la même praxis. Les deux moments : épopée guerrière du 10' siècle et exploitation économique, chevaleresque et domination de classe, guerre et politique, moments où le réel est suffisamment homogène, fort, nécessaire pour s'exprimer dans l'immédiateté, l'effectivité, la ponctualité expressive de la totalité, doivent maintenant concilier, et dans une réciprocité de «libres», leur commune nécessité dans la même classe sociale. Et c'est maintenant la relation de ces deux moments qui fait la culture ; l'idée (l'idéologie) n'est que la manière, réelle, dont deux réalités se concilient en une. Cette ludicité dans la classe, qui est la nécessité de la praxis de classe, n'est possible que par la continuité relationnelle plus majeure, plus fondamentale, plus nécessaire, de la noblesse et de la paysannerie. Cette ludicité, dans un secteur, ne met jamais en question la nécessité du servage. C'est le sérieux de la praxis globale qui autorise la ludicité de la praxis de classe. (C'est en ce sens seulement que l'idée s'oppose au réel, dans l'irréductibilité, l'indifférence, d'un dualisme de contradiction entre la culture et l'être.) Le ludique a donc un double fondement dans la nécessité : celui de la praxis globale et celui de la praxis de classe. Aussi la fonction du ludique n'est pas l'illustration, l'esthétisation par des modes, manières, surajoutées à une infrastructure sérieuse économico-politique. Le ludique doit permettre de résoudre les contraires d'une classe dirigeante, et ce n'est que par lui que la praxis de classe peut prétendre diriger encore la praxis globale. Le ludique n'est pas gratuité, activité, qui repose du réel. Le ludique n'est pas autre ; mais même, moyen, ruse de classe, implantation dans la continuité. C'est que d'abord par le ludique, les antagonismes qui, à l'image de la propriété foncière et du chevaleresque, se neutraliseraient ou même se détruiraient dans la guerre civile et dans l'intimité de la conscience,
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par la scission définitive de la réalité et de l'idée, renouvellent la praxis, et de classe et globale, dans une dynamique qui tend à faire la praxis de l'Occident maîtresse du monde. La croisade est la première solution au dualisme de la classe dirigeante. Solution de classe : à partir de la domination sur l'économie intérieure, par la noblesse, le chevaleresque peut s'élancer à la conquête guerrière de l'Orient. Ce moment est entre le fondement guerrier du chevaleresque (10e siècle) et la politique dynastique. C'est un débouché pour le vassal, le cadet. Ainsi leur exclusion politique de la praxis de classe est retardée. Ainsi est prolongée la justification par les armes, les vertus guerrières. Le ludique n'a pas le temps de s'exaspérer si le chevaleresque quitte la praxis locale, abandonne l'économique, car c'est pour prolonger sa vocation, en une entreprise qui doit reconstituer, en Orient, l'ordre féodal. Mais ainsi se consacre le dualisme entre le sédentaire et le nomade, l'économie pacificatrice et la guerre de conquête. La croisade n'est pas gratuite mais elle n'est pas nécessaire. Dans son premier moment, sa causalité historique, elle est accident et contingence pour la praxis globale, mais quasi-nécessité par la praxis de classe. Dans sa dynamique de retour (par la restauration de la circulation maritime en Méditerranée et la reprise du grand commence) elle est négation de la noblesse car renouveau de la praxis globale selon des catégories que la féodalité ne peut plus dominer. Ainsi la croisade est une première intrusion de la ludicité dans la praxis globale. L'ironie qui apparaît, de par le décalage entre l'intention de classe, et la réalité qu'elle suscite dans la praxis globale, souligne toute la subversion du chevaleresque. Ironie non intentionnelle, mais de fait, qui par le détour de l'histoire, de la praxis globale, affaiblit son antagonisme de classe, en son principe, l'économique, au nom de catégories combien différentes (religieuses, etc.). Mais la croisade consacre surtout l'affaiblissement économique du chevaleresque. A son retour le chevalier est supplanté, dépassé par la politique dynastique (regroupement des terres) qui consacre le renforcement de l'autorité politique et économique des grandes dynasties et l'affaiblissement des petits vassaux. Un sérieux doublement effectif : politique, qui est intégration de l'ordre féodal dans l'Etat, qui va renouveler la praxis féodale, autoriser son intégration dans une praxis globale que la noblesse ne contrôle plus, et économique (rentier du sol), dénonce au moment du retour du croisé, l'ambiguïté chevaleresque. Ou bien la croisade s'implantait par un royaume chrétien, nouvelle terre, conquise sur l'infidèle (et même si la Guerre sainte échoue, l'implantation de comptoirs commerciaux, les places fortes qui garantissent un renouveau du grand commerce justifient les sacrifices féodaux). Ou bien le reflux des croisés, leur retour
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consacre leur impuissance, réduit la croisade à une aventure, à une entreprise téméraire, qui ne peut pas être une prise sur le réel, qui ne peut plus être considérée comme praxis, ni de classe, ni globale, qui n'est qu'intériorisation, individualisation de la thématique chevaleresque en un affrontement du spirituel et du temporel, de tout ordre politique (même féodal) et du moinesoldat. Les ordres guerriers (templiers) tendent à consacrer cette scission de la praxis de classe et du chevaleresque, par un renouveau de la thématique, qui donne une consistance à la vocation chevaleresque mais où le chevaleresque doit déjà se réduire, dans sa propre contradiction entre la guerre et l'éthique de la guerre, à une vocation religieuse, un renoncement au monde, mais guerrier, et toujours inquiétant pour l'économico-politique. Et ainsi se crée un Etat dans l'Etat. Au moment où l'unité nationale va se détourner de l'ordre féodal pour se consacrer au renforcement de la nation (Philippe le Bel), s'actualisera le conflit entre deux politiques : l'une, prolongement de la noblesse, consécration de son pouvoir dans l'Etat féodal qui veut intégrer le chevaleresque dans une armée nationale pour les guerres de défense et d'agression, entre nations limitrophes, et l'autre tournée vers le passé, nostalgique, qui renforce la symbolique chevaleresque à mesure qu'elle perd la praxis, amenant peu à peu, ainsi, l'opposition du chevaleresque-économique à un dualisme du réel et de l'idée, qui isole le pouvoir central, et que celui-ci doit détruire, comme principe qui menace l'ordre intérieur, consacrant ainsi l'échec du chevaleresque sur le plan national, dans sa dynamique, sa tentative de fonder un royaume d'Orient. Alors le chevaleresque s'est définitivement coupé et de la praxis globale et de la praxis de classe. Le chevaleresque se réduit à sa thématique, à l'idéologie dans le processus d'intériorisation de la scission ; ce qui exclut de la praxis globale, de classe, est fondement de l'individualité. C'est dans la subjectivité que la vertu chevaleresque revendique, assume son exclusion de la praxis. C'est alors que le ludique du chevaleresque tombe dans la gratuité, passe de la praxis de classe à l'individualisme. Et c'est lorsque le chevaleresque prend conscience de lui-même, se fait éthique et ascèse de l'individu, qu'il perd sa nécessité, que celle-ci, dans le reflux des croisades, dans la retombée de sa dynamique, n'apparaît plus que comme une aventure que la praxis nationale doit briser avant qu'elle ne se tourne contre la nécessité du nouvel ordre. Non seulement le chevaleresque s'est coupé de la praxis, mais il apparaît comme subversion qui le condamnerait presque à la clandestinité, lorsqu'il poursuit encore l'épopée du mérite. La conscience de soi s'oppose alors à la réalité, car moment le plus aigu de la coupure du chevaleresque et de la noblesse. Alors le chevaleresque renonce à toute prétention politique, soit qu'il prolonge sa praxis étymologique dans le personnage
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du chevalier errant, soit qu'il consente à n'être plus que le jeu du sérieux, faisant de sa praxis le divertissement de la praxis économico-politique du suzerain, du noble (tournoi). Le tournoi est la transformation de la guerre en jeu sous les dehors de la préparation militaire. La fonction guerrière est vidée de toute signification politique ; elle n'est plus que la permanence d'un métier, et qui ne trouve plus à s'exercer. Le tournoi est raccourci symbolique de l'affrontement chevaleresque, mais en dehors du contexte historique et en dehors de l'affrontement de la mort. Il a, au moment de la guerre entre féodaux, le rôle de la préparation au combat. Il est moyen d'une fin, la guerre. Mais la guerre entre féodaux étant dépassée, la préparation militaire, de moyen, se fait fin. La décadence du guerrier apparaît dans la préparation non à la guerre, mais au tournoi. Le chevalier n'est même pas un mercenaire. C'est un acteur qui devant un auditoire cherche à gagner sa subsistance. Et s'il n'est pas réduit à cette nécessité alors l'enjeu du combat tombe dans la frivolité ; le chevalier se cherche un témoin : la femme. Non seulement le combat est un jeu, mais son enjeu est frivole. Le panache se substitue au courage, l'affrontement du rival à celui de la mort. Le combat se fait mondain. Il devient une fête, un divertissement de la praxis. L'antithèse de cette frivole gratuité est le personnage du chevalier errant, du redresseur de tort pour qui la guerre ne peut être que Guerre sainte. Mais c'est justement le motif de se battre que le chevalier ne trouve plus. Et s'il ne veut pas consentir au jeu stérile que devient le métier des armes, il se condamne à l'éternelle errance, disponibilité. S'il est en dehors de la praxis (chevalier sans suzerain, ou de retour de la croisade, soldat irrécupérable, etc.) il cherche à se réintégrer : il est à la recherche d'un suzerain (réalité) et d'une cause (idéal). Il représente donc le passage de la réalité au mythe, du concret à l'idéal par l'ambiguïté de son personnage à la fois réel et imaginaire, continuité d'une praxis impossible à l'intériorité, à la conscience subjective. Le chevalier errant recherche la répétition de la macro-dynamique de classe dans le comportement individuel. Ce qui n'est plus possible dans le général peut l'être encore dans le particulier. Et c'est son impuissance à particulariser dans le concret, son intention, qui l'oblige à un universel, à une justification par l'idéal. Et le paradoxe, qui n'est que nouvelle vérification du sérieux de la praxis, c'est que le chevalier errant ne trouve que l'aventure, l'action en marge de la praxis, dans une contingence qui frôle la subversion. Alors que son intention est conscience du chevaleresque, son action est contingence, aventure. La scission s'assume dans le progressif décalage entre l'idéal et le réel, la praxis et l'aventure. L'affrontement n'est plus que le symbole
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d'une promotion intimiste de 1 ethico-spirituel. La solitude est à la fois le sentiment de l'incommunicable et l'échec pratique de la communication. Le chevaleresque perd son contenu mondain. Il doit renoncer au monde qu'il a pourtant façonné. Le chevalier errant ne retrouve sa cause que dans le monastère. C'est ce sérieux pathétique de l'engagement individuel qui interdit au sérieux de la praxis de dénoncer comme gratuité le chevaleresque dans son dernier effort pour se justifier. La ludicité du chevalier n'est pas exercice de style. Il débouche sur un sacrificiel qui ne modèle plus la praxis, mais qui lui sert d'exemple et d'alibi : l'intériorisation, la thématique éthique, l'idéalisation intimident la nécessité économico-politique. Ces catégories vont récupérer, réintégrer le chevaleresque : le mythe ne pourra devenir l'attraction négative d'une fraction de classe (qui comprend les meilleurs, ceux qu'il faut récupérer dans la praxis). Toute conduite sociale tendra à se servir de l'ambiguïté entre l'idéal et le réel, le chevaleresque et la nécessité économico-politique. Dans son échec elle se sert et dans la praxis maintenant, dans l'affrontement, comme stratégie de la consolation, des valeurs universelles de l'idéalisation chevaleresque, et dans son succès elle profite de l'économico-politique dynastique. Le chevalier errant, être exceptionnel, perd de son exemplarité. Il n'est qu'un cas limite du comportement typique de la classe, une tentation à éviter car elle est perte d'un potentiel humain qui isolerait dangereusement l'aspect économique, nécessairement pratique, de la noblesse. L'idéalisation doit s'intégrer à la praxis, qui la reconnaît dans la mesure où elle est mode de participation de classe qui peut dénoncer alors comme gratuité et aventure le chevalier errant, l'idéalisme sans concession à la pratique.
III. CONSCIENCE DE CLASSE : L'HONNEUR COMME COMPROMIS ENTRE L'ÉCONOMIQUE ET LE CHEVALERESQUE Le ludique, équilibre de l'idée et du réel Ainsi le chevalier est rentré dans le rang. Le chevalier servira dans l'armée les desseins de l'Etat féodal. De moment essentiel de la praxis, il ne devient qu'un moyen, essentiel encore, de l'action. Puisque le chevaleresque ne risque plus de dominer la noblesse, puisqu'il a échoué dans la praxis globale, dans le macro-social, il peut dans la subordination protéger, maintenir l'ordre établi et le justifier. De plus, comme nous l'avons dit, la solidarité de classe interdit de rejeter dans la servilité ou la dépendance du travail rural l'excé-
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dent de classe que devient le chevaleresque : ce serait pour la noblesse se soumettre à la poussée économique, à la praxis paysanne. La noblesse ne rejette pas dans le négatif, dans le subconscient de classe, la progressive intériorisation, et conscience d'elle-même, qu'est devenu l'état, l'attitude chevaleresque. Celle-ci rendue ineffective, elle n'en est pas moins estimable et même exemplaire, car présence, actualisation, permanente d'une nécessité et d'un mérite. Ainsi le chevaleresque n'est plus pris en considération sur le plan de l'effectivité politique, concrète : sa praxis, quand elle veut exprimer l'acte étymologique, et lui seul, sans le nouveau contenu que lui donne la noblesse et sa politique dynastique, vers l'Etat féodal, est réduite à un exercice de style, à un jeu (le tournoi). Au contraire est prise en considération l'intériorisation chevaleresque, dans la perspective d'un reclassement du chevaleresque, et de l'élaboration d'une idéologie de classe qui doit éviter la définitive scission entre la subjectivation, la progressive intériorisation de la thématique chevaleresque qui aboutirait au détachement du réel (mystique) et le cynisme opportuniste de la réussite, soit économique, soit dynastique, qui aboutirait à une autre désagrégation de l'ordre féodal, par l'intégration de la nouvelle richesse, soit du monde rural, soit des commerçants. Si la classe, qu'est le dialogue maintenu entre ses deux composantes, accède à la conscience, à l'intériorisation, c'est par nécessité de classe. Et la conscience n'est pas l'expression dans d'autres catégories (intellectuelles, religieuses) de la réalité économico-politique. Elle est la réalité elle-même, dans l'opération synthétique, existentielle qui réconcilie les divergences de classe. Elle est unité de classe, acte effectif de la praxis, et non illustration de celle-ci. L'honneur sera cette conscience de classe, mode de reconnaissance, par un système de symboles, mais immanents au réel, de l'économico-politique et de l'éthico-religieux, de la propriété foncière et des vertus guerrières. Ainsi le ludique n'est plus l'éviction de la praxis, c'est-à-dire la réduction à la contingence, à l'individualisation, à l'esthétisation, à l'aventure par la nécessité de la praxis de classe. Le ludique apparaît dans la nécessité déterminée par la praxis de classe ; le chevaleresque est aussi nécessaire à cette classe que l'économico-politique qui la fonde dans la praxis globale. Mais cette implantation dans le sérieux donne au ludique une nécessité qu'il n'avait pas dans l'épuisement de la praxis chevaleresque (chevalier errant, tournoi). L'honneur est le principe viril, l'engagement personnel dans la preuve, par l'affrontement. Il reprend la relation suzerain-vassal dans sa nécessité pratique et privilégie l'aspect formel, la relation personnelle, plutôt que le contrat économique. Ainsi il élargit une relation particulière à toutes les relations d'hommes «libres». Et alors que la praxis a dépassé le moment de son fondement, la relation suzerain-vassal qui a établi l'ordre féodal, l'hon-
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neur, répété en toute circonstance, en toute relation, personnelle, le moment fondamental et glorieux de la praxis de classe, celui où le fondement économique est aussi chevaleresque, affrontement et soumission de la nature sur le plan personnel et collectif. Aussi cette répétition, qui rejoue en toute circonstance une nécessité, devient une morale, c'est-à-dire passage du comportement individuel au comportement de classe. Mais elle est aussi adaptation personnelle, selon les propositions existentielles, en référence à des formes idéales : un talent mondain, un savoir-vivre qui est aussi un savoir-faire, profite de la marge d'adaptation que n'accordent ni le combat guerrier ni l'âpreté de l'économico-politique et qui consiste à établir une analogie symbolique, d'un symbolisme immanent, entre l'étymologie et les circonstances particulières du vécu personnel. Une ostentation est autorisée (dépenser, dons à l'église, etc.) qui est utilisation de la nécessité à des fins de représentation personnelle. Le ludique est dans le décalage entre la nécessité originelle et sa répétition personnelle, dans la manière de représenter, de signifier, de symboliser, dans l'éloignement de l'engagement économique et politique, dans les degrés de l'engagement personnel, l'affrontement de la mort n'étant qu'un cas limite. L'honneur devient symbolique sociale, langage bien plus actuel qu'allusion à la nécessité chevaleresque. Il est signe de participation à la classe dominante et moyen de concilier les contradictions de cette classe, en réconciliant le formalisme, qu'est l'éviction de la praxis, au contenu économico-politique, et en justifiant la politique dynastique de centralisation. L'honneur devient le double jeu d'une classe, mais double jeu d'un sérieux. Il permet, par le rappel, l'actualisation de la commune appartenance, à chaque partie de jouer son propre jeu, dans la réciproque concession, ratification, non dite, qu'est la vie mondaine. IV. LA PSYCHÉ 1 — Subconscient de classe puis subjectivité que l'extension de la mondanité transforme en dualité honneur-psyché A . LA VIE PRIVÉE (COMME RÉCIPROCITÉ DU LIEN VASSALIQUE ET DE LA NÉCESSITÉ DYNASTIQUE) EXALTÉE PAR LA VIE DE COUR AU MOMENT DE LA PACIFICATION RÉGIONALE
La première vie mondaine est ce moment qui consacre l'accomplissement de la première vocation féodale : la pacification. La fréquentation (le relationnel) 1. N o t r e interprétation de l'amour courtois et de l'amour en Occident n'est qu'une
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déborde la relation de personne à personne qu'est la relation suzerainvassal. En effet, la pacification régionale concentre à la cour d'un grand suzerain les vassaux, par le passage du service de guerre au service domestique. Dans le principe, ces deux services sont dus par le vassal. Mais la pacification régionale acquise, le service domestique se fait l'essentiel du service du vassal. Cette mutation autorise une certaine autonomie de la vie mondaine, c'est-à-dire la vie d'un groupe, dont les modes d'existence et de reconnaissance sont spécifiques au groupe. Mais ce groupe, le relationnel qu'apporte son implantation, ne sont autorisés, et ne sont possibles, que par le lien vassalique (et son parcours de l'étymologie à l'honneur). Aussi c'est dans et par le pouvoir féodal que la problématique mondaine trouve sa solution : la femme, le sexe, la nature seront reconnus, alors, selon un statut mondain qui indique, révèle un déplacement de la culture de classe. D'abord action sur la nature extérieure brute (guerre contre le barbare, implantation de la production locale), cette culture se fait action sur la nature pacifiée, conquise. D'abord dans l'élargissement du lien vassalique (honneur), puis, au deuxième degré, nouvelle culture de la relation privée, intime, les problèmes de la guerre et du travail étant réglés. Cette vie mondaine est alors passage du lien vassalique (comme genèse) à la vie de cour : le relationnel de groupe n'est que l'élargissement d'un mode d'existence antérieur. Son modèle est l'étymologie. Le relationnel du groupe n'invente rien, n'est pas innovation. Il reprend deux thèmes. Celui de la relation suzerain-vassal, duo essentiellement viril, de l'étymologie, du code de l'honneur. Mais à ce thème diurne, il adjoint et révèle le nondit, le non-explicité, qu'était la relation du suzerain-vassal et de la femme. II révèle le triangle relationnel (qui médiatise du duel au groupe, du privé au mondain, du politique à la psyché). La première mondanité révèle ce nocturne de la vie féodale. Elle énonce la situation non dite. Le modèle de relation qu'elle va proposer sera la solution du problème : la reconnaissance, par l'honneur, du nocturne, de la relation du politique et de cette nouvelle nature, dans la classe, qu'est la femme. Autrement dit, la vie publique commence par la structuration de la vie privée : le modèle de relation sera non seulement la
réflexion à partir du livre de Denis de Rougemont, L'amour et l'Occident. Mais alors que sa prodigieuse découverte sociologique est neutralisée par son idéalisme nous proposons le fondement matérialiste de l'amour courtois : la politique dynastique du regroupement des terres. L'infrastructure du système de la parenté de la classe dominante n'est que le reflet de l'infrastructure productive. La propriété foncière est exploitation du serf selon la continuité superstructurale du lignage. La propriété foncière est cause de la politique dynastique du regroupement des terres.
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reconnaissance du problème, mais l'intégration de la psyché à l'honneur. Le passage d'une vie d'affrontement guerrier à une vie publique est soumission de celle-ci à la nécessité étymologique ; mais par contre est révélé à quel prix, par quelle coercition non dite, peut-être non sue, l'ordre s'était établi et maintenu. La relation intime de l'homme et de la femme, leur commune soumission à la nécessité dynastique, le négatif, est reconnu, mais accepté. Cette reconnaissance, acceptation de la nécessité par le nouveau relationnel, autorise la reconnaissance et l'acceptation par l'étymologie. Le groupe accepte la loi de l'étymologie et celle-ci reconnaît le groupe. Ainsi celui-ci acquiert sens, forme, langage (et plus tard un maniérisme, expression du groupe, prétendra se substituer à la nécessité étymologique de l'ordre, lorsque l'autonomie du suzerain sera balayée par l'Etat féodal. Alors ce langage se fera cause du réel). Ainsi, le premier moment de la mondanité connaît la plus forte structuration de la vie privée : elle est le passage de la culture de personne à personne (exclusivement politique) à une cellule de groupe (cour) qui correspond à une pacification régionale. Elle est double assentiment : du suzerain et du groupe, à la même nécessité. La vie privée est médiation de la praxis étymologique à la vie de cour, de groupe. C'est par le statut mondain de la femme que la féodalité passe de son origine guerrière à la pacification. La promotion politique de la femme consacre sa subordination. Cette reconnaissance pour être complète doit passer par les deux termes qui structurent la classe : le supérieur et l'inférieur, l'économique et le chevaleresque, le suzerain et le vassal. La femme n'a de signification que par la relation fondamentale, relation du suzerain et du vassal, en tant que nécessité structurale, permanence et rappel d'une situation, auxquelles les déterminations personnelles doivent se soumettre. De même que l'accession à l'état d'homme libre a été le consentement à la nécessité de la praxis de classe, commune subordination du supérieur et de l'inférieur à un ordre, l'accession de la femme à la dignité de la culture de classe sera le consentement à l'ordre des hommes (qui est lui-même consentement à l'ordre de la praxis). Entre l'honneur étymologique, viril et cette première mondanité, il ne saurait y avoir de dualisme ; de principe viril, mais ludique, car répétition, référence, allusion à la praxis étymologique du chevaleresque, l'honneur se fait principe d'intégration de la femme dans le politique, de la nature dans la relation fondamentale entre les hommes «libres» (suzerain-vassal). Une nécessité, de la praxis, s'est substituée à une autre, mais sans rupture de la structure. Celle-ci se vérifie à travers la discontinuité des motivations de la praxis et à travers la diversité des relations humaines suscitées par cette praxis. Elle est la constante de la formalisation de tout relationnel quel que soit son
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prétexte ; l'ordre féodal se répète, par la soumission des pulsions naturelles à une nécessité politique. C'est par le ludique que la geste originelle du chevaleresque s'est répétée, symboliquement et allusivement, pour devenir principe d'échange social. Et si l'honneur tend à se faire de plus en plus ludique, de par l'éloignement de son étymologie, il retrouve une nécessité immédiate de par l'intégration de la femme dans le système féodal, de par la continuité dynastique. Mais le ludique qu'était la réciproque reconnaissance de l'économique et du chevaleresque, du suzerain et du vassal, va prendre des figures différentes lorsqu'il faudra concilier le désir sexuel et l'ordre social. Le formalisme et l'ambiguïté devront concilier une contradiction encore plus fondamentale que celle d'antagonismes comme l'économique et le guerrier. C'est maintenant l'intimité subjective, l'existentiel, qui se confronte au déterminisme politique, et dans une perspective pacifique, dans une nécessaire conciliation. Cet écart, entre le destin de l'individu et le destin de classe, entre le destin de la femme et de l'homme, dans la constance de l'honneur, doit se ramener à la ratification de la nécessité politique par la particularité subjective.
B. LA RÉPÉTITION
DU MACRO-SOCIAL
COMME
«EXISTENCE».
L'INFRA-INS-
TITUTIONNEL : CATÉGORIES, RÔLES SOCIAUX, ÉVÉNEMENTS
La structure doit donc identifier le micro-social (le relationnel privé, intime) et le macro-social. La même nécessité, qui a ordonné les catégories constitutives de l'ordre féodal (qui a hiérarchisé les ordres et réduit l'événementialité) ordonne, maintenant, «l'existentiel», ce secteur intime, du vécu, qui s'apparaît comme immédiateté, libre expression. «L'existentiel» ne saurait être organisé, comme motivations et buts, antérieurement à l'ordre politique. L'existentiel est effet, expression. Il ne fait que répéter une nécessité, mais transposée sur un autre plan. Il répète les catégories, le sérieux structural, sur le plan affectif, psychologique, comme relation particulière que la relation générale a créée, mais dont elle s'est séparée, dans la distance qu'il peut y avoir entre des catégories macro-sociales et les individus. Cette nécessité ne se sait pas, doit s'apprendre, par l'individu. L'existentiel est donc l'assumation de la nécessité strutturale par l'individu. C'est le «destin». Toute une culture doit l'imposer à la dynamique intime qu'est l'élan vital. Ce dernier peut être défini comme volonté de non-information par le politique, refus de la culture politique et de sa nécessité structurale. Le vouloir-vivre refuse la continuité et la progression, ne veut que le répétitif biologique. Aussi, pour que les catégories féodales soient assumées par l'individu faudra-t-il tout un dressage par le politique. Tout un système infra5
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institutionnel va distribuer la situation type qu'est la relation triangulaire : suzerain-vassal-femme, selon une progression de la situation et une répartition des rôles sociaux. La génétique macro-sociale est reprise comme progression de l'histoire personnelle et le sens des rapports intimes (les sentiments) est celui des catégories. Le macro-drame se répète et se diversifie, comme vie privée. L'individualisation est la reconstitution, dans le relationnel, de la complémentarité des catégories ; et la hiérarchie des individus, de leurs rapports, est celle des catégories constitutives de la structure. Mais répétons-le, en leur principe et vocation, les individus témoignent d'un vouloir-vivre, inaltérable résidu de l'organique, qui résiste à l'identification aux rôles sociaux dévolus par la nécessité politique. L'assumation des catégories, dans le jeu du collectif, sera progressivement apprise, le rôle social se révèle progressivement. La progression événementielle est celle du rôle social. L'apprentissage prévoit des paliers (ruse du destin). Pour que les rôles sociaux atteignent la pureté des catégories (connues et révélées par la structure), l'individu doit renoncer totalement et cela s'apprend progressivement. Pour que le destin individuel s'accomplisse en ratifiant l'ordre social, pour que les catégories se redistribuent en atomes différents mais dans des cellules identiques, ces catégories doivent se redistribuer selon un dosage progressif dans l'existentiel, selon des expériences, répétitions, qui permettent la compénétration progressive des catégories d'après la compénétration progressive des consciences. Comme la dynamique événementielle s'est retrouvée dans la structure, les consciences doivent se retrouver dans l'un (si les rôles sociaux se confrontent, c'est pour une réconciliation dans l'identité du destin). Les catégories se disposeront selon une progression événementielle ; la confrontation triangulaire sera linéaire et chronologique. La dramatisation est donc inhérente aux relations sociales. Elle a son origine dans l'événement. Celui-ci considéré non plus comme accident, mais dans la totalité de la continuité, la complémentarité des rôles sociaux, constitue la psyché. L'accession à la nécessité politique doit rester existentielle, conserver à tous les moments le coefficient subjectif qui pathétise la psyché, comme réalité immédiate, à tonalité organique. C'est que l'identification progressive du subjectif au politique n'est pas le passage d'un état à un autre, qui serait radicalement hétérogène, mais élargissement du champ subjectif à la totalité du champ social, par l'expérimentation d'une nécessité qui ne débouche pas sur une prise de conscience critique qui pourrait mettre l'ordre social en question (l'attitude critique se manifestant par le surgissement d'autres catégories, esthétique, religieuse, hérésie, par exemple). C'est l'intériorité qui donne importance et signification au déroulement de la nécessité. C'est par elle que la nécessité impersonnelle, globale, «s'existentialise». C'est par cette dimension que
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l'arrivisme (l'efficace de l'agressivité, car canalisée et orientée pour le politique) et la séduction (l'efficace du sexe, car conduite sociabilisée dans la classe dominante) sont résorbés, réduits, par la structuration de la vie privée. Et comme cette dimension réalise l'intégration de l'organique dans l'ordre social, comme elle s'accomplit en termes politiques, elle se révèle comme la conduite de médiation entre la pulsion organique et l'assumation politique de la nécessité. Ainsi c'est l'ordonnance événementielle qui actualise la structure dans la subjectivité. Ce «destin» décompose les catégories, par l'affrontement des individus et les réconcilie par la reconnaissance de l'universalité du destin (de classe). Ainsi les catégories s'interpénétrent par ces deux moments. Le premier, analytique, différencie la réalité sociale en ses aspects les plus particuliers, les plus favorables au dialogue. Le second, synthétique, reconstitue, dans le devenir, la nécessité féodale. Ainsi l'ordre social assure sa continuité (le devenir est d'ordre répétitif) ; il reconstitue dans le devenir la nécessité étymologique. Celle-ci s'exprime dans la dynamique sociale par l'analyse et la synthèse de ses éléments constitutifs, par l'événementiel et l'individualisation. Ce dernier terme est l'assumation du conflictuel, le déchirement, le choix, l'arrachement et le renoncement. Ce pathétique, de l'humain, comme retombée de l'élan vital, est l'individualisation. L'individu politique, pour s'accomplir, doit porter un pathétique renoncement. La vie secrète est la mémoire du désir ; l'actualisation de celui-ci n'est plus que son image nostalgique. La continuité événementielle de la relation triangulaire aura donc le pathétique du destin. Celui-ci est l'expression psycho-affective de la structure. La vie privée est émotion de la chair et drame de l'affrontement public. L'instinct est sollicité autant par l'image que par le sang. Cette interaction dans son unité, de l'émotion sensible et du micro-psycho-drame politique, est la psyché. Ainsi, la noblesse devient classe sociale. Ainsi le politique se fait nature, de classe (la culture se fait ontologie). Cette continuité événementielle est faite du continuel rajustement des catégories (entre elles), des rôles sociaux (entre eux) et des catégories et rôles sociaux ; c'est la progressive ratification de l'ordre social par l'existentiel. La compénétration des catégories et rôles sociaux selon la nécessité structurale constitue le destin de classe. Et de même que la strutture est le principe explicatif de l'importance et hiérarchie de ses éléments, le destin de classe est le principe explicatif des destins personnels.
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La structure
C . SYNOPSIS LA
DE
SITUATION
féodale
LA
PSYCHÉ S .
LIMITE
:
DESCRIPTION
LES
CATÉGORIES
CONSTITUENT EN CONSTITUANT LA
«PHENOMENOLOGIQUE» PSYCHO-SOCIALES
QUI
DE SE
PSYCHÉ
Déjà, en son premier moment, l'événementiel enracine le désir biologique et l'élan du cœur dans le politique. Les modèles culturels sont la visée du désir. C'est en référence aux qualités chevaleresques, à la prestance du jeune chevalier, à l'échelle des valeurs à laquelle se mesure le concurrentiel, que s'éveille et se maintient l'intérêt amoureux de la femme. De même pour l'homme : la féminité lui apparaît dans sa perfection de par les grâces seigneuriales. Alors la pudeur de la femme peut étonner et fixer le désir, comme la plus sûre coquetterie. Si les racines du sentiment sont aussi celles du chevaleresque, sa violence, ce que l'on peut dire le coup de foudre, n'est autre que la soudaine rencontre de la plus parfaite incarnation politique des vertus physiques. La similitude de situation politique, de la fille du suzerain et du vassal, la domination par le même personnage, père ou suzerain, est une première intimité. La situation permet des affinités, des complicités. Le désir se fixe et n'aura plus la force d'abandonner son image ; il ne peut infiniment se répéter, se renouveler, comme dans le règne animal ou l'opportunisme du naturalisme. Enracinée dans l'enfance ou l'adolescence (service domestique du vassal) l'émotion sensible ne peut plus se détacher de son premier choix : elle s'apanouit à travers les signes et symboles du chevaleresque, qui véhiculent autant la volonté de conquête amoureuse que la volonté de conquête politique. Et ce désir se maintient par la non-possession ; l'ambition politique le fixe, car le pouvoir politique semble le moyen de la possession. Ce premier moment où la nature est déjà politique, et l'existentiel symbolique sociale, va se briser sur la rigueur politique qu'est l'intrusion de le nécessité dynastique dans un laisser-faire que le politique devait bien concéder à la nature. Alors la femme doit, par le mariage, soit qu'elle atteigne aussi à la dignité de la noblesse, soit qu'elle maintienne, renoncer au pauvre chevalier ou à un parti qui serait trop déchoir. Et ce n'est pas de son plein gré qu'elle renonce au désir naturel, mais sous la pression familiale. C'est par la «force des choses», de l'ordre, qu'elle doit s'incliner, ainsi que le chevalier, et subir le désir de celui qu'elle n'a pas choisi. Par cette frustration et ce traumatisme la subjectivité se fixe sur l'échec, échec du désir. Le traumatisme éprouvé prolonge le désir, le maintient présent par son inassouvissement et 2. Nous reprenons le «discours de la psyché» en tant que réalité psycho-sociale.
La noblesse comme praxis de classe
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le tient fixé à son objet. La seule liberté est dans le rappel du passé, du possible qui devient maintenant l'interdit. C'est par ce cheminement dans le négatif que l'émotion sensible originelle, peut-être vague, prend la constance dévolue à la seule espérance. L'émotion s'est faite image et celle-ci, de présence obscure et subconsciente, s'explicite en représentations, volontés, qui sont la seule exigence et le seul besoin d'une liberté. L'amour est donc l'aboutissement de la frustration du désir naturel et du traumatisme de ce désir. Et c'est le cheminement dans chaque conscience, de la femme et du chevalier, de la même dialectique, imposée par le même circonstanciel, qui fait éclater, à la moindre occasion, une bouleversante réciprocité. La faute, troisième moment, ne fait que matérialiser le non-dit, fait apparaître la communication qui réconcilie les subjectivités. Le couple clandestin constitue alors la plus forte menace pour l'ordre établi. Mais ainsi il prend conscience de sa marginalité : alors que la solitude pouvait opposer à la contrainte imposée sa dignité de désir repoussé, pour justifier son éloignement de l'ordre, maintenant aucune raison ne peut justifier la subversion. Et de même que la solitude appelle le couple, la réciprocité non reconnue, c'est-à-dire la faute, appelle le remords. Les amants s'affrontent à la conscience collective. Alors si le couple n'ose pas l'aveu au suzerain, la mauvaise conscience cherche obscurément l'explicitation au grand jour, en laissant des traces, des preuves, que les témoins de second ordre peuvent capter et rapporter. Le quatrième moment, de la confrontation de la faute et du pouvoir, non seulement dénonce la réciprocité comme complicité du couple, leurs rapports étant explicités dans le langage collectif, mais débusque aussi la conscience politique de son non-dit, enfoui dans le subconscient du suzerain, que seulement quelques soupçons, inquiétudes, avaient troublé. C'est que la puissance politique va trouver une épreuve de vérité, et le fait qu'elle l'élude le plus possible est la preuve qu'elle n'a pas une totale maîtrise et d'elle-même et de la situation. Car le suzerain sait, déjà, que la légitimité de son désir n'est qu'usurpation dans l'ordre naturel, et qu'il profite d'un plaisir qu'il impose et qui ne lui est pas accordé volontairement. Dénoncer et punir les amants c'est reconnaître en plein jour ses insuffisances et c'est frapper l'autorité d'une décision qui fait apparaître comme échec la tentative de domination de la nature par l'ordre féodal. Mais c'est surtout sur le strict plan politique que son autorité va prouver ses limites. Il ne peut se passer du chevalier, du jeune combattant, ou du vassal qui assied sa puissance et qui pourrait, de rival heureux, devenir un ennemi acharné et déjà puissant. Aussi à la volonté de se cacher des amants répond celle de ne pas savoir du mari. Aussi c'est par l'intervention d'un comparse (dénonciation anonyme, trahison
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La structure féodale
d'un subalterne complice, jalousie, simple accident, hasard qui dévoile ainsi sa finalité) qui manifeste la fonction régulatrice, normative, des éléments, individus, circonstances qui tressent la trame de la quotidienneté (de la répétition la plus organique et la plus réifiée de l'ordre social) qu'éclate la catharsis, que les protagonistes doivent s'affronter, bien que leur situation puisse longtemps se prolonger. Ce quatrième avatar consacre l'interdépendance des protagonistes : c'est maintenant dans la confrontation, non plus des relations ou des intentions, mais des personnes que se décide, dans ce premier collectif qu'est la relation triangulaire, le destin. Ainsi le non-dit que portait la solitude, la subjectivité, qui se dépassait dans le couple, dans la réciprocité, mais clandestine et subversive, s'explicite et doit se nier dans la commune soumission aux impératifs de l'ordre féodal. Derrière l'événementiel superficiel des éclats, violences, ruptures, l'événementiel dialectique débouche sur un commun renoncement à l'existentiel qui consacre une commune reconnaissance dans l'ordre social, ainsi qu'une commune ratification de cet ordre. Le suzerain pardonne mais les amants doivent renoncer à leur liaison. Et ce sacrifice du désir est aussi celui du suzerain qui, loin de profiter de ce succès politique, doit renoncer à une réciprocité d'ordre existentiel, intime avec sa femme. Leur mariage tourne au mariage blanc : le sacrifice de sa femme interdit au suzerain de lui imposer son désir. Et si fort de ses droits politiques, il s'impose, la femme passive et frigide, interpose entre lui et sa chair l'image, qui se fige dans la perfection du souvenir, de l'amant. Alors, le pur amour d'ordre contemplatif et idéal se dégage des tribulations du désir, que le circonstanciel a changé en passion. Mais c'est par une nécessité de fait, d'ordre politique, que ses mutations ont pu se faire, dans la scission, le déchirement. Si le désir a pu se prolonger, c'est dans la passion, et si celle-ci peut se nier, c'est dans l'amour contemplatif. Sur le plan politique, c'est le triomphe de l'ordre féodal. Tout se passe comme si la nécessité de la structure, dont les causes ont été d'abord extérieures (invasion, etc.), s'intériorisait, s'approfondissait, pour se continuer par sa propre autonomie, maîtrise : c'est l'ordre de l'ordre. Le désir et le subalterne, l'instinct sexuel et l'agressivité, d'eux-mêmes, se rangent dans la hiérarchie féodale. Ce sont eux qui reconnaissent et consacrent le politique dans la commune complémentarité de la relation triangulaire. L'amant est réduit à son seul rôle social ; la perfection de la vassalité sera celle de la rédemption et le service chevaleresque s'exalte de la générosité du pardon. La femme préserve sa dignité de dame : c'est dans la fonction sociale, représentations et obligations, dans la fonction familiale, qu'elle peut atteindre aussi cette perfection que veut la rédemption. Alors, pour les anciens amants, qui pré-
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servent en leur cœur l'absolu qu'est devenu leur passion, mais sur le plan des représentations ideelles, les catégories religieuses permettent de préserver à la fois ce jardin secret, et d'exiger, de soi et des autres, la rigueur des mœurs. Le suzerain, par le pardon, justifie sa maîtrise politique par sa maîtrise intérieure. Si le pouvoir lui a été donné, il doit en reconquérir, en une démarche toute d'intériorité, de reconversion, car la toute-puissance lui a été donnée, le mérite. C'est lui qui doit se soumettre à la plus forte culture intérieure, c'est en lui que la volonté de puissance doit se soumettre à la pacification acquise, laquelle doit devenir norme des relations entre nobles. C'est en lui que l'émotion sensible, puis l'affectif, qui pourraient, par son pouvoir, devenir autodestruction de l'ordre, par la jalousie et la colère, doivent se surmonter par l'intériorisation de la nécessité, en compréhension et en renoncement. Il doit renoncer au désir, comprendre et pardonner celui des autres : à ce prix la maîtrise. C'est ainsi, par une longue et cruelle ascèse, que la scission définitive de la nature et du politique se fait existentielle, expérience. C'est par le renoncement au désir qu'est acquis le droit de participation à l'ordre social. La psyché est faite de la totalité de ces moments ; autant que l'expérience de chacun, importe le passage de l'un à l'autre. Et si, pour s'accomplir, la psyché doit connaître le dernier moment de sa dialectique, elle doit aussi conserver présente son premier moment. Aussi, si l'événementiel déroule tous les éléments constitutifs de la psyché, c'est par ime nécessité aveugle qui ne se reconnaît pas. Ainsi se préserve l'existentiel, la naïveté du désir, tout le processus de l'individualisation.
D . LE
MYTHE
ET
«L'EXISTANT»
C'est le mythe qui reconstitue la totalité de la psyché lorsque le particulier expérimente la totalité de la structure dans l'existentiel. Mythe et structure sont identiques. Le mythe est le vécu de la structure (Tristan et Yseult). Il est rencontre de la logique et de l'existence. La nécessité de celle-ci se connaît comme «destin». C'est par le mythe que ce moment prend la plus forte conscience de soi, mais sans s'élever à une conscience critique, d'ordre réflexif et analytique, qui serait conscience politique. Cependant si, par le mythe, la conscience de classe ne s'atteint pas dans sa nécessité politique, elle évite l'écueil contraire : l'idéalisme subjectif (tentation cependant) par lequel l'individualisme, par l'échec du désir naturel, du sentiment, se retirerait du monde (prêtrise) sans reconnaître dans la brisure de son destin personnel le commun destin de la noblesse. Le mythe s'interpose entre le volontarisme
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La structure
féodale
sensible et le consentement politique. Le mythe pennet le passage du désir individuel au collectif politique en canalisant la crise existentielle dans des formes nécessaires du collectif, et en interdisant à cette crise de déboucher, à aucun moment, sur une subversion politique. Si la nécessité ne s'élève pas encore à une conscience exclusivement politique, elle dépasse, sur le plan des représentations, celle du désir sensible et de la seule reconnaissance en cellules (couples) qui laisseraient l'ordre féodal sans défense devant les assauts du pur économique (paysannerie). Le mythe est ainsi le langage qui propose une continuité au comportement et qui même s'impose comme le devoir être. La catégorie esthétique dépasse la nature et accomplit le politique et par la culture de l'intériorité. La conscience commence à se faire reflexive, pour ratifier la nécessité politique, mais sans ignorer ou abandonner cette autre nécessité qu'est la nature. L'événementiel peut ainsi s'épanouir sans tomber dans la gratuité. Il est toujours la micro-reprise d'un moment du mythe. Ainsi le pluralisme des catégories, des rôles sociaux, des désirs, peut s'organiser le plus harmonieusement, sans que les consciences particulières puissent le soumettre en un moment particulier de la psyché collective qui s'étalerait en un arrêt de son devenir. Une dynamique pousse à l'accomplissement. Sans doute que l'événementiel n'accomplit jamais la perfection du mythe. Le désir peut se satisfaire dans l'immédiat, oublier, se porter ailleurs, la faute peut ne pas être commise, sans que pour cela la dialectique saute au dernier moment (de l'amour contemplatif), le pardon peut ne pas être accordé, les amants peuvent ne pas renoncer. La dialectique peut s'arrêter à l'un des moments, ou répéter indéfiniment des phases préliminaires. L'événementiel, par définition, ne se reconnaît pas lui-même ; ses éléments constitutifs ne se complètent que dans certains moments, dans certaines conditions, bien rarement par eux-mêmes. C'est seulement après une longue ascèse, qu'ils réalisent l'unité, dans l'accomplissement du mythe. Aussi l'accident, la manifestation de la gratuité, le hasard (qui n'est que l'intrusion d'une catégorie, d'un rôle social, qui n'a pas pu ou su se dialectiser, de par quelque particularité irréductible) peuvent pourrir la dialectique, par des conflits subsidiaires, qui lui interdisent sa dynamique, la fixent en un moment ou surajoutent des contingences qui interdisent toute détermination, d'ordre statistique, ou scientifique, des conduites particulières. (De plus la quotidienneté impose une nécessité, d'ordre mécanique, celle de tout groupe humain, qui peut cacher, retarder, parfois indéfiniment, le déroulement de la psyché.) Mais ce n'est que lorsqu'une praxis a atteint un grand degré de déstructuration de la classe dominante, que l'accident, par sa répétition, sa force, peut prendre une signification importante, politique, pouvant être le lieu de passage
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de courants subversifs que l'opportunisme de l'opposition utilise soit pour faire éclater les insuffisances de la classe dominante (scandale, etc.), soit pour faire pression et obtenir des réformes. Aussi, au moment de la politique dynastique, l'accident ne saurait mettre en question la nécessité, l'évidence de la psyché. Il ne fait qu'ajouter à son esthétique, lui donner la plus forte coloration existentielle, cacher la nécessité et donner à la subjectivité l'illusion de sa liberté. L'accident, dont le crime ou le suicide est le plus fort impact dans la psyché, peut même briser la dialectique, et s'affubler de la nécessité du destin. Le pluralisme des situations, d'après la hiérarchie féodale, atténue aussi la nécessité dynastique. Le sacrificiel peut ne pas être compensé par la promotion sociale. A un certain niveau les alliances peuvent concilier intérêts et ambitions sans contrarier les sentiments. Alors la psyché, non seulement ne peut s'imposer aux événements (dont elle est pourtant la logique), mais ne peut s'imposer à la conscience politique, dans les normes et usages de celle-ci. L'ordre féodal s'est disposé en paliers en profondeur : le plus superficiel, extérieur, matériel, étant la quotidienneté au niveau de l'organisation de n'importe quel collectif. Ensuite vient le système de signes et de symboles qui ordonnent le comportement de classe au niveau de ses gestes usuels. Puis le code de l'honneur (éthique), langage qui doit remédier à tout accident dans le système quasi organique des signes et symboles et concilier les deux composantes de l'ordre viril, qui véhicule ainsi le pluralisme d'intentions et d'intérêts qui peuvent s'harmoniser dans une classe sociale. Déjà, à ce niveau, l'ordre féodal s'intériorise. Il réussit à intégrer dans la nécessité ce qui risquait de devenir un non-dit et un principe de subversion. L'honneur permet et interdit ; il est à la fois totem et tabou. C'est l'ordre légal, normatif. Enfin vient la psyché que l'honneur accepte et repousse à la fois. Qu'il accepte, puisqu'il en définit la finalité, qu'il en est le principe dynamique. Qu'il repousse car il doit consentir au désir, au sentiment, et faire du négatif, du péché, nécessité. Nécessité d'un moment sans doute, mais qui est agréé par l'acceptation de la totalité. Aussi la psyché ne devient pas le subconscient de classe, mais sa subjectivité. L'aménagement du privé reste subordonné à celui du collectif, qu'il doit compléter sans prétendre à la même dignité. L'esthétique qu'est la psyché restera marginale à l'immédiate nécessité politique qu'est l'honneur. Et elle n'est autorisée que dans la hiérarchisation des catégories, la psyché restant principe de la féminité, de l'intériorité, de la passivité, toutes choses valables et respectables mais parce qu'un ordre viril les garantit. Aussi la transformation de la praxis juxtaposera en dualisme ces paliers
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La structure féodale
en profondeur hiérarchisés et de compléments. C'est que la psyché devient le mode d'être de la vie publique, mais toujours féodale, qui se centralise au niveau des grandes cours régionales. Celles-ci sont la somme des cours particulières intermédiaires entre les grandes cours et le premier moment de la pacification, consacrée par la relation élémentaire suzerain-vassal. La relation privée, triangulaire, celle du service de guerre qui se fait service domestique, était celle de la nécessité dynastique. La psyché n'était que les moments d'une nécessité politique. Et son pathétique avait encore la sauvagerie du moment qui suit immédiatement la pacification, qui aménage les relations humaines sans quelles soient devenues commerce mondain, public.
E. TRIOMPHE DE LA MONDANITÉ : LA PSYCHÉ SE SUBSTITUE A L'HONNEUR ET LA SÉMIOLOGIE DE LA PSYCHÉ A LA PSYCHÉ
Le sens se fait signe3 La psyché dit le moment féodal qui est passage de la promotion du vassal par la guerre, surgissement du chevaleresque, à la politique dynastique, continuité féodale par la femme. Elle est le passage de la relation suzerain-vassal à la garantie dynastique, son implantation volontariste. A l'origine le privé inventait ses modes de reconnaissance dans l'isolement d'un château, dans les relations de deux hommes et d'une femme. Au niveau des grandes cours régionales, cette relation privée va devenir le mode d'être des relations publiques. De même que le chevaleresque ne faisait que reprendre ou répéter son fondement étymologique, la praxis se perfectionnant dans la répétition de la nécessité, la psyché va devenir le modèle qui permet aux vassaux, à leurs femmes, filles, de vivre ensemble, chez le suzerain, dans cet élargissement du service domestique qu'est la vie de cour. Alors la psyché est reprise : sa nécessité va justifier la vie publique. Sa continuité et son devoir-être deviennent organisation et justification de la vie publique. Mais c'est alors que la psyché s'explicite, se revendique, tend à s'imposer et s'opposer à l'honneur et au-delà de l'honneur au politique en son principe, qu'elle s'éloigne de sa nécessité, étymologique dans la praxis. Elle retrouve sans doute une autre nécessité, encore politique, mais qui déjà cherche à mettre en question ce qui donnait à la nécessité dynastique le caractère inéluctable, tragique, du destin : la toutepuissance du politique qui en son principe écrasait aussi son dépositaire. La psyché, d'esthétique justifiée par le sacrificiel imposé par le politique, 3. Nous voulons montrer la production socio-politique du signe (contre l'idéologie du signe).
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devient un esthétisme justifié par lui-même. La nécessité de la psyché devient ludicité, nécessité de la ludicité, car langage et sémiologie qui tend à s'imposer au politique. La Cour n'est pas contre le suzerain, mais la Cour et le suzerain sont contre le politique. Déjà la vie publique, vie de cour, tend à se substituer à la nécessité dynastique. Dans la vie de Cour celle-ci se prolonge dans la mesure où elle tend à se vider de son contenu politique. Ainsi, paradoxalement, la psyché s'impose au moment où la nécessité qui l'a fondée commence à se mettre en question. La vie publique, avons-nous dit, acquiesce à la relation privée, définie par la nécessité de l'ordre féodal, en tant que commencement et fondement de la vie publique. Celle-ci constituée, en place, elle ne met pas en question la relation privée, qui est devenue le principe, l'être, la morale de ses relations, mais le principe politique qui tend toujours à subordonner la vie publique (définie au niveau des relations de Cour). Ainsi la psyché tend, dans le dualisme de complémentarité entre le politique et l'esthétisme, à se couper du politique pour privilégier l'esthétisme. Ainsi, la femme, le subalterne, le subjectif, le principe non actif, peuvent prétendre à cette autonomie que serait l'autonomie de l'esthétisme. Le politique va subir la transformation qui, d'une part, justifie la prétention de la vie publique et de son mode d'expression, mais qui par ailleurs permet à cette vie publique et à l'esthétisme de s'exprimer. C'est au niveau du suzerain, qui domine toute une région, que se manifeste la transformation de l'autorité politique. A ce niveau, la politique dynastique est comme arrivée à un accomplissement de l'ordre féodal. Au-delà ce sera le territoire national et l'Etat. Ainsi, le suzerain n'a plus qu'à maintenir, à l'intérieur de son territoire, alors qu'il poursuit des visées dynastiques interrégionales qui auront parfois des répercussions nationales. La vie de Cour peut ainsi connaître, de la part du suzerain, un laisser-faire paternaliste. Mais, essentiellement, le pouvoir féodal va s'accomplir et se nier dans le pouvoir royal. La politique dynastique qui a triomphé des autres maisons, en même temps qu'elle leur impose son autorité, arrête la course au pouvoir, la disponibilité qu'avait autorisé l'éparpillement cellulaire originel. Une période est accomplie ; la dynamique est arrêtée. Les grandes maisons chercheront donc à se maintenir et à s'installer (la représentation qu'est la cour est aussi favorisée et même suscitée) dans la situation acquise, tout en poursuivant leur politique d'alliances. La politique dynastique se poursuit, mais dans une situation politique qu'elle ne fait que confirmer, et qui est celle du pouvoir royal. Aussi la psyché perd le tragique, dont la cause était l'inéluctable nécessité dynastique. Celle-ci n'est plus le principe absolu de la praxis de classe. Aussi, si la psyché se soumet à la même finalité, on peut dire que la psyché tend à exprimer l'égale
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La structure
féodale
importance du pouvoir et du subalterne, du politique et de l'existentiel. La psyché sera le lieu de confrontation d'une vie publique ascendante et d'une vie politique décadente. Le déroulement de la psyché va perdre l'inéluctable succession de ses moments ; l'errance à chacun des moments sera tolérée, car la psyché va hésiter entre l'accomplissement heureux du désir et sa subordination au politique. La revendication politique qu'est la volonté politique, d'autonomie interne, d'un groupe constitué uniquement de subalternes, vassaux et femmes, tendrait vers une notion de bonheur, incertaine, confuse, qui n'ose s'avouer car elle ne doit pas triompher de l'autorité politique grâce à laquelle elle peut s'expliciter (vie de Cour) et de laquelle elle tient même l'existence. Cette tentation du bonheur ne pourra cependant déformer la psyché. La réalisation serait une telle subversion de l'ordre qu'elle se dénonce elle-même par la mauvaise conscience et la conduite d'échec. Mais sur le plan de la réalité, des échanges et des perspectives matrimoniaux, les considérations d'ordre privé prendront plus d'importance, sans toutefois se substituer aux nécessités dynastiques. Les situations équivoques seront soumises à une casuistique qui, sur le plan pratique, ne fait que reprendre l'ambiguïté qu'est devenue, dans la psyché, l'hésitation entre la volonté de bonheur et la réalité politique. Cette ambiguïté du contenu répète encore la nécessité dynastique par une ludicité qui à son tour devient une nécessité dans la succession chronologique, comme l'ambiguïté qu'était l'honneur répétait le geste fondateur de l'ordre. Mais alors que l'honneur reste un principe viril, relations de catégories sérieuses (l'économique, le politique formel), valeur d'échange qui permet non par une reconversion mais une évolution extensive de la praxis de classe, la psyché, catégorie étymologiquement esthétique, car aménagement de l'instinct et du subjectif dans le privé, se transforme en un maniérisme qui est l'esthétisme de l'esthétique et qui tend à marquer une rupture avec la nécessité de la praxis : la manifestation de l'être devient l'être, le moyen d'expression (sa symbolique) se substituant à la chose exprimée. Cet esthétisme consacre la plus forte extension du relationnel dans la noblesse. Il tend à mettre sur pied de réciprocité tous les moments de son évolution et tous les rôles sociaux qui les reprennent. Cette tendance égalitaire prépare à une volonté de hiérarchisation contraire selon les critères de l'esthétisme. Aussi l'esthétisme de la vie de grande cour, représente maintenant la situation de la psyché dans une valorisation des rôles subalternes, maintenant proclamés, car revendication ; la vie privée, dont la structure exemplaire, était la relation triangulaire, se fait publique. Elle se joue car elle a trouvé son auditoire. Les situations de la psyché, qui ont encore la nécessité de la politique dynastique, ne sont plus aussi étroitement soumises à ce contrôle politique, mais de plus en plus soumises au collectif qu'est la vie de Cour. Pour se justifier
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à leur propre regard, ces situations doivent tendre à l'exemplarité proposée par la psyché. Elles doivent se rejouer. Et ainsi, à posteriori, elles font réapparaître la nécessité de la psyché. C'est alors que celle-ci s'explicite par son utilisation. La psyché, de dernier palier en profondeur qui était presque subconscient de classe, devient système de préceptes qui se vulgarise dans un maniérisme de geste. La psyché va ainsi se redistribuer en paliers. Et c'est au niveau du dernier palier en profondeur qu'est la psyché, que se fait la coupure entre l'explicite, le conceptualisé, et le non-dit, profondeur subconsciente, mémoire collective de la praxis. La psyché va se déchirer entre le maniérisme de Cour et le tragique de la nécessité dynastique. Le maniérisme de Cour dans la mesure où il s'oppose à ce tragique, de par la volonté de reconnaissance qu'est la vie collective, est reçu dans le système représentatif de la féodalité. Alors il est en droit de s'opposer ouvertement à l'honneur, au système de reconnaissance du chevaleresque et de l'économique, pour faire valoir les droits d'un collectif dont la seule justification est dans la volonté d'organisation d'une vie collective, dans l'autonomie qu'elle peut atteindre sur le plan de cette organisation, alors qu'elle n'est que l'effet de la cause économico-chevaleresque. Une volonté de scission dans l'ordre féodal s'exprime maintenant ouvertement, antagonisme de deux moments de la praxis, expression de deux intentions politiques, mais qui ne se confrontent que dans le moment qui a succédé à la nécessité (l'honneur à la guerre et la vie de Cour à la nécessité dynastique). Aussi à l'antagonisme intime et avoué, entre le chevaleresque et l'économique, qui déjà se réconciliait dans l'ambiguïté de l'honneur, va succéder un antagonisme aussi ouvert et avoué entre l'honneur principe viril et le maniérisme de Cour. Cet antagonisme majeur va définitivement réconcilier chevaleresque et économique, dans la situation acquise, celle de la vieille génération qui se confronte aux nouvelles mœurs, de la jeunesse, dans la commune réification de la vieille génération qui s'oppose au nouveau. (Et la volonté politique qu'est le maniérisme de cour va rejeter le tragique fondamental de la psyché dans l'ombre, dans un commun désaveu avec l'honneur, par le rappel de la nécessité étymologique et par le maniérisme qui organise le collectif.) Cette ambiguïté fondamentale, entre l'honneur et l'esthétisme de Cour, ne fait qu'opposer, dans le monde diurne de l'ordre féodal, deux modes du ludique. Ainsi l'antagonisme est ludique, de même que les termes qui s'opposent. Cette ludicité est le mode de comportement qui ne répond plus à la nécessité guerrière (l'agressivité qui devient immédiatement combat) ou économique, et qui doit ordonner un groupe humain en réconciliant ses antagonismes dans l'homogénéité de classe. L'ambiguïté autorise alors un concurrentiel interpersonnel (qui autorise la personnalisation) sans mettre, en aucune manière, la classe sociale et l'ordre féodal en question. Est ludique
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l'affrontement des générations, des moments de la praxis, tout le commerce mondain qui n'entraîne de révision fondamentale ni de l'ordre global ni de la situation personnelle dans cet ordre. Ce ludique est dans une nécessité, qui en est la cause et l'autorisation. D e même que l'honneur avait repris sur le plan du dit un subjectivisme qui risquait de se tourner contre l'ordre féodal (et qui déjà au niveau du chevalier errant, faisait d'une réalité fondamentale, de classe, un mythe, c'est-à-dire un symbole sans effectivité dans la praxis) pour faire l'unité de classe qui réconcilie deux moments de la praxis, le maniérisme de Cour reprend la psyché, évite l'enténèbrement dans la mémoire organique qu'est le subconscient, et réconcilie dans le moment qu'est la vie publique, deux grands moments antérieurs (honneur et psyché), ceux du dualisme viril (relation suzerain-vassal) et de l'affrontement triangulaire (relation suzerain-vassalfemme). La vie publique qui n'apparaît qu'après ces moments doit les intégrer, sans qu'ils se posent en juge, principe de mauvaise conscience, ou en accablante nostalgie. Mais cette nécessité (organisation d'un relationnel du pluralisme) n'arrive qu'après des nécessités autrement importantes : pacification, économique, etc. Elle ne peut susciter son propre contenu que des formes justifiées par la nécessité antérieure. Ainsi cet esthétisme ne reprend que la forme de la psyché qu'elle consacre au grand jour, mais dans une catégorie mineure, rejetant dans l'ombre le déchirement, la scission, toute cette culture du négatif par lesquels se sont accomplis les moments de la maîtrise. Mais ce que la psyché explicitée et intégrée perd en tragique, la psyché rejetée dans l'ombre le reprend. Et son tragique en soi, constitué par l'affrontement passé, s'augmente du tragique qu'est l'affrontement du tragique au maniérisme. Ce dualisme de la psyché, conscience et subconscient, consacre le début de la décadence de classe, qui dans le formalisme esthétisant et ludique s'éloigne de plus en plus de sa nécessité étymologique. Et celle-ci ne peut plus s'expliciter : le suzerain est progressivement dépossédé de son pouvoir par l'autorité royale ; le subsconscient devra attendre, pour s'actualiser, la mise en question de la classe noble par la bourgeoisie. Mise en question politique : alors est sollicitée la nécessité étymologique. Le prix de la maîtrise est invoqué pour justifier les privilèges. Mais l'argumentation se confronte à la critique bourgeoise et entraîne une crise de classe qui débouche soit sur une reconversion, soit sur le consentement à la décadence dans l'esthétisme. Ainsi l'esthétisme défini par l'intégration du formalisme de la psyché comme maniérisme de la vie publique est bien différent de l'esthétisme défini par le rejet du tragique de la psyché dans le subconscient. L'esthétisme qui triomphe s'oppose à une psyché doublement tragique, celle du déchirement du sacrificiel et de l'assumation de l'inutilité du sacrifice. Alors que tout a été sacrifié au politique,
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celui-ci s'avère impuissant. Mais cette crise, qui surgit sur le plan individuel, chez quelques particuliers, ne peut déboucher sur une prise de conscience politique. Celle-ci ne peut s'actualiser que par un affrontement sur le plan macro-social, lorsque la bourgeoisie tend à prendre la direction de la praxis globale. En attendant, la noblesse possède toujours une suprématie politique. Et la solidarité de classe est telle que l'autocritique, même radicale, ne peut accéder à des termes politiques. C'est alors que la catégorie religieuse résorbe ces crises locales en une institution consacrée. La dénonciation de la frivolité comme substance de classe, qui serait la condamnation de la noblesse, se dira par une catégorie qui étend ce négatif à l'universel et autorise le radical renoncement au monde qu'est la prêtrise (par exemple) cependant toujours solidaire, car émanation, de la classe dominante. Alors le tragique de la psyché se résorbe dans le pathétique du renoncement au monde, la rupture de l'enracinement familial. L'esthétisme de collectif de Cour va profiter de la disjonction du contenu et de la forme de la psyché. Plus exactement, l'éloignement du contenu tragique dans un négatif de classe latent, comme mémoire de l'épreuve, de la scission qui a permis d'accéder à ce moment qu'est la Cour, permet une formalisation qui aura une plénitude concrète. Cette formalisation se fait immanente au vécu, à l'existentiel, au subjectif. L'esthétisme de la psyché, qui s'était originellement manifesté marginalement à cause de la prohibition que la toute-puissance de l'honneur lui imposait, par l'expression du mythe dans sa spécificité esthétique, par des personnages extérieurs à la classe noble (trouvères, troubadours), dans la particularité d'un moment délimité, isolé de la trame du sérieux, va se concentrer en un noyau délimité de personnes, oligarchie toute-puissante qui distribue les modèles culturels, les rôles sociaux, et même le circonstanciel, selon un art de vivre. La cour d'amour qui s'enracine dans la puissance politique (femme ou fille du suzerain) n'utilise ce pouvoir que pour imposer l'esthétisme, le maniérisme mondain. Pour la première fois, c'est la femme qui dit. Mais elle n'est écoutée que par sa puissance politique. C'est d'autorité que la féminité s'impose en tant que féminité. La psyché se politise ainsi. Cette ambiguïté permet la prégnance des formes mondaines qui deviennent expression politique et expression collective, de par la médiation de la femme, femme du suzerain. Ainsi le mythe, qui disait la psyché, ne se dégradera pas en une symbolique allusive, partielle, extérieure, trace décorative d'une période révolue. (Cependant le mythe, dans la fraîcheur poignante de l'existentiel, peut resurgir, et ne trouvant plus la matière humaine de son actualisation, se condenser sous une forme esthétique parfaite, désintéressée, mais discontinue, qui de par l'impact de sa ponctualité, réveille tout le passé de classe devenu organique, d'un organique qui se superpose au pur organique
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des mécanismes instinctifs contrôlés par la quotidienneté : la chanson par exemple). La continuité du mythe ne va pas se juxtaposer en ses moments, dans la thématique concurrentielle qui est le propre de la culture moderne, laquelle n'actualise jamais son passé, mais le fréquente sous sa plus belle forme (le musée imaginaire), l'homme moderne étant trop pris par sa praxis. La thématique va se concrétiser en modèles culturels, rôles sociaux, circonstantiel parce que, justement, c'est le matériau et la finalité de la nouvelle pratique sociale. Le faire, du collectif de Cour, est celui d'une vacance, d'un dégagement, non seulement de la praxis globale, mais de la praxis de classe. Et ce dégagement de la praxis de classe est encore à plusieurs degrés : maîtrise du chevaleresque, de l'économique, de la nécessité dynastique. Ces modalités ne sont pas exclues mais maîtrisées en ce sens que l'esthétisme consiste justement à pouvoir les oublier. Le ludique est ce moment où une classe peut organiser des conduites définies certainement par des catégories essentielles, comme l'économique, mais conduites autonomes qui n'ont pas besoin de revenir explicitement se recharger, dans une continuité de cause à effet, aux déterminismes de ces catégories. Ces conduites ont leur dynamique, leur finalité, leur structure propres. C'est bien entendu les moments de la praxis qui sont repris dans les jeux de l'honneur et de la psyché. Mais dans l'éclatement des continuités soumises à la nécessité des catégories, dans l'éclatement de chaque moment en ses composantes, et dans la quasi-égalité des manifestations de tout ce passé. C'est la nécessité qui est rejouée. La fantaisie, la sur-réalité (comme pourra le penser une esthétique bourgeoisie qui ne se référera qu'à une catégorie qu'elle aura élaborée, l'imaginaire) n'existe pas au niveau des cours d'amour. Aussi le ludique, l'esthétisme, est le mode de reconnaissance des gens d'une même classe, qui consacre le pluralisme de la noblesse, son passage à un collectif égalitaire de classe. Maintenant, la fonction dans la praxis de classe de l'esthétisme, est un processus de personnalisation, qui redistribue les valeurs féodales, dans un partage égalitaire des mérites. Les conquêtes de classe enfin s'accomplissent : elles sont devenues substance de la personne. Mais chaque personne ne peut rejouer la totalité du passé, d'où la nécessité d'un pluralisme exhaustif, qui fera de la Cour la reprise, dans la contemporanéité, de tous les moments chronologiques. Le collectif est unité, car les personnes sont nécessaires les uns aux autres comme le chevaleresque l'a été à l'économique, comme la nécessité dynastique l'a été au devenir de classe. La classe, en son unité, s'est réalisée progressivement, par l'égalitarisme, qui au-delà des nécessaires hiérarchies dans la praxis du moment, a été d'abord la reconnaissance du suzerain et du vassal, puis celle du triangle relationnel, de la femme, puis celle du petit noyau qu'est le collectif des grandes Cours. Ce collectif actualise la classe dans la personne. Le relationnel n'est plus néces-
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sité pratique mais choix, élection, affinité de goûts. C'est sur le plan de la liberté existentielle que la nécessité de classe se répète. Et cet existentiel ne fait que prolonger l'ordre établi. L'échange porte à la fois la nécessité historique et la liberté existentielle. Les déterminations particulières du passé, qui pouvaient maintenir un décalage entre le politique et l'existentiel, la nécessité du politique entraînant un résidu existentiel (vie secrète, subconscient : ainsi la relation du suzerain et du vassal, d'homme à homme, ignorait la femme, et la relation triangulaire ignorait la vie publique) servent maintenant à la reconnaissance des personnes. La relation virile, la relation intime, privée, sont devenues les modes de la relation publique. Mais ce moment parfait, où l'esthétisme se fait la forme du contenu de classe est en même temps accomplissement du recul politique de la féodalité. Son principe viril, qui composait d'abord à égalité avec la psyché, est progressivement débordé par le maniérisme de cour. Mais ce processus ne devient décadence que dans la praxis globale. C'est le décalage entre l'intention politique de la praxis globale et l'intention politique de la praxis de classe, qui permet de mesurer ce qui devient décadence. Par lui-même, le maniérisme n'est pas décadent. Mais il porte en lui-même, non pas dans son intention, mais dans la vulnérabilité de ce qui n'est que forme, façonnement esthétique d'un relationnel de semblables, non seulement la moindre résistance à la vie instinctive, de par le relâchement politique, mais aussi le principe d'un pourrissement de lui-même et par lui-même. Le maniérisme deviendra esthétisme de la séduction, instrument opérationnel d'un opportunisme individualiste. Mais cet instrument opérationnel ne sera que détournement d'un acquis culturel qui est l'accomplissement de la praxis de classe dans la personne et sa totale compénétration au vécu, la culture devenant la vie même, dans sa manifestation la plus ponctuelle et la plus intime. Ce processus, qui va faire passer le maniérisme de cour à la pré-psychologisation, commence par la décomposition en un gestuel de plus en plus pauvre du point de vue du contenu, celui-ci n'étant plus qu'alibi de symboles, d'ordre décoratif ou justificatif. Le passé de classe se coupe définitivement du devenir. Il tendra à devenir légendaire. La redistribution des rôles sociaux, modèles culturels, dont le pluralisme reprend, en les faisant contemporains, la chronologie de la praxis, tend à un chevauchement, à un émiettement, à une faiblesse du contenu, qui débouchent sur un polymorphisme kaléidoscopique. Alors l'événementiel, de moment crucial, nécessaire, qui a même pu susciter la psyché de classe, s'émousse en un micro-événementiel qui ne signifie le rôle ou le modèle culturel que très allusivement, et qui est ainsi de plus en plus disponible, d'abord à la présence et à la tentation des autres rôles et modèles culturels de la Cour, mais aussi
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au circonstanciel venu du monde extérieur. Une extraordinaire souplesse du maniérisme résulte de cet émiettement de l'événementiel, des rôles sociaux, des modèles culturels. A la limite, la personne peut jouer de tous les registres, les utiliser dans l'opportunisme le plus total. Ainsi se constitue une microsociologisation signifiante de par la très lointaine référence étymologique, mais aussi et surtout de par les correspondances, les réciprocités, les entendus, dans le présent. Et si la référence à la praxis de classe demeure, c'est dans la transmutation du macro-événementiel de la praxis en un micro-événementiel du relationnel interpersonnel. La cellule élémentaire de cette micro-sociologisation dans sa structure, comprend les mêmes éléments que la praxis de classe, mais selon une distribution qui quasi spontanément hiérarchise les catégories, met en relation les rôles sociaux, est constante allusion aux modèles culturels, selon l'opportunité du moment relationnel. Ainsi la trame sociale trouve son tissu le plus fin ; la multiplicité du relationnel est aussi celle de ses significations. Ainsi à la limite, le système relationnel ne signifie plus que par lui-même. Il est devenu langage autonome, sémiologie, qui n'a plus besoin de se référer au passé, celui-ci étant actuel dans le présent collectif. Mais ce langage demeure immanent au collectif. La personne le vit. Plus exactement il est la personne dans sa participation au collectif. C'est le premier langage romanesque, de par la gratuité dans le relationnel, la floraison micro-événementielle, multi-significative. L'imaginaire, catégorie bourgeoise, n'y joue encore aucun rôle. Ce collectif est réel ; le langage, le signifiant, ne se coupe pas du signifié. Il faudra, pour que ce langage s'intériorise, devienne intuition immédiate, qui permet d'appréhender cette multi-fonctionnalité dans une intuition sensible du mondain, en ce qui ne sera pas encore psychologisation, mais sa condition nécessaire, que ce maniérisme romanesque se heurte à la praxis globale, dans un traumatisme qui sera rupture de la continuité de classe. Ce traumatisme aura un double effet. Soit une intériorisation au second degré (qui loin de quitter la finalité romanesque ne fera que la redoubler) par une médiation qui peut déboucher sur une autocritique de classe, la disponibilité qu'est le maniérisme cherchant alors à se réadapter dans la praxis globale, apportant à la classe qui tend à la diriger la perfection formelle de la personne. C'est seulement alors que la psychologisation se fera, dans une génétique qui sera réciprocité d'échanges. L'intériorité sera un acquis qui s'adapte à une praxis. Dans ce cas, le traumatisme originel se résorbe et s'oublie dans la dynamique de la nouvelle praxis. Dans l'autre cas, le maniérisme de la noblesse au contraire, en réponse aux progrès de la bourgeoisie, dresse dans l'opportunisme individualiste des désirs, son esthétisme tantôt comme barrière, tantôt comme moyen de séduction, de corruption, de la praxis
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adverse, mais cela sur le plan des rapports de personne, dans un machiavélisme qui ne peut plus selever à la nécessité universelle. Ce comportement est un autre aspect du psycho-romanesque, qui complète l'aspect réflexif, analytique, de celui de la reconversion de classe. Ces deux modalités consacrent la scission définitive de la culture de classe en même temps que la négation de ses principes fondamentaux. L'honneur est nié par le machiavélisme, devient pur alibi, la psyché se reconvertit dans la réalisme de la psychologie romanesque bourgeoise : son tragique se nie dans la réconciliation de classe que sera le bonheur, la bourgeoisie de robe.
CHAPITRE
IV
De la nostalgie du paganisme aux niveaux d'émancipation par la production
I. VILAIN ET PAGANISME : DE LA SORCELLERIE AU NATURALISME — La continuité païenne comme contestation de l'ordre et manque de praxis A.
LA SORCELLERIE COMME MÉMOIRE DU
PAGANISME
Mais avant d'étudier la désagrégation de l'ordre féodal par une autre praxis, nous devons revenir à l'autre processus de négation, à la non-formalisation féodale (contemporaine de l'apogée), au non-dit du serf qui exprime la nature. L'ordre féodal ne peut pallier cette actualisation de la nature, comme il peut le faire dans les formes de sociabilité, de l'intérieur, en soumettant la nature à toute une culture. Aussi cette nature, comme négativité d'une culture, rejoindra la praxis qui désagrégera le formalisme féodal : c'est le naturalisme. Le devenir, par-delà la culture féodale, continue l'élan paganiste, mais transposé dans une praxis bien précise. Cependant, ce courant paganiste, contemporairement à l'apogée féodale, va prendre les déterminations de la clandestinité, de la négation. S'opposant à un ordre politique qui l'interdit, incapable de reconstituer l'ordre originel, l'opposition paganiste deviendra un esthétisme maudit : la sorcellerie. La désagrégation du paganisme originel a comme effet, en particulier, la désacralisation progressive du prêtre païen. Au début de l'expansion du christianisme, dans le monde rural, ce prêtre, s'il conserve une autorité magique, perd toute fonction et reconnaissance officielle. Aussi son personnage se transforme. Il peut poursuivre sa vocation et ses activités de mage, mais d'une manière de plus en plus clandestine et de plus en plus confuse, de par l'éloignement de la théologie païenne. Ainsi diminue son autorité officielle. Mais il demeure un homme de prestiges : dans son «quartier», il conserve une forte autorité, de par sa connaissance de la tradition, des rites, des symboles paganistes. C'est le dépositaire de la culture paysanne. Ce peut être l'ordonnateur des festivités saisonnières. Cet homme demeure public, il est
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toujours homme de conseil, d'ordre pratique, professionnel. Il dispense les recettes empiriques. Mais surtout c'est le seul qui sache soigner (et les hommes et les bêtes). Le prêtre païen n'est plus que le rebouteux (ou sage-femme) qui soigne empiriquement (bonnes herbes, recettes éprouvées, etc.). C'est le dépositaire de toute la science pratique du paganisme, ou plus exactement de ses survivances. Aussi est-il encore quasi nécessaire au monde rural. Et s'il est reconnu c'est qu'il est efficace, pratique. Ainsi ce personnage, dont le rôle est public, implanté dans le monde rural, est loin d'être maléfique. Mais déjà c'est un personnage étrange. La totalité justificative et explicative s'est perdue dans la nuit des temps. La théologie païenne est réduite à quelques formules incantatoires et à quelques recettes empiriques. La mythologie s'est épuisée en superstitions. L'explication n'est plus là, c'est-à-dire la systématisation théologique et pratique du paganisme. Aussi l'efficacité, la pertinence pratique des recettes et formules, apparaît comme mystérieuse, comme l'émanation d'une puissance inconnue, redoutable. L'autorité naturelle du rebouteux, de celui qui agit sur la nature, est une puissance inexplicable. L'occultisme dans le paganisme, dans un panthéisme de la nature, est un symbolisme immanent. Autrement dit, l'invocation, la sollicitation de force, de pouvoir, se fait dans la nature, par la nature, pour la nature. Le prêtre païen ne sollicite pas des forces obscures, négatives, mais au contraire la quintessence de l'ordre naturel, le potentiel originel. Et ainsi le dédoublement de la nature n'est que celui de l'implicite et de l'explicitation, de la nature naturée et de la nature naturante. Et l'occultisme n'est que le symbolisme de la connaissance qui peut, par la seule force de son langage, non seulement évoquer, mais capter, diriger les forces naturelles. Mais l'occultisme se refuse à toute réification humaniste, sociale, de sa symbolique opérante. La nature doit rester à la nature ; le symbolisme immanent ne doit pas renvoyer à un pouvoir de la culture sur la nature, mais à un pouvoir de la nature humaine sur la nature cosmique. Aussi le pouvoir occulte a l'étrangeté non du mal, mais de la puissance humaine sur les forces naturelles. A travers son symbolisme, une critique de la connaissance débouche sur un volontarisme, non de la nature, mais du consentement humain à la nature. Et le paysan a peur de cet occultisme, qui, rappelons-le, n'est pas celui du sorcier, n'est plus celui du prêtre, qui ainsi ne repose sur aucune autorité, mais qui est l'affirmation de ce que la praxis paysanne tend à nier. En effet, la production rurale, même au niveau de la totale soumission qu'est le servage, permet de dépasser la pure nature. Elle est accession à la culture, reconnaissance, mais accession bien lointaine, car reconnaissance de l'esclave par le maître qui lui doit protection et peut
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condescendre. Aussi le paysan trouve étrange l'ancien prêtre et le futur sorcier. S'il lui est utile, s'il reconnaît sa positivité, il le voue aussi aux forces du passé, à une survivance qui doit se nier. Mais nous n'avons étudié que la dialectique de la désagrégation interne du paganisme. L'implantation féodale et chrétienne, dans le monde rural, précipite cette désagrégation. L'appareil d'église, s'appuyant sur la toute-puissance politique féodale, va réduire l'ancien prêtre à la sorcellerie. Le leader du monde paysan sera réduit à la totale clandestinité. L'invocation du rythme naturel, ses symboles, ses rites, ses fêtes, est désormais interdite ou transmuée dans la symbolique chrétienne. Toutes les manifestations naturelles, quotidiennes seront sacralisées. Un ordre spirituel, à la suite de l'ordre politique, se substitue au paganisme. Grande est alors la frustration de celui qui va devenir le sorcier, sur le plan religieux, politique, économique. Ce petit notable paysan est ruiné, spolié, car son activité est déclarée illégitime. Et il ne peut être qu'un paysan d'occasion, ayant traditionnellement tiré ses revenus d'activités diverses (rebouteux, etc.) qu'il ne peut exercer que dans la clandestinité. Sur le plan religieux, le prêtre officiel perd à la fois les prestiges de l'autorité et de la connaissance. Il devient dispensateur d'erreur, profiteur de l'erreur. Mais, c'est surtout sur le plan de la vie publique (et du rôle quasi politique de leader rural) que la frustration entraînera le ressentiment qui fait le sorcier. Survivait du paganisme, parmi d'autres notions plus ou moins confuses, l'idée d'une correspondance de l'ordre naturel et de l'ordre public, par laquelle le petit notable pouvait s'immiscer dans la vie publique. Aussi ce personnage gardait la tentation d'un rôle non seulement public, mais politique. Leader du monde paysan, la nostalgie de sa fonction officielle sera d'autant plus cruelle dans la clandestinité. Cet oracle de campagne est dénoncé comme foyer de résistance à l'autorité politique et spirituelle. En lui l'autorité veut museler le seul leader du monde paysan, le seul qui peut être susceptible de donner une signification politique aux événements naturels et privés, le seul qui ait une autorité, d'ordre naturel, sur le monde rural. On peut imaginer comment dans le milieu familial s'exprimera la haine, le ressentiment, à l'égard du système qui dépossède le «leader» paysan. Et si le père, trop attaché à ce qu'il peut y avoir d'humanisme dans le paganisme, renonce, se résigne, le fils, élevé dans un climat de haine et de frustration, ne peut dissocier dans sa culture la tradition paganiste ou ce qu'il en reste, de son ressentiment politico-religieux. C'est lui qui devient le sorcier. Le don, source de bienfaits, deviendra maléfice, source de mal (car ce n'est que par la fonction, l'état que peut s'exprimer le ressentiment. Celui-ci ne
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peut acquérir une autre formalisation sous la double surveillance politique et religieuse). Le non-dit est clandestinité ; la négativité est le mal. L'opposition, d'ordre spiritualiste et culturel au naturalisme du paganisme, l'opposition du prêtre au sorcier, est le passage d'un panthéisme de la nature à un dualisme de la nature et du spirituel. L'occultisme, l'évocation des forces naturelles, doit quitter le symbolisme immanent. La nature pour s'évoquer devra se libérer de la captation et formalisation spiritualistes. Il ne suffit plus de la nommer. Mais il faut la reconnaître, dans la culture, pour la dégager de sa formalisation négatrice, et la capter dans sa pureté. L'occultisme doit passer par le transcendant. Aussi toute la symbolique se renouvelle. Il faut d'abord qu'elle passe du naturel au transcendant. Puis sur ce plan la nature doit se reconquérir. Enfin elle doit revenir au sensible, au vécu. A travers une symbolique, l'occultisme n'est plus actualisation de la nature, reconnaissance de la puissance dans l'acte, mais relation du naturel au surnaturel. Par la sorcellerie, l'occultisme quitte la nature mais pour la retrouver dans le surnaturel. Ainsi, paradoxalement, la nature devient le surnaturel. Le paganisme originel se nie totalement : la nature n'est plus là, ici et maintenant, dans les coordonnées du monde sensible. Elle doit être retrouvée, reconquise. Son principe est en dehors d'elle-même. Ainsi la sorcellerie n'est pas dirigée contre le Bien, l'Eglise, ce n'est pas une négativité stérile. La sorcellerie veut retrouver le vitalisme originel, et pour cela elle doit s'en prendre à la religion, au bien, non en tant que tels, mais en tant que captateurs de la nature. La religion n'est pas haïe parce qu'elle affirme le Bien mais parce qu'elle empêche la nature de s'affirmer. La dialectique de l'occultisme, de sa symbolique, est celle de sa situation sociale. Alors que dans le panthéisme le symbolisme est immanent, que la nature se retrouve sans médiation, l'implantation chrétienne contraint la symbolique à traduire une reconquête de la nature, et sur un autre plan que les relations naturelles. Ainsi la symbolique est comme une critique de la connaissance qui autorise l'action. Et cette symbolique, par elle-même, serait objective : c'est une méthodologie. Son intentionalité n'est pas maligne. Le symbolisme de la sorcellerie rendra compte de cette double transformation de l'occultisme et de la situation du sorcier. L'occultisme, raccourci d'une connaissance qui vise à l'action, par lui-même technique de l'invocation et de la participation, devient maléfique, dans son intention, de par le subjectivisme maudit, le ressentiment, et de par sa nouvelle problématique opérationnelle : la reconquête du naturel sur le spirituel. Aussi sa symbolique devientelle celle du mal. Car l'affirmation de la nature est maintenant négatrice du bien, de la culture chrétienne et féodale. Ainsi le mal (de la sorcellerie)
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est d'une part reconquête et participation à la nature, mais aussi et en même temps, volonté de nuire, de se venger. La nature devient méchante. En même temps, le symbolisme de la sorcellerie reconnaît le non-accomplissement effectif, charnel, car elle est accomplissement sur le plan du symbole. Le symbolisme immanent de la nature était déjà participation. Le sacrifice, par exemple, est une micro-action, mais totale. Par la symbolique païenne, le désir humain reçoit la promesse de son accomplissement, et le commencement de l'accomplissement. Cette symbolique peut jouer le rôle d'une préparation initiatique à la consommation effective du désir. Au contraire, la symbolique de la sorcellerie commence par un constat : l'impossibilité de l'accomplissement. La nature se reconnaît dans le désir, mais la culture sociale ne reconnaît plus ce désir. Mais ainsi cet arrêt brutal, ce traumatisme d'une force, d'un potentiel qui ne trouvent plus à s'exercer est secondarisation, commencement de la prise de conscience. La situation est reconnue comme drame. La symbolique dira cet accomplissement, mais sur le plan de l'imaginaire. Elle est donc reconnaissance de la non-réalisation effective ; la substance, le vécu est perdu. Mais alors la symbolique peut retrouver une substance. Ce drame peut essayer de se dépasser dans une action. L'action type, en soi, sera celle qui reprendra la critique de la connaissance qui exprime le passage du paganisme au christianisme, puis la reconquête de la nature. Cette action sera toujours symbolique, mais dans un rituel concret. Et par la symbolique le pathos diffus et contradictoire du réel devient plus pathétique. Par le condensé du rituel, sa stylisation, progression, la définition des moments essentiels, le vécu retrouve paradoxalement, dans sa non-réalisation une plénitude existentielle. Cet imaginaire n'est pas l'informel de la rêverie vague, car la symbolique reprend toute la continuité et tous les grands moments du désir, dans sa reconquête de la liberté et son accomplissement final. Ainsi, la sorcellerie constate d'abord la perte de la substance naturelle. L'action humaine, naïve, qui permettait l'immédiat accomplissement n'est plus possible. Mais peut se reconstituer, par la symbolique, une autre réalité, qui recrée sur le plan imaginaire l'accomplissement naturel. Cet esthétisme dit la nouvelle élaboration du désir sous l'interdit culturel. Sa non-réalisation est en même temps dramatisation et catharsis. La dramatisation est la transposition du désir à travers la négation sociale. Et comme cette dramatisation, par sa symbolique, par l'esthétisme, aboutit à une catharsis, c'est-à-dire à un dénouement, un accomplissement, en même temps, se dénoue et se dépasse la tension du désir. Ainsi la culture paysanne élabore son subconscient, dont la sorcellerie est la symbolique et l'actualisation. Sa problématique : la trans-
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position de la nature du paganisme au christianisme, du désir fruste qui se réalise au désir interdit, frustré, va devenir celle de la civilisation occidentale. De même que sa solution : la transposition esthétique devient une culture du désir et une catharsis. La symbolique du mal se réduit ainsi à un esthétisme. La méchanceté n'est pas une action pratique, mais une intention. Elle se veut pouvoir, captation du pouvoir, exercice de ce pouvoir. Et c'est par la formule magique, le langage ésotérique qui sacralise et pathétise, que se capte et s'exerce ce pouvoir, qui est participation au surnaturel, évocation du principe négateur (le Diable). Ainsi apparaît une ambiguïté entre le principe négateur et le négateur (le sorcier), entre le mal substance et le mal sujet, entre le surnaturel et la formule surnaturelle, entre la subjectivité et la substance. Ainsi, tantôt la formule magique n'est rien en dehors du surnaturel substantiel, du Diable, tantôt elle est surnaturelle par elle-même, pouvoir acquis. Mais l'intentionalité (le désir) se fait de plus en plus humaine. C'est que la situation du sorcier se subjectivise de plus en plus. Ainsi la formule se fait prédominante, elle est toute-puissante, elle peut forcer le principe du mal, l'obliger. Elle devient cause. C'est elle qui ordonne. Autrement dit, le surnaturel, sans qu'il y ait prise de conscience, attitude critique, devient la volonté subjective. C'est le «il faut» qui décide. C'est la toute-puissance du sujet, du verbe, qui est créatrice, démiurge. La poésie maudite est à l'origine cette incantation du sujet, cette toute-puissance, qui par le verbe, se substitue non seulement au principe du mal, mais aussi à la nature. Ce volontarisme subjectif prend conscience de lui-même par le verbe, seule action possible, enchantement et évocation. L'action devient verbe. Le mal n'est plus que le lointain prétexte d'une impossible praxis. Ainsi la nature du serf, par la culture féodale, se dédouble en nature imposée, réification du servage, continuité biologique qui assure le substrat du travail servile, qui est la praxis réduite au seul organique, et en nature cachée, maudite, qui s'exorcise, se nie elle-même par l'esthétisme. Cette dualité est celle du paysan et du sorcier, de la nature reconnue et de la nature cachée, de la conscience et du subconscient. Mais ces deux aspects de la nature sont ceux de la dépolitisation totale. Et ainsi, au-delà de l'opposition, par cette dépolitisation, ces deux aspects de la nature retrouvent une homogénéité : ce sont deux états du servage. Ainsi ce ne peut être que par le dépassement du servage, par l'accession à une réalité politique, que ces deux modalités de la nature pourront se dépasser.
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B. LE NATURALISME COMME DÉPLACEMENT DU SERF A LA VILLE
1. De la contestation politique à l'ironie. Situation macro-sociale de la plèbe : révélation, à la ville, de la situation d'origine (du serf) — ha subversion naturaliste comme modèle du comportement
individuel
L'affranchissement du serf autorise soit une relative autonomie, dans la praxis rurale, soit le passage dans une autre praxis : celle de la ville. La multiplication immense des affranchissements autorise le «renouveau urbain» (11e, 12' et surtout 13e siècles). Mais cette libération de la tutelle seigneuriale, et le passage à la ville, ne sera, pour beaucoup d'anciens serfs, qu'un changement de lieu, et non un changement essentiel de condition, de statut politique. C'est que seulement une très faible minorité de serfs émancipés est intégrée par la ville. Et pour deux raisons fondamentales : la première, c'est que la ville est déjà constituée, et son renouveau n'utilise, de l'apport qu'est l'émancipation de masse, qu'une élite. Le bourgeois rejette dans les faubourgs les apports nouveaux, et s'enclôt intra muros. La deuxième, c'est que les villes, lorsqu'elles sont créées, lorsque leur création est relativement récente, le sont autoritairement, d'un coup par les seigneurs ou dignitaires (de l'Eglise : évêques). Et alors leur croissance est délimitée par un à priori politique, par des besoins spécifiques et locaux. Aussi tout un excédent quantitatif, de serfs, sera par l'émancipation simplement déplacé de la campagne aux faubourgs. Et cet excédent fait du serf émancipé la plèbe (l'étymologie des «classes dangereuses»). Bien des affranchis se heurtent à une structuration politique de la ville, qui les réduit à une incapacité et irresponsabilité fondamentales. L'affranchi ne peut quitter son état. Mais alors que le servage le soumettait à une praxis qui épuisait sa vigueur, il est réduit à une vacuité, à une vacance, qui donne à la nature (au corps) un nouveau champ d'action (travail occasionnel, subalterne, saisonnier). Le naturalisme sera l'expression de cette situation : une spécificité rurale qui est un aboutissement. Le serf, à la ville, peut se libérer des deux modes de la nature qui exprimaient son statut économico-politique : la sorcellerie (nostalgie du passé) et la réification par le servage. Cette libération est politique, c'est une révolte contre le curé et le seigneur (révolte qui ne connaît l'impunité, qui ne peut avoir une réalité, très marginale, que dans les faubourgs). C'est par la subversion politique qu'apparaît l'affirmation naturaliste. La nature est alors subversion de l'ordre. Et le naturalisme en reste là, il ne s'intègre pas dans une autre praxis, dans celle de la ville, ce qui le repolitiserait. Mais cette attitude subversive
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s'acquiert dans la ville, par un dépassement de la situation antérieure (servage). C'est donc essentiellement dans le milieu, groupe, des affranchis, au faubourg, que se termine le trajet de l'émancipation et que commence la prise de conscience de la scission avec le milieu rural et de la marginalité à la praxis urbaine. Une autre «nature» va se révéler, comme assumation de cette situation d'ordre démographique et sociologique. Cette nature, potentiel du monde rural, virtualité latente, est la révélation d'une opposition à l'ordre qui ne peut s'affirmer qu'occasionnellement dans le monde rural. Dans les faubourgs, la plèbe peut se donner comme «idéologie» l'antagonisme à l'ordre des nobles qui, à la campagne, est un non-dit, qui chemine souterrainement (sorcellerie) et n'éclate que dans des cas limites (Jacquerie) et seulement dans des moments (il n'y a pas de conduite organisée au grand jour, de l'opposition). Se révèle donc une vie instinctive, ponctuelle, d'agressivité et de sexualité. Mais qui n'apparaît que dans l'opposition et qui n'a d'être que par le hiatus, la faille de l'ordre. Cette situation est le seul mode d'expression, possible, de la plèbe. Car elle ne peut créer des conduites politiques structurées dont le contenu serait une praxis. Elle reste marginale à la cité. Aussi est-elle vouée à la répétition de la situation étymologique. Par sa migration, le serf n'a pas dépassé son conditionnement originel. Pour s'exprimer, il doit reprendre, répéter la situation originelle, mais dans la volonté, «l'intentionalité». Et puisque la structure de la ville interdit toute promotion, cette situation, particulière au milieu rural, s'élargit et s'universalise. La volonté de subversion est la seule attitude possible, elle se retourne aussi contre l'échevin, le politique de la cité. L'entre-deux-praxis est une vacuité qui interdit tout sérieux politique. Le seul mode de réalité est l'assumation de cette situation : l'être est naturel parce que subversion, opposition, à tout ordre (rural et urbain). La revendication et actualisation de l'instinct comme subversion politique, l'identification de la nature et du subversif, sont le modèle du comportement personnel car situation macro-sociale de la plèbe (du déclassé). L'individu répète la dynamique macro-sociale comme action singulière, mode d'existence. L'individualisme du naturalisme, s'exerce, de par la privation de tout relationnel sérieux avec le travail, le politique, la ville, essentiellement dans la plèbe elle-même, dans le groupe marginal. Le naturalisme est subversion non seulement contre l'ordre mais dans la plèbe. L'individualisme est agressivité tournée contre le voisin, le pareil, le même. Le concurrentiel, sans praxis, sans conduite structurée, est constante querelle, acrimonie. Et sans les ménagements des conduites policées. Ainsi le volontarisme subjectif de la sorcellerie est devenu un individua-
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lisme pratique, de par le passage du serf à la ville, et de par le nouveau comportement de l'individu dans la. plèbe. Cet individualisme est une prise de conscience politique. Mais le danger qu'il représente, pour l'échevin, est très réduit : dès le principe, l'opposition s'interdit elle-même (de par son inefficience pratique) toute promotion de la plèbe vers une communauté. La plèbe reste le surplus, la masse de manœuvre, dont le politique dispose. Aussi, si le naturalisme est optimisme, par la conquête individualiste de la nature, il est aussi, dans son affirmation organique, désespoir, car reconnaissance non seulement de l'impuissance politique, mais aussi de l'autodestruction de la masse plébéienne. L'ironie du naturalisme sera l'expression de cet optimisme et de ce pessimisme, de l'affirmation individualiste et de la négation communautaire. La conscience de classe, de la situation faite à cette classe, sera donc comprise et exprimée par cette ironie. Ce n'est pas une attitude réflexive mais pratique : c'est celle de l'action individuelle qui ne peut prendre conscience d'elle-même, mais qui sait trouver ou retrouver immédiatement sa pratique. L'affirmation de l'individu est la négation de la communauté. L'ironie est donc une catégorie politique et existentielle : la situation macrosociale de la plèbe, sa génétique et son aboutissement, se répètent sur le plan du vécu, de la réalisation individuelle. Par cette ironie, l'esthétisme quitte le plan de la réalisation symbolique et catharsique de la vie naturelle (sorcellerie). La nature est rendue à l'immanence et à la consommation effective. Mais, par l'ironie, la nature dépasse aussi la quotidienneté du servage, de la totale réification de la nature par la praxis. L'ironie naturaliste accepte la quotidienneté de la misère, parce que c'est dans et par cette quotidienneté que l'instinct se réalise. (Ainsi le naturalisme est consentement à la situation acquise, c'est-à-dire à l'ordre des échevins, parce que c'est dans et par cet ordre que la vie naturelle se réalise. L'ironie naturaliste est celle d'une subversion qui affirme l'ordre établi.) Cet esthétisme ne connaît ni la symbolique concrète de l'esthétisme maudit, ni la stylisation sociale de la courtoisie. C'est qu'il est la moindre formalisation de la nature. Alors que la sorcellerie est une réduction symbolique des grands mythes païens dans le pathos catholique, qu'elle exprime comme la symbolique synthétique de deux systèmes de symboles, alors que la culture de cour exprime une culture de la nature qui renchérit sur une autre formalisation (celle du chevaleresque), l'ironie naturaliste est, par définition, négation de la formalisation, réalisation de l'instinct et mépris de son détour. L'ironie est celle de la nature, affirmation par la négation. Et ainsi elle s'in-
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terdit toute continuité qui assurerait une stylisation spécifique. L'ironie naturaliste est réduite à la ponctualité, au surgissement. Mais ce que l'ironie naturaliste perd en esthétique, elle le regagne sur le plan du ludique. Et ce ludique quitte la clandestinité et l'autonomie de la sorcellerie pour devenir immanent au vécu de la quotidienneté. Mais ce ludique n'est pas un mode du vécu, autonome et reconnu, comme celui de la Cour. S'il est immanent au quotidien, c'est par la négation de son sérieux. Ainsi c'est dans la trame même du sérieux qu'apparaît la négation naturaliste. Mais la subversion naturaliste, au moment de l'implantation en masse des affranchis, ne saurait atteindre la structure politique de la cité (c'est dans la plèbe, contre sa politisation, que s'affirme l'individualisme). Aussi le sérieux dans lequel surgit le ludique du naturalisme n'est que la quotidienneté la moins politisée, institutionalisée, structurée. Aussi le ludique trouvera dans ce milieu à la fois la moindre résistance et sa limite. La moindre résistance car le surgissement naturaliste ne fait que retrouver la nature à travers la plus mince sociabilisation, comme le même retrouve le même, dans le passage de la puissance à l'acte, du substrat quotidien à la ponctualité instinctive. C'est aussi la limite du ludique, car la fragilité de la quotidienneté, quotidienneté qui est la condition nécessaire et préalable du ludique, n'autorise que la pénétration qui ne met pas en question toute la quotidienneté. Et c'est le ludique, qui par lui-même fixe sa limite, de par la compatibilité, de sa nature et de celle du quotidien, de par la subordination du contingent au nécessaire, du ponctuel au continu, du biologique à l'économique. C'est que, si le ludique et le quotidien, l'ironie naturaliste et la quotidienneté de la plèbe s'opposent, à l'intérieur du ghetto spatial et spirituel qu'est le milieu humain de cette nouvelle classe essentiellement constituée par les affranchis, ces deux modalités du vécu retrouvent une complémentarité à l'égard du sérieux politique des échevins. Le sérieux de la quotidienneté voit alors dans le ludique la subversion politique, et le ludique reconnaît dans la quotidienneté la réduction à la misère, de par l'écrasement politique, misère qu'il ne veut pas aggraver, mais souligner par l'ironie. Ainsi, si l'ironie naturaliste est un individualisme, celui-ci se délimite par la situation de classe. Au-delà de la négation de soi-même, du principe politique communautaire, l'ironie naturaliste doit reconnaître sa solidarité avec le sérieux de la quotidienneté. 2. Temporalités constitutives du relationnel en milieu plébéien La formalisation des relations interpersonnelles va exprimer la situation d'une classe sociale sans devenir politique. Mais la plèbe est aussi l'accomplissement
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d'un parcours (dont l'appréciation démographique ne doit pas cacher la raison économique). Le destin de la plèbe est dans ce paradoxe : sa génétique est historique mais elle n'a pas de vocation, comme telle, dans la praxis. Aussi sa dimension existentielle fondamentale rend compte de cette situation historique : les conduites humaines n'auront pas de finalité. Pas de prospectif aménagé selon des conduites institutionalisées. Pas de progressif dans la gestion psychologique de l'individu. La plèbe vit un temps devenu, dans une temporalité qui s'est accomplie et qui ne peut se dépasser. Elle répète, elle ne fait que retrouver l'identique. La plèbe est réduite au moment, à l'instant qu'est sa situation, l'accomplissement de son parcours. Mais ce moment, s'il ne fait que répéter, répète un accomplissement : celui du cycle migrateur, la translation de l'aliénation de la campagne à la ville. Il porte donc aussi un passé. Et si le temps s'est arrêté, c'est par le traumatisme qu'est le barrage politique de la cité, le rejet dans les faubourgs, comme privation de toute praxis reconnue par le bourgeois. La fin de la translation du serf n'a pas été le commencement de la bourgeoisie. Ainsi, le devenir est su comme un interdit, comme frustration. Le moment répétitif qu'est l'existence de la plèbe porte en lui un passé et un devenir, comme expérience vécue. Ce moment est l'accomplissement d'une conduite macro-sociale et inaccomplissement de la conduite de relais. Le répétitif de la situation acquise, le souvenir de la translation accomplie, et le traumatisme de la praxis communautaire interdite, sont donc les trois dimensions du temps qui structurent le relationnel. Les conduites n'auront pas l'autonomie politique de l'action collective et universalisable, mais des perspectives partielles, juxtaposées et même contradictoires, qui permettent l'existence précaire de l'individualisme, le jeu du concurrentiel en milieu naturaliste. Il n'y aura pas la subordination des temporalités dans le devenir d'une classe qui se réalise dans une praxis collective. Au contraire, dans le moment, les dimensions temporelles se rencontrent pour se juxtaposer : par exemple, les conduites qui expriment l'étymologie rurale et l'adaptation urbaine sont incompatibles. Aussi le problème qui apparaît est celui de l'homogénéisation du moment, car il révèle le mode du relationnel, les rapports interpersonnels. Comment les conduites peuvent se raccorder dans le moment, en conservant leur spécificité et sans le référentiel qu'est le commun dénominateur de la praxis ? Ces dimensions temporelles concrétisent les conduites macro-sociales ; à chaque dimension correspond une conduite. Ainsi est définie la totalité des conduites possibles : une typologie exhaustive, du comportement possible, se réduira donc aux trois dimensions du temps. Pour définir la trame du relationnel, comme interférence de ces conduites,
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unification du pluralisme, il faut d'abord définir cette typologie exhaustive. Alors le micro-relationnel a, comme garantie sur le plan de la connaissance, un référentiel exhaustif, dont la formalisation est la plus accomplie et la plus nécessaire. 3. Illustration de la typologie de la plèbe Cette typologie peut se réduire à une illustration selon des personnages types. Ainsi les conduites apparaîtront concrètement dans des singularités, dans le processus de l'individualisation. L'inconvénient majeur de cette personnalisation de la typologie, de cette réduction d'une conduite à une représentation exemplaire, est de négliger le conditionnement matériel, pratique, de ces conduites (les mesures de la sociologie quantitative). Aussi cette personnalisation doit être considérée comme illustrative, c'est-à-dire comme seulement la figuration la plus expressive et la plus formalisée d'une typologie. La relation avec le passé, qui le rappelle et le dépasse, tout en l'utilisant, est la bouffonnerie. Le bouffon est d'abord l'inadapté d'un groupe, le paysan qui n'a pas su prendre les manières de la ville. Il est ainsi, à ce premier niveau, constitutif de l'homogénéité d'un groupe ; il est le catalyseur, le symbole des affranchis, qui prennent conscience de leur changement d'état, des difficultés d'adaptation, et du nécessaire dépassement de ces difficultés. Le bouffon devient ainsi signe de reconnaissance d'un groupe urbain et dérision de l'origine paysanne. Par extension, le bouffon est aussi celui dont l'aspect, la tare, la déficience physique entraînent une inadaptation et qui provoque ainsi dans son groupe le sentiment de communauté, en même temps que la joie et la sécurité de l'adaptation atteinte. Mais ce n'est là que le premier moment de la bouffonnerie, la première attitude qui assure la transition. La bouffonnerie authentique, au second degré, non seulement rappelle et dépasse, mais surtout utilise la relation étymologique. Le bouffon est alors celui qui mime le comportement de l'irrécupérable pour signifier son inaptitude à toute continuité de comportement qui serait assumation, dans le sérieux de l'acceptation, de l'aliénation imposée par les échevins. Et ce refus du normatif, qui ne peut se dire ouvertement, met le bouffon hors de portée de la sanction : son incapacité est celle de son origine, elle fait partie de son état. Et en même temps, par cette impunité est reconnue non plus l'incapacité, mais la valeur, le talent, le savoir-faire de celui qui sait se mettre hors de la norme en s'affirmant lui-même, et son origine. Celle-ci triomphe donc par la ruse qu'elle autorise. Et ce comporte-
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ment, qui est le raccourci de toutes les attitudes de refus de l'autorité, illustre tout un réseau de relations dont il donne comme la symbolique psychocomique. Ainsi l'adaptation sociale est un art, celui du comédien. L'ironie naturaliste est un art de vivre, l'adaptation sociale s'apprécie au talent Tout un arsenal d'allusions, signes, symboles s'invente. Le bouffon est donc symbole de la génétique (surgissant de la nature par la subversion, dérision de l'origine du vilain, mais rappel de cette origine comme dérision de l'ordre des échevins). Le bouffon rappelle toute l'évolution du groupe et en fait un art de vivre. Ainsi le bouffon est aussi symbole d'une situation, d'un aboutissement. S'il n'est de bouffon que de comédien, il n'est de comédien que d'auditoire. La valorisation, l'audience, est reconnaissance du groupe car genre de vie du groupe. L'esthétisation quittera la pure bouffonnerie pour devenir une comédie humaine plus subtile, celle de l'entremetteur (le futur valet de comédie), autre artiste dans son genre. S'il y a comédie humaine en milieu de dépolitisation totale, il en est le régisseur. C'est un autre leader de groupe, mais qui n'est pas tourné vers le passé. C'est l'homme du présent, de l'action la plus politique qui soit autorisée. En effet, il est en relation avec le monde d'en haut, des bourgeois. Et cette relation assure son autorité dans le monde d'en bas. Mais s'il a pu acquérir la relation verticale, c'est par sa connaissance des relations horizontales. Connu de tous, il connaît tout le monde, tout le système de relations du quartier, cabaret, ville. Ainsi il peut aménager les relations d'offre et de demande, en tirer profit et s'effacer discrètement. Son action n'est pas spectaculaire comme celle du bouffon, mais elle est concrète, à des fins souvent inavouables, d'où semi-clandestinité de l'entremetteur. Sa vocation d'entremetteur a donc une double perspective : verticale (il met en relation le plus souvent l'argent et le plaisir, le bourgeois et la prostituée, par exemple) et horizontale (dans son milieu, dans son groupe il ménage et rapproche les intérêts sordides, prépare les «affaires», régularise les tensions, etc.). Ainsi il joue sur deux tableaux. D e là la ludicité de son rôle. Dans chacune des perspectives, dans chacun des milieux, il joue sur un prestige, une autorité acquise ailleurs, et qu'on lui prête. Alors le personnage de l'entremetteur tient essentiellement son rôle et son prestige de son talent, de l'art de se donner l'importance qu'on lui prête. L'art, de trafiquer d'influences qu'il n'a pas ou qu'il a à moitié, de prendre les manières des bourgeois pour prouver ses relations, d'utiliser les circonvolutions, pour médiatiser les extrêmes, les inconnus, l'art de la restriction mentale, du bluff. (Son rôle peut correspondre à l'un de ces petits métiers qui facilitent et multiplient les relations, cette situation ne créant pas de droits, mais certains privilèges.) Cette fonction, qui met en relation le monde d'en haut et 6
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le monde d'en bas, en dehors de toute praxis, est dans son principe subversion politique par la vie instinctive. Mais à ce moment, cette subversion se tourne essentiellement contre le monde d'en bas. L'entremetteur ne fait que livrer «les richesses naturelles» de la plèbe contre une misérable contrepartie. Ce n'est que bien plus tard, au 18e siècle, que la subversion atteindra la bourgeoisie, par ses compromissions généralisées avec le monde du plaisir et du trafic. Ce sera le libertinage. Alors la subversion naturaliste aura atteint son but, sur le plan des rapports de classe, élargissement final des subversions individuelles. L'entremetteur sera devenu le maître chanteur d'une classe sociale. Enfin, dernier type du naturalisme, celui de la plus grande action possible, c'est-à-dire de la plus forte subversion par l'instinct : la truanderie. Et c'est cette attitude qui s'ouvre le plus sur le devenir, mais dans les catégories du naturalisme. Car la plèbe n'a pas un avenir de classe, elle n'a pas de destin n'ayant pas de praxis. Aussi ne pouvant accéder à une conscience de classe politique, la dimension temporelle de l'avenir lui manque. L'avenir ne peut être que la répétition du présent. Aucun élément évolutif n'intervient. La subversion naturaliste affirme la nature contre l'ordre actuel et à venir. Aussi ce n'est pas en référence à un destin de classe, politique, qu'il faut apprécier la truanderie. Celle-ci n'est pas un devenir mais un accomplissement. L'ironie s'est faite acte. La subvention naturaliste s'actualise (ainsi la symbolique catharsique de la sorcellerie est totalement niée). Mais aussi elle se dépasse : le ludique n'existe plus par l'action criminelle. Le truand, accomplissant l'intention naturaliste, vide celle-ci de son contenu. Et ce type représente la seule action autorisée, la plus grande autonomie à laquelle l'individu peut accéder. Alors le type du truand se charge d'un pseudo-prestige politique, celui de l'action effective, de l'accomplissement du destin. Et c'est alors sur lui que se cristallisent les très confuses revendications politiques. Le truand ne fait que se venger de la frustration plébéienne. Et dans l'imagerie populaire ce chevalier de la canaille devient une image hasardeuse de la justice populaire. C'est à partir de ce rôle social que s'instaure la mythologie du hors-la-loi. Les grandes figures du crime (Cartouche, Mandrin) apparaîtront comme des justiciers qui frappent les riches et les mauvais riches, les spoliateurs. L'organisation des bandes de voleurs, les secrètes ramifications du monde du vice et du crime, sont autant de défis à l'ordre. Dans le combat du crime et du bourgeois, la plèbe mesure le pouvoir. Ainsi le picaresque devient un style de vie (ainsi se formera une tradition romanesque, dont les figures retrouvent l'universalité des Robin des Bois, Salvatore Giuliano, etc.). De la bouffonnerie naturaliste au romanesque du crime, en passant par la comédie de l'entremetteur, tels sont les trois types exemplaires
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de la culture naturaliste. C'est en référence à cette typologie que se strutture la trame de la vie quotidienne, des relations interpersonnelles. 4. La cellule relationnelle : dualité des types et de la quotidienneté — La sémiologie comme désubstantialisation Le plèbe n'a pas de critère objectif, institutionnel, qui régulariserait ses relations internes. Dans son rapport avec le pouvoir politique, par la subordination totale, elle est bien soumise à la loi. Mais ce système de référence commun à tous les individus de la plèbe, s'il a réifié la situation de la plèbe en une seconde nature, n'intervient pas dans les relations interpersonnelles, dans l'affrontement des individus en milieu plébéien (entre eux). Aussi le seul référentiel sera la typologie des conduites macro-sociales. Ce pluralisme est le modèle du comportement individuel et la trame de la vie quotidienne. Mais ainsi ces deux derniers termes se condamnent à la totale privation du sérieux. Privé de praxis, de reconnaissance politique, d'institution, le relationnel est alors réduit au ludique. La comédie humaine sera la fatalité de la plèbe. Non pas que celle-ci veuille la comédie comme fin, mais son seul moyen d'expression collective, de politisation des conduites, est cette ludicité, gratuité, sémiologie des prestiges et significations, marginale au sérieux politique de la cité. Le ludique s'efforce de reconstituer le sérieux du code politique : c'est comme substitut, nostalgie et besoin du sérieux politique, que le ludique peut être un système sémiologique. Ainsi tel sera le paradoxe : le groupe humain totalement aliéné, le plus soumis au sérieux politique et au sérieux organique (la misère) est réduit à un mode d'expression ludique. Le code de l'échange entre homologues (plébéiens), comme système spécifique de relations, décompose en éléments cellulaires constitutifs du quotidien, les trois grandes conduites macro-sociales (relation avec le passé, collaboration dans le présent, dénonciation du bourgeois). La déstructuration du macrosocial sera la structuration de la cellule relationnelle : c'est dans le micro-social qu'est résolue la contradiction de la situation macro-sociale. Les trois conduites moyennes (dans l'atome relationnel) doivent s'interpénétrer dans la moindre durée. La cellule relationnelle est cette moindre durée, dans laquelle la totalité de la situation s'affirme par la conciliation des trois moments. Chaque moment s'affirme, et en même temps convient à l'interpénétration : le conflictuel génétique entre les conduites se séduit de par la complémentarité des conduites dans la situation globale. Cette atomisation consiste d'abord en la réduction de la conduite d'entrée (c'est-à-dire de la conduite en instance d'affirmation) en un raccourci. Celui-ci est à la fois symbole coupé de la série macro-sociale et participation à cette série. Cette
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ellipse est donc à la fois représentation et participation. Ce symbolisme immanent assure donc et l'action et la communication. Son ambiguïté est constitutive. En tant que communication, la cellule relationnelle doit porter aussi l'insertion, la pénétration des autres macro-conduites (qui subissent aussi la même réduction). Elle doit être une ouverture à la contradiction, la préparer et même la susciter. De même que cette cellule véhicule l'affirmation d'une série homogène, elle véhicule sa contestation, comme appel dialectique, à une relance, comme invite à la réplique. Cette cellule relationnelle a donc une triple signification : affirmation d'une conduite macro-sociale, représentation pour la compréhension, et communication, ouverture vers la différenciation (mais du même). Aussi cette triple composition peut faire de la cellule une durée plus ou moins longue. Ce raccourci est une variable qui dépend essentiellement de la nature du groupe (nombre de personnes, etc.) et des conduites confrontées (3 ou 2 ou 1, dans ce cas alors avec sous-division). Cette cellule relationnelle résout la contradiction concurrentiel-communication. Elle est à la fois moyen de communication et mode d'opposition, d'affirmation (l'ironie naturaliste s'assume). Alors que dans le système relationnel intra muros le concurrentiel et la communication sont des catégories spécifiques (religieux, politique, etc.) qui ont leur code autonome, la plèbe n'a pas de décalage entre son être, comme affirmation, et son système de communication. (L'universalité du langage apparaît alors comme une lointaine superstructure extérieure à la problématique de la plèbe, critiqué par les patois et l'argot. Il est un moyen d'expression parmi d'autres, et moyen qui véhicule l'idéologie du bourgeois, craint comme tel.) La sémiologie est immanente à l'ontologie. Le relationnel, comme vie de groupe et trame de la vie quotidienne, soumet donc chaque mode d'affirmation à la nécessité de la communication, c'est-à-dire à la critique des autres modes. La contradiction macro-sociale est aussi posée et résolue dans la contradiction de l'homogénéité de la cellule relationnelle. Il en résulte que le mode d'expression porte en lui un conflictuel, justement en tant que mode d'expression. Et que l'affirmation est conciliatrice. La tension est dans toute vie de groupe et dans la trame de la quotidienneté. Mais comme procédé, artifice, qui consent à la conciliation, au dialogue. (Ainsi le ludique affecte et la sémiologie et l'ontologie.) La quotidienneté et le groupe sont ainsi le lieu de régulation, de compromis. Et la ludicité retrouve un sérieux comme sémiologie, moyen de communication. Mais l'individu qui en milieu plébéien poursuit son affirmation, selon par exemple, les illustrations proposées de la typologie, dans une série homogène, est doublement menacé par ce normatif qu'est la cellule relationnelle. Il est contesté d'abord, dans le groupe, au niveau de l'affrontement politique,
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ensuite, d'une manière plus insidieuse, en sa propre intériorité, de par le constant contact et dialogue avec les autres conduites macro-sociales. La contradiction réapparaît entre le groupe et l'individu, entre le quotidien et le macro-social, entre l'affirmation ontologique et le relationnel. La normalisation, qui recherche la compénétration maximale, s'oppose à l'affirmation particulière selon une macro-conduite. La cellule relationnelle est partagée entre l'affirmation substantialiste et la déstructuration de l'échange ; ce sera la polarité du comportement. D'une part le type (la macro-conduite) tend à s'exaspérer, mais d'autre part la quotidienneté tend à l'absorber. Leur contradiction va se ramener à la contradiction de la norme et de l'anormal, de la banalité quotidienne et des cas d'exception : la sémiologie tend à se substituer au comportement individualiste. La plus grande affirmation d'un type, dans la cellule relationnelle, va réduire en une ponctualité particulièrement expressive toute la série. Celle-ci va s'actualiser dans l'exaspération du sens de la conduite. Le type va se réduire en effets, gestes, mimiques, qui condensent toute la conduite dans le représentatif. La série devient modèle et celui-ci symbole. Mais ainsi l'affirmation (l'ontologie) sacrifie au représentatif. L'expressivité déborde l'action ; et la sémiologie le sens. Le type ne signifie plus dans sa continuité, sa série homogène, mais comme argument autonome qui s'utilise dans l'opportunisme. La condensation, en une ellipse, du sens d'une série, consacre la sémiologie. La représentation déborde l'action ; le manque, de l'action, est dans l'inflation des signes. L'expression se substitue à la fin. Ainsi le type s'use dans la confrontation du quotidien et du groupe. La représentativité tend à se faire plus importante que l'accomplissement particulier. La sémiologie progresse en raison inverse de l'effectivité politique. L'affirmation d'un seul rôle, c'est-à-dire le moyen et la volonté de subordination des autres rôles, doit céder devant la compénétration des éléments du groupe. La destruction des conduites macro-sociales est dans un autre progrès sémiologique, dans la compénétration du multiple selon un sens unique. Dans la cellule relationnelle vont se chevaucher deux (ou les trois) rôles non homogènes jusqu'au point de rupture où l'un des rôles s'affirme au détriment de l'autre (ou des autres). Ainsi la destruction du type est double : comme rejet du rôle jugé inefficient et par la superposition, le raccordement des rôles qui ont trouvé une identité valable pour un moment. Ce moment d'ambiguïté est alors comme une synthèse des deux types originels, c'est-àdire désagrégation de l'un par l'autre, compromis dans une conduite originale qui n'ose encore s'affirmer et qui témoigne d'un renoncement, d'une faiblesse, d'un quasi-abandon de l'originalité. Il s'agit d'une attitude qui n'est
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ni l'un ni l'autre, de par la déstructuration de l'un par l'autre. L'ironie naturaliste fait de l'ambiguïté une nouvelle figure de la participation. L'ambiguïté est alors affirmation. Ce refus de l'assumation d'un rôle est en même temps plus grande communicabilité. C'est l'ambiguïté-compromis qui est expression et signification. Alors la durée de la cellule relationnelle, isolée des séries, est équidistante du passé et de l'avenir, du projet et de l'accomplissement. C'est le non-engagement, la neutralité de la vie quotidienne. L'avenir est réservé, les contradictions ne sont plus assumées. Cette attente est passivité, refus de l'engagement. C'est une attitude politique, un opportunisme qui permet la plus grande communicabilité ; mais du neutre, du fade, de l'insignifiant. Cet attentisme, opportunisme, double jeu est la vie quotidienne, comme répétition de ce qui ne se passera jamais, pseudo-réconciliation, pseudo-drame, des temporalités et des conduites. Ainsi, que le type s'affirme ou se nie, la sémiologie le décompose pour dans la cellule relationnelle, proposer des symboles, signes, effets, monnaie d'échange des étalons que sont les types. Les types se font marginaux à la quotidienneté. Une normalisation, par l'interpénétration des types, neutralise les contraires. Dans la plèbe elle-même, un système régulateur reconstitue une norme : tout groupe, aussi dépolitisé qu'il soit, suscite sa sémiologie normative. Mais comme désubstantialisation de ses modes d'affirmation. Aussi les types, dans la mesure où ils veulent maintenir la continuité de leur série, doivent s'écarter (ou sont écartés) du relationnel. La plèbe, elle-même, aura ses marginaux comme modèle et comme ostracisme. 5. Logique et existence — Cette sémiologie est à la fois logique et existence Comme logique, elle répète : tout comportement possible est inventorié. Tout comportement est structuré à priori, horizontalement et verticalement, selon sa fin, en référence à une série ; selon ses moyens, compromis, domination, acceptation, avec les autres séries. En ce sens la sémiologie est une axiomatisation. Et la réduction est à deux niveaux : de chaque macro-conduite, et du relationnel entre ces macro-conduites. Mais la cellule relationnelle n'a pas de fixisme : elle varie avec le groupe. La combinatoire est quasi infinie. L'événement est une combinaison possible. L'existence est le déplacement dans la cellule relationnelle, de l'ordre de préséance des macro-conduites, de l'affirmation ou de la communication.
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Π. LA PRODUCTION COMME PRODUCTION DE SON SYSTÈME DE DISTRIBUTION ET DE CONSOMMATION Ses trois modes : — les villes (morphologie), — les classes sociales (pathos), — régulation et croissance. A . LA LOGIQUE DE LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE (L'EMPIRIE EST MISE ENTRE
HISTORIQUE
PARENTHÈSES*)
— Les villes comme genèse, croissance, morphologie de la production et du circuit de commercialisation. Les sous-divisions du mode de production comme modes du relationnel humain : les trois valeurs de la marchandise 1. Le bourg : sa double vocation. De l'économie de subsistance à l'économie de marché. La circulation du produit rural Les progrès de l'économie rurale autorisent la pacification progressive par, et de, la noblesse : cantonale (cellule élémentaire), partie de région, régionale, interrégionale, nationale. Cette progression est donc l'élargissement territorial de l'autarcie. La culture «naturelle» permet la pacification en proposant un cadre de production autarcique, de même que le cadre politique de la seigneurie tend à une homogénéisation de la production vers l'autarcie. Le rythme de la croissance est celui de l'intégration d'autarcies cellulaires acquises vers la plus grande autarcie territoriale. Cette croissance doit donc intégrer le pur atome de production naturelle, autarcique aussi : la manse (unité fiscale de production familiale) dont la production est essentiellement de céréales (mais de second ordre : seigle, orge, etc.), simple satisfaction du besoin essentiel de subsistance. La manse impose son rythme propre des échanges humains, régulatrice, à la base, de la croissance économique, constante doublement déterminée : par les moyens de culture (outils), qui ne connaissent plus d'importantes transforma-
1. Cette perspective génétique et synthétique se fonde sur une documentation puisée dans la bibliographie proposée par J. Ellul, Histoire des institutions du Moyen Age à nos jours, t. II : « Institution française » (pour la seigneurie, p. 7 8 - 8 2 et pour la vie économique et les villes, p. 1 1 3 - 1 1 8 ) .
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tions techniques et par le conditionnement politique qui n'autorise pas une transformation des procédés d'exploitation. Les manses, soit isolées, soit groupées en hameaux, déterminent le bourg, centre de rapports humains déterminés par la praxis paysanne. C'est le lieu d'écoulement de la production (marchés) et le lieu de préparation artisanale du métier paysan (forgeron). Ainsi, en son principe, la civilité rurale, la praxis élémentaire, dépasse la seule relation avec la terre : elle est médiatisée par l'économie très rudimentaire, système d'échanges bien loin de se superposer à la relation organique, avec la terre, mais qui est immanent à la production rurale. La manse isolée, perdue, sera l'exception de par les difficultés de travail et d'échanges dues à l'éloignement du hameau. En son principe, la relation médiatisante est immanente à la production naturelle. Le bourg à vocation d'échanges est immanent au hameau, groupement de manses à vocation seulement de production naturelle. (Il n'y a pas de succession, progression causale, explicative, de l'extension du hameau au bourg.) La relation manse-bourg, systématisation relationnelle rurale, immédiatement déterminée par la praxis, sera le lieu de l'indépendance et économique et humaine, que le paysan aménagera progressivement. C'est que le bourg, s'il se développe parallèlement à la seigneurie, peut être indépendant du château, lieu politique. A côté de l'économie des banalités, des redevances et servitudes, son système de libre-échange, quasi marginal, embryonnaire, échappe à la toute puissance seigneuriale. Ainsi, l'économie rurale s'équilibre d'abord par la multiplication de ces bourgs. C'est l'autarcie de la culture rurale : la relation manse-bourg, le cycle de relations médiatisantes du travail rural aux conditions artisanales et économiques (marché) de ce travail. La vocation du bourg est rurale. Le métier qui s'y développe est métier pour le monde rural. Un groupement humain fixé en un lieu n'a de signification et d'unité que par le travail paysan, qu'il ne pratique pas. La campagne humanisée est alors cet équilibre entre une vie relationnelle propre à l'économie rurale (qui s'émancipe de l'impérialisme économique de la seigneurie) et une tutelle économico-politique qui impose le travail rural. Ce sera par le relationnel de la manse au bourg que la spécificité, et humaine, et économique, du monde rural pourra échapper à l'emprise politicoéconomique du seigneur. Si le bourg est médiation entre le travail de la terre et les techniques artisanales de ce travail, entre la production et la consommation, entre l'économie des banalités et celle du libre-échange, il est aussi médiation entre la culture rurale et la culture urbaine, l'économie rurale et l'économie urbaine. La vocation rurale du bourg va se faire mixte : les fonctions médiatrices, de commerce et d'artisanat, vont connaître la même
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croissance que la seule production rurale (et de son corollaire : les progrès de la pacification). Cette vocation purement urbaine, localisée dans le bourg est, par son recrutement, rurale. Cette ambiguïté, entre l'origine et la vocation, peut être très diverse. L'activité de marchand peut n'être à l'origine qu'un complément au métier de paysan ; le plus gros producteur pouvant regrouper les petites productions pour les commercialiser dans le plus fort profit. L'artisan, lui aussi, ne se spécialise que tardivement : lorsque le travail lui est assuré, lui apporte au moins autant que l'exploitation rurale. Le passage de l'exploitation villa à la rente du sol dégage des métiers (forgeron). Des régisseurs ou ministériaux du seigneur laïc ou ecclésiastique qui disposent d'un petit capital, plus ou moins extorqué aux ruraux, le réinvestissent dans le commerce. Ce n'est que progressivement que les médiations se font métiers déterminés. Même quand la spécialisation est acquise, ce noyau humain conserve son enracinement rural : la tenure d'origine est conservée (dans le plat pays ou dans l'espace urbain). Et même l'enracinement rural peut être consécration de la promotion acquise : aux bénéfices commerciaux s'ajoutera, souvent même comme fortune principale, l'exploitation des tenures. Aussi un dualisme entre le paysan producteur et le nouvel artisan ou commerçant caractérisera le gros bourg. Ce sera la limite de la croissance rurale Un certain seuil de croissance ne pourra être dépassé : c'est que l'économie rurale serait aspirée par les professionnels qui s'organisent, réglementent leurs métiers. Cette organisation autonome et spécifique, de fonctions inhérentes à la praxis urbaine, tendrait alors à rejeter le paysan dans son alleu ou manse, à le réduire à la seule fonction productive, sans l'ouverture dans le collectif indifférencié qu'est le bourg originel. De plus, le commerce du bourg, qui centralise les productions cellulaires, peut les négocier selon un réseau qui échappe totalement au contrôle de la paysannerie et tend à lui imposer un monopole des prix. Aussi le paysan, pour ne pas être dominé par l'économie urbaine en gestation, doit accepter la «protection» qu'est la tutelle du seigneur. Ainsi au niveau du bourg, de sa croissance, s'équilibrent les deux systèmes économiques. Sa population, c'est-à-dire les métiers qui la composent, se fixe. Et cette fixation démographique n'est autre que la fixation du paysan dans la subordination politique du seigneur, un consentement à un état de chose, qui tout en le réduisant à la servitude, le protège contre l'impérialisme économique de la praxis urbaine. La paysannerie qui s'est enrichie au niveau du bourg, échappe à l'économie seigneuriale, marginalement, tandis que la paysannerie servile doit, par la scission qui se produit en sa propre fonction, consentir à la servilité, de par le rejet que lui impose le bourg, et son impérialisme économi-
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que (et le seigneur qui perd une autorité, sur le bourg, la trouve renforcée, sur le serf). A cette limitation de la dynamique rurale par le bourg, correspond l'arrêt de l'extension, démographique, économique, que le bourg s'impose à luimême, pour garder le dualisme de son économie qui lui permet de jouer le rôle d'intermédiaire entre la ville et la campagne, la consommation et la production. Ainsi le bourg s'équilibre lui-même, dans l'autarcie exemplaire qu'est une économie mixte, de vocation rurale et urbaine : le négoce doit équilibrer, d'abord au niveau de la consommation locale, les aléas de la culture rurale, et inversement. Aussi les habitants du bourg se fixent. Ils ne cherchent pas à revenir vers la seule exploitation rurale ou à progresser dans la commercialisation et l'artisanat qui atteignent un seuil de saturation : c'est d'après la production locale, du plat pays, que se détermine le nombre possible d'artisans, de commerçants. Cette micro-synthèse est la médiation nécessaire entre deux cultures. Le progrès de la culture rurale sera dans la multiplication des bourgs (de petits groupements humains) qui seront les points d'appui de l'extension quantitative des villes. Le bourg consacre donc la catégorie économique dans sa première spécificité. Cette catégorie immanente à la praxis rurale s'est concrétisée écologiquement ; elle est déjà extérieure à la praxis rurale en tant qu'accomplissement, finalité de celle-ci. Elle se dégage donc de la tutelle seigneuriale, d'une domination politique, et du travail paysan, de la création du produit naturel. Politiquement, la ville franche consacre cette double évolution (surtout dans les régions agricoles du centre et de l'ouest). Le relâchement des liens de sujétion, qui consacre l'autonomie personnelle en tant qu'autonomie d'une nouvelle praxis (l'abolition du servage en la personne de villageois) et la limitation des droits seigneuriaux, qui consacre l'autonomie de l'ancienne praxis, l'enrichissement du paysan, ou par le paysan, sans que le seigneur en profite (limitation précise de la taille, des tonlieux, des banalités, des obligations militaires, etc.) seront le double aspea politique de cette transformation économique. Mais cette double praxis demeure encore dans les cadres de l'économie rurale : l'autorité politique du seigneur est maintenue. Il exerce notamment sa juridiction et son pouvoir de ban, en général par l'intermédiaire d'un officier, le prévôt. Ce n'est plus que par l'autoritarisme politique que l'étymologie économique, rurale, est représentée dans l'économie encore rurale mais déjà urbaine. Sur le plan de la praxis globale, cette économie rurale, où convergent les intérêts (très différents, sur le plan de leur causalité, mais identiques dans leur appréciation économique) du seigneur et du paysan, s'efforce de prolonger l'autonomie de la production autarcique, cellulaire mais sur le plan règio-
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nal. Ainsi, préservant ses intérêts économiques dans sa praxis spécifique, est sauvegardée l'importance de la praxis rurale dans la praxis globale : l'interpénétration des deux praxis, qui est en voie de développement, ne doit pas se faire par la satellisation de la culture rurale. Et cela dans l'intérêt de la praxis globale : une croissance trop hâtive de la ville met celle-ci à la merci de la famine. C'est dans l'écologie que doit s'inscrire cette nécessité de la praxis globale. La campagne se préserve, dans son paysage, de la ville, car elle doit préserver celle-ci d'elle-même, sur le plan le plus organique, définir son rythme de croissance, qui ne doit pas dépasser les possibilités de production du milieu rural, production que seul celui-ci peut évaluer, fixer, réaliser et pour son propre intérêt. Le bourg consacre l'équilibre des deux moments de la praxis rurale : celui de la praxis rétractée dans le moindre relationnel et celui de la praxis en extension, fruit de l'augmentation de la production et de son corollaire : la pacification. Le paysan et le seigneur conservent encore la maîtrise en leur domaine. Mais le centre de gravité de celui-ci est passé de la manse au bourg. La relation verticale, du noble au serf, du politique à l'économique, est devenue la relation horizontale du politique et de l'économique, du monde rural et du monde urbain. Les deux relations se superposent, consacrent le recul politique du seigneur devant la catégorie économique. Le progrès du milieu rural, par le progrès de la production, autorise la ville : un milieu qui ne produit pas lui-même sa subsistance organique mais qui produit un autre pratico-inerte dont la commercialisation et l'échange suscitent un autre système relationnel. Mais la condition nécessaire de cette praxis, de sa subsistance (continuité du travail urbain) et de sa genèse (apparition de la spécificité de ce travail) est l'approvisionnement régulier, ordonné par le monde rural. La production rurale devient marchandise (circulation des grains essentiellement) ; à la valeur d'usage se substitue la valeur d'échange. C'est exclusivement la signification que la culture rurale peut avoir pour la praxis urbaine : la réification d'un travail en sa valeur marchande et sur ce plan affrontement concurrentiel dans l'âpreté économique. Donc, si la production rurale est nécessaire à la ville, elle se fait marchandise qui consacre, en un affrontement concurrentiel, la rupture des deux praxis, l'hétérogénéité de leur finalité. Ainsi, dans la continuité formelle du réseau de relations, de la production à la consommation, l'organisation spécifique de la production, puis de la consommation, aboutit à un écart qui consacre Ια discontinuité du réseau relationnel rural et du réseau essentiellement économique. La rupture du monde rural et du monde urbain sera donc à deux niveaux, le bourg étant la cellule mixte qui autorise la continuité relationnelle, formelle, et le saut qualitatif des systèmes relationnels. Sur le plan du
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bourg finit le relationnel de la praxis paysanne, et commence la relation purement mercantile, qui la prolonge. La praxis rurale n'arrive à la ville que par la médiation d'un système de relations d'ordre urbain. Le paysan va de la ferme au bourg, son travail du bourg à la ville. La relation humaine de production, s'arrête où commence celle de la marchandise, lieu de passage, médiation, de la production, organique, «naturelle» à la consommation parallèlement «naturelle», organique. Ce relationnel, qui est la spécificité économique, passage d'une économie autarcique, exclusivement productive, à une économie de relations, exclusivement de consommation, dans le seul langage d'intérêts divergents, n'est possible que par la praxis féodale : la sécurité (locale) des communications (dans le cadre de l'unification politique), le libre-échangisme dans un protectionnisme. De même que les unités de production (manses, alleux) ont pu converger vers le bourg (ou même le constituer), plusieurs bourgs convergent vers la ville (ou même la constituent, un bourg devenant ville). Mais c'est seulement la marchandise qui est véhiculée, en tant que produit du travail qui se coupe du travail concret, de tout le système humain du travail rural (marchandise qui n'est pas non plus production de la ville, pratico-inerte qui se substitue à la production naturelle). La croissance d'ordre démographique, dans son appréciation écologique, est définie par les progrès de la praxis rurale, à deux niveaux. D'abord par la multiplication des bourgs, plus forte centralisation que peut atteindre une praxis rurale, qui ainsi peut s'équiper artisanalement et écouler sa production. Ensuite sur le plan urbain, par l'approvisionnement que ce premier équipement autorise, par le réseau commercial qui commence au bourg. Et si le commerçant du bourg a une praxis mixte, ambiguë, le réseau commercial du bourg à la ville est exclusif langage économique. De la base au sommet s'affrontent des intérêts qui tendent à s'équilibrer en équilibrant l'offre (de la production) et la demande (de la consommation). Ainsi s'assure la croissance de la ville, par cette nécessité contrôlée par la ville, mais qui n'est possible que par l'augmentation de production (et la pacification qui est son corollaire). 2. La ville (le corporatisme comme totale réciprocité de la production et de la consommation) — L'utilisation de l'antagonisme marchand de grain-seigneur par le corporatisme La ville est donc cette concentration humaine qui ne travaille plus pour les besoins immédiats de subsistance, mais pour les nouveaux besoins spécifiques
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d'un quantitatif humain. Ceux-ci sont de deux sortes : transformation des produits naturels, alimentation, ( et jamais création) dans le sens d'une consommation quantitative (boulanger) et création de produits nécessaires au collectif. La production corporative ne fait que pourvoir, en son principe, à de nouveaux besoins organiques : ceux d'un groupement humain, enclos, délimité par des murailles. Et cette concentration, cette contiguïté, sont immédiate relation humaine. C'est l'organique, d'un collectif humain, qui est la finalité de la production corporative. (Sans doute ces besoins sont-ils immanents, aussi, à la culture rurale. Mais ils apparaissent dans une telle discontinuité que la continuité de la relation fondamentale avec la nature en fait des besoins secondaires, non immédiats. Les besoins de subsistance accaparent l'action.) Aussi la production corporative tend à une autonomie, qui sera celle du collectif, et dont l'équation serait la totale réciprocité de la production et de la consommation. Mais cet équilibre est impossible à priori : ce collectif est déterminé, d'abord sur le plan quantitatif, par l'approvisionnement, quantitatif, en marchandises de subsistance (céréales). La ville, appréciée en habitants (bouches à nourrir) n'est qu'une résultante : celle de l'approvisionnement effectif de l'environnement naturel (pays plat). Et le potentiel de croissance démographique n'est autre que le potentiel de croissance économique de la campagne. Une rigueur, d'ordre quasi arithmétique, préside donc au développement de la cité : l'autarcie, d'ordre interne, qu'elle pourra atteindre, sur le plan économique et politique (corporations) sera caractérisée par cette dépendance. Les villes de jurande ou de prud'homme, même à l'apogée du régime municipal, n'obtiendront pas une indépendance totale. Si la collectivité sera associée à la police et à l'administration, le prévôt continuera à représenter l'autorité féodale. Jurés ou échevins, prud'hommes ou syndics généralement élus, siégeront à côté de ce prévôt. L'autarcie économique, qui détermine le degré d'indépendance politique, n'est, par définition, jamais réalisée dans ces cités. Le corporatisme est dans la dépendance lointaine, peut-être, du monde rural, quand on le définit à partir du développement de la praxis globale. La génétique de la cité n'est que l'accomplissement de la praxis rurale. C'est au niveau de la marchandise (qu'est devenue le travail rural) que s'équilibrent les apports hétérogènes, des milieux ruraux et urbains, des prétentions politiques du seigneur et des villes corporatives. Par cette médiation, mesure, compromis, non seulement les cultures doivent s'équilibrer et communiquer, non seulement les forces politiques doivent réciproquement se reconnaître, mais doivent aussi s'organiser en un système de valeurs, tout au moins en un langage médiateur qui consacre la catégorie économique. A l'origine de ces cités corporatives, la marchandise, la référence univer-
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selle aux manifestations de la praxis globale, n'est que le produit rural. Il n'y a pas de réciprocité d'échanges de marchandises entre la cité et la campagne, qui permettrait de confronter deux indépendances dans l'interdépendance. Ce n'est que progressivement, sous le contrôle de l'autorité féodale, que le produit fabriqué de l'artisanat corporatif tendra à intégrer l'artisanat rural, à le supplanter, mais sans jamais y parvenir totalement, l'artisanat du bourg préservant le milieu rural de cette mainmise du corporatisme (métiers libres). Cependant, une certaine production urbaine trouvera son débouché à la campagne (production d'outillage, directement utile dans la praxis). Les échanges ne seront donc pas à sens unique. Mais de par eux-mêmes ils n'équilibrent pas les apports de la campagne, et ils ne sont qu'une partie de la prodúction corporative. Le courant de vente, de la ville à la campagne, restera un médiocre champ de débouché, de marché : il ne peut y avoir d'équilibre de la balance des échanges et à fortiori celle-ci ne penchera jamais au profit de l'artisanat corporatif. Si le produit rural est fait pour la ville, cette finalité n'est pas réversible (le produit artisanal, dans la nécessité instrumentale, est déjà produit sur le plan du bourg). Et le nouveau produit, artisanal, de la ville n'est pas un besoin nécessaire pour le paysan. Car c'est un produit de consommation interne, qui répond à la nécessité de la production interne, de la ville, et qui reste superfétatoire pour la culture rurale. La relation de l'homme à la nature cosmique qu'est la production rurale n'a pas besoin de la médiation de l'homme à l'homme qu'est la production corporative. La marchandise consacrée par la praxis globale, qui supplante la praxis locale du corporatisme, est celle de l'appréciation du travail rural, la production des céréales. C'est que la petite ville, la ville à l'organisation corporative, n'est que la finalité de la praxis rurale : la pénétration de sa culture dans ce qui n'est plus son domaine. Aussi l'autarcie qu'est la production corporative, l'autonomie, seulement interne, de gestion, de la cité, la maîtrise du corps social, la régulation de sa praxis dans des normes juridiques, administratives, politiques, tout ce qui est finalité de la praxis corporative, sera non seulement autorisé, mais voulu par le milieu rural. Le débouché du produit rural est ainsi assuré, régularisé. La régulation de la production réalisée, sur le plan du travail rural, est celle de la sécurité du débouché, de son équilibre. S'établit une constante entre la production et la consommation (et au profit du producteur, mais surtout du marchand). Le prévôt est le régulateur, dans la cité, de cette régulation du cycle des échanges. Le seigneur s'assure la dépendance de la ville par, paradoxe, l'indé-
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pendance autarcique de la praxis corporative. L'autonomie interne garantit la régulation du débouché de la praxis rurale. Ainsi la marchandise est le consentement de la praxis rurale à la praxis urbaine : le seigneur prolonge son pouvoir dans ce qui n'est plus le milieu originel de sa praxis. Mais, si ainsi deux milieux, aussi différents que le milieu rural et le milieu urbain, peuvent, et tendent à s'harmoniser, ce sera au bénéfice d'un système médiateur : celui des échanges commerciaux, relationnel spécifique, qui n'est pas la praxis rurale et qui n'est pas la praxis corporative. Le seigneur, le paysan, l'artisan ne sont mis en relation que par un système économique qui leur est devenu nécessaire, mais dont ils n'ont pas le contrôle. Le marchand (du produit rural) équilibre les deux praxis par une autre praxis. Son implantation chevauche ces deux praxis : les échanges se font du bourg à la ville et le marchand circule du bourg à la ville (que le même personnage identifie production et vente, que son enrichissement de paysan devenu commerçant lui permette de s'installer à la ville, que la transaction commerciale mette en relation le commerçant de la ville et le paysan qui regroupe la production sur le plan du bourg). Le marchand échappe à la praxis rurale par le bénéfice de l'achat et à la praxis urbaine par le bénéfice de la vente. Cette praxis commerciale ne peut cependant devenir total monopole économique : le marchand est dépendant de la puissance seigneuriale (douane intérieure) et du contrôle politique que l'artisanat impose à la cité, tendant à intégrer les marchands (de grains) dans le corporatisme. Le conditionnement géographique (données naturelles, climat, spécialisation, etc.) et le degré d'évolution de la région (selon la nature de la pacification et le degré de centralisation) suscitent sans doute une forte diversité des moyens d'approvisionnement. Plusieurs de ces moyens peuvent se superposer, se concurrencer ou se tolérer. Mais à partir de cet empirisme, la concentration croissante de la population exige la même concentration de l'approvisionnement. Aussi, sans qu'il y ait monopolisation totale (difficile de par les différentiations historico-géographiques) certains grands marchands peuvent être exemplaires du mode de relation qu'est l'autonomisation du métier du commerçant. Gagnant à l'achat et à la vente ils sont exemplaires de l'intention qui préside aux échanges. Les autres moyens d'approvisionnement peuvent sans doute ne reconstituer qu'un des aspects de ce relationnel et, à la limite, réduire totalement la fonction médiatrice du commerçant (l'approvisionnement de la petite ville peut être direct : du seigneur ou du petit producteur au boulanger). Mais la dynamique de la praxis, de par la progressive concentration (masses urbaines) qui nécessite une spécialisation du transport, de sa sécurité (de par l'éloignement entre le lieu de production et de consom-
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mation), une concentration de la marchandise, une régulation de l'approvisionnement et des transactions, instaure un réseau économique, dont la valeur s'apprécie par le bénéfice, et qui crée des relais, des bases organiques (entrepôts). C'est ce réseau, dont l'appréciation économique peut s'étendre à tous les produits venus de la praxis rurale (exemple : bois) qui équilibre la praxis artisanale et la praxis rurale. C'est par lui que la balance des échanges, des deux praxis, maintient ce qu'en économie classique on considère comme un équilibre, mais qui est un cycle, de bénéfice réinvesti, une pseudo-production, constamment répétée dans le double profit. La réciprocité, qui pourrait se mesurer au niveau de la balance des échanges, n'est plus entre la production et la consommation, la farine et l'objet artisanal, mais entre l'économique et l'économique, dans la médiation elle-même, dont l'appareil financier fait de la monnaie la commune mesure du travail rural et du travail urbain et dont le relationnel «humain» n'est ni valeur rurale ni valeur corporative, mais échange commercial, double profit (double aliénation et du paysan et du corporatisme). La petite ville (sans vocation industrielle) est donc doublement dépendante : politiquement du seigneur, économiquement de la commercalisation rurale (marchand). Mais seigneur et marchand sont aussi dépendants l'un de l'autre ; et c'est par l'antagonisme qui surgit entre eux, entre la praxis rurale et la praxis commerciale, que la dépendance de la petite ville peut être dépassée par sa praxis spécifique, corporative, qui peut atteindre la gestion interne de la cité mais aussi une indépendance d'ordre plus humain, encore plus essentielle. Le seigneur devient rentier du sol : il s'assure la redevance de ses paysans en s'assurant le débouché de leurs produits. De plus, quand le commerçant fixe le prix, il délimite le bénéfice du paysan, permet l'appréciation fiscale du seigneur, et fixe le paysan en son état, sa servilité, en réduisant sa marge bénéficiaire au minimum. Mais, ce consentement du seigneur, à la commercialisation, pourrait mettre en question la puissance politique du seigneur. D'abord par la concurrence des gros propriétaires (laboureurs), sur le plan de la production. Ensuite par le monopole commercial que seraient la centralisation, la capitalisation, de marchands alors suffisamment puissants pour imposer les prix, sans que le seigneur puisse intervenir. Aussi le corporatisme, avec le consentement du prévôt, peut intégrer la fonction du commerçant, le soumettre à la même réglementation qui fixe les métiers, les marchands ne pouvant s'organiser d'une manière «impérialiste» ni au niveau du bourg ni au niveau de la ville. Par contre, l'implantation d'un réseau économique, s'il prolonge l'influence politique de la féodalité en un milieu qui n'est plus naturel, et qui va se donner sa propre culture (sa systématisation des échanges) délimite aussi la
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puissance de cette féodalité, selon une réciprocité d'échanges : si le seigneur devient rentier du sol, c'est grâce à un collectif qui par lui-même consent à cet ordre, parce qu'il le préserve, aussi, d'une monopolisation commerciale. Politiquement, la ville tend à son autonomie vis-à-vis du seigneur. Mais celle-ci ne doit pas se faire totale : car la commercialisation du produit rural soumettrait, économiquement, l'artisanat productif. La petite ville est donc l'équilibre de deux antagonismes, de deux volontés économico-politiques. Le corporatisme est le terme qui permet de neutraliser leur impérialisme, d'en faire des éléments structuraux de la cité. Le seigneur consent au corporatisme car celui-ci soumet le marchand à des lois qu'il peut contrôler. Le marchand consent au corporatisme car il donne à sa fonction la garantie, la sécurité, d'un milieu indépendant du seigneur et du producteur. Le premier moment du relationnel collectif est un organicisme. La volonté d'autarcie corporative doit satisfaire les besoins d'un corps social par ce corps social lui-même. Le moyen est immanent à la finalité : le métier est le moyen du besoin comme le besoin est la finalité du métier. Le métier objective le besoin. Le désir organico-biologique a connu la culture, par le travail manuel, qui le transforme en une nécessité organico-politique. Entre le désir et sa satisfaction s'est interposée la praxis artisanale, qui satisfait le désir, mais par la médiation du travail. La praxis artisanale interdit tout décalage entre les deux moments du besoin : le désir et la satisfaction. La nature est immédiatement satisfaite par l'œuvre collective. Entre la nature et l'homme apparaît un moyen terme, action collective, qui crée un pratico-inerte, monde d'objets, de choses, où le désir et sa satisfaction sont identifiés. L'objet est à la fois le désir et sa satisfaction parce qu'il est le travail. Par la praxis le besoin se réconcilie avec lui-même. Ses deux moments, le désir et la satisfaction, s'objectivent dans l'objet. Le monde de la nature s'harmonise par la médiation du travail. Aussi la finalité de la culture du collectif n'est pas la seule finalité de sa praxis (la production), mais la praxis elle-même, en tant que culture qui permet de dépasser la nature, à la fois sur le plan du désir et sur le plan de la satisfaction. Le moyen, le métier, l'outil, le travail acquièrent une signification en soi. C'est par eux que le collectif peut établir le contrôle de son organicité. L'objet (la production) doit être non la satisfaction de la nature mais son contrôle, sa limite. L'objet sera d'abord l'outil : objet produit, fabriqué, il perd son coefficient «naturel», la finalité sensible de la production. Il n'est pas produit pour la consommation, mais produit pour la production. Il n'est pas fabriqué à des fins de nature, mais de travail. Cet objet particulier est finalité du travail, sans satisfaction naturelle. L'objet produit ne tombe pas dans un autre circuit de commercialisation
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autonome : l'artisan vend lui-même l'objet de son travail. Ainsi l'objet n'acquiert pas d'indépendance dans la praxis. Il n'est pas un effet qui se coupe de sa cause : le travail. L'objet ne prend pas la plus-value qu'est le bénéfice de l'intermédiaire. L'objet, par sa vente directe, ne fait qu'assurer les conditions matérielles, familiales, du travail. Il est moyen d'existence. L'objet est le produit de l'outil, et la vente le moyen du travail. Ainsi, de la production à la consommation, l'objet (consommé par un autre artisan) reste toujours, dans le cycle de relations humaines qu'est sa création, sa distribution, sa consommation (utilisation) : rapports d'artisans. L'appréciation objective (dans le collectif corporatif) de sa valeur, selon l'étalon qu'est la monnaie, est celle de la marchandise. L'objet se fait marchandise par l'échange. Et celui-ci n'est échange que d'homologue à homologue. Il ne met en relation que des pareils. La marchandise, objet de relation, car échange aux divers niveaux de la signification, ne fait que diversifier, sur le plan de la division du travail, les relations d'un corps homogène : le collectif corporatif. Elle n'est pas, comme cette autre marchandise, mesure du travail rural, le compromis entre trois termes hétérogènes : le seigneur, le paysan et le villageois. La marchandise, relationnel humain d'échanges d'objets, est l'expression objective de la volonté collective de l'artisanat. Les besoins du collectif se diversifient mais se complètent. La multiplication de l'objetmarchandise n'est possible que par l'égalité des marchandises. C'est l'homogénéité du corporatisme qui autorise la diversité des métiers. Ainsi il y a correspondance entre le pluralisme des complémentarités des métiers et le pluralisme égalitaire des droits civiques. Les villageois sont égaux car les métiers le sont et dans les métiers les entrepreneurs. La signification économique de l'objet : la marchandise, n'est autre que la signification des relations humaines dans le collectif. Le système de communication interhumain est celui des relations instituées par la praxis artisanale. De l'élaboration de l'objet à sa consommation s'établit un système de rapports à la fois existentiel et économique. La marchandise est alors échange ; elle n'est pas principe de compromis, mais d'égalité. Elle n'instaure pas un réseau médiateur, spécifique, entre la production et la consommation, mais une réciprocité immédiate du producteur et du consommateur. De même que dans la balance, idéale, des échanges internes du collectif, la consommation doit égaler la production, sur le plan personnel le travail fourni doit correspondre à la consommation. C'est dans ce sens que la petite ville peut connaître une autarcie économique dont l'analogie, sur le plan politique, sera une autonomie interne, de gestion, et sur le plan du relationnel humain une maîtrise sur la nature par l'intégration de la commercialisation dans la praxis artisanale.
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3. Le grand commerce (et la grande ville) La croissance de la production rurale est donc la condition de la croissance démographique, écologique. Le milieu urbain n'est possible que par la régulation de l'approvisionnement ; alors un collectif peut créer et satisfaire ses besoins spécifiques. Ce processus a son accomplissement «naturel» dans la grande ville capitale d'une région (Toulouse, Dijon, etc.). Consécration de la pacification régionale (homologue, dans la praxis globale, de la cour d'amour, dans la praxis de classe), la capitale régionale est un lieu de convergence, d'organisation d'échanges inter-régionaux ou même internationaux. Les communications, par de grands itinéraires consacrés, peuvent être garanties. Ces échanges commerciaux vont s'étendre au-delà des régions limitrophes (d'échanges en circuits réduits) par la pacification (corollaire, fruit, de la croissance productive) qui ne recouvre plus seulement le territoire (qui devient national) mais qui recouvre la praxis chevaleresque, en Occident et en Orient. Les communications vont se régulariser jusqu'à autoriser un grand commerce international (essentiellement à la suite de la pacification de la Méditerranée, par les croisés). Alors la marchandise peut circuler non plus de région à région, mais de pays à pays : les produits de ces pays se commercialisant à michemin (foires de Champagne : échanges Flandres-Italie du Nord) faisant la fortune des villes d'échanges. Le grand courant commercial, à sens unique, des épices, assure la prospérité des ports, lieux de passage des communications maritimes aux communications terrestres (Méditerranée) ou simples lieux d'escale (ports de l'Océan, mer du Nord). De même que la ville à vocation exclusivement corporative est dans sa génétique, sa causalité, l'accomplissement de la praxis rurale, la ville de grand commerce n'est possible que par la puissance politique de la féodalité (et cette nouvelle concentration humaine est toujours conditionnée par l'approvisionnement rural). Les villes de production (soit industrielle, textile, produit fabriqué ou produit naturel industrialisé, soit minière...) qui alimentent ce réseau commercial sont dans la dépendance des communications. Leur essor n'est autre que celui de ces communications. Leur histoire est celle du grand commerce. La croissance de cette production n'est que le corollaire du développement du réseau de communications (et si, à l'origine la production industrielle peut être l'exploitation d'une richesse naturelle, sa commercialisation exige aussi, dans le principe, ce réseau de communications). C'est que contrairement à la marchandise corporative (réseau vertical de la production à la consommation) la consommation ne se fait pas sur le lieu de production. La production est centralisée dans une grande entreprise ; la
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consommation locale est infime. Aussi la distribution doit chercher le plus grand nombre de débouchés, et ainsi s'éloigner de plus en plus du centre de production, et ainsi chercher à pénétrer la culture urbaine (et même rurale) la plus reculée. Elle doit aussi chercher à augmenter le volume de marchandises distribuées en un secteur, région, ville. Ainsi la production industrielle suppose un marché, un débouché (la dynamique de la grande entreprise est une dynamique éternelle : c'est l'extension du marché, de la consommation, qui règle l'augmentation de la production, et à ce stade, des bénéfices. C'est son insertion dans l'économie générale du Moyen Age, dans la praxis globale, qui la conditionnera, dans ses rapports avec l'économie corporative et l'économie rurale). Il faut donc une masse de groupements humains (villes, bourgs). Il faut aussi une disponibilité monétaire, une thésaurisation minimale, qui autorisent l'achat. C'est donc à un stade déjà très évolué de l'économie rurale, régionaliste, que correspond ce saut qualitatif de la production (qui est déjà production de série) industrielle, internationale. Pour que s'intensifie la vente des marchandises industrielles, la commercialisation de la marchandise rurale et corporative doit être consacrée. La ville industrielle est dans une double dépendance, un double conditionnement de nécessité, de par la commercialisation du produit rural et du produit corporatif. Cependant, alors que la marchandise rurale garde constamment sa signification du compromis à trois termes, la production industrielle, une fois atteint ce seuil nécessaire non seulement à sa croissance, mais à sa réalité, peut acquérir une autonomie quasi totale, en se coupant du système relationnel défini par l'économie rurale. Elle peut profiter de la situation acquise, par la praxis rurale, sans contrepartie. C'est que, si le seigneur et le paysan ont besoin du collectif qu'est la ville corporative, comme débouché, si ainsi l'économie rurale se définit, de la production à la consommation, comme relation de la manse à la corporation, la production industrielle acquiert une indépendance à l'égard du producteur rural (et de son «protecteur» politique, le seigneur), au niveau de la distribution et au niveau de la production. La distribution, de par le réseau commercial, peut atteindre une multitude de villes, de collectifs organisés. Le relationnel ne quitte pas le monde urbain. Et à la limite, la clientèle bourgeoise peut se substituer à la clientèle noble, tout au moins avoir beaucoup d'importance. Le marché rural n'est pas l'essentiel des débouchés. La production centralisée et le grand commerce sont le monopole de quelques grandes familles bourgeoises. Cette concentration de capitaux, ce monopole d'exploitation, cette toute-puissance d'organisation du travail sont l'expression d'une économie urbaine, dans ses moyens, ses buts, ses origines.
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Aussi les villes de commune, dans le Nord, surtout en Flandre et en Picardie (Cambrai, Beauvais, Saint-Quentin), régions de commerce et d'industrie florissantes, pourront acquérir une indépendance quasi totale. La ville devient elle-même une seigneurie vassale de son ancien maître, prenant ainsi place dans la mouvance. Elle s'administre elle-même (collège d'échevins), élus en principe, mais le plus souvent cooptés dans les familles riches. De même, les villes de consulat, dans le Midi, auront le même régime (surtout ports maritimes et fluviaux à bourgeoisie commerçante active : Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Arles). Mais beaucoup d'entre elles ne sont pas dans la mouvance féodale (excepté Toulouse) et l'assemblée des bourgeois a un rôle plus important (un conseil de ville élu ou coopté tient lieu d'échevins, le pouvoir exécutif est aussi collégial). Dans le Midi, le régime seigneurial est moins avancé et connaît l'influence des institutions urbaines d'Italie ; la petite noblesse opportuniste s'est reconvertie dans la culture urbaine, s'alliant avec les bourgeois contre les barons, la dynamique du commerce s'opposant aux intérêts de la propriété foncière des barons. Ces grandes familles de l'industrie et du commerce peuvent donc non seulement acquérir l'indépendance de leur cité mais acquérir la totale domination du «commun». Ce patriciat, par le monopole de la production, la concentration du capital en quelques dynasties, peut monopoliser le pouvoir politique pour gérer à son profit les finances municipales et aussi imposer au commun de dures conditions de travail. Et cette sujétion de la masse laborieuse s'étend à son genre de vie : la vie quotidienne est conditionnée non seulement par les conditions du travail lui-même, mais aussi par les conditions de la vie urbaine. Ainsi la crise du logement, née de la concentration d'une masse productive, permet une nouvelle exploitation : le patriciat en profitant pour exploiter sérieusement ses propriétés bâties. Aussi, si la marchandise, produit de la concentration industrielle et de la distribution commerciale, se détache de la signification que le monde rural donne à sa marchandise, c'est pour prendre une spécificité urbaine. La plusvalue est déjà totalisation des bénéfices par l'exploitation des producteurs. Elle est relation d'exploiteur à exploité, d'une oligarchie et d'une masse. Le produit industriel et commercialisé est toute-puissance d'un seul terme et subordination totale de l'autre au niveau de la production. C'est que les moyens de production sont propriété du patriciat bourgeois, ce qui rend interchangeable l'ouvrier, simple complément de l'outillage. Mais ce relationnel urbain qu'est la commercialisation (et en particulier de la marchandise industrielle) connaît une autre dimension : celle de la consommation dans le collectif. Et à ce stade elle trouve une limitation de sa toute-puissance sur la masse (prolétariat). C'est que le collectif, débouché,
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consommateur, s'il est la possibilité d'une liberté à l'égard de la féodalité, est aussi un lieu de concurrence, par le corporatisme. La distribution (et de la marchandise industrielle et des épices) se heurte à la volonté d'autarcie du corporatisme. Et si certains besoins urbains, besoins de la vie collective, échappent à la fabrication corporative (de par la nécessité d'une concentration de l'outillage, des capitaux, des travailleurs : industrie textile), s'implantant dans la consommation des artisans, assurant la prospérité du grand commerce et de la grande industrie, le prix étant fixé essentiellement par le producteur, d'autres besoins, que le commerce ou la production industrielle pourraient aussi façonner, en multipliant l'objet, en le vendant moins cher, sont déjà pourvus par la production corporative qui interdit la concurrence par tous les moyens. De plus, le corporatisme redoute de perdre son débouché dans le secteur rural, débouché qui n'est plus sa finalité, mais qui, de par la compénétration de la culture urbaine et rurale, au niveau de la commercialisation du produit urbain, pourra s'élargir, ce qui tendrait à équilibrer la balance des échanges ou qui diminuerait son déséquilibre (qui est au profit du produit rural). Le corporatisme fondé sur le principe de l'échange dans l'économie autarcique redoute la fuite du numéraire vers les grandes fortunes de patriciat industriel, de par le sens unique de la vente. Mais le corporatisme, s'il fixe d'abord une barrière qui se fera de plus en plus irréductible à la grande production (interdisant longtemps le développement de celle-ci) se réconciliera avec elle sur le plan d'une première homogénéisation du milieu urbain, indifférent aux déterminismes, et politiques, et économiques du monde rural (lequel a son homogénéité propre). D'abord, le patriciat est un débouché, un marché, pour le produit corporatif. Non seulement c'est une clientèle qui se soumet, elle aussi, à la vie quotidienne de la cité, sur le plan des besoins organiques élémentaires, qui participe à la consommation de la fabrication artisanale de l'objet usuel (pratico-inerte des besoins collectifs non encore très différenciés) mais qui rend légitime déjà toute une production du confort, du goût, et même du luxe, d'ordre artisanal. La balance des échanges, du collectif artisanal au patriciat de la grande production et du grand commerce, retrouve un équilibre. Et cet équilibre se manifeste aussi, grâce à cette vente, à l'égard du monde rural. Le corporatisme peut équilibrer ses ventes et ses achats de subsistance (de céréales). Quelle que soit la volonté d'autarcie du corporatisme, celui-ci est obligé de s'ouvrir aux échanges avec la grande bourgeoisie, pour compenser, dans sa balance des échanges, la fuite du numéraire vers la production rurale. Ainsi, l'échange de la marchandise corporative et de la marchandise «capitaliste», bien que contradiction intime de la cité, est aussi une nécessité économique d'homogénéisation contre la marchandise rurale.
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Le corporatisme doit consentir à cette intégration (dont nous avons déjà vu les limites) en recevant dans la cité les distributeurs d'une production centralisée. Un commerce, de détaillant, distribue dans le collectif à finalité autarcique, le produit fabriqué par l'industrie ou le produit naturel véhiculé par le grand commerce. C'est à ce niveau que se marque la plus forte connivence des deux systèmes de production. Ainsi le corporatisme profite d'abord d'une part du bénéfice du patriciat, ensuite réinvestit ce bénéfice dans le circuit d'échanges autarciques, l'aérant, créant, entre l'offre et la demande, cette distance, qui permet une concurrence loyale et interdit la crise, et le réinvestit aussi dans le circuit d'échanges avec le monde rural, dans la supériorité qu'est la disponibilité en numéraire (mais ainsi il va susciter la classe moyenne, corruption de la réciprocité des besoins, selon un mécanisme que nous étudierons par la suite). La marchandise de la grande production et du grand commerce doit donc se ramener à un compromis, du patriciat urbain et du collectif corporatif, mais ce compromis assure l'unification des strates hétérogènes de la cité contre le monde rural. Cette marchandise ne pourra atteindre une complète indépendance à l'égard de la féodalité. Si elle échappe aux droits féodaux, sur le plan de la production et de la consommation, la circulation autorisera la taxation qu'est l'autre face du protectionnisme régionaliste (lequel monnaie la pacification, la sécurité du transit, pour gagner sur la production et aussi gagner sur la consommation). Mais cette taxation n'est pas un empêchement majeur à la commercialisation. Elle n'est qu'une mesure autoritaire, politique, qui ne traduit pas la praxis rurale, mais qui, au contraire, profite de la praxis urbaine, parasitairement, déjà. (Et elle est déjà négation de la praxis rurale car le gain qu'est la taxation est proportionnel à la production industrielle et au transit commercial.) De toute manière ce n'est pas dans la relation fondamentale du producteur au consommateur qu'intervient l'autorité féodale, mais d'après un principe de territorialité que sa propre dynamique de classe tend aussi à nier : le roi, accomplissement de la suzeraineté, tendra à faire du territoire national un champ d'action homogène. Ainsi, l'éclatement des catégories, unifiées dans la structure qu'était l'identité de la praxis de classe et de la praxis globale, se systématise en deux sortes de cultures. De classe, c'est-à-dire de la vie privée, du relationnel subjectif, pour aboutir à l'esthétisme qu'est la plus grande distance d'avec la praxis globale. L'autre culture ne met plus en relation que des praxis hétérogènes qui ne peuvent atteindre une autonomie locale, la catégorie politique, qu'en défaisant l'universel politique qu'était l'autorité féodale, en se livrant à un concurrentiel exclusivement économique : la marchandise étant l'expression de toute relation inter-personnelle humaine, de groupe.
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Le relationnel est le mode de production et le conditionnement politique de l'écoulement de cette production. Le travail en lui-même est matrice du circuit global, mais celui-ci est tellement différencié que sa complexité superpose sa signification à celle de la production brute. C'est le relationnel global qui détermine la valeur marchande du travail, qui lui donne son sens : le prix. Ainsi ce n'est pas seulement le travail qui est aliénation, c'est-à-dire contrainte autoritaire qui confisque le bénéfice, mais toute relation humaine qui n'est plus qu'échange de la marchandise, dans des systèmes de production hétérogènes, quasi irréductibles. C'est parce que trois significations de la marchandise se confrontent que dans chaque système de production le travail sera contrainte, règle, servitude. Et ce n'est plus dans la servitude féodale, d'un universel politique qui est déjà démantelé. L'aspect féodal de l'économie sociologique, dialectique, dont nous avons reconstitué les moments, dans le parallélisme de la détermination économique et de la détermination humaine, n'intervient comme composante immédiate que dans un système de production (culture rurale). Mais si la féodalité profite du travail servile, fonde même son existence sur ce travail (rentier du sol) c'est par le consentement à un compromis qui consacre, régularise la valeur de la marchandise. La première féodalité économiquement est déjà dépassée : la production, la distribution, la consommation de la marchandise lui échappent. Contre la grande production, le corporatisme et la féodalité ont besoin du paysan (comme le paysan a besoin d'eux). Dans les autres systèmes de production nous avons vu que la féodalité n'a aucun rôle déterminant. Mais si la marchandise ne doit plus être pensée dans la structuration du seul domanial (puisque dès le 1Γ siècle, la praxis féodale quitte la praxis globale pour la seule culture de classe), cette marchandise, dans le pluralisme de la nouvelle praxis globale, ne relève pas encore de la structuration selon des rapports de classe qui n'ont leur statut que dans la nation. C'est seulement par la réalité nationale qu'apparaîtra une homogénéisation de la signification de la marchandise, des réseaux de production, des cultures rurales et urbaines : alors les classes sociales constituées peuvent être étudiées indépendamment de leur genèse. Entre ces deux moments, de l'apogée féodale et de la nation, les praxis différenciées s'implantent localement, par le pluralisme urbain, dont nous avons défini la genèse et le régime politique qui les consacre (villes franches, de jurande, de commune, de consulat). L'apogée du régime municipal est affirmation de tous les modes de la praxis : l'autarcie économique s'exprime par l'indépendance politique. Les villes, dans leur genèse, expliquent les modes de production, leurs modes de relations humaines, les valeurs de la marchandise. Les classes sociales vont
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se constituer selon le même processus, car c'est dans chaque ville que le pluralisme des praxis s'affronte et doit se hiérarchiser.
4. La monnaie comme indice d'une interpénétration du pluralisme des praxis L'apogée du régime municipal est le moment où le relationnel a déjà atteint une systématique. Celle-ci se manifeste sur le plan économique, par la mesure universelle qu'est la monnaie. La marchandise, par sa valeur monétaire, objectivation de l'échange, non seulement s'interpose, dans le relationnel, mais encore se substitue à lui. Elle se fait indépendante des relations particulières, s'extériorise et s'impose par elle-même. Ainsi, toutes les praxis, c'est-à-dire tous les moments historiques, spécifiques des relations de production, d'échange entre les groupes, les compromis ou les subordinations des relationnels, deviennent contemporains, soumis à la même mesure. L'interpénétration des échanges, des relations de groupes est réifiée, consacrée comme chose, nature des choses. C'est parce que ces relations sont, dans le principe, inter-relationnelles, compromis, hiérarchie, qu'elles trouvent une commune mesure monétaire, le critère qui hiérarchise toutes les praxis particulières dans la praxis globale. L'universel monétaire n'est autre que le microrelationnel, la personnalisation des échanges, mais échanges définis par des praxis particulières, d'après des équivalences, des transmutations, en un commun langage. C'est la valeur d'échange qui s'est substituée à la valeur de la marchandise et qui signifie comme échange, indépendamment de la marchandise (alors que celle-ci s'était déjà faite indépendante du relationnel humain qui l'a créée). La valeur monnaie est l'objectivation d'une objectivation, le passage d'une relation particulière et concrète à une relation universelle et abstraite. Le relationnel est en soi : la monnaie est la relation, son moyen et sa fin. La monnaie, par son universalité, est donc le signifiant de l'interpénétration des praxis particulières. Sa valeur opérationnelle n'est autre que l'opérationnel économique, commercial de ces praxis. La stabilité que peut atteindre cette monnaie (par comparaisons, rajustement, etc.) est celle de la praxis globale, et son instabilité n'est autre que la cause qui surgit lorsqu'une praxis particulière tend à mettre en question cet équilibre à son profit. La monnaie, comme fait et comme équilibre, n'est que le signe de la structure urbaine. Si elle est le signifiant de la praxis globale (la correspondance et l'équilibre des praxis particulières) elle ne signifie qu'abstraction du réel réduit à un formalisme très éloigné du signifié. La monnaie n'est qu'un lointain effet, une symbolique de la praxis. Elle est la variable qui rend compte,
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dans l'immédiateté du besoin individuel, des fluctuations des praxis particulières dans la systématisation de la praxis globale. Mais quel que soit son effet en retour sur la praxis, et il est immense, on ne saurait par l'analyse de son contenu expliciter la structure.
B . LES CLASSES SOCIALES COMME MOUVEMENT DE POPULATION ET SYSTÈME DE GROUPES
1. Le pathos de la cité. Affrontement, comme rapports de classes, des moments constitutifs de la cité a) Logique de la croissance économique et logique de la stratification de classes L'économique est la catégorie privilégiée qui nous a permis de suivre la situation de la praxis globale parce qu'elle en est la raison profonde. Mais si l'économique doit être privilégié, comme fondement de la structure et pour sa valeur descriptive, la praxis globale ne peut être réduite au seul économique. Le relationnel, au niveau du superstructural, se réalise selon des catégories spécifiques, comme passage au devoir-être d'ordre éthique, normatif, exemplaire, répétitif. Si la croissance économique est effectivement la nécessité organique, qui ordonne la globalité, la stratification sociale se constitue selon un ordre propre. Aussi, si nous avons étudié la croissance économique dans toute la rigueur de sa logique, devons-nous apprécier les rapports de groupes selon leur formalisation superstructurale. La technocratie (ainsi qu'un certain «structuralisme marxiste») veut ignorer ce problème : car il révèle la lutte des classes et dans l'historicité, comme historicité, au niveau de l'affrontement quotidien, existentiel. C'est pour cela que nous insistons sur cet aspect des rapports de classe et que nous le distinguons de la logique économique. Certes, la logique, d'ordre sociologique, de la dynamique et systématique des groupes, est identique à celle de la croissance économique. C'est le même principe régulateur qui ordonne les deux ordres. Mais si les classes sociales sont constituées par l'économique, celles-ci constituent à leur tour, et tout le code de la cité, le devoir-être, les normes juridiques et éthiques. Et c'est la connaissance de la première stratification des groupes humains, dans la cité, qui est particulièrement importante, justement comme passage de l'infrastructural au superstructural, comme passage du déterminisme économique au déterminisme socio-politique. Alors se révèle la «nature humaine», les racines de
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son pathos, le lieu de mutation et d'adaptation, l'origine de la sociabilité. Les classes sociales, des corps se constituant, sans la référence directe à la marchandise, comme immédiateté du relationnel, comme nécessité de l'histoire, compléteront la première définition proposée au niveau de l'échange dans les corps constitués, au niveau de la constitution de la marchandise. La première logique de la croissance économique a déjà révélé la réification de tout échange, l'expression aliénée de tout relationnel. Nous avons vu la matérialité de tout rapport de groupes comme échange de la marchandise. Et le pluralisme des significations de certe marchandise témoignait de l'originalité des cultures, des sous-divisions du mode de production. Cette aliénation doit prendre maintenant sa figure historique, comme macro-événement, mouvement de population, stratification historique des classes sociales. C'est le relationnel en tant que tel. b) La répartition des classes sociales : rencontre dans la cité du pluralisme des praxis Le pathos est donc la confrontation, en un même lieu, dans la commune fixation locale, des praxis particulières, celles-ci étant alors stratification de classes. Chaque classe sociale reprend, répète, le moment constitutif de chaque praxis particulière. Mais alors qu'au niveau de la typologie des villes, ces praxis étaient réifiées selon un genre de ville, maintenant elles se stratifient en couches sociales, et dans la même ville. Le concurrentiel économique qui surgissait dans chaque praxis et entre les praxis, se manifeste maintenant dans la même ville et entre les classes sociales. L'extensif qu'est la diversité des villes se concentre verticalement dans la diversité des classes sociales. Chaque ville présente donc un double aspect du même relationnel (celui de l'échange de la marchandise) : dans la ville et entre les villes. La praxis locale se confronte avec les autres praxis comme le groupe qui dirige la cité se confronte avec les autres groupements ou strates sociaux, et dans la cité. Autrement dit, au relationnel entre les praxis, correspond un relationnel entre les groupements de la cité. La loi qui préside au rapprochement ou à l'antagonisme des praxis est aussi celle du relationnel dans la cité. Aux quatre modes de cités, que nous avons déterminés, d'après une praxis dominante, correspondent dans chaque cité des groupements représentatifs d'après une praxis qui tend à devenir une praxis de classe. Lorsqu'une praxis devient dominante (jusqu'à définir le mode de la cité) et qu'elle hiérarchise les autres praxis, c'est en hiérarchisant, politiquement, les groupements sociaux définis par ces praxis. Ainsi apparaissent une masse prolétarisée, un corps
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artisanal, une oligarchie, des grandes familles. A ces groupements homogènes il faut ajouter des minorités à vocation mixte : les commerçants qui trafiquent des céréales et ceux qui distribuent les produits industriels ainsi que les Juifs (prêteurs, etc.) embryons de l'appareil capitaliste. La première dynamique de groupes, dans la cité, tend donc à une distribution hiérarchisée de groupements stables, stratification horizontale, et de groupements disposés au contraire à la verticale, bien plus instables, car c'est par eux qu'arrivent dans la cité les praxis d'en bas (monde rural) et d'en haut (monde du grand commerce et industrie). c) Historicité des mouvements de population et stratification des classes sociales Le réseau économique de la praxis rurale, avons-nous dit, est un compromis entre trois termes. La marchandise est la constante d'un relationnel : celui du collectif urbain, d'une nouvelle classe paysanne «moyenne» et de la traditionnelle autorité féodale. Deux nouveaux groupes ont surgi, sur le plan qualitatif, et le troisième s'est transformé. Le nouveau référentiel économique qui n'est pas toléré par la noblesse mais voulu, fondement nouveau de la classe, par le passage du chevaleresque à la rente du sol, a une double conséquence dans la praxis globale : d'abord la formation et la reconnaissance du groupe consommateur, finalité de la production (si le seigneur veut vivre de la rente du sol, il faut que l'écoulement du produit naturel soit assuré et... rentable). Ensuite la formation et la reconnaissance du groupe producteur par sa seule effectivité économique. La rentabilité qu'autorisent la marchandise, l'appréciation en numéraire permet un nouveau système d'échanges entre le paysan et le seigneur. A l'échange originel (moyens de production et protection militaire contre redevances en travail) se substitue l'échange argent-liberté. La liberté se rachète par l'argent que le producteur peut maintenant gagner sur le consommateur, le bénéfice étant un effet en retour, qui reviendra au seigneur, mais qui passe par le producteur qui peut en retenir une part, qui aussi faible qu'elle soit, permettra le rachat de la liberté (affranchissement), qui permettra à certains, la relative thésaurisation que sera l'accession à une classe paysanne moyenne (laboureur). Ainsi se transforme, partiellement, la relation originelle serf-seigneur. Celui-ci n'est plus le protecteur (ou l'organisateur de la praxis), mais le profiteur, le rentier. L'autre terme de la relation étymologique maître-esclave se transforme aussi avec la nature de la relation économique. Le barbare, la nature, accède à une autonomie : l'indépendance politique par le travail qui lui donne un pouvoir économique. L'affranchissement sera un processus de reclassement selon les nouveaux besoins de la praxis globale et qui entraînera une stratification en groupes
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très diversifiés. D'abord le passage du serf à 1 etat de paysan libre, qui peut s'enrichir par le travail, constitution d'une classe paysanne hiérarchisée, qui peut atteindre une certaine aisance et qui niera son passé immédiat et lointain, la référence paganiste par la référence monétaire. Ensuite le passage de l'affranchi au groupe urbain, mais selon deux dynamiques de groupe différentes. Celle d'immanence au réseau économique, le mouvement des personnes, de groupes très réduits, étant proprement génétique du bourg, de la petite ville, de certaines corporations des grandes villes. Alors (que ce soit par le réseau commercial, le gros paysan devenant commerçant domicilié au bourg, que ce soit par la spécialisation dans une praxis artisanale), la paysannerie d'origine s'intègre au groupe urbain, se nie déjà à la seconde génération et ne se réfère plus qu'au compromis qu'est la marchandise. Une autre dynamique, sautant le terme intermédiaire qu'est le bourg (aboutissement de la praxis rurale et commencement de la praxis urbaine) sera le passage direct de l'affranchi à la ville (ou du serf échappé) souvent par une migration massive vers un grand chantier, une ville de grande industrie, et aboutira à une masse inorganisée, main-d'œuvre, qui même dans le meilleur des cas, rejette dans le chômage chronique une partie de ses éléments. Ainsi quatre groupements sociaux fixent la nouvelle dynamique de la praxis globale. Nous avons déjà vu, par la détermination de la marchandise, le relationnel de ces groupes, mais réifié en un système d'échanges déterminant de tout relationnel. Par le relationnel des groupes, sur le plan de la stratification dans la cité, réapparaît la nécessité historique, non plus sur le plan de la scission macro-sociale, praxis de classe-praxis globale, dans l'éclatement désordonné qu'est une scission ignorante de sa finalité, de l'ordre nouveau qui commence, mais dans les déterminations, d'ordre qualitatif et fixe, de groupes qui deviennent classes sociales. C'est une problématique spécifique à un lieu, par qui tous les moments historiques de la scission se retrouvent dans la contemporanéité selon la préoccupation de l'aménagement structural de tous ces apports pour une action commune. Ces groupements reprennent les modalités opérationnelles par lesquelles la praxis globale s'est transformée par les conditions d'exploitation de la propriété foncière. Leur milieu est homogène, par l'origine, paysanne, par le mouvement, à sens unique, de la terre vers la ville, par le substrat objectif qu'est le réseau commercial. Leur différenciation, à partir du moment commun qu'est la scission praxis globale, praxis de classe, est la stratification historique des mouvements, selon la nouvelle nécessité de la praxis (qui apparaîtra encore plus clairement dans la période postérieure que sera l'unité nationale). Le groupe le plus lointainement établi est la classe féodale. Si elle a transformé son destin (se tournant vers la culture de l'intériorité) elle demeure, et de plus
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en plus, présente politiquement. Le groupe qu'est la paysannerie moyenne, essentielle productrice, est dans le même milieu rural, un groupe postérieur, en rupture avec le paganisme, facteur essentiel de transformation de mentalité, historiquement prospectif. La migration vers la ville consacre un deuxième grand moment de la dynamique, dans lequel nous avons distingué deux périodes (et deux groupes). La première, qui se ferme très vite, est celle de l'intégration dans la cité, essentiellement dans le corporatisme. Aussi, à ce mouvement migrateur d'intégration (ou mieux de formation) succède une migration non intégrée dans le corporatisme, ou très partiellement, qui restera marginale à cette praxis, ou qui donnera l'ouvrier des grands chantiers, avec, là aussi, une masse marginale, inemployée disponible : la plèbe. Ainsi ces quatre groupes représentent la dignité, la priorité des fonctions selon le moment de leur apparition dans la praxis globale. La saturation d'un groupe (selon des critères très différents), entraîne l'ouverture vers l'autre. La distribution quantitative s'augmente inversement à la hiérarchie. Elle va de la classe qui s'impose la politique dynastique, aux masses mi-travailleuses, mi-disponibles des grandes villes, de la noblesse à la plèbe. Entre ces extrêmes s'intercale la paysannerie moyenne, minorité dans la masse des vilains, minorité dans le servage, et le collectif sélectif qu'est le corporatisme (qui se ferme très vite) pour lequel le quantitatif est mesure du qualitatif. Les besoins de la nouvelle praxis sont pourvus dans un ordre sélectif malthusien qui hiérarchise les groupements. Une translation de population s'opère, qui n'est qu'une adaptation de la praxis rurale à la progression de sa production, d'une praxis qui sécrète elle-même ses nouveaux modes et qui utilise sa propre population, pour conserver ainsi, par le groupe le plus éloigné de sa culture étymologique l'ordre hiérarchisé et enraciné de la culture rurale. Car le corporatisme, extension en un groupe homogène de l'artisanat rural, n'est encore qu'une transformation dans, et de, la praxis rurale. Le bourg, la petite ville, baigne dans la culture rurale ; elle ne se détache que progressivement, et jamais définitivement, d'une praxis mixte. L'enrichissement par la marchandise rurale maintient une dynamique ascensionnelle (le paysan qui s'est spécialisé dans le commerce se fixe au bourg) mais aussi une dynamique descendante (le villageois enrichi place son argent dans la propriété foncière). La promotion sociale tend à instaurer un équilibre d'échanges : le paysan enrichi passe au bourg et le villageois enrichi place son argent dans le foncier. Cette homogénéisation d'un milieu qui ne fait que croître quantitativement, sans scission radicale de sa culture, se consacre par la reprise, dans la structure de la ville, de la hiérarchie existant au niveau de la production rurale. De même que le serf est sou·
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mis au seigneur, politiquement, et dominé économiquement par la paysannerie moyenne, dans la ville, la plèbe est rejetée par le corporatisme et son ordre politique. La ville n'instaure pas un ordre nouveau : la plèbe ne fait que se déplacer. Elle n'est que la dernière vague de la migration intérieure, celle qui ne trouve pas d'emploi, qui vient trop tard, qui se heurte au barrage corporatif, nouvelle barrière de classe. La mobilité sociale a reconduit l'ordre social, ailleurs. Mais c'est justement cette disponibilité de la plèbe, sa présence dans la ville, qui est déjà un dépassement, par la poussée démographique, de la praxis rurale. Celle-ci, dans la relation triangulaire corporatisme-paysannerie-seigneur, est déjà un dépassement de la simple relation noble-serf. Par la concentration à la ville d'une main-d'œuvre sans qualification professionnelle, la praxis rurale se débarrasse de son négatif par un regroupement qui est une menace pour l'ordre public. D'abord par l'actualisation dans ce nouveau collectif inorganisé, la plèbe, de sa situation politique (révolte) mais aussi et surtout par la constante subversion du naturalisme dans la cité, par la présence d'une nature maintenant privée de sa culture étymologique et par ailleurs privée de toute praxis, de toute efficience, de toute culture dans la cité. Par sa transformation, dans la «promotion» d'un collectif urbain, la culture rurale, en déplaçant la masse servile, a posé ailleurs le problème qu'elle n'a pu résoudre. Ainsi d'une part elle se débarrasse partiellement d'une menace historique que la scission culture de classe-culture globale n'a fait que re-actualiser : la barbarie, l'inculture, l'errance du désir, le nomadisme, qui ont pu à un certain moment être fixés, par l'autoritarisme féodal, qui ont pu s'auto-cultiver, par le travail et la promotion économique de la paysannerie, retrouvent leur étymologie mais en un autre lieu. Ainsi d'autre part, est scindée la subversion naturaliste, d'une part réduite à la soumission par la puissance féodale et la puissance économique de la paysannerie, par ailleurs, soumise au barrage du corporatisme, sans la ressource qu'est l'environnement naturel (cueillette, chasse, travail journalier, etc.). Et les deux groupes, serf et plèbe, vont s'ignorer et s'opposer dans l'incompréhension des finalités historiques, des fonctions dans la praxis, par le décalage que deviendra la paysannerie et la société industrielle. Cet antagonisme neutralise la solidarité d'origine, et même de situation, car les groupements sociaux se déterminent autant d'après leur historicité que d'après leur similitude économique. Ainsi, la plèbe, sécrétée par la praxis rurale, retourne à une disponibilité qui lui permet de servir à une autre praxis : celle de l'industrialisation et du grand commerce. Ce groupe-masse immédiatement utilisable assure ainsi la continuité organique entre deux praxis radicalement différentes. Ce transfert de population doit donc être interprété comme stratégie politique. Il
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permet, politiquement, de scinder une masse d'origine et de situation homogène, dans un antagonisme conservateur. La structure rurale peut assimiler sa propre transformation et même pénétrer le monde urbain, et le structurer dans la réciprocité des échanges. Les masses transplantées n'apportent, dans la cité, que leur potentiel de travail, et la négation du naturalisme, du paganisme, de la nature naturante, par le positivisme qu'est leur seule réalité, la nécessité de la survie, organique, par la fonction, le travail le moins évolué, de «l'engagement physique» du manœuvre. La disponibilité de ces masses permet donc à la praxis rurale et à la praxis urbaine de se raccorder dans la continuité de la praxis globale. L'industrialisation pourra se faire par ces concentrations. Ce circuit de la mobilité sociale, qui se boucle par la concentration dans la ville, de groupements disponibles, retrouve dans la ville, dans le synchronique, dans la stratification sociale, un autre circuit, lui aussi commencé dans le secteur rural, mais accompli au sommet de la hiérarchie sociale urbaine. Deux réseaux de mutation ont cheminé parallèlement : celui que nous venons d'étudier aboutit à la stratification sociale, mais au bas de l'échelle sociale, dont les niveaux traduisent un ordre décroissant du politique. L'autre réseau, comme renouveau du commerce méditerranéen, à la suite des croisades, aboutit à la grande bourgeoisie qui s'occupe de ce grand commerce. Toute une dynamique revient alors à son point de départ, mais en consacrant, elle aussi, la translation de la praxis rurale à la praxis urbaine. L'initiative du pouvoir s'est déplacée du château à la grande bourgeoisie. La migration extérieure qu'est la croisade n'a pu implanter son royaume d'Orient. Mais en retour, elle a suscité les conditions du grand commerce, les relais, l'appel d'échanges, toute l'infrastructure du relationnel élémentaire. Mais le pouvoir, la décision, ont changé et de mains et de lieu. Ce circuit se présente comme une prodigieuse mutation des catégories : l'idéologie, l'élan éthico-religieux en est le principe, et le grand commerce, le résultat. Mais il faut expliciter cette image. La noblesse entreprend les croisades en tant que problème de classe sociale, à cause du surplus de chevaliers, de cadets, de tous ceux dont la revendication idéologique n'est que l'expression de la crise «des débouchés» dont l'expansion territoriale est une solution. Là aussi le problème est démographique. La culture de classe débouche aussi sur un surplus malthusien. Et l'échec des croisades n'est que l'échec du chevaleresque, d'une culture de classe incapable d'aménager ses conquêtes, selon la nouvelle problématique géo-politique de l'émigration. Le renouveau de l'invasion originelle, la nouvelle migration, comme croisade, se heurte d'abord à un système féodal implanté : c'est-à-dire que la place est prise, comme mode de production
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identique à celui de l'envahisseur. Mais surtout les croisés sont incapables d'établir l'infrastructure relationnelle qui garantirait la libre circulation et des biens et des personnes, indépendamment de la présence de l'armée. L'infrastructure relationnelle n'est pas posée comme telle par le chevaleresque. Cette migration ne peut penser son expansion que comme une quête, occupation territoriale, fixation à la terre. Les médiations ne relèvent pas de sa praxis, de la conception féodale de l'économie et de la rentabilité. Mais cette nouvelle migration trace la voie, fixe les relais, délimite les zones d'une circulation des biens et des personnes. Et l'aménagement de l'échange possible, abandonné à l'intendance, aux services, aux localités, au marginal, au subalterne, est un empirisme, un opportunisme, qui organise une nouvelle praxis constitutive de la grande bourgeoisie du négoce. Tel est le circuit d'une migration extérieure qui ramène la marchandise d'Orient, qui déplace le pouvoir économique de la campagne à la ville. Les migrations, intérieures et extérieures, rendent compte de la double mutation économique de la praxis, à la base et au sommet, comme déplacement du surplus rural à la ville (naturalisme), et comme déplacement du moteur économique du domanial à la grande bourgeoisie. Les deux résultats se rencontrent, comme classes sociales ; l'économie urbaine s'est donné les conditions de son expansion : un réseau d'échanges et la masse productive. La stratification sociale des groupements, dans la cité, est donc la genèse de l'économie urbaine : les moments constitutifs de celle-ci s'objectivent et se fixent en classes sociales. 2. La problématique de la production économique a) La dualité praxis des villes-praxis des classes Le problème de l'économie du Moyen Age est celui de sa progression, comme passage de la praxis globale éclatée (en praxis de ville : communal) à la praxis nationale. Cette dernière ne doit pas être pensée comme unification, centralisation, dirigisme, comparable aux nations modernes. Mais vers le 16" siècle tout un appareil administratif, juridique, fiscal (aussi inégalement qu'il soit réparti) est en place. Toute une superstructure témoigne d'un système commun qui propose une certaine homogénéité de la vie économique (territorialité, douanes, aide de l'Etat, etc.). Cette superstructure est aussi le résultat (et le moyen) de tout un processus évolutif : la nation est l'adaptation à la praxis mondiale, au concurrentiel extérieur (grand commerce de l'Italie, métaux précieux de l'Espagne). L'histoire du Moyen Age est alors ce conflit entre l'étymologie d'une praxis et sa reconversion (en bien ou en mal) dans l'unité nationale. De l'empirisme qu'est la manifestation de chaque praxis 7
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à l'économie médiatisée par le superstructural, l'histoire témoigne des hésitations, flottements, non seulement en France, mais en Occident (de là la différenciation de la carte géo-politique de l'Europe, de là toute une logique du passage que nous étudions ultérieurement). L'empirie qu'est le surgissement d'une praxis (selon les conjonctures de l'histoire, selon les dispositions géographiques et naturelles) et la logique de la production, la logique de la croissance économique, n'ont pas de développement parallèle (et l'on pourrait écrire l'histoire d'après ce problème : comment la logique de la production dépasse l'empirisme de la production ?). Ce problème, de la progression économique, comme passage de la praxis des villes à la nation, comme reconversion des vocations étymologiques dans la complémentarité nationale des praxis, est le problème du passage de la praxis des villes au statut et à la conscience de classe, dans la ville, à partir du 16° siècle. Car en même temps que se forme la nation, se constituent les classes sociales de la nation. C'est la logique du passage dont nous verrons les modalités en France. Un corps médiateur, comme praxis, groupe, idéologie, va se couper de la praxis particulière des villes et les soumettre à la nécessité plus universelle de l'unité territoriale. Et ces praxis vont s'unifier sous la tutelle de l'administration, de la juridiction, de la fiscalité. Elles se soumettent toutes à ces nouveaux besoins, d'un collectif plus large. Et par ce commun dénominateur, les praxis se hiérarchisent dans le collectif national, selon un ordre nouveau de leur production. Que ce soit au niveau de la culture agraire (estats, ordres) au niveau de la genèse de la culture urbaine (mouvement de population, dynamique et système de groupe), on peut dire qu'il s'agit toujours de classes sociales Duisque définies selon des rapports de production. Mais leur différenciation historique leur donne des modalités différentes. Les classes sociales de la nation constituée ne sont qu'un avatar du devenir des rapports de classe. La différence du «renouveau urbain» à la nation constituée du 16' siècle est que, dans le principe, la constitution de la ville est l'œuvre d'une classe sociale, mais comme autonomie d'un groupe (ou oligarchie) dont l'action constitue les cadres urbains élémentaires (qui alors a une conscience de bourgeois, mais dans le particularisme local, qui défend farouchement son intégrité) alors qu'au contraire, à partir du 16' siècle (critère historique très approximatif) la conscience bourgeoise n'est plus celle de cette quasi-autonomie, mais soumission aux normes contraignantes de la nation, c'est-à-dire d'une gestion politique qui a échappé aux praxis locales. Le particularisme économique des villes est intégré dans une économie qui a hiérarchisé les productions locales, selon le pouvoir de la grande centralisation affairiste qu'est le pouvoir royal, et
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selon un concurrentiel économique, entre nations, qui redistribue la hiérarchie originelle des praxis locales. C'est par cette variable qu'il faut interpréter la dualité praxis des villespraxis des classes. La praxis de classe est immanente à la praxis des villes. Mais dans le devenir la praxis des classes tend à se substituer à celle des villes. Dans le principe, la stratification de classes dans la cité, doit consentir à la praxis de la ville ordonnée (c'est essentiellement par l'intégration, selon le métier, de la main-d'œuvre disponible) par le macro-groupe, oligarchie, dynastie dominants. Et c'est en référence à la praxis particulière de la ville que s'ordonne la stratification sociale. Mais inversement «l'équipe dirigeante» doit aussi consentir aux autres cultures, des classes minoritaires, des praxis dominées. Dans la cité, la stratification de classes délimite l'impérialisme de la praxis locale dirigeante : les émeutes, révoltes en sont la manifestation spontanée. Le constant conflit : corporatisme-oligarchie du grand commerce (ou grande industrie) local en est le mode le plus politisé. La dualité praxis des villes-classes sociales demeurera encore, dans la nation constituée ; les villes, les régions conservent une vocation économique qui fausse partiellement le jeu des classes sociales dans la nation (les «clientèles» sont fidèles à leur lieu de travail). Les classes sociales sont donc le lieu de la mutation économique. Par elles, les praxis locales se reconduisent dans la cité, s'affrontent dans l'homogénéité de la cité. Et par elle la nation dépasse ces praxis locales dans une homogénéité qui reconduit les classes sociales comme stratification de la nation. L'équilibre de la cité, et de la praxis globale, est la solution de cet antagonisme praxis des villes-praxis des classes. La loi régulatrice est la conciliation de l'antagonisme dans le devenir comme continuité des praxis locales dans les praxis de classe, comme intégration des économies régionales dans l'économie nationale, comme conciliation par le diachronique du pluralisme de praxis apparu dans le synchronique. Cet équilibre, qui autorise un taux de croissance en même temps que le jeu concurrentiel de toutes ces praxis, doit être défini selon un modèle économique régulateur. b) Le modèle économique régulateur de la praxis globale et de la cité : l'équilibre de la balance des échanges au niveau du corporatisme L'équilibre économique, équilibre de la balance des échanges, apparaît en tant que modèle structurant, comme l'équilibre de la commercialisation dans la cité, du produit grand commerce-grande industrie (dernier moment de la dynamique descendante de la puissance économique du patriciat urbain), et
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de la commercialisation du grain des produits ruraux, (dont le dernier moment de la dynamique ascendante de la puissance économique du monde rural s'est dégradé en un compromis avec le collectif corporatif, le réseau commercial mixte aboutissant à un embourgeoisement, à un enrichissement et à un monopole du marchand d'origine paysanne). Ces deux commercialisations doivent être égalitaires car équilibratrices : le collectif (corporatisme) stratifié horizontalement, pour assurer son autonomie et créer ses propres besoins, doit se préserver de la dynamique rurale et du grand commerce-grande industrie en les neutralisant réciproquement. Cet équilibre idéal, entre deux économies hétérogènes, par une autre économie, assure l'équilibre des praxis dans la praxis globale qu'est la systématique des échanges. Ainsi est garantie, mais aussi limitée, l'expansion de chaque praxis dans une interdépendance économique. La croissance doit maintenant se faire dans la praxis globale et celle-ci est celle de la cité. La perturbation de cet équilibre crée toute une série événementielle. Et de même que l'empirie de la production, de l'ordre naturel, perturbe cet équilibre idéal, toute perturbation de cet équilibre, de par les fluctuations productives dues au politique, entraîne des crises naturelles (ainsi la famine). c) Le nouvel ordre de la production Cet équilibre des échanges, comme structure de la cité, d'après la structure de la catégorie économique, est réconciliation dans la praxis globale, des modalités productives. La praxis globale s'était définie par trois modes de relation, trois déterminations de la marchandise, trois praxis particulières d'abord hétérogènes et indifférentes l'une à l'autre. Au niveau de la structure de la cité ce pluralisme global doit s'unifier en une seule praxis dont la seule nécessité est l'équilibre des relations. Mais ces modes n'étaient que l'effet de la scission praxis globale-praxis de classe. Alors que leur cause était dans la praxis féodale, leur spécificité était un effet que cette praxis ne contrôlait plus (ou, partiellement, dans le compromis). C'est le regroupement de ces effets, leur unification, qui est la structure de la ville, la conquête d'une causalité propre, d'un devenir global par le devoir-être du collectif. (La relation cause à effet est d'abord intérieure à la praxis féodale, de classe, puis se coupe en causalité, de classe, et effet, dans la praxis globale, pour se retrouver dans la relation cause à effet, dans la seule praxis urbaine. Il n'y a pas de rupture.) Ce que la praxis de classe doit susciter (pour agir selon son concept), mais ne doit pas assumer (pour agir selon son concept), s'organise de soimême, dans une autonomie qui est négation de la praxis de la noblesse, mais dont la production féodale est la cause. Mais dans le devenir global, il n'y a pas de rupture entre ce que provoque
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la praxis de classe, dans une multiplicité qui paraît irréductible, et l'unité qui doit se retrouver dans la praxis de la ville. Si ces praxis particulières ont pris une spécificité, du relationnel et de la marchandise, celles-ci se déterminent et se soumettent à la nécessité historique de la praxis globale. La structure de la cité devra reprendre, non pas l'ordre féodal, mais l'ordre de la production. Celle-ci a été définie dans ses modalités fixes, constantes : par la réification qu'est la marchandise; ensuite par la nature du relationnel entre des groupes. Mais ceux-ci étaient alors conçus d'après l'effectivité politique qu'ils pouvaient atteindre, selon leur importance au niveau de la production, de la consommation, de la commercialisation, indépendamment de leur génétique propre. Autrement dit, la dynamique des groupes était appréciée comme un résultat : celui des groupes constitués, et des relations qu'ils ont alors. Mais la dynamique des groupes se constituant, non plus dans leurs effets, mais dans leurs causes, reprend la hiérarchisation des groupements sociaux, non plus alors selon leur importance dans le réseau économique, mais selon un relationnel qui montre ces groupements à deux moments historiques. D'abord celui des mouvements de population, macro ou micro-sociaux, d'après la causalité définie par la scission praxis de classe-praxis globale (d'après ses trois moments essentiels). Ensuite cette origine historique des mouvements de population, passe à la fixation comme stratification dans la cité, définissant une causalité nouvelle : celle des classes sociales. La dynamique des groupes se constituant apparaît dans l'historicité alors que la dynamique des groupes constitués est réifiée en un réseau (économique, la marchandise) objectif, fixe. Cette distinction : groupes constitués — groupes se constituant, permet de bien distinguer la logique de la production du pathos des classes sociales. Une double nécessité économique et démographique est alors révélée. Mais cette nécessité (et commodité, de l'exposé) ne doit pas faire oublier qu'économie et démographie sont immanentes l'une à l'autre. Le pathos, de la cité, et le système d'échange ne doivent pas être dissociés : aussi doit-on étudier, maintenant, l'immanence du modèle régulateur de l'économie, et du corporatisme comme classe sociale.
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C . STRUCTURE ET DYNAMIQUE : BOURGEOIS ET ALTÉRITÉ. RÉGULATION ET EXPANSION
1. Classes sociales et idéologie : le rapport d'expression — Niveaux, barrières, intégration Une constante logique à priori détermine, à travers le pluralisme des manifestations ou des explications, la même nécessité : dans la relation structuredynamique, à partir du dualisme d'opposition, s'élabore aussi un processus d'intégration, de ratification de la dynamique, dans et par la structure. Le conformisme, l'ordre, doivent être pensés alors dans la continuité dynamiquestructure. C'est l'intégration qui en sera le terme clé, intégration qui absorbe les apports dynamiques, ou bien qui les rejette, selon le normatif de la cité. Alors la subversion est inopérante, totale aliénation, mais elle demeure comme résidu, potentiel menaçant (naturalisme). Et il nous faut aussi préciser, encore une fois, le problème de la causalité (de sa nature épistémologique) entre la praxis et l'intériorité (le psychologique, par exemple). La praxis et le pathos ont en commun la nécessité logique du devenir. Leur rapport n'est pas de cause à effet, répétons-le. Le rapport d'expression ne doit pas être pensé selon un décalage entre la praxis et l'idéologie, selon un décalage entre l'immédiateté du faire et les représentations des catégories constituées (éthique, esthétique, etc.). La relation est d'immanence. Etudier les catégories expressives du pathos, c'est donc étudier les groupements, selon leurs origines et finalités. Le processus de participation, d'intégration des groupements est celui des catégories. Celles-ci n'expriment pas la praxis mais sont la praxis comme participation et intégration au niveau existentiel, quotidien. Donc dans la cité, groupements et expressivité sont immanents, en un lieu circonscrit, qui rend compte de toute une praxis, de toute une régulation. Et la cité constituée, comme structure, se confronte à la praxis mondiale et à la constante présence du naturalisme. La structure s'affronte à une double racine de l'irrationnel, du non-institutionalisé, de l'altérité. La dynamique, qu'est cette poussée du monde d'en bas et du monde d'ailleurs va donc se confronter au modèle régulateur de la cité. La relation structure-dynamique apparaît donc d'abord sur le plan du relationnel de la cité et du monde extérieur. La dynamique de la praxis globale va se heurter à une structuration, à la base et au sommet de la cité, qui joue un double rôle. D'abord de barrière, d'arrêt d'une dynamique, qui comme telle, en même temps qu'elle s'accomplit, connaît un arrêt, un refus de l'intégration.
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Ensuite comme lieu de transmutation de la catégorie spécifique amenée par la dynamique, transmutation qui fait de la praxis irrationnelle une réalité structurale. Cette relation structure-dynamique se développera à son tour dans la cité, à l'intérieur de la cité, reprenant les catégories de structure, du premier moment de la structure, vers une nouvelle transmutation selon la même logique. La finalité de ce double mouvement, la classe moyenne, la Renaissance, sera ce niveau de l'action atteint par la cité lorsqu'elle peut non plus subir mais agir sur la praxis mondiale, par une action qui n'est plus celle particulière d'une classe ou d'une catégorie, mais celle de la structure commune atteinte par toutes les villes, dans leur interaction non plus concurrentielle mais complémentaire : la Nation. C'est comme rapports de classe rentielle mais complémentaire : la Nation. C'est comme rapports de classe que la cité, en son principe, et dans sa finalité, définit ses groupements et ses catégories. Mais si la relation structuredynamique s'objective en des groupements macro-sociaux, de par la possibilité d'une rencontre eu un lieu déterminé des deux modes de l'irrationnel (le biologique et la praxis mondiale, qui peuvent alors se contrôler et se rationaliser) un groupement élémentaire, cellulaire, la famille, sera le lieu de la microsocialisation d'un relationnel, qui, dans le contemporain et le chronologique doit réconcilier, intégrer l'un à l'autre, le biologique premier et la praxis mondiale, selon une culture de l'intériorité. Aussi, des plus grands groupements au plus petit, la constante relation structure-dynamique définit, par la transmutation successive des catégories, les différents modes de relation de la cité, en passant de la vie publique à la vie privée. Ce parcours du relationnel est exhaustif, et ses modes ne sont plus dans le rapport causal d'un déterminisme mécanique mais dans l'interdépendance des groupements et des catégories, qui sont l'effet, certes, d'une praxis, mais globale, qui confronte le rationnel à l'irrationnel, la nature au travail, le monde extérieur et l'organique. Aussi, à partir des données de la vie publique et de la vie intime, on pourra déterminer, toujours selon la relation logique structure-dynamique, une théorie de la conscience, de la subjectivité, particulière à l'apogée de la cité. 2. Structure et monde d'en bas : le corporatisme La structure de base qui arrête puis intègre la dynamique naturaliste est le corporatisme. Et cette structure déborde celle d'une classe sociale. Le corporatisme est d'abord un nouveau mode de production. Nous avons déjà établi sa profonde originalité : à la praxis «naturelle» se superpose celle de l'homo faber. Le travail, toujours manuel, est celui de la fabrication d'un objet. Cette production s'organise selon une nécessité politico-économique
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qui porte immanente une éthique et une philosophie du besoin, d'ordre pratique, sans décalage entre la réalité et sa représentation (et ainsi sans idéologie spécifique, élaborée, car sans groupe attaché à l'expression verbo-conceptuelle de cet état). Ainsi le corporatisme déborde la signification de classe. (Celle-ci suppose une stratification hiérarchisée : chaque classe a sa finalité particulière dans la finalité globale de la cité. Et aussi justifiée que soit sa revendication politique, son affectation particulière ne peut prétendre recouvrir la finalité globale de la cité.) Au contraire, la finalité du corporatisme consacre son autonomie ; le moyen de production n'est autre que le but de production : l'objet fabriqué. L'outil est en même temps fin et moyen. Le principe de l'indépendance n'est autre que son but. Cette tautologie, cette identité de la production et de la consommation, assure l'homogénéité d'un nouveau milieu humain. Le travail a interposé, entre le milieu naturel et le collectif, l'objet fabriqué. La dialectique du désir et de son objet n'est plus celle d'une intériorité et d'un objet naturel, mais celle de la puissance et de l'acte, de l'en-soi et du poursoi. Mais pour que le désir s'épuise dans son objet, pour que l'objet sollicite le désir, un équilibre doit être établi et maintenu entre la production et la consommation. Ainsi le statique de l'économique est conservatisme politique, non pas d'une classe, mais d'un ordre, collectif, de la production. L'excès, ou le manque, de la production, réveillerait le désir naturel. Les besoins qui ne sont plus besoins naturels, mais besoins naturels du collectif, seront donc aussi égalitaires. De même que le désir et l'objet doivent maintenir un mode de complémentarité, les besoins ne pourront s'échanger que par leur correspondance égalitaire. Cette égalité des besoins est celle des corporations qui les assurent. Une hiérarchie des besoins créerait une échelle des valeurs sociales, c'est-à-dire un décalage constant entre le désir et l'objet, le moyen et la fin. Cette inflation, dynamique, certainement, serait contradictoire à la finalité du corporatisme, mode de production d'un collectif qui a ses normes politiques à priori. (Cette égalité est celle des corporations entre elles et dans chaque corporation.) C'est cette idéologie du corporatisme qui fixe sa structure, autant que le conditionnement par les moyens de production. Et le progrès technique est d'ailleurs, lui aussi, soumis à la structure civique qu'est le travail artisanal. Quelle que soit l'innovation technique, elle est soumise à l'artisanat. C'est-à-dire qu'elle est recevable dans la mesure où elle peut susciter un nouveau métier, mais toujours de production individuelle. Le corporatisme n'est pas contre l'innovation technique, mais contre le travail collectif (genre manufacture, etc.). Un conflictuel des corporations suscite, par chevauchements, contiguïtés, d'autres corporations, qui, en fait, marquent
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une progression technique et une transformation, qualitativement inappréciable, des besoins. Cette acceptation de l'apport technique dans la perspective de la production artisanale, dans 1 egalitarisme corporatif, délimite la production des besoins en maintenant leur égalité. Les besoins sont égaux car les besoins de tout homme qui travaille manuellement sont les mêmes. Aussi le travail manuel prétend à une dignité, une justification qui est celle de la qualification professionnelle. Le long apprentissage, le chef-d'œuvre, témoignent d'une maîtrise artisanale, qui, dans tous les métiers, justifie les prétentions politiques de ces métiers. Aussi, si les besoins, à priori, sont élémentaires, l'objet fabriqué, qui les satisfait, atteint à un raffinement, une qualité, qui donnent à ces besoins élémentaires une autre dimension, qui dépasse déjà le fruste et le rudimentaire, qui accède au confort. Mais cette égalité des métiers et des besoins, même dans le principe, est difficilement maintenue : la maîtrise artisanale est déjà métier d'artiste, dans certaines corporations (joaillier, etc.), et la consommation d'autres produits fabriqués (vêtements, etc.) débouche sur le luxe. A cette esthétisation de la dialectique désir-objet, s'ajoute, dans la commune opposition à la norme corporative égalitaire, les métiers de gros bénéfices et de petite qualification professionnelle, qui peuvent apparaître comme des monopoles dans le corporatisme lui-même (bouchers) et qui sont déjà la marque d'une consommation évoluée, sélective, d'une clientèle aisée. Ces métiers de luxe tendent à situer une hiérarchisation sociale, en se différenciant des métiers qui satisfont les besoins plus frustes, d'une nécessité vitale peut-être plus grande (boulanger) mais répétitive, banale, et des métiers de nécessité vitale lointaine, sans gains importants, sans esthétisme, qui se différencient eux aussi des métiers les plus subalternes. Ainsi tendent à se créer dans la structure corporative, des strates de classe, c'est-à-dire la hiérarchie verticale des métiers et des besoins. Alors, si le corporatisme, en son juridisme, protégé par le politique (le roi) se garde encore de la pression naturaliste, au mode de production et de consommation général et normatif de la cité, tend à se substituer la stratification verticale des métiers, qui réintroduira dans la cité, sur le plan institutionnel professionnel, le principe du naturalisme, la concupiscence légale (politiquement concurrentielle), devenue normative. Le corporatisme représente l'aspect macro-social, institutionnel et juridique, d'un mode de production nouveau, qui doit implanter un nouveau mode de relations humaines. A ce niveau, l'opposition de la strutture à la dynamique est d'abord d'exclusion, sans terme mineur mitoyen. C'est au niveau de la cellule élémentaire de production (l'atelier) qu'apparaît la contiguïté de la structure et de la dynamique. Cette confrontation des deux termes montre
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comment la structure utilise la dynamique, sans se laisser contaminer, et comment elle dresse un barrage, sur le plan de la vie quotidienne, devant la plèbe. Cette relation déborde le milieu professionnel et s'implante dans l'intimité de la famille : le compagnon travaille avec le patron et vit dans sa famille. Ce voisinage, doublement mixte, du travail et de la vie privée, du naturalisme et de la cité, fait apparaître le principe de l'échange qui fera la communicabilité : le travail, de l'ouvrier, du compagnon, lui permet d'accéder à la vie privée, à une participation à des catégories qui ne sont pas encore politiques mais qui ne sont plus naturalistes. Dans un premier moment, l'ouvrier perd la liberté, mais de la misère de l'errance et de la débilité sociale, pour la sécurité matérielle. Et cet échange, par lui-même, pourrait sembler un leurre, si la dynamique en restait là : sur le plan corporatif, la cellule de production, qui délimite le nombre des ouvriers, interdit la dynamique déjà possible sur les grands chantiers, qui deviendra le mouvement ouvrier, mise en question du patronat. L'ouvrier, de la corporation, s'il a écarté ses compagnons de misère, le naturalisme, n'accède pas au statut politique qu'est la propriété privée, la reconnaissance de la personne. Aussi, à ce niveau, le barrage, politico-juridique, prend la nécessité la plus rigoureuse. Mais c'est aussi à ce niveau que se fait le partage du devenir, l'intégration possible du potentiel naturel dans les formes politiques, selon les moyens de production de l'époque. Entre le patron et l'ouvrier, le travail et le genre de vie ne diffèrent pas de beaucoup. Leurs relations personnelles en viennent à la réciprocité. La dignité professionnelle du corporatisme reconnaît la même effectivité de production. Aussi, si l'ouvrier est réduit à ce marché de dupe, c'est que déjà il s'est engagé dans un processus d'intégration, par une tentation plus forte que l'interdit du mode de production et l'exclusion juridique. Ici se révèle l'autre face du collectif : l'intimisme familial, la sécurité sexuelle garantie par les rapports de production, la reconnaissance des personnes non plus sur le plan extérieur du collectif, juridique, mais sur le plan de la cohabitation de la nature et du mode de production. Apparaît le principe qui a incité au collectif, à la coercition du travail et du droit : la vie privée, qui n'est plus vie de nature ni vie collective, mais reconnaissance des sexes dans les formes de sociabilité définies par les rapports de production. La situation de l'ouvrier, à ce moment, qui est déjà négation du naturalisme, est déjà intégration dans la structure corporative, car acceptation du nonêtre juridique, de par la contrepartie qu'est l'accession à une vie domestique, antichambre de la vie privée. Celle-ci sera définitivement conquise, par le statut juridique, selon une double démarche. La structure, acquise, institutionalisée, ne concédera rien :
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elle n'intègre qu'un naturalisme qui se nie par lui-même. L'ouvrier peut, soit racheter l'atelier du patron par association, quasi-gérance, succession-vente (ainsi, c'est dans l'économique que se déploie l'arrivisme, ratification de la strutture dans sa catégorie la plus réifiée), soit par le mariage avec la fille du patron prolonger le naturalisme (la pulsion sexuelle) dans le conformisme, la norme familiale. Quel que soit le processus, la vie privée consacre la reconnaissance politique : la culture du collectif contient, immanente, la culture de la vie privée. A la complémentarité des besoins de la cité correspond l'équilibre des besoins organiques de l'individualisation dans les catégories de la personne. Celle-ci est à la fois juridique et familiale. Ainsi, entre la dynamique et la structure, un lieu, d'apparente neutralité politique, sert à la fois d'arrêt, de barrière et de passage. La dynamique naturaliste s'arrête et s'exaspère dans la potentialité de la subversion politique, ou bien se prolonge dans la structure, renouvelant biologiquement, démographiquement celle-ci, en ratifiant l'ordre politique. Ainsi, entre la masse plébéienne (qui croupit, dans le négatif de toutes les catégories, l'ineffectivité, qui pose son être dans la seule opposition et qui ainsi reconnaît la priorité ontologique de la bourgeoisie, qui fait passer la positivité du paganisme dans le négatif de la bourgeoisie, qui a perdu dans la transmutation dynamique des catégories toute continuité et toute finalité), et la minorité arriviste qui s'infiltre dans la structure, réconciliant, sans traumatisme, nature et société, s'établit la relation quantité-qualité, non plus seulement dans la conscience collective de la bourgeoisie, mais comme la seule conscience que le naturalisme, à ce moment de son évolution, peut avoir de lui-même. La ratification de la structure, par la force de travail, la force productive que devient le vitalisme qui charge de vie la structure, en constituant, démographiquement, biologiquement, un organicisme, réduit le naturalisme en son principe, à un biologisme, qui n'est autre que l'échec, la retombée de l'effort, le négatif de la cité. C'est ce dernier moment, de la relation structure-dynamique, qui consacre la nécessité structurale et l'intégration du potentiel positif du naturalisme. 3. Structure et monde d'ailleurs : la grande bourgeoisie a) La richesse, comme génération spontanée; la fortune et son lieu d'insertion dans la cité La même relation structure-dynamique va arrêter, mais aussi intégrer, la praxis mondiale dans la cité. C'est le lieu de rencontre de cette praxis et les modes de manifestation de son intégration qu'il faut déterminer. Si la praxis mondiale apparaît selon un pluralisme de causes, elle s'actualise toujours
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La structure féodale
dans la constance de la catégorie économique. Cette catégorie est alors embryonnaire (pour nous). Aussi est-on autorisé à choisir un critère, empirique, d'une économie «spontanée». Ce critère, pragmatique, est la fortune. Il apprécie le succès d'une entreprise, c'est-à-dire l'effectivité personnelle, qui insère la praxis mondiale dans la cité ; la fortune est l'adaptation totale, complète, d'un moment de la praxis mondiale, dans la cité. Cette pragmatique sanction a comme autre face l'échec, la ruine. C'est que les conditions de la fortune étant proposées par la praxis mondiale, la concurrence surgit et, par sa stimulation, sélectionne parmi les moyens proposés les plus appropriés. La fortune choisit au hasard, sur le plan des personnes, mais obéit à une nécessité pratique dont la raison ne peut apparaître qu'aprèscoup. La fortune n'est que la condition de la distribution locale d'une réalité globale. Les données du succès sont à priori dans la praxis mondiale. Leur actualisation, leur distribution sont un succès pécuniaire, immédiat, pur opportunisme. La fortune apparaît avec la commercialisation, que ce soit le commerce lui-même, que ce soit une conséquence du commerce, les centres de production (miniers ou industriels) se rénovant, ou périclitant, d'après leur situation dans le circuit commercial. Alors seulement dans ces conditions, l'explication d'ordre psycho-social, idéologique à propos de l'opportuniste qui fait fortune, peut-être prise en considération. En effet, l'apport pécuniaire de base n'est sans doute pas déterminant. Plusieurs commerçants sont sur ce plan-là dans la même situation, qui autorise la mise de fonds initiale. C'est surtout le non-conformisme, le nonstructuré, une quasi-marginalité à la cité, qui peut penser une rentabilité qui ne soit pas production, mais seul échange et profit, qui ne soit pas partage égalitaire, mais accaparement opportuniste. C'est donc dans ces situations particulières qu'apparaît la composante psychologique de l'affairisme. Cette liberté d'esprit, disponibilité, peut apparaître aussi, au contraire, dans la plus forte structuration, comme dernière chance d'une gestion malheureuse, quasi de faillite (peut-être pour des raisons d'ordre privé). Le seul recours possible est alors de prendre des risques, d'essayer. Le goût du risque n'étant que le dernier recours. C'est alors au niveau de l'accident, du cas personnel, que le singulier profite de la praxis globale. Le pari sur le devenir, contre la permanence structurale, relèverait d'une mise en question préalable, de l'individu par la société. Le possible, que beaucoup envisagent, se fait nécessité pour quelques-uns, et parmi ceux-là une minorité saura s'adapter. Celle pour qui l'adaptation de la praxis globale à la praxis particulière sera réintégration de la personne dans la cité, leur crise personnelle ayant été celle de la praxis.
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b) La grande bourgeoisie 2 : intégration progressive des origines de la richesse. Le pré-capitalisme et la moyenne bourgeoisie d'argent Sur le plan historique et logique, la production précède la commercialisation. Aussi la reprise du grand commerce méditerranéen, pendant et après les croisades, a été précédée de la seule commercialisation, et localisée, de la grande exploitation minière ou industrielle à grande concentration ouvrière ou à grande concentration d'argent (industrie du Nord, de la laine). La génération «spontanée» de la fortune, par le commerce, est précédée par la continuité dynastique de la fortune par la propriété du moyen de production. Celle-ci est dans son principe un dualisme de complémentarité, entre l'enracinement dans le système féodal, la propriété étant dans la plupart des cas celle d'un noble, et la rentabilité dépendant de la commercialisation. (Le cas limite de la «villa» où l'exploitation était à la fois rurale et industrielle va apparaître de plus en plus comme un dualisme de contradiction.) De par la nécessité de la commercialisation, la grande fortune (minière ou industrielle) devra, soit consentir à la seule expansion régionale, conservant les prérogatives nobiliaires, soit profiter de l'expansion qu'autorise la dynamique de la praxis globale. C'est à partir de cette double origine de la fortune : dynastique, possession des moyens de production, et génération «spontanée», opportunisme de commerçant, que l'on peut définir la grande bourgeoisie. Mais pour que cette définition soit complète, sur le plan logique et historique, un troisième moment doit être défini. C'est celui de la seule commercialisation, paradoxe et triomphe du commerce, l'importation sans la production : le grand commerce international, des épices, maritime et au long cours. C'est à travers ces trois moments : commerce régional, interrégional (foires de Champagne, rencontre des produits de la Flandre et de l'Italie), international (épices) que se structure la grande bourgeoisie. La praxis mondiale s'impose progressivement à la délimitation autarcique, cellulaire, féodale. (La France reste à l'écart du grand trafic international maritime, n'en organisant que très peu. Ce n'est qu'avec le déclin de la péninsule Ibérique qu'elle pourra en profiter. Mais il ne s'agit là que d'une particularité locale, la détermination d'un moment, indépendamment de la logique qui détermine la grande bourgeoisie.) La grande bourgeoisie est donc le passage de l'économie locale à l'économie internationale, universelle. On doit la considérer comme lieu de passage, catégorie mi-logique, mi-historique, selon son principe d'homogénéité et sa finalité. Sa culture propre est soumise à cette nécessité ; et ainsi 2. Cf. Le Capital de Marx (sur l'accumulation).
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La structure
féodale
elle se codifie. On peut définir cette grande bourgeoisie selon son rôle dans la cité et le moyen de sa réalisation. C'est la continuité dynastique qui permet à l'argent, en dehors de tout système bancaire, d'effectuer l'adaptation progressive à la praxis mondiale (accumulation). Chacun des trois grands moments suscite de nouvelles fortunes, trois grands strates qui coexistent selon les fluctuations et déterminent trois grands types de dynasties familiales. C'est que, dans la cité, la praxis mondiale suscite l'enrichissement mais aussi une saturation des effets de cette praxis qui limite le nombre des fortunes. Les alliances peuvent apparaître d'abord sur ce plan, dans une perspective concurrentielle, dans le sens d'une réduction du nombre des fortunes acquises, d'une mise en place des moyens pour une concentration qui doit résister aux fluctuations de la praxis mondiale. Cette concentration permet soit une réadaptation à un autre moment de la praxis mondiale, soit de résister, par la monopolisation des fortunes d'un moment de la praxis, à la concurrence des autres moments. Le deuxième type d'alliances est celui des fortunes issues de deux grands moments. Les modalités en sont multiples : au sommet, ce sera l'alliance de la monopolisation des fortunes de chacun des moments, ou bien l'alliance d'une dynastie consacrée avec une nouvelle fortune, ou bien l'alliance de deux dynasties différemment établies. Après la concentration dans le synchronique, cette concentration dans le diachronique permet la concentration financière qui autorisera le pré-capitalisme. Cette dynamique d'intégration de chaque réussite atteint une autonomie qui autorise une action centralisée, de retour, distributive, selon une hiérarchisation des praxis particulière, maintenant consacrée par l'histoire. Et c'est la grande bourgeoisie, qui a atteint cette effectivité, par son action économique, son esprit d'initiative, mais aussi et surtout par sa politique dynastique. C'est donc par une culture de classe, et dans la classe, que des familles, groupes, d'origines disparates, constituent une homogénéité qui devient une autonomie et la nécessité, non plus empirique, partielle, mais systématique, organisée, globale, de la praxis mondiale. Mais parallèlement à cette concentration au sommet, la dynastie familiale maintient, contemporains dans le devenir, les différents moments de la praxis mondiale. Alors apparaît une hiérarchisation, stratification de la grande bourgeoisie, qui correspond à l'importance qu'a pu conserver, dans le devenir, tel moment de la praxis mondiale, et à l'importance conservée, dans ce moment, par telle famille. (Entre ces familles, non intégrées dans la dynamique de la grande bourgeoisie, les différences de fortune peuvent être très grandes.) Le signe de l'adaptation à la praxis mondiale est donc la fortune. Par celle-ci, une action extérieure à la cité est intégrée, devient consentement et participa-
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tion. La politique dynastique assure la continuité de cette captation et transmutation de catégories ; l'irrationalité, les possibles, deviennent la nécessité, et structurante. La praxis mondiale, d'effet, d'accident, dans la cité, devient continuité, finalité. A la limite, ce sera le capital qui sera cause de la praxis mondiale. Cette effectivité est le passage de quelques familles, à un groupe, puis à une strate de classe sociale. Sa concentration est la captation de la dynamique, de la praxis mondiale, par l'addition quantitative de tous ses moments, de tous ses effets : le capital. Celui-ci est, du devenir, la résultante. L'accumulation n'est autre que l'opportunisme selon un moment de la praxis, ratifié, contrôlé par la continuité de la fortune d'une famille. Ce mode d'être de la bourgeoisie connaît un dualisme entre la dynamique d'intégration, et le statique, conservateur, d'une époque. Aussi cette bourgeoisie va s'étendre, dans sa hiérarchie spécifique et en référence à la grande bourgeoisie d'intégration, en une hiérarchie descendante qui va rejoindre la bourgeoisie montante issue du corporatisme, les alliances se faisant dans l'opportunisme qu'est la rencontre de deux moments historiquement hétérogènes. Se constituera alors une moyenne bourgeoisie d'argent, affairiste, qui doit concilier deux irrationalités, celle du biologique, du désir, et celle de la multiplicité des manifestations du monde extérieur à la cité. (Ce nouveau centre de gravité de la cité sera atteint à la Renaissance.) 4. La moyenne bourgeoisie d'argent comme solution diachronique de l'antagonisme synchronique. La grande bourgeoisie est captative de la praxis mondiale La grande bourgeoisie est donc le lieu d'intégration, par sa continuité, par la structure de la cité, de la dynamique qu'est la praxis mondiale : c'est elle qui apprécie toute cause, de la praxis mondiale, dans le champ de réalisation qu'est la catégorie économique. Cette réduction, en un langage égoïste, mais universel, en un système d'échanges impersonnel, permet de ramener le pluralisme des causes de la praxis mondiale en un lieu homogène où celles-ci se confrontent, se renforcent ou se dénoncent. L'invention technique, la découverte géographique, le fait politique, dans leur spécificité peuvent apparaître comme sollicitation, prétexte, origine. Mais aussi forte que soit leur impulsion, aussi déterminante qu'elle soit d'une grande période de l'histoire, ces causes empiriques doivent s'inscrire dans la systématique économique. Leur commun dénominateur est de n'être jamais cause suffisante, dans la série de faits, réalités qui les exprime, et de toujours participer à un système de relations selon le critère économique. La cause n'a pas son effet par elle-
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même, mais dans un système qui lui est préétabli. Et ce relationnel à priori est tel que la cause apparente, dans la spécificité d'une catégorie, n'est pas un commencement, mais déjà la réponse à une autre sollicitation, à une autre catégorie qui n'a pas trouvé sa réponse en elle-même. Les empiries circulent dans la structure. Tout ce différentiel s'objective et s'unifie en tant que reconquête, par une praxis de classe, de la praxis mondiale. Le capitalisme qui va apparaître au niveau de la Renaissance retrouvera la direction de la praxis globale qu'avait, vers le 11' siècle, la féodalité. Mais il doit intégrer un pluralisme de praxis par un élargissement du champ opérationnel du collectif. Les praxis trouvent dans la multiplicité des catégories les expressions du relationnel qui autorisent l'intégration, la systématisation, la concentration. Aussi, la multiplicité causale s'homogénéise par le moyen du champ économique, mais pour une finalité qui déborde la seule catégorie économique, qui déborde déjà le capitalisme naissant, et qui est l'identification de la praxis globale et d'une praxis, soit de classe, soit nationale, intégration du pluralisme en un pouvoir politique qui concentre, rationalise, qui sera cause et contrôle de toutes les manifestations de la praxis. Ainsi deux dynamiques se croisent, dans la cité, de sens contraire, l'une qui est effet, qui est subie, et l'autre qui est cause, qui agit. Ces deux dynamiques sont colinéaires : elles sont dans la même systématique, le même relationnel et la même transmutation des catégories. Mais l'une est l'initiative propre à la grande bourgeoisie, qui contrôle et détermine progressivement la praxis globale, qui est la moins efficiente, vers le 11e siècle, pour atteindre un accomplissement exemplaire à la Renaissance, sous la forme du premier capitalisme, que l'on peut dire dynamique centrifuge, qui part d'une concentration de l'argent, distributive, d'une cause déterminée à des effets déterminés. L'autre dynamique centripète contient la multiplicité des causes qui sollicitent de l'extérieur la grande bourgeoisie, qui apparaissent dans la confusion des manifestations, empiriquement, et qui s'imposent d'elles-mêmes. Ces deux dynamiques se confrontent dans le pathos qu'est la réunification de la praxis globale. Celle-ci doit réunir la multiplicité de ses modes dans la continuité de classe. C'est-à-dire que la multiplicité d'action de l'homme dans le monde doit d'abord trouver un continuum pour que celui-ci détermine à son tour, et non plus empiriquement, mais dans la rationalité, les modes et les catégories de l'action collective. On peut distinguer deux grands moments, dans l'interaction des deux dynamiques, selon leur prépondérance. Le premier sera celui de la plus grande influence centripète, de la plus grande action du monde extérieur. La praxis de la grande bourgeoisie se soumet le plus à la praxis mondiale.
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La cité, par sa structuration, se préserve alors de l'irrationalité. Le corporatisme, c'est-à-dire la structuration par une praxis hétérogène, indifférente, à la praxis de la grande bourgeoisie, n'a pas alors de continuité verticale, sur le plan intérieur de la cité, avec la grande bourgeoisie. Les deux groupes sociaux se superposent, se stratifient sans communiquer. C'est ce vide structural qui garantit la stabilité de la cité. L'événement issu de la praxis globale atteindra certainement toute la cité. Mais alors qu'à l'intérieur de la grande bourgeoisie il suscite les plus grands bouleversements, la ruine ou la fortune, il ne peut réaliser des transformations de structure sur le corporatisme. C'est seulement le pathos de la praxis globale qui ébranlera le collectif autonome qu'est le corporatisme. Mais celui-ci sera davantage le chœur qui commente qu'un corps transformé par l'effet extérieur (et susceptible d'agir, à son tour, sur l'effet). Le corporatisme, alors, assure son autre régulation (non plus à l'égard du monde d'en bas, mais du monde d'ailleurs). Lorsque le capital aura centralisé, hiérarchisé et contrôlé les causes qui agissent sur la praxis mondiale, la dynamique centripète cédera à la force d'une rationalité distributive. Le pathos est soumis à l'Etat centralisé, qui capte, au sommet, l'irrationnel qu'est la praxis mondiale et qui mobilise la totalité de l'appareil d'Etat pour la contrôler. Alors la hiérarchisation sociale est devenue double contrôle de l'irrationnel, par sa stratification hiérarchisée et par la classe moyenne d'argent. La stratification qu'est cette extension de la grande bourgeoisie, contemporanéité des moments de la praxis mondiale, est l'intégration acquise, immédiate, du pluralisme causal, sans plus d'imprévu. L etat coiffe maintenant la grande bourgeoisie et sert de médiation entre εοη capital et la praxis mondiale. De par la stratification sociale, tout effet se distribue selon les paliers de l'intégration. Par la classe moyenne d'argent, rencontre du corporatisme et de la grande bourgeoisie, dans la dynamique ascendante de l'un et dans la dynamique distributive de l'autre, tout effet négateur venu de l'extérieur se neutralise par une richesse indépendante, dans son origine et sa destination, de la praxis mondiale. L'événement venu de l'extérieur, selon les causes traditionnellement irrationnelles, ne suscite plus de transformation structurale majeure à aucun niveau de la cité. Le nouveau pathos sera ordonné par l'Etat et ne fera que consacrer la stratification sociale, dans la complémentarité des fonctions, dont l'Etat doit proposer l'intérêt commun.
CHAPITRE V
De cellules originelles à la nation La structuration comme passage de l'empirique au normatif
I. L A N A T I O N S E C O N S T I T U A N T .
LA FIXATION D E LA
DYNA-
M I Q U E : D I A L E C T I Q U E INSTITUTION-ÉVÉNEMENT. LA RÉDUCTION
DE
L'EMPIRIE
PAR
L'INSTITUTIONNEL
A . LA CONSTITUTION DES INSTANCES SUPERSTRUCTURALES 1. L a Vieille France ; antagonismes et complémentarités. L a délégation de pouvoir c o m m e solution d e la contradiction des cellules d e production : le roi est la médiation Les cellules originelles, d'économie autarcique et d'autonomie
politique
(seigneurie
(domaniale et
et c o m m u n e )
sont
corporative)
des unités
quasi
monadiques. Elles représentent la fixation ontologique du macro-social. (Ainsi elles seront des constantes d u M o y e n A g e à la Révolution française.) Cette plus l o n g u e durée sera désignée par l'expression : Vieille France, pour bien la distinguer de l'Ancien R é g i m e (collusion de termes nouveaux, nouvelle figure, qui jouera sur deux tableaux contradictoires, réalisant la
synthèse
qu'est le libertinage). E n tant q u e structurées et structurantes, ces cellules sont à la fois e f f e t et cause, constituées et constitutives. Elles sont fixation de la dynamique, m a i s aussi origine d'une nouvelle dynamique. C o m m e fixation elles suscitent un négatif, c'est-à-dire u n cheminement m a r g i n a l , d e la dynamique, qui peut s'exprimer
par l'effervescence événementielle,
parce
q u e des corps sociaux actualisent la contradiction structure originelle-dynam i q u e selon des formalisations imprévisibles... Et c'est à partir de ces cellules constituées que le conflictuel s e manifeste, et dans ces cellules constituées. Et ce nouveau conflictuel n'est possible q u e parce que les cellules ont b l o q u é et fixé le panique, la dynamique c o m m e seule négativité,
déstructuration,
naturalisme. A la ville c o m m e à la c a m p a g n e , le corps organique, qui d e l'intérieur, dans la territorialité, pourrait remettre en question les rapports de production, est neutralisé : l a p l è b e est exclue d e toute culture. Aussi ces cellules sont un commencement. L a m é m o i r e publique,
par
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La structure féodale
l'institutionnel, la mémoire privée, par la psyché, commencent par ces structurations qui ont fixé un devenir en des modes de production et d'existence dans le rythme de la vie quotidienne. Et cette tradition est une ontologie (Vieille France), inspiration du poète (racines affectives), et lieu élémentaire de la production, principe régulateur de la relation ville-campagne (manseatelier). Elle est conservatrice, réactionnaire. Elle est le lieu où le panique, le désordre, la terreur sont écartés, et ainsi principe du commencement de la civilité. C'est un moment privilégié de l'histoire : la praxis de classe s'identifie à la praxis globale, la dynamique à la structure. Et cette raison historique justifie le coercitif du politique : il organise les catégories dans un ordre qui est l'être, qui reconstitue, par la hiérarchie des catégories, le corps social, unité de la nature et de la culture. L'ontologique, lorsqu'il est, est historique, c'est-à-dire lieu de fixation de la praxis, comme fin d'une dynamique et commencement d'une autre : c'est alors la structure mais comme structurée, et structurante, lieu nécessaire de l'étalement temporel, longue durée. La Vieille France est ce moment où l'existence (le privé), la relation publique (la classe sociale) et la praxis (le travail) sont immanents. Infrastructure et superstructure se compénètrent. C'est le temps sans l'idéologie, le vécu sans revendication ni justification. C'est l'exacte expression des forces productives par les rapports de production. N i avant, ni après, mais pendant. Mais la double fixation par le domanial et le corporatif est dans la chronologie : la structure féodale, si elle est complémentarité des structurations locales, est aussi une succession de moments. Et le commencement de la ville est la fin du seigneurial. Si la structure recouvre ces antagonismes, et les rend même complémentaires, c'est en replaçant la contradiction à l'intérieur. Le domanial, comme le corporatif, exclut la plèbe, mais l'apparition du corporatif inclut un antagonisme dans la structure féodale. Et l'idéologie dit le décalage de l'être et de l'existence. La Vieille France est, dans le principe, nostalgie, car la double fixation est aussi l'expression de la contradiction moyenâgeuse : les communes sont acquises contre le seigneur, et la ville est la négation du relationnel de personne à personne (suzerain-vassal) car collectif. Et l'idéologie Vieille France pense retrouver l'unité perdue, dépasser l'antagonisme ville-campagne, seigneur-bourgeois, par la médiation du roi. La scission originelle permet l'extension vers la nation ; c'est en dépassant cette scission que les deux termes se compénétreront dans l'Etat féodal. Aussi la féodalité consent à la délégation de pouvoir qu'est le renoncement à la suzeraineté, du vassal, et renoncement à la royauté, du suzerain. A la limite, le roi est la toute-puissance féodale, mais comme principe, raison
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d'Etat, qui consacre le renoncement de la noblesse, de la personne. Celle-ci est alors habilitée dans son pouvoir local par le roi, qui redistribue le pouvoir acquis, lorsque la dynamique ascendante a constitué la somme, le potentiel que le roi redonne, mais indivis, à chaque seigneur. Ainsi le système féodal est justifié au sommet et à la base, comme nécessité politique et comme nécessité économique. Il en sera de même des villes, qui accéderont au statut national de bourgeois. Si les villes ont acquis leur statut politique, de par un conflit avec le seigneur, elles se réconcilient avec celui-ci, mais au niveau de la nation (royaume) en reconnaissant l'autorité du roi, en sollicitant sa protection, en subissant ses impositions, bon gré, mal gré, selon le conflictuel surgi dans la ville entre gens de métier et oligarchie des financiers, grands marchands internationaux. Et la relation avec le roi dépasse la médiatisation locale. A la Commune, originelle, se superpose le régime des bonnes villes franches, dans un cadre juridique et institutionnel garanti par le roi. Les villes, vers le 14e siècle, sont soumises au roi, financièrement et politiquement, mais conservent l'autogestion administrative, juridique, et des privilèges locaux. Tel est le concept «Vieille France» : une restauration de l'ontologie par le superstructural. Le politique doit surmonter la contradiction originelle entre les deux modes de production étymologiques. Telle est la mission du roi, le médiateur entre deux termes hétérogènes, deux moments qui doivent nécessairement s'amalgamer. L'être s'est manifesté, mais dans la dualité. Une médiation permettra de le reconstituer. La dynamique est reconnue mais de par la nostalgie. Celle-ci est constitutive de l'être, dont l'apparition historique est la structuration, et la structure est structurée et structurante, fin et commencement (l'être est dans son principe historique, restauration). Le concept «Vieille France», le patrimoine, est donc la rencontre de l'infrestructurai, et d'une idéologie, qui par une médiation pense dépasser la dualité de l'infrastructural. Aussi, en son principe, le conservatisme doit admettre la dynamique. Et c'est par cette dynamique que la déstructuration se fera. C'est donc parce que la «vieille France» porte une contradiction interne, devenue, dans le synchronique, que la contradiction pourra s'étaler dans le diachronique. Le pouvoir politique est devenu un circuit fermé : la «Vieille France» est, en ce sens, homogénéisée. Comme le seigneur délègue son pouvoir au roi, le villageois délègue son pouvoir au roi (pouvoir préalablement capté au seigneur). Mais le roi redistribue ce pouvoir. Ainsi celui-ci circule, selon le circonstanciel historique, selon l'opportunisme royal, dans la multiplicité événementielle, colmatant la déstructuration qu'apporte la dynamique. Mais trois ordres de contradiction, dans ce circuit, s'homogénéisant, intimes
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à la Vieille France, réintroduisent la dynamique : contradiction politique entre la noblesse et le bourgeois, entre bourgeois, dans la noblesse. La disproportion entre la noblesse et les corps de métiers est la différence d'estats, d'ordres. Alors que la noblesse vit sa nécessité infrastructurale comme un passé, qu'elle n'est que code, idéologie, le corporatisme n'est que force productive, immanence du devoir-être au travail. Cette contradiction, distance de deux systèmes de production, distance de la superstructure à l'infrastructure, définit un espace social infranchissable. Il ne peut y avoir aucune compénétration des deux ordres. Ainsi les deux principes fondamentaux du royaume sont fixés à leur propre destin. Une intégration, par la rencontre au niveau du système de la parenté (dynastie..) qui déboucherait sur un terme synthétique, mais négateur, est à priori impossible. Noblesse et corporatisme sont des institutions intangibles. Leur «mission» dans la Vieille France est de fixer l'ontologie ; l'être ne saurait évoluer. La contradiction garantit l'ordre du royaume et permet la vie, l'existentiel, dans une dualité, qui doit assurer un équilibre. L'incompatibilité (la haine et le mépris) assure la liberté locale, la circulation des antagonismes, dans la problématique des cellules originelles. Et lorsque les deux systèmes s'ignorent, tellement est grand leur antagonisme, c'est que le roi, la médiation, est bien le principe équilibrateur ; alors le régime repose sur deux assises indépendantes et l'autonomie locale garantit la double nécessité et la double indépendance du pouvoir royal. Ainsi la contradiction, dans la vieille France, ne fait que ratifier le pouvoir royal. (Et les illustrations événementielles de la ruse de celui-ci seraient nombreuses.) Et en même temps elle permet la circulation de la dynamique : celle-ci traverse les corps constitués. La crise actualise le problème de la dynamique dans la problématique traditionnelle de ces corps constitués. Ceux-ci ont la force d'absorber et de nier cette dynamique. Ce sont des filtres, le double système régulateur. Ils absorbent, réduisent, refusent. Mais selon leur être, selon la force de l'infrastructural. Quant au négatif, au résidu, ce sera au roi de l'absorber. Lorsque la contradiction semble insurmontable, c'est que la solution dépend du roi. La contradiction entre noblesse et corporatisme ratifie le pouvoir royal et l'équilibre «vieille France» ; la dynamique globale, qui traverse ces deux corps constitués, assure la nécessité de leur fonctionnalité (réduction de l'événement par l'ontologique). Et l'impossible fonctionnalité, l'irréductible de l'événement, replacent encore dans la dépendance du roi : c'est à lui d'assumer le négatif. Il en est de même de la contradiction entre bourgeois. Au niveau de la «révolution démocratique» se manifeste le conflit entre deux bourgeoisies :
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les maîtres de corporation contre la haute bourgeoisie, oligarchie quasi héréditaire des financiers, grands marchands, etc. Le même espace politique qu'entre la ville et la campagne apparaît dans la ville. Entre les métiers traditionnels, qui fixent une praxis, et la grande bourgeoisie qui capte la dynamique, à ses risques et périls, il n'y a pas de compénétration. Structure et dynamique sont dans la même ville, mais coupées l'une de l'autre. Et cette dualité ne peut résoudre le problème commun de la ville. Aussi le roi ne peut être que le médiateur, et c'est par lui que les deux termes cohabitent. La noblesse connaît la même dualité entre le petit hobereau fixé à une rente foncière qui se dévalue de plus en plus et la haute noblesse, d'administration, qui fera des lieutenants généraux de quasi vice-roi. Et l'antagonisme s'élargit jusqu'à juxtaposer des praxis contradictoires, celle de la propriété foncière et celle de service du roi. A la structure qu'est la seigneurie, s'oppose la dynamique qu'est le royaume. A une force centrifuge s'oppose une force centripète. Les trois contradictions internes consacrent donc la structure et permettent aussi de véhiculer la dynamique, dans la structure, sans que celle-ci soit contestée. La culture des cellules de base est une culture d'exclusion, du point de vue de l'organisation politique, de l'organisation privée, et de la conscience. C'est un dualisme, et de radicale contradiction, du politique et de la nature, de la conscience et du subconscient, de la strutture et de la dynamique. Aussi, entre la masse et l'oligarchie dirigeante, il ne saurait y avoir de moyen terme. L'irrationnel a subi une telle action contraignante, que toute conduite régressive ou marginale est interdite et exclue dans le subconscient, dans la plèbe, dans le péché. L'acte du corps, social, et de la personne, est totalement défini par le politique. Ainsi la production et la consommation ont acquis des modes qui garantissent la répétition d'un acquis qui ne saurait se remettre en question. (Et la liberté individuelle n'est d'abord que cet aménagement, par le collectif économico-politique, d'un secteur autonome à la dynamique et à la nature, mais comme résultat de la dynamique et comme nature devenue.) Mais dans la «Vieille France» est donc apparue une autre logique explicative, à priori aux modalités historiques, et qui ne sera plus celle du tiers exclu. Le tiers qui intervient (mais à partir de la constante d'exclusion de la plèbe) doit assurer la circulation du pouvoir, une constante, la totalité «Vieille France» constituée par l'équilibre des contradictions internes. Et ce pouvoir commun aux trois termes constitutifs : roi, ville, seigneurie, n'est plus la seule expression d'une force productive. C'est un mixte (un lieu commun) qui tend à se superposer aux cellules originales.
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2. La nation : l'appareil organique de la médiation. La structuration comme passage de l'empirique au normatif : des services à la classe sociale, de la volonté du roi au normatif de l'entendement — La première dimension de l'événement local et privé : le drame du passage des estats à la bourgeoisie de robe La première appréciation matérielle de cette extension du terme médiateur peut d'abord être proposée sur le plan de l'extension territoriale. Des cellules originelles, par le tiers maintenant inclus, la Vieille France élargit son patrimoine dans la nation. Celle-ci est l'objectivation, la morphologie, l'appareil technique, organique, fonctionnel, du concept de «Vieille France». Tout un appareil constitutionnel se met en place, objective la médiation, comme implantation territoriale. Trois systèmes fondamentaux autoriseront un autre mode du relationnel. Ces trois systèmes sont l'administratif, le juridique, le financier (bancaire et fiscalité). Par opposition au relationnel circulatoire (dans le système des pouvoirs complémentaires et délégués, que nous avons défini) et horizontal fonctionnalité, du national, qui est la nation en acte, superpose un relationnel vertical et homogène pourra se substituer au pluralisme des collectifs. Cette fonctionnalité, du national, qui est la nation en acte superpose un relationnel à un autre, une norme universelle à des coutumes. Cet appareil institutionnel signifie donc l'homogénéisation des termes antagonistes : la dynamique, à travers les trois lieux de son intrusion dans les corps originels, se dira maintenant par un terme commun, médiateur de ces contradictions, et médiateur de la dynamique. Il sera la solution des antagonismes locaux et comme résultat, réalisation pratique. La circulation du pouvoir, dans le circuit que nous avons défini, permet cette institution, œuvre commune. Dans un premier moment, la systématique relationnelle verticale et la systématique relationnelle horizontale sont complémentaires. L'équilibre idéal, de la Vieille France, serait la structure qui permet aux cellules originelles d'intégrer la dynamique comme une structuration au second degré. Les antagonismes, à l'intérieur de la structure féodale, seraient résolus par des médiations qui susciteraient une structuration extensive. C'est la contradiction qui serait structurante : dans la nation, la verticalité reprend le négatif du premier relationnel et en fait la structuration. La dynamique est alors l'extension territoriale du pouvoir des cellules originelles. En un second moment le système vertical tend à se substituer aux cellules originelles de production et à les supplanter.
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Telle est donc l'ambiguïté de l'appareil institutionnel ; il s'implante d'abord comme solution des contradictions à l'intérieur de la Vieille France, puis comme subordination politique de celle-ci. La médiation, de synthétique, se fait primat ordonnateur. L'appareil institutionnel est d'abord constitué, puis il se fait constituant, régulateur. Un corps constitué s'oppose aux cellules de base. Pour celles-ci, l'appareil institutionnel de la nation, services et fonctions, est d'abord un moyen d'unification. Mais cet instrument de travail se révèle un corps constitué, un statut social, une classe sociale, un autre ordre. Alors le droit, la fiscalité, l'administration ne sont plus des moyens, mais des fins. Et cette autonomisation, des services et fonctions, est aussi l'autonomisation politique du corps constitué : juristes, administrateurs, financiers, qui les incarne. Une autre praxis, un autre métier, se sont superposés à la praxis d'origine, et suscités par la dualité de celle-ci. La bourgeoisie de robe va d'abord se constituer, puis constituera l'entendement. On peut proposer un repère empirique qui sera la légalisation, par l'Etat, de cette transformation. L'édit de la Paulette consacre la classe sociale, un système de promotion empirique se fait normatif. On peut donc distinguer deux grandes périodes de l'appareil institutionnel : celui de sa constitution, empirique, implantation dans et contre les cellules de base, puis celui de la classe sociale, norme, comme classe et comme service. L'événement est alors l'expression psycho-sociale de la contradiction. Il est d'abord la constitution, et du service et de la classe (double aspect du corps social, comme métier et comme organisation d'une nouvelle vie publique), l'implantation dans et contre les cellules de base. Il est ensuite, chronologiquement, la dérogation à l'ordre établi, traditionnel, par le nouvel appareil constitutionnel et le code, le nouveau code, qui régit les rapports sociaux. L'événement est d'abord la rencontre du relationnel vertical et du relationnel des cellules, l'implantation de systèmes régulateurs et ordonnateurs, les juristes contre les seigneurs et le droit coutumier, la fiscalité contre le bourgeois, l'administration contre tous. Cet événement s'ordonne selon les stratégies locales mais son processus est une constante : affrontement des deux termes puis subordination des cellules de base. Il faut distinguer circonstanciel et événementiel. Le circonstanciel dit le pathos et les circonvolutions existentielles ; c'est la pâture de l'historicisme, l'expression du singulier. On ne retrouve jamais des circonstances identiques (sur le plan macro-social le circonstanciel est la conjoncture). C'est la particularité de l'événement. Celui-ci, épousseté du circonstanciel, rend compte de la rencontre de la dynamique et de la structure, du changement de la praxis, comme déstructuration et restructuration. Le sérieux, de l'événement, est constitutif. L'opération qu'est l'événement a sa continuité organique,
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dans le corps social. Cet événementiel n'est pas l'écume des jours, le résidu du devenir, l'insignifiance (ou l'absolu) d'un relationnel dont la spécificité serait d'être une marginalité à l'histoire, la rencontre des personnes dans un lieu privilégié. De même que l'appareil institutionnel est la morphologie de la médiation (fonctions et services de la nation) c'est dans les ordres et estats que vont se constituer les corps, groupes, familles qui au niveau de l'édit de la Paulette s'homogénéiseront en une classe sociale selon des fusions, amalgames, intégrations successives. L'événement est donc dans l'éclatement des ordres traditionnels, qui identifiaient les catégories et les fonctions sociales (clergé, noblesse, bourgeoisie, paysan), par l'instauration du relationnel vertical, de par des fonctionnalités qui se regroupent en classe sociale, nouvelle systématique du relationnel, conflictuelle avec la systématique originelle. La nouvelle classe s'organise selon une nouvelle praxis. Et elle n'est que l'émanation des corps traditionnels. C'est dire son ambiguïté. Dans le principe, elle est double appartenance, dualité entre son origine et sa fin. Et cette dualité est aussi entre le sommet et la base, entre le grand administrateur (noble ou financier) et le petit clerc entre l'origine féodale et l'origine bourgeoise. Le nouveau relationnel est d'abord en continuité avec l'ordre traditionnel (c'est à ce moment que la Vieille France est le plus unifiée, que les ordres et le services s'équilibrent). Alors le service n'est que l'émanation de l'estat originel : la charge s'achète, la fonction est un produit de l'argent. L'économie, le bénéfice des commerçants et financiers, se réinvestissent. La charge est un recyclage, un reclassement. Elle est passation du père au fils. Le travail du père est le nouveau métier du fils. De l'argent à la fonction publique (au sens de l'époque), la famille assure les deux moments successifs et complémentaires de la praxis. La dynamique ratifie la structure ; et comme promotion mondaine et politique. Il en est de même de la noblesse, qui va se définir par une double praxis. Elle reste attachée à la rente foncière, mais comme petite noblesse elle se reconvertit dans l'armée du roi, et comme grande noblesse, dans l'administration au sommet. La dualité des praxis brise donc les ordres dans la mesure où elle garantira la continuité de classe. L'événement peut être d'abord représenté par cette figure empirique qu'est la «Réformation des domaines». Le corps médiateur, l'administration du roi, recherche «systématiquement les droits appartenant au roi, les privilèges, les abus». Ces enquêteurs réformateurs agissent «très arbitrairement» et entrent en lutte avec les états provinciaux. «Ces enquêteurs étaient très redoutés des seigneurs et des pouvoirs locaux.» Mais il ne s'agit là que d'une figure historique exemplaire. L'événement est, par extension, institutionnel : c'est l'implantation du système juridique, fiscal, administratif. C'est aussi la rencontre du système relationnel traditionnel et du système
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vertical. Ceci, transposé dans la mutation de l'ordre en classe, au niveau des rapports de personnes, est une crise qui s'actualise lorsque la fonction médiatrice, le nouveau métier rentre en conflit, avec une tradition. (Et c'est dans la famille que cette situation est la plus révélatrice et la plus dramatique.) L'événement a donc une double face : le conflit public et politique, dans le circonstanciel entre l'administration, le juridique, le fisc et la banque, d'une part, et les traditions locales, les autonomies et autarcies, d'autre part. (C'est l'événement de l'historien, comme chronique locale.) L'autre face de l'événement est cette transformation interne de l'ordre en classe, dans le pathos familial, comme distanciation, conflit, réconciliation. C'est tout un drame qui s'objective dans les corps constitués, mais qui reste une affaire de famille. Le modèle privilégié de cet affrontement est le conflit du père et du fils. L'événement se décompose en péripéties. Sous sa forme la plus dramatique, on peut exposer ces péripéties dans cette synopsis : le père achète une charge au fils et celui-ci s'en sert en contestant, dans son fondement, économicopolitique, l'autorité du père. Le macro-social est la raison, et la solution, de la crise, de la contradiction dramatique dans la famille. Au niveau des cellules de production, d'avant l'implantation de l'appareil institutionnel de la nation, la tradition n'autorise aucun compromis. Cette situation sera dépassée lorsque le pluralisme institutionnel aura acquis son propre langage, l'entendement, et lorsque cette catégorie sera organiquement constituée et incarnée, dans la classe sociale que sera la bourgeoisie de robe (édit de la Paulette). Alors le système vertical de relations n'a plus seulement comme références le métier, la nécessité de la praxis, mais tout un code qui homogénéise le pluralisme des apports, et qui tendra à diriger même la praxis. Une classe sociale s'oppose alors paroxistiquement aux ordres traditionnels. La crise tend à se résoudre au profit de cette nouvelle classe sociale parce que la synthèse est accomplie, dans le système de la parenté qu'est la bourgeoisie de robe, entre tous les termes qui ont consenti (et même provoqué) à la fonctionnalité et au service national. Alors tous les modes de conflit, entre les cellules et le code (l'entendement), se font irréductibles. Dans la Vieille France, la dualité d'abord complémentaire, entre les cellules de régularisation, de normalisation, et le service national devient contradiction entre l'entendement et la tradition, entre les ordres réactionnaires (structure Moyen Age) et les métiers de la dynamique. (Nous reviendrons sur le processus de la synthèse comme homogénéisation de la classe sociale : bourgeoisie de robe.) Entre la structuration féodale et l'entendement la distance se fera infranchissable. L'événement est la révélation de cette contradiction ; il est déstructura-
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tion par la dynamique et restructuration, non acquise, tentative de compromis, puis scission. Et cette événementialité n'est autre que l'impossibilité d'organiser la praxis globale dans des séries homogènes et continues selon une finalité commune, sans ambiguïté. La discontinuité est dans les faits car les deux praxis (des cellules et du corps national) sont conflictuelles, oppositionelles, comme les deux systèmes du relationnel, comme les ordres et ce qui devient la bourgeoisie de robe. 3. L'Etat : l'accession au pouvoir d'Etat. Le pouvoir du roi est monopolisation de l'information et de l'interprétation. Sa «grille» est le contrôle du superstructural (église) et de l'infrastructural (économique) — Deuxième dimension de l'événement : sens et forme que l'Etat donne à l'événement La crise, dont nous connaissons maintenant la forme publique, événementielle, renvoie au-delà de l'affrontement immédiat dans le relationnel, à l'affrontement des termes antagonistes de la dynamique, que la nation doit concilier et équilibrer. Ces antagonismes peuvent être présentés par couples : celui de la ville et de la campagne ; du Nord et du Sud ; des cellules de base, de production (manse et corporatisme) et des cellules de production autorisées par l'Etat (manufacture). C'est le cadre national qui est devenu le lieu commun de ces dualités. C'est la même grille qui permet de poser les problèmes et de les résoudre, dans la relation déstructuration-structuration. Aussi ces couples d'origine empirique peuvent être ordonnés non pas selon leur spécificité, mais d'après le processus d'intégration, puis de subordination (car la démarche diachronique sera rapportée et réifiée dans le synchronique) des termes originels dans la nation. Une classification exhaustive des antagonismes ne serait utile que pour montrer comment une dualité est résolue dans la déstructurationstructuration, dans la totalité (par d'autres antagonismes, selon la conjoncture dans le cadre national). C'est selon deux lignes de force que ces antagonismes se reclassent : selon une dynamique descendante qui véhicule la praxis mondiale extérieure à la nation, et selon une dynamique ascendante, qui homogénéise les particularités des praxis locales. Ces dynamiques se rencontrent au niveau du roi, car c'est celui-ci qui les interprète, selon son pouvoir, les capte selon sa politique, leur donne forme et signification. C'est au niveau d'une médiation, d'un filtre, d'une grille, que les deux dynamiques se rencontrent, s'excluent ou s'interpénétrent. C'est le pouvoir royal qui permet la marge, le va-et-vient, la transmutation, l'apport. C'est lui qui peut filtrer, intégrer, ou refuser, nier (la guerre). La nation et le monde étranger (la
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praxis globale, la dynamique non nationale) ne seront en rapports que de par la médiation du pouvoir royal. La praxis mondiale, qui peut avoir une multiplicité de manifestations se heurte au code d'interprétation qu'est le pouvoir royal, une formalisation de l'ontologie, qui est le crible, le régulateur. Et de même la dynamique interne est soumise à la triple formalisation du relationnel vertical (justice, fisc, administration). Le pouvoir royal soumet donc les deux dynamiques à sa formalisation autoritaire. (On pourrait représenter graphiquement le rôle du pouvoir. Un cône, dont la base seraient les cellules de production, la tradition, qui supportent tout le poids de l'édifice, s'évaserait progressivement vers le crible qu'est le pouvoir royal, la relation verticale, de la base au sommet, étant l'appareil fonctionnel de la nation, la sociabilité verticale. Le pouvoir royal peut alors filtrer, selon les besoins créés à l'intérieur, faire la régulation de l'information et des pressions globales venues de l'extérieur. L'événement sera ce que le roi décide d'en faire.) Mais ce n'est pas alors de l'arbitraire, c'est le traitement de l'information au niveau du centre de décision. L'information, captée, est redistribuée, selon le code de la nation (services et fonctions) et selon l'attitude de la nation à l'égard des sollicitations, provocations, de l'extérieur. L'information est traitée, l'opinion conditionnée, la dynamique redistribuée dans les services, fonctions, industries de la nation. La caractéristique fondamentale du royaume est alors ce monopole de l'information et de la formalisation, de la signification (pas de journaux, ni d'informatique). Une multitude de faits et d'incidents venus de l'extérieur peuvent ne pas être relevés, retenus. D'autres sont enregistrés sans être interprétés. Mais les autres faits sont traités, selon le code national, transmis, détournés de leur émetteur, le récepteur pouvant leur attribuer une signification contradictoire. La systématique du traitement des signes émis par le monde extérieur pourrait être entreprise. Son principe fondamental est que la décision décide de la signification ; il n'y a pas les deux moments distincts qui déchirent le pouvoir au 20 e siècle, par exemple, entre l'information, autonomie, qui donne des significations, et la décision, autonome, aussi, qui donne d'autres significations. Il n'y a pas, au niveau du pouvoir royal de la période étudiée, superposition, conflit, entre un service d'information qui produirait la signification et une autre signification conflictuelle et autoritaire. Au contraire, à l'époque moderne, la dictature est l'autorité contre l'information objective. Au Moyen Age, c'est parce qu'il y a un pouvoir que l'information est possible. (Et le pouvoir créera ses organes d'information, systèmes, moyens, qui pourront se retourner, en fait et en droit, contre le pouvoir.) Mais le pouvoir royal ne peut apparaître, ne peut se constituer qu'en réduisant autoritairement, à sa formalisation politique, deux secteurs d'indépendance
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et de contestation de sa grille : le religieux et l'économique. Ces deux termes sont diamétralement opposés : le religieux est le superstructural qui propose un code à priori du nouveau, de l'événement, du non-répétitif. C'est une lecture de l'irrationnel, de par ime signification à priori qui veut imposer son sens à tout effet de l'infra-structural. Au contraire, l'économique, au niveau du grand commerce et de la grande industrie, est expression infrastructurale, comme irréductible au pouvoir politique, comme indépendant de toute superstructure. Il est le fait brut, parce que créé par la praxis globale, marginalement aux cellules de production traditionnelles. Tels sont les deux bouts par lesquels la dynamique, la praxis mondiale, échappent au pouvoir royal : par le fait et par le code, par la fortune du grand commerce international, par les dynasties de l'industrie et par l'Eglise. Le pouvoir royal progresse dans la mesure où il soumet le concurrentiel et du code et de l'empirie. La signification, des choses, ne viendra que de lui, et les choses ne submergeront pas la signification qui leur est dévolue. Une première laïcisation de l'interprétation (de l'information, de l'opinion, de l'événement) rend, dans un sens, la royauté révolutionnaire. Le roi soumet l'Eglise, soumet le christianisme à l'institutionnel et se substitue à sa mission (affaire des Templiers, lutte contre la juridiction ecclésiastique, pragmatique sanction de saint Louis, de Bourges, gallicanisme, etc.). Le roi peut contenir la pression économique, en profiter, dans l'opportunisme et même dans une économie contrôlée selon un dirigisme certain. Le roi dispose de moyens fondamentaux qui contrôlent l'économie et même la constituent. Ainsi la fiscalité et les manipulations monétaires. Le principal effet de la guerre «qui se fait endémique est l'accroissement des charges fiscales. Mais beaucoup de ces impôts sont indirects et perçus sur les denrées. Or, le stock monétaire est très faible : les impôts vont détourner de l'activité économique une partie de ce stock, et ceci ralentit cette activité. Enfin, étant donné justement la rareté du numéraire, une partie des impôts est perçue en nature, raréfiant encore les marchandises, et souvent les autorités agissent selon le droit de prise du roi (achat à prix coûtant) et revendent avec bénéfice» \ Non seulement la fiscalité est un droit acquis, un assujettissement du marchand, mais aussi et surtout elle délimite l'expansion économique, calcule sur la plus-value, et se fait ainsi politique économique. Par ailleurs, les «rois se livrent à des manipulations pour accroître le stock monétaire, et à une véritable guerre monétaire, pour se procurer des métaux précieux. Ils font des ' mutations c'est-à-dire la modification officielle du rapport entre la valeur d'échange exprimée en unités monétaires, et le poids de métal contenu dans 1. J. Ellul,
Histoire
des institutions,
op. cit.,
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une pièce» \ C'est une véritable politique économique de dévaluation (Philippe le Bel, en particulier, répand une monnaie d'argent sans cesse plus faible)... «Les diverses manipulations et mutations de cette période seront catastrophiques pour le commerce... La conséquence de ces manipulations monétaires était une hausse des prix chaotique, à laquelle les contemporains étaient particulièrement sensibles. En outre, les mutations étaient défavorables aux créanciers et à tous ceux qui touchaient des rentes fixes 3 .» Ce pouvoir sur la monnaie est pouvoir sur la marchandise, autant que sur le marchand. La valeur d'échange se fait valeur de la monnaie. La plusvalue ne peut être appréciée dans le seul circuit commercial, elle devient le moyen d'une autre imposition, royale. Le réinvestissement est médiatisé par la trésorerie. Le contrôle de la monnaie est le contrôle des prix. Le grand commerce ne peut disposer de la concentration bancaire qui le rend indépendant. Cependant, dès le premier tiers du 14e siècle «se multiplient les banques de dépôt, se perfectionnent la lettre de change et les mécanismes de spéculation : mais ces techniques conduisent à une grande mobilité des capitaux, à un gonflement fictif des ressources et cela met l'économie à la merci d'une crise de confiance» *... Si le capitalisme est déjà (presque) en place, la politique économique du roi ne permet pas encore son expansion. Ainsi le roi maîtrise le double secteur de l'économie : corporatisme et grand commerce. L'expansion économique sera celle du pouvoir royal, celle d'un équilibre entre les cellules de base de la production et le grand commerce, grande industrie. Ainsi la problématique qu'est le passage des autonomies locales à la nation renvoie au problème de la conciliation, intégration, des couples ville-campagne, nord-sud, production autarcique-grand commerce, etc., qui renvoie à la dynamique globale laquelle est captée, soumise par la formalisation royale. L'événement prend sa signification dans l'Etat, et la crise ne peut être résolue que par la décision politique au niveau de l'Etat. Le pouvoir royal se fait pouvoir d'Etat, comme médiation, dans la nation, et comme médiation entre la nation et la dynamique globale. C'est lorsque le pouvoir royal peut se couper (par la nécessité, la mission historique qu'est l'affrontement de la nation et de la praxis globale) des corps nationaux qui l'ont constitué, qu'il se fait pouvoir d'Etat. Le roi est d'abord le roi féodal, c'est-à-dire le suzerain qui coiffe tout le 2. Ibid. 3. lbU. 4. Ibid.
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système de la parenté qu'est devenue la féodalité. C'est le pouvoir de la couronne, premier pouvoir vers l'Etat. Mais le «qui t'a fait comte, qui t'a fait roi» demeure. L'affrontement avec l'extérieur n'est qu'un prolongement de la querelle dynastique. L'extension territoriale, réalisation de la féodalité, permet à la couronne d'échapper à la détermination étymologique. Le bourgeois est alors un pilier de la nation autant que le noble. Mais ainsi la couronne se fait tributaire et de la noblesse et de la bourgeoisie commerçante et productive. Elle peut d'abord jouer opportunément tantôt l'un, tantôt l'autre. Mais surtout par les services et fonctions de la nation, la couronne peut mettre en tutelle cette double détermination. Par la justice, la fiscalité, l'administration, les cellules de base qui ont justifié le pouvoir sont soumises à la loi commune dans la nation. Alors le roi, tant que la nouvelle praxis dans la nation n'est pas devenue une classe sociale homogène, qui dira, par l'entendement, son opposition à la monarchie absolue, peut, de par la progression historique, se couper des différents moments d'édification et de justification du pouvoir. Par les services et fonctions, il tient en respect les rapports de production de l'étymologie, et inversement. Le dernier moment constitutif du pouvoir de l'Etat est la monopolisation de l'interprétation de la dynamique globale, qui permet de subordonner globalement tous les moments de la nation, et les corps sociaux qui assurent leur continuité. Cette fonctionnalité devant laquelle chacun doit s'incliner, dépasse les antagonistes locaux dans l'intérêt commun. Tous les moments, les corps sociaux, fonctions et métiers de la Vieille France se réconcilient : la nation n'est réelle que par la puissance de l'Etat. C'est ce consentement universel de la nation qui ratifie l'Etat. Une dynamique, qui est aussi une logique, fait progressivement ratifier, par les cellules étymologiques, la Vieille France ; par la Vieille France, la nation, et par la nation, l'Etat. Les antagonistes demeurent, mais la dynamique, à l'intérieur même de la nation, les dépasse. La fonctionnalité qui apparaît, au niveau de l'Etat, est la réduction du multiple en un langage politique, de par la confrontation du multiple interne au multiple externe. Information, signification, pouvoir s'identifient pour donner un langage commun à la pluralité des corps nationaux. La raison, d'Etat, est le commencement de la rationalisation ; elle est homogénéisation, grille d'interprétation et méthode du comportement. Aussi l'événement se fait historique (au sens de cette science humaine qu'est l'histoire). C'est que le langage de l'Etat pose le problème de chacun, que l'action particulière est définie dans le collectif national, et que celui-ci trouve sa solution par l'acte de l'Etat. Tout comportement public est un moment de la dynamique descendante de l'Etat, comme habilitation du com-
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portement, et un moment de la dynamique ascendante, comme avalisation de l'initiative privée. Entre les deux est le comportement traditionaliste, répétitif, qui échappe à la signification politique, de l'Etat, mais qui se réduit de plus en plus à la vie privée, à l'intériorisation. L'événement est le passage de l'affrontement à la concliation, ou de la conciliation à l'affrontement, selon qu'il ratifie, ou pas, le langage de l'Etat. Cette événementialité tend à un paroxisme, à une figure consacrée, qui est la guerre. C'est la solution du problème que pose la relation nationpraxis globale : ce que le pouvoir royal ne peut intégrer, le négatif, se fait contradiction, sans qu'un terme médiateur puisse intervenir. L'autre est rejeté et doit être détruit. La vie publique, nationale, est assumation de cet état de choses. L'événement crucial, la guerre, est préparé dans des conduites de conditionnement progressif. Et l'on revient de guerre selon des conduites progressives, aussi de déconditionnement. L'avant et l'après de la guerre dans la vie civile sont les temporalités de l'attente et du souvenir, l'historicité se faisant vie quotidienne. La guerre est l'événement dans sa forme la plus globale, nationale. Elle signifie le négatif : l'impossibilité de résoudre un problème, qui lorsqu'il sera résolu, rendra la guerre (une forme de guerre) inutile. L'origine de la guerre est dans la problématique dynastique, longtemps insoluble, d'où la crise comme constante, la guerre endémique. Le problème dynastique qui est résolu sur le plan national, par l'autorité du roi, ne l'est pas définitivement. Car la querelle des droits de la couronne (guerre de Cent Ans, guerre avec la Maison de Bourgogne) replace le même problème sur le plan des rapports de nations. Et cette contestation, internationale relance le conflictuel, entre nobles, dans la nation. Ces guerres seront le passage du Moyen Age à l'époque moderne, comme négation de la relation féodale, par l'Etat, par l'autorité royale. A un moment, le roi dénonce le relationnel féodal : il ratifie la nation, en s'appuyant sur sa bourgeoisie et sur son peuple pour gagner la guerre. C'est un terme médiateur, extérieur au système féodal, qui tranche les contradictions du système féodal. Alors l'Etat est la fin du système féodal, rupture du lien ombilical ; le roi est la nation dans la mesure où il dénonce le système féodal, lorsque les prétentions dynastiques ne peuvent être qu'opposition à l'unité nationale. Mais l'ambiguïté demeure longtemps, comme indécision du roi, hésitation à faire intervenir une médiation (la force de la bourgeoisie) dans une affaire de famille, dans un patrimoine, car alors, c'est le fondement étymologique de la féodalité qui est dépassé, ainsi que sa prétention à la toute-puissance politique par l'économie contrôlée, par la totale subordination de la bourgeoisie dans la structuration féodale. 8
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Aussi, l'événement, dont le paroxysme est la guerre, est-il, en son avant et son après, comme préparation et retour de la guerre, conduite conservatrice ou prospectrice. Le fait guerrier a donc une double signification : épreuve de force, entre nations, et solution du conflit interne par une action décidée, élaborée, conduite par le pouvoir royal. Cette événementialité guerrière est d'abord réduction de la floraison, du pluralisme de la praxis mondiale, dans une signification valable pour tous les corps nationaux, acte collectif, de par la force, la continuité, la valeur du pouvoir royal. Elle est ensuite, à l'intérieur de la nation, ramenée au politique parce qu'interprétée selon les corps sociaux, ordres traditionnels et classes sociales en gestation. Ainsi l'événement dans la dynamique descendante redistribue le relationnel, à l'intérieur de la nation, selon la nouvelle ordonnance de la nation dans le concert européen. Cet alignement des ordres traditionnels et des services et fonctions, sur la dynamique globale, selon la codification qu'est le pouvoir royal (et ses victoires et ses défaites), est constitué et médiatisé par l'événementialité. Ainsi nous retrouvons notre point de départ : le lieu où commence la dynamique ascendante, des cellules de base vers l'Etat, dont nous avons défini l'événementialité dans sa double dimension : le conflit entre la tradition et l'appareil national, d'une part, et la transformation de l'ordre en classe, par ailleurs. Une dynamique descendante, qui est la captation de la praxis mondiale par l'Etat, redescend dans la nation et retrouve, à la base, la dynamique ascendante, partie des cellules originelles. L'événement, dans la redistribution descendante qu'autorise la grille qu'est le pouvoir d'Etat, rencontre l'événement qu'est la redistribution de l'autorité locale. La boucle est bouclée. Les deux dynamiques, de la production locale, de la praxis locale, et des productions les plus lointaines, de la praxis mondiale, se rencontrent selon le degré de structuration de la nation, c'est-à-dire selon le degré de déstructuration des cellules de base. Ces deux lignes de force sont fixées selon deux constantes : l'autorité de l'Etat, qui dispose de la grille d'interprétation et la Vieille France, qui dispose de l'ontologie. C'est entre ces deux constantes que les lignes de force disposent la variable (l'événement). La Vieille France a ses assises ontologiques dans la distance, la non-compénétration de ses cellules de production. L'Etat a son autonomie, de par la distance, la non-compénétration, de l'ontologie locale et de la dynamique globale. 4. Le fédéralisme et la troisième dimension de l'événementialité. Les niveaux d'organisation du fédéralisme comme modes d'intégration de la praxis mondiale et de la praxis locale Dans la nation est apparue la mouvance possible : la systématique relationnelle
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autorisée sera le fédéralisme. Celui-ci sera totalité de la variable. D'abord comme passage du relationnel des cellules au relationnel national (de la psyché à l'entendement, de la tradition à la bourgeoisie de robe), par le mode de relationnel qu'autorise le fédéralisme (qui est médiation, lieu de passage, transition). Ensuite comme élaboration par la dynamique, à travers l'événementiel, de l'institutionnel ; la praxis globale étant constituante, de la vie privée, du métier, du collectif. Autrement dit, le moment fédéral est déstructuration, par la praxis globale, et restructuration par la reconversion selon la praxis nationale. Par le fédéralisme, l'événement, qui apporte un autre institutionnel, et la structuration, qui répète la tradition, peuvent concilier l'être et le devenir. Le multiple et l'un s'organisent sur le plan fédéral. L'événementialité, dans sa floraison, s'institutionalise dans le pluralisme des franchises et des coutumes. Les Etats, les Corps, les pays représentent la rencontre de l'autorité royale et de la tradition, du droit et des cellules de base, de la dynamique descendante et de la dynamique montante. Le royaume est une «mosaïque de pays, de villes, de communautés, de seigneuries5», comme résultat d'une interaction et comme continuum de la transformation globale. Les cellules originelles doivent passer de l'autonomie et autarcie à la nation. Le régime des estats est de n'être plus «celui du contrat féodal de fidélité personnelle, et de n'être pas encore celui de l'Etat territorial 6 ». C'est un régime de partage contractuel des prérogations de la souveraineté entre de nombreux titulaires. C'est la période de la «religion de la Charte». Le statut de ce fédéralisme territorial est donc juridique. Tout repose sur un contrat. Le relationnel est devenu juridique, déjà à ce moment. C'est «l'analyse juridique des droits, modification de la structure sociale par le droit, consécration dans une forme juridique des situations acquises7». Mais si le droit est la grille universelle, il y a une diversité infinie des situations politiques et juridiques faites aux différents groupes. Ainsi l'événement est d'abord fixé par l'institutionnel qu'est le statut de la ville, et par cette formalisation politique, celle-ci peut recevoir cet autre événement qu'est la manifestation de la dynamique globale. L'estat est «une condition sociale et politique collective définie par un ensemble de franchises 8 ». Ce ne sont plus les personnes mais les collectifs qui ont contenu et forme politique. «A chaque condition sociale correspond un statut juridique 9.» 5. 6. 1. 3. 9.
J. Ellul, Histoire des institutions, op. cit., t. II, p. 222-224. Ibid. Ibid. Ibid. Ibid.
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L'organisation fédérale croise ses plans d'organisations pour mieux recevoir le pluralisme événementiel. Les estats et les corps (associations de gens de métiers devenues institutionnelles) se découpent selon les pays (anciens fiefs, ressorts de Parlement, gouvernement militaire, unité régionale). Ce qui fait l'unité d'un pays, c'est «qu'il obéit aux mêmes coutumes politiques et privées, et possède les mêmes privilèges 10 ». L'organisation sociale et l'organisation territoriale se croisent ainsi dans une confrontation particulière de l'événementiel et de l'institutionnel. Ainsi, par exemple, un événement survenu dans Testât sera confronté à une institution d'un pays. Le multiple trouve les meilleurs procédés de véhiculation et de confrontation pour son unification à venir. Cette première organisation du fédéralisme permet la première distanciation de l'ontologie et des cellules. La participation, de l'individu, au groupe, au collectif, est médiatisée par le droit. Le statut juridique s'est substitué à la participation immédiate, à cette autonomie de la personne qui était le corollaire de l'autonomie du domanial ou de la commune. Un deuxième degré, dans l'éloignement du relationnel originel, sera e renouveau ou la création de corps apparemment superfétatoires à la vieille France, qui ont exclusivement une valeur représentative, de médiation occasionnelle : les Etats généraux, le Parlement, les Assemblées de notables, états provinciaux. C'est un nouveau système de médiation entre les cellules et le roi, à la fois institution et événement. C'est le moyen d'intégration de l'altérité, une régulation de la crise. L'événement qui n'a pas été intégrant au premier niveau est reposé dans une autre systématique relationnelle et prend ainsi une autre signification. Ces Corps consacrent le passage de l'être à sa représentation, la délégation de pouvoir fait passer leur raison d'être de l'ontologie au politique. Les Corps, estats, pays se dédoublent, consentent à passer de l'être à la représentation. Les cellules originelles, et Corps nouveaux, d'abord médiatisés par le juridique, le sont par leur propre représentation. Et si, de la cellule de production à la représentation, de la praxis au politique, la tradition pense conserver sa pérennité par une attitude désinvolte, ou critique, à l'égard de ses nouveaux Corps représentatifs, ce sera au prix d'un décalage d'avec le réel. La Vieille France se coupant alors de la praxis mondiale, son effectivité ne sera plus que la force politique consacrée par le juridique et l'unionisme. C'est par les Corps représentatifs que la tradition peut recevoir l'événement, et c'est à cause de l'événement qu'ils se sont instaurés. Ces Corps peuvent le recevoir, le traiter, l'absorber, en se modifiant, sans modifier fondamentalement les cellules étymologiques qui peuvent toujours 10. Ibid.
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dénoncer la décision de leur délégation. C'est par des Corps interposés, délégués, représentatifs que l'événement est interprété et négocié selon la délimitation à priori que sont les centres de décision antagonistes, essentiellement : le pouvoir d'Etat et les cellules de production originelles. Et c'est par un dialogue collectif de la totalité de ces Corps qu'apparaît progressivement l'instauration institutionnelle, nationale, unitaire et autoritaire. C'est un véritable code qui s'instaure, du dépouillement de l'événement, de son intégration dans la systématique, systématique que l'événement constitue aussi. Evénement et systématique d'interprétation se constituent l'un par l'autre. Un troisième degré du fédéralisme apparaît au niveau de l'unionisme, regroupement spontané, opportuniste, pour faire face à la crise. Ainsi se créent «des institutions de solidarité entre villes, entre membres de l'estat seigneurial, entre des estats différents "». Cet associationnisme, à la limite, s'identifie presque au relationnel privé ; l'événement collectif est l'opportunisme des relations individuelles. Les ligues, ententes, conjurations, parcellarisation dans le temps et l'espace, permettent même de briser tous les corps antérieurement constitués, pour un relationnel de personnes réunies selon les besoins locaux, opportunistes, de la conjoncture. On voit ainsi des alliances entre villes, corporations, barons, bien sûr, mais aussi entre personnes des divers estats ; prélats et barons, seigneurs et villes, etc. Les trois degrés du fédéralisme sont trois moments du passage de l'ontologie à la nation : le relationnel a quitté la participation, l'immédiateté qu'est la fixation aux cellules originelles. Par le juridique, le relationnel est celui de groupes, et devient relationnel d'individus, comme éloignement à la fois du groupe (de la classe) et de la praxis étymologique. Ces trois degrés du fédéralisme sont aussi trois moments du passage de l'événement à l'institution. Les pays, estats, corps sont le résultat d'un déplacement de la dynamique, qui s'objective dans de nouvelles formes. La dynamique a connu plusieurs élaborations : de la nécessité de la production (domanial, corporatisme) à la nécessité politique qu'est la Vieille France, elle est passée à la nécessité juridique, à la justification des rapports de production de par maintenant une problématique concurrentielle. A ce niveau, la praxis ne se pose qu'en termes de superstructure, de formalisation juridique ; les personnes signifient selon leur groupe, et le groupe ne signifie plus selon sa première nécessité historique : fixer la dynamique, exclure la panique, mais selon le statut politico-juridique acquis à ce moment de la nation. Ces corps représentatifs sont un deuxième moment du passage de levéne-
11.
Ibid.
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La structure féodale
ment à l'institution : c'est le consentement à la représentation, à la délégation de pouvoir, qui de concession au pouvoir royal se fait moyen et action. Enfin, au troisième degré (ligues), c'est un mixte mi-événementiel, miinstitutionnel, qui est le procédé le plus fluide pour intégrer l'altérité dans des formes dérivées de la tradition. Ainsi la dynamique venue des cellules, et la dynamique venue de la praxis mondiale, se rencontrent selon ces trois degrés du fédéralisme : l'événement est progressivement institutionalisé. Ainsi le fédéralisme devrait permettre la progressive intégration de l'altérité par les institutions. Le fédéralisme, comme résultat et comme fonctionnement, doit permettre à la Vieille France de contrôler la praxis mondiale, de se transformer sans se remettre trop en question. B . LA CRISE ÉCONOMIQUE, SIGNE ET CAUSE DE LA MUTATION D'UNE ÉCONOMIE CELLULAIRE A UNE ÉCONOMIE NATIONALE
Ces deux praxis, praxis des cellules et praxis de la nation, délimitent la dynamique, et l'appréciation de leur conflictuel, et de son actualisation par l'événement, est d'ordre superstructural. Mais ce sont les forces productives qui sont la cause des rapports de production, c'est l'économique qui est l'explication de l'origine et de la fin de la dynamique. L'événement, et l'institutionnel, tout ce qui est langage politique ne doivent pas être pris pour la cause ; le déroulement du politique (des instances superstructurales) est autonome, homogène, mais comme conséquence de l'économique. La structuration, la morphologie nationale (services et fonctions), ainsi que les cellules autarciques, ne sont que des résultats. Aussi c'est cette cause, de la dynamique, qu'il faut maintenant étudier. L'économique doit révéler le pourquoi de la crise politique, la raison des mutations superstructurales. Cet économique révèle sa nécessité lorsqu'il apparaît comme tel, dans le paroxisme qu'est la crise, et lorsque cette crise est irrécupérable par les instances superstructurales. C'est la crise économique qui est l'événement, comme impuissance de tout l'institutionnel à la résorber. Alors la cause (l'économique) apparaît comme négativité, et cette crise (cet événement paroxistique) ne peut être intégrée, ni par l'institutionnel, ni par l'opportunisme associationniste. Cette crise économique se révèle comme crise sociale, dans un conflictuel non résorbable : l'insurrection ouvrière, la Jacquerie... C'est la preuve d'un déséquilibre ville-campagne, nord-sud, corporatismegrand commerce. Une contradiction s'est avérée irréductible. C'est que dans la production, un manque, ou un excès, d'un secteur particulier, ne peut plus
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être contrôlé par les instances superstructurales. Alors la famine est la sanction d'une impéritie de cette planification empirique que les instances superstructurales constituent et contrôlent. Et c'est la plèbe qui révèle ce négatif. C'est elle qui doit assumer la crise économique, l'imprévoyance, la faute du superstructural. Ainsi, à l'aliénation qu'est la réduction de la plèbe à un moyen de production, à l'aliénation qu'est la réduction de la plèbe à la «piétaille», instrument de guerre, s'adjoint cette autre aliénation qui consiste à payer les fautes de gestion et les abus de pouvoir des instances superstructurales. La protestation populaire et la menace politique, qu'elle constitue pour le superstructural, ont comme effet de provoquer une révision de l'expansion économique, de révéler le décalage historique d'un secteur de production. Cette crise sociale est l'événementialité apparemment la plus «naturelle». C'est qu'elle témoigne de la rencontre du non-structuré : de la plèbe (corps social non culturel aux besoins élémentaires) et d'un phénomène qui serait imprévisible, car dû à la nature (intempérie, sécheresse, etc.) : la famine. Mais cette événementialité est encore d'ordre politique : c'est le dernier effet de la dynamique descendante, qui vient des instances superstructurales, dans sa rencontre, à la base, avec la force productive. La famine (et la désagrégation organique qu'est la peste noire) provient de la distorsion entre l'économie «nationale» voulue par les instances superstructurales et l'économie autorisée par les autarcies locales. Le minimum vital, des masses, est mis en question par la croissance de l'économie : lorsqu'un secteur, de pointe, de la production industrielle, est trop en avance sur la production agricole, la crise se manifeste par les masses, par le corps social le plus tributaire des fluctuations économiques car il ne dispose d'aucune marge de sécurité. Le problème de la parité des prix industriels et agricoles s'avère insoluble. Si au niveau du fédéralisme, la Vieille France peut s'adapter à la nouvelle praxis, par la fusion, en un corps assez homogène (car profiteur des forces productives) des trois moments de la dynamique : autorités locales originelles, services de la nation, bourgeoisie du négoce, les masses représentent la permanence de l'aliénation. La régulation de la production et de la consommation, sur le plan national, doit être assumée par le peuple de la ville et des campagnes ; l'oppression politique est la terreur de la famine. A ce niveau, le politique est constitutif de la nature, de ce que l'idéologie réactionnaire voudrait faire prendre pour le fait, pour la nature. L'empirie qui surgit dans l'interprétation réactionnaire n'est jamais qu'un effet lointain d'une stratégie des forces réactionnaires, conservatrices, qui identifient leur non-dit stratégique, au négatif qu'est la nature. La famine (et la peste) est le moyen de gouverner, c'est elle qui autorise le transfert du pouvoir sur le peuple, de la cellule à la nation. Elle
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n'est pas due à une intempérie naturelle, mais à une imprévision, calculée du pouvoir. Il n'y a pas de catastrophe naturelle au niveau d'une interprétation par la logique de la production. Ainsi, la raison par laquelle la «nationalisation» de l'économie doit s'étaler sur des siècles, l'explication de la longue durée que sera l'Ancien Régime, le problème politique qui ne sera jamais dit, ni par le Régime, ni par l'opposition bourgeoise, car lieu de la connivence, sont révélés par l'insurrection populaire (Jacquerie, révolte ouvrière). C'est l'expression limite de la crise frumentaire, limite «naturelle» que les masses politisent, retour à l'envoyeur, car la cause est essentiellement la volonté d'oppression des classes dirigeantes. La disparité des prix, c'est-à-dire la progressive sujétion de l'économie rurale par le commerce et la grande industrie, par la spéculation sur le grain, trouve une régulation au niveau des masses : un certain seuil de misère entraîne la révolte, l'insurrection. L'économie retrouve une loi «naturelle». Alors la peste noire frappe riches et pauvres. (Mais même là l'économisme dirigé qu'est la stratégie du pouvoir, par une cruelle ironie se récupère : la peste noire aura comme effet d'élargir le fossé entre riches et pauvres : «Les riches ont accru leur richesse en concentrant les propriétés abandonnées 12 .») Mais si l'économique, par la crise, révèle une événementialité, que les instances superstructurales ne peuvent, ni ne veulent, contrôler, réduire (par l'intégration dans les corps constitués de la nation) l'économique est aussi la cause de toute l'événementialité dont les instances superstructurales sont à la fois le lieu et le résultat. La nouvelle distribution sociale, sous-jacente et concurrentielle à la hiérarchie Vieille France a comme cause la progression de l'économie. Son principe est l'affaiblissement progressif du potentiel économique (crise économique chronique) de la praxis originelle (rurale) et d'une manière plus générale des corps économiques traditionnels. En même temps s'augmente le potentiel économique «national» sans que l'on puisse circonscrire en un seul groupe macro-social déterminé comme la classe sociale, le pluralisme des nouvelles strates sociales qui en profitent. L'implantation de cette nouvelle hiérarchie, par l'économique, a la nécessité de l'implantation nationale ; elle est le résultat de la «conciliation» des couples antagonistes ville-campagne, Nord-Sud, production autarcique-grand commerce. La monnaie est la mesure universelle des échanges commerciaux. C'est par elle que s'apprécie l'évolution économique. Effet, elle se fait cause. Constituée par la dynamique globale, elle constitue à son tour la nouvelle hiérarchie sociale. A la fin du 13e siècle, début du 14e, la stabilité de la monnaie semblait 12. Ibid.
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acquise. Puis, pendant le 14° siècle, on constate «de très rudes variations de prix 13 ». Il faut distinguer «un mouvement de grande amplitude (hausse constante des prix pendant tout le siècle) et des mouvements périodiques14...». L'on peut dire approximativement «que de 1314 à 1320, il y a montée rapide de tous les prix ; à partir de 1320, continuation de la montée des prix industriels, des salaires, du prix de l'or, mais effondrement des prix agricoles. Vers 1345, stabilisation des prix de l'or, mais à un niveau très élevé, alors que les prix agricoles restent très bas. Puis les prix industriels s'effondrent à leur tour... cependant que, inversement les prix agricoles montent... Ils se remettent à baisser à partir de 1370. Tel est le tableau général des crises économiques qui s'entrecroisent au 14e siècle'5...». La raison fondamentale de la crise est la «disparité entre les prix agricoles et les prix industriels16». Le passage des cellules de production à la nation, la synthèse des dualités, se ramène à cet antagonisme ville-campagne dans l'affrontement des prix, comme critère du concurrentiel des praxis. Tous les autres antagonismes sont subsumés par cette fixation, dans la catégorie économique, des forces productives constitutives. La contradiction majeure de l'économie nationale éclate dans la crise économique. Et celle-ci est irréductible, car nécessité économique, qui redistribue la hiérarchie sociale (mais seulement à l'intérieur du système fédéral). La nation est constituée par cette situation économique : la juxtaposition de la ville et de la campagne, la permanence de la crise économique. Et ce n'est plus l'antagonisme noble-bourgeois, comme il a pu se manifester au moment de l'implantation des villes (renouveau urbain). C'est l'antagonisme du conservatisme et du progressisme qui redistribue les ordres en classes sociales, par la médiation du fédéralisme. Et cet antagonisme apparaît dans tous les ordres, dans tous les Corps, à tous les niveaux et à tous les moments, comme adaptation au nouveau conditionnement de la praxis (opportunisme), ou bien comme traditionalisme. Ainsi, dans une même praxis de classe se reconstitue une dualité entre force productive et rapports de production, dualité de la rente et du travail, de la revendication par le passé, et de l'arrivisme par l'opportunisme. Cet antagonisme devient celui de la vieille France et d'une nouvelle classe, de parvenus et d'opportunistes, mais issus des corps traditionnels, antagonisme de l'argent et des signes, de la tradition et du nouveau pouvoir, mais le tout dans l'homogénéité du fédéralisme (qui amortit dans le synchronique la 13. 14.
Ibid. Ibid.
16.
Ibid.
15. J. Ellul, Histoire des institutions, op. cit., t. II, p. 195-201.
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contradiction de la dynamique). Le résultat de cette constante crise économique, de ce processus d'homogénéisation de la nation, par la croissance économique est la crise des rentes : dévaluation de l'avoir traditionnel. La tradition perd son ontologie naïve : la rente foncière, et la rente constituée. «A ce moment les rentes baissent de 50 % ".» Au 14 e siècle, «les baux à rente remplacent rapidement les baux à cens complètement dévalués 18». Cette dévaluation de la propriété traditionnelle apparaît au second degré par la rente constituée. La jouissance de la terre n'est plus l'objet principal du contrat. C'est l'immeuble qui supporte l'obligation de payer une rente. Mais «l'obligation est le phénomène principal, et il s'agit d'un contrat de crédit. Cette rente constituée était perpétuelle... le propriétaire d'un immeuble emprunte une somme d'argent et constitue une rente sur son immeuble au profit de son 'créancier'... L'usage de ces deux types de rentes s'était considérablement accru au 14e siècle..., tous les immeubles en sont grevés et parfois il y a plusieurs rentes par immeuble... A la fin du 14 e et dans la première moitié du 15e siècle, se produit une grave crise des rentes19». Celle-ci est le résultat de l'extension territoriale, de l'extension de la monnaie, de la progressive subordination de l'économie domaniale par une économie du commerce, et par conséquent le recul de la Vieille France, le progrès de l'autorité royale, et de la société qui capte la nouvelle praxis. Non seulement une nouvelle source de richesse s'implante, mais les biens traditionnels sont redistribués selon le rajustement économique : «On autorisera le débiteur à racheter la rente... En cas d'abandon de terre ou de maison, le propriétaire censier ou même un tiers pourra faire vendre l'immeuble aux enchères20.» L'avoir traditionnel perd de sa valeur et change de mains ; c'est tout un brassage, une redistribution. A la société traditionnelle dont l'effectivité est politique, qui dispose de signes, est sous-jacente une société dont l'effectivité est économique, et qui dispose de l'argent. Mais essentiellement, ce rajustement de l'économie cellulaire dans une économie nationale prépare, et la centralisation du pouvoir d'Etat, par la subordination politique de la Vieille France, et l'expansion du pré-capitalisme du 16e, par l'appauvrissement, la dévaluation du domanial par le concurrentiel du commerce.
17. 18. 19. 20.
Ibid. Ibid., p. 201. Ibid. Ibid.
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II. LA NATION CONSTITUÉE ET LA PRAXIS MONDIALE. VERS L'IRRÉSISTIBLE ANTAGONISME DES SOURCES PRODUCTIVES ET DU SYSTÈME DES ÉCHANGES INSTAURÉS PAR LA NATION (ROI ET G R A N D COMMERCE) A . LA CONSTITUTION
DE «L'ÉCONOMIE
POLITIQUE»
PRÉ-CAPITALISTE.
LA
NOUVELLE CAUSALITÉ ÉCONOMIQUE
1. La valeur d'échange contre la valeur d'usage. L'économie nationale contre l'économie naïve des cellules élémentaires. Mais cette dualité permet l'intégration de la praxis globale Du Moyen Age aux Temps Modernes, des cellules de production à la nation, nous venons de distinguer une première période, qui est la mise en place de la morphologie, de l'infrastructure de la nation. Des fonctions et des services, à la fois concurrentiels et complémentaires, à ceux de la pratique habituelle, se sont implantés et permettent de véhiculer le code global de l'interprétation qu'est le pouvoir royal. La caractéristique de cette période est que la praxis régionale devient la praxis globale : c'est la continuité dynastique qui est le principe (et la fin) de la dynamique. L'évolution interne, de la Vieille France ou fédéralisme, n'est que la lente mutation de la féodalité, la praxis régionale étant longtemps constitutive de la dynastie globale. La territorialité est le problème, problème de son extension, d'une progression quantitative qui se mue qualitativement en pouvoir d'Etat. Ainsi, ce sont les rapports de production, c'est le politique, c'est le commun dénominateur qu'est la nation, aux dualités nord-sud, ville-campagne, seigneur-bourgeois, qui doivent être privilégiés, et qui sont constitutifs, explicatifs du passage des cellules de production à la nation. Les forces productives sont le moyen de cette homogénéisation ; nous avons vu qu'elles s'ordonnaient, dans l'économique, selon la ratification ou l'éloignement, de la politique économique de l'Etat. Mais ces forces productives, si elles sont structurées, dans la nation, ont été structurantes de la nation : c'est le domanial et le corporatisme qui sont les fondements de cette nation. C'est la praxis élémentaire (de la production rurale et de la production urbaine) qui constitue les rapports de production. Et si ceux-ci, à leur tour, agissent sur les forces productives, c'est comme régulateurs, ordonnateurs, selon des remises en place, des déplacements de hiérarchie, qui ne sauraient dépasser une marge d'interprétation. C'est donc dans une
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La structure
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structure à priori, un système de production soumis aux constantes que sont les moyens de production, que s'accomplit la structuration de la nation. Entre les cellules de production originelles et la nation du 14e siècle (notre première période), les forces productives ne changent pas. N e change que la signification économique, dans le système des échanges, de ces forces productives, non pas d'après ces forces productives mais d'après la transformation spécifique des rapports de production. C'est la distance, politique, des cellules de production à la nation, qui explique la transformation, mais idéologique, mais volontariste, du système des valeurs économiques. Et comme cette distance politique n'est qu'une variable dans, et dans ce qui est constitué par les forces productives, celles-ci même bouleversées dans leur hiérarchie, restent permanentes et nécessaires à la signification qui leur est surajoutée. L'économie nationale ne crée pas de forces productives (pas encore), mais d'après la nouvelle signification des rapports de production, transforme la signification de la production, la hiérarchie et la valeur de la marchandise. La valeur d'usage qu'est la naïve consommation du produit, soit en autarcie domaniale, soit dans un système commercial très peu élaboré (troc, idéal corporatif, échange élémentaire) est devenue valeur d'échange, c'est-à-dire que le produit n'est plus signifiant selon la consommation immédiate, mais au contraire selon sa conservation et son insertion dans un système global de valeurs. De l'ontologie au système relationnel qu'est la nation, l'objet produit prend la valeur que lui prête un système de relations, qui n'est pas dans la production, mais dans la commercialisation sur le plan national. Aussi se juxtaposent, à la fin de cette première période, les forces productives, justificatives de l'ordre et le système d'échanges, la valeur d'échange, que l'ordre impose aux forces productives. Le système d'échange sur le plan national prime déjà ses propres forces productives. L'être, qu'est l'usage, la valeur d'usage, est débordé par la valeur d'échange, la commercialisation, la systématique du relationnel. Mais cela, dans une structure donnée, comme plus grande contradiction possible entre les forces productives et les rapports de production, entre valeur d'usage et valeur d'échange. C'est le jeu de la structure, la plus grande liberté possible ; dans cette structure, c'est la pluralité possible du même. Aussi la nation, par cette élaboration, par cette double opération, sur elle-même, dispose d'une complémentarité de praxis qui garantit et son être et son dévenir. (Son être, par les cellules de production, son devenir par le système relationnel, le circuit économique qui se réifie en valeur d'échange.) Cette dualité de complémentarité est l'aboutissement de l'extension territoriale, comme constante intégration, mais préservation des moments de la praxis. La ville, par la distance corporatisme et grand commerce, la Vieille
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France, par la distance domanial et corporatisme, le fédéralisme, par la distance services nationaux et cellules productives, sont les moments de la progression vers la structuration, dans la nation, d'une dualité qui intègre letre au devenir, l'économie traditionnelle dans l'extension territoriale, tout en préservant l'autonomie partielle des deux termes. Aussi, au-delà de la relation forces productives-rapports de production, c'est cette dualité qu'est la nation qui permet de recevoir et d'intégrer, dans la deuxième période que nous allons étudier, la praxis mondiale. Il aura fallu cette longue période pour mettre en place cet opérationnel. Par l'intégration, acquise ou en voie d'acquisition, dans la nation, des couples nord-sud, noblesse-bourgeoisie, corporatisme-grande bourgeoisie, etc., cette nation ne fera que persévérer dans sa structuration lorsqu'elle intégrera la praxis mondiale. C'est par l'intégration acquise que va se faire la nouvelle intégration. A l'extension territoriale succède la période d'extension de l'économie maintenant autorisée dans le nouveau territoire. Une continuité que le pouvoir royal assure et dont il profite, de la dynamique dynastique et de la dynamique globale, (de la guerre de Cent Ans aux Grandes Découvertes), permet à la nation de passer des cellules de production à l'extension territoriale, puis de dominer la praxis mondiale. C'est parce que la nation a ses forces productives garanties qu'elle peut implanter une industrialisation et une commercialisation dans le système protectionniste qu'autorise la nation. Un réseau parallèle, prospectif et aléatoire, n'est possible que par le réseau de base, ontologique et inaliénable. Il y a continuité, entre l'acquisition, la mise en place d'une dualité opérationnelle, d'une production devenue inaliénable et d'une économie prospective, d'une part, et par ailleurs l'ouverture sur la praxis mondiale de cette économie, dans la pérennité de la production de base. L'opération qui s'est faite à travers la nation se poursuit dans le monde ; la dynamique sera intégrée par la structuration acquise.
2. L'empirie économique et sa réduction par la structure nationale. La contradiction de la conjoncture internationale et la continuité de l'économie française. Notre problème, épistémologique, est celui de l'intégration, absorption, réduction de cette dynamique par la structuration acquise. La structuration est norme et institution. Au contraire, la dynamique est surgissement de nouvelles réalités, qui, confrontées aux structures, se définissent comme une empirie, moindre élaboration structurale. Notre problème n'est pas d'établir la totalité de l'empirie et de chercher ses causes, mais seulement de définir les mani-
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festations de son intrusion dans le structural. L'empirie est donc prise comme telle, nous n'avons à chercher ni sa génétique, ni son origine. Le parcours de la dynamique est ainsi délimité : d'un surgissement empirique à la rencontre de la structure nationale. Ce parcours n'est plus empirique, mais il ne relève pas encore du normatif. Dans l'empirie, on ne peut démêler l'ordre constitutif du réseau des catégories, de l'interpénétration des secteurs, du pluralisme des origines. Mais d'après une grille à priori, on peut systématiser ce relationnel dans un ensemble autonome, un circuit fermé. Une entité économico-politique se définira, d'après un référentiel, et homogénéisera les matériaux de l'empirie. Ainsi nous rendrons compte de la conjoncture, c'est-à-dire de la spécificité économico-politique d'une période, mais d'après des constantes comme les couples forces productives-rapports de production, infrastructure-superstructure. Ces couples exhaustifs sont des formes à priori qui donnent sens, et même contenu, à l'empirie. Une grille de lecture, parce que valable à priori, pourra donner la spécificité d'une époque. Cette réduction, interprétation de l'empirie par le structuré, est le principe qui préside à la définition de la conjoncture. Celle-ci est donc un mixte : d'empirie et de structuré, d'altérite et de tradition. De même que la dialectique institution-événement a été le principe de la structuration nationale, celle-ci maintenant doit s'affronter à la conjoncture internationale (somme des empiries). Celle-ci peut donc être délimitée historiquement par la rencontre structure-dynamique, comme commencement et fin de la conjoncture. L'apogée et le déclin d'une ville, pays, Etat, seront les appréciations économico-politiques de la rencontre structure-dynamique. L'apogée des villes italiennes, puis celle du Portugal-Espagne, marque l'apport maximal de l'empirie, la plus grande intégration de celle-ci. Mais cette empirie déborde la structure d'accueil et soumet l'institutionnel. Aussi, lorsque l'apport empirique déborde la structuration et l'institutionnel, ceux-ci se font caducs, et la décadence de l'Etat est la supplantation par une empirie de la structure d'accueil, préservatrice, equilibratrice. La conjoncture internationale est délimitée par la translation de la dynamique : la praxis mondiale, celle qui fait et défait le grand commerce, passe du Bassin méditerranéen à l'Atlantique. Il s'agit de la translation du système des échanges, d'une mutation de l'économie. Alors que l'économie traditionnelle (et du Moyen Age et de l'Antiquité) avait son centre de gravité dans le Bassin méditerranéen, la nouvelle économie renouvelle l'extension vers l'Ouest. La dynamique porte donc une contradiction interne et la totalité de la conjoncture est l'exposition de cette contradiction. La dynamique qui expose la totalité de l'empirique est elle aussi exhaustive. La variable
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qu'est l'économique se manifeste dans une totalité ; le déclin du commerce méditerranéen a sa cause dans l'apogée des échanges avec le Nouveau Monde. Les deux grands systèmes, les deux grands réseaux d'échanges qui sont au début et à la fin de la conjoncture, ne sont que des moments. La fortune de ces Etats n'est que l'exploitation opportuniste. Alors que la pacification de la Méditerranée, ainsi que les grandes découvertes, autorisent un développement du progrès dans tous les secteurs, les deux grands systèmes s'efforcent de fixer ces moments à l'exploitation commerciale. Ces monopoles commerciaux entraînent certainement un grand enrichissement, mais celui-ci n'entraîne aucune structuration, aucune élaboration, ni des forces productives, ni de l'infrastructure de ces Etats. Aussi, ni les rapports de production, ni les infrastructures ne pourront contrôler les variables de l'empirie. En Italie, le système d'exploitation des épices suscite directement ses organes politiques. Ceux-ci sont purement fonctionnels : c'est l'organisation commerciale sur le plan de la cité. Aussi, tant que le réseau commercial prospère, les moyens politiques sont tout-puissants ; mais la décadence économique est leur décadence. Pour l'Espagne, l'exploitation des métaux précieux se juxtapose au monde des hidalgos. La superstructure en place ne peut intégrer un enrichissement venu de l'extérieur. Aussi, aucune implantation industrielle ne suit la relance économique qu'est le quasi-monopole de l'or. Au contraire, l'Espagne ne peut même pas créer son système d'exploitation commerciale en Europe (ce sont des marchands français qui viendront commercialiser leur produit). Ces deux systèmes se révèlent comme n'étant que des systèmes relationnels primaires, de par la réduction du relationnel au seul économique, et de par la réduction des rapports de production et de la superstructure à une seule péripétie de l'économie. Ces circuits d'échanges sont des empiries, non intégrées dans la tradition (Espagne) ou incapables de susciter des novations infrastructurales (Italie). Si leurs apports sont en Europe, un moment, constitutifs, s'ils autorisent une hégémonie, momentanée, ils se tournent contre l'Etat, qui a identifié son destin à celui de la commercialisation ou à celui de l'or. La France est structurée de telle manière que la nation a créé ses forces productives, qu'elle les contient, que son réseau commercial doit être une systématique d'équilibration de l'agriculture et de l'industrie, que les forces productives et le commerce peuvent créer deux systèmes d'échanges, l'un autarcique et local, et l'autre national et libre-échangiste, quasi autonomes, qui n'interfèrent pas à tout moment. Au contraire, les empiries politisées, ont un réseau très complexe, très élaboré, d'avant-garde (pré-capitaliste en Italie), mais qui n'est qu'une médiation qui ne repose sur rien, ni sur des forces productives, ni sur des superstructures. Aussi, alors qu'en France la crise
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est adaptation, progressive intégration et subordination de termes à l'origine hétérogènes, pour ces pays, la crise est macro-sociale, ruine, et économique, et de l'Etat. Ces systèmes se révèlent comme des éléments, isolés, de ce qui deviendra le système pré-capitaliste. Cette économie pré-capitaliste en France sera la solution des crises apparues dans les empiries. Les éléments disparates seront repris, dans la totalité, d'après l'enseignement du passé. L'économie comme impérialisme de la catégorie, dans la catégorie comme exclusivité du commerce, dans le commerce comme exploitation de la même source productive, entraîne un Etat à la ruine. De même la thésaurisation, l'afflux des métaux précieux n'est pas la richesse et, paradoxalement, entraîne un Etat à la ruine. Une «économie politique» combien empirique, expérimentale, va présider à l'implantation pré-capitaliste, plus exactement, l'implantation pré-capitaliste sera l'économie politique constituée dans des fondements et principes, non comme savoir théorique, ni même comme savoir politique, mais comme fait accompli, résultat expérimental, élimination par le concurrentiel des termes non intégrables dans l'unification de la praxis globale par une nation. C'est un pragmatisme qui va réunir, dans le pré-capitalisme : les forces productives (industrialisation), le capital (apport des métaux précieux), et la commercialisation (voies de communication). Mais cela n'est possible que dans une tradition, de par la structuration acquise. Lorsque le pré-capitalisme se manifeste, en termes de pure exploitation, sans les rapports de production adéquats, il livre l'Etat à l'empirique, à l'accident, et parce qu'il n'a pu s'organiser dans la totalité de ses termes. Cette organisation est seulement possible dans une structuration, une tradition, une nation. Alors le pré-capitalisme peut organiser ses termes constitutifs. Alors il n'est plus moment, mais institution. (Et ce qui est valable dans notre perspective, structuration de la nation, l'est aussi en Occident, comme loi générale de croissance du capitalisme, mais selon les particularités locales.) Le pré-capitalisme (comme structure et non comme empirie) sera un fait de tradition : de même que la nation a intégré les termes hétérogènes de ce qui est devenu l'économie nationale, cette économie nationale va intégrer les termes disparates, les données empiriques de la praxis mondiale, d'après les corps constitués, d'après les transmutations de ces corps constitués. 3. La stratégie du roi et la doctrine économique de l'Etat Mais cette intégration, par la tradition, d'un renouveau économique, cette compénétration, au niveau des corps sociaux, ne sont possibles que par le pouvoir de l'Etat, acquis par le roi, dans la période antérieure. C'est lui, et
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tout l'appareil d'Etat mis en place, qui déconnecte la praxis mondiale, et qui la reconvertit, en langage politique, dans la praxis nationale. C'est par son code et sa loi que la reconversion, et dans les forces productives, et dans les rapports de production, est possible. (Empiriquement, le pouvoir et l'économique se compénètrent au sommet ; ce sont les financiers, que sont les grands commis, qui prêtent de l'argent au roi, etc.) La stratégie du roi, du pouvoir d'Etat, assure la continuité des deux périodes : c'est la captation de la dynamique globale qui établit son autorité d'Etat, qui lui permet de dominer ses vassaux, et par les forces productives nouvelles, de subordonner les forces productives traditionnelles. La chance du roi (combien voulue) est d'être le médiateur ; le fondement de son autorité est de déconnecter la praxis mondiale. La structuration acquise permet d'intégrer cette praxis, mais parce que la structuration acquise n'est déjà que l'intégration d'antagonismes. Et ces antagonismes, locaux, internes, sont constitutifs du pouvoir d'Etat. C'est la nécessité de la médiation. Et c'est par l'antagonisme interne, de la nation, que sera intégré l'antagonisme de la praxis mondiale (esthétique de la Renaissance et métaux précieux d'Espagne). Et la formation de la nation est l'intégration de la dynamique globale d'après la contradiction traditionnelle de la nation. De même que le roi fonde son pouvoir par une habileté qui dépasse l'opportunisme pour devenir système de gouvernement (se servir tantôt du noble, tantôt du bourgeois, les neutraliser réciproquement par l'institutionnalisation qu'est le fédéralisme centralisé) c'est par cette dualité que la praxis globale sera intégrée. Ainsi le roi (pouvoir d'Etat) intègre le pluralisme de la dynamique mondiale par l'unification nationale au moyen de la crise. Le problème, sa solution, le moyen, dépendent du roi. Et le tumulte des faits, la péripétie et l'événement, doivent être interprétés selon sa stratégie (celle-ci restant un pragmatisme, un empirisme, qui déjà, au niveau des légistes, accède à la théorie, mais formelle. L'autoritarisme se fait juridique). Le schéma de cette stratégie, qui répète celle de la première période par lequel le pouvoir royal a résolu l'équation qui lui est posée, connaît deux moments : le premier est la dégradation générale du foncier, du système des rentes, de la praxis traditionnelle. C'est ce que permet l'afflux des métaux précieux. Alors la force productive dévalorisée, son rapport de production se dégrade et ne tient plus son pouvoir que de la centralisation, de l'Etat qui se souvient d'avoir été le suzerain. Alors est possible une implantation économique, industrielle, qui permet de supplanter encore, au second degré, l'économie rurale. Mais cette expansion qui brise un fondement de l'autorité, qui est autorisée à la libre entreprise, se développe contre l'autorité ou sans elle, ou indifférente à cette autorité. Et longtemps le roi doit consentir à une
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sorte d'Etat dans l'Etat, de dynamique autonome dans l'Etat. Mais sa toutepuissance acquise sur les vassaux, la querelle dynastique résolue à son profit (et à l'intérieur et à l'extérieur), son industrialisation, sa monopolisation, propres (manufactures, grandes compagnies, etc.) lui permettront de soumettre toute l'économie autonome, de réduire toute une nouvelle bourgeoisie qui a profité de la dynamique globale (révocation de ledit de Nantes). L'antagonisme noblesse-bourgeoisie est bien constitutif du pouvoir d'Etat. Le roi a besoin des deux termes. Et il ne peut démanteler l'un de ces termes, car ce serait se soumettre à la faction adverse. De là l'historicité, le piétinement de la péripétie, l'attentisme du roi, le renversement des alliances, la constante relance de l'événement. La dynamique s'intègre dans et par la crise de la structure. La stratégie du roi, c'est-à-dire la raison d'Etat, la planification, pragmatique, empirique, encore, mais au niveau de la plus grande centralisation possible, comme code et comme volonté, comme être et devoir-être, comme nonséparation, dans l'opération du dire et du faire, accède à une théorisation, à une idéologie, à une formalisation, au niveau des juristes (Rodon) et d'une première économie politique : le mercantilisme. (La part machiavélique du pouvoir royal peut être alors un non-dit et un non-su.) Par la monarchie absolue, l'autorité va accéder, par toute une genèse, à l'innocence, à la naïveté ontologique qu'est la monarchie de droit divin. Mais cette idéologie qui est la justification et le fonctionnement de l'Etat, ne fait que rendre compte de la structuration pré-capitaliste, de son édification. La stratégie du roi, l'idéologie de l'Etat, la structuration économicopolitique sont en connexion. (On ne saurait les distinguer qu'en privilégiant arbitrairement une péripétie, en la faisant exemplaire et explicative : historicisme de l'histoire événementielle.) Aussi peut-on proposer les axiomes, généralités de base, à ces trois manifestations de la même structuration, à ces trois relais de la même opération, au niveau de l'exécutif, de la théorie, de la pratique, qui couvrent tous les secteurs et toutes les catégories. Et ces axiomes constituent une systématique, car constitués dans une structuration. (Et si cette systématique n'est pas dite, c'est qu'elle se constitue, qu'elle est en acte, non accomplie.) Elle se distribue dans une dualité, une contradiction, qui empêche de comprendre, de savoir, la totalité. Ce n'est qu'au résultat que la dualité apparaît de complémentarité, qu'elle est, comme institution, la synthèse. Dans l'immédiat, l'événement cache la signification ; le particulier le systématique ; le moyen, la fin. Empiriquement, donc, l'empirie est critiquée par une systématique, qui institutionnalise ses conclusions. Une prévision (même un objectif) est habilitée par le constat critique, lequel n'a pas à se dire, mais à susciter le correctif (et ses moyens).
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Il faut : et une infrastructure, une production industrielle et agricole, et une superstructure, une institutionnalisation de la consommation. Le commerce seul ne peut fonder l'économie nationale. Il ne peut en être qu'un attribut et au même titre que l'industrie et l'agriculture. Les forces productives doivent se concentrer dans la nation (l'Empire colonial les rend trop excentriques). La nation doit susciter sa propre production : cette industrialisation aura sa propre commercialisation. Et la consommation sera formalisée d'après la tradition, selon ses critères politiques, éthiques, religieux. Ce projet n'est que le résultat de la double critique des empiries locales : critique de la superstructure qui ne contrôle plus la consommation (esthétisme de l'humanisme italien), critique de l'infrastructure qui ne contrôle plus la production (commercialisation, inflation monétaire). Et c'est dans le langage de l'époque, langage religieux, que ces problèmes sont posés, à l'envers, au niveau idéologique, superstructural. (C'est la problématique humaniste, ses œuvres et ses hommes, le parcours jalonné par la Réforme, puis la Contre-Réforme.) Le critère empirique de la réalisation du projet national sera l'hégémonie de la France au 17e siècle. Constituée au niveau de la deuxième période, par la praxis mondiale, la nation se fait constitutive de cette praxis. Les empiries locales et partielles, intégrées dans une structure, la novation soumise à la tradition, la nation qui a su profiter de la praxis globale, l'intégrer, car déjà constituée en institutions fonctionnelles, opérationnelles, mutantes, peut alors rayonner et sur le plan de l'économique, et sur le plan de la représentation (car elle aura alors le savoir de sa praxis) en Occident. La méthode, théorie de la praxis, qui a synthétisé le pluralisme des apports empiriques, la synthèse du politique et du sensible, s'institutionnalisera, et dans un corps social, la bourgeoisie de robe.
B. LA CONTRADICTION DU SÉRIEUX DE LA PRODUCTION ET DE LA FRIVOLITÉ DE LA CONSOMMATION
1. La causalité économique et le discours culturel Comment donc «l'économie politique», la volonté de l'Etat, l'idéologie formalisée (droit) concourent pour réviser la distribution sociale, la Vieille France devenue fédéralisme ? La transformation doit s'apprécier dans ce qui est à la fois institutionnel et organique, dans les estats devenant classes sociales, dans la hiérarchisation sociale. Alors les classes sociales apparaissent comme les résultats de la praxis mondiale. La multiplicité événementielle, la juxtaposition des opérations, trouvent un continuum, une formalisation,
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de par un lieu référentiel constant, à la fois constitutif et constitué. La transformation des classes sociales est le résultat, l'effectivité. Le signifié, que l'événement historique ne fait que cacher, s'objective, s'explicite dans les rapports de classe. Historicité et structuration se révèlent comme identité lorsque la classe sociale (résultat de l'histoire) est aussi constitutive de l'histoire. L'histoire crée la classe sociale, mais à son tour celle-ci crée l'histoire. Et c'est de l'infrastructure à la superstructure, des forces productives aux rapports de production, sens de toute structuration, à priori strutturai de la structuration, que l'ordre d'exposition ne fait que reposer l'ordre de la vie sociale, à la fois quotidienne et collective. «L'économie politique», comme catégorie explicative, présente l'avantage d'être une triple grille : ainsi, la révolution monétaire qu'est l'afflux des métaux précieux en France est un accident historique (événement), mais c'est aussi un seuil de l'évolution économique, et une structure, car ce moyen de l'expansion industrielle est aussi subordination de l'agriculture. Mais si la révolution monétaire peut être la clé de l'explication, c'est, dans l'ordre d'exposition, la structuration acquise que nous avons, déjà, définie. Ainsi, dans un système devenu un à priori, nous aurons une variable déjà structurée elle aussi. Mais si «l'économie politique» est privilégiée, elle ne saurait être le seul terme explicatif. Comme catégorie, elle est constituée, et comme opération dans la praxis, elle est aussi un résultat. Nous nous en servirons donc, comme d'un terme commode, qui condense plusieurs opérations, pour localiser les mutations sociales sur le plan infrastructural, et ainsi, dans une certaine mesure, celles des rapports de production. Mais à ce moment des rapports de production, un opérationnel, certes, suscité par l'évolution infrastructurale, aura son apparente autonomie et sa propre problématique. Autrement dit, la contradiction, d'ordre économique, va se répercuter au niveau superstructural, idéologique, comme problématique au second degré, dans le langage culturel. C'est la solution du problème sur le plan infrastructural qui pose l'énoncé du problème sur le plan idéologique. C'est donc à deux niveaux qu'il faudra définir la mutation sociale. La crise se manifestera donc à deux moments, et chaque fois dans une apparente spécificité, selon un décalage des motivations et d'après une problématique particulière. Mais l'économique est toujours la cause, que ce soit dans son expérimentation immédiate (au niveau du producteur), que ce soit dans le langage culturel, dans l'idéologie (au niveau du consommateur).
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2. La révolution monétaire et le protestantisme. Le sérieux de la praxis : les trois foyers de l'opposition Indiquons sommairement le processus de la révolution monétaire qui bouleverse l'économie. Comment l'afflux d'or en Espagne entraîne en France une telle hausse des prix que le pouvoir d'achat de l'argent diminue approximativement des quatre cinquièmes, entraînant la ruine des rentiers, de la noblesse paysanne ? C'est que l'afflux de l'or en Espagne entraîne une hausse rapide des prix, d'autant plus que la production espagnole est très insuffisante... L'on essaie peu de l'accroître ; cultiver la terre aride, créer des manufactures demandait trop de temps pour répondre à la demande. On préfère s'adresser à l'étranger et importer... De plus, l'Espagne attire des commerçants, des ouvriers étrangers, car elle manque de main-d'œuvre : les salaires sont envoyés en France... D'ailleurs, les Portugais et Espagnols sont incapables de réexporter les produits des Indes : ce sont des marchands français qui viennent chercher les produits d'Asie et d'Amérique en Espagne, et y importer les marchandises françaises. Enfin, l'Espagne, à partir de 1580, va verser de l'argent aux puissances catholiques : «Tout cela fait qu'une grande partie de ces métaux arrive en France, fournisseur de l'Espagne21...» La première mutation du corps social ne sera qu'un prolongement de la lente dégradation de la propriété foncière comme système de la rente. Mais cette dégradation atteint un tel niveau qu'elle se fait saut qualitatif, qui marque le tournant, non seulement de «l'économie politique» mais du système féodal, qui se dégrade totalement. La propriété foncière, comme valeur, est passée de la valeur d'usage, du produit, de la marchandise, à la valeur d'échange. Elle marque le passage d'une économie autarcique, cellulaire, à la justification de la praxis de classe par la praxis globale, à une économie rurale commercialisée, à l'exploitation systématique du producteur : la rente est la plus-value (qui est volée). Ce passage est une première dégradation ontologique de la propriété. D'être, elle se fait économie. Le droit du seigneur se perd dans «l'économie politique». A la relation de personne à personne s'est substituée la relation juridique, à l'honneur s'est substituée la rente. Mais, deuxième avatar de l'être, du domanial, la propriété foncière comme rente, plus-value, ne tient pas devant le concurrentiel qu'est la plus-value de l'immobilier, puis de l'industrialisation, de la marchandise industrielle. La dépossession met maintenant en question la propriété foncière dans son fondement, non plus d'une économie parasitaire, mais de l'être de classe. C'est une désu'bstantialisation qui atteint l'étymologie, et qui entraîne une 21. J. Ellul, Histoire des institutions, op. cit., t. II, p. 267.
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révision déchirante de l'idéologie, dans son fondement : le religieux. Le protestantisme sera, pour la noblesse du Midi (et sa clientèle) essentielles victimes de cette dévaluation de la rente foncière, la conscience de la crise et le moyen d'une restauration qui n'est plus possible. Ce sera la dernière expression du sérieux du premier chef d'entreprise (de la villa), du vassal chef d'entreprise, devenus la petite noblesse fixée à la terre, au genre de vie frugal et rustique, semblable à celui de l'étymologie et de la paysannerie. Car c'est seulement l'exploitation directe (cultivateurs) qui permet à la propriété foncière de persévérer dans sa justification ontologique, et de conserver au produit rural la marge bénéficiaire qui permet de participer avantageusement à l'expansion nationale, dans la subordination de l'économie rurale, certes, mais aussi comme indépendance économique à l'égard du seigneur. Non seulement le paysan, mais le bourgeois supplante le seigneur en son fief : c'est le réinvestissement dans le foncier des bénéfices commerciaux ou industriels qui revalorise la propriété foncière, en renouvelant les procédés d'exploitation. C'est en réinvestissant dans le foncier que le bourgeois maintient le marché du foncier dans une sorte d'équilibre de l'offre et de la demande. Aussi, la crise pour cette noblesse ne sera pas momentanée, mais chronique. Et c'est une crise qui, maximale, est métaphysique, car elle débouche sur une critique des fondements. La révolution monétaire est donc le moyen de la subordination de l'agriculture, mais elle sera aussi le moyen de l'expansion industrielle, et d'une nouvelle dégradation de la condition ouvrière. A la disparité des prix industriels et des prix agricoles, est complémentaire la disparité des prix industriels et des salaires, «l'accroissement du stock de métaux précieux entraîne le développement du capitalisme financier... Les taux moyens de salaires accusent une augmentation de 50 à 80 % alors que les prix ont quadruplé... On admet en général que le salaire réel a baissé des deux tiers. Cela vient en grande partie du fait de l'intervention du pouvoir qui empêche les salaires de monter, par taxation du maximum, et aussi de la poussée démographique : il y a davantage de main-d'œuvre22». L'exploitation ouvrière est le fondement de la plus-value... «ce décalage entre les prix et les salaires a été l'un des faits décisifs de la formation du capitalisme à ce moment». L'ouvrier ne dispose d'aucun statut, «il ne peut ni s'associer, ni faire grève». Il n'a aucun moyen d'organisation, ni de défense «les compagnonnages ouvriers restent des associations secrètes et très fermées : il semble que les ouvriers de manufactures n'y soient pas admis23». 22.
Ibid.
23.
Ibid.
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Aussi les «gens mécaniques», les ouvriers des manufactures, vont adhérer au protestantisme. C'est le deuxième lieu de la mutation sociale, une fixation de la crise, de par une dégradation économique paroxistique. La paupérisation ouvrière a les mêmes raisons que la paupérisation de la noblesse paysanne et aura la même idéologie. Ainsi le protestantisme tient les deux bouts de la praxis nationale. De là sa force d'implantation dans les groupes sociaux et sa force de pénétration idéologique : le protestantisme est le sérieux, le fondement du passé et celui de l'avenir. Il n'y a sans doute pas de commune mesure entre l'opposition de la noblesse, du Midi, et celle des ouvriers des manufactures. Mais le code, du pouvoir, ne peut intégrer ni l'ontologie originelle, ni la force productive de l'avenir. La tradition et la novation sont dans l'opposition ; la Vieille France et la classe ouvrière sont contestatives, pour des motivations opposées, certainement, mais dans le commun langage, le commun sérieux du protestantisme. Et cette idéologie commune réduit le catholicisme à l'idéologie oppressive du pouvoir, fait du catholicisme un opportunisme du christianisme. La «chance» du protestantisme comme idéologie est d'exprimer à la fois le sérieux de la propriété foncière traditionaliste et le sérieux de la classe ouvrière. En France, le succès du protestantisme répond à une double nécessité de la production, et rurale et urbaine, à la double protestation devant l'oppression superstructurale. Mais ces deux modes de production dont l'un a dominé la praxis, et l'autre la dominera, sont à ce moment opprimés par des superstructures (et une idéologie) qui n'ont pas la nécessité de l'universel, qui ne sont qu'un moment de médiation, qui ont une nécessité mais seulement de médiation. La nation (et son idéologie) se révèle superstructure oppressive des sources productives fondamentales. Mais ce double foyer du protestantisme, s'il a l'avantage de donner au protestantisme le sérieux de l'universel, de porter à la fois la nostalgie de l'être et l'espoir en l'avenir, disperse les forces de combat, juxtapose les affrontements, interdit toute stratégie commune, toute action concertée. La crise se révèle en des lieux hétérogènes et ainsi une prise de conscience politique de classe est interdite (et l'associationnisme, esprit de ligue de l'époque, qui, par l'événement, homogénéise grâce au fédéralisme, en faisant éclater les corps traditionnels, ne peut réconcilier le domanial et le prolétariat). La ligue des mécontents qu'est la clientèle protestante recrute encore en un troisième lieu qui va juxtaposer davantage les strates sociaux constitutifs du protestantisme. C'est dans la bourgeoisie d'affaires qu'apparaissent des motivations qui répondent à d'autres particularités de la praxis. Mais, contradictoirement aux deux premiers foyers, c'est comme opportunisme, affairisme. Alors que les deux autres foyers ne sont plus, ou ne sont
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pas encore dans la dynamique, c'est la dynamique elle-même qui s'oppose, soit au corporatisme (opposition au traditionalisme), soit à la grande bourgeoisie industrielle, commerçante, affairiste, déjà en place et dans un sens aussi traditionaliste. Opposition à, ou opposition dans, mais pour les mêmes motivations économiques, selon une homogénéité qui déjà peut s'apprécier selon des critères de classe : thésaurisation, productivité, concurrentiel de la libre entreprise. C'est que tout le grand commerce se reconstitue et même se constitue : nous l'avons dit, ce sont des marchands français, qui vont en Espagne, commercialiser les produits coloniaux. Sur le plan industriel, l'Espagne achète en France des produits fabriqués. Enfin, l'afflux monétaire autorise les réinvestissements et investissements. A partir de ces trois relances, l'économie pré-capitaliste crée son propre corps, sélection des compétences, des moyens, des chances, par une implantation et une gestion qui devront peu à la tradition. Aussi, c'est dans, mais contre la bourgeoisie constituée, contre son idéologie (catholicisme) son régime préférentiel (appui du roi), ses méthodes de production, qu'empiriquement, dans le désordre, selon les occasions, selon les régions, selon les personnes... apparaissent des familles, des communautés protestantes (alliances locales : bourgeois et seigneur). Le sérieux de la libre entreprise se constituant (entreprise familiale de l'implantation, de la création sur le plan de la technologie, de la gestion, de la commercialisation) est une nouvelle praxis qualitativement différente de celle de la tradition économique. L'affaire est créée ou rénovée, mise en place dans l'interférence d'une multiplicité de secteurs. C'est le sérieux de l'étymologie, de la libre entreprise, comparable à celui de l'étymologie du domanial : c'est la création, la remise en question de tout l'acquis. C'est l'œuvre du père, du producteur, qui sacrifie tout à l'entreprise, au concurrentiel, et réinvestit en ne prélevant que l'essentiel pour la consommation familiale. De la vie quotidienne à l'idéologie, de la vie familiale à la vie publique, les traditions sont remises en question. Aussi une situation conflictuelle surgit nécessairement. On peut en distinguer trois localisations, à partir desquelles la crise fait boule de neige et déborde dans les autres secteurs. D'abord au niveau infrastructural, technologique, des moyens de production, de l'outillage. C'est le conflit corporatisme-grande industrie qui est relancé, et de telle manière que le corporatisme va tomber en décadence. Après une première période de créations de métiers, ceux-ci se sont réglementés très rigoureusement. Le concurrentiel dans le corporatisme consiste d'une part à délimiter chaque métier, à empêcher son extension selon une progressive reconversion du métier en un métier voisin qui servirait mieux les nouveaux besoins de la cité, et par ailleurs à empêcher la création de
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nouveaux métiers, qui supplanteraient les métiers traditionnels, de par l'économie des moyens de production, de par le développement des marchés, etc. Ainsi sont fixées les normes de la production et de la consommation. C'est tout le sérieux mesquin, réactionnaire, villageois qu'est l'égalitarisme des besoins élémentaires selon l'égalitarisme des métiers. Et le conflictuel qui surgit, entre les corporations de marchands et de producteurs, entre les métiers de luxe et les métiers des besoins élémentaires, entre les métiers de consommation immédiate et les métiers de longue élaboration, rend compte des fluctuations des modèles de consommation. Grâce au corporatisme la cité garantit le centre de gravité de son éthique, en comprimant le plus possible l'extension des métiers. Mais ainsi tout un potentiel technique est inutilisé, des découvertes, des acquis, restent disponibles, qu'une conjoncture favorable saura utiliser par de plus grands moyens financiers, par une plus grande liberté politique, par la situation globale de la nation. Ainsi la scission entre la production corporative et industrielle est très grave : le système de production technique subit une révolution qui va aussi révolutionner la consommation. Toute une idéologie doit surenchérir sur le sérieux de l'idéologie corporative, et proposer la raison de la nouvelle production et le modèle de la consommation. La deuxième localisation de la crise apparaît, de par le concurrentiel, dans la bourgeoisie commerçante ou industrielle. Deux cas peuvent se présenter : la création d'une affaire qui n'est qu'invention, qui profite de la praxis nouvelle sans référence à une tradition, ou bien la reconversion dans un contexte traditionnel. La libre entreprise s'affronte alors, dans un premier moment, aux personnes, aux autres entreprises, selon le seul langage économique, et dans un second moment au superstructural en place, au formalisme juridique, administratif, protectionniste des économies locales. Aussi ne peut-on dissocier la deuxième localisation de la crise comme affrontement de personnes, d'entreprises, sur le plan local, et sa troisième localisation, plus générale, conflit d'une praxis dont le lieu originel est excentrique à la nation, et d'une superstructure centralisatrice, conservatrice, protectionniste d'une économie non commercialisée, qui ignore les problèmes de débouchés et de consommation. L'affrontement local des personnes tourne vite à l'affrontement politique. Et cette crise est latente car la stratégie du roi, du pouvoir d'Etat, consiste à jouer sur les deux tableaux. Il veut profiter de l'enrichissement, en numéraire, en production de marchandise, dans l'immédiat, mais il veut aussi conserver son pouvoir centralisateur (sa mainmise fiscale, juridique, administrative, sur l'économie nationale). Et selon sa méthode, il ne tranche pas, il laisse faire, la décision politique, volontariste, n'intervenant qu'après la mutation économique (lorsqu'elle est implantée dans la répartition sociale),
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qu'après la distribution des forces nationales dans les corps sociaux. Son projet, qui est d'intégrer et de capter l'économie nouvelle dans le superstructural de la nation, consiste à opposer selon la stratégie traditionnelle, constitutive du pouvoir royal, les forces économiques défendues par les superstructures et les forces économiques issues de la seule dynamique. (C'est par la politique du pouvoir royal que la crise débouchera sur la guerre civile, de par le machiavélisme d'Etat, et c'est par ce machiavélisme, encore, que la réconciliation se fera.) L'économie est un pouvoir, mais le pouvoir a son économie. Et si le roi veut profiter de la dynamique globale, il doit d'abord laisser faire, consentir au spontanéisme de la libre entreprise et ainsi permettre la critique de l'institutionnel traditionnel, jusque dans ses fondements. Ainsi, occasionnellement, la contradiction apparaît dans le protestantisme, lui enlevant toute cohésion vraiment dangereuse, contradiction entre la noblesse ruinée et la bourgeoisie enrichie, les deux termes étant également opposés au roi, mais pour des raisons contradictoires. Plus tard, au niveau de la révocation de l'édit de Nantes, la Monarchie catholique pourra réintégrer la tradition, en excluant cette bourgeoisie enrichie, au profit de la Manufacture royale. La crise éclate donc dans les trois praxis ; dans le sérieux des forces productives. Le protestantisme est alors la contestation des superstructures oppressives. Dans son fondement ce n'est donc pas une idéologie de classe ; au contraire, il juxtapose des moments inconciliables. 3. La Renaissance italienne et l'esthétisme a) Le modèle culturel d'après l'expansion économique et le modèle culturel d'après l'expansion culturelle. La distinction esthétisme-estbétique La motivation, au niveau de la production, d'ordre économico-politique, explique l'idéologie constituée (l'aspect théologique du protestantisme). On connaît au niveau de la doctrine le terrorisme de la damnation qui réglemente d'une manière combien stricte la consommation24. Le paradoxe c'est que la production industrielle des biens d'équipement a comme corollaire la privation ; le réinvestissement se substitue à la consommation. Et on a pu en faire le principe de la suprématie économique du protestantisme. Ce sérieux du producteur va se heurter à la frivolité de la consommation non protestante. Les deux partis vont se constituer selon le modèle culturel de la production et celui de la consommation. Et c'est là la grande contradiction de l'époque, qui 24. M. Weber, L'Ethique protestante, Pion.
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s'exprime au niveau des superstructures, et qui est le principe du relationnel. Si le sérieux du producteur se définit au niveau infrastructural, la frivolité de la consommation (son modèle culturel) sera un produit d'importation. Ce sera la dernière élaboration d'un circuit d'échanges, la résultante d'une socio-dynamique, qui croise le parcours de plusieurs catégories. Ce sera la culture exemplaire du système commercial qui donne le plus de moyens à la vie «naturelle». (De même qu'à notre époque, les modèles de consommation sont importés de l'Angleterre et des U.S.A., des pays exemplaires car dotés de la plus forte expansion commerciale.) Il nous faut d'abord définir ce circuit d'échanges et le modèle culturel qui le représente (le mode de vie qu'il entraîne d'après des références normatives), ensuite nous définirons les modalités d'affrontement du sérieux et du frivole. Comme dans la définition de la première période, la dynamique ascendante doit être définie en référence à la dynamique descendante ; ainsi la formalisation acquise, en province, doit interpréter et recevoir la formalisation nouvelle, venue de l'étranger. Et c'est par le code qu'est le pouvoir royal, par son autoritarisme et sa centralisation que les deux dynamiques sont médiatisées, qu'elles tendent à l'institutionnel ou au contraire à l'opposition, au nondit, qui débouche sur un conflit ouvert. Par le code, interprétation volontariste qu'est le pouvoir royal, c'est l'autre empirie (symétrique à celle dont nous venons d'étudier les effets), l'autre système d'échanges fondé sur la commercialisation avec l'étranger qui est intégrée dans le superstructural national. Car l'intégration, c'est-à-dire l'adaptation d'un apport nouveau dans la tradition, apparaît selon ce processus : c'est au niveau des forces productives, de l'économie, que sont intégrées les grandes découvertes, et c'est au niveau de l'idéologie, des superstructures que sont intégrés les grands modèles de consommation importés d'Italie. Le passé est intégré par la superstructure et l'avenir par l'infrastructure. Mais, de même que la relance économique qu'est l'afflux des métaux précieux n'accède, en France, à un rôle constitutif qu'après le premier système d'organisation et d'échanges qu'est l'Espagne de l'apogée, la relance idéologique de l'humanisme n'accédera en France à l'audience des milieux suffisamment influents, pour modifier le genre de vie, qu'après le premier système d'organisation et d'échanges qu'est l'Italie de la Renaissance. Ainsi la structuration de cette deuxième période procède par paliers : elle dégage d'abord des empines concurrentielles (mais homogènes dans le sens de non planifiables) les données récupérables dans une tradition nationale, et d'une manière systématique, exhaustive, en profitant de la critique que l'histoire apporte aux empiries. Ainsi l'économie profite du progrès, crée un nouveau système d'échanges, ainsi l'idéologie profite de l'autre empirie, des
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modèles de consommation qu'autorise la richesse. Ensuite, cette double implantation acquise, la tradition économique ayant intégré ou rejeté l'empirie économique, la tradition idéologique ayant intégré ou rejeté l'empirie idéologique, la synthèse peut s'élargir sur le plan national, comme confrontation des deux résultantes, comme intégration ou rejet dans un mode de vie, une institution, une classe sociale, un code d'unification. Le modèle culturel de la consommation, tel qu'il s'implante en France, au niveau de la Cour, des grands seigneurs et grands-bourgeois, avant de se faire constitutif, de s'affronter au modèle culturel des producteurs, doit être défini comme une résultante. Et à travers les péripéties, les prétextes, les illustrations par lesquels l'empirique chemine, c'est toute une transmutation de ce modèle culturel qu'il faut définir, comme identification de l'événement et de l'idéologie. Ce modèle culturel dans sa genèse, est un esthétisme, et ainsi se distingue et s'oppose à l'esthétique de la Renaissance. L'esthétique est d'abord œuvre, création, qui a sa raison et sa finalité spécifiques. Au niveau des définitions, on doit d'abord insister sur les différences capitales entre esthétique et esthétisme. L'esthétique est restauration d'une substance, d'un moment, d'un état, dépassés par l'évolution historique, qui sont perdus comme participation immédiate, consommation naïve, mais qui peuvent être encore évoqués, ranimés, reconstitués. Cette restauration est alors symbolique ; ce n'est plus l'effectivité politique, ni la naïveté de participation du sujet. Symboles et images rappellent ce qui est perdu, et fixent la nostalgie à des représentations encore sensibles. La puissance de l'évocation est maîtrise de la chose évoquée. L'esthétique est alors consentement à la déperdition. La chose perdue est encore participation, consommation, mais comme catharsis. Le constat de l'inactuel est dans l'inutilité politique de l'œuvre. Mais en même temps, la mémoire affective se crée et se souvient. La substance perdue est sue comme mémoire qui dit, et non comme subconscient, savoir nocturne qui ne peut ni lâcher la substance, ni consentir au devenir. L'œuvre re-fait, est une praxis, non de compensation, mais de re-création. Elle est libération, car mémorialisation par la représentation pure. Le passé est su, accepté, et dépassé. L'être est à nouveau consommation, mais comme symbolique, comme savoir, qui se souvient et se détache. L'esthétique est la mémoire affective de la raison dialectique. Au contraire, l'esthétisme de la Renaissance est vivification du sensible, consommation effective. Alors que l'esthétique est la sensibilité comme mémoire affective, cet esthétisme est une sémiologie de la consommation ; l'esthétique est nostalgie qui se surmonte, savoir de l'ontologie, l'esthétisme est participation à une empirie non intégrée dans la tradition, complicité de
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consommateurs, système de signes qui permet la reconnaissance par la ratification du nouvel univers sensible apporté par le commerce ou la technique. Ainsi l'esthétisme est homogénéisation de classe, d'un pluralisme d'apports qui trouvent leur finalité dans la consommation sensible. Alors que l'esthétique est une critique de la consommation, l'esthétisme est une exaltation de la consommation. L'esthétique est un savoir, l'esthétisme un moyen, une séduction. L'esthétique s'est libérée de la substance, l'esthétisme la reconstitue. Aussi, sur le plan épistémologique, métaphysique, éthique, faut-il souligner la contradiction énorme entre l'esthétique et l'esthétisme. Et dialectiquement, les deux termes sont liés, comme la Contre-Révolution suit la Révolution. Au sérieux critique, à la création de symboles qu'est l'esthétique, suit la frivolité de l'esthétisme, la rénovation du sensible. Le grand principe de cette déchéance de l'esthétique, mais du renouveau de la consommation, est la formalisation. Le contenu, de l'esthétisme, est la forme de l'esthétique. C'est-àdire que la signification éthique, politique, métaphysique de l'esthétique est niée. La forme seule est prise en considération. La forme est la signification, le contenu. Alors que l'esthétique a pu créer cette signification comme critique de la participation, historiquement dépassée, l'esthétisme l'utilise comme mode exemplaire de la consommation autorisée par la nouvelle praxis. L'esthétisme est le parasite de l'esthétique ; il se nourrit de la création pour consommer, de la critique pour substantialiser, du contenu pour formaliser. b) he conditionnement économico-politique de la Renaissance italienne. La progression de la commercialisation définit la relation esthétique-esthétisme Cette définition formelle de l'esthétique et de l'esthétisme, ainsi que leur formelle relation dialectique, prendront leur contenu historique et politique par la Renaissance. C'est que l'esthétique, comme catégorie autonome, apparaît dans l'histoire, comme résultat de tout un processus économico-politique. Et l'esthétisme (dont nous avons déjà proposé d'autres figures) va prendre une nouvelle dimension. A sa dimension sociologique, modèle culturel, exploitation sémiologique, d'un acquis de classe, relationnel politique, s'adjoint une habilitation très précise par l'esthétique, par des règles universelles du Beau. Le politique se réfère maintenant à un savoir de classe qui a pu et su atteindre à l'universel du Beau. La ségrégation politique sera autorisée par une culture qui est à la fois technique et goût. L'esthétisme est ainsi doublement habilité ; par la tradition de classe (répétition, allusion, dans un autre mode, de l'étymologie) et par l'universalité du Beau. La collusion, dans l'esthétisme, d'un traditionalisme de classe, aussi dégradé qu'il soit, prétexte et allusion, et de l'esthétique, aussi formel qu'il soit, est le mode d'existence du nouveau secteur de la consommation qu'autorise l'éco-
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nomique. Le modèle parfait de l'esthétique se fait existence, de par une tradition. Et c'est le modèle de consommation du nouveau système relationnel que le progrès économique a instauré. Cette inter-dépendance, de l'esthétique et de l'esthétisme, est structurale. C'est celle de l'artiste (comme vocation et comme métier) et du mécène. C'est celle de l'esthétique (comme catégorie) et de l'économico-politique. Cette inter-dépendance est aussi explicative de la création esthétique : celleci dit la subjectivité comme critique d'une substance et rejet d'une séduction. Sur le plan macro-social, l'esthétique ne peut être considérée comme spécifique que par la mise en question de la religiosité. Dans le christianisme du Moyen Age, l'art est anonyme. C'est une technique très élaborée et privilégiée, mais qui est une participation artisanale à l'œuvre commune qu'est l'Eglise. C'est beau, lorsque le sentiment religieux est provoqué et exalté. Le Beau est un attribut du divin, geste de foi. C'est une prière, une offrande, un dialogue. Telle doit être l'inspiration : sentiment religieux qui prend forme. Un modèle et une discipline pré-existent à toute illustration de la vie religieuse. Cette tradition va être bouleversée de par l'évolution, en Italie, des forces productives et des rapports de production ; deux ordres de transformation vont apparaître et interférer. D'abord le prince du Moyen Age à la Renaissance reste le maître de son domaine, sans consentir à la délégation de pouvoir qu'est la centralisation, le processus national. La territorialité italienne est le lieu d'un concurrentiel sans arbitrage politique si ce n'est l'autorité papale. Les duchés, les villes, les grandes familles, s'affrontent constamment. La féodalité reste fixée à son moment étymologique, sans les médiations progressives que nous avons définies en France comme constitution de l'Etat et de la nation. Et c'est cette structure politique, cette mosaïque d'Etats, de villes, de dynasties familiales, qui accueille le pré-capitalisme, le grand commerce. Il n'y aura pas de «production» de la superstructure politique par l'infrastructure économique. L'anarchie politique autorise l'initiative privée, la monopolisation économique d'une ville, l'influence d'une grande famille, car aucune contrainte superstructurale n'entrave l'essor économique. (Mais, par contre, l'économique est livré à lui-même et ne sait pas aménager les forces productives qui contrôleraient les fluctuations de la seule marchandise d'Asie.) La commercialisation des produits importés entraîne l'enrichissement. De grandes dynasties, par la puissance de l'argent, accèdent au pouvoir politique, et gèrent les affaires publiques. Une oligarchie des grandes familles du négoce tend à diriger directement la cité, à subordonner l'économie locale traditionnelle (non sans conflits : populo grasso, populo minuto). A une superstructure (le prince) qui ne correspond plus aux forces produc-
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tives qui l'ont faite nécessaire, correspondra une infrastructuration (le commerce) qui ne peut susciter des superstructures médiatrices, régulatrices du concurrentiel économique. Aussi la collusion du fait politique (le prince) et du fait économique (l'argent) sera le pouvoir, comme amalgame concurrentiel et conciliation opportuniste. Il en résulte que l'idéologie juxtaposera l'esthétisme (comme idéologie de la commercialisation) et le sérieux de la tradition (christianisme). Et c'est le modèle culturel de la nouvelle consommation qui supplante progressivement la justification chrétienne de la privation. Et la critique en retour du christianisme se distribue selon une stratification sociale qui reprend dans le synchronique le décalage diachronique. Et à chaque moment de cette critique et de l'implantation du système commercial correspond un moment de la relation esthétique-esthétisme. L'esthétisme, comme accomplissement de la commercialisation, passage du quantitatif (accumulation de l'argent) au qualitatif (genre de vie) comme dernier terme du circuit de la consommation (marchandise puis modèle culturel) est le dernier moment de l'évolution globale, macro-sociale, qui plongeant ses racines dans le Moyen Age, s'épanouit au 16' siècle, dit de la Renaissance. Alors coexistent les deux systèmes, de la commercialisationesthétisation et du corporatisme-christianisme : la dualité d'un système de production traditionaliste et d'un système de profit, empirique, est synchronique. Alors, dans la vie quotidienne, dans les relations humaines, dans l'immédiat, les deux modes de vie apparaissent dans leur incompatibilité et dans leur contradiction. Si les deux idéologies du christianisme traditionaliste et de l'esthétisme s'amalgament, au sommet, de par l'autorité du prince, au niveau d'un institutionnel constamment «interprété», la contradiction et la rupture entre les deux systèmes est ailleurs totale. Et cette scission est comprise et exprimée par la religiosité dont la critique du «modernisme» sera la sensibilité esthétique. Contre le politique (le prince), le grand commerce (le riche), la conscience religieuse, traditionaliste, restaure, rappelle, évoque. L'opposition au modernisme (expression de l'autoritarisme économicopolitique) comme idéologie, est non dite, non compréhensible pour le consommateur, l'arrivisme, l'autorité. C'est la naïveté de l'esthétique, la forme n'étant que prétexte pour le fond, pour une revendication qui ne se sait par politique, qui est rappel de l'origine, de l'étymologie. Cet art est celui de la foi (il correspond au prédicateur, au réformateur). Ce renouveau des formes est un renouveau de la foi qui se voit menacée, qui est bafouée. Cette esthétique, en un deuxième moment, capital, comprend que la religiosité est historiquement dépassée, de même que le genre de vie publique et privé qu'elle autorisait, de même que la participation naïve de l'individu au conformisme de la cité. Mais si la substance n'est plus possible, la collusion du prince et du grand
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commerce ne peut instaurer un ordre humain universalisable. Aussi l'être perdu, sans qu'une autre sociabilité soit possible, l'artiste restaure par les formes, ce qui n'est plus, ce à quoi il ne croit plus, mais qui a été, et qui reste comme passé, que la mémoire peut encore appeler, par l'incantation qu'est la création des formes de la substance perdue. La foi est perdue, ce qui est éprouvé dans la solitude et le désespoir, mais seulement par quelques individualités. L'artiste refait, comme forme, ce qui a été comme contenu. L'esthétique est l'être là de l'absence de la substance. Sa perfection est l'imperfection existentielle. Elle ne saurait être une finalité puisqu'elle est une déchéance, la fin. La création de formes, de symboles, en un troisième moment, se fait pourtant finalité. La catégorie esthétique se coupe définitivement de la religiosité. Le Beau est autonome, quand l'artiste quitte le service de l'Eglise pour le service du mécène. De la Gloire de Dieu à la Gloire du Prince et du grand commerce, l'Art passe de l'esthétique à l'esthétisme. Mais si l'art passe de la nostalgie de la substance à la récréation de la consommation sensible, c'est encore sur le plan contemplatif. Si l'artiste se compromet, l'art ne l'est pas encore. La floraison baroque des formes restaure une joie sensible. La matière est retrouvée, mais à un moment de plus parfaite élaboration, comme représentation, exercice sensible. L'Idée se perd, mais avant de disparaître illumine encore le matériau qui la véhicule. Enfin, en dernier lieu, l'artiste travaille pour le confort, le luxe, l'apparat du mécène. Il dispose alors de la plus grande virtuosité technique, et n'a plus de problème religieux (consentement formel au christianisme). L'art plastique se fait profane. Il est le lieu du vécu, comme décoration, et signe de reconnaissance. C'est à ce moment que le mondain connaît son apogée. Les trois pouvoirs du monde : le Prince (le politique), le Commerçant (l'argent), l'artiste (le Beau) collaborent. La justification idéologique (par l'esthétique) de la consommation (par l'argent) est organisée (par le pouvoir). Alors l'esthétisme déborde l'esthétique comme idéologie et comme modèle de participation au sensible. Le couple esthétique-esthétisme a une double signification pour l'oligarchie au pouvoir. Il est un barrage à l'égard des valeurs moyenâgeuses que l'opposition revendique. La symbolique de l'esthétique fixe la démarche rétrospective, épuise la sensibilité dans la contemplation d'une imagerie qui se substitue à la croyance naïve. Le passé s'étale, se reconstitue comme une présence qui l'évoque en ses grands moments. Ainsi la représentation se substitue à la participation, et la connaissance à la foi. La contemplation esthétique est un savoir, du passé, d'ordre intuitif, non discursif, qui interdit de le
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revivre comme réalité politique. Ce passé se fait allégorie, mythe, symbole. Il est réduit à sa signification de moment ; d'ontologie il s'est fait historicité, et d'historicité, esthétique. Et la perfection de celle-ci ignore les mutations, mûrissements, progressions d'ordre existentiel ; tout est figé en imagerie exemplaire, en temporalités fortes, en accomplissements. Toutes les significations ainsi sont dites. La finalité est accomplie. L'histoire s'est figée en destins. Du passé tout est révolu. On peut encore se le rappeler, grâce à l'esthétique. c) La structuration du modèle culturel de l'estbétisme Le statut du riche (et l'échelle des besoins créée par le nouveau système d'échanges), le statut du Prince (P.D.G., esthétisme et théorie politique) La deuxième signification par l'esthétisme, pour l'oligarchie, est de proposer le nouveau modèle de participation au sensible. (Le christianisme, une fois écarté, l'idéologie restaure l'antique, la participation au sensible d'avant le péché.) Ce modèle est un fait de structure. Et celle-ci est la relation triangulaire du pouvoir politique, de l'argent, de l'artiste. Aucun de ces termes par lui-même ne suffit à instaurer le modèle. Celui-ci est fait de sociabilité ; relation humaine qui fait interférer la totalité des termes. La structuration, du modèle, peut s'apprécier à deux moments : d'abord comme maturité autonome de chaque terme (comme nous venons de le faire pour l'artiste), son esthétisation spécifique, ensuite comme interférence, proprement structurale, de tous ces termes en une idéologie, comportement commun. Il nous faut donc étudier d'abord l'esthétisation de l'économique (le faste, l'opulence), celle du grand seigneur (virtù), ensuite le relationnel des trois termes au niveau privé et public. C'est essentiellement à ce deuxième moment que l'esthétisme se fait structurant du relationnel, lieu commun à partir duquel les personnes réconcilient leurs divergences mais manimanifestent aussi leurs oppositions de par leur catégorie d'origine. Mais une nécessité de la relation des trois termes est plus forte que la nécessité génétique de chaque terme. Le terme nouveau qui s'ajoute aux trois catégories est la structuration, le relationnel : ce qui sera la figure exemplaire de la mondanité. C'est un nouveau champ, idéologique et d'existence, qui s'instaure. Nous avons vu, par une catégorie privilégiée (l'esthétique), au niveau de son évolution interne, comment la tradition était brisée, comment le contenu se séparait de sa formalisation, et comment le nouveau modèle culturel se substituait à un passé révolu. Cette catégorie, qui n'est que le corollaire de la mutation économico-politique, est exemplaire, modèle, pour le prince et le riche. Le pouvoir et le commerce manifestent leur mutation en pas9
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sant de la nécessité de leur genèse à la représentation esthétisante. Ainsi l'esthétisme que nous avons privilégié, comme catégorie, pour bien montrer le passage de l'esthétique à l'esthétisme, est aussi immanent aux termes majeurs constitutifs de l'économico-politique. Si l'esthétisme, au terme de son élaboration, propose des modèles, c'est parce que le prince et le riche sont devenus ces modèles, qu'ils les incarnent. L'esthétisme est à la fois modèle et finalité ; il est structurant comme sens de l'évolution de l'économique et du politique, comme sens de l'évolution de l'esthétique, et comme participation de ces catégories lorsqu'elles sont devenues. La critique de l'esthétisation, esthétisation comme finalité de l'enrichissement, dont le moment suprême sera l'opulence, le faste, la magnificence, peut être proposée comme complément à la critique de «l'économie politique» faite par le marxisme. Ce que Marx n'a pas dit (ce qu'il n'aurait pas dit), la signification dernière, de l'argent, sont révélés par la magnificence du riche financier, grand commerçant. Mais cet esthétisme ne peut être dissocié de la valeur de la marchandise, non plus considérée comme plusvalue économique, mais comme signification mondaine, relationnelle. C'est en référence à une échelle des besoins du système économico-politique créé par le grand commerce avec les Indes qu'on peut apprécier et l'esthétisme et la marchandise. Cette échelle des besoins est celle des besoins qui sont au-delà du «nécessaire et du suffisant». Alors que l'implantation de la libre entreprise industrielle en France, protestante, est un équipement infrastructural, une production des besoins nécessaires et suffisants (biens d'équipement), un réinvestissement dans l'entreprise, une thésaurisation pour les moyens de production, le commerce avec l'Orient suscite une nouvelle échelle de besoins, artificielle, du superflu, qui déborde, dans le principe, les besoins élémentaires du corps pour signifier mondainement. Ainsi, dans le principe, la marchandise, comme consommation, est un luxe, un assaisonnement, une pigmentation, un artifice : les épices. Elle rajoute à la consommation un goût qui n'est pas dans le produit naturel. A un deuxième moment, la marchandise : les soieries, ajoutent à l'habillement la parure. Le stimulus, l'artifice passent de l'organique au signe : la parure est niveau social et stimulus sexuel. Les nouveaux besoins, de la nouvelle consommation, par ces deux moments, sont à la fois objet et signe, consommation et relation. C'est un symbolisme immanent, une hiérarchisation sociale de par l'appropriation de la marchandise (dont la rareté fait la valeur). Tout consommateur consent donc à l'artifice ; il ratifie le nouvel ordre au niveau des significations normatives de la vie quotidienne. Et cette ratification de la rareté, de la cherté, des critères sélectifs et hiérarchisants,
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est consentement à la richesse, subordination au riche. Ce n'est pas seulement au niveau de la production, de la nécessité de vivre, de travailler pour vivre, que le grand commerce (et la richesse) sont acceptés. La ratification de l'ordre nouveau est dans la ratification, par la concupiscence réveillée, sollicitée, provoquée, de besoins qui ne sont pas nécessaires à la subsistance traditionnelle, qui sont des moyens de vivifier le sensible, et des signes de la hiérarchie sociale. Cette complicité, homogénéité, de la consommation quantitative et du distributeur qu'est le grand commerce, est le soubassement organique du système économico-politique. Au-delà de l'événement, actualisation du conflit (noblesse du Moyen Age alliée au petit peuple contre grands marchands, nouvelle noblesse, financiers), la continuité du commercialisme, économisme, est assurée par la commune signification de la consommation. Cette homogénéité est aussi celle de l'esthétisme. Mais dans cette commune ratification des signes, une différenciation apparaît selon les moyens d'appropriation, selon la richesse. Alors que la rareté de la marchandise est un être politique pour le petit consommateur, une barrière et un niveau, l'abondantisme qu'est la richesse permet une sorte de maîtrise des deux premiers niveaux de la nouvelle échelle des besoins. La profusion se substitue à la rareté. La vente massive est le surplus de la consommation privée du riche. Alors que dans le protestantisme, le corporatisme, la vente est corollaire de privation, pour le grand commerce, elle est surabondance, quantité disponible. Alors que le petit consommateur est fixé à cette marchandise, qu'elle est sa visée, l'objet de son désir, le riche marchand possède, vend, distribue, l'avoir et les signes. C'est l'autorité politique du marchand d'avoir ce que l'autre désire, d'en avoir de reste, alors que l'autre n'en a pas assez. Ce qui est concupiscence pour le petit consommateur est moyen de maîtrise pour le marchand. Cette maîtrise artificielle, sans doute, de l'avoir, autorise le passage au luxe, comme signe majeur de la hiérarchie sociale et comme mode de consommation. Les deux premiers stades de la nouvelle échelle des besoins sont dépassés : la rareté (pour le client) s'est faite abondance, richesse (pour le marchand). La marchandise importée est intégrée dans la consommation, elle n'en est plus le but, mais un procédé, un objet, comme les autres. L'argent peut alors le luxe, comme continuité de la culture du superflu, comme saut du quantitatif au qualitatif, comme consommation sélective, graduée, ratification de l'artifice, au second degré. Alors que le confort est l'aménagement des besoins nécessaires, et suffisants, selon toutes les commodités de la praxis, le luxe est aménagement du superflu. Le luxe ne s'attache plus au quantitatif. Dans l'abondance un choix justifie la richesse, comme ratification d'une valeur qui se détache de l'avoir. Les choses (la marchandise
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comme parure, ornements, etc.), prennent leur valeur indépendamment de la consommation brute, selon une reconnaissance des qualités sensibles. De l'amoncellement des choses naît un agencement, un ordre, d'après les qualités immédiates de ces choses. Et d'après le goût, qui est la première reconnaissance du beau, indépendamment de la consommation, mais seulement lorsque celleci est satisfaite. Le goût naît de la satiété ; il est un désintéressement qui permet de voir les choses non plus comme marchandise ou désir immédiat, mais selon leurs qualités sensibles et selon les harmonies, les correspondances de ces qualités. Le goût est l'ordre des sens lorsque ceux-ci sont satisfaits. Le luxe, habilité par le goût, est une première formalisation du sensible qui est un seuil de la sociabilité. Le peuple, le petit-bourgeois sont privés de cette culture. Pour eux l'appropriation entraîne la consommation, alors que pour le luxe le problème de la consommation brute est résolu. C'est la nonconsommation des choses possédées, la reconnaissance de la beauté des choses, qui fait la différence du riche et du pauvre. Mais pour justifier cette différence qualitative, des personnes, qui justifie la ségrégation politique, la domination de l'oligarchie des marchands sur le peuple, le luxe doit se dépasser, quitter le monde mercantile sans quitter le domaine de l'avoir. C'est une nouvelle escalade dans l'échelle des besoins superflus. Après les besoins de consommation, immédiate (les épices et les soieries), le luxe est un besoin des choses comme environnement harmonieux, consommation, mais des artifices du fabriqué. A la rareté du produit se substitue la valeur du goût. Au dernier degré, la richesse quitte l'avoir mercantile pour la décoration, les arts plastiques, l'architecture. Et c'est le paradoxe de la richesse : elle quitte la consommation immédiate de la marchandise importée pour une culture du gratuit, de l'artifice, mais comme signe politique de la personnalisation, de l'accomplissement individuel. L'alibi du riche est de quitter la signification mercantile, le circuit de la marchandise, pour des représentations, des significations qui ne sont plus matérielles, commerciales, mais qui sont une autre sociabilité, sélective, qualitative, dont le référentiel est l'esthétique. Le riche snobe le pauvre, définitivement, lorsqu'il fonde sa supériorité non sur l'économique, non sur le politique, mais sur l'esthétique. Alors les objets ont une valeur de désintéressement. Ce qui est le comble, pour le pauvre, privé du nécessaire, c'est que le riche est désintéressé, lorsqu'il est vraiment riche, qu'il comprend l'art ! L'objet existe pour lui en tant que beauté et non comme marchandise. Et si l'objet est possédé, c'est comme œuvre d'art, droit non du riche, mais du connaisseur. Le mécène, qui permet la création, a le droit d'en jouir. Ainsi l'esthétisme est une idéologie, un maniérisme qui, même à son dernier moment, ne quitte pas l'avoir. Mais c'est un avoir qui n'est que pour le beau et pour l'autre,
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même si les motivations, d'un point de vue éthique ou politique, sont pires que celles du mercantilisme et de la consommation organique immédiate. La personnalisation par le pouvoir débouche aussi sur un esthétisme. Ce fait «du prince» doit être distingué de l'esthétisme de la noblesse, de la féodalité française. Le doge, la représentation du pouvoir, représente une nouvelle «élite», noblesse d'argent, dynastie. Elle est, dans la mesure où elle a supplanté la féodalité du foncier, où elle organise politiquement le commerce et l'industrie locale. Le pouvoir est un pragmatisme, un pré-capitalisme, le concurrentiel de la libre entreprise. Il est l'économique, la concurrence et l'impérialisme de l'économique. Mais ce pragmatisme «anglo-saxon» se dit dans le contexte historico-géographique de l'Italie, dans la mosaïque des républiques et des principautés autonomes de la Renaissance. C'est dans un contexte moyenâgeux que le pragmatisme s'exprime. Aussi le politique ne sera qu'un volontarisme, le relationnel, concurrentiel sans code, sans la médiation de l'honneur et de la psyché. C'est l'opportunisme qui est constitutif. Ce pragmatisme (volontariste, comme personnalisation) n'est que l'accomplissement du principe de l'étymologie : l'entreprise commerciale, comme succès, richesse, a interdit la centralisation, le regroupement super-régional, comme délégation et redistribution du pouvoir et comme culture politique de la reconnaissance des personnes. Aussi l'individualisme volontariste ne fait que rendre compte d'une structuration doublement économique : celle du commerce qui a supplanté l'économie contrôlée du Moyen Age, celle du concurrentiel de la libre entreprise. L'individualisme est une situation de fait qui s'est reconnue, acceptée, et qui est reconduite comme stratégie. La situation de fait est d'une part l'énorme décalage entre l'idéologie de l'oligarchie pré-capitaliste et celle du Moyen Age (comme référence à la tradition, à la religiosité, à l'ontologie de la cité étymologique qui est aussi «l'idéologie» du peuple) et par ailleurs le concurrentiel de la libre entreprise. La stratégie consiste à profiter de cette situation : à se référer à une idéologie à laquelle on ne croit plus, comme moyen politique des fins économiques (de mentir au peuple pour qu'il serve d'arme de combat dans le concurrentiel). Mais par ailleurs, l'oligarchie des princes constitue une caste homogène devant le peuple : ceux-ci doivent donc s'unir pour préserver leurs privilèges. Ainsi le prince est l'individualité solitaire : sa solidarité de caste (de commerçants) le coupe du peuple et le concurrentiel (de commerçants), dans la caste, le coupe de ses homologues. Le commerce est affaire politique : la libre entreprise est une stratégie, et cette stratégie un comportement psychologique. A ce moment le politique accède à sa forme définitive par son double référentiel, stratégique et psychologique. Le politique n'est plus pour l'écono-
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mique, mais pour le pouvoir : comme condition pour l'atteindre et le garder, et comme signification que l'individualité lui donne. Ce double référentiel est esthétisme : la stratégie est un art et sa réussite la reconnaissance de l'accomplissement de la personne : la gloire. Lorsque le politique se coupe de l'économique pour proposer son seul discours, c'est pour proposer une théorie ludique du pouvoir, alors que cette conception esthétisante du politique a comme réalité d'origine, comme infrastructure, l'économique. Ainsi le système économique exclusivement fondé sur le commerce ne peut atteindre une idéologie sérieuse, un système de représentations fondé sur les forces productives, sur une création, une praxis. L'esthétisme est l'idéologie du commerce, de la seule distribution. Et lorsqu'une réflexion, une conduite échappe au pragmatisme immédiat, comme psychologie (motivations et représentations) c'est pour se référer à un modèle esthétisant qui se fait constitutif de la théorie politique. La théorie politique propose le modèle du caractère, de la personnalisation. La virtù chevauche donc deux catégories : l'économique et le politique. Mais un devoir-être tend à se détacher de l'être économique. Le volontarisme politique opère pour son propre compte selon le psychologique, pour la personne. La théorie est comme volontarisme du ministre, du caractère, du politique îs . L'économique, par lui-même, reste un être qui s'ignore. La conscience de soi qui est proposée, vient bien sûr de l'économique, mais surtout d'une idéologie qui est extérieure à l'économique, qui est référence à la culture, aux humanités grecques et latines. La virtu que le prince peut actualiser, dans l'événementiel, lui est soufflée par une culture étrangère aux forces productives et rapports de production du pays, et par la médiation du politicien qui gère ses affaires, lequel est une personnalité mixte, mélange de pratique (mais au second degré) et de culture, référentiel sémantique et abstrait, et en ce sens universel. Nous est donc apparu l'esthétisme au second degré ; son champ d'application et d'origine est l'économique, mais la thématique, le machiavélisme, le politique, le caractère, la personnalité n'ont de réalité qu'en s'en distanciant. L'esthétisme, qui est l'idéologie du commercialisme, apparaît dans son principe (génétique et explication) : comme distanciation que la personne peut se donner, avec sa nécessité économique. Le commercialisme ne porte pas en lui le procès de production, le travail. Les forces productives ne sont pas constitutives du sérieux du relationnel public et privé. Le commerce ne peut produire un sérieux culturel : la culture doit, elle aussi, être importée (et de Grèce : le clerc, l'humaniste). Mais si l'humaniste dispose effectivement 25. Cf. Machiavel.
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d'un sérieux des représentations (la culture grecque et latine), ce sérieux doit composer avec la nécessité économique, et ce compromis est l'esthétisme, rencontre du formalisme culturel et du pouvoir. d) L·* nécessaire médiation dans le structural : le langage, la culture, le clerc, comme référentiel commun des éléments constitutifs. Ambiguïté du statut du clerc : savoir de l'universel et compromission dans l'esthétisme Le statut du clerc-humaniste doit être doublement défini. Comme dépositaire d'un savoir référentiel et comme le relais nécessaire du relationnel, du structural, du réseau à priori qu'est la sociabilité constituée par les rapports du prince, du riche, de l'artiste... et de l'humaniste. En tant qu'élément constitué et constitutif de l'ensemble, l'humaniste est médiation, du commerce au politique, du politique à la culture. Cette médiation se répète entre l'économique et l'esthétique, et dans le passage de l'esthétique à l'esthétisme. L'humaniste s'enracine dans l'esthétisme qui est constitutif de l'ensemble. Aussi, si c'est par l'humaniste qu'apparaissent les significations, l'explication, le commentaire, ce sera par un référentiel formel, rhétorique, sémantique. L'humaniste propose un modèle qui est recevable de par son formalisme, comme thématique illustrative, symbolique. Le savoir n'est pas explicatif des forces productives ; il reste éloigné de la conjoncture économico-politique, de la problématique populaire de l'époque. Il se propose comme un code, autonome, certes, mais que la consommation utilise comme alibi et modèle. L'humaniste ne doit proposer que ce qui est recevable. La culture ne doit pas apporter ce qui n'est pas demandé. Elle doit proposer le contenu délimité par le formalisme. Et elle doit être formalisée, car modèle. (Ainsi l'esthétisme peut se dégager du passé de deux manières : d'abord en fixant ce passé dans l'esthétique et en utilisant les formes créées comme modèle de consommation, ensuite en réduisant à la sémantique, à une formalisation, à un modèle de la consommation, le savoir de ce passé.) Telle est la culture : le système de relations, du riche (commerce), du prince (politique), de l'humaniste (savoir), et de l'artiste (esthétique), dans un système dont la déterminante est le grand commerce, dont l'idéologie ignore les forces productives. 4. Les personnes, classes sociales, conjonctures économiques pour lesquelles, en France, la culture de la Renaissance italienne sera exemplaire. La guerre civile, objectivation de la contradiction des deux France Nous n'insisterons pas sur les modes particuliers, accidentels, de véhiculation de cette culture (les guerres d'Italie, par exemple). C'est une systématique des modalités de transfert de la culture italienne en France qui devrait être
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La structure
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établie. (Le pouvoir royal serait une première réduction dans la signification globale ; il propose le code qui permet de localiser tout événement.) Nous avons bien précisé qu'en dernière instance l'économique était la causalité. Aussi la raison de la mutation culturelle devrait être définie dans les particularités économiques. Mais ce serait rentrer dans le détail de la conjoncture et cette extension de l'exposé n'est pas nécessaire car c'est au niveau superstructural, dans une certaine autonomie et homogénéité de l'idéologie que la mutation s'accomplit. Aussi suffira-t-il d'établir la systématique de l'intrusion du modèle culturel, d'après ses lieux privilégiés de pénétration. Ce modèle sera exemplaire au niveau de l'individu, de la classe sociale, de la conjoncture économique. Par la personne, d'abord, lorsqu'elle veut acquérir une autonomie, lorsqu'elle veut s'émanciper. Alors les termes constitutifs proposent autant d'entrées possibles dans le système relationnel, alors les revendications s'ordonnent selon les quatre références fondamentales, d'après les situations d'origine, les dons, les possibilités..., tout ce que constitue la diversité existentielle et sociale. Au deuxième niveau, cette culture est exemplaire de l'émancipation d'une classe sociale, ou strate lorsque sa nouvelle fonctionnalité la coupe de son origine. Le référentiel n'est plus la tradition, mais un savoir qui propose un modèle d'existence pour tout un corps social, qui retrouve une homogénéité et une organisation qui peut contester l'autorité de la tradition. Au troisième niveau c'est une conjoncture, économique, à prédominance de grand commerce qui trouve son idéologie, comme justification et comme sociabilité. La culture importée d'Italie est donc par extension le modèle d'émancipation de toute tradition ; elle est le modèle et l'alibi de tout terme constitué lorsqu'il conteste la hiérarchie acquise. Cette culture sera donc un modèle pour la nouvelle bourgeoisie, française, d'argent, issue des métiers de prestige et de distribution quantitative du corporatisme, issue du grand commerce international et de la commercialisation de la nouvelle implantation productive. Elle sera aussi la séduction pour la noblesse française, de cour, passée de la noblesse paysanne aux services et fonctions de prestige de la nation. Enfin, la personnalisation, l'autonomie de termes traditionnellement muets, ou sans moyen d'expression, peut s'accomplir grâce au modèle italien. C'est le cas essentiellement de la femme et du clerc. De nouveaux rôles sociaux, au-delà des rapports de classe, ou de caste, mettent en rapport les praxis les plus diverses, dans la perfection qu'elles peuvent atteindre dans leur spécificité, dans l'accomplissement de ces praxis particulières. Des élites, qui ont en commun de s'opposer dans leur milieu d'origine et à ce milieu d'origine, se renforcent en se reconnaissant mutuelle-
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ment. La reconnaissance mutuelle, systématisable, est proposée par le réseau relationnel déjà en place, mais d'une manière encore embryonnaire. Et ce réseau devient une structuration autonome telle que, non seulement il renforce, mais suscite le terme constitutif qui n'est à l'origine qu'accidentel, marginal. C'est la totalité qui constitue les termes, les révèle à eux-mêmes, les amène au relationnel. Ce réseau relationnel, quadrature de la nouvelle société (le prince, le riche, l'artiste, le clerc), sera loin d'atteindre en France l'homogénéité de son référentiel d'Italie. Il ne faut surtout pas le concevoir comme un système cohérent d'opposition à la Vieille France. En effet, la dualité entre la nouvelle société et la Vieille France est constituée par des coupes d'antagonismes, comme tradition-Renaissance, infrastructure-superstructure, forces productives-grand commerce, etc. Ces couples expriment la contradiction à des degrés et des secteurs très différents. De plus ils n'interfèrent pas nécessairement les opportunismes régionaux, les alliances dynastiques, les stratifications historiques ; bien d'autres facteurs empiriques suscitent des spécificités, soit de ségrégation, soit d'interpénétration, des termes des couples qui constituent la nouvelle société. Aussi, à l'antagonisme à l'intérieur des couples (qui constitue la contradiction Vieille France-nouvelle société) correspond bien souvent un antagonisme entre les termes de la nouvelle société. (L'histoire événementielle rend compte de ces fluctuations ; la circulation de la variable entre les termes fixes définis par les couples d'antagonismes est cette liberté «existentielle» qui veut se donner pour la liberté de l'homme, alors qu'elle n'est qu'opportunisme.) Mais quels que soient ces antagonismes entre les nouvelles forces, antagonismes qui suscitent renversements d'alliances, attentisme, etc., ils demeurent mineurs devant la contradiction majeure. Celle-ci oppose la tradition, les forces productives, l'infrastructure (dont nous avons vu les manifestations), au modèle culturel importé d'Italie, au grand commerce, au superstructural, à la Cour. C'est le conflit du mondain et du sérieux, du père et du fils, du consommateur et du producteur. La culture a éclaté, en même temps que l'homogénéité du parcours production-consommation des cellules autarciques. Une scission quasi irréductible consacre et dépasse l'antagonisme originel entre la Vieille France et les instances superstructurales. La nation est devenue le lieu d'affrontement du mondain et du sérieux, d'une consommation qui dédaigne la production, et d'une production qui ignore le discours formel et rhétorique. C'est cette contradiction qui est le non-dit et le non-su de l'époque ; les conflits apparents et même les guerres religieuses ne seront que des prétextes à l'affrontement de la frivolité du discours, de la consommation esthétisante, et du sérieux fondé sur l'étymologie et la production.
DEUXIÈME
PARTIE
La génétique du sujet : l'accession à l'entendement ( Du cri à la logique des propositions )
CHAPITRE
I
Isomorphisme de la société civile et de la corporéité (sujet) La famille comme lieu d'homogénéisation
I. LE CORPS
EST U N ACTE D E
A . LA RELATION STRUCTURE-DYNAMIQUE
SOCIABILITÉ ;
DU MACRO-SOCIAL A LA
CEL-
LULE DE BASE
Le macro-social a été déterminé selon le couple structure-dynamique. Cette relation est constitutive de la formalisation du devenir. Elle aboutit à la cité, et, dans la cité, elle modèle tout relationnel, tout fonctionnel, toute durée. La dynamique a deux entrées dans la structure : comme pulsion biologique, à la base (démographique-naturaliste) et comme irrationalité du multiple, intrusion du monde extérieur, au sommet. La confrontation dynamique-structure détermine la continuité et la spécificité des groupements qui deviennent classes sociales. Le relationnel dans la cité pourra alors être défini selon ces seuls rapports de classe, dans un cadre institutionnel, dans l'homogénéisation des services et fonctions de la nation. Les déterminations économico-politiques prennent un sens nouveau : celui de la superstructure qu'est la nation. Le juridique est à la fois personnalité de base de la cité et conscience de classe. Il exprime une nécessité : celle de la subordination des praxis diverses dans le même cadre et dans le même projet national. La cité se soumet à un devoir-être, au coercitif et à l'obligation. Une éthique fixe le destin dans le collectif. Mais cette superstructure, qui donne un statut de personne de par la seule reconnaissance de la juridiction, de par l'acceptation d'un code créé, institutionnel, n'épuise pas les déterminations de l'individu. Est éludée la subjectivité, l'intimité intérieure, le foyer irradiant. C'est toute une dynamique, d'origine biologique, toute une génétique qui doit être définie dans sa relation avec la structure. Et avant d'étudier les rapports de classe dans la nation, nous devons étudier ce nouveau couple structure-dynamique. La dynamique, maintenant, est dans la cité, elle est de sens contraire à la dynamique macro-sociale, qui, à la base, comme au sommet, véhicule l'extériorité. Le sens centripète de la dynamique doit se compléter de son sens cen-
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l'entendement
trifuge. C'est dans la cité que l'élan biologique rencontre la structuration acquise, la plus forte, comme personnalité de base de la cité, institution. Cette structure, qui s'est conquise, et qui est la mieux préservée de l'irrationalité antérieure et extérieure, porte en elle-même (au niveau de la cellule élémentaire constitutive de la cité : la famille) l'élan vital. C'est dans cette cellule, dans la famille, plus petit groupe de culture,, que la dynamique se définit comme génétique, croissance de l'enfant, du sujet, du corps.
B . CRITIQUE DE L'ALIBI CONSERVATEUR DE «NATURE HUMAINE». LE CHAMP MAXIMAL DE LA VARIABLE
1. L'aliénation politique, commune à l'idéologie du pouvoir et de l'opposition, comme aliénation épistémologique Cette première définition du sujet, comme dynamique dans la cité, comme variable dont le référentiel stable sera la structure, de la cité, permet d'écarter l'à priori bien souvent non dit, et même très souvent non su, qui préside à l'épistémologie social-démocrate : cet à priori est celui de la nature humaine. Cette notion conservatrice est l'héritage de la culture occidentale. L'individu est substance, substrat ontologique, et quelle que soit sa situation politique, un éternitarisme de l'homme est, en dernière instance, explicatif. Et il faut constater l'unanimité de cette proclamation : elle est commune à la droite et à une très large partie de la gauche. Mais pour des raisons contradictoires. L'idéologie de la classe dominante répond à un souci épistémologique ; elle se veut théorique et normative. Et de même que sa position dirigeante, ses privilèges de classe ne sont pas contestés par ses idéologues, de même qu'est niée l'histoire, comme finalité et comme lutte des classes, la transformation de l'homme (de la personne humaine) est niée. La société est l'image de l'homme, de ses passions. La nature humaine n'a pas à être transformée, mais à être connue, alors elle pourra être maîtrisée. Le naturel n'est pas un lieu d'évolution, mais devient le lieu de l'abolition et même du sacrifice. L'action est l'acte· moral, comme soumission d'une nature éternelle qui n'est jamais vraiment domptée... C'est donc en tant que justification épistémologique que l'idéologue de la classe dominante proclame la «nature humaine». Et si effectivement, en période ascendante, le «naturel» peut être chassé, en période de décadence, il revient au galop. Et l'acquis normatif se fait la méthode, mais à rebours, des émancipations, du grand seigneur et du fils à papa.
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Au contraire, la classe dominée utilise «la nature humaine» comme opposition au fixisme normatif, et comme principe de la dynamique de contestation. La nature humaine a des droits, naturels, qui sont réprimés par un institutionnel artificiel et d'usurpation. La subversion politique n'est que la proclamation de cet éternitarisme de l'individualité. Le naturalisme, pour revendiquer la personne politique, invoque l'instinct, le principe le plus universel et le plus anonyme, pourtant ! L'individualisation passerait par la vie «naturelle» ! Et, de même que l'idéologie dominante débouche sur un pessimisme lorsque la morale est impuissante à juguler l'excès de consommation qu'est la décadence, de par la sur-puissance du pouvoir économique, de même la subversion de l'ordre par 1' «instinct» est un optimisme, car accès, provisoire ou définitif, au pouvoir. Ces deux attitudes, justification par la morale, et revendication par l'immoral, fondent toutes les deux la personnalisation. Le statut de la personne relève de cette polarité. La lutte des classes explique donc la confusion de l'épistémologie et des prétextes politiques : les deux idéologies, que nous venons de définir, sont aliénées et aliénantes. Ce sont des attitudes de combat, et la décision politique tient lieu de méthode scientifique. La «nature humaine» n'est pas un concept opérationnel. Elle n'a pas de valeur épistémologique. Ce lieu commun, à la droite et à la gauche, au pouvoir et à l'opposition, est l'un des préjugés les plus enracinés. La lutte pour le pouvoir est le fondement de la pseudo-substantialité de la nature humaine. Le sujet ne fait que fixer, comme nature, le concurrentiel historique. 2. La psychanalyse : son aliénation politique et sa vertu épistémologique La psychanalyse1 est encore une aliénation, car philosophie de l'émancipation : et non révolutionnaire. Elle est le contrepoint du marxisme. Alors que Marx donnait la démarche révolutionnaire, du producteur (prolétariat), Freud proposait la démarche régulatrice de la nouvelle consommation, pour la classe dirigeante, la nouvelle bourgeoisie, et petite bourgeoise. Ce qu'il cherche, c'est le normatif, de la consommation, alors que tout référentiel transcendant est abandonné. Et si le souci épistémologique est recevable : comment vivre sans religion et sans morale (l'idéologie de la propriété foncière et des nota1. L'anthropologie historique à travers la sociologie de la connaissance doit révéler le conditionnement historique du savoir. Ainsi nous reprenons la psychanalyse, ses thèmes et ses problèmes comme thèmes et problèmes d'une nouvelle classe sociale. La psychanalyse révèle ainsi ce qu'elle doit cacher : les déterminations génétiques et historiques.
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bles), il est aussi corrompu car il reste le souci d'une nouvelle classe qui veut se couper et de la vieille bourgeoisie pré-capitaliste, et de la nouvelle classe produite par l'industrialisation : le prolétariat. Le freudisme est idéologie de contestation : contre la prohibition et la répression du père (c'est-à-dire de la propriété foncière, d'une maîtrise séculaire de l'avoir et de la culture), la formidable production industrielle autorise la contestation et l'émancipation, du fils de la nouvelle bourgeoisie. Mais cette nouvelle classe n'est pas directement productive : le sérieux de la nouvelle production lui échappe. A son tour, elle se fait prohibitive et répressive. Ainsi, aliénante, elle est aliénée : elle consomme ce qu'elle n'a pas produit et elle en frustre le producteur. Cette bourgeoisie, libérale, refuse à la fois le sérieux de la tradition, de l'éthique (de la propriété foncière) et le sérieux du collectivisme. Son émancipation est idéologie du parasitisme : l'instinct est réprimé par le travail et la liberté est la restauration de la consommation. Ce schéma peut se nuancer d'après les niveaux du sérieux dont dispose la bourgeoisie libérale. Sa critique du moralisme de la société victorienne (ce terme n'étant pas pris au sens précis de l'histoire de l'Angleterre, mais comme exemple d'une société puritaine, très répressive, mais hypocritement consommatrice) est historiquement nécessaire. (C'est l'aspect scientifique du freudisme.) Alors la critique du père (et l'émancipation) est un progrès éthique. Elle répond à une nécessité de l'encadrement, des services de la nouvelle société ; une dynamique de classe est créatrice. Lorsque cette bourgeoisie libérale domine le champ de la production, qu'elle ne se libère plus des inhibitions de la tradition, mais qu'elle profite du prolétariat, alors son principe régulateur de la consommation apparaît pleinement. C'est l'aspect normatif de la psychanalyse. Comment consommer sans produire ? Comment composer avec la culpabilité (non dite) ? Tant que le capitalisme reste libéral, concurrentiel, la bourgeoisie de la nouvelle libre entreprise dispose d'un certain sérieux professionnel (professions libérales, cadres, enseignement, petits patrons, etc.). Et la psychanalyse peut paraître comme un référentiel normatif du comportement. Mais à mesure que le capitalisme se fait monopole d'Etat, que la responsabilité civique de ce corps social s'amenuise, en même temps que l'exploitation du prolétariat s'exaspère, le normatif d'une consommation parasitaire s'avère de plus en plus difficile. Aussi le normatif se fait thérapeutique. La consommation est une maladie : «névrose», lorsqu'elle est celle de l'irresponsable politique et du parasite. La «société de consommation», alors, a multiplié les besoins ; la consommation est sans freins. La bourgeoisie qui s'est libérée de la tradition, et qui refuse l'universel concret, est déséquilibrée, en crise. La psychanalyse, alors, est curative. Dans le dernier moment de sa décadence (néo-capitalisme), car décadence
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de la bourgeoisie libérale, elle devient une mode, le modèle de la contestation consommatrice. La situation de classe se vit dans l'esthétisme : le comportement névrotique se fait référentiel du statut mondain. Les relations personnelles se pervertissent dans le sadico-masochisme, qui est la psychologisation du conflictuel politique selon les modèles proposés par «l'avantgarde» esthétique. Mais si la psychanalyse est aliénée-aliénante, elle est aussi une révolution épistémologique. Pour la première fois le sujet est connu et reconnu, comme historicité. Sa singularité est acquisition (les fixations). Une dynamique est créatrice de l'ontologie. L'être est produit par son histoire (mais histoire du sujet). S'il y a substance, c'est substance acquise, selon un différentiel. Et c'est dans la cellule de base, de la cité (la famille), par le relationnel, que le sujet se constitue. La psychanalyse a donc révélé l'historicité du sujet, sa dynamique créatrice, son lieu référentiel. C'est dans ce sens que nous définirons aussi la dynamique du sujet. Mais cette dynamique doit aussi être définie selon un référentiel logique, comme plus grand parcours, variable maximale. Or, la psychanalyse ne répond pas à cette nécessité épistémologique. L'historicité parcellaire du sujet est proposée comme nature humaine. Celle-ci est alors limitée, comme est limitée l'extension du sujet. Cette nature humaine est réduite à l'organicoaffectif, à un moment de la culture du corps. Ce stade culturel, du corps, est défini comme le corps. L'hypostase, d'un moment, est, à tort, identifiée à la totalité du parcours. Ainsi, «la nature humaine» est doublement amputée, non seulement du politique, mais du sensible. L'univers perceptif, gestuel, l'expansion du corps dans la nature naturée sont ignorés ou niés. C'est que ce mode d'existence s'ouvre sur un fonctionnel gestuel, dont la finalité est pratique. La négation de cette pratique et technicité se renforce de la négation de tout relationnel avec l'institutionnel historique, du macro-social, avec les conduites constituées par l'histoire. Le monde de la praxis est nié par l'hypostase organico-affective. Le corps est ainsi réduit à sa moindre activité ; son énergie est niée, au-delà des fixations au père et à la mère. Le corps est pure passivité ; sa réceptivité est réduite à l'univers de la sensation selon la grille interprétative des fixations affectives. Cette situation du corps 2 correspond à la situation politique de la bourgeoisie libérale ; sa passivité, sa seule réalité comme réceptivité est le non-su d'une culture du superstructural (de fonctions tertiaires), culture coupée des cultures 2. Le corps, son projet, son être sont toujours définis en tant que projection idéologique. La connaissance du corps ne peut être qu'idéologique. Elle est reflet de l'idéologie dominante et expression même de cette idéologie.
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et forces directement productives (paysan, prolétariat, grande bourgeoisie des finances). Sans l'expérience du sensible, du milieu originel, sans les moyens du pouvoir, sans l'expérience de la production industrielle, cette culture n'est qu'une double privation, non reconnue. Aussi la problématique organico-affective se fixe et s'exaspère en nature humaine qui n'est autre que le manque de toutes les autres fonctions du corps, et de la praxis. Aussi, la dynamique (variable) qu'est le corps est singulièrement réduite : le corps du sujet n'est qu'un mode partiel du corps social. Le freudisme garde cependant le privilège d'avoir défini la mutation élémentaire de l'organique brut au sens de l'organique : les fixations affectives et sensuelles selon le rôle social du père et de la mère. Cette personnalité de base est effectivement universelle. Mais comme élément constitutif d'un ensemble, et non comme l'ensemble. C'est la sensibilité élémentaire. Aussi, sa «nature humaine» sera totalement explicative de la pensée sauvage. C'est que la situation de la bourgeoisie libérale, comme négation de la praxis, est aussi la situation des sociétés non historiques, dites primitives. Tout le différentiel qu'est l'histoire occidentale est ignoré d'un corps social ; la division du travail n'a pas créé ce procès de production qu'est la logique de la production, la création d'un monde superstructural et institutionnel qui devient le référentiel du corps. C'est le seul passage de la nature au politique élémentaire qui est le commun destin et du corps de l'individu et du corps social. La prohibition de l'inceste est la fin de leur culture. Et le politique consiste à institutionnaliser cette prohibition. Le système de la parenté tiendra lieu de praxis. Si l'Œdipe est universel, c'est qu'il est l'élémentaire et le commencement. Sa perfection sera donc lorsque ce commencement est aussi la fin. La pensée sauvage finit où commence l'histoire ; la prohibition de l'inceste, alors, a été exprimée par la logique de la production. La sensibilité occidentale sera résultante de l'histoire de la production, alors qu'au contraire le système de la parenté élémentaire produit la «nature humaine» d'ordre néo-freudien3. Ainsi est justifiée l'identité de la «pensée sauvage» et de la «nature humaine» néo-freudienne. La relation entre le champ macro-social et le corps est d'ordre tautologique. Ce sont deux modes de la même entité : l'un explique l'autre, selon un différentiel modal. Il doit en être de même pour la dynamique totale du sujet, et pour la dynamique macro-sociale. La variable qu'est la dynamique, l'extension du corps, aura comme champ d'extension toute la praxis que nous avons définie. Son milieu «naturel» sera délimité par le parcours de l'histoire, des cellules de production à la production en secteur 3. L'Œdipe est la finalité de l'explication pour les systèmes de parenté du « s a u v a g e » . Pour le système de parenté historique, il n'est qu'un commencement.
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national, c'est-à-dire de l'autonomie du secteur agraire à la quasi-autonomie que sera la bourgeoisie de robe, de la fin du panique à l'entendement. Le différentiel du corps social est aussi celui du corps, selon une spécificité génétique. La sensibilité est produite, par le macro-social, selon la même logique. Qu'est donc le corps lorsque son ontologie est aussi sociabilité ?
II. L'EGO ET SES TROIS MODES. LE SENS DE LA GÉNÉTIQUE A . LES FORMES A PRIORI DE LA CORPORÉITÉ \
LE RYTHME \ PREMIER LIEN
DU DÉSIR A LA JOUISSANCE. IMMANENCE DE LA DURÉE, FONCTION, RELATION (SUBSTANCE)
La première réalité que le corps signifie, exprime, ne doit être interprétée, ni d'après la grille perception, ni d'après la grille sensation. Elle ne saurait être une autonomie quelconque de l'équipement sensible du corps. Elle ne peut être une activité synthétique même réduite à une activité, fonction, partielle. La relation personnalisante ne dispose d'aucun appareil symbolique. Peut-on dire que ce premier moment du biologique est une «finalité sans représentation de fin» ? Cette formule a l'avantage de faire apparaître le paradoxe qu'est alors l'organique. En effet, le corps ne se reconnaît pas lui-même dans ses deux moments. Le désir, l'appétence, le besoin de nutrition s'éprouvent comme manque, tandis que le besoin comblé oublie ce qui l'a sollicité, et ainsi oublie la répétition à venir. Ces deux moments se juxtaposent. Le corps est alors ignorance de leur continuité. Le désir, dans son insatisfaction, est le négatif du besoin comblé, d'une positivité, laquelle n'a pas de mémoire. Le «biologique pur» est donc la seule présence de l'équipement sensible réduit au digestif et la totale impuissance de celui-ci à être par lui-même. Il est totale passivité. Pour qu'apparaisse la relation des deux moments, mais pas encore dans un rapport de cause à effet, ni dans une subordination temporelle qui distinguerait analytiquement les deux termes, mais dans une expérience tempo4. Ces formes à priori autorisent 1 etude scientifique du corps. Elles sont les déterminations de la sociabilité. Seulement par elles le corps pourra culturellement acquérir ses fonctions «naturelles» et en particulier le principe de plaisir. 5. Le rythme est la tempora'ité originelle et élémentaire. Nous actualisons ici la culture d'avant-garde free jazz et pop-music. Nous définissons la nécessité organique qui fonde toute une esthétique. Mais pour bien montrer que c'est le lieu de la substance, de l'opacité organique, de la réaction.
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La génétique du sujet : l'accession à l'entendement
relie qui est unification, il faut la culture : l'intervention d'un tiers (mais qui ne signifie pas pour lui-même, qui n'est même pas signe) impose la régulation fonctionnelle de la consommation, intentionnalité abstraite, extérieure, qui s'impose en rythme concret du biologique. Les stimuli extérieurs, auxquels on a tendance à rattacher la projection infantile, n'interviendront qu'en tant que qualités secondaires. (La mère, elle-même, n'a pas encore de signification particulière.) Ce sont des repères qui peuvent servir de signal (réflexe conditionné), qui pourraient même se substituer à la personne, par leurs systématisation et objectivation, mais qui ne sont que la spatiotemporalisation du rythme organique, de la première corporéité. Mais ce rythme n'est pas expression autonome du corps (il n'est pas originellement dans le corps). Il ne se répétera que par la culture, le relationnel, le tiers, l'action extérieure. Le rythme premier n'est pas un fait de nature mais relation et correspondance temporelle. Cette première corporéité connaît trois déterminations à partir desquelles on pourra définir l'émotion. Le corps s'identifie à une fonction. On pourrait dire qu'il est, alors, cette fonction du corps, ce mode de la consommation. Il est exclusivement fonctionnel (tube digestif). Mais cette fonction est aussi le relationnel, l'embryon de relation. Mais cette relation n'est pas sue comme telle. Elle est amputée de sa causalité, méconnaissance de la raison de son intervention. Elle réduit le sujet à la totale passivité, c'est-à-dire au désir comme seule finalité, comme seule réalité. Cette indifférenciation des modes et des créations de l'existence, dans la totale préoccupation biologique, est l'identification de la temporalité à l'identité fonction-relation. La temporalité est aussi non différenciée, répétition, découpage du devenir en tranches homogènes. Ainsi apparaît la première corporéité : ces modalités de la durée, de la relation, de la fonction, d'abord identiques, vont se différencier pour devenir radicalement hétérogènes. Ce sont les formes à priori de la sensibilité, la première présence du corps au monde. Ainsi cette corporéité n'est substance intangible qu'en tant que commencement, début du mémorable, et non comme «nature». Le corps n'est que la commune origine, la commune identité, des modalités qui expriment la corporéité primaire. Le corps est alors lieu d'un devenir et commencement de ce parcours. Ainsi la dialectique de la croissance n'est pas le dualisme d'une spécificité organique acquise et irréductible et d'une fonctionnalité sociale très différenciée, mais le dualisme de moments différents des durées, fonctions, relations du corps. La présence charnelle que la théorie de l'émotion traditionnelle (soit de la philosophie classique et chrétienne, soit de la philosophie libérale :
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Freud) imposait réapparaît : mais sans le scandale qu'est la constante irréductibilité du corps au social. Au contraire, la corporéité est le lieu d'aménagement du pluralisme social, de ses durées, fonctions et relations. Le corps est le régulateur logique autant que l'impressionalité et le refus. Il est cause autant qu'effet. Et cette signification dépasse de beaucoup celle de la symbolique et de la sémiologie ; dans la micro-sociabilité de la cellule de base, la différenciation selon les durées, fonctions, relations, continue et constitue l'organicité, la systématique des échanges dont le corps est à la fois la cause et l'effet. La culture est dans l'être, en tant que promotion de l'organique et étymologie de la culture. Ainsi le dualisme entre l'être et le devenir est dans les modes à priori de la sensibilité. Si la corporéité est une fixation du devenir, elle est aussi consentement au devenir : le rythme recommence, mais le même. Il est l'identité dans le devenir. C'est pour affirmer l'être qu'il consent au devenir. Aussi cette forme à priori de la sensibilité est-elle alors ambiguë : conservatrice et dynamique. Il en est de même du mode relationnel : si la corporéité première est totale passivité, si elle s'identifie à la finalité, elle reconnaît aussi (et par nécessité vitale) le relationnel. Le champ de celui-ci sera le passage de la double relation affective première (enfant-père et enfant-mère) à la relation universelle d'ordre logique (universel-concret). Il connaîtra ainsi toutes les modalités de groupement, dans leurs structurations et leurs dynamiques, dans le politique, selon la classification des catégories. Le dualisme entre l'être et le devenir pourra multiplier les modes de relation. Quant à la fonction, qui sera la remontée de la finalité au moyen, de l'effet à la cause, elle se révélera comme expérience de la série causale qui permet l'accomplissement, de la pratique à la théorie, et selon un schème qui est systématique sociale de l'organisation des fonctions de la cité. Cette fonctionnalité peut ainsi se diversifier selon son degré d'abstraction et de systématisation, et selon la fonction elle-même, d'après son niveau dans la hiérarchie des fonctions sociales.
B . L'ÉMOTION ORIGINELLE : Ε'ANGOISSE ET LE SINGULIER 6 . LES FORMES A PRIORI COMME MOYEN D'EXPRESSION DE CETTE ÉMOTION
Mais si la corporéité s'exprime d'après les formes à priori de la sensibilité, cette présence au monde ne doit pas être prise pour le moi, selon l'erreur 6. La génétique du corps justifiée scientifiquement par la continuité des formes à priori de la sociabilité doit reprendre pour être complète toute la problématique
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La génétique du sujet : l'accession à l'entendement
d'une certaine psychologie de l'entant, par exemple, qui prête ses catégories et moyens d'investigation à la substantialité de l'ego. L'être au monde n'est pas l'être pour soi. Leur relation est celle de la forme et du fond. Celui-ci est l'organique, en son apparition au monde, c'est-à-dire dans sa singularisation, acte de scission, traumatisant : l'émotion. Le corps en son principe est autonomisation sans les facultés de subsistance. L'émotion est double négatif, double privation comme scission d'avec la mère et impuissance au monde. Ce n'est que dans le devenir que le singulier, le moi, s'apparaît : ce qui n'est plus et n'est pas encore, un devenir totalement dépouillé qui retrouvera en sa fin, son principe, la scission organique, mais radicale, définitive : l'agonie (et la mort). La finitude, du singulier, est dans sa naissance : la fin de la relation d'osmose est expérience de la finitude en soi de l'organique. La singularisation, le moi, en soi, est expérience suprême, cruciale, de la finitude : celle-ci est son être. Aussi l'émotion originelle sera mode de revendication du moi, du singulier. Le moi fait du traumatisme de sa naissance son premier savoir : l'impact originel sera la subjectivité en tant qu'inéluctabilité de la scission et mode d'être du singulier. Autrement dit, le déchirement de la naissance se prolongera et se répétera dans la croissance du singulier : l'impuissance ontologique, la négativité de l'être, c'est-à-dire le pur devenir, se fait mode d'être de l'individualisation. Mais ainsi le négatif retrouve une positività : la finitude passant dans le devenir se fait devoir-être, principe d'action. L'émotion est le continuum du monde utérin au monde politique. Elle veut reconstituer l'expérience cruciale du singulier. Aussi, si le corps du bébé s'identifie au rythme de la nutrition imposé par le monde extérieur, c'est qu'il recrée son expérience cruciale. Et c'est par l'échange, par un relationnel, qu'il projette, répète, ce savoir de sa singularité. L'émotion sera reconstituée dans la fonctionnalité : la faim sera le déchirement du sujet, une autre scission, un autre traumatisme dont l'émotion étymologique est la première expression. Et de même que l'échange, d'osmose, interdisait l'inquiétude, la satisfaction de la fonction calme l'angoisse, reconstitue la satisfaction prénatale. La relation d'immanence qu'était l'échange d'osmose dans le sein de la mère, peut-être restaurée, lorsque satisfait le bébé s'endort.
apportée par l'idéologie bourgeoise. L'angoisse doit donc être inscrite dans le corps mais pour montrer comment le corps s'en défend et peut la dépasser. De même pour la libido.
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La faim retrouve et répète l'angoisse, comme le sommeil retrouve le calme utérin. C'est ainsi que le corporel prend les formes à priori de la corporéité, que le fond, l'émotion, se manifeste et revendique dans ces formes. L'émotion étymologique sera immanente aux formes de l'évolution. Ainsi, la sensibilité, acte pur du devenir, unité du singulier, se manifeste et s'exprime en fonction, relation, durée qui vont se différencier en conduites. Va apparaître un dédoublement de l'acte (c'est-à-dire de la vérité organique, comme subjectivité, savoir de la finitude) et des conduites (c'est-àdire de la subsistance de ce singulier dans et par la sociabilité). Deux termes seront immanents, mais l'un comme rappel de la scission, allusion au moment de passage à la singularité, et l'autre comme négation de cette crise par le relationnel et le fonctionnel de la sociabilité. Ce dédoublement deviendra celui de la conscience, au sens de compréhension du politique, et du subsconscient, au sens de permanence d'un savoir singularisant. Mais pour que les deux termes se fassent contradictoires, le sujet devra dépasser les conduites mixtes qui constituent l'affectivité familiale. Tel sera le paradoxe de l'émotion, celui de l'immanence de l'expérience concrète de la finitude dans les formes à priori de la corporéité. L'émotion, en se provoquant elle-même, cherchera sa négation. L'affirmation du singulier n'est que projection vers l'intégration sociale, sollicitation provocative. Le moi est projection ; l'émotion est acte, intentionnalité. La corporéité est immédiate ; par les formes à priori de la sensibilité le moi trouve le moyen de son intention. Le consentement à la première corporéité (le rythme de l'allaitement) a été consentement à la sociabilité. Une volonté répétitive reconstitue la singularité originelle. Le singulier se reconstitue ; par le rythme, en effet, le devenir n'est pas changement, mais reconstitution et répétition de cette restauration.
C . L'AFFECTIVITÉ : OBJECTIVATION DE L'ÉMOTION SENSIBLE DANS L'UNITÉ DE BASE (GROUPE ÉLÉMENTAIRE) DU MACRO-SOCIAL. LA FAMILLE : LIEU DE RENCONTRE DE LA CONDESCENDANCE POLITIQUE ET DE L'ASCENDANCE DU SUJET
L'acte qu'est l'émotion en devenir, la singularité qui pour s'éprouver répète la scission qu'est son être, prend les formes à priori de la sensibilité pour se donner une corporéité. Mais de l'acte à la puissance, de l'intention à ses moyens, il ne faudra pas réifier en distance chronologique selon des moments génétiques. Nous avons vu que l'émotion est immanente aux formes à priori de la sensibilité : le devenir biologique ne s'actualise, ne s'exprime que par la
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La génétique du sujet : l'accession à
l'entendement
formalisation sociale. Il en sera de même pour la projection réalisée du moi, son extension, la famille. Ce troisième mode du moi n'est pas discontinuité ; les formes à priori de la sensibilité, la corporéité ne sont que la sociabilité, l'économie de la vie quotidienne selon une planification sociale. Mais c'est sur ce plan que l'affectivité se manifeste, c'est-à-dire l'émotion sensible, non plus dans sa seule réalité organique, qu'elle soit étymologique ou dans les formes à priori, mais dans le relationnel avec le monde constitué des adultes. De même que les formes à priori de la sensibilité ne sont possibles que parce qu'elles expriment l'émotion sensible de la scission étymologique, permettant la répétition actualisante de celle-ci, les formes à priori de la sensibilité ne sont aussi possibles que parce qu'elles sont ratifiées par la sociabilité des adultes, que parce que ceux-ci condescendent à l'expression de la sensibilité organique, et non seulement l'admettent, mais encore l'organisent, la codifient. Mais cette condescendance n'est que le moyen de l'éducation, la ruse nécessaire de l'adulte, et du collectif qui lui délègue et son autorité et sa connaissance. L'affectivité (la famille) est donc le lieu d'ascendance de l'émotion sensible et de condescendance de la sociabilité organisée. L'unité organique qu'est la famille n'est donc pas l'homogénéité naturelle mais déjà la première synthèse de la dynamique descendante de la société globale, et de la dynamique «naturelle». Elle est structuration, déjà, langage d'échanges de réalités hétérogènes. Cette synthèse est «naturelle» en ce sens que l'unification dans l'affectivité est toujours immédiate, acquise, donnée comme résultat. L'action, qu'est la synthèse, est toujours dans son résultat ; ainsi l'affectivité est homogène, mais comme lieu provisoire, nécessaire à la première rencontre, de l'émotion sensible et du collectif. Aussi, dès le principe, l'affectivité est dualité, non dite encore, entre la complaisance sensible au singulier et la volonté éducative du général.
D.
LA GÉNÉTIQUE D'APRÈS LES TROIS ÉLÉMENTS DU MOI. DU CORPS AU SUBCONSCIENT
Ainsi le moi a été déterminé sur trois plans : celui de Xémotion qu'est la scission de la naissance (l'expérience de la finitude, en dehors de toute modalité fonctionnelle, relationnelle, temporelle), celui des formes à priori de la sensibilité (de la première corporéité, être au monde, continuité de la subsistance), enfin celui de l'affectivité, première sociabilité, la famille étant le lieu d'accueil de la projection subjective. Ces trois plans sont, d'une part, dans une continuité génétique, et par ailleurs immanents, à chaque moment de cette génétique. Par conséquent.
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l'explication devra rendre compte d'une part de la successivité historique et, par ailleurs, à chaque moment de cette genèse, de la compénétration des plans. Aussi l'image épistémologique qui représente statiquement le moi en couches nous semble une réification de la connaissance. Emotion sensible, formes à priori de la sensibilité, affectivité s'interpénétrent dans le devenir, tout en conservant leur spécificité. Et les concepts opérationnels qui vont rendre compte de la genèse du sujet doivent concilier une double nécessité. D'une part, ils doivent rendre compte de la successivité et de la compénétration des éléments du moi (comme nous venons de le dire). Et par ailleurs la démarche reconstitutive, la perspective critique, l'être pour nous, celui du savoir, ne doit pas se perdre dans le syncrétisme organique, se confondre à l'être en soi. Autrement dit, nous distinguerons des stades de la croissance, dans lesquels le moi sera, chaque fois, une totalité, et par ailleurs nous donnerons le sens de cette croissance, selon un critère objectif. Ce sens est le passage de l'organique au politique par la médiation de l'affectivité. Dans le milieu familial, une loi d'intégration apparaît : celle de l'intégration de l'organique par le politique, la progressive réduction de l'étymologie émotive. Une dialectique triangulaire (père-mère-fils) marque la progression ; elle justifie la succession des stades. Son aboutissement sera, chez l'adulte, la contradiction de la conscience et du subconscient. La problématique est celle du passage du corps au subconscient. Comment l'émotion étymologique peut-elle se nier au point de n'être plus que la mémoire du corps ? Comment le corps peut-il se contrôler luimême au point d'oublier même son passé ? Comment un non-su de la subjectivité consacre le non-dit, dans le règne du politique ? Comment ce paradoxe : la corporéité se servant d'elle-même, pour se nier, s'inscrit dans l'appareil physiologique ? Comment la projection la plus intime, l'angoisse de la scission, l'épreuve du singulier, portée par les formes à priori de la corporéité, consent à l'altérité ? Enfin, comment l'émotivation, c'est-à-dire cette stratégie, économie du sujet, qui lui permettra d'utiliser son savoir organique pour se préserver de l'angoisse originelle (esthétique), ou pour réduire l'impact d'ordre politique, dans des schèmes corporels qui permettent d'assimiler ce nouveau traumatisme ? Mais l'énoncé de cette problématique anticipe déjà sur l'explication. Et réduire la problématique à un énoncé formel, c'est la faire apparaître comme trop abstraite et même gratuite. Aussi devons-nous proposer d'autres médiations, avant d'en venir à la genèse du sujet.
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La génétique du sujet : l'accession à l'entendement
III. C O N T I N U I T É
DES FORMES A PRIORI DE LA
ET DES FORMES A.
CORPORÉITÉ
MACRO-SOCIALES
L'ASCENDANCE DE L'ORGANIQUE
: LA NÉGATION DU NÉGATIF,
L'AFFEC-
TIVITÉ
C'est la négation du négatif qui est le continuum, du traumatisme étymologique, de l'expression émotive, au « subconscient ». C'est donc en considérant ce négatif au deuxième degré comme terme immanent, constitutif (qui se manifestera comme actualisation d'un acquis, de par la provocation événementielle) que l'on a pu définir la première corporéité, que l'on définira l'affectivité, que l'on a pu discerner l'aboutissement, totalement objectivé par le social, du dualisme émotion traumatisante de la naissance et formes à priori de la sensibilité, en conscience et subconscient. Ainsi, corporéité, affectivité, subconscient ne sont que des modes, différenciés, de la concentration et de l'extension, de la puissance et de l'acte, de l'intention et de l'expression, de l'affect étymologique selon une réduction, extinction, progressives de cet affect par le politique. L'acte, de l'organique, est d'abord le devenir selon le négatif au premier degré. Cet acte (le négatif) est dans le principe : il est la scission qui s'est éprouvée dès son apparition comme sa propre finalité. L'être, la singularisation, dès le début, s'apparaissent comme tels : finitude, qui a sa fin en son commencement. L'organique n'est pas le réceptable, le support d'un drame postérieur à son être, et le devenir de la chair, son vieillissement, n'est pas dû à un principe qui ne lui apparaîtrait qu'accidentellement et progressivement. Ce négatif sera donc bien plus qu'un effet de la culture familiale, un accident, dans celle-ci, qui serait repris, lorsqu'un autre désarroi évoquera le traumatisme originel, selon une analogie de situation, selon une correspondance de symboles (psychanalyse). Mais cet acte, vérité de la chair, ce négatif au premier degré, constitutif de la personne, la mort comme finalité, sont, dès le principe, niés par la culture. Cette négation du négatif apparaît dès le commencement de la sociabilité, et n'est autre que la sociabilité. Elle est déjà dans la corporéité ; celle-ci n'est que la formalisation du contenu le plus indéterminé par la rencontre de l'émotion sensible et de la sociabilité. Aussi, toutes les relations de l'acte et de la culture, le passage de l'affect étymologique au subconscient de classe et collectif, par la médiation, et la continuité, de l'affectivité familiale, doivent être soumises à un principe directeur de la connaissance : la
lsomorpbisme de la société civile et de la corporéité
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dialectique n'est pas celle d'un corps donné, invariable, d'une substance fonctionnelle, substrat de la «nature humaine» et de la sociabilité, soumis à un dressage «contre nature» d'ordre répressif. Les formes à priori de la sensibilité, en effet, sont dans le principe, constitutives de l'organique. (Le corps n'est jamais une entité qui renvoie au seul organique. Sa définition ne peut être que «métaphysique» : lieu d'un devenir.) La fonction de ces formes à priori est double, mixte : d'une part elles véhiculent l'affect étymologique, et, en ce sens, elles sont le continuum de l'être organique. Par ailleurs, elles implantent dans le corps l'être social au niveau d'une singularisation et différenciation qui sont celles des conduites particulières. L'affectivité familiale est le lieu de cette rencontre. A ce niveau, l'affect étymologique est bien sûr nié par la sociabilité (par la famille, la culture sociale par définition de personne à personne, d'homme à femme, d'adulte à enfant), mais parce que d'abord nié par la corporéité. Le devenir qu'est le corps est lieu de négation, de l'être étymologique, de l'émotion sensible. Aussi l'affectivité familiale peut-elle continuer cette négation, en s'appuyant sur le corps, au-delà du corps, par des conduites médiates qui seront à la fois la négation par la corporéité, et par la sociabilité, du traumatisme originel. L'affectivité, dont le lieu est la famille, est le lieu de passage de la nature au politique ; les formes à priori de la sensibilité autorisent ce passage d'un négatif à la négation de ce négatif. La génétique de l'affectif est définie par la structure familiale. Ainsi elle se soumet à un à priori qui est une normalisation de l'irrationnel. Dès le principe, la nature porte sa propre négation, la finitude se nie elle-même (mais dans un répétitif qui la confirme). Dès le principe, les formes à priori de la sensibilité expriment ; et elles sont le corps autant que le politique. Le corps propre (ce que serait la nature) n'existe que par l'équipement physiologique, lieu d'une expression, d'une motivation et d'une finalité dont il n'est que l'instrument, le moyen. (Mais le corps propre croit à son propre être et le revendique en tant que continuum de la fonctionnalité, du relationnel, et des durées.) L'irrationnel n'est pas seulement l'accident d'un devenir, le traumatisme comme il se manifeste pour la psychanalyse. (Les fixations ne seront que des qualités secondes de l'affectivité, un accident, mais d'une irrationalité qui, elle, est normative.) L'affectivité, comme irrationalité normalisée et localisée dans la famille, est cette variable qui circule de l'émotion concrète étymologique à la structure qu'est le couple (les parents). Le devenir, du sujet, est localisé de son principe à sa finalité, de son projet à son arrêt. L'affectivité connaît ainsi une quasiinfinité d'apparitions et d'expressions. C'est cette indétermination qui fait l'irrationnel, mais dans la nécessité d'une relation qui définit l'affectivité.
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La génétique du sujet : l'accession à l'entendement
Si l'affectivité du sujet est cette circulation de l'expérience concrète étymologique à l'expérience de la culture des adultes, c'est que les deux expériences sont homogènes. La contradiction intime de l'être originel, son déchirement, est aussi la contradiction de l'homme et de la femme, contradiction objectivée dans le relationnel du couple, contradiction des rôles sociaux majeurs distribués par la cité, contradiction du politique. Mais ces deux niveaux de la contradiction sont ceux du problème de l'organique et de sa solution sociale. Les parents sont le lieu d'accueil et le modèle du projet du sujet. Le couple objective et universalise la négation de la négation proposée par la culture de la cité à la solitude organique qu'est la subjectivité. Le couple est le projet réalisé du sujet. Par les formes à priori de la sensibilité, le corps se projette vers sa solution qu'est l'unité du couple, la fin de l'angoisse, solution politique imposée par l'ordre de la cité. L'affectivité est ce passage, de la première corporéité au couple. Cette culture de la personne est l'accession de la nature à la culture. Car pour le sujet, répétons-le, le couple est l'unité, le modèle, car principe et finalité des conduites qu'il va acquérir. Cette projection sera ainsi progressive individualisation du sujet, par la progressive individualisation du père et de la mère. Le décalage nature-culture est celui du père et de la mère ; l'affectivité sera l'apprentissage des conduites, d'abord par la complicité de la mère et de l'enfant, ensuite par l'affrontement politique, ambiguë, car contre le père et grâce au père. L'affectivité est donc le moyen d'un savoir. Cette détermination, par un parcours et une fin, est d'ordre logique. L'irrationnel n'est que le mode particulier de ce parcours, selon une infinité de possibles (les caractères), mais dans une nécessité à priori. La signification de ces possibles ne peut se substituer à celle de la logique. Les formes à priori de la sensibilité ne peuvent être réifiées en «nature». De même l'événementialité qui donne tel mode particulier est une contingence qui ne fait que donner des qualités secondes à l'affectivité.
B. DE LA CITÉ AU COUPLE, ET DU COUPLE A L'ENFANT. LE CHEMINEMENT PARALLÈLE DU NÉGATIF : LE SUBCONSCIENT COLLECTIF, LA FÉMINITÉ, L'ÉMOTION '
La structure du couple expliquera la génétique du corps puisque la finalité du corps est l'être du couple. Celui-ci est structure et dualité dans cette struc7. Comme Kardiner (Le corps dans sa société)
a pu le faire, mais dans une pers-
Isomorphisme de la société civile et de la corporéité
279
ture. Il est une structure comme consécration, sur le plan des rapports de personne, d'un moment historique. La culture qui a permis d'accéder à cet équilibre qu'est le corporatisme donne sa substance aux personnes. La contradiction entre la nature et le politique s'est réduite à la complémentarité, dans la culture familiale, de l'homme et de la femme. Un devenir, macrosocial, est devenu un être, et constitutif des échanges interpersonnels. Ainsi l'évolutif, la dynamique à venir, dans le répétitif, l'éducatif, la croissance de l'enfant, consacrent un résultat, un processus historique et les rendent irréversibles. C'est la dynamique, en effet, qui intègre un être, mi-politique, miorganique, un passé historique. Un aboutissement historique devient substance, réalité politique qui peut se revendiquer comme nature, donc ordre naturel. Et c'est la dynamique la plus intime de la cité qui revendique cet ordre acquis. Le couple affirme un équilibre entre l'être et le devenir. Cette structure du couple brise définitivement l'élan panique : le parcours de l'irrationnel n'est plus du même au même, contradiction anarchique des pulsions, mais il est intégré à l'ordre politique. L'irrationnel est cerné par la strutture, inclus : l'acquisition d'un ordre m muros nomme, détermine et intègre la dynamique d'en bas (l'instinct sexuel) et la dynamique extérieure (la praxis mondiale). Cette brisure de l'élan panique reconstitue un ordre d'affrontement, dans la cité, de la dynamique et de la structure, mais dans une contradiction du même à l'autre, d'un terme d'opposition (aux pulsions, expressions naturelles) qui est raison, politique, savoir. La contradiction est réintroduite dans la cité : le couple est affrontement de l'homme et de la femme, d'un terme exclusivement politique, maintenant, car travail de gestion de l'avoir de la cité et d'un terme qui, en regard du pouvoir politique, est totalement passif, gestion d'un lieu abandonné par l'homme (gynécée, tâches ménagères), seul principe d'une continuité biologique dont le destin est de se soumettre en soumettant sa propre chair (le fils). Cet antagonisme est celui de la conscience et du subconscient, de la cité de l'homme et de la femme. Mais ce non-dit reste à son principe : il ne peut contester la raison de l'ordre, puisque c'est par cet ordre qu'il vient d'accéder à son statut. A ce moment, la féminité apparaît dans la culture de la cité. (Dans le contexte féodal, la féminité est apparue dans un autre conditionnement et a une autre signification.) Elle est ce moment entre le panique et le rationnel, entre la fatalité de nature, (le sexe) et sa négation, mais par une raison qui n'a affronté que la réalité pective très différente, nous localisons historiquement le corps. Son historicité spécifique commence avec l'ordre de la cité (en France avec la commune) et elle finit avec la problématique névrotique du libéralisme.
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La génétique du sujet : l'accession à l'entendement
politique et qui s'oppose encore à une réalité propre à la féminité, qui a vaincu le principe de la nature mais non sa finalité. Aussi la contradiction ne se manifeste pas et n'a pas à se manifester. Elle demeure comme principe du devenir, menace que la prégnance strutturale croit avoir dominée, mais qu'elle n'a pas vaincue, qui demeure, de par l'inadéquation de son équipement d'intégration. Et la contradiction externe à la cité servira de prétexte à ce non-dit, qui l'utilisera comme subversion à l'égard d'un ordre devenu irrationnel, de par son dépassement historique. Ainsi le couple est structure et dualité, structure comme intégration d'un devenir, dualité comme présence du devenir. Cette élaboration politique permet de définir le statut de la virilité et de la féminité, d'après le relationnel qu'est le couple. C'est en effet par une détermination historique que se particularise le destin personnel d'après l'à priori naturel qu'est le sexe. La personne apparaît dans le prolongement des déterminations politiques : virilité et féminité sont les statuts politiques, les deux grands rôles sociaux, dévolus au sexe. L'individualisation, c'est-à-dire la particularisation dans la continuité d'un comportement ou la singularisation dans les moments de ce comportement, n'est que la ratification ou la dénonciation de ces deux universaux qui subsument tout geste selon une causalité extérieure au fondement biologique de ces universaux. Alors que la culture féodale est, dans son principe, culture de personne à personne, affrontement strictement politique, problématique et solution politique, dans la tension et l'affrontement, la culture villageoise, au contraire, est collective, de groupe, structure d'une quantité. Ainsi elle assure un continuum sans tragique, de la nature au politique, un transformisme, un évolutionnisme sans heurt, qui consacre une rupture mais aussi une intégration. Dans le quantitatif, le groupe, «un naturel» collectif médiatise, nous l'avons vu, le désir et sa satisfaction. La production artisanale s'interpose entre l'ordre naturel et l'ordre politique, comme catégorie autonome. Aussi un organique du collectif, non réifié encore, sans appareil d'expression encombrant, définit le lieu commun aux personnes. Ce lieu commun (organicisme) est homogène à la virilité et à la féminité. La virilité est sans agressivité, l'ordre artisanal est pacifique. Ce n'est que pour le monde extérieur (d'en bas et de la praxis mondiale) que s'exprime, dans la défensive, la fonction guerrière. L'acquisition d'un ordre in muros est l'aménagement d'une homogénéité à la virilité et à la féminité. Le refus de l'action virile est un repliement sur soi qui retrouve la passivité. Le refus du naturalisme est une action qui retrouve la virilité. Les deux termes convergent l'un vers l'autre. (Ainsi, non seulement la personne, de par l'acquisition des statuts politiques que sont la virilité et la féminité, ne cherche pas à se distinguer de ces universaux, mais encore ceux-ci convergent l'un vers l'autre, comme
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attributs de la même substance qui doit, à peine conquise, se défendre.) La dualité se ramène à une diversification du travail, des fonctions dans la cité. Si une subordination est nécessaire sur le plan politique, c'est pour structurer un quasi-égalitarisme dans la substance. Le couple est donc, sur le plan cellulaire, du plus petit groupe, de la culture la plus intime, cette dualité, de la virilité et de la féminité, qui se structure pour une fin commune : l'éducation du fils, c'est-à-dire la permanence de la cité. Sa dynamique condescendante va se prêter à la dynamique ascendante de l'enfant, à la conquête par celui-ci d'une réalité politique. Ce lieu de rencontre est le champ de l'individualisation par le pathos familial. Cette individualisation peut doublement s'apprécier, par l'apparition d'une singularité et par la continuité, l'efficience que cette singularité peut acquérir (passage de l'accident à la conduite structurale) dans le particulier. L'individualisation, à ce moment de la cité, s'accomplit en un pathos, comme lieu et comme finalité, indépendant de toute détermination contingente (que seront les fixations secondes, d'ordre psychanalytique). Cette individualisation peut être considérée comme structurale, processus type. Les deux dynamiques seront donc considérées en leur rencontre, de par la réalité que cette rencontre suscite. Rien n'est alors accidentel. Ces deux dynamiques n'assurent pas un changement qualitatif : elles sont deux niveaux de la substance, en ses deux attributs, politique et organique, qui doivent s'intégrer l'un à l'autre. Le même se transforme en lui-même, de l'utérin à 1 'intra muros, dans un décalage historique qui ne met pas en question l'utérin, qui n'est que la logique de la croissance, le consentement au déterminisme de 1 evolutionnisme, mais qui prolonge celui-ci dans le collectif, lui donnant ainsi la nécessité d'évidence et d'immédiateté dont le premier ordre politique a besoin pour se prolonger et se répéter. Aussi les formes à priori de la sensibilité et les formes sociales sont en continuité. C'est d'abord dans cet evolutionnisme, cette maturation progressive, que l'individualisation s'acquiert. Mais cette première détermination ne sera que le continuum de l'émotion, immanente aux formes, qui se manifeste dans sa constante structurale, mais aussi qui s'objective dans les formes sociales. C'est donc en fonction de cette double référence que cet évolutionnisme doit être étudié. Le syncrétisme qu'est la première corporéité va se différencier et s'objectiver : le rythme va devenir durées, le relationnel, personnes, la fonction, praxis, par la ludicité familiale. La croissance, biologique, affective, intellectuelle, de l'enfant n'est que le résultat, dans la continuité de la personne, d'une culture globale, qui structure des moments, dans une chronologie nécessaire. Et si l'enfant accumule, si sa présence est le résultat, la somme d'un
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La génétique du sujet : l'accession à l'entendement
passé, ce n'est pas comme terme autonome, spontané, mais au contraire comme terme constitué, qui subit, transmet. L'accomplissement de la personne n'est que la finalité du groupe. (Aussi «la créativité» n'a pas à être privilégiée, comme le fait une certaine perspective qui cache sous un appareil plus ou moins scientiste une volonté de substantialisation de la personne selon un à priori culturel, spécifique d'un moment de la bourgeoisie.) A ce moment de la culture bourgeoise qu'est la commune, l'éducatif ne saurait rencontrer l'accident qui marquerait, dans la croissance de l'enfant, une autonomisation qui autoriserait une étude particulière ; il n'y a pas d'opposition majeure entre la structuration et la subjectivisation. (Aussi la génétique doit être intégrée dans la structuration globale.) L'intentionnalité de l'enfant (ce terme étant pris comme finalité sans représentation de fin, et même sans représentation, comme principe, formel, d'une continuité qui ne se reconnaîtra même pas dans sa réalisation) n'a de réalité que par le père et la mère, dualité et structure. Ainsi, dès le principe, l'acte, c'est-à-dire la présence du corps dans le devenir est une différenciation. C'est le ludique, la distance dans le même, le décalage des deux attributs de la même substance. C'est le même espace qui autorise le va-et-vient, de la féminité à la virilité, et le va-et-vient qu'est l'apprentissage des rôles dans leurs déterminations les moins socialisées, institutionnelles.
IV. LE PROBLÈME MÉTHODOLOGIQUE
QUE RÉSOUT LE ROLE
PRIVILÉGIÉ D E LA TEMPORALITÉ 8 . LES D E U X DIMENSIONS TEMPORELLES : R Y T H M E ET CONDUITE. LE QUADRILLAGE TEMPOREL COMME CONSCIENCE D U TEMPS E T HIÉRARCHIE D U COMPORTEMENT Avant de passer à la genèse proprement dite du sujet, d'après la transformation des formes à priori de la sensibilité, il faut poser un problème de méthode : si chaque forme se transforme, évolue, dans sa spécificité, selon une dynamique particulière à chaque forme, c'est selon une interaction des formes entre elles, une dynamique globale qui sera constitutive dans sa finalité, d'une réalité qui échappe aux formes particulières de la corporéité pour s'objectiver dans le pur social. Aussi ce sera sur trois plans que la même 8. Par cette étude de la temporalité nous avons voulu montrer que le corps n'est jamais pure subjectivité : la cité par les temporalités est toujours présente. La temporalité pure (Bergson, Heidegger) est pure idéologie.
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intentionnalité va se manifester : évolution de chaque forme, dialectique de leur totalité, accomplissement objectif (ce dernier terme étant le structural de la dynamique). Analyse, genèse, structure sont trois avatars de l'acte, sont la corporéité comme substance devenant, constante et finalité. (La structure de l'émotion doit alors se révéler : le ludique rencontre une nécessité, les formes expriment un contenu.) Aussi ces trois perspectives doivent être développées ensemble. Cette difficulté méthodologique peut être résolue de par le rôle privilégié de la temporalité : celle-ci a été définie dans notre perspective, comme une forme. Le temps a pris forme. C'est celle que prend la dynamique macrosociale lorsque la cité s'est constituée par la fixation des rôles sociaux (virilitéféminité) objectivés dans l'institutionnel. C'est le lieu de rencontre du devenant et du devenu, du sujet et de l'objet, du structurant et du structuré, dans un impersonnel qui sera nécessaire référence pour toute subjectivité, ludicité, émotion. Ce cadre est la systématique du diachronique et du synchronique au moment le plus équilibré de la praxis (communal). Il permet donc une objectivité descriptive, un lieu objectif pour le devenant corporel, et la modalité du devenir de ce corps d'après la logique exemplaire qu'est la temporalité. La temporalité porte l'être, le fixe, l'exprime mais de par la nécessité des déterminations fonctionnelles et relationnelles. Et la triple connaissance de la corporéité (analytique du continuum, génétique totalisante, structure du résultat) montrera que si la forme temporalité est privilégiée, ses significations ne peuvent prétendre à une exclusivité explicative ou à une nécessité suffisante par elle-même : quand le sujet sera étudié dans sa génétique, il faudra donc dialectiser les formes sans privilégier, comme exclusive, l'une des significations. La temporalité, privilégiée pour l'explication, n'est qu'une des trois formes à priori de la corporéité. Le fonctionnel et le relationnel sont aussi constitutifs du sujet. Précisons la définition de la temporalité. Le lieu commun au devenir des formes, aux trois dimensions de la corporéité, aux données à la fois structurantes et structurées, est la polarité virilité-féminité. Celle-ci est, nous l'avons dit, dualité dans la structure. Ce décalage, dans la logique, devient, dans la temporalité, passage de la féminité à la virilité, sens d'une évolution, et rupture qualitative dans cette évolution. Dans une temporalité apparemment homogène, faite d'une successivité d'appréciations quantitatives et extérieures (le temps au sens le plus réaliste) apparaît une appréciation différentielle, une chronologie. Un temps de plus grande durée sera le passage de la première corporéité au sérieux institutionnel et politique, le passage de la substance, de la mère, au politique et à l'abstrait. Le sens du temps va de l'émotion brute, première, m
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à sa négation dans un continuum seulement objectif. C'est cette temporalité majeure qui donne, à priori, un sens à toute conduite ; elle est le passage d'une substantialité à un terme plus abstrait, plus politisé ; elle est hiérarchisation d'après des formes médiatisantes. Si toute conduite se hiérarchise selon la successivité dans cette longue durée-logique, chaque conduite prend aussi un sens intime selon sa temporalité propre (qui a son commencement et sa fin), exemplaire, selon un différentiel qui indique le sens, d'après la totalité, et qui donne la signification et la valeur. Ainsi trois temporalités, majeure et mineures, doivent s'interpénétrer, se raccorder ; celle de longue durée, celle de la conduite particulière (par rapport à la hiérarchie des conduites), celle de la conduite (dans sa durée propre). A chaque moment trois durées spécifiques interfèrent. Alors que chacune est déjà un mixte (virilité-féminité ; substance-politique) à des degrés différents (du plus au moins de différenciation substance-politique) en passant par l'ambiguïté, le chevauchement, la juxtaposition, etc., les trois durées se mélangent, existentiellement, en un mixte qui est un état, une existence, qui a par son organisation même une signification de conscience. Cette conscience du temps n'est pas conscience de la temporalité, spécifique, analytique, en soi, mais dimension signifiante qui ne se distingue pas du contenu fonctionnel, relationnel, des conduites. Elle apporte par elle-même un contenu propre, une temporalité globale, un sens historique de l'intimité, et elle pourrait être considérée comme la subjectivité même si celle-ci pouvait être séparée de la relation et de la fonction s'actualisant. Cette présence au devenir du devenant, distance non pas dans une durée homogène, mais selon plusieurs durées, trouve sa richesse et sa différenciation par la multiplicité des conduites qui doivent se raccorder. La conscience temporelle n'est donc pas un appareil mental à priori, qui reçoit en transformant, qui transmue les catégories, mais la faculté des diverses durées, cependant homogénéisées par leur commune référence, de s'ordonner en un continuum dont l'individu n'est que l'aboutissement. Et un aboutissement qui n'est jamais acquis, et qui ne peut s'éprouver comme existence que par l'intrusion du devenir, l'intimité à soi-même, n'étant que l'intrusion de l'extérieur. Ce n'est que par une abstraction, une intellection que cette conscience du temps peut se reconnaître : lorsque par une revendication, un accident, le moment qu'est la moindre information par les conduites laisse la longue durée dans la seule présence à elle-même, c'est-à-dire dans la vacuité fonctionnelle de la temporalité, le sentiment du temps devenant la confrontation, dans la plus grande irrésolution, de l'émotion et de la logique. La conscience temporelle, dans sa nécessité normative, est une fonction
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éthico-politique (au moment de la structuration maximale que garantit le corporatisme). Elle est le sens de l'action, le continuum de la substance ; par elle il n'y a pas de rupture mais évolution interne. Le but de cette transformation de croissance est d'amener le corps à une conduite non plus imposée, reçue, mais voulue, conduite autonome, d'une volonté personnelle, mais commune à tous, c'est-à-dire volonté générale. Mais si cette transformation est effective, c'est de par le peu de distance de la substance originelle à la substance politique (au moment communal). L'avantage en sera l'impossibilité, soit d'une fixation, soit d'une régression, de par une conduite non intégrable et traumatisante à partir de laquelle un subconscient, marginalité, puis négation, pourrait se développer dans la cité. Un autre avantage sera la forte structuration, de par la dimension temporelle, de par la solidité de l'appareil psychologique, mais qui aura comme inconvénient de devenir réification : pour tout phénomène venu de l'extérieur, non inclus dans la vie familiale et artisanale, le processus d'intégration ne marche plus, entraîne une quasi-désintégration de l'appareil psychologique, une régression globale à la nature (pathos). Ce passage, de l'émotion à la logique, détermine une dimension temporelle (qui, répétons-le, n'est qu'un mode de la totalité relation-fonction, mode immanent). Une autre dimension temporelle apparaît par le rythme. Celui-ci est aussi la relation de l'émotion organique et de l'ordre social, non plus dans le devenir qu'est la progression, négation de l'émotion, mais dans le répétitif, découpage du devenir en tranches homogènes et ainsi négation du multiple, de l'autre. Le rythme est donc l'aspect synchronique de la relation émotionlogique dont nous venons d'étudier l'aspect diachronique. Aussi le rythme, comparé à cette dernière temporalité, prend un réalisme qui en fait un cadre de la vie familiale et sociale, à la fois forme et fond de cette vie. Ce synchronique (de rythme) est une constante relation entre la logique et l'émotion, qui définit un mode particulier de cette relation, et qui se répète, invariablement, comme tel. Aussi ce cadre social (mi-social, mi-nature) est un soutien de l'autre temporalité (laquelle se trouve toujours en un lieu de relais), constante prévisible et attendue, qui permet de retrouver le même, mais dans une nécessité objective, alors que la temporalité des conduites est liberté et contingence (dans la spécificité, le différentiel de la conduite). Ces deux temporalités sont immanentes dans la conscience du temps ; de même que chacune est l'immanence (à des degrés divers) de la logique et de l'émotion, le répétitif porte un devenir, comme le devenir contient le répétitif. Le même (du rythme) et l'autre (des conduites différenciées) ne sont possibles que l'un par l'autre. Mais il s'agit du temps dans la cité : si l'évolutif peut se servir du répétitif, c'est que l'évolutif est limité, que l'ac-
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ceptation de la rythmique contient à priori l'impossibilité de quitter letre, substantiel, de la cité. Cette double dimension du temps permet donc de mesurer l'aliénation du rythme. Apparemment celui-ci est une composante de sens contraire à celle du devenir, de la désaliénation, car il suscite une actualisation biologique, qui rappelle la première corporéité, aggravée de l'inéluctabilité répétitive. Il paraît réification. Mais celle-ci est une nécessité qui, comme soutien, relais de la désaliénation qu'est la conduite diversifiée et singulière, retrouve une justification à l'égard de la logique. De plus, le rythme se dépasse lui-même jusqu'à se nier. Déjà la première corporéité est le dépassement du rythme biologique, de la pulsion sanguine, de l'alimentation, et de l'être par osmose. Ce rythme de la première corporéité est immanent au devenir ; aussi suit-il l'élargissement, l'extension, la différenciation fonctionnelle et relationnelle selon le principe de la première détermination. Il nie et prolonge le terme antérieur, l'émotion, c'est-à-dire la charge organique, qui perd de sa violence et de sa quasi-continuité, pour répandre en longueur l'apport vertical, pour mettre en extension le même contenu (la même somme). Ainsi le rythme dans sa plus forte extension est organisation de la vie sociale (de la vie de famille et de la praxis, ainsi que du divertissement légal), selon le rythme biologique et cosmique. A la limite, le rythme social pourra se substituer au découpage temporel qu'est la dynamique biologique. C'est qu'alors le relationnel et le fonctionnel ont atteint une telle organisation que leur systématique peut se répéter elle-même. Le collectif est autonome, indépendant du particulier et du singulier : la vie sociale a sa forme spécifique, elle est cause d'elle-même, selon une intrication des rythmes qui tisse la toile qu'est la quotidienneté, rythmes qui se soutiennent les uns par les autres, qui sont la pulsion biologique de l'impersonnel, et déjà une première abstraction du subjectif. La forme, sociale, est la systématique des rythmes : le biologique (corps personnel), le cosmique (les saisons, mois, semaines, jours), la praxis collective, s'interfèrent, s'entremêlent en une harmonie. Ainsi, par exemple, le découpage du jour est l'intégration par la praxis du rythme biologique et cosmique. L'habitude, fonction psychologique, consacre l'intégration de l'instinct dans la tradition (collectif) par la vie quotidienne (systématique des rythmes). Ainsi, chaque moment est la rencontre de deux dimensions de la temporalité : la temporalité propre au rythme découpe horizontalement le devenir vertical du singulier et du particulier. Rythme et conduite portent une disposition symétrique de la relation émotion-logique, mais le rythme dans le répétitif et le synchronique, la conduite dans l'évolutif et le diachronique. La temporalité est la rencontre des deux systèmes. D'une part, pour assurer un conti-
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nuum qui soit à la fois celui de la cité et de la personne, du collectif et du particulier, de telle manière que l'effort logique, leloignement de l'émotion, de la personne dans sa détermination singulière, puisse s'appuyer sur une nécessité qui maintient toujours un continuum. De même, inversement, l'insuffisance logique de certaines conduites sera soutenue et comme transfigurée par la hiérarchie rythmique, de telle sorte que sera interdite une brisure, une scission, qui seraient l'arrêt du temps de la cité. Par ailleurs, la temporalité est rencontre des deux systèmes, pour assurer le continuum interne à chaque systématique (rythmique et des conduites), du répétitif et du devenir, de telle manière que la rythmique puisse maintenir son devenir spécifique, sa propre négation hiérarchisée qui est la désaliénation du biologique en synchronies impersonnelles, le passage d'un biologique du sang à l'écologique du social, du rythme de la mère aux structures de la vie quotidienne, en intégrant, sans heurt, sans scission, la systématique des conduites. Et de telle manière que le devenir puisse assurer sa constante présence, quel que soit son moment dans la rencontre avec le rythme, en tant que spécificité et finalité logique, de telle sorte que soit interdite une brisure, une scission, qui seraient encore l'arrêt du temps de la cité. L'équilibre interne de chaque systématique, l'équilibre dialectique des deux systématiques, est celui de la cité à partir de la culture corporative ; la scission, temporelle, prise de conscience, actualisation dans le désarroi, d'une altérité menaçante se fera donc à deux niveaux : dans (décalage entre deux moments d'une systématique) et par rapport à (décalage entre les deux systèmes). Cette menace, latente, qu'est la durée extérieure à la cité, est double menace : réapparition du panique, jugulé par l'ostracisme politique à l'égard de la plèbe, résurgence d'une nature antérieure à la nature du civique, et apparition d'un effet, d'une praxis extérieure à la cité, encore non intégrée, non structurée, et ainsi négative. C'est cette double menace que le ludique actualise à sa manière : une désintégration du temps possible, c'est-à-dire un refus à la fois du sérieux substantiel de la nature et du sérieux politique, de l'émotion et de la logique, par une disposition et une connaissance qui permettent la circulation du père à la mère, de la nature à la culture, qui est autonomisation, dans l'opportunisme, de l'enfant (ou du terme privé de praxis), qui en niant chaque contradiction l'une par l'autre affirme la polarité substantielle du devenir. Cette systématique de la temporalité, comme équilibre des diachronies et synchronies, est l'équilibre de complémentarité virilité-féminité ; dans la cité les deux termes s'intègrent dans le couple, dans l'action complémentaire, sans marginalité, de la nature et de la culture. L'objectivité des temps est alors la structuration qui intègre toute subjectivité, le lieu à priori où
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l'autonomisation du sujet doit passer pour être reconnue. Aussi la temporalité est-elle l'intention même du sujet, mais réduite en tant que telle à une ponctualité, à une réduction, à un moment, à une insertion conquérante qui devra se nier pour s'affirmer, car elle ne peut prendre sa signification, sa figure, qu'en ratifiant la continuité d'une conduite qui elle seule porte, par son objectivation, une signification. Si le sujet brise la temporalité, c'est pour l'affirmer, mais en substituant à l'ordre objectif et exemplaire sa progression spécifique, la conquête d'un comportement autonome, d'une mémoire expérimentale, par une temporalité qui fera le sujet autonome. Mais si le sujet brise, par son devenir propre, la temporalité de la cité, c'est pour reconstituer dans un ordre différent des données nécessaires et objectivées, aussi capricieuses que soient leur apparition dans le continuum subjectif. Aussi, si la systématique objective des temporalités représente la structure, c'est-à-dire l'intégration de la nature à la culture, l'équilibre de l'homme et de la femme, du particulier et de l'universel, la temporalité spécifique du sujet est la dynamique, c'est-à-dire la dualité des couples précédents. Le temps du sujet est le lieu de son déchirement, de l'écartèlement de la croissance, de la dispute nature-logique.
CHAPITRE
II
Les moments du sujet 1
I. L'ACQUISITION DES CONDUITES « NATURELLES » A . L E PREMIER STADE : L'ORGANICO-AFFECTIF. LA SENSATION
1. Théorie du développement du sujet et philosophie de la nature Une théorie du développement du sujet, de ses moments génétiques est déjà une philosophie de la nature, mais délimitée à la nature du sujet. C'est seulement la génétique de ce sujet qui est notre préoccupation. Aussi, méthodologiquement, on peut préciser qu'il ne s'agit pas de suggérer une explication des données premières de la nature au niveau de l'appareil physiologique (il ne s'agit pas, par exemple, de réduire le langage psycho-socio-physiologique à des données biologiques, selon une solution soit naïvement volontariste, soit aussi naïvement positiviste, dans tous les cas non dialectique, du problème de l'hérédité des caractères acquis) et il ne s'agit pas non plus de remettre en question les réalités fondamentales de la connaissance physiologique (comme l'image, la perception, la sensation). Ces données ne devront être ni explicatives ni constitutives par elles-mêmes. Autrement dit, ces données ne seront pas à l'origine de l'explication, elles ne seront pas cause par elles-mêmes, mais elles apparaîtront dans la génétique (et nous marquerons leur rôle en soulignant certains aspeas méconnus de ces données, que notre méthode fait apparaître). Les formes à priori de la corporéité, elles, seront explicatives et constitutives et des différents moments de la génétique.
1. L'étude génétique qui suit permet de faire une synthèse très importante. Le corps-sujet, considéré comme stratification génétique de la phénoménologie de la perception (de Merleau-Ponty) sera aussi le corps de l'émotion et de l'imaginaire sartriens.
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2. Première relation : conscience-subconscient. La fonction organique (désirplaisir-sommeil) 2 Le premier moment sera le passage du biologique à l'affectif, l'imprégnation et l'identification du biologique et du relationnel. Comment le biologique est étymologie du relationnel ? Il ne doit pas y avoir de substantialisation du corps premier. Aucun à priori sensible ne doit être posé. Le problème de l'antériorité, de la première impression, avons-nous dit, est un faux problème : le corps premier est en dialectique, et avec lui-même. L'organique est d'abord le déchirement de la contradiction, de deux moments, qui, au niveau de la description, risquent déjà d'être substantialisés. Le moment de «l'innocence», car moment de l'organique, de l'être, est celui de l'assouvissement du besoin : le sensible est le positif, la plénitude. Le corps est présent à lui-même, la substance est recréée. C'est le plaisir. Et ce plaisir est oubli : le bébé s'endort. La nature par elle-même est alors oubli, est un non-savoir. Cette totalité est celle de la passivité : le bébé, allaité, reçoit. La consommation est à peine un acte, elle est reçue. La continuité, la volonté n'interviennent pas. Elle est perception, du corps passif, par une action extérieure, d'une plénitude qu'il ne savait pas être en lui. La fonctionnalité est totalité (pour nous est une «réduction», mais pour le bébé, le monde est la réalité à sucer et la succion est alors son seul être). A cette ontologie, recréation de la plénitude utérine, s'oppose l'autre expérience organique, celle du manque, du négatif. Elle est le premier savoir. Apparaît une distance entre l'appétit (première appétence) et la satisfaction ; l'expérience du désir est celle de l'insatisfaction. Elle est expérience temporelle, brisure de l'être, de la plénitude. Le temps est tendance. Ces deux moments se dialectisent : l'être se pervertit dans le temps, car il succède au désir, alors que dans le monde utérin, désir et satisfaction sont immanents, sont l'être et n'existent pas comme tels. L'insatisfaction se rappelle. Si elle tend, c'est qu'elle sait à quoi. Elle veut la satisfaction, la recréation qui sera le plaisir. (Ces termes, plaisir, satisfaction, sont ambigus, car ils supposent une représentation du sujet alors qu'il ne procède que par la nécessité de la contradiction la plus organique : la faim et la plénitude.) Cette succession temporelle est la première relation conscience subconscient. Ce qui a été oublié est recréé : le manque devient désir. L'absence de 2. L'ordre du désir naît du besoin élémentaire. La libido freudienne ne sera que dérivée de cette organicité élémentaire. Nous proposons le fondement le plus naturaliste du désir. Pour bien montrer que l'œuvre propre au corps est de le dépasser.
Les moments
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l'être est affirmée par le négatif. Il est la finalité de celui-ci. Le désir est la volonté répétitive de ce qui a été. 3. L'impuissance du relationnel ; la tentative gestuelle d'expression et son échec. Le cri comme catharsis et sémiologie Mais déjà, à ce premier stade, un relationnel, qui est tentative d'autonomisation du corps, va se manifester par le sensori-moteur. Le corps esquisse, mais avec quelle maladresse et impuissance, alors, l'acte qui par lui-même crée la fonction et l'objet de la consommation. Le geste est le passage du monde utérin au monde extérieur, la première tentative de participation au monde extérieur. Mais il se révèle impuissance totale : l'appareil physiologique est alors totale impuissance de la fonctionnalité et de la communication. C'est cette négativité, cette nullité de l'acte, qui est l'être-là du corps. Elle est comme absence de toute médiation. Mais le geste sera la première catharsis, plus exactement sa première tentative. Le spasme, qu'est le hoquet du bébé comblé, se recrée, négativement, par le paroxistique de l'appareil physiologique : cri, pleurs. L'excès de la privation est un désespoir que l'organique compense par l'excès, la libération de la force déjà contenue dans le corps. L'épuisement entraîne une résignation, une prostration qui ressemble, mais dans le négatif, au calme de la plénitude. Le corps s'oublie lui-même, dans l'épuisement du renoncement, comme dans le sommeil de la béatitude. Mais il y a eu l'acte, esquissé, mais suffisant, pour compenser, d'après la pauvreté de l'appareil physiologique, la non-fonctionnalité. Le corps a découvert une autre voie, celle de son travail pour être. Devant l'expérience du négatif, le désespoir organique, l'angoisse qu'est l'actualisation de la scission, le corps, s'il ne peut agir fonctionnellement, se dépense, libère une énergie qui lui permet d'accepter, de subir le négatif. Le geste continue donc l'intimité organique que le corps a de lui-même, et l'extériorise par la catharsis. Mais le geste est aussi le premier échange nature-culture, la nécessité du besoin, et organique, du relationnel, l'expérience du prix de la sociabilité, message du désespoir, bouteille à la mer. C'est que le cri, le pleur sont plus que la manifestation de la nature, ils en sont l'être, le savoir dans cet être d'une relation, d'un autre, non personnalisé, mais avec qui la communication est immédiate, communication d'osmose. Et le cri, le pleur, sont des protestations contre la perturbation du relationnel. Et celui-ci, à son premier moment d'extériorité, apparaît comme négatif, manque. Le sensible premier est la déficience, puis l'absence d'un relationnel qui apparaît dans la rupture avec la substance. L'expression sensible (le désespoir du corps), est alors non plus la
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tentative d'autonomisation impossible du corps, mais le premier système sémiologique. Il n'y aura pas de médiation. L'expression de la communication est la nature elle-même. La nature est comme privation de sociabilité. La symbolique est nature. Le corps ne peut se reposer sur un système de signes auquel il serait étranger et auquel il ne participerait que comme support. L'échange, l'engagement sont alors totaux : l'actualisation du négatif, le corps dans sa privation, est sollicitation de l'autre. Le négatif est désespoir ; la nature se met totalement en question pour communiquer. Elle est répétitif du négatif, sans marge, sans ludicité, sans médiation. Le corps actualise le désespoir, mais comme moyen, signe total. Ainsi le négatif, se faisant moyen de communication, devient positif. Le cri est signe. Il est le don total, la suprême incantation. 4. La contradiction du relationnel ; la frustration. Dualité du corps : le père et la mère. Le père comme champ opérationnel Mais, si le premier geste, le premier cri, sont d'une part assumation catharsique de l'organique, du désir et, par ailleurs, premier moment du fonctionnel, le corps demeure toujours dans sa passivité. La relation étymologique, ontologique, d'osmose, n'est pas restaurée. Elle est devenue relation d'allaitement, de la succession du désir et de la satisfaction. Aussi la restauration sera dans le consentement à cette passivité, au rythme du désir et du plaisir. Mais avec le savoir qu'est le cri, avec la potentialité fonctionnelle. Déjà, le corps est dans le temps, comme souvenir et comme projet. Et le savoir, qui est l'expérience de la chute de l'être au devenir, de l'immédiat à l'altérité, est consentement au répétitif, au rythme, mais selon le relationnel. Car la relation est rétablie à des niveaux différents ; de l'être au devenir, de l'osmose à fa relation avec la mère. L'ontologique, avec sa polarité désir-plaisir, se déplace dans le relationnel. Celui-ci sera donc ambigu, puis contradictoire : la mère donne le sein, la vie, le plaisir. La reconnaissance et l'amour seront donc la démarche de personnalisation de la mère. Mais comme corollaire, le négatif sera aussi identifié à l'autre, deviendra catégorie relationnelle. Le négatif du désir (quand il est pure ontologie) devient frustration, animosité, répulsion quand il est relationnel. La distance entre le désir et l'objet s'apparaît maintenant comme frustration ; elle n'est plus l'organique, mais l'autre. Ainsi, la polarité entre le manque et le plaisir, d'abord expérience temporelle du corps, devient la contradiction du relationnel. Le corps a déjà le relationnel comme finalité, parce que le relationnel est devenu le lieu de la nature. Comme le corps ne se pose que les problèmes qu'il peut résoudre, son problème de la faim se fait celui de l'inquiétude, sa latence, et ce qu'il veut, c'est
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autant la garantie de la consommation, par son organisation rythmique, que la satisfaction elle-même. Ainsi le corps expérimente deux niveaux de contradiction. D'abord, la contradiction la plus organique entre les deux moments de la fonctionnalité, entre la satisfaction et le désir, entre conscience du temps (désir) et subconscient (souvenir de l'être). Cette dualité, purement organique, est décisive car elle définit la première relation nature-culture, et la structuration consciencesubconscient, bien avant les déterminations (fixations) psychanalytiques. La deuxième dualité, qui ne fait que prolonger, et répéter (mais dans un autre système) la première, est (dans le champ homogène qu'est l'identification de l'organique et du relationnel, dans la totale relationnalisation de l'organique, l'échange devenant le champ d'action du corps, dans le monde de l'affectivité), celle de la reconnaissance et de la frustration, le manque devenant frustration, et la satisfaction reconnaissance. Et ces termes ne doivent pas être pris dans un sens empirique : ils sont la polarité de la seule dynamique autorisée au corps à ce moment de sa génétique. C'est là, la signification de ce moment, pour le sujet, qui ne personnalise qu'au niveau de la reconnaissance des signes, qui ne reconnaît que dans l'empirique, mais selon une polarité qui dépasse de beaucoup cette sémiologie du sensible immédiat. La fixation au niveau des personnes n'est que la continuité rythmique qui garantit la permanence organique du sujet. L'individualisation de la mère n'est alors que «l'universalité» du sein, du geste nourricier, dans la reconnaissance d'un répétitif, d'un rituel qui n'innovent jamais, mais qui rappellent toujours. Si le père pourra être plus tard identifié au rôle de la mère (pénates) et rassurer, au niveau du premier stade organico-affectif, c'est sur lui que se fixe nécessairement l'animosité, la haine de la frustration. D'abord parce que le père se révèle perturbateur de la consommation, enfin parce qu'il en vient à l'interdire (au niveau du sevrage). Dans l'univers à deux personnes du bébé, le retard de l'allaitement, ou la perturbation au niveau du rituel rythmé, ou son oubli, deviennent un rapport de cause à effet avec la présence du père. Celui-ci évince l'enfant de l'univers de la mère. Mais ce n'est pas encore comme rival sur le plan affectif, mais comme gêneur, perturbateur de la consommation. Et c'est à partir de cette situation que se personnalisent le père et la mère. Car d'accidentel, le rôle du père devient interdiction de la consommation, destin. Dans le parcours de l'organico-affectif (dans le premier stade), la mère est à l'origine, répétitive, satisfaisante, le père est à la fin, comme interdiction et dépassement de la relation d'allaitement. C'est de lui que vient le rappel de la nécessité du sevrage. Et si c'est par un circonstanciel qui semble accidentel (scène, etc.), si c'est par des pressions qui ne viennent peut-être pas de la personne du père, c'est toujours la coutume de la cité, l'ordre et l'ironie de l'homme, impatient
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d'enlever l'enfant à la mère pour assurer son éducation de citoyen, la succession du métier, l'héritage, etc. Aussi, le premier stade de l'organique qui s'identifie au relationnel, dispose la contradiction, en leur lieu de rencontre, l'affectivité, en amour pour la mère et hostilité pour le père. Mais cette contradiction est d'ordre logique : c'est elle qui marque le commencement et la fin d'un moment. Et si l'attachement à la mère est fixé à la personne, est connu, l'antagonisme à l'égard du père n'est pas symétrique. Il reste d'abord au niveau d'un non-su, d'une non-actualisation. Le père reste l'ignoré ; s'il est le perturbateur, c'est souveftt d'une manière médiate (pas nécessairement dans l'existentiel immédiat) et par les formes de la culture, dont il est le dépositaire, mais pas nécessairement la manifestation. Le manque qu'il apporte, la frustration reste donc dans l'indéterminé. De plus, le père est le principe de la dynamique, il apporte l'événement. S'il brise le monde de la consommation, c'est pour que le sujet puisse dépasser l'angoisse fondamentale de ce stade, c'est pour l'éduquer et le préparer au stade sensori-moteur, à la fonctionnalité qui s'autonomisera en créant elle-même l'objet de son besoin. Aussi, si sur le plan logique, le père est à la fin de la consommation, si, interdisant la passivité de cette consommation, il est la cause de la frustration, sur le plan de la génétique du sujet l'ambiguïté à l'égard du père se fait constitutive et dynamique. Alors, on ne peut le haïr et on ne peut l'aimer. C'est un terme qui se refuse à la personnalisation dans le cadre de l'antagonisme affectif. Si le contraire de l'amour est la haine, son contradictoire est l'impersonnel de l'universel dont le père est le représentant. Terme dynamique qui ne peut être réduit et fixé à une relation paroxistique ou répétitive, pour le bébé, il reste un champ opérationnel, un lieu de devenir. 5. les fixations freudiennes comme qualités secondes de l'organico-affectif. Le circuit politique qui véhicule les fixations ; le corps n'est qu'un relais C'est dans ce champ logique de l'organico-affectif, de son principe à sa fin, selon l'antagonisme, pour le sujet, du père et de la mère (aigu ou latent) qu'il faut délimiter le rôle des fixations définies par la psychanalyse. Ces fixations orales, anales, génitales, qui plus tard, au niveau de l'adolescence et des conduites de maturité, orienteront le comportement sexuel et sentimental, sont des fixations substantialisantes pour la psychanalyse. Le corps, par l'acquisition de son appareil physiologique, se fait pouvoir de décision de ces conduites adultes. L'explication du comportement politique est donnée par l'antéprédicatif. Or, c'est exactement le contraire qu'il faut faire : les fixations ne doivent pas expliquer les comportements adultes, mais ceux-ci doivent expliquer les fixations secondes du champ organico-affectif. L'organique est alors
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plus grande réceptivité : sa progression génétique a besoin de se repérer, de s'identifier selon le référentiel père-mère. L'intentionalité du corps prend forme. La sensation se déplace selon la progression fonctionnelle du corps, dont les parents définissent la progression. La matière organique prend forme selon le référentiel, l'attitude des parents. Ces fixations ne font qu'actualiser le relationnel particulier des parents. La plus grande malléabilité se fixe selon le seul relationnel proposé. Car c'est la situation des parents, la relation particulière du père et de la mère, conflictuelle, indifférente, haineuse, qui est le modèle de projection-imitation de l'enfant, qui conditionne le comportement particulier du père et de la mère, à l'égard de l'enfant. Et même si l'enfant n'est pas le témoin des rapports entre les parents, il est, en dernière instance, l'objectivation des attitudes du père et de la mère. Ainsi, la progression génétique est synthétique : la fonctionnalité (du corps) prend une signification selon le relationnel (de l'enfant aux parents selon les relations des parents). Il ne faut donc pas prendre la cause pour l'effet : c'est le relationnel, familial, qui explique les fixations. Alors, cellesci peuvent expliquer les conduites adultes. Et cette circulation de la causalité doit remonter à son origine : le mode du relationnel, la structure du couple vers lequel le corps se projette, est d'origine macro-sociale. Le relationnel des parents prend son contenu selon les rapports de classes, selon la détermination politique, particularisante du père et de la mère. Les déterminations économico-politiques se micro-sociabilisent dans le relationnel, d'époque, de l'homme et de la femme, selon une mutation des catégories originelles, en relations singularisantes, privées, d'affinités ou d'antagonismes. Tel est donc le vrai cycle des fixations : leur origine est l'économico-politique, le macro-social, qui se reconduit, selon d'autres modalités dans le relationnel micro-social : homme-femme, couple, père-mère. Ces conduites se reconduisent dans les fixations organiques du bébé, de l'enfant. Puis celui-ci reconduit cette organicité acquise dans les conduites romanesques de la vie adulte, et selon les modèles culturels, macro-sociaux, de l'époque. Et par ces conduites il rejoint le macro-social économico-politique. Les fixations organiques ne sont qu'un passage, un lieu, une répétition, dans le circuit de distribution des significations. Ce cycle de mutations, du politique à l'organique, de l'organique au politique, est le lieu de la liberté. Car les quatre moments de la véhiculation (macro-social — couple — enfant — conduites sexuelles et romanesques) autorisent un aménagement du reçu, une modification à chacun des moments. Ainsi, par exemple, au niveau du couple, quel que soit le conditionnement antérieur, la relation particulière du duo aménage, transforme,
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selon sa dialectique propre, selon les particularités. Et le passage d'un moment à un autre retransmet la modification, autorise, par définition, la mutation. Cette liberté n'est autre que le pouvoir du politique sur l'organique : l'élaboration du subjectif selon le collectif. (Cette liberté a déjà été définie en son principe selon le champ logique de l'organico-affectif, complexe d'Œdipe restauré, selon que le conflictuel avec le père s'actualise dans une situation paroxistique, soit qu'il reste latence. Et nous verrons, à partir de cette logique, la dualité des conduites de maturité du sujet.) Ce cycle de distribution du même, selon les moments du sujet et selon l'histoire, est un autre aspect de la problématique de l'être. Nous n'avons fait que révéler sa nécessité politique ; toute une systématique de l'occultation (idéalisme) devrait être écartée pour étudier cette structure. L'interprétation freudienne est donc un abus de pouvoir du politique, de la bourgeoisie, du libéralisme : elle ne constitue pas la subjectivité selon la ratification du destin politique de l'organique, mais selon une intervention abusive, qui veut reconduire un accident, du social, comme destin du sujet. Alors le politique, qui dispose d'une autorité de classe (à ce moment remise en question, car les justifications de la psychanalyse sont issues d'une crise, d'une classe sociale dont l'autorité n'est qu'usurpation, imposture, à l'égard d'une praxis mondiale qui rejette la culture de classe qu'est le libéralisme concurrentiel) veut forger l'organique à son image, lui insuffler un sens, lui injecter un contenu. Pour briser l'opposition en son principe, l'intimider en lui présentant comme fait de nature une culture déjà raffinée, et en opposant à la contestation matérialiste, révolutionnaire des déterminations dites naturelles, combien différentes de la science de la nature qui est le fondement de la théorie révolutionnaire. 6. Le ludique comme première liberté du corps. (De la succion au contrôle du sphincter. Le négatif comme monnaie d'échange.) L'objectivation du relationnel Mais, si les fixations psychanalytiques sexuelles restent des qualités secondes de l'organico-affectif, si elles ne font que singulariser, personnaliser, dans l'ordre logique de ce stade de la génétique, elles montrent (après une critique qui démasque leur interprétation politique et réactionnaire) l'extrême importance du politique, qui est constitutif de l'organique. L'affectivité est la rencontre de l'organique et du relationnel ; c'est le sujet qui les unifie et les synthétise, dans le sérieux du destin. C'est lui le lieu du drame cosmique et politique car lieu de leur rencontre. C'est qu'il acquiert, par sa culture, une liberté, un choix de possibles, et une intériorité, qui lui permettent de gérer son
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être. Et, au niveau de ce stade, aussi sommaire que soit encore l'équipement organique du sujet, celui-ci peut disposer d'un jeu, d'une distanciation entre l'organique et le relationnel, comme, et c'est son mérite, la psychanalyse l'a montré (mais sans doute dans une autre perspective que la nôtre). Une expérience du corps et une expérience de l'autre sont acquises. Et le sujet peut en disposer, décaler ou inverser les termes, faire de la fin un moyen, ou du moyen une fin, dans cette première liberté qui s'apparaît comme ludicité. C'est le moment de la personnalisation, et de l'autre et de soi, le savoir d'une distance entre l'organique et le relationnel, entre la sensation et l'échange. (Cette ambiguïté sera constitutive du plaisir, déchiré entre l'être et le devenir, la sensation et l'autre.) L'affectivité est un moment de compromis. Elle ne peut être une fin. Aussi ce savoir va-t-il autoriser une relationnalisation du sensible, du corps premier. Le geste (dont nous avons vu la débilité et l'incapacité, au niveau du sensori-moteur) va pouvoir prendre un sens, au niveau de l'intimité intérieure, du savoir organique, car il sera finalisé par l'affectivité. A l'impuissance du geste à suppléer l'autre, à atteindre l'autonomie fonctionnelle, qui cherchait dans l'épuisement organique, dans la déperdition énergétique, la catharsis, va succéder une autonomisation du corps, spécifique du premier stade, une utilisation du corps comme langage organisé de l'organique. Le corps est être pour l'échange. Et ce savoir, puisque acquisition pratique, est acquisition de la présence au monde. Alors le corps devient réceptif, le sensori-moteur peut s'acquérir. De la succion aux fèces, nous avons deux repères empiriques qui délimitent le destin organique. De la plus forte passivité à la première symbolique d'échange, inventée par le sujet, de la consommation la plus immédiate, recréative, au contrôle du sphincter, à la négociation, à la valeur d'échange du négatif, ces termes empiriques délimitent le parcours de l'organique, la transmutation propre au corps, le savoir organique. C'est la logique du premier stade (qui dans le diachronique met en dialectique l'organique et le relationnel, comme affectivité, qui nous est déjà apparue, dans la dualité de la satisfaction et de la frustration, du père et de la mère) qui maintenant nous apparaît dans le seul continuum du corps, dans l'acte qu'est le corps, l'intégration du devenir par l'être, le savoir du relationnel par le système digestif. De la bouche à l'anus, de la préhension de l'être à la restitution du négatif, l'échange qu'est l'affectivité, relationnelle, objective, mondaine, est devenu l'échange dans le corps, la transmutation, par le dispositif ontologique intime, l'opérationnel qui capte le positif, utilise son potentiel re-créateur et énergétique, et rend son négatif comme réponse positive, reconnaissance, en acceptant de ne plus se salir (rétention, défécation et miction régularisées).
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Le relationnel est intériorisé, l'échange entre l'être apporté et le négatif rendu est l'ordre organique, la bonne santé, l'acte propre du système digestif, qui n'est plus lieu de passage, mais négociation par l'organique de l'organique comme reconnaissance, dialogue positif avec l'autre. Le négatif, valeur d'usage, se fait valeur d'échange. Entre les deux est la volonté, le volontarisme du sujet, qui fait de son choix une nécessité, plus qu'une habitude, un réflexe. Cette maîtrise du corps, à partir de laquelle tout l'équipement physiologique pourra passer de la puissance à l'acte, est l'acquisition par le corps d'un rythme propre, l'acquisition de son acte fondamental, d'un savoir, venu du politique, insufflé par le relationnel, qui le coupe, l'éloigné de son angoisse, elle aussi fondamentale, de la seule confrontation du manque et du sommeil, qui se substitue à la première dualité, qui devient dualité du relationnel et de l'organique, mais selon une distribution qui fait du sujet l'organique, seulement passivité et fonctionnalité. Maintenant le corps a intégré, assimilé le rythme de la consommation, qui est devenu son rythme propre, sa connaissance et sa volonté. Le corps se sait répétitivité, mais de lui-même, de son acte. Et si ce savoir est le plus bas degré de la connaissance, car c'est celui des tripes, de la fonction organique, il est totalisant, car le désir connaît sa négativité, et celle-ci peut être régulatrice de la consommation. 7. Le parcours (provisoire) de la relation conscience-subconscient. sevrage. La sensation comme ponctualité recréative du premier moment
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Cette structure de l'organique, comme rythme acquis, n'est que modalité relationnelle, mais celle-ci est alors modalité essentielle de la structuration affective. Le premier stade de la génétique est toute une stratification affective qui renvoie à une dialectique conscience-subconscient. D'abord distance dans la fonction, entre le plaisir et le manque, cette dialectique, de l'être et du devenir à son premier moment, absorbe l'affectif dans la sensation, l'opacité ontologique. Puis la distance linéaire, encore, entre le père et la mère est la première autonomisation du sentiment. La sensation se charge d'affectivité, de l'ontologique passe au relationnel. La relation conscience-subconscient est alors celle de la présentification de la mère, comme référence constante de la sensation (et reconnaissance) et celle d'un devenir ambigu, qui peut briser la répétition mais aussi libérer de l'angoisse que la mère ne peut entièrement chasser. Le corps confronte alors l'étymologie et la fin (provisoire) de son parcours, la sensation recréative et le rythme acquis ; les deux termes étant immanents à la même durée biologique tendraient à équilibrer la rétrospective sensible et la dynamique politique. Mais entre le plaisir et son corol-
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laire, l'angoisse, et le rythme et son corollaire, l'acte, l'équilibre va se rompre au profit de la dynamique. Le sevrage, non comme fait empirique, mais comme mesure objective que le relationnel impose, peut être la brutale rupture avec la sensation. C'est une autre strate qui commence, pour nous, pour le découpage descriptif, mais la continuité vitale est doublement maintenue. D'une part, par la fixation à la mère, comme appartenance ontologique, ontologie dont le rappel se fait de plus en plus ponctuel, comme déplacement de la relation conscience-subconscient, le monde de la seule sensation tendant de re-création encore possible, à devenir passé, actualisation localisée à la seule sensation, qui devient alors équipement physiologique et non-permanence de l'être. Et par ailleurs selon la dynamique du père, à laquelle par la régulation du négatif (fèces) le bébé a déjà consenti, de par l'acquisition du pouvoir qu'est le rythme, la création d'un temps propre qui peut être le lieu des événements, de l'être, qui intègre la durée impersonnelle de l'espèce pour en faire la conscience du sujet. D'ailleurs, du premier au deuxième stade, le sujet ne quitte pas la «nature». Entre l'intimité intérieure qu'est l'aménagement de l'organique par l'affectif, et l'intimité extérieure qu'est l'intégration du corps à la nature constituée, (biosphère), le corps ne fait que passer d'une nature naturante à une nature naturée. C'est déjà au premier stade qu'il a acquis le rythme, le découpage du devenir en répétitif créé par le corps. Et c'est par ce mode, à la fois d'être et de connaissance, qu'il participera au monde cosmique. Mais à ce niveau le corps va révéler une autre potentialité : le sensori-moteur ; l'expression corporelle devient le deuxième moment de son destin. Le geste sera l'autonomisation véritable. Le corps se libère à l'égard de la mère, car il pourra se suffire. Aussi, s'il y a continuité du rythme, il y a aussi saut qualitatif (car dualité des moments, mais complémentarité génétique) au niveau de la finalité du corps : au premier stade, il est la sensation, au deuxième stade, il est la perception. B. LE DEUXIÈME STADE : LE SENSORIEL-MOTEUR. LA PERCEPTION 3
1. La motricité (l'expression gestuelle) 4 a) Problème de la connaissance. L'identité du temporel et du spatial : la morphologie du geste Le corps a deux moments qui se complètent : la perception sera d'abord l'acte 3. Nous n'avons peut-être pas assez insisté sur l'antagonisme des deux principes du corps : actif «la perception», passif «la sensation». C'est dans et par le corps
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de la sensation. L'être sent et peut. Et si, dans la nature constituée, les deux termes nous apparaissent comme spécifiques, c'est que nous privilégions, analytiquement, leur seule valeur opérationnelle. Et cette distinction fonctionnelle peut même se réduire à une subordination chronologique, puis à une expression logique : sensation et perception seront les attributs de l'être (comme corps). La génétique du sujet doit montrer comment le corps acquiert son statut ontologique ; que l'actualisation, dans la chronologie, du potentiel du corps, n'est possible que par la continuité, non pas d'un principe abstrait, comme l'élan vital, mais d'une connaissance privilégiée, d'une forme à priori : du rythme qui est organique, mais acquis. Ainsi le problème de la connaissance se précise. Les problèmes de l'adaptation de l'homme à son milieu, de l'adaptation du corps à la culture, de la perception du monde extérieur, seront étudiés en référence à cette forme, à ce rythme. Le corps est dans la nature, il est nature. Il connaît parce qu'il participe. Le problème est de savoir comment le corps peut se détacher de la nature, comment le corps accède au savoir, et quel est le mode de connaissance de cette nature aux différents moments de la genèse du sujet (et aussi de la dynamique du macrosocial). Aussi nous ne nous délimiterons pas à la seule problématique de la psychologie constituée : comment se constitue la perception ? Mais comment le sensori-moteur est conquête de l'autonomie du corps, et en replaçant ce moment dans la totalité génétique, comment l'expression corporelle est médiation, entre la fonctionnalité organique et la praxis. Le gestuel est alors acte, présence totale du corps au moment. Le morphologique, au moment constitutif du gestuel, est révélateur de cet acte. Une fois constitué, sans doute, le gestuel n'est plus qu'une forme acquise, qui n'est plus révélatrice du sujet, de son intentionalité, qui n'est plus qu'un complément allusif au discours du sujet, qui n'est plus qu'un arsenal où le geste mondain saura puiser. Mais au moment génétique, le geste dit l'intention et l'intentionnel ne peut être que le gestuel. La dynamique temporelle est dynamique dans l'espace, la dynamique du sujet est le franchissement spatial. Cette identification de la tempo-
que se fait l'arrachement à la substance. Par le sensori-moteur le corps se fait autonome : la praxis lui permettra d'assumer ses besoins. Il est alors libre car il a quitté la passivité du plaisir. 4. Le monde du sport (cf. les revues des professeurs de gymnastique, les livres de Le Boulch ; les études en Allemagne de l'Est et en U.R.S.S.) a beaucoup apporté à la connaissance du sensori-moteur. Ce qui est ignoré bien sûr de l'intelligentsia, qui préfère l'expression corporelle du zen ou du Living Theater (maniérisme ou passivité du corps).
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ralité et de la spatialité, du rythme et du geste présente, méthodologiquement, un avantage sur le plan de la connaissance : le corps ne dispose pas encore de sémiologie, la symbolique est l'expression corporelle non pas comme référence, allusion, mais comme acte, engagement organique, sans restriction, sans ludicité. Le drame du devenir et sa problématique du moment seront donc totalement exprimés par le gestuel, et connus par le regard. Sur le plan de la connaissance, on peut voir aussi le constitutif du geste, et celui-ci acquérir son utilisation dans le répétitif, comme référence à soi-même, conservatisme ontologique, en même temps qu'effectivité sémiologique. C'est de cette ambiguïté que naîtra une systématique des signes, qui, sans quitter le sensible, et participation au sensible, est déjà un premier réseau relationnel, objectif, bien qu'encore immédiat, geste pour le corps et geste pour l'autre. Le corps est donc d'abord sa propre action ; il se crée pour se servir de luimême, il est fin et moyen. Aussi la progression, le passage du premier stade au deuxième, est continuité de la finalité du sujet, de son intention de dépasser l'angoisse organique du manque. b) La motricité du corps : rencontre de la praxis et du cosmos L'acte propre au corps est la motricité parce que c'est par elle que se rencontrent, s'harmonisent, se synthétisent, se fondent deux ontologies combien différentes : celle de la praxis, du geste fonctionnel, l'automatique conquis par la cité devenant organique, et celle du cosmos, de la présentification des éléments, de leurs émanations diffuses et combien mystérieuses de par la science positiviste et pragmatique, qui veut les ignorer. La motricité prend forme par la praxis, mais commence par les sens. L'unicité qu'acquiert le corps, comme homogénéité et autonomie, n'est, à ce stade, que l'acte complet qui permet le passage de la nature sensible à la formalisation sociale. La motricité est donc, d'une part, fin du sensible du seul organico-affectif et par ailleurs commencement du social. Par la motricité, l'excitation naturelle se reconvertit en dynamique sociale, en passant par-dessus le premier stade, en créant une autonomie à l'égard de ce stade. Par le musculaire, le corps s'éloigne de la sensation étymologique, en créant une autre sensualité, celle de la transmutation, de l'opérationnel, qui recrée, intègre l'énergétique cosmique en geste social. Mais cette adaptation, cette fabuleuse transformation des éléments en gestes, par la médiation de la motricité, doit être immédiate. Le geste doit être la plus fidèle présence au temps. L'adaptation n'est pas rupture, heurt. Elle porte la transition en elle-même, et cette transition est le corps, la motricité qu'est le corps. (Ainsi l'acte du corps, la motricité, est l'acte total, pour le corps, mais aussi pour la dialectique nature-culture, au niveau de leur nouvelle
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rencontre.) La motricité est donc la fluidité, le lieu de changement, l'adaptabilité au pluri-dimensionnel, au multiple. Et pour l'homme, le geste n'est plus le réflexe, car sa nature n'est plus dans la nature : la forme est déjà son geste. C'est ce décalage, du réflexe et du geste le plus immédiat, qui autorise la malléabilité. C'est par lui que la motricité s'ouvre sur un champ immense de possibles, sur une conquête quasi infinie de la «nature humaine» sur la nature. Paradoxalement, c'est parce que l'homme a perdu l'immanence à la nature, qu'il n'est plus réflexe conditionné par le cosmique, dernier moment, ou relais dans un système quasi mécanique de stimuli et de réponses, qu'il peut acquérir une potentialité physique, par la motricité, par le musculaire, et acquérir son corps. (Ce corps sera son projet, son avenir, selon les modèles culturels proposés. Par exemple, à notre époque, le champion sera le spectaculaire reflet de la culture corporelle qu'autorise la société industrielle. C'est que, symétriquement, la praxis est ce champ de possibles dont le corps est le lieu. La praxis est changeante, et pour autant que ses mutations soient lentes, ainsi le gestuel du paysan, c'est elle qui transmue le geste, propose sa forme. Le corps se libère de la nature, de la nécessité première de sa forme, par une praxis quasi immanente au cosmique, pour être sa propre nature, c'est-à-dire son acte.) Cette malléabilité de la motricité est donc la faculté d'adaptation, par le corps, de l'être et du devenir, le premier lieu d'intégration de la praxis et du cosmos. (Comme image de cette rencontre, on pourrait proposer le paysan dont la praxis prolonge, continue le cosmique, n'est que consentement à l'ordre naturel.) Par la motricité, le corps est cire molle, disponibilité totale à lui-même et au monde extérieur. c) La continuité du premier et du deuxième stade : la motricité est immanente au rythme. Le «nationeh mémoire des deux premiers moments génétiques Au niveau du deuxième stade, le sensible est donc le continuum : cosmos (éléments), corps (motricité), fonctionnalité (formalisation sociale du geste). Etudier la perception, comme fonction autonome, c'est penser le corps comme centre de décision du sensible, volontarisme du corps qui invente, par luimême, la connaissance ontologique. Mais avant d'étudier cette autonomisation du sujet, qui effectivement est une unicité, il faut replacer la perception dans la totalité qui ne fait du corps qu'un relais, une médiation. L'action du corps, au niveau de la perception, est une actualisation de tout ce processus, une autonomie, mais après tout un dressage, un brassage du cosmique et du formalisme. Le corps naît à la perception dans cette macro-perceptivité. Et le problème de la perception est celui de son individualisation : comment le corps se coupe-t-il du «discours» cosmique, pour s'approprier
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seulement certains de ses signes ? En fonction de quelle économie ? Le problème de la perception n'est donc pas : comment le corps apprend à percevoir mais paradoxalement comment il cesse detre pure perception, d'être somme de réflexes, comment il impose son propre rythme au rythme cosmique, comment il se conquiert lui-même sur le corps de la nature. C'est que le corps, par le rythme, est déjà consentement au relationnel, acquisition affective devenue organique, le corps propre, en acte, luttant contre son passé ontologique, étant en quête d'une plus grande sociabilité, que la formalisation de tout geste lui propose, dès le principe du geste. Lorsque le corps décide de son destin par la motricité, son éducation est déjà faite. Et la perception est le résultat de cette distanciation. La perception est la distance du corps et de la nature (deux moments encore homogènes), mais qui est déjà distance entre l'être et le savoir, entre le réflexe et le geste. De la participation, de l'immanence, le corps est passé par une démarche critique venue de la sociabilité (donc le double aspect est alors l'affectivité et la formalisation gestuelle) à une disponibilité sélective, à une différenciation hiérarchisante des stimuli selon une fonctionnalité sociale à venir, mais déjà présente dans le moindre geste. Le corps est alors dans une nature naturée, constituée parce que la perception est constituée : les choses le sont devenues parce que les sens les ont constituées, fixées en une privation de la dynamique que le corps a confisquée à son profit. La perception fige la nature, devient regard ; le corps se sert, pragmatiquement, de la nature. Les sens sont déjà une réduction à priori de l'infinité cosmique, selon une fonctionnalité immanente à la praxis et quasi originelle. La nature, connue par les sens, la nature originelle, la plus lointaine des natures connaissables, est déchiffrée selon une grille mixte, naturelle encore, mais déjà fonctionnelle. Et si la nature que délivre la perception est une nature constituée, décor figé, c'est que le corps, immanent à la nature dans la génétique (génétique du premier stade et du deuxième stade) s'étant, par le relationnel, déjà coupé de cette génétique, n'a plus à faire à la nature que comme spatialité, lieu à occuper par la motricité. La nature de temps vécu est devenue espace à occuper. Lorsque le corps dispose de la dynamique (par le mode qu'est la motricité), il subordonne son passé, la nature naturante, le biologique élémentaire, le réduit à une catégorie de son action, en fait un terme réifié, toujours immanent au sujet, mais opérationnellement, comme actualisation, intentionalité à l'égard de l'espace. La nature n'accapare plus le sujet, elle n'est que ponctualité de sa durée. C'est la perception. Lorsque l'acte est accompli, que la perception n'est plus que le rappel de son résultat, le sujet a donc relégué dans son passé ce qui est la nostalgie de
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deux moments de la nature : le stade génétique, l'immédiate relation à la mère, et le stade du sensori-moteur, l'immédiate relation à la source cosmique. Le sujet ne retient de ces deux moments que leur signification opérationnelle, la sensation et la perception, qui permettent la participation sans l'engagement total du sujet, qui autorisent sa disponibilité au relationnel et au fonctionnel (mais de la praxis). En même temps, le corps se libère de l'ontologique, consent à une dynamique qui n'est que consentement au sérieux politique (distribué à ce moment par le rôle social du père), peut passer à une culture du corps pour le corps, à un dégagement même du gestuel pratique dans l'invention qu'est le geste mondain, et surtout dans l'invention du gestuel sportif, qui sera le moment dernier de la désaliénation du sensible, le geste n'étant plus moyen, mais sa propre fin, étant une praxis constituée par lui-même et pour lui-même. Mais les deux moments génétiques relégués dans le passé deviennent subconscient, mémoire que seule la poésie pourra actualiser. La nature, deux fois niée, la nature naturante et la nature naturée, retrouve son unité dans la nostalgie du sujet, que la mythologie, mémoire collective, symbolise. Mais si le mythe redit, c'est à travers un circonstanciel politique qui montre l'irréductible immanence du relationnel à l'organique, c'est déjà par une volonté de restauration qui reconstitue le négatif du sujet, mais à travers un collectif qui apporte le devoir-être à l'être. Ce n'est que la mémoire du sujet qui, se servant de la symbolique proposée, de la mémoire collective, peut unifier, et présentifier, dans une émotion qui alors échappe à la «culture», la nostalgie de la mère et la vie des sens, dans ce qu'Holderlin appelait le «nationel». Mais pour que le culturel soit nié à son tour, ce ne peut être que par la brutale scission de la dynamique, son arrêt selon un accident de l'histoire, c'est-à-dire selon un processus qu'il faudra définir dans le macrosocial. (Cette poésie, qui retrouve l'étymologie du sujet, reprendra le processus de l'émotion, mais dans le macro-social, comme effet de la lutte des classes, et ce n'est qu'après l'explication de la structure de l'émotion que cette analogie pourra se justifier.) d) Synchronie de la nature et diachronie du sujet. L'historicisation par le sujet de la nature naturée L'acte propre du corps, la motricité, qui permet le découpage de l'étendue selon la temporalité créatrice, mais répétitive du sujet, qui identifie durée du sujet et occupation gestuelle de l'espace, est aussi l'acte du sujet dans la nature, la médiation entre les stimuli que sont les éléments et la fonctionnalité pragmatique. Le continuum éléments-corps-praxis sera donc quitté par le corps lorsque son acte intime sera accompli, lorsque la motricité aura
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acquis la systématique rythmique qui permettra un autre acte du corps, celui du travail, pratique, celui de l'instrument créateur de l'objet de consommation. Alors la perception pourra actualiser, réduire en une ponctualité condensée, les deux significations de cet acte, acte pour le corps et acte dans la nature. Le continuum éléments-motricité-fonctionnalité, qui recouvre la totalité du sensible, est une synchronie, toujours présente à elle-même : son devenir est la présence de cette synchronie, même lorsque le sujet l'a dépassée. Et le sujet peut la dépasser, car lui peut disposer ces trois termes en une diachronie. Il peut reprendre en une hiérarchisation, en une signification, les termes synchroniques et les ordonner jusqu'à redistribuer leur importance, et même l'inverser. Autrement dit, c'est par le sujet que la distribution synchronique des termes se fait diachronique, historicisation du cosmos, qui peut s'objectiver dans la systématique sociale des temporalités et remonter progressivement, selon la hiérarchisation rythmique, vers l'individualisation, la politisation du sujet. Alors le stimulus sensible est totalement réduit, nié, la fonctionnalité propre au sujet est devenue totalisante. (Mais c'est le rythme qui est le continuum, le lieu de passage de la prérogative cosmique à la seule formalisation sociale.) La synchronie éléments-motricité-formalisation pose un problème sur le plan de la connaissance. (Il faut distinguer les suggestions, les hypothèses, les perspectives de recherche et par ailleurs la signification de la successivité qui nous est apparue sur le plan critique.) Ce qu'il faut retenir, c'est que l'ordre élémentsmotricité-formalisation est un ordre logique : cause-moyen-finalité. C'est qu'au deuxième stade de la génétique du sujet, c'est la participation à la nature naturée qui est déterminante, et d'abord comme immanence à cette nature. Le stimuli est à l'extérieur du corps, celui-ci le reçoit et y répond par la motricité. Le corps est un relais. L'excitation, le stimulus, d'ordre naturel, venant de la nature, des attributs que sont les éléments, est à l'origine de tout le processus qui aboutit à la formalisation gestuelle. Sur le plan de la connaissance, au deuxième stade, le primat de la nature naturée, et la participation, l'immanentisme du corps à cette nature se définit par l'ordre stimulus-motricité-formalisation. Par la culture, la politisation des conduites, la formalisation gestuelle va s'autonomiser ; il y aura réduction du cosmique par la civilité. Le formalisme passera d'abord par la praxis, puis se coupera même de cette praxis. Comme dernier terme de l'évolution, la mondanité prétendra retrouver une geste naturelle (thème de 1 erotisme «sauvage»). Mais cette nature-là ne sera en rien celle de l'étymologie, ce sera une nature de l'imagerie culturelle, du modèle culturel, et le stimulus originel n'aura plus que valeur de symbole. Le geste sera totalement politique.
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e) Du geste comme catharsis au geste de la motricité La gestaltthéorie «élargie» que nous proposons ne retrouvera la problématique traditionnelle de la perception qu'à un troisième moment. D'abord le champ synchronique de la perception (éléments-motricité-formalisation) est une totalité, ordonnée, mais qui pose comme essentielle la non-autonomie du corps, qui est alors un centre réceptif mais non de décision ; à ce niveau il y aurait un quasi-immanentisme des trois termes, une participation synchrétique. Ce n'est que par l'acte du sujet que l'ordre des termes peut se déplacer. C'est son pouvoir, sa liberté, de découper son champ perceptif selon le rythme, selon une systématique des rythmes, qui intègrent les stimuli cosmiques et la formalisation, dans une signification à priori du sujet, qui alors ne fait que se retrouver, qui alors peut donner une signification précise à ces messages cosmiques et à ces formes sociales. C'est seulement alors que l'on peut parler (troisième moment) de la perception constituée, du cosmique réduit à une fonctionnalité du corps, d'un pouvoir de décision, de sélection acquis par le corps, d'un pouvoir d'indifférence à l'égard de la «chiquenaude» étymologique. Alors la génétique de la perception doit rendre compte du problème résolu par l'acte du corps : comment s'est opérée cette translation de l'espace naturel dans les formes sociales ? Tel est le problème réduit à sa plus simple expression, mais qui ne réduit plus la perception à un processus physiologique, mécanique parce qu'inexpliqué, qui sous-entend un matérialisme bien vulgaire, qui n'est autre qu'un positivisme d'époque, une décision politique. Certes, la psycho-physiologie de laboratoire, expérimentale, peut produire des mesures de la perception. On peut savoir dans quelle mesure le stimulus suscite le réflexe et comment le geste arrive à se passer du stimulus. On peut apprécier des niveaux de perception, décrire le mécanisme de son fonctionnement. Mais ce ne sera là que des mesures arbitraires d'un processus qui échappe aux investigations scientistes. Et l'explication qu'est la mythologie grecque ou romaine vaudrait bien l'arbitraire de ces mesures explicatives, car comment mesurer la caresse du vent ou le murmure des ruisseaux ? Aussi, en renvoyant néo-positivisme et mythologie dos à dos, c'est au niveau de la motricité que nous proposons d'expliquer la génétique du sujet. C'est par elle que le corps crée son acte total qu'est le rythme, connaissance et être. Comment se crée ce geste total ? Nous avons vu que le geste, au premier stade, n'était qu'impuissance, totale débilité fonctionnelle, et le corps était livré à la passivité, devait consentir à recevoir tout de la mère pour être. Le geste est d'abord une fonc-
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tion inaccomplie qui épuise la pulsion dynamique en un simulacre. Le geste ignore encore la nature constituée, car son savoir ne peut être que pragmatique, ne peut apparaître qu'avec la motricité fonctionnelle. Le geste ne participe donc pas encore à cette nature. Il n'est que l'expression d'un potentiel énergétique, mais inadéquat, qui épuise sa pulsion en un simulacre. La force dynamique s'épuise dans le geste, s'use dans l'immédiat, car n'a pas de forme. Mais ce geste épuisant l'énergie épuise aussi l'angoisse (et au paroxysme, le cri, la crise de larmes, la colère libèrent l'énergie et laissent le sujet comme apaisé). L'inquiétude s'arrache à elle-même, en une action sans finalité, parce que sa seule finalité est sa négation. Alors le geste est signifiant : ne pouvant être l'action, il est, pour lui-même, et pour l'oubli de sa cause. L'impuissance du geste se récupère en catharsis. Mais le geste ne peut épuiser que dans le paroxysme l'énergie du sujet. Aussi l'inquiétude est latente, et sollicite à nouveau le geste. Apparaît une répétitivité, principe du rythme. Mais cette rythmique est turbulence gestuelle ; dans la multiplicité de sa pseudo-improvisation, elle répète toujours la même pulsion, la même expérimentation spatiale élémentaire. Le geste de la motricité, à la fois fonction sociale (dans son résultat, sa réification) et énergétique naturelle, participation au cosmique, émanation des éléments, sera donc doublement voulu par le sujet. En effet, l'inquiétude est doublement résorbée : par l'intégration au principe universel et éternel qu'est la nature constituée et par l'accession à la motricité qu'est l'autonomie du corps (la marche), l'indépendance du sujet. Il n'y a donc pas de problème de dressage à ce niveau. La volonté à ce moment n'est pas la catégorie, la représentation, l'intellection. Elle est le corps ; celui-ci ne distingue pas puissance et acte. A ce niveau, il est toujours présent à lui-même. Il est sa volonté. La catharsis n'est plus dans le paroxisme de l'impuissance (cri, colère, pleur), mais dans l'exercice de la fonctionnalité, de l'autonomisation du sujet. Le sujet, de passif (premier stade), est devenu actif. Il crée en se créant. Il peut déjà presque se suffire à lui-même. De plus, l'inquiétude de la singularité se dissout dans la participation au cosmique, dans l'universalité des éléments, dans le conformisme des conduites élémentaires. La solitude originelle est brisée. (On pourrait donner un repère empirique à cette maîtrise par le sensorimoteur : la marche est le geste qui consacre le passage de la passivité à l'activité du corps.) La motricité est donc d'abord le dépassement de l'inquiétude du premier stade : le geste de l'impuissance est devenu l'acte du corps. La subjectivité s'identifie à l'espace. Plus exactement, le découpage spatial, par la formalisation gestuelle de la motricité, propose des repères, des formes majeures qui découpent l'acte du corps en séquences répétitives, qui retrouvent le même,
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comme la durée se retrouve, pareille à elle-même, répétitive, mais aussi création propre, continuité du sujet. Le connu se répète et devient l'être de l'espace. Le geste est la forme la plus simple, la cellule rythmique élémentaire de la motricité. Il est l'atome, l'élément de base de toute conduite où le corps est engagé. Il est le commun dénominateur de la motricité, sa fixation, son répétitif. Et le geste n'est que le condensé, la synthèse de la conduite majeure qui est, par la médiation de la motricité, la rencontre fondamentale du cosmos et de la praxis, des sens et du faire. Il est la cellule de base de l'expérience, l'automatique, le répétitif, d'un acquis qui est, dans le principe, tout le savoir que la nature contient, et l'immédiate connaissance de ce savoir, dans la moindre information politique. Le sensori capte, par les sens, le monde extérieur, qui est stimulus, excitation, cause. C'est une expérience de l'espace, comme immanence à l'énergétique cosmique qui se condense, se transmue, se prolonge. La motricité capte le multiple en un acte unifiant. Elle est le tonus. Les sens ont convergé pour la propager, et elle peut se redistribuer dans le pluralisme fonctionnel. C'est une expérience de soi, de l'action. Et la formalisation du geste est expérience par le corps, d'une efficience, dans le praticoinerte, comme création ou manipulation. De même que le corps sait son efficience dans l'espace, lieu commun à la nature constituée, naturée, le corps sait son efficience dans la praxis constituée, réifiée, réduite à sa plus simple expression. Le geste est donc l'expérience de base, le résultat d'une conduite moyenne. La motricité est la présentification, dans le devenir, de cette conduite moyenne qui a déjà synthétisé, organisé la praxis dans le cosmos. Aussi le rythme est d'abord la constante du geste, l'immanence de la puissance et de l'acte, du temps et de l'espace, de la forme et de la signification. Par le geste, le corps découpe le devenir en repères, qui sont répétition et actualisation de la complexité qu'est d'abord la synthèse du continuum éléments-motricité-formalisation et qu'est ensuite l'intégration à cette synthèse de la catharsis du sujet. Aussi sur le plan de la connaissance peut-on dire que le corps, la conduite la plus élémentaire acquise, n'a plus rien à apprendre. Son savoir n'est susceptible que d'une transformation quantitative, extensive. Par lui-même le corps ne dispose que d'une faible possibilité de morphologie, de créations, de conduites. Son lieu, son parcours est délimité, du côté de la nature par le réflexe, et du côté de la praxis, par l'instrument (lieu d'un geste appris, politique, instrumental, productif). C'est entre ces deux termes que la motricité est autonomie du sujet. (Le corps livré à lui-même est la turbulence de l'animal, l'agitation sans fin et sans finalité, la motricité qui se satisfait d'ellemême, comme la souris qui grignote, la vache qui paît... On a alors les
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deux moments étymologiques du corps, sensation et motricité, réduits à une synthèse quasi mécanique.) Une morphologie descriptive, qui voudrait hiérarchiser les conduites du corps, d'un corps privé de praxis, de la formalisation du métier, se réduirait à une théorie de la culture physique (au sens large) ou bien à une description de la geste ludique. 2. Le ludique a) La première liberté : du cri au ludique. Rythme et ludique Et en effet, lorsque le corps quitte la nécessité de l'acte, c'est pour la gratuité du jeu. Celui-ci est gratuité pour nous, pour l'homme politique, pour qui une activité physique en dehors du travail est ludique. Cette gratuité pour nous est nécessité dans la nature. Mais cette situation du corps, le ludique, peut être considérée comme la fin de son acte, parce qu'enfin l'inquiétude est vaincue. Du cri au ludique, nous avons circonscrit l'acte du corps, le passage de l'angoisse qu'est la singularité à la participation, au monde de la constante présence, à la fois fonctionnelle et naturelle dans la nature naturée et la praxis réifiée, à la fois fin de la vie sensible et commencement de la praxis. De la motricité sans finalité, au rythme qui est immanence à la substance, qui fait de l'être intangible un vécu immédiat, une existentialité, la catharsis s'est accomplie. Le sujet est autonome, de cette autonomie qu'autorise l'espace et la réification sociale, et le jeu n'est alors que l'occupation de cette distance, entre la forme sociale et les éléments, distance énorme, qui peut autoriser un constant décalage entre la puissance et l'acte, distance infime car constante identité de l'espace, qu'il soit de la forme (praxis), ou de la nature (cosmique). Mais si le jeu est le dernier terme du geste, si, du cri au ludique, la morphologie est identique à elle-même, par le jeu le rythme peut, par lui-même, s'élaborer encore et se mettre en question. Le sérieux de la ludicité est la préparation du corps à la brisure et diversification du rythme, à l'improvisation et à la variation. La liberté conquise par le sensori-moteur, sur la nature naturante, sur la fixation du premier stade, sur l'emprise étymologique peut oser encore remettre en question. Le rythme cherche à augmenter encore le champ de malléabilité de la motricité. Le sujet se risque à affronter l'altérité, l'autre, mais par le commun dénominateur qu'est le sensori-moteur, dans le rythme commun à tout vivant. C'est une expérience de l'universel, une expérience de la mesure qu'est alors la conquête du rythme, une première approche de l'autre, le savoir de son rythme propre et l'adaptation des deux dans le rythme comme universalité. Le geste se prête à l'autre, dans la neutralisation du monde originel de la consommation.
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b) Le jeu : première éducation du politique. Le sens des conduites, le raccordement des deux premiers stades La ludicité est donc l'accomplissement du deuxième stade. Et ce moment, cette catégorie, sont particulièrement importants sur le plan de la connaissance. Comme accomplissement du sensori-moteur, le corps participe donc à la nature, dans l'innocence. Le corps qui dispose de l'espace est libre, et le rythme est le pouvoir du sujet, une forme qui est sa connaissance. Par le jeu, la subjectivité, l'acte du corps, le rythme, vont passer au sérieux politique. Le jeu se révèle médiateur, lieu de rencontre du sérieux organique (perception) au sérieux social, de la conduite majeure dont le gestuel est la constante présentification, et des conduites que nous dirons politiques (pour les opposer au monde du sensori-moteur et au monde de l'organico-affectif). Le jeu est donc l'accomplissement du premier stade et médiation nécessaire vers le politique (dont la différenciation se fait par les conduites). Il est initiation du corps humain au corps social, une translation substantialiste ; la conduite majeure, qu'est le sensori-moteur et la conduite politique, ont en commun la formalisation, un coefficient politique, peu important, sans doute, pour la motricité, mais qui est le lieu de passage vers la praxis. Les conduites de la praxis ne sont pas invention par le corps, mais transformation. Du continuum horizontal sens-motricité-formalisation, au continuum vertical qui hiérarchise les conduites selon leur politisation, le corps est au carrefour. Et pour lui, l'adaptation ne sera que quantitative, d'après le niveau de la différenciation du geste, de la difficulté professionnelle. L'aspect qualitatif du geste, la raison de l'adaptation, sera d'ordre politique. Mais ce politique, qu'est la conduite, serait irrecevable pour le sensorimoteur, si le corps n'avait déjà son sens, acquis au niveau du premier stade, par le relationnel familial, selon une substantialisation par la mère et une dynamique dont le père doit se révéler la cause. Le corps donne un sens aux conduites par ce qu'il sait du premier stade (de l'organico-affectif). Il propose un à priori déjà politique à des différenciations politiques ; entre le premier savoir du corps et la conduite, il n'y aura donc qu'une différence quantitative, du politique. La conduite politique lui est immédiate, lorsqu'elle est le plus près de la mère, et elle est son avenir lorsqu'elle s'objective. Donc, au niveau du ludique, non seulement le sensori-moteur passe au stade politique, mais les deux moments de la nature (organico-affectif et sensori-moteur) s'intègrent, se raccordent : la conduite politique peut être agréée par le corps (continuum de la formalisation) parce que le corps donne déjà un sens politique aux conduites, les reconnaît. C'est par la dynamique du sujet que les deux natures s'intègrent l'une à l'autre. C'est l'acte commun devant
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le politique qui unifie les deux moments de la nature, qui a rendu fonctionnelles la sensation et la perception. Le ludique est donc le lieu de rencontre du corps et de lui-même, du corps et du politique. Le corps, par le rythme, disposera maintenant de l'espace social, et le corps, par l a priori organico-affectif, donnera un sens à cet espace. Par le rythme, le corps découpe l'hétérogénéité du politique en tranches homogénéisées par la présence du corps, et par l a priori organico-affectif le corps découpe en continuités politiques l'hétérogène du contenu spatiotemporel. Par le rythme, une forme suscite un contenu, et par le sens affectif, le contenu prend une forme. Ce que le sensori-moteur capte du monde extérieur, par la formalisation rythmique, est une totalité signifiante par l'affectif. De même, ce que l'organico-affectif organise du monde extérieur, s'organise dans le spatio-temporel. Ainsi, le sujet acquiert une substantialisation pré-politique, qui n'est pas autonomie de la personne politique, mais autonomie de la personne «naturelle» (si l'on peut risquer cette formule contradictoire). La génétique de la perception du monde extérieur (de ce moment) sera immanente à cette personnalisation d'avant l'autonomie politique du sujet (qui sera, nous le verrons, la reconnaissance des parents comme personnes). Le spatio-temporel se fait par la génétique politique élémentaire qu'est le premier relationnel (avec les parents) comme le premier relationnel se refait dans le spatio-temporel. L'affectif se localise, trouve ses coordonnées, et celles-ci sont constitutives de l'affectif. c) Le jeu contient la logique de la praxis5. Le savoir politique est acquis par le jeu puis restauré dans la praxis Mais quel est le rôle du ludique dans cette reconnaissance du politique par le corps, dans cette reconnaissance du corps par lui-même ? Comment les conduites (le sérieux politique) peuvent-elles être intégrées par le rythme, comment les conduites peuvent-elles s'identifier à l'organico-affectif ? Le politique, le sérieux, les conduites, vont se proposer en dehors de toute praxis. L'effectivité pragmatique ne sera plus la mesure du comportement ; la règle joue, aussi. Mais la logique immanente à la praxis va alors apparaître comme telle ; paradoxalement, c'est lorsque la praxis se dédouble, qu'elle se distancie de son opacité quotidienne, que sa logique se décante, que ses données constitutives apparaissent dans une sorte d'axiomatique. Et c'est lorsque ces données constitutives se redistribuent dans la règle des jeux, 5. Le jeu n'est pas la négation du sérieux mais son apprentissage. Pour l'enfant, le jeu est le commencement de la praxis, la conquête de l'effectivité et non une marginalité comme le pense l'idéologie social-démocrate de la société des loisirs.
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dans la règle des règles, qu'elles apparaissent comme opérationnelles. Le jeu axiomatise le sérieux et la nécessité de la praxis reprend ses termes constitutifs et les redistribue dans son ordre propre. Le jeu est ainsi plus logique que la logique de la praxis, dont il n'est pourtant qu'un reflet. Le jeu (la règle du jeu) est le savoir de cette totalité, des correspondances, c'est-à-dire de la nécessité non plus de l'organique, ni même du pratico-inerte, mais de la logique abstraite de la praxis. Le jeu, comme terme éducatif, est l'apprentissage définitif, le savoir intuitif du corps à l'égard de la praxis. L'apprentissage, du métier ou des tâches ménagères, ne sera que l'intégration dans le sérieux spécifique de la praxis, dans la double problématique technologique et politique. Mais le corps saura déjà la logique de la praxis. Et le problème de l'éducation n'est pas d'atteindre les éléments constitutifs de la logique, mais d'accepter la praxis «dans l'ordre», sans ludicité, de reconstituer les termes, connus, de la logique, dans le sérieux. Et, sans doute, le jeu connaît-il ses hiérarchies, mais par définition, son champ opérationnel est illimité, et le corps se prête au jeu comme celui-ci se prête à la règle. (La «logique pratique» qui s'apprend par le jeu sera l'intuition qui permet la participation à la praxis, le savoir de sa progression, indépendamment d'un intéressement politico-économique.) La règle s'apprend comme le corps joue. Le jeu joue le sérieux, comme le sérieux joue le jeu ; la ludicité est distance de la praxis et de sa logique, des termes de la logique entre eux. Et le jeu consiste en une inversion des rôles : pour jouer le ludique cherche à rejoindre la logique, à la prendre de vitesse, à lui faire la leçon, tandis qu'au contraire, le sérieux cherche à rejoindre le ludique, à le surprendre, à surenchérir. C'est pour jouer que le ludique apprend le sérieux. Et c'est pour le sérieux que le sérieux apprend le ludique. Ce sont les éléments constitutifs de la logique, la disposition opérationnelle de ses termes, et à la limite le savoir totalisant de l'axiomatique, qui sont les éléments constitutifs du jeu. Et le problème de l'apprentissage doit être reposé. (Nous avons déjà vu que par la motricité, le rythme, la formalisation, la différenciation et le savoir du gestuel de la praxis n'étaient plus que problèmes politico-affectifs.) Et ces problèmes connaissent déjà leur solution, par l'expérimentation et la connaissance des termes constitutifs de la logique, par une intuition de l'ordre, de la règle, qui n'attend, pour participer à la praxis, que l'indication du père. Ainsi l'enfant, à ce moment, sait, sans pouvoir et même sans vouloir. Et ce non-pouvoir et non-vouloir réduisent son savoir à une intuition, c'est-à-dire à un comportement immédiat qui s'étonne de lui-même, qui est «la spontanéité», une disponibilité mais à un ordre. Et ce savoir est imma-
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nent au jeu ; cette logique de la praxis, cet à priori acquis ne se savent plus en dehors du jeu, car ils ne sont qu'acte du corps. Aussi la logique aura à se reconquérir par une symbolique, analytique, formalisation, axiomatisation, dont nous connaissons les grands secteurs catégoriels (axiomatisation de la géométrie, mais aussi de la psychanalyse, mais aussi de l'esthétique : Wagner). Sur le plan de la génétique du sujet, la logique se reconnaîtra et s'acceptera, après la reconnaissance et l'acceptation du père. Mais avant de s'ériger en théorie constituée, dernière ratification de l'ordre, la logique structurera le comportement de l'enfant : le faire sera homogène au devoir-faire. Ce qu'il faut faire n'aura pas de distance avec la pratique. (Ainsi l'ordre corporatif macro-social est un ordre moral : le métier est civisme, la conduite pratique est continuité de l'éthique.) Le métier et le père continueront le jeu ; mais celui-ci sera devenu la praxis, l'intégration politique : la logique aura retrouvé son ordre, ses éléments constitutifs ne seront plus concurrentiels, mais hiérarchisés ; au pluralisme des significations se sera substituée la finalité de la cité. (Et du jeu au sérieux, on pourrait établir une hiérarchie des conduites, selon l'intéressement politico-économique, la continuité apparaissant avec le but, la finalité.) d) L'acquisition des conduites : la logique, immanente au jeu, est le scheme directeur. Le rythme est l'acte de cette intégration Mais cette signification politique du jeu, l'intéressement du corps à l'abstraction logique, n'est possible que par la forme à priori qu'est la temporalité, le corps identifiant son rythme au rythme des conduites ludiques proposées par le sérieux. Comme le corps, par le rythme, découpe l'espace, et se reconnaît dans le répétitif spatio-temporel, le rythme va découper cet espace, mais social, qu'est la conduite ludique. Et cette conduite est acte pour le corps, est éprouvée par le sensori-moteur. Mais la formalisation n'est plus le gestuel réifié de la praxis, le matériau élémentaire du geste social. Elle est la logique de la praxis, reconduite dans les conduites, formalisée aussi à travers le même gestuel réifié, mais selon une autre signification qui est immanente à cette simple forme. Et cette logique, ces conduites ne sont significatives pour le corps que par son expérience temporelle, que par leur temporalité. Dans le ludique, pour le corps comme pour la conduite, c'est le temps qui non seulement dispose mais encore crée ; la formalisation, le découpage de la conduite politique et le rythme du corps, le devenir commun, sont un acte du corps. C'est lui qui est la mesure ; il n'est pas dans une spatio-temporalité constituée, comme le temps de l'adulte, mais dans une spatio-temporalité constituante. Le faire est le temps, comme le temps est le faire. Et cette création, pour le sujet, consiste à reconnaître, à
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répéter, à identifier. Et le jeu autorise le rythme, la motricité, le sensorimoteur ; mais déjà comme un savoir du corps, le sujet s'exerçant, répétant, dans un calme, une innocence acquises. e) h'acquisition de la temporalité, de la forme à la durée et inversement : savoir du sujet et mode opérationnel. Le ludique autorise l'intervalle espacetemps : rétraction et dilatation6 La temporalité qu'est la conduite ludique reprend le rythme gestuel et l'exaspère, le formalise. Le gestuel élémentaire est décomposé, hiératisé, multiplié : sa ponctualité devient conduite (à la limite). La forme devient durée. Un intervalle temporel se glisse dans le spatial. Et le lien spatial se reconduit, mais dans la durée. La conduite (ludique) est le déroulement dans le temps d'une formalisation. Aussi lorsque le corps répète cette conduite de base, cette durée, il ne fait que répéter une forme. Le temps étale à l'horizontale la verticalité d'une forme. Et le corps apprend comme durée ce qu'il sait déjà comme une forme, comme son geste, comme son corps. Ainsi le rythme, marque spatiale, se répète comme marque temporelle. Alors que dans la motricité élémentaire le rythme est l'identification du temps et de l'espace, répétitivité intègre de la forme, par le ludique le temps et l'espace se distancient, une forme se fait durée, conduite. Et le savoir intime scande toujours le même, le répétitif, mais dans un différenciel captatif, comme extension maximale d'une concentration gestuelle. Et dans un relationnel : relationnel de l'espace et de la durée (savoir déterminant dans la génétique de la perception, expérience du temps et de l'espace comme termes différenciés, alors que la motricité, le rythme élémentaire, unifient les deux termes dans le même acte) et relationnel inter-personnel, le sujet reconnaissant le même dans le temps et l'espace, c'est-à-dire reconnaissant par sa durée le spatial de l'autre et par sa spatialité la durée de l'autre. (C'est une modalité importante de la connaissance, qu'autorise le ludique.) Le ludique autorise aussi l'opération inverse : une série de gestes, ou un geste de longue durée, presque une conduite, se condense, se ponctualise, en une forme référentielle pour le jeu. La durée devient forme, présence immédiate d'un devenir. La forme, le gestuel, ont condensé en un raccourci toute une démarche. Ainsi, micro-temporellement, dans la durée, le sujet dispose du temps opérationnellement, comme un faire, un savoir-faire : la rétraction et la dilatation ('rétraction d'une durée en une forme et dilatation d'une forme en durée) font du temps un moyen d'action et de connaissance. Ainsi, la motricité quitte sa 6. Nous n'avons pas assez insisté sur cette relation espace-temps, duite ; mais nous y reviendrons.
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répétitivité linéaire pour une formalisation qui se scande en repères qui ne sont que des condensés de l'action et qui s'étale en durées qui ne sont que les moments d'une forme. Le temps est alors le faire, non plus de la répétitivité sans mémoire de la première motricité, mais d'une continuité qui retrouve la forme dans la durée, et la durée dans la forme, et de telle manière que la durée s'objective elle-même, doublement, par les temps forts que sont les formes et parce que ces formes assurent la continuité des durées. Ainsi le sujet, lorsqu'il sait jouer, a acquis une mémoire. f) La finalité et le père Les jeux vont macro-sociabiliser cette expérience du temps ; essentiellement, le temps de répétitif va reconnaître le but, la finalité, c'est-à-dire une ordonnance, une succession, une attente, un détour. Cette fonction éducative des jeux est le dressage de la mémoire ; le sujet connaît alors la fin de l'immédiat, de l'adéquation de son acte et de son geste, de l'espace et du temps, des moments de la répétitivité. Cette distance entre le passé et le présent, première reconnaissance de soi, est aussi distance entre le temps et l'espace (subjectivité et monde extérieur) et distance entre soi et l'autre. Le moment du jeu est donc très important sur le plan de la connaissance ; il sera aussi le moment de l'acquisition de la fonction symbolique, un terme constitutif de l'être pouvant représenter la totalité de cet être, et ce symbole pouvant devenir une variable non plus selon l'être, mais selon le sujet. Cette acquisition, par le sujet, d'une finalité qui est négation du répétitif, de l'éternel recommencement qu'est la motricité élémentaire, est un moment très important de sa génétique. Il est l'accession au monde politique ; alors les deux moments génétiques antérieurs (organico-affectif et sensorimoteur) ne sont plus immédiats, ontologie. Le politique autorise déjà une action qui autonomise le corps, qui est une libération à l'égard du passé. L'acquisition de la finalité est la promesse de l'autonomie, par le relationnel politique ; l'acte politique est connu dans sa logique, son sérieux. Le rôle social du père est alors le principe de la dynamique ; son potentiel politique est la potentialité à acquérir pour atteindre la liberté politique. Mais tout cela demeure encore ludique : il n'y a pas d'engagement dans la praxis. Passé et avenir, père et mère sont donc en équilibre, dans une constante contestation, ambiguïté, remise en question. La finalité est un possible qui ne saurait encore se substituer au répétitif. Et si le sujet hésite, si l'hésitation est 'e sujet, c'est dans la constance du sensori-moteur, de la présence du corps, du rythme acquis. Pour consentir à la finalité, à la remise en question du répétitif, il faudra que le sujet ait acquis des garanties politiques (ne serait-ce qu'en passant aux spatio-temporalités constituées de la cité), il faudra que l'écono11
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mie subjective remette en question la sécurité étymologique par un plus grand intéressement dans le relationnel. Et ce ne sera plus au niveau du jeu. Ainsi donc, la finalité est un savoir politique, du corps, une opération qui autonomise et qui s'imposera au corps, comme négation de son passé, dans une crise, au niveau du circonstantiel familial, par un intéressement dans la praxis, un nouvel échange avec le père. Mais au niveau du jeu, ce terme fondamental, constitutif de la praxis, est, nous l'avons dit, aussi constitutif. Le jeu prépare ainsi la dualité; il la pose, mais ne l'assume pas. Il montre la finalité tantôt comme une menace, tantôt comme une libération. Il donne à «réfléchir», à expérimenter sans risque. g) Le parcours ludique : finalité et intentionalité. La successivité causale et la réversibilité des rôles Nous avons donc défini le parcours ludique : de la transmutation quasi magique du temps en forme, de la forme en temps, d'une condensation du geste dans le temps le plus court, à une extension du geste dans le temps le plus long, de cette disponibilité du temps, à la finalité, à un ordre progressif, qui nient le répétitif élémentaire de la motricité. Le jeu reprend cette transformation du temps selon la hiérarchie des jeux constitués. Au plus bas degré, le jeu n'est que la disposition, selon le couple temps-espace, par la motricité, d'une différenciation du comportement. La conduite ludique se réduit à cette gymnastique. Cette variable sera constitutive de tout jeu. Et le jeu ne fera que se constituer d'après cette variable, sa forme et sa durée ne feront que fixer dans des règles cette faculté du corps. Le jeu le plus évolué, qui consacrera la plus grande transformation du temps (mais qui sera toujours rythmé par la participation micro-temporelle que nous venons de définir) sera un temps de longue durée, de plus grande extension, qui contiendra la plus grande réduction de la forme, qui sera un temps en continuel devenir, sans répétitif : c'est le temps du concurrentiel, de l'affrontement déjà politique, de la fin sue, de l'accomplissement retardé et non répétitif. Le temps s'est alors politisé ; il est concurrentiel et finalité. Le corps a appris l'attente. La finalité est la dernière expérience temporelle du corps. Alors celui-ci sait tous les modes de la durée ; de la nécessité qu'est le sensori-moteur étymologique, il a pu, par le ludique, vouloir un terme qui accomplit l'ordre temporel : la finalité est le but, est arrêt, fin du temps, par son accomplissement et par sa signification politique. Alors est atteinte une attitude corporelle : le projet du corps non plus d'après l'immédiat, mais attitude du corps pour toute fin, intentionalité pour une fin, savoir d'un devenir qui veut s'aménager selon un but connu et précis. Le jeu a donc permis au sujet d'acquérir cette variable existentielle qui homogénéise le multiple. La temporalité, d'acte, est devenue connais-
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sance. Le sujet pourra, en dehors de toute ludicité, appréhender le monde extérieur selon le répétitif et la finalité, d'après la micro-relationalisation, fonctionnalisation, qu'est la contraction-dilatation de la totalité forme-durée. (Cette opération peut se mesurer d'après des critères comme l'amplitude, la fréquence, la synchronisation, l'équilibration qui définissent le champ opérationnel du sujet, son ouverture perceptive,
le geste selon les variables.)
Cette opération a son sens dans l'intentionalité, l'acte qui dans son étymologie n'est que sensori-moteur se reconvertissant dans une finalité politique. Mais entre la micro-temporalisation et la finalité, entre l'acte
comme
sensori-moteur et l'acte politique, le ludique doit proposer une médiation. Dans l'acquisition des durées, le corps avant de renoncer d'être sa propre fin, continuelle présence à lui-même par le rythme du gestuel, devra, pour s'intégrer à une signification, une praxis, d'ordre politique, apprendre une durée, un jeu, une médiation spécifiques. Cette nouvelle durée consiste à établir un lien entre l'extension et la compression temporelle que la relation espace-temps autorise au sujet. C'est que le continuum temporel originel (la motricité sans fin et sans arrêt) qui autorisait l'innocence, l'immanence dans la nature constituée, se met luim ê m e en question, et découpe selon le sujet, selon une première volonté, selon un principe d'autonomie. L'économie subjective n'abandonne le rythme cosmique qu'au bénéfice de son autonomisation. D e plus, le sujet reconstituera un autre rythme, à la cadence objectivée, à la fois voulue et extérieure, double sécurité, double reconnaissance. Le sujet dispose déjà d'un double jeu : le rythme originel et le rythme social, et si la nécessité est de les raccorder, le ludique autorise un champ opérationnel, du sujet, quasi illimité. Ce premier éveil, ce premier décalage de la présence à soi-même, est sans risque, e i r le sujet peut revenir à son rythme étymologique à la moindre alerte, comme négation du traumatisme. Le lien temporel va substituer au répétitif le successif ;
le m ê m e
se
répète mais dans une différenciation d'abord modale. Le m ê m e geste, la m ê m e durée peuvent se renouveler, soit en dilatation, soit en contradiction. Et le corps n'est plus alors dans un continuum, une linéarité sans mémoire. Il exerce un pouvoir et un savoir, qui ne tiennent plus à la particularité immédiate, qui ne sont plus telle forme ou telle durée, mais l'extensivité ou la rétractivité du temps selon sa formalisation extensive ou contractile. C'est une systématique opérationnelle qui est déjà à sa disposition : un relationnel entre le temps et l'espace (dont la limite est, nous l'avons dit, la moindre durée dans le geste le plus formalisé et la plus grande durée dans le geste le moins formalisé) (d'autres sujets).
lui permet de s'ajuster aux autres durées et
formes
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La génétique du sujet ; l'accession à l'entendement
Mais la logique de cette systématique, la constante de cette variable, c'est la diversification du temps selon qu'il est plus ou moins chargé de faire. Au gestuel, se substitue l'action, la reconnaissance de l'effectivité et du moyen de l'acquérir. Le gestuel n'est plus un modèle fixe et intangible mais la diversification de l'action ; la continuité de celle-ci n'est plus la disponibilité à la nature naturée, mais la continuité d'un temps fort et d'un temps faible, d'un temps qui prépare, aménage l'action et d'un temps qui est l'accomplissement, l'action proprement dite. Et cette successivité hiérarchise les temporalités, l'une de celles-ci étant le moyen, la cause, l'antériorité chronologique étant antériorité logique. Cette relation est le pouvoir de disposer des temporalités. Alors qu'au niveau du rythme élémentaire, la continuité n'est que celle de la répétition, du sensori-moteur, n'est qu'immanence à la nature naturée, maintenant le sujet crée sa propre continuité en se distanciant de la singularité temporelle, la relation causale devenant, à la limite, réversible. La temporalité, passant du répétitif au réversible, par la médiation de la successivité causale, consacre une progression très importante de la subjectivité et du ludique. h) La réversibilité des rôles Sur le plan du ludique, c'est la réversibilité des rôles, l'ambiguïté des conduites, le recommencement dans le contradictoire. Cette temporalité ludique est équidistante de la répétitivité élémentaire du sensori-moteur et de la finalité : le corps n'a pas encore de finalité mais n'a plus le rythme étymologique. L'action n'est pas encore politique, mais n'est plus naturelle, elle est proprement ludique : l'état de ce qui n'est ni naturel, ni politique. La subjectivité tendrait alors au solipsisme, comme constante référence à elle-même, si elle n'était constamment en dehors d'elle-même, sans principe et sans fin. Elle est disponibilité du corps, les termes antérieurs, apparus selon une nécessité, étant maintenant utilisés opérationnellement, selon un choix. Et les conduites n'ayant pas encore de finalité sont expérimentées, chaque fois, comme moment politique indifférencié, quant au contenu, pouvant être successivement, référence au père ou à la mère, au politique ou à la nature, à ce qui est déjà le passé et qui n'est pas encore le devoir-faire. Car cette équidistance, dans le ludique, entre la motricité cause d'ellemême et la finalité politique, entre la formalisation expérimentale et le concurrentiel, est aussi équidistance entre le premier stade, de l'organiœaffectif, et le stade politique que structure l'apprentissage et les tâches ménagères. L'intéressement se fait contradictoire, entre le stade dépassé et le stade à promouvoir, entre le régressif et le prospectif. C'est qu'au moment du ludique, le corps, par le propre exercice des temporalités, a la faculté de s'au-
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tonomiser mais seulement par ces seules temporalités, car ces micro-durées ne sont pas encore des conduites politiques homogènes et ne sont plus le substantialisme originel de l'organico-affectif. Le ludique autorise ainsi une expérimentation historique, événementielle : tout moment du jeu est la rencontre de l'autonomisation subjective par le corps et d'un continuum, (règlement, convention) qui aussi souple et malléable qu'il soit, est structural, contraignant, tend à une finalité. Et le sujet peut, tantôt ratifier la rigueur politique de la règle, tantôt l'irresponsabilité du sensori-moteur, par un opportunisme qui est le jeu lui-même. Chaque moment peut dénoncer le moment antérieur, la contradiction est la trame du comportement, mais continuité de la subjectivité. Ainsi s'explique l'insertion du sujet dans la relation imitation-dressage proposée par l'adulte, le consentement au contenu politique des conduites, selon la correspondance des moments du sujet et du jeu. Mais l'expérimentation qu'est cette première rencontre, ce premier conflit du sujet et du politique, ne prendra pas le contenu dramatique, ne sera pas la scission qui caractérisent la conduite politique. Cette événementialité restera ludique. Alors que l'événement politique est, pour le sujet, traumatisme, scission, qu'il est actualisation de la contradiction entre le père et la mère, nécessité de la prospective, éloignement de la mère, l'événement ludique n'affecte pas le sujet jusqu'à la régression au-delà du stade organico-affectif, n'est pas re-actualisation de la première scission avec la substance, avec la mère. Dès que le sujet est affecté par le sérieux du ludique, le concurrentiel, la rigueur des conduites, il dénonce le jeu, régresse au stade organicoaffectif, demande aide et protection à la mère. L'enfant n'accepte le ludique que sous le constant regard de la mère ; s'il se risque, c'est dans la certitude de l'aide, de l'intervention, à l'intérieur du jeu, et dans la certitude de la fin du jeu, lorsque celui-ci dépasse son potentiel opérationnel. Par le jeu, l'enfant passe et repasse du premier stade au second, du second au premier, et cette relation se fait constitutive du jeu. C'est à ce niveau du ludique que le premier et le deuxième stade se raccordent, que l'affectivité s'intègre au ludique. C'est aussi à ce niveau que la contradiction entre le père et la mère se pose, sans que l'affrontement éclate, mais préparant l'antagonisme entre le jeu concurrentiel, finalisé, très réglementé, et le jeu de la réversibilité des rôles. C'est aussi à ce niveau que le sensori-moteur assimile sa dualité acquise du temps fort et du temps faible (de la durée chargée d'acte, contractile, et de la durée extensive, se vidant de l'acte) à la dualité du temps projectif, politisé, concurrentiel, finalisé et du temps régressif, répétitif, apaisant, passif. Ces durées sont des sens, elles sont la dualité dont le sujet est le lieu, mais dont il ne connaît pas le sérieux, dont la contradiction peut être encore
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éludée. Et cette contradiction, entre le temps de l'objectivation et du concurrentiel qui est celui du père, et le temps de l'affectivité et de la passivité, qui est celui de la mère, doit être apprise d'abord, sue, sans que le sujet ait à choisir. D'abord les termes de la contradiction lui sont exposés : la nécessité de la dynamique et la valeur du passé et de quel prix doit se payer l'autonomie. Mais le destin n'est encore qu'un jeu; le temps de l'éternel retour est le génie de l'enfance. L'enfant se projette vers le père et la mère, alternativement. (C'est le même temps, de l'innocence de l'enfant et de la fin de l'histoire.) En ce temps-là, le drame, la scission qu'est l'acte politique de politisation du sujet, n'apparaît pas. Dès que le sujet s'affronte au sérieux, au politique du ludique, selon une difficulté qui peut être d'ordre très divers (musculaire, etc.), la régression vers la mère est immédiate. Le sujet, confronté au décalage de la puissance et de l'acte, à la distance entre la durée et l'acte, l'intention et la réalisation, revient à son point de départ. Et le traumatisme, ce qui pourrait être l'échec, est résorbé par l'organicoaffectif, par la consolation de la mère. Et c'est la méthode des essais et erreurs qui dirige ensuite la dynamique. L'activité ludique reprend, mais selon l'acquis expérimental. Le sujet recommence mais en utilisant la systématique spatio-temporelle qui lui permet de s'adapter, de reposer son problème. Et par ailleurs le ludique, de par son adaptabilité constitutive, se prête au jeu, repose le même problème, mais à un niveau plus abordable, et après une préparation, une médiation qui avaient été, la première fois, négligées. Le traumatisme de l'échec est donc résorbé à plusieurs moments : d'abord parce qu'il n'y a pas alors de sanction politique de l'échec, ensuite parce que la mère arrête le processus régressif, enfin parce que la dynamique recommence et que l'action répare. L'échec n'est encore ni une scission politique, ni une scission organique (régression jusqu'à l'angoisse première). i) La fonction symbolique Mais le sujet expérimente une durée déjà très complexe. Elle croise un temps objectif et un temps subjectif ; le temps objectif étant le sérieux du ludique, le concurrentiel politique ou la difficulté technique, ce qui constitue les seuils ou niveaux (comme la psychologie de l'enfant, constituée, peut les apprécier). Ce temps est la plus forte condensation de la durée, sa plus grande charge fonctionnelle ou relationnelle, et sa complexité est dans la synchronisation d'une multiplicité de facteurs dans une moindre durée. Le temps subjectif est la signification affective ou politique que le sujet donne à l'exécution, à la totalité gestuelle. Mais cette durée est devenue une opération déjà très élaborée ; c'est un temps à trois dimensions : passé, avenir, présentification, ces trois termes ayant une continuité, constituant une conduite. L'acte du corps,
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la subjectivité, s'identifie à une spatio-temporalité constituée, qui n'est pas encore constitutive de la praxis, mais qui est une conduite élaborée, réfléchie ; la motricité n'est plus créatrice par elle-même, mais est devenue un moyen d'exécution, un instrument de travail. Le corps se fait moyen ; il n'est plus fin pour lui-même. Le parcours temporel d'abord projet vers la fonctionnalité, relationalité, concurrentielles, politisées, se fait rétrospectif, régressif, puis revient à son projet initial d'affirmation politique. Ce temps n'est plus répétitif, ni circulaire, mais conduite complète, d'autonomie, savoir qui permet l'action. Enfin le temps du sujet et le temps objectif se raccordent : le temps social, dont le ludique est la première approche apparaît comme le lieu de la présence, de l'effectivité, et le temps subjectif se subordonne à cet éternel présent, non seulement pour participer au politique mais encore pour être, non plus dans l'élémentaire motricité, mais dans la conscience de soi. C'est la rencontre de l'objectivité, de cette logique en morceaux qu'est le ludique, qui donne un sens, une continuité à la participation corporelle, qui compense la déroute du répétitif et du circulaire, qui donne une mémoire, fait le passé présent et l'avenir immédiateté. Alors l'expression corporelle se dédouble : le corps n'est plus l'immédiat, une localisation spatiale, l'immanence du temps et de l'espace. Le corps est d'une part expression corporelle (geste, mimique, etc.) et par ailleurs opération qui consiste à intégrer un passé organique à un devenir politique. Le corps est donc, d'une part présentification : c'est par lui qu'un acquis organique, un passé, participent à un devenir politique, dans l'immédiateté, dans la rencontre. Il est, par ailleurs, une expression gestuelle qui demeure ; le continuum de la motricité, à travers ses avatars (rythme élémentaire, temps causal, circulaire, enfin temps de participation au politique) a acquis toute une expressivité qui pourra s'organiser en systématique. Une relation fin et moyen va s'établir entre l'opération et l'expression, entre la subjectivité comme projet et le corps comme traduction de ce projet. Le dédoublement qui va s'opérer, entre le corps et le sujet, deviendra celui de la fonction symbolique et de la participation politique. Le ludique aura été la médiation entre la nature et le politique, entre l'expression corporelle (le geste) et l'expression politique (le langage). Cette subordination, relation fin-moyen, puissance-acte, épuisera l'ordre naturel, le corps n'aura plus de créativité comme expression de la nature. Sa fin est politique et son moyen est un système constitué, organisé, qui peut autoriser une variable mais en référence à des termes fixes. Le sujet n'est alors corporéité que comme passé ; son acte, son intentionalité est alors politique. Sa mémoire sera la totalité des moments d'acquisition qui permettent d'accéder à la fonction symbolique.
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Donc, dans la génétique, apparaissent ainsi deux grands moments, dont l'un serait l'acquisition de la nature organique, par les formes à priori de la corporéité, au dernier terme de l'activité ludique (concurrentiel, intentionalité...), qui serait la somme des deux premiers stades, et dont l'autre serait la politisation progressive du sujet au moyen de la fonction symbolique. Le corps dispose alors d'une conscience et d'un subconscient. D'une part, il est participation au monde du jour, au politique, soumis à des mesures comme l'économique et par ailleurs passé, nature, définis par les formes à priori de la corporéité et les moments génétiques, qui ont fixé, historicisé l'émotion étymologique. Ce passé est devenu le sujet, la situation du corps avant l'intégration par la praxis, une somme qui est un acte. Le sujet est l'acte, à tous les moments, le corps en acte, de l'acte digestif à l'acte moteur. Et il est le résultat de tous ces actes, leur intégration en un être, qui est à la fois moment et substance, moment dans le devenir (et du sujet), et substance comme fin de l'acquisition naturelle, comme intangibilité d'un acquis historique.
II. LE PASSAGE DES CONDUITES NATURELLES A U X CONDUITES POLITIQUES A . LE TROISIÈME STADE :
L'IMAGINAIREL'IMAGE
1. Le symbolisme immanent L'imaginaire sera ce troisième stade de la génétique du sujet. A ce stade, celui-ci est donc un résultat, et à ce titre substantialité. Il est aussi prospective, intentionalité vers le dédoublement. Et, en tant que résultat qui se fait prospective, il est une opération, un acte, une actualisation, une présentification. L'imaginaire est ces trois moments, apparus selon une différenciation chronologique, unifiés selon une opération synthétique. Ainsi l'imaginaire déborde non seulement la substantialité acquise par le sujet, mais le sujet lui-même, son opération, son intention. Il est un lieu culturel, historique, une dimension à priori. Et son paradoxe, c'est qu'il est aussi la subjectivisation, la différenciation intimiste, d'une part, avec le passé comme nature, et par ailleurs, avec l'avenir comme culture (relation). C'est donc par l'acte, qui est le passage de la nature à la culture qu'est la solitude de l'individu, expérimentée comme telle, solitude à l'égard de la nature et solitude à 7. Nous cherchons à démystifier l'imaginaire en situant son moment nécessité génétique.
dans
la
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l'égard de la culture. C'est parce qu'il y a confrontation des deux termes de la contradiction, que la singularité s'éprouve. L'imaginaire, lorsqu'il est totalisant, sérieux de la génétique, moment nécessaire, lorsqu'il n'est pas retour nostalgique, réminiscence culturelle, est comme manque de la nature, et comme manque de la culture. L'imaginaire est le moment où l'acquis naturel se sociabilise, se fait langage ; cet acte est une réalité génétique. L'imaginaire n'est donc pas l'expression d'une irrationalité qui témoignerait d'une catégorie privilégiée du sujet, que celui-ci a été contraint d'abandonner, de par l'effet du dressage et d'une sociabilisation contraire à la vocation du sujet. L'imaginaire est un acte momentané du sujet, il n'est que dans et par le devenir. Le sujet est dans une situation telle qu'il choisit, qu'il n'existe que par son intellection progressive. L'imaginaire n'est pas une substance qui s'éprouve par une fonction, mais un acte, une existence qui passe du plus au moins selon les niveaux de la fonction symbolique. Celle-ci peut être définie à trois moments : du ludique au langage logique, nous avons le parcours complet de cette fonction. Et entre les deux, nous aurons un moment privilégié, l'image, qui se fera opérationnelle, comme la sensation, la perception ; la nécessité génétique peut se dépasser lorsque la finalité de son moment peut s'actualiser, non plus en occupant toute l'attention du sujet, mais en étant nature, être là, fonctionnelle, permettant au sujet d'être disponible à l'acquisition d'un autre terme, ou à une participation majeure. L'imaginaire n'est qu'un moment de la génétique et celle-ci n'est possible que par la situation du sujet : une nature qui n'est que par l'autre, qui est la contradiction entre la consommation et le relationnel, qui est la contradiction de la fonctionnalité du sujet entre la nécessité de la consommation et sa débilité fonctionnelle. Le sujet veut le relationnel parce que la nature est trop lourde à assumer. Il le veut, dans la contradiction, mais au moment de l'imaginaire, la dynamique a déjà accompli un tel parcours qu'elle est irréversible. Déjà, le poids du passé détermine l'avenir, et si l'ambiguïté demeure, la finalité développe la médiation, l'appareil symbolique qui permet de l'atteindre. Le relationnel se fait mode d'être. Il est acte, d'abord, puis moyen. La contradiction entre la nature et la culture se résout par la fonction symbolique : le sujet n'a pas à choisir entre deux termes contradictoires, mais à hiérarchiser, à reconnaître, deux moments de son devenir. L'un est sa nécessité, un contenu, l'autre fait de ce contenu une forme, un moyen. Le symbolisme est immanent : l'expressivité, pour le relationnel, a d'abord été acte, nécessaire, du sujet. Le relationnel, qui est immanent à la génétique, puisque dès le principe, la relation avec la mère est constitutive de l'organique, est repris non plus comme constitutif, mais comme constituant non
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l'entendement
par les parents, mais par l'enfant. Et de participation, d'immédiateté, il se fait médiation, communication. Ainsi, de la génétique (des moments constitutifs du sujet) à la fonction symbolique, s'opère un passage, de l'ontologique au relationnel, du résultat de la génétique à l'expression par ce résultat, qui n'est que la différenciation du sujet selon la continuité de son intention. Le corps a acquis une liberté qui peut s'apprécier à deux niveaux : de l'organico-affectif (de la dialectique besoin-désir) il a pu accéder à une première systématique opérationnelle, à une première réduction du monde extérieur selon la forme et le contenu (contenu qu'est la sensation, forme qu'est la perception), selon une double référence au passé et une actualisation de celuici. Enfin il dispose de la fonction symbolique, à son plus bas degré, lorsque celle-ci n'est que le corps, la moindre marge entre le signifiant et le signifié, la moindre variable entre les termes symboliques. 2. La localisation génétique de l'imaginaire : continuité du ludique et antériorité à la scission politique (qui détermine la mémoire affective) Le corps est ainsi à trois moments de son passé, mais au premier moment de l'imaginaire ces trois moments sont synchroniques. Le corps n'a pas encore la mémoire qui lui permet de hiérarchiser, de distinguer chronologiquement. La mémoire est fixation, par l'événement, qui particularise à la fois l'enfant et les parents, elle est personnalisation. La mémoire est politique ; elle commence avec la première scission, c'est-à-dire par l'apparition de la contradiction, structurale, des parents, contradiction de la mère et du politique, première faille de l'unité parentale, et au niveau du relationnel. C'est une crise affective, chez le sujet, qui marque le début de sa politisation, qui est le commencement de l'individualisation. Alors, la présence constante des parents n'est plus une situation organique, mais une relation privée, avec une personne. C'est parce que le politique fait intrusion dans l'organique que l'enfant passe à l'affectivité proprement dite, à la personnalisation de la mère, reconnue non plus comme le principe et la finalité de la sensation, mais comme un lieu politique, une situation relationnelle. L'affectivité et la mémoire sont donc identiques dans le principe. L'événement politique brise l'opacité de l'organico-affectif (cette constante présence d.u corps à lui-même, la faculté d'oubli, toujours renouvelée, par la sensation, le sommeil, l'innocence du rythme biologique élémentaire, dont le négatif est assumé par la mère). C'est le relationnel qui apparaît comme constitutif, c'est par lui que l'homogénéité première peut se reconstituer, c'est par lui que le sujet est un acte qui n'est plus sensible, organique, mais qui est politique, référence à un passé, apparu par l'événement, restauré ou dépassé dans le relationnel.
Les moments du sujet
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Le premier moment de l'imaginaire est donc antérieur à la politisation du sujet par la crise, l'événement. Définissons-le aussi par rapport à la catégorie ludique. Celle-ci assure une continuité fondamentale de la génétique. Elle n'est ni une forme à priori de la corporéité, ni un stade, mais une variable qui permet le rajustement de termes hétérogènes. Le premier moment de l'imaginaire correspond à un moment du ludique : celui du raccordement du sensori-moteur et de l'organico-affectif au niveau de la réversibilité des rôles ludiques, de l'expérimentation temporelle d'avant la notion de finalité. Le ludique se distingue de l'imaginaire en étant un mode de relation, une fonctionnalité d'avant la praxis, alors que l'imaginaire est plus qu'un mode existentiel, est un être, est la situation du sujet. Alors que le ludique est un dialogue, une relation, qu'il est toujours en acte, l'imaginaire est la subjectivité lorsque le sujet ne joue plus. Si l'imaginaire peut s'exprimer par le ludique, comme nous l'avons défini, si le ludique permet à l'imaginaire de s'actualiser, l'imaginaire, à la limite, se coupe de tout relationnel, veut être relation du sujet avec lui-même, opération, autonomie. Le premier imaginaire est la première distanciation du corps et du sujet, et cette opération est celle du sujet : le corps acquis, le passé, l'ontologique deviennent moyen, relation symbolique. Cette translation, d'une ontologie qui n'est pas donnée, mais acquise, qui est un résultat, un moment du devenir, un moyen d'expression, expérimentation, symbolique sera re-création d'un relationnel : celui-ci n'est plus la présence des parents, mais la présence du corps à lui-même, la distance entre la puissance et l'acte, le corps comme moyen de l'intention du sujet. Au relationnel de l'enfant, à la mère, va se substituer la fonction symbolique à son premier moment. Au dialogue qu'est le ludique, qui laisse au sujet la plus grande liberté mais qui encore le guide, le corrige, va se substituer le dialogue du corps et du sujet, sans la présence de la mère, ou du partenaire, selon la seule responsabilité du sujet, corollaire de son autonomisation. Ce relationnel, cette première symbolique, sera le contraire du langage constitué, d'un opérationnel qui est la variable entre les signes, logique des formes, seule relation du signifiant. Ce symbolisme immanent ne distinguera pas encore la signification de la chose signifiée; les deux termes se font encore l'un par l'autre. Il n'est pas encore d'autonomie ; l'être et le relationnel, à ce moment génétique, interfèrent et se définissent réciproquement. Pour le premier imaginaire, les moments antérieurs ont une présence synchronique. Le corps est un résultat, par lequel la génétique est un être là, et dont tous les moments sont des qualités.
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3. La subjectivité : du corps à son intention. La durée comme projet Le sujet dispose donc de cette constante présence des termes antérieurs et son opération consiste à renverser l'ordre d'acquisition génétique. Le terme premier du corps étant le plus «naturel», c'est le moment qui en sera le plus éloigné qui proposera le sens, l'intention, le sujet : ce sera la logique des temporalités acquises par le sujet, grâce au ludique, à son expérimentation du temps, qui sera la motrice constitutive du lieu existentiel. C'est le dernier terme de la génétique, le relationnel le plus éloigné de l'étymologie qui se propose comme la forme. Et l'acte du sujet consiste à intégrer dans cette temporalité, forme, relation, selon une hiérarchisation qui sera la soumission à sa fonctionnalité, à son intention, tout l'acquis génétique. L'expression est alors fonctionnalité sans praxis, même sans but, si ce n'est l'expression comme telle. Mais cette expression est praxis sur le corps, intention. C'est une durée, c'est-à-dire la constance du sujet, la continuité de son acte, son homogénéité. C'est une durée pure, car créée par le sujet, continuum spécifique, intentionalité de moindre praxis, de moindre relation, qui doit d'abord se conquérir dans le flux concurrentiel des durées. Et quelle difficulté à être attentif, concentré, pour s'acquérir, se garder, se reconquérir, par une durée qui n'est pas encore conduite, qui n'a pas de finalité, qui est sans la relation de présence, ni de l'autre, ni du corps propre, la motricité n'étant plus le continuum de l'acte ! Cette durée est constamment dissoute par la perception et la sensation, l'actualisation du passé génétique, l'irréductible présence du passé, du lien cosmique et parental. Et l'imaginaire est d'abord cette intention gratuite, de reconduire une durée purement relationnelle, apprise, comme nouvelle durée organique, sans y parvenir ou très confusément. C'est le lieu de l'action humaine, que le sujet a déjà pratiqué, dans l'immédiateté ludique, qui doit être progressivement reconstitué et comme espace social, qui est à la fois distinction par le corps, du temps et de l'espace, que le rythme avait identifiés, et qui est localisation, fixation des attributs du comportement. L'espace, non pas l'espace géométrique, la chose étendue, mais l'espace qui est la rencontre du fonctionnel et du relationnel, est aussi une action du sujet qui distingue son être propre, la durée et l'effectivité d'appréciation politique. Le sujet est encore en pleine ontologie (l'égocentrisme est aussi cette conquête delà connaissance, de ses catégories). Mais le réalisme, l'objectivation est cette démarche du sujet qui remet en question son être acquis pour l'action de cet être. Un opérationnel est conquis, mais par le sacrifice de l'être. L'espace, qui était participation, immédiateté, devient la continuité, le lieu de rencontre,
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la forme qui est la condition de tout acte. Et l'action, qui était le sujet lui-même, apparaît comme attributs (le fonctionnel, le relationnel) de cet espace social. Mais ces attributs sont encore communs au sujet et à cet espace social. C'est justement par cette dépossession partielle de l'ontologie que l'action est possible. Et c'est par cette compensation, qui est un progrès de l'autonomie du sujet et du relationnel, que la privation ontologique est non seulement acceptée, mais voulue. Au niveau du premier imaginaire, le sujet hésite entre la participation et la relation ; et c'est sa toute-puissance de pouvoir disposer des deux termes, alternativement, c'est-à-dire déjà par un savoir, une logique, qui réduit à un opportunisme cette attitude : tantôt l'intention du sujet se dissout dans les temporalités propres à la perception et à la sensation, tantôt le sujet assure une continuité qui les réduit à une utilisation fonctionnelle. Aussi la reconnaissance de l'espace social, le passage du corps à la subjectivité est d'abord la subordination des durées propres de la perception et de la sensation dans la durée intentionnelle, laquelle est la logique résiduelle du ludique (rapportée de la praxis). Le sujet doit soumettre à sa durée les durées cosmique et parentale. Sensation et perception, qui sont d'abord des réductions temporelles des conduites majeures originelles, comme condensations de significations, comme charges énergétiques, comme accumulations, subissent une nouvelle transmutation : d'action totalitaire, puis d'action de rappel, recharge de la dynamique, mais dans tous les cas totale attention du sujet, submergé par la nature, elles deviennent des cadres de l'action, des relais, des repères. Sensation et perception sont non seulement soumises màis encore utilisées ; elles deviennent marginales à l'action qui se politise. Soumises à l'intention du sujet, c'est-à-dire à une temporalité nouvelle, elles prennent une nouvelle dimension temporelle, qui les réduit à une utilisation fonctionnelle. De cause, puis de moyen, elles sont devenues opérationnelles. Le sujet en dispose, peut s'en servir sans être absorbé par elles. Elles ne sont plus qu'informatrices, régulatrices. Elles ne sont plus les seules références du corps, la totale absorption par le passé, cause et finalité de l'acte. La réduction de leur substantialité par la soumission à la temporalité les a rendues opérationnelles, signifiantes, pour le sujet. 4. Le complexe d'Œdipe8 ; la première scission de l'organique, commencement du mémorable politique. C'est à ce prix qu'un réalisme de l'espace social est possible, qu'une localisa8. Par analogie avec la psychanalyse nous avons déjà proposé (I A 4 ) la première
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tion de l'action peut se faire indépendamment des durées étymologiques. Le sujet se distingue de son corps en même temps que l'espace se coupe du temps. Et il s'agit là du premier moment de la fonction symbolique : tout le processus qui va suivre ne sera que l'aménagement de cet espace comme système d'expression du sujet. Tout ce parcours, de la fonction symbolique, est en même temps l'acquisition de la connaissance politique. Après les deux premiers stades, qui sont l'acquisition ontologique, le corps comme nature et dans la nature, le sujet apprend (par un système symbolique : réduction de l'ontologie au relationnel, puis au signe) à se politiser. C'est par le langage qu'il accédera au politique, à son autonomie, à la personne. On peut donc distinguer trois grandes périodes de la génétique totale : l'ontologie, le savoir, le politique. L'imaginaire, le troisième stade, la fonction symbolique, sont des modes de la connaissance, de la deuxième grande période génétique. Et c'est volontairement que nous présentons le même montent sous des modes très différents : imaginaire, fonction symbolique, connaissance. Ce paradoxe apparent permet d'abord l'homogénéisation de termes qui peuvent paraître antagonistes, mais qui ne le sont que par une préférence méthodologique qui privilégie un terme selon un à priori explicatif partiel, et qui ne voit qu'un côté, qu'un aspect de l'enfant. Inversement cette connexion des termes permet d'éviter l'explication de l'un des terme?, par les autres (explication tautologique). C'est la génétique qui doit être explicative, de la relation dialectique des termes selon une nécessité qui les dépasse, selon une logique d'avant et d'après le moment : imaginaire, fonction symbolique, connaissance, sont le passage de l'être au politique et doivent s'expliquer comme corrélatifs, modes, qui se modifient l'un par l'autre, sans doute, mais sans avoir d'autonomie (qui fonderait une dignité cognitive^ et selon la seule nécessité du devenir. Pour que la durée soit l'expression du sujet, elle doit, après la réduction fonctionnelle de la perception et de la sensation, réduire la relation parentale, la durée majeure qu'a été l'assimilation de l'organique à
l'affectif.
La durée du sujet est immanente à cette durée majeure. C'est dans cette macroapproche du relationnel étymologique du corps-sujet. Tout se passe effectivement comme la psychanalyse le décrit (sur le plan fonctionnel). Et nous avons même identifié notre modèle à la situation paroxystique provoquée par le
«complexe
d'Œdipe». Mais cette situation, combien sensible, n'est pas sexuelle bien que constitutive de la signification que la sexualité prendra pour le sujet. Nous avons déjà indiqué le principe du dépassement du contexte psychanalytique par les déterminations purement politiques. Notre modèle va maintenant se couper radicalement de celui de la psychanalyse : l'Œdipe est alors un accident du politique mais accident nécessaire, fatal, d'une culture de classe.
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durée, protégé par elle, que le sujet peut opérer la réduction fonctionnelle que nous venons de voir. Aussi le sujet ne peut la mettre en question que par une nécessité qui dépasse son pouvoir, sa force, son potentiel symbolique. Si le sujet dispose de l'appareil logique, par une expérimentation temporelle des durées contradictoires au niveau du ludique, s'il dispose aussi d'une intentionalité (volonté, etc.), disons conduite d'autonomie, ce n'est pas par lui-même, par l'acte volontaire, la décision, qu'il peut se différencier de l'organico-affectif. Mais son corps est préparé à cette opération. L'imaginaire est alors cette hésitation, entre la plénitude ontologique et l'autonomisation du sujet. Mais si cette hésitation apparaît à chaque moment de la génétique (si elle est même constitutive), ce moment est alors un commencement. Et ce qu'il doit préserver, sa nécessité, c'est la transition, le passage : il doit équilibrer le ludique et le sérieux éducatif, la génétique et la structure, l'organico-affectif et le politique. La psychanalyse, par le complexe d'Œdipe, a proposé une explication de ce moment ; nous le rectifierons en le replaçant dans la totalité génétique, et la critique de l'interprétation freudienne nous permettra de le définir. Nous avons déjà proposé une première approche de l'Œdipe selon la logique du premier stade organico-affectif. La dialectique désir-satisfaction, unique réalité organique, s'est identifiée au relationnel. Aussi celui-ci se radicalise selon la contradiction vécue par le corps, en amour pour la mère et hostilité pour le père. Mais si ce stade a été défini dans la radicalisation du modèle, celui-ci n'est la norme, ni en droit ni en fait, car ce stade doit se soumettre à la totalité génétique, c'est-à-dire se définir selon son antériorité : l'expérience cruciale de la singularité (l'angoisse) et selon le stade immédiatement postérieur : le sensori-moteur. La psychanalyse traditionnelle sera donc soumise à une double critique : le stade organico-affectif qui est arbitrairement privilégié, comme causalité explicative de la subjectivité, devra se soumettre à la totalité du devenir. Si le corps, en son expérimentation, cruciale, première, est expérience de la solitude du singulier, cette angoisse se distribue aussitôt selon les formes à priori de la corporéité et les stades de la génétique. Et elle peut se nier, à chacun des deux premiers stades. Le besoin comblé endort l'angoisse. Et le deuxième stade, par l'équipement fonctionnel acquis, par la libération ludique, l'identification de la subjectivité à des temporalités créées par le corps, autorise l'autonomie corporelle. Ainsi les deux premiers stades sont complémentaires : le relationnel et le fonctionnel acquis permettent au corps de nier l'angoisse étymologique. Aussi cette complémentarité permet de dépasser la dualité apparue dans le premier stade, entre le père et la mère.
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C'est que le corps peut quitter le pur répétitif, du rythme, pour deux champs de conduites, qui équilibrent le rétrospectif, vers la mère et le prospectif, grâce au père. Celui-ci est le commencement d'un champ expérimental, qui autorise l'autonomie fonctionnelle, qui fait apparaître le père comme créateur de l'objet du besoin (nourriture), qui fait de l'œuvre du père la finalité du désir du sujet. Et ce commencement est autorisé dans la continuité de la durée du premier stade. La situation limite du premier stade, présentée en son paroxysme (amour pour la mère, haine pour le père) n'atteint cette exemplarité logique que dans la situation de crise, maximale, de la société civile. Alors la bourgeoisie libérale objective dans le couple une telle contradiction, qu'elle se reconduit, au niveau du premier stade, comme constitutive de la subjectivité de l'enfant. En fait étymologiquement, au moment de la constitution de la cité, dans le corporatisme, à partir du 11" siècle et en droit, l'antagonisme ne s'objective pas dans cette situation limite qui effectivement fixe le sujet en une crise inassumable, objectivement névrotique. (Mais névrose, objective, non de l'enfant, mais d'une classe sociale.) Aussi, si le premier stade est le moment de la coupure, de la distinction entre le père et la mère, c'est comme commencement d'un différenciel qui ne peut se fixer, s'actualiser en deux types de conduites (amour pour la mère, haine pour le père). L'animosité à l'égard du père est immédiatement résorbée, compensée. Il n'en reste pas moins qu'il a perturbé, d'une manière ou d'une autre, la consommation. Mais d'une manière qui n'est pas traumatisante. C'est que les rôles sociaux père-mère ne sont pas très différenciés. Le père participe aussi à la familiarité du gynécée, en milieu social faiblement élaboré, populaire, paysan. Il n'est pas surgissement traumatisant. De même pour le rôle de la mère, qui participe, elle aussi, au sérieux politique. Elle régularise, contingente. Elle se fait complice et alliée du père. Au moment de l'organicisme de la cité, père et mère prolongent le vitalisme. La vie sociale prend encore racine dans un naturalisme. Aussi, en fait (et en droit) le père apporte une latence qui ne s'actualise pas, qui n'atteint pas le paroxysme. L'ambiguïté peut, par la suite, se faire positive ou négative, mais dans l'immédiat elle se compense. Aussi ce n'est pas selon les catégories psychanalytiques que cette situation, qui n'est pas expérience cruciale de la contradiction (et politique), mais dualité de complémentarité, doit s'interpréter. Tout ce qui n'est pas rapporté au père (qui alors est identifié au négatif), est pris en charge par le sujet et peut être pris en charge sans traumatisme. Celui-ci prend sur soi, assume : c'est l'enracinement du pour-soi, la solution politique d'une problématique organique. Et c'est le commencement de la maturité : assumer un éloignement de la
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consommation sans en faire le père totalement responsable, tout en sachant qu'il en est la cause. Le corps devient subjectivité (et non statut névrotique de la subjectivité). Un différenciel apparaît, qui brise l'opacité de l'organico-affectif, mais ce différenciel est une diversification de l'opération du sujet, de son économie, et non le choix d'un terme extrême, contradictoire. Cette diversification déplace l'organico-affectif. De participation immanente, innocente, ontologique, immémorable, passive, l'organico-affectif devient un acte du sujet, un échange qui a l'affectivité comme principe et comme fin, mais après l'acquisition d'un savoir, qui est une critique de la consommation, une appréciation de l'échange qui distingue entre le père et la mère. L'organico-affectif d'être est devenu relation. Il ne change pas, qualitativement, mais se déplace : la relation s'est substituée au besoin, à la nécessité de celui-ci s'est substituée la nécessité de la reconnaissance. Entre le besoin et la relation s'est faite une critique de la consommation qui met en balance besoin et relation et qui ne peut plus isoler le besoin, en faire un attribut indépendant de la relation. Le besoin passe par le relationnel, c'est celui-ci qui lui donne sa valeur, sa signification, non pas comme qualité seconde, mais comme terme constitutif. Ainsi l'organico-affectif, après la réduction fonctionnelle de la sensation et de la perception devient le lieu de l'action du sujet qui est aussi le lieu de l'action sociale : la conduite, différenciée, organico-affective du sujet, est aussi la conduite (mais la moins différenciée) de la cité. L'échange familial est la conduite la moins économique (au sens de catégorie). Le besoin est soumis à la relation mi-politique (le père) miorganique (la mère) selon une dialectique commune à la famille et à la cité. C'est seulement à ce moment que le sujet quitte le corps, comme acte qui épuise l'intention, comme identité de la puissance et de l'acte, qu'il passe à une présence qui sera sa mémoire, à un lieu d'action commun qui s'appréciera selon des signes qui ne seront plus ceux du corps. Les durées du sujet s'objectivent doublement : la durée est par la relation et la relation est par des signes. Et l'intentionalité, la subjectivité, est comme prise au piège : si elle veut quitter la précarité d'une durée sans objet, pour une durée signifiante, finalisée, hiérarchisée, elle doit consentir à la politisation. Mais encore à ce moment d'opportunisme, de même que la dualité affective est de complémentarité, durée objective et durée pure ne s'opposent pas, mais au contraire se succèdent, et comme équilibre, de l'expression subjective, comme présence de deux moments qui n'ont pas encore à être opposés. Si le sujet a gagné sur le corps, un lieu objectif d'échange et de reconnaissance, c'est encore le corps, l'intérêt immédiat, le besoin, qui sont la raison de l'échange et de la reconnaissance.
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La progression normale du corps peut être arrêtée par la fixation à la situation paroxystique du premier stade, qui apparaît par la contradiction maximale de la société civile, celle de la bourgeoisie libérale de notre époque. (La psychanalyse qui dit la situation de classe a identifié cette situation à celle du sujet universel.) L'anormal, mais politique, est tel qu'il radicalise l'antagonisme père-mère, culture-société, haine-amour, selon une événementialité traumatisante du sujet. Le complexe d'Œdipe est en effet la solution radicale, paroxystique, de la crise. Mais «un complexe d'Œdipe» alors non freudien (manifestation conflictuelle d'une relation dont la consommation est la cause) non sexuel, mais combien sensible. On pourrait retracer un schéma positiviste, empirique, naïf de cette crise, son déroulement limite. A l'interdit, au contingentement de la consommation (sevrage, etc.), le sujet répond par une surenchère (cri, larmes, etc.). Et ce qui attendrit la mère (comme rôle social) exaspère le père (comme rôle social). La violence (brusquerie, coups, etc.) est alors la marque de la rupture avec la consommation. A la bienveillance a succédé la sévérité. Ce schéma de la banalité quotidienne permet de mettre en évidence la relation conflictuelle, dialectique, entre le père et l'enfant. Le conflit est provoqué, événementiel. C'est un drame qui surgit, que le père peut regretter, qui le surprend lui-même. Mais une logique de l'événement (qui ne fait qu'actualiser la logique) entraîne la conclusion. Mais l'empirisme, l'occasion, la manifestation, ne doivent pas cacher la cause politique du comportement des parents. Comme nous l'avons vu, le politique, dans sa signification macro-sociale, se reconduit dans le microrelationnel qu'est le relationnel du couple. Et l'organico-affectif, chez l'enfant, se constitue dans sa projection-imitation vers la structure parentale. Aussi le moment de la plus grande contradiction politique, entre la bourgeoisie et le prolétariat est vécu selon un non-dit qui reprend, dans le conflictuel des parents, la situation aliénante-aliénée de cette classe sociale (la bourgeoisie). Le père et la mère sont très politisés et selon l'arrivisme de cette classe sociale, selon le négatif qu'est l'accession à une situation objectivement oppressive. Leur relationnel est le plus éloigné des relations encore non élaborées du prolétariat ou de la paysannerie. Et ce relationnel, du couple bourgeois, a comme négatif le non-dit qu'est l'arrivisme, l'implacable soumission à l'argent, au pouvoir. Tout ce qui a été sacrifié pour accéder au statut de classe, tout ce qu'il a fallu subir pour conserver ce statut, toute l'oppression acceptée est vécue dans l'intimité, comme l'antagonisme du couple. (Et comme un non-dit, du couple qui sera le subconscient de l'enfant.) Donc, si le premier stade est, pour le sujet, la dualité haine-amour, ce n'est
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pas selon une fatalité organique, mais parce que, à priori, les parents ont imposé le modèle de la contradiction. Alors cette contradiction, trop tôt révélée dans le même, est traumatisante ; elle fixe le sujet à ce moment, et si la génétique se poursuit c'est selon la constante référence à ce traumatisme qui normalement doit se dépasser. Aussi ce n'est plus maintenant au niveau de la consommation immédiate que l'organico-affectif doit se définir. Le geste, empirique, de la vie quotidienne n'a fait qu'actualiser l'exaspération politique du père, qui ne fait que reprendre à l'égard de son fils la conduite type que sa situation dans la praxis, dans la politique dynastique, lui impose. Le relationnel, affectif, est alors décisif de la signification du besoin. Car la fixation, acquise, par le sujet, à la mère, se fait irréductible, n'autorise plus la malléabilité autorisée dans le cas de la non-actualisation de la contradiction. La consommation est alors revendiquée contre le père, autant que pour la satisfaction du besoin. Cette situation se développera dans l'étalement abusif du premier stade, situation constamment actualisée par le comportement des parents. Le désir reste fixé à son premier moment, comme contestation d'une répression. Et cette situation définit non seulement «la nature humaine» du bourgeois, mais encore les limites de son ouverture politique et intellectuelle. L'image du père est dite répressive d'un désir qui ne sait pas que sa seule consistance est le rôle du père dans l'éducation bourgeoise. Aussi, lorsque le fils du bourgeois se dira révolutionnaire (alors qu'il ne veut que s'émanciper) ce sera contre le père. Alors qu'au contraire le vrai révolutionnaire, le fils d'ouvrier, l'est par fidélité au père. Le fils du bourgeois s'émancipe du père, mais le père en milieu ouvrier est... ouvrier ! Révolution et émancipation, sont, à un certain moment de la logique de la production, contradictoires. L'émancipation se révélera réactionnaire, néo-libéralisme9. La dualité est donc apparue dans l'organico-affectif. Mais selon deux modes très différents qui vont élaborer la consommation selon deux perspectives opposées. La dualité de complémentarité des deux stades qui autorise une continuité génétique intègre l'antagonisme père-mère. Celui-ci a suscité un champ de conscience, le commencement de la mémoire, l'éveil au politique. Le pour-soi est alors l'assumation du négatif par le sujet (sans le reporter sur le père). Assumation d'une légère scission, qui se compense et n'est que latence (ouverture). Dans ce cas, le sujet pourra renoncer à l'immanence ontologique pour un lieu de sociabilité qui, lui, fera apparaître la contradiction dans le politique, et non dans l'organique, et non par l'identification du négatif au père. 9. Nous faisons allusion à Marcuse et à son auditoire.
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Mais, même dans ce cas, authentiquement normatif, il est bien entendu que le sujet, dans l'immédiat, reste fixé au besoin. S'il a été préparé à la dialectique du dépassement du besoin, ce n'est que dans les stades ultérieurs, et en particulier par l'accession au langage, qu'il pourra accomplir, comme acte subjectif, la mutation du désir. Ainsi la crise, la contradiction reste latence, ambiguïté : le négatif circule, se dépasse, ne se fixe pas à la personne. Le traumatisme se compense doublement : par la conduite de communication vers le politique et par la conduite de régression vers la mère. Les deux termes ne s'opposent pas. Au contraire, le sujet a découvert deux champs opérationnels qui nient pareillement l'angoisse étymologique. Que ce soient la source de la consommation ou le principe de la communication politique, deux conduites, maintenant relationnelles, d'échange politique, permettent de reconstituer une homogénéité qui n'a plus la perfection ontologique, mais qui permet une double efficacité du sujet. C'est son acte qui mérite, qui acquiert. L'opération créée, le sujet est centre de décision et non plus passivité. Alors il peut renoncer à une consommation qui est le lieu de l'angoisse, alors le négatif ne se fixe pas sur le père. L'échange, pour la consommation, et l'échange, pour la relation, est un langage, sans symbolique encore, d'engagement total du corps. L'organique est l'échange, est son propre signe. De la consommation lieu de l'angoisse, à la consommation méritée, lieu de l'échange, le sujet est passé de l'organique à l'affectif. Sa contradiction ne fait qu'homogénéiser le champ social ; la polarité relationnelle fera apparaître, comme finalité des champs opérationnels, le père et la mère comme personnes, puis comme modèles régulateurs de tout le politique. La consommation est le résultat d'une opération du sujet. Elle est médiatisée. L'échange, qu'est maintenant la relation avec la mère, est l'acceptation de la régulation de la consommation, comme la relation avec le père est l'acceptation de la frustration. L'autre perspective fixe la dualité au pemier stade, en un antagonisme radical, qui fixe le désir au premier besoin organique, comme contestation du pouvoir du père. Le traumatisme a été trop fort ; la latence normative, d'antagonisme à l'égard du père, s'est actualisée. Le négatif est reporté sur le père. Toute la dynamique sera déterminée par cette fixation. N o n seulement le «complexe d'Œdipe», restauré, doit être défini selon la génétique totale du corps, son avant et son après, mais aussi selon la réalité majeure, originelle qui a défini la consommation. (C'est bien avant le moment des catégories psychanalytiques qu'il faut remonter pour définir la problématique et la thématique du corps.) Cette étymologie, réalité majeure de la consommation, est restauration de l'être, participation et immanence. Et toute la thématique du sensible
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doit se soumettre à cette réalité. Ainsi le plaisir, le désir, le besoin ne sauraient être hypostasiés en concepts autonomes et fixistes. Ces termes ne sont que des attributs, corollaires, moyens, de la restauration de letre. Et de l'étymologie au sensori-moteur, à l'autonomie fonctionnelle du sujet, ils subissent une double élaboration : comme acquisition de l'appareil physiologique (acquisition de la nature : sensation, perception) et comme acquisition de l'affectivité (sens politique du désir : complexe d'Œdipe). Plaisir, désir, besoin doivent être définis comme des significations d'ordre synthétique : rencontre d'une organicité (d'ordre bio-chimique) et du destin politique de la cité. La problématique de la consommation est donc celle de la restauration de l'être selon l'historicité du corps (moments du besoin, du désir, du plaisir). Et toute la vie sensible sera soumise à ce paradoxe : à mesure que la subjectivité se politise, le corps s'éloigne de la restauration de l'être. C'est en référence à cette problématique de la consommation que nous suivrons la génétique du corps (la sexualité en sera le dernier terme). 5. Historique de la relation conscience-subconscient Cette nouvelle réduction ontologique, opération du sujet, contraint puis consentant, qui a assumé le négatif politique, qui est maintenant dans le sérieux, identifie les durées au relationnel. Le sujet s'est d'abord distingué du corps : le premier imaginaire est la dualité corps-sujet, le commencement de la fonction symbolique. Le symbolique est encore immanent à la nature. Maintenant les durées, du sujet, tendent à se séparer du sujet. Même la durée maternelle est la participation à un relationnel politisé, à une économie de l'échange. Elle n'est plus l'immanence du fœtus, de la sensation, du besoin comblé. La participation se fait nominale : l'affectivité est déjà le retour à la mère, qui devient la consolatrice, celle qui répare l'échec dans le politique. Elle n'est plus l'immanence mais le retour vers le passé. C'est la période proprement affective. (Elle s'actualise par l'échec politique.) L'organique est assuré par ailleurs. Il est le produit de la fonctionnalité, de l'œuvre du père. C'est lui le pourvoyeur. Le besoin tend à se localiser dans la praxis. Le désintéressement organique du sujet autorise l'intérêt affectif. La mère est la présence du passé du sujet : elle est la reconnaissance de l'ontologie. L'affectivité est le savoir de ce passé. Le sujet a accédé à cette durée particulière qui est la mémoire, le raccordement du passé organique et du champ d'action politique. Au niveau du ludique une expérimentation des temporalités a permis au sujet de se couper de la durée purement organique. Au niveau du «complexe d'Œdipe», le sujet accède à une action sociale. Le sujet dispose d'un système de réfé-
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rences, d'un champ d'action délimité par la dualité du relationnel. Tout acte participe maintenant à l'historicisation : chaque conduite est prospective ou rétrospective, a pris date. La première distanciation que le sujet a pu prendre avec son corps est distanciation de l'organique et de l'affectif. La nouvelle distanciation du sujet comme durée sans contenu et de la durée continue, chronologique qu'est la mémoire, est distanciation de l'affectif et du politique. La relation organico-affective n'est pas mémorable : de son principe à sa fin, l'univers de la mère est homogène, continu, sans contradiction, sans critique; la consommation reste immanente à la relation, en est sa finalité. Ce n'est que par le politique qu'elle s'historicise : ce n'est que par la dualité des conduites politiques et naturelles que l'organique se coupe de l'affectif, que l'affectif se distingue du politique. Aussi la mémoire, qui est dualité du politique et du naturel, organise historiquement cet affrontement, du prospectif et du rétrospectif, en dualité de la conscience et du subconscient, du champ politique et du champ naturel. Tout le passé non historique est homogénéisé alors, dans le subconscient. C'est lorsque le politique intervient dans l'acte du sujet que le corps devient un acquis quasi définitif : tous les termes, d'acquisition, antérieurs, participent à une conduite relationnelle, constituent les différentes données d'une même opération. Et la signification de la totalité ne peut s'atteindre qu'opérationnellement, que par la confrontation au politique. Le corps par lui-même ne pourrait dépasser le ludique (et dans le ludique le jeu de l'alternance des rôles) s'il ne devait répondre à la conduite politique. Alors le corps agit comme une totalité qui a sa propre finalité, sa propre continuité, qui garantissent sa constante présence au politique. Cet acte est rétrospectif, conservateur. Il n'est pas une mémoire, mais une présence active. Il ne faut pas penser ce premier subconscient comme un résidu, un négatif, mais comme une intention toujours présente à toute action du sujet. Le subconscient à ce premier moment sera la synthèse de toutes les données antérieures dans une opération de négation du politique : c'est le corps. Ce subconscient est une somme, une acquisition. Le sujet a vécu sa vie naturelle, celle de la participation et de l'immanence à l'organico-affectif et au sensori-moteur. Le corps est alors constitué : l'être est devenu un savoir, une réalité synthétique et opérationnelle. La relation conscience-subconscient doit être pensée dialectiquement, et selon deux grands moments. Au premier stade (organico-affectif), le désir est la dynamique, le réveil, la première conscience, «l'animal est le premier idéaliste» alors que la satisfaction est ontologique, sommeil, repos, soumission, passivité, subconscient. Par le deuxième stade (sensori-moteur), le corps est totalement absorbé par le geste (est catharsis et principe de la fonctionnalité). Cette présence
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est la conscience, par opposition au premier stade qui est oublié, dans l'action, mais qui demeure (subconscient) et qui est réminiscence, par le désir. Ces deux stades sont aussi relégués dans l'oubli, le passé, le subconscient, lorsque le sujet dispose de la sensation et de la perception réduites à la fonctionnalité. Alors celles-ci sont présentification, présence au passé sans que le passé gêne l'action du sujet. Le deuxième grand moment est la relation du corps constitué et de la participation politique : deux conduites synthétiques, opérationnelles, conflictuelles. Mais sans que la contradiction ait encore fait ces deux conduites irréconciliables. Le passé, le corps devenu, sera la conduite devenue affective (le nationel). Le sérieux, la conduite pragmatique, le prospectif ne s'opposent pas au «nationel» rigoureusement, car le père participe aussi à cet univers. La scission est en train de se faire entre les deux conduites. Elle ne sera acquise que lorsque le sujet aura acquis le langage. La confrontation des deux conduites reprend l'opération du sujet. C'est la subjectivité qui crée le système d'expression, la fonction symbolique, l'utilisation du corps comme moyen de relation.
6. Etre et savoir : mode de la relation conscience-subconscient. L'intuition Le corps, parce qu'il est un acte, une création, succession de stades, organisation de durées, synthèse de conduites, est à la fois un être et un savoir. Les stades (organico-affectif et sensori-moteur) donnent la stratification ontologique, le résidu naturel, l'irréductible au politique. Mais cet être-là n'est qu'une totalité synthétique. Chaque stade est un acte du sujet : les formes à priori de la corporéité, relation, fonction, durée se synthétisent selon une décision opérationnelle du sujet. Et, lorsque le corps est constitué, ces formes à priori sont toujours actualisées par le relationnel politique, par la confrontation avec les conduites du sérieux de la cité. Aussi, par les formes, le corps est le savoir opérationnel du passé. Les formes à priori (la connaissance) quadrillent les stades (l'ontologique). Ces formes, au moment du corps constitué, sont à la fois le savoir des stades antérieurs et de l'antériorité de chaque forme. Et c'est un savoir immédiat, puisqu'il est aussi celui de l'être, qui donne au corps un prodigieux pouvoir : l'acte, d'expression du sujet, est aussi l'être, le corps. Et cet être est aussi le savoir, mais sans représentation, sans distance entre la puissance et l'acte. L'intuition pure est alors le mode de connaissance.
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7. Les universaux du sensible ; l'image, plus forte réduction temporelle du passé Le corps ne se rappelle que pour l'action : il n'est qu'actualisation du passé. Et son opération consiste à rappeler du passé ce qui autorise l'action présente. C'est alors que son activité est synthétique, qu'elle reconstitue sélectivement une totalité, selon des éléments disparates et hétérogènes, car pris à des moments différents des stades et des formes. Cette adaptation immédiate du corps à la situation présente s'organise selon des fonctions, des modes d'intégration, de captation, de réduction du multiple. De grands schémas d'action se constituent selon un découpage qui échappe à l'intellectualisation ; la synthétisation se prolonge en des durées, universaux, du comportement naturel, catégories de la connaissance intuitive. C'est une pré-psychologisation, une autonomie opérationnelle. La participation à la situation présente se fait donc par la participation au corps : l'expression n'est que le corps (l'être). La symbolique est totalement immanente à l'organique. Mais l'organique n'est plus l'acte, n'est plus le moment, n'est plus l'immédiat. Il est expression de lui-même ; l'être est existence. Une distance est apparue, dans l'ontologique, qui est l'opération du sujet, une autonomisation, une intention qui échappent à l'organique en s'en servant. Cet opérationnel, non seulement sans représentation, est aussi sans symbole constitué, reconnu, par le politique. Mais l'actualisation opérationnelle se donne une forme, pré-symbolique : l'image, synthèse des matériaux organiques, dans la plus forte réduction temporelle, pour une action politique (alors dualité des conduites). L'action politique, aussi élémentaire et fragmentaire qu'elle soit, réduit les matériaux organiques à une configuration, à un ordre. C'est par la continuité politique des conduites dans lesquelles le sujet est engagé que le geste corporel (au sens large d'expression) n'est pas un confusionisme, une gesticulation gratuite. Le politique donne la forme, surmonte le concurrentiel anarchique des temporalités, relations, fonctions, perceptions, sensations, la juxtaposition et l'emmêlement des modes d'être et de connaissance qui seraient le recommencement, mais sur un autre plan, du syncrétisme originel. Ce sélectif est l'intention du sujet de s'exprimer dans le politique, sans lui le corps serait un délire, schizophrénie, pathologie, car perte du savoir du relationnel. (Le rêve est cette régression : la surabondance des matériaux organiques acquis, et qui ne peuvent se soumettre à un ordre. Aussi chacun revendique sa signification propre. De là le concurrentiel anarchique du
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rêve : chaque terme prétend à sa propre signification, alors la symbolique envahit le nocturne, proposant une signification de chaque objet, moment, etc., qui brise la signification antérieure et que prétend quitter la signification à venir.) 8. Le symbole : première politisation de l'image. Les images motrices. La substitution d'un signe à une conduite C'est le symbole, quand il est le plus immanent, qui permet de reconstituer ce qu'est la première politisation de l'action du sujet. Entre le symbolisme le plus immanent et le corps constitué comme potentiel encore non organisé, somme de matériaux disparates, des schèmes d'action mi-organiques, mi-politiques reprennent les constantes de tout comportement. Et sélectivement, en écartant les matériaux les plus occasionnels, en ratifiant les plus répétés. Ainsi se structurent ce qu'on pourrait appeler des images motrices, la première soumission du corps à une finalité politique. Ces schèmes constitués deviennent normatifs : modes de relation les plus organiques. L'action exprime l'action : les schèmes sont intégralement répétés. Ce sont des circuits, organiquement des plus complexes, qui font intervenir le sensori-moteur, le système nerveux, qui sont la synchronisation avec les conduites politiques élémentaires. La première symbolique consiste à substituer à cette action élémentaire, mais constitutive du comportement plus complexe, un condensé, une ellipse, un raccourci de l'action qui d'abord attirent l'attention, fixent le comportement, et enfin se substituent à ce comportement. (Cette première économie énergétique n'est possible que par le gain politique, selon la loi de transmutation qu'est le symbolisme : la perte, ontologique, devant se compenser par un progrès dans le relationnel.) Alors un élément matériel se substitue au comportement. Ce signe peut se substituer à deux conduites, pourtant différentes, en se plaçant à leur intersection, de telle manière que l'élément organique soit la fin de l'une et le commencement de l'autre. A la limite, le symbole se substitue à ce pluralisme de conduites qui constituent le comportement politique élémentaire, la cité première, la pensée primitive. Alors de grands symboles expriment, objectivent tout comportement. 9. Totem et tabou : les deux conduites antagonistes réduites à leur symbole Ainsi la pensée primitive peut réduire à une polarité symbolique, totem et tabou, le comportement tribal. Toute action connaît sa finalité, sa contradiction. Le symbole est normatif. Toute action en amont de la nature constituée et fixée n'est plus possible. De même toute action en aval de cette nature
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est exigible. Totem et tabou sont des fins et des moyens. Les modalités d'action sont les buts à atteindre, la conduite naturelle est immanente à la conduite politique. La pensée sauvage est ainsi révélatrice du rôle que le symbole joue dans l'action. Il est constitué et constituant, il est l'acte créateur et l'acte régulateur, il est l'action et son résultat. L'interprétation de la symbolique du rêve doit être aussi soumise à la nécessité de la génétique du symbole. Le symbolisme sexuel proposé par Freud est effectif. Mais parce qu'il renvoie à ce moment qui précède le langage, qui est l'expression du corps par luimême. La signification du symbole est sexuelle car le corps ne peut exprimer que lui-même. Le rêve prend signification par une conduite politisée mais qui, elle aussi, est un passé, et dont l'élaboration, la différenciation avec l'organique n'est que modale. 10. L'image : passage de la durée au symbole La fonction symbolique est alors le premier dédoublement du sujet, comme symbole et comme image, comme signe social et comme acte du sujet. Le symbole est le résultat de l'image, il est son expression sociale. Aussi, lorsque la symbolique est constituée, la subjectivité n'a plus besoin, opérationnellement, de l'image. Elle peut faire l'économie d'une expressivité qui l'engage trop, en se référant alors seulement à des objectivations qui deviendront fonctionnelles, médiations vers un relationnel plus efficace. L'image subsiste, comme rappel d'un moment de la génétique, et comme expression de cette frange du comportement mi-politique, mi-organique, qui correspond dans le macro-synchronique du social, mais par des comportements différenciés, à ce moment de la génétique. L'image sera alors le lieu de rencontre de l'organique et des conduites macro-politiques vouées à l'organique, l'expression du non-dit du langage. Ainsi l'image doit s'apprécier à deux moments ; dans sa génétique, comme prospective du sujet, et dans son actualisation fonctionnelle, comme rétrospective vers le moyen de connaissance et d'expression le moins élaboré politiquement, comme privation, puis comme négation du langage (alors devenu expression du corps), comme pathos et refus du relationnel. A mesure que la systématique de la symbolique progresse, la subjectivité économise l'expression corporelle, se fiant aux substituts que sont les symboles. L'ambiguïté entre l'expression, du corps, comme acte, effectivité immédiate, et l'expression comme communication, relation, devient l'opposition de l'image et du symbole. Mais, comme le sujet dispose d'une systématique relationnelle (par la symbolique constituée) l'image s'appauvrit de plus en plus de son pathos intimiste, n'est plus que fixation des éléments matériels du souvenir. C'est le symbolique qui reprend le pathos,
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l'émotion se faisant relationnelle, se déplaçant du sujet vers l'autre, la sensation se diluant en affectivité. (L'image reste encore à la disposition du sujet comme formalisation de l'émotion, comme moyen d'expression qui répond à une vocation précise.) L'image est donc apparue, dans la génétique, comme un acte, la plus forte homogénéisation, unification du multiple, fixation du devenir. C'est une expérience temporelle, une durée qui condense dans la plus forte réduction temporelle, une conduite du sujet. La signification de cette durée se fait normative de l'évocation du passé lorsque le corps doit répondre aux sollicitations du présent. Alors l'image recrée. Elle sera le véhicule et la formalisation de l'organique, de tout le passé. Le corps, qui était devenu durée, et ainsi subjectivité, tend maintenant à une objectivation. Mais avant d'accéder au langage, à un autre système de relation, il doit progresser dans l'imaginaire. L'image, qui permet l'utilisation et même la fonctionnalité du passé, qui réduit celui-ci à quelques grands schèmes opérationnels, est aussi un enlisement dans l'organique. Aussi la fonction symbolique permet-elle de libérer le corps, pour le relationnel, par l'actualisation objectivée. Le corps n'a plus besoin de participer pour s'exprimer. Le sujet se réfère à des objectivations, à ces actions en raccourci, représentées par un terme immanent à l'action, encore, mais qui n'est plus l'action, et qui se réduira à une allusion à l'action. 11. L'image et le langage ; continuum de la fonction symbolique Et le problème de l'acquisition du langage est déjà, à ce niveau, résolu10. Le problème du langage se résout par la fonction symbolique comme celle-ci s explique par le relationnel et comme celui-ci s'explique par la génétique du corps. Et le corps, à ce moment qui est l'imaginaire, n'est plus pure présence à soi-même, comme aux moments organico-affectif et sensori-moteur. L'existence n'est plus l'être et ne rappelle l'être que pour le relationnel. L'être n'est plus que le moyen de l'existence. Et celle-ci se définit par sa finalité : le relationnel. Maintenant l'existence est une dualité de complémentarité (conduite vers le père, conduite vers la mère) qui est le champ opérationnel du sujet. Cette contradiction du «nationel» et du politique ne fait qu'homogénéiser la subjectivité, la coupe de l'organique, la projette vers une problématique sociale. Et cette problématique se résout, sur le plan de 10. Le procès génétique du corps est une continuité. Aussi l'acquisition du langage ne posera pas de problème particulier : il sera l'accomplissement de la fonction symbolique.
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l'action, par la fonction symbolique qui d'abord concilie l'immanence et le symbole, puis les distingue (image et symbole). C'est donc sur trois plans que le même problème se pose et suscite la même contradiction. Sur le plan métaphysique, la contradiction est entre l'être et l'existence ; sur le plan relationnel, normatif, éthique, la contradiction est entre le père et la mère et sur le plan de la fonction symbolique, la contradiction est entre immanence-symbole. Mais si la contradiction se déplace, au niveau de couples successifs, c'est que le problème est successivement résolu, par les opérations successives du sujet. Le même problème logique s'est reposé dans la chronologie. A chaque fois l'opération du sujet l'a résolu en reposant le même problème sur un autre plan. On pourrait dire que la solution du problème est le problème à venir. Ainsi le sujet se fait le lieu de la décision, et la continuité de son choix est la subjectivité, comme fondement de la personnalité, principe de la volonté. Mais si la contradiction se déplace elle n'est pas résolue. Au contraire, à sa dernière expression, elle va s'exaspérer : au niveau de la fonction symbolique, la contradiction, suivant le processus que nous venons de décrire, après la contradiction immanence-symbole, puis symbole-image, va devenir la contradiction symbole-langage. Et ce moment (que nous allons étudier) qui sera la dernière opération de la subjectivité, ne posera pas de problème particulier sur le plan de la connaissance : ce sera comme la suite et la fin du processus déjà établi que nous définirons le passage du symbole au langage, dans la continuité génétique. Le sujet, lorsqu'il disposera du langage, aura réalisé son projet : un système de relation (impersonnel et universel). Mais, en même temps, il aura non seulement maintenu mais élargi l'être étymologique, qui aura gagné la relation (politique) avec la mère et la fonction symbolique. La contradiction dialectique entre la nature et la logique peut d'abord s'apprécier dans l'absolu, sur le plan logique. Par la chronologie la contradiction se dispose en subconscient et conscience. Nous avons déjà vu la variabilité de cette disposition. Le subconscient n'est pas passif : ce n'est pas une réification, structuration déposée de l'extérieur ou fonctionnalité fixiste de l'anté-prédicatif. Au contraire, dans sa constitution, de l'organico-affectif à l'image, il prend forme, est un acte de sujet. Et lorsqu'il est constitué, il participe encore dans la dualité relationnelle des conduites. L'image actualise le passé organique et la conduite vers la mère s'élabore, poursuit sa propre fin, dans sa confrontation, son concurrentiel au politique.
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12. Niveaux du subconscient La contradiction est autant dans la nature que dans la relation nature-logique, lorsque l'on étudie la relation conscience-sub'conscient d'après la génétique du sujet. La contradiction entre la mère comme sensation (organique) et la mère comme personne (moment évolué du relationnel) est une contradiction combien subjective, non dite mais opérationnelle, à l'intérieur d'un devenir homogène. A cette contradiction, propre aux Pénates, apparaît parallèlement une contradiction propre au politique (du père comme principe de coercition mais personne, et du père comme état, impersonnalité comprise et agréée). Aussi la contradiction entre logique et naturel doit-elle se situer au même moment. On connaît la contradiction définie par la psychanalyse, contradiction de la société civile (et d'un moment de cette société) qui oppose deux termes particuliers de l'évolution (les considérant, à tort, comme constitutifs). Une autre contradiction serait celle de la finalité de la conduite des Pénates (dont le dogme de la Vierge Marie rend compte) et de la finalité de la conduite politique (l'Etat dont la philosophie hégélienne rend compte). La fonction symbolique fait apparaître la contradiction à un moment que Fépistémologue doit privilégier : de l'image (symbole) au langage, le corps accomplit son avant-dernière opération (avant la sexualité). Postérieurement, il sera constitué en un subconscient de plus en plus réifié, fixé sur son acquis, c'est-à-dire destin qui donnera sens et forme à la sexualité (lorsque celle-ci apparaîtra comme fonction du corps). L'image et le langage représentent la dualité opérationnelle qui est l'aboutissement de la contradiction entre la participation à l'être (sensation, principe originel) et le relationnel, compensation et dépassement du négatif, assumation de la privation. L'image restaure le passé, est le moyen de rappeler la plénitude substantielle, d'éveiller l'émotion. Au contraire, le langage est un relationnel privé de cette substance, opération où le passé ne joue aucun rôle, pour qui toute action est maintenant constituée par la relation, et où même l'œuvre de la relation (logique) est constitutive de la relation. Image et langage définiront donc la nouvelle problématique du sujet : une relation sans substance (corporelle) et une substance sans relation. Mais entre les deux, le symbole participe des deux, est substance et relation, comme l'enfant participe à une dualité de complémentarité (la mère et le père sont les parents), comme l'être s'exprime par l'existence. (Ce moment est sur le plan relationnel, entre les parents et l'enfant, un moment particulier de l'échange.)
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III. LES CONDUITES POLITIQUES A . LE LANGAGE : MESSAGE ET CODE
1. Le contrôle de l'organique : du cri au premier mot Le problème du langage peut s'apprécier sur deux plans : celui technique, phonétique, de l'apprentissage, de la voix qui passe du cri à la modulation et à l'articulation, et celui épistémologique, de la communication par signes, le même appareil physiologique permettant de passer du phonème à la sémantique, du symbole à l'abstraction logique (le même moyen servant à exprimer deux choses qui seront contradictoires). Sur le plan épistémologique, la description des progrès, l'appréciation des seuils peut-elle prétendre à l'explication ? L'étude de l'apprentissage note, définit : cette méthode est-elle autorisée à donner la cause du parler ? Peut-on proposer comme solution du problème épistémologique la solution du problème, d'ordre technique, de l'apprentissage ? C'est bien par une réponse positive à cet énoncé que l'explication semblerait sérieuse car c'est déjà le problème : comment le bébé passe-t-il du cri au mot, et comment passe-t-il du mot à la phrase ? Et sur le plan purement technique de l'articulation et de la modulation, comment le progrès quantitatif, formel ? Mais cet aspect technique peut-il être interprété indépendamment du «contenu» ? Pourquoi un perfectionnement ? Pourquoi le contrôle de la voix ? Aussi c'est sur le mode critique, réflexif, que l'explication même de l'aspect formel et technique du langage doit être cherchée. Le seul perfectionnement technique du langage (la matérialité expressive) comme la seule problématique du signifiant, comme la seule étude dans le synchronique ne suffisent pas. Parler est un acte dans la génétique, auquel le sujet se consacre, s'engage totalement. C'est dans la continuité du fonctionnel, de l'acquisition technique, du travail, que cette acquisition doit être située. Entre l'apprentissage du langage, et l'apprentissage du métier, il y a une continuité de la conduite, située à deux moments très différents et auxquels le sujet participe selon des moyens très différents. Mais c'est toujours le même problème qu'il résout, la même vocation qu'il poursuit. Et si cet acte est techniquement très complexe, s'il est déjà une élaboration du fonctionnel et du relationnel, si son mécanisme a effectivement une continuité spécifique, avec ses problèmes et solutions spécifiques, il n'est aussi qu'un aspect, spectaculaire et commode pour le chercheur, d'une totalité, d'une motivation, de l'affectivité.
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L'explication du langage sera donc celle de l'acte que le sujet veut accomplir, à ce moment particulier de la fonction symbolique qui suit l'acquisition de l'image, et qui est aussi symbolisation, au sens de première objectivation. Entre la mère et son corps, le sujet peut glisser une distance, celle du savoir acquis. Mais, et cela est très important, ce savoir acquis, qui est le corps constitué, n'a pas encore comme élément constitutif l'élément politique. Le sujet a rencontré le politique (au niveau du complexe d'Œdipe) mais comme arrêt, fixation du passé organique. Le politique n'est pas encore acquis, comme opération du sujet, comme lieu de l'effectivité. Il demeure projet. Donc, pour autant que le sujet sache, ce savoir n'est que le passé du corps, ce qui a été assumé par la mère, qui s'est chargée du négatif. De la sensation première à ce moment, le corps vient donc de reconnaître ce que la mère lui a donné, appris, autorisé. Aussi l'immanence de la relation avec la mère n'est pas mise en question. La structure demeure : le relationnel est qualitativement le même, il témoigne de la même intimité, qu'il s'agisse de l'allaitement, échange encore organique, ou du symbole le plus immanent, échange affectif, pas encore politique. Mais les modalités, de l'échange, se sont déplacées. Une médiation est apparue. Et cette médiation sera, pour le sujet, le passage de l'organique (comme immanence sans savoir) à l'affectivité (comme immanence sue. reconnue) : la médiation est le savoir du bébé, l'aboutissement de son opération, mais ce savoir n'est que la constante présence de la mère, n'est que son œuvre. En même temps que le bébé acquiert la médiation, comme celle-ci n'est que l'objectivation de son savoir, c'est-à-dire la reconnaissance de l'oeuvre de la mère, il passe de l'organique à l'affectivité. A l'intérieur de la structure une modification s'est accomplie, mais qui ne fait que renforcer, redoubler le structurant : le corps connaît la vie une seconde fois. Le négatif a été doublement pris en charge par la mère : d'abord comme satisfaction du besoin organique, puis comme négation de l'angoisse par la présence, l'être là, la consolation. Et le besoin s'est déplacé. Si le besoin organique demeure, il est subsumé par le besoin affectif. Le sujet sait déjà que la négation de la faim n'est qu'une modalité de la négation de l'angoisse, que l'organique est subsumé par l'affectivité, que la maternité déborde la fonctionnalité. Et cette prise en charge du négatif doit se mériter pour que l'échange soit réciprocité. De l'immanence au symbolisme le plus immanent que sera le mot «maman» prononcé, répété, par le bébé, c'est la même réponse, mais à deux moments du relationnel. Mais du contrôle du sphincter, comme savoir du négatif et réponse à la mère, au langage, savoir du négatif et réponse à la mère, il y aura transformation de l'expression, de par le savoir acquis par
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le sujet. Le progrès est dans ce déplacement de l'expressivité, qui est la distance de l'organique à l'affectif. De l'immanence au symbolisme immanent, le corps a appris le sensori-moteur, le geste ; il a pu, par l'expérimentation ludique, briser le rythme, briser l'ontologie qu'est la perception, pour créer sa propre durée, principe de l'autonomisation. Alors la fonction symbolique peut quitter l'immanence, l'univers totalitaire de la sensation, pour l'expression, la communication. Ainsi la réponse à la mère se déplace doublement. Elle peut d'abord quitter le cycle digestif, se dégager de l'immanence purement organique, pour retrouver l'expression vocale, le cri devenant la parole. Mais si ce travail du sujet sur le corps est possible, c'est que l'angoisse a été dépassée par l'affectivité. Le besoin organique satisfait, cette satisfaction sue, organiquement, par le rythme, le négatif assumé par la mère, le besoin devenu affectif, le sujet est libéré de l'organique, du désir. Une liberté11 est acquise, c'est-à-dire un moment, une temporalité, marginale à la participation organique, à la nécessité de la consommation. L'enfant peut alors disposer de la voix. Le bruit qu'est celle-ci peut se soumettre (expérimentation ludique) à l'articulation, à la modulation exemplaire proposée par l'adulte. La voix se fait phonétique. L'enfant peut aménager cet intervalle comme aménagement technique du cri en langage. L'enfant s'écoute, la voix se distingue du corps, se fait une constante indépendante de la variable qu'est le corps. La voix est alors moyen, attribut, fonction. Quand le sujet contrôle l'organique, il contrôle la voix, il articule. Alors il est libre, alors la voix est expression. Mais l'enfant ne parle que parce que la mère a permis d'écarter l'angoisse ; l'organique est devenu l'affectif : alors la relation avec la mère est sue, est une foi totale, sans critique. Cette relation subsume l'organique, le besoin est alors affectif. Entre l'angoisse et son expression, la relation a mis cette distance qu'est la parole, la voix n'exprime plus l'angoisse mais la relation. (L'animal ne peut jamais surmonter l'angoisse étymologique, si ce n'est d'une manière très précaire, fuite en avant, par le sensori-moteur, le rythme. Mais il ne peut aller plus loin, il ne disposera que des modulations du cri. 2. Le mot : «maman» : image, symbole, langage Mais alors, le mot, le mot «maman» qui témoigne de cette maîtrise de l'organique, sera le passage à un autre niveau affectif. Lorsque le bébé 11. Le langage n'est qu'un effet de la liberté à l'égard de l'organique. Mais cette liberté n'est qu'un effet de l'éducation.
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n o m m e la mère il commence à s'en séparer. Cette nomination est encore un cri, un appel, mais de l'affectif, et non de l'organique comme tel. Le cri (appel) est alors image, symbole, langage. C o m m e image, tout le passé organique, le corps acquis, se donne forme définitive. Le corps découvre sa forme en trouvant son but. L'image condense, dans cet aboutissement, tout le cheminement du corps. Celui-ci objective ce qui a autorisé son devenir. C'est par la mère que rétrospectivement ce passé trouve sa signification et se reconnaît. C'est l'image en soi, la nature devenue (nature devenue de la mère, du sujet, de la cité) nature qui a été soumise à la culture dès son principe, nature qui a p u s'oublier, et grâce à la protection de la mère. Les stades de la génétique du sujet ne sont pas dans la nature panique, ils ne sont pas d ' e x t r a m u r o s . L a mère est le symbolisme immanent, le symbole en soi. L'expression est la participation, mais expression affective d'une participation organique. La mère est appel et désignation. C o m m e désignation elle est personnifiée (et c'est par le commencement du langage que la mère comme personne, commence, c'est-à-dire que le corps, constitué, rend grâce, reconnaît que tout son acquis est dû à la mère) et comme appel, cette personnification est participation à ce corps passé, maintenu encore par la mère, et que la mère saura rendre nostalgie. L'être est personne ; l'organico-affectif est comme retrospection. T o u t e symbolique à venir sera le détachement, l'isolement d'un élément matériel, particulièrement évocateur de la grande conduite vers la mère. Cet élément participant à la conduite, isolé, est alors chargé de l'affectivité de la conduite, est alors mémorable, parce qu'expression. Il suffit à rappeler, évoquer. Et cette symbolique n'a pas à se constituer en code explicite car tous les symboles disent la m ê m e chose dans un décalage de la diachronie : «L'univers est peuplé de signes familiers», balisage spatial de la durée majeure qu'est la conduite vers la mère, distribution dans l'espace de l'être acquis, reconnaissance à priori d u monde à découvrir. Ainsi toute une génétique, symbole et message, ne fera que retrouver le même, élargir au monde constitué par le père la grande nostalgie vers la mère. C o m m e langage, l'apprentissage a été fait par la mère qui demande au sujet de reconnaître, de ratifier, de répéter. C'est par la mère, par l'affectivité, par la foi du sujet, que le langage sera phonétiquement acquis. Et c'est un paradoxe, que ce soit la mère qui apprenne le parler, le lieu du devenir syntaxique et sémantique, qui tend à l'universalité négatrice du particulier. C'est que la mère est déjà dans la cité, de m ê m e que les formes à priori de la corporéité constitutives du sujet. L a mère aussi a été constituée ; elle est en tant que dépassement du panique, que fin de la terreur, de la loi de nature. Elle aussi est sujette de la cité. Et si elle transmet, d'elle à son enfant, le 12
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particulier, le message, l'affectif, elle se fait aussi complice du politique, elle glisse dans le sujet un savoir phonétique, qui sera irréversible : le dernier symbole est aussi le premier mot. Et c'est cette ambiguïté qui est explicative du progrès du langage : parce que le savoir technique, fonctionnel, phonétique est acquis, dans le même lieu, par le même instrument, le langage passera du message au code. La fonction symbolique est, dans sa progression de l'immanence à l'expression, constante dans sa manière de se servir de la fin comme moyen, de l'organique comme expression de l'affectivité, de l'affectivité comme expression du politique. Et le langage, de participation affective, deviendra communication politique, sans progression qualitative du technique, du phonétique. Il se videra du contenu affectif pour se charger d'un contenu politique. Mais pour que cette transmutation s'accomplisse le sujet devra passer à une autre opération, dans la praxis, par la conduite d'apprentissage d'abord (école, apprentissage du métier, tâches ménagères) puis par le travail. 3. Le référent du langage devient l'ontologie acquise de la cité (le code). Immanence de l'être à la relation Le langage est donc négation de la fonction symbolique parce qu'il est son accomplissement. C'est donc maintenant l'acquisition ontologique de l'être politique, de l'être du père, par le savoir qu'est le langage, qui se substitue à la fonction symbolique. Le signifiant va devenir, d'immanence, de participation, de symbole, vide de tout contenu organique et affectif. Mais au signifié (au contenu) qu'était cette organicité et affectivité va se substituer un autre signifié, un autre contenu, maintenant politique, l'univers créé par le père, le savoir et l'être de la cité. Le dire ne fera que dire la génétique, l'acquis culturel qui est le résultat du politique. Et il y a totale adéquation entre l'expression linguistique et le faire, acquis, consacré, normatif de la cité. L'œuvre faite par la cité s'actualise, s'exprime par le langage. Celui-ci reprend donc une génétique, mais qui a perdu la trace d'elle-même, qui n'a plus de mémoire, devenue inutile, car les conduites de découverte, de recherche ont été éliminées par l'acquisition qu'est la structuration de la cité, l'élimination du panique. Un acquis universel (universel dans la cité, comme code) est la situation de base, la «personnalité de base» de la cité. Le langage dit le relationnel universel sous-jacent à la contradiction politique de la cité. Il est les contradictions résolues, mais à la suite d'une dynamique, d'une opération commune, de longue durée, de tous contre le panique. Le langage définit, comme code élémentaire, la situation à laquelle le collectif est arrivé.
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Il est le problème réglé, résolu, la condition nécessaire à toute conduite dans la cité. C'est un à priori, mais qui est l'est devenu. Le dire exprime l'action passée du politique, tout le politique révolu, qui s'est structuré. L'être de la cité est le langage (comme code). Il est la somme, l'œuvre aboutie. L'ontologie de la cité, qu'est le résultat, est immédiatement actualisée, communiquée par le langage. Celui-ci est savoir et relation, comme totale immanence. Rien du passé politique de la cité n'échappe au langage, si ce n'est les conduites vers la mère (le monde de l'imagerie, du poète, des arts). Le langage est l'universalité, car il est la nécessité du politique, nécessité de consentement de l'individu, et nécessité de fait de l'œuvre accomplie, qui s'actualise, en même temps que les individus communiquent, échangent. Le langage est l'être là du politique, de la relation comme être politique. Il est la systématique ontologique du relationnel. L'être politique est dit ; et le dire est une relation. La cité porte en elle, dans le politique, une contradiction qui apparaît par le pluralisme des langages fonctionnels et des ordres. Mais c'est une contradiction dans le langage et qui n'est possible que par une expérience et une relation universelles. Le langage, comme structure acquise de la cité, immanence de l'être politique à la relation, mais qui n'est qu'un moment de la cité, de la cité qui en a fini avec la nature et qui entre dans l'histoire, n'est donc qu'un code, c'est-à-dire du provisoire, un moment qui a oublié son passé et qui ne sait pas son destin, sa démarche vers l'universel concret (logos). C'est en ce sens que nous utilisions le mot code (et non dans le sens de l'école structuraliste de Paris comme système de signes purement relationnels, qui n'exprime pas l'ontologie, l'être devenu). Le code est un moment. Il est l'être oublié et le devenir relationnel à l'intérieur de la cité. Mais il a tout 1 'extramuros à intégrer, la praxis mondiale. La logique est son avenir, comme le monde du symbole (totem, tabou, image, symbole) est son passé. 4. L'espace familial et le réalisme de l'espace" L'immanence de l'être à la relation, du signifiant et du signifié, doit être un principe explicatif de l'acquisition du langage, de son progrès chez l'enfant. Si l'enfant ne parle pas, à l'origine, c'est qu'il n'a rien à dire. Il est, par la mère. Ce n'est que pour le politique et par le politique que l'expression objective est une nécessité. Le contenu, de tout discours, sera appris. Le 12. Du langage au réalisme de l'espace ? Il n'y a pas de discontinuité car c'est la connaissance du sujet qui progresse et qui permet la transmutation de l'ontologie à l'avoir. L'être est maintenant «sorti» du corps ; il se politise intégralement par l'avoir.
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langage n'est pas inné car la nature n'a rien à dire. Aussi, sur le plan de la connaissance, c'est ce problème qu'il faut proposer : que lui apporte le langage pour que l'enfant consente à parler ? La parole est d'abord un acte de foi, l'attribut essentiel de l'affectivité. Elle est message, geste, organique. Elle est le mode de l'affectivité, l'échange. Le mot est passé par la mère, et ingurgité par l'enfant, comme la nourriture. La médiation sur le plan de la relation, entre l'enfant et la mère est, sur le plan organique, la nourriture, sur le plan affectif elle est la parole. C'est la même passation, à deux moments du besoin, à deux moments de l'action du sujet. L'enfant reçoit le mot comme l'oisillon reçoit la becquée. Aussi de l'image à la parole, il n'y a pas discontinuité de l'opération du sujet : les mots succèdent aux images car ils expriment la même participation ; ils sont le condensé, le relais, d'une action connue, répétée. Mais à la différence de l'image, et du symbole, par le mot l'action du sujet tend à atteindre une objectivation et une systématique. Toute action du sujet sera référentielle à une constante : ce sera le réalisme de l'espace. Ce moment (et ce lieu) est la clé de l'ontologique : l'être sera la rencontre de la substance acquise (mais par la mère), de l'autorité du père qui garantit la constance de cet univers et le prolonge dans la cité, et de la durée subjective du sujet. Ce réalisme de l'espace est l'espace familial, comme complémentarité de la conduite naturelle et politique, continuité de la substantialité acquise qui de la mère se déverse dans le politique. L'enfant, le père, la mère identifient leur particularité en un collectif. La communauté est le partage des choses, la circulation des biens de consommation, mais parce que toute opération distributive au sein de la famille ne fait que ratifier le substrat ontologique. Le sujet de l'ontologie est devenu le sujet de la proposition aristotélicienne. Son intentionalité (la durée, la subjectivité) qui est, dès le principe, déchirée entre la conduite vers la mère et la conduite vers le père, qui participe à l'être, par la mère, mais qui doit ratifier le père pour s'autonomiser (et comme sujet) trouve le lieu d'équilibre (de complémentarité) qui résout la contradiction. Les actes, que sont les images, et leur objectivation, par les symboles, se systématisent en un lieu de référence, une constante : le réalisme de l'espace, qui contient les choses. Par les images, les symboles, les premiers mots, un pluralisme fonctionnel est possible, une diversification du comportement selon des constantes. 5. La phrase aristotélicienne comme action dans le réalisme de l'espace La phrase aristotélicienne (sujet, copule, attribut) propose la constante de toute opération : le relationnel affectif qui se déversait dans un pluralisme
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de significations fonctionnelles reconstitue une univocità, un lieu d'action constant, intangible qui permettra la variable : l'attribution, le déplacement des qualités secondes. La mère est à l'origine des conduites, c'est elle qui apprend à parler, c'est par elle que sont possibles ces conduites élémentaires que sont les images motrices, et leur systématisation fonctionnelle par les symboles. Mais cette systématique fonctionnelle n'est possible que par le père (le verbe être) qui ratifie, garantit les opérations antérieures. Par le père une translation du lieu opérationnel est possible : l'acte du sujet accède aux choses, à l'appropriation, à la garantie de l'acte par son objectivation. Le symbole est le moyen de l'acte, l'objet est son accomplissement. Mais les objets ne sont plus juxtaposés par des opérations, qui dans leur apprentissage doivent être différentielles ; iis trouvent leur homogénéité (les conduites se systématisent, les mots deviennent phrase) par la garantie politique du père, du verbe «être». C'est le réalisme de l'espace. Les conduites s'objectivent d'abord par les symboles. Puis les objets constitués, les choses, montrent la finalité objective des conduites. Et lorsque des échanges (l'attribution linguistique) s'effectuent au niveau des qualités secondes des objets, que le relationnel des choses est le comportement du sujet, alors une systématique est possible, comme constante spatiale des échanges (réalisme de l'espace), comme constante de l'opération du sujet (réalisme des choses), comme constante de la relation familiale, comme phrase du modèle aristotélicien. L'acquisition de la phrase (aristotélicienne) est donc l'acquisition d'un lieu constant de l'opération du sujet : l'espace familial, peuplé d'objets, dont l'enfant découvre la variable relationnelle, l'extension progressive. Maintenant l'acte, du sujet, est parler. Mais le langage n'est qu'une redistribution des qualités : il ne quitte pas l'être acquis. Lorsqu'il est constitué, l'ontologie est reconstituée : les choses sont, parce que le langage est leur permanente reconstitution. Le langage constitué (au niveau de la phrase aristotélicienne), l'espace constitué, ont un substrat commun : l'être acquis par le sujet, la ratification et l'homogénéisation par le devoir-être du politique, de la culture de la mère. Cet être est une relation majeure : celle de la mère et du père, dans leur acte commun, l'éducation du fils. Mais cet acquis est un non-su : d'acte, il est devenu un passé, car le sujet ne retient que son résultat, le langage comme opération commune du père et de la mère, dans un lieu objectif. Ainsi la subjectivité originelle ne se reconnaît pas dans le sujet aristotélicien. Le lien ombilical est définitivement rompu. Le sujet peut utiliser le langage, non plus au niveau des mots, de la fixation ontologique au passé, à la mère, mais au niveau de la relation des choses, de leur interférence, de l'interaction de leurs qualités : de la phrase. C'est la relation des choses qui est le réalisme de l'es-
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pace : au pluralisme de juxtaposition fonctionnelle des choses se substitue l'homogénéité qu'est leur systématique relationnelle. Le langage, lorsqu'il passe des mots à la phrase, est donc encore une ontologie : il exprime un relationnel, mais des choses, et celles-ci sont l'œuvre constituée par un relationnel oublié. 6. Langage et intellection Le langage autorise le commencement de l'intellection, l'opération se fait par des signes vocaux qui fixent les qualités des choses. Et sans agir, physiquement, sur les choses, le sujet peut s'en servir. C'est ce pouvoir, du sujet, qui l'incite à passer de l'image à la représentation, d'une action immédiate, à une action différée, puis à une action raccourcie substituée à l'action réelle. Un premier ordre, du langage, consistera à reconstituer l'ordre des choses : les attributions se classifient. La nomenclature est la reconstitution ontologique, mais elle consacre l'éclatement de l'être acquis, par l'opération du sujet ; les premières catégories logiques sont constitutives de l'ordre de la nature : les séries classificatives, les groupes, espèces, familles, etc., donnent une nouvelle signification à l'être, à la présence sans qualité qu'est l'espace. Cette intellection est le passage de l'intuition à l'induction amplifiante : de la ressemblance, dans le particulier, le sujet passe à des analogies dans l'universel. Ces universaux codifient l'empirisme. Celui-ci peut alors se définir comme l'extension, de la pratique des choses dans la famille, à toute l'ontologie, à toute la nature. La circulation des qualités dans la réalité qu'est alors l'espace n'est que le déplacement tautologique de l'être. Cette connaissance est empirisme, sensualisme, animisme, atomisme, logique concrète, intelligence pratique, et l'on pourrait constituer l'épistémé, qui, dans l'histoire de la connaissance, lui correspond. Le langage doit passer du modèle aristotélicien au code, de l'opération dans la famille à l'intégration dans la cité. Le relationnel entre les choses doit devenir le relationnel entre les personnes. L'attribution ne se fera plus dans la nature devenue qu'est la famille, mais dans cette autre nature devenue qu'est la cité (cité structurée, autonome, à partir du 1 Γ siècle : la commune). Le jugement doit passer de la sensibilité à l'entendement. Cette démarche doit s'interpréter à plusieurs niveaux dont il faut situer les rapports. Il faut reprendre le relationnel originel (père-mère) et déterminer sa nouvelle configuration : montrer comment la complémentarité passe à une dualité et à une contradiction, et comment la contradiction apparaît aussi entre le père et la cité, contradiction qui devient constitutive du politique. C'est dans ce relationnel que le sujet aménage son acte qui n'est qu'une
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réponse à la situation, à l'à priori du relationnel. Cet acte prend forme, est une figure, dans les spatio-temporalités maintenant organisées, de la cité, selon des modalités de la conduite. Un comportement, descriptif, peut alors rendre compte de cet acte, mais ne doit pas se substituer à l'explication. Un troisième niveau, de la démarche du sujet, doit définir les catégories de la connaissance acquises. Ces catégories, une fois acquises, permettent une nouvelle signification du langage : l'expression (le langage), des catégories constituées de l'entendement, sera la participation au relationnel de la cité (correspondance des modes du relationnel public et des catégories cognitives). Le relationnel (originel) va donc se transformer doublement : selon la relation du sujet, avec le couple père-mère (le relationnel constitué) et selon la relation du sujet avec le couple père-cité (le relationnel se constituant). C'est ce déplacement du relationnel que l'on peut apprécier, une fois établi qu'il est le référentiel explicatif, selon des modalités qui, à leur tour, localiseront l'opération du sujet selon les moments de la problématique. A une figure existentielle correspondra une formalisation sociologique, qui renverra à un moment de la connaissance, et à un moment du langage, qui exprimera ce savoir.
B . L'ÉMOTION E T LA LOGIQUE DES PROPOSITIONS
1. L'épreuve politique. Progression ou régression, émotion ou entendement — L'entrée dans la vie13 ; le concurrentiel politique et la sensibilité. Les trois moments privilégiés de cette rencontre Le parler dans la famille ne saurait remettre en question la sensibilité acquise. Celle-ci est antérieure au langage ; l'attribution des qualités se fait selon une nature acquise. Le langage ne fait que ratifier un savoir dont l'expression est déjà acquise (symbole). L'attribution des qualités au père, sa personnalisation, au contraire, sera postérieure (par l'acquisition du langage sur le modèle aristotélicien). Ce sera par une démarche politique que le père acquerra, pour l'enfant, sa signification particulière, comme personnalité. Le politique personnalise le père ; l'universel particularisera. Ainsi, au moment de l'acquisition du modèle aristotélicien, la sensibilité à la mère est acquise, la mère est une personne, alors que le père est encore, comme personne, à venir, champ de possibles. La dialectique qui va s'instaurer entre la conscience et le subconscient, entre le savoir acquis par la mère 13. Allusion à la thèse de Lapassade. Mais si ce moment de la génétique doit être étudié ce sera dans une toute autre perspective.
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et le devenir qu'est le père, sera un nouvel avatar de la sensibilité. C'est alors que se fixent les qualités des personnes, que la sensibilité se personnalise. Tout événement qui apparaîtra, pour le sujet, sera de forme politique et de signification affective. Le comportement de l'enfant doit passer par une formalisation de plus en plus élaborée, il doit suivre des conduites de plus en plus techniques. Mais ce savoir à acquérir ne l'est qu'en référence à l'être devenu qu'est la sensibilité. Aussi, le succès ou l'échec, dans le politique (car il faut poser maintenant la contradiction dans cet univers) ne renvoie pas à une sensibilité figée. Il ne faut pas réduire celle-ci à un clavier acquis des états affectifs possibles du sujet. La sensibilité est plus que réceptive : elle est participative, c'est elle qui appréhende. Le subconscient n'est pas figé, au contraire c'est lui qui ratifie ou non le politique. Ainsi la dialectique père-mère, conscience-subconscient, sensibilité-politique attribue les qualités au père et à la mère : le sujet se personnalise en même temps que ces couples personnalisent le père et la mère. La mère, elle aussi, va devenir, au niveau des relations de personne à personne, ce qu'elle était déjà, mais au niveau de la participation affective. Du premier moment organico-affectif à la mère comme personne révélée par l'événement politique, dans son comportement, la mère, elle aussi est donc devenue, et pour le sujet. Aussi, dans son affrontement au politique, la mère sera pour le sujet la nostalgie, le passé. La mère, qui avait préservé l'enfant du panique de la nature, devient l'image de la nature heureuse, lorsque le négatif du politique apparaît. Par la mère, la nature a été rédemptée, aussi le sujet, lorsqu'il témoigne son amour à (et de) la mère, pose la nature comme innocence, qualité due à la mère, car le sujet ne peut sentir la nature que par la mère. Lorsque le sujet ne peut assumer le négatif du politique, la contradiction que celui-ci porte, il se tourne vers la consolation de la mère ; la sensibilité, l'organico-affectif devient catégorie constituée. Cette retrospection, nostalgie, est référence à une image, à un moment précis de la génétique du sujet : c'est donc un moment de la nature, qui est hypostasié en nature, qui est la grille interprétative d'un passé, d'une nature qui n'existe pas indépendamment de la mère. En même temps que cette dualité père-mère, la contradiction politique apparaît comme dualité du père et de la cité ; la sensibilité va se déplacer vers l'entendement. Alors que dans le relationnel de complémentarité l'échec, l'erreur, la faute dans le politique (le négatif), sont d'une part récupérés par la consolatrice, la mère, oubliés, et par ailleurs n'ont pas de sanction politique, car apprentissage de ce politique dans l'homogénéité de la famille, au contraire, dans la contradiction qui apparaît à l'intérieur du politique, le sujet doit prendre sur soi, assumer, sans recours possible à la mère. Le problème et sa solution ne dépendent plus de la sensibilité. C'est que l'enfant
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rencontre la conduite politique au niveau de l'affrontement, du concurrentiel, et qu'il doit répondre par lui-même, immédiatement. Alors, dans une conduite précise, il n'a pas de recours. Et le traumatisme, la révélation, sont d'autant plus forts qu'ils surgissent dans les spatio-temporalités aménagées pourtant dans une progression éducative. Ce sera à l'école par exemple, au niveau du premier affrontement du sérieux, qu'il doit agir, faire, selon un référentiel objectif, selon une fixité des normes, selon des mérites qui ne sont pas en lui mais qui doivent être maintenant acquis. Le concurrentiel politique surgit aussi dans l'une des durées pourtant les plus intimes du sujet : le ludique. Dans la cour de récréation, dans la rue, au fond du jardin, des jeux constitués n'autorisent plus la réversibilité des rôles. Le regard de la mère n'est plus là. L'enfant rencontre l'affrontement sans y être préparé. La participation au groupe, aussi peu structuré qu'il soit, est aussi hiérarchisation, après la mesure des forces. L'enjeu, lui, peut continuer les jeux de la réversibilité des rôles. Mais soudain l'enjeu est le jeu lui-même, comme hiérarchisation, dévolution d'un rôle, d'une contrainte, par une épreuve. L'affrontement politique apparaît, troisièmement, dans les marginalités aux spatio-temporalités constituées. Une durée, vacante, qui n'est pas l'expression de la subversion, qui n'est que le reflet d'un désordre de l'éducatif, d'une absence, est spontanément aménagée. Mais cet aménagement ne peut être un jeu constitué, de par l'inadéquation du lieu, le manque de moyens, etc. Aussi, le sujet s'affronte à l'autre, au frère ou au voisin. Ce n'est plus le ludique et ce n'est pas encore le politique. Chaque instant doit improviser son relationnel, et l'ordre qui se constitue est une ludicité sans enjeu et un politique sans finalité. A partir de ces trois moments exemplaires, on pourrait systématiser le circonstanciel et dresser un tableau des figures existentielles qui révèlent l'entrée dans la vie, les premiers pas dans le politique. Ce tableau aurait l'avantage d'intégrer, dans un ordre, les formalisations de la sensibilité, à ce moment seulement connu par le roman (années d'apprentissage, journaux, romans biographiques). Car c'est alors que l'affectivité devient opérationnelle, sensibilité, catégorie constituée : le sujet donne des significations aux événements politiques, et par ces événements, aux gens. L'affectivité connaît ses contraires. La relation affective immédiate, de l'enfant aux parents, après s'être manifestée dans les choses, par l'attribution des qualités, va se dédoubler, se réfléchir, acquérir la secondarité. En même temps, la sensibilité se fait immanente à tout relationnel, elle distribue les qualités, en attribuant, non plus aux choses, mais aux personnes.
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2. Vers l'entendement. Les trois moments de la génétique appréciés comme connaissance, langage, opération a) Intégration et rejet La confrontation du corps acquis, de l'affectivité, et du politique, par l'événement, qui apparaît, dans les moments exemplaires, va entraîner un dédoublement de la sensibilité. Celle-ci va d'une part cheminer, par le relationnel vers l'entendement, c'est-à-dire qu'elle va s'intégrer au collectif, au sérieux, consentir à l'ordre de la cité. Et par ailleurs elle va s'exaspérer, se juxtaposer au relationnel. L'affect, que sera l'événementiel, ne pourra se résorber, s'intégrer dans le relationnel, s'aménager progressivement vers le collectif. Ainsi se constituera une démarche contradictoire : d'une part la continuité de la culture acquise, son intégration progressive, et par ailleurs l'exaspération du corps acquis, de l'affectivité devant le politique, son refus, la constitution de l'émotion, dans un cheminement du sujet qui conserve et fixe la marginalité, le ludique, le relationnel particularisants intimistes. C'est cette double démarche qu'il nous faut définir, nouvelle formalisation de la conscience et du subconscient, du politique et de son négatif. C'est une nouvelle détermination du sujet et de son référentiel. D'un côté, par la médiation, par le nouveau relationnel que sera la rencontre des autres (d'homologues au sujet, les autres enfants), le sujet assure une continuité, un prolongement sans accident de la mère au père, de la famille à la cité. De l'autre côté, par l'émotion, le sujet juxtapose les deux termes, le politique à acquérir et le corps acquis, la famille et la cité, le père et la mère. Son refus non du relationnel, mais de la progression du relationnel (de sa logique) sa fixation à des moments, maintient la sensibilité acquise au moment de la mère, et rend conflictuels les termes que la démarche relationnelle, médiatrice, au contraire, intègre, confond, progressivement. Stratification, intégration d'un côté, juxtaposition, contradiction de l'autre. Ainsi se constituent le modèle relationnel, la norme intégrative, et son négatif, ce que la norme, pour se constituer, doit rejeter. L'émotion sera donc le négatif du langage ; l'aboutissement de ces deux démarches sera deux termes constitués : la logique des propositions et l'émotion, vécue dans la cité, dans le monde des adultes. Cette contradiction apparaîtra dans la praxis de la cité, comme rencontre de la génétique du sujet et du moment structural acquis par la cité, et deviendra la contradiction macrosociale. Ainsi cette contradiction est constitutive de la génétique du sujet. Mais c'est sa signification, l'importance qu'elle prendra qui sera le destin de la cité, soit que celle-ci réussisse à dominer le négatif par le langage, soit que l'émotion fasse éclater la structure de la cité.
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b) Le regard du père La sensibilité va donc dans une perspective se normaliser, s'identifier au modèle selon la progression du relationnel, sa logique. Ce moment du relationnel doit d'abord être défini à l'égard du relationnel familial. C'est le continuum, de la relation dans la famille, à la relation entre enfants qu'il faut définir. Que devient l'autorité paternelle, la marque du père, quand les enfants sont entre eux ? Ces formes du relationnel sont à priori, ce sont des formes de sociabilité qui assurent le passage de la famille au collectif. Ces formes sont mi-institutionnelles, mi-spontanées. Elles sont spécifiques au moment, entre la famille et le collectif. Ainsi elles assurent le passage du père à la praxis. Elles sont la présence de l'autorité paternelle qui va s'intégrer à celle de la cité. Ainsi, par ces formes que nous allons décrire, le dialogue entre le sujet et le père se poursuit. Mais le père n'est pas présence, il est représenté par les formes, c'est lui qui les ratifie, au besoin, par son intervention ; la personne cède le pas à l'institutionnel, d'abord ces formes n'étant pas institutionnelles, puis devenant des institutions (comme l'école, etc.). Pour le sujet, maintenant, le relationnel avec le père passe par ce détour des formes à priori. Sa dépendance est la nécessité de passer par ces formes pour exprimer son autonomisation. L'ombre tutélaire du père est toujours là. Et c'est par le père et pour le père que l'enfant doit accepter la progression dans la logique du relationnel entre enfants. Mais le père ne fait qu'apprécier son résultat, un état de fait. C'est lui qui dégage les significations, qui fait apparaître la logique. Et si d'autres adultes interviennent d'une manière imprévisible, nous quitterons alors la perspective de la normalisation, du modèle, pour l'autre perspective ; l'intrusion brutale de l'adulte créera le refus de l'enfant, car il fera apparaître un concurrentiel d'enfant à personne, qui fausse tout, qui est inassumable pour l'enfant. (Ce sera, anticipée, l'émergence dans le monde constitué de la société civile, qui se fera par le conflit avec un adulte, selon la problématique de l'adulte et pour des significations d'adulte. Et de même que le passage de la famille au relationnel entre enfants, le passage de ce relationnel à celui de l'adulte sera une crise : la puberté.) Le regard du père est immanent à tout relationnel entre enfants, aux formes à priori de leur sociabilité. C'est lui qui aménage, discrètement, les spatio-temporalités, les groupes, selon la logique du relationnel. C'est par lui que, paradoxalement, les enfants pourront se rencontrer spontanément, de par la mise en place des formes à priori. De même que l'acquisition ontologique, et en particulier l'acquisition du stade sensori-moteur se fait sous le regard de la mère, cette logique du
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relationnel s'acquiert sous le regard du père. A la fin des parcours, à la fin de cette logique, ce relationnel acquis, l'enfant peut reconnaître le père, et comme personne le juger même, en le confrontant aux critères sociaux acquis, de même qu'à la fin de l'acquisition organique la mère a été reconnue comme personne et appelée, nommée. c) La progression de la logique du relationnel14 Comment apprécier la progression de la logique du relationnel selon des formes à priori ? Si nous nous référons aux trois moments exemplaires par lesquels le sujet rencontre le concurrentiel, nous pouvons dégager trois composantes, trois constantes de ce relationnel : les spatio-temporalités, les groupes, le ludique (ou le sérieux). A la spontanéité existentielle qu'est la première rencontre du sujet et de ces trois composantes, et qui rend ces trois moments indifférenciés, doit succéder une différenciation, puis une contradiction, à l'intérieur de chaque composante, qui doit aboutir, dans chaque composante, à une dualité. Ainsi dans les spatio-temporalités apparaîtra la contradiction : marginalités - spatio-temporalités constituées ; dans les groupes, la contradiction : individus (ou petits groupes) - collectif ; dans le ludique, la contradiction avec le sérieux (jeu et école). A la spontanéité existentielle succède la discipline «librement consentie». Une hiérarchie, stratification est acquise. Tous les moments pourront subsister, du jeu au sérieux, des groupes au collectif, du marginal au constitué, mais connus dans leur hiérarchie, leur progression. Le sujet connaît la différence entre les trois composantes, la contradiction dans chaque composante, et la relation entre les composantes. Une systématique opérationnelle est acquise qui autorise la reconstitution des moments particuliers de la génétique, selon la mémoire, d'après la stratification, la particularité de l'acquisition, et qui autorise aussi l'aménagement, dans le synchronique, d'un moment, selon la gamme des spatio-temporalités, des groupes, du ludique-sérieux. (Et nous rejoignons le quadrillage temporel, la hiérarchisation des conduites dans le synchronique macro-social...) Mais, de même que la logique est dans les formes à priori (spatio-temporalités, groupes, degré du sérieux), elle est devenue, chez le sujet, la raison pratique par laquelle il pourra s'intégrer au comportement de la cité, une forme d'entrée étant toujours proposée : celle du groupe par exemple. Le sujet peut participer, sachant quelles modalités des spatio-temporalités, degré du sérieux-ludique, sont correspondantes. Une progression harmonieuse, qui doit éviter la dissonance, la discorde,
14. La génétique du sujet est devenue une sociologie de la connaissance.
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le hiatus par lesquels lemotion apparaîtrait, et ne pourrait être résorbée, fixant l'affectivité, faisant apparaître l'inadaptation du sujet, doit être assurée, dans cette culture du sujet. Un décalage, une légère variable de l'un des termes, alors que les autres restent fixes, permet au sujet l'adaptation sans heurt, l'existentiel s'intégrant harmonieusement à la logique. Mais pourquoi le sujet consent à cette logique ? Pour quelle raison son existentialité, sa sensibilité consent à se résorber dans l'entendement ? Comment se fait-il que voulant acquérir son autonomie il ne puisse l'exprimer que par des formes qui se superposent à son intention ? Les formes à priori ménagent, dans un encadrement qui peut être aussi spontané que la spontanéité du sujet, une progression qui assure «une indépendance dans la dépendance». Longtemps, ludicité, petits groupes spontanés, marginalités, occupent exclusivement le sujet. Et lorsque celui-ci a accédé aux spatio-temporalités constituées, au collectif, au sérieux, il dispose aussi de tout son passé (mais qu'il sait hiérarchiser). Et dès le principe les formes à priori sont nécessaires à l'aménagement du relationnel, elles sont constitutives. Mais dans chacune de ces formes apparaît une discontinuité, une dichotomie : le ludique s'oppose au sérieux, comme le collectif s'oppose aux petits groupes, comme le constitué s'oppose au marginal. L'éducatif, le père, la cité, l'autorité, assurent la jonction, le passage, de chaque forme à sa contradiction interne. Comment donc le sujet peut-il faire ce saut, accepter de passer à des modalités contraires à sa sensibilité originelle ? Ce sera justement par l'adhésion de sa spontanéité, existentialité, intentionalité, durée propre, à la totalité structurante qu'est une synchronie (par la participation subjective à cette «forme», dans le sens de la gestaltthéorie, qu'est l'homogénéité d'un groupe), de par leur coïncidence à une spatio-temporalité, selon une occupation, une activité où les rôles et fonctions sont harmonieusement distribués. C'est dans ce contexte que l'enfant peut consentir à la transformation de l'une des formes constitutives et même accepter qu'elle se transforme en son contraire, si l'harmonie, la structure, la synchronie n'en sont pas affectées, et si au contraire elles en sortent renforcées. C'est de par une modalité du sérieux que le groupe accepte de se modifier, ou bien inversement. C'est de par la reconnaissance dans le constitué qu'une marginalité acceptera de modifier, soit son groupe, soit sa ludicité, etc. Et c'est chaque enfant qui véhicule ces différenciations selon la dynamique des groupes, lesquels homogénéisent toutes ces diversités (d'âge, de sexe, d'origine sociale) selon une opinion, une moyenne, une personnalité de base du groupe, à la suite de confrontations «spontanées». La sociologie aurait ici un domaine effectif : constituer, à travers la pseudoévénementialité du divers et du multiple qu'est l'éducation, la rencontre de
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la spontanéité de l'enfant et des formes de sociabilité, constituer la systématique des variables dont nous n'indiquons que le principe. d) La confrontation des enfants : les trois moments révélateurs du relationnelconcurrentiel Mais si nous avons proposé une explication au niveau de ces formes, montré comment celles-ci passent de la famille au collectif, comment la spontanéité du sujet ratifiait l'éducatif, nous n'avons encore précisé que le relationnel entre le père et l'enfant. Et ce sera le relationnel entre enfants qui sera l'explication, la cause décisive du progrès dans ces formes de véhiculation et d'orientation. Les cadres étant en soi, la manifestation du sujet ne pouvant passer que par la participation, comment le relationnel entre enfants est aussi participation aux formes, comment leur autonomisation est intégration au collectif, au constitué, au sérieux ? Le relationnel, maintenant défini comme indépendance, met en rapport, de par une nécessité à la fois éducative et naturelle des «égaux», des homologues, du moins des enfants entre eux, selon une correspondance qui, au-delà des «classes d'âge», définit une similitude anthropologique, une identité de la politisation acquise, des niveaux culturels, un lieu commun. Le mot enfant est à la fois un état (spontanéisme, dispersion) et un parcours logique. C'est une génétique, la transformation dans un état, dans une situation homogène. Si nous privilégions ce relationnel, si nous en faisons un moment constitutif, c'est qu'il pose et résout le passage du sujet au politique, non plus dans l'ontologie familiale, mais comme concurrence, affrontement d'alter ego. Alors tous les sujets sont semblables et se posent le même problème. D'abord, ce pluralisme de sujets doit passer de la relation parentale à la relation civique, d'apprentissage, protégée, aménagée, mais dans le principe concurrentielle. Ensuite, les enfants entre eux doivent aménager leur propre relationnel, en faisant justement du concurrentiel le mode du relationnel. Indiquons d'abord le principe dialectique par lequel le sujet se distancie du père et le principe par lequel le sujet aménage son relationnel-concurrentiel. A partir de ces principes, nous pourrons définir le schéma logique de la progression. Et rappelons que nous sommes dans la perspective de l'intégration de la sensibilité à la cité, selon une normalisation éducative, qui prévoit, dans sa progression, d'éviter le traumatisme de la sensibilité et sa fixation (rencontre de l'événementialité marginale et de l'image de la mère). L'affect de l'événementiel ne doit pas dépasser un certain niveau. La charge politique doit être mesurée, progressive. L'attitude du sujet est fondamentalement ambiguë, à l'égard du père. Mais,
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de même que le complexe d'Œdipe (restauré) est constitutif, comme norme, régulation, qui fait complémentaires les parents (la dualité de la mère consolatrice et du père éducateur), et n'est contradiction que dans la crise de la société civile, cette dualité, du relationnel privé de l'enfant et de l'ontologie du père, sera aussi éducative, et n'est crise, n'est contestée dans son principe, que dans la rencontre de la même crise de la société civile. (C'est dans l'ontologie, dans la continuité familiale, que s'immiscent ces durées contestataires. Et les groupes d'enfants, soumis au spontanéisme, se font et se défont au gré des parents. Comme l'être ratifie la marginalité, le ludique, le petit groupe, l'enfant ne conteste pas alors la sécurité familiale.) Mais le sujet retrouve en même temps que la sécurité la coercition, l'autorité du père. Les autres enfants, dans la spontanéité du relationnel, au contraire, autorisent l'autonomisation du sujet. C'est dans l'affrontement avec l'autre soi-même qu'est l'autre enfant que le sujet progresse en autonomie. Aussi tend-il à échapper à la trop constante sollicitude de la mère, à la trop constante autorité du père. Pour l'enfant, la dualité, de son émancipation et de la famille, n'est pas un conflit, comme n'est pas un conflit majeur la dualité du père et de la mère. (Ce sera au moment macro-social de la structuration de la cité que cette dualité se fixera.) Au contraire dans la crise du libéralisme le conflit, le déchirement, sera majeur, déterminant. Cette dualité, de non-contradiction, de conciliation, d'alternance et de compromis, se reconduit dans le relationnel-concurrentiel. C'est le concurrentiel qui est le relationnel. Les deux termes sont immanents. Les trois moments exemplaires, de l'entrée dans la vie, autorisent un pluralisme du relationnel qui situe à des niveaux différents les modalités d'affrontement. La mise en question de l'ontologie familiale (et du modèle aristotélicien) peut ainsi s'opérer à plusieurs niveaux, selon les particularités déjà acquises par la sensibilité du sujet. Celui-ci dispose d'une liberté, d'un existentiel, d'une spontanéité, mais qui ne sont que des sorties de l'ontologie, selon une distribution à priori des manières de sortir de soi-même, de l'être acquis, selon le degré de difficulté du relationnel. (De l'être à la relation civique, les médiations nécessaires, par lesquelles la sensibilité et le langage vont cheminer, apparaissent, pour le sujet, comme des découvertes, des innovations. C'est qu'il est sensibilité, l'interprétation ne peut se détacher de la participation immédiate, qui ne sait pas reconnaître la nécessité.) Le relationnel-concurrentiel permet d'ordonner l'intégration de la sensibilité au politique. Le relationnel politique n'est pas essentiellement compétitif, comme on a pu le prétendre (Sade, etc.) de par l'inexorable «loi de nature». Il doit proposer un processus d'intégration, sans trop grand traumatisme, comme situation «spontanée». Et la nature, comme «loi de l'instinct»,
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n'est qu'un concurrentiel politique inassumable, n'est qu'une situation de la société civile qui écrase le potentiel d'assimilation dont le sujet peut disposer. L'affrontement sensibilité-politique (origine-fin) est médiatisé par le relationnel-concurrentiel (moyen). Pour le sujet, dans le compétitif, l'argument politique l'emporte sur celui de la sensibilité. (Du compétitif entre enfants, on ne retient généralement qu'une imagerie illustrative du paroxystique, compétitif dans le «naturel», parce que l'on a posé une idée à priori de l'enfant, comme spontanéité, fraîcheur, etc. Ce sont des images-choc, qui ne retiennent qu'un aspect du compétitif, de sa manifestation, de ses signes par les seuls moyens organiques du sujet.) Le relationnel-concurrentiel aménage l'affrontement sensibilité-politique selon le diachronique, selon la logique, la progression. Ce relationnel-concurrentiel est donc à chaque moment, à chaque synchronie défini par son passé et par son devenir. Mais si la dynamique est possible, c'est que les synchronies antérieures ont résolu une problématique concurrentielle dont la solution pose un nouveau problème mais parce que le problème antérieur a été résolu, ou déplacé. C'est le schéma de la progression : un relationnel est possible, est apparu, parce qu'il a permis de résoudre un problème commun aux enfants, et qui se posait dans le conflictuel. Mais ce relationnel est le nouveau lieu de l'affrontement. Tout concurrentiel trouve sa conciliation mais celle-ci est le nouveau mode du concurrentiel. Un problème trouve sa solution mais celle-ci devient aussitôt problème. Selon la diachronie, c'est le même problème qui se repose, et la même réponse qui se propose, mais ainsi s'aménage la sociabilité, ainsi une problématique de groupe, marginale, ludique se pose dans le collectif, le sérieux, les corps constitués. Ainsi la sensibilité s'est intégrée au politique (ce sera l'entendement). Selon la synchronie les problèmes (et leurs solutions) trouvent une spécificité, une originalité. Le relationnel-concurrentiel doit donc s'apprécier du point de vue diachronique et du point de vue synchronique. C'est dans le synchronique qu'apparaît l'affrontement, le concurrentiel, et c'est dans le diachronique qu'apparaît la conciliation, le dépassement du problème. Ce schéma définit aussi les modalités de rencontre de la sensibilité acquise et du politique à acquérir (selon la médiation relationnel-concurrentiel). Dans le synchronique, l'aménagement, la fixation s'opèrent surtout par la nature (les symboles), tandis que la dynamique se sert de l'expressivité politique (langage). Mais cette distinction synchronique-diachronique est formelle, le diachronique est immanent au synchronique, et celui-ci est constitutif du diachronique. Aussi faut-il compléter le schéma de la relation diachronique-synchronique. Dans chacun de ces termes, le contraire doit être réintroduit. Il faut
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faire apparaître, dans le devenir, et à chaque moment, le rôle du terme contraire. Ainsi la logique approche le plus de l'existentiel. Ce qu'elle fait apparaître alors, derrière l'événementialité qu'exprime la dynamique de groupe, c'est l'acquisition de la connaissance, comme existentialité, non pas comme marginalité, ou résultat, mais comme création du sujet. Ce progrès de la connaissance, nous allons le définir comme opération du sujet et comme langage : trois appréciations de la même réalité. Le double schéma logique est maintenant la génétique du sujet. La distanciation avec le père, le relationnel-concurrentiel entre enfants, doivent être appréciés, maintenant, sur le plan de la connaissance, du langage, comme opération du sujet, et à trois moments exemplaires, constitutifs de la génétique : comme passage de la famille à ce relationnel, et dans le relationnel, comme synchronie et diachronie. Ces trois moments de la connaissance (et du langage qui n'en est pas l'expression, la représentation, mais la constitution) jalonnent le passage à l'entendement, comme progressive intégration de la sensibilité par le politique. e) De la famille au relationnel. Le concurrentiel entraîne le progrès du langage : de la défense du droit naturel à l'autocritique de l'être acquis Le lieu de passage, de la famille au relationnel, est le verbe être. La transition est dans une continuité ontologique. La sensibilité connaît déjà le politique, par la culture familiale, et se continue, par le langage, continuité assurée par l'être du père. Lorsque l'enfant quitte le «monologue collectif», c'est pour poser sa garantie ontologique, protectrice et distributive. C'est : «Mon papa est... mon papa m'a dit... je le dirai à mon papa.» L'affect, pour ne pas détourner du politique et provoquer le retour à la mère, doit se fixer au moment du père, à la garantie de l'être acquis, par le père. La rétrocession doit circuler dans le verbe être, comme garantie politique de l'être acquis. C'est la garantie politique de l'être, c'est le premier maniement du langage qui donne au sujet sa suffisance. Toute rencontre avec les autres enfants prévient l'affrontement par le référentiel à l'être, au verbe être, au père. Ainsi le langage, entre enfants, est agréé dans le principe, non pour la relation, mais pour l'affirmation ontologique. Mais la rencontre des enfants pose la pluralité des papas. L'enfant trouve son alter ego, son semblable et en même temps son contradictoire, son double et sa négation. Le référentiel commun pose la contradiction dans l'identité. Le principe de l'attribution est contradictoire. L'être est en conflit avec luimême. L'être n'est plus dans l'être. Et le concurrentiel commence par la défense de l'être qui a posé la personne : le père. Et c'est le langage qui est le moyen de défendre l'ontologie acquise. Le sujet discute : le langage est
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échange d'abord, entre enfants, au niveau de la participation commune au réalisme de l'espace, aux choses. Le concurrentiel surgit au niveau de l'appropriation des choses. C'est la dispute, l'arbitrage, des parents, etc. Mais audelà de ces manifestations contradictoires, de la sensibilité et du politique, le sujet cherche à restaurer, l'identification de l'être et de l'appropriation, le monde de la non-contestation dans l'ontologie. C'est alors qu'il évoque le père, comme effectivité (puis comme symbole) dans ses attributs et qualités. La naïveté ontologique pose le droit naturel, par le langage .Mais alors les mots se séparent des choses. Le pluralisme du relationnel succède au monologue de l'ontologie. Les qualités ne circulent plus dans l'être mais sont âprement débattues, décidées. L'attribution, qui mettait le sujet en rapport immédiat de participation avec l'être, doit passer par la médiation, la critique de l'autre. La pensée n'est plus circulaire, selon un vecteur orienté en circonférence qui circonscrit une surface (le cercle), et qui distribue, attribue des qualités à cette surface, d'après le sens du vecteur. L'appropriation (le verbe être) apparaît elle aussi comme une qualité, un acte, mais qui ne dépend plus du sujet, que les autres contestent, et qui doit se regagner par le langage. L'être a subi une critique à trois niveaux : sur le plan des choses, puis des qualités (les mots), enfin du père, du principe fondamental. A chacun de ces niveaux, le sujet s'est défendu seulement par le langage (c'est ainsi qu'il en acquiert le maniement). Il défend l'appropriation, puis ce qu'il pense être les qualités naturelles des choses, enfin le principe politique, le fondement. Et en même temps qu'il acquiert le langage, il opère une autocritique de l'être acquis, et justement parce qu'il veut le défendre. Et ainsi, de recul en recul, il doit mettre en question le principe même de l'ontologie. En même temps que l'ontologie se dérobe, le langage se fait opérationnel. En même temps que le sujet s'éloigne du lieu familial il obtient, en compensation, l'effectivité dans le relationnel. En perdant le pouvoir sur les choses (l'attribution des qualités secondes, la circulation dans le même), le sujet retrouve un pouvoir sur les autres. L'autocritique de l'être, qu'il a dû faire pour défendre cet être acquis, peut être utilisée comme une critique des autres, de leur suffisance ontologique, une dénonciation d'une crédulité dont le sujet vient, de par la force des choses, de se débarrasser. Ainsi l'ontologie se déplace et se met en question, mais aussi se restaure. Après le constat de sa contradiction, elle se reconstituera : les qualités seront attribuées aux gens, à la suite d'une relation, d'une opération, dont le résultat sera de nouveau posé comme un être. Le père a pu mettre en question l'ontologie apportée par la mère. Alors, à l'intérieur de la famille, pour l'enfant, le père peut être ambigu : s'il autorise tout un relationnel et un fonctionnel, il prive de la substance.
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Mais le moment de l'affrontement aux autres enfants réconcilie le père et l^enfant, homogénéise l'ontologie familiale. Devant l'autre enfant, le commencement du concurrentiel politique, l'enfant se défend en homogénéisant l'acquis culturel dû à la mère et l'acquis culturel dû au père. C'est l'ontologie de la famille qui permet d'assumer le premier conflictuel avec les autres. Le père n'est plus conflictuel à la mère à mesure que la cité (le code) se fait conflictuelle au père. Aussi de même que c'est grâce à la mère que le langage s'acquiert, c'est grâce au père que ce langage se perfectionne, car il permet d'assurer le concurrentiel avec les autres enfants. Telle est donc la situation du père, selon le complexe d'Œdipe «restauré» : son conflit avec la mère est compensé par son conflit avec la cité. Le père fait perdre la substance, mais aussi la restaure ; s'il frustre d'une substance, il apporte une autre substance, et le relationnel vers la cité. L'image du père doit être interprétée selon la totalité de la génétique du sujet, et non selon un moment arbitrairement privilégié. f) Le langage comme solution du problème que la sensibilité ne peut résoudre. Le sujet accepte d'attribuer des qualités à l'autre. L'être du relationnel L'opération du sujet est donc cette translation, et critique, de l'ontologie. L'affect va se déplacer de l'organique au langage. Le problème que la sensibilité se pose, c'est le langage qui va le résoudre. L'engagement organique peut être contrôlé, il trouve sa mesure. Le sujet n'a plus recours à l'émotion, à cette fuite dans le passé, qui à travers l'image ramène à la mère. Le sujet accepte le problème : la contestation et la critique de son être acquis, critique qu'est le concurrentiel, la rencontre des êtres constitués que sont les enfants lorsqu'ils ne disposent que du modèle aristotélicien pour se rencontrer. Le sujet discute. Alors par le langage se fait la catharsis. Mais celle-ci n'est pas détachée, coupée de l'action. Elle y participe. Elle est le moment médiateur qui ne se représente pas, mais qui est l'existence même du sujet. C'est par l'autre que chaque enfant a été mis en question et c'est par l'autre qu'il retrouve une certitude, comme réconciliation de l'être acquis et du relationnel (les qualités vont maintenant s'attribuer aux gens). Mais de sensibles, elles se feront «morales», la morale étant la commune référence des enfants, morale au sens de devoir-être, ratification commune, société close bergsonienne. C'est le langage qui autorise ce double mouvement : il pose et résout le concurrentiel. Il arrête, déplace, résorbe l'émotion. L'angoisse métaphysique est apparue par lui ; c'est le conflictuel entre enfants. Mais c'est par lui qu'apparaît la réconciliation : l'attribution, d'un commun accord, de la même qualité à la même personne (les modalités en seront multiples ; comme la
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mère se dit par une multitude de symboles, il y aura une multitude de substrats du père). Il y aura donc trois moments : contestation, discussion, réconciliation. Le langage est alors catharsis, mais répétons-le, comme opération immanente au devenu, moment du devenir. Il n'y a pas distanciation, représentation, symbolisation esthétique. C'est la signification de la communication, du langage : briser l'ontologie pour une relation qui donne la solution d'un problème nouveau et commun. La sensibilité opère par une médiation qui contrôle cette sensibilité, puis se substitue à elle. Le concurrentiel luimême, pour se poser, postule le langage et reconnaît donc sa valeur de relation. La continuité du langage assure la continuité du sujet, le passage de l'ontologie familiale au relationnel des personnes, des choses aux gens. L'attribution est la constante. Elle n'est plus la circulation dans l'être, le déplacement des qualités selon les relations des objets, dans la famille, mais l'attribution de qualités aux gens selon les relations politiques. Des choses aux gens, par les mots et les phrases, l'être quitte un référentiel tautologique pour s'intégrer, par la médiation du relationnel, au politique. L'attribution, constante, ne va plus des choses aux choses, mais des choses aux gens. La circulation n'est plus dans l'être, mais entre l'être acquis et le politique à acquérir. Le langage devient l'être du relationnel et se substitue à l'être acquis. La sensibilité est mise en question par le langage. Celui-ci résout le problème qu'elle pose et ne peut résoudre. Aussi, si le principe attributif, la garantie ontologique de l'affirmation absolue se dérobe, le relationnel qu'est le langage, comme moyen d'attribuer, d'opérer, et comme nouvelle substantialisation des attributs, peut se substituer au substrat ontologique. L'être ne sera plus le principe, qui autorise l'attribution, mais l'acte d'attribuer, et la choséification de ces attributs. Le possessif devient commutatif. C'est le relationnel qui crée l'être, les qualités des gens. Le langage est constitutif du politique. g) Synchronie et leader. L'autorité politique se constitue par le langage C'est sur le plan du synchronique qu'apparaît le mieux le rôle de la sensibilité. Le concurrentiel est alors le plus «naturel». Mais sur ce plan aussi le langage est plus qu'un relais du politique. Il en est constitutif. C'est lui qui crée les situations, les ratifie ou les dénonce. L'événementiel s'homogénéise par le langage. Celui-ci est événement, en même temps qu'il constitue l'ordre. Nous choisirons la synchronie (qui donne le plus sa «chance» à la nature, qui permet le plus de spontanéité, de liberté «naturelle») pour bien montrer le rôle social du langage, intégrateur de la sensibilité. C'est le leader qui aménage le synchronique, qui homogénéise les trois
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composantes du relationnel : spatio-temporalités, groupes, variable entre le jeu et le sérieux. C'est lui qui contrôle la dynamique de groupe, qui fixe la spontanéité, l'occasion de la rencontre, qui amène le groupe à coïncider à une temporalité, c'est par lui que les règles sont observées. Le leader surgit pour aménager un moment qui est le fruit d'une dynamique (diachronique). C'est par lui que le temps s'arrête : le leader décide de la fin, du commencement et du recommencement. Le répétitif s'oppose au devenir. Les hiérarchies et les fonctions commencent à fixer les rôles et modèles sociaux. Le leader est l'autorité, le référentiel pour les autres enfants. Le leader tient son autorité d'une délégation des adultes, ou bien de sa propre autorité fondée sur quelque prestige naturel (la force, l'audace, etc.). Le modèle idéal du leader est la délégation politique fondée sur l'autorité naturelle de la personne (âge, etc.). Et la contradiction des deux termes montre la contradiction du concurrentiel justifié par la nature et du concurrentiel fondé sur le politique. Si le leader n'a pas de délégation de pouvoir, son règne est éphémère et illusoire. Le terrorisme physique ne peut maintenir la fragile structuration qui ne résiste pas à la dynamique des groupes, à la progression dans les couples : sérieux-ludique, marginalités-spatio-temporalités constituées, groupes-collectif. (La violence, le coercitif à l'intérieur d'un groupe ne sera consentie que dans la mesure où elle autorisera un concurrentiel, et politique, avec un autre groupe.) La violence lorsqu'elle surgit isole les individus, dénonce leurs fragiles relations. Le groupe se dissout, perd de ses éléments, devient caduc, se reconstitue en d'autres modalités, quasi similaires, mais qui ont éliminé le terme négatif. Seule la délégation de pouvoir dont il faudrait faire toute une systématique peut habiliter la nature (concurrentiel selon la sensibilité acquise). De la délégation verbale et publique, directe, à la délégation médiatisée par son symbole, le politique est toujours le fondement d'un pouvoir qui apparaît naturel. Et dans la spontanéité des groupes, le leader est toujours de signification politique : c'est la lutte des classes en puissance, l'observance des signes la plus stricte. C'est par la délégation de pouvoir — rôle du leader — que l'ombre tutélaire du père devient une présence, dans le relationnel spontané des enfants. L'autorité politique ne fait que se servir du prestige «naturel» du leader. Celui-ci fait une éducation par personne interposée. Et l'apparente spontanéité du groupe, l'apparent surgissement naturel du leader n'est que la ratification par le groupe de l'ordre politique. Le leader est désigné «Vasy, toi» car c'est dans un groupe celui qui peut obtenir la permission, soit directe, soit tacite, des parents. C'est celui qui est le mieux placé politiquement. C'est un peu le responsable, c'est à lui que les adultes s'en prendront si quel que chose ne marche pas.
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Et cette délégation de pouvoir passe par le langage. Celui-ci continue l'ontologie, le père, comme autorité politique. Et c'est par le langage que le leader est effectif. Si le langage n'est peut-être pas constitutif de l'autorité (puisque celle-ci a aussi besoin et du père et de la présence physique), l'autorité passe par le langage. C'est par le langage, dont le leader est le dépositaire, que la permission a été demandée et obtenue, c'est par lui que le groupe peut parlementer avec les adultes. Le leader dit ce qu'il faut faire, fixe les règles, ou les rappelle, explique les fautes ou les sanctions. Déjà il dispose du savoir qui correspond à l'action du groupe : il explique la règle et rappelle à l'ordre. Il dit le lieu et rappelle l'heure. Il donne les consignes. Et c'est par le langage que le groupe maintient sa cohésion ou se dissout. Sauf accident (très fréquents, surtout pour les jeunes enfants) : le groupe est disloqué de par l'autorité des parents, l'évolution du groupe est soumise au langage. Toute contestation au niveau du synchronique aménagé et répétitif passe par le langage et le leader, s'il peut, doit répondre : l'argumentation fait l'autorité. S'il a recours à sa force propre le groupe se désagrège comme nous l'avons vu. Et si le langage du leader n'est pas adéquat à la situation, c'est-àdire s'il ne dispose pas d'une expression qui rend compte de la totalité, si des données lui échappent, alors le groupe se désagrège dans la subversion parlée. Des contestations à n'en plus finir surgissent. Les gosses ergotent. La discussion dissout l'autorité du leader. Les couples qui avaient pu s'harmoniser se décalent ; dans le sérieux ou le ludique apparaissent des activités marginales qui sous-divisent le groupe. Ou bien la temporalité aménagée déborde la durée du jeu. Les gosses s'ennuient, font autre chose... Ainsi, au niveau de la synchronie dont le leader est le symbole, immanent, l'autorité politique est constitutive, structurante du groupe. Et cette autorité se fait et se défait par le langage. Le concurrentiel, à sa moindre formalisation, est déjà politisé. Le surgissement de la sensibilité (violence, etc.) brise le relationnel. A cette synchronie, définie par l'autorité du leader selon la délégation politique et le maniement du langage, nous devons opposer, pour bien délimiter le rôle du langage, la synchronie contraire. Celle-ci sera contradictoirement définie : comme résurgence ou persistance du sensori-moteur, gestuel d'une sensibilité en voie de dépassement, et comme surgissement d'une autorité dont le langage sera la marque. Et ces deux moments seront successifs et complémentaires : si la ludicité se fait subversive, soit qu'elle désagrège une synchronie qui se voudrait sérieuse, soit qu'elle empêche cette synchronie de se constituer, c'est pour déboucher sur une autorité dont le langage sera encore la marque, sur un «antileader» qui, à son tour, donnera des consignes. Autrement dit, dans les groupements d'enfants, la dynamique qui porte le
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plus de nature, qui confronte les sensibilités dans le moindre pouvoir de l'adulte passe à une structuration «spontanée» selon le pouvoir politique du langage. Et si le premier moment est effectivement désordre, ludicité spontanée, ce n'est que pour permettre aux enfants les plus politisés, les plus adultes, d'imposer leur autorité. Et c'est ce paradoxe qui doit être souligné. Si la synchronie «spontanée» est considérée dans sa totalité, ce sera comme passage du sensori-moteur, de la ludicité, à la plus brutale autorité de l'antileader, à la stricte consigne. Alors que dans le cas du leader à qui le père a délégué son pouvoir un équilibre peut être longtemps maintenu entre l'autorité et la dynamique du groupe, lorsque cette dynamique déborde le leader désigné, c'est pour déboucher sur un autoritarisme, qui profite du plus grand désordre, pour imposer les signes, le langage des enfants les plus mûrs. Ainsi, dans les deux cas limites de la synchronie, c'est le langage qui en dernière instance fait l'autorité et s'impose même aux prestiges du corps antérieur (sensori-moteur, ludicité, présence physique, etc.). Ainsi la sensibilité s'intègre au politique. Mais la nature niée est toujours là, comme subconscient. Celui-ci peut s'actualiser : mais ce sera par des perturbations venues de la société civile, de l'extérieur, qui traumatiseront le sujet, faussant le jeu de l'intégration. Les synchronies, par elles-mêmes, dans les deux cas limites, récupèrent la perturbation, par l'autorité politique du langage. h) Le diachronique et le recul explicatif. Des mots à la syntaxe : la personne Le diachronique, comme passage d'une synchronie à une autre (d'un équilibre des couples, longitudinalement, à un autre équilibre, plus élaboré car plus près de la praxis) est dépassement d'une fixation autoritaire par une autre plus politisée. La sensibilité réapparaît, mais le nouveau groupe s'organise selon un concurrentiel politique qui la réduit de plus en plus à une intrusion malheureuse, qui se retourne contre le sujet lorsque celui-ci l'évoque et s'y réfère. (C'est alors que se fait le processus du «refoulement», mot consacré par la psychanalyse mais qui prend dans la culture du sujet, selon le relationnel, une toute autre signification). La hiérarchisation des synchronies doit ratifier de plus en plus le monde des adultes. La diachronie s'éprouve par le sujet comme distance entre deux synchronies. Elle est le savoir d'un niveau dépassé du point de vue du niveau acquis. Alors le sujet connaît un autre concurrentiel selon d'autres modalités des couples, une autre distribution des spatio-temporalités, groupes, sérieux ou ludique. Le concurrentiel antérieur n'est plus actuel, est su comme dépassé ; acquis, cependant, et pouvant s'actualiser non plus dans le sérieux, de l'engagement organique, mais dans la distanciation ludique. A mesure que le sujet progresse dans la logique du rela-
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tionnel la contradiction lui apparaît entre le sérieux et le ludique, les spatio-temporalités constituées et les marginalités, le collectif et les petits groupes. Une stratification s'accomplit, qui est son œuvre, l'acquisition de la norme et progression relationnelles. Le relationnel antérieur est su dans la totalité de sa formalisation lorsque le langage peut le recréer, connaît le constitutif et peut l'expliquer. A la participation concurrentielle succède l'explication désintéressée, le commentaire, l'arbitrage. Le relationnel n'est plus celui des personnes, mais le savoir de la situation indépendamment des personnes et de l'engagement organique que fut celui du sujet. Le sujet atteint la logique du moment, les éléments permanents à toutes les variations des couples, la spécificité du concurrentiel, la normalisation du relationnel. Il dit, explique, rectifie. Il sait la constante et la variable, selon la particularité, spatio-temporelle, du groupe, du sérieux, et les combinaisons possibles de ces particularités. On devrait pouvoir établir une correspondance entre la logique de ce relationnel et le langage. Pour éviter un parallélisme artificiel, on peut indiquer seulement les grandes lignes de l'évolution à partir de la phrase aristotélicienne : ce sera le passage des mots, du vocabulaire, à la syntaxe. La phrase aristotélicienne, qui assure la circulation des qualités dans l'être est un modèle conservateur, qui fixe la pensée à l'univocité, qui réduit le langage à une tautologie. Sur ce modèle l'extension, de l'expression, ne peut être appréciée que quantitativement. C'est à partir de cette phrase que se crée la littérature, le vocabulaire, la nuance (différence dans les qualités semblables). Ni le sujet, ni la copule, ni l'attribution ne changent. Seulement les attributions, dont l'inflation tend à déborder l'univocité expressive du verbe être, mais sans y arriver, car la fixation à l'ontologie n'est jamais remise en question. Les qualités tendent à l'impérialisme, elles se disputent les choses puis les gens. C'est que la sensibilité se distribue en sentiments. La sensibilité est alors une variable qui exprime la conjoncture existentielle (la fluctuation des spatio-temporalités, groupes, ludique-sérieux) et qui se déverse dans le relationnel. Les qualités circulent d'abord entre les choses, puis entre les choses et les personnes, enfin entre les personnes (psychologie). Elles ont leur propre dialectique dont la nuance, l'adjectif, la littérature rendent compte. Leur drame est celui de leur inconstance, de leur conflit interne, que seul le changement peut résoudre. Mais apparaît un autre drame : le conflit des qualités des choses et des relations entre les gens. Le parler quitte la sensibilité mais n'a pas encore sa logique. Le vocabulaire réalise alors les axiomatisations partielles, fonctionnelles : l'univocité de l'être consent à la multivocité du relationnel. D'abord l'expression qu'est la juxtaposition, multiplication des mots et des adjectifs, consent à une expression par des termes qui sont comme la logique des choses,
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et qui sont aussi, en même temps, les premiers éléments syntaxiques : les morphèmes, comme donc, et, puisque, cependant. Ce ne sont pas des propositions, ce ne sont pas des adjectifs (qualités). Ce sont des termes devenus nécessaires pour exprimer, d'une part un système des relations, élémentaires, des qualités et des choses, et par ailleurs le pluralisme relationnel. Par exemple : et, indique que deux qualités différentes peuvent être dans la même chose, ou bien que deux choses peuvent avoir la même qualité, c'est le conjonctif, opération déjà logique. Ou, sera le disjonctif : deux qualités ne peuvent être dans la même chose, deux choses ne peuvent avoir la même qualité. L'expression du relationnel pour en rester aux éléments de la logique qui se constitue, pourra dire une relation de succession : donc et symétriquement une relation d'exclusion : ni. Entre les choses, et les gens apparaissent des relations plus complexes, qui mettent en question le principe d'identité, le verbe être, et qui consacrent le pluralisme relationnel : cependant, mais. Les choses et les gens étant ce qu'ils sont, les attributions peuvent être contradictoires, du point de vue de l'être, de la sensibilité, mais complémentaires du point de vue du relationnel. Et les contradictions peuvent être acceptées lorsque le relationnel les justifie. Ainsi, de par le relationnel, l'être consent à hiérarchiser le multiple. Des adjectifs juxtaposés aux morphèmes, le sujet est passé de la participation à la représentation. Pouvant opérer sur les choses, il gagne de l'autorité auprès des gens. Le sujet n'échange jamais rien pour rien. S'il quitte l'immanence pour l'expression, c'est pour acquérir la relation, une nouvelle participation. Dans l'immanence le sujet est mais ne sait pas. Par le langage il reconstitue l'opération concrète en disant son constitutif. Il dit car il a acquis un savoir, et que l'être, de ce savoir, n'est plus que son passé, intégré mais comme savoir, par le langage. (La catharsis peut s'apprécier aussi à ce niveau.) Des morphèmes, le sujet doit passer à la logique des propositions. Le relationnel se sera alors totalement substitué à la circulation des qualités dans l'être. Mais avant d'en venir à cette logique (qui se révélera n'être qu'une paralogique), la sensibilité sera ordonnée encore, d'après le modèle aristotélicien. Entre les qualités des choses et les propositions, des «opérations concrètes» vont fixer la sensibilité à un moment antérieur de la génétique. L'être s'ordonne en une logique élémentaire, classificatrice des classes et de leurs relations, et qui ne «consiste qu'en opérations additives et multiplicatives» 15 des objets. Le sujet peut alors fixer toute son attention au relationnel et opérer selon la systématique de ce relationnel. Mais cela représente l'accession au sérieux, au collectif, à l'institutionnel. Toute l'antériorité à ces termes est 15. J. Piaget, Six études de psychologie, p. 96.
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révolue ; et le langage consacre l'intégration du vécu, dans le savoir. Aussi l'autre n'est plus en situation, selon les modalités du sérieux ou du ludique, des groupes, des spatio-temporalités. Il n'est plus élément de participation qui ne peut se séparer de son conditionnement. L'autre est devenu la personne, une permanence au déjà de toutes les variables des couples, et une permanence au déjà des couples. Le statut politique de la personne (l'individualité) apparaît lorsque le relationnel se coupe de ses modalités, de ses moments, et ne retient que la somme des opérations possibles. La personne n'est plus définie selon les groupes, spatio-temporalités, sérieux (ou ludique), mais d'après les opérations possibles dans ces couples, indépendamment des fixations de la sensibilité (aussi évoluées qu'elles soient). Et la personne, elle-même, n'est plus participante à ce relationnel, elle ne se l'approprie plus. Il n'est ni fin, ni moyen. Il est comme somme des opérations possibles, pluralisme relationnel... indépendamment de l'être qui l'a constitué. Et c'est cette somme, des opérations possibles, qui est constitutive du relationnel. L'opération, du sujet, est la logique des propositions. Toute relation pose une nécessité à priori, qui a brisé déjà la sensibilité. Le langage actualise cette opération. Il est la présence, sensible, pratique, devenue naturelle, du désengagement de la sensibilité. Parler c'est fixer l'événement dans une forme constituée, un à priori logique. «Les opérations propositionnelles (logique des propositions), avec leurs structures d'ensemble particulières, qui sont celles du réseau (lattice) et d'un groupe de quatre transformations (identité, inversion, réciprocité et corrélativité) n'apparaissent que vers 11-12 ans et ne s'organisent systématiquement qu'entre 12 et 15 ans"... » 3. Structure de l'émotion a) C'est une structure acquise qui rencontre la sexualité. Uémotion : passé et présence C'est alors que la puberté remet tout cet acquis en question, que l'émotion, passé et marginalité, se fait présence dans la cité. La structuration acquise par le sujet est l'intégration dans la structure de la cité, acquise, elle aussi. Alors le moment le plus élaboré du sujet a rencontré le moment le plus élaboré de la praxis organisée, constituée, de la cité. La durée subjective s'identifie aux spatio-temporalités objectives. Cette structuration est progressive négagation, de plus en plus élaborée, de l'étymologie du sujet, c'est-à-dire de l'émotion (cri), de la singularité qui connaît sa finitude. Le passé organique est devenu mémoire (sue, ou subconsciente). 16. J. Piaget, Six études de psychologie, p. 106.
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Ce parcours, de négation, est défini par les moments génétiques. Au premier stade, organico-affectif, l'affectivité, très peu élaborée, permet déjà de nier l'organique. Le plaisir, la satisfaction est oubli du désir, du manque. Le rythme, organique encore, mais acquis, est savoir d'une sécurité que la présence de la mère garantit. Le deuxième stade permet de nier la totalité du premier. Le sensori-moteur autorise une immanence à la nature constituée, une participation (qui devient ludicité) par le rythme, à la fois au fonctionnel élémentaire (geste) et à la nature naturée, à ce qui, du cosmos, se prête à l'humain. Le besoin organique peut être, à ce stade, oublié. Et le corps s'apaise dans la catharsis qu'est l'exercice physique. La fonction symbolique permet un pas de plus dans la négation du négatif. Par la mère, symbole majeur, le sujet peut, rétrospectivement, se rappeler les stades antérieurs sans leur négatif. Alors la nature est la bonne nature (sans le panique). Cet optimisme est aussi prospectif. Le symbolisme immanent permet d'utiliser le corps acquis comme moyen d'expression, de relation. Cette grille interprète alors tout événement et le formalise. La signification peut être proposée par le sujet. Le langage quitte la sensibilité acquise. Alors non seulement le sujet quitte les modes de fixations par lesquels la nature s'actualise, mais encore il réduit la contradiction et il propose au relationnel. L'événement (le nouveau et le multiple) non seulement perd sa valeur de contestation de la structuration acquise, mais il participe à cette structuration, définissant des strates superposées, dénombrables et objectives, qui constituent les niveaux du relationnel. La négation est à la fois but et moyen. Si l'émotion est niée, elle est en soi comme étymologie, comme fixation à chaque stade de la génétique, enfin comme rencontre de la sexualité, au niveau de la praxis globale. b) Le processus de l'émotion17 .· progressive déstructuration de l'acquis. L'émotivation : stratégie de récupération L'émotion est pour le sujet passé, présent, avenir : passé comme crise surmontée, présent comme crise se surmontant, avenir comme crise à surmonter. La structuration du sujet, au niveau du calcul des propositions, permet une réduction de l'affect par l'immédiate intégration de tout terme déjà connu. Le sujet se réfère à son savoir. Et c'est son acte. Sa démarche est rétrospective, elle se réfère aux strates constituées, aux moments vécus, qui eux aussi ont dû être interprétés et qui ont été assimilés et que, soit le symbole, soit le langage expriment comme contrôle de l'émotion, comme réduction opérationnelle de ce qui a été existentialité. Et à chacun de ces strates, moments, expériences,
17. Notre conception de l'émotion est très largement inspirée de celle de Sartre.
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le sujet veut retrouver le terme identique ou analogue, ou interprétatif, par lequel il peut assimiler l'autre, le nouveau, l'événement, lesquels exigent une réponse immédiate à un moment de la conduite engagée dans la praxis. Alors l'exigence politique, mondaine, ne peut attendre une conduite de médiation. C'est tout de suite, comme geste, mot, attitude, que le sujet doit répondre. Et il ne sait pas. Et sa recherche se fait de plus en plus rétrospective. La culture peut fixer des arrêts, des barrières de sécurité à cette progressive dépossession de l'être acquis. Le langage, la fonction symbolique permettent ce cheminement, cette opération dans la temporalité la plus réduite, comme immédiate réponse. Le parcours rétrospectif, dans le diachronique, est en effet présence immédiate, par le synchronique qu'est la phrase ou le symbole. L'acquis rend égalitaires, complémentaires, tous les termes antérieurs de l'acquisition. La fonction symbolique, et le langage, son accomplissement, permettront donc soit une résorption immédiate de l'autre, du multiple, soit de susciter et d'aménager une marginalité en référence à une fixation analogique. Alors le sujet arrête sa démarche vers le passé à un moment constitué antérieurement, fixé, et intégré, soit par la logique propre au relationnel, soit par la symbolique. Tel est le processus : la solution à un nouveau problème est trouvée par la solution d'un problème antérieur. Dans la dynamique du sujet, c'était un passage de l'immanence à la représentation, de la participation au savoir qui pouvait reconstituer sans refaire (existentiellement). C'était donc une démarche prospective, critique. Au contraire, dans la récupération du sujet par le passé, c'est une démarche conservatrice, et de restauration d'un passé révolu. Cette fuite en arrière reconstitue, dans les spatio-temporalités organisées de la cité, les moments génétiques du sujet, comme des marginalités au sérieux, au collectif, au politique. Ainsi s'instaure la restauration, la mise en place du conservatisme, comme va-et-vient du sujet, du problème insoluble au problème résolu, d'un énoncé à une solution, d'un langage à une existence, d'une opération à un résultat. La hiérarchie acquise par le sujet, en particulier au cours de la logique du relationnel, se reconstitue dans le synchronique du macro-social comme étalement complémentaire, d'équilibre, de spatio-temporalités dans lesquelles la subjectivité se repose sur son acquis. La cité permet de récupérer l'émotion dans son institutionnel même. La marginalité est consacrée, comme présence, organisée, du passé. Ainsi, lorsque l'autre, le nouveau, surgissent, tout un appareil de résorption est en place, qui localise l'émotivation, et la canalise dans des conduites traditionnelles de contestation de l'institutionnel. Mais ne sont intégrables que des analogies, correspondances, connexions allusives de l'événement aux stades et conduites du sujet.
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Lorsque l'événement ne présente aucune analogie codable, par le sujet, la rétrocession, la déstructuration vont déborder ces barrières que sont le langage et le symbole. Le jeu, de la répétition, préserve le sujet ; une émotivation conventionnelle (que la culture aménagera) prévient l'émotion, l'impact désagrégateur, évite la déstructuration globale. Une continuité, et par la différenciation, est maintenue. L'émotivation du sujet est un lieu public (mode!e culturel) où l'émotion est résorbée à priori. Mais l'événement peut surgir comme un tel traumatisme que cette émotivation de convention est bousculée, balayée. Le contenu qui surgit révèle une altérité irréductible. Alors le sujet est submergé par l'événement. L'acte qu'était la conduite de rétrospection et de restauration ne peut se fixer à un repère, ne peut être arrêté par une barrière. Aucune connexion, aucune analogie n'est possible. Alors la barrière qu'était la symbolique (constituée et comme fonction) est submergée : c'est que l'événement renvoie au pré-symbolique, que son actualisation ne connaît pas les médiations consacrées par l'usage, que sa formalisation n'a ni langage, ni symbole, qu'elle est négation de la sociabilité connue et qu'elle ne peut être interprétée qu'au niveau de la perception et de la sensation, selon le code le plus élémentaire de l'organique. C'est alors le premier et le deuxième stade de la génétique, décrits par la théorie périphérique de l'émotion. Le déchiffrage qui se fait selon une réciprocité de perspectives, à chaque niveau, se réfère alors à l'intuition, à la compréhension du corps, par la participation immédiate à la «chose» qu'est l'événement. La marge interprétative qu'était le système de signes acquis, qu'était la représentation et l'opération qu'il autorise, s'est réduite à une connaissance de participation. L'opération engage le sujet, sans médiations sociales ou personnelles, selon la nécessité du moment, d'un comportement qui doit répondre, qui à ce degré de récurrence, n'a plus de détour, de retard possible. Et cette réponse, au niveau de l'intuition, de la participation, du sensible élémentaire (sensation, perception) est la seule possible. Pourrait-on dire que le corps assailli par l'événement est en état de légitime défense ? C'est la dernière ligne de défense qui est atteinte, la dernière interprétation possible, comme participation, effusion. Et lorsque l'individu abandonne, par force, l'individualisation acquise, il retrouve la généralité qu'est l'anonyme sensation, et perception, expressions de l'élémentaire. Alors le relationnel entre individus n'est soutenu que par la chaîne des sensations et perceptions. Ce ne sont plus des personnes qui sont en relation, mais les universaux de l'organique. L'être élémentaire se reconstitue comme destruction de l'être acquis. Le sujet n'est plus opérationnel. Il ne s'appartient plus. Il n'a plus de langage ou de symbole médiateur. Il n'est plus protégé par la mère, et sa passivité le livre
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au panique, aux forces cosmiques, à la violence du premier appétit, à «l'instinct». Et même cette destruction de l'être acquis, comme restauration de l'être premier, sera par l'émotivation, une catharsis, un exorcisme, le refus de la connaissance. La passivité, qui s'est reconnue, dans l'émotion, par le comportement émotif, interdit au sujet tout acte de compréhension, de bienveillance, d'acceptation de ce qui n'est pas la culture acquise. A l'égard de l'événement apporté par la praxis globale, et à l'égard de l'événement qu'est l'intrusion de la plèbe, du naturalisme dans la vie bourgeoise, l'émotion sera négation radicale, refus de comprendre et de savoir, refus du dialogue et même du langage. L'émotion est alors la négation à priori (colère, haine, mépris, etc.) de l'altérité, de ce qui n'est pas le même, connu, expérimenté, signalé. Ainsi est nié tout ce qui, de la praxis globale et de la plèbe, pourrait avoir des analogies, des ressemblances, des connexions avec la vie bourgeoise, structurée. Et c'est justement parce que la génétique du sujet pourrait présenter, surtout au niveau du symbole, de l'ontologie familiale, bien des rapports avec le naturalisme (monde venu d'en bas), et aussi avec le monde venu d'ailleurs, qu'un à priori émotif garde le sujet. Celui-ci évoque l'émotion, s'en sert comme refus de savoir, de l'entendement. C'est que, encore, cette émotivation est catharsis et encore dernière barrière, devant l'émotion pure, celle du premier cri, l'angoisse du néant. Et ce retour à l'être le plus élémentaire n'est plus que le désespoir, car le savoir de toute la culture acquise ne permet plus cette «innocence» qu'est le biologique pur, l'élan vital, des chromosomes, la dispute des cellules, l'hécatombe des individus, purement organiques, qu'est la survivance de l'espèce. Le retour à la nature, lorsqu'il accède au panique, est encore un conservatisme, devant ce néant qu'est l'unique vie biologique. L'émotion pure, lorsqu'elle retrouve ce biologique élémentaire, est évanouissement, apoplexie, référence clinique : le traumatisme n'est plus assumable par l'économie du sujet. Le biologique revient au biologique, par toute une symbolique de la mort, mais symbolique immanente : la dégradation de la culture acquise est aussi dégradation biologique. L'agonie, plus que la mort, est l'être-là de la nature. L'émotivation au second degré, restauration du panique, est donc encore un langage négatif de l'organique. La passivité est encore un engagement organique, le geste du refus. Le sérieux de cet être est comme négation de l'altérité, stratégie du conservatisme. C'est que le sujet manipule tout son acquis antérieur et qu'il maîtrise l'organique, non plus comme intégration au politique, mais comme discours à rebours que le politique acquis peut susciter et comme une méthodologie. Le pouvoir de négation du sujet, de par l'émotivation, est immense. La fonc-
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tion pratique de l'émotivation peut aller jusqu'à susciter presque tout le parcours émotif, pour nier le dernier moment, Γetimologie. Et cette manœuvre, de l'organique, est opération politique réactionnaire, car elle permet de nier le devenir politique, le progrès. Et il faut souligner une autre fonction de l'émotivation qui présente la même valeur conservatrice et préservatrice. La stratégie du sujet, pour se défendre de l'émotion radicale, de l'altérité inassumable, suscite l'esthétique. La fonction esthétique peut en effet s'interpréter selon le support organique de l'émotivation. Les arts, leur hiérarchie et leur nature, pourraient être systématisés selon la régression que nous venons de définir. On pourrait dire que, par exemple, du classicisme au romantisme, leur rôle de catharsis, et d'objectivation sociale de l'émotion intime, consiste à défendre le sujet de l'ultime rétrogradation. Au-delà d'un minimum symbolique, l'émotivation ne pourrait contrôler l'organique, et le sujet retrouverait l'angoisse absolue qu'est le cri, l'expérience du singulier en son principe. Ainsi, dans la perspective de l'intégration de la subjectivité dans le code politique, la mutation organique s'accomplit selon une double opération. C'est d'abord par la médiation du compétitif entre enfants (entre non-adultes), le passage de la subjectivité selon le référentiel aux parents, à la subjectivité intégrée dans le relationnel des adultes. Cette accession de la sensibilité à l'entendement, selon la médiation des formes à priori à moitié contrôlées par le père, à moitié créées par la cité, est une norme, en fait et en droit. C'est ensuite, par le pouvoir d'émotivation la faculté d'intégrer l'altérité, l'impact émotif, en le prévenant. Le corps réduit provocation, agression, sollicitation, à des moments génétiques fonctionnels, antérieurs. La subjectivité réduit l'impact en le ramenant à du connu, à du répétitif. Mais si cette norme et médiation génétique sont nécessaires pour passer du milieu familial au code de la cité qui propose les conduites adultes, aussi normativement le subconscient (qu'est tout le passé antérieur) chemine parallèlement. L'émotion est, en soi, tout ce passé nié, la singularité qui, dès le principe, connaît son cheminement vers la mort. L'émotion sera le présent (actualisation) de par la perturbation du processus d'intégration du sensible dans la norme politique. Car la société civile fait apparaître ses contradictions en ce moment que l'éducation idéale, de l'état parfait, pourrait sauver de la contamination sensible. Passé et marginalité faussent le procès d'intégration du corps dans le politique. C'est selon trois causes apparemment différentes, mais qui ne sont que l'expression de la société civile, que l'éducation politique peut être faussée. C'est d'abord la relation enfant-père-mère, selon une situation acquise, fixée en une figure négative, qui se prolonge pendant toute la croissance de l'en-
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fant, lequel ne peut que répéter «le complexe acquis» et l'aggraver. Le traumatisme pour l'enfant, a été tel qu'il ne peut faire peau neuve, se prêter à «l'innocence» du compétitif (entre enfants) préparatoire au sérieux politique. Tout est réduit, ramené à la coloration affective acquise antérieurement. Et si la progression politique éducative s'accomplit, quand même, c'est selon une optique préétablie, que la normalisation éducative du compétitif entre enfants ne peut résorber. La thématique psychanalytique des complexes, etc., est particulièrement applicable à cette situation. Mais en précisant bien qu'elle doit être située dans la totalité. (C'est ce qu'il faudrait montrer : à partir d'une fixation, familiale, comment le sujet la reconduit ou s'en délivre, à ce moment très précis de l'entrée dans la vie ? Et quels sont les rapports d'une normalisation de la sensibilité et des fixations acquises ?) La seconde cause tient dans le propre système d'accès à l'entendement, de par le complexe : spatio-temporalités, groupes, degré de sérieux. Alors que la norme prévoit de par le jeu des trois termes un dosage progressif de la provocation du politique à l'égard de la sensibilité enfantine, pour que l'assumation et l'adaptation soient possibles, une crise, un événement, dont la cause provient de la société civile, peut traumatiser le sujet. Alors le passage du ludique au sérieux saute une médiation, alors le relationnel passe trop vite des rapports privés, sélectifs, aux rapports publics, anonymes, alors les marginalités spatio-temporelles sont trop vite empêchées. Aussi le sujet se cabre, refuse, plus ou moins, le devenir, reste fixé à des moments préférentiels qui s'opposent au devenir. Du pathologique à la norme, tout un clavier de possibles reprend le subconscient acquis précédemment et le prolonge, tout en l'aménageant tout le long de ce moment génétique qu'est le passage du milieu familial au milieu adulte. La troisième cause, traumatisante du processus d'intégration, provient de la rencontre avec l'adulte, selon un mode conflictuel, inassumable pour l'enfant, ou selon un transfert affectif, sur un personnage (éducateur, par exemple) très marqué. Alors le devenir peut être le projet d'une compensation ou d'une vocation qui écartent bien des possibles et qui empêchent la maturité, le moment réflexif. Les jeux seront faits trop tôt ! Ces trois causes ont comme effet non seulement d'actualiser le subconscient (le corps acquis et passé), de le reconduire, mais aussi de l'alimenter, de le remodeler. Le passage du milieu familial aux conduites de maturité se fait donc selon un moment normatif, une intégration progressive de la subjectivité par le politique. Mais si le corps peut, de lui-même, accéder à cette maturité, il conserve son passé, comme subconscient. L'émotion originelle se renforce des perturbations que la société civile apporte au processus normatif et régulateur. Et, en fin de parcours, la sexualité sera la confrontation de ce cheminement
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longtemps parallèle, de l'entendement et du subconscient. Les deux termes diachroniques qui délimitent la génétique, de l'émotion originelle à l'entendement, vont se confronter dans le synchronique. Ce sera le dernier moment de l'apprentissage, la raison de la ratification ou de la non-ratification du code de l'adulte.
C . LA SEXUALITÉ, ÉMOTION LIMITE. LE COMPROMIS ENTRE LA NATURE ET LE POLITIQUE : LE CODE DE LA CITÉ. LA PROBLÉMATIQUE DU SENSIBLE EST REPORTÉE DANS LE MACRO-SOCIAL
1. La sexualité : rencontre traumatisante de la sensation étymologique et de la personne. L'accident et le rituel d'initiation La sexualité ne doit pas être définie comme un fait empirique (cependant elle apparaît dans l'empirique), mais comme un moment de la génétique du sujet. La solution du problème qu'elle pose est la définitive intégration dans !a cité, dans le langage des corps constitués, dans l'institutionnel, consacrée comme norme par le juridique. Il faut bien distinguer deux moments de la sexualité. Quand elle s'actualise et s'affirme au niveau de la puberté, et quand elle se nie au niveau de la société civile. Le moment qui précède l'actualisation doit être rappelé pour préciser le passage à la sexualité : alors le sujet vient d'accéder au pluralisme relationnel ; le sérieux s'est constitué comme constante de la négation de l'organique. La personne en est le résultat. (Mais ce n'est pas encore la personne de la société civile, statut juridique, définitif du sujet.) Pour que la sexualité apparaisse il faut : l'événement, qui brise la suffisance du sérieux acquis, puis le processus de reconstitution, par une démarche à rebours, pour découvrir la sensualité. Celle-ci va donner le sens. Par elle tout le passé organique reprend vie. Tout le subconscient se fait acte. Tous les termes antérieurs oubliés se reconstituent dans une continuité qui définit la sensualité. Mais ceci est l'acte de la personne, d'un terme politique élaboré. Par contre, la sensation étymologique est informe. Elle est anonyme, universelle. La sexualité est d'abord cette rencontre, de la sensation étymologique, et de la personne politique, d'avant le statut juridique. Elle est ce traumatisme, cette scission, constatée. Le décalage diachronique est vérifié par le sujet, comme contradiction vécue. Le sujet est confronté à son étymologie, à ce qu'il était par ce qu'il est devenu. Et il doit choisir, lui-même. Maintenant il en sait assez pour se poser lui-même le problème et pour le résoudre. La sexualité est la contradiction, dans l'organique même, de l'organique. Elle est émotion, comme retrouvailles de l'être par l'être, et comme perdition de la culture 13
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si durement acquise. En même temps qu'il retrouve la sensation, le sujet retrouve l'angoisse. Aussi ce n'est pas de lui-même qu'il se tourne vers son passé, ce qu'il ne veut plus savoir, et qui réapparaît, comme intrusion, provocation, apportée par l'autre, par l'événement, par le marginal. C'est un accident, dans l'acquisition de l'entendement, dans la systématique du relationnel. Toute la marginalité, qui est parallèle à cette acquisition de l'entendement, lorsque celui-ci est constitué, réapparaît elle aussi, comme contradiction, constituée, elle aussi. Au terme du devenir est confronté le point de départ. Le subconscient, résidu de tout dépassement, se confronte, non plus dans sa passivité, mais comme acte, à l'accomplissement du sujet comme maîtrise de l'organique. La sexualité comme surgissement de la sensation dénonce toute la culture du relationnel. Subconscient, marginalité, négatif se confrontent au sérieux, à l'entendement, au constitué. La sexualité est prétexte, lieu, signe. L'éducation peut maintenant poser le problème : le sujet est apte à juger de l'enjeu. A lui de choisir entre le passé et l'avenir. Tout se passe alors d'après le modèle du rite d'initiation, qui sera pour nous la grille interprétative. Lorsque le sujet est jugé prêt, il doit résoudre lui-même le problème que la mère, puis le père ont posé et résolu pour lui. C'est l'épreuve, qui doit être la libre ratification, ou dénonciation. Par la sensualité le sujet est déchiré entre la personne (politique) et la sensation (organique). Le plaisir est qualitatif : s'il renvoie à la sensation pure il lui manque toute la culture acquise, qui s'accomplit dans la personne, et s'il n'est que sentimentalité, fixation de la sensibilité, c'est l'organique qui lui manque. Comme sensation pure, il suscite la tristesse et le dégoût qu'est la privation du relationnel ; comme relationnel pur, il est frustration de l'organique. C'est que le sujet est devenu une personne, et que la sexualité est scission de cette personne : le plaisir, par lui-même, ne peut être la médiation entre l'organique et la personne. (Le plaisir solitaire, masturbation, qui d'ailleurs, lui aussi, est une initiation, une révélation, mais qui renvoie à la solitude, est renoncement au plus grand plaisir que seul l'autre peut apporter. Il est consentement à l'ordre acquis, et ratification du conformisme : l'organique est marginalité, solitaire, plaisir sans communication, qui renvoie le sujet à son passé.) Cette première actualisation de la sexualité est exemplaire. Le plaisir sera ce déchirement entre la sensation et l'autre. C'est par la reconnaissance, politique, que le spasme sera atteint. Le sujet devra reconnaître et être reconnu. Autrement le plaisir n'est que solitude, masturbation, ou bien revendication, à travers un discours, une symbolique de l'organique. Le plaisir pur est soit privation de l'autre, soit privation de la sensation. L'Eros platonicien (et non l'érotisme du libéralisme) est la synthèse qui
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réconcilierait l'organique et la personne, le commencement et la fin de la génétique du sujet. L'Eros veut à la fois, inséparablement, la satisfaction organique et la reconnaissance politique. Mais cette distance du corps à luimême, de son principe à sa fin, est l'histoire, la culture. Si le sujet a quitté la nécessité biologique de letymologie, c'est pour les conduites de maturité élaborées par le devenir macro-social, pour un système de signes et de valeurs qui représentent la dynamique. L'Eros est donc aussi, comme relation privée, intime, immédiate, une reconnaissance de l'histoire. Mais celle-ci reste non dite, non sue. Le procès historique est vécu comme une relation naturelle. L'histoire des amants ne fait que dire l'histoire mais cette histoire se croit éternelle. L'Eros est le non-su des rapports de classes. La dialectique du même et de l'autre, de l'Eros, prend son sens par l'histoire. De l'être étymologique à la personne, politique, c'est le même, mais selon la différence qu'apporte l'histoire. L'amour naît du décalage historique, de la stratification sociale ; il veut la reconnaissance réciproque d'un terme originel et d'un autre plus élaboré. A la limite, le commencement et la fin de l'histoire doivent se réconcilier. Le couple est l'unification de 1 etymologie ontologique et de la signification historique. L'attraction sexuelle prend sa signification de par la contradiction politique. L'Eros est la réconciliation, mais accidentelle, provisoire, des antagonismes historiques. C'est une solution sur le plan des personnes des conflits de classes. Le négatif de la ségrégation politique s'est dépassé, par la réconciliation des amants. Mais l'amour est né de la contradiction politique. Il a pris racine dans l'histoire, et il n'est qu'historique, accident, culture occidentale, moment historique qu'est le christianisme. Aussi l'Eros doit se soumettre en dernière instance, lui aussi, au procès de production. En droit, car l'Eros est produit, par l'histoire, comme solution personnelle, momentanée. Et si l'on peut admettre que les amants peuvent se réconcilier, le couple, lui, continue à vivre dans la société civile dans un contexte global qui conserve ses contradictions. Et si l'on peut encore admettre que le couple peut résister à cette désagrégation de la société civile, celleci demeure, comme le problème des autres, de l'échec de l'Eros (comme de l'échec de l'Agapè). 2. Le vrai moment des fixations. L'expérience de la sexualité (puberté) Car en fait l'Eros se heurte aux contradictions de la société civile. Et dans la pratique, la norme de cette pratique, l'Eros est réduit, dans notre perspective de la génétique du sujet, à l'expérience cruciale, révélatrice, de la puberté,
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comme impossibilité de concilier la sensation et la personne. L'expérience du plaisir actualise la dualité du sujet, son déchirement. C'est l'entrée dans la société civile, la pratique subjective de la contradiction politique. L'intimité du sujet éprouve l'objectivité de la contradiction du politique18. C'est que la problématique de l'histoire n'a pas été résolue : et le sujet reprend, à son usage personnel, le problème macro-social, à ce moment commun du devenir, de la subjectivité et de l'histoire. Ce moment, combien subjectif, de la sentimentalité et de l'érotisme, est l'expérience même de la contradiction de la société civile. Et c'est la malice de l'éducatif, le piège qu'est le rite d'initiation, de disposer cet affrontement, du sujet et du sexe, comme un accident, dans une marginalité, par un traumatisme. Le sujet doit apprendre son destin, son rôle. C'est le politique qui a initié la subjectivité de l'adolescent. Et les conduites de celui-ci sont maintenant constituées bien plus par le politique que par le corps. Le corps de l'adolescent croyait en rester là : identifier le plaisir et le politique, dans le bonheur. Aussi, pourquoi aller plus loin ? L'échec de ce projet renvoie à l'histoire, au devenir, aux conduites adultes. La contradiction, qui apparaît chez le sujet, est aménagée par le politique, par le père. Le sujet doit assumer un circonstanciel impossible, et si la contradiction entre la personne et la sensation lui apparaît, comme chose en soi, c'est parce que ce circonstanciel politique n'autorise pas la réconciliation. (Au sujet d'en tirer la conclusion et de chercher la médiation qui lui manque.) La marginalité ne pourra avoir sa continuité, dans la ratification du relationnel, et dans la conduite qui consacre ce relationnel. Le traumatisme se fera alors fixation, ne pouvant avoir son mode d'intégration (du sensible dans le politique). Mais le traumatisme n'était que la manifestation, par l'événement, des disparités du sujet, par les disparités entre sujets. Le malentendu est que, lorsque l'émetteur propose la sensation, le récepteur attend la relation et que lorsque l'émetteur déconcerté propose la relation, le récepteur est alors prêt à la sensation. Et lorsque émetteur et récepteur sont la même personne ! La maladresse est absence de médiation entre la sensibilité qui se rappelle et l'attente de l'autre. Et la sanction est le déchirement (du premier amour) ou la honte, le scandale, d'une fonctionnalité qui veut se manifester avant son heure, qui se découvre (cafardage ou flagrant délit) et que les parents sanctionnent. Nous avons proposé une grille d'interprétation. Le modèle était : comment le rituel d'initiation peut se définir selon une figure existentielle, selon une 18. L'Enfance d'un chef de Sartre illustre magnifiquement cette norme.
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relation dialectique des moments. Mais la nature du traumatisme, la qualité de l'affectif sera une variable. Chaque sujet a son histoire, et, en la matière, le particulier veut l'oubli. Une norme pourrait-elle être établie ? L'initiation clandestine, accidentelle, traumatisante, si elle est la règle, permet certainement toutes les variantes, au niveau du singulier. La nature du traumatisme, la qualité de l'affect, ce qui fait l'ineffable de chaque sujet, ne peut trouver de critère d'appréciation. La sensibilité, qui a déjà connu tellement de reconversions, ne peut plus s'intégrer dans l'entendement ; la marginalité, parallèle au parcours de celui-ci, s'est faite contradictoire. C'est l'épreuve, et de la loi. Mais pas de règle d'âge, de manière. C'est la loi, par l'accident. Et que de manières de l'interpréter et même de la tourner. A ce moment, chaque vie est un roman (mais peut-être aussi l'eau qui dort). Bien plus que les fixations d'ordre psychanalytique, ce moment nous semble constitutif. De même que les fixations d'ordre psychanalytique, le rite d'initiation est conditionné par la situation de la société civile. Et le traumatisme, dans les deux cas, peut être directement défini par les contradictions de la société civile. Mais alors que la fixation est réduction au même, fonction analogique, répétitive et réactionnaire, le rituel initiatique s'ouvre sur l'avenir, veut la négation ou bien se détourne du réel et consent aux fixations acquises. Il permet le choix, du passé ou de l'avenir ; il est le moment crucial de la liberté. Et alors l'image et le code seront les deux recours contradictoires du sujet ; les deux mesures de l'affect, les deux médiations possibles. Mais dans tous les cas, l'actualisation de la sexualité, si elle a posé le problème, renvoie la solution à plus tard, ou ailleurs (poésie, imaginaire). Dans l'immédiat, le sujet doit renoncer à la synthèse de la sensation et de l'autre, alors que la sexualité est devenue présente, fonction, alors que le problème étant posé ne peut plus être éludé. C'est cette situation, ce déchirement et cette contradiction, problème sans solution, qui est l'expérience de la sexualité (dans la société civile).
3. Lorsque la sexualité redevient subconscient, le sujet accède au code de la cité : c'est une solution provisoire (l'entendement), mais le problème n'a pas été résolu Le passage au code, à la ratification de la praxis (et au langage qui traduit l'œuvre collective, la personnalité de base de la cité) est autorisé par le conditionnement politique du rite d'initiation. Le sujet comprend son insuffisance comme terme politique. Il n'en a pas la théorie, et c'est dans le pathos que la «compensation» lui apparaît. L'effectivité est cherchée dans la praxis,
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dans le statut politique de la personne. Et alors, quelle que soit l'intention politique, la sexualité, est subordonnée au politique, même si elle est la fin de" celui-ci. C'est le deuxième moment de la sexualité : elle est consacrée, par le code, dans le non-dit, ratifiée, comme subconscient. Et ce n'est pas tellement la qualité de l'affect, le coefficient du pathos, qui incitent à contresigner le code. (La ratification peut venir des contraires : d'un extrême déchirement ou bien d'une expérimentation bénigne qui permet une continuité de l'entendement acquis, au code comme système.) C'est la forme politique (l'événement) par lequel le rite d'initiation s'est manifesté, qui est apparue comme constitutive. La sexualité a été révélatrice parce que la sensibilité intégrée par le politique, l'entendement, a discerné la cause de l'effet. La sexualité doit être intégrée, par le sujet, et pour cela le sujet doit s'intégrer dans la praxis, son code et son langage. Le problème du sexe a sa solution par le statut de la personne dans la société civile. Le rite d'initiation permet d'accéder à cette maturité. Et au-delà des rôles sociaux dévolus par le politique à l'homme et à la femme, la virilisation est la ratification par le sujet de l'ordre de la cité, dont le postulat est le primat du politique sur la sensibilité. La culture du relationnel a progressivement intégré la sensibilité au politique. Aussi, préparé par cet acquis, par l'entendement, le sujet peut-il se poser, et résoudre, le problème que la culture du relationnel a déjà résolu, mais par «doses» progressives, et dans l'ombre tutélaire du père. Le sensible a resurgi, comme fonction, sensation, et redonne une toute autre signification au passé du sujet. Et c'est ce moment paroxystique, du sensible, qui est confronté à la politisation acquise, et c'est le choix du sujet, qui est sa subjectivité, lorsqu'il choisit le code. La subjectivité est décision et celle-ci ratifie le politique. Le langage consacre cette opération : le pluralisme relationnel qu'exprimait la logique des propositions se fait système clos. L'opérationnel acquis, de somme, se fait système ; de quantité, qualité. Le pluralisme relationnel qui consacre le parcours de l'entendement prend maintenant sa signification, de code de la cité. Lorsque la logique des propositions se confronte à la sexualité elle est remise en question dans sa totalité. La logique du relationnel n'est plus alors que la localisation particulière d'un passé, une forme sans contenu. Le relationnel déborde la problématique résolue par l'entendement, lorsqu'il met en rapport cet entendement acquis et la sexualité. A un autre problème, un autre langage. Et c'est alors l'image qui se substitue au langage pour véhiculer le pathos et le fixer aux grands schèmes, aux universaux de l'organique. Aussi le politique ne peut être maintenu que par l'autorité répressive du code, et le langage n'a de sens que par la société. Il est un ordre, et parce qu'ordre, relation. C'est l'institutionnel, la personnalité de base de la cité, la praxis qui ont réa-
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lisé la structuration, qui sont la raison du langage. Et le contenu de celui-ci devient l'être de la cité, ce par quoi et pour qui l'on parle. Le relationnel est l'ontologie acquise non par le sujet, mais par la cité. Et toute l'élaboration que le langage a subi, que le sujet a voulu, à son dernier terme, n'est que le rajustement d'une expression encore particulière (celle de l'entendement) dans une expression plus universelle (celle du code de la cité). Et il ne faut pas chercher la marque empirique de cette mutation et maturité. Le langage a depuis longtemps acquis, chez le sujet, sa perfection formelle, du point de vue de la grammaire et du vocabulaire. C'est la systématique opérationnelle qui peut se donner libre cours. D e par la garantie ontologique que contient le langage, le sujet ose, et peut opérer (sur l'abstraction et la symbolique qu'est le langage) et créer, dans et par le langage, une systématique qui à son tour ordonne et crée : à la limite ce sera le langage juridique, le monde du droit. Car celui-ci n'est que le corollaire de l'économique, qui est, lui, l'infrastructural de la cité ; et l'ordonnance, la règle de l'économique, c'est le juriste qui la donne, comme superstructure, idéologie, comme classe (ou strate de classe) qui tiennent leur être, de l'économique, mais qui sont devenues nécessaires à cet économique. Mais déjà l'explication du juridique est le passage à la dynamique du macrosocial. Et le langage assure ce continuum. C'est par lui que le sujet s'organise dans l'être familial, et c'est par lui qu'il quitte cet être pour celui de la cité. Alors, l'opération a sa garantie, elle a sa ratification dans l'institutionnel. Parler c'est alors disposer d'un pluralisme relationnel justifié par le collectif, ordonnateur et coercitif. Le relationnel ne met les personnes en rapport que d'après l'ordonnance de la cité. Le langage ratifie l'organisation sociale : le code de la cité est devenu l'opération du sujet. Le particulier a atteint à une universalité. Mais celle-ci est encore une localisation spatiale, un moment historique. Aussi ce code n'est qu'une para-logique, une ontologie ratifiée, certes, par le consentement quasi universel, mais dans la cité de l'aliénation. Et le langage se débordera lui-même, le code aura sa critique immanente, parce que le sensible ne peut que se remettre constamment en question, parce que l'être est en devenir. D e par l'ontologie acquise (fondement économique de la cité), le juridique (comme classe et comme catégorie) peut atteindre une autonomie qui ne sera qu'indépendance dans la dépendance. (Le fils du commerçant se fait avocat, juge, de même que le juridique émane de l'économique.) Mais cette autonomie sera rongée par le langage parce qu'elle ne peut réellement se poser dans l'institutionnel sans le langage. A trois moments le juridique est remis en question, par la jurisprudence (le cas nouveau, que le code n'a pas prévu) par la casuistique, par l'exécutoire. Comment le droit peut-il se fonder... en droit (sans faire intervenir le sensible), comment peut-il
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opérer (d'après quelle axiologie), comment peut-il faire respecter ses décisions (quelle autorité) ? C'est que le code qui strutture la cité (à partir de la commune du 1Γ siècle que nous avons décrite) est remis en question, et par lui-même. La sensibilité que le sujet, au niveau de l'actualisation de la sexualité, avait pu (rite initiatique) subordonner, mais par la force du code, par l'ontologie acquise, réapparaîtra dans la fonctionnalité, la catégorie, le langage eux-mêmes, dont la raison d'être est pourtant de ne plus nommer le négatif que la génétique, et du sujet, et de la cité, avait dépassé. C'est le juridique (le répressif) qui devient la forme d'intégration, forme au contenu contesté et qui doit faire face aux intrusions et de la praxis mondiale et du monde d'en bas, que l'événement réintroduit. C'est par cette forme que la dynamique sociale est passée des cellules originelles à la Nation. C'est cette forme qui consacre la continuité, l'homogénéité, des formes de la corporéité et de celles du corps social. Cette rencontre est le lieu commun de l'entendement. Celui-ci, par son conditionnement social, dira à la fois le sujet et le macro-social, leur commun destin et leur accomplissement.
TROISIÈME
PARTIE
La logique du superstructural Du mythe au sujet de la connaissance
CHAPITRE
I
La connexion des conduites du sujet (de sa maturité) et du macro-social (de la bourgeoisie de robe) 1
I. L'IDENTITÉ D U SYSTÈME D E LA P A R E N T É 2 D E LA BOURGEOISIE D E R O B E (FIGURES EXISTENTIELLES) E T D U
PARCOURS
D E L ' E N T E N D E M E N T (CATÉGORIES D E LA C O N N A I S S A N C E ) A . LA BOURGEOISIE DE ROBE : SUPERSTRUCTURE AU SECOND DEGRÉ, QUI EST E F F E T ET CAUSE. LE SYSTÈME DE LA PARENTÉ SE CONSTITUE SELON LES TRANSFORMATIONS DE LA PRAXIS. IL EST LE LIEU PRIVILÉGIÉ DE L'INTÉGRATION
La défaite de la tradition, des forces productives, de l'infrastructural, réduit ces termes au non-dit, au subconscient, au passé, au marginal. C'est la médiation, le superstructural, les échanges commerciaux d'ordre national et international, la vie mondaine de la Cour et de Paris, les représentations et le langage qui triomphent et constituent la réalité, la totalité du réel. Le superstructural a d'abord été l'institution et l'idéologie des deux foyers antagonistes de production et de culture. Maintenant, il est devenu médiation et superstructure au second degré ; il n'est plus seulement l'expression d'une force productive, mais système et code qui crée l'existentiel. Cette distinction des deux modes du superstructural est capitale. Dans un premier moment, la superstructure est un effet, un résultat, la systématisation et l'ordre d'une production. Dans un second moment, la superstructure est causale, productrice même et surtout des modes immédiats de l'existence, de ce qui est couramment considéré comme irréductible à tout institutionnel. Dans le premier moment, l'existentiel est déterminé par les forces produc1. Contre la dichotomie individu-société nous voulons montrer que les conduites les plus intimes, les plus privées, ne sont que des déterminations socio-culturelles. Mais par contre celles-ci ne sont que des relations inter-subjectives. 2. Parmi les sources qui autorisent la définition de ce système de la parenté citons : François Blucke, «Origine des magistrats du Parlement de Paris au 17" siècle», Bulletin de la société d'histoire moderne, janvier-février 1957 ; «Origine sociale du personnel ministériel français au 18° siècle.»
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La logique du sup erstructural
tives élémentaires : il a donc la nécessité et la force de cette production. Le sérieux donne sens et forme à la nature (et à la sexualité en particulier). Le mythe dit cette culture. Dans le second moment, l'existentiel prend sens, forme, contenu, non plus selon les forces productives primaires, mais toujours selon un travail, un métier, qui ne sont pas production de biens, mais «praxis» du superstructural, des fonctions, services de la nation. La médiation est accession à une autonomie partielle lorsqu'une classe sociale homogène est constituée : ce sera la bourgeoisie de robe. L'existentiel, dans cette classe, sera le psychologique, réalité culturelle combien différente du mythe ! Si ce superstructural est causal, s'il produit l'existentiel, son autonomie partielle n'est, à son tour, qu'un effet, une production. La bourgeoisie de robe n'est que le résultat de tout un processus dialectique et historique. On ne peut en aucune manière la considérer comme entité cause d'elle-même. (Mais une fois constituée, cette classe suscite sa propre législation, à l'intérieur de sa systématique. Elle a ce double pouvoir d'institutionnaliser son acquis selon des catégories de la connaissance et d'intégrer et de réduire même des données infrastructurales provoquées par de nouveaux moyens de production.) Pour accéder à ce statut privilégié, les services et les fonctions devront accomplir le saut qualitatif qu'est le passage de la première implantation administrative (baillis, sénéchaux, etc.) à la classe sociale. Mais pour cela, il a fallu la première implantation des forces productives, leur complémentarité au niveau des premières instances superstructurales, enfin l'implantation d'une commercialisation, et du produit fabriqué et du produit importé, que seule la morphologie nationale autorise (voies de communication, etc.). La classe sociale des services et fonctions n'existe qu'en fonction de ces mutations, et comme résultat, et comme constante production par les cellules originelles. Elle n'est que superstructure. Et la classe sociale 3 , par le système de la parenté qui la constitue, ne fait que répéter cette transformation économique. Elle n'est qu'émanation, et comme résultat, et comme constante de l'apport, des ordres originels, bourgeoisie d'argent et noblesse, ville et campagne. C'est par la double praxis, car double appartenance aux classes sociales étymologiques et aux services
3. La bourgeoisie de robe, et peut-être aurions-nous dû insister davantage, est le système de régulation de la nation. Par elle, la contradiction pourtant radicale, qui fait éclater la strutture féodale, est neutralisée. Elle est le lieu des interférences les plus diverses et de leur homogénéisation, soit positive (dépassement), soit négative (opportunisme et syncrétisme). Son étude continue donc le premier livre : la contradiction reste immanente mais son dépassement ne pourra se faire qu'après l'exploitation de toutes les possibilités de cette bourgeoisie de robe, en temps que fin de la culture.
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et fonctions de la nation, que se fait le premier passage à la bourgeoisie (ou noblesse) de robe (vénalité des charges). Puis, à la seconde génération, les enfants (d'origine mixte, car de parents accédés à la robe de par l'achat de la charge par le père enrichi) peuvent se marier entre eux, et constituer même de grandes familles de robe. Mais cette classe se renouvelle constamment par des mariages avec la bourgeoisie d'argent, et participe toujours à cette bourgeoisie par ses placements, spéculations, etc. La bourgeoisie de robe peut être considérée comme classe sociale selon plusieurs critères. Elle est la fin, la promotion du chrématistique, de la bourgeoisie d'argent. Elle est le lieu d'intégration des apports les plus hétérogènes. Enfin, elle suscite l'idéologie, constituée, de toute la bourgeoisie. Elle est le monopole d'un métier et de la culture. Quelle que soit son autonomie interne de classe, elle est superstructure, par ses origines, sa fonction, son rôle d'expression de l'idéologie de toute la bourgeoisie. Cette superstructuration est au second degré, car elle n'est plus idéologie naïve issue d'une force productive, mais une institution, une œuvre, qui va médiatiser tous les termes originels, bourgeoisie et noblesse, et qui est, en définitive, la production finale des praxis originelles.
B. LA BOURGEOISIE DE ROBE EST SYNTHÈSE DE L'ÊTRE ET DU SAVOIR4. LES MODES DE L'ENTENDEMENT SONT LES FIGURES EXISTENTIELLES DE L'INTÉGRATION
Cette superstructure produit à son tour, non seulement l'idéologie, mais l'existant, en sa totalité. Et cette production ne présente pas, comme dans les cellules originelles, le décalage entre la production d'un bien et l'idéologie explicative ou justificative. Cette superstructure qu'est la bourgeoisie de robe, par son système de parenté, par l'intégration systématique, est à la fois être et savoir, mais comme immanence des deux termes. La bourgeoisie de robe, créée, nécessité de la médiation, est, à son tour, totale créativité. Son existence est code. Pour se constituer en un groupe homogène, elle produit le mode de reconnaissance et de participation. Autrement dit, les figures existentielles d'intégration des strates de classe, des classes sociales, par le système de la parenté (alliances et dynasties) sont les modes de l'entendement. Les catégories de la connaissance sont aussi figures existentielles : l'être et le savoir sont immanents. Mais si ces deux termes formellement contradictoires peu4. La bourgeoisie de robe est ce lieu historique privilégié où l'être se révèle immédiatement comme culture. Elle est l'objectivation et la résultante de tous les effets de la praxis.
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du
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vent être immanents, c'est qu'ils sont mixtes en leur fondement historique. Ce savoir n'est pas le pur savoir. L'entendement est, par définition, compromis du sensible et de la pensée. Il est le savoir aliéné dans l'organicité de classe qu'est la bourgeoisie de robe. L'épistémologie, la théorisation, ne peuvent encore accéder à la nécessité de l'universel. L'entendement, en son accomplissement, n'est qu'asymptotique à la raison (celle-ci comprise comme substance libre : l'universel qui se sait et se produit lui-même, une norme qui est l'impératif ; l'universel concret de Marx). Pour accéder à ce savoir l'entendement devrait se faire conscience de classe. Alors le concept peut se détacher de toute détermination sensible, empirique, particulière. Et c'est l'obscure finalité de l'entendement, mais qui ne peut s'atteindre, car toujours un résidu de classe, organique, corrompt la connaissance. Pour accéder à la logique, la classe cultivée devrait se nier comme détermination de classe ! Cela ne peut s'accomplir que par une action extérieure, par un concurrentiel de classe, qui apporte une praxis radicalement différente, non intégrable. De l'intérieur, ce n'est que par accident, que ce savoir peut être acquis, et alors il se fait totale négativité, refus du monde (jansénisme). L'entendement reste le lieu de la synthèse. Dans le meilleur des cas, il se confond presque avec la logique (raison cartésienne) et dans le pire des cas, il s'en éloigne par l'amalgame et le compromis. La problématique demeure : le savoir n'a pu dépasser ses déterminations de classe. Mais l'entendement a établi entre l'organique et la logique un pont nécessaire : tous les possibles, tous les compromis doivent être essayés, vécus pour être dépassés. Et surtout, l'entendement est une effective progression du savoir : les catégories de la connaissance vont du subjectif à l'objectif, du sensible à l'abstrait, du contingent au nécessaire, de l'immédiat au médiat. La problématique accède presque à l'universel. La bourgeoisie de robe est aussi un terme mixte. Son métier (justice, administration, fiscalité, médecine, etc.) est d'ordre superstructural. La préparation à ces métiers exige des études désintéressées, sans rentabilité immédiate. Jésuites, Sorbonne, Franciscains, représentent des traditions du savoir. La Renaissance apportera les humanités. Une hiérarchie s'établit selon les degrés du savoir ; le mérite professionnel est reconnu par les corps les plus réactionnaires. Mais l'organicité est dans la vénalité et l'hérédité des charges, le référentiel à l'argent et à la rente, l'origine chrématistique. C'est par le système de la parenté qu'une variable peut circuler entre le désintéressement du savoir et l'intéressement économique. L'affrontement, des deux termes hétérogènes, doit finalement déboucher sur la reconnaissance. C'est leur intérêt commun : le savoir, pour s'imposer, a besoin d'un support
La connexion des conduites du sujet
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matériel, et celui-ci, par le savoir, atteint une autorité politique. Un lieu neutre, mode commun aux deux termes, sera aménagé pour le processus de reconnaissance. Cette nouvelle civilité ne doit imposer aucun autoritarisme venu de l'un ou l'autre terme ; elle doit être lieu neutre. Les deux termes, au départ, sont privilégiés, mais l'un dans une antériorité de pouvoir, de prestige, d'avoir, l'autre dans le devenir du métier, le renouveau de la praxis. Arrivisme et tradition doivent se reconnaître, et c'est dans la bourgeoisie de robe, à l'intérieur de cette classe, selon une complémentarité d'apports apparemment hétérogènes, que doit s'accomplir la définitive réconciliation. Un compromis est le lieu de reconnaissance, et il n'existe que par le consentement à la réciprocité. Or ce lieu commun à tous les apports, à toutes les strates, à toutes les générations de cette classe, dont la fonction est la culture, est l'intellectualité. Celle-ci doit être alors comprise comme un référentiel sémiologique, comme une manière d'être. L'intellectualité n'est autre que la médiation, le signe. Elle n'est pas seulement la fonction, l'expression particulière d'un savoir qui est un métier, mais le référentiel commun, de base, de gens qui ont reçu une éducation commune. C'est dans cette forme, à priori, que la reconnaissance, et de l'ordre le plus intime, doit s'accomplir. La rencontre de l'homme et de la femme est dans la commune acceptation (car commun avantage de classe) de cette médiation. Ainsi l'organique prend forme : c'est pour réaliser ses revendications qu'il doit consentir à cette sémiologie. Et à la limite, la rencontre de la culture et de la nature est dans ce dialogue de la forme et du fond. Le couple réalise l'unité : le système de la parenté confond les deux termes, le référentiel culturel et les apports organiques, dans le formalisme de la bourgeoisie de robe. C.
LA
MÊME
NÉCESSITÉ
PRÉSIDE
A
LA
LOGIQUE
DU
SUPERSTRUCTURAL
(ENTENDEMENT) ET A LA PHÉNOMÉNOLOGIE DE LA PRAXIS 5
La bourgeoisie de robe et l'entendement sont la synthèse de termes antagonistes (antagonisme de l'organicité de classe et du savoir). Leur commun parcours peut donc être délimité : leur fin sera dans la suprématie de l'un des deux termes et dans la quasi-disparition de l'autre. Et ces deux termes se distribuent selon la relation extension-compréhension. Lorsque l'intellect accède à l'autonomie, c'est dans le plus grand resserrement possible de la classe sociale, et inversement, lorsque l'organique écrase l'esprit, c'est dans la plus forte extension de cette bourgeoisie. Cette loi est interne à la classe 5. Nous proposons donc le lieu de réconciliation de l'hégélianisme et du marxisme.
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ha logique du superstructural
sociale, mais elle n'est qu'un effet de la dialectique globale qui met en rapports de classes tous les termes constitutifs de la société. Aussi, répétons-le, c'est la praxis globale qui est causale, explicative, constitutive de ce parcours d'autonomie interne qu'est la bourgeoisie de robe. Et le destin de la bourgeoisie de robe, ainsi que les modes de l'entendement, auront une double détermination, et de par l'infrastructural, et de par les forces productives. Si la bourgeoisie de robe est, dès son commencement, dépassement de la tradition (Vieille France), des forces productives d'équipement, de tout l'infrastructural passé, ces réalités fondamentales demeurent, comme nondit et non-su, subconscient, marginalité, pour l'intellection, l'entendement, la bourgeoisie de robe. Une nouvelle confrontation se fera, en fin de parcours, qui consacrera la fin de l'entendement et de la bourgeoisie de robe : les deux France s'affronteront encore, et au moment où les forces productives qui ont pu justifier le règne du superstructural seront menacées, dépassées même, par le concurrentiel capitaliste des autres pays (Angleterre) et la mise en place, en France, de la même production. C'est essentiellement lorsque la superstructure sera acquise, devenue nature, lorsque le fonctionnel et les services d'Etat de médiation seront devenus immédiats, que toute la culture de l'entendement, qui a permis cette implantation, pourra être considérée comme le passé (à son tour), c'est à ce moment que la contestation, par la Vieille France, pourra être effective. Et parce que la culture de robe, les catégories de l'entendement se révèlent aussi forces du passé, conservatisme et formalisme. Alors, les deux cultures, les deux systèmes référentiels se détruisent réciproquement, dans leur fondement politique ; la propriété privée et les services de la nation dénoncent réciproquement ce qui est devenu aliénation idéologique et fixation réactionnaire : l'âme et l'entendement. La deuxième détermination de la praxis, contestataire de la bourgeoisie de robe, viendra, inversement des forces du progrès. Alors sera détruite la justification complémentaire. De même que l'entendement pouvait légitimement prétendre dépasser la psyché (en reprenant, dans une autre culture de classe, la critique de l'organique), l'empirisme et le matérialisme des «lumières», les nouvelles techniques de production, le nouveau mode de thésaurisation et de placement de l'argent, contestent le contrôle et le dirigisme de la bourgeoisie de robe. C'est maintenant la matérialité de la nouvelle production qui échappe au pouvoir d'intégration et de réduction de la classe dirigeante. En intégrant ces nouveaux termes, l'intellect se corrompt, se compromet dans l'ambiguïté : s'il conteste l'autoritarisme de l'Ancien Régime, c'est par un constitutionnalisme qui voudrait concilier l'autorité politique acquise par les fonctions et services et le pouvoir économique du précapitalisme (Montesquieu).
La connexion
des conduites du sujet
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La double justification, à l'égard du passé et de l'avenir, de l'esprit et de la matière, n'est donc plus possible : de l'intérieur et de l'extérieur, la bourgeoisie de robe est remise en question. Une double nécessité, de la praxis, délimite le parcours de l'entendement et le destin de la bourgeoisie de robe. C'est donc la même nécessité qui définit la praxis et qui détermine les figures existentielles et les modes de l'entendement. L'intégration des classes sociales, des strates de classe, des métiers, de Paris et de la province, des générations, s'ordonne sans aucune contingence : étant donné les termes qui s'affrontent, doivent se reconnaître ou s'exclure, les modes de réalisation en découlent. La praxis globale propose des données qui sont réduites et interprétées par le code qu'est l'entendement. C'est donc la praxis, la transformation des forces productives, qui décide du commencement et de la fin de ce superstructural qu'est l'entendement. Le déroulement phénoménologique, le devenir de la praxis, se répète dans le superstructural, mais selon la logique propre à ce superstructural. L'ordre des modes de l'entendement, c'est-à-dire des intégrations, collusions successives, le parcours de l'entendement, aura la même nécessité que la praxis qui décide de son commencement et de sa fin, qui le délimite. Le même processus, le même procès de production, définit la praxis, la bourgeoisie de robe, l'entendement. De la mutation des ordres originels au pourrissement de la bourgeoisie de robe, à la critique radicale par le non-intégrable, l'entendement va donc suivre l'ordre de la praxis, mais selon son ordre propre, son propre langage, selon la seule référence à son système. L'entendement ne sera donc pas la seule suite, ni même la seule somme de moments. Chaque moment sera constitué par les termes antérieurs, selon une dialectique spécifique de ces termes. Toutes ces opérations ont donc un sens : elles ont un ordre d'apparition, les conjonctions ou disjonctions se font selon une progression, et leur totalité est un résultat qui conclut, et inclut, comme synthèse. S'il y a une variable, l'entendement, son parcours a une nécessité. La logique du superstructural reprend la phénoménologie, le déroulement historique, selon un ordre spécifique, au deuxième degré. C'est la progression du savoir qui sera définie, par le savoir lui-même, une progression et une hiérarchie des catégories du savoir. L'entendement est d'abord rupture avec l'organique par le romanesque. Une progressive réduction de l'organique s'est accomplie. La sexualité a dû se soumettre à une formalisation, et de telle manière que nature et sociabilité soient immanentes. Puis ce discours de la sensibilité est repris et soumis à une critique radicale. De participation, la catégorie romanesque accède à la critique d'elle-même, au savoir désabusé des motivations organiques, infrastructure du discours romanesque. Mais toute cette progression du savoir
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La logique du sup erstructural
sur l'organique ne peut se fixer en un langage scientifique. C'est littérairement que ces choses sont dites. Elles restent savoir expérimental, d'individus, de groupuscules. Et la conclusion de cette démarche reste d'ordre individuel. Si le comportement romanesque est effectivement dépassé, c'est par une démarche singulière et contradictoire. C'est soit le renoncement au monde, soit au contraire, le retour à la consommation sensible d'avant la culture romanesque (libertins du 18* siècle). (Une autre critique radicale, d'un champ romanesque, sera la psychanalyse, comme savoir de la nécessité organique, réduction radicale des prétextes romanesques, axiomatisation de toute conduite. Mais si la psychanalyse reste savoir de classe, de la bourgeoisie, elle saura se donner tout un appareil scientifique qui fait sa valeur.) Si la critique du romanesque, à ce premier moment de l'entendement, ne peut accéder à ce langage, elle permet au savoir de n'être plus fixé au sensible, à une participation organique, à l'immédiat. S'ouvre alors tout un nouveau champ du savoir. Celui-ci peut accéder à une autre problématique ; la recherche scientifique, qui, partie de la ludicité, de la marginalité, de la curiosité naïve, accède, empiriquement, à une certaine méthode, expérimentale, à un commerce mondain, mais sérieux. Cet expérimental est d'abord prétexte à la contestation au niveau des personnes, puis elle débouche sur la contestation, la réfutation et la récusation des fondements du savoir traditionnel, de l'Eglise. Ce savoir, savoir de l'opposition, est donc l'arme de l'affrontement politique (entre le progressisme de l'entendement et le conservatisme du dogme). Et il ne peut accéder au niveau de développement autorisé par l'autonomie politique. Et de lui-même, il s'aliène doublement : comme savoir quantitatif, formel, de cabinet, de solitaire, ou bien comme empirisme expérimental qui se perd dans l'occultisme et le baroque. L'opposition doit s'arracher à la revendication naturaliste pour accéder à un savoir rationaliste. Aussi ce savoir est tout d'abord matérialisme naïf, positivisme. Et longtemps, ils se compromet dans l'organicité d'origine (libertins du 18* siècle). Le sensualisme est sa nostalgie et l'associationnisme mécaniste sa tentation. Et ce savoir ne sait pas se thésauriser car il ne veut pas se théoriser. A chaque fois il recommence, répète le même geste, car il reste revendication singulière, d'individu : il est longtemps condamné à l'empirisme. Le savoir, comme science, méthode, programme, sera déjà prise de conscience politique, car conscience des empêchements, des préjugés, des scléroses. La conscience politique est d'abord opposition aux corps constitués de la tradition, non pas en référence à une pensée politique élaborée, mais parce que c'est la condition nécessaire à une pratique scientifique organisée. Et cette opposition est justifiée par la découverte, l'invention. La fertilité de
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la science se manifeste aussitôt sur le plan pratique des commodités. L'opinion ratifie la science par ses techniques. Et ces sciences sont sciences de la nature, de la matière, du cosmos. C'est la découverte dans les sciences de la nature qui est constitutive du politique. Et c'est lorsque ces sciences sont celles d'un milieu, d'un corps social, d'une strate de classe que la conscience politique peut s'organiser en programme, théorie. Le discours de la méthode est conscience de classe. Science et politique sont dans une totale dépendance : la problématique scientifique a sa solution dans le politique. La désaliénation politique est le progrès scientifique. Aussi la science des sciences est-elle politique : les sciences humaines doivent révéler la causalité de l'infrastructure. Mais si ce projet est logique, sa réalisation n'est pas possible de par l'aliénation politique. L'entendement a ses limites de par son immanence à l'organicité de classe. L'entendement débouche sur un cercle vicieux : la science doit désaliéner le politique mais c'est le politique qui désaliène la science. Aussi la science du politique restera empirique, et le projet politique débouche sur la monarchie constitutionnelle. Mais si l'entendement ne peut réaliser la raison, il a créé progressivement les catégories médiatrices de l'organique à la raison, selon une progressive critique de sa propre démarche : le double dépassement de l'organique qu'est le romanesque et la critique du romanesque, autorise le savoir désintéressé qu'est la science, et la réalisation scientifique pose la nécessité de la réforme, permet d'accéder au langage et à la conscience politique. C'est la même nécessité qui est cause et effet ; la bourgeoisie de robe est constituée par la praxis globale, et elle est constitutive à son tour, de l'entendement. Celui-ci n'est que continuité et formalisation dans des catégories spécifiques de la praxis globale, de même que la constitution de la classe sociale n'est que continuité et somme des multiples intégrations. II. COMMENT LES FIGURES D U MACRO-SOCIAL LES CONDUITES D E MATURITÉ D U SUJET
DÉFINISSENT
L E PARCOURS DE L'ENTENDEMENT PROPOSE L'AXIOMATIQUE E T L'AXIOLOGIE DES CONDUITES DE MATURITÉ DU SUJET
Les deux racines de l'ontologie vont se rejoindre, et se confondre, au niveau de l'entendement (et de la bourgeoisie de robe"). C'est que le devenir du 6. Le livre III est donc la suite du livre I et aussi la suite du livre II (de la double racine ontologique à son dépassement, de la substance au sujet du savoir.) D e même, mais sur un autre plan (macro-social, historique), le livre III est la suite du livre I. C'est selon la théorie des ensembles que l'on peut proposer les liens logiques de notre plan.
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macro-social et la génétique du sujet ont subi la même réduction par le même politique. Les deux racines de l'ontologie, de deux substances devenues, se rencontrent en ce tronc commun qu'est le superstructural (au second degré, national). C'est que déjà chaque culture, et du sujet et du collectif, a pu réaliser son propre dégagement de l'organique, et que le corps (social et individuel) n'est plus seulement ses déterminations étymologiques, et que chaque autoculture autorise la compénétration des deux parties de par cette commune participation à la variable qu'est le réflexif. L'entendement, l'attitude réflexive, sont communs au sujet et à la bourgeoisie de robe, à l'individu et au collectif. Une classe sociale est constituée par le compromis du réflexif et de l'organique (de par toute une mutation), de même que l'accession à la maturité du sujet est la délimitation des acquis organiques étymologiques (les stades du sujet : organico-affectif et sensorimoteur) par le réflexif. Aussi les conduites de maturité du sujet lui seront proposées par le parcours de l'entendement ; aussi les conduites de l'individu adulte sont inventées par le macro-social ; aussi la subjectivité, lorsque le corps est celui de l'adulte, se comporte d'après la classe sociale qu'est la bourgeoisie de robe (à l'intérieur de l'ensemble étudié). Le compromis, du réflexif et de l'organique, de l'idée et de l'instinct, est le même, pour le macro-social et le sujet. Car c'est le même moment du devenir, dans l'histoire particulière d'un champ de production, et dans le devenir de la substance individuelle. Et les conduites du sujet sont suscitées et intégrées par le macro-social, par la bourgeoisie de robe. La subjectivité accepte l'entendement comme les classes originelles acceptent la bourgeoisie de robe. C'est la même nécessité qui dirige le devenir, c'est le même procès de production, c'est la même structuration qui imposent le réflexif aux classes sociales et au sujet. Et il serait inexact de penser la relation du sujet et de la bourgeoisie de robe dans le décalage d'une intention subjective et d'un modèle objectif. La subjectivité, en son devenir, est immanente à la bourgeoisie de robe, en son devenir. Le sujet participe à l'objectivation sociale comme celle-ci est une conduite d'individualisation. Cette insertion, du corps de l'individu dans le corps social, n'est que la continuité du procès génétique, du corps. (La seule différence, c'est que les conduites du corps, lorsqu'elles sont celles de l'adulte, sont aussi objectivement des conduites de classe sociale. Elles sont le mode du relationnel public autant que le mode d'expression et de réalisation du subjectif.) En effet, dès le principe, le sujet s'exprime dans et par des formes à priori de la corporéité (relationnel, fonctionnel, durées) qui sont la socia-
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des conduites du sujet
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bilité même T. Le passage des conduites enfantines aux conduites de l'adulte se fait dans la continuité de ces formes. Nous avons vu que c'est par la structuration de l'émotion que le sujet dispose comme d'un pouvoir de tout le savoir de son passé. Alors, devant le problème proposé par la culture politique qu'est le superstructural, le sujet a le pouvoir, soit de s'intégrer au politique de la cité, soit de le nier et de remonter rétrospectivement dans son organicité. C'est ce choix possible entre le prospectif politique ou le rétrospectif, alors naturel, qui donnera sa liberté au sujet. C'est le référentiel à une historicité des conduites qui est restauration de la nature ou participation au progrès politique. La structuration de l'émotion acquise, le sujet dispose de l'équipement nécessaire pour affronter des conduites qu'il ne connaît pas encore et qui sont les comportements adultes, qui ne relèvent que du code de la cité. Ces comportements adultes sont constitués par la médiation qu'est l'appareil superstructural, qu'est la nation. Et cet appareil est constitutif de la nature sociale, commune à l'individu et au collectif. Le relationnel, qui doit se soumettre à tout l'aboutissement historique qu'est l'organisation de la production dans le collectif national, est devenu médiatisé, autant dans le relationnel public que dans le relationnel privé. Cette médiation, constitution de nouveaux rapports de classes et de nouvelles conduites du sujet, est donc fondamentale. En effet, comparons deux modes d'intégration du sujet dans la société civile. L'un est sans médiation (intégration dans la cité étymologique) et l'autre médiatisé (intégration du sujet dans la bourgeoisie de robe). Nous avons vu que la cité étymologique s'organisait dans la dualité : bourgeoisie-plèbe, conscience-subconscient, politique-nature. Le système des conduites alors proposées au sujet se réduit à une dualité du bien et du mal, sans compromis possible. Mais lorsque le sujet va accéder à la maturité (métier, mariage, etc.) dans le champ de culture qu'est le parcours de la bourgeoisie de robe (selon les modes d'affrontement avec les forces infrastructurales), cette dualité se ramène à celle du savoir et de l'organique de classe. Cette confrontation du réflexif et de l'organique témoigne d'un moment du devenir, d'une élaboration de l'organique selon la particularité de classe 7. Les formes a priori du corps social et du corps sujet devraient être définies d'abord au niveau de l'histoire de la philosophie. C'est à partir de l'acquis kantien (espace et temps, formes a priori de la sensibilité) que la Phénoménologie de l'Esprit commence. Il faudrait montrer comment à partir de cet acquis épistémologique, ces concepts peuvent devenir opérationnels. Mais nous reviendrons sur ce problème qui relève de l'histoire de la philosophie.
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La logique
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qu'est la bourgeoisie de robe, selon un système de la parenté, une accumulation primitive de l'argent, qui autorisent une mutation de l'organique. Cette dialectique du réflexif et de l'organique est donc un moment du devenir, autorisé par toute une mutation infrastructurale. Elle est totalement délimitée dans une classe sociale, comme lieu clos qui objective le devenir. La maturité du sujet, répétons-le, s'accomplit dans ce superstructural, dans la médiation qu'est la bourgeoisie de robe. C'est dans un lieu à priori, confrontation de l'intellect et de l'avoir, problématique de la reconnaissance, que vont se vivre les conduites de maturité. Cette confrontation de l'intellect et de l'organique est un autre mode de la confrontation nature-culture, dont nous avons vu la contradiction la plus exaspérée dans la dualité du bien et du mal de la cité des échevins. Mais c'est comme synthèse, intégration, que maintenant les contradictoires s'affrontent. Les deux contradictoires, l'être et le savoir, ne sont plus juxtaposés, mais doivent se synthétiser. Et c'est la même démarche pour le sujet (qui accède aux conduites de maturité dans la bourgeoisie de robe) que pour la classe sociale qu'est cette bourgeoisie de robe. Les conduites du sujet et les figures historiques de la mutation de la bourgeoisie de robe ont la même problématique, et la même solution, et le même langage. Une progression subjective est possible par la progression objective de l'entendement. La correspondance des conduites subjectives et politiques autorise la progression de la subjectivité, son accession aux conduites romanesques, puis à une dialectique de dépassement et de reconversion, à toute une démarche de maturation, par des scissions et des assumations (parce que c'est la démarche objective de la bourgeoisie de robe). La synthèse de l'être et du savoir se fait dans une apparente ludicité, un apparent expérimental. De multiples figures apparaissent. Mais elles se disposent selon la logique immanente au développement de la bourgeoisie de robe. Les comportements adultes seront donc contenus comme axiomatisation et axiologisation, dans l'entendement, par le parcours historique de la bourgeoisie de robe. Le code de la cité propose au sujet toute la gradation du référentiel de la subjectivité. Le parcours de la bourgeoisie de robe contient la somme des conduites de maturité du sujet. L'étiologie, et la progression, de ces conduites sont celles de l'entendement. La typologie exhaustive des conduites (qui a d'abord l'intérêt de proposer un inventaire) doit se soumettre à une progression. La progression du romanesque au scientifique, de l'organique au politique, qui définit la bourgeoisie de robe, est la progression des conduites du sujet. Le sens de l'histoire est aussi celui de la subjectivité. La lutte des classes
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est l'axiologie de la subjectivité. C'est la même progression, du plaisir à sa critique, de la formalisation du sensible à la responsabilité politique, du frivole au sérieux, qui ordonne les mœurs publiques ou privées, singulières ou collectives. Une conduite ne prend son sens qu'en référence aux autres, à la totalité des conduites, et qu'en référence au politique qui lui donne son coefficient de participation dans un processus qui a une finalité. Ni le moralisme, ni l'empirisme néo-positiviste ne peuvent indiquer le sens des conduites. Celles-ci se définissent selon une progression vers la responsabilité politique, selon des rapports de classes (éthique). La relation de l'être et du savoir, dans l'entendement (c'est-à-dire dans la bourgeoisie de robe, dans le sens précis du mot «culture») inaugure une nouvelle subjectivité, du tiers non exclu. La subjectivité, qui a longtemps été la seule expression du corps, puis qui s'est exprimée par les moyens que la sociabilité lui proposait, peut maintenant s'objectiver dans des conduites finalisées. Ces conduites permettent l'accession du corps à une organicité (sociale) alors qu'il vient d'acquérir la fonctionnalité biologique. Elles sont mixtes, comme synthèse organique, du corps individuel et du corps social, alliage irréductible de deux cellules. Et elles sont mixtes comme commune variable, comme commune transformation. Ainsi la subjectivité, lorsqu'elle accède, dans la bourgeoisie de robe, dans l'entendement, dans la culture, à la maturité, n'a plus à se définir selon l'exclusion, mais selon la conjonction de l'être et du savoir. La traditionnelle dualité du corps (instinct) et du social (règle) se dépasse dans une pratique sociale synthétique du désir et de son objet, de l'individu et de la classe sociale, de l'être et du savoir. Et c'est à tous les moments de l'entendement que s'opère cette synthèse, qui est la subjectivité à un moment précis du devenir du corps individuel et du corps social. C'est d'abord au niveau particulier d'une conjoncture économico-politique. Le corps participe au système relationnel objectivé par le système de la parenté : c'est que le corps et la conjoncture doivent s'adapter l'un par l'autre à la mutation du savoir (qui s'objective dans une classe sociale) autorisée par la mutation de la praxis. Ainsi s'acquiert la conduite type (le modèle culturel) de la période qu'est une conjoncture économico-politique. C'est ensuite comme totalité de ces conduites, et axiologie de ces conduites, dans la progression de l'entendement (et de la bourgeoisie de robe) que se manifeste la synthèse de l'être et du savoir. La subjectivité est cette progression, la réduction de l'être par le savoir, comme conduite commune de la désaliénation politique et de la désaliénation organique. La subjectivité peut être alors comme conjoncture (économico-politique) tout le parcours de l'en-
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La logique du superstructural
tendement. Lorsque le sujet accède à la maturité en s'intégrant au moment final de l'entendement, il dispose comme subjectivité de tout le devenir qu'est le parcours de l'entendement. Sa subjectivité est la problématique résolue par tout un parcours de classe. Et la problématique du sujet, quel que soit le circonstanciel, sera résolue par un sens, une finalité, à priori. L'entendement, à son dernier moment, contient, comme synthèse dernière, tous les moments de synthèse de l'être et du savoir. De même la sensibilité du sujet. Mais si l'être et le savoir peuvent se synthétiser, comme conduite subjective qui est comportement de classe, c'est comme privilège de cette classe sociale. Son organicité de classe a pu se synthétiser au savoir parce que rupture, scission de l'organicité productive. Et double rupture : des forces productives issues des cellules de production étymologiques et des forces productives du devenir. Ainsi, si dans l'entendement tout est clair, si la sensibilité se connaît et se contrôle, si un subconscient ne peut se former dans la classe sociale (dans l'entendement), si l'organique accède à un savoir et à sa légifération (le projet constitutionnel), si la reconnaissance des sujets est la constitution de la classe sociale, tout un subconscient, une marginalité se constituent parallèlement au devenir de l'entendement et de la bourgeoisie de robe. C'est entre parenthèses, comme lieu privilégié, contingence qui, après coup seulement, se fait nécessité, qu'a pu s'opérer politiquement cette synthèse, conjonction de l'être et du savoir. Et un autre être de classe, effet du procès de production, va refaire surface, comme collusion des forces du passé et du progrès scientifique, comme libertinage. Celui-ci peut alors corrompre l'entendement, juxtaposer de nouveau l'être et le savoir, comme dualité de l'existentiel et du scientifique, de la conscience et du subconscient, de la subjectivité et de la classe sociale.
CHAPITRE
II
La réconciliation des contradictoires ou l'intégration par la bourgeoisie de robe Le parcours de l'entendement
I. LE
DÉPASSEMENT
DE
LA
QUOTIDIENNETÉ
CONFORMISTE.
LES CONDUITES DE L'AMBIGUÏTÉ INSTITUTIONNELLE (ENTRE LES PRAXIS ORIGINELLES ET LE SUPERSTRUCTURAL NATIONAL). LE PASSAGE DU CONFLIT AU COMPROMIS : LA RECONVERSION DES PRAXIS
Le passage d'une praxis à une autre est consacré par l'institutionnel. Cette institutionnalisation viendra de l'octroi, par le roi, de charges, situations, à l'ancien suzerain. Le service du roi devient une fonction qui entraîne de grandes responsabilités d'ordre national (commandement guerrier ; administrateur régional, etc.). Ainsi l'autorité économique du noble se définira contradictoirement : il y aura toujours le domaine familial, la propriété foncière, survivance, de moins en moins justifiable, de l'âge des mérites (et cette propriété foncière se dévalue de plus en plus économiquement mais se fait signe de valeur) et il y aura la charge accordée par le roi. Pour la bourgeoisie, l'édit de la Paulette permettra à la bourgeoisie commerçante de dépasser la culture de l'argent, pour une nouvelle culture, ambiguë, car la charge s'achète, elle est le fruit de la praxis étymologique, de l'économie dans les structures de promotion de la cité, et dans ce sens peut être considérée comme l'aboutissement, l'accomplissement de cette praxis originelle. Mais si elle s'achète, elle s'achète au roi, au principe antagoniste. Cependant, de par son hérédité, elle reconquiert sur cette aliénation une indépendance, une volonté d'autonomie qui renouvelle la culture bourgeoise. Ainsi le double principe de culture cellulaire se transpose dans une médiation qui n'est que l'intermédiaire institutionnel, structural, nécessaire pour passer à une culture d'ordre national. Ainsi l'antagonisme monde rural et urbain se dépasse, mais dans l'éloignement de la praxis originelle. Et ainsi s'élabore le commun dénominateur que sera le service du roi. Ce ne sont plus les antagonismes locaux et singuliers qui définissent essentiellement les relations des deux cellules, mais les rapprochements d'ordre professionnel, qui se prolongeront ensuite en relations privées.
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La logique du
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Ce dépassement de médiations, de relations civiles, non encore politisées, ne fait que préparer le dépassement politique qui par l'institutionnalisation débouche sur le code national (ce qui s'accomplira par la monarchie absolue). Aussi, si la médiation qu'est l'institutionnalisation d'un nouveau système professionnel est déjà un dépassement des cultures cellulaires, de société close, par un rapprochement au niveau des relations publiques, ce dépassement va se renforcer par la ruse de l'autorité royale, qui renforcera les antagonismes originaux, mais pour les détruire l'un par l'autre. Le nouveau système de médiations ambiguës superpose à l'ancien système des relations de rapprochement et d eloignement, un nouveau système, médiatisé par l'autorité royale dans des cadres qui ne sont plus ceux de la cellule originelle sans être encore ceux de la nation. La bourgeoisie et la noblesse n'ont plus cette autonomie politique qui permettait de maîtriser l'évolution. Elles deviennent des moyens, des contradictions dont joue l'autorité royale. Ainsi chacune de ces classes, renonçant à son autonomie originelle, au profit du roi, pour s'assurer dans le nouvel ordre une prépondérance sur l'autre classe, perdra en fait tout rôle politique actif d'organisation et de contrôle. (La cour réduira progressivement le noble en courtisan ; le jansénisme verra la fin des espérances politiques des Parlements.) L'ironie de l'histoire, qui se fait raison d'état, veut que la promotion de classe soit la négation de cette classe. Ce sont les antagonismes internes de ces classes sociales (révélés par le système de la parenté) qui autorisent cette dialectique exemplaire. Le passage de l'ambiguïté conflictuelle ouverte à l'ambiguïté institutionnelle est une intériorisation de la contradiction. Est nécessairement dépassé un système de représentations du tiers exclu qui se répercutait dans tous les domaines de la vie pratique ou spéculative. Maintenant, toute contradiction doit susciter une conduite de médiation. Et cette conduite, qui reprend micro-relationnellement la structure mère, institutionnelle, est relation et publique et privée. Le système des conduites relationnelles quitte le répétitif, le conformisme de la structure originelle : toute relation humaine doit s'improviser, et d'une manière réflexive. L'institutionnalisation étant au niveau de la praxis (du travail, de la fonction) est la référence exemplaire à partir de laquelle peuvent constamment s'inventer les relations humaines. L'ambiguïté institutionnelle est donc l'une des situations historiques les plus favorables à l'invention de l'inter-subjectivité. S'ouvre un champ d'invention qui part de la culture cellulaire et qui doit aboutir à la toute-puissance de l'Etat (alors l'ambiguïté disparaît). Mais jusqu'à la Monarchie absolue, la culture cellulaire doit constamment s'adapter au progrès du pouvoir royal (de la praxis globale) dans une constante remise en question des conduites. L'urbanité succède à la guerre civile ; la contradiction intériorisée, assumée
La réconciliation des contradictoires
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dans la praxis, sera le négatif des conduites de conciliation. L'individualité ne sera plus monadique, cellule autonome, autarcique. Elle sera, dans sa substance, la synthèse de deux praxis qui, de contradictoires, deviennent complémentaires.
II. L'ÉVICTION D E LA NOBLESSE D E LA PRAXIS GLOBALE : DE L'AMBIGUÏTÉ INSTITUTIONNELLE A LA DICHOTOMIE DU SÉRIEUX E T DE L'ESTHÉTISME. L E PROCESSUS DE PSYCHOLOGISATION : DU PUBLIC AU PRIVÉ, DU PRIVÉ A L'EXISTENTIEL. —
LA CONJONCTURE ÉCONOMICO-POLITIQUE E T
LES CONDUITES PSYCHOSOCIALES
A . LA
RECONVERSION
DE
LA
NOBLESSE
:
DE
L'AUTONOMIE
LOCALE
AU
SERVICE DU ROI, DU SUZERAIN AU GOUVERNEUR
Cette période de l'ambiguïté institutionnelle est pour la noblesse passage de l'âge des mérites à l'âge des privilèges. Ce n'est pas encore la subordination totale au pouvoir royal (courtisanerie de Cour). Mais ce n'est plus le «qui t'a fait roi» mais le «qui t'a fait comte» qui fait la légitimité. (Le repère empirique de ce tournant serait le règne de Philippe Auguste vers 1215.) Aux rapports de suzerain à vassal se substituent des relations de roi à sujet, au code de l'honneur se substitue la loi. La culture de la propriété foncière s'est dépassée dans l'accomplissement qu'est le régionalisme, par la vassalisation totale à un suzerain qui, ainsi, dépasse sa vocation originelle (guerrière), puis sa vocation politique, pacificatrice, dans une cour mondaine qui a mis en question sa dernière justification autoritaire. Le système d'exploitation rural dépasse l'exploitation microautarcique ; ainsi apparaît déjà une systématisation des procédés d'exploitation et de contrôle, universalisables, structurables sur le plan national. La spécificité régionale s'efface devant la commune problématique de la gestion du monde rural. Multifonctionnelle, maintenant, car étendue à une multitude d'exploitations, cette exploitation a besoin d'une spécialisation, au niveau de la gestion, qui autorise une «planification» mais selon des directives qui universalisent au-delà des vocations régionales (intendants, gouverneurs, etc.). Ainsi le suzerain perd sa justification (centralisation maximum) au profit d'une autre fonction, dans une autre praxis (inter-relationnelle). Et, par extension, il a le monopole de tous les offices (commandement guerrier en particulier) qui rappellent les diverses vocations de sa praxis. Mais si, pour certains, la compétence ne peut être mise en doute, dans bien des cas le prolon-
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La logique du superstructural
gement de l'autorité féodale dans les offices royaux ne se justifie que sur le plan d'une continuité dynastique, qui se prolongera en privilèges que l'autorité royale maintiendra et dispensera. Alors la noblesse, dans cette reconversion de la praxis féodale, retrouve une justification, mais ambiguë, de mauvaise foi. Le maître (rural, cellulaire) vit des subsides du serviteur et c'est grâce à ces subsides que peut se prolonger la praxis originelle. Si l'indépendance sur les terres se prolonge encore c'est que la dépendance à la cour se fait plus forte. Mais dans cette période (qui va approximativement de Philippe Auguste à Louis XIV) la décadence du sérieux féodal (de culture cellulaire) se tempère d'un sérieux du service royal (c'est-à-dire public). Si le noble n'est plus le suzerain, ce n'est pas encore seulement le courtisan. Et si ses mérites se prolongent dans des privilèges ceux-ci sont encore ceux d'une praxis ; un service public qui n'est plus au service de l'intérêt privé.
B . LE DUEL : PASSAGE DU SÉRIEUX DE L'HONNEUR AU CONFLIT DES PRÉSÉANCES ; L'INDIVIDUALISME
SE FAIT EN RAISON INVERSE DE
L'UNITÉ
DE CLASSE
Mais le chevaleresque se dégrade de plus en plus, dans le prolongement d'un état, d'une situation sociale totalement différents de ceux qui avaient justifié ce chevaleresque. La vertu étymologique, le courage, c'est-à-dire l'affrontement de la mort pour justifier la participation à la classe dominante, car classe en dehors de la nature, dans l'intemporalité d'une domination qui se veut définitive, éternelle, va se tourner contre la noblesse, dans le processus d'autodestruction qu'est le duel. (Déjà le tournoi était la transformation de la guerre en jeu sous les dehors de la préparation militaire. C'était un raccourci symbolique de l'affrontement chevaleresque mais en dehors du contexte historique et en dehors de l'affrontement de la mort. Il a, originellement, au moment de la guerre entre féodaux, le rôle de la préparation au combat. Il est moyen d'une fin, la guerre. Mais la guerre entre féodaux étant dépassée, le tournoi, de moyen deviendra fin. La décadence du guerrier apparaît dans la préparation non à la guerre, mais au tournoi. L'affrontement guerrier devient un spectacle, un moyen de briller devant les dames. Le panache se substitue au courage, le mérite du guerrier devient le mérite ludique d'un acteur.) Le tournoi était encore une ambiguïté, pouvant passer pour la préparation de la guerre. Le duel, autre raccourci symbolique de la genèse chevaleresque (de l'épreuve de vérité qui a permis à la classe des courageux, des politiques
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de se constituer et de se prolonger) répète, sans doute, la geste originelle, mais ce n'est plus pour établir une praxis qui autorise une culture, pour fonder le sérieux d'une civilisation, mais dans l'affrontement formel d'individualités, d'après une motivation dont le prétexte sera anodin, pur prétexte à la répétition du geste étymologique. C'est toujours l'épreuve de vérité, mais vérité de la mort et non du courage, car épreuve formelle, authentification par le risque de la mort, d'autant plus valable que le prétexte en est futile. Le duel devient la preuve de la permanence d'une vertu qui a perdu sa praxis mais qui est toujours justifiable d'une supériorité de classe. Ainsi par le duel, la noblesse s'oppose à la finalité de sa praxis, celle qui arrêtant le combat permettait une culture dans la pacification, car le duel instaure une nouvelle guerre civile, mais des vanités et non plus pour des conquêtes territoriales. Le dernier combat de la noblesse est autodestruction, hara-kiri de classe. La contradiction est au cœur du courage : l'appartenance à la classe ne se prouve que par la destruction de cette classe. L'affirmation du paraître est un processus de destruction de l'être. Mais si la gravité de l'affrontement prouve le courage, cette gratuité des motivations prouve aussi l'impuissance de classe de la noblesse. Elle ne se bat plus pour des conquêtes, mais pour des préséances. La noblesse ne peut s'inscrire dans le concurrentiel de la praxis de l'Etat royal-bourgeois, et ce concurrentiel devient autodestruction quand il ne peut plus s'exercer que dans une classe. Ainsi de l'action étymologique il ne reste qu'un beau geste, un savoir-vivre qui n'est plus que la grâce de mourir. La preuve par la mort est la dernière preuve, mais la plus belle.
C . L'INDIVIDUALISATION
COMME
ESTHÉTISATION
:
DANS
LE
MICRO-RELA-
TIONNEL ESTHÉTISME DE LÌNTRIGUE E T DANS LE MACRO-RELATIONNEL LE DOUBLE JEU (LA FRONDE) \
L'INDIVIDUALISME EST OPPORTUNISME :
C'EST L'UTILISATION DE L'ÉQUILIBRE DES FORCES E T DES PRAXIS
Cette esthétisation de la vertu guerrière s'accomplit dans le dépaysement, l'exil, de la cellule rurale : à la Cour. Cette localisation, ce véritable transfert de population, précipite le passage de l'indépendance à la subordination, du sérieux féodal à la frivolité du courtisan. La cour, de régionale, devient nationale. Ainsi s'efface la dernière suzeraineté, qui autorisait encore le prolongement du chevaleresque, mais dans l'élargissement de la vie publique. Et si 1. Nous insistons sur cette période de la Fronde car sa pseudo lutte des classes présente bien des analogies avec les événements de Mai.
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la vie publique neutralisait l'autorité politique du suzerain c'est par le consentement, sur le plan des rapports privés, à la culture de la nature définie par la toute puissance féodale. Mais le transfert de la cour (du suzerain) à la Cour royale détruit la dernière relation de réciprocité, le dernier lien culturel de la féodalité. Entre le roi et les courtisans, il n'y a plus ce lien de réciprocité, de quasi neutralisation de l'autorité politique par la culture de cour. C'est que le service du roi n'est plus privé, n'a plus ce caractère semi-familial, qui, par la domestication, prolongeait la reconnaissance du vassal de la considération due au noble pour son service d'entre-guerre. A la Cour, la vie publique (reflet du service national) triomphe des derniers prestiges politiques de la féodalité : la courtisanerie est égalitaire des mérites. Et ne peut même pas se maintenir la préséance dynastique qui doit s'incliner devant le favoritisme, que l'arbitraire royal dispense en arguant de nouveaux mérites d'après les critères de la praxis d'Etat. Aussi l'esthétisme de cour devient esthétisme de l'intrigue : la politisation valorisante de l'individu de cour n'est plus qu'opportunisme, jeu de factions, stratégie de coteries. Sur le plan historique, la Fronde marquera le passage de l'esthétisme du chevaleresque à l'esthétisme de l'intrigue, la cassure définitive du sérieux féodal et sa désagrégation en un maniérisme de classe qui n'exprime plus rien en dehors de sa formalisation, qui ne renvoie à aucun fond. La Fronde est le dernier affrontement chevaleresque, féodal, et qui se détruit lui-même par l'expérience des nouvelles modalités des affrontements sociaux. La guerre, dans la lutte politique, ne résout plus rien. C'est que la contradiction originelle est dépassée ; la guerre ouverte, la guerre civile est devenue surannée parce que l'ambiguïté institutionnelle est déjà solidement implantée et les conflits ne font que survivre à leurs solutions. La guerre, dans la lutte politique, n'est plus qu'un moment de la stratégie. La victoire peut être un piège car la victoire guerrière peut cacher la défaite politique. Aussi la guerre devient-elle un jeu ; elle n'est plus qu'un moment de la stratégie, une feinte... Et à ce moment historique, les rapports de forces, entre noblesse, royauté, bourgeoisie sont comme à un moment d'équilibre qui ne permet pas la victoire définitive d'un parti, qui serait comme le moment le plus précis du passage de l'ambiguïté conflictuelle à l'ambiguïté institutionnelle, tant la guerre ne résout rien, est un continuel renversement d'alliances, d'une fluidité d'intentions qui ne peut assurer la continuité de l'action. Et si se maintient la permanence du conflit, dans la contradiction non plus des partis mais du conflit lui-même, qui se désagrège par lui-même, c'est qu'il a trouvé un support structural, institutionnel qui va autoriser le dépassement de ce conflit ouvert par sa consécration dans l'ambiguïté institutionnelle. A ce moment la noblesse peut jouer à la guerre, car d'une part
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sa continuité est garantie, son existence n'est pas mise en qustion, et par ailleurs la guerre lui permet d'assurer stratégiquement ses positions avancées. La guerre ne peut être ni gagnée, ni perdue, elle devient donc inutile, mais comme l'institutionnalisation, la structuration sociale qui assurera la continuité des privilèges n'est pas encore implantée, la guerre continue, car seul moyen d'expression. Et c'est la noblesse qui veut, comme moyen d'action, expression d'indépendance, la situation qui consacre son recul historique, car elle se bat pour sa situation dans la praxis nationale, ayant déjà elle-même délaissé sa culture originelle. Ainsi l'esthétisation est dans cette incertitude de la praxis, dans l'attente d'une action qui réconcilierait l'action de classe et l'action collective, et, dans cette attente, l'essai, individuel, opportuniste, incertain, de profiter des deux praxis, selon l'aménagement ambigu des temporalités, qui doivent assurer la progression parallèle des deux perspectives, le virtuel étant le réel de demain. L'esthétisme est l'adaptation d'abord à un cheminement parallèle mais aussi aux contradictions qui surgissent entre les deux praxis. Mais alors que la tradition chevaleresque ne peut s'adapter au non-dit, au mensonge, l'intrigue s'alimente de l'ambiguïté, affirme son talent dans le paradoxe qu'est le cheminement parallèle des contradictoires, et profite de l'inéluctable rencontre de ces contradictoires. Mais alors, que ce soit la praxis féodale qui triomphe de la praxis nationale, ou l'inverse, c'est toujours dans le processus de désagrégation d'un sérieux que s'affirme l'action individuelle. Et c'est ce processus de désagrégation qui réduit l'action à un esthétisme, car désagrégation de la praxis qui substantialise le sérieux. Et l'esthétisme de l'intrigue est pris au piège, car, pour miser sur une praxis, il doit détruire en lui l'autre praxis, comme gage du nouvel engagement. L'esthète de l'intrigue se détruit en s'affirmant. Et cette «néantisation» doit être totale : la neutralisation des trois forces, qui autorise la floraison de l'événementiel, c'est-à-dire des tentatives sans continuité, sans cohésion, sans dynamisme, tentatives de groupes, coteries, individus, pour s'assurer, justement à partir de ce désordre, un avantage personnel, entraîne par opportunisme, la réversibilité des options, le retournement des alliances, la surenchère des propositions contraires. Aussi l'esthète de l'intrigue après avoir nié pour affirmer, affirme ce qu'il a nié. La substantialité est totalement détruite, et par lui-même. Les deux modes qui constituaient cette substance, à tour de rôle, se détruisent réciproquement. Ne reste que la conduite, le comportement individuel, l'individualisme (grandes individualités de la Renaissance, personnalités de la Fronde, etc.). Le comportement individualiste est alors définissable par la destruction réciproque des praxis collectives. Ainsi l'action, mais individualiste, retrouve le potentiel qui n'était possible qu'aux débuts de la féodalité : la contradiction
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des deux praxis collectives est le champ d'action de l'individualité. Le moment d'équilibre des praxis ouvre à l'action individualiste un double champ d'action. C'est que l'intrigue (à la limite) peut autoriser la remise en question de la hiérarchie consacrée par le système royal, en restaurant le système féodal dans son opposition inconditionnelle à l'autorité royale, en restaurant la régionalisation, aboutissement de la praxis féodale dans son effort d'étatisation de la région par opposition à l'état royal. Par contre la praxis royale autorise aussi un renouveau de la vertu guerrière au service de la gloire nationale (des grands chefs de guerre aux mousquetaires, la promotion chevaleresque se hiérarchise dans les valeurs nationales). Ce qui assure la potentialité énorme de l'action individualiste, ainsi que la diversité de ses expressions, c'est ce cheminement parallèle des praxis, et leur intrication en ces moments qui autorisent la continuité de l'action individuelle par la paradoxale discontinuité des praxis. La ludicité de l'intrigue est donc promotion de l'individualisme car continuité d'un comportement personnel par la déstructuration réciproque des comportements collectifs.
D.
LA PSYCHOLOGISATION
1. Les deux moments de l'individualisation du noble : du modèle culturel proposé par la Fronde des grands du Royaume à la vie quotidienne de la Cour. a) De l'empirisme au système : le machiavélisme2 comme théorie du comportement. L'adaptation de l'ordre féodal au concurrentiel bourgeois et à la centralisation du Royaume Cette individualisation connaît deux grandes périodes. La première période précède la fixation à la Cour de la noblesse, sa réduction à la courtisanerie. Alors l'individualisme est celui de l'ambiguïté d'ordre conflictuel. L'action en est le tissu. Mais cette action consacre la désagrégation de l'ordre par les individualités. Apparaît bien alors l'irréversibilité des vertus historiques car irréversibilité des moments de la praxis ; car justement le paradoxe de cette décadence de l'ordre féodal, qui autorise l'éclat de certains individus, c'est le retour à la vertu étymologique, le courage et l'affrontement guerrier, qui s'opposent alors aux mérites de l'apogée, à la pacification par la reconnaissance dans la subordination. Les deux moments de la praxis, chronolo2. Selon notre méthode nous replaçons une idéologie constituée, une œuvre théorique, une œuvre exemplaire, dans ses déterminations socio-culturelles.
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giques, liés par la nécessité organique qui fait succéder les progrès de la culture, sont repris dans l'actualisation épisodique, pragmatique, opportuniste, qui se systématise en conduites d'ordre tactique et stratégique. Le vécu ne s'ordonne plus selon la nécessité d'une praxis globale mais pour l'intérêt d'une action individuelle. La nécessité d'un ordre est devenue celle d'une singularité concrète qui ne peut même pas maintenir une continuité d'intention et qui se fixe sur un moment particulier, sur une action empirique, qui semble réalisable. A la nécessité de classe succède la réussite d'un projet particulier. L'action perd ainsi sa nécessité : elle ne trouve plus les relais entre les catégories politiques, juridiques, psychologiques, etc... qui assuraient le réseau homogène des relations, conduites, intentions humaines. (Alors l'apparente discontinuité des catégories retrouvait une continuité dans la collectivisation des comportements les plus subjectifs.) Mais les conduites d'ordre tactique et stratégique ne répondent plus à l'action collective. Et non seulement sont juxtaposées les vertus des moments antérieurs de la praxis, vertus qui autorisaient l'accomplissement des fins collectives, mais ces fins sont prises comme moyens. L'action individuelle reprend comme moyen la fin collective. Et le paradoxe de ce qui deviendra le machiavélisme c'est que les deux moments de la praxis antérieure, par la décomposition pragmatique de l'empirisme, s'utilisent l'un par l'autre, la fin de l'un devenant le moyen de l'autre. Cet inventaire des moyens (par la reprise des fins momentanées de la praxis) est une prise de conscience ; le noble accède à une connaissance critique mais qui reste sur le plan de l'action : c'est l'élaboration de la tactique et de la stratégie, l'enchaînement des moyens de l'action individuelle d'après les fins de la praxis. Mais cette utilisation, à des fins individuelles des moyens collectifs, des fins collectives comme moyens individuels, n'est autre que l'émergence de l'individualisme. Se pose alors le problème de sa justification. Et celle-ci doit se faire à la fois dans et contre les valeurs de classe. C'est le paradoxe du machiavélisme. La justification individualiste sera la politisation de l'éthique féodale. Est valable pour toute la noblesse l'adaptation au monde bourgeois et à l'autorité royale ; la noblesse subit un concurrentiel dont elle ne définit plus les modalités. Aussi, pour survivre, doit-elle rendre civile (au sens de politique) la réglementation guerrière d'un concurrentiel. Mais alors l'honneur, qui garantissait l'homogénéité de classe cède devant la nécessité de survivre ; l'empirisme et le pragmatisme sont admis comme principes de comportement social. Il n'y aura pas une action individuelle qui se ferait contre des représentations de classe, collectives, et qui serait un infléchissement passager et particulier à partir d'un système régulateur, qui rejet14
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terait alors, provisoirement, l'individu et ne le reprendrait qu'après sa contrition, mais une pluralité d'actions individuelles qui ne trouvent plus les forces coercitives en même temps que directrices qui assuraient la cohésion et l'homogénéité de la noblesse. Mais ces actions individuelles ne peuvent se faire que dans un contenu de classe, en référence aux fins et moyens élaborés, au cours de l'histoire par cette classe. Aussi l'individualisme doit conserver ce qu'il doit détruire et, suprême reproche, il ne détruit le chevaleresque que par le chevaleresque. Autrement dit, dans la désagrégation de classe par l'individualisme, il s'agit d'une autodestruction : l'individu ne survivra que dans la mesure où il détruira sa classe. Au concurrentiel interpersonnel, entre nobles, correspond le conflictuel de la conscience pratique, individualiste, et de la conscience de classe. Aussi, si l'individualisme se justifie par la nécessité pratique il tombe dans la mauvaise conscience, la contradiction. Et cette mauvaise conscience d'origine politique, est aussi mauvaise conscience morale, car la justification de l'apogée de la classe, était aussi justification de la domination de classe, de la répartition de classes qui assurait la meilleure praxis collective. Mais cette mauvaise conscience reste encore un non-dit ; elle n'a pas un potentiel d'inhibition, au moment de l'ambiguïté conflictuelle, car l'action assure la constante domination de l'individualisme sur la négation. Aussi, en dernière analyse, la dernière justification et la dernière réalité de l'individualisme est l'action, qui maintenant l'ambiguïté entre deux cultures, prolonge la présence des nobles. L'empirisme individualiste reconstitue une nécessité de fait, justificative d'une classe, qui ne peut plus se justifier dans la praxis globale. Aussi tactique et stratégie se substituent à l'honneur. Et c'est la nécessité de survivre qui pousse stratégie et tactique à la systématisation machiavélique, c'est-à-dire à la totale négation du négatif, l'opportunisme systématique triomphant des représentations d'ordre moral. Mais plus ce politique se systématise dans l'explication, la prise de conscience de classe, d'un moment de cette classe, et plus le non-dit qui n'est plus l'instinct, la potentialité naturelle (comme pour la sorcellerie) mais la conscience de classe, de la classe dominante, l'honneur, apparaît comme inhibition, interdit qui doit se surmonter coûte que coûte. C'est le moment de la paralogique justificative : la doctrine. Et sur le plan de la théorie, cette situation qui s'exprime par le machiavélisme va jusqu'au bout de l'affrontement : l'opportunisme se confronte à l'éthique pour s'assumer dans un antimoralisme cohérent. Mais alors est dépassé l'empirisme qui permettait la séparation des deux plans, politique et privé, et qui autorisait d'une part le machiavélisme politique et par ailleurs, sur le plan privé, le consentement à la tradition de l'honneur. C'est la totalité du
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vécu, qui pour justifier l'opportunisme politique, doit se soumettre à sa nécessité et à ses principes. Alors l'homogénéisation des secteurs du vécu est l'aboutissement de cet individualisme, c'est-à-dire la généralisation des comportements particuliers dans la même continuité, la même cohérence, dans l'immédiateté de la catégorie psychologique. Mais cette homogénéisation du vécu n'est qu'un aboutissement : celui de l'action individualiste, et seulement quelques individualités l'assument. Mais si ce contenu existentiel ne s'actualise ni ne se généralise pas systématiquement, il se fait potentiel de classe. L'exemplarité de quelques individualités (modèle culturel) définit la finalité non pas des conduites, mais des intentions, et dans la mesure où l'honneur cède devant les comportements de compromis ou d'acceptation, ces intentions se structurent en subconscient de classe. b) La psychologisation : les trois dimensions contradictoires de la conscience noble sont les trois moments de la situation de classe3. Mais la fixation progressive de la noblesse à la Cour prolongeant le conflictuel dans l'ambiguïté institutionnelle, réduit l'action guerrière à l'intrigue de cour. Cet anéantissement quasi total de l'autorité politique féodale est un aboutissement progressif. Les prises de conscience, moments de la conscience de classe, ne seront que constatation d'un processus qui apparaît irréversible. Cette prise de conscience sera conscience totale : de même que la stratégie machiavélique était inventaire des finalités du passé pour définir la pratique du présent et ainsi prise de conscience politique, la fixation à la cour, dans l'étiquette, permet de connaître et de juger tout le passé. L'action devenant impossible, la noblesse évoque ce passé. Mais d'un œil critique : quelle est la cause de cette irréductible décadence ? C'est le bilan d'un échec mais qui ne peut s'apprécier que dans le souvenir de la grandeur. Apparaît donc la totalité des données historiques. Mais cette prise de conscience a aussi la dimension prospective : quel comportement adopter à la Cour, devant le processus engagé par l'autorité royale qui aboutit à la totale réduction politique, à l'intrigue de cour, à la courtisanerie et aux complaisances ? Ces données actualisent le macro-social dans les dimensions de la conscience individuelle. Le passé et l'avenir d'une classe se confondent dans la problématique du comportement individuel et immédiat. Et cette individualisation aura la nécessité d'une praxis collective accomplie, d'une action éteinte, 3. Ce qui est dans la conscience en tant qu'idées est dans la réalité en tant que pratique.
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qui en est à sa dernière vague, à la nécessité des choses acquises, au grand courant tranquille de la macro-durée de la décadence. Cette conscience totale est psychologique ; elle est retirée de l'action, mais réflexion critique sur l'action. Le processus de psychologisation engagé par la machiavélique culture de l'ambiguïté conflictuelle, qui avait d'abord étendu, pour quelques individualités, les principes du politique au comportement privé, pour enfin liquider les inhibitions subconscientes, s'élargit à la totalité du champ de conscience. Ce que le machiavélisme voulait cacher tactiquement, ce que l'honneur inhibait encore, puis ce qui inhibait l'honneur, apparaît de par la perspective critique, en pleine conscience, comme situation effective. Et la totalité de ces données sera délimitée par l'étymologie et la décadence, la volonté originelle et son aboutissement. Les données historiques ne seront pas ordonnées selon la stratégie, dans la finalité de l'action individuelle, mais dans la chronologie constatative de l'échec de l'action de classe. La coloration affective des données réflexives sera donc le pessimisme, mais pessimisme sur l'action. Déjà le machiavélisme individualisait, psychologiquement, par le cynisme et la solitude qui le couronne. Mais la volonté d'affrontement subordonnait au politique l'état moral, interdisant la réflexion et la mise en question des états psychologiques de l'action. Maintenant au contraire, la non-action, le renoncement à la praxis féodale doit se justifier. La secondarisation des états immédiats devient la marque d'une lucidité de classe, qui à partir de son expérience vécue, personnelle, peut retrouver l'universalité. Mais cette universalité n'est pas l'expression de la maîtrise de l'apogée. Au contraire elle est issue du déroulement complet du phénomène qui apparaît comme l'épuisement nécessaire de toute action. Et ce savoir, à propos de l'épuisement du pouvoir, s'il ne peut avoir d'autorité politique, devient maîtrise sur l'action en général, de par la connaissance de ses moments et de son aboutissement. Et la distorsion monstrueuse entre l'intention étymologique et son accomplissement final dans la décadence condamne l'action, toute action, mais seulement quand peut s'y substituer la connaissance libératrice. Ainsi la dépolitisation totale du pouvoir a comme effet la maîtrise individuelle, réflexive, critique sur l'action. C'est cette connaissance qui est la substance du psychologique, et de l'individualisation par le psychologique, l'extinction de l'action n'autorisant plus la collectivisation par le politique des intentions et des états individuels. Et cette substance, le psychologique, est aussi moyen d'expression, nouveau langage de classe, d'une sélectivité subtile qui au-delà des déterminations traditionnelles de la civilité (dont nous avons défini la première figure par la fixation à la cour du suzerain, dans la nécessité d'une praxis qui progressivement perdait sa fonction originelle) reconstitue des groupes d'affinités électi-
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ves, en dehors de toute effectivité politique, mais qui, paradoxalement retrouvent l'autorité que les membres d'une classe accordent aux meilleurs représentants de leur conscience de classe. Cette autorité a-politique est suffisante pour reconstituer un milieu homogène (le salon) de fréquentations désintéressées, qui regroupe les individualités après l'éclatement de l'homogénéité de classe qu'est l'apparition de l'individualisme. Mais ce regroupement reste sélectif et local. Il ne fait que consacrer l'émiettement de la noblesse. Ses trois pôles de localisation : la terre familiale, la Cour, le salon concrétisent les trois attitudes irréductibles qui font contemporains les trois moments essentiels de la praxis. La tradition chevaleresque se singularise de plus en plus ; dans l'isolement et l'appauvrissement, le chevalier qui reste sur ses terres en est réduit au seul revenu de la propriété foncière. Celle-ci se déprécie de plus en plus, de par sa confrontation au revenu de l'argent, à la rente bourgeoise. L'appareil féodal et ses prestiges cède devant lapreté de l'exploitation du paysan, devant la seule praxis du propriétaire terrien. A la cour la nostalgie de l'étymologie se réduit aux prestiges de l'arbre généalogique. L'esthétisme de l'intrigue, divise, isole en coteries, clans, soumis à l'opportunisme, qui se font et se défont dans la fluidité des intérêts personnels, sans référence chevaleresque, la charge et l'argent étant les seules références. 2. L'éviction du politique : la corruption du mythe en romanesque4 a) L'événement actualise dans le micro-relationnel l'antériorité macro-sociale. L'événementialité romanesque répète dans le désordre l'ordre étymologique du macro-social. La femme (le non-dit féodal) se fait pouvoir de décision Aussi les relations inter-personnelles dans la classe n'ont plus d'homogénéité de classe. Se confrontent trois foyers d'intentions, possibilités, sans références communes. Et dans chacun de ces foyers, ces intentions et possibilités ne sont pas expérimentées comme valeurs de groupe, mais valeurs individuelles, conflictuelles dans le groupe même. Mais en même temps que l'individualisme nie l'homogénéité de classe, celle-ci sera reconstituée par le nouveau système de relations des individualités à ce moment de désagrégation de la praxis. 4. Déjà nous pouvons proposer la grande distinction entre le mythe féodal (Tristan et Iseult) et le romanesque. Le mythe est une culture interne à la féodalité. Il doit exclure l'autre et concilier les termes de la contradiction interne suzerain et vassal. Il est tragique et réactionnaire. Au contraire le romanesque est le mode de conciliation des deux classes antagonistes (et de toutes classes antagonistes sauf du prolétariat). Il est optimiste et libéral. Entre les deux, Don Quichotte hésite (mais trop réactionnaire il ne peut plus être que ridicule pour la bourgeoisie, aussi est-il renvoyé au mythe).
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Il y aura d'abord le formalisme commun au geste de cour, l'esthétisme des manières publiques qui s'est infléchi dans un être pour autrui (le bourgeois), celui du seigneur à la ville, attitude ambiguë qui doit ménager la défense et l'ouverture, l'agressivité et la séduction, en faisant dans un maniérisme raffiné, de la séduction un moyen d'agression, et de l'agression un moyen de séduire, l'insolence étant un charme comme le charme sera une insolence. Mais ce n'est qu'au moment de la courtisanerie que l'être pour le bourgeois deviendra un système de vie, la forme devenant le fond, dernier stade de la décadence. C'est progressivement que la bourgeoisie a imposé son regard comme essentielle détermination de la noblesse. Alors sa praxis s'est totalement substituée à celle de la féodalité, et elle impose à la noblesse cette nécessité bien que son impuissance politique ne lui permette pas de formaliser elle-même les relations mondaines. Mais au moment de la prise de conscience de l'échec féodal, (par la noblesse) l'homogénéisation formelle de la noblesse est déjà attitude de défense et d'attaque par l'esthétisme de classe. Et à ce moment de décadence de la noblesse, d'ascendance de la bourgeoisie, un quasi-équilibre des forces, également dépolitisées, permet d'équilibrer les antagonismes : l'agressivité, comme la séduction, s'exprimera dans les formes les plus policées. Et cette relation avec la bourgeoisie, à travers le maniérisme de classe, est homogénéisation du pluralisme des individualités de la noblesse. Ainsi, par le truchement du bourgeois, les relations entre nobles conservent une urbanité qui recouvre, par une nécessité politique, les antagonismes internes, conservent une forme commune aux affrontements individuels désagrégateurs. L'esthétisme sera aussi la médiation des individualismes à l'intérieur de la noblesse. Et c'est la nécessité de retrouver un langage commun, de par la nécessité d'un relationnel fixé à la Cour, dans la rencontre de toutes les tendances de la praxis, dans le déploiement des individualités, qui entraîne l'utilisation d'un ersatz d'universel de classe. Mais celui-ci ne sera plus à priori. La conduite qui l'exprime n'aura plus l'immédiateté et la plénitude effective de l'apogée ou de la première décadence, lorsque la relation inter-personnelle est aussi celle de la praxis globale ou lorsque la relation inter-personnelle reprend en la répétant dans des modèles culturels pré-établis l'étymologie chevaleresque. Mais cette conduite n'aura pas la gratuité du surgissement existentiel qui ne peut trouver son insertion sociale ni même une continuité d'intention. C'est que la multi-dimensionnalité de ce relationnel retrouve toujours la situation qu'est la confrontation des trois moments de la noblesse. Cette actualisation analytique, critique, de la chronologie dans la contemporanéité, est ainsi constitutive d'une structure. Celle-ci a l'homogénéité du matériau politico-existentiel qui reconstitue dans la précarité et la fugacité des
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rencontres personnelles la nécessité exhaustive de l'histoire. Les temporalités micro-sociales s'ordonnent, se réajustent selon les temporalités macro-sociales, dans la même subordination de la décadence par l'apogée, mais dans une problématique spécifique due à la contemporanéité, à l'existentialité des affrontements. L episodie macro-sociale passe ainsi dans l'inter-relationnel, mais se transpose dans l'ordre des confrontations subjectives ; aussi l'ordre et la signification des durées s'ordonnent selon les confrontations inter-personnelles, selon les lignes de force du groupe. Ainsi chaque confrontation, relation, peut apparaître à priori indéterminée, libre, seulement dépendante du sujet. Et cette pseudo indétermination doit apprendre la nécessité. Celle de sa situation particulière, du courant de classe, et celle de l'ordonnance des rapports dans le groupe. Cette psychologisation, par le passage de l'indétermination subjective aux déterminations sociales, par l'expérience individuelle d'après les seules références d'une praxis contradictoire, est la situation commune de tous les membres de la noblesse. Elle est pratique de classe, d'une classe dépolitisée qui connaît l'autre dans la seule relation inter-personnelle, et qui épuise tout son pouvoir dans cette connaissance. C'est l'événement, interrelationnel dans une classe, psychologique, car affrontement de personnes dépolitisées, qui est l'actualisation de la situation commune de la noblesse. A partir des différenciations dues à la désagrégation de sa praxis se révèle alors, progressivement, la nature des relations nécessitées par cette désagrégation. L'événement a sa cause dans la différenciation qui se révèle à partir d'une homogénéité purement formelle, extérieure. La disparité apparaît dans la surprise, mais le rajustement apparaît possible, immédiat. Toute une série de conduites s'efforce de reconstituer l'homogénéité, dans un pathétique statique, dans la bonne foi des individus s'opposant aux déterminations de groupes. Puis suit le constat de l'échec, le renoncement à la relation de communication, la reconnaissance de l'échec individuel. Le processus événementiel révèle psychologiquement la situation de classe ; il est prise de conscience de la fin du devenir : c'est le renoncement. Ce pathétique prendra la forme du romanesque, c'est-à-dire que la praxis, ne pouvant s'actualiser politiquement, s'exprimera dans les modalités existentielles les plus éloignées du politique, dans la nécessité qui définit les sentiments. Alors l'esthétisme du romanesque est la ludicité qui est autorisée par l'indétermination existentielle. Peut s'inventer une structuration des relations inter-personnelles en dehors de la structuration politique, celle-ci n'indiquant plus que la finalité de ces relations, sans en préciser les modes. L'événement par sa fluidité assure l'interpénétration de l'existentiel et du politique, et ces deux ordres se synthétisent dans l'ambiguïté du ludique. Ainsi le ludique devient un mode d'expression spécifique. L'esthétisme du romanesque trouve
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ainsi une nécessité. Nécessité du ludique : c'est le seul mode d'expression d'une classe, son expression et sa substance, mais dans l'ambiguïté d'une affirmation qui est négation, d'une négation qui est affirmation, d'une continuité qui ne pourra s'affirmer qu'en se niant. L'affrontement civil est à l'image de l'esthétisation du courage (le duel) ; c'est le processus de reconnaissance qui est autodestruction. Mais alors que l'esthétisme de la cour seigneuriale, même dans le stade le plus avancé de la décadence féodale, pouvait équilibrer le ludique par le sérieux féodal, dans la neutralisation réciproque de la frivolité de cour et de l'autorité politique du suzerain ou du mari, l'esthétisme du romanesque ne reconnaît plus aucune autorité d'ordre traditionnel, féodal. Il est ainsi pleine assumation, liberté. L'affrontement est celui d'individus à force, autorité politique, égales : c'est la psychologisation, atomisation d'une structure collective en individualités qui reprennent les moments nécessaires de la praxis dans la ludicité et dans l'égalité politique. Aussi la situation strutturale, l'affrontement des trois moments de la praxis (à travers les individualités) à savoir : l'étymologie féodale, l'opportunisme de la décadence, et le point de vue critique sur le passage de l'un à l'autre, va transformer la relation triangulaire, fondamentale, qui avait défini l'Amour courtois. L'autorité politique n'est plus ordonnatrice du destin. Le dépassement de la nature n'a plus sa récompense dans la promotion sociale. Et la rédemption après la faute n'a ni la dynamique politique qui peut faire oublier, ni la valeur de promotion humaine qu'est la reconnaissance dans la subordination. Aussi le destin n'est plus que la nécessité de fait, sans valeur de rédemption. Ce destin de fait est renoncement au destin de droit. Sa nécessité est le renoncement au naturel sans contrepartie politique. Et des trois parties ce sera celle qui représente la connaissance critique, celle qui sait, pour qui la situation est connue avant le déroulement événementiel, inter-relationnel qui la révèle, car sa situation particulière est aussi le dernier moment de la praxis qui dépasse et reconnaît les autres, ce sera cette noblesse décadrée, déjà, coupée de la cellule originelle et même de la Cour, noblesse de salon, qui a pris à la bourgeoisie cultivée ses moyens d'investigation et de critique, noblesse qui reconnaît déjà l'intellectualité, et pour qui l'intellectualité sera l'ultime moyen de se prolonger dans la reconnaissance de la noblesse de robe qui apprendra aux autres parties la nature des relations qu'impose la praxis. Car cette connaissance-là n'est plus apprise par le comportement viril, par la participation à la praxis : l'homme continue à s'accrocher à une praxis qui le nie. (Il n'y a pas de renoncement politique dans la décadence, mais éviction de fait, non consentie.) Son intrigue est volonté d'affrontement, où l'engagement est total. La connaissance du recul historique n'entraîne pas pour
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lui la résignation mais un sentiment de frustration qui marque l'impuissance dans la floraison psychologique des conduites de compensation, d'ordre individuel et particulier. La partie traditionaliste est engagée dans la survivance d'un sérieux (l'honneur), dans le maintien d'une tradition, dans l'engagement qui autorise encore une participation active, bien que mineure, mais suffisante pour se maintenir, se prolonger. Cependant cette partie se rapproche le plus de la prise de conscience critique, de par la constatation du décalage entre l'étymologique et la décadence. Ces hommes là savent. Mais ils se taisent. Ils sont le non-dit de la situation, qui présuppose sa connaissance. Ils ne consentent pas à reconnaître l'échec total de l'action puisqu'ils peuvent encore persévérer dans l'être de classe, mais ils savent que cette action est condamnée. Ce sera donc la femme qui sera révélatrice. Dans l'Amour courtois, expression de l'apogée, la femme n'avait qu'un rôle passif dans la dialectique. Elle ne représentait que l'élément naturel, catalyseur de l'affrontement politique qui permettait la reconnaissance des hommes. Par la psychologisation, s'affrontent à égalité politique, l'homme et la femme. Et le paradoxe c'est que cet affrontement, à égalité, est masqué par le formalisme de classe, le traditionalisme qui subordonne la femme-nature à la culture virile. Aussi la révélation qu'apportera la femme sera-t-elle longtemps sous-jacente à l'affirmation d'une supériorité politique de l'homme. L'affirmation de la femme n'est autre que la dénonciation du néant politique des hommes, par la neutralisation réciproque des rivaux, du mari traditionnel et de l'amant soumis à l'esthétisme de l'intrigue. Le romanesque est donc d'abord cet entrecroisement du sérieux politique et de l'esthétisme de l'intrigue, cet entrecroisement des valeurs de l'étymologie et de l'esthétisme psychologique. Progressivement le psychologique doit imposer sa vérité au mensonge politique, à la permanence vide de l'institutionnel. b) L'échec romanesque : la conscience de soi est l'expérimentation de la non-conciliation des contradictoires. C'est le savoir du néant de la classe sociale qu'est la noblesse (vanité des choses humaines) 5 Mais la transformation de la praxis est telle, la strutture nécessaire s'est tellement transformée en pluralisme d'individus, que ce passage de l'étant mythique à l'étant psychologique ne sera pas passage du sérieux à une frivolité de 5. Le modèle qui permet de définir cette situation socio-culturelle est la Princesse de Clèves.
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libertinage, ou de pur esthétisme, mais accession, par la force des choses, à une conscience réflexive qui sera appréhension du sujet de par son échec empirique, mais nécessaire de par la praxis. Le romanesque est alors expérience subjective, prise de conscience de soi-même comme dernier substrat d'un événementiel qui se dérobe, de partenaires incertains, d'une praxis vaincue. Ainsi, au-delà de l'affrontement, de la trame romanesque, de son aboutissement concret, la femme est la médiation qui permet d'acquérir la conscience de soi. Mais celle-ci reste romanesque, elle reste individuelle. Cependant ce romanesque a le sérieux de la critique sur le romanesque : celui-ci a été impuissant à recréer une structure, à réaliser le désir empirique de bonheur individuel. Il révèle le néant de l'individualisme. Aussi la ludicité romanesque, si elle a d'abord dénoncé le sérieux politique par l'esthétisme, pour accéder à un sérieux psychologique, en reste là, ne pouvant dépasser cet esthétisme, le psychologique se connaissant comme néant, mais la connaissance de ce néant étant encore conscience de soi. Si la femme est révélatrice, si c'est par elle que s'apprend l'éclatement irrémédiable de l'homogénéité de classe, son rôle, par la maîtrise psychologique, ne peut cependant pas se substituer à l'action des hommes. Cette passivité s'ajoute à celle des hommes. Aussi si l'action romanesque, psychologique actualise la situation de la noblesse par l'événement inter-personnel elle se réduit aussi à un schéma événementiel aux péripéties peut-être multiples, mais sans progression véritable. Il n'y a pas d'action au sens de transformation, modelage du réel. Il n'y a que la révélation d'une situation nécessaire. Le premier moment est celui du mensonge le plus élaboré. Le suzerain veut toujours faire croire à sa maîtrise virile. Sa femme veut croire et faire croire qu'elle l'aime car en échange elle a dignité et considération du monde. Mais dès l'origine la réciprocité n'est qu'hypocrite échange de bons procédés. La femme a échangé sa jeunesse et sa beauté contre la situation mondaine. C'est à ce prix qu'elle est sortie de l'anonymat. Et ce n'est que cette reconnaissance-là qu'elle doit à son mari. La mauvaise foi du contrat (justifiable sur le plan mondain) est de vouloir maintenir à toutes forces la fiction de la réciprocité. Ainsi la femme s'engage dans une fidélité qui veut rétrospectivement justifier le mariage de raison. Mais survient le principe mâle, la nature, qui ne peut être qu'un noble de l'esthétisme de l'intrigue au charme frondeur. Il est la séduction, car en lui se révèle la nature de par la distance avec le sérieux féodal étymologique, de par son carriérisme dans cet esthétisme formaliste de cour qui deviendra l'art du courtisan, véritable technique de la séduction. Alors le mensonge apparaît en plein jour : la fiction qui pouvait se maintenir avant, apparaît comme telle. Suit alors un long parcours où chacun des protagonistes campe son rôle romanesque : le couple s'entête dans son mensonge, s'efforce tou-
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jours de maintenir la fiction originelle, tandis que l'esthète de l'intrigue joue son jeu, s'efforçant de faire apparaître la vérité : le penchant de la femme pour lui, comme reconnaissance des termes de nature. Et progressivement la vérité apparaît : le mari convient qu'il n'est pas aimé, la femme qu'elle aime. Mais cette vérité est en même temps renoncement. D'abord du mari. Alors que le roi Marc, le suzerain de l'étymologie, s'affirmait dans sa mission politique, et soumettait et Tristan et Iseut par l'éthique en dehors de laquelle il ne pouvait y avoir de vie sociale, le mari traditionaliste n'ose plus imposer des impératifs moraux qu'il n'a plus le pouvoir politique de maintenir. Mais plutôt que de faire apparaître sa faible.-se, il fuit tout affrontement. Il lui suffit que le mensonge se prolonge dans son aspect le plus formel, que les apparences soient sauvées. Mais si le mari renonce à écarter son rival, la femme ne peut s'abandonner à l'amour. C'est que l'amant n'est guère rassurant. Tristan est devenu un courtisan, le guerrier fait place au bon danseur. Les grâces remplacent la virilité. Céder à l'amant ce serait perdre sa situation mondaine, et sans contrepartie politique, parce que l'esthète de l'intrigue ne fait que subsister et que son avenir est plus que précaire. La subsistance mondaine de l'esthète fait de la séduction un moyen politique, une stratégie de cour, une carrière. L'amant fidèle ferait un mari volage. Et il suffit à la femme d'avoir conscience de cette situation, pour que sa volonté devienne celle du destin, celui-ci n'étant en l'occurrence que l'appréciation de la situation, mais d'une situation imposée par la praxis et consentie psychologiquement. Aussi c'est d'elle-même qu'elle s'éloigne d'un amant qu'elle méprise et d'un mari dont elle a pitié. Son comportement d'ordre volontariste, psychologique, comparativement à la passivité ou à la légèreté des hommes pourrait passer pour une action véritable. Mais c'est bien là que le psychologisme révèle son impuissance créatrice sur le plan politico-social. Le psychologique ne fait que reprendre une situation de la praxis mais qui apparaît alors comme conscience, et conscience de soi. Aussi le mensonge originel est-il dénoncé (l'accord initial peut, cependant ne pas être rompu), et le mariage de raison ne se prolongera alors que dans le formalisme mondain, l'être pour autrui. Le mari sait que sa femme ne l'aime pas et le méprise de n'avoir pas affronté l'amant. Et la femme sait qu'elle n'aime pas son mari et qu'elle le méprise. Mais dans la confrontation des deux politiques, et l'amer constat de leur anéantissement réciproque, la femme a aussi anéanti ses relations au monde. Les deux modalités de relation, officielles et clandestines, avec l'autre, avec la vie, n'ont plus de consistance. Si la femme renonce à son amant, c'est parce qu'elle se sépare de son mari. Parce qu'elle a failli tromper son mari elle n'épousera pas son amant, une fois libre. Elle s'apparaît comme non-être, une femme sans hommes. Elle est
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morte au monde, mais parce que le monde est mort. Le non-être de la femme n'est que l'expression de la désubstantialisation du monde, alors la dépolitisation de la femme s'apparaît à elle-même. Et ce n'est pas la nature qui surgit mais l'impuissance de la culture, à la fois irréversible et sans avenir, dans le statisme du psychologique, connaissance de l'individu, dans le paradoxe, car néant de l'individu de par, justement, la désubstantialisation de la praxis.
E . LA DICHOTOMIE DE LA NOBLESSE : ESTHÉTISME DE L'INTRIGUE ET RECONVERSION PAR L'ALLIANCE AVEC LA BOURGEOISIE DE ROBE
1. La courtisanerie et l'expropriation de la propriété foncière Aussi ce processus romanesque, lorsqu'il est paroxystique, modèle de la désagrégation du mythe, conscience de soi qu'est la connaissance de la nécessité et du néant de cette nécessité (le psychologisme) consacre l'éclatement définitif de l'homogénéité de classe. Chacune des parties va évoluer. L'esthétisme de l'intrigue rentre dans la solitude de l'individualisme, car la conjoncture qu'était l'impossible rencontre, mais encore dialogue, va se dépasser dans le moment postérieur qu'est la courtisanerie. Alors la praxis féodale se soumet totalement au pouvoir absolu de la royauté : le renoncement à l'amour est l'égoïsme individualiste, par la totale soumission au roi, c'est-à-dire renoncement à l'unification de classe, par la réciprocité dans la subordination, renoncement à l'autonomie de classe, par la reconnaissance de l'autre (noble). La fraction de classe de plus en plus étendue, de par la progression de l'absolutisme royal, qui s'abandonne à l'esthétisme de l'intrigue triomphe, dans le concurrentiel de classe, du traditionalisme féodal ; c'est-à-dire que la charge, l'office, supplante de plus en plus la propriété foncière. Celle-ci est encore permanente justification d'une maîtrise sur le monde paysan, mais qui ne s'exerce que par la soumission à la Cour. Ainsi le traditionalisme qu'était la relative indépendance à l'égard de la Cour, par la richesse foncière et l'autorité politique qui prolongeait la grande suzeraineté régionale, s'efface devant la cynique exploitation du paysan par le courtisan que la vie à la Cour éloigne de plus en plus de la compréhension humaine et économique du monde rural. Le courtisan renie toute tradition féodale pour répondre à la centralisation royale et à l'enrichissement du bourgeois. Le noble répond au concurrentiel bourgeois en privilégiant l'aspect seulement économique de la propriété foncière, le rendement, ce qui a pour effet de substituer, sur le plan des relations humaines, au paternalisme du
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traditionalisme le cynisme du rendement et de la productivité. Ainsi le traditionalisme s'efface de plus en plus de la scène politique. Alors le courtisan parce que servile à la Cour est tyran sur ses terres. Le fief est le lieu des compensations. Ce qui est subi à la Cour se fait subir dans le domaine seigneurial. L'impuissance politique devant le roi trouve dans les normes de la tradition de l'exploitation foncière, le moyen d'expression des pulsions agressives modelées dans le subconscient par la soumission au pouvoir absolu. Ainsi le dualisme des praxis, qui avait entraîné le dualisme d'opposition, du féodal traditionnel et de l'esthète de Cour, se tourne en un dualisme de complémentarité. Les subsides à la servilité se complètent de l'exploitation du serf. Ainsi le dernier élément éthique de la noblesse revient sur son lieu originel pour se nier lui-même : la tradition ne peut plus se maintenir devant les nouveaux problèmes de l'exploitation rurale. Mais cette noblesse de cour sera de plus en plus expropriée, ruinée. Une nouvelle paysannerie s'implante, qui profite de son éloignement, qui rachète et exploite des terres productives. L'extension des petits propriétaires terriens constitue une classe moyenne paysanne. Et celle-ci sait cacher son profit dans le comportement séculaire du vilain. Mais si la transformation de la noblesse est telle que son aboutissement, à la cour, entraîne la négation de sa motivation originelle, il ne s'agit là que de la décomposition interne d'une classe dans la continuité de sa praxis. C'est essentiellement, alors, les relations inter-personnelles dans la classe, et les relations à l'égard du monde rural, que nous avons définies. Mais ceci n'épuise pas le contenu existentiel de la situation. Car ce comportement de classe, d'une classe à l'égard d'elle-même, apparaît justement à ce moment de désagrégation de l'homogénéité de classe (psychologisme) qui autorise le plus l'influence de la praxis globale, c'est-à-dire du monde bourgeois. Cette intrusion d'une causalité extérieure dans la désagrégation intime d'un comportement sera justement l'élément qui rendra homogène le comportement. Cette relation de la bourgeoisie et de la noblesse ne s'ajoutera pas au comportement de la noblesse à l'égard d'elle-même et à l'égard du monde rural, dans la juxtaposition de comportements différenciés ou même contradictoires, mais elle unifiera les conduites relationnelles de par la force de pénétration de la praxis bourgeoise dans le pluralisme d'individus que devient la noblesse. De même que la courtisanerie a éliminé les derniers vestiges de la tradition chevaleresque, la culture bourgeoise va couper l'esthétisme de l'intrigue de la conscience de soi, de l'éthique réflexive (mais impuissante). La désagrégation de classe qui s'était manifestée par le conflit romanesque, interne, qui aboutit à la totale scission, était encore une relation mondaine, psychologique, morale. Mais de par la force de pénétration de la praxis bourgeoise,
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la fraction de la noblesse qui était révélatrice du dernier lien entre les nobles, va abandonner une praxis condamnée et se rallier au nouvel ordre bourgeois. Au salon, à la ville, la noblesse d'épée encore éthique, réflexive, se détourne de l'esthétisme de l'intrigue pour un dialogue de plus en plus intime avec la noblesse de robe, promotion d'une bourgeoisie de fonction, intellectuelle (qui est un dépassement de la bourgeoisie primaire d'argent, commerçante). En même temps l'esthétisme de l'intrigue s'alourdit de plus en plus dans la dépendance de la bourgeoisie d'argent. «La noblesse ne vit plus alors que de hasards, d'expédients, pure mendicité, vente effrontée du crédit qu'on n'a pas, sales associations avec les finances, servage des hommes d'argent. Ceuxci, commis, traitants, hommes de travail et d'industrie, avaient secrètement acquis le bien du monde oisif. S'ils laissaient celui-ci subsister c'était uniquement pour l'exploiter près de la Cour. Il ne vivait qu'en l'air de l'ombre de lui-même. Il figurait, mais n'était plus 0 .» Ainsi ne subsiste de la noblesse, dans un semblant d'action autonome spécifique, que l'esthétisme de l'intrigue. Et celui-ci se révèle sans contrepartie dialectique, dans la désagrégation qu'est l'individualisme.
Mais
cette
noblesse
de cour perd
devant
l'absolutisme
royal sa dernière autonomie formelle. Le bon intrigant n'est plus que le bon courtisan. Et la dernière mesure d'un sérieux impossible est l'art de la courtisanerie. L'esthète a été pris au mot : le jeu qu'il avait choisi lui est maintenant imposé et constitue son sérieux. C'est l'étiquette. Le formalisme, qui, au moment de l'équilibre de la contradiction était un esthétisme, moment où le noble se jouait du sérieux, est toujours un esthétisme, mais moment où le sérieux du roi se joue du noble. Le noble est devenu le divertissement de la quotidienneté royale. Le mauvais acteur ne perd pas son rôle, mais son destin. Ce qui était liberté est devenu aliénation ; l'esthétisme est devenu une livrée. C'est un service où s'épuisent tout le talent et toute l'ambition de la noblesse de la Cour. L'intrigue s'épuise dans la servilité. Le chevalier devient d'industrie. L'étiquette a domestiqué les vanités, elle est le service du noble. Par l'étiquette la relation politique se manifeste sur le plan des relations publiques. Alais celles-ci ne sont que l'extériorisation, hiérarchisation, officialisation des relations privées. C'est que la toute-puissance royale est distributive du pouvoir politique par le truchement des désirs. Et la reconnaissance de ceux-ci devient conquête du pouvoir. Le caprice royal, absolu et de droit divin, est ainsi exemplaire. La galanterie est une catégorie politique. La favorite n'est plus la courtisane, mais la deuxième dame de France et même la première. E l l e tient son rang, décide de la politique. 6. Michelet, Histoire de France. Tome XVI, p. 240.
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Le sérieux des luttes politiques entre clans, chapelles, passe par la médiation de la favorite. La complaisance est l'attitude existentielle qui synthétise la vie privée et la vie publique, dans la subordination du privé au politique, le renoncement à l'ordre éthico-privé donnant la reconnaissance politique. Et cette complaisance est encore un pouvoir, un moyen de subsistance. L'impuissance politique totale sera la réduction à la seule volonté de complaisance, sans l'effectif moyen de réalisation d'ordre privé (sans moyen d'échange). Alors le chevalier devient l'intermédiaire, entre la cour et la ville, du trafic des plaisirs, vivant du libertinage. 2. La stratégie politique qu'est la séduction. Le paroxysme de la contradiction et le refus de la reconversion : paroxysme du psychologique (le sado-masochisme) 7 L'esthétique de l'intrigue, totale dépolitisation sur le plan de la vie de Cour, de la relation avec le roi, devient arme de combat, moyen d'affrontement de l'individualisme noble, à Paris, à la ville et à la campagne. L'esthète d» l'intrigue n'est plus en rapport avec le sérieux féodal. Mais il ne peut se reconvertir dans la praxis bourgeoise ; ce serait déchoir, se nier comme classe. L'esthétisme sera alors le lieu de rencontre avec la praxis bourgeoise, comme négation à la fois du sérieux féodal et du sérieux bourgeois. Noblesse et bourgeoisie sont alors également éloignées du pouvoir de décision exécutif et législatif. Cette situation commune est pour l'esthète de l'intrigue l'occasion d'une approche. La bourgeoisie éprouve, à l'égard de la noblesse, l'hostilité d'une classe sociale ascendante pour un groupe d'oisifs parasitaires. Mais la noblesse peut forcer cette hostilité de par l'hétérogénéité de la bourgeoisie. Si l'hostilité bourgeoisie est une constante, elle varie du violent antagonisme politique à la quasi-indifférence. C'est que la bourgeoisie connaît des antagonismes internes. Ainsi la noblesse de robe veut se différencier de la bourgeoisie d'argent ; de même la bourgeoisie parisienne ignore et méprise la bourgeoisie de province. Et chaque corps connaît l'opposition hiérarchique du plus riche et du plus pauvre, du grand commis et du plumitif. Aussi le machiavélisme de l'intrigue est d'abord dans le choix du milieu social. Il y a un opportunisme qui, à priori, élimine la grande bourgeoisie de robe, trop armée, trop avertie, ainsi que la bourgeoisie d'argent réellement politisée. L'intrigue commence avec la finance qui autorise une collusion d'échanges, de l'argent contre le crédit à la Cour, les entrées auprès du pou7. Nous proposons les localisations historiques et sociologiques des catégories les plus individualisantes du néo-libéralisme.
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voir : «hommes d'argent, commis, traitants, hommes de travail et d'industrie avaient secrètement acquis le bien du monde oisif. S'ils laissaient celui-ci subsister c'était uniquement pour l'exploiter près de la Cour 8 ». Mais l'affrontement se fait surtout dans un circonstanciel de temps et de lieu (qui renouvelle la stratégie) avec la moyenne bourgeoisie de robe, et de province, et avec la petite et moyenne bourgeoisie d'argent. La moyenne bourgeoisie de province, isolée des courants mondains, mais avide d'échanges humains, de par sa solitude, et culturels, de par sa nouvelle accession sociale grâce à l'intellectualité, est souvent en contact, professionnellement, avec la noblesse locale. Ces rencontres se prolongent tout naturellement sur le plan des relations de bon voisinage, d'ordre privé. Et les réticences possibles de cette bourgeoisie sont balayées par l'appareil institutionnel des relations sociales, en particulier par la médiation du clergé, qui par le truchement des bonnes œuvres met en relation bourgeoisie locale et noblesse mi-locale, mi de cour. Quant à la petite et moyenne bourgeoisie d'argent, par la recherche d'une clientèle dont elle surestime le pouvoir d'achat, mais dont la fréquentation est source de prestige, d'ordre économique de par la réputation qu'elle assure à la boutique, et aussi d'ordre social de par le « standing » qu'elle assure à l'égard des autres bourgeois, elle aussi force ses réticences de classe, dans l'intérêt et les vanités de la strate de classe. La noblesse sera aussi en relation avec un groupe social nouveau, bourgeois aussi, mais qui a dépassé la mesquinerie et l'étroitesse de la bourgeoisie marchande sans accéder cependant à la nouvelle classe sociale que constitue la grande bourgeoisie de robe et à sa culture : c'est le groupe des rentiers. Par la rente, la bourgeoisie marchande se dépasse mais sans se renouveler. Consécration de la persévérance et de l'économie bourgeoises, la rente autorise la même oisiveté que celle de la noblesse. La noblesse devient alors modèle. Elle propose l'aménagement spatio-temporel de l'oisiveté dont elle perd le pouvoir économique. Ainsi elle propose des relations d'échanges à une bourgeoisie qui a le pouvoir sans le savoir de l'oisiveté. Cette fascination par l'esthétisme seigneurial est sans doute tempérée par la fascination contraire, celle de la culture de la bourgeoisie de robe. Mais comme dans le système des relations inter-personnelles, l'institutionnalisation permet le jeu des médiations, cette ambiguïté des tentations du rentier permettra de mettre en relation la noblesse et la bourgeoisie cultivée. Ainsi le noble a un sérieux de relations, avec la bourgeoisie, à la fois institutionnalisé et existentiel, dans le sens de renouvelable, diversifié, soumis à 8. Michelet, Histoire de France, op. cit. Tome XVI, p. 240.
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des valeurs contradictoires, de culture ou d'intérêt, ce qui donne à son esthétisme de l'intrigue une grande marge opérationnelle. Mais cet esthétisme, réduit à un formalisme, à un être pour le bourgeois, rencontre dans l'affrontement, des structures déjà fortement élaborées dans le sérieux social. Ainsi, si d'une part la noblesse peut, par son esthétisme, agir sur une classe quasiment désarmée sur ce plan-là, elle trouve, par contre, une opposition sur laquelle elle n'a aucun moyen d'action. Et cette résistance délimite la stratégie de l'intrigue. Les structures acquises par la bourgeoisie ne peuvent être remises en question. L'esthétisme de l'intrigue n'atteint que des individualités bourgeoises. Il ne représente que le négatif d'une culture ; l'échec, la perte, le malheur du bourgeois seront alors les corollaires de la faute, de la collaboration de classe. Ce sont les preuves exemplaires de l'errance bourgeoise quand sa culture se soumet à d'autres influences. C'est aussi déjà l'aveu d'une impuissance, celle de l'individualité, de la personnalité rejetée de la classe quand elle ne se définit plus par les seules structures (cette douleur du renoncement à la personnalité se dira par le romantisme). La structuration de cette bourgeoisie présente un double aspect, de complémentarité. Dans chaque corps se réalise une structuration partielle, quasi autonome, qui particularise la praxis bourgeoise. C'est une dynamique fermée sur elle-même, qui repousse même les autres aspeas de la praxis. Mais en même temps se hiérarchise la promotion bourgeoise. Les niveaux se complètent. L'accomplissement dans une strate entraîne le désir de réaliser d'autres aspirations, bourgeoises, dans le groupe social supérieur. Une dynamique non plus centrifuge, mais montante, homogénéise les différenciations. Et les deux dynamiques se complètent pour structurer la bourgeoisie. Ainsi la petite et moyenne bourgeoisie d'argent, commerçante, fait dépendre son genre de vie du principe fondamental de sa praxis : l'économie. Et la richesse n'est pour elle que la somme, l'accumulation, c'est-à-dire que la quotidienneté se soumet à la plus stricte délimitation du désir, dans la constante sujétion du privé par le politique, et de l'existentiel par le privé. L'accomplissement de cette dialectique est l'achat de la charge, l'accession à la petite bourgeoisie de robe. Ce passage à la bourgeoisie de robe sera l'accomplissement d'une praxis qui nie son origine, mais qui la justifie par la promotion qu'elle a autorisée. L'argent n'est plus le but du commerce, mais le moyen de l'intellectualité. Le négatif de la pratique antérieure se justifie alors. La rente ne peut être un aboutissement. Le dépassement dans l'intellect prouve que la bourgeoisie a dépassé l'organicisme de la cité, le fonctionnalisme sommaire. Et c'est la culture d'ordre national qui a autorisé cet affranchissement. Aussi la structuration de
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cette petite et moyenne bourgeoisie de robe déborde de la localisation cellulaire dans l'universel-national de la fonction intellectuelle. Ainsi à la structuration locale, au réseau de relations personnelles, s'ajoute une structuration d'ordre représentatif, complémentaire : le sentiment d'une dignité et responsabilité qui ne sont plus circonscrites par le concret, mais qui dépendent d'un système abstrait, impersonnel, qui définit la personne en référence à une éthique très politisée. Donc, si l'esthétisme de l'intrigue est assuré d'un réseau de relations avec cette bourgeoisie et si son machiavélisme peut jouer de son isolement, de par l'hétérogénéité macro-sociale, il va aussi se heurter à cette forte structuration. Ce sera par la reconnaissance de l'ordre acquis, par la bourgeoisie, c'est-à-dire par le consentement à son propre recul de classe que la noblesse pourra implanter des relations inter-personnelles. La noblesse n'aura d'action que parce que la praxis bourgeoise triomphe. C'est dans les structures mêmes de la bourgeoisie que l'esthétisme de l'intrigue doit s'implanter. Et son action ne peut être que négative. Au premier moment de la reconnaissance de la strutture (qui a comme corollaire l'introduction dans le relationnel) succédera le travail de destruction, de négation, qui sera prise effective, réalisation concrète. Mais cet esthétisme ne peut plus détruire la structure. Il ne peut agir que sur le plan de l'existentiel, cette marge du vécu, qui dans le relationnel des catégories politiques et privées est la liberté garantie par la structure, mais que la structure laisse indéterminée. Et dans cet espace neutre, marginal à la praxis, l'affrontement des personnes, du noble et du bourgeois sera celui des présences concrètes, c'est-à-dire d'un individualisme élaboré, vidé de structure, et d'une individualité purement structurale, impuissante à se personnaliser subjectivement, et qui ne peut le faire que par l'intervention de l'esthétisme noble. La tentation de la personnalisation subjective n'est alors que la tentation de l'esthétisme noble. L'existentiel est alors ce carrefour des impondérables que l'esthétisme de l'intrigue peut utiliser et même aménager. Ce sera donc par la quotidienneté bourgeoise que l'esthétisme de l'intrigue pénétrera et se développera. Alors la séduction du style peut aisément agir dans le sommaire aménagement de cette quotidienneté. Et la séduction est la seule action du noble, action à la fois subie et voulue, objet de révolte et de soumission. Cette ambiguïté de l'effet de la séduction suscite, psychologiquement, l'ambivalence de l'amour. Ainsi elle devient comportement, structuration ultime du psychologique bourgeois. Mais l'esthétisme de la négation, qui dans son intentionnalité pratique est égoïste exploitation, qui dans sa réalisation effective est négation de la structure du sérieux, succombe, lui aussi, à l'ambiguïté. C'est que la relation dialectique se ramène au dialogue, à la relation la plus
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intime. Dans l'existentiel les singularités concrètes n'ont plus la substantialisation structurale. Celle-ci n'est plus que le prétexte, le sérieux est joué dans la connivence des arrière-pensées et des non-dits. Aussi c'est la solitude de l'individualisme qui s'apparaît à elle-même, en même temps que la désubstantialisation sociale, dans la conscience du noble. Et la rédemption apparaît aussitôt, de par l'amour naif de l'autre, effet de la séduction. Et l'autre, originellement moyen, devient fin, tentation de reconnaissance et d'acceptation. Aussi à l'ambiguïté de la conscience bourgeoise répond l'ambiguïté de la conscience noble. Mais ce parallélisme des ambiguïtés n'est pas celui des temporalités historiques. Au contraire, l'esthétisme de la négation ne peut consentir à la reconnaissance de l'autre. Ce serait la négation de soi-même, l'immolation de classe, l'autodestruction. Il ne peut même pas consentir à l'ambiguïté. Car sa séduction n'est pas complaisance aux vanités, mais intrigue à fin pratique de subsistance. Aussi l'ambiguïté du noble doit se dépasser dans l'effective négation qui sera à la fois négation de la structure bourgeoise et de la rédemption de la partie de soi (qui est devenue la partie organique) qui pouvait encore s'accepter par la reconnaissance de l'autre. Et cette nécessaire évolution de la relation explique l'inéluctable rupture du dialogue. Alors que par l'affrontement la conscience bourgeoise passe de l'amour à la haine, par la révélation du mobile de la séduction, au contraire la conscience noble passe de la haine à l'amour, par la révélation de la reconnaissance (que l'esprit de caste refusera) . Il ne s'agit là que du schéma limite du processus, son expression la plus intense dans la psychologisation affective. D'une manière plus générale, sur le plan d'un affrontement toujours existentiel mais plus quotidien, qui n'atteint pas la passionnalisation limite, la bourgeoisie tire la leçon de l'échec, qui devient une autre confirmation de son sérieux, la condamnation de l'esthétisme et de l'individualisme, tandis que le noble est réduit à une assumation cynique. Mais en même temps son propre néant lui est apparu. La critique de l'esthétisme s'est intériorisée. Dans l'éclatement triangulaire de la praxis, elle était critique du noble par un autre noble, conscience de classe mais non critique immanente de la conscience esthétisante, critique que l'esthétisme se fait à luimême dans la subjectivité enfin atteinte. Et cette critique sur le plan éthique, mauvaise conscience, reconnaît ainsi l'échec de classe, consent à sa négation, devient autodestruction, conduite d'échec, destruction de l'esthétisme par l'esthétisme. L'esthétisme de la négation aboutit à la négation de lui-même (sado-masochisme).
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III. LES SUCCESSIVES
INTÉGRATIONS
DANS
LA
BOURGEOISIE
D E R O B E DÉFINISSENT LES MODES, CATÉGORIES, PARCOURS D E L'ENTENDEMENT.
LE COMPROMIS
SAVOIR
ET
ORGA-
NIQUE A . LES TERMES DE LA PREMIÈRE INTÉGRATION. LE DOUBLE RECRUTEMENT DES FONCTIONS ET SERVICES NATIONAUX : LA DOUBLE ORIGINE DE LA BOURGEOISIE DE ROBE ET LA DOUBLE RÉDUCTION DE LA NATURE PAR LA CONNAISSANCE 9
1. La vénalité des charges et la bourgeoisie de robe. Son ambiguïté institutionnelle et la fluidité de son statut. L'autre aspect de l'ambiguïté institutionnelle est la bourgeoisie de robe. Cette ambiguïté est à la fois mixité de la culture cellulaire et de la culture nationale et mixité de la culture bourgeoise et de la culture noble. Emanation de la bourgeoisie d'argent, essentiellement commerçante, la bourgeoisie de robe est l'aboutissement de la culture cellulaire. L'achat des offices sera le privilège des plus riches. Et se dépasse ainsi le principe de l'enrichissement non capitaliste encore, de l'économie quotidienne, âpre, difficile, sou à sou, de la bourgeoisie commerçante et artisanale. L'avarice, principe de la vie quotidienne, principe de la réduction des désirs à la subsistance quotidienne, principe fondamental de la cité originelle, peut par son accomplissement, la fortune, se nier elle-même. En effet, l'office a sa valeur économique, monétaire en lui-même. Il ne s'agit plus d'une accumulation pour atteindre un capital, une somme, mais de la gestion de ce capital, de cette somme. Et les modalités d'exploitation sont alors différentes : la dignité de la charge entraîne des obligations mondaines, une respectabilité qui ne sont plus les critères de la vie quotidienne du commerçant. Mais le dépassement de l'avarice, de l'économie sordide, fondement de l'austérité villageoise, par l'investissement (l'achat de la charge) est en même temps affranchissement de la tentation de la richesse : la prodigalité, cette vulgarité de l'arrivisme, du fils de l'avare qui méconnaît le mérite du père, dans le retour naïf à la jouissance et dans la recherche des effets de l'argent, dans la vanité. Cette bourgeoisie, ayant dépassé les deux tentations de l'argent, fait preuve d'une maîtrise de la richesse qui est maîtrise de son destin. N'étant plus soumise aux bassesses de l'économie, ayant évité le piège de la prodigalité, elle dispose de ce destin, qu'elle peut investir dans 9. Le mode de recrutement révèle le processus de l'intégration et de la culture.
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la culture, et elle-même. Mais ainsi la culture cellulaire originelle se dépasse en s'accomplissant. La noblesse de robe n'est plus bourgeoise : l'argent n'est ni son métier ni son but. La fixation locale (corporatisme ou commerce local) se dépasse dans la valeur nationale de la charge, dans l'universel-national de la fonction. (Mais ce dépassement n'est que la progression légitime de l'ordre familial : si le fils dépasse le père c'est grâce au travail du père. Il y a continuité ; la charge, en son principe, a une valeur mercantile. Elle est l'aboutissement du travail dans la cellule villageoise, promotion et récompense, fierté du père, honneur familial.) Ainsi, ce qui devient la noblesse de robe (terme très extensif) se coupe d'une culture dont elle est l'aboutissement. Et cette première ambiguïté, la fait participer à la fois à l'ordre cellulaire et à l'ordre national dans la continuité, la complémentarité substantielle des praxis. Et c'est sans traumatisme majeur de classe que se fait la croissance culturelle, le passage de la ville à la nation. Mais micro-socialement apparaît un conflictuel familial car dans la famille se développe une ambiguïté psycho-affective. Le fils éprouve pour le père, en même temps que la reconnaissance, le mépris de son métier. Et le père en même temps que la fierté éprouve la sourde colère de sa négation compensée par 1 apreté du rappel de l'origine, seul moyen de maintenir son autorité. Et la mère se sent partagée entre la gloire du fils et le sacrifice du père. Mais il ne s'agit là que d'un moment, d'une crise qui se surmonte par l'hérédité des charges. Apparaissent alors les dynasties qui assurent une continuité dans la nouvelle classe, continuité qui donne l'autonomie et l'homogénéité de classe. Ainsi macro-socialement la culture nationale prolongera la culture cellulaire, tout en la niant. Et si un antagonisme réapparaît, macro-social, entre la bourgeoisie du commerce local et cette nouvelle classe, il reste sous-jacent à la volonté de promotion sociale, à la constante vénalité des charges et à la multiplication de ces charges (corollaire de la progression de la centralisation) qui permettent à partir d'un certain seuil, de hiérarchiser la praxis bourgeoise dans le prix de la charge. Ainsi l'antagonisme s'efface dans le prospectif de la praxis. Mais cette nouvelle classe va connaître une ambiguïté de déchirement, de contradiction. Expression la plus consciente de la promotion bourgeoise, elle n'est qu'une classe intermédiaire dont la dynamique va s'appuyer sur le pouvoir absolu. Et de l'édit de la Paulette à Louis XIV, cette classe, de par sa disparité, ne pourra accéder à une conscience de classe spécifique. (La contradiction ne s'apparaît pas.) D'abord, de par la hiérarchisation des fonctions, l'opposition entre le plumitif et le grand commis. Ensuite de par la disparité des fonctions (antagonisme par exemple du financier et du légiste). Enfin
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de par la multi-participation à la praxis bourgeoise, sur le plan familial : les milieux d'origines différentes trouvent leur synthèse dans la commune participation à la bourgeoisie, mais indifférenciée, conscience de classe très générale qui recouvre les spécificités de vocation et de strate de classe. De plus cette classe est constamment renouvelée par les nouveaux participants, ce qui fige la stratification hiérarchique, maintient un antagonisme constant entre l'ancienne et la nouvelle bourgeoisie de robe. Aussi cette classe porte d'abord en elle une indétermination politique qui, dans la dynamique globale exprime la structure de situation d'un corps indéterminé, entre la praxis cellulaire et l'autorité royale : dépassement de l'autonomie politique originelle et non-accès à l'autonomie politique sur le plan national. Mais cette structure de situation pour se révéler à la bourgeoisie de robe, devra passer par l'expérience historique, de l'élan originel à son accomplissement, pour que l'optimisme cède au pessimisme, pour que le dépassement de la culture originelle s'apparaisse dans son impuissance politique. Mais cette révélation de la structure n'apparaît qu'au terme de l'évolution et seulement pour la fraction de classe la plus politisée (Parlement-jansénisme). Aussi, si la structure de cette classe est définie par sa situation d'intermédiaire, de médiation entre deux praxis, si cette structure est le constat d'un échec (qui se surmontera) cela n'est pas en soi, à priori. C'est l'histoire qui sera révélatrice. (Et la conscience de la structure sera conscience de l'échec de classe.) Mais jusqu'à ce constat la dynamique ascensionnelle de la bourgeoisie de robe est une conscience ambiguë, déchirée entre son optimisme prospectif, qui veut être assumation de sa fonction de classe, qui est le sérieux de sa culture, conscience de soi, et sa réalité mondaine de fait, qui exprime son impuissance politique, son assujettissement au pouvoir, et son impuissance à acquérir les formes de vie qui correspondraient à son intentionnalité politique. Cette dualité correspond à une conscience réflexive, analytique, prospective et à un inconscient qui exprime la situation organique, vécue, immédiate. La dynamique aura deux moments très diversifiés, car passage de la revendication de classe la plus politisée à l'acceptation de la promotion sociale ; de la bonne foi à la quasi mauvaise foi ; d'un optimisme prospectif à un optimisme de gestionnaire ; du dit (d'intention intellectuelle) au non-dit (organique, de participation). Cette dualité, dans la définition en extension de la notion de bourgeoisie de robe, correspond à la dualité de la bourgeoisie de province, ou de la petite et moyenne bourgeoisie, et de la grande bourgeoisie, parisienne, de salon, arrivée. (La revendication de classe s'oublie dans la satisfaction de l'ambition personnelle.) Telle est donc la double situation de la bourgeoisie de robe. Sa définition,
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comme dépassement d'une autonomie politique locale qui ne peut atteindre l'autonomie politique sur le plan national, est celle de sa situation. Mais celleci est un en-soi qui ne peut s'apparaître dans la dynamique sociale car sa prise de conscience sera l'accomplissement même de la dynamique. Alors les deux termes, d'origine et d'aboutissement, se confrontent dans la conscience de classe. Mais entre-temps la dynamique sociale, partie de la promotion immédiate de l'argent (par le légiste et plus généralement la petite fonction de robe), s'assoupit dans le consentement au monde établi, par la collaboration de classe avec la noblesse, lorsque la promotion sociale a atteint le dernier stade de la hiérarchie, dans la frivole complicité de salon. 2. Le sérieux de la culture : le savoir comme métier. Le recrutement à la base10 : la promotion sociale du plumitif (petit clerc). Le carriérisme permet de dépasser le naturalisme : c'est le passage au matérialisme et au positivisme. Le sérieux de cette bourgeoisie est un sérieux de fonction, professionnel, ce n'est plus le sérieux de la première cité. Il va donc perdre son organicisme, son immédiateté pratique. Mais le passage du sérieux vitaliste au sérieux de fonction, intellectuel (au sens large), sera progressif, sans traumatisme de classe. Le savoir n'est d'abord que l'occupation d'un loisir, d'une vacuité de rentier. La connaissance est distraction, jeu, commerce mondain, dans un milieu très restreint. C'est un sérieux qui fait encore fonction de divertissement. Il ne peut se substituer au sérieux cellulaire. Et si la connaissance est reconnue, ce n'est pas comme un commencement mais comme l'aboutissement de la culture cellulaire, sans aucun contenu critique11. La culture intellectuelle ne saurait avoir un destin indépendant de celui de la cité. Cette réduction distractive, ornementale, de l'intellectualité sera dépassée par l'institutionnalisation de l'intellect. Alors la culture, la connaissance deviennent un pouvoir. C'est le moyen de conquérir la fonction, laquelle est promotion politique, et dans cette promotion de classe de normaliser, légitimer, le concurrentiel. Ainsi, la connaissance se laïcise. Elle n'est plus l'aspect pratique de la théologie, le contrôle du savoir par l'Eglise, mais le moyen d'expression d'une volonté d'autonomie politique. Ainsi la connaissance acquiert un sérieux politique. Mais, à son premier moment, celui de l'affranchissement du clerc, la culture se définit négativement, par une régression dans la nature, car négation de l'acquis théologique. Mais à cette libération d'une structuration du 10. Rabelais (le personnage et l'œuvre) pourrait très approximativement servir de modèle à cette description. 11. Rappelons à quel point le savoir est alors compromis dans l'occultisme, l'alchimie, la magie...
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sérieux, du sérieux religieux, se substitue la volonté de sérieux, d'un groupe encore inorganisé, dont la conscience de classe ne peut être que la bonne volonté d'éléments de transit qui doivent justifier l'abandon du sérieux théologique par la continuité du sérieux de la fonction. Aussi la nature va se présenter dans une turbulence optimiste, dans un vitalisme qui prolonge l'organicisme originel de la cité, en se débridant de l'aspect coercitif au profit d'une dynamique qui ne peut encore s'inscrire dans la praxis, mais qui assure déjà une continuité qui dépasse la pulsion naturelle. La nature n'est plus le mal, mais elle ne peut être le bien que par la culture (par le contrôle et la connaissance que celle-ci donne de la nature). Cependant, ce contrôle n'a pas la force organisatrice d'un corps constitué. Et le ludique sera dans la fantaisie du contrôle d'ordre individuel, subjectif. La situation politico-sociale de ces individualités en déterminera les modalités. L'instabilité de leur situation professionnelle (défroqués), clercs à l'utilisation encore incertaine, en dehors de l'implantation politique de l'Eglise, est la cause de la discontinuité de la culture, des intrusions événementielles de la nature, de la faiblesse culturelle des raccordements, de la juxtaposition des valeurs de nature et de culture encore impuissantes à se synthétiser. Le ludique est dans la désinvolture des passages, la non-problématique de la contradiction, par un comportement qui doit trouver sa justification dans l'avenir, c'est-à-dire par un dynamisme optimiste qui n'autorise pas la réification de l'instinct, de la jouissance, mais qui assure au plaisir la liberté du moment. Cependant le ludique trouvera sa limite dans l'impuissance à formaliser d'un corps inorganisé. S'il dépasse la subversion naturaliste, la ponctualité subversive de la nature, dans l'accomplissement effectif d'une vie naturelle, légitimée et sans culpabilité, il ne peut dépasser cette réalisation sensible dans des conduites esthétisées, d'ordre collectif, de par l'isolement qui confine encore à l'individualisme (comme jouissance malgré ou contre l'autorité politique). Et la réalisation sensible qui est, ou apparaît, enfin, comme effective, interdit aussi la symbolique maudite de la réalisation catharsique. La réalisation sensible interdit le développement esthétisant. C'est qu'il s'agit d'un processus de désaliénation sociale qui ne peut plus s'exprimer par l'esthétisme de la complète aliénation et qui n'a pas encore pu atteindre l'organisation à partir de laquelle un nouveau ludique pourra s'exprimer. De par ce processus, le sérieux qu'est l'intellect ne peut accéder à la reconnaissance mondaine. Ce ne sera donc pas sur le plan de la représentativité mondaine, du relationnel inter-personnel, que le sérieux pourra se manifester. Cette reconnaissance-là reste encore impossible. Mais la connaissance en est le moyen. Et c'est l'impuissance de la réalisation, de son expression dans les
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catégories mondaines, qui fera le volontarisme de la connaissance. Alors celle-ci se charge de tout le devenir. Elle est la dynamique. Le quantitatif du savoir, la somme, est la charge initiale. Non sélective et à fortiori non réflexive, cette première élaboration juxtapose tous les éléments de sa culture. Elle ne se contrôle pas elle-même, mais la contradiction qu'elle porte n'est autre que la nécessité d'un développement pratique, qui doit résoudre cette contradiction dans une cohérente succession de moments. Le non-sélectif, le non-criticisme, font apparaître comme infini le processus d'accumulation. La contradiction à ce moment ne s'apparaît pas comme telle, mais comme la diversité du réel à appréhender, soif de connaissance faisant reculer la prise de conscience de la contradiction. Cette dialectique du quantitatif, de l'accumulation primitive du savoir, sera l'élément stabilisateur de la frivolité par la structuration de la quotidienneté qu'elle impose. La course au plaisir est délimitée par le temps qui doit être consacré à la culture. Et la synthèse des deux perspectives, sérieuse et frivole, n'est autre à ce niveau que la solution pratique, quotidienne, d'une problématique culturelle qui ne s'apparaît pas comme théorie, car il ne s'agit encore que d'aménager un travail et un plaisir selon une volonté individuelle, dans les durées qui peuvent se dérober à la temporalité collective. Et c'est d'abord dans la confrontation du spatio-temporel institutionnalisé et officialisé et du spatio-temporel semi-clandestin, que le plaisir et l'étude s'homogénéisent dans un équilibre qui ne mettra en question ni l'un ni l'autre, qui autorisera de prolonger à la fois l'un et l'autre. Le problème de l'insertion pratique de ces micro-spatio-temporalités est celui de la reconnaissance par le monde d'une nouvelle fonction bourgeoise, à la fois fonction et mode d'existence. Le plaisir veut apparaître justifié par le travail dont il n'est que le légitime divertissement. Et la connaissance ne fait que prolonger et harmoniser l'immédiate compréhension sensible des choses. La légitimité de l'un entraîne la reconnaissance de l'autre. La connaissance intellectuelle et la vie sensible ne sont que les deux modes de la même désaliénation. Pour qu'une connaissance non théologique s'implante dans la société il faut attendre le deuxième moment d'adaptation concrète des éléments représentatifs de cette culture. Alors le sérieux cellulaire corrige l'infléchissement dans le naturalisme par la civilité des relations professionnelles. Les gens de la basoche perdent d'abord leur turbulence fantaisiste, qui n'était que la disponibilité aux sollicitations naturelles de par la vacuité du contenu social, l'absence de conduites sérieuses de longue durée. Mais ainsi le dynamisme vitaliste s'épure du sensible, de son actualisation naïve, pour se transformer en un volontarisme de classe, c'est-à-dire en un désir commun, à tous les gens de plume, de promotion sociale.
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La satisfaction politique se substitue à la satisfaction naturelle. L'implantation d'une nouvelle activité professionnelle dans la cité et sa reconnaissance par les relations mondaines exige une activité quasi de « pionnier ». Aussi la naïve consommation du plaisir qui isole dans le naturalisme doit être abandonnée. Le corps est encore reconnu, non plus comme objet de plaisir mais comme sujet actif, dans la cité. Au moment social du passage de l'action individuelle, pour une finalité sensible, à l'action de groupe, pour une finalité publique, correspond la désaliénation du corps. Entre le péché (de la théologie) et le plaisir (naturaliste) ce qui va devenir la petite bourgeoisie de robe, intellectuelle, constitue une philosophie pratique de la vie organique mais en référence à son ambition de classe. L'action ne doit plus s'épuiser ni s'arrêter dans la consommation sensible. L'action trouve sa finalité en elle-même. Et comme cette action n'est pas encore structurée dans la réalité sociale, n'est encore que projet mondain, elle est à ce moment où la pulsion naturelle se prolonge dans la durée sociale, où la force organique sert à l'implantation sociale, où l'autorité intellectuelle s'attache à celle de la personne. Les signes et symboles représentatifs de l'intellectualité n'ont pu atteindre encore une autonomie indépendante du politique et du religieux. La force et l'élan nécessaires à l'implantation sociale de l'intellectualité, sont ceux de l'organique et ainsi l'organique doit se soumettre à la nécessité du politique, pour que l'intellectualité soit reconnue comme telle. L'optimisme ascensionnel de la classe est encore organique. La réussite sociale justifie la dynamique du sensible. Ainsi l'organique n'est plus pure négativité. La dichotomie imposée par la culture étymologique des échevins, entre la bourgeoisie et la plèbe, le politique et le subconscient, est dépassée. L'opposition de l'âme et du corps n'a plus son substrat politique. Au contraire, c'est le corps qui anime, qui est principe d'action et revendication. La vie du corps et la vie publique ne sont pas en contradiction, mais au contraire la vie sensible se prolonge dans le savoir de la nature, savoir dont le clerc dispose. Mais il faut bien préciser que ce moment est celui du clerc qui, ayant dépassé le conditionnement théologique dépasse aussi le naturalisme «paillard» du défroqué ou de l'escholier attardé (la première ivresse de la liberté), pour la praxis, la fonction intellectuelle laïcisée, dans son implantation sociale. La stabilité sociale n'est pas acquise, le statut du petit clerc est revendiqué. Et c'est parce que la fonction intellectuelle est à ce moment considérée comme subalterne (par la noblesse, la bourgeoisie du corporatisme...) que le subalterne dans la fonction intellectuelle exprime par sa revendication personnelle, âpre, primaire (lutte pour la subsistance élémentaire), le principe politique,
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revendicatif de la nouvelle classe, laïque, dynamique, volontariste, visant à une autonomie et à une suprématie qui, dans une nouvelle synthèse, briserait l'antagonisme de soumission entre le corps et l'esprit, entre la classe productive des biens de consommation et la classe dirigeante. C'est donc le principe même de ce politique d'être matérialiste au sens de non-culpabilité du corps, promotion organique, donc de justification de la classe montante dans sa volonté d'indépendance. 3. Le recrutement au sommet : la monopolisation de la culture. Le mandarinat et la grande bourgeoisie12. Le jugement : synthèse majeure du sérieux et du frivole. Mais scepticisme et individualisme. Mais dans la mesure où l'intellectualité collabore avec la bourgeoisie d'argent, en place, de par le lien intime entre le père et le fils (de la génération marchande à celle qui, grâce à elle, occupe la charge), de par surtout la réciprocité qui s'instaure entre les deux perspectives bourgeoises (au-delà des antagonismes mineurs, l'intellectualité étant l'alibi de l'argent, comme l'argent a été le moyen de l'intellectualité), cet extrémisme du clerc devra s'effacer devant l'idéologie de collaboration, d'intégration sociale. Ce nouveau moment n'est autre que celui qui consacre la réussite de la nouvelle bourgeoisie. C'est la reconnaissance sociale de sa fonction mais à l'opposé du carriérisme du petit clerc. Ce sera la grande bourgeoisie de robe. Celle-ci apparaît d'abord comme surgissement d'individualités chargées de rares et hautes fonctions, puis comme groupuscules, fixés dans les grandes villes, et qui se reconnaissent de par l'homogénéité de leurs fonctions et de par leur responsabilité politique. D'abord la bourgeoisie de robe n'est que fonction autonome (juge) et alors l'autorité de l'individu est celle de la fonction, de la grande responsabilité politique (maire). Dans le principe c'est la ratification d'un mérite personnel, d'un prestige bourgeois, consacré par le savoir. Ces individualités disposent d'un grand pouvoir de décision (comme sentence, justice, comme autorité administrative). Contrairement au petit clerc, qui ne fait que rédiger, qui est l'écriture sans le verbe, ces notables, personnalités, consacrées soit par le roi, soit par le savoir, soit électivement au niveau des assemblées de notables, représentent le pouvoir de gestion. Alors que la cité étymologique rend immanents la praxis, le chrématistique, l'administratif, le politique, sans qu'il y ait de corps intermédiaire représentatif, à qui serait délégué un pouvoir séparé, ces notables consacrent une rupture qui va aller en s'exaspérant entre la gestion des affaires et le gouvernement des gens. Un 12. Montaigne pourrait ici servit de modèle.
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pouvoir politique nécessaire au roi, au bourgeois, au noble, et qui n'appartient pas spécifiquement à ces corps constitués, ni au pouvoir central, mais qui est leur délégation ou leur émanation, sera l'attribution d'un groupe social très sélectif, qui monopolisera, comme classe sociale, cette nécessité du superstructural. Ce grand pouvoir de décision, justifié par la connaissance au niveau du secteur de compétence, autorise un élargissement de l'autorité à partir de la fonction, du métier, de par la soumission de l'auditoire ; les notables élargissent leur champ d'action dans tous les domaines de la culture. Leur jugement fera autorité, même en dehors de leur secteur professionnel. C'est que vont se multiplier les cas concrets particuliers, et de tous genres, de par l'extension de la praxis. La quotidienneté conformiste, la tradition, la coutume sont incapables de trancher, de décider dans les nouveaux conflits d'intérêts mais aussi dans les relations de civilité. Alors la tradition n'est déjà plus valable et le code du superstructural n'est pas encore établi. Aussi a-t-on recours à l'opinion, au jugement des notables qui, de par leur savoir et de par leur vocation, de par leur pouvoir sont les plus compétents pour apprécier, donner les arguments pour ou contre, pouf conseiller, et en dernière instance pour trancher. Le jugement est l'exercice du savoir dans la pratique sans qu'une théorie préalable, sans qu'un à priori ordonne le comportement. Le spéculatif a un rôle très réduit. Lorsque le cas particulier se présente, le notable fait appel à tout son savoir sur la question. Du savoir constitué, théorique, verbal, au cas concret, singulier, la distance est énorme. Et c'est d'abord le constat du hiatus entre le spéculatif et le concret, entre la vie et la théorie. La culture doit édifier alors la médiation, le moyen terme entre les deux. C'est l'attitude réflexive. Ni le concret ni la doctrine ne font autorité. Le jugement est la confrontation des deux termes. Mais à des fins d'ordre empirique concret. Ce n'est pas pour savoir, mais pour faire, selon les coordonnées du sensible, ici et maintenant. Le savoir acquis, l'expérience des autres, des civilisations, la tradition, sont reconnus dans la mesure où ils servent, pratiquement, dans la vie quotidienne comme dans les cas exceptionnels. Cette attitude réflexive ne doit ni se réifier en théorie (même pas en théorie du réflexif, car ce serait verser dans le spéculatif, le gratuit) ni se laisser emporter par l'existentiel. L'attitude réflexive se veut immanence à la vie, et ainsi elle retrouve la culture du petit clerc, qui elle aussi se veut continuité de l'organique, du naturalisme au politique. Dans les deux cas, la contradiction, entre le politique et la nature, est dépassée par le volontarisme culturel dans une synthèse qui prétend équilibrer les deux termes. Un optimisme de l'action succède au pessimisme de la tradition, du confor-
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misme de la quotidienneté. Et les deux cultures se complètent : le réflexif et l'écriture, la décision et l'exécution, le qualitatif de l'intellection et le quantitatif de la mémoire. Mais alors que le jugement est autorité politique qui confère prestige et pouvoir à des notables, le clerc n'accède à la reconnaissance mondaine que par le corps constitué, la strate de classe, l'augmentation quantitative des travaux subalternes. Au sommet, la culture sélective des notables s'épanouit dans l'amitié, la reconnaissance de personne à personne, à la base les petits clercs ne sont que par l'esprit de corps. Mais aussi dans ce domaine les deux cultures devront se compléter : l'extension quantitative du corps professionnel qui débouche sur la classe sociale se référera à un modèle culturel sélectif du relationnel. (Mais la bourgeoisie de robe restera toujours déchirée entre la mondanité et la fonction, entre la relation politique et le travail productif.) Le jugement est donc la première intrusion de l'intellect dans les conduites politiques. Mais cette synthèse entre la nature et le social, cet équilibre de termes que la tradition impose comme contradiction, demeure ambiguë. Si le savoir intervient dans la cité, c'est comme monopole de classe et cette aliénation définit un mandarinat (le premier mandarinat). Par le jugement tout un pan de l'ontologie s'écroule. C'est une néantisation de la tradition. L'esprit critique conteste non seulement le dogme, mais la tradition au niveau de la quotidienneté conformiste. Le bon usage l'emporte sur l'usage. Et l'attitude réflexive ne peut être niée, isolée, dénoncée : elle s'est faite immanente à la culture politique, elle est l'attitude des cadres, de ceux qui ont le pouvoir de décision. Si le savoir est accepté par la bourgeoisie artisanale et commerçante, c'est qu'il est un pouvoir. L'intellect est reconnu, non comme tel, mais comme pouvoir d'une élite (et de l'argent, et du politique et du savoir). Mais le négatif de cette attitude réflexive c'est que l'autorité de la classe et du savoir est attribuée à la personne. L'autorité de la classe fonde le pouvoir de décision qu'est le jugement et ce pouvoir de décision se propose comme volontarisme de la personne. L'individualisme est habilité à deux degrés, par le politique et le savoir ; le statut de la personne repose sur cette double imposture (qui fera longue carrière dans l'intelligentsia). Le notable fait, d'un attribut de classe, la substance psychologique de la personne. Et c'est cette revendication de la personne qui va corrompre le jugement. Le notable se coupe de la culture antérieure, de la participation au collectif de la cité originelle, mais ne reconstitue pas une dynamique du collectif. Il en reste à un relationnel de groupuscule, très sélectif, d'élite. Aussi sa praxis n'aura pas de finalité politique. Il n'y aura aucune conscience de classe dans cette idéologie de classe qu'est l'individualisme de cette grande bourgeoisie.
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Aussi l'attitude réflexive aura comme corollaire le scepticisme. A la critique de l'ontologie ne peut se substituer aucun idéal politique. Le seul statut de la personne demeure comme invariant à travers la précarité des choses humaines. Toute action collective est incompréhensible. Cet individualisme est culture du moment. C'est le privilège du surgissement de l'intellect, des catégories analytiques et réflexives. Alors le savoir peut se prétendre autonome, sans lien causal avec la praxis dont il n'est pourtant qu'un effet et sans la conscience de la classe dont il sera la cause. Cet individualisme reste un opportunisme. Et la connaissance restera stérile. L'attitude réflexive compromise dans le scepticisme ne saurait atteindre la vérité. Celle-ci en restera à une définition négative. Elle est le moyen terme entre les contradictions, non comme synthèse, mais comme refus et de l'un et de l'autre. Les contradictions sont connues, ce qui est positif. Mais elles ne sont surmontées qu'au niveau de l'empirisme et de l'éclectisme. La contradiction est preuve de l'erreur des deux termes contradictoires qui se dénoncent réciproquement. L'opportunisme logique définit le vrai comme l'équidistance entre deux erreurs. Mais quel que soi le négatif de classe, le jugement est l'une des plus harmonieuses synthèses du sérieux et du frivole que l'histoire peut proposer. Il est fixation de l'histoire, c'est-à-dire que sa réalité déborde le moment historique de son apparition. C'est qu'il est le premier moment de rencontre du savoir et de la praxis, d'un savoir qui n'est pas déterminé par la praxis immédiate. Le naturalisme par exemple a aussi une grande importance historique. (Ses déterminations micro-sociales, interpersonnelles ne font que répéter, mécaniquement, la situation macro-sociale selon une réduction sémiologique du comportement global au comportement individuel, qui identifie nature et société dans la réification, puisque le social n'est plus que l'expression de la nature, laquelle n'est plus que l'expression de l'esclavage, de la totale dépolitisation.) Au contraire, le jugement assure la liberté des notables dégagés du conformisme cellulaire, non engagés encore dans l'appareil d'Etat qui doit les nier en tant que classe, qui peuvent ainsi aménager la temporalité non dans la continuité pratique de la praxis, mais dans la continuité du réflexif. (La discontinuité des jugements sera la limite de cette liberté, ! a brisure venant de la praxis globale.) Cette appropriation (alors que dans le naturalisme les à priori temporels déterminent les actions individuelles) est dégagement du temps majeur, de la praxis globale, tradition et devenir de la praxis n'étant que des éléments constitutifs du moment, les collectifs immanents à ces temporalités n'étant que des éléments constitutifs de l'individu. Cette constante indépendance à l'égard du devenir dans le constant renou-
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vellement du moment présent, est plénitude et liberté du moment, qui n'a plus les tentations et vertiges du passé ou de l'avenir, de par l'homogénéité de ce moment qui n'appartient qu'à lui-même, qui est substance libre, et constamment renouvelée. Cette substantialisation du moment individuel, analytique des macro-temporalités de la praxis, propose des matériaux synthétiques du point de vue du sérieux et du frivole. Le moment est constitué d'une juxtaposition indifférenciée des données sérieuses et frivoles des macro-temporalités, car coupées du contexte qui les nécessite, et regroupées d'après la nécessité d'une action immédiate et individuelle qui substitue au dualisme nature-société la synthèse du réflexif et de l'existentiel. Alors le conflictuel des deux catégories, extériorisé dans la répartition des classes sociales, pour la première fois se résout par l'intériorisation qu'est la synthèse réflexive. Et à la problématique de la cité, qui n'a pu poser sa culture que par la maîtrise politique sur la nature dans des catégories dualistes (le bien et le mal, le maître et l'esclave, culture et nature) se substitue une autre problématique qui est critique du politique par une catégorie issue du politique mais qui n'est plus politique : l'attitude réflexive. Aussi la relation du sérieux et du frivole a dépassé celle des rapports nature et société. C'est que ce problème ne se pose plus parce que la dialectique du jugement a élaboré ces données brutes en une réalité globale qui a synthétisé les contradictions originelles en un comportement qui pose un nouveau problème : celui de l'action de l'intellect dans le monde. Comme le jugement, synthétique, est toujours une réflexion qui élabore, modifie, les données de nature et de société se soumettent, non seulement à une critique réciproque, mais à une critique de la raison qui les unifie en un fait composite qui n'a plus de contradiction en lui-même. Quant au nouveau problème de l'engagement dans le monde, problème dégagé de toute théologie, c'est aussi, à ce moment, le meilleur équilibre entre la raison abstraite et la pratique ; le jugement réflexif équilibre le sérieux de la raison et la frivolité du monde, maintenant connue comme politique et nature, par une substantialisation, mais du réflexif : celle de l'individu. Cette substantialisation est alors le psychologique. B . LE LANGAGE ET LA NOUVELLE PRAXIS. L'ATTITUDE RÉFLEXIVE FORMALISE DE DEUX MANIÈRES LA NOUVELLE
ORGANICITÉ
1. Le relationnel : entre la pratique et le réflexif. Esthétisation et ludicité de ce commerce mondain. L'éclectisme des jugements Le jugement, synthèse majeure du sérieux et du frivole (leur dépassement) va
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se dégrader. L'attitude réflexive va se réifier dans la vie mondaine, la conversation. Cette retombée du jugement n'est que l'exaspération de son négatif de classe : le scepticisme originel ne peut plus se compenser dans la dignité d'un savoir. La dualité esprit-matière se reconstitue à l'intérieur même de la bourgeoisie de robe. Et une nouvelle figure de la dualité apparaîtra : le mondain accédera à une quasi-autonomie (la vie de salon). Et pour résister à cette contagion du sensible, l'attitude réflexive se fera raison (système) et spiritualité. C'est de la quotidienneté conformiste que l'attitude réflexive doit d'abord se dégager. Un conflit apparaît entre la tradition réifiée en rythmes quasi organiques et la nouvelle quotidienneté qu'instaure la bourgeoisie de robe. La distanciation entre deux quotidiennetés, entre deux rythmes de travaux, est un premier lieu de polémiques et de contestations, et qui n'en finissent pas. C'est au niveau le plus banal de la quotidienneté, mais constante, surgissant à tous les relais, à tous les clivages des praxis, que la contestation se manifeste. A ce premier empêtrement dans l'organique va s'ajouter tout le travail d'accommodement qu'est la rencontre de la bourgeoisie de robe et des transformations de la praxis. L'attitude réflexive rencontre alors tout le concret produit par le passage des cellules de production à la nation. C'est la connaissance qui doit interpréter et donner forme à tous les apports de la nouvelle praxis. Le réflexif rencontre toute une mouvance sociale directement déterminée par l'expansion économique et surtout le commerce. Et cet organique de la production a comme corollaire l'arrivisme des personnes, groupes, strates de classe qui s'affrontent à l'attitude réflexive. Dans cet affrontement (nécessaire de par la complémentarité dans la nation des deux classes), sur le plan du langage, la classe d'argent ne peut se dégager de son organicité et entraîne le réflexif à son niveau dans une discussion empêtrée dans le sensible et le contingent. L'attitude réflexive se compromet dans ces deux rencontres. Le dialogue avec deux réifications, celle de la quotidienneté et celle de l'arrivisme, ne pourra dépasser le commerce mondain, la conversation à propos du seul sensible et du seul contingent. La psychologisation individualiste et sceptique, s'esthétise définitivement par l'éclectisme, la gratuité, l'insignifiance du jugement. L'action sérieuse qu'était le jugement, car action volontaire, réflexive, réponse à une question proposée par la quotidienneté conformiste, combien sérieuse, de la culture cellulaire devient une réponse de dilettante éclectique. C'est que le réflexif n'est pas en dialectique avec lui-même mais avec le concret ; il n'a pas encore atteint l'autonomie qui autorise sa substantialisation de classe, sa conscience de classe et son devoir-être. Le réflexif propose une réponse spécifique, autonome mais à un problème posé par le concret. Aussi ne peut-il coordonner
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et systématiser le comportement à la mesure de la coordination et systématisation de l'attitude réflexive. La réflexion est sérieuse mais le comportement qu'elle détermine reste ludique : ce n'est plus le réflexif qui définit l'action, par des principes rationnels indépendants du phénomène, mais la multiplicité des représentations empiriques. Celles-ci déterminent une multiplicité de jugements qui, chaque fois, confrontent des matériaux hétérogènes, lesquels constituent la référence concrète du comportement. Si le réflexif choisit, amalgame, rejette, synthétise, c'est selon des matériaux qu'il n'a pas déterminés et qui lui imposent leur contenu. Si le jugement est continu (par le réflexif), la discontinuité du concret (matériaux) en fait une discontinuité de jugements. L'à-priori du réflexif se brise sur l'à-posteriori du concret. Le jugement à priori devient l'à-posteriori des jugements. Ceux-ci sont synthétiques, le réflexif formalisant un contenu concret, mais sans que le réflexif puisse donner sa continuité au discontinu du concret. Ce moment d'équilibre de la substance du phénomène et de la réflexion du sujet, est substantialisation du sujet, et dans ce compromis le sujet perd la continuité du réflexif et le concret sa substantialité. Le concret n'a plus l'opacité organique, il se fait malléable ; mais par contre le réflexif perd son propre contrôle, se perd dans le discontinu. Ainsi les deux termes se compénètrent mais alors qu'au niveau du jugement des notables, le réflexif contrôlait l'existentiel, maintenant, si cette compénétration se fait plus extensive et appréhende plus de choses et de gens, ce n'est que par un contrôle affaibli du réflexif. Le réflexif peut donc mettre en question le concret, le sensible, l'immédiat, et ces termes se prêtent à l'éclairage de l'esprit, se précisent de plus en plus par les jugements. Et ce dialogue se fait sur le mode ludique ; il ne connaît qu'une légère sanction politique, s'autorise tous les secteurs et n'engage que le plaisir de la conversation, de l'échange mondain. Cette ludicité reste immanente à un certain sérieux, comme les jugements sont immanents au jugement, comme l'attitude réflexive est immanente à la conversation. C'est l'art de la conversation. A une multiplicité de sollicitations sensibles, le réflexif doit répondre non par une négation (ce n'est pas un esthétisme de la négation, mais du réflexif) mais par l'accommodement du réflexif au quotidien, et qui ne sera pas une critique trop radicale du quotidien, mais qui sera une sollicitation réflexive. Et pour cela, pour adapter continuellement les individus, les groupes aux multiples effets de la praxis, de l'économique, pour ce constant opportunisme, qui doit aussi constamment préserver l'attitude réflexive, tout un appareil opérationnel s'est fait nécessaire. Cet appareil, s'il dénombre et délimite, en son premier moment (culture des humanités) s'autorise ensuite une multiplicité d'opérations qu'aucune logique ne pourra dénombrer ni délimiter. Et à la limite, la multiplicité des sollicitations entraîne 15
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la multiplicité quasi contradictoire des jugements. L'existentiel triomphe du réflexif : une structuration de l'échange, du dialogue est impossible. Les jugements ne peuvent s'ordonner en une logique selon des catégories normatives, contraignantes, collectives. La continuité du réflexif n'apparaît plus, la ludicité du discours empêche toute pensée sérieuse. Le réflexif se tourne alors vers la subjectivité, la solitude, la logique (jansénisme). Ainsi le scepticisme de l'individualisme, à la limite, débouche sur la gratuité, le bavardage (le «on» de Heidegger). L'équilibre du réflexif et du substantiel s'est rompu. L'attitude réflexive s'esthétise. Le jeu des jugements emporte l'individu dans l'existentiel. Le scepticisme, l'opportunisme, l'éclectisme, qui, dès le principe témoignaient de l'aliénation de classe, sont devenus l'habitude, l'empêtrement dans le quotidien. 2. La régulation politique de l'éclectisme des jugements : la hiérarchisation sociale. L'homogénéisation de la bourgeoisie de robe. Les limites de la bourgeoisie de robe sont celles de ses tentations vers le haut (jansénisme) et vers le bas (la compromission organique et mondaine). Vers le juste milieu : la raison cartésienne Un esprit de corps qui est la reconnaissance formelle d'individus participant à la même strate de classe se développe en même temps que s'élargit, quantitativement et qualitativement, la fonction. Par la reconnaissance de l'identique dans l'autre, le respect de la fonction dans sa diversité et sa hiérarchie, l'amitié de groupe se transforme en une solidarité de classe qui implante un réseau de réciprocités subtiles. Le métier, qui fait d'abord considérer toute fréquentation comme virtuelle clientèle (l'avocat par exemple) se désintéresse du profit immédiat pour une notion du profit qui dépasse l'intérêt économique du particulier, et qui débouche sur un intérêt de classe, d'ordre plus politique qu'économique. Mais alors, cet intéressement dans un collectif permet de restaurer l'intérêt privé, de par l'instauration d'un réseau de réciprocités, sélectif, à l'intérieur de l'homogénéité de corps acquise. Les deux démarches sont parallèles : garantir un groupe homogène, et dans ce groupe reconstituer l'intérêt personnel. Et le groupe (particulier, réseau de relations sélectives) n'est pas déstructurant de l'esprit de corps. Au contraire, il le renforce dans l'intrication pluraliste des réseaux, qui ne font que resserrer le tissu social en des cellules aux multi-appartenances, qui assurent toute la diversité des personnes actives et des comportements, qui assurent à l'action de classe toute la souplesse et l'opportunisme du jugement réflexif. L'âpreté du concurrentiel se neutralise par l'homogénéité des intérêts qui demeurent toujours spécifiques à une
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classe, car exprimés dans les valeurs de cette classe, dans l'honorabilité du crédit. Le principe qui préside au développement de cet esprit de corps, le nouveau principe des relations inter-personnelles dans une classe, dépend d'une praxis qui n'est plus celle de l'immédiate nécessité organique (laquelle déterminait un système de relations immédiates, sommaires, macro-socialement représentées par la répartition figée et hiérarchisée des classes sociales dans la cité), mais qui est la praxis médiatrice, par destin et fonction de classe, du travail organique à l'autorité politique, de la culture cellulaire à la culture nationale, du conformisme à la raison pure. Cette nouvelle civilité, dont la problématique est résolue exemplairement par le jugement, synthèse du réflexif et du substantiel, mais solution privilégiée, d'individus, d'un groupe d'amis, devient la problématique de la bourgeoisie de robe, au niveau de sa cohérence intime, de son homogénéité justificative d'elle-même. La relation sociale, s'apparaît dans l'ambiguïté qui est sa justification, son rôle, mais qui est aussi sa contradiction, le principe de sa possible dégradation interne. L'attitude réflexive est désintéressée, à l'égard de la praxis organique et politique, mais originaire de l'organique et dans son accomplissement de vocation politique, elle retrouve un intéressement. Ainsi, à l'intérieur de la classe, les relations inter-personnelles doivent exprimer, d'une part, la liberté commune aux fonctions de robe, mutuelle reconnaissance par le réflexif, dégagement de la praxis mercantile dans des conduites de médiations autonomes, expressions de l'esprit, et par ailleurs, l'enracinement économicopolitique dans la classe de «fonctions intellectuelles». Ce problème qui reprend dans la microsociabilité du relationnel la macro-situation de la bourgeoisie de robe, va se renforcer encore, toujours à l'intérieur de la classe, par le dualisme de la vocation et de la fonction, de l'exercice du métier et de l'expression de l'intellectualité. Un double système de hiérarchie et de reconnaissance par le niveau que l'individu atteint dans cette hiérarchie, va se superposer aux réseaux de relations qui consacrent l'esprit de corps. Celui-ci au niveau des réseaux de relations, est le passage du groupe sélectif à la classe constituée, médiation entre la spontanéité de l'amitié, du jugement, et la structuration hiérarchisée de la bourgeoisie de robe. Cet esprit de corps se prolonge dans la hiérarchie de classe ; existent toujours des réseaux de relations, sélectifs, mais qui ne font qu'exprimer des intérêts locaux, ou qui prolongent l'action de certaines dynasties familiales dans des secteurs professionnels qu'elles voudraient vassaliser. Mais la structuration de la classe va se définir essentiellement par le double système de reconnaissance, dans la classe, qui est en même temps hiérarchisation des valeurs.
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Une double hiérarchie, de fait et de droit, structurera cette bourgeoisie de robe. Et le fait justifie le droit, comme le droit justifie le fait. Les deux perspectives doivent se reconnaître : ainsi, le supérieur (par la fonction) doit dialoguer avec l'intellectualité du subalterne, car reconnaissant celle-là il justifie celle-ci. De même, le subalterne, pour habiliter son intellectualité doit reconnaître la fonction supérieure. Mais si ces deux perspectives doivent se reconnaître, elles ne sont pas complémentaires. Au contraire, la hiérarchie par l'esprit va mettre en question la hiérarchie par la fonction. Il y aura une mise en question (mais dans la classe sociale) de la richesse, de l'autorité, du prestige de la fonction par l'esprit et le savoir. La structuration de classe se fait par la rencontre des deux perspectives, le double système hiérarchique fixe et détermine les personnes dans leur double système de références. Il sera en même temps qu'acceptation de la hiérarchie, revendication conflictuelle. Ainsi se définit un moyen terme, civilité spécifique d'une classe, qui dégrade l'intellectualité dans la revendication politique, mais qui réhabilite cette revendication politique, par sa reconnaissance de l'intellectualité. Ce moyen terme, intentionnalité de classe et d'individus, lieu commun de la sociabilité, structure la classe que devient la bourgeoisie de robe, dans la hiérarchie, acceptée parce que assurance d'une reconnaissance et de la reconnaissance de la promotion sociale dans la classe. L'homogénéité assurée par la reconnaissance du subalterne par le supérieur, puis par la reconnaissance de la dynamique sociale dans la classe qui remet en question la hiérarchie, permet à la bourgeoisie de robe d'acquérir la substantialité, la consistance d'une classe indépendante de la bourgeoisie d'argent et de l'autorité politique. C'est que cette structure de classe est aussi celle de chaque individu à chaque niveau de la hiérarchie (et c'est le consentement à la situation personnelle qui fait le consentement à la situation de classe). La représentativité de chaque individu étant à la fois de fonction sociale et de qualité intellectuelle, pour garantir sa propre promotion il doit accepter d'être mis en question. S'il se justifie par le savoir, il doit reconnaître la fonction et s'il se justifie par sa fonction il doit reconnaître l'esprit. Alors il peut luimême remettre en question la hiérarchie consacrée par l'esprit et la fonction. Cette classe, paradoxalement, fait du moyen de hiérarchisation le moyen de reconnaissance.
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VERS LE RATIONALISME COMME UNITÉ DE CLASSE. DEUXIÈME ET TROISIÈME INTÉGRATIONS
1. La deuxième synthèse (ou intégration). Celle de la noblesse et de la bourgeoisie a) Le réalisme romanesque et le salon. La prédominance du formalisme noble. Le salon : lieu de rencontre et de neutralité. Fixation et aboutissement du commerce mondain. La vie privée comme accomplissement de la praxis Dans la rencontre de la noblesse décadente et de la bourgeoisie ascendante, c'est le sérieux qui l'emporte sur le frivole, l'ascensionnel sur le décadent. Mais parce que le sérieux réduit le frivole en donnant forme à son contenu politique, la noblesse d'épée se ralliant aux valeurs de la noblesse de robe, dans sa praxis et son idéologie. Il ne s'agit que d'une fraction de cette noblesse, celle qui atteint aussi le réflexif, dans la prise de conscience de sa décadence ou dans la nostalgique référence aux valeurs traditionalistes de l'honneur. Mais ces deux classes sociales, noblesse et bourgeoisie de robe, ont été déterminées par des praxis très différentes. Et au moment de leur rencontre les idéologies de classes diffèrent comme l'optimisme prospectif du réflexif et le pessimisme rétrospectif du chevaleresque. La commune praxis dans laquelle ces deux classes se rencontrent (l'une par reconversion de sa fonction ou par ralliement, sans arrière-pensée, au service de l'Etat, service du roi, l'autre dans la continuité dynastique de la fonction), n'opérera que progressivement la réduction des antinomies. Le bourgeois et le noble doivent dialoguer par une nécessité négatrice de la nécessité originelle de leurs classes. La réconciliation est nécessaire comme est nécessaire l'incompatibilité. Mais l'apparition chronologique des praxis a placé l'incompatibilité avant la nécessaire réconciliation. Un long processus de reconnaissance doit résoudre l'antinomie en une commune conduite publique. Mais comme c'est la bourgeoisie de robe qui, par vocation et en fait dirige la praxis commune, comme la noblesse traditionnelle a accédé elle aussi à une attitude critique de sa praxis et qu'elle ne peut prolonger son autorité politique que par une totale reconversion, la contradiction originelle ne saurait s'obscurcir dans un non-dit, dans la réification qui structurerait un inconscient. Progressivement, méthodiquement, les incompatibilités doivent apparaître au plein jour de la vie commune pour se surmonter. Et cette entreprise n'est pas un aspect de la vie, mais le projet même de la vie, car condition de l'efficacité d'une praxis dont le rôle historique dépend de son homogénéité et de la commune reconnaissance de sa nécessité.
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Cette rencontre des bonnes volontés réflexives ne peut se faire que dans un circonstanciel de temps et de lieu qui reprendra sur le plan des relations privées ces relations de classes, mais en écartant les réifications des praxis originelles qui interdiraient à priori tout dialogue et en faisant rencontrer toutes les perspectives communes. De même que c'est la noblesse réflexive ou nostalgique qui peut accepter de dialoguer avec la bourgeoisie de robe, de même ce sera seulement un moment de cette bourgeoisie, une strate de classe, qui sera favorable au dialogue. Ni la petite bourgeoisie, ni la bourgeoisie de province, ne souhaiteront ce dialogue. C'est que l'écart est trop grand entre l'esthétisme de la noblesse qui, nous l'avons vu, ne peut prolonger sa présence politique que par l'abus de pouvoir sur le serf, l'intrigue et la séduction, et les éléments bourgeois trop près de la pratique cellulaire, qui ajoutent l'austérité de cette pratique à la gravité de la fonction, à l'application scrupuleuse du nouveau venu dans la fonction. Mais déjà sur le plan régional la bourgeoisie pourrait parfois se laisser séduire par la noblesse locale, cependant ces relations ne sauraient engager la classe. Il ne s'agit même pas d'une strate, à peine d'un groupe, qui de par ses responsabilités professionnelles est en rapport avec cette noblesse. Mais ces relations ne peuvent acquérir un style, c'est-à-dire des modèles culturels indépendants, restent des cas particuliers. C'est qu'elles n'élargissent pas ces relations particulières, privées, de personne à personne, à des relations systématisées, publiques, où les relations sont indépendantes des personnes et qualifient par elles-mêmes, quelles que soient les déterminations des personnes. Aussi c'est seulement à Paris que le quantitatif des relations pourra définir le qualitatif des modèles culturels, de par le regroupement, la centralisation, l'extension particulière à la capitale. Alors la tentation collaboratrice des grands bourgeois peut dépasser l'ambiguïté des relations de province. C'est le milieu mondain qui réalise un nouvel équilibre entre l'organique et l'esprit, entre la province et Port-Royal, entre la raison qui se spiritualisera et l'organique qui se rationalisera. Cette bourgeoisie est essentiellement encore une bourgeoisie de cadres majeurs. Elle représente les derniers stades de la promotion dans la classe, «l'avancement» se marquant par l'accession de la province à Paris, ou bien par le renforcement dynastique de la bourgeoisie de robe parisienne. C'est à Paris aussi que se retrouve l'élite intellectuelle dont la faible autorité dans la fonction, qui deviendra même marginalité à la fonction (rentiers, écrivains, etc.) est compensée par l'autorité du verbe, le prestige de la connaissance. C'est à Paris que cette bourgeoisie rencontre la noblesse de plus en plus centralisée à la cour et ainsi de plus en plus en quête, dans ses éléments mineurs, le plus souvent (non imbus d'une représentation de prestige et de commandement honorifique) d'un commerce
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mondain qui les déplace d'un milieu où l'autorité du roi et la marque des grands les relèguent dans un rôle subalterne, choeur du théâtre de la cour, où ils ne peuvent s'exprimer que dans les intrigues mineures, à un milieu où leur prestige est immense. Cette bourgeoisie dont la culture intellectuelle porte en elle-même une volonté de communication, qui s'est déjà éprouvée, mais dans l'identique (dans la classe elle-même) trouve chez cette noblesse le style de vie, le maniérisme qui pourra formaliser l'organicité bourgeoise. Et c'est à partir du style commun qui naîtra de ces relations publiques, que le modèle culturel, prenant l'autorité de la mode, permettra dans une dialectique descendante (par exemple : prise de fonction du grand bourgeois en province ou retour du noble dans un fief, ou retour de l'étudiant bourgeois dans sa famille) de reconstituer les relations exemplaires dans le climat provincial. Le salon autorise une rencontre en terrain neutre, en dehors de la praxis (prise au sens restrictif de travail professionnel). Ainsi sont écartés les antagonismes majeurs, qui sur le plan immédiatement pratique, rendraient quasi irréductibles les praxis d'origines différentes. Sont aussi écartés les antagonismes qui peuvent surgir de la nouvelle praxis commune, les conflits hiérarchiques ou de préséances. Bien que le salon soit le prolongement des relations professionnelles, celles-ci perdent l'âpreté des rivalités du coudoiement professionnel. L'indépendance (profession libérale) professionnelle, de bien des activités de la bourgeoisie de robe, favorise d'ailleurs les bonnes relations de salon. Les éléments soumis à la hiérarchie administrative, s'ils retrouvent leurs supérieurs, le font sur le pied d'égalité de la civilité particulière au salon. (Et ce sera sur le plan de l'esprit que le supérieur voudra justifier sa supériorité, comme ce sera sur le plan de l'esprit que l'inférieur voudra remettre en question la hiérarchie.) Mais c'est surtout au salon que la bourgeoisie de robe recense sa diversité dans l'homogénéité des conventions tacites, provisoires, artificielles, diversité de secteurs professionnels ou purement intellectuels, s'ouvrant sur la science. L'intérêt réciproque de ces activités, qui cimente la classe dans la conscience de la complémentarité de ses services, est d'abord la motivation du relationnel. C'est donc sur le plan des relations privées, autorisées par une vie publique, mais restreinte, que la nécessité (de la praxis) doit se faire liberté (des consciences et des relations particulières). S'opposant aux structurations figées du travail, la ludicité de salon permet de forcer les habitudes, inhibitions, par un système relationnel d'une telle souplesse que la liberté individuelle est constamment préservée, et mieux que préservée, créatrice de ses modalités, qui sont aussi celles de la sociabilité de salon. Marginale à la praxis, la ludicité de salon non seulement cache le sérieux de la praxis, mais aussi son propre
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sérieux, celui de la reconnaissance dans un conflit. (Et la critique littéraire se laissera elle aussi prendre à cette ironie de l'histoire, l'Astrée ne sera qu'un moment de la littérature et non pas le livre même de la littérature, fin du mythe et commencement du littéraire.) C'est une liberté de divertissement qui peut entraîner le néophyte au salon. Mais déjà le parrainage qui autorise sa présentation est le lien entre la vie mondaine (frivole) et le sérieux de la praxis ou de la parenté. (Car c'est par une relation de travail ou de famille que l'on est introduit au salon.) La diversité des gens du salon assure un premier contact qui écarte le dépaysement et garantit «l'intéressant». Et cette catégorie va fonder l'habitude de la fréquentation, par ses racines de psychologie sociale, qui élargit l'intérêt d'ordre contemplatif, admiratif du premier contact, dans une volonté de participation à un monde dans lequel le nouveau venu s'est reconnu, mais selon une privation, une insuffisance, qui doit se dépasser dans le passage de la puissance (fonction dans la bourgeoisie de robe) à l'acte (reconnaissance réciproque dans la vie de salon). Mais cette intégration, qui n'est autre que le sérieux politique, l'homogénéisation de classe, et qui accomplit, sur le plan des relations privées, la nécessaire complémentarité des relations professionnelles s'apparaît comme destinée individuelle, accomplissement de désirs personnels, d'une intentionnalité subjective. Le relationnel dans le salon va consacrer cette réalisation du privé dans le ludique qui masque le sérieux de la nécessité (ce relationnel est très fortement structuré, et c'est parce que cette structuration assure la continuité dans l'identique, qu'une dynamique de groupe peut cette ludicité qui permet à toutes les diversités de se manifester et de se confronter). b) Le parcours de la culture romanesque : rencontre du sérieux réflexif et de la formalisation de la noblesse. La réduction du temps macro-social en durées subjectives. Les quatre étants13 de la sociabilité de salon C'est dans la relation structure-dynamique du salon que se microsociabilise la synthèse des bonnes volontés réflexives, du sérieux réflexif et du formalisme noble. La substance psychologique, devant se faire commune aux deux contradictions originelles, se fera romanesque. L'attitude réflexive doit trouver le juste milieu entre les contradictoires, doit inventer la conduite qui, critique de la noblesse par la bourgeoisie et de la bourgeoisie par la noblesse, permet 13. Les étants sont des durées culturelles qui se proposent «spontanément». Les étants, contingence culturelle pourtant, sont tellement déterminants (de par l'histoire) qu'ils sont pris pour l'être. La culture bourgeoise se réfère toujours à ces étants étymologiques. L'être mondain n'est pourtant qu'un effet de la culture de salon (la révolution culturelle pour être sérieuse devrait détruire la moindre allusion romanesque).
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une attitude commune. Mais si la nécessité pratique des relations exige l'attitude réflexive, la première relation de salon assurera la suprématie de la noblesse de bonne volonté, de par l'avantage politique de l'hôte sur l'invité, de la tradition sur le nouveau, de l'implantation à Paris (Cour) de cette noblesse qui recevra la promotion sociale, de l'argent à la fonction, de la province à Paris, de Paris au salon. Aussi c'est l'esthétisme, qui au début, l'emportera sur le réflexif. C'est lui qui modèlera les relations, dans l'extériorité des rapports de salon, et surtout dans le décalage de l'esthétisme et du réflexif, dans la course du réflexif après l'esthétisme, dans une dynamique qui court après sa structure. L'esthétisme consentira au réflexif, mais parce que celui-ci le soumet, le réduit. Le dialogue est engagé, accepté, mais pas encore la totale reconnaissance. C'est la première péripétie du romanesque, qui, répétons-le n'est pas une péripétie du vécu, un secteur privé, à côté d'un sérieux qui le dégraderait en divertissement, mais qui est l'intentionnalité même d'une classe, son problème le plus vital. Mais déjà ce qui s'accepte, c'est la non-identité. Le réflexif accepte de dialoguer avec un principe qui le nie. Ainsi le réflexif se substantialise dans des catégories mondaines, de même l'esthétisme doit ménager l'avenir, apprendre à dialoguer avec le réflexif. Ainsi se sent-il progressivement honoré d'être le but de la promotion de l'autre, le critère de la reconnaissance dans la mondanité. Cette situation de la praxis définira la problématique des relations interpersonnelles qui se font exemplaires dans le salon. La microsociabilité doit exprimer dans la durée personnelle de l'individu, la macrosociabilité de la praxis ; l'histoire, le devenir, doivent se dire dans le moment, et l'objectivité dans la subjectivité. Aussi l'actualisation va prendre le pathétique d'un vécu, qui doit surmonter le pur écoulement quotidien pour reconnaître l'histoire. Il y aura condensations, raccourcis, ellipses des durées, des significations macrosociales en un système de symboles, signes qui porteront tacitement toutes les références du langage mondain. Ce langage pour reconstituer la totale signification de la praxis globale doit reconstituer dans la temporalité du vécu individuel toutes les significations de la durée majeure, de la macrodurée. Ainsi c'est en référence au couple structure-dynamique que la temporalité de salon va s'organiser. La dynamique devra reprendre le devenir de la praxis, dans un prospectif qui sera le champ d'accomplissement du destin. Alais alors que la praxis ne meurt jamais, que la macro-temporalité a l'indétermination d'un après qui est sa définition même, le destin individuel veut s'accomplir en un maintenant qui est une conclusion (alors que le moment macrosocial que reprend ce maintenant est en devenir). De là le pathétique d'un
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destin qui ne sait pas reconnaître son bonheur, d'une péripétie qui ne sait pas s'achever en un geste, événement définitif, de protagonistes qui ne savent pas achever le processus de la reconnaissance. Le romanesque multiplie les péripéties, les preuves et les affrontements, car la coquetterie de l'esthétisme n'autorise pas au réflexif la conquête définitive mais le réflexif ne peut se déprendre du jeu car le processus de la reconnaissance est irréversible (devenir). Mais ce pathétique ne saurait devenir tragique, car la nécessaire structuration de la temporalité doit proposer la réconciliation qu'est la fréquentation de fait, dans le salon, de la bourgeoisie et de la noblesse. Fréquentation quotidienne, dont cette structuration doit assurer le répétitif. La continuité s'assure par le répétitif, qui est un acquis, un passé toujours présent, de par la constante situation, de fait, originelle. La structuration est donc le noninventif, le réifié du dialogue, mais aussi son acquis, ce qui autorisera l'invention, dans la non-remise en question de la relation initiale. Et c'est par la force, la prégnance de cette structuration du quotidien que l'angoisse du devenir peut se contenir, c'est par cette nécessité de la continuité que la non-reconnaissance peut encore espérer la reconnaissance, que la tension pathétique peut se détendre dans le conventionnel de cette reconnaissance. Et cette structuration, qui autorise la dynamique, la tension du conflit, par la continuité d'un acquis doit se répéter le plus possible, main courante de l'anxiété du devenir. Cette structuration qui a besoin de l'extériorisation du quantitatif, du relationnel, de toutes les formes extérieures de la sociabilité pour se donner les repères, significations d'une vie commune, et acceptée comme commune, perdra de plus en plus son pouvoir exorcisant à mesure que les relations sociales se feront de plus en plus intimes. Et à la limite la subjectivité la plus pure, la plus secrète, sera celle qui retrouvera la problématique la plus objective, la plus générale, dans le pur devenir de la conscience, qui sera aussi le pur devenir de l'histoire. Mais la structuration de la temporalité de salon s'emploiera à juguler, interdire ce qui serait la désagrégation de la vie publique. Cette menace d'une autre praxis subalterne se récupérera par son introduction dans le salon et la promotion sociale, jusqu'à ce que l'accroissement quantitatif d'une petite bourgeoisie issue du peuple permette à la subjectivité de revendiquer la direction de la praxis globale. Alors la structuration qui assurait la substantialité des durées sera désagrégée par la sentimentalité (Rousseau). La structuration la plus extérieure est celle de la quotidienneté de la vie de salon, l'organisation quasi matérielle, indépendamment des contenus politiques, de la sociabilité. Les gens se retrouvent dans la même spatio-temporalité des gestes mondains (habitudes de place, de moment, statique et dynamique
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de groupes, etc.), dans les mêmes règles de l'échange verbal, dans la même thématique qui entraîne la répartition des mêmes rôles sociaux. Cette structuration est dressage du corps, du maintien, expression corporelle, dynamique et statique, invention du geste de classe qui autorise alors le prolongement de l'action sur le plan des échanges verbaux, lesquels participent aussi, de par leur convention et leur répétition, à la formalisation la plus extérieure de la sociabilité (cette structuration est la marque la plus matérielle de la reconnaissance dans une commune sémiologie). La structuration quitte «l'écologie» de la sociabilité pour réglementer la spécificité de la vie de salon : la conversation. La synthèse matérielle et statique de la formalisation noble et du fond réflexif, sérieux de la bourgeoisie, se fait plus dynamique. La conversation est en devenir. Elle autorise déjà davantage l'expression de la dynamique. Elle est le moment d'équilibre entre la structure et la dynamique, le moyen terme entre le début (la première rencontre) et la fin (la reconnaissance heureuse), entre la nécessité et le futile. Sur le plan de la structure la forme est la parfaite expression du fond. L'esthétisme de l'expression recouvre la totalité du réflexif ; la reconnaissance des deux termes est totale. C'est le style : le langage fait l'homme. Mais la dynamique, l'intrusion de la temporalité, fait éclater cet équilibre synthétique : forme et fond peuvent alors se décaler. L'esthétisme et le réflexif, à partir d'un équilibre acquis, d'un accord commun, d'un sérieux de base, peuvent se dédoubler en un contradictoire ludique, mais un contradictoire ludique qui fait du sérieux la finalité. Le sérieux est ainsi l'élément constitutif du ludique. Ainsi, à cause du fond commun de reconnaissance, le ludique ne saurait briser le sérieux. De même à cause de sa participation au ludique (jouer à être sérieux ou sérieux qui accepte d'être joué) le sérieux ne saurait détruire l'esthétisme. La structure ne peut protester de sa mise en question par la dynamique, parce que la dynamique reprend les termes constitutifs de la structure. De même, la dynamique ne peut protester contre l'arrêt de son élan parce que la structure est aussi le point d'appui de cet élan. La conversation sera donc le lieu de l'alternative (l'un ou l'autre) parce que le lieu de la conjonction (l'un et l'autre). Et cette connivence structure-dynamique n'est autre que celle de l'actuel et du devenir, connivence de la première rencontre (à cause de la praxis) qui doit devenir la reconnaissance (dans le bonheur). La structuration se laissera déborder par la dynamique qui passera dans l'intimité des relations particulières d'un groupe, en tant que passage de la conversation en général à la conversation en particulier (l'aparté à partir de l'homogénéité de la conversation, d'un groupe, d'un moment). Alors l'existentiel apparaît dans la dynamique, le moment dans le devenir, l'individu dans le
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général. Et plus le moment se fait autonome, expression particulière qui échappe à l'identité du répétitif, plus il se rapprochera du pur devenir, de sa thématique macro-sociale. Ce ne sera plus la réification dans la reconnaissance, mais la douloureuse anxiété de cette reconnaissance qui le caractérisera. Mais alors la relation esthétisme-sérieux passe de la thématique abstraite, du dualisme des thèmes et des classes, à celui des personnes et des sexes. Car en même temps que le moment s'éloigne de l'universel abstrait qu'est la conversation, il se concrétise dans les particularités qui conservent le même dualisme, mais dualisme qui, à la limite, se ramène à celui de l'homme et de la femme, du sérieux et du frivole incarnés, dans la conversation particulière qu'est la conversation la plus personnelle, celle qui exprime le dualisme dans le duo. Alors la temporalité qui n'est plus que le dualisme dans le sentiment de sa non-identité, et dans l'effort pour retrouver cette identité, n'a déjà plus la structure pour la soutenir, alors qu'elle en garde cette nostalgie de l'identité perdue qui donne l'élan au désir de reconnaissance. Mais cette conversation particulière n'a plus les garanties structurales de la conversation en général. Ces garanties n'apparaissent plus alors que facticité, encadrement conventionnel. Aussi le duel pour la reconnaissance prend une âpreté qui tient moins au conflit des personnes qu'à la résonance que cet affrontement a dans la conscience de chacun. Mais ce ne peut être encore l'angoisse existentielle, car si l'esthétisme se heurte au réflexif, le ludique au sérieux, c'est dans une substantialisaiion de ces termes qui n'est autre que leur appartenance de classe dans des structures encore non entamées par la contradiction critique. Mais cette non-mise en question définitive de la substance, seulement entamée, et par une critique qui, étonnamment ne peut se réfuter de par son charme ou de par sa vérité, autorise la poursuite du dialogue dans une récupération de la contradiction qui sera d'abord sa reconnaissance, l'acceptation de la critique, mais pour mieux poursuivre un combat qui ne peut plus s'éluder, de par l'importance de l'enjeu, et la reconnaissance du négatif, mais qui n'apparaît pas perdu, et qui apparaît comme nécessaire, de par la première mise en question et de par sa reconnaissance. Alors la structuration est tombée dans une dynamique qui n'est autre que celle du jugement réflexif. Les substances, s'étant réciproquement mises en question, ne sont plus que dans la synthèse micro-sociale qui réduit l'essence en existence. Mais cet existentiel trouve encore un équiHbre substantiel ; il n'est pas gratuité, surgissement d'une temporalité incapable de retrouver son intention dans un devenir. Ainsi ne peut apparaître le «trou» que serait le pur existentiel, que serait l'anéantissement réciproque des substances dans un conflit qui livrerait la
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dynamique à un devenir sans finalité et sans accomplissement. Si la structure dans son aspect statique s'est désagrégée, c'est dans un renouvellement encore structural, mais dynamique, très fluide, qui permet aux singularités concrètes d'éprouver leur liberté, mais dans la même signification que la structure la plus statique. Aussi, la conversation intime se raccorde tout naturellement à la conversation en général, par continuité et contiguïté, et c'est cette généralité qui préserve le structural de la relation intime, qui le rassure et ainsi autorisera son renouveau intimiste. Le passage existentiel d'une substance à une autre, d'une origine à une finalité différente, s'est fait sans crise de croissance, sans mise en question déchirante. Et si l'accomplissement ne se réalise pas encore, si la substance n'a pas cette certitude de la répétition allusive d'une réalisation déjà accomplie (chevaleresque) elle a déjà une autre certitude, celle d'un rituel dont les étapes sont celles du bonheur. La déstructuration maximale ne saurait jamais atteindre la gratuité existentielle ; le moment le plus solitaire de la vie de salon, qui est celui de la durée la moins participative, ne peut atteindre la mise en question de la relation de reconnaissance. C'est justement dans le micro-moment, romanesque, quasi forcé, de la reconnaissance, que le plus grand émoi existentiel s'est manifesté. L'insertion de par la contemporanéité, dans la hiérarchie des structures, ne pourrait tolérer un prolongement de l'existentiel en dehors de la sociabilité. L'événement est la substance du romanesque, parce qu'il est le continuum de la reconnaissance et qu'il interdit la solitude, la disponibilité des temporalités, l'impérialisme d'un réflexif qui deviendrait totale critique. Aussi la conversation, la geste spatio-temporelle de salon multiplient les prétextes d'un événementiel de salon, chargé de significations substantielles. Et si l'on décompose encore l'instant de la plus grande existentialité en ses plus microatomes, leur durée sera toujours consubstantielle aux signes et symboles déterminés par la macro-sociabilité. Il n'y a pas un entre-deux-signes sociaux, qui permettrait à une conscience encore plus réflexive de juger les modalités de sa participation sociale et qui maintiendrait un décalage entre la conscience et le vécu. Le réflexif est immanent ru social. S'il est réifié dans la structure il est en acte dans la dynamique sociale. Il n'y a pas d'émotion pure sans la causalité sociale qui la forma!ire et la délimite dans son fond et dans sa forme. c) Les figures du romanesque comme distribution dans la chronologie des étants synchroniques. La prédominance du formalisme de la noblesse Ces quatre étants de la micro-sociabilité, qui utilisent le même système de signes, obtenu par la réduction de la macro-sociabilité, donnent une signifi-
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cation différente à ces signes selon le mode de la relation structure-dynamique. Ainsi le même signe pourra avoir quatre significations différentes. Les quatre étants sont des réalités en soi (mais dans la hiérarchie structuredynamique, il faut les interpréter comme des déterminations analytiques de définition, qui ne font que fixer des repères dans la mouvance du relationnel). Ces étants pouvant être contemporains, la sociabilité dispose d'un clavier quasi infini d'expressions. La signification passe d'un plan à un autre dans un continuum d'intentions qui n'a qu'une seule règle : ménager l'équilibre du sérieux et du frivole. Aussi une appréciation globale du relationnel, qui ne néglige aucun des étants, qui reconstitue le continuum d'intentions, doit s'élargir dans le devenir du macro-social. Alors les quatre étants, de contemporains, deviennent chronologiques, s'étalent en périodes homogènes qui reprennent la relation structure-dynamique dans l'histoire, selon le processus de désagrégation (partielle) interne à la vie de salon, qui va de la plus forte structure à la plus forte dynamique. Le devenir n'est fait que des potentialités contemporaines à l'origine, contenues par la structuration et que la dynamique actualise dans une chronologie qui est celle du progrès de la déstructuration. Ainsi la problématique du devenir, du macro-social, est aussi dans chacune des périodes, dans chacun des étants. Les problèmes historiques (reconnaissance de classe) sont résolus psychologiquement (reconnaissance des sexes) par la médiation des catégories sociologiques (sociabilité de salon). Mais cela n'est possible que parce que chacune de ces catégories est immanente aux autres, et la continuité du vécu, individuel, inter-relationnel, historique, n'est paradoxalement faite que de la trame de discontinuités. Et ce vécu est harmonieux car la relation des sexes a une nécessité, de bonheur, qui n'est autre que la nécessité de la réconciliation des classes. Toute relation inter-personnelle doit avoir la grâce d'un individualisme qui s'épanouit dans sa vocation de classe, l'intentionnalité secrète n'étant que l'objectivité de l'histoire. Le modèle des grands moments de la macro-sociabilité doit donc s'inspirer des étants de la micro-sociabilité. Ces moments seront seulement marques par la prédominance d'une des modalités structure-dynamique, tous les autres modes étant présents dans la mouvance des relations inter-personnelles. Mais ces modes micro-sociaux, s'élargissant en périodes macro-sociales, s'ils conservent la même relation structure-dynamique, auront un contenu qui prendra la spécificité de la praxis, d'un devenir qui agit sur la vie de salon, et de l'extérieur. Ainsi le premier grand moment, celui du romanesque, était celui de la première rencontre des deux classes, au profit de l'esthétisme de la noblesse, qui recevait une bourgeoisie qui avait déjà connu la consécration sociale,
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sur le plan de la promotion du travail, et à qui il ne manquait que la reconnaissance du monde. Le deuxième grand moment sera l'implantation d'une nouvelle couche de la bourgeoisie de robe. A l'hérédité des charges qui prolonge la première manière, romanesque, de la reconnaissance, va se juxtaposer la création de nouveaux offices, qui se multiplient, de par les besoins en services et fonctions du royaume. Cette nouvelle génération se renforce des apports de province. Et ces deux perspectives vont se renforcer mutuellement dans leur opposition d'abord à l'esthétisme noble, ensuite à la bourgeoisie de robe déjà en place. Et cette opposition, qui sera celle d'une grande bourgeoisie et d'une bourgeoisie moyenne, d'une bourgeoisie traditionnellement parisienne et d'une bourgeoisie nouvellement venue à Paris, d'une bourgeoisie issue de la culture de salon et d'une bourgeoisie issue de la culture de l'argent, si elle ne peut mettre en question le principe de la collaboration des classes (et des strates de classe à fortiori) s'en prendra au principe qui a présidé à la reconnaissance commune des classes auxquelles les nouveaux groupes ou strates s'opposent ensemble. Mais si le romanesque est mis en question, en même temps devra être affirmée l'intention de collaborer, de participer à l'esthétisme de salon. Aussi cette mise en question du romanesque sera encore romanesque. La volonté de collaboration est plus grande que la volonté de critique. Seront donc acceptés la structure de base, l'étant micro-originel, la détermination spatio-temporelle de la vie de salon, tout ce ballet formel par lequel la dynamique romanesque retranscrit ses péripéties dans le microévénementiel d'un maniérisme figé en une symbolique conventionnelle qui répète la problématique, de la première rencontre, et la reconnaissance, de la grande bourgeoisie par la noblesse. L'esthétisme des nouveaux arrivants pourra se rajuster à ce ballet car celui-ci est répétitif, indéfiniment renouvelable : il attend toujours la nouvelle péripétie qui actualisera la problématique, et permettra ainsi au processus de la reconnaissance de progresser en compréhension, en profondeur, tout en conservant l'incertitude du devenir, de la totale reconnaissance. Mais dans cette continuité de l'esthétisme, dans cette répétition de la structure, le renouveau de la problématique va transformer les modalités de la reconnaissance. La conversation va prendre une importance particulière. De simple élément constitutif, dans la détermination spatiotemporelle originelle, elle va devenir l'élément privilégié, le lieu et le moyen de la reconnaissance. C'est que la volonté revendicative des nouveaux groupes ou strates de classe trouvera dans la culture, la connaissance qui alimente l'esprit critique, l'arme même de la revendication. C'est seulement à ce moment que le sérieux, le réflexif, met en question l'influence déterminante de l'esthétisme
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noble (mais dans l'esthétisme de la noblesse). L'initiative n'est plus à la noblesse, la nouvelle bourgeoisie propose le thème de la reconnaissance (dans un maniérisme défini par la noblesse). Ainsi la conversation cultivée est le lieu d'affrontement que nul ne peut éluder. N i la grande bourgeoisie de la première période, en place de par l'hérédité des charges, qui doit maintenir son prestige d'intellectualité à l'égard de la noblesse, qui doit préserver une situation acquise. N i la nouvelle bourgeoisie, soumise au plus âpre concurrentiel de ses éléments, dont le mérite est à conquérir par le seul maniement du verbe. N i la noblesse, de plus en plus coupée de ses prestiges originels, qui s'est trop engagée dans un processus irréversible de reconnaissance pour jouer d'une autorité politique déjà trop lointaine (par le jeu des dynasties elle a identifié de plus en plus ses intérêts à ceux de la noblesse de robe) et qui doit donner la réplique dans un maniérisme, qui, pour garder tout son brillant, et les prestiges de son style, doit devenir un maniérisme du verbe, ce qui exige non seulement la compréhension mais aussi la faculté de répondre et de relancer la conversation. Alors, si la perspective romanesque n'est pas mise en question, eile va enrichir son formalisme originel de la préciosité. Ainsi bien des thèmes du romanesque seront modifiés dans ce passage d'un esthétisme du maintien à un maniérisme du verbe. Le romanesque est alors l'expression d'un irréalisme de classe (de la noblesse), de l'esthétisme d'une décadence, parce que la praxis qui assure le sérieux, la totale maîtrise du réel, est abandonnée pour une praxis contraire qui, tout en prolongeant une présence, lui enlève toute nécessité historique. Alais ce romanesque devient un réalisme car adaptation du chevaleresque aux nouveaux besoins définis par les nouvelles relations de reconnaissance. L'esthétisation de la praxis n'est pas marginale à une action sérieuse, effective et efficace, elle est l'action de classe, sérieuse, effective et efficace, contradictoire au rêve, à l'imaginaire gratuit que peuvent être le traditionalisme dans le fiel de plus en plus pauvre ou bien même le cynisme dans son machiavélisme de plus en plus subjectif, solitaire, «romanesque» aussi, par le contenu, le déroulement de l'intrigue et sa conclusion. Si le chevaleresque est transposé dans le romanesque, ce n'est ni comme rêverie nosta'gique contradictoire à une action prosaïque dont la finalité serait extérieure à la classe sociale, ce n'est ni comme action répétitive du geste originel de la praxis, mais c'est comme réalisation d'une nouvelle action qui peut se faire, se modeler, selon les formes du geste originel. Le maintien, le gestuel, se continuent pour dire une nouvelle praxis. Le romanesque marque bien, par :on ambiguïté, la transposition qui doit s'accomplir. (Et le genre littéraire ne fait que reprendre, dans l'accentuation exemplaire de l'esthétisation, la situation du salon dans son dualisme structure-
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dynamique.) S'il marque un affrontement politique cela n'est plus que le moyen d'une fin d'ordre privé, intime. Le romanesque est l'inverse du mythe : celui-ci est décision de l'action politique et cette décision a comme conséquence, effet, une détermination de la vie sexuelle, affective, par un formalisme. Au contraire, le romanesque part d'une visée particulière, affective et sexuelle. Mais celle-ci ne décidera pas de la praxis globale. Elle n'a pas assez d'autorité, de force, de dynamisme. Mais elle ne peut pas non plus, d'elle-même, réaliser son intention première. Pour cela elle a besoin de passer par le politique, de s'y adapter, de s'y faire reconnaître, pour alors revenir à l'esthétisme originel et réaliser ce projet originel de par l'autorité politique conquise. Le romanesque est encore une action, mais une micro-action, en un moment où la praxis est une action déjà accomplie, ou en voie d'accomplissement, qui ne peut se modifier que dans les détails. Ainsi le cycle romanesque est l'accomplissement du privé dans une praxis déjà accomplie dans ses grandes lignes. Le premier salon inaugure d'une manière exemplaire ce mode d'existence dans la culture française. Il est certain que les cultures de classe, déjà décrites, comprenaient les éléments de cette structure. Mais cela n'était pas un mode d'être de droit, reconnu et de valeur universelle, posé comme manière de réciprocité, non pas seulement sentimentale, mais civile, publique, substantialisante des partícula risations individuelles. Ces éléments étaient épars dans des durées discontinues ou fragmentaires et de par la praxis globale prenaient une autre signification. Ce romanesque, qui manquait de moyens d'expression, épuisait son potentiel dans l'actualisation ponctuelle de l'émotivation (pour la culture villageoise). Certaines individualités pouvaient reconstituer une assez longue trame romanesque mais alors dans des micro-situations qui préfiguraient le moment historique (par exemple le clerc, l'étudiant). Le sentiment amoureux, la situation romanesque, peuvent avoir de multiples analogies, mais d'ordre analytique et abstrait, de par l'extrapolation d'un étant en un en-soi d'ordre métaphysique, d'une métaphysique qui mythifie un aspect du réel. Pour cette démarche idéaliste, la détermination de la praxis n'est plus qu'un des multiples modes d'un à priori d'ordre psychologique, affectif, spiritualiste ou matérialiste. La structure est ignorée dans la relation de ses composantes, leur causalité, leur subordination, leur origine, leur vocation, leur rythme, toute cette disposition qui faisant l'unicité d'un moment est seule capable d'indiquer le sens des choses, car sens de l'histoire. Ainsi «l'amour» dans le chevaleresque, au moment de l'apogée de celui-ci (mythe), ne saurait être identifié à celui du romanesque. Bien qu'il y ait une continuité, de par le substrat qu'est le formalisme de la noblesse, la différence tourne à l'opposition, entre la relation affective de la maîtrise et celle de la
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reconversion, entre la subordination à lethique et la subordination à l'esthétisme, entre le tragique «distanciel» de la dame du suzerain au vassal et la nécessaire réconciliation dans l'intimité de salon. Certains moments du vécu existentiel peuvent être analogiques, ainsi les moments cruciaux du destin individuel (la rencontre avec la femme, l'affrontement avec le rival) mais ils ne prennent leur sens que dans le contexte global. La substance psychologique, individuelle, définie seulement par l'attitude critique, réflexive, de par la seule intellectualité, sans formalisme d'ordre collectif, est incapable d'agir sur la praxis globale. Mais cette impuissance politique, partielle, se compense par la pureté de l'individualisme, l'intégrité du réflexif. Le romanesque donne à l'individualisme psychologique un champ d'action, d'accomplissement effectif, concret qui est une nouvelle synthèse du dualisme de la première culture de robe ; il y a une action individuelle qui est réflexive encore et qui est participation au monde. Cette conquête d'un contenu politique connaît une double contrepartie : réification du réflexif et de l'action politique dans un esthétisme de classe. Cette semi-maîtrise de la praxis autorise l'interaction du politique et du privé que nous avons décrite. Ainsi l'organique se légitime dans la vie publique parce qu'il a su soumettre l'instinct à la culture des temporalités, de l'attente et de la péripétie, à tout cet esthétisme qui est l'aspect formel du romanesque. Sur le plan politique, la réalisation partielle, qu'est d'une part la reconnaissance de l'intention intime et par ailleurs la réalisation de l'ambition individuelle dans la praxis de classe, dans deux perspectives complémentaires, permet d'accepter sans frustration et sans revendication la soumission à l'autorité royale qui apparaît encore davantage comme le moyen et la garantie de la promotion sociale que comme la limite de l'autonomie de classe. C'est que se confondent le service du roi et le service de l'Etat, parce que, rappelons-le, le destin de classe de la bourgeoisie de robe est conditionné par le roi, qui a créé et défend la fonction de classe, et qu'ainsi l'ascendance de classe a besoin de l'ascendance du roi vers le pouvoir absolu. Ce pouvoir absolu au moment de l'apogée de classe sera alors limite d'ascendance, prise de conscience de la subordination dans l'apogée même. La relation structure-dynamique à ce premier moment de la vie de salon est romanesque car elle permet à la vie privée de réaliser la praxis de classe, et parce que la praxis de classe permet de réaliser le désir. Mais ainsi, cette praxis se condamne à ne pas atteindre la maîtrise politique qu'est la totale maîtrise du sérieux sur le frivole, autonomie morale et politique. En effet dans le romanesque il y a une constante critique, remise en question, de la structure par la dynamique, de celle-ci par la structure. Ainsi la struc-
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ture ne peut maintenir une réalité politique et de même la dynamique ne peut donner à un potentiel politique la continuité. Cependant le processus d'interaction n'est pas répétitif. Il est soumis à une dynamique extérieure à son principe, extérieure à la vie de salon, et qui assure un devenir de classe : c'est le renouvellement, l'augmentation quantitative de la bourgeoisie de robe, qui a comme effet un renouvellement qualitatif, qui sera véritable conscience de la vocation de classe, qui tendra à se nier en tant que telle dans l'accomplissement de sa fonction, dans l'universalité du rationnel. Mais alors le romanesque mis en question par le rationalisme (luimême mis en question par l'échec du jansénisme), ne pourra plus signifier la reconnaissance de la vie privée dans la vie publique. La praxis de classe a dénoncé le contrat originel avec le roi ; sa dynamique va vers une réalisation qui déborde de beaucoup la situation du romanesque et la problématique romanesque n'est plus qu'un aspect de la problématique de l'époque. Et si elle se prolonge encore c'est dans l'épuisement de la situation originelle ; la dynamique ne porte plus le contenu de la situation antérieure. d) Du romanesque d'épée (péripétie) au romanesque de langage : la préciosité (qui est aussi lieu de passage du romanesque à la raison). Liquidation du chevaleresque et autonomie de la ratio. Les universaux et le cycle du romanesque. Le deuxième grand moment de la reconnaissance, la préciosité, est déjà négation du premier moment, de la prédominance de l'esthétisme noble et de sa détermination romanesque de la reconnaissance. La synthèse (les conduites de reconnaissance) assure la prédominance de la bourgeoisie. Celle-ci n'est en dialogue qu'avec elle-même, comme réconciliation de deux moments de la culture de robe. Le chevaleresque, dégradation du mythe, qui s'était prolongé par l'alliance avec la bourgeoisie, est nié dans son dernier avatar. L'esthétisme étant maintenant bourgeois, geste de classe, le chevaleresque peut être relégué dans l'oubli. Cette démarche est nécessaire car prolégomène à la définitive autocritique du processus de psychologisation, d'individualisation, de substantialisation, que sera le rationalisme. Le passage du romanesque à la préciosité peut s'expliquer à partir de la péripétie romanesque. Celle-ci est ambiguë. Et sur le plan formel du genre (le roman) cette incertitude s'exprime par l'errance romanesque : l'événement est toujours à la poursuite de lui-même, l'intrigue ayant toujours χ déterminations, plus une. C'est que le projet, s'il se connaît, ne sait pas trop comment se réaliser. La puissance hésite devant son actualisation. C'est que le dualisme des classes hésite encore devant la synthèse, c'est que les termes contradictoires du jugement hésitent à se reconnaître dans la substance qui les niera. L'attitude réflexive est à un tournant. Après s'être compromise dans
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l'amalgame des jugements éclectiques, après avoir été totale création, encore individuelle, du comportement, elle semble se perdre dans l'errance romanesque. Celle-ci n'est que la turbulence de l'attitude réflexive, son indécision à s'accomplir, sa stagnation dans les jugements-péripéties. Sa progression est la moins soumise à la logique dialectique. Elle n'est même pas linéaire. Elle procède par zigzags, expériences pour voir, retours en arrière de consolidation, prolongements d'un fait pour le vérifier, sauts intuitifs par-delà des transitions apparemment nécessaires, scrupules réflexifs, mais vérifications subsidiaires, abandons d'une perspective pour une autre, plus risquée, mais peut-être plus avancée, raccordements sans transition, puis retours sur cette transition qui apparaît par la suite nécessaire de par l'inefficacité, l'impasse de l'action. Le jugement n'est plus la liberté individuelle sans avoir encore la nécessité de la res cogïtans. Le jugement erre dans les temporalités discontinues des jugements, qui cherchent, en s'harmonisant dans une continuité causale, l'harmonie d'une macro-durée qui pourra alors s'objectiver dans une substance. Ce n'est plus l'indépendance des notables et ce n'est pas encore l'autonomie de classe. Aussi les individualités sont-elles créatrices de collectifs, de représentations qui, d'individuelles, doivent devenir modèles culturels. Cette activité créatrice est expérimentale, manipulatrice d'éléments mi-conceptualisés, miempiriques ; mi-réels, mi-imaginaires ; mi-frivoles, mi-sérieux ; mi-privés, mi-publics. C'est cette fluidité des catégories non réifiées encore en contradictoires, qui est proprement romanesque, qui autorise le processus de reconnaissance des classes, des individus, parce que l'action (la démarche romanesque) s'appuie sur des relais qui ne sont pas des à-priori mais des élaborations provisoires qui permettent aux couples catégoriels de se reconnaître dans des aménagements successifs. Ces couples apprennent ainsi, en même temps, à se reconnaître, à se nommer et à s'opposer, de par cette logique de l'existentiel qu'est le romanesque, de par les croisements et recroisements, mélanges aux dosages différents, qui par la variabilité des différences permettent d'établir la constance des catégories. C'est l'individu qui assure le continuum dans le tourbillon événementiel. C'est lui qui se fait mesure de toutes choses, ordonnateur et calculateur. Et quand l'événement semble le dominer c'est pour le conduire vers une nouvelle révélation. La négativité ne peut se réifier en mal : elle est cause immédiate d'une rectification et la rédemption de la faute n'est jamais que la rectification d'une erreur. Mais si l'individu assure la continuité et la signification de l'événement, dans une progression aussi libre que nécessaire, l'événement par lui-même (intrinsèquement) se noie dans l'existentiel, la particularité concrète aussi précise qu'insignifiante. Aussi l'événement, dans son être pour autrui, c'est-à-dire dans la lecture qu'autrui peut en faire, pour que deux individualités pouvant en même temps
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le reconnaître puissent s'y reconnaître, peut et doit atteindre une signification à la fois événementielle et compréhensible selon le savoir de classe. La nécessité du code d'interprétation doit s'insérer dans l'empirique et le concret. Les deux termes, contradictoires, devront se concilier dans l'immanence de la participation et de la représentation. Aussi, vont apparaître des universaux qui marqueront une étape importante et dans l'évolution du jugement et dans celle du romanesque. L'intention subjective de l'individualité romanesque, cet à-priori de l'action, prend une réelle extension quantitative ; elle devient une commune manière d'agir, sans que ces comportements d'ordre collectif puissent atteindre l'objectivation qu'est la plus grande normalisation institutionnelle (d'ordre juridique par exemple). Ce collectif, paradoxalement non impersonnel, n'est cependant pas un inconscient de classe : il ne s'oppose pas à la réalité la plus déterminée, nécessitée par la praxis, mais au contraire il est l'expression la plus immanente de la praxis de classe. L'existentiel n'est pas l'interdit social, mais sa norme. Ainsi la-priori subjectif devient à-postériori de signification collective. Ainsi le jugement se fait synthétique, composite, d'intentionnalité et de réalité, d'imaginaire et de réel, d'individuel et de collectif, de sérieux et de frivole, de l'existentiel et de la praxis. L'à-priori subjectif trouve dans la nécessité à postériori sa justification au moment où les affinités ne sont pas encore devenues habitudes. Ces universaux sont un moment de la praxis : ils ne sont pas une réalité en soi, extérieure à l'action humaine, mais une action qui aménage ses intentions dans des durées qui n'ont plus la gratuité de l'existentiel sans avoir l'impersonnalité des macro-durées organisées soit par la nécessité organique (vie quotidienne) soit par la nécessité politique du travail. C'est dans l'aménagement des durées conquises sur celles de l'organique et du travail que le romanesque a pu structurer sa turbulence phénoménale. La frêle continuité assurée par l'individu, dans la constance subjective de l'intention, selon la confuse logique existentielle d'un romanesque qui ne se reconnaît pas encore lui-même dans la floraison des péripéties, peut atteindre un encadrement, un découpage, une formalisation indépendants de la seule durée subjective (qui permettra à la subjectivité de se renforcer et de se continuer). Le romanesque est une culture des temporalités, une maîtrise du temps qui est maîtrise du désir, en même temps que maîtrise de la praxis. La péripétie romanesque trouve sa finalité. Alors, de l'intention à l'accomplissement s'instaure le cycle romanesque, un devenir, une irréversibilité, qui élaguent dans les possibles du moment, selon la nécessité que porte le passé. La péripétie, ayant un passé et un devenir, n'a plus la gratuité qui autoriserait la répétition du moment comme dans la première manière romanesque, expérimentale, encore subjective. La péripétie
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ne peut plus avoir cette autonomie ponctuelle de la subjectivité s'accomplissant totalement dans la pseudo-réalisation d'un événement dont la médiocrité signifiante se rattrape dans la multitude répétitive. La péripétie se fait chronologique, causale, synoptique. C'est que son avant et son après ont trouvé par la praxis son commencement et sa fin. La péripétie se détermine par un cycle, qui est l'accomplissement d'un projet par un moyen. Ce projet est celui de la praxis de classe. Et ce faire d'un groupe sur la nature, mais dans une efficience infrastructurelle quasi nulle en regard de la praxis globale, aura une efficience superstructurale énorme. Certes, par un bien long détour, l'action intellectuelle de la bourgeoisie de robe retrouvera une efficience technique, de transformation, sur la nature (Encyclopédie) ; mais dans la perspective qui nous intéresse, au moment romanesque, la praxis de classe est transformation d'un groupe par l'action immédiate d'un autre, sans la médiation du travail. La nature, humaine, se transforme, parce que l'homme agit sur l'homme, à l'extérieur de la praxis globale, par une culture qui consacre une autonomie de la durée humaine. Et si c'est la praxis globale qui autorise ce faire, le travail en est la condition nécessaire, mais non le moyen. C'est parce qu'il y a ce travail que le romanesque peut être l'action de transformation, et le moyen de la transformation. Et si, après d'autres modifications, la praxis de classe retrouve l'action technique du travail sur la nature, ce sera dans le prolongement de cette autonomie de l'intellectualité acquise, dont les avatars sont des transformations de la nature humaine indépendamment de l'efficience technique sur la nature. La praxis de classe est alors reconnaissance de deux classes d'origines différentes, dans une nouvelle classe : c'est le romanesque. Aussi, son cycle (la totalité de la péripétie, la durée romanesque) exprimera la problématique et sa solution. De là ses moments chronologiques, déterminations de macro-temporalités qui décomposent l'action individuelle dans les moments de cette praxis qui est action réciproque de groupes humains. Le premier moment sera donc celui de l'intention, de sa prise de conscience, dans la reconnaissance la plus subjective, sans garantie, si ce n'est celle d'une attirance dont l'irrésistible nécessité doit donner ses raisons. Le deuxième moment, passage de l'intention subjective à la réalisation objective, aura donc sa nécessité dans le premier. Il est reprise de soi, dans son principe féminin, passif : c'est l'éloignement que la Dame impose au prétendant. Mais cet éloignement n'est qu'une épreuve, la reconnaissance définitive, par la Dame, trouvant son contenu dans les mérites du chevalier. Cet affrontement du monde, l'action, est aussi vocation du principe masculin. C'est donc dans les normes de la praxis que le principe féminin, l'esthétisme, situe le mérite. Mais cette reconnaissance du sérieux par l'esthétisme, a comme contrepartie la reconnaissance, dans la plus stricte
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réciprocité, de l'esthétisme par le sérieux. Et ce deuxième moment, qui est le tournant de la praxis, le passage du chevaleresque au romanesque va s'étaler en multiples épisodes qui, événementiellement, expriment les difficultés du mérite, et du retour à la Dame, mais qui ne font qu'exprimer, temporellement, l'ambiguïté de la praxis. C'est que celle-ci doit se décider entre l'action et la femme. Si l'action est être pour la femme, si le succès n'est que le moyen de la reconnaissance, alors le troisième moment s'accomplira dans l'épanouissement de l'individu par le bonheur. Car ce n'est que l'abandon (des mérites conquis) aux pieds de la Dame qui permet de conquérir son cœur. Mais alors l'action n'est qu'épisode, moment de la relation de l'homme et de la femme, du sérieux et du frivole, et elle renonce à la maîtrise politique, qu'elle soit celle du chevaleresque ou celle de l'argent (chrématistique). Ainsi, si le cycle romanesque distingue trois grands moments, ceux de la nécessaire chronologie de l'action, celle-ci n'est que la solution d'une problématique qu'elle s'est d'abord posée. Ces moments ne sauraient prétendre à une autonomie : les moments disent dans la chronologie la méthodologie de la praxis, sa prise de conscience, le problème qui doit se résoudre, et sa solution. Aussi, chacune des micro-temporalités comprises dans les trois grands moments doit aussi signifier la praxis dans son devenir, faire allusion à son avant et à son après, être à la fois une suite et un commencement. Chaque moment ne peut avoir de sens que dans le devenir. Mais comme il doit avoir aussi la signification intrinsèque de la transformation qu'il apporte (et qui relance le devenir) le moment se structure dans le dualisme, dans la confrontation du cycle et de l'épisode, de la praxis et de l'existentiel, de la nécessité et de la liberté, de l'affirmation et de la négation, du particulier et du général, de l'individu et du collectif. Le romanesque est une intériorisation qui ainsi peut jouer sa nécessité dans la bonne foi. Le destin individuel est liberté car il s'exerce dans la nécessité collective. Cette culture, totalement aménagée, conventionnelle, est le moyen d'expression de la spontanéité existentielle. Et cela, parce que c'est une culture de la temporalité, de la synthèse qu'autorise l'autonomie de classe, dans la tension de l'affrontement, de la création permanente, dans l'immanence d'une contradiction immédiatement résolue en réconciliation. (Mais cela n'est qu'un moment de la praxis, celui de la rencontre et de l'aménagement commun, avant la réification, dont une mesure sera la spécificité du genre romanesque, qui devient expression du pur imaginaire, à l'égard d'une praxis dont le réalisme romanesque ne sera plus qu'épisode de la praxis, et non praxis.) Quelle que soit la temporalité (cycle, moment, micro-moment), épisodie globale ou particulière, elle doit signifier le fait de culture, l'essence du romanesque. Cette essence est d'ordre politique :
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esthétisation de la praxis, par la réduction de l'action politique et collective à l'aventure privée et individuelle. Nous l'avons définie à travers divers modes et procédés (relation du sérieux et du frivole, relation structure-dynamimique, etc.). La culture des temporalités détermine l'essence romanesque dans l'encadrement de ces modes par la composante la plus impersonnelle, la plus universelle et la plus objective. Ainsi, le romanesque est non seulement dans et par les temporalités, mais il est les temporalités elles-mêmes. Les temporalités sont structurantes et structurées par le romanesque. Le temps est, et il est objectif, parce qu'il est romanesque. Sa réalité n'est pas celle de l'imaginaire, mais du réel. L'allusion constante au fait essentiel de culture n'est autre que la continuité du temps. Le jugement réflexif s'est objectivé dans une réalité collective qui d'une part le réifie, car il perd sa spontanéité, sa liberté, son individualisme, mais en même temps le promeut car elle est la substance même de l'action. De la participation naïve à l'événement au savoir des universaux et du cycle, le romanesque passe à son propre savoir, à la logique du romanesque. Dans le salon, cette attitude particulièrement critique, se fait préciosité. Le cycle romanesque tend à se réifier en rituel de la séduction, de plus en plus formel et maniéré, et les universaux en attitudes de plus en plus schématiques. C'est que le romanesque tend à se dépasser lui-même. La péripétie romanesque, dans son aboutissement événementiel est la réconciliation du sérieux et du frivole, et dans la phénoménologie sociale réconciliation du réflexif et du substantiel, du sujet et de l'objet. Ainsi la contradiction entre les modes de la substance, puis entre la substance et le réflexif, s'est réduite à la dualité d'expression du même substrat. Et si le romanesque trouve sa nécessité dans la péripétie qui doit aboutir à la réconciliation, la préciosité voudra considérer cette réconciliation comme acquise et point de départ. La péripétie romanesque sera alors de trop, car rappel d'une dualité encore de scission, mauvaise conscience de la préciosité qui doit cependant composer avec le romanesque dont elle n'est que l'accomplissement. Aussi la préciosité nie et affirme ce romanesque. Elle le nie en tant que moment accompli et elle l'affirme en tant que moment nécessaire. Substance incertaine, qui cherche sa certitude en ce qui n'est que son non-accomplissement et qui s'accomplit dans ce qui est sa négation (la res cogitans) la préciosité doit déjà affirmer l'universalité de la raison, et par le romanesque. Son paradoxe, et son déchirement, est de donner à la raison un esthétisme dont celle-ci n'a plus que faire dans l'expression de son universalité, mais dont elle a besoin dans la chronologie phénoménologique comme rupture avec le romanesque. L'engagement dans le phénomène doit être la preuve de la nécessité de l'universel. Cette impossible
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ascèse, de l'esthétisme par lui-même, est alors l'arrachement du réflexif au phénomène, la nécessité du saut qualitatif : la raison.
2. La troisième intégration : rencontre de la culture scientifique et de la culture littéraire, des nouveaux métiers et du mandarinat, de la nouvelle bourgeoisie et de l'ancienne a) Situation de la culture scientifique : la recherche et l'esprit de corps. Le milieu culturel et l'expansion de la moyenne bourgeoisie de robe. Programmatique formelle : c'est que la problématique scientifique ne dispose que d'un langage littéraire14 L'intellectualité, le sérieux des nouvelles strates bourgeoises, qui arrive dans le salon est ambiguë. Elle est d'une part d'ordre littéraire. Les humanités signifient toujours l'autonomie de la culture de robe. Mais en même temps, une connaissance d'ordre scientifique, portant à la fois sur les sciences exactes et les sciences de la nature, se développe parallèlement à la culture traditionnelle. Et cette connaissance va connaître un saut qualitatif, qui n'est autre que celui de la petite et moyenne bourgeoisie de robe (souvent d'origine provinciale), dont l'accroissement quantitatif (de par les nouveaux métiers et l'extension des anciens) autorise, à un certain moment, une transformation d'ordre idéologique. C'est que la revendication politique de ces nouveaux promus se heurte à la bourgeoisie de robe en place, à un maniérisme romanesque qui relègue à un rang de subalterne le non-initié. Aussi c'est dans la recherche d'un principe de culture, mais indépendant de la culture littéraire, que cette bourgeoisie cherche la légitimité de ses prétentions. Et à cette bourgeoisie revendicative va s'ajouter toute une tendance de la bourgeoisie en place, celle qui, dans la dynamique de la praxis, dépasse, elle aussi, le romanesque, dans la revendication politique, et qui, par la culture mathématique et scientifique, renforce son potentiel idéologique. C'est ainsi que la culture scientifique s'oppose à la culture littéraire mais à partir de la commune revendication culturelle.
14. La culture même et surtout la science est née de la polémique ; l'histoire de la science est celle des rapports de classes, c'est-à-dire des conflits individuels selon des motivations non sues de classes. Cette conception s'oppose donc radicalement à celle dont Foucault dans Les mots et les choses est l'interprète. A partir des raisons pratiques et quotidiennes, nous accéderons au discours constitué.
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L'enseignement de faculté est à la fois moyen et limite de cette revendication politique. C'est lui qui donne la dignité professionnelle et les moyens de la garantir, mais qui, ainsi, interdit l'expansion de la « recherche ». Il n'est que préparation professionnelle à un métier régi par un ordre corporatif qui cherche à affirmer des prérogatives de corps. Aussi les axiomes et les principes de ces sciences ne sauraient se mettre en question : l'autorité professionnelle en dépend. Et si la bourgeoisie éclairée est nécessairement de formation universitaire, ce n'est pas dans les cadres universitaires que la recherche d'ordre scientifique mais revendicative, d'une spécificité de classe, pourra se développer. Le cloisonnement, le non-expérimental, le corporatisme, les interdits et les tabous devront être contournés. Tout un milieu pré-scientifique s'est développé : rencontre de l'occultisme, du bricolage, du charlatanisme, du dilettantisme de rentier, des curiosités de cour, du bizarre. La circulation, entre le savoir corporatif et la recherche expérimentale, peut se faire par deux termes mixtes qui disposent du sérieux de la tradition, et ainsi d'une certaine méthode, mais qui se livrent aussi à la recherche. C'est d'une part le vieux savant isolé, qui se livre à la recherche pure, protégé pai un mécène (prince de l'Eglise par exemple), et par ailleurs le jeune promu dans une carrière (comme la médecine) et dont l'ambition peut contester la tradition. La synthèse entre les deux démarches de l'histoire de la science va se faire par l'extension des termes médiateurs. Les cas isolés vont constituer un milieu, de par la mutation sociale. La science officielle structurante, théologique (Sorbonne) et la science clandestine, de l'hérésie, de l'avant-garde, expérimentale, isolée, vont se dépasser en un milieu scientifique dû à l'expansion de la moyenne et petite bourgeoisie de robe. On ne peut séparer l'histoire de la science de l'histoire des classes sociales : de même que la science habilite la revendication de classe, l'implantation politique de cette nouvelle bourgeoisie promeut la science. L'histoire de la science permet d'établir la mutation politique, comme le progrès politique autorise le progrès scientifique. Prêter une économie apolitique à la science, à l'histoire de la science, serait aussi gratuit que d'étudier les rapports de classes sans leur support épistémologique. C'est donc parce qu'un milieu a pu se créer, celui du sérieux de la petite et moyenne bourgeoisie de robe, de formation universitaire, que la science peut connaître un saut qualitatif. Et c'est parce que le savoir est un pouvoir que ce groupe peut s'imposer dans la hiérarchie sociale. L'enseignement traditionnel doit se confronter à l'empirisme, à l'observation, à l'expérimental, à l'échange et à la confrontation d'opinions. Et cela n'est possible que par le saut qualitatif des échanges qui sortent de la clandestinité, de l'éloignement, de par l'implantation structurante, institutionnelle, conquise
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par cette petite et moyenne bourgeoisie. La revendication politique est professionnelle : l'autorité individuelle ne s'assied plus seulement sur la participation à la connaissance traditionaliste et structurante d'un ordre global, mais sur l'expansion que chaque individu peut donner à la classe, expansion qui est extension de fonction, la revendication politique se justifiant par cette expansion. Et la classe sociale doit donc réviser le rôle traditionnel du métier de par cet apport nouveau qui ne peut être que le fait de recherches et d'expériences. Ainsi, l'émulation entre gens du même métier, entre gens et métier, les conflits d'importance, la querelle individuelle sont les garanties de l'expansion de cette classe. Le concurrentiel inter-personnel dans la classe est le moyen du concurrentiel avec les autres classes. Mais cette expansion professionnelle de l'expérimental, de la critique et de la personnalité, est très rapidement limitée par la structure globale dont le corporatisme « scientifique » détient l'autorité. A la limite, la mise en question de l'autorité de la Sorbonne serait celle de l'existence professionnelle. Aussi la synthèse des deux perspectives de l'histoire de la science ratifie en définitive l'autorité établie, mais après que cette autorité ait accepté en fait une liberté expérimentale. La situation de la science est donc aussi la situation de classe. Le champ d'action, d'affirmation, de la classe, est celui de la science. Mais les progrès que celle-ci a accomplis, par la revendication sociale, ne peut immédiatement justifier cette revendication politique, transformer le rôle social de cette classe car la science n'a pas encore de valeur opérationnelle d'ordre pratique sur la praxis globale. Elle ne peut radicalement modifier l'importance sociale. Mais cette impuissance de fait ne fait qu'exaspérer la revendication de droit. Et ainsi mûrit une idéologie, se fait une prise de conscience. La conscience scientifique, la vocation, sont la volonté d'affirmation de classe. La conscience scientifique est alors antérieure à la science, le programme de recherche à la recherche. Et cette période est particulièrement féconde car ce sera celle d'une philosophie de la science programmatique, de l'enthousiasme épistémologique. Le besoin d'une méthode est le besoin de la nouvelle bourgeoisie de robe. b) L'autoùté mondaine est déchirée entre la tradition littéraire et la recherche spéculative : la dispute de salon. Le surgissement empirique de la méthode. Le danger de scission; mais l'honnête homme" est le modèle culturel qui autorise la provisoire réconciliation Mais c'est d'abord dans la conscience mondaine que cette revendication
15. Nous n'insistons pas sur la définition de l'honnête homme, figure déterminante pourtant, mais qui est bien connue.
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s'exprime. Car, si la science est justifiante, c'est dans le devenir ; la revendication mondaine immédiate, pragmatique, se justifie par une science dont la précarité de l'efficience, la faiblesse des réalisations, ont besoin de l'argument d'autorité, du recours au prestige du passé, pour s'imposer ou même se maintenir. La conscience scientifico-mondaine est alors écartelée entre l'autorité structurante et la programmatique déstructurante, entre le postulat et sa critique. Cette conscience est la seule autorisée par la situation de la science, par l'étroit champ opérationnel défini par la conjoncture sociale. Ainsi cette conscience ne peut être qu'incertaine : elle doit choisir entre sa justification par le passé ou par l'avenir. Mais ce choix ne pourra être fait que dans un moment postérieur : de par le dynamisme de classe (de fraction de classe : petite et moyenne bourgeoisie) dont le développement quantitatif autorisera ce saut qualitatif qu'est le rejet de l'argument d'autorité, la confiance tranquille à une vocation de classe justifiée par l'intérêt universel. Aussi l'étalement dans le temps de la problématique est nécessaire. C'est un moment clé de l'évolution sociale. La contradiction de la conscience moyenne, mondaine, doit mûrir jusqu'à devenir insupportable : par la confrontation continue, de salon, les points de vue passent de l'ambiguïté aux oppositions. L'ambition, le carriérisme doivent choisir : soit la fidélité à la tradition, soit les nouvelles sciences. Et à partir de ce moment, la confrontation des divergences peut être ludique à son origine (sur le plan de la joute de salon), devient celle des écoles, des sectes, des cabales. A propos d'aspects, peut-être particuliers, de l'organisation professionnelle, de problèmes de méthode, d'apports expérimentaux et empiriques se cristallisent des antagonismes latents, des prises de position qui débordent les cadres professionnels, les découpages corporatifs, qui deviennent des querelles publiques. Ainsi, par ce constant passage du prétexte particulier à sa résonance publique, collective, les antagonismes se prolongent, dans la continuité de deux perspectives de plus en plus contradictoires qui se systématisent en doctrines : sont apparues les constantes des divergences. Empiriquement surgit la méthode qui permettra de poser systématiquement cet antagonisme, et de le résoudre. Paradoxalement, l'étalement temporel, l'ambiguïté maintenue entre deux époques, l'hésitation entre des déterminations de structure ou de dynamique, autorise la coupure de l'avant et de l'après, du romanesque et du rationalisme, par la préciosité. Celle-ci, acquis substantiel, est arrêt d'un devenir. Le devenir est devenu : l'intentionnalité romanesque est un réalisme des durées, l'esthétisme de la noblesse et le jugement de la bourgeoisie ont fait leur synthèse en une strate de classe homogène. Mais si le romanesque se dépasse, c'est dans les spatio-temporalités qu'il a instaurées. Aussi, le réalisme des durées ne se met pas en question dans sa détermination substantielle. Ce qui se transforme, c'est
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la répartition de l'importance accordée aux étants. Le devenir de classe ne s'arrête pas à la préciosité, mais celle-ci arrête, fixe le romanesque parce qu'elle l'accomplit et le dépasse. La confrontation avec la nouvelle bourgeoisie de robe est la définitive réconciliation de l'esthétisme noble et du sérieux bourgeois (de culture littéraire). Devant les nouvelles revendications les vieux antagonismes, ludiques d'ailleurs, se réconcilient dans l'acquis substantiel. Et cet équilibre du sérieux et du frivole, qui sera un élément important du classicisme, peut opposer à la revendication d'ordre scientifique, expérimental, positiviste, un humanisme justificatif qui camoufle l'agressivité d'un esthétisme réifiée en conservatisme. Aussi l'opposition qui s'exprimera dans la préciosité, sera encore déchirée par la mauvaise conscience. Incapable de fonder un humanisme spécifique, de par la contradiction de sa revendication esthético-scientifique, elle doit consentir à l'ordre de la vieille génération. Ainsi la conceptualisation du sérieux scientifique, déjà déchirée par son antagonisme interne, doit se faire dans les catégories, le langage de la culture littéraire, de par la nécessité qu'est l'antériorité de cette culture, et de par sa maîtrise politique. Ainsi, à la limite, la préciosité se fera ridicule, se condamnera sur le plan mondain, quand incapable de savoir ce qu'elle dit (contradiction interne du scientifique), elle le dit bien, dans le langage du déni, le langage littéraire, paradoxale revendication esthétique et mondaine du scientifique. C'est alors qu'un choix s'impose : prolonger la contradiction qui est insupportable pour la revendication politique (mais participation à la bourgeoisie de robe) ou bien refuser cette participation mondaine et sa tradition romanesque dans une revendication politique qui impose la justification totalitaire du nouveau sérieux. Cette rupture radicale pourrait être une grave scission de la culture, et de la classe, dans la bourgeoisie de robe. En effet, le dépassement de l'ambiguïté de la culture littéraire permet aussi le dépassement de l'ambiguïté de la culture expérimentale pour la moyenne bourgeoisie. C'est la mise en question de la culture littéraire qui accélère le passage à une culture vraiment autonome, scientifique et rationaliste. Alors s'opposeraient une tradition romanesque et une revendication scientifique, une grande et petite bourgeoisie. Ainsi ces deux strates de classe pourraient liquider le non-dit, l'inconscient de classe qui s'est progressivement développé dans des antagonismes qui ne peuvent plus se résorber dans une totale réconciliation. A la conscience déchirée, incertaine de la moyenne bourgeoisie, se substituerait une hostilité déclarée entre la petite et la grande bourgeoisie. Et celle-ci répondrait à cet antagonisme par une réification réactionnaire, évitant ainsi une mise en question critique de son idéologie. La lutte des classes dans la classe permettrait, dans la prise de conscience politique, la liquidation des non-dits.
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Mais cet antagonisme ne pourra s'objectiver en un dualisme de classe ; il restera provisoirement latent. D'abord par la constante et commune soumission à l'autorité royale, à une maîtrise qui se fait absolue. Chaque promotion de strate de classe ne fait que consacrer l'aliénation politique. Alors que la grande bourgeoisie de robe, en place, traditionaliste, domine politiquement la nouvelle génération et la bourgeoisie de province, prenant conscience ainsi de sa volonté de puissance, d'affirmation politique, cette conscience revendicative se heurte au progrès de l'autorité royale. La même distance idéologique est maintenue entre le roi et la grande bourgoisie, d'une part, la petite et grande bourgeoisie de robe, d'autre part. Et cette distanciation, aliénation politique, est symétriquement la même pour la moyenne bourgeoisie. Son dégagement de la bourgeoisie commerçante (et bien souvent d'un petit commerce) qui est déjà une prise de conscience politique, une ambition mondaine satisfaite, ne fait que reporter la même distance, la même mesure, mais dans l'insatisfaction, l'amertume politique, entre petite, ou moyenne bourgeoisie de robe, et grande bourgeoisie. Donc, si une prise de conscience politique se manifeste, à travers tous les niveaux de la bourgeoisie de robe, c'est dans la commune soumission à l'autorité royale, dépendance qui fait accepter une soumission de par la promotion, qui est conquête d'une supériorité qui ne fait que consacrer une soumission : l'homogénéité de classe est garantie, et paradoxalement renforcée, par l'antagonisme entre la base et le sommet. Le destin de la bourgeoisie de robe est octroyé par le roi. La continuité de classe est donc toujours délimitée par la promotion de la bourgeoisie d'argent grâce à la vénalité et à l'hérédité des charges. L'attraction relationnelle qui permet de réaliser l'unité de classe, dans la reconnaissance de la grande et moyenne bourgeoisie, qui permet à la revendication politique d'atteindre la force idéologique qu'est la réconciliation de la culture littéraire et scientifique, sera plus forte que le conflictuel déstructurant, que l'antagonisme des strates sociales. Les non-dits, ne vont pas se liquider dans la réification de ces antagonismes, ce qui serait un grave échec de classe, parce que le négatif de chaque strate serait imputé à l'autre, et non aux déterminations politiques de la praxis globale, d'où une double faiblesse, et politique et idéologique. Les deux cultures vont se compénétrer (nouvel aspea du classicisme : l'honnête homme). c) La raison : le jugement atteint presque l'universel. Les sciences sont le lieu du dialogue entre grande et petite bourgeoisie, La classe atteint son unité : la phénoménologie se fait épistémologie et morale. La maîtrise de la nature
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sensible de l'homme (le mondain) autorise enjin l'étude et la maîtrise de la nature non mondaine10 Mais cette réconciliation n'aura plus l'indicible charme de la réconciliation romanesque, car elle est bien plus politisée, stratégique. Aussi, dans le nouveau duo de l'esthétisme et du sérieux, la frivolité qu'exprime l'esthétisme est déjà celle d'une synthèse avec le sérieux. La pulsion organique, déjà contrôlée, est maintenant soumise à une telle culture qu'elle ne peut plus être la référence, à travers la sémiologie de classe, de la réconciliation (bien que la satisfaction de cette pulsion organique demeure le signe de la totale reconnaissance.) Aussi les non-dits de classe n'ont plus la naïveté de l'arrière-pensée organique qui se cache derrière le ludique et dont la satisfaction entraîne la réconciliation des pensées. Les compénétrations se feront dans la volonté de résorber le nouvel antagonisme dans l'homogénéité de classe. Mais celui-ci demeure. Alors que dans le romanesque la réconciliation se fait dans une grande bourgeoisie, au niveau de la préciosité, la nouvelle réconciliation se fait dans la bourgeoisie de robe, ce qui consacre à la fois l'unité de classe mais aussi le dualisme grande et petite bourgeoisie «d'intellectuels». D'une part par le jeu des générations, la nouvelle strate devient l'ancienne, la bourgeoisie de province la bourgeoisie parisienne. La dynastie familiale passe de la petite à la moyenne bourgeoisie, et celle-ci à la grande bourgeoisie. Ainsi l'intégration s'accomplit. Mais constamment aussi s'opposent, à l'hérédité des charges, les nouvelles créations et les nouveaux achats. Constamment, la revendication politique se justifie idéologiquement, par les sciences de la nature, et professionnellement par la reconnaissance de nouveaux métiers. Le dualisme est inhérent à l'unité, la critique à la reconnaissance. Si la grande bourgeoisie consent aux sciences de la nature c'est pour renforcer son importance idéologique, mais aussi pour tenir à distance cet apport qu'elle considère comme secondaire, dans sa culture ; elle porte donc une attitude critique, sceptique dans ces sciences. Ainsi d'une part ces sciences vont progresser, la culture traditionaliste voulant battre la nouvelle culture et sur son propre terrain. Mais si cette augmentation quantitative des sciences exactes, puis des sciences de la nature (sur le plan global du connu et du connaisseur) consacre l'intégration, elle la nie de par le but critique de cette connaissance, qui veut délimiter et même mettre en question les conquêtes idéologico-politiques de ceux qui doivent rester subalternes. Mais cette volonté de négation ne fait
1 6 . Et c'est croyons-nous l'ordre de la science. La connaissance intégrale du social par les sciences humaines, qui sera le savoir de la société sans classes, autorisera alors la connaissance de la nature. Il n'y aura plus de tabous ou d'inhibitions de classes chez le chercheur et le budget sera adéquat.
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que renforcer ces sciences de la nature qui acquièrent ainsi leur aspect critique, leur «dans quelles conditions la science, et telle science est-elle possible», leur délimitation, leur méthode, leur nécessité. Car cette critique ne peut encore être totale, car la grande bourgeoisie de robe n'est pas encore ségrégative et logicienne, comme elle le deviendra quand elle voudra utiliser le formidable appareil conceptuel du rationalisme dans son intérêt propre. Ainsi, paradoxalement, dans ce moment quasi contemporain à l'élaboration conceptuelle du rationalisme, l'antagonisme des cultures ne fait que consacrer la progression des sciences de la nature et d'observation : Descartes n'aura qu'à systématiser dans La Méthode cette situation. La synthèse s'est faite, par le discours, mais sur la méthode. Quel que soit l'antagonisme dans la classe qui a le monopole de la pensée, la vocation de l'esprit dépasse ses déterminations réificatives dans sa démarche vers l'universel. La démarche critique de la moyenne (et petite) bourgeoisie des nouveaux métiers, de robe, sera symétrique : si elle reconnaît les valeurs de l'antagoniste, c'est pour les circonscrire et même se les approprier, en leur donnant une tout autre signification que celle de leur contexte originel. Cependant interviendra une différence essentielle. Alors que dans le premier cas la critique portait sur une réalité, mais d'ordre idéologique, spéculatif : l'importance, le rôle des sciences de la nature (qui entraînait une reconversion, mais d'ordre doctrinaire), la critique faite à la grande bourgeoisie portera sur la réalité existentielle, les temporalités du romanesque, parce que c'est la manière même de la reconnaissance qui est mise en question. Aussi cette mise en question est sans doute plus radicale, substantielle, que la précédente : elle est négation d'existence, de l'être pour autrui, et non plus négation d'un mode idéologique. Le sérieux des nouvelles strates sociales a donc suffisamment d'assurance pour revendiquer une autonomie spécifique par la totale négation de l'antagoniste. Mais cette revendication n'est qu'apparemment plus radicale que celle de la bourgeoisie de robe en place, car ce ne peut être que dans la réalité romanesque que cette critique peut s'actualiser. Et cette réalité peut être mise en question dans son romanesque (ses thèmes) mais non dans sa réalité : une structure des relations inter-personnelles, qui organiserait la spontanéité du vécu selon les significations politiques nouvelles, ne peut pas prétendre se substituer à la structuration du réalisme romanesque, car celui-ci a justement prévu les spatio-temporalités, les étants, les modes de relation de ce sérieux. C'est donc dans les modes de relations exemplaires du salon, dans la souplesse de répartition des étants du sérieux et du frivole que la nouvelle signification politique peut trouver son mode d'expression. La critique du romanesque sera immanente à son réalisme ; les étants ne changent pas dans leur nature, mais seulement dans la répartition de leur importance. C'est par
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l'étalement de la conversation sérieuse que se limitent, quantitativement et qualitativement, les autres durées. Ce n'est donc pas par un apport spécifique, nouveau, réel, que se fera la critique des étants du romanesque. Ce sera par une critique verbo-conceptuelle que sera réduit le coefficient existentiel. L'immanence de la participation sérieuse aux spatio-temporalités du romanesque autorise la constante critique réflexive de ce sur quoi le sérieux doit se gagner. Ainsi le réalisme substantiel des spatio-temporalités romanesques est dénoncé dans sa négativité, comme puissance trompeuse et selon le discours que définit l'individualisme de salon. Apparaissent ainsi de nouvelles catégories qui marqueront l'accomplissement, dans son dépassement, du psychologique. Ces catégories exprimeront encore le comportement inter-personnel. Mais la réflexion du sujet est passée de la critique à la raison, de la déstructuration à la structure. A l'attitude critique originelle, qui s'accordait par le jugement un choix opportuniste et subjectif entre deux réalités contradictoires qui se dénonçaient réciproquement, s'est substituée la réalité qu'est le dualisme de complémentarité (réalisme romanesque) où le jugement se fait collectif et reconnaît son bien fondé dans la synthèse substantielle de la reconnaissance. Alors la substance, autrement dit la classe sociale, s'étant atteinte, la puissance s'étant accomplie dans l'acte, ce qui pouvait être devient ce qui doit être dans la hiérarchisation en catégories du dualisme originel. La phénoménologie se transforme en épistémologie et en morale : le normatif de classe peut déterminer le devenir parce que la con naissance de la substance détermine les conditions nécessaires de son avènement. La morale est issue de la connaissance parce que celle-ci est issue de l'histoire. Et le problème épistémologique ne se pose qu'à ce carrefour de l'histoire et de la morale. La phénoménologie est devenue le normatif de l'action de classe et de l'action individuelle parce que son accomplissement est le commencement de la logique. Participation organique, connaissance du réel politico-mondain, morale de classe et individuelle, sont trois moments chronologiques dans ce devenir de classe, mais qui peuvent être représentés, par la pensée, synchroniquement. Le problème politique que la classe sociale doit résoudre se connaît en représentations morales. La conscience de classe est donc dans ce jugement particulier qui ne consent aucun résidu existentiel, aucune liberté aux pulsions organiques, par le triple barrage des représentations politiques, réflexives, morales. C'est la raison. Le revendicatif politique devient obligation morale car la connaissance fait passer les impératifs politiques qui ont déterminé la substance-classe sur le plan des impératifs qui doivent déterminer le comportement individuel pour que cette classe se continue, se renforce, et devienne hégémonique. La revendication s'exprime par l'obligation car une nécessité particulière est devenue 16
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une nécessité universelle (mais dans la classe) : c'est que l'intérêt mondain s'est identifié à l'intérêt universel qui l'accomplit en le dépassant. Cette prise de conscience s'exprimera en représentations intellectuelles, analytiques, car cellesci seront le moyen terme entre le politique et le moral, le langage transmutatif d'un ordre à un autre : c'est que la revendication politique est intellectuelle et que la morale n'est autre que la compréhension de la nécessité. Ainsi la raison met en catégories intellectuelles les catégories mondaines et dans un ordre qui est celui de la morale. La démarche critique s'identifiera à la démarche morale ; l'acquis phénoménologique sera ordonné dans ce qui doit être le devenir de l'individu. Le comportement individuel doit reprendre l'accomplissement de classe (le micro doit répéter le macro). Ainsi le psychologique est repris en catégories qui expriment les différents comportements individuels dans leur motivation, leur continuité, leur finalité, en dehors des accidents et des interactions, dans la totale signification que l'accomplissement (momentané) de la praxis peut leur donner. La culture romanesque s'axiomatise par le souci de la subordonner à des impératifs moraux : le sensible et l'imaginaire sont dénoncés comme puissances trompeuses. La réalité mondaine du romanesque conservera sa forme, mais sa thématique sera réduite à la dialectique de l'erreur. Son contenu se désubstantialise. (Et le romanesque, pour se continuer, après la critique du rationalisme devra se renouveler, et dans son contenu.) L'esthétisme n'est plus modalité de promotion sociale, mais décomposé dans les éléments constitutifs de sa génétique, intrusion d'empêchements anachroniques, de facultés humaines inadéquates à l'objet de la nouvelle praxis et même erronées dans leur principe. La vie sensible et imaginaire devient non seulement une erreur mais une faute : elle trompe sur l'action dans le réel et sur la nature du réel. Cette désubstantialisation du réel, par la néantisation de son champ mondain et de l'action dans ce monde, est une révolution radicale : elle enlève à l'humain son esthétisme, le seul moyen de reconnaissance par l'organique que la culture ait pu élaborer. Comment le rationalisme évite la frustation existentielle et le non-dit ? C'est que, par le même mouvement critique de néantisation, se reconstitue une autre réalité, et sur laquelle l'homme peut agir, par la science : celle de la nature non mondaine. Le rationalisme, au moment de sa conceptualisation, exprime la plus forte unité que la bourgeoisie de robe peut atteindre : les antagonismes s'interpénétrent par le consentement réciproque à la critique. Ainsi la classe se renforce doublement : l'aspect négatif de la critique ne peut encore occasionner une action de strate de classe spécifique. La dynamique ascensionnelle de la classe estompe le sentiment de frustration qui pourrait naître de la limitation des revendications des fractions de classe. Aussi le passage des perspectives partielles aux perspectives glo-
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baies n'est que renforcement du sérieux, de la substance, doublement satisfaits : la totale maîtrise de soi, du mondain, est preuve d'une maîtrise sur la nature qui doit se continuer sans rupture, s'élargir en la même maîtrise sur la totalité de la nature. Grande et moyenne bourgeoisie, nouvelle strate et tradition, bourgeoisie de province et bourgeoisie parisienne se réconcilient donc dans ce commun langage, le rationalisme, qui n'est pas alors une philosophie réifiée en un système, mais un mode de participation de classe, un échange qui doit être fructueux pour les deux parties. Ainsi le dialogue par son extension quantitative fait un saut qualitatif : la culture de groupes, auxquels se réduisait originellement ce qui n'était pas encore une classe, mais des apports hétérogènes, devient une culture de classe. Ses éléments ont un commun destin ; le système de fréquentations inter-personnelles s'exprime selon un système sémiologique déterminé par la réciprocité des perspectives particulières. Cette identité, qui s'éprouve par la réciprocité sur le plan des échanges mondains, concrets, empiriques, autorise l'identification de la prise de conscience, de classe, et de la philosophie de la connaissance. La classe éprouve son destin politique dans la connaissance de sa vocation scientifique. Aussi le politique ne se dit pas en termes spécifiques, en revendication d'autorité politique. Cette revendication est immanente à la vocation scientifique. Elle n'est pas cause, mais conséquence, corollaire. La dignité de la science est dans sa signification universelle : le politique est une fonction sociale subordonnée à cette promotion. Il ne peut faire problème par lui-même, car ses catégories s'organiseront d'après la culture scientifique. L'optimisme de classe est dans cette identification du prospectif politique et du potentiel illimité de la connaissance. C'est la première conscience de classe, l'extension quantitative opérant le saut qualitatif qu'est le passage de la culture de groupe à la culture de classe. L'identification du destin de classe et de la philosophie de la connaissance donne à la bourgeoisie de robe (au niveau de l'unité de classe qu'est le rationalisme) la nécessité politique. A ce moment historique, la phénoménologie de l'entendement accède presque à la logique. La classe dépasse alors son destin originel (création du roi, donc subordination à celui-ci) dans une autonomie qui a la nécessité d'un ordre logique. La bourgeoisie de robe, de terme médiateur, devient nécessité. Et nécessité de la médiation. Ainsi la classe qui a accédé à la raison est nécessaire parce que la raison a une nécessité d'ordre intemporel. L'instrument de la connaissance est autant la classe que la raison. Ainsi la phénoménologie est connue, aussi, dans sa nécessité logique. Si la bourgeoisie de robe est synthèse des deux cultures étymologiques (bourgeoisie et noblesse) dans une fraction de la population globale (classe) c'est que le rationalisme est équilibre du vital et du spirituel. Ce terme intermédiaire est
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nécessaire pour éviter à la fois la suffisance du corps et la suffisance de l'esprit. Entre le corps et l'âme, la raison cartésienne s'arrache au corps pour se préparer à l'âme. Elle est promotion de l'organique et propédeutique du spirituel. Et c'est parce que l'organique se rédempte sans se nier, par la connaissance, qui est promotion, réduction progressive de l'organique par la conceptualisation scientifique, que l'âme peut s'atteindre sans se nier encore par le nihilisme du tragique (jansénisme). Le terme culturel exemplaire s'est trouvé, mais parce que les termes antérieurs, par leurs contradictions, ont montré les insuffisances des cultures étymologiques, la répétition de l'une dans l'organique, la solitude de l'autre dans le prétexte spirituel. La nécessité s'est donc trouvée dans la complémentarité de la phénoménologie (classe) et du savoir (raison cartésienne). Elle est la médiation ; la bourgeoisie de robe est médiation, de classe, entre la noblesse et la bourgeoisie. Ainsi la raison est médiation politique entre l'organique et le spirituel. La conscience de classe est alors quasi ontologique. Il n'y a pas de distance entre l'être et le devenir, l'essence et l'existence. Alors que la culture théologico-structurante est rongée par le devenir, par le non-dit des classes subalternes, ce qui oblige la valeur à la répétition, la culture de classe (de la bourgeoisie de robe, de la raison) accomplira dans le devenir, et nécessairement, l'universel révélé par la substance. C'est peu dire que cette culture est optimiste : elle est, et le devenir. L'existentiel n'est pas perdu, mais il a perdu sa gratuité, son résidu irrationnel. Il devient la nécessité du devenir : la catégorie qu'est le temps s'ordonne selon la raison, sans résidu. Au niveau du rationalisme cartésien, on peut donc reconstituer par quelles données logiques la phénoménologie des mœurs est devenue phénoménologie de l'esprit. C'est par une culture de classe. Celle-ci est une synthèse des cultures étymologiques, du vitalisme et du spiritualisme. Mais la réduction de cette contradiction est aussi celle de la contradiction de la vocation de classe. En effet la bourgeoisie de robe connaît la contradiction qu'est sa création artificielle pour le service du roi et son autodétermination par l'intellectualité que sera le rationalisme. La classe s'atteint quand l'autonomie de sa fonction intellectuelle fait la synthèse entre le service public et les relations privées (ce qui est aussi la synthèse du vitalisme et du spiritualisme). Ainsi, dans la logique globale de la phénoménologie, la solution de la contradiction de chaque couple est subordonnée au dépassement de la contradiction de l'autre couple.
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D . LE CARTÉSIANISME N'A ATTEINT QU'UN UNIVERSEL DE CLASSE. LA DOUBLE CRITIQUE RATIONALISTE FAITE AU CARTÉSIANISME : VERS L'ÉCLATEMENT DE LA BOURGEOISIE DE ROBE. CETTE DUALITÉ DE LA LOGIQUE DE L'ESPRIT (JANSÉNISME) ET DE L'EMPIRISME DE L'ESPRIT SCIENTIFIQUE (EXPÉRIMENTAL) RÉDUIT LE SÉRIEUX DE LA CULTURE DE SALON A LA FRIVOLITÉ
1. La temporalité sans marginalité du relationnel (salon) : la substance psychologique. C'est cette substance qui sera la raison cartésienne (comme conceptualisation) et l'unité de classe (comme action) C'est à partir des spatio-temporalités du salon que nous avons défini cette dialectique du sérieux et du frivole qui aboutit au rationalisme cartésien. La culture, sur la nature, est exclusivement celle de l'interpénétration d'étymologies contradictoires : c'est une culture mondaine, celle d'un corps constitué, qui, en faisant la synthèse des cultures étymologiques, cellulaires, doit assurer le passage à une culture nationale. La mondanité de salon est ce passage. La bourgeoisie de robe agit sur elle-même mais pour déterminer les relations interpersonnelles qui permettent à la vie publique (comme à la vie privée) de s'étendre de la culture de cellule à la Nation. Et comme cette action est mondaine, le mondain est le salon, modèle nécessaire et suffisant. Aussi l'événementiel extérieur au salon ne prendra de signification qu'en référence à ces spatio-temporalités du romanesque (répétitives dans le macrosocial du modèle). L'appréciation, et la signification, par la vie publique est soumise à des à priori qui élaborent le fait. Celui-ci est alors soit intégré, soit rejeté. Les spatio-temporalités du romanesque ont un très grand pouvoir d'intégration. Ses catégories mixtes profitent de la moindre ambiguïté du fait pour le définir. Sa dialectique du sérieux et du frivole propose les catégories contradictoires qui nécessairement encerclent le fait livré à son surgissement existentiel. Ainsi la subversion existentielle du fait est exorcisée par la culture romanesque, et elle ne fait que renforcer cette culture, en lui donnant le goût et le charme de l'existentiel. Le romanesque est ainsi concept de salon et existence (extérieure au salon). Ce sont les modèles culturels du salon qui s'imposent aux faits extérieurs. Ceux-ci s'intègrent dans la signification du romanesque. Ainsi le subconscient de classe ne peut s'élaborer ni dans le sérieux ni dans le frivole. C'est que l'organique est suffisamment récupéré pour ne pas laisser de nostalgie, de regret. Le discours romanesque exorcise le fait organique, en détache la signification culturelle de ce qui devient un résidu purement réifié, statique, morne (le peuple et les putains). Ainsi la culture rejette la nature dans la masse, l'impuissance politique
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est l'impuissance de l'instinct à se dépasser et ainsi à se réaliser. La culture romanesque intègre le fait extérieur au salon en le dépouillant de la mauvaise conscience qu'il pourrait apporter à la culture de salon. Il ne lui est reconnu aucune véracité : s'il ne peut participer à la culture c'est qu'il n'est que nature, puisque la bonne volonté romanesque a essayé de le récupérer. Le fait extérieur non intégré, est connu, nommé. Il n'a de réalité que parce que la culture l'a dénoncé comme négativité. Ainsi se radicalisent les rapports de classe. La négativité n'est pas dans les spatio-temporalités du réel définies par le salon, mais à l'extérieur. Et cet en-dehors est connu, nommé. Ce n'est pas ce qui monte, menace, des privilèges économiques ou politiques. C'est ce qui menace la phénoménologie de l'esprit, et que la culture a rejeté. C'est une retombée sans dignité. C'est ce qui par l'intellection, le jugement, a été repoussé. Ainsi la contradiction entre l'intellect et l'inconscient est celle de la vie de salon et du peuple. Le salon est régi par le jugement, intellection en acte. Tout est nommé. Il n'y aura pas de non-dit, mais un comportement qui s'est refusé à l'intellection, et qui est le peuple. De là, la nature de la distanciation des autres classes sociales : pour que le faire ne puisse corrompre la phénoménologie, l'élan vers le relationnel, il doit être extériorisé en des classes sociales subalternes, objectivées, et tenues à distance. Alors qu'avec le peuple cette distanciation est facile et immédiate de par la formalisation sociale (soumise à une continuité de signes et symboles qui interdit l'intrusion, revendicative, de l'organique populaire) avec la bourgeoisie d'argent, la commune distanciation du peuple, la contiguïté des relations familiales, la continuité de promotion sociale (la bourgeoisie de robe est partiellement l'émanation de la bourgeoisie d'argent) sont des compromissions dans l'homogénéité organique de la bourgeoisie. Ainsi est renforcée la distanciation du peuple, mais est aussi établie une participation d'autant plus compromettante pour la culture de robe, qu'elle se définit dans les relations de la vie quotidienne, en dehors de la vie publique, essentiellement sur le plan des relations privées, familiales. Aussi la distanciation de la bourgeoisie de robe de son milieu familial originel essentiellement bourgeois (vénalité des charges) est une critique de la vie familiale, qui se manifeste par un conflit de générations, qui dénonce la complaisance à l'organique des relations familiales, en opposant à la familiarité de ces relations une préciosité qui arrête l'élan naturel, qui substitue à l'effusion intimiste un être pour autrui, qui n'est plus le père, ou la mère, mais l'auditoire public de salon. Ainsi la coupure de l'appartenance familiale complète l'éloignement de l'organicité qu'est l'opposition de l'intellect au commerce et à ses catégories vénales. Ainsi la distanciation sur le plan familial s'identifie à la distanciation de classe. Le jugement est alors opposition
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à l'affectivité familiale comme opposition aux catégories vénales. La coupure affective est la condition de l'autonomie réflexive. Il ne s'agit pas là d'une rupture mais d'une distanciation. On ne se fâche pas, on s'éloigne. Il n'y a pas de conflit ouvert mais il n'y a plus d'effusion. Ainsi le subconscient familial (freudien) ne saurait se former, la distanciation affective ne suscite pas de mauvaise conscience car elle s'objective en relations de classes ; et ces relations permettent de rejeter et de délimiter l'organique, et ainsi le jugement peut devenir catégorie rationnelle et la bourgeoisie de robe autonome. L'antagonisme d'ordre familial, privé, renforce l'esthétime de distanciation. La préciosité en particulier est autant distanciation de la bourgeoisie d'argent qu'attitude critique de la nouvelle bourgeoisie de robe à l'égard du romanesque étymologique. Cette complémentarité de la relation familiale et de l'attitude à l'égard des autres classes, renforce le mode d'existence, le formalisme esthétisant, et permet d'expliciter et de révéler tous les prétextes de conflits susceptibles de motiver un non-dit de classe, soit par l'assentiment à une frustration, soit par crainte de l'autorité du père. La revendication de classe, ou de la strate de classe, par l'intellection affronte les zones d'ombre, marginales à la conceptualisation, à la phénoménologie de l'esprit, au moyen d'un esthétisme qui peut pénétrer au plus secret des motivations relationnelles, qui peut dire existentiellement ce qui n'ose s'avouer, et qui ainsi fait, dans la praxis de classe, cette action sur la nature d'autant plus essentielle qu'elle peut passer inaperçue (de par l'intériorité à laquelle elle renvoie, fluctuante de par la constance de l'autocritique et ferme de par la constance de la réflexion;. Aussi l'angoisse, la mauvaise conscience, tout le pathétique du non-dit, ne peuvent troubler les spatio-temporalités de salon. Elles peuvent surgir, en cet étant, qu'est le «trou» existentiel, mais elles ne peuvent trouver une continuité qui naîtrait, soit d'une multiple répétition, soit d'un impact phénoménal intense, qui, en une seule fois traumatiserait tellement que la moindre allusion, ensuite, actualiserait ce traumatisme. C'est que l'urbanité de salon, politesse du concept, a su organiser le temps de telle manière que ses dimensions (passé, présent, avenir) ne sauraient se heurter en un conflit de personnes qui provoquerait le point de rupture. (Et comme par définition la vie de salon est exclusivement relationnelle, il n'y aura jamais cette solitude, qui, par sa seule durée, est une critique du relationnel et du collectif.) La «rêverie» qui se manifestera déjà dans le relationnel, quand la durée subjective tend à se substituer à une temporalité collective, cependant déjà réduite à la conversation intime (Marivaux) est rêverie devant l'autre. Aussi si le «rêveur» se «retire» de la spatio-temporalité de salon, c'est devant un témoin, et le rappel au réel est immédiat.
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C'est donc par un système de temporalités que s'explique la réduction du conflictuel en une correspondance, harmonieuse, de tous les aspects de la vie mondaine ; de même que les antagonismes du devenir peuvent se concilier de par la contemporanéité des étants, les antagonismes de ceux-ci se résolvent par le devenir. C'est que, dans les deux cas, le conflit doit déboucher sur la reconnaissance. L'actualisation des antagonismes, dans le contemporain, permet de réduire et d'étaler la contradiction en une diversité de perspectives ou d'intentions qui marquent des degrés, par l'ondoyance des personnes, ce qui autorise les confrontations qui ne débouchent jamais sur l'irréductibilité, mais qui entraînent des passages, des rajustements en des acquiescements ou des dénégations partielles. Ainsi les rajustements d'une spatio-temporalité à une autre, qui pourraient être le lieu de rupture, si les moments de la contemporanéité n'étaient pas distribuables en une continuité qui est celle de la continuité du devenir vers une fin heureuse, seront justement le lieu de la réconciliation. Ainsi les étants ne se juxtaposent pas, mais s'homogénéisent et se continuent, de par la continuité du devenir. Aussi, de même que le processus de la reconnaissance romanesque au niveau de l'intrigue personnelle, de même que le processus de la reconnaissance des apports de classe au niveau de l'aventure de classe, le processus de la reconnaissance des étants tardera à s'accomplir, sans jamais remettre en question cet accomplissement. Les étants se compénètrent et se complètent : le moment n'est pas constitué par la juxtaposition des étants mais par leur unité. Et leur distribution n'est autre que l'harmonisation du moment, dans une «spontanéité» qui permet l'adaptation de la situation à la vocation de chaque invididu, à chaque instant. Une constante réadaptation permet à la diversité des individus mais aussi à la diversité de l'individu, à chacun des moments de son devenir, et dans la diversité de ses tendances, de dépasser les conflits de tendances, de moments, de devenir, pour chaque individu et dans la totalité des relations interpersonnelles. Et cette réadaptation assure paradoxalement la continuité d'un destin individuel, car elle reconstitue la totalité des composantes du destin de classe, de par l'usage des étants du moment. Ne peut surgir une frustration car le devenir permet toujours une compensation ; la réadaptation apparaît avant l'échec. Aussi le destin individuel ne connaît pas de décalage entre la puissance et l'acte, l'individu et la classe, le moment et le devenir, les étants du moment. C'est un destin sincère et heureux vécu dans la substance du psychologique. Aussi le rationalisme peut conceptualiser cette phénoménologie, quand elle s'accomplit, en système de la totale reconnaissance. Le destin individuel, et la classe, sont parvenus à l'élimination de toute négation, de toute critique, de tout non-dit. La classe a été le lieu d'une culture du temps : la dialectique du devenir et du moment a atteint sa plus grande plénitude. Le moment dans son
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contenu culturel, n'est menacé ni par un avant, ni par un après. Ainsi accomplit-il la perfection de la présence, de l'être-là, du destin individuel. Et le devenir ne fait qu'accomplir sur le plan de la classe cette perfection : la raison cartésienne est le lieu intemporel qui dit le non-conflictuel, la réconciliation des durées en leur synthèse, le passage d'une présence qui se justifie à une présence qui s'est justifiée. Mais c'est justement le rationalisme qui va autoriser l'intrusion des durées signifiantes de nouveaux aspects de la praxis. Et ces durées font éclater l'harmonie que les durées de salon avaient pu acquérir. Celui-ci ne sera plus le lieu exhaustif des significations culturelles. Le salon se prolongera, mais la culture mondaine aura subi une telle critique qu'elle ne pourra plus se proposer comme destin exemplaire. 2. Dichotomie esthétisme de salon et esprit scientifique. La querelle à propos du fait scientifique : le combat épistémologique En effet la culture de salon est doublement mise en cause par le rationalisme cartésien. Alors que la période pré-rationaliste est celle de la réconciliation de la tradition littéraire et de la nouvelle culture scientifique, de la grande bourgeoisie et de la moyenne bourgeoisie, pour atteindre l'unité de classe nécessaire à l'efficience d'une revendication politique propre à la classe et nécessaire à la praxis globale (et cela par une critique réciproque qui, paradoxalement, autorisait la complémentarité) une fois que cette unité s'est accomplie dans le rationalisme, la période immédiate sera celle d'une revendication politique, qui dénoncera, et par le rationalisme, l'unité acquise pour des revendications particulières, «fonctionnelles» de la bourgeoisie de robe. La critique, qui avait réconcilié conscience et science dans la raison, va les juxtaposer, dans la juxtaposition politique d'une grande bourgeoisie réactionnaire et d'une nouvelle bourgeoisie qui deviendra révolutionnaire. La culture traditionnelle de salon sera alors doublement dénoncée. Par la conscience morale qui fait du salon le lieu d'exercice des puissances trompeuses et qui radicalise sa critique en l'étendant à toute relation d'ordre mondain, à mesure que le développement de celui-ci réduit en aigreur fractionnelle ce qui était remontrance réflexive. Et par l'esprit scientifique, pour qui le jugement réflexif qui a fait le sérieux du romanesque n'est plus qu'un exercice de salon sans objet, qui a perdu son opportunité dans la réification des conduites en maniérisme conservateur. Ainsi les deux perspectives critiques opposées, car l'une est d'ordre spirituel et l'autre deviendra matérialiste, se réconcilient pour dénoncer l'esthétisme frivole de la vie de salon. Ainsi, à la distanciation de l'esprit et du résidu mondain, romanesque, cor-
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respond symétriquement la distanciation de l'esprit scientifique et du sérieux mondain. Ces tendances de classe, qui font éclater l'homogénéité du salon en trois perspectives, se matérialiseront en conscience politique, en revendications d'autorité et de prestige. Le salon, de lieu de synthèse exemplaire du sérieux et du frivole, devient le lieu privilégié du frivole, par la commune distanciation de l'esprit et de l'esprit scientifique. La vie publique tend à se dédoubler en deux systèmes de relations : la vie de salon et celle des échanges extérieurs au salon. Ces échanges seront particulièrement ambigus. S'ils se font communs, de par la commune opposition au monopole culturel du salon, c'est dans l'opposition des tendances. Et cette commune opposition n'est autre que celle des extrêmes au terme moyen qui ne peut plus les réconcilier. Aussi, lorsque le terme moyen sera discrédité, les antagonismes de tendances se réifiront dans la contradiction réaction-révolution, dans la conscience et la thématisation politique. L'antagonisme des tendances doit donc partir du fait unificateur (de classe), c'est-à-dire du dialogue à propos du fait scientifique, du fait culturel, pour prendre conscience de la spécificité des ambitions professionnelles qui tendent à s'homogénéiser en strates de classe dans la contradiction des revendications politiques. Le cheminement est celui de l'unité à la contradiction, du scientifique au politique, dans la constante du langage rationaliste car dans la continuité de la bourgeoisie de robe. Le fait scientifique, au sens très large de fait culturel, va passer de sa signification intrinsèque, scientifique, à une signification politique, parce qu'il justifie, ou pas, une expansion de classe, qualitative et quantitative, et son autorité politique. Aussi le fait scientifique n'est plus, comme pour la préciosité, le prétexte d'une relation humaine. Il en est devenu la raison, le motif. Il n'est plus, comme pour le rationalisme, moyen de réconciliation, mais controverse et prétexte de rupture. L'intéressement politique déborde donc l'effectivité matérielle de la science. (Et c'est cette signification politique qui sera le motif de son développement.) Tout un secteur du travail, de l'expérience, de la réflexion, qui existait déjà, mais qui n'entrait pas en considération dans la vie publique, objet seulement de correspondance, de curiosité, d'activité individuelle, sans grand écho collectif, va devenir le motif des relations inter-personnelles. Et ce système de relations, s'il s'exprime aussi dans le salon, n'a plus sa raison dans la culture de salon. Il est reconnaissance d'une action dont l'objet n'est plus l'homme particulier de la relation de salon. Aussi, parallèlement aux relations de salon, les relations professionnelles, et les relations encore plus sélectives, et «désintéressées», à propos d'expériences scientifiques ou de problèmes mathématiques, se généralisent. En même temps que la praxis de la bourgeoisie de robe se particularisera
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en antagonismes politiques, la problématique scientifique s'apparaîtra dans un dualisme idéologique. C'est que l'unité de classe, proposant un «instrument» matériel et idéologique, suggère le sentiment (goût et besoin) d'une revendication politique. S'actualise la revendication passée de la fraction de la bourgeoisie de robe qui s'était avec le plus de constance, et d'efficacité opposée au pouvoir royal, de par son importance sociale et la dignité de sa fonction : la bourgeoisie légiste, qui, de par sa situation institutionnelle (parlement) donne la légitimité de la tradition à une opposition de tendance légaliste, juridique, qui, empiriquement, prend une signification constitutionnelle. La revendication professionnelle de la nouvelle, moyenne, bourgeoisie (dont le métier, expérimental, est souvent délimité par un recrutement, une tradition, qui s'avèrent coercitifs au moment où un acquis scientifique justifie déjà l'expansion de l'expérience scientifique) s'identifie à la revendication politique, qui n'est d'abord qu'une critique de l'ordre établi, au niveau de l'échange de groupes, sans programme politique, comme contestation du privilège de classe, acquis, corporatif. L'instrument, qu'est le rationalisme, va devenir le prétexte d'un combat sans merci, qui doit décider de l'orientation politique de la classe, au profit de l'une ou de l'autre de ces fractions de classe. Et ce combat, qui sera l'éclatement du rationalisme, ne fait que révéler la volonté stratégique qu'est l'unité de classe, qui a été nécessaire à l'action politique et qui se nie dès que l'opportunisme semble pouvoir décider de l'accession au pouvoir politique de la grande, traditionnelle bourgeoisie, ou de la moyenne et nouvelle bourgeoisie. L'accession au pouvoir absolu de la monarchie, ne sera que l'effet de ce dualisme qui, l'unité de classe atteinte, n'est plus de complémentarité mais de déchirement. Si le jansénisme est condamné par le roi, c'est que le roi profite du conflit pour arbitrer, écarter le danger le plus immédiat, et ainsi prolonger une domination sur une classe qui s'est amputée de son passé, de sa conscience, au profit de l'avenir et de la science. Ce combat se fera sur la notion d'expérience. Celle-ci est la révélation privilégiée de l'empirisme. Elle décidera de la primauté des ordres. C'est que l'expérience interprète, signifie, dans une commune zone, qui justement, à priori, semblait n'appartenir à personne, parce que lieu neutralisé de la culture, d'usage de la nature, secteur que les déterminations de classe n'ont pu pénétrer. Ce terrain vague, qui est la nature, propose un matériau inutilisé par la culture, et dont le surgissement, la manifestation n'étaient pas argument de classe, idéologique, justificatif. Aucune des strates de classe en conflit ne devait l'utiliser. Aussi tous les surgissements du divers, par définition, ne pouvaient trouver une continuité. Mais une philosophie surgit au moment où s'accumulent trop de faits dont la culture ne peut rendre compte. Ce passage
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du quantitatif au qualitatif est l'empirisme. De multiples secteurs de préoccupations se sont homogénéisés en sciences, d'après des à-priori, des nomenclatures, des domaines, des expériences directement déterminées par le conditionnement historique, c'est-à-dire dans la confusion de l'arbitraire, du partiel, dans la juxtaposition des moments et des moyens. L'empirisme prétend systématiser ce divers en une culture qui n'emprunterait rien aux structurations politiques acquises. Sa justification sera l'expérience. Celle-ci est preuve de l'erreur ou de la vérité. Erreur d'une systématisation de la culture politique au pouvoir, révélée par l'apparition d'un fait nouveau. Ce fait est dénégation du principe déductif donc fondamental, de toute une science, ou dénégation du fait exemplaire qui est à l'aboutissement déductif, ce qui met en question soit toute la chaîne des raisons, soit l'un de ses moments, soit son commencement. Mais comme une erreur locale dans la systématisation logico-déductive remet en question non seulement la science particulière où cette erreur est apparue, mais toutes les sciences dans leur fondement épistémologique, lequel est la justification d'un ordre politique, l'expérience prend une énorme importance. Et celle-ci est d'autant plus politique que l'expérience prétend s'ériger en fondement de la connaissance. Et l'expérience seule. C'est-à-dire la particularité, la spécificité d'une réalité artificielle, recréée en dehors du contexte naturel. Et dans le décalage d'une spatio-temporalité de laboratoire, d'appareillage, et de la spatio-temporalité purement cosmique, « naturelle ». Et dans la prise de conscience confuse que les catégories de l'entendement ne correspondent pas au monde naturel tel qu'il est, en soi, que peut-être l'entendement ne peut connaître cet en-soi en dehors de ses manifestations, souvent provoquées, toujours conditionnées par le concret et le particulier. Ainsi, c'est la singularité d'une expérience qui dit l'unicité de chaque science ; celle-ci ne peut être un prolongement déductif ou un à-priorisme. Cette discontinuité, en même temps qu'elle s'interdit une systématisation dans une nécessité d'ordre structuraliste, interdit cette prétention à toute science. Ainsi l'ordre politique en place n'a pas le droit de se justifier par la perspective épistémologique. Mais l'empirisme rétablit une continuité et une nécessité. Si la science doit s'interdire, par définition, toute généralisation, toute réduction, subordination d'une expérience à une autre, l'expérience par elle seule supplée par sa multiplicité, sa répétition analogique, sa diversité, à l'ordonnance de l'à priori ou du déductif. C'est que l'empirisme ne surgit dans une société donnée, qu'à ce moment où la multiplicité des faits nouveaux non seulement dément la justification idéologique de l'ordre établi, mais aussi reconstitue une chaîne, non plus de raisons, mais de comportements, d'actions, qui se relaient, se renforcent, se critiquent réciproquement
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dans la continuité d'une attitude mentale qui n'est autre que celle du jugement, critique, interprétatif. Et l'état quantitatif des faits expérimentaux est tel que le comportement personnel peut se soumettre non pas à ces faits, mais au jugement qu'ils provoquent, lequel jugement trouve sa continuité paradoxalement, de leur hétérogénéité et même de leur juxtaposition. C'est la manière d'interpréter qui se fait méthode et se substitue aux interprétations et à la multiplicité expérimentale. Aussi la culture conservatrice est amenée à surenchérir. Ainsi elle favorise la quantitativation expérimentale dont se prévaut l'empirisme, ainsi elle justifie le climat culturel subordonné à l'expérience ; elle accepte comme jugement, dans la querelle entre l'appareil à priori et déductif de sa culture et l'empirisme expérimental, le jugement de l'expérience. Et cela devient un fait d'expérience, culturel, le principe des échanges. La culture conservatrice est forcée d'accepter le combat sur le terrain de l'adversaire. Pour prouver sa validité elle recherche l'expérience qui vérifiera son à-priorisme déductif ou l'expérience qui démentira la dénégation déjà apportée par une autre expérience à son système. La prise de conscience du conflit politique se fait par cette scission du rationalisme, par la constatation d'un conflit là où était la collaboration. Ce sera d'abord sur le plan des relations privées que l'antagonisme va apparaître. Et celui-ci sera alors d'autant plus grave, traumatisant sur le plan affectif, que c'est dans une assez courte période, souvent sans le décalage d'une génération, que se fait le passage d'une amitié, d'une réconciliation (à propos de la science, justement, par-delà le relationnel de salon), à une fâcherie, à une rupture, toujours à propos de la science. Souvent c'est le fait expérimental, et la controverse au niveau professionnel, dans ses répercussions de carrière, de prestige (car chaque groupe ou strate de classe s'organise dans une hiérarchie tacite des mérites, avec des leaders soit politiques, soit scientifiques, qui sont soit des inventeurs, soit des divulgateurs, selon une stratégie d'attaque ou de défense, dans un concurrentiel qui stratifié, la strate de classe, par tout un réseau de fréquentations privées ou publiques) qui est le prétexte de la rupture d'autant plus passionnée que l'amitié était profonde. 3. Le dédoublement conscience-science. La nouvelle pratique du relationnel contre l'à-priorisme moral lequel se coupe de l'action et retrouve la subjectivité. Logique de cette subjectivité : de la passion à la spiritualité17 Mais si la cause originelle de la rupture est le rôle de l'expérience scienti-
17. Cf. à ce sujet L. Goldmann, Le Dieu caché, et H. Lefebvre, Pascal.
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fique, si l'antagonisme s'actualise d'abord sur le plan professionnel et dans les prolongements mondains des obligations de carrière, la distanciation en bourgeoisie conservatrice (Parlement) et bourgeoisie empirio-progressiste, atteindra la structuration des relations interpersonnelles en toutes leurs modalités. Le commun jugement est à la fois mode d'être et de relation ; il est participation à la substantialisation de la strate de classe et confrontation à fin d'échange culturel. Il porte donc une antinomie entre la particularité de sa motivation et l'universalité de son intention. Il est à la fois d'ordre métaphysique (explication de l'être-là) et d'ordre politique (justification par l'expansion de cet être-là) .C'est donc par le jugement que vont se confronter les modes d'être des strates de classe. Et le relationnel devient le lieu de confrontation des substances. C'est de par le rapport humain qu'apparaît la contradiction. Ainsi l'empirisme trouve de par la continuité du relationnel un autre lieu de continuité expérimentale. La science autorisait déjà, de par la multitude de ses faits, une continuité, mais d'ordre épistémologique. De par la confrontation quotidienne l'empirisme trouve son continuum : une succession tellement rapprochée de faits que les jugements successifs, dans leur constante critique, s'homogénéisent dans la substantialisation, la structuration d'une idéologie et d'une quotidienneté d'ordre épistémologique, sociologique, politique. L'expérience n'est plus l'exceptionnelle expérience scientifique mais celle de la vie quotidienne. Ainsi vont se juxtaposer deux modalités du jugement qui ne peuvent trouver leur moyen terme : le jugement empirique et celui de la logique (opposition aussi de la culture des «humanités » et de la culture expérimentale, de la culture de personne à personne et de la culture de l'homme à la nature) juxtaposition qui débouchera sur un dédoublement de la raison, en conscience et en science, en une strate de classe qui se refuse à l'empirisme et en une strate de classe qui se refuse à l'universalité de l'à-priorisme. Le jugement déterminé par le relationnel humain, dont la volonté de réciprocité était devenu le principe de connaissance, ne peut s'appliquer dans le domaine empirio-naturel. Les catégories sont sans usage dans ce nouveau champ expérimental. La nécessité déductive du rationalisme finit où commence l'hypothético-inductif de l'empirisme. L'à-priori est nié par l'à-postériori. Pas de réconciliation possible entre une volonté qui accomplit un universel abstrait et un opportunisme qui ne se réfère qu'à la nature. Ainsi le réflexif se coupe de l'action. Alors que dans la détermination des spatio-temporalités du réalisme romanesque, le jugement était immanent à son accomplissement, de telle manière que la subjectivité s'objective en réalité, le jugement de la nécessité accomplie et révélée (de la raison) ne peut trouver
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le principe de son action en dehors de lui-même. C'est la raison qui donne les raisons de l'action, dans un décalage causal. Il y aura une connaissance antérieure à l'action et qui détermine celle-ci. Bien connaître sera bien faire. L'autonomie de l'action est dans la nécessité de la substance qu'est la res cogitans. Aussi toute action, effective mais sans la soumission à l'à-priori (donc action qui se ramène à la constante dénégation, par la nature, de la culture qu'est la reconnaissance de l'autre) peut être refusée, non sur le plan de l'existence, du jugement de réalité, mais sur le plan de la valeur. Ainsi se forme le jugement moral, la réduction de la réflexion à la réflexion morale : ce qui doit être et ce qui n'est pas. De l'être au devoir être, mais sans le champ social d'action. La conscience morale, en même temps qu'elle se reconnaît, doit reconnaître aussi son irréalisme, sa supplantation dans le devenir de classe, par l'empirisme et l'expérimental. La tentation d'identifier l'irréalisable et la morale justifie le renoncement à l'action, par la supériorité de l'esprit, par le passage de la culture inter-personnelle à la culture de la seule intériorité, purifiée de toute contamination dans le monde. La rupture avec l'extériorité entraîne le dédoublement, en intériorité, d'une conscience jugeante et de sa propre action. Tels sont donc les moments génétiques de la conscience morale : à partir du rationalisme, le réflexif immanent au scientifique, se coupe de toute préhension dans et de la nature. Mais abandonnant cette action, elle abandonne aussi le devenir de classe. Son champ d'action devient l'intériorité. Le réflexif opère une réduction axiologique du relationnel. La nécessité, d'origine empirique, devient un à priori dégagé de tout empirisme. Mais ce moment où se sait le mieux ce qui doit se faire est aussi celui où l'on peut le moins le faire. Cette première contradiction, entre le savoir et le faire, va s'élargir en une contradiction bien plus fondamentale car immanente à cette conscience morale. Celle-ci fait apparaître la dualité entre un à-priorisme rationnel et un comportement empirique et mondain. Celui-ci n'est autre que la conscience romanesque qui a perdu sa nécessité. Les structurations des réalités spatiotemporelles n'ont plus le principe de cohérence qu'était la nécessaire reconnaissance des contradictoires, des origines de classes différentes, puisque la bourgeoisie légiste se coupe de la bourgeoisie empiriste. Aussi le romanesque n'a plus de signification universelle ; il n'est plus qu'un être-là, extérieur et mondain, mais qui est aussi mode d'être, structure de la conscience. Et dans celle-ci la nature se révèle dans son enracinement réflexif (le jugement). L'être humain est donc essentiellement corrompu. La pensée elle-même ne fait que justifier une action qui lui échappe, et qui est celle de la nature. Aussi même l'action spécifique à la strate de classe est suspecte. La seule justification ne peut être que dans la critique non seulement de l'action empirique de la nouvelle bourgeoisie, mais aussi de l'action dans les spatio-temporalités
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du romanesque, même à ce moment de la préciosité, où le sérieux et le frivole s'équilibrent. Et ce processus critique va se tourner vers lui-même, se fera une critique de la critique. C'est que la revendication particulariste doit subir la critique de l'universel. L a priori, d'ordre nécessaire et universel, ne peut être justificatif d'une action de strate de classe qui nie la vocation pratique de sa classe. Aussi la négation de tout devenir se tourne aussi vers la nécessité d'un devoir être. L'attitude critique met non seulement en question toute action, mais aussi tout fondement de l'action. Le principe de toute action (romanesque ou scientifique) se corrompt dans l'empirisme et le particulier. L'universel est mis en question par la particularisation des strates de cl?sse. Cette autocritique est d'abord délimitée par l'ambition de la strate de classe. Tant que le sérieux légiste joue un rôle politique (aussi restreint qu'il soit, mais fondement de fait d'une vocation de droit, qui autorise l'optimisme dans la continuité d'un événementiel historique, dans la légitimité d'une opposition qui trouve dans l'indignation la justification morale de sa prétention politique), l'attente du moment opportun restreint la critique par l'éloignement (tactique alors suffisante) de la classe moyenne et nouvelle, de son empirisme, et de la frivolité romanesque. Ainsi se renforce la bonne conscience légiste, qui peut prétendre étendre ses à priori juridiques et formels à la légifération au niveau du pouvoir politique. De plus, l'autorité politique du roi est étymologiquement, le fondement de l'autorité professionnelle du légiste. Aussi le progrès de l'autorité royale est aussi celui de l'autorité professionnelle. Ce qui autorise ambiguïté et attentisme. La collaboration pourra se dénoncer au profit du Parlement. L'autorité acquise par son implantation sociale l'autorise à revendiquer une collaboration qui, dans les deux perspectives possibles de l'évolution du pouvoir royal, lui serait profitable. En effet, le Parlement pourrait être limitatif de l'autorité royale ; il exercerait un droit de contrôle, un droit de veto qui préfigureraient une monarchie constitutionnelle. Et si l'autorité royale se fait toute-puissante, cette grande bourgeoisie de robe pourrait prétendre, de par la dignité de sa culture et la tradition de sa fonction, devenir l'instrument gouvernemental, le lieu quasi exclusif du recrutement des dignitaires du régime. Aussi, dans cette espérance, dans cette attente, la distanciation avec le reste de la bourgeoisie de robe ne fait que renforcer une suffisance de strate de classe pour qui le potentiel légiférant de son à-priorisme, moral, logique, est la garantie de l'arrivisme politique. Aussi la dénonciation par le roi, lorsqu'il accède à la Monarchie absolue, d'une ambiguïté qui lui a servi et qu'il rejette quand elle est inutile, est-elle particulièrement traumatisante. C'est le choc, l'actualisation d'un échec, la dénonciation d'illusions de classe. Le contexte politique particulier, l'événe-
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mentiel dans lequel s'opère cette mise au point n'est donc pas la cause fondamentale de la spiritualisation d'une conscience politique. Il n'en est que l'occasion, comme le catalyseur qui précipite un comportement de retraite qui a sa nécessité dans l'évolution d'une praxis globale (qui dépasse à la fois et le jansénisme et Louis XIV) c'est-à-dire dans la confrontation des forces du passé et de celles du présent. L'événementiel qu'est ce conflit monarchie absolue-jansénisme, dans ses prétextes politico-religieux, ne fait qu'illustrer le strutturai. Par cet échec de la classe des légistes, c'est l'empirisme expérimental, scientifique, qui est le vrai triomphateur, qui devient le seul principe qui autorise l'accession à l'universel dans des modalités politiques que l'actualité du conflit monarchie-légiste aura déterminées. Ce sera une prise de conscience, de classe et politique, le commencement d'une opposition, le message du siècle des «lumières». Mais dans des modalités de la praxis globale, qu'un nouvel avatar de 1' «honnête homme» devra préparer, comme nécessaire médiation entre un rationalisme de la réconciliation unitaire, et un rationalisme de la revendication utilitaire (de l'Encyclopédie). Le traumatisme qu'est l'échec politique fait de la conscience ambitieuse la conscience définitivement malheureuse. La raison de l'échec est recherchée dans son principe premier : le principe, l'à priori moral. La justification de strate de classe n'ayant pu autoriser une reconnaissance et une promotion politiques, au niveau de la maîtrise qui pouvait remodeler le devoir être dans le devenir, ce devoir être perd sa nécessité. Ainsi le dernier principe, la dernière forme de classe éclate ; l'impossibilité dialectique d'une légifération fait apparaître la vanité du principe légiférant. Ainsi un être-là, une strate de classe, n'a plus que sa présence comme réalité. Son principe ontologique (car à la fois principe de l'action morale et sociale) est nié par lui-même. Cette reconnaissance de la gratuité interdit toute reconversion : après un écrasement politique la reconnaissance de l'autre n'est plus possible. Dans le dialogue il n'y a plus d'apport d'échange. Aussi c'est dans cet être là, cette déréliction que doit se chercher non plus la justification mais l'explication. Cette démarche est l'inverse de celle de l'empirisme. Dans cette dernière la nature accède à la culture dans une dynamique structurante : la nature se justifie par la structure qui l'englobe. La précarité culturelle du moment se compense par la signification politique de son devenir. Alors que l'empirisme a une double justification, la culture janséniste est engagée dans une constante réduction criticiste en dehors de tout dialogue et de toute possibilité de réconciliation. La réduction criticiste est toujours une représentation spéculative qui ne peut sortit de son à-priorisme pour reconnaî-
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tre une autre représentation d'ordre naturel ou politique. Aucune expérience n'est admise, aucune synthèse à priori n'est possible. Aussi la logique des spatio-temporalités ne peut résister à cette réduction «éidétique». Si celles-ci demeurent dans la réalité maintenant mensongère de la culture, l'existentiel n'est plus le moment de moindre existence que le réalisme (spatio-temporalité) de l'intention subjective reconnue par tous, car celle de tous, dénonçait comme pur néant (car ni réel, ni imaginaire). Alors le trou existentiel juxtaposé aux autres spatio-temporalités, était cerné, dénoncé, ne pouvait s'alimenter par lui-même et cédait aux instances sérieuses ou frivoles. Par le criticisme, l'existentiel s'alimente d'une volonté intellectuelle, d'une remise en question constante des relations consacrées. Ainsi l'existentiel, la secondarité opposante au réel, devient sous-jacente à toute conduite relationnelle. Et non seulement cette critique mine le relief ontologique par la structuration d'un inconscient de classe qui se manifeste par un malaise diffus (qui marque la fin de l'élan vers la reconnaissance, la fin de la naïveté romanesque) mais elle fait aussi intrusion par des manifestations conflictuelles qui actualisent le non-dit. C'est maintenant la juxtaposition de la trame réaliste et romanesque consacrée par l'usage et d'une subjectivité négatrice d'un système que cependant, étymologiquement, elle avait elle-même voulu. La subjectivité s'apparaît, dans une actualisation qui s'arrache à la réification, pour dire qu'elle ne veut plus de ce qu'elle a créé. Et c'est ce moment, de la négation dans, d'un inconscient qui se détache de la conscience commune sans avoir encore acquis sa conscience propre (l'édification janséniste) qui est l'avènement d'un passionnel, d'un pathétique, que le romanesque réduisait par sa culture des durées. L'armature logique du monde cède sans que l'édification spirituelle en ait éloigné la conscience subjective. La volonté de participation s'équilibre à celle de l'arrachement mais dans la juxtaposition du romanesque et de son mépris. Cette logique passionnelle brûle les durées. Elle crée des décalages énormes entre la continuité romanesque et les à-coups passionnels. Le processus de reconnaissance est alors gravement compromis : les spatio-temporalités ne se correspondent plus. Alors que le romanesque résolvait patiemment les contradictions originelles dans une prospective pré-cartésienne, quotidienne, analytique, l'existentiel passionnel saute les transitions, tantôt en avance, tantôt en retard, mais jamais à l'heure de la bienséante progression mondaine. Ainsi s'instaure une dialectique passionnelle qui détraque la pré-détermination qu'est la réification de l'intentionnalité en romanesque conformiste. En même temps que s'aggrave la distanciation des protagonistes, de par les malentendus, les heurts, dus aux décalages des temporalités, en même temps que s'aggrave le processus de scission, ( mais encore non accompli) de non-reconnaissance, (mais
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qui n'est pas encore acceptation de cet échec) s'exaspère la volonté de réconciliation, la recherche d'un éclaircissement de ce qui n'est encore que malentendu, contretemps, maladresse. Un étonnement douloureux de manquer ce qui semble si près, ce qui est autorisé, ce qui est voulu, relance la dialectique vers la reconnaissance. Mais cette volonté ne fait que recréer l'occasion d'un nouveau malentendu. Et celui-ci suscitera encore la volonté de la reconnaissance. Le romanesque se nie lui-même. La passion met en question la fin heureuse. Si la réconciliation est encore possible, si la fin peut être encore heureuse, leurs cheminements, leurs moyens sont pathétiques : la volonté de reconnaissance naît du malentendu et le malentendu de la volonté de reconnaissance. La rupture n'est pas accomplie, mais elle devient le moyen de la reconnaissance. Mais de même que les personnes, les catégories se juxtaposent et s'éloignent. L'ordre romanesque évitait l'échec, le traumatisme individuel qui aurait suscité une remise en question. Aussi s'autorisait une reconversion sur le plan du sérieux, du relationnel. Alors l'échec possible dans le frivole se récupérait par une réussite dans le sérieux. Les deux ordres faisaient l'ordre mondain. Le passionnel s'interdit cette reconversion. C'est que la dialectique du malentendu aboutit à la rupture. Et si le prétexte peut être disproportionné à la violence et au définitif de la rupture, c'est que l'incompréhension et l'éloignement ont atteint une telle importance que la moindre chose les actualise. Si la rupture idéologique se fait à propos d'expériences cruciales, la rupture passionnelle se consomme à propos de faits insignifiants. Et ce n'est pas le moindre tragique que le destin se soumette à cette quotidienneté, que la liberté s'enlise dans l'insignifiant. La passion, qui a prétendu à un sérieux dont la dignité s'insurge contre le romanesque, qui a exigé un choix entre un esthétisme qui n'est plus que l'étiquette maniérée d'un ordre et la vérité subjective, renonce. Alors la logique passionnelle accède à son dernier moment : la spiritualité. Alors que l'action scénique, c'est-à-dire psychologique, s'épuise dans la rupture, l'échec, l'exil, conséquences de la non-reconnaissance, la subjectivité tire les conclusions réflexives de son échec. Celui-ci n'est pas tant l'échec d'une individualité particulière que celui de toute relation humaine d'ordre mondain. Toute culture, qui veut aussi exprimer la nature, trahit la subjectivité. Tantôt la subjectivité se réifie dans la culture, tantôt la nature la détruit. Le spirituel est d'abord ce savoir que la subjectivité n'est autre que la réciproque destruction de la nature et de la culture. La subjectivité retrouve son intention étymologique, mais pour constater que son accomplissement, dans la dialectique nature-société, est la solitude. Ce constat est tragique car la subjectivité doit renoncer, non en fait, mais en droit. L'intention personnelle, quand elle vise une fin naturelle se perd, et par les moyens de sa réalisation.
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Aussi pour se préserver, la subjectivité doit se garder de se compromettre dans le mondain. Et elle n'est que dans le manque, la frustration, non pas imposée du dehors, mais voulue. Aussi le devoir-être sans le devenir est autant législation morale que situation existentielle. La situation imposée par la praxis de classe, le dépassement d'une strate de classe minoritaire par une praxis empiriste dont la fonction est d'accélérer le devenir, est acceptée, assumée. L'exclusion de la culture politique est la condition de la culture spirituelle. Alors la subjectivité peut dénoncer le mensonge du monde. Le devenir n'est plus que celui de l'erreur. Comme la culture féodale, la culture janséniste reprend le processus d'exclusion, nécessité par la praxis globale, en tant que principe d'autonomie individuelle. Pour le jansénisme, l'exclusion (voulue par les autres) n'est plus réduction à la servitude mais légifération de la liberté. Ce ne sont plus les autres qui excluent mais le particulier qui s'en va. A la différence de la culture féodale, culture de personne à personne, toujours relationnelle, le rationalisme propose des catégories réflexives, une méthode, une intention, qui vont favoriser la formalisation subjective. Le tragique de l'inaccomplissement mondain se répète en un tragique de l'inaccomplissement spirituel. La distance, infranchissable, mise entre les créatures, réapparaît entre les créatures et Dieu. C'est que l'échec n'est plus résorbé par le processus de rédemption de la culture féodale. En ce contexte, la structure voulait que la fin de la passion soit le commencement de la rédemption. Le spirituel (et la lettre religieuse) intégrait. Le processus de rédemption justifiait l'ordre, la praxis, alors qu'au contraire l'exclusion et par Louis XIV et par la bourgeoisie qui deviendra «des lumières» s'en prend au principe, à l'à priori. Aussi, après la rupture qu'est le dépassement de la passion, l'exclu ne peut se reposer en Dieu. La distance qu'il a mise entre les autres et lui se retrouve entre lui et Dieu. Le criticisme subjectif ne trouve dans l'éloignement du monde que les prolégomènes à l'éloignement de Dieu. Et la seconde démarche ne fait que prolonger la première. Il n'y a pas de différence de nature, de méthode, d'intention. La réduction eïdétique doit assumer la totalité de l'exclusion, de la pratique à l'idée, du fondement du réel au fondement de l'idée. C'est à ce prix que se maintient la subjectivité, seule subsistance possible d'un devoir-être sans devenir qui a aussi perdu toute réalité idéelle. La subjectivité est le cogito pris au piège de son doute. Le criticisme exclut toute ontologie, c'est la condition de la subjectivité infinie. Aussi à ce dernier stade, l'échec, d'abord tragique de toute relation humaine n'apparaît plus que comme un divertissement devant le sérieux du tragique qu'est l'échec de la relation avec soi-même. Comment une reconnaissance de l'un à l'autre serait-elle possible, puisque le déchirement est dans la subjecti-
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vité et puisqu'il doit y être pour qu'il y ait subjectivité, c'est-à-dire connaissance par une expérience, infiniment négative, du manque de l'infini divin ? Et ce déchirement n'est pas preuve (car ce serait une réification, un arrêt du criticisme, et ne peut se donner comme preuve). Les antagonismes se sont donc manifestés sur plusieurs plans : du plus extérieur au plus intime, du scientifique au sentimental, épuisant ainsi les modes du sérieux et du frivole des représentations humaines dans la bourgeoisie de robe. A propos de l'expérience « cruciale» se révèle, sur le plan de la justification idéologique, l'opposition politique entre bourgeoisie conservatrice et bourgeoisie progressiste. Cet antagonisme à propos du rôle et de la signification de l'expérience se prolonge et s'élargit sur le plan des relations d'ordre semi-public, semi-privé. Mais alors que la rupture idéologique entre l'àpriorisme et l'empirisme est déjà consommée par la fâcherie ou la haine entre savants, le conventionnel des relations de salon autorise encore le commun commerce d'individus éduqués dans le même langage. Mais si la première dispute s'est éteinte dans cette civilité elle se prolonge et se dramatise dans la tacite convention de ne plus tout dire et surtout de ne plus dire l'essentiel. Ainsi se structure l'antagonisme par un non-dit qui ne s'exorcise plus, dans un malentendu qui éclate enfin par la catharsis passionnelle. Ces relais marquent les étapes de la scission, sur le plan épistémologique, relationnel, intime. Mais ce processus est encore immanent à la participation. La distanciation est faite dans la réalité sociale. L'irréductibilité du conflit est au-delà du tragique passionnel lorsque c'est la subjectivité qui renonce à s'accomplir dans le contexte politico-social de l'époque. Alors l'écart devient infini car la culture spirituelle est négation totale de la culture mondaine. Cette culture-là doit être bien distinguée de sa double réification modale sur le plan religieux et politique. L'hérésie janséniste est l'accident, l'événement. Le mode d'expression, doit se soumettre au langage religieux, alors que la problématique dans son origine et son développement n'est pas religieuse. Il en était de même pour l'expression religieuse de l'amour courtois : c'est par la théologie que se dit le profane. Là aussi la problématique n'était pas religieuse. Mais la particularité culturelle devait utiliser le commun langage pour que sa signification édifiante soit universelle. Mais la culture féodale, de personne à personne, ne se dégageait pas de l'immanence : la femme, le cadet, le vassal n'étaient pas exclus de la praxis mais de la maîtrise politique. Ils ne mettaient jamais en cause le principe de la culture, la distance infinie qui séparait le chevalier de sa dame n'était qu'acceptation de la situation politique. Le subalterne ne pouvait jamais reprendre cette situation dans une autonomie de comportement qui serait à la fois cri-
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tique radicale du système politique et féodal et éloignement de Dieu, du principe religieux. Au contraire la culture janséniste est une culture de classe qui a conquis par la raison un universel laïque. Elle a ainsi un système de représentations reflexives qui dépasse les catégories esthétisantes de la participation. L'esthétisme était le langage commun au maître et au subalterne dans la commune concession : la subordination du vassal était acceptée, voulue, et la concession accordée par le suzerain était alors définitive. Le radicalisme de la prétention politique du Parlement écarte toute possibilité de collaboration. Et l'absolu de son échec interdit toute ambiguïté. Aussi, par l'usage criticiste la raison réduit tout esthétisme de participation. La subjectivité est la forme même de l'universel, une intention vidée de tout contenu politique, naturel, esthétique. Elle est la dénonciation du contenu politique dans ses multiples modalités. Le rationalisme était unité de classe par la réconciliation de la culture des humanités et de la culture scientifique. La culture janséniste atteint un universel mais formel. Cette subjectivité qui n'est de nulle part, qui a abandonné le monde et que Dieu a abandonnée, qui trouve la même distance infinie entre ce dont elle est partie et ce qu'elle ne peut atteindre, est donc le juste milieu entre deux infinis. C'est elle qui est le terme de médiation entre Dieu et la nature. Et c'est son action qui seule peut rédempter la nature dans une assomption vers Dieu. Aussi le cheminement vers Dieu devra s'accomplir dans le monde. Les œuvres s'inscrivent dans le monde. La subjectivité retrouve le monde politique après la longue ascèse qui permet la participation sans la compromission dans le sensible. L'esprit doit revenir au politique, dans le consentement à une certaine réification. Et si la charité dénonce la réification qu'est la culture, elle doit convenir de la nécessité de cette aliénation, car ce ne peut être que dans le monde de la culture et à partir de cette culture qu'une action humaine est encore possible. Ainsi le salut ne saurait être d'ordre collectif et culturel mais il ne saurait se faire sans le culturel et le collectif. La subjectivité ne nie plus la nécessité de l'ordre collectif mais elle le définit comme une nécessité de fait qui aliène l'universalité de droit. Entre la subjectivité et le monde, la charité et la culture, la relation est celle de la fin et du moyen. Et le devenir ne pourra autoriser une réconciliation des deux termes de telle manière que le progrès de la culture accomplisse dans le monde l'intention de la subjectivité. C'est que la charité n'est autre que l'expérience définitive du manque de toute plénitude mondaine. La forme infinie de la subjectivité ne peut trouver dans la finitude du monde son accomplissement et son arrêt. Elle déborde toujours le contenu, comme l'infini déborde le fini, et comme l'éternité débordera toujours la plus grande perfection temporelle.
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La réconciliation de la phénoménologie et de la logique n'est donc pas dans l'histoire mais dans la conscience subjective. La charité est effective : fait de conscience qui s'accomplit dans le monde. Et c'est dans ce seul moment qu'est la rédemption : de la subjectivité qui se fait action, et du monde qui est agi. Ainsi le temps quitte le devenir qui n'est que l'espérance d'un accomplissement mondain. L'accomplissement se retrouve dans la pureté de l'intention. Tout détour contamine celle-ci. C'est la pureté du cœur qui accomplit l'éternité. E. VERS LA CONSCIENCE POLITIQUE ET RÉVOLUTIONNAIRE
1. L'expérience cruciale passe des sciences de la nature à la pratique sociale. La bourgeoisie de robe va tirer la leçon de l'échec politique du jansénisme. Par celui-ci le politique s'est actualisé et radicalisé. Il ne peut plus être le principe d'un non-dit, mais action délibérée qui devient un autre moment de la conscience de soi d'une classe. L'unité de classe acquise par le rationalisme était déjà conscience de classe, mais au seul niveau de la prise de conscience de la vocation de classe dans la praxis globale. L'échec du jansénisme pose le problème sur le plan pratique du pouvoir politique : la conscience de classe est alors celle de la conscience d'une action spécifique, indépendante de la vocation de classe, mais qui doit garantir cette vocation. Cette conscience de classe sera aboutissement mais aussi transformation de la vocation de classe originelle. L'échec du jansénisme rend inéluctable la responsabilité politique. Car il est la fin d'une ambiguïté en laquelle la conscience bourgeoise pouvait se reposer ; cette ambiguïté tient dans le parallélisme de la progression de l'autorité royale et de l'autorité de la bourgeoisie de robe. La monarchie a dénoncé ce contrat tacite : elle s'est faite absolue en brisant le prestige, la situation, l'idéologie de la bourgeoisie la plus évoluée. Le pouvoir politique de la bourgeoisie doit maintenant se conquérir contre le roi. C'est déjà au niveau de l'intention, et non pas seulement occasionnellement, qu'apparaît la rupture avec l'autorité royale. Mais cette intention en son principe, est refus de la subordination, attitude d'indépendance, et non mise en question précise de l'autorité en son principe et sa nécessité. C'est que la responsabilité politique doit se conquérir contre l'ordre ontologique (dont le roi n'est que le gardien et le symbole). La conscience politique est ce moment de la maturité où le devenir s'arrache à l'être. Elle doit se garder d'une libération acquise par un traumatisme violent. Un négatif de classe ne doit pas gêner par la culpabilité
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et la mauvaise conscience l'autonomisation d'un nouvel univers mental et social d'après les seules catégories politiques. Le jansénisme a assumé ce négatif, l'a radicalisé et l'a détruit par un échec politique, libérant ainsi le devenir de classe. Et c'est progressivement que le politique doit se conquérir : la bourgeoisie de robe ne doit pas renier son passé de collaboration. Elle ne doit pas se charger d'un négatif qui pèserait de tout un acquis ontologique. L'ambiguïté étymologique doit se prolonger mais dans un changement de perspectives : le parallélisme de l'autorité bourgeoise et de l'autorité royale se prolongera dans un parallélisme de la conscience politique et de la praxis globale. Et celle-ci doit d'abord passer par l'autorité royale, pour ensuite la dépasser. La liberté pour se dégager de l'ontologique doit agir dans cette structuration. C'est paradoxalement le passage par l'absolutisme qui garantira la progression libératrice, qui évitera la solitude existentielle et l'échec de classe qu'est une trop radicale critique du réel (jansénisme). La responsabilité politique échoit à toute la bourgeoisie de robe : une fraction de classe (jansénisme) qui se dit représentative de la classe, d'abord veut profiter pour elle seule de l'autorité politique, ensuite échoue car trop éloignée de la praxis globale. Mais cette expérience était nécessaire car elle permet au devenir de classe de se débarrasser d'une autre tutelle, et totalement : l'échec politique total du jansénisme prouve la nocivité de son argumentation idéologique. Le jansénisme montre bien ce qu'il ne faut pas faire. Donc, si la bourgeoisie de robe ne met pas en question l'autorité du roi (ne met pas en question la participation à l'ordre du père), souhaitant seulement dans cet ordre aménager sa vocation de classe, l'autorité du frère aîné est totalement niée. Et là aussi sans le traumatisme de classe qui engendre un non-dit : le jansénisme était réactionnaire, voulait soumettre la moyenne et petite bourgeoisie de robe. Son échec ne fait qu'éliminer un négatif immanent au devenir, une autocritique qui paralysait le progrès et compromettait l'unité de classe. La bourgeoisie de robe doit donc rejeter sa culture qui ne fait qu'exprimer un moment inefficace, suranné. L'idéologie janséniste a été nécessaire car elle montre ce qu'il faut éviter, écarter, et totalement. Cependant le rejet de cette idéologie doit se concilier à la tradition critique, réflexive (car celle-ci demeure moyen de reconnaissance, seul mode d'être). C'est donc dans les perspectives du cartésianisme que doit se faire la critique d'un moment mi-cartésien, mi-réactionnaire. Ainsi l'empirisme, par cette démarche critique, accède à une méthode, qui, par la motivation explicitement politique, donne à l'expérience scientifique un contenu épistémologique. L'expérience, comme preuve recherchée par une volonté, politique maintenant, va passer du domaine des sciences de la nature
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au domaine politique. Ainsi est dépassée, non seulement la culture romanesque mais aussi la culture cartésienne, qui en hiérarchisant en catégories de l'esprit, représentatives, les réalités (et originelles et nouvelles) voulait fixer l'évolution au seul moment d'une unité de classe acquise au profit de la pensée. Ce projet s'était dénoncé par le profit d'une fraction de classe réactionnaire. Et celle-ci a bien montré, par son échec, le rôle historique du dualisme cartésien entre la pensée et l'étendue, l'esprit et la matière. La complémentarité, à fin d'équilibre social, de la bourgeoisie traditionaliste et de la nouvelle bourgeoisie, de la culture «humaine» et de la culture scientifique, de l'à priori et de l'expérience, était passée par le jansénisme à un dualisme d'antagonismes qui fait éclater la réciprocité des apports. Alors la contradiction est telle entre le réel et l'idée (contradiction d'une strate bourgeoise qui veut gouverner contre la bourgeoisie) que ces deux notions se détruisent réciproquement : la réduction éidétique du jansénisme vide la pensée de tout contenu mondain et le pouvoir absolu écarte le jansénisme du devenir politique. Ainsi se révèle toute l'importance du jansénisme : situé entre le rationalisme et l'empirisme des «lumières», il autorise le passage d'un universel logique (mais de la classe) à un universel politique et pratique. La critique du rationalisme, d'ordre réflexif, prend une signification politique par l'expérience cruciale, car macro-sociale, limite, définitive, qu'est l'avatar janséniste. C'est le politique qui révèle la vérité du devenir : la pensée n'est action que dans la praxis. Et c'est la logique, mais de cette action, qui est le politique, sa nécessité et sa primauté. C'est l'expérience qui a révélé cette vérité, qui devient d'ordre logique, universel. Mais universalité qui demeure empirique, vérité d'un moment qui se veut aussi éternelle, qui ne se dialectise pas, car le jansénisme a été et demeure le négatif, l'antagonisme actuel, c'est-à-dire un contradictoire quasi immanent à la volonté politique. Aussi l'empirisme, qui va s'épanouir dans les «lumières» se fixe à ce moment dans sa prise de conscience politique de la logique du devenir. Et ce moment, s'il est capital, puisque passage d'une phénoménologie de l'esprit à une logique de l'histoire, demeure donc empirique, sans conscience de, sans théorisation, alors que le devenir se soumet à une action qui est la conséquence de cette critique implicite et la vérification de la vérité de l'expérience cruciale. Et ainsi, par cette expérience cruciale, l'empirisme se coupe aussi du rationalisme et de toute la culture, qui à partir de l'intention romanesque avait accédé à cette conscience de soi, du développement harmonieux de l'individu dans le développement harmonieux de sa classe, qui était le cogito. Car le contradictoire demeure, et en tant que résidu d'un dualisme dont le rationalisme n'était que l'heureux moment d'équilibre, entre grande, moyenne, petite bourgeoisie, culture réflexive du relationnel et culture analytique de la science.
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L'expérience cruciale qui se cherchait, empiriquement, s'est trouvée dans la catégorie (le politique) la plus significative puisque c'est par elle qu'a été tranché le dilemme qu'était devenu le dualisme. Et c'est ce nouveau terme qui devient, de par cette exemplarité, l'élément déterminant de la nouvelle conscience, pour qui il est inutile de revenir sur une culture accomplie, délimitée à une reconnaissance d'ordre privé, intime, qui n'est plus qu'une tautologie, une répétition maintenant dépassée, puisque l'unité de classe est acquise, puisque sa vocation, maintenant est une action de, et non dans. La culture romanesque est dépassée par la culture politique, comme un instrument inadéquat est abandonné pour un autre qui accomplit plus parfaitement le nouveau moment de la praxis. Telle est donc la signification de l'empirisme qui va présider aux «lumières» : la culture politique et pratique de la moyenne bourgeoisie de robe supplante la culture romanesque et spéculative. L'empirisme n'est donc que l'expression idéologique d'une structure, c'est-à-dire d'une conjoncture politicosociale de longue durée. 2. La première culture politique est d'abord immanente au mondain. C'est le critère politique (efficience) qui doit juger le politique «Les sciences humaines» vont être le savoir de cette bourgeoisie empiriste. Culture de l'intériorité, culture des sciences exactes et même de la nature, doivent s'effacer devant la nouvelle problématique. La politisation de la culture apparaît dans son objet : l'ordre social, la société, les œuvres du collectif. Ce n'est plus l'homme subjectif, ni la recherche scientifique désintéressée, qui préoccupent le post-jansénisme. Le scepticisme politique à l'égard de toute culture antérieure se fait méthode épistémologique ; la totalité de l'ordre traditionnel est mise en question, en son principe religieux (le christianisme), en son principe politique (le roi), en son principe social (l'organisation des sociétés), en son principe culturel (le spirituel). Tout un travail de démolition est entrepris, mais d'une manière empirique. C'est que la culture ne dispose plus de l'appareil rationaliste, qu'elle a oublié le discours de la méthode, le volontarisme logique de Port-Royal. La synthèse entre le sérieux et le mondain, entre l'attitude réflexive et la conversation de salon, entre le jugement qui tend vers la logique et les jugements qui proposent les matériaux sensibles et empiriques, a éclaté. Aussi réapparaît l'antinomie originelle de la bourgeoisie de robe. Mais un terme est devenu passé et principe du conservatisme : c'est la culture de l'intériorité qui en fin de parcours, après l'ascèse, se soumet à la logique abstraite d'ordre mathématique. Le savoir ne veut plus quitter l'empirique, la conver-
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sation, les jugements. Le langage politique est le lien unitaire dans ce renouveau culturel. L'immanence, du discours sur le politique et du politique, laisse croire que le politique peut être connu sans la médiation rationaliste, réflexive, abstraite. Aussi le discours sur le politique auquel se réduit la culture, fondé en droit, comme critique de l'ordre aliénant, ne peut accéder à une théorisation, à un outil semblable à celui qu'était le cartésianisme. Dans le meilleur des cas, cette bourgeoisie accédera par le projet constitutionnel à une méthode de gouvernement, de gestion, mais qui ne fera qu'exprimer la captation de l'élan révolutionnaire par la bourgeoisie de robe qui fera, encore, de sa fonction légiste la légifération de l'ordre social. La contradiction de classe, le déchirement entre la culture janséniste et empiriste, coûtera cher au sérieux révolutionnaire. La raison cartésienne, formellement définie, moment d'unité de classe a éclaté en logique et empirisme, spiritualité et sensible. Le politique, réformiste et révolutionnaire, supplante la culture antérieure, mais perd ainsi des armes essentielles, le socle épistémologique de la revendication de classe. Mais cette compromission dans le sensible, l'empirique, est rédemptée par l'accession à la catégorie politique. Le plus bas degré du politique est mieux que la frivolité non politique. L'accession à la catégorie la plus révélatrice, à cette science de l'infrastructure que sont les sciences humaines, à une problématique politique, est une telle promotion de la personne, que dans son plus bas degré, dans la frivolité du salon, elle sera au-delà de la quotidienneté du conformisme, au-delà de la frivolité du seul organique. Déjà, intuitivement et empiriquement est soupçonnée la nécessité constitutive de l'individualité, le commun dénominateur aux pluralismes des comportements. Mais si le mondain, tout en conservant sa négativité et sa pauvreté, à la fois épistémologique et existentielle, accède à la dignité du langage politique, le sérieux culturel ne disposant plus d'outil conceptuel reste immanent à ce discours des mondains. L'empirisme méthodologique ne peut quitter l'empirisme. Et même s'il se fait dogmatique ce n'est que dans la redondance, la phraséologie politique. Le sérieux de la culture ne marquera qu'une différence de niveau et non de nature, avec la problématique sensible et organique du mondain. Mais ainsi se proposera une première formalisation du politique. C'est dans la collaboration des mondains et du sérieux que se forge le premier langage politique. C'est de l'empirisme et de la pratique quotidienne que se dégagent le vocabulaire, le style, les revendications essentielles. Et ce n'est que par paliers, car le politique ne quitte jamais la revendication de classe, le discours politique restant immanent aux privilèges de classe, que le savoir politique se coupe de la préoccupation singulière et sensible.
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C'est d'abord le pamphlet, le libelle (ce qui correspondrait au journalisme politique) qui permettent, dans la continuité d'une démonstration, d'accéder à un premier acquis technique, à des chaînes de raisonnements. C'est la première transposition de l'esprit d'analyse du salon, du café, de la conversation du mondain, à des méthodes qui sans être scientifiques, répondent à ce qu'on appelle maintenant le besoin d'information objective. La recherche se décante progressivement de l'esprit mondain : des spécialisations apparaissent, les spécialités se recherchent, pour se confronter ou s'appuyer, des compétences se font reconnaître. Des réputations dépassent les frontières, entraînent des échanges épistolaires. Les correspondances brillantes et célèbres font circuler l'émancipation propre au cosmopolitisme. Mais cette première coupure entre la culture formalisée et l'esprit mondain ne se fait qu'après la longue élaboration de la conversation mondaine, qui est déjà tout un code politique, un système d'allusions et de connaissances, qui bien qu'empiriques, représentent le savoir immédiat de l'époque, comme existence et déjà comme représentation. Pour que cette première formalisation puisse se faire, il a fallu que les analyses verbales et publiques, semblables à des séminaires très libres de recherches, aient proposé suffisamment de matériaux, de méthodes de réduction et d'interprétation, de thèmes, pour que le savant dans le recueillement du cabinet, puisse faire une synthèse, une coupe, dans cet esprit public qu'il exposera ensuite à sa manière, sans que son apport personnel soit essentiel. Ce décalage n'est pas passage à la théorie, à un système qui maîtriserait l'empirique : c'est le même découpage, la même pratique (l'accident et l'événement)... La pratique l'emporte sur la théorie, l'événement sur le système. (Et lorsque l'expérimentation fait défaut, le spéculatif extrapolera dans le formalisme.) Et les deux démarches sont identiques en ce qu'elles peuvent dire ce qui ne va pas, de par leur critique et scepticisme, sans pouvoir vraiment définir l'ordre humain qui échapperait à l'aliénation. Mais si l'opposition ne peut accéder à une théorie qui serait une vue synthétique de la situation, cette opposition, qui se définit d'après la catégorie politique, doit être jugée sur son effectivité. Si la méthode rationaliste ne peut plus diriger la culture, celle-ci, de par son essentielle problématique politique, a récusé ce critère. Aussi, faut-il juger le politique par le politique. La phénoménologie des mœurs a accédé à la logique de l'histoire. L'entendement s'accomplit dans la conscience politique. Et s'il ne peut accéder au savoir universel, en droit, le politique supplante toutes les autres catégories (mais en fait, de par la scission interne de la bourgeoisie de robe, ce politique s'est compromis dans l'immédiate revendication). Aussi, à la critique purement rationaliste de la démarche empirique, doit-on substituer la critique par le
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politique. Si cette culture se présente comme immanence du mondain et du réflexif, ce n'est pas à priori une négativité si l'effectivité politique n'est pas compromise dans cet amalgame. Tel est le critère auquel le comportement de la bourgeoisie de robe doit être soumis. Et effectivement, la prise de conscience politique, qui à la limite accède aux conditions subjectives de la Révolution, s'accomplit dans deux réalisations complémentaires : selon la classe sociale (bourgeoisie de robe) et selon le mode de connaissance (empirisme), d'après le projet constitutionnel et d'après l'Encyclopédie. Nous avions défini au moment de l'apparition de l'attitude réflexive, la dualité de l'appréhension de l'organique. C'est de deux manières que le réflexif formalisait l'organique : d'abord par l'intégration des nouveaux matériaux, dont le corollaire était la multiplicité des jugements, qui débouchaient sur la ludicité mondaine. L'intellect appréhendait ainsi la nouvelle praxis au niveau du relationnel. Ensuite par une autorégulation interne à la classe sociale : par la confrontation, la hiérarchisation du métier et du savoir qui stabilisaient la vocation de classe. Ces deux appréhensions de l'organique seront reconduites, par l'Encyclopédie, comme somme empirique, et par le projet constitutionnel, comme réappropriation de sa propre oeuvre organique par l'idéologie. Ainsi le jugement, au niveau de sa plus forte politisation, intègre, à nouveau, à la fois son propre passé organique et toute la praxis qui échappait au métier de l'intellect. L'empirisme méthodologique et dogmatique est ainsi doublement justifié. La conscience politique n'est autre que cette double opération, le constat de l'œuvre accomplie, et par la bourgeoisie de robe et par les forces productives, et leur nécessaire réconciliation, qui autorise alors la totale émancipation de ces nouvelles forces productives grâce à l'œuvre superstructurale accomplie par la bourgeoisie de robe. Et la suprématie politique de cette bourgeoisie est alors justifiée : c'est elle qui a produit le superstructural, et qui produit aussi l'émancipation de la production. (Et l'usurpation n'est pas manifeste, car encore ces forces productives n'ont pas atteint la concentration industrielle qui suscite le prolétariat.) 3. L'empirisme des «Lumières» et la somme empiriste : l'Encyclopédie. L'Encyclopédie est le recensement de toutes les acquisitions culturelles (à la fois dans la praxis et dans l'idéologie) depuis... saint Thomas d'Aquin. C'est une somme, l'autre somme, laïque, qui reprend la totalité de la praxis. Et par la démarche exhaustive, totalitaire du savoir, consécration de la visée culturelle du petit clerc, de la quantité, de l'amoncellement culturel ; c'est presque une
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synthèse, une théorie. Est sous-jacente une philosophie pragmatique de la praxis. Et la profession de foi tient lieu d'argumentation conceptuelle. Tout l'acquis technique des sciences, arts, industries, est recensé. Et se manifeste à ce niveau l'apparition d'un terme culturel qui ne peut encore être considéré, de par le quantitatif, comme un métier déterminant : l'ingénieur (des arts et métiers), le technicien, nouvelle force productive, synthétique de la production et de l'intellect. (Le développement économique de l'époque n'autorise pas encore de considérer ce métier comme corps constitué. C'est au niveau de la société industrielle qu'il joue son rôle essentiel : le cadre, l'ingénieur, le technicien vont-ils s'intégrer à la bourgeoisie ou se sentir solidaires du prolétariat ?) Déjà donc, au niveau de l'Encyclopédie, l'appréhension par la culture dépasse le simple recensement, la simple transmission de recettes. Le technicien se manifeste par le choix, la classification des méthodes productives, par la clarté de l'analyse du procès de production (mais empirique et singulier). Et il fait même œuvre de créateur, d'inventeur, par des synthèses, des rapprochements, des innovations techniques. Si l'Encyclopédie n'est qu'une somme empirique, elle est la somme des modes de production. La pratique est un savoir et son extension dénonce la réification du pouvoir, le formalisme féodal dont le roi n'est que l'accomplissement. Le décalage entre les nouvelles forces productives et les rapports de production traditionnels se fait manifeste. Si n'est pas explicitée au niveau théorique, la conséquence politique de cette somme productive, la passion politique sait tirer toutes les conclusions. Une nouvelle planification doit ordonner toute cette production et tout le potentiel économique qu'elle contient. Et le projet constitutionnel définira alors sur le plan de l'Etat, les instances politiques qui garantiront ce progrès. Mais si l'Encyclopédie est un acte politique, elle consacre aussi un tel recul de la raison cartésienne, une telle participation aux intérêts matériels de la bourgeoisie d'argent, que le sérieux révolutionnaire est aussi compromis. L'Encyclopédie est la dernière désagrégation du rationalisme cartésien. D'universelle la raison est devenue mondaine ; de logique elle est devenu l'esprit public et l'art de la conversation ; culture de l'intériorité elle véhicule les moyens de production des biens ; de la maîtrise de la nature elle passe à la maîtrise des métiers ; de substance cause d'elle-même elle a éclaté en une multitude d'opérations ; de méthodologique elle se perd en analyses concrètes qui ne peuvent se synthétiser. Aussi l'humain disparaît sous ses œuvres. Le progrès l'emporte sur la raison et sur l'humanisme. La promotion des biens matériels, économiques, s'est superposée à l'ordre politique. La dynamique de la production matérielle l'emporte sur l'ordre rationnel. Et la disparité des modes de production est
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telle que l'esprit ne peut les synthétiser. L'unité de la conscience humaine est perdue. L'action humaine, la praxis déborde la conscience. Et celle-ci ne fait que suivre, constater. La production des biens l'emporte sur l'ordre rationnel. Le seul critère qui mesure le progrès est le progrès. La res cogitans, cause de soi, est détruite par le matérialisme : il n'y a plus de principe référentiel, organisateur, normatif. C'est le champ libre à l'autonomie des métiers, à la dynamique de la production des biens. Et c'est déjà l'idéologie de la libre entreprise, de l'initiative privée. Avec l'ingénieur des Arts et Métiers, apparaît une fonction sociale nouvelle : l'entrepreneur. Le créateur d'une affaire (production et vente) est alors inventeur et producteur. C'est un pionnier qui, nous l'avons vu pour la mise en place de la première chaîne de production, des biens d'équipement, se heurte au pouvoir établi. Alors, ingénieur, entrepreneur, opposant politique, il est force productive et révolutionnaire. Mais déjà, à la deuxième ou troisième génération, la libre entreprise n'est plus que gestion et exploitation de l'ouvrier. De plus, la révocation de ledit de Nantes a exproprié de son œuvre tout le sérieux de la première implantation industrielle. Enfin, la manufacture est une centralisation pré-capitaliste qui profite essentiellement au pouvoir et qui peut exploiter tout ce progrès technique, de par les moyens d'investissement. Ce triple conditionnement historique récupère, alors, tout le travail technologique de l'Encyclopédie. Si le monopole de la production est définitivement enlevé au corporatisme (l'Encyclopédie révèle le négatif du corporatisme), c'est pour instaurer un système concurrentiel et libéral. Ce sera un nouveau monopole de la production, une nouvelle classe sociale, pareillement oppressive de ce qui se révèle de plus en plus comme la vraie force productive : le travail ouvrier. Telle est la fondamentale ambiguïté de l'Encyclopédie ; il en sera de même pour le projet constitutionnel. Rupture certes, avec la monarchie absolue, il se propose d'institutionnaliser l'état de fait, de donner un statut politique à ce nouveau mode d'exploitation. La dualité du superstructural au second degré : le discours idéologique et l'institutionnel national. Le projet constitutionnel : la réappropriation de l'œuvre organique par l'idéologie. Vers le libéralisme. La culture acquise est l'aboutissement d'une praxis : celle de l'intellect qui se développe dans (et seulement) une classe spécifique, la bourgeoisie de robe, et qui atteint une quasi-autonomie à l'égard de la praxis globale purement matérielle. L'action de l'homme sur l'homme est alors sans médiation, sans action directe des forces productives. Pour accéder au niveau de la culture d'ordre privé, pour passer du travail élémentaire de la praxis cellulaire
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à ce conditionnement des relations personnelles, la culture a connu plusieurs transmutations. C'est d'abord par la culture de l'argent. Les vertus domestiques s'insèrent dans l'économie pour la façonner. C'est la continuité familiale de ces vertus qui permet à un individu d'accéder au désir et à la volonté de la lignée. (A ce premier moment l'individu est déjà l'accomplissement en une personne d'une volonté de groupe.) A ce niveau déjà, le négatif qu'est la captation des forces productives au bénéfice d'une seule classe, se «rachète» dans la coercition des désirs organiques (frugalité, pudibonderie, hérésie religieuse comme le protestantisme, etc.), des vanités mondaines (dépenses de prestige, etc.) et surtout par la politisation des avantages et moyens de l'argent, qu'est l'ambition sociale qui s'exprime par l'achat des charges. Et toute cette économie, premier moment de la culture de l'organique, accession à la seule culture efficiente, se consacre effectivement par le passage des fils à un autre ordre, par la négation du père, acceptée par celui-ci, dans une volonté sacrificielle qui a dépassé le désir par le profit, le profit par l'économie, l'économie par la promotion politique. Ce processus de transmutation assure la continuité organico-sociale de la structure. Toute autre transmutation n'aura donc qu'une signification modale à l'égard de cette structure ; ce sera celle qui exprimera les transformations momentanées de la praxis globale. Ces transformations pénétreront dans la culture de la bourgeoisie de robe : de nouvelles générations se confrontent aux anciennes. Mais cette action s'exprime dans le système de reconnaissance défini par la structure, et par un processus nécessaire et préétabli, et se soumet à cette nécessité en proposant tout au plus de nouveaux modes. (Nous avons vu toute la diversification de la structure dans le devenir.) Mais la praxis de l'intellect (promotion du chrématistique) a une autre efficience, purement pratique, qui est celle du travail, de l'organisation d'une infrastrutture administrative, juridique, fiscale, institutionnelle, qui modèle la vie nationale sur le plan des échanges interpersonnels, dans un système qui permet l'expression matérielle des forces productives. Alors l'intellect est à la fois forme et fond, force productive et moyen de production, outil et fin. La strutture qui organise la vie intime de l'individu organise aussi la vie organique de la nation. Mais les deux actions, d'origine commune, se font autonomes. La praxis intellectuelle est en même temps organisatrice dans et par. La culture des relations dans la bourgeoisie de robe, d'ordre individuel, réflexif, affectif, spirituel (l'idéologie) se juxtapose à l'infrastructuration d'un relationnel collectif, d'ordre écologique et institutionnel qui doit être la médiation entre les deux praxis autarciques et originelles (le fief et la cité). Le dénominateur
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commun à ces praxis différentes est le collectif national. Ce moyen terme est politique, et artificiel, surajouté, imposé à deux entités organiques, à deux vocations souvent contradictoires. Cette œuvre est celle de la classe qui a réalisé la synthèse entre les deux classes sociales, qui, par la maîtrise de la production et de la consommation matérielle, avaient acquis la maîtrise politique et culturelle. Mais alors que les deux contradictoires se synthétisent sur le plan de l'intériorité, dans la fusion qu'est la nouvelle classe, l'œuvre élaborée par cette classe ne peut suivre le même processus d'interpénétration et de reconnaissance : c'est que les praxis originelles, en leur principe, présentent une irréductibilité d'ordre organique au niveau des forces productives qui déterminent les principes du travail, de la rentabilité, des échanges. Si la féodalité et la bourgeoisie marchande se réconcilient partiellement, par opportunisme, en une classe nouvelle, parallèlement une praxis globale résiste et même s'impose, par une dynamique centrifuge, à la praxis partielle, centralisatrice, de cette nouvelle classe, dans l'irréductibilité de l'exploitation féodale et du travail urbain. Apparaît ainsi la vocation politique finale de la classe de robe. Ses deux actions doivent se réconcilier en une synthèse du faire de l'intériorité et de celui de l'extériorité : c'est seulement ainsi qu'elle pourra atteindre son autonomie. Et cela n'est possible que par l'unité de classe conquise par la culture de l'intériorité qui alors, par cette fusion devenue organique, peut revendiquer, pour elle seule, le travail fait au profit du roi, au profit du pouvoir absolu. Une fois ce pouvoir absolu réalisé, la culture de classe comprend que c'est seulement l'absolutisme qui la sépare d'elle-même, de son travail : l'unité nationale, qui ne doit déléguer d'autorité et de représentativité que d'après des normes élaborées par la culture de robe. Le constitutionnel sera alors l'action centralisée qui pourra, dans une dialectique descendante des trois pouvoirs, exprimer une synthèse bien plus large que celle apparue au niveau des élites féodales et bourgeoises, qui pourra agir, enfin, sur l'organique de base, sur ce pouvoir politique de base, qui contrôle encore les moyens de production. La synthèse de la culture de l'intériorité et de celle de l'extériorité pourra ainsi réaliser, par une classe de synthèse, la synthèse la plus large possible entre les deux praxis originelles. Ainsi sera dépassé le principe artificiel mais nécessaire qui a imposé aux cellules originelles un commun dénominateur, par la délimitation d'un champ d'action commun, spécifique, restrictif des autonomies locales. Ainsi pourront être dépassés les deux modes d'expression du roi : l'autoritarisme et le formalisme juridique et administratif qui délimitaient la culture de robe. Le coercitif a été nécessaire : la centralisation qui est le moyen de l'autorité de robe, n'a été possible que par le roi, créateur et principe du moyen 17
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terme qui a subordonné les représentants des deux praxis originelles. Mais dans sa nature, le coercitif, qui doit maintenir un équilibre entre des forces politiques qui expriment des volontés antagonistes, entre des forces qui doivent renoncer à leur plein exercice, s'il permet une première communication des vocations contradictoires, délimite, restreint chacune de ces praxis originelles. Ainsi, certes, s'acquiert une politisation de l'organique au niveau des nécessités de la production et de la rentabilité, mais qui ne peut atteindre que les déterminations les plus extérieures de ces praxis. Aussi celles-ci se refusent à la centralisation dirigiste, imposée par une volonté contraignante. Ainsi, à l'âme profonde et collective s'est superposée une formalisation, juridique et administrative, extérieure aux milieux originels. La pénétration du politique national est restée morphologique : création d'un milieu conventionnel et institutionnel qui organise la vie commerciale et financière. Alors si le projet constitutionnel vise à délimiter le pouvoir du roi, il veut aussi consacrer le dépassement, par le superstructural, des cellules de production, réifier l'âme profonde et collettive en conformisme de la quotidienneté. Ce projet, qui consacrerait l'autonomie politique de la bourgeoisie de robe, liquiderait donc définitivement le système féodal, en liquidant ses deux moments limites : autonomie des cellules de production étymologiques et Monarchie absolue. Donc, une fois acquise la morphologie du superstructural, une fois acquise l'unité nationale, l'autoritarisme coercitif peut disparaître et le corps médiateur peut se proclamer finalité, autonome et dirigeant. Alors les deux efficiences de la praxis intellectuelle pourront se réconcilier : l'idéologie se réapproprie son œuvre par le projet constitutionnel. Les deux cultures, l'une des relations intimes, l'autre des relations publiques, l'une de personne à personne, l'autre culture de masse, se retrouveraient en un commun langage, en un commun système de signes, soumis au même référentiel politique. L'extériorité, morphologique, encore artificielle et rudimentaire, mais assurant la nouvelle nécessité des échanges économiques, et la culture de l'intériorité débarrassée des fantasmes du passé, réactionnaires, pourraient se synthétiser dans la toute-puissance de ce qui sera la bourgeoisie libérale.
CHAPITRE
III
Les limites du pouvoir d'intégration : l'intégration trop extensive (le libertinage) et le non-intégrable. La contradiction ne peut être dépassée : la situation est révolutionnaire (conditions subjectives) I. LE POURRISSEMENT D E L'ENTENDEMENT OU LES LIMITES D E L'EXTENSION SUPERSTRUCTURALE. LA QUATRIÈME INTÉGRATION A . SI LA CULTURE DE CABINET, R E F L E X I V E , RÉVOLUTIONNAIRE,
LE
MONDAIN
VA
A PU ÉLABORER L E
CORROMPRE
CETTE
SÉRIEUX
CONSCIENCE
POLITIQUE
1. De l'empirisme dogmatique à l'ironie méthodologique et critique. La mondanité est le lieu de rencontre de la culture empirique et des financiers et technologues. C'est dans et par le mondain qu'apparaît et se développe le premier langage politique désaliénant. La catégorie politique élaborée par le savant et le thoéricien, ne fait que reprendre dans une systématisation formelle qui n'ajoute aucun recul critique, qui est même participation, et même consentement à l'empirisme, la problématique du mondain. Mais, si en tant que moment, l'attitude sceptique et critique trouve une justification d'ordre historique, son prolongement va signifier une trop grande compromission dans le sensible. C'est que l'entendement s'aliène dans l'organicité de classe. C'est parce que la bourgeoisie de robe veut faire de l'intellect un monopole de classe, et non le moyen de désaliénation globale (par la science) que la catégorie politique ne pourra quitter le commerce mondain. L'entendement, cependant, aussi compromis qu'il soit dans l'empirique, a pu accéder à une certaine conceptualisation (Encyclopédie et doctrine constitutionnelle). Mais, même dans ce cas, meilleur cas possible, l'intérêt de classe a prévalu sur le savoir. Aussi, c'est en tant que continuité de la même attitude et du même langage que, par le relationnel mondain, la catégorie politique va encore se pervertir. La même attitude, le même langage, sont en leur apparition désalié-
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nants, et dans leur persistance et prolongement, aliénants. C'est par le décalage historique, que dans le premier cas une critique effective de l'Ancien Régime est faite, et que dans le second cas le langage de l'intégration à la nouvelle organicità (promoteur, profiteur, entremetteur de la nouvelle économie bourgeoise) est proposé par la culture. C'est dans le continuum morphologique qu'est la vie mondaine, la vie de salon, la conversation (les modes relationnels comme quotidienneté et formalisation devenue naturelle, de la bourgeoisie, de l'élite), c'est par le commerce mondain que se fait au niveau du relationnel, le raccordement entre une culture de robe empirique et pragmatique, et la nouvelle pratique, au niveau des élites, technologues et financiers. Ce passage, de l'empirisme dogmatique à l'ironie naturaliste, est le passage du sérieux politique à la frivolité mondaine. Mais il sera progressif. Le langage mondain est alors tellement élaboré qu'il va atteindre une dignité sémiologique. L'ironie, comme code, comme connivence des non-dits, va d'abord se proposer comme mode de relation, comme système de reconnaissance. Puis l'ironie critique sombrera dans la consommation, le libertinage, le naturalisme. La vie de selon, vidée de l'intention originelle dont elle était la matérialisation, conserve l'intégralité de sa formalisation. Et celle-ci, réduite à son être-là, s'étale en un maniérisme qui permettra de regagner en extension ce que la pratique a perdu en signification, et qui fait de la forme le fond. (C'est ce maniérisme qui va devenir langage, moyen d'homogénéisation du nouveau réseau relationnel vertical). De même que la noblesse avait fait de son esthétisme l'expression de classe qui suppléait à sa praxis étymologique, et qui véhiculait une praxis de remplacement, le formalisme de la classe de robe se fait sémiologie. La culture de l'intériorité était structurée par une correspondance des étants du moment et de ceux du devenir qui n'autorisait aucune gratuité du plus court moment collectif. Le devenir romanesque trouvait sa nécessité par son aboutissement au principe moral qui justifiait l'intention subjective originelle. Contrairement à la culture féodale, cette culture bourgeoise n'était pas répétition. C'était une culture du devenir qui équilibrait son avenir par son passé. Après la crise janséniste, cette culture est considérée comme accomplie. Aussi les étants qui étaient contemporains perdent la nécessité qui permettait leur homogénéisation. Ils tendent non seulement à se juxtaposer, mais à se détruire l'un par l'autre, dans la revendication, devenue naïve, empirique, impérialiste, des thèmes, des individus, des micro-groupes. Et la participation de classe n'est plus dans l'effort d'homogénéisation, mais dans la volonté de juxtaposition, sur le plan des micro-durées, des moments essentiels de la praxis qui s'est accomplie, et niée doublement par le jansénisme. Cette volonté critique, qui a permis d'écarter la culture de l'à priori, s'actua-
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lise à chaque micro-moment du devenir et se personnalise, comme prise de conscience et d'une praxis accomplie. C'est le principe de l'ironie. Car cette constante critique ne veut pas détruire cette structure, car la classe de robe, dans les multiples constantes de sa continuité matérielle, se réfère toujours à la même structure (moyen de recrutement cependant soumis à la réaction nobiliaire et de plus en plus, ainsi, classe moyenne). Elle cherche à maintenir, mais au seul niveau de l'être, en proclamant sa réalité, mais en la dénonçant comme dépassée. L'être de classe ne peut, ne veut, et ne doit pas être nié dans sa réalité sociale, passée et actuelle. De plus, il n'y a pas de rupture fondamentale entre la praxis de l'intériorité et celle purement politique ; la culture de robe est toujours dans une dynamique ascendante, elle garde toujours l'optimisme de classe qui veut passer de la maîtrise de l'intériorité à celle de la société globale. Aussi la critique de la praxis de l'intériorité se veut dépassement, et non négation. Elle accepte le passé en l'adaptant au moment politique. Elle n'atteindra donc jamais un esthétisme de la négation, (qui est, par exemple, l'expression de la décadence féodale au plus grand moment d eloignement de la praxis originelle, quand celle-ci s'est totalement soumise à la praxis du roi, qui d'abord paraissait praxis de remplacement, et qui s'est avérée assujettissement du courtisan). L'ironie est donc encore participation. Mais participation qui se nie par ses modes d'expression, qui prend ses distances. Cette ambiguïté exprime la participation par sa négation. Cette ironie a donc besoin de l'être-là de la culture de l'intériorité. Elle est la trame du devenir de la culture de robe, car c'est le bourgeois de robe qui fait cette critique. Ainsi apparaît la logique du maniérisme. La nouvelle bourgeoisie de robe, par l'ironie à propos des valeurs de l'intériorité qui débouche sur un formalisme mondain, peut proposer un mode d'expression aux nouveaux arrivants du monde de la technique et de la finance. Ainsi l'existentiel amené par ce nouvel organique sera délimité, réduit, mais aussi et surtout exprimé. Cet existentiel s'est beaucoup étendu : ce n'est plus l'organique au niveau de la personne qui donne le coefficient de particularité et de singularité. Le plus étranger au principe de réciprocité qui fonde les échanges de salon, c'est l'organique produit par l'exploitation des forces productives et des moyens de production, qui tend à subsister à l'implantation traditionnelle par strates sociaux ascendantes une implantation par groupes d'influences beaucoup plus hétérogènes, qui, non seulement n'ont pas proposé de culture spécifique au niveau de leur apparition, mais veulent soumettre le collectif national à leur influence particulière. Le maniérisme de la culture de robe peut résorber, sur le plan morphologique des rapports mondains, cet apport trop organique. En proposant la critique ironique de la culture de l'intériorité à ces groupes
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relationnels hétérogènes, la culture de robe leur propose un langage qui autorise leur intégration, au prix de leur soumission au formalisme culturel. Et l'organique ne peut qu'accepter ce qui lui semble son mode d'expression : la mise en question de la culture de la réflexion. C'est tout naturellement qu'il s'intègre au formalisme. Cette extension d'un langage originellement intime à la culture de robe, d'un maniérisme qui était finesse psychologique, usage de sous-entendus et d'allusions, est perte certaine de sa qualité psycho-affective. La double référence intellectuelle et affective cède le pas aux nécessités de la reconnaissance des rapports de production partiellement justificatifs de la bourgeoisie de robe. Mais par contre, la culture de salon, par ce formalisme, s'étend dans une dialectique descendante, selon la distribution verticale des nouvelles modalités de la production et de la distribution. Mais la logique du maniérisme, une fois acquise l'implantation des apports d'ordre technique et financier, retourne son ironie contre ces apports organiques, dans une nouvelle restauration de la culture réflexive. Ainsi les deux moments du devenir de la culture spécifiquement de robe se réconcilient, non plus dans l'intimité qu'est la réciprocité de deux termes, mais de par la commune opposition à un troisième terme hétérogène. L'ironie commune, des deux moments de la culture spécifiquement de robe, à l'égard de l'apport organique, ne peut reconstituer que formellement l'unité de classe, car elle est aussi constat de la nécessité de ce troisième terme, négateur de l'intériorité. Elle est donc constat, acceptation commune de l'échec historique de la culture de l'intériorité, en même temps que sa suprême revendication, dans un langage qui passe dans le non-dit, qui se fait sous-jacent à la réalité et qui débouchera dans le monde de l'imaginaire, ou bien qui devra renoncer, s'il veut se retrouver dans la nécessité historique du conditionnement de classe. L'ironie alors exprime une nostalgie dont la tristesse est «rattrapée» par la volonté politique : l'espoir d'une maîtrise sur le réel social, la conquête d'un nouvel organique autorisant la subordination du corps humain à l'impératif d'une pratique qui permettra alors de revenir à une culture de l'intériorité qui ne serait plus limitée à celle d'une classe. Dans l'ironie le négatif affleure, mais la dynamique ascendante de la classe permet la soumission, non pas coercitive mais réflexive, de l'intention subjective à l'intention politique, la culture de robe retrouvant ainsi une unité, celle de sa réflexion et celle de son action, qui dépasse l'unité de classe qu'était le rationalisme (réconciliation de classes d'origines très différentes) par la réconciliation de la raison (synthèse de la conscience et de la science) et de l'action. L'hétérogénéité des composantes de la nouvelle bourgeoisie est le moyen de transition d'une culture de classe à une culture nationale, le moyen de la plus large synthèse des cultures étymologiques, dans la
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compénétration, par la dialectique centralisée et descendante assurée par la culture de robe, des milieux naturels les plus différents. Ainsi l'extension formelle de la conduite ironique détermine le mode de participation et le commun langage des trois composantes de la classe du progrès. La forme détermine le fond. La logique du maniérisme exprime la situation de la bourgeoisie de robe dans la praxis globale, et la situation particulière des nouveaux apports de classes dans la classe bourgeoise de robe, laquelle exprime la transformation de cette praxis globale et veut la soumettre à sa volonté politique. Le devenir ne sera pas la fusion qui s'accomplit par la reconnaissance intime, la détermination d'une synthèse au niveau existentiel (devenu moyen d'expression du politique). Les trois composantes élaborent un moyen terme, non synthétique, mais de cohabitation, compromis imposé par la commune opposition à l'Ancien Régime. Par l'ironie, les termes prennent leur distance à l'égard l'un de l'autre, mais se reconnaissent dans un dialogue formel. C'est bien le politique qui fait l'homogénéité d'apports hétérogènes. Le maniérisme permet de reconstituer cette situation de classe, et de la praxis, sur le plan de la micro-durée relationnelle. La sémiologie du macrosocial se redira, dans une cellule sémiologique qui consacrera à la fois l'extension de la culture de robe et sa nouvelle signification politique. Cette cellule doit reprendre la logique de la situation : primat du politique qui impose l'unité d'action et de comportement, et, immanente à cette volonté, la revendication particulière, dans un conflictuel subordonné au devenir global. Cette cellule, participation immanente au devenir, devient modèle de la relation à créer : forme à priori qui est à la fois le cadre de l'expression et l'expression. Ainsi elle peut se modeler et se remodeler selon la diversité existentielle qu'elle doit exprimer, dans un raffinement à la fois réflexif et esthétisant. Les combinaisons de cette cellule reconstituent le discours mondain. L'individualisation est dans le maniement de cette cellule. Quel que soit l'apport originel (argent, situation, etc.), la reconnaissance de l'autre, la détermination de la personnalité, selon la relation des conduites de participation, conflictuelles ou d'alliances, se font selon le commun critère qu'est la cellule. C'est l'habileté de son utilisation dans le discours mondain qui hiérarchise, propose les modèles culturels. Les coteries ou groupuscules s'organisent autour de leaders, qui dans l'expansion de leur champ d'influence, se confrontent à d'autres leaders. La sanction est la stratification mondaine. Cette cellule élémentaire étant la médiation nécessaire à toute relation sociale (dans le milieu d'opposition à l'Ancien Régime), toutes les particularisations de la vie intime doivent s'exprimer à travers elle. La conversation mondaine sera donc la mesure de l'individualité. La maîtrise de la conversation est celle des réalités mondaines. Elle témoigne de la synthèse de la sémantique
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traditionnelle, forgée par le verbo-conceptuel de la culture de l'intériorité, et de la sémiologie qui exprime la nouvelle signification de la praxis. La cellule sémiologique autorise ainsi la plus grande souplesse de l'ironie qui dispose de toutes les tournures, explicites ou sous-entendues, dans leur plus forte micro-socialisation, dans le dialogue intime, pour dire l'intention collective. Par la conversation, se fait la synthèse du sérieux et du frivole, c'est-à-dire du politique et de l'existentiel, du collectif et du singulier, de l'objectif et du subjectif, du culturel et de l'intime. Par le formalisme mondain, et le maniement de l'ironie, le relationnel reconstitue l'individualité substantielle. La ludicité est l'expression du sérieux. L'ironie est d'une part ludicité, négation d'un ordre, et par ailleurs sérieuse, prolégomène qui fait table rase d'une problématique dépassée, tout en conservant la forme et les procédés qui permettent, à l'échelle la plus cellulaire, de reposer les nouveaux problèmes dans la confrontation la plus libre des tendances, au niveau le plus existentiel des trois modes (culture de robe, finance, technique) dans l'analytique parcellaire qui confronte la diversification. Elle permet, en des séminaires d'études les plus mouvants, de sérier, hiérarchiser les problèmes, et surtout de prendre une conscience politique par la détermination de l'empêchement majeur : l'Ancien Régime. Le maniérisme verbal assure la continuité de la culture de robe : il permet à la volonté politique de se substituer à l'intention subjective, à l'empirisme analytique de se substituer à l'à-priorisme synthétique, au contenu politique de se substituer au contenu romanesque. 2. L'autocritique de salon, de la culture de l'intériorité, débouche sur le naturalisme de par la privation de l'efficience politique Mais l'absolutisme du pouvoir dénonce l'ambition politique de la bourgeoisie de robe dont le pouvoir n'est que délégation, représentation. La bourgeoisie de robe ne dispose d'aucune autorité politique. Ainsi la classe sociale s'infantilise dans le verbalisme, le discours, la conversation. Les revendications sont dites par le pouvoir clérical, féodal, vues de l'esprit, critiques gratuites, car manque d'expérience, de maturité politique. L'exercice du pouvoir non seulement est interdit à cette bourgeoisie mais réduit son sérieux politique à la gratuité du discours. Aussi cette désubstantalisation, privation, du sérieux renforce la ludicité, le frivole, le scepticisme. Cette classe sociale continue à vivre dans des structures qu'elle sait dépassées. De même que l'absolutisme ne fait pas paraître sérieuse sa revendication, la bourgeoisie cultivée ne prend plus au sérieux des formes de sociabilité qui ne répondent plus à son ambition politique. Elle aura tendance à trop s'en jouer, à montrer leurs contradictions, leur inconsistance et d'autant plus qu'elles sont encore la
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motivation et la justification des forces de l'absolutisme. Aussi la bourgeoisie connaîtra, sur le plan des mœurs, une régression vers le naturalisme qu'elle avait depuis longtemps dépassé. Dans les relations nature-société, la culture, paradoxalement, de par son inefficience politique, choisira la nature. L'ironie, destructrice des structures dépassées, permet à la nature de s'imposer, de s'épanouir. Celle-ci apparaît alors comme vérité devant la facticité des structures sociales. Elle est un domaine de liberté devant l'aliénation des formes de sociabilité. Elle est revendication politique, car élan vital, profond, incoercible, qui doit balayer ce qui veut l'interdire. Et ce naturalisme, contrairement à celui du Moyen Age, trouvera un esthétisme très raffiné et tiès élaboré pour l'exprimer. La conversation, qui déjà avait connu la tentation du mot d'esprit au niveau du salon, devient un esthétisme de l'ironie. Celle-ci est le signe de la liberté civique et de la puissance de la nature. La séduction consiste à réveiller la nature en détruisant, par l'ironie, les structures sociales du sérieux. Faire rire est créer une complicité, commencer une conduite de liberté parce que conduite naturelle. Et cette séduction, dans le concurrentiel du salon, de la conversation, de toute relation mondaine, est l'étalon de la valeur, la mesure de la sociabilité de la bourgeoisie cultivée, car elle est l'expression de sa situation et de sa liberté. Ainsi l'esthétisme de l'ironie, la séduction, sont encore une maîtrise du frivole, bien qu'ils consacrent l'éloignement du sérieux. Ce n'est pas le jeu du courtisan, qui joue pour le roi son destin, c'est le jeu qu'une classe se donne à elle-même et qu'elle pense dominer et limiter. La sexualité sera recherche d'une complicité et d'une réciprocité, dans un naturalisme qui reconnaît aussi la liberté de l'autre, car c'est le naturalisme d'une classe ascendante, irresponsable civiquement, encore, mais qui, par sa conscience politique et son opposition aux abus, ne se met que rarement dans la contradiction d'une liberté qui se cherche en asservissant les autres. L'esthétisme de l'ironie ne peut perdre sa grâce et son élégance dans la dramatisation : ce ne serait plus un jeu, et ce serait perdre la seule maîtrise qui soit permise. Quand le sérieux reprend le dessus, c'est l'ancien ordre qui revient. Si la nature apporte le plaisir, et peut-être le bonheur, c'est parce que l'esthétisme est un jeu. Et ce jeu, on croit le maîtriser. Ainsi cette frivolité est encore ambiguë, ironique à l'égard d'un sérieux dépassé, sceptique à l'égard de toute morale, impuissante à créer un ordre nouveau ; elle joue sa propre situation et ainsi la propose comme liberté, maîtrise, par le ludique. Et la nature qui réapparaît, est rappelée autant pour le plaisir que pour la provocation politique. L'émancipation joue le naturalisme. Et cette subtile sémiologie est encore une culture : la nature est perdue, à jamais, elle n'est plus que revendication politique, langage, et surtout lorsqu'elle s'étale et semble triompher.
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Mais cette ludicité, qui se croit encore maîtrise, ne pourra pas résister au libertinage, de par le quadrillage du nouveau système relationnel apporté par le précapitalisme.
B . LE LIBERTINAGE (OU LE PROGRÈS SANS LA RÉVOLUTION)
1. La verticalité du nouveau réseau relationnel. Le quadrillage de la stratification horizontale des classes sociales 1 La culture de robe sera la médiation qui politise la nouvelle praxis. C'est par son langage, sa thématique, que se dit la praxis. Par l'appareil conceptuel et politique proposé par la culture de robe peuvent s'homogénéiser les nouveaux principes directeurs de la praxis : l'argent et les techniques. La discontinuité horizontale du relationnel traditionnel va se croiser à la continuité verticale des nouveaux réseaux relationnels. Mais cette médiation n'est pas toujours exemplaire sur le plan des relations des groupes humains, soit que la nouvelle relation établie se prolonge après la possible disparition du membre de la culture de robe qui l'a instaurée, soit qu'elle s'instaure sans le truchement d'un bourgeois de robe. Les groupes, ou individus, dépositaires des nouveaux moyens d'action, forment des réseaux de relations directement déterminés par les modes de travail. Ainsi, de par ces nécessités d'ordre professionnel, plusieurs secteurs d'activités, traditionnellement séparés, se recoupent. Mais aussi apparaissent de nouveaux secteurs d'activités fondamentalement homogènes. Ces relations professionnelles, par de multiples modes, se prolongent sur !e plan de la vie privée. Ainsi, de la base au sommet du relationnel traditionnel, hiérarchisé en ordres et classes sociales, stratification historique des fonctions et vocations sociales, s'instaure un premier réseau, très diversifié sur le plan des apports originels. Ce premier réseau met en relation les grands dépositaires des moyens de production de la nouvelle praxis. Il s'agit d'une culture de petits groupes, de prestiges et d'autorité consacrés, qui mettent les individus dans des perspectives «égalitaires», de réciprocité (banquiers, industriels, technologues, etc.). Mais auprès de ces notables, personnalités, apparaissent des groupuscules et services qui leur sont directement dépendants. S'instaurent de nouvelles relations, qui tendent à une hiérarchie, d'une part entre le notable et ses
1. Encore une fois nous proposons les déterminations sociologiques d'une notion idéologique.
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services, d'autre part dans le service, entre ses membres, enfin entre les différents services. Ce double réseau de relations spécifiques de la nouvelle praxis ne peut prétendre à une autonomie de ses catégories relationnelles. C'est que la nouvelle praxis n'est pas autonome. Dans sa réalité économique elle est paradoxalement liée à l'Ancien Régime et à la classe bourgeoise du mercantilisme (d'argent). C'est par les relations avec l'Ancien Régime que les industries, manufactures, commerces, ont pu s'implanter, tendant à des monopoles régionaux, que les gouverneurs cherchent à utiliser, qui sont devenus des avantages acquis représentatifs des prestiges locaux. C'est par l'autorité et l'influence politique de la noblesse sur le pouvoir central que les arts et métiers, le commerce, peuvent trouver les conditions, au niveau de l'autorité, de la protection (douanière) et de l'expansion. Aussi le réseau des relations verticales est-il à un sommet, très étroitement lié à l'Ancien Régime. Ainsi se compénètrent la noblesse traditionaliste et la bourgeoisie de la nouvelle praxis. Mais à la base le réseau relationnel s'implante dans la bourgeoisie du commerce et des affaires, et dans une bourgeoisie qui ne représente plus une centralisation acquise sur le plan de l'entreprise ou de la concentration du capital, mais qui assure, quantitativement, la pluralité des apports de par l'organisation bancaire du financement et des sociétés anonymes. Ainsi la bourgeoisie marchande ou commerçante, de la petite entreprise, s'engage dans une praxis qui n'est plus celle, traditionnelle, de l'économie familiale dont le bénéfice est le fruit du seul travail et qui se réinvestit dans la croissance de l'entreprise (ou qui autorise la promotion du fils dans la bourgeoisie de robe), mais qui devient rentabilité de l'argent. Cette démarche se détache de son origine, tend à devenir autonomie (puisqu'elle peut assurer l'indépendance personnelle et économique, par la rente), pour un groupe restreint, sans doute. Puis elle devient, pour une large fraction de la bourgeoisie, un appoint important de revenus, qui, sans être une économie de remplacement, est déjà économie de complément, qui est pénétration d'une ludicité, d'un spéculatif dans le secteur le plus traditionnellement éloigné de l'improvisation, qui est plus qu'une tentation, un besoin. A la dynamique du travail tend à se substituer une dynamique de l'argent, un collectif anonyme qui se substitue au collectif dynastique, une culture de l'argent qui n'est plus, au niveau de sa gestion et de son acquisition, culture de petit groupe dont la solidarité et la confiance reposent sur les liens du sang (famille). C'est une culture «de masse», d'un pluralisme d'apports qui a su substituer au conflictuel anarchiste de l'économie des dynasties un système d'alliances régi encore par la loi du profit, mais d'un profit collectif, égalitaire, en un sens, dans sa répartition. Ainsi le système bancaire, et surtout le
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ralliement quantitatif de la bourgeoisie d'argent, permet de contrôler le ludique, d'en faire un risque calculé, à fortes garanties, de par la solidarité des participants. Le réseau de verticalité met donc en rapports l'esthétisme de la noblesse et une culture de l'argent qui a son sérieux en elle-même, dont la finalité n'est pas extérieure à l'argent. Cette situation va susciter, de par l'hétérogénéité des apports de la base et du sommet, de celle de l'intermédiaire et des extrêmes, un nouveau réseau médiateur, dont les membres peuvent être déjà participants aux réseaux déjà décrits, mais dans une «invention» qui n'est plus déterminée par la praxis immédiate. Ces intermédiaires n'auront pas de continuité dans une autonomie verticale de leur action. Leur rôle est celui de relais, de personne à personne, de personne à groupe, de groupe à groupe. Leur action est individualiste, de l'ordre du profit personnel, occulte ou publique. Mais leur action n'étant pas déterminée par une praxis spécifique est pur opportunisme. C'est soit l'intrigue pour pénétrer dans les services (par la séduction des responsables de la nouvelle praxis, intrigue pour monter en grade, dans ces services) soit, à son plus haut niveau, le démarchage, pour créer, affermir une affaire. Celle-ci n'ayant pas de statut juridique la recouvrant, s'implante empiriquement, selon des accords ou alliances soumis aux seules personnes dépositaires de l'autorité et de l'argent, selon un système de réciprocité qui doit progressivement découvrir son équilibre, ses points de force, pour tendre à une normalisation qui sera le simple jeu des affaires, indépendamment des relations de personnes et des particularismes locaux, dans la découverte des «lois de l'économie politique». C'est cette mouvance, empirique, d'une praxis soumise à la juxtaposition de ses apports constitutifs, où l'économique, le politique, de secteurs hétérogènes, doivent se composer selon l'habileté des personnes, qui légitime, rend institutionnelle l'ambiguïté entre le jeu et le sérieux, entre l'économique et l'intrigue, entre le politique et l'argent, entre l'Ancien et le Nouveau Régime. 2. Par cette verticalité, le naturalisme va circuler et s'implanter dans la hiérarchie sociale. Dynamique de cette société de consommation. Forme et contenu du réseau marginal au réseau vertical a) A la base : le naturalisme accède à un réseau marginal au nouveau réseau vertical. Les mercenaires du plaisir Cette ambiguïté va déboucher sur le libertinage : au-delà du sérieux de la praxis, dont les deux premiers réseaux parallèles et verticaux constituent
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les piliers, le frivole va triompher dans la collusion de l'esthétisme noble décadent, de l'argent issu de la rente et de la spéculation, de l'esthétisme de l'intrigue de l'intermédiaire. Et si ce libertinage ne peut mettre en question l'implantation institutionnelle acquise, ce qui constitue déjà la superstructure, il se développe pleinement sur le plan des relations inter-personnelles. Le réseau vertical de relations va véhiculer une dynamique déstructurante non seulement de la stratification en ordres de l'Ancien Régime (idéologie religieuse et féodale), mais aussi de la culture de robe : de nouveaux systèmes de relations vont encore apparaître, qui vont faire pénétrer à tous les niveaux de la hiérarchie sociale une culture de la consommation, mais esthétisante, symbolisée par le luxe et l'ironie naturaliste, modes d'expression de la vie sensible la plus dépolitisée. Le naturalisme, c'est-à-dire le négatif de l'ordre des échevins, cantonné dans le quartier interdit, va corrompre la hiérarchie sociale, accéder à un nouveau statut. Les prostituées, proxénètes, bouffons, aigrefins, connaissent, au niveau de leur «élite» une certaine reconnaissance mondaine. A ce naturalisme traditionnel, il faut ajouter tout ce que l'époque suscite comme intrigants, spéculateurs, agioteurs, escrocs, aventuriers, personnages équivoques, déclassés, qui sans être d'origine purement plébéienne, fréquentent «l'élite» parvenue du monde d'en bas. Ce qui est nouveau, c'est qu'une «élite» de ces gens-là peut fréquenter le monde, mais encore, tout en restant marginale, s'intégrer, parfois, et participer à la vie publique. La bourgeoisie et la noblesse signifient leur émancipation de la tradition par une certaine complaisance à ce milieu. Le chantage, la peur du scandale, l'habitude du vice, font le reste. L'occultisme, le cosmopolitisme, véhiculent aussi la sorcellerie, le charlatanisme. Ainsi un milieu, qui n'est plus celui du ghetto originel dans lequel le naturalisme était circonscrit, qui est la somme de toutes les marginalités, réconcilie le vice, la sorcellerie, la fausse science. Entre la société policée et son négatif s'établit une zone commune, émancipation de la tradition et promotion de la plèbe. La contradiction s'efface devant le compromis, une franc-maçonnerie des marginaux corrompt les échanges sociaux, par tout un réseau d'intrigues, de pressions, qui instaure un laisser-faire, la complicité des compromissions, l'impossibilité de reconnaître la part des responsabilités. b) Au sommet : la formalisation et les modèles de séduction. La reconnaissance mondaine des gens du spectacle et de l'art Mais ce qui caractérisera le libertinage, c'est que ce naturalisme quitte sa sémiologie spécifique pour acquérir une formalisation, un gestuel, qui tendent à l'intégrer au corps social. L'habit fait le moine et la forme le contenu. C'est
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que tout le réseau marginal ne dispose d'aucun référentiel. Il n'a ni l'institutionnel, ni les signes de reconnaissance spécifiques à une classe. Il n'existe que par rapport à, et par rapport aux réseaux verticaux qui véhiculent la nouvelle praxis. C'est que leur dynamique ne dispose d'aucun statut. L'ascension des marginaux, ainsi que leur chute, dépend des seules protections, soit des bourgeois, soit des seigneurs. Leur indépendance ne peut relever d'une praxis. Comme corps social, ils demeurent le non-dit, bien qu'ils soient reconnus comme personnes (mais au niveau d'un relationnel marginal aux rapports publics). Si l'individu marginal ne peut se laisser porter par une structure qui l'établit, il doit se référer à une formalisation qui sera sa seule réalité sociale, et qui ne reposera sur aucun contenu politique sérieux. Cette formalisation trouvera son modèle, c'est-à-dire l'accomplissement de l'ascendance du naturalisme, par la reconnaissance de son arrivisme, au niveau des gens de théâtre, comédiennes, danseuses, etc. L'institutionnalisation des corps constitués (théâtre des Italiens, Opéra, etc.), consacre ce carriérisme. L'artiste du spectacle quitte ainsi l'identification de son métier et du vice, du mal. Si l'ambiguïté demeure, entre le comédien et le vice, si l'histrion est encore méprisé par le bourgeois, une élite atteint, par la perfection de son métier, par son travail, par son talent, une reconnaissance mondaine. Ce «dédouanement» par le métier, par la perfection du métier est accession à un statut social, d'individus issus de «la basse classe». Ce statut est à la fois succès, dans le métier, et reconnaissance, par le monde. Il sera visée, alibi, envie, pour tous les mercenaires du plaisir : la promotion sociale de l'artiste sera aussi promotion sociale de la prostitution. L'ambiguïté originelle entre le comédien et le vice est reconduite dans cette prostitution de «standing» qu'est l'entretien des femmes de théâtre et des danseuses. Tout un corps professionnel (corps de ballet, etc.) est lieu de recrutement, pour une prostitution raffinée, aux justifications mondaines et artistiques. Tout un corps de postulants n'aspire qu'à cette reconnaissance. 3. L'extension de la classe moyenne d'argent comme compromis de la structure et de la dynamique a) L'évolution de la classe moyenne d'argent. De la vertu du comptoir et du corporatisme à la vente et au commerce du confort et du luxe L'arrivisme, nous l'avons vu, doit au moment de la plus forte structuration de la cité, à son moment autarcique, se soumettre très étroitement à la praxis dirigeante. La hiérarchie sociale délimite strictement la promotion (barrières et niveaux). Ainsi le sérieux interdit toute continuité d'une conduite de non-
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dit. L'émotivation dénonce toute intrusion d'un événementiel non répétitif. Tout apport naturaliste était isolé, résorbé, dénoncé. La bourgeoisie commerçante avait continué cette culture. La vénalité et l'hérédité des offices l'a isolée dans le sérieux de son économisme, dans la mesquinerie de sa quotidienneté. C'est que, après la fierté de la promotion du fils, a suivi le reniement (par celui-ci) du père. Autrement dit, si la bourgeoisie marchande s'est d'abord sentie honorée, fière, de pouvoir accéder aux offices, par l'achat et pour le fils, lorsque la bourgeoisie cultivée, par l'humanisme et le rationalisme a pu se donner une idéologie qui se veut directrice de la praxis, la bourgeoisie restée au comptoir s'est sentie dépassée, reniée par une classe qu'elle a pourtant faite, et qui maintenant la dédaigne. Aussi va-t-elle opposer à ce mépris des offices pour le comptoir, le mépris de l'argent, de la puissance de l'argent, pour la culture qui n'est apparue que par elle. Mais en même temps, cette bourgeoisie de plus en plus riche ne peut se couper de la culture des gens de robe, qui exprime aussi ses revendications et son opposition politique, et qui demeure un idéal de vie. Aussi l'attitude de la bourgeoisie commerçante à l'égard de la bourgeoisie cultivée sera ambiguë (il faudrait l'étudier dans ses différentes couches sociales, d'après les relations de parenté, etc.). Schématiquement, de l'envie au mépris, elle n'arrivera que difficilement à se donner une culture propre : son manque de culture intellectuelle, par exemple, la condamne à un vernis précieux, qui la rend ridicule, pour la bourgeoisie cultivée. Son refus d'un commerce mondain l'isole dans le provincialisme et la mesquinerie commerçante. Mais jusqu'à la Régence, cette bourgeoisie représente un fond de sérieux, de par son inculture même. Ce sera la pure expression du mercantilisme, étroit et borné, conformiste, sans horizon politique, incapable de dépasser sa propre immédiateté, l'ici et le maintenant, honnête par égoïsme et par méfiance, soucieux d'une tradition qui garantit son état. Progressivement, la culture commerçante devient celle des vertus privées, familiales. En effet, elle parviendra à trouver le point d'équilibre de sa contradiction (entre l'argent, son origine et la culture intellectuelle, sa fin). Sa légère culture lui permet de dépasser lapreté au gain, l'avarice, la mesquinerie. Mais cela ne pourra aller jusqu'à la préciosité, de par la nécessité de tenir le comptoir, d'organiser une économie familiale, très difficile et complexe, fortement structurée et spécialisée dans sa quotidienneté. De par les alliances économiques que fondent les mariages, les unions ont une stabilité, une force de prégnance que ne pourraient mettre en question les incartades, très passagères, du mari. Ainsi dans la bourgeoisie d'argent se développe la seule culture familiale (dynastie, système d'alliances, spécialisation des fonctions familiales, structu-
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ration du quotidien, complémentarité des travaux calquée sur les complémentarités familiales). Le désengagement politique et culturel rend disponible et permet l'aménagement de la cellule familiale. Enfin, l'enrichissement, le progrès économique permettent d'accéder à un confort intimiste et à une liberté d'esprit, à une « décontraction », qui rendent plus faciles ces relations familiales. C'est donc une culture du sérieux, car culture du mercantilisme dans sa nécessité, sa force ; le conditionnement humain est immédiatement défini par cette praxis, par la régulation qu'elle impose à la culture cellulaire familiale. Et ce sérieux a une grande stabilité, car il est ce moment de la dynamique d'une classe qui interdit toute régression (de par l'enrichissement), à des formes de sociabilité frustes et mesquines, et qui interdit toute prodigalité, toute innovation dangereuse, de par la coupure avec la préciosité et l'intellectualisme de salon. Ces vertus privées se développent en vase clos. Et dans un sens, elles sont complémentaires de la culture intellectuelle qui vise à l'universel. C'est parce que les vertus privées, familiales, sont garanties par la praxis mercantile, que la bourgeoisie cultivée a pu s'élancer à la conquête de l'universel, de la raison et de la science. L'antagonisme mercantilisme-intellectualité est celui d'une vocation différente des fils à partir d'un tronc commun, le père, riche marchand. Ces vertus privées, celle de l'amour conjugal, de l'amour filial, doivent être étudiées au moment de leur développement. C'est en référence à la praxis que la genèse de ces vertus et de cet amour doit être définie (ce que la psychanalyse veut ignorer), car les formes de sociabilité qui les expriment se structurent par l'économique. S'il y a fidélité conjugale, c'est surtout à la relation économique plus qu'à la relation sexuelle, et l'éducation du fils est autant celle du commerçant que celle du fils. Alors il n'y a pas d'indépendance du sexuel, de l'affectif, de l'économique. Chaque élément se définit en référence à une totalité. Mais ce premier équilibre, dans la contradiction entre l'argent et la culture, cette première culture de la praxis commerciale qui permet le développement des vertus privées et familiales, le bonheur du comptoir, vont basculer, d'une part, par l'accession à la rente (et dès le 17e siècle), d'autre part, par la promotion sociale de l'artisanat du confort et du luxe. L'enrichissement progressif réalise ce saut qualitatif, de l'opulence par le travail, à la rente dans l'oisiveté. La première contradiction, celle de l'argent et de la culture, ne pouvait encore tomber dans des conduites de décadence, car contradiction de deux modalités du travail, qui ne s'opposaient que dans leurs effets, leurs causalités, somme toute complémentaires. La contradiction qui va apparaître, par l'accession à la rente, est d'une autre nature ; ce ne sera plus l'opposition entre deux formes du travail, mais la
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contradiction entre le travail et son contraire, l'oisiveté. (Certes, la rente était depuis longtemps l'un des éléments du revenu bourgeois, mais en tant que complément au produit du travail du commerçant.) Il y aura une première période d'équilibre, en tant que complémentarité du labeur et du repos, période particulièrement heureuse, car elle permet aux vertus privées, familiales, de s'élargir dans un loisir et un confort qui sont les fruits immédiats d'un travail. C'est la période où le travailleur jouit, de par son travail, d'une oisiveté qui prolonge le genre de vie précédent, d'une oisiveté de retraite et de prudence, car le travail peut être repris. Mais la génération d'après ne retient de la rente que le contraire du travail, le revenu n'est plus la récompense du travail, mais la dépense de l'oisif dans la méconnaissance du travail et dans le mépris des traditions de l'économie professionnelle et familiale. Le sérieux du mercantilisme va ainsi basculer dans la facilité. Le temps libre, le temps de l'oisif, ne sera ni temps de culture intellectuelle, ni temps de culture mercantile, mais opposition et mépris à deux formes du travail, l'une car elle ne peut obtenir la rente, soumise au service du roi, l'autre car elle ne sait pas dépenser, soumise au service du comptoir. L'argent est alors totalement coupé du sérieux, de sa double référence par le travail et le politique. Il est totale irresponsabilité : son usage ne peut être tourné que vers l'asocial. Il n'a qu'une vertu destructrice, de désorganisation de la réalité sociale, rupture de celle-ci par l'irruption de la vie naturelle à travers un esthétisme. Telle est la première corruption du sérieux de comptoir, de cette économie petite-bourgeoise qui délimitait, par sa praxis, ses propres besoins. La vertu, mesquine, et habitude, cède à la spéculation, à la propre dynamique de l'argent. Le précapitalisme implante aussi ses racines dans l'un des milieux les plus traditionalistes. Une continuité s'assure : du corporatisme, en passant par la rente foncière, pour aboutir aux grandes compagnies, aux premières grandes sociétés à dividendes. Et ce qui sera la norme (le partage des dividendes) se découvre dans le ludique. C'est l'intrigue, le trafic, la spéculation, l'agiotage, pour acquérir, augmenter la rente. Le 18e siècle connaît aussi une grande extension des métiers du confort et du luxe (ameublement, décoration, costume, joaillerie, etc.), des métiers de frivolité, qui pourvoient, dans l'oisiveté, grâce à l'argent, à la culture de la vie sensible. Cet esthétisme du luxe, du raffinement, est le signe de la richesse. Entre le désir et sa satisfaction, s'étale tout un clavier de possibles, tout un décor, tout un genre de vie. Alors que le corporatisme était égalitarisme des besoins, donc des personnes, cette progression de la consommation déplace la hiérarchie sociale. La stratification sociale apparaît dans le corporatisme, et entraîne la contradiction de strates de classe, entre les métiers du luxe
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et du confort et les métiers d'entretien de la quotidienneté. Et la contradiction apparaît aussi entre ces nouveaux métiers, du luxe, des frivolités, et la tradition corporative. Aux besoins de l'entretien de la quotidienneté s'opposent les désirs du luxe. A une consommation frugale s'oppose la consommation esthétisante. C'est par ces métiers que la bourgeoisie se compromet avec le réseau marginal. C'est que leur relation est celle de marchand à client. La pratique doit être ménagée, même flattée. Et les marginaux, dont l'être est le paraître, dont la formalisation est le seul mode d'expression, dont les signes sociaux sont le seul langage, qui n'existent que par l'esthétisme et le luxe, font aussi exister l'esthétisme et le luxe. b) La dilatation de la classe moyenne d'argent est le compromis entre la structure et la dynamique. De la contradiction à l'amalgame et à la complaisance. La comédie comme mode d'intégration et comme quotidienneté. La compromission avec le naturalisme par la domesticité Dans la praxis globale, le compromis entre la strutture et la dynamique est la classe moyenne d'argent ; plus cette classe s'étend et plus l'amalgame, la complaisance, le compromis se substituent à la contradiction originelle. Cette classe moyenne est la plaque tournante de la sociabilité : c'est à partir d'elle que se détache toute une partie de la bourgeoisie de robe et c'est à celle que parvient «l'élite» naturaliste. Plus ce tronc commun s'élargit, et plus l'arrivisme, l'amalgame, le compromis se systématisent. La structuration qui, à l'origine, juxtaposait plèbe et échevins, bourgeois et faubourgs, dans l'exaspération des contradictions, cède maintenant devant la dynamique. Cet élargissement de la classe moyenne d'argent correspond à l'extension de la cité, à la concentration urbaine, comme effet du processus de commercialisation. L'amalgame se marque sur le plan économique par l'interpénétration des fonctions de fabrication et de vente, interpénétration des corporations et des marchands. Et à cette mobilité sociale (déplacement de population et circulation dans les couches sociales), que l'urbanisme inscrit sur le plan écologique, correspond à l'intérieur de la cité, des classes sociales, de la famille, un nouveau modèle de reconnaissance. Le relationnel dans la cité, en son lieu privilégié de rencontre de la strutture et de la dynamique, comme système, mode, forme de la parenté, doit assurer l'amalgame et le compromis. L'infrastructural du relationnel est le système de la parenté (mariage). Nous l'avons posé comme une constante. (Ainsi l'amour courtois ne fait que révéler la nécessité dynastique.) La bourgeoisie d'argent a le même problème : la succession des biens. Aussi une certaine planification familiale doit prévoir la continuité économique
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par la continuité biologique. La précarité biologico-médicale de la vie au Moyen Age (le taux élevé de mortalité infantile, les épidémies) fait que les familles doivent prévoir une marge de sécurité qui permette d'assurer la relève. Aussi l'économique tend à être débordé par le biologique : la dynastie familiale ne peut maintenir l'accroissement quantitatif par la succession indivis et doit se préoccuper du reclassement des garçons et surtout des filles... C'est cet excédent qui autorise le taux de croissance de la cité. Comment caser ces filles et ces garçons ? La création d'emplois possibles délimite la marge excédentaire. Mais c'est surtout les filles qui constituent le problème majeur. La solution est la dot : elle témoigne de l'équilibre entre les légitimes prétentions du prétendant et les disponibilités dynastiques de la femme. C'est le montant de la dot qui détermine le recyclage dans la hiérarchie sociale. La dot permet une redistribution de cette hiérarchie. Mais ainsi, un capital déterminé, dans la cité, tend à se redistribuer selon un progressif élargissement des parts. Ce processus, étalé sur des siècles, tend à travers la multiplicité des accidents dérogatifs, à l'étalement d'un certain capital. Chaque génération reprend le processus de redistribution, en ajoutant au capital originel ses propres économies. Ce processus intime est celui de la croissance de la cité, c'est une extension spécifique à la moyenne et petite bourgeoisie d'argent, sa propre loi génétique, qui ne fait que consacrer le profit global de la classe sociale qui monopolise l'économie. La plus-value est redistribuée ; l'extension du capital de la cité, de la classe sociale, autorise la croissance quantitative des participants. (C'est un mode de l'accumulation primitive du capital.) La conjoncture économico-politique propose donc un élargissement des conduites de reconnaissance de l'homme et de la femme. Tout un clavier de possibles se propose dans une démarche où vie privée et promotion sociale sont intimement mêlées. Le mariage avantageux est une spéculation de famille, elle permet à des décalages de fortune de se compléter en une association mifamiliale, mi-commerçante. Ainsi, tout en conservant la structure de la cité, la bourgoisie en place reconnaît une marge de circulation de l'argent selon le talent de la personne. La nouvelle génération est autorisée à un faire-valoir, selon la beauté et la jeunesse, selon le talent de séduction, etc. Est consentie une part à la nature, mais parce qu'elle doit permettre un renforcement de la situation familiale. Le concurrentiel bourgeois récupère à des fins économiques les prestiges mondains de la personne. Le père peut ainsi consentir aux dérogations du moralisme de la cité, dans la mesure où la séduction de ses enfants renforce sa situation. Mais aussi, par cette infrastructure du relationnel, et par le «libéralisme» de la vieille génération, tout le non-dit de la cité va s'efforcer d'accéder à la reconnaissance politico-mondaine. Le non-dit, la dynamique, le terme politique-
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ment subalterne, vont faire pression sur le structural. Le valet, la femme, le fils s'opposent au maître, au mari, au père. Et si chacun poursuit son combat pour ses propres fins, leur alliance permet l'effectivité de la contestation. Et c'est dans la famille, dans la vie privée, que tout un système d'intrigues, de complicités, de pressions, se développe et sape l'autorité officielle du mari, du maître, du père. Ainsi une ludicité s'installe dans le sérieux, ainsi l'existentiel se développe dans, et par, l'institutionnel. Et le sérieux tolère cette marginalité, car celle-ci retrouve elle aussi des motivations et des fins d'ordre économique qui ne font que ratifier le système de valeurs pratiques de la cité. Le politique tolère le non-dit, l'argent tolère l'intrigue, l'économique tolère le ludique, car les antagonistes convergent vers les mêmes fins. La dispute n'est qu'un problème de distribution d'un pouvoir que la dynamique ne conteste pas. Tolérer l'existentiel, c'est permettre le répétitif, lequel est garanti par la dynamique. La contestation n'est qu'un conflit de générations qui oppose l'arrivisme du fils au conservatisme du père. Cette situation d'équilibre entre la strutture et la dynamique, qui est intégration de l'arrivisme par le sérieux, et extension interne de la classe moyenne d'argent, va évoluer d'après les progrès du commerce, de l'artisanat de luxe, des nouveaux métiers à fins de consommation. Alors le sérieux, l'autorité du père, ne dispose plus du référentiel traditionaliste et moraliste ; l'opportunisme du commerçant a contesté le sérieux du comptoir. Cette nouvelle bourgeoisie tient son pouvoir de l'exploitation des besoins «superflus», du trafic, de l'agiotage, etc. Aussi est-elle déjà contestataire de la tradition, style de nouveau riche, arrivisme. Et à la contestation du fils elle ne peut opposer le sérieux traditionnel qu'elle a déjà, pour sa part, bousculé. Aussi le triangle valet-femme-fils ne trouve plus la même force d'opposition et de répression. C'est la décadence du sérieux qui lui procure les arguments de sa justification. L'existentiel prétend s'émanciper d'une tutelle qui n'est plus justifiée. Mais l'opposition du triangle ne dispose pas de l'argent, de la praxis, de l'économique. Aussi elle ne peut atteindre une effectivité politique. Elle demeure marginale, mais comme fronde, opposition quotidienne, que le sérieux colmate difficilement. Ce nouveau mode du conflit entre le sérieux et le frivole est caractérisé par la compromission du père avec le valet. C'est que deux arrivismes se sont faits complémentaires, comme deux modes de la dynamique, comme accession du commerce à l'artisanat du luxe, et comme accession du picaro à des responsabilités de gérant ou d'intendant. (Les deux termes peuvent même, dans des cas limites, se faire l'un par l'autre. Cette relation a une très lointaine analogie avec la relation suzerain-vassal. C'est celle du pouvoir et de l'homme de confiance, du roi et du premier ministre, du prestige et de
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l'exécuteur des basses œuvres, etc.). Le naturalisme, nous l'avons vu, connaît cette relation de participation avec la structure bourgeoise (l'entremetteur). Le picara qui se reconvertit est la reconversion du naturalisme de la plèbe (expédients, vols, etc.) en domesticité, mais de complicité, qui débouche sur des responsabilités qui peuvent devenir main mise, d'abord sur le maître puis sur les biens, sans que cette situation puisse s'institutionnaliser. Si ce valet n'a pas servi, directement, à l'accession politico-mondaine, il reste l'entremetteur (avec le monde de la prostitution, du plaisir), l'exécuteur des basses œuvres. L'état de valet (ou de soubrette) est cette ambiguïté entre la praxis servile et officielle et la réciprocité intime d'ordre inconscient. Une complicité profonde lie le maître et le valet. Ainsi, entre le sérieux et l'existentiel, entre la praxis et la vie privée, le naturalisme se fait médiation. La compromission et la complaisance sont le lieu commun au père et à l'opposition domestique ! Cette situation est la comédie, entente tacite du dit et du non-dit, compromis entre le sérieux et le naturalisme. Les contradictoires (structure et dynamique) se sont amalgamés en un moyen terme. La comédie est le compromis entre les rôles sociaux, dévolus par la tradition, et les statuts sociaux acquis par le progrès économicopolitique. Les formes demeurent, l'institutionnel reste le référentiel, mais à l'intérieur du système de classes, l'existentiel, le naturalisme tiennent le sérieux en échec. La comédie est la vie quoitidienne familiale lorsque l'autorité du père n'est plus justifiable par sa praxis. Alors le conflictuel avec le non-dit instauré par la tradition (valet-femme-fils) apparaît au grand jour, s'étale, et ne peut trouver de solution que dans le compromis. L'affrontement n'est jamais paroxistique, mais spéculation sur le non-dit de l'adversaire. Ce non-dit, de non-su, s'explicite progressivement dans l'affrontement. Et si en conclusion, apparaît un vainqueur, c'est celui qui a connu le mieux la compromission de l'autre, son négatif, et qui a su s'en servir. Ainsi la comédie répète la macro-situation de classe dans le relationnel intime. La vie quotidienne familiale est l'assumation de la situation de classe. La contradiction de la moyenne bourgeoisie d'argent est résolue par la vie privée. La famille est le lieu de la réduction du politique en vie domestique ; alors les personnes disposent, par l'existentiel, de la plus grande liberté possible pour résoudre le problème de la classe sociale. La solution, le mode d'existence, la quotidienneté relèvent de la comédie car compromis, complaisance, ludicité dans un sérieux sans consistance. La comédie reprend ses situations types, ses personnages, sa thématique, son intrigue dans la perfection formelle du genre esthétique. L'histoire de la bourgeoisie, et de la bourgeoisie d'argent, renvoie ainsi à l'histoire de la comédie. De la farce à la commedia dell'arte, la conduite de comédie accède au
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classicisme. Mais, même alors, le genre, lorsqu'il est institutionnalisé et consacré, n'est pas autocritique de classe. Celle-ci persévère dans son organicité. L'être ne peut se résigner à sa représentation, sans se nier. La dénonciation se fait de l'extérieur, lorsque le fils se détache définitivement du père, après une longue pratique, et seulement parce qu'il a pu accéder à une autre strate de classe, qu'est la bourgeoisie de robe, et que son ressentiment (d'ordre affectif) a pu se donner la consistance d'un concurrentiel de classe (politique). 4. La collusion de la bourgeoisie de robe, de la classe moyenne d'argent, de la noblesse décadente : le libertinage Ce grand courant de la décadence bourgeoise, par le luxe et la rente, rejoint l'autre courant de la décadence, noble, qui en est à l'âge des vanités. Ces deux courants se complètent. La bourgeoisie riche avait besoin, pour compléter son esthétisme de consommation, du maniérisme gestuel du grand seigneur, désinvolte et cynique. De même, la féodalité décadente recherche le commerce des bourgeois enrichis ; alliances, trafics d'influence, hypothèques, lui permettent de profiter aussi de l'esthétisme du luxe. Le libertinage est donc défini : totalement irresponsable, coupé du travail et de la politique, il est pur esthétisme, cynique jouissance du luxe. Et cette complicité, ce commerce dégradent encore plus le libertinage. En effet, le grand seigneur méchant homme, le Don Juan perd, dans sa recherche de l'argent, du luxe, la grandeur sauvage, destructrice, qu'il pouvait avoir au dernier moment de la seule praxis féodale. Le point d'honneur, cette dernière fierté d'une classe envers elle-même, est abandonné par le chevalier d'industrie. Il est prêt à toutes les complaisances et à toutes les lâchetés. De même, l'esthétisme du luxe, qui pouvait prétendre à la grâce, à un équilibre des vertus familiales et de la sensualité, en limitant celle-ci en dehors du cercle familial, dernière sauvegarde du bonheur familial, va liquider ses dernières vertus privées dans la fascination du donjuanisme, qui apparaît aux bourgeois enrichis comme la suprême élégance. Mais, ne pouvant se permettre les abus, les violences des grands seigneurs dans leurs domaines, ils dégradent le donjuanisme en séduction par l'argent, prostitution. Ce libertinage est désagrégation du sérieux. D'abord pour les couches bourgeoises qui n'ont pas atteint la rente, ni le luxe, l'argent devient une tentation que ne peut plus contenir la tradition des vertus privées. L'économie, la privation n'apparaissent plus comme le chemin nécessaire à l'enrichissement. L'esprit de spéculation, d'aventure commerçante, gagne ainsi la bourgeoisie non arrivée à la rente. Nous avons déjà exposé la complémentarité du libertinage de la richesse
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(bourgeoisie commerçante qui accède au luxe et à la rente) et de la noblesse décadente, l'échange de l'argent sans prestiges contre des prestiges sans argent (trafic de signes), le commerce de l'argent et du titre. En milieu de plaisir ce libertinage retrouve celui de l'ironie naturaliste (expression de la bourgeoisie de robe). Mais la conjoncture économique favorisait déjà cette rencontre de la bourgeoisie commerçante et cultivée. En effet, si l'enrichissement, la rente et le luxe sont essentiellement dus au mercantilisme, à la bourgeoisie commerçante, qui en profite le plus, la bourgoisie cultivée et la grande bourgeoisie surtout, avaient aussi profité de ce développement économique, (et les nobles, par le trafic d'influences, les mariages de raison, les chevaliers d'industrie, en profitent aussi indirectement.) Aussi la bourgeoisie cultivée est loin d'être coupée de la bourgeoisie d'argent. Une assez forte proportion de bourgeois de robe sont riches, aussi, parfois rentiers, toujours désireux du luxe. Cette ambiguïté de situation sociale, mi-richesse de spéculation, mi-culture intellectuelle, est un élément naturel de rencontre des deux classes, et de leur libertinage. Le bourgeois de robe (qui est aussi riche) fréquentera à la fois la bourgeoisie de robe et la bourgeoisie d'argent. Et ce commerce, qui renforce l'enracinement du libertinage, par la synthèse des deux courants, l'alourdit dans la jouissance et le luxe. En effet, l'ironie naturaliste perd de son mordant et de sa légèreté, de sa liberté d'allure, de par la puissance de réalisation des goûts de plaisir et de luxe. L'esprit s'empêtre dans la matière, qui est l'aspect de la nature statique, sans le dynamisme politique et spirituel, dans le confort, le luxe, les habitudes et les préoccupations de la chair, de la jouissance. Le plaisir l'emporte sur l'esthétisme, la liberté de l'ironie s'enlise dans le sérieux opaque et morne de la chair (l'habitude qui se renouvelle dans le vice). Cette bourgeoisie d'argent et de culture allait donc être l'intermédiaire du libertinage, de l'ironie naturaliste et du cynisme de la noblesse décadente. En effet, nous venons de voir sa parenté, son alliance avec la bourgeoisie cultivée et nous avons déjà expliqué la complémentarité de l'argent et des prestiges de la cour. Par le truchement, l'intermédiaire, la relation de cette bourgeoisie, les adversaires politiques, la classe décadente et la classe montante, allaient se rencontrer dans le libertinage. C'est la confrontation de deux modalités de la dépolitisation : celle de la décadence et celle de l'ascendance. Cette rencontre donnera la figure définitive du libertinage. Pour ces deux classes, les modes d'être et les formes de sociabilité qui l'expriment, seront essentiellement esthétisme. Dans leur confrontation, rencontre en lieu de plaisir, chez les gens de la nouvelle classe, fruit des activités diverses du plaisir et du luxe, ou bien chez les gens de la classe tournante qu'est la riche bourgeoisie, c'est par l'esthétisme que s'exprimera la latence du conflit politique. Et
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paradoxalement, ce conflit d'esthètes débouche sur une complicité de libertins. En effet, c'est par l'ironie naturaliste que le libertin bourgeois et cultivé cherchera à dominer le petit marquis ou le grand seigneur, de même que ceux-ci attaqueront et se défendront par le cynisme donjuanesque. De ce conflictuel naît une école de libertinage. Pour ne pas être en reste et pour mieux connaître l'adversaire, le noble décadent se met à l'école de l'esprit, de la conversation brillante, comme le bel esprit se met à l'école du maniérisme seigneurial, de la désinvolture de son cynisme. Et ainsi, les ennemis politiques ne se reconnaissent plus à travers la surenchère de l'esthétisme commun de l'ironie et du cynisme. Apparaît une complicité des libertins dans la liberté du plaisir. Ainsi nous avons situé tous les courants qui font le libertinage : cynisme du donjuanisme (noblesse), plaisir du luxe de la richesse (commerçant), ironie naturaliste (bourgeoisie cultivée), puis leurs synthèses, de l'argent et du donjuanisme, de l'argent et de la culture, de la culture et du donjuanisme, qui par la richesse bourgeoise, font la synthèse globale du libertinage du 18e siècle. C'est le triomphe global du frivole, mais par des motivations multiples et contradictoires, et selon des réseaux de relations ou des stratifications sociales dont nous avons indiqué le principe. Ce libertinage est la chute de l'entendement. L'intellect qui dans le parcours de l'entendement tantôt neutralise la nature, réalisant un équilibre entre nature et culture (le jugement réflexif de Montaigne) tantôt se dégage de cette nature (jansénisme), est, par le libertinage, au service de l'organique, du plaisir. Cette chute de l'entendement a sa logique dans les rapports de classe. L'entendement, avons-nous dit, a deux racines : dans les cadres supérieurs, et dans le naturalisme du clerc défroqué, le libertarisme de la basoche, l'intellectualité du scribe, la subversion des employés subalternes aux écritures, d'origine populaire. La thématique contestataire de l'entendement provient essentiellement de ce naturalisme. Et cette contestation peut être définie à deux moments essentiels, selon deux utilisations de cette thématique. En un premier moment l'intelligentsia se sert de la thématique naturaliste pour asseoir l'autorité de la bourgeoisie de robe contre les corps institutionnels de la tradition, contre le fondement religieux de la Royauté. Le libertin, dans cette dynamique de la classe de robe, est alors sérieux : il fonde son crédit politique sur la valeur intellectuelle de sa thématique. La laïcisation de la culture procède par le scepticisme critique. Alors le libertin est une force d'opposition sérieuse ; il s'engage et prend des risques. Il se heurte à l'idéologie encore toute-puissance du pouvoir. En un second moment, celui du libertinage du 18e siècle, la thématique de contestation du naturalisme a été intégrée par la classe dominante, qui s'en
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sert comme d'une arme de combat dans le concurrentiel politique. Les privilèges de classe sont vécus par la contestation naturaliste. Les classes dominantes ont fait la synthèse du pouvoir établi (fondé sur l'Ancien Régime) et du pouvoir naturaliste. En un premier moment le libertin accède à l'intellect et s'oppose au pouvoir. Il est progressiste. En un second moment le libertin se sert de l'intellect pour profiter de son statut de classe fondé sur l'Ancien Régime. Il est réactionnaire. La classe dominante s'est renforcée de la contestation qui lui était faite.
II. LE NON-INTÉGRABLE ET LE NON-INTÉGRÉ. LA PSYCHÉ REVENDIQUÉE CONTRE LE LIBERTINAGE A . LA DERNIÈRE FIGURE DE L'INTÉGRATION DE SALON : LE MARIVAUDAGE. SON POURRISSEMENT COMME FIN DU PROCESSUS DE RECONNAISSANCE
Avant d'étudier les modes fondamentaux de l'opposition au libertinage comme expression, langage superstructural, mais surtout comme acte, situation dans la praxis, affrontement politique au code des mondains, il faut définir une médiation, de la culture de salon à la sentimentalité. Alors que le libertinage est la rencontre de l'intelligentsia et de la bourgeoisie d'argent, de l'ironie et du langage technique, des industriels et des financiers, le marivaudage sera la synthèse de deux courants positifs. Il est la rencontre de la culture précieuse, intellectualiste, conversation de gens raisonnables (qui savent raisonner), de l'honnête homme en un mot, et d'une culture qui est la promotion d'une nouvelle strate sociale, apport souvent provincial, d'une sincérité sans naïveté, des nouveaux petits clercs (avocats, etc.). La culture de salon s'était dégradée en ironie naturaliste. C'est à ce moment (après la Régence) qu'apparaît aussi un renouvellement du maniérisme du salon, par le maniérisme du cœur. L'authenticité de la culture de salon s'insurge contre le libertinage : c'est que la bourgeoisie cultivée sentait que l'ironie naturaliste mettait en question la raison elle-même. Tout son effort pour ordonner les relations de salon par un esthétisme qui dépasse la nature, et la vie même, quand les formes de sociabilité se modèlent partiellement sur la raison, pouvait être emporté par un naturalisme qui mettrait en question la culture, la raison, toutes les justifications de la classe cultivée. Le sérieux de la culture de salon ne veut pas de la frivolité libertine. Mais ce sérieux ne peut plus se justifier par le rationalisme. Nous avons vu les avatars de celui-ci :
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la raison va se dépasser dans la notion de progrès (par l'Encyclopédie). Ainsi, les œuvres sont plus significatives que l'humain. Et la sociabilité de salon risque d'apparaître comme le désœuvrement, le commerce d'individus privilégiés, aux conduites de divertissement gratuites. Ainsi la culture de salon est menacée par le sérieux (de l'Encyclopédie) et la frivolité du libertinage. La désagrégation de la culture de salon risquait de se réaliser par les conduites qui voudraient justement la préserver (contre le libertinage par la coquetterie, contre l'Encyclopédie par la préciosité). Alors ces conduites deviendraient réactionnaires (pour les encyclopédistes). Et dans le salon de nouveaux conflits, entre l'homme et la femme, ne pourraient plus trouver leur dépassement dans la bonne volonté rationaliste. Telle est donc la situation de la bourgeoisie cultivée ; son courant originel est épuisé. Et pourtant, cette classe a toujours une réalité, une fonction, à défendre et à justifier. Et cette réalité, qui ne peut plus se justifier par son passé, doit résolument s'ouvrir sur des formes de sociabilité nouvelles, si elle veut conserver son rôle, sa réalité, sa fonction. Ce sera une nouvelle figure de la mondanisation de la raison, qui dès le début a fait de la raison la culture du bonheur. L'authenticité de la culture de salon est bien dans le maniérisme : maniérisme du romanesque, maniérisme de la préciosité, enfin maniérisme du cœur, qui est la recherche du bonheur, d'un groupe réduit, qui cherche en commun le style, la forme du bonheur, la satisfaction du cœur. La raison et le cœur ne sont pas alors en contradiction. Le peu de cœur qui est apparu dans l'histoire, au niveau de l'étude des mœurs, le peu de bonheur de ce cœur, ne sont qu'une élaboration raisonnable. Le contradictoire passionnel peut être dépassé dans une synthèse progressiste, qui sera le marivaudage, synthèse de la culture de salon et de la sentimentalité. Une bourgeoisie cultivée, en place, traditionnellement et héréditairement, saura faire bon accueil à la promotion sociale d'éléments mi-bourgeois, mipopulaires, à une petite bourgeoisie qui accède aux fonctions de robe. Mais cette bourgeoisie n'abandonnera rien de l'esthétisme, du maniérisme qui est la formalisation de la sociabilité de salon. Ce maniérisme, en effet, est la seule expression de classe qui permette la reconnaissance de ses éléments, et leur affirmation, et qui soit autorisée par la toute-puissance de l'absolutisme et de l'Ancien Régime. Ainsi la sentimentalité, que nous définirons essentiellement comme informelle, pur contenu de conscience qui n'a pas ses formes de sociabilité, va trouver des formes vides de contenu, et au niveau du vécu. Ainsi la forme trouve un contenu, le maniérisme de salon rencontre la sentimentalité. La reconnaissance réciproque est celle du droit naturel par la bourgeoisie cultivée en place et celle de l'esthétisme des manières par la petite bourgeoisie montante.
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Ainsi chacune des couches sociales constituantes de la synthèse subit un infléchissement politique. La bourgeoisie cultivée reconnaît le droit naturel, la revendication politique d'une couche sociale qu'elle dominait. Elle s'infléchit alors vers la revendication libérale et renforce de sa culture, par son langage, une notion qui ne dépassait pas, par ailleurs, le pathétique existentiel. Mais l'expression revendication politique est peut-être abusive, car le droit naturel ne reçoit pas une expression idéologique, conceptualisée. La culture bourgeoise se contente d'un libéralisme, d'un droit naturel reçu, au niveau des relations humaines, des formes de sociabilité. C'est le contraire de l'esprit de caste. Ainsi dans la synthèse, le raisonnable de la bourgeoisie cultivée infléchit celle-ci vers la reconnaissance des petits-bourgeois (et des cousines pauvres) nouvellement promus, de leur personne, plutôt que de leur idéologie. Au contraire, les petits-bourgeois reconnus perdent l'essentiel de leur revendication, car leurs droits naturels ont été partiellement agréés par une strate sociale qui les dominait. Aussi leur revendication politique perd de son âpre'é et de son dynamisme. La synthèse, le marivaudage, est donc très peu politisée. Mais si cette synthèse n'est pas politiquement formulée, et si son contenu politique n'a pas de potentiel vraiment révolutionnaire, elle est quand même libérale, et dans le contexte de l'Ancien Régime, de son esprit de caste, et de ses vanités, elle est somme toute, mais indirectement, révolutionnaire. Mais si les parties composantes de la synthèse subissent un infléchissement politique, et définissent un nouvel aspect du sérieux, la formalisation esthétisante et le contenu sentimental seront aussi modifiés. Car au départ, un large fossé sépare formalisation esthétisante et sentimentalité : comment concilier intériorité et extériorité, secondarité et mondanité, formalisme et informel, esthétisme et sentiment, maniérisme et sincérité ? (Et si ces contradictions se synthétisent quand même, c'est par le ciment de leur politisation, de leurs racines sociales. Sur le seul plan psychologique, logique, métaphysique, ces contradictions seraient insolubles.) Cette distance ne pourrait être comblée, si ce n'était la dimension politique, qui rapproche formalisation esthétisante et contenu sentimental, en les modifiant. Le marivaudage est donc une dialectique de la reconnaissance. Reconnaissance dans le cadre du salon, c'est-à-dire, dans un lieu commun, aménagé traditionnellement dans ses espaces et durées, pour le jeu de l'esprit, qui affronte le sérieux du cœur. Et l'on peut proposer une synopsis de cette reconnaissance, sur le mode allégorique, rencontre de Cœur et d'Esprit. Ce processus montre la production des catégories psychologiques. (Le psychologisme est l'explication par le psychologique ; notre méthode au contraire est le procès de la production du psychologique.) C'est l'esprit qui reçoit et qui a suffisamment de compréhension, de largeur
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de vue, pour accepter la négativité du premier contact, la timidité et la froideur de la sentimentalité, et ses dédains, parfois même ses mépris. Aussi l'esprit cache son jeu, son ironie, sa finesse. Il s'efforce d'abord de faire comprendre au cœur qu'il est aussi chez lui : la culture traditionnelle et la culture montante, la bourgeoisie cultivée en place et la bourgeoisie cultivée montante, ont le même destin. Et le sentiment comprend : celui qui se sait inférieur (qui n'avait pas de «complexe d'infériorité», comme dit la psychanalyse dans son langage mystificateur, mais qui était politiquement inférieur) comprend que le lieu de la culture, le salon, est aussi son lieu naturel, qu'il est agréé dans ce lieu en tant qu'être cultivé, et que la mondanité est possible quand elle est sincère. Alors la sentimentalité, pour ne pas être en reste, montrera qu'elle a compris qu'elle était agréée ; le cœur aura alors de l'esprit, car c'est par le style, le formalisme de son hôte qu'il exprimera ses sentiments. Le madrigal, la formule heureuse viendront naturellement aux lèvres du sentimental heureux et détendu, de celui qui a trouvé asile. Et son esprit aura la fraîcheur, le naturel du sentiment, en même temps que la signification, la qualité de la culture. Si le sentimental a l'esprit de l'escalier dans le salon (et seulement à ce moment), il a le temps, et l'occasion, d'acquérir l'esprit de répartie. Le cœur rentre donc dans le jeu de l'esprit : celui-ci, charmé d'avoir été compris, et surpris de la qualité de la répartie, ne peut rester en reste : son esprit va rentrer dans le jeu du cœur. Ses relations avec le nouvel arrivant vont dépasser les simples relations impersonnelles et souvent concurrentielles du salon : s'il veut maintenir la qualité du premier contact, il doit dépasser le premier mouvement de sympathie, aller au-delà. Mais la dialectique va se compliquer. Car, si le formalisme se sentimentalise, et veut se sentimentaliser, il doit aussi préserver son prestige, son autorité, son esprit, tout ce qui valorise dans la mondanité de salon. Aussi cet esprit, cette ironie, dont il connaît l'emploi, les détours, la tactique, et dont il avait « ménagé » le nouvel arrivant, va se donner libre cours, et d'autant plus qu'il a compris qu'il avait affaire à forte partie, pour le maniement du verbe (culture livresque de l'arrivant). Il faut donc à la fois montrer sa sympathie, son affection, sa tendresse, et montrer aussi son esprit, son maniérisme du verbe et du geste, l'aisance du salon et sa beauté. Son intentionnalité sera donc ambiguë : c'est dans le maniérisme du verbe, par l'ironie que l'élan de rapprochement doit se faire. Et qu'il peut se faire. Le nouvel arrivant peut d'abord s'étonner de l'apparent retournement, revenir à sa secondarité, maudire l'esprit mondain. Il peut vouloir exprimer, dans le salon, son écœurement. Son indignation le rendra brillant et plus intéressant, plus original. Mais sa finesse, son intuition de sentimental, attentif à tous les signes allusifs, discrets, à demi-mot, lui donne-
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ront l'esprit suffisant pour comprendre l'intérêt réel, la sympathie qu'il a suscités. Il comprendra que dans le salon, affection et sympathie ne peuvent être immédiats, qu'il faut les médiatiser par le maniérisme, par la conversation, que l'intimité des relations doit d'abord passer par le formalisme et l'esthétisme de la mondanité. Et à son tour son intentionnalité deviendra ambiguë : son adaptation au maniérisme de salon ne sera-t-elle pas le signe que les bons sentiments, la naïveté sentimentale sont oubliés, reniés dans la satisfaction de la promotion sociale ? Même si la reconstitution des moments qui permettent d'arriver à cette réciprocité d'ambiguïtés est incertaine, tout autre cheminement des relations esthétisme de salon-sentimentalité aboutirait à cette situation. Le marivaudage, dont nous reprenons la situation fondamentale en dehors de son expression théâtrale, conventionnelle, stylisée en duo amoureux, est dans cette réciprocité d'ambiguïtés : affrontement, mais pour la reconnaissance, de deux générations, de deux fractions de la même classe, qui doivent nécessairement s'entendre (le marivaudage est assuré d'une fin heureuse). Mais pour cela, il faut qu'elles s'adaptent aux différences, qu'elles les comprennent. Et cette sympathie s'exprimera par une compénétration de la substance sociale de l'autre. Dans le duo non plus théâtral et stylisé, mais de la sociabilité de salon, il y aura une identification des contradictoires dans une synthèse qui confond les consciences en une unité d'abord de dialogue, puis de substance. La raison et le cœur, l'histoire et le conformisme, lame et la mondanité, tous les contradictoires déjà cités, trouvent leur synthèse dans un lieu très réduit (son étendue est celle du salon), dans un moment très court (car le marivaudage va se dégrader dans l'isolement de ses contradictoires), et dans une fraction de classe (la bourgeoisie cultivée non libertine). Ce n'est qu'un accident dans la dialectique. Ainsi le marivaudage est reconnaissance par réciprocité d'ambiguïtés. C'est le conflictuel sous-jacent à cette réciprocité d'ambiguïtés qui est justement le moyen de la reconnaissance. Il n'y a pas deux moments dialectiques successifs : conflictuel puis reconnaissance du cœur. Les deux moments sont en réciprocité, ils se font l'un par l'autre. Sur le plan théâtrale, il y a sans doute une succession de répliques, de microdurées, qui tantôt subordonnent l'esprit au cœur, tantôt le cœur à l'esprit. Mais ces répliques retrouvent au niveau de la scène (de sa continuité) une durée homogène dans laquelle le conflictuel des esprits est déjà la reconnaissance des cœurs. La reconnaissance du cœur se faisant par le conflictuel de l'esprit, les deux sont contemporains. Aussi le marivaudage (sur le plan théâtral) n'a pas d'action, de péripéties extérieures. Il n'y aura qu'une intrigue, un procédé conventionnel (quiproquo, etc.) qui permet d'établir la réciprocité des ambiguïtés. Il n'y a pas d'action, car la
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praxis fondamentale n'a pas à être modifiée, car c'est cette praxis qui a établi la situation, la réalité sociale, qui ne demande que le couronnement psychologique. La seule action est psychologique : modalités et détours de la reconnaissance. Or cette reconnaissance est nécessaire, inévitable par sa praxis. Le psychologique sera pur jeu, pure feinte. Mais ce jeu n'est pas gratuit : c'est le sérieux psychologique, la liberté individuelle qui donne un assentiment à la nécessité de la praxis. Ainsi le dialogue psychologique se réduit au monologue de la substance ; les individus se confondent dans le bonheur, les libertés ratifient la praxis. La classe nouvelle, la fraction de classe plus exactement, est soudée par la fascination réciproque de ses deux composantes. La petite-bourgeoisie qui accède à la culture (et à sa fonction) est fascinée par l'élégance des gestes, des propos de la bourgeoisie plus anciennement cultivée. Et celle-ci est fascinée par la fraîcheur, la sincérité de sentiments de cette petite bourgeoisie. Ainsi le bonheur trouve sa forme élégante et son contenu sentimental ; et c'est par son élégance que le bonheur acquiert sa profondeur. Le marivaudage, que nous avons défini comme un aspect particulier de la praxis collective, s'élargit en langage de reconnaissance pour les individualités qui voudraient retrouver, au-delà du libertinage et de l'intrigue, de l'ironie et du cynisme de l'esprit, de l'échec sentimental, une vie heureuse. Aussi la signification du marivaudage comme moment historique risque d'être cachée, d'abord par la stylisation théâtrale, puis par cet élargissement en conduites de reconnaissances valables pour toute intelligentsia. Ces conduites consistent à cacher sous une apparente légèreté, sous un apparent libertinage, les tendances sentimentales. Mais de par l'éloignement de la praxis justificative, la psychologie est trop éloignée de sa cause politique, ce qui entraîne bien souvent l'échec de ces conduites. Elles ne sont qu'une forme, qu'une bonne volonté ; manque le vertige psychologique qui n'est qu'un reflet de la nécessité de la praxis, et qui soude cette psychologie à la praxis dans une substantialité, une ontologie sociale sous la forme du bonheur. Aussi le marivaudage n'est, bien souvent, que le moment de pureté des libertins, une tentation dont ils garderont une certaine nostalgie. Le marivaudage est aussi une espérance de la sentimentalité des petits-bourgeois qui ne peuvent, malgré tous leurs efforts, accéder à la promotion sociale de la culture, de la fonction administrative, juridique... soit qu'ils n'arrivent pas à une fonction, un poste qui consacreraient leurs mérites, faute d'études, soit qu'ils restent dans des postes subalternes. Alors, la sentimentalité, après un vain effort de dépassement, retourne au ressassement de son échec originel. Mais cet échec est alourdi d'un grand espoir déçu. Quand les conduites de reconnaissance ne sont pas spécifiquement celles
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de la praxis originelle, elles peuvent occasionner, après l'illusion d'une reconnaissance toujours passagère, une situation qui consacrera la rupture totale des classes sociales, leur conflictuel définitif. En effet, parmi les bonnes intentions psychologiques, individuelles, qui peuvent se rencontrer dans le salon, à travers les formes esthétisantes de la sentimentalité, nous trouverons celles du noble, ou du riche bourgeois (qui ne s'est pas encore tourné vers le libertinage) et celles du petit-bourgeois ou petite-bourgeoise (qui s'accrochent à la culture de salon, sans que leur fonction sociale corresponde aux prétentions de leur culture... gouvernante, dame de compagnie, cousine pauvre). Les relations amoureuses de ce couple, semblent avoir au premier abord, la même nécessité, de par la fascination des contraires, que celles de l'authentique couple du marivaudage. Mais ce ne sera qu'une liaison passagère : le hiatus des praxis, l'énormité des distances sociales, les trop grandes différences de richesse et de puissance, entraînent la rupture. En effet, le noble ou riche se laisse entamer par le libertinage de son entourage, peu pour cet entourage libertin, beaucoup pour l'exigeante sentimentalité du partenaire. Et celui-ci exerce des pressions, de tout ordre, dont l'autre se lasse. De scène en scène, et tout au long du vieillissement du partenaire, l'amour s'émousse, s'éloigne, et la rupture ne fait que consacrer une situation depuis longtemps acquise : un amant excédé, devenu libertin, une amante abandonnée et vieillie qui s'accroche à ses souvenirs dans le ressassement de la secondarité. Ainsi la mondanité de salon exprimera d'abord la synthèse, qu'est le marivaudage, de l'esprit et du cœur, puis la définitive décadence de la mondanité, dans la désagrégation conflictuelle des bonnes volontés, quand les classes sociales se différencient tellement qu'il n'est plus de destin commun et heureux. (Et là encore, la passion est l'échec, l'effet de la contradiction politique insurmontable, l'entêtement dans l'impossible.)
B . LA CRITIQUE INTERNE : LA VIEILLE FRANCE CONTRE L'ANCIEN RÉGIME. LES FOYERS D'OPPOSITION AU LIBERTINAGE COMME LIEUX ET MODES DE LA SENTIMENTALITÉ
1. La détermination sociologique des foyers d'opposition du sentiment C'est dans des situations d'ordre sociologique que l'opposition au libertinage va se manifester. La sentimentalité peut d'abord être définie comme le négatif, le non-dit, des manifestations politico-mondaines. C'est le moindre pouvoir politique d'un comportement personnel. Aussi ne peut-elle apparaître dans le structural et l'institutionnel. Son expression est très diffuse, cachée. Elle doit
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être interprétée à travers le langage culturel, les genres, les modes imposés par le pouvoir mondain. Elle n'ateint que difficilement l'institutionnel. La sentimentalité va apparaître dans des conduites d'opposition très hétérogènes, en des secteurs très différenciés, comme conduites larvées, latentes, marginales. Elles expriment le cas particulier (qui se croit particulier, singulier) ; mais ces cas se reproduisent souvent, se font écho, accèdent à un relationnel clandestin, puis définissent progressivement des tendances et même un goût public. Et l'hétérogénéité des secteurs dans lesquels se manifeste la sentimentalité est une preuve de l'universalité de sa nature. La sentimentalité est l'opposition immédiate, existentielle, à l'abus institutionnel et structural. C'est la sanction, on peut dire naturelle, à la distorsion culturelle, à la contradiction du superstructural. Aussi la sentimentalité doit être étudiée systématiquement : du plus structural au moins structural, de l'institutionnel à l'existentiel, du langage au non-dit. En milieu institutionnel et hiérarchisé, nous distinguerons deux niveaux. D'abord le plus structuré, systématisé, le plus traditionnel. C'est sur le plan de la théologie, de la doctrine de l'Eglise, que nous distinguerons d'abord le signe révélateur du progrès de la sentimentalité. Le deuxième niveau, toujours dans la structuration contraignante, révélera une opposition diffuse, d'ordre existentiel, qui ne peut accéder au langage. Enfin en milieu «d'effervescence créatrice2 », de novation institutionnelle, le surgissement de nouveaux genres, esthétiques, littéraires, marquera l'accession, très imparfaite, à un procédé d'expression homogène. Tous ces apports de la sentimentalité témoignent d'une critique interne, existentielle, qui n'accède pas encore au langage politique, mais qui le précède, le soupçonne. Et tous ces apports convergent vers une conscience politique qui s'actualisera de l'extérieur, comme moment historique, par une strate de classe particulière. 2. L'opposition en milieu institutionnel et traditionaliste. Le quiétisme En milieu institutionnel, traditionnel, l'Eglise a dû faire face aux tendances sentimentales. Bossuet a triomphé de Fénelon, mais difficilement, et l'affaire du quiétisme, lequel se greffait sur le molinosisme, a montré une inquiétante subjectivation de la conscience religieuse. La conscience individuelle a voulu prévaloir sur l'appareil de l'Eglise et sur le dogme même : Felix culpa. La faute permet d'éveiller le sentiment de la faute, le remords, et ainsi d'affiner et même de créer la conscience individuelle, par une secondarisation, une
2. Cette stratification méthodologique s'inspire de Gurvitch.
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répétition de la situation de faute, situation majeure, qui a été la rupture de l'ordre traditionnel, et qui devient une situation existentielle que le sujet recrée, favorise, dans son intimité individuelle, dans le secret des résonances et des prolongements, et qui devient la conscience même. Et si la subjectivité déborde ainsi la conscience chrétienne et même la conscience morale, dans une autonomie inadmissible, la conscience dévie aussi vers une mondanisation qui, encore impossible sur le plan social, se compense dans la répétition imaginaire de son intrusion accidentelle et fautive dans le conformisme de la quotidienneté. Le retard de la confession sera dénoncé comme le retard du remords authentique. C'est une conscience maligne qui s'est formée, une conscience prémondaine, qui ne retient du christianisme que le sentiment de la faute, pour répéter sur le plan imaginaire, la faute, rendue toujours présente par le remords. Le christianisme, qui veut dépasser la faute dans le repentir, est trahi : son appareil est utilisé pour implanter un libertinage spiritualiste. La conscience atteint alors la subjectivité, qui apparaît nécessairement par une expérience du mal, et qui ne peut rester subjective que par la présence répétée du mal. Cette conscience, croyant repousser la réification, ne fait que repousser la rédemption. Le pur quiétisme, dans sa malice, voudrait consacrer cette subjectivation de la conscience religieuse en dépassant sa mondanisation (obtenue par l'imaginaire). La mauvaise foi quiétiste qui vient après cette mondanité et après cette faute, qui est une conscience historicisée, cherche alors l'alibi de l'innocence du pur conformisme, d'avant la faute, pour justifier la faute. La subjectivité triomphe des oeuvres et des institutions, trouve sa certitude en elle-même et dépasse le sentiment de la faute. Celle-ci était le dernier lien théologique avec l'appareil institutionnalisé de l'Eglise. Et ce lien est rompu par un quiétisme amoral, une indifférenciation du bien et du mal, et même une indifférence à l'action humaine, qui permet une subjectivation absolue, un effusionisme dans l'immédiateté de la connaissance divine. La subjectivité, sans contrôle, au-delà du bien et du mal, se fait la seule mesure du divin. Ce dérèglement de la foi pourrait n'être que le prolongement du dérèglement de la vie, l'effusion intimiste, indifférenciée, pouvant se porter autant sur le divin que sur ses créatures. Cet avatar de l'Eros qu'est le quiétisme prouve que dans un christianisme conscient de son époque, puisque soumis aux jésuites, était apparue une confusion entre l'amour divin et l'amour humain, entre la subjectivité et la religion, et qui dépassait par sa gravité les manquements des mondains, humbles pécheurs, et qui risquait de s'élargir en une hérésie d'importante dimension politique (qui, encore une fois, aurait exprimé le besoin d'indépendance politique à travers l'affirmation de la subjectivité religieuse). 18
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Ces tendances sentimentales, celles d'une élite, mi-intellectuelle, mi-religieuse, qui cheminent dans la bourgeoisie cultivée, ont été définies en milieu institutionnel traditionnel. C'est donc à travers les structures les plus fortes, les structures religieuses, celles de l'Eglise, que nous avons essayé de déchiffrer à travers le langage théologique, la signification sociale des expressions religieuses non orthodoxes. Celles-ci sont particulièrement révélatrices, car elles permettent de mesurer l'évolution des idées dans le seul langage idéologique consacré. Les hérésies, comme le protestantisme, le jansénisme, ont montré l'importance de l'évolution et de l'opposition. Le quiétisme semble n'avoir été qu'un épisode, il n'a pas pris les proportions des hérésies citées. Est-ce que cela prouve la faiblesse de la sentimentalité, à cette époque précise, qui n'aurait pu se «noyauter», ou bien est-ce la preuve que déjà la sentimentalité avait dépassé, non seulement la striae orthodoxie, mais aussi l'expression religieuse ? Le développement du quiétisme est donc révélateur d'une certaine expansion sentimentale. Le quiétisme prouve que, même dans le milieu cultivé et dans les institutions les plus sérieuses, la sentimentalité pouvait déjà faire problème, bien qu'elle soit finalement délimitée par la hiérarchie religieuse et par la mondanité. 3. L'opposition révélée par le milieu d'effervescence créatrice. La proclamation du droit naturel par le drame et la théorie esthétique révolutionnaire Le milieu d'effervescence créatrice, encore milieu de culture, mais de culture non institutionnalisée, très faiblement structurée, permet d'apprécier d'autres progrès de la sentimentalité. Là aussi, il faudra déchiffrer dans le langage spécifique de la littérature (au sens large) la signification sentimentale. Mais c'est relativement facile, car un public, un auditoire dans la mesure où ils ratifient ou même suscitent un genre, une œuvre, mesurent l'audience de la sentimentalité. Au-delà de la médiocrité des auteurs (La Chaussée), le public va ratifier la création de genres nouveaux, la comédie larmoyante et le drame, qui permettent à l'époque de prendre conscience d'elle-même, des situations sociales les plus représentatives de la sentimentalité. Le théâtre permet de reprendre ces situations les plus exemplaires, les plus typiques (le fils naturel en face de son père, le fils de famille épris d'une pauvre fille), de développer leur dialectique, de styliser, de donner à ces personnages un coefficient pathétique. Ce pathétique porte en lui toute l'ambiguïté du drame et de la comédie larmoyante : il est réactionnaire, car c'est lame du conformisme qui est exemplaire, que l'on défend, et qui doit triompher. Mais il est aussi révolutionnaire, car ce sont les forces d'oppression, au niveau des abus
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individuels, qui mettent en question ce conformisme, qui sont dénoncées. Mais dans ce pathétique, la dénonciation politique des abus n'est pas essentielle ; ce qui est essentiel, c'est lame du conformisme, dont l'expression cependant, n'apparaît plus comme évidente et naturelle. Il y a un affrontement, où le peuple se refuse encore à employer le langage politique, pense triompher par son seul «droit naturel». Et c'est l'âme du conformisme, de sa générosité, de son sacrifice, qui supporte tous les méfaits de l'histoire, sans jamais revendiquer à son tour, politiquement, et qui finit ainsi par triompher des abus de l'histoire, en ayant tout souffert, dans l'humilité et dans l'entêtement des choses éternelles. Et ce pathétique, affirmation de lame du conformisme, est quand même une prise de conscience politique, bien que et parce qu'il proclame les droits naturels et éternels. En effet, sa dialectique et son intention finale, bien que dépolitisées, dépassent quand même l'humilité du conformisme. Le silence est rompu : tous les abus qui se supportaient, sans même oser se plaindre, dans la résignation de la peur, sont exposés au grand jour. Le peuple prend ainsi conscience de sa réalité et de sa force dans l'ordre rousseauiste du droit naturel, sur le plan de l'argumentation morale. Et si, au niveau de la comédie larmoyante et du drame, cette force ne se politise pas, c'est parce qu'elle n'en a pas besoin, tant le droit naturel a une nécessité, une force, une persuasion, qui semblent rendre inutile le détour par l'appareil politique. Et c'est justement cette dépolitisation du peuple, qui revendique sur le plan des droits naturels, aussi droits du cœur, sans conscience politique, sans appréciation des forces, dans l'immédiateté des sentiments, de l'indignation ou de l'enthousiasme, en primaires qui mêlent toutes les catégories (et du droit et de la nature), c'est cette dépolitisation, cette inculture, qui est une réelle force politique, de par son unanimité, sa puissance, et son potentiel de colère et de violence. (Cette colère éclatera dans les journées révolutionnaires de la Terreur, au constat de l'échec de la belle âme, de par les provocations et l'entêtement de l'Ancien Régime.) Et si la comédie larmoyante et le drame ne peuvent acquérir un «standing» littéraire, s'ils restent un genre bâtard, mineur, c'est que l'âme du conformisme qu'ils expriment, se montre dans un bien mauvais jour de l'histoire. Ce n'est plus l'âme moyenâgeuse, celle de la croisade et des cathédrales, qui, l'ordre seigneurial étant justifié par sa praxis, s'exprime dans une ferveur guerrière, un affrontement réfléchi de la réalité. Ce n'est pas encore l'affirmation de la quotidienneté du conformisme dans le sérieux petit-bourgeois d'après la Révolution, quand la sentimentalité est contrôlée, chassée dans l'imaginaire, par la politisation progressive de cette petite bourgeoisie. La comédie larmoyante exprime ce moment de l'âme, et de la sentimentalité, qui est la
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plus grande dépolitisation. Le peuple, les masses, coupés du pur politique, de sa gestion, n'ont aucune prise dans la réalité sociale. La sentimentalité suit sa seule dialectique (comme elle la suit dans l'individualisation de la conscience quiétiste) sans frein, sans contrôle, renchérissant sur elle-même, s'attendrissant sur elle-même, dans le refus d'un affrontement politique qui l'amènerait à se dépasser. Le genre croit encore que le naturel suffit. La comédie larmoyante et le drame refusent encore l'action révolutionnaire. Aussi, sur le plan littéraire, de l'esthétique, ces genres ne sont ni l'un, ni l'autre : ni la tragédie ou la comédie classiques, ni les genres post-révolutionnaires, ni l'étude du cœur, ni l'étude de mœurs. C'est un genre bâtard parce qu'il arrête la dialectique de la sentimentalité (dialectique pleinement réalisée par Rousseau) à la seule affirmation du droit naturel, qu'il n'a pas de conscience politique, croyant encore que l'âme du conformisme peut, sans action politique, triompher des abus de l'Ancien Régime. Mais le succès du drame et de la comédie larmoyante montre l'enracinement de la sentimentalité dans le peuple et son évolution. La prise de conscience du peuple chemine plus lentement et plus souterrainement que pour un cas individuel. Le peuple aura recours à l'action, à l'histoire (journées révolutionnaires, terreur), mais après l'Empire et la Restauration, dominé par la grande bourgeoisie, il reviendra au conformisme de la quotidienneté. Si le drame consacre l'âme du conformisme, s'il marque l'arrêt de la dialectique sentimentale devant la politisation, nous avons montré qu'il était quand même déjà une prise de conscience du droit naturel. Et cet élément de politisation va se renforcer de tout le réalisme du drame. Diderot a bien discerné dans ces genres nouveaux, sur le plan de la théorie esthétique, la rupture avec le goût classique, et le mauvais théâtre du 18e siècle. L'homme universel, que l'art classique prétend étudier, est l'homme sans histoire. Par le drame, par son double souci des tableaux et des conditions, l'art est réalité historique. La réalité doit se recréer par l'art, non plus dans l'abstraction de l'universel mais dans les particularités de l'histoire. Les conditions politico-économiques particularisent cette histoire dans l'individualisation, certes, mais qui n'est plus celle du caractère, de sa singularité psychologique, mais celle de la fonction sociale dans son milieu social et privé. Le théâtre devient aussi une étude sociale, par son projet et par sa doctrine : les tableaux reprennent le décor de la vie quotidienne en mettant en évidence tout ce que cette vie quotidienne a d'historique, dans le costume, le comportement gestuel, etc. Le tableau est une totalité historique, une coupe du vécu, dans la complémentarité du décor et des personnages, des gestes des personnages et de leurs conduites. Ce n'est plus tel individu, le héros, qui est le centre d'intérêt, qui
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est le seul bénéficiaire de la mise en scène. C'est un groupe d'hommes, et autant que ce groupe humain, le cadre mi-social, mi-naturel, qui n'est plus conventionnel. Et ce groupe humain est fixé dans un moment, qui, dépassant l'action individuelle, peut s'élargir dans la durée interpersonnelle de l'histoire. Il n'y a pas arrêt de l'action, mais passage d'une durée à une autre, de celle de l'individu à celle de l'histoire ; le moment psychologique est devenu une durée historique, homogène, dans laquelle les actions synchroniques se fondent en une seule action diachronique qui les reprend toutes, car toutes sont sous le signe de la répétition. Ainsi conditions et tableaux définissent les situations sociales, c'est-à-dire les comportements types d'une époque, ses modèles culturels, d'après la praxis. Le conditionnement social par le milieu professionnel montre sa vigueur et sa nécessité, par la fixation en durées historiques (tableaux) qui prolongent les durées inter-personnelles, prouvant ainsi dans cette complémentarité du temps et de la fonction (du métier) que le droit naturel, lui aussi, était conditionné par l'histoire et que celle-ci donnait une réalité à la conscience qui dépassait singulièrement la pure subjectivité de l'individu. Mais il s'agit là d'une théorie de l'art. Diderot était bien au-delà sur le plan révolutionnaire, de l'âme du conformisme, qu'exprime la comédie larmoyante. Aussi apparaît une contradiction entre la théorie esthétique et la réalité de la comédie larmoyante et du drame, entre l'âme et la révolution, entre la dynamique révolutionnaire et le conservatisme du conformisme. En effet, Diderot met en question le subjectif, l'individuel, le pathétique de l'âme dans les situations historiques. Et non seulement le public populaire ne le suivra pas, mais encore le drame ne pourra atteindre la dignité d'un genre, comme la tragédie ou la comédie. (Diderot n'écrira que de médiocres drames.) Si l'esthétique peut se dégager, sur le plan théorique, de son époque, du goût du public populaire, sur le plan de la réalisation, le drame exprime un trop grand décalage entre la sentimentalité réactionnaire du public et l'objectivation révolutionnaire de Diderot. Cette distance ne pouvait être comblée : le drame ne peut exprimer à la fois le subjectif et l'objectif, l'âme et l'histoire. L'échec de Diderot mesure le niveau de conscience politique du public. Celui-ci ne peut pas encore quitter la pure sentimentalité. Cependant, de part les conditions et les tableaux dans la comédie larmoyante et le drame, substrat politique à partir duquel Diderot avait pu édifier sa théorie, les situations sociales apparaissent assez nettement, sous le fatras sentimental. Et malgré lui, de par la poussée de l'histoire, le public s eduque par ces modèles culturels. Les situations types du drame correspondent aux grandes formes de sociabilité de l'oppression, non pas dans leur aspect politique, mais comme vie privée, vie subjective, de l'âme. Alors si le drame, par son goût exclusif du sentiment et
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du pathétique, s'éloigne de la prise de conscience révolutionnaire, il s'en rapproche par l'acquisition d'un savoir des situations sociales : les formes politiques ne sont pas un événement parallèle à la vie sentimentale, la vie du cœur n'est pas indépendante de la vie publique, et si la sentimentalité est pathétique, c'est un pathétique de l'histoire. Ainsi, en milieu d'effervescence créatrice, le drame et la comédie larmoyante mesurent, dans le public, l'importance de la sentimentalité. Leurs succès et leurs échecs délimitent le degré d'historicité qui a pu s'introduire dans l'âme du conformisme. La sentimentalité de ces genres reprend la dialectique de la conscience sentimentale : il affirme l'âme du conformisme, mais déjà par un argument historique, par la revendication du droit naturel qui s'oppose à l'oppression de l'Ancien Régime. Les situations historiques sont reconnues modelantes de l'intimité subjective. L'esprit public n'a pas encore une prise de conscience révolutionnaire, mais sa culture suit l'évolution de la praxis. La sentimentalité du public nous donne une autre indication. Un public prouve une homogénéité de goûts, mais peut-être une hétérogénéité au point de vue de l'origine sociale. C'est la convergence des aspirations, du désir de renouvellement, qui fait une homogénéité plus forte que la structuration différentielle originelle. Ainsi apparaissent un désir, une vocation, plus forts que la structuration. Cela prouve d'abord que malgré les différences originelles de milieu, il y a dans toutes les couches sociales qui forment le public une situation sociale commune et que cette structuration est contraignante, opposée à ces goûts mais suffisamment forte pour faire respecter encore cette structuration. Aussi si la comédie larmoyante et le drame ont essentiellement un public populaire (celui qui fera, par la Révolution, sa promotion petite-bourgeoise), ce public est très diversifié. Il s'ouvre sur des milieux sociaux à structuration contraignante et à conduites d'oppositions diffuses et confuses (et suffisamment pour que ces milieux hétérogènes se retrouvent dans la sentimentalité, l'informel des sentiments qui, bafoués ou ignorés, refoulés, se renforcent dans la secondarité et l'exigence d'une reconnaissance du cœur, dans son principe le plus général). C'est dans ces milieux que peut se recruter l'auditoire du drame et de la comédie larmoyante. 4. L'opposition en milieu social de structuration contraignante et d'opposition diffuse. Trois situations existentielles fondamentales : le petit officier, le petit proxénète, la femme du libertin Nous voudrions définir ces milieux exemplaires à partir de leur situation sociale fondamentale. Ces situations fondamentales seront reconstituées à partir de matériaux hétérogènes : soit par le modèle culturel proposé par le héros de
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roman (Manon Lescaut), soit par l'idéologie d'un philosophe solitaire (Vauvenargues), soit par une situation sociale très nettement définie (la femme du libertin). Il ne peut pas y avoir d'homogénéité d'expression ou de réalisation, de par la diversité des milieux d'origine, et de par la force contraignante des structures qui interdisent toute expression élaborée, qui ne laissent passer des situations oppositionnelles, que l'aspect le plus dépolitisé, le moins violent, dans des moyens d'expression comme la littérature ou la philosophie qui n'expriment de la contrainte et de la révolte que l'aspect le plus rhétorique, dans un langage abstrait et spéculatif. L'homogénéité se retrouve dans la dépolitisation totale de ces expressions (par ailleurs hétérogènes), ce qui est alors une difficulté supplémentaire, car la causalité sociale immédiate ne peut plus être déduite des éléments directement politisés, mais doit se reconstituer, d'une manière peut-être moins probante, empiriquement, à partir des matériaux littéraires, philosophiques, ou purement sociaux. C'est donc à la manière indiquée par Diderot, mais pour un autre usage, que nous dresserons quelques tableaux de ces situations sociales. Ce seront des tableaux, car nous reconstituerons tout un comportement de groupe dans ses déterminations historiques à partir d'éléments qui manquent de rigueur scientifique, par des interprétations, extrapolations, qui dépassent parfois le domaine et les méthodes sociologiques. Comme pour Diderot, l'art viendra parfois au secours de l'histoire pour reconstituer la réalité. Mais, si la méthode peut manquer de rigueur scientifique, n'oublions pas que nous reconstituons les aspeas de la sentimentalité, une catégorie à bien des égards du domaine de l'esthétique (ne serait-ce que pour le sérieux des pouvoirs établis ou pour le sérieux révolutionnaire de la bourgeoisie cultivée). Aussi l'art, sous la forme du réalisme esthétique (à la manière de Diderot) permet-il une saisie peut-être plus profonde de l'intentionnalité sentimentale (sympathie et compréhension). Vauvenargues3 est ce descendant du vassal à la belle âme, qui renonçait déjà à l'amour pour garantir la situation que lui faisait son seigneur. Mais le Régime n'a même plus besoin de ces serviteurs : il y a trop de cadets de grande noblesse difficiles à caser pour que la petite noblesse puisse espérer sortir de sa misère. Le petit officier est inexorablement barré, réduit au rôle de subalterne. Si la structuration sociale de l'Ancien Régime a sécrété la classe des mercenaires du libertinage, elle interdit la promotion sociale par le mérite et le courage. Aussi le guerrier démissionnaire devient un moraliste du haut du 3. Nous définissons les situations socio-culturelles caractéristiques à partir d'une méthode qui serait la convergence de l'analyse de contenu (d'une œuvre) de la psychanalyse existentielle, de l'analyse thématique de l'œuvre.
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mérite chevaleresque, et juge ce monde bourgeois, mondain, libertin, et n'en démord pas : la gloire, l'ambition, l'action sont le but de la vie. L'affrontement chevaleresque est toujours un idéal. (Et d'ailleurs, les petits officiers méritants, dédaignés par l'état-major des grands seigneurs auront leur revanche : ils feront les généraux d'Empire, l'épopée du pouvoir personnel pour retomber, la révolution populaire arrêtée et détournée, dans la méditation morose des demi-solde et la problématique de la belle âme guerrière, rénovée, dans les Grandeurs et Servitudes militaires, ou le romanesque stendhalien.) Ces avatars du petit officier reprennent dans l'histoire la dialectique de la sentimentalité : l'âme s'oppose à l'histoire, et par des arguments historiques, pour triompher provisoirement de l'histoire, mais retourner à son conformisme, de par la domination de la grande bourgeoisie, qui abandonne ceux qui n'ont plus à la défendre. Yauvenargues vit à l'époque où cette dialectique s'arrête au seuil pathétique de la belle âme. La sentimentalité de l'officier solitaire, totalement écarté de l'action, aura du style : sa virilité, qui ne peut plus s'exprimer sur les champs de bataille, prendra les allures du stoïcisme. Sa sentimentalité n'est plus celle de la comédie larmoyante ou du proxénète amoureux (chevalier des Grieux) : elle est noblesse de cœur. Mais si les différences psychologiques (dont nous ferons le tableau) de la sentimentalité apparaissent à partir de la situation fondamentale, celle-ci détermine les mêmes moments dialectiques. A sa manière, Vauvenargues proclamera le droit naturel, sur le plan de la dynamique passionnelle, transposition sentimentale du chevaleresque. Cette pittoresque rencontre de la revendication sentimentale et de l'affrontement guerrier se synthétise par l'anoblissement de l'instinct naturel dans les passions. La sentimentalité déborde la réflexion, et la subjectivité est débordée par l'action. Mais celle-ci, incapable de s'inscrire dans la praxis et dans l'affrontement social, ne peut quitter l'individualité sentimentale. L'action est pensée comme passions : affirmation naturelle non sociabilisée et bonne, donc affirmation individuelle, mais affirmation du mérite individuel, qui déborde la pure nature par le prolongement de l'instinct en passion, par l'intervention de la volonté humaine, de sa culture. Ainsi la sentimentalité de Vauvenargues préfigure une tendance importante de la sentimentalité petite-bourgeoise : celle qui a horreur d'elle-même, de son impuissance, et qui veut s'affirmer quand même, sur le plan individuel, dans l'exaltation de la volonté individuelle et l'ignorance des relations politiques fondamentales (Malraux, Hemingway, Debray). Cette dynamique du sentiment devient une sentimentale volonté, la secondarité veut se dépasser dans l'action individuelle. La volonté est alors le conflit de l'individu et de la société, conflit qui débouche inexorablement sur l'échec de l'individu (sauf en période de désordre révolutionnaire ou d'impérialisme national guerrier) dans
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la structuration de l'Ancien Régime ou sous le règne du sérieux conformiste petit bourgeois pré- et post-révolutionnaire. Mais cette volonté passionnelle ne peut se nier, car elle est le seul mode d'affirmation, et comme elle débouche sur l'échec, elle devient ce que les psychanalystes appellent une conduite d'échec, mais qui n'est que l'échec d'une conduite déraisonnable, car dépolitisée et ignorante des relations de la praxis. Et ainsi «la conduite d'échec», aboutissement d'une dialectique sentimentale de l'action digne et impossible, se fait dégoût de l'action révolutionnaire et retour morose à l'ordre établi, par le barrage de la grande bourgeoisie. Cette individualisation de la praxis est celle qui débouche dans le romanesque bourgeois, dans le pathétique de l'affrontement individu-société et dans le pathétique de l'échec du héros, modèle culturel, sous le règne du sérieux bourgeois. Ce romanesque est donc l'aboutissement d'un double courant esthétique : celui du prolongement chevaleresque, de l'action noble, dans le pathétique sentimental, l'affrontement du seul individu contre tous, et son échec pathétique. Mais l'individualisme petitbourgeois transposera cet esthétisme sur le plan de l'arrivisme (et nous pourrions voir, en suivant l'histoire de plus près, le passage de Vauvenargues à Stendhal, et de Julien Sorel à Bel Ami), sacrifiant l'esthétisme à l'efficacité purement bourgeoise. Mais si Vauvenargues annonce le romanesque passionnel qui s'épanouira chez Stendhal, de par la continuité du courant chevaleresque dans la situation sentimentale, il se définit aussi par un autre courant : celui du christianisme de Fénelon, Molinos, du quiétisme, qui a vu la définitive coupure de la subjectivité et de l'âme du conformisme (après le protestantisme). Cette subjectivité restait encore toute chrétienne, mais nous avons vu qu'elle supprimait toutes les médiations (hiérarchie, créations humaines) de lame à Dieu, dans la négation de la morale du conformisme, de son échelle des valeurs, de l'ascèse chrétienne. Pure subjectivité sans déterminations, et ainsi communion immédiate avec le divin, le quiétisme n'était alors qu'effusion, et effusion du cœur. Vauvenargues reprend ce courant. C'est que la laïcisation de la sentimentalité fait un progrès décisif par le déisme. Toute l'effusion qui pouvait être canalisée dans les institutions chrétiennes, qui se condensait dans l'effusion mystique quand ces médiations semblaient dépassées, se rapporte maintenant sur les créatures. Et le déisme va expliquer ce transfert (par une dialectique qui sera aussi celle de Rousseau). Le déisme supprimant la Révélation supprime aussi le péché originel : la nature est bonne. Mais cette dernière phrase inverse la dialectique : c'est parce que la nature est bonne que le péché originel semble de trop, ainsi que la Révélation. Et si la nature est reconnue bonne, l'instinct et la passion constituent la dynamique morale, et c'est parce
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que les institutions de l'Ancien Régime interdisent cette passion qu'elles sont mauvaises. Mais il faut trouver une garantie de la bonté de cette action, et cette garantie ne peut être trouvée dans aucune de ces mauvaises institutions. Le déisme donne cette garantie : Dieu, en dehors de tout dogme, de toute doctrine, garantit la perfection de sa création. Et l'action bonne est évidemment l'action naturelle : celle qui prolonge l'instinct dans la passion, en retrouvant le divin, c'est-à-dire le naturel, dans la destruction des falsifications mondaines et de toute la sociabilité qui empêche la passion, action naturelle, de se réaliser. Et l'effusion du cœur pourra se retrouver. Le christianisme, dans le meilleur des cas, celui du quiétisme, détournait cette effusion dans le mysticisme, relation directe avec Dieu, mais cette effusion se perdait dans la subjectivité, car elle était inattive, et ainsi inefficace. Par les passions, l'effusion du cœur pourra retrouver le divin, puisqu'elle retrouve la nature et l'instinct, créations divines. L'expérience passionnelle devient ainsi expérience du divin, et la passion qui se projette sur les créatures est ainsi divine, car elle n'est que la nature qui se retrouve elle-même, l'homme qui retrouve Dieu. Par l'action passionnée, l'homme ne fait que reprendre l'acte créateur, la genèse du vouloir et du bien. Ainsi la laïcisation de la sentimentalité est presque totale : un pas de plus et définitif, vers l'athéisme, sera le panthéisme 4 . Si Dieu s'exprime totalement par la nature, il est la nature même. Ainsi Dieu s'expliquera par la nature et la nature par Dieu, cercle vicieux du panthéisme, qui fait cependant l'économie de la Genèse et des difficultés philosophiques de la Création. Mais par contre, l'individualisme garanti par la passion, chez Vauvenargues, se perd dans la dissolution cosmique, l'interdépendance des éléments, et la subordination des parties au tout. Le déisme représente donc le moment le plus sentimental de la déchristianisation : l'individualisme est celui de l'effusion sentimentale. L'âme du conformisme a subi bien des transpositions, par l'histoire. Mais celle-ci ne fait qu'affirmer, d'une autre manière, l'âme : les nouveaux droits sont toujours ceux du cœur. Le double courant chevaleresque et quiétiste synthétise donc, chez Vauvenargues, l'effusion religieuse et la passion humaine dans la sentimentalité. Vauvenargues est important car il montre bien les transitions d'une époque 4. Nous n'avons pas étudié le christianisme en une série homogène : l'histoire de la religion, mais toujours en tant qu'expression de la vie sociale, en tant que thème constitutif de l'existentiel. Aussi de l'Amour courtois à Vauvenargues en passant par le jansénisme avons-nous dit l'histoire du christianisme. Non pas de sa doctrine mais de sa vie pratique (si l'on peut dire). Cette histoire commence par l'acceptation existentielle du référentiel transcendant. Et la déchristianisation définitive est la substitution du dieu immanent au dieu transcendant. Après ce ne sera que restauration ou définitive laïcisation.
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à une autre et l'interaction des influences. (Senancour sera une variable dans cette même situation.) A partir de ces éléments psychologiques, sociologiques, historiques, on peut reconstituer assez hypothétiquement, sans doute, le groupe social type dans lequel évoluait Vauvenargues : la situation sociale est la situation sentimentale que nous avons définie chez cet auteur. Le groupe évolue dans une forte structuration contraignante et n'exprime que des conduites d'opposition diffuses. Le petit officier démissionnaire, retiré en province, n'a pas les relations formelles de la mondanité de salon. Il est l'ami de quelques personnages assez variés, des échantillons sociaux, qui, ne pouvant avoir d'influence ou d'audience dans leur milieu social originel, de par leur rôle subalterne (généralement) reconstituent ailleurs un petit noyau hétérogène de par les origines sociales, mais homogène de par les situations qui leur sont faites dans ces milieux. Aussi les influences sont multiples et accessoirement contradictoires. Ce petit noyau a des relations spécifiques (mais très rarement professionnelles ; l'électif est important) et l'épistolier prolonge le réseau des relations de ces très petits groupes. Les échantillons de base sont le petit officier, hobereau à moitié ruiné, le petit prêtre, et « le philosophe », de formation intellectuelle, généralement petit clerc. Autour de ce noyau, gravitent des éléments d'un commerce plus instable, d'un niveau social supérieur ou inférieur. La vie de province favorise des contacts impossibles à Paris. Aussi, de riches bourgeois de province qui ont acheté des propriétés, des gentilshommes qui reviennent sur leur terre, dans leur isolement, loin de Paris, peuvent fréquenter occasionnellement, le petit prêtre, le petit officier, le petit notaire ou avocat du voisinage. Et inversement, la vie quotidienne met en relations constantes ce trio fondamental et les éléments les plus cultivés du peuple : artisans aisés ou enrichis, quelques gros paysans dont les enfants ont eu une certaine instruction, filles de bonne bourgeoisie provinciale (pour qui le petit clerc et le petit hobereau représentent, surtout sur le plan des prestiges, de bons partis), petits rentiers, anciens bourgeois paisibles, qui ont occupé leur ennui par une culture disparate et éclectique. Le petit hobereau, petit officier, peut être considéré comme l'élément charnière : c'est lui qui a le plus de contacts avec la hiérarchie supérieure, le plus de contacts avec la base. (Vauvenargues est bien à la croisée des influences.) La politisation de ce noyau fondamental est bien difficile : il y a autant de distance, entre chacun de ces éléments, de par leurs origines sociales différentes qui leur interdisent un programme politique commun et cohérent, qu'entre l'élite de leur classe et leur situation particulière au bas de la hiérarchie de cette classe, et qu'entre leur situation commune de privilégiés et la masse populaire dont ils fréquentent l'élite. Sur le plan négatif des interdictions,
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l'homogénéité pourra se faire. La sentimentalité commune exprimera la commune situation sociale : l'âme du conformisme ne peut plus se satisfaire de son expression traditionnelle, elle doit retrouver une unanimité, une adhésion de tous qui concilie les nouvelles aspirations. Et cette bonne volonté apolitique, cet enthousiasme, cette sincérité de l'adhésion est la sentimentalité, au niveau des relations vécues, du commerce amical, de la préparation psychologique pré-révolutionnaire. La bonté de la nature qui ne peut se démentir, dans l'affrontement politique, s'affirme dans la commune effusion des sentiments. S'il n'y a pas de programme politique ou de doctrine, le cœur, le règne de la justice, de l'égalité, de la fraternité, des concepts universels et généreux, est tout un programme. Nous avons insisté sur ce tableau (l'idéologie de Vauvenargues, son expression synthétique, son milieu), car cette situation sentimentale particulière définit une importante modalité de la sentimentalité. Après le pathétique de la comédie larmoyante, de la seule affirmation du droit naturel, la dynamique passionnelle et l'effusion du cœur expriment un niveau de culture et de secondarité bien différent. C'est ce milieu de province qui fournira les cadres révolutionnaires et l'élan généreux de la Révolution. Mais en milieu de structuration contraignante et de conduites d'opposition diffuses et confuses, on peut définir d'autres situations sentimentales. Un autre tableau, d'une situation analogique, se fera en milieu de libertinage. Nous avons exposé l'aspect le plus connu, dans la convergence du libertinage bourgeois et noble. Mais l'autre face du libertinage qui n'a pu s'exprimer, de par les structures contraignantes, a peut-être été négligée et ses surgissements littéraires, situés en dehors de la praxis, sont bien difficiles à interpréter si on ne les replace pas dans cette praxis. Ce tableau représenterait les gens du libertinage, «cette classe» promue par le luxe et le plaisir. La «classe» des mercenaires du libertinage présente une bien trompeuse liberté d'allure. Leur liberté est celle de susciter des scandales, de surenchérir dans les vices et les dissipations. Mais au-delà de ces gestes, plus représentatifs, commerciaux en somme, que profondément sincères, cette classe est soumise à plusieurs contraintes et servitudes qui délimitent singulièrement sa liberté : d'abord elle est soumise, de près ou de loin, à la police, que maintenant l'on dit des moeurs, à une surveillance, à un contrôle humiliant, et à une répression barbare. De plus, à l'intérieur de cette «classe», il ne peut y avoir de prise de conscience politique (c'est évident), et il ne peut y avoir de solidarité de groupe durable et profonde. Les groupements d'amitié, de sympathie se font et se défont au gré des hasards, dégringolades et promotions du libertinage. Et chaque promotion, si dérisoire soit-elle, entraîne toute
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une armée de profiteurs, mendiants, maîtres chanteurs, proxénètes, entremetteuses, receleurs, etc. avides de profiter aussi, par le truchement des promotions de la luxure ou de l'agiotage, du libertinage. A l'intérieur de cette «classe» il n'y a que conflits, antagonismes, d'êtres dépossédés de tous droits. Enfin, cette promotion sociale est bien superficielle, elle est toujours marginale aux droits civiques, elle ne dure que le temps de la jeunesse, d'un chantage, d'une intrigue, d'un caprice. Elle est toujours renouvelée, perpétuellement transformée, soumise à toutes les fluctuations de la fortune et de la mode. En ce milieu l'opposition est très confuse. Elle sera nulle sur le plan politique (c'est dans ce milieu que se recrutent les agents doubles, espions, mercenaires des guerres politiques). Elle sera très confuse sur le plan moral : protestations verbales de principe. Elle ne pourra s'exprimer que sur le plan sentimental. Mais là aussi la sentimentalité, de par les déterminations de son milieu, prendra une figure bien particulière. Une relation fondamentale de ce milieu illustrera bien cette situation sentimentale : c'est celle de la prostituée et du proxénète. Précisons que les termes «proxénète» et «prostituée» recouvrent toutes les conduites de ce genre, qu'elles soient de la prostitution de maison ou de la prostitution mondaine, qu'elles soient celles d'un couple légitime qui a une couverture sociale ou celle d'un couple directement issu du naturalisme le plus peuple. Ces termes débordent donc la terminologie consacrée, et recouvrent, de la complaisance du mari à l'exploitation cynique, bien des conduites. Mais le couple qui va illustrer, de la manière la plus paroxystique, cette situation (effet de l'implantation du réseau parallèle) sera celui du déclassé, dévoyé, et de la fille perdue 5 . C'est la rencontre de deux dynamiques, l'une de décadence, de déchéance, l'autre ascendante, de promotion et de reconnaissance (d'individualités issues de la plèbe). Entre les deux protagonistes le malentendu est profond et définitif : c'est celui de la chute du sérieux et de l'ascension mondaine. Ce qui est positif pour l'un et négatif pour l'autre. A un moment le libertinage révèle un point de non-retour. Le défi cynique, lorsqu'il n'a pas l'argent ou le pouvoir pour l'étayer, devient la honte du chevalier d'industrie pris sur le fait. Alors, il n'est pas de reconversion possible, et de par toute une culture, de l'intériorité, de la tradition, le dévoyé est définitivement voué à la marginalité, et au mépris des gens sérieux, et même des libertins. Cette déstructuration est totale ; le dévoyé est renié par sa classe, sa famille, ses amis. Cette déréliction de classe se heurte à l'ascendance mondaine de la femme. Celle-ci, au contraire, passe de la plèbe à une reconnaissance, à un standing. 5. Cette strutture éternelle est proposée par Manon Lescaut de l'abbé Prévost.
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C'est dans le couple le conflit d'un arrivisme reconnu et d'une chute irrémédiable. Et à travers les péripéties sexuelles, affectives, la loi politique finit par s'imposer : les deux termes sont incompatibles. «L'ordre» s'impose. Et le libertin, déchu, et du sérieux, et du libertinage, est doublement banni : et par sa classe, et par l'entretenue. Tel est le conditionnement d'une subjectivation par une double série d'échecs : ces traumatismes et scissions réduisent à la plus forte solitude, et d'une conscience formée par la culture de l'intériorité, par des principes religieux. Cette dépolitisation est une désubstantialisation de l'individualité : lorsque le libertin perd le contenu de classe, ce n'est plus qu'une conscience malheureuse, nostalgique et coupable. Un troisième tableau, en milieu de libertinage encore, serait centré sur la femme, non pas sur la femme en général au 18e siècle, mais sur la situation de la femme dans des classes sociales bien déterminées : noblesse décadente, bourgeoisie de la rente, une certaine bourgeoisie de robe, de province. Il s'agit de femmes qui ont un statut social (à l'inverse des mercenaires du libertinage). Ce statut n'est autre que le conformisme, et l'Ancien Régime n'a rien perdu de ses structures contraignantes, pour ce qui est de la situation sociale de la femme du noble, du bourgeois riche et d'une certaine bourgeoisie de robe, de province. La femme est totalement dépolitisée, écartée de la praxis. Elle n'a jamais un métier, une source de revenus par son travail, son activité sociale. Sa réalité économique (dans ces classes) la soumet au père, puis au mari. En effet, la dot, l'héritage, l'argent qui fondent sa réalité économique, sont donnés par le père. Et cette dot, qui assure sa reconnaissance sociale, qui permet son mariage, n'est pas un droit. Le père, seul, a des droits. C'est la relation père-fille qui définit la situation sociale de la femme : celle-ci est soumise aux appréciations du père, qui distingue, bien sûr, les mérites de ses enfants, mais qui surtout doit maintenir une dynastie, un fief, un domaine. Le droit d'aînesse, celui des nécessités économiques restreignent singulièrement le champ social des filles à caser, de par la modicité de leur dot et l'éloignement des espérances d'héritage. Aussi les filles sont tenues à la plus grande obéissance, à la plus grande soumission au père, seul dispensateur de leur réalité sociale. Le rôle de la dot est énorme. Elle hiérarchise les valeurs féminines... et les caractères : de l'humble fille, sans dot, à l'arrogance de la fille richement dotée, peuvent s'étaler toutes les nuances psychologiques correspondantes aux montants de la dot. Le mariage n'est qu'une passation de pouvoir du père au mari. La prise en charge de la fille se paie par la dot. Et celle-ci va définir les relations entre époux : de supériorité, d'égalité, d'infériorité de la femme, selon que la dot
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est supérieure, égale, inférieure à la fortune du mari. Mais le plus souvent, et même très souvent, la dot est inférieure : les familles sont souvent nombreuses, les garçons passent souvent avant les filles. Le meilleur des pères ne se dépouillera pas totalement pour ses filles. Aussi très souvent la dot consacre la subordination de la femme au mari. Mais ces relations originelles des époux ne sont pas définitives. Leur réalité est infléchie par le virtuel, les espérances d'héritage de chacun des conjoints. Cette attente donne à la femme une certaine considération de la part de son mari. L'héritage définira la tournure définitive des rapports du couple. Mais, même dans le meilleur des cas, pour la femme, la mort du père ne fait que consacrer la totale subordination au mari. Le dernier lien, qui pouvait encore permettre une autonomie relative, de par le retour éventuel à la famille consanguine, de par les remontrances, admonestations du beau-père, qui peut menacer son gendre de le déshériter, ce dernier lien est rompu. La femme qui n'a pas de droits civiques, tombe sous la totale dépendance du mari, elle dépend, économiquement, de son bon vouloir. Il est évident que la situation de la femme n'est pas automatiquement définie par le montant de la dot et de l'héritage. L'affectivité a bien d'autres sources et d'autres causes. Mais dot et héritage définissent le statut économique de la femme, et c'est à partir de ce statut que s'organise le conformisme et la tradition. La fonction de la femme, écartée de tout métier, totalement en dehors de la praxis, dépolitisée, sera pure fonction domestique. Elle assume et garantit la quotidienneté familiale dans la répétition des tâches domestiques. Ainsi, elle atteint une praxis, qui est celle de son autonomie dans son domaine réservé, mais le sentiment de sa maîtrise n'est que la double dépendance qui lui est imposée, d'abord par son statut économique et juridique, consacré par le mariage, ensuite par l'encadrement spatio-temporel, par la structuration de la répétition, par la banalité et la platitude de ses gestes quotidiens. Le conformisme de la femme vient donc de son autonomie relative dans ce qui n'est que sa double sujétion : la femme est libre, mais dans ce qui consacre son aliénation. Et c'est pourquoi elle ne peut s'opposer, revendiquer, sur le plan politique. La situation qui lui est faite est ambiguë : elle consacre à la fois sa liberté et son aliénation. Et dans la mesure où elle revendiquera, ce sera contre la liberté acquise dans un secteur, en mettant en cause ce qui la définit, ce qui la «garantit». Ainsi la femme qui ne se plierait pas aux nécessités domestiques mettrait en question les structures de l'ordre, dans leur fondement économique et spirituel, et mettrait ainsi en question le statut de la femme, le domaine d'autonomie que les structures de l'ordre garantissent. Et ne pouvant revendiquer politiquement, dans le sérieux, au niveau de la désaliénation politico-sociale
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de la femme (comme peut le faire partiellement la précieuse, et la bourgeoise cultivée de salon) elle ne pourrait atteindre une liberté que dans le désordre des mœurs, la «déchéance» morale. Les conséquences seraient trop graves. Aussi le conformisme ne connaît pas de concessions, ou de moyen terme. S'il n'est pas totalement accepté, il doit être totalement rejeté. La femme qui aurait des velléités d'indépendance doit rentrer dans le rang, et se laisser modeler par le conformisme dans la quotidienneté des gestes domestiques. La femme, de par sa situation économique et juridique, est donc réduite à la résignation, dans le conformisme. Car sa conscience est structurée par cette condition. On connaît les définitions idéalistes de la vertu féminine. Ce que la praxis de la femme a d'universellement «biologique», de par sa fonction domestique, est exalté dans le conditionnement conformiste. Le mérite du travail domestique devient l'idéal du conformisme ; sa transposition sur le plan du spirituel fait, de la quotidienneté d'un travail banal, l'humilité et la résignation. (Nous prenons le terme travail domestique au sens large : il peut être le travail fait par la femme ou bien le travail qu'elle dirige, surveille.) La structure de cette conscience est déjà une structuration sentimentale : totalement dépolitisée, écartée de l'action, livrée à la seule répétition de la quotidienneté, cette conscience est secondarisée, limitée dans son extension, mais approfondissement, car ressassement quotidien. Et cette conscience déjà sentimentale (de par son conditionnement politique) va s'affronter à la conjoncture historique. Le conformisme de la femme va rencontrer l'histoire, le libertinage des hommes. Au 18e siècle, ce conformisme n'était d'ailleurs plus le strict conformisme moyenâgeux. Le luxe, le confort, l'enrichissement, au niveau de la vie domestique avaient permis de supprimer bien des servitudes. Les relations du couple étaient moins soumises à l'étiquette de la quotidienneté. Les revendications politiques des hommes avaient permis aux femmes de profiter de l'esprit philosophique et de l'esprit de liberté. Mais ces progrès n'avaient pu modifier la situation économique de la femme. Et l'on peut dire que le conformisme de la femme va s'augmenter des libertés libertines de l'homme. En effet, l'épreuve que le libertin inflige à la femme mariée (soit qu'il la trompe, soit qu'il la séduise), femme mariée, nous le rappelons, dans les classes de la noblesse décadente, de la bourgeoisie enrichie, de la bourgeoisie cultivée de province, ne peut entraîner, par contrecoup, par voie de conséquence, une révolte de la femme, ou une quelconque émancipation. Au contraire, la femme ne se sauve alors que par les valeurs conformistes (l'apaisement du cœur dans l'activité domestique, catharsis toujours essentielle à la femme), la peur du scandale, les secours de la religion, la résignation silencieuse, le chantage du sacrifice.
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L'émancipation de la femme, en réponse au libertinage de l'homme, se fera dans d'autres classes, ou sous l'influence d'autres classes, et surtout dans un décalage de génération. Ce sera la fille de la mère bafouée et du père libertin qui, par sa double expérience, saura quitter le conformisme, lutter à armes égales contre l'homme, d'abord par l'égalité de fortune, mais surtout par la culture de salon. Le libertinage atteint la femme dans les deux cas. Que la femme soit fidèle ou qu'elle soit séduite, son comportement sera finalement le même, car dans les deux cas elle est victime, ne pouvant avoir aucune prise dans la réalité, ne faisant que subir. La sentimentalité de la femme du libertin 6 , psychologiquement, connaîtra plusieurs moments. D'abord, la prise de conscience de son infortune, qui entraîne, le plus souvent, un effort de reconquête. Celui-ci peut entraîner une passagère reconversion du mari, mais qui revient le plus souvent à son libertinage : il a trop d'argent, trop de pouvoir, et il fait comme ses amis. Cette rechute consacre la cassure affective du ménage. La femme délaissée s'isole de plus en plus, renonce à son mari. Elle connaît alors la tentation d'autre chose, fait des comparaisons. Dans son entourage, il y a encore des hommes qui semblent l'apprécier, d'anciens prétendants, des amis de son mari, libertins. Mais elle surmonte ces tentations, et si elle a fauté, elle devra se reprendre. Et elle renonce, encore une fois, à l'amour. Elle se résigne, se console avec ses enfants, dans la dévotion, les vertus domestiques. Ce tableau n'est que la psychologisation d'une situation sentimentale : il est très vague, et le concret déborde de beaucoup ce schéma. Mais cette hypothétique reconstitution psychologique reprend quand même l'essentiel de la praxis : la femme renonce à l'amour d'abord en fait, dans la réalité, dans la norme du conformisme, puis dans l'anticonformisme, la liaison passagère ou imaginaire. Mais ce renoncement à l'amour se fait, paradoxalement, par une grande culture de ce sentiment, et la conscience doit se sentimentaliser de plus en plus pour renoncer à l'amour, dans sa plus grande connaissance et préoccupation. Le conformisme se renforce de l'échec sentimental. Quant à la femme séduite (comme la femme que son mari délaisse, comme celle que le conformisme n'a pas modelée, soit que sa dot ait exaspéré sa prétention, soit pour toute autre raison, d'ordre affectif ou économique), elle aussi ne peut faire son salut que dans le retour au conformisme. Le libertin, l'amant, se charge de faire son éducation. D'abord il ne peut être question de légaliser leur liaison. Le libertin est lié, lui aussi à une femme légitime, 6. La trilogie de Beaumarchais (Figaro, Le Barbier de Seville, la Mère coupable) propose une illustration de cette situation.
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La logique du superstructural
qu'il ne peut abandonner, car la dot, et les espérances, cautionnent sa fortune, ou sa fonction. S'il n'est pas marié, il espère se marier pour mieux asseoir sa situation. Mais même la liaison va peser au libertin 7 : il a peur du scandale, il trouve bien d'autres aventures érotiques, ne serait-ce que dans le monde de la prostitution. De plus, sa maîtresse agace en lui l'homme de l'Ancien Régime : il ne la respecte pas et, quand c'est par exemple la liaison d'une bourgeoise et d'un noble, celui-ci peut s'exaspérer du ton, des manières qui expriment les revendications de classe, non politisées, mais d'autant plus agaçantes qu'elles sont devenues naturelles. Le libertin abandonnera la femme séduite, dans le scandale, ou la peur du scandale, souvent dans le cynisme et l'ironie libertine. Ce tableau est aussi psychologique et très théorique. Mais sa conclusion est la même que précédemment : la sentimentalité ne peut atteindre sa réalisation, elle est vouée à l'échec, et doit renoncer à elle-même. Mais ce paradoxe, de la culture d'un sentiment pour renoncer à ce sentiment (par son échec) ne fait qu'assurer la constance sentimentale dans sa dialectique : l'âme du conformisme ne fait que renoncer à l'histoire pour se retrouver ellemême. La sentimentalité ne fait que repousser définitivement les tentations de l'histoire. Mais c'est parce que cette histoire a fait irruption dans le conformisme, que celui-ci a dû se reprendre, et ainsi prendre conscience de lui-même. L'échec apparent cache le triomphe de l'âme du conformisme : le sentiment triomphe de ce qui le nie par la négation de ce qui a triomphé de lui. La sentimentalité est devenue une maîtrise de l'échec. Ainsi, en milieu de structuration contraignante et d'opposition diffuse, nous avons pu définir trois types de situations sentimentales. Si la situation est chaque fois la même : dépolitisation totale, subjectivation totale des conduites individuelles, et échec de ces conduites, elle se particularise d'après les conditions sociales, les milieux sociaux. Ainsi la sentimentalité n'a jamais la même figure. La sentimentalité définie dans la praxis est bien différente de celle de la caractérologie : le proxénète, le passionné (à la manière de Vauvenargues) ne seraient pas des EN AS (classification de Le Senne). Psychologiquement, ils débordent la typologie caractérielle. Mais ils ont la même situation dans la conjoncture culturelle.
7. Cette situation se prolonge après la Révolution française car elle témoigne de la constante de l'aliénation de la femme. Nous pensons à Adolphe de Benjamin Constant qui pourtant n'était pas tellement libertin.
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5. La systématisation dans le champ historique des modes d'expression de la sentimentalité La sentimentalité est un résultat historique, et les coupes synchroniques, les milieux, les tableaux, montrent sa diversification. Mais ceux-ci ne sont pas qu'illustratifs. La sentimentalité est une systématique, qui couvre tout le champ social, qui dit le non-dit, à chaque moment de l'affrontement qu'est toute manifestation sentimentale. Ces coupes synchroniques sont à la fois figure existentielle, conditionnement sociologique, causalité historique. Ainsi apparaît la contestation de l'ordre établi (de l'establishment de la transgression) par ce qui n'est pas le code, qui n'est plus l'être, par le sentiment et le droit naturel. Pour couvrir le champ social et rendre cette étude exhaustive, nous avons donc défini, à partir du langage sociologique, trois milieux : deux qui délimitent et un intermédiaire. Les sous-divisions ont permis, à partir de cette délimitation, une coupe en profondeur, la définition d'échantillons dans la plus grande diversité possible. Le milieu institutionnel traditionnel permet de mesurer, au niveau de la plus forte structuration sociale, le degré d'opposition à l'institutionnel et au traditionnel, et la faculté de résorption de cette double force institutionnelle et traditionnelle. C'est sur le plan religieux, et plus précisément du dogme, que nous avons étudié les progrès du subjectivisme sentimental. L'organisation sociale du Moyen Age à la Révolution transposait tous les conflits sur le plan religieux (guerres de religion, hérésie). L'Eglise est l'appareil institutionnel et traditionnel qui est chargé d'éliminer l'opposition idéologique. Sa contamination prouve bien les progrès et la force de l'opposition. Mais la réduction du quiétisme montre l'impuissance politique du subjectivisme sentimental, alors que sa réalité a pu menacer le dogme. A l'opposé du milieu institutionnel traditionnel, le milieu d'effervescence créatrice, par la création de genres nouveaux, mais alors sur le plan esthétique, montre que le subjectivisme sentimental qui chemine souterrainement dans la réalité sociale propose de nouveaux modèles culturels. Si la politisation institutionnelle de la sentimentalité n'est pas encore possible (elle viendra par le culte de l'Etre suprême), sa propagation dans les milieux populaires écarte sans doute de la politisation immédiate, par le pathétique de la non-violence sentimentale, mais renforce la revendication du droit naturel sous le coup de l'émotion esthétique. L'ordre classique, qui est celui de la complémentarité de l'effervescence créatrice et de l'institutionnel traditionnel, est impuissant à contenir l'élan créateur, qui déborde l'institutionnel traditionnel et s'exprime indépendam-
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ment de lui et contre lui. Cet institutionnel de l'esprit ne peut plus revendiquer que la lettre, lorsque le décalage entre l'institution et la création, la tradition et la recherche, prouve que le cœur a trouvé d'autres moyens d'expression et de réalisation, qui lui sont, précisément, interdits sur le plan institutionnel. Par cette délimitation du champ social, du p^us structuré au moins structuré, de l'institutionnel à la création, de la tradition à la recherche, du commencement de la déstructuration au commencement de la structuration, nom avons montré les progrès de la sentimentalité, de son impossibilité à se donner des formes (quiétisme), à sa formalisation esthétique (drame). Le milieu intermédiaire est celui de la structuration contraignante et d'opposition diffuse. Ce n'est plus un milieu institutionnel traditionnel de corps constitués établissant des normes obligatoires d'après un dogme, ou une révélation. C'est un milieu structuré, soumis à l'institutionnel traditionnel, mais d'après des groupements dont le leader est sans pouvoirs politiques officiels (famille, par exemple), mais dont les pouvoirs officiels garantissent l'autorité. Dans ce milieu de structuration contraignante, l'opposition est celle de petits groupes, très dépolitisés (et ainsi tolérés par le Régime), très dispersés, se ramenant à quelques individualités aux liens affectifs, ou sensuels, dont la permanence est soumise au hasard d'un caprice ou d'une affectation. Ces petits groupes ne sont en rien structurés, leur relation essentielle est sentimentale. Leur opposition ne peut se formuler politiquement. Elle sera diffuse, c'est-à-dire incapable de se formuler correctement, ou très formalisée, conceptualisée, mais sur un plan idéologique, spéculatif, moral, éloigné de la problématique politique. Ce milieu intermédiaire participe donc aux milieux délimités (au milieu institutionnel traditionnel par sa structuration contraignante, et au milieu d'effervescence créatrice par son opposition diffuse). Et c'est donc en ce milieu qu'apparaît le mieux la structuration déstructurante (dans les limites de la sentimentalité), le mouvement dialectique qui permet à une classe, strate, groupe, de se donner une forme (continuité, hiérarchie, etc.) en détruisant la forme qui voudrait soumettre la liberté de leur conscience. Car cette dialectique qui apparaît au niveau des groupes très réduits, instructurés, montre le mieux la dialectique sentimentale qui reconstitue, sur le plan du vécu, de l'immédiat, des formes de sociabilité inter-personnelles. Ce milieu intermédiaire est donc celui du vécu qui n'est plus institutionnel, traditionnel, sans pouvoir atteindre encore une formalisation sociale qui réaliserait les aspirations du cœur. En tant que vécu, sa description ne peut avoir les repères des réalités objectives, institutions, œuvres des milieux délimités. Ses modalités sont illimitées. Aussi avons-nous choisi trois échantillons dans les groupes humains les plus disparates, les plus contradictoires, de ce milieu
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intermédiaire. Et le mode de leur détermination est aussi diversifié. Pour Vauvenargues, nous avons essayé de reconstituer une idéologie, à partir des données existentielles. En milieu de libertinage, nous avons choisi l'une des multiples relations, celle du proxénète et de la prostituée, très particulière, mais très illustrative de la dialectique structuration-destructurante. La situation de la femme est définie dans les structures mêmes de l'Ancien Régime, dans le foyer du libertin, elle est le symbole des vertus domestiques. Et c'est dans cette intimité, dans le plus secret de l'âme du conformisme que nous avons vu la génétique de la sentimentalité. L'hétérogénéité des échantillons, et celle des niveaux et perspectives de la description, permettent d'apprécier les multiples aspects de ce milieu intermédiaire. Cependant, ces trois groupes humains pourraient être ordonnés selon un critère : celui du degré de formalisation de la sentimentalité. Ainsi on aurait deux cas limites. Cette formalisation est la plus forte au niveau du groupe de Vauvenargues ; c'est celle de l'élaboration idéologique, réflexive. L'opposition diffuse peut rejoindre l'effervescence créatrice et se dégager quelque peu de la structuration contraignante. Mais par une élaboration idéologique qui n'exprime qu'une indépendance bien relative, qui reprend bien des thèmes du conformisme, et qui n'a pas la plus grande autonomie esthétique du drame. La formalisation sentimentale, au niveau de l'honnête femme victime du libertin, est sans doute la plus faible. La structuration est trop contraignante, trop pressante, trop intime. L'opposition reste très diffuse, au niveau de l'imaginaire, de la rêverie vague. L'insubordination reste au niveau des velléités. Le ressentiment n'aura pas de réalisation, il se limitera à la bouderie. Mais celle-ci peut durer une vie. La bouderie est l'aspect agressif de la résignation.
CHAPITRE
IV
De l'existentiel au politique : De la contestation sentimentale à la lutte des classes I. LA RÉPÉTITION DU CONFLIT INFRASTRUCTURE-SUPERSTRUCTURE ET LE DÉPASSEMENT DE CE CONFLIT : PAR SON STATUT, LA PETITE BOURGEOISIE (LE PETIT CLERC), PEUT CRITIQUER T O U T E L'ANTÉRIORITÉ (SUPERSTRUCTURALE ET INFRASTRUCTURALE). SA SITUATION DE CLASSE DANS LE SYNCHRONIQUE RÉPÈTE SA CONSTITUTION PAR LE DIACHRONIQUE Les situations particulières et existentielles, incluses dans le système superstructural, qui dénoncent sa contradiction fondamentale, vont s elargir et s'ordonner dans l'opposition politique de la petite bourgeoisie à ce même système superstructural. Ce passage de l'existentiel au politique, de la situation particulière à la conscience politique, n'est que le double effet de la praxis sur cette petite bourgeoisie. D'une part, une fraction de la petite bourgeoisie, celle du corporatisme, de l'artisanat, du petit commerce est particulièrement mise en question par le grand commerce, les manufactures, et surtout par la révolution technologique apportée par l'Encyclopédie, qui menace l'ordre corporatif, lui-même, la monopolisation d'un très vaste secteur productif. Par ailleurs, l'extension du superstructural, au niveau des services et fonctions, entraîne une forte extension de la petite bourgeoisie de robe. Un saut qualitatif s'accomplit : la diversification provenant des particularités du travail, sera dépassée par une idéologie revendicatrice commune. Et si alors cette extension ne peut s'objectiver en une classe sociale ou une strate de classe très homogène, toute la diversification de métiers et de positions sociales s'homogénéise au niveau d'une idéologie, d'une revendication communes. Le petit clerc sera à la fois l'avocat de province sans clientèle, l'employé d'un service public, l'employé d'une grande étude. Cette double opposition est d'abord homogène, comme opposition de la classe moyenne, de la petite bourgeoisie. Les deux strates de classe, de vocations pourtant très différentes, s'opposent pareillement au libertinage. Le petit boutiquier, figé dans la tradition, fixé à la production d'un bien d'équipement ou de consommation élémentaire, est déjà coupé de la moyenne bourgeoisie
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La logique du superstructural
du commerce ou de la production du luxe et du confort. De même, le petit clerc est rejeté par la mondanité de salon et l'ironie naturaliste qui ne sont que provocation pour son sérieux culturel et la modicité de ses revenus. Ainsi s'exaspère encore une fois la contradiction entre le sérieux de la production et la frivolité de la consommation, entre la force productive et le commerce, entre le sérieux des mœurs et la provocation libertine, entre la culture mondaine et le savoir intellectuel, entre le sens et le signe. Et ainsi se délimite le champ du superstructural (des guerres de religion au conflit libertinage-sentimentalité, dans des figures existentielles différentes, du commencement de l'entendement à sa critique radicale, de la mise en place de la bourgeoisie de robe à sa corruption) par deux actualisations de la latence conflictuelle. Tout un parcours est accompli : celui du passage des cellules de production à la Nation. Et si le superstructural avait contrôlé la révolte de l'infrastructure, c'est que la Nation était nécessaire à l'expansion économique, qu'elle était la mise en place d'un système d'organisation des échanges qui devait bousculer la fixation aux modes de production étymologiques, autarciques, des cellules de production. La même nécessité, et de l'infrastructure, et de la superstructure, se hiérarchise dans l'histoire. Aussi, par la même nécessité (la logique de la production), le superstructural, qui a d'une part permis de dépasser les modes de production élémentaires et qui a permis par ailleurs de structurer un autre champ productif, sera dépassé : au pré-capitalisme, mis en place, succédera le système de production capitaliste. (Mais après le long retard que la Restauration, l'infrastructural, imposera à la France ; ce n'est que sous le Second Empire que le capitalisme s'implante définitivement en France). Aussi, de même que le dépassement du champ productif restreint à des cellules autarciques, s'est marqué par la défaite au niveau de l'événement historique, de la culture étymologique, le dépassement du champ productif limité au champ national, sera marqué par la défaite de la culture de médiation, de l'entendement. Alors les deux cultures, d'étymologie et de superstructure, le mythe et le discours, la noblesse et la bourgeoisie de robe seront réciproquement dénoncées : table rase sera faite, pour un nouveau champ de production (qui succédera aux deux premiers, qui n'est que leur conséquence), mais qui dénonce et balaie et les modes de production devenus rétrogrades, et les idéologies qui les justifiaient. C'est à la petite bourgeoisie qu'est dévolu ce rôle historique : le petit artisan et le petit clerc peuvent d'abord dénoncer le pourrissement du superstructural qu'est le libertinage. Au niveau immédiat, existentiel, c'est la même indignation, le même langage, non pas moraliste, mais éthique. Le sérieux, productif, et de l'intellect, dénonce la frivolité des mondains, l'amalgame liber-
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tin qu'est la collusion de la bourgeoisie d'argent, de la Cour, et des mandarins culturels. Mais si l'opposition se renforce de cette commune dépréciation éthique, homogénéisant dans l'immédiat la petite bourgeoisie, les deux fonctions : clerc et corporatisme, sont dans une fondamentale contradiction historique. Alors que l'artisan est réactionnaire, qu'il défend un mode conservateur de production, qu'il est l'un des piliers de la Vieille France, le petit clerc, au contraire, n'a de réalité historique que par le superstructural, par le langage, par le savoir. Et le champ d'implantation du superstructural (de 1 edit de la Paulette à la Révolution française) consacre le décalage historique des deux fonctions en réduisant le corporatisme dans son monopolisme malthusien et en étendant la fonction intellectuelle du petit clerc. Aussi, la double critique du libertinage débouche tantôt sur une démarche réactionnaire, tantôt sur une démarche progressiste. Le langage éthique, de la dépréciation, par le sérieux du corporatisme, ne saurait résister à la solidarité des privilèges qui constituent l'Ancien Régime. Si le corporatisme s'oppose, au niveau du langage, de l'indignation, de l'émotion, au libertinage, c'est pour revendiquer l'ordre étymologique dont le pouvoir du Roi est le garant. Et la stratégie économique du Roi consiste à juxtaposer le monopole corporatif, de la production élémentaire, et la libre entreprise du grand commerce et des manufactures (libre entreprise qu'il contrôle et dont il profite). Aussi, si le petit artisan revendique dans le pathos, il consent en fait, et même renforce l'Ancien Régime. Sa contestation reprend la contestation cyclique, quasi éternitariste, de la force productive élémentaire. Mais, alors qu'au 16e siècle, (protestantisme) cette contestation est élargie en pluralisme d'apports sérieux, elle se localise maintenant dans une revendication corporative. C'est que, nous l'avons vu au niveau des groupuscules oppositionnels, qui ne peuvent accéder à la conscience politique, les termes subalternes du superstructural, situés à mi-parcours infrastructure-superstructure, mi-déclassés, miarrivés, déchirés entre l'organicité de classe et le savoir, l'intellectualité, ne sont déjà plus solidaires de l'homo faber, de la force produttive. S'ils sont déchirés par la contradiction, c'est par celle de deux superstructures, de deux idéologies : celle au premier degré, du mythe, du sérieux, de la réaction, et celle au second degré, de l'entendement, du langage, du progressisme. Et leur sentimentalité est justement leur hésitation, leur balancement entre le pur savoir et l'organicité de classe. Mais ce compromis n'est déjà plus possible pour le petit clerc (petite bourgeoisie de robe). C'est que, par son métier, il s'est totalement laïcisé, et qu'il ne sert plus, en tant que petit cadre, comme participant de classe (par la naissance) dans les instances superstructurales de la Vieille France.
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Aussi la critique qu'apporte le petit clerc à l'Ancien Régime et à la provocation libertine, est opposée à celle du corporatisme et radicalise l'attitude des petits cadres de l'Ancien Régime. Et elle peut être réellement progressiste, de par le statut de classe de cette petite bourgeoisie de robe : elle est pur produit du superstructural et dans ce superstructural presque pur savoir. Ainsi, c'est elle qui peut, d'une part, liquider l'antériorité non superstructurale, la mythologisation fixée à la force productive élémentaire, et par ailleurs, tout le parcours de l'entendement de par sa compromission dans l'organicité de classe. Le paradoxe de la petite bourgeoisie de robe, dans la classe de robe, c'est que, sans avoir le titre, la fonction, le traitement, la considération de la culture, elle fait l'essentiel de ce travail et que, aussi, elle dispose de l'essentiel du savoir. C'est sur le premier clerc que se décharge le notaire, c'est le scribe qui accomplit la matérialité du travail, c'est lui qui doit présenter les titres universitaires qui ne donnent droit qu'au subalterne de la fonction, alors que les charges honorifiques et lucratives sont héréditaires, ou s'achètent (ce qu'il ne peut faire). Aussi la dualité dans la classe sociale qu'est la bourgeoisie de robe, entre le savoir et la fonction, s'exaspère : l'extension quantitative de ces employés aux écritures, de ces avocats sans présentation mondaine, et même de gens cultivés sans fonctionnalité de classe, oblige la bourgeoisie de robe en place, d'une culture seulement mondaine, à se défendre, à marquer les distances. La solidarité de corps éclate : se juxtaposent la bourgeoisie de robe en place, parisienne, de salon, aux multiples alliances avec la bourgeoisie d'argent (dynastie et relations), avec la Cour (par les relations mondaines) et les petits clercs, jeunes, cultivés, pauvres, qui ont le savoir, mais non le statut, de la bourgeoisie de robe. Aussi, c'est ce strate de classe qui peut proposer la critique radicale de la bourgeoisie de robe, qui saura détecter les compromissions et en particulier la pseudo-opposition de l'Encyclopédie, des technologues, et du projet constitutionnel. Contre l'intelligentsia compromise, la critique est double : à l'égard du libertinage (compromission existentielle, qui met en question la personne) et à l'égard de la culture (compromission dans le réformisme, collaboration de classe, qui met en question la théorie politique). L'entendement est dénoncé et pourtant à son meilleur moment, à son plus haut niveau de savoir politique. A l'égard du monopolisme corporatif, la petite bourgeoisie de robe se définit encore par son historicité : elle est totale création historique, et superstructurale. La revendication du petit clerc se justifie par cet aboutissement historique, dont il fait l'accomplissement de l'histoire : lui seul est dépositaire de la culture du sérieux politique. Aussi toute la revendication naturaliste, qui était la première accession à la culture comme subalterne, du petit clerc, est aussi liquidée. Letymologie (le passage du peuple au rôle de scribe)
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n'a pas à être rappelée, car de l'origine à l'accomplissement, par l'entendement, le petit clerc a participé aux modes de la connaissance. Sa culture est la mémoire de tous les dépassements. Son savoir est celui de l'entendement, dont il est le dernier moment, comme sérieux de la conclusion, savoir de toutes les autocritiques et des nécessaires dépassements. Et cette même distance, entre le début de l'entendement et son accomplissement, entre un savoir appris, quantitatif, naïf, et le savoir immanent aux derniers avatars de la strate de classe, cette distance diachronique est rapportée dans le synchronique comme distanciation, à l'intérieur de la même petite bourgeoisie, entre le corporatisme, l'artisanat, le petit négoce et le petit clerc. C'est que maintenant, de par l'extension, le quantitatif du petit clerc, la strate de classe doit défendre son homogénéité spécifique, établir barrières et niveaux à l'égard de ses homologues dans la petite bourgeoisie, à l'égard des métiers de main, et se défendre de la strate de classe immédiatement en dessous, qui est déjà la plèbe. Mais le petit clerc n'est plus comme à l'origine, individu, groupe, mais strate de classe. Et si le petit clerc, à sa première promotion, revendiquait l'origine plébéienne, dont il était fier (revendication encore naturaliste), ce n'est déjà plus la même filiation sur le plan social. Le petit clerc est souvent issu d'une strate de classe élaborée (l'artisanat) qui a justement cherché à se couper de la plèbe. Le petit clerc doit donc à la fois se distancier des métiers de main, sans renier le père. Le refus de la revendication naturaliste, ainsi que la distanciation de la petite bourgeoisie du négoce, corporative, garantissent le sérieux politique du petit clerc. Mais une certaine fidélité au père, au sérieux du métier d'artisanat, délimite cette émancipation. De même que la participation à la bourgeoisie de robe délimite, malgré tout, l'émancipation à l'égard de cette autre organicité de classe. Telle est donc la situation du petit clerc (d'une strate de classe) : aboutissement historique, il peut dépasser le conflit cyclique, répétitif, du superstructural et de l'infrastructural comme terme, quantitatif, qui passe au qualitatif. Il dispose du sérieux de la culture et peut critiquer la bourgeoisie de robe. Et s'il est issu du sérieux de la force productive, tout le parcours de l'entendement le détache du conservatisme moyenâgeux. Il s'est détaché des deux compromissions organiques, dans la tradition et dans la bourgeoisie de robe. Il peut critiquer chaque terme par l'autre, et ainsi les «néantiser». Mais ce n'est que le savoir et l'ascèse d'une strate de classe, d'un individu, comme solitude et encore comme compromission de classe. Comme solitude, car cette double critique de la praxis isole et dans la praxis. La plèbe est toujours méprisée. La conscience politique petite-bour-
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geoise ne peut reconnaître ce qui ne deviendra le prolétariat que bien plus tard, par le capitalisme. La petite bourgeoisie est alors seule et impuissante. Elle est totalement vouée à la critique, au refus. Et dans une compromission organique, comme subalterne de la culture et filiation de la petite bourgeoisie de métiers. Et la généalogie, la structure de la famille petite-bourgeoise, reprend cette compromission organique : le fils du petit artisan, qui accède au subalterne de la fonction de robe, encore très attaché à la tradition artisanale, voit son propre fils s'en détacher de plus en plus par sa possible promotion dans la bourgeoisie de robe. Aussi le petit clerc ne peut que très difficilement objectiver sa situation dans une théorie politique. Lieu des déchirements et des ruptures, des prises de conscience et de la solitude, la sentimentalité est aussi son destin.
II. STRUCTURE ET IDÉALISME
A . LA SITUATION LIMITE DE LA PETITE BOURGEOISIE
: LE PETIT CLERC
DÉCLASSÉ : ROUSSEAU (LE CITOYEN DE GENÈVE). SA SITUATION EXISTENTIELLE RÉPÈTE (DANS LE PAROXYSME) LA SITUATION DE CLASSE ; LE PÉRIPLE DE LA MIGRATION INTÉRIEURE RÉPÈTE LA CONSTITUTION DANS LE DIACHRONIQUE.
(LA FIXATION DANS L'ESPACE DES
SIGNIFICATIONS
HISTORIQUES.)
Cette théorisation politique n'est possible que par le renoncement à toute organicité de classe. Alors le savoir, l'intellect exprime effectivement le devenir, par le consentement aux novations idéologiques dues aux nouvelles forces productives. Le pur savoir, la seule intellection, comme dépassement d'un champ culturel, est alors théorie révolutionnaire. Cette situation est possible, concrète, en certains cas. C'est dans la classe des petits clercs que peut apparaître l'individualité qui éprouve, comme existence, l'exaspération de la situation historique. Une existence expérimente, concrètement, la situation de classe. L'existentiel est immanent à l'expérience politique. La situation de classe est déjà un accomplissement : elle doit s'assumer dans l'isolement et la solitude. Pour certaines individualités, pour certains petits clercs, cette situation s'exaspère et se fait cas limite. Pour le déclassé, la solitude de classe se fait solitude au second degré, dans la classe. C'est que le dépouillement de tout contenu de classe s'est accompli. Le petit clerc totalement déraciné, déclassé, est irrécupérable et pour le sys-
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téme d'origine et pour le système final. Seulement alors la dernière organicité de classe dans laquelle le savoir se compromet peut être dépassée. Alors, contrairement au processus d'intégration qui réduit et formalise, les ségrégations se font irréductibles, sont connues comme telles, et la solution est acceptée dans et par le devenir des nouvelles forces productives. Toute l'antériorité superstructurale est liquidée. Mais en fin de parcours ! Comme conclusion du long périple existentiel. C'est que ce savoir-là est un aboutissement. Comme la situation de classe, dans le synchronique, n'est que l'aboutissement du diachronique qu'est le superstructural au second degré, la théorie politique révolutionnaire n'est que l'accomplissement du périple existentiel 8 . Et celui-ci ne fait que reprendre la migration intérieure, le jeu apparu dans les spatio-temporalités, la circulation culturelle accomplie par le petit clerc déclassé tout au long d'un périple spatio-temporel. Le parcours exemplaire, car total, progressif, assumé, peut donc être tracé. En une vie, seront reprises les successives stratifications culturelles de tout le champ de production pré-capitaliste. Seront éprouvées comme expérience personnelle les expériences historiques, les scissions de la personne seront celles de l'histoire macro-sociale, et les reconversions morales et politiques ne feront que reprendre l'axiologie du devenir global. La trame du roman de l'apprentissage de la vie et de l'éducation sentimentale est objectivement définie par l'antériorité macro-sociale. Le point de départ est la province, la petite ville, la marginalité (Suisse), la tradition, le corporatisme. Mais, à partir de cette ontologie, la migration est nécessité. Pour plusieurs raisons, dont l'une seule suffirait, et qui peuvent être complémentaires : l'enfant n'a pas le goût du travail manuel, aussi technique que puisse être ce travail (horloger), ou bien ses frères aînés disposent déjà de l'atelier familial, ou bien cette affaire familiale a périclité. Quelle que soit la contingence du prétexte, elle est toujours attachée au conditionnement économique, à la situation de l'artisanat à ce moment. Mais déjà, en ce milieu relativement aisé, l'enfant a disposé de ce temps libre qui permet la culture, soit en autodidacte, à la suite d'une initiation dont la contingence se rattache encore à la situation objective de la culture en
8. La «révolution culturelle» a été faite par Rousseau d'une manière définitive et exemplaire. Rousseau propose tous les thèmes de cette révolution culturelle et les met dans l'ordre. La révolution culturelle n'est pas pour lui accession à ce statut mondain qui consiste à mépriser le savoir sous prétexte d'activisme. Et comme nous le précisons, cette révolution culturelle reste même pour Rousseau démarche idéaliste : il s'est converti, il a tué le vieil homme (cf. Brunschvicg). Mais il s'est converti au Contrat social.
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La logique du superstructural
province, soit comme bon sujet d'une école religieuse. Il acquiert ainsi tout ce savoir des humanités classiques, de la nature humaine des humanistes, des valeurs idéalistes et spirituelles. Devenu adolescent, il quitte donc, tout naturellement, le milieu familial : le milieu du petit clerc sera celui de l'utilisation des connaissances acquises, d'une profession qui répond à des compétences, et grâce à laquelle il évite l'assujettissement d'un métier manuel pour lequel il n'a aucun goût. Mais quel contraste entre sa culture idéaliste et le métier subalterne, les fastidieuses écritures ! Et quel mépris, quelle hostilité de la bourgeoisie de province, du négoce, de la propriété, de l'artisanat évolué ! Et dans la bourgeoisie de robe, l'antagonisme des strates de classe neutralise la solidarité de culture. Aussi le petit clerc pense de plus en plus à Paris, à l'intelligentsia, à la culture libérale. Là, son savoir serait apprécié, et les différences de classes seraient abolies dans le commerce des esprits. Ses échecs mondains, en province, mis sur le compte de l'inculture des autres et de la ségrégation de classes, seraient compensés. Cette hésitation est errance de poste en poste, de ville en ville. Déjà la nature console du politique ; elle est signifiante de par toute la culture acquise, dans sa constante présence. Et le départ à Paris est rupture avec la dernière participation ontologique, avec le rythme et le «nationel». A Paris, effectivement, le petit clerc participe à une certaine vie culturelle, et peut avoir certains succès dus à sa culture. Mais tout son savoir se brise sur la sémiologie du salon. Le mondain est le gestuel de participation à la culture, et ne pas en disposer, c'est être écarté du politique. Le petit clerc apprend cet autre mode du concurrentiel qu'est le formalisme culturel. A la concurrence dans l'économique, se substitue la ségrégation que la culture crée en elle-même. Le petit clerc apprend que le langage culturel est préféré à la vérité, le signe au sens, la rhétorique au sérieux. Il apprend tout ce système mis en place par les libertins, et que la culture véhicule : la complicité des femmes, de l'argent, et de la culture. Et quelles que soient les péripéties de l'affrontement, dans le salon, des Encyclopédistes et de Rousseau (du petit clerc) la conclusion est le départ, après la critique radicale de ce monde. Le petit clerc ne peut être intégré. C'est trop tard. Il s'est trop fixé à la province, à la nature, au «nationel», à la culture classique. Deux natures humaines (car historiquement constituées) se sont révélées incompatibles. Mais si le petit clerc revient au milieu originel, là aussi, la participation n'est plus possible ; il n'y aura pas de réintégration sur le plan politique, familial, et même privé. Le petit clerc reste marginal à toute vie de province. De même qu'il a pu critiquer le mondain de par son acquis dans l'infrastructural,
De l'existentiel au politique 569
en tant que fils d'artisan (provincial, de métier subalterne), la quotidienneté, la dimension politique de la province sont totalement remises en question par le sérieux culturel qu'il a quand même rencontré à Paris et qui a justifié son acquis originel (culture des humanités). Les deux cultures s'étant mutuellement dénoncées, table rase étant faite, Rousseau retrouve la nature, mais une nature historicisée, qui est le résultat de la double dénonciation du politique. Elle n'est plus immanence, mais elle n'est pas que représentation. C'est une nostalgie, mais sue, spatialement représentée, et reprise, comme parcours, comme participation motrice à une objectivation spatiale (Ermenonville). Ce n'est plus l'opacité ontologique, du paradis perdu, mais le clair savoir d'une action humaine, ordonnée, dans la nature première. La nostalgie de la mère n'est pas le retour à la jouissance première (comme le pense l'idéologie libérale de la consommation régularisée par le freudisme), mais le consentement à l'ordre premier, élémentaire, ce lieu commun à la culture et à la nature, où l'action politique commence, où elle n'est pas encore corrompue par la nature mondaine. Et c'est de ce lieu qu'il faut reprendre l'action politique. C'est dans ce lieu que peut s'élaborer la théorie politique. Table rase étant faite, et du conservatisme et du mondain, ces deux figures du mauvais politique, c'est à partir de la nature devenue innocente, parce que historicisée, au bon sens du terme, que le nouvel ordre politique pourra s'édifier. B. LA LOGIQUE DE L'ŒUVRE DE ROUSSEAU ORDONNE TOUTE L'ANTÉRIORITÉ MACRO-SOCIALE.
SON CHAMP
DE CONSCIENCE
EST L'AXIOMATIQUE
L'AXIOLOGIE DE TOUT LE SUPERSTRUCTURAL DU CHAMP DE
ET
PRODUC-
TION PRÉ-CAPITALISTE
L'identité du synchronique et du diachronique, du macro-social et du microrelationnel, de l'existentiel et de la situation de classe, et l'identité de tous ces couples, définit un aboutissement et un accomplissement : c'est la fin d'un champ de production et de son idéologie, la critique définitive du superstructural antérieur. Cette identité définit donc une structure, dont la particularité est d'être une conjoncture historique qui accomplit toute l'antériorité, et qui classe le devenir phénoménologique selon la logique de cette phénoménologie. La petite bourgeoisie, le petit clerc, le déclassé, vivent une nouvelle opération de la praxis, et la dernière des opérations possibles (dans le champ de production pré-capitaliste), mais cette opération est aussi l'axiomatisation et l'axiologisation, la somme et le sens, de tout le superstructural pré-capitaliste. Aussi ce moment est-il capital sur le plan épistémologique : la conscience petite-bourgeoise s'est définitivement constituée. La culture acquise se cons-
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La logique du superstructural
titue en nature humaine, en champ de conscience. Ce qui est un résultat est pris comme une chose en soi. La problématique de chaque individu n'est plus que le résultat d'un parcours historique. Et peuvent être proposées d'une part la somme des grands moments du superstructural, les fixations primordiales aux primordiales modalités productives, mais aussi ces données exhaustives peuvent être ordonnées selon la logique propre à la production. La continuité et la hiérarchisation des grands thèmes de la phénoménologie, retrouvent un autre sens lorsqu'ils sont soumis et ordonnés selon le progrès de la production. (Et non pas le progrès au sens naïf, empirique, des Lumières, mais le progrès logique, de structuration progressive du champ de production). La loi qui préside à ce progrès est rapportée dans l'idéologie et hiérarchise, marque le début, le sens, l'aboutissement du parcours superstructural. Mais cette notion : l'ordre selon la production, n'est pas élaborée en doctrine ou théorie (ce que fera la dialectique hégélienne et marxiste). Elle est diffuse, mais immanente à la logique de l'œuvre de Rousseau (qui rend compte de l'expérience cruciale). Et c'est parce que l'existant est immanent à l'histoire que la logique peut être établie. La pluralité des données ne peut prendre un sens, les parties ne peuvent s'ordonner dans le tout, que dans le sérieux politique. Il faut que le sujet soit concerné, et de la manière la plus radicale, pour qu'il puisse discerner par l'affrontement politique l'ordre de la nécessité. C'est parce que la situation de classe, du petit clerc, est l'accomplissement du champ de production pré-capitaliste, qu'il connaît, de l'intérieur l'ordre de ce champ productif, et qu'il peut le dire, par sa culture. Cette logique sera le passage du mythe à la volonté générale. Ce parcours est immense. L'accession au formalisme politique, au concept de l'universel est une désubstantialisation, une succession de déchirements, de scissions : c'est le passage de la substance au sujet. Le point de départ (pour Rousseau) de la problématique logique, de l'ordonnance des données superstructurales, est le mythe. Celui-ci est l'accession de la nature, de la problématique sexuelle, au superstructural. Et cette accession n'est possible que par la triple élaboration de l'idéologie chrétienne, de la production agraire, fondamentale, du système de la parenté. Et non seulement ces trois termes témoignent d'une élaboration, mais se fondent dans l'unification d'un champ culturel, de conscience. A ce niveau, deux autres élaborations de la nature sont déjà dépassées. Celle de la nature immédiate, du naturalisme (contestation par un passé dominé) et celle, élaborée, marginale, du mondain (contestation de marginaux, puis du système culturel du compromis). C'est le sérieux, et le tragique, car politisation radicale des termes de nature, et ainsi affrontement limite de l'homme et de la femme, accession, volontariste, à l'amour.
De l'existentiel au politique
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Ce sérieux du mythe ne peut être dépassé que par le sérieux de l'histoire. Le processus de psychologisation est alors repris. Comme savoir et assumation du passage du mythe au devenir. Les grands moments de l'affrontement romanesque sont repris dans le sérieux des autocritiques et des reconversions. Cet affrontement du mythe et du sérieux du nouveau superstructural, est une longue ascèse pour les deux termes. Leur concurrentiel dénonce au passage tout le mondain : le compromis et la consommation. Tous les degrés de la sensibilité sont expérimentés, dialectisés. La contradiction s'avère irréductible : la nature sexuelle, aussi élaborée qu'elle soit, et par le mythe et par l'entendement, s'avère encore compromission pour le sérieux politique. Le concurrentiel, entre deux modes du sérieux, à propos de la même nature sexuelle, ne peut être tranché que par le dépassement, l'abandon, de cette nature. Et c'est l'aboutissement de la longue ascèse : la sensibilité renonce à elle-même. C'est la fin de l'entendement, du compromis. Le langage politique peut définir la raison, comme universel, qui ne sera plus seulement de classe : la volonté générale. Le politique est devenu une catégorie autonome et légiférante de toute nature. Mais, ce qui est essentiel dans l'œuvre de Rousseau, c'est que l'esthétique n'a pas de place dans la cité Il s'agit de tout le système de symboles qui représentent le champ culturel dépassé. C'est que la catharsis, qui est la fonction et la justification de l'art, s'est accomplie au niveau de la subjectivité, par l'expérimentation, la scission, l'autocritique et la reconversion. Et comme opération politique. Aussi l'esthétique ne serait que double emploi. Et cette catégorie se découvre préjudiciable au politique, à la conscience révolutionnaire. C'est que, si en son meilleur moment elle est contestation du contenu politique antérieur, elle reste fixée à la nostalgie de ces époques révolues. Et ainsi, par les symboles, elle fixe la sensibilité. Alors, le contenu psycho-affectif de l'antériorité n'est pas nié. S'il est représenté, su comme non-réalité, non seulement la sensibilité ne peut se dépasser, mais encore se fixe et s'exalte, se recrée, dans la contemplation du contenu dépassé. Et pire : l'esthétique se dégrade en esthétisme : naturalisme et mondanité s'expriment par le formalisme. Ainsi se recréent les modèles de consommation qui synthétisent les forces réactionnaires et le progrès matériel, dans une double négation de la conscience révolutionnaire. La catégorie esthétique est non seulement inutile, mais négative. Elle est prise de conscience, mais arrêt dans cette prise de conscience. Et ainsi elle 9- L'actuel mépris de l'esthétique par l'anti-esthétique n'est qu'esthétisme, statut mondain, référentiel sémiologique d'initiés. C'est le mode même de la consommation culturelle. 19
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La logique du superstructural
permet deluder l'acte politique qu'est la radicale critique du passé, le refus du compromis par l'esthétique et le mondain, d'éluder l'accession à la conduite révolutionnaire. Et la petite bourgeoisie de robe, et le petit clerc, et Rousseau peuvent accéder à cet acte politique, à cette action définitive dans le superstructural. L'esthétique peut être dépassée par le volontarisme subjectiviste (ce qui reste compromission de classe) et surtout par la participation à une nature désaliénée. Cet acte politique deviendra un idéalisme objectif. Il est action, du sujet, dans le superstructural (l'idéologie) sans appui dans les nouvelles forces productives (formalisme de la volonté générale). C'est une pratique politique dans le superstructural, critique radicale du superstructural, mais qui reste nonsavoir du contenu politique, de la nouvelle force productive : le prolétariat. Cet acte reste donc décision subjective, et n'a pas son point d'appui pratique. Aussi, s'il est acte révolutionnaire effectif, s'il fait table rase du passé, s'il laisse le champ libre à l'édification idéologique, il ne peut atteindre l'action pratique, par les masses travailleuses. Mais il l'a préparée : le langage, la conceptualisation, la thématique de la culture ne peuvent plus être que politiques, et ne peut être répétée la culture du passé. Mais Γ entre-deux-praxis, la fin du pré-capitalisme et le commencement du capitalisme, ne peut être vécu que dans le volontarisme, le subjectivisme, l'idéalisme, par le savoir. Mais ce subjectivisme est immanent à une nature triplement désaliénée, du naturalisme, du mondain, de la psychologisation, nature que la méditation révèle, qui reste une nature dynamique, et dans laquelle l'action du sujet est totalement effective. Cette nature, rencontre d'une subjectivité désaliénée, et de la désaliénation de son champ d'action, identification de la subjectivité et de la nature naturée, rend désuète la problématique de l'esthétique : la participation à la nature est enfin innocente, la nature n'a pas à être représentée, mais à être vécue. Elle est participation. Le volontarisme moral est immanent à un dynamisme naturel. L'art dit une nature morte, accomplie, réifiée par le regard. La subjectivité désaliénée du politique peut proposer au politique le champ d'action qu'est la nature désaliénée du passé, d'une historicité révolue. La nature redevient une pratique, une praxis, comme action de la volonté générale. Et l'esthétique, ce trafic de symboles, ne témoigne plus d'une nature perdue mais d'une action politique doublement révolue, puisque· accomplie et nostalgie, donc doublement conservatrice. L'idéalisme objectif ne peut donc atteindre l'universel concret. Mais ce moment représente le plus grand dégagement de l'organicité de classe que l'entendement puisse atteindre. L'action politique reste un volontarisme et un subjectivisme. Elle reste une conduite individuelle et le commencement de la conscience politique reste conscience morale. Mais ce comportement
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subjectif, s'il ne peut proposer que la forme de l'action politique, est acte politique, par sa critique du superstructural et de l'esthétique. Rousseau assure le passage de l'entendement au matérialisme dialectique : le savoir a pu, de par la nécessité qu'est la praxis, se dégager de presque toute son organicité de classe. L'entendement est devenu la volonté générale. Et si ce concept reste formel, c'est la moindre réification du langage politique. Rousseau a conceptualisé le lieu d'action de cette volonté générale : une nature vidée de toutes les substantialisations antérieures, une nature dynamique, d'immanence, qui n'est plus l'alibi substantialisé de la consommation des mondains et du naturalisme. Et lorsque la subjectivité participe à cette nature, lorsque l'immanence des deux termes est liberté, c'est que toute la substantialité acquise par le politique a été «néantisée» par un volontarisme que l'on peut dire révolutionnaire. Pour conclure sur l'importance de Rousseau, sa vie et son œuvre doivent être définies dans la dynamique globale, comme synthèse majeure du christianisme et du paganisme. Cette vie et cette œuvre sont en effet le résultat, la synthèse, d'une double élaboration, à partir du dualisme : âme chrétiennenaturalisme, à partir de la représentation superstructurale et de la participation infrastructurale. C'est la causalité économique qui a défini le commencement du champ de production par cette dualité de l'esprit et de la nature, comme arrêt, fin du Panique. Celui-ci peut se réactualiser par les Barbares, mais se heurte à la commune opposition du seigneur et du paysan, de la force productive et de la superstructure. Alors dans la cité, ces deux termes peuvent se rencontrer, de par la commune soumission aux forces productives et aux rapports de production. Et c'est selon une synthèse qui aura deux grands moments. Le conformisme de la cité est le grand réducteur de la nature. Celle-ci est d'abord vidée du Panique. Le vitalisme se reconduit, dans le naturalisme, mais celui-ci est exclu de la cité : l'organicisme peut être alors la première synthèse de la structuration économico-politique et des pulsions biologiques. Dans la mesure où le comportement moyen, conformiste, quitte la nature, il peut intégrer les normes religieuses comme codification des mœurs. Cette synthèse de l'organicisme et de la religiosité populaire sera l'âme du conformisme. L'élan vital se charge de la tradition populaire ; la vitalité populaire se justifie politiquement par le droit naturel. L'âme du conformisme est donc une première synthèse, au niveau des masses, du christianisme et du paganisme (comme exclusion du panique et du spirituel) selon un centre de gravité assez bas. Ce serait la «société close» bergsonienne. L'émotion organique se canalise selon un modèle culturel. Symétriquement à cette âme du conformisme, diffuse, confuse, non institutionnelle, se constitue l'entendement, synthèse de l'intellectualité de la bour-
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La logique du superstructural
geoisie de robe et de la sensibilité de la noblesse (comme exclusion, par la noblesse, de la spiritualité du mythe, et comme exclusion par la bourgeoisie, de son origine petite-bourgeoise, corporatiste, mercantile). La relation âme du conformisme-entendement est celle de la masse et de la classe dirigeante, de la moindre variable à la plus forte variable. Cette double synthèse va autoriser le deuxième grand moment : synthèse de lame du conformisme et de l'entendement par ce qui est d'abord la sentimentalité puis la conscience politique la plus radicale. D'abord l'âme du conformisme, par la critique faite à l'entendement (à la classe sociale qui le crée, critique du libertinage et de l'utilitarisme pragmatique de l'Encyclopédie) redécouvre la racine mythique de la noblesse et se laisse aller à une collaboration existentielle (qui au moins a le courage de se passer des symboles de l'art), au syncrétisme des valeurs communes (à l'origine) à deux classes sociales que l'histoire a cependant radicalement opposées. Mais cette sentimentalité n'est que le négatif qui autorise la critique radicale par l'accession à la raison. Les catégories acquises par l'entendement (le sérieux scientifique et politique) se retournent contre cette organicité redoublée qu'est le conformisme corporatif confondu au mythe, alibi du sérieux réactionnaire. Parce que la sentimentalité, en identifiant deux termes politiquement contraires, a montré leur commune origine, l'entendement peut les reconnaître comme pareillement réactionnaires. C'est une scission radicale, le renoncement à l'idéalisme venu du mythe (de la classe dominante), comme le renoncement au conformisme venu de la pratique, qui est l'accession à la raison. Alors les catégories réflexives n'ont plus de compromission dans une quelconque organicité de classe : c'est la raison, accomplissement de l'entendement, comme négation de son origine. L'histoire s'est vidée de son contenu et n'est plus que la forme de la conscience. Celle-ci est l'aboutissement du champ de production, la synthèse définitive du christianisme et du paganisme.
C . LA SITUATION POST-RÉVOLUTIONNAIRE
: DE L'IDÉALISME OBJECTIF AU
KANTISME. LE SUJET TRANSCENDANTAL E T LA DOUBLE HYPOSTASE MORALE ET ESTHÉTIQUE
L'idéalisme est dit objectif, car action politique effective, autorisée par la conjoncture culturelle. A ce moment, l'accession du petit clerc à la conscience politique est démarche de désaliénation, accession à la théorie, force productive, par une action personnelle. Mais cette situation est totalement transformée par l'échec de la Révolution française, de Thermidor, du disciple de Rousseau.
De l'existentiel au politique
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Le volontarisme subjectif se révèle incapable d'atteindre l'efficience politique au niveau de l'Etat. L'idéalisme se vide alors de sa réalité pratique : l'idéalisme, d'objectif, n'est plus que subjectif. Alors toute action politique est impossible en fait et en droit. (Le formalisme politique ne pouvant atteindre un contenu, renonce à lui-même.) La subjectivité est livrée à elle-même, sans dialectique avec la praxis. Aussi tout le champ de conscience conceptualisé par Rousseau est totalement dépolitisé. Ce passage, de l'idéalisme objectif à l'idéalisme subjectif, est le passage de la bonne volonté du petit clerc à sa définitive résignation. Et pour trois raisons essentielles. C'est d'abord le traumatisme énorme qu'est Thermidor. Une petite bourgeoisie qui pensait accéder au pouvoir, de par son mérite, est totalement vaincue. De même que la bourgeoisie légiste, janséniste, l'échec politique entraîne le renoncement à toute action, le repliement sur soi, la vie intérieure et la rigueur morale. Et cet échec politique est pensé comme définitif, car s'est vérifiée l'impossibilité, pour la petite bourgeoisie, d'accéder au pouvoir, au politique, à la gestion de l'Etat. Et le petit clerc ne peut quitter le formalisme moral qu'est, pour lui, l'action politique. La volonté générale (concept révolutionnaire à l'égard du passé, de l'entendement) ignore le contenu politique, les forces productives. Et c'est très difficile de quitter l'idéalisme moral. Le petit clerc devrait se remettre lui-même en question, ainsi que son milieu, l'entendement, sa classe sociale. Pour autant que l'idéalisme objectif est désaliénation, il est encore organicité de classe. L'entendement, même à son meilleur moment (la volonté générale), ne peut se faire critique radicale. Et comment le pourrait-il ? Au moment de la Révolution française, le prolétariat n'est pas constitué en classe sociale : il n'est que la plèbe, la classe dangereuse, le savetier. L'industrialisation, d'ordre capitaliste, ne démarrera que bien plus tard (Second Empire). Aussi, entre l'idéalisme objectif et le concept de prolétariat, apparaît un no man's land de la conscience de classe. Le petit clerc, l'idéalisme, la petite bourgeoisie, incapables d'instaurer un ordre selon la volonté, la subjectivité, n'ont pas la possibilité objective de s'appuyer sur une classe sociale qui n'existera que par la société industrielle. Enfin, troisième raison, dès la Restauration, le petit clerc constate le continuum économico-politique, qui, de l'Encyclopédie au Second Empire, est celui de la collusion des finances, des technologues et du pouvoir (saintsimonisme). C'est la mise en place du capitalisme. La Restauration retarde le plus possible ce progrès. Mais le conflit qui naît alors entre la propriété foncière et la propriété industrielle ne fait que consacrer la définitive éviction du petit clerc du pouvoir. Si, avant la Révolution, le volontarisme subjec-
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La logique
du
superstructural
tif peut espérer modeler la réalité selon l'idée, après la Révolution, son formalisme moral est bafoué par la nouvelle praxis. La Révolution a mis au pouvoir une grande bourgeoisie affairiste, de notables provinciaux, qui n'ont que mépris pour le petit clerc, l'intellectualité, la petite bourgeoisie des grattepapier. Quel que soit le pouvoir politique, la situation du petit clerc est la même, misérable, sans contact avec la praxis. Et le changement ne fait qu'aggraver cette situation. La situation de fait (éviction du petit clerc de la praxis) due à la conjoncture économico-politique, est reprise par le petit clerc, comme constat de cette éviction. Alors qu'il pensait modeler la praxis, il vient de vérifier l'impossibilité d'y accéder. Il doit donc renoncer à toute action dans le collectif, d'ordre politique. L'idéalisme objectif se fait idéalisme subjectif. C'est par une double asymptote (que le néo-kantisme renforcera en double hypostase) que se marque la dépolitisation (passage de Rousseau à Kant). Et par cette double asymptote, puis hypostase, la conceptualisation de toute l'antériorité, le champ de conscience de Rousseau, se fait la conscience. La réalité du moi se coupe de toute empirie, événementialité, devient un savoir objectif. C'est le sujet transcendantal. En quittant le politique, le sujet quitte l'immanence de la pratique et de la théorie, de la pensée et de l'action, et se dédouble en une expérience subjective et en un référentiel a-historique. Cette démarche est justifiée : le champ de conscience, qu'est la prise de conscience politique de Rousseau, est totalisant, exhaustif, et peut être considéré comme un en-soi. Et à l'intérieur de cet acquis, est autorisé le dialogue d'une conscience et d'un absolu, d'une subjectivité, temporalité, et d'un référentiel intemporel. Le résultat historique est une chose en soi. Mais ce qui est déjà aliénation, c'est la réduction de la conscience politique en conscience morale, l'hypostase du volontarisme subjectif en impératif catégorique. Le double volontarisme rousseauiste, de l'action personnelle (confrontation au mondain et au mythe) et de l'action collective (volonté générale) se fait un absolu, qui, n'informant plus le politique, est le devoir, la nécessité de l'ordre moral. L'action poursuit un idéal, la perfection individuelle dont le modèle est extérieur à la praxis, transcendantal. L'esthétique est l'autre asymptote (que le néo-kantisme exaspérera en hypostase). Si l'absolu, et la chose en soi, peuvent être atteints par la démarche morale, l'acte moral étant participation au règne des fins, l'esthétique est l'autre accession asymptotique au Noumène (alors que pour Rousseau, c'était une médiation inutile). Et par cette démarche asymptotique, Kant pose une énorme problématique à la culture bourgeoise, qui s'y perdra.
De l'existentiel au politique
D . L'ILLUSION IDÉALISTE DE LA CULTURE
BOURGEOISE,
577
LA LOGIQUE DE
L'HISTOIRE, EN SON RÉSULTAT, TOTALEMENT DÉPOLITISÉE, EST L'IDÉALISME.
LA
TOTALE
ÉMANCIPATION
DE
LA
CATÉGORIE
ÉCONOMIQUE
EXCLUT RADICALEMENT, ET LE PETIT CLERC, ET L'ENTENDEMENT. DU KANTISME A L'IDÉALISME SUBJECTIF. LA DOUBLE ALIÉNATION : MORALISME ET ROMANTISME
Kant systématise et théorise la démarche personnelle de Rousseau. Mais déjà il témoigne de l'idéologie post-révolutionnaire, idéologie de ce qui va devenir la bourgeoisie libérale, la libre entreprise, le capitalisme concurrentiel, non encore centralisé et étatisé. Déjà le kantisme renonce à l'idéalisme objectif, il est constat d'échec de Robespierre (disciple fervent de Rousseau). Le volontarisme moral n'est pas abandonné, mais il renvoie au seul comportement individuel, et au transcendantal ; l'esthétique n'est pas fin en soi, mais elle s'est faite la problématique, et du sujet transcendantal. L'idéologie bourgeoise, de la nouvelle bourgeoisie que la Révolution française va porter au pouvoir, se définira selon cette double définition, de la morale et de l'esthétique, selon le référentiel du sujet transcendantal. Si la conceptualisation du processus historique est la conscience, ce résultat historique est considéré comme référentiel devenu transcendantal. Et la conjoncture économico-politique va définitivement réifier la conscience bourgeoise. L'idéologie bourgeoise va se dédoubler en moralisme et romantisme. Cette polarité sera celle de l'idéologie bourgeoise, mais aussi de la grande, moyenne bourgeoisie et de la petite bourgeoisie, du pouvoir et de l'opposition. Les deux hypostases kantiennes deviennent double réification sociale. C'est que la fin de l'Ancien Régime est la fin d'une économie dirigée, contrôlée, surveillée. L'économique n'était pas une catégorie autonome. Elle était doublement soumise, à l'infrastructure et à l'idéologie. L'institutionnel, et en particulier l'Eglise, avait longtemps soumis la loi de l'offre et de la demande à la morale chrétienne. L'exploitation du monde rural est aussi un monopole qui freine l'expansion industrielle. La Révolution bourgeoise permet à la catégorie économique d'accéder à une quasi-autonomie. Quel que soit le pouvoir de la Restauration, la bourgeoisie d'affaires, industrielle, de la petite et moyenne entreprise, voit s'ouvrir tout un champ d'expansion. La collusion : technologue, industriel, financier, peut enfin accéder à une liberté certaine d'entreprise (saint-simonisme). L'économique peut être une action et une pensée homogènes ; la catégorie ne se réfère qu'à elle-même. Elle a ses critères, ses moyens, ses fins spécifiques. C'est la catégorie qui donne le sens des conduites homogènes, cohérentes,
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La logique
du sup er structural
appropriées. Elle va avoir ses théoriciens («économie politique» anglaise). Cette autonomisation, ce champ d'expansion illimité, est émancipation à l'égard de l'infrastructure et de l'idéologie de l'Ancien Régime. La même émancipation, à l'égard de l'opposition idéologique, idéaliste, subjectiviste, est autorisée (par le formalisme moral). La dépolitisation qu'est le passage de l'idéalisme objectif au kantisme, a comme conséquence la définition formelle de l'acte moral. La pratique sociale n'entre pas en considération : les moyens de réalisation au niveau de leur insertion dans le collectif, l'appréciation des forces productives et de leur rôle dans le superstructural, la dimension économique des conduites politiques ne sauraient infléchir l'absolu qu'est la bonne intention. Aussi l'économique, la croissance, l'expansion de la production et le problème de la consommation qu'entraîne la nouvelle production, sont exclus de la conscience morale, qui n'a ni autorité, ni vocation d'instance régulatrice et normative de ces secteurs. La croissance économique, le champ d'expansion de la production, s'est totalement émancipée : aucune superstructure, idéologique contestataire, n'a encore été élaborée. Et la bourgeoisie affairiste, industrielle, s'est doublement libérée, des modèles productifs de l'Ancien Régime et de la contestation idéologique qui ne portait que sur ces modèles productifs. Aussi l'économique, l'expansion industrielle qui a déjà intégré le progrès technologique, pourra absorber l'économie traditionnelle, de la propriété foncière, et intégrer toute l'infrastructure traditionnelle. La pratique est industrielle, commerçante, et elle se fera la norme constitutive de tout relationnel. Cet impérialisme, de l'économique, de la pratique, de l'infrastructural, réduit le kantisme à l'idéalisme subjectif. La conscience (et son actualisation limite : la subjectivité) est totalement coupée de la réalité sociale. Deux mondes se juxtaposent et ne s'interpénétrent jamais : celui de la subjectivité et celui de la pratique. Cette subjectivité ne peut atteindre aucune politisation et ne peut prétendre à aucune efficience, au niveau du collectif. Et même sur le plan du relationnel privé : l'acte mental ne saurait contester l'ordre de la nouvelle praxis. Aussi la subjectivité est réduite à elle-même. Et elle ne peut encore se connaître que par son expérimentation. L'acte n'est plus que cette tautologie, la reconnaissance subjective de la subjectivité, la conscience de soi, de l'individualité, dans le formalisme moral et la contemplation esthétique. Et ces deux attitudes vont se distribuer selon la nouvelle hiérarchie sociale. Le moralisme sera l'attitude des nouveaux cadres, élites, qui aménagent le nouveau champ de production. Ce moralisme est, d'une part, alibi, référence (pour la contestation interne, de la petite bourgeoisie, pour la contestation externe, de l'Ancien Régime, qui restaure les instances superstructurales).
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Et par ailleurs, il est justification par la praxis. A ce premier moment de la mise en place du nouvel ordre bourgeois, tout un sérieux, du travail, de la production des biens d'équipement, des mœurs, s'exprime tout naturellement par le moralisme. Le combat au niveau idéologique, entre la Restauration et le nouveau système bourgeois, est particulièrement sérieux. L'implantation d'une moyenne bourgeoisie, de la moyenne entreprise, création ou renouveau, est réinvestissement immédiat du bénéfice, thésaurisation, application, vertu privée, renoncement à la consommation et aux dépenses de prestige. Et, bien sûr, dans la mesquinerie du mercantilisme, selon un concurrentiel impitoyable. La subjectivité se reconvertit en un nouveau champ productif. Et le paradoxe, c'est que la résultante de toute une démarche critique du champ de production antérieur, sera la justification de la nouvelle production industrielle. La bonne conscience bourgeoise est la totale réification de l'idéalisme objectif. A l'opposé de l'échelle sociale, la petite bourgeoisie, le petit clerc, sont totalement oppositionnels : et à la Restauration et à la grande bourgeoisie industrielle. Et le passé et l'avenir les ont exclus. Le petit clerc ne participe en aucune manière à la nouvelle autorité, son métier demeure marginal à la production. Et les nouveaux biens de consommation et le nouveau système de consommation se font sans lui. Aussi la subjectivité est réduite à ellemême et comme elle ne peut se projeter, s'objectiver dans la pratique sociale, elle se retourne sur elle-même et se dédouble en conscience individuelle et absolu transcendantal qui s'expérimente par l'esthétique. Le sujet se retrouve et dans l'hypostase qu'est l'esthétique, dans une autre perfection, formelle encore, qui le remet en rapport avec tout l'acquis historique, considéré comme un en-soi et un absolu. La subjectivité reste fixée au passé, la mémoire individuelle actualise l'acquis macro-social par l'esthétique. Toute une symbolique restaure, par les formes, invoque par le langage, le contenu historique, originel, que le savoir a pu conceptualiser. A un devenir occupé par la seule présence de l'économique, comme restauration de la propriété foncière, comme progression de la technologie, comme suffisance du petit boutiquier, le savoir, qui ne s'incarne plus en une bourgeoisie de robe homogène, car fonctionnelle, dynastique, ne peut même plus opposer le code qu'était l'entendement. Le milieu culturel, traditionnel, institutionnel, de l'achat et de l'hérédité des charges, a été démantelé. Le référentiel culturel, incarné en un lieu, en un gestuel, se survit peut-être, mais ne peut plus créer ces modes, mixtes, de la connaissance, par lesquels la sensibilité consentait à une certaine rationalité. Aussi le petit clerc, sans la médiation de l'entendement, exclu de la réalité économique, connaît ce que le langage psychanalytique appelle une régression, vers des moments organiques dépassés par le sujet. Le romantisme est
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régression dans le macro-social, dans la culture collective. La subjectivité et la sensibilité, de par l'esthétique, ne sont pas pathologiques, car sont recréés, par un langage, un système de signes, des modes antérieurs qui ne sont pas vécus comme tels, mais comme référence, allusion. L'œuvre fait la catharsis, et le Beau est une présence. Et la démarche esthétique consiste à retrouver le plus lointain, l'étymologie, le mythe, le moment fabuleux où culture et nature, logique et existence, sont les mêmes. La vérité consiste à retrouver le temps perdu. Grâce à l'esthétique, mémoire affective, cette démarche est possible. Quelle que soit la perversion du temps, une trace demeure, à partir de laquelle on peut reconnaître et renaître. Le romantisme, figure particulière de l'esthétique, est donc le contradictoire de l'action collective, progressiste, révolutionnaire. L'idéalisme subjectif est devenu contraire à la volonté générale : de sa nécessité, objective, il s'est perverti en fixation affective et réactionnaire. La subjectivité est devenue totale négation du politique.
E. LE DUALISME MORALISME ET ROMANTISME. (SON EXASPÉRATION DANS LE CONFLIT DES GÉNÉRATIONS.) SON DÉPASSEMENT PAR LE NOUVEAU SYSTÈME DE PROMOTION CULTURELLE
La subjectivité s'est d'abord détachée de la réalité sociale et doublement : par le moralisme et par le romantisme. Du dédoublement, ces deux modes du subjectivisme vont passer à l'antagonisme et à la contradiction. Alors la subjectivité se pose en s'opposant. Elle quitte la dualité tautologique du moi empirique et de l'universel abstrait. Elle se fait affrontement, dans l'idéalisme, du moralisme et du romantisme, sur le plan des personnes. Cette contradiction, moralisme-romantisme, est exaspération de chacun des termes dans, et par, le conflit. Elle n'est que l'effet de la radicale scission entre la praxis (collusion : finances, technologues, pouvoir) et le savoir totalement aliéné dans le subjectivisme. Il n'y a pas de médiation. D'abord entre la sensibilité et la connaissance objective : une classe sociale n'intègre plus une ascendance du savoir dans une fonctionnalité sociale. Le petit clerc et le grand commis, lequel est totalement inféodé à l'affairisme, n'ont plus de culture commune. La médiation manque aussi entre la masse et la grande et moyenne entreprise, entre les classes dangereuses et l'expansion économique. Se juxtaposent aussi la strate de classe des scribes et la grande bourgeoisie d'affaires. Ces trois déterminations essentielles expliquent l'absence d'un système de circulation, entre les classes sociales, et de migration interne, systématisé et normalisé. (Peut-être que cette conjoncture pourrait s'expliquer par 1 equili-
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bre des forces de progrès et des forces de la Restauration, par le mûrissement, la mutation sociale ? De la propriété foncière à la propriété industrielle une solution de continuité doit-elle être préservée ? Le passage, dans le diachronique, expliquerait la dualité dans le synchronique ?) Cette absence de terme médiat, de système de promotion, et de l'économique dans le savoir, et du savoir dans une classe de robe, explique la juxtaposition, dans l'idéologie, de la sensibilité et de la morale sociale. Cette absence de médiation dans le macro-social se reconduit dans le microsocial, dans la vie privée, et en particulier dans les rapports de générations (dans la bourgeoisie) du père et du fils. S'affrontent encore le terme politique et le terme sensible, le sérieux du père et la contestation du fils. Et la relation dialectique et privée de ces deux individualités, répète la relation politique macro-sociale : pour le fils, le père, même si sa situation sociale est subalterne, participe au système social. Et pour le père, le fils conteste l'ordre global en mettant en question son autorité paternelle. Cet antagonisme réifie encore la dualité moralisme-esthétique en juridisme du père et esthétisme du fils. C'est que leur conflit est vécu dans la quotidienneté, conflit de l'autoritarisme et de l'émancipation. Ce n'est plus la dualité de catégories spéculatives, ou réifiées en des œuvres, mais le conflit d'individus, qui se réfèrent à des modèles culturels. L'esthétique se dégrade en esthétisme, la contestation n'est plus que l'émancipation du consommateur. Et la moralité n'est plus que la mauvaise foi d'un pouvoir économique qui s'appuie sur le droit et la force publique. L'histoire de la nouvelle bourgeoisie pourrait se ramener à ce conflit de générations (du romantisme au gauchisme). Mais cela n'est plus notre propos ; nous avons constaté le dernier avatar de l'idéalisme et son intégration dans une quotidienneté qui va se constituer non plus en référence à l'idéalisme (aussi dégradé qu'il soit) mais au capitalisme, à un infrastructural industriel, à de nouvelles forces productives. La bourgeoisie, au niveau de sa culture, va se référer à son fondement et à sa justification historiques (le professeur de philosophie idéaliste et néo-kantien) mais son existence et les nouveaux rapports de classes seront définis par le nouveau champ de production, par une nouvelle production, qui n'aura plus rien de commun avec l'ensemble précapitaliste. Nous indiquerons seulement, et très sommairement, le principe du nouveau système de médiation et d'intégration. L'implantation du capitalisme concurrentiel et libéral (Second Empire) suscite un nouveau fonctionnel. Une promotion sociale sera autorisée, mais comme encadrement de la nouvelle société. Va apparaître un nouveau corps médiateur, nouvelle strate de la classe moyenne, nouveau mode du savoir encore incarné dans une organicité de classe. Ce corps, stabilisateur et régulateur, ordonnateur de la
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migration intérieure et de la hiérarchie sociale, fait débuter la promotion organique directement dans la paysannerie petite et moyenne. Ainsi la base organique qui autorise la promotion sociale, culturelle, libérale est-elle placée au plus bas et ainsi est canalisé l'essentiel de la revendication sociale. L'école laïque obligatoire, primaire, permet la préparation multi-fonctionnelle, de base, des nouveaux métiers du capitalisme. Et l'instituteur est le fils du paysan pauvre (le sacrifice des parents permet à l'enfant d'arriver) ou le cadet de la petite et moyenne paysannerie. A la troisième génération, c'est l'accession aux professions libérales (plus tard encore aux Grandes Ecoles). L'idéologie de ce système de promotion sera le radicalisme. La jonction, et par le savoir, de la paysannerie et du capitalisme, sera faite. L'intégration des deux systèmes de production se fait par cette médiation, qui constituera le référentiel idéologique de la classe moyenne, de la petite et moyenne bourgeoisie. Si le savoir est toujours médiation, et organique, il sera aussi rupture avec le système culturel qui a abouti à l'idéalisme subjectif. La bourgeoisie libérale est maintenant totalement définie par le champ de production capitaliste. La subjectivité est alors totalement aliénée, dénoncée et traquée par l'idéologie bourgeoise.
F . RÉVOLUTION ET RESTAURATION : CONTRADICTION RAISON DIALECTIQUE ET
MÉMOIRE
AFFECTIVE
(ROMANTISME
ET
PROLÉTARIAT).
LA
SEULE
THÉORIE RÉVOLUTIONNAIRE : LIQUIDATION DU SUBJECTIVISME ESTHÉTISANT, MODÈLE DE CONSOMMATION DE LA PRODUCTION CAPITALISTE, PAR LA DICTATURE DU PROLÉTARIAT
En système capitaliste, l'opposition à cette idéologie bourgeoise sera double : interne et externe à la classe sociale. Par le marxisme, le prolétariat accède à la conscience de classe. La volonté générale prend son contenu. La force productive est à la fois production matérielle et savoir, théorie. L'identité des deux termes permet d'accéder à l'universel concret. Le marxisme est savoir (théorie), classe sociale, force productive. Lui seul peut dépasser l'entendement, la bourgeoisie, la production agraire et de la libre entreprise. Il est dépassement de l'entendement et de son accomplissement (l'idéalisme subjectif). Il est dépassement de la bourgeoisie dans la société sans classes. Le marxisme est la rencontre d'un processus de centralisation et d'étatisation de la production et de la dictature du prolétariat. La chance du marxisme (chance qui n'est que nécessité historique) est de pouvoir profiter d'un appareil d'Etat centralisateur qui autorise la dictature du prolétariat.
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Le marxisme est ratification de la logique de la production (et matérielle et idéologique). Il est constat de l'irréversibilité du processus, refus de la fixation à une figure idéologique antérieure, refus de la nostalgie de la mère. Et cette œuvre ne peut être accomplie que par la volonté générale : dirigisme centralisé mais démocratique, pouvoir d'Etat (mais appareil d'Etat populaire), dittature du prolétariat (mais pour le dépérissement de l'Etat). Alors que la Restauration politique et esthétique se fixe à un moment antérieur, régresse jusqu'à l'étymologie, l'absolu du commencement et souhaite répéter, retrouver, soit dans le concret, soit dans le symbole, au contraire la raison dialectique assume la totalité des moments dans leur finalité. C'est cette fin qui doit se garantir par la raison, d'Etat, du prolétariat. L'esthétique est donc opposition interne, à l'idéologie du pouvoir capitaliste, mais aussi à la raison dialectique. Elle est la mémoire de cette raison dialectique, mémoire affective, nostalgique. Et les définitions proposées au niveau de la Renaissance se reconduisent. Si l'esthétique a son sérieux, comme catharsis, consommation, mais de symboles, l'esthétisme s'en sert comme modèle culturel de consommation. La nouvelle production de biens de consommation utilise le formalisme de l'esthétique comme modèle de consommation. (Le libertinage au 18e siècle et la culture des mass media en sont deux exemples.) Mais après la conceptualisation du sujet transcendantal, l'individualisme petit-bourgeois, le subjectivisme, dispose d'une nouvelle habilitation et d'ordre épistémologique : c'est un Moi universel, transcendantal, qui est exprimé, éprouvé et connu, par l'esthétique. L'universalité du sujet peut être actualisée par l'esthétique, et l'artiste qui a ce pouvoir est le dernier dépositaire de l'absolu, et ainsi dispose d'un statut de classe privilégié. Alors que politiquement il n'est rien, l'artiste est ce qui peut se faire de mieux. La poésie, qui sera authentique comme idéalisme réactionnaire, et posé comme tel (le courant Chateaubriand, Baudelaire, Mallarmé) se fait poésie maudite, témoignage d'un savoir inaccessible au prosaïsme de la quotidienneté. Mais l'artiste, qui, répétons-le, a le droit de poser le sujet transcendantal, ne peut plus savoir qu'il n'est qu'un acquis historique et que l'expérience poétique n'est qu'expérimentation du superstructural antérieur. Et la poésie maudite, lorsqu'elle est expérience poétique limite, ne fait que retrouver le moment du commencement de la culture, le mythe, l'étymologie ontologique et macro-sociale. Et ces retrouvailles, du commencement de la subjectivité, lorsqu'elles ne sont pas rhétoriques, formelles, culturelles, engagent totalement la personne et entraînent la totale rupture avec le politique. Tel sera le statut de l'esthétique : effective régression ontologique, dans le macro-social, de par le pouvoir autorisé par le savoir, poésie, message de l'absolu, ou bien modèle de consommation qui habille du formalisme la
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nouvelle consommation autorisée par le capitalisme. (Et l'esthétisme ne craint pas de se proclamer poésie maudite ; celle-ci est alibi de l'esthétisme.) Donc, si l'esthétique est la mémoire affective de la raison dialectique, les deux termes sont en raison inverse. Et en tant que conduites radicalisées, exemplaires de tout comportement, comme dualité de la réaction et de la Révolution, dualité pour la conscience, pour la culture, pour l'intelligentsia. Et précisons que la culture bourgeoise amalgame aussitôt les deux termes, comme consommation culturelle, opportunisme du comportement privé et public. Ou bien elle juxtapose les deux termes, comme pathétique problématique de l'individualisme petit-bourgeois, ce qui est encore un modèle de participation. La matérialisme dialectique, au niveau des conditions subjectives de la Révolution, doit donc lutter contre cette double stratégie réactionnaire qu'est l'esthétique et l'esthétisme. Et il ne saurait y avoir, par définition, de solution subjectiviste, volontariste, idéaliste, à ce conflit. Nul ne renonce volontairement à la consommation et encore moins à sa nostalgie. La contradiction ne peut être tranchée que par le terme extérieur à la contradiction bourgeoise. C'est la dictature du prolétariat, la justification de la violence révolutionnaire.
III. LA DUALITÉ CONSTITUTIVE DU SUJET (CONSCIENCE ET SUBCONSCIENT) SE POLITISE DÉFINITIVEMENT EN DUALITÉ DE LA RAISON DIALECTIQUE ET DE L'ESTHÉTIQUEESTHÉTISME (SENSIBILITÉ BOURGEOISE). LA PROBLÉMATIQ U E DU SUJET EST ALORS ACCOMPLISSEMENT HISTORIQUE : LA DUALITÉ DES CONDUITES SUBJECTIVES EST CELLE DU PASSÉ ET DE L'AVENIR 1 0 Les conduites limites autorisées dans le macro-social, dans le superstructural, dans le système (la nation), médiateur entre la production agraire et la production capitaliste, sont donc systématisables en une dualité de conduites. Deux modèles de conduites vont s'opposer. L'un est rétrospectif, l'autre prospectif. L'un est l'accomplissement d'un champ de production, l'autre le commencement d'un autre champ de production. Ces deux modèles ne sont pas des formes figées ; ils sont opérationnels, et 10. Nous rejoignons maintenant, mais au niveau des déterminations historiques, la problématique kantienne et néo-kantienne posée dans l'introduction au niveau du discours constitué et formalisé. La boucle est bouclée : le procès de production du sujet de la connaissance est accompli.
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précisent chacun une double opération. L'un indique la double opération, d'accomplissement et de réminiscence, dans le champ de production primaire, élémentaire. L'accomplissement est le sujet transcendantal ; par l'esthétique, celui-ci peut évoquer et restaurer l'étymologie (le mythe) et par l'esthétisme l'individualisme petit-bourgeois peut restaurer la consommation naturaliste. L'autre conduite est aussi double opération. D'abord de dénonciation et de liquidation du subjectivisme esthétisant, par la logique de la production, la science de l'infrastructure enfin dite dans un discours cohérent (Le Capital). La raison dialectique est alors rupture radicale avec le superstructural passé et dénonciation de sa restauration par le symbole. La deuxième opération consiste à promouvoir la nécessité infrastructurale en idéologie superstructurale. Cette promotion de la raison et de la science, cette institutionnalisation de la raison est œuvre politique. Comment définir la ligne juste (entre l'Internationale ouvrière et les particularités historiques d'un pays, entre la stratégie et la théorie, entre les pays «en voie de développement» et les pays «en voie d'automation») ? Tel est son problème. Cette dualité des conduites proposées dans le champ macro-social, dualité qui rend compte du passage d'un champ de production à un autre, d'un ensemble infrastructure-superstructure à un autre ensemble, est la dualité des conduites du sujet lorsque celui-ci accède à la maturité, dans notre actuel champ de production. La problématique du sujet est alors l'accomplissement de sa génétique. Cette dualité, dès le principe, préside au développement du sujet, dualité conscience-subconscient, que l'émotion actualise. Alors le sujet a le choix, dispose, par son savoir, de la liberté. Il agit selon son savoir du temps, soit en participant aux conduites de maturité, d'élaboration du prospectif, soit en recréant le passé, selon une restauration rétrospective. A tout moment de sa génétique, le sujet est sollicité par cette dualité, qui lui est constitutive, dualité nature-culture. Le sujet est pure historicité. Et le dernier moment de sa génétique, la maturité, est l'élargissement définitif de son champ subjectif en champ social. En effet, la dualité des conduites, toujours dualité de par un décalage historique, conflit de moments, est proposée par le macro-social, comme dualité systématisée, totalitaire, définitive. La problématique du sujet est devenue totalement politique, comme choix entre le passé et l'avenir de la société. La dualité est toujours historique, mais alors que dans l'antériorité du sujet cette dualité historique est proposée par la substance même du sujet, par son organicité, maintenant, à la maturité du sujet, la dualité est proposée par l'organicité de classe, car elle est la résultante d'un champ de production, des forces productives et des rapports de production. Si le sujet choisit encore selon un décalage historique, une fixa-
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tion et une mucation, ce sont celles de l'histoire, des transformations de l'organicité de classe, selon des besoins organiques définis par les forces productives et les rapports de classes. Aussi la dualité constitutive du sujet, entre la conscience et le subconscient s'objective définitivement. Lorsque le sujet choisira la conduite rétrospective, le retour progressif à l'étymologie, à l'organique, au corps premier, ce sera par une conduite d'ordre macro-social, par un référentiel institutionnel, par la réification et la fixation spatiale de l'antériorité dans les marginalités de la cité, par tout un système de relais, de signes. Le subconscient du sujet est objectivé dans des spatio-temporalités de la cité. Et si nous sommes d'accord avec la psychanalyse, pour ce qui est de la démarche rétrospective dans l'organicité, nous devons compléter cette démarche de son objectivation politique, institutionnelle. L'esthétique et l'esthétisme sont formes et sémiologies intégrées dans le fonctionnel, le relationnel, les spatio-temporalités du macro-social. Quand le sujet choisit le rétrospectif, à tous ses niveaux, de son propre corps, c'est en se référant à l'objectivation par le synchronique du macro-social Le sujet ne peut échapper à l'objectivation sociale puisqu'il ne peut retrouver son corps premier que par la culture élaborée : esthétique et esthétisme. Le subconscient s'actualise de par une sollicitation-provocation du relationnel. C'est par l'affrontement à l'altérité que le même souhaite se retrouver. Et il ne se retrouve que par la médiation d'une subtile sémiologie ou d'un institutionnel consacré. Le sujet est liberté, car son choix est politique. L'organique ne représente pas l'opacité quasi irréductible du subconscient freudien (irréductible, car fondé dans le germen, la libido, l'instinct). La dualité du sujet est l'affrontement de deux substances devenues, de deux résultantes superstructurées, axiomatisées, axiologisées. Son choix n'est plus entre la chair et le savoir, la nature et la culture, la sensation et la représentation. Il est entre deux modes d'être cultivé, entre une culture qui permet de retrouver une organicité doublement perdue, et par le sujet et par le macro-social, et une culture qui permet de participer à la rationalité instaurée par la centralisation industrielle en pays socialiste. Le choix n'est pas entre l'individu et la société, mais entre deux modes d'expression habilités, créés, institutionnalisés par la société. Le choix n'est pas entre l'organique et le savoir, parce que l'organique est devenu savoir. Le choix n'est pas entre l'existentiel et l'institutionnel, parce que l'institutionnel crée l'existentiel. 11. La génétique du sujet s'objective en fin de parcours selon l'antinomie macrosociale : c'est la synthèse des deux démarches étudiées (du sujet et du macro-social). La psychanalyse doit donc être dépassée : la contradiction intime est, en dernière instance, d'ordre politique.
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Mais ces deux conduites possibles ne sont actualisables que par l'émotion. Celle-ci exige une adaptation immédiate du sujet au terme nouveau et imprévisible qui lui est proposé par une sollicitation extérieure. Et alors, pour se récupérer, il est condamné à ces comportements limites, de retrospection ou de prospection. Ou bien il nie la réalité nouvelle qui lui est proposée ou bien il l'assume. Ou bien il consent à la désubstantialisation ou bien il cherche à reconstituer la substance. Et entre ces deux conduites limites se situe la quotidienneté constituée par le capitalisme. Les spatio-temporalités qui rythment la quotidienneté sont le lieu d'enlisement du sujet. Et de deux manières : en récupérant le sujet, après l'impact, ou en empêchant cet impact. Alors les conduites modérées, centre-gauche, endorment le sujet, dans le refus et de l'esthétique et de la Révolution, qui n'est que le consentement aux normes que le capitalisme impose au relationnel, au fonctionnel, au temps. Et si le conformisme de la quotidienneté, en son principe, pouvait avoir une âme, la quotidienneté en régime capitaliste n'est plus qu'un mécanisme, la manipulation des objets selon la hiérarchie définie par les nécessités de production du capitalisme.
CONCLUSION
I. LA RÉDUCTION D E L'ÊTRE PAR LE CODE SE FAIT PAR LA LUTTE DES CLASSES " Nous avons défini la double racine de l'ontologie : dans le collectif et dans l'individu, dans le macro-social et chez le sujet. L'être est l'enracinement, le commencement, l'étymologie (comme plus grande participation à la nature et moindre politisation). Mais l'être est, dès le principe, en proie au devenir. Celui-ci, orienté par le politique, réduit l'ontologie. Dans cette dualité de l'être et du devenir, l'être est la pesanteur qui s'oppose à la dynamique du politique. L'être se manifeste dans le devenir, par la fixation à l'étymologie (au commencement), puis par la fixation à chaque stade de la génétique (et du corps social et du corps individual), c'est-à-dire par la constante nostalgie de l'antériorité. L'être sera, au moment du devenir qui autorise sa plus grande réduction, restaurable encore dans la relation du macro-social et du sujet. Le passé du corps (le subconscient du sujet) s'actualise par la fixation dans le synchronique macro-social. Donc, si l'être est, comme étymologie, s'il se restaure, encore, dans le devenir, il doit se soumettre à la progressive réduction par le politique. La relation de l'être et du devenir est donc le mouvement inverse de réduction ontologique et de codification par le politique. Cette définition formelle, spéculative, de l'être et du devenir, n'est autorisée que par la logique de la production, comme délimitation d'un champ de production homogène. Le commencement de ce champ de production est l'ontologie, comme infrastructure productive, relation la plus élémentaire de la culture et de la nature. La fin de ce champ de production est le code, comme superstructure produite, aussi, relation la plus élaborée de la culture et de la nature. L'homogénéisation du champ de production témoigne d'une multiplicité d'opérations. Nous voudrions, pour finir, reprendre les réductions essentielles de l'être par le code selon la nécessité politique. C'est qu'en effet, le passage de l'être au code ne peut être intelligible que par la lutte des classes. Celle-ci a été le principe constitutif, explicatif, de l'homogénéité du champ de production et de ses mutations internes. Du commencement de ce champ de production, par la participation maximale à l'être (naturalisme et mythe) par l'implantation infrastructurale, à son achèvement, par un système opérationnel totalement intériorisé, dualité entre deux modèles de conduites, champ de conscience, axiologisation définitive du super12. L'histoire des classes sociales est l'histoire de l'être et du savoir en tant que rapports de classes.
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Conclusion
structural, c'est la lutte des classes qui propose et la continuité et le mode des mutations. Ce sont les rapports de classes qui expliquent le passage de la production élémentaire, matérielle, à la production idéelle, opérationnelle, qu'est l'idéalisme objectif, puis au sujet transcendantal. Alors l'ontologie est totalement réduite par le code et celui-ci est totalement intériorisé. La relation être-devenir est la conscience bourgeoise, comme dualité irréductible du passé et de l'avenir, conscience du temps, contradiction de la raison dialectique et de l'esthétique-esthétisme. Tout un parcours historique est à son résultat. Il y a trois moments essentiels de la réduction de l'être par le code : l'instauration d'une causalité économique qui sera constitutive d'un champ de production homogène (c'est la mise en place du système féodal), puis la partielle autonomie du superstructural (la bourgeoisie de robe), d'un code qui crée l'existentiel, enfin l'insertion de la subjectivité dans les conduites définies par l'entendement (le superstructural). Dans le premier moment, le code coupe le corps social du paganisme : par la production agraire le nomadisme est fixé ; par le servage, le paganisme est réduit à la revendication naturaliste. Et par cette même production agraire, le vilain constitue le réseau parallèle, de circulation du grain, qui sera son émancipation, la constitution de la ville. Le producteur s'émancipe de son antériorité, de pur consommateur, de participation immanente à la nature, et de la tutelle du seigneur. Il dépasse donc l'apport ontologique à deux moments : comme producteur de biens de consommation (dépassement du paganisme) et comme producteur de son émancipation (dépassement du servage). Sur le plan superstructural, le mythe contrôle et ordonne la participation à la nature. C'est que la politique dynastique du regroupement des terres réduit la consommation sexuelle à l'amour courtois. Ainsi, dans le principe, le code juxtapose nature et culture, production et pouvoir politique. Au naturalisme, qui continue le paganisme, s'oppose l'institutionnel chevaleresque, l'accession à la toute-puissance politique au prix du renoncement au désir. Dans un second moment, le code réalise la première approche de la raison par la sensibilité : c'est l'accession à l'entendement. Synthèse, donc, des contradictions que sont le christianisme et le paganisme, l'esprit et la chair. Et synthèse aussi du savoir, de l'intellect, et de l'organicité de classe. Et l'entendement contient sa propre progression, du dégagement de l'organique, par le romanesque, à la connaissance scientifique pour accéder à la conscience politique et révolutionnaire. Dans l'entendement, raison et sensibilité ont un rapport inverse, selon la hiérarchie des catégories : romanesque, science, politique.
Conclusion
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Ces deux grands moments de la réduction ontologique et de la codification ne sont que les manifestations des rapports de classes. Et c'est cette dialectique qui donne leur continuité à ces deux grands moments. La bourgeoisie de robe est le lieu d'intégration d'abord des classes sociales étymologiquement définies par la contradiction (nobles et serfs) puis des strates de classe représentatives de la nouvelle praxis. Cette rencontre se fait lorsque la noblesse d epée a perdu de son pouvoir politique et lorsque la bourgeoisie a acquis le pouvoir de l'argent. Mais le parcours de cette bourgeoisie a déjà été une longue mutation. Le corporatisme en est le terme médiateur. La mobilité sociale, la migration interne, le système de la parenté (filiation et mariage) manifestent dans le corps social cette mutation, selon la logique de la production. Si le corporatisme peut s'implanter, comme collectif urbain (apogée communale), c'est que le progrès de la production, le circuit parallèle de la marchandise rurale, l'émancipation du serf ont autorisé l'approvisionnement et en biens de consommation et en hommes. Le système d'échanges est circulation et des produits et des hommes, sens de la mutation de la production. Ensuite, si la bourgeoisie peut acheter les charges, accéder à la bourgeoisie de robe, c'est comme profit, exploitation, par le commerce, des apports techniques, géographiques, économiques, de la praxis globale. L'argent achète la culture, la crée, par le métier qu'est l'exercice de l'intellect. La logique de la production est encore celle de la mutation du corps social, du passage de la bourgeoisie d'argent à la bourgeoisie de robe. Et c'est seulement à ce moment, après cette longue autoculture, transmutation interne (passage, par le relais du corporatisme, du naturalisme aux services et fonctions de la nation) que la reconnaissance est possible, entre la classe sociale qui a fixé et cumulé tous les moments du devenir et la classe sociale qui est restée fixée à l'étymologie. Par la médiation de la culture, une forme retrouve un contenu : argent et titre nobiliaire se marient. Et ce sont encore les rapports de classes qui proposent une hiérarchisation des conduites de maturité du sujet. Le degré de réduction de l'être par le code indique le niveau d'insertion, de participation, d'expression du sujet dans le corps social. Mais avant d'accéder à ces conduites de maturité, nous avons vu que le sujet ne peut accéder aux fonctions dites naturelles, que par la médiation du politique (au niveau de la culture familiale). Ce n'est que par les formes à priori de la corporéité, par les strates génétiques préétablies, que le sujet peut acquérir le fonctionnement du corps, passer au stade opérationnel sur la nature, se dégager de la passivité, acquérir le pouvoir d'actualisation d'un acquis «naturel» dépassé. Sensation et perception sont les opérations fondamentales qui permettent de se dégager de l'immanence ontologique, puis de pratiquer cette ontologie, selon la distanciation que le corps a pu
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Conclusion
acquérir entre lui et l'organique, entre son commencement et le devenir, et qui est la subjectivité. Et l'émotion n'est autre que le pouvoir du corps, lorsqu'il a pu atteindre les fonctions élémentaires (grâce à l'éducation) de retrouver cette ontologie, soit totalement, soit partiellement. Le sujet restaure l'état éprouvé au moment de l'immanence à la nature qui est l'organicoaffectif, puis le sensori-moteur. Mais cette opération de restauration est déjà décision politique. C'est par une confrontation à une sollicitation politique que le sujet prend la décision, politique, de la repousser ou de l'assumer. Et c'est parce que, effectivement, le sujet peut, politiquement, par cette restauration, profiter d'un pouvoir de classe, qu'il se retourne vers la nature, c'està-dire vers son antériorité. Et s'il s'abandonne à l'ontologie, c'est que des conduites politisées porteront, par la formalisation, ce subjectivisme. L'accession du sujet à la maturité, c'est-à-dire aux conduites de l'entendement, est la référence à des à priori politiques, à des conduites constituées par les rapports de classes. La relation intime du sujet, la confrontation entre l'étymologie et le devenir (qui est la subjectivité) est maintenant proposée par des conduites objectives, collectives. L'axiomatique de ces conduites est celle des conduites d'intégration, de participation, de la bourgeoisie de robe, comme possibilités du dosage sensibilité-raison, comme possibilités du dosage intellect-organicité (de classe). Et l'axiologie, de ces conduites, est celle des solutions successives à la contradiction du savoir et de l'organique : critique de l'organique par l'accession au romanesque, puis critique du romanesque et passage à l'investigation scientifique, enfin par la conscience de classe, analyse et détermination politique. Dans les conduites possibles, le sens du progrès social indique le sens du progrès des conduites du sujet. La dernière réduction de l'être par le code est le passage de l'entendement au sujet transcendantal. Le pluralisme des conduites autorisées par l'entendement s'unifie en un sujet transcendantal. Et la réduction est telle qu'elle peut se proposer comme extérieure à tout le parcours historique, à toutes les successives réductions de l'ontologie par le code : c'est l'idéalisme. Alors la codification est un opérationnel idéel qui peut se détacher de la causalité historique ; l'accomplissement d'un champ de production ne doit conserver aucune fixation à l'ontologie s'il veut témoigner d'un dépassement de ce champ de production. (Alors il peut assurer une continuité, du champ de production agraire corporatif, précapitaliste, au nouveau champ de production capitaliste, de la constitution de la nation à l'affrontement des nations dans le capitalisme concurrentiel et libéral.) Cette réduction maximale, la définition du sujet en dehors de tout empirisme et historicité, sera opérationnelle, effectivement, mais selon les nouveaux rapports de classes. L'historicité est reprise, une dualité de conduites réduit
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la subjectivité au pur devenir, car dualité du rétrospectif, de la reconstitution ontologique (par l'esthétique et l'esthétisme) et du prospectif, de la rationalité dialectique. La maturité du sujet est alors au niveau de la plus forte intériorisation (la subjectivité) la dualité entre le passé et l'avenir, la réaction ou la révolution.
II. CONCLUSIONS ÉPISTÉMOLOGIQUES. LE PROCÈS DE PRODUCTION EST : — PRODUCTION ET EPISTEMOLOGIE — DISTRIBUTION DE LA RELATION DIALECTIQUE ÊTRECODE DANS LA SYSTÉMATIQUE D'UN CHAMP DE PRODUCTION LE PROCÈS DE PRODUCTION EST LE NOUMÈNE ; L'ÊTRE ET LE CODE SONT LA DUALITÉ DU PHÉNOMÈNE Nous voudrions terminer par des conclusions épistémologiques. Nous avons défini un matérialisme dialectique non néo-kantien. Le même procès de production se renconduit sur trois plans : production économique des biens de consommation, production des rapports de classes, production du champ de conscience. Le même se différencie en des secteurs différents. Est ainsi résolu un problème fondamental de la connaissance : comment la réalité peut être connue par l'intellect, comment la pensée peut connaître l'organique ? C'est le même procès de production qui produit la réalité et la représentation de cette réalité. Le champ de conscience est aussi le champ de production économique ; l'opération de production, économique, est la même que la production de la conscience. Aussi le champ de production qui s'accomplit dans la réalité peut se reconstituer par le discours. Le champ de conscience étant soumis au même procès de production que la production économique et sociale, ce sont les mêmes lois qui sont constitutives et de la conscience et de la réalité sociale. Aussi, lorsque la conscience connaît ses lois, lorsqu'elle peut se donner à elle-même comme objet de connaissance (sujet transcendantal), elle peut aussi connaître la loi de l'idéologie, de l'économie, des sociétés humaines (contemporanéité logique de Kant, Hegel, Marx). Le procès de production est donc une production et une épistémologie.
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Mais pour le matérialisme dialectique les deux termes sont immanents. C'est ce qui est l'essentiel du matérialisme dialectique. On ne peut distinguer d'une part une théorie et par ailleurs une pratique. Il faut renvoyer dos à dos toute spéculation méthodologique à propos de la praxis, spéculation parce que non définition de la production réelle et tout empirisme néo-positiviste, qui prétend délivrer un fait social indépendamment des méthodes d'investigation. L'épistémologie s'est produite comme le champ de production. Rappelons ce processus d'immanence. Lorsque, dans le champ de production, l'événement accède à l'institutionnel (selon une dialectique événément-institution), lorsque l'événementiel se soumet à la causalité économique, c'est sur le plan épistémologique, le passage de l'empirisme à la structuration. Et lorsque l'institutionnel se transforme en idéologie, selon un référentiel spiritualiste et idéaliste, c'est sur le plan épistémologique la réification de la structuration en structure, puis la réification en transcendance. Sur le plan épistémologique, la connaissance procède de l'empirisme à la structure, puis de la structure au transcendant. C'est que, dans le champ de production, un événement a pu s'intégrer à l'institutionnel (ou même le constituer), puis participer à la totalité productive, laquelle, en fin de parcours, acquiert une nécessité objective, qui peut se croire au-delà de toute détermination empirique, structurante, historique. Le champ de production historique et économique est délimité par l'événement et le juridique, comme l'épistémologie est délimitée par l'empirisme et l'idéalisme. Et de même que l'institutionnel organise et structure le champ social, la structuration est la cause et l'explication du passage de l'empirisme au transcendant. Ainsi l'immanence de la production économique et épistémologique propose la loi génétique et de la production et de l'épistémologie. Et si l'épistémologie peut être alors étudiée comme telle : empirisme, structure, logique étant les étapes de sa progression, l'épistémologie est aussi constitutive du champ social. Elle est immanente à la génétique de ce champ social. Le savoir est comme discours constitué et comme sens de la production. Le procès de production est donc le système régulateur du champ social et du savoir. Il établit le normatif et le progressif. Ni empirique, ni logique, il est le passage de l'empirisme à la logique. Ni contingent, ni nécessaire, il est le processus d'accession à la nécessité à partir de la contingence. Et c'est comme procès de production que la démarche historique accède à l'universel. Une autre conclusion est celle de la justification épistémologique du concept champ de production, comme ensemble, homogène, dont la loi génétique spécifique est définie par le procès de production. La variable de ce champ de production est la relation dialectique de l'être et du code. Le champ de production est la systématique des variations possibles de la relation être-code
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d'après la logique de la production économique. Ce champ de production est donc doublement logique : comme logique de la production économique qui définit la systématique de la relation être-code. La causalité économique décide de la génétique de ce champ de production, de son commencement, de son parcours, de sa fin, selon les déterminations de l'être et du code. Le champ de production crée sa propre loi génétique. Le commencement est dans la réduction de l'empirie par la causalité économique. Les données empiriques sont reprises et prennent un sens selon la logique de la production : c'est l'ensemble qui décide des parties et quelle que soit l'importance de ses éléments antérieurement à la participation à l'ensemble, une fois que les parties sont incluses dans l'ensemble, elles signifient selon cet ensemble. Le champ de production est donc d'abord homogène par cette intégration des parties en une totalité qui s'ordonne selon ime logique de la production. Ces parties peuvent être empiriques, comme données partielles, qui témoignent d'une stratification historique, d'une infrastructure ou d'une superstructure historiquement apparues. Mais lorsque ces données disparates se confrontent en un lieu homogène, structurant, elles s'ordonnent indépendamment de leur signification étymologique, selon le procès de production. Dans le champ de production défini par la causalité économique, ce sont les mêmes apports que dans l'antériorité empirique qui se structurent. Nous avons vu que la dynamique globale propose, dans le désordre, la totalité des éléments que la structure ordonne selon la causalité économique. Nous avons vu aussi que christianisme-paganisme, infrastructure-superstructure, espritmatière, idée-instinct, sont à la fois dans l'empirique et le structuré, dans la causalité événementielle et dans la causalité économique. La causalité économique n'a donc pas, au niveau de notre étude (de la logique du champ de production), pouvoir de création, de génétique ex nihilo du superstructural. Nous avons vu, en particulier, que le mode de production ne créait pas la forme politique qui exprimait la progression de l'exploitation agraire. Mais ce que crée la logique de la production, c'est la variable qu'est la relation être-code. La causalité économique est le pouvoir de distribution de la relation être-code. La causalité économique définit une structure et dans cette structure une variable. C'est en ce sens qu'il faut comprendre la causalité économique : production de l'être et du code, de l'organique et de l'idée, non pas comme création ex nihilo, mais comme répartition de l'importance des termes contraires. Le procès de production permet donc, d'abord, d'établir le lien strutturai entre les données empiriques les plus hétérogènes. Ensuite il produit la systé-
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matique des combinaisons possibles de l'être et du code. A ce deuxième degré, s'il n'y a pas création de l'être et du code, il y a totale création de leurs rapports. Est donc créée la systématique de la variable être-code qui rend compte du commencement, de l'homogénéisation, enfin du dépassement du champ de production précapitaliste. Et c'est une nouvelle conclusion épistémologique (impliquée par la précédente) : le champ de production a créé sa propre logique, sa propre loi, qu'est la systématique de la variable être-code. Les deux termes n'ont donc pas de rapport génétique au sens de création ex nihtlo. Ils sont simultanés, mutuellement impliqués. Et cette relation va de la plus grande opposition à la synthèse, de la conjonction à la disjonction. Mais à l'intérieur d'un sens : celui de la logique de la production. Et la logique de la relation être-code est dans la progressive réduction de l'ontologie par le code, de l'être par le politique. C'est que le champ de production pour s'instaurer a d'abord imposé le primat de la production agraire. Mais cette toute-puissance d'un mode de production autorise le superstructural national, autorise la production de l'homo faber (artisanat). Alors un autre mode de production, de circulation de la marchandise, d'extension du commerce est possible. La structuration de la nation permet de participer à la praxis mondiale (grand commerce international) et de l'intégrer par la structuration acquise. Déjà la marchandise, comme valeur d'échange, s'est définitivement éloignée de la marchandise valeur d'usage, de l'autarcie domaniale. Les fonctions bourgeoises (de culture, de production, de commercialisation) et l'idéologie bourgeoise tiennent en échec la production première, élémentaire et son idéologie. Mais la nouvelle production capitaliste dépassera cette dualité : noblessebourgeoisie d'avant la Révolution française. Et c'est par la structuration acquise grâce à cette noblesse et à cette bourgeoisie, que le capitalisme national peut se développer. (Comme c'était par la structuration de la noblesse que la bourgeoisie précapitaliste s'était développée.) La valeur d'échange que constitue le capital quitte définitivement le système productif précapitaliste. A ce résumé de la logique de la production économique, de la mutation du productif, on peut faire correspondre un résumé des mutations de la variable être-code. Celle-ci doit assurer le passage de la dualité noble-serf au primat du bourgeois, de l'individualité bourgeoise. Le sujet transcendantal est identité de lepistémologie et du statut de classe, lieu de passage d'un champ de production à un autre, accomplissement et commencement. Ce parcours est réduction de l'être par le politique. Il est exhaustif, car totale réduction de l'ontologie par le politique, par le code, et totale décision,
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par ce code, de la restauration de l'être ou du consentement à la raison dialectique. Dans le principe, la codification ne peut atteindre l'être, la transcendance se juxtapose à l'immanence, car le christianisme ne peut réduire le paganisme, car la superstructure ne peut contenir la production. Au contraire, ce qui fait la fin du parcours, c'est par la progressive réduction de l'être, par le code, le passage de la substance (l'organique, le productif) au sujet (le transcendantal). Le sujet transcendantal est existant et savoir, sujet et objet, immanent et transcendant, acquisition épistémologique et statut de classe. Un universel est atteint, par le singulier, objectivation de la praxis, acquisition historique, qui peut se donner comme chose en soi. Cette accession à la personne bourgeoise est accomplissement du champ productif, comme code à priori du comportement, de la dualité du comportement, en système capitaliste. (Et nous avons vu de Rousseau à Kant, puis de Kant à l'idéalisme subjectif la constitution de ce code.) Ainsi, au niveau de la conscience bourgeoise, le code, devenu subjectivité, intériorité, consacre une irréversible réduction de l'ontologie. L'être n'est plus que conduite de restauration (esthétique-esthétisme) qui s'oppose à la raison dialectique. Résumons aussi les grands moments de ce passage de l'être au code, comme opérations logiques. La première de ces opérations est la synthèse (au niveau de la bourgeoisie de robe) de l'être et du code étymologique. Cette conjonction des termes antagonistes est la reconnaissance et l'intégration, dans une autre entité, des mutations apparues dans les termes originels. Cette opération va autoriser la deuxième opération, de disjonction, de dénonciation réciproque des contradictoires, car alors il n'y a plus de commun rapport entre le devenu (l'entendement) et les fixations originelles (Rousseau). Alors peut être accepté l'avenir, peut être consenti le passage à un autre champ culturel. Table rase est faite de toutes les fixations, de tous les niveaux de l'ontologie, et c'est cette opération qui est l'idéalisme objectif, puis le sujet transcendantal, qui, au-delà des réifications et aliénations subjectivistes, débouche sur la codification radicale, la politisation définitive de tout comportement en dualité de conduites rétrospectives ou prospectives, esthétique-esthétisme ou raison dialectique. La théorie d'un ensemble précapitaliste est très différente de l'historicisme ou de la phénoménologie traditionnelle : c'est la logique de la production, économique, qui crée l'ensemble selon les forces productives et les rapports de production. Aussi avons-nous présenté les données constitutives de l'ensemble d'abord comme des empiries. Aucune n'a été privilégiée. Quelle que soit l'apparente importance, valeur, d'une donnée, nous n'avons pas préjugé de sa significa-
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tion. Méthodologiquement, toutes les données ont été réduites à l'égalitarisme des empiries et seulement conceptualisées par la logique de la production. Ainsi nous n'avons pas posé le problème de l'origine historique, au sens de création, genèse. Nous n'avons pas posé le problème de la valeur de la transcendance, de la révélation chrétienne. Nous n'avons pas soumis le devenir à une donnée privilégiée explicative ou constitutive. Nous n'avons pas porté de jugement de valeur qui aurait orienté l'interprétation. Mais de par la logique de la production, ces données ont pris un sens, selon l'ensemble, et la vocation de chacune s'est subordonnée à cet ensemble. Les données antérieures au champ de production sont passées d'un recensement non interprétatif à la conceptualisation apportée par la logique de la production. Par la théorie d'un ensemble les données empiriques sont devenues des concepts opérationnels. Et la valeur opérationnelle de ces concepts a dû se soumettre à la logique interne, spécifique, du champ de production : ces concepts ne décident pas de l'être et du code mais en sont les modes d'expression. Une logique immanente au devenir ordonne ce devenir. La théorie d'un ensemble répond à des conditions logiques : elle est la systématique de la relation production-consommation. Et c'est la logique de la production qui produit la mutation de l'être en code. Le cycle de l'échange, de la distribution, de la relation passe de l'être au code, c'est-à-dire de la fixation ontologique (qui est un double enracinement : dans le mode de production élémentaire du collectif et dans le mode de consommation élémentaire du corps) à sa négation, par la soumission de la consommation et de la première production à des normes créées par la nouvelle production. Et ces conditions logiques, d'un ensemble, prennent corps de par les données antérieures au champ de production qui s'ordonnent selon la logique de la production. Ainsi ces données antérieures sont doublement réduites : en concepts opérationnels et qui ne prennent de valeur que par rapport à la logique de l'ensemble. La théorie d'un ensemble, lorsqu'elle est l'histoire des rapports de classes, n'est donc ni historicisme ni phénoménologisme. La logique de la production a imposé sa nécessité à toute l'antériorité du champ de production dont nous avons entrepris la théorie. C'est le même, selon cette antériorité et selon l'ensemble : les couples antagonistes (christianisme-paganisme, infrastructure-superstructure, esprit-matière, idée-instinct) ont repris la production antérieure au champ de production étudié. Mais à leur signification selon la continuité chronologique, linéaire, s'est substituée leur signification dans l'ensemble. Notre dernière conclusion, épistémologique, portera sur la relation noumènephénomène, sur l'interprétation néo-kantienne du marxisme, et sur la cor-
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rection que l'on doit apporter au langage kantien, pour l'intégrer dans notre système. C'est le procès de production qui est le Noumène, le principe causal, la chose en soi. Et comme immanence même. Ce procès de production s'objective d'abord par la lutte des classes, manifestation immédiate de la logique de la production La lutte des classes est le lieu unitaire de l'être et du devenir. Ces déterminations de classes, manifestations de la chose en soi, s'ordonnent selon la variable être-code, double face du phénomène. Ainsi nous replaçons le néo-kantisme dans le procès de production, dont Kant lui-même s'était déjà abusivement retiré. Par le Noumène, Kant, nous l'avons vu, hypostasiait l'acquis historique en chose en soi. A juste titre, le sujet transcendantal formalise la critique rousseauiste de l'antériorité. Mais le Noumène, comme chose en soi, absolu, que l'esthétique peut atteindre, bien qu'asymptotiquement, et le phénomène comme seul lieu du savoir scientifique (et relatif) allaient autoriser la double démarche réactionnaire de la culture bourgeoise. Cette ère néo-kantienne (qui est celle de notre culture) se caractérise par la prolifération des recherches empiriques parcellaires ; c'est actuellement la prolifération des sciences humaines selon un néo-positivisme que l'école parisienne dite structuraliste tente de systématiser en un fixisme privé de sens (et pour cause). L'arrivisme universitaire consacre, politiquement, ce savoir néo-kantien. Et un autre mandarinat reconstitue, à sa manière, une oligarchie bourgeoise, par l'esthétique. Tout un statut de classe, à la subtile sémiologie, récompense le poète, l'artiste, le créateur qui, en vertu d'on ne sait quellt grâce, accède à l'absolu et peut faire bénéficier le commun des mortels de cette gloire. (Et au second degré la consommation mondaine s'inspire des modèles proposés par cette élite.) La raison dialectique13 dénonce ce double mandarinat, cette oligarchie bourgeoise. L'empirisme et le positivisme des sciences humaines sont stratégie néocapitaliste : après la crise de 1930, le capitalisme sur le plan idéologique se bat contre le marxisme et sa logique par «l'objectivité» scientiste. Et par l'esthétique-esthétisme, la bourgeoisie rattrape ce qu'elle a perdu de par la rationalité dialectique. La sensibilité rappelle comme un absolu une substance dépassée par la révolution d'Octobre. Science et art bourgeois couvrent ainsi la totalité du champ culturel ; la science, du général, ne délivre qu'un savoir parcellaire, parce que l'art, de la singularité ineffable, accède à l'absolu. 13. L'être nié par le néo-kantisme sera révélé par les deux modes de la raison dialectique. Hegel dira la réalité superstructurale dont le sujet de la connaissance n'est que la résultante. Marx dira la réalité infrastructurale dont toute superstructure n'est que l'expression.
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Aussi, pourquoi la Révolution, pour un marxiste néo-kantien ? Si les rapports de classes ne sont que le lieu du phénomène, du relatif, alors que l'absolu est la singularité, l'individu (par l'accession à l'esthétique), le plus profond bouleversement social ne peut être qu'un réformisme ! Si l'essentiel est ailleurs les rapports de classes sont contingents. Au contraire, si la lutte des classes est la cause de toute chose, la Révolution permet d'accéder à l'universel concret : le relationnel sans transcendance, sans médiation, sans négatif, sans symbole. Alors le relationnel crée l'ontologie, le code crée et la production et la consommation. L'individualisme, qui n'est que le résidu du code, s'efface dans l'universel concret. Telle est, nous semble-t-il, l'alternative : une interprétation néo-kantienne du marxisme, qui ne touche pas au statut de l'individualisme bourgeois, ou bien une conception radicale de la lutte des classes, comme immanence du procès de production à toute détermination humaine.
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Table des matières
Introduction :
D E LA CRITIQUE DE L'EPISTEMOLOGIE BOURGEOISE A LA RAISON DIALECTIQUE
1
I. Critique de l'anthropologie bourgeoise
1
A. Le modèle de l'épistémologie idéaliste : Husserl B. L'application de ce modèle à quelques sciences de l'homme
1 6
II. Le sujet transcendantal selon son procès de production : la théorie de l'ensemble précapitaliste qui produit ce sujet transcendantal
13
A. De la critique du néo-kantisme à la raison dialectique B. Les implications historiques du sujet transcendantal. Du sujet logique à l'histoire C. Les implications historiques dérivées de la critique de l'antinomie husserlienne fondamentale III. L'être et le code d'un ensemble historique complet. Le corps-sujet comme signifieur A. Les implications historiques dérivées de la critique de la modernité néo-kantienne B. L'être de l'ensemble
13 15 19 29 29 35
PREMIÈRE PARTIE LA
Chapitre I :
STRUCTURE
FÉODALE
L E MODÈLE D'ENSEMBLE HISTORIQUE
I. La construction du modèle d'ensemble historique : du logico-formel à la logique historique de la production A. Du concept de modèle au modèle historique ; la fonction de construction du concept comme procès de production de l'en-
55 55
616
Table des matières
semble. L'identification de la relation syntaxe-sémantique et de la relation MD-MH
55
B. Le modèle historique : le mode de production comme expression historique de la logique de la production (la génétique sans historicisme)
59
C. L'ensemble historique selon sa généalogie logique. Critique du structuralisme marxiste : c'est un néo-kantisme
60
II. Les moments logiques de l'ensemble historique. Causalité « structurale » et nécessité de la médiation
66
A. Le commencement de l'ensemble (l'implantation du mode de production) Les règles de formation
66
B. Le parcours de l'ensemble : la mise en relation de la progression économique et de la contradiction superstructurale par le système des médiations (l'Etat)
68
C. Conclusions épistémologiques. Le réalisme logique du modèle d'ensemble historique
80
Chapitre I I
: LA CAUSALITÉ ÉCONOMIQUE DE LA FÉODALITÉ E T LA DUALITÉ DES « ESTATS »
I. La causalité économique de la féodalité
87
87
A. Structure et histoire. La localisation historique par la force productive
87
B. L'histoire de la production
88
II. La dualité des estais : noble et serf
96
A. La structure féodale comme homogénéisation par la causalité économique
96
B. Le statut politique du serf. L'ontologie définie à partir de l'intégration de la causalité événementielle par la causalité économique
96
C. Le lien vassalique comme progressive réduction et formalisation du macro-événementiel par l'économique
102
Table des matières
Chapitre III
: LA NOBLESSE VASSALIQUE
A
COMME PRAXIS LA
MONDANITÉ
DE :
CLASSE. DE
DU
617
LIEN
L'ÉTYMOLOGIE
FÉODALE A LA VIE DE COUR
111
I. Identité de la hiérarchie noble-serf et suzerain-vassal
111
II. La contradiction de l'économique et du chevaleresque
112
III. Conscience de classe : l'honneur comme compromis entre l'économique et le chevaleresque
118
IV. La psyché
120
A. La vie privée (comme réciprocité du lien vassalique et de la nécessité dynastique) exaltée par la vie de cour au moment de la pacification régionale
120
B. La répétition du macro-social comme « existence ». L'infrainstitutionnel : catégories, rôles sociaux, événements
123
C. Synopsis de la psyché. Description « phénoménologique » de la situation limite : les catégories psychosociales qui se constituent en constituant la psyché
126
D. Le mythe et « l'existant »
129
E. Triomphe de la mondanité : la psyché se substitue à l'honneur et la sémiologie de la psyché à la psyché
132
Chapitre I V
: D E LA NOSTALGIE DU PAGANISME AUX NIVEAUX D'ÉMANCIPATION PAR LA PRODUCTION
I. Vilain et paganisme : de la sorcellerie au naturalisme
143
143
A. La sorcellerie comme mémoire du paganisme
143
B. Le naturalisme comme déplacement du serf à la ville
149
II. La production comme production de son système de distribution et de consommation
161
A. La logique de la croissance économique (l'empirie historique est mise entre parenthèses)
161
B. Les classes sociales comme mouvement de population et système de groupes
180
C. Structure et dynamique : bourgeois et altérité. Régulation et expansion
192
618
Table des matières
C h a p i t r e V : D E S CELLULES ORIGINELLES A LA NATION. LA STRUCTURATION COMME PASSAGE DE L'EMPIRIQUE AU NORMATIF
205
I. La nation se constituant. La fixation de la dynamique : dialectique institution-événement. La réduction de l'empirie par l'institutionnel
205
A. La constitution des instances superstructurales
205
B. La crise économique, signe et cause de la mutation d'une économie cellulaire à une économie nationale
224
II. La nation constituée et la praxis mondiale. Vers l'irrésistible antagonisme des sources productives et du système des échanges instauré par la nation (roi et grand commerce)
229
A. La constitution de « l'économie politique » précapitaliste. La nouvelle causalité économique
229
B. La contradiction du sérieux de la production et de la frivolité de la consommation
237
DEUXIÈME PARTIE
LA GÉNÉTIQUE L'ACCESSION A
D U SUJET :
L'ENTENDEMENT
(DU CRI A LA LOGIQUE DES
PROPOSITIONS)
C h a p i t r e I : ISOMORPHISME DE LA SOCIÉTÉ CIVILE E T DE LA CORPORÉITÉ
(SUJET).
LA
FAMILLE
COMME LIEU
D'HOMO-
GÉNÉISATION
263
I. Le corps est un acte de sociabilité
263
A. La relation structure-dynamique : du macro-social à la cellule de base
263
B. Critique de l'alibi conservateur de « nature humaine ». Le champ maximal de la variable
264
II. L'ego et ses trois modes. Le sens de la génétique
269
A. Les formes à priori de la corporéité. Le rythme, premier lien du désir à la jouissance. Immanence de la durée, fonction, relation (substance)
269
B. L'émotion originelle : l'angoisse et le singulier. Les formes à priori comme moyen d'expression de cette émotion
271
Table des matières
619
C. L'affectivité : objectivation de l'émotion sensible dans l'unité de base (groupe élémentaire) du macro-social. La famille : lieu de rencontre de la condescendance politique et de l'ascendance du sujet
273
D. La génétique d'après les trois éléments du moi. Du corps au subconscient
274
III. Continuité des formes à priori de la corporéité et des formes macro-sociales
276
A. L'ascendance de l'organique : la négation du négatif. L'affectivité
276
B. De la cité au couple, et du couple à l'enfant. Le cheminement parallèle du négatif : le subconscient collectif, la féminité, l'émotion
278
IV. Le problème méthodologique que résout le rôle privilégié de la temporalité. Les deux dimensions temporelles : rythme et conduite. Le quadrillage temporel comme conscience du temps et hiérarchie du comportement
282
C h a p i t r e II : LES MOMENTS DU SUJET
289
1. L'acquisition des conduites « naturelles »
289
A. Le premier stade : l'organico-affectif La sensation
289
B. Le deuxième stade : le sensoriel-moteur. La perception
299
II. Le passage des conduites naturelles aux conduites politiques
322
A. Le troisième stade : l'imaginaire. L'image. III. Les conduites politiques
322 344
A. Le langage : message et code
344
B. L'émotion et la logique des propositions
353
C. La sexualité, émotion limite. Le compromis entre la nature et le politique : le code de la cité. La problématique du sensible est reportée dans le macro-social
379'
620
Table des matières
TROISIEME PARTIE
LA LOGIQUE DU SUPERSTRUCTURAL DU MYTHE AU SUJET DE LA CONNAISSANCE C h a p i t r e I : LA CONNEXION DES CONDUITES DU SUJET (DE SA MATURITÉ)
E T DU MACRO-SOCIAL
(DE
LA BOURGEOISIE
DE
ROBE)
389
I. L'identité du système de la parenté de la bourgeoisie de robe (figures existentielles) et du parcours de l'entendement (catégories de la connaissance)
389
A. La bourgeoisie de robe : superstructure au second degré, qui est effet et cause. Le système de la parenté se constitue selon les transformations de la praxis. Il est le lieu privilégié de l'intégration
389
B. La bourgeoisie de robe est synthèse de l'être et du savoir. Les modes de l'entendement sont les figures existentielles de l'intégration
391
C. La même nécessité préside à la logique du superstructural (entendement) et à la phénoménologie de la praxis
393
II. Comment les figures du macro-social définissent les conduites de maturité du sujet
397
C h a p i t r e I I : LA RÉCONCILIATION DES CONTRADICTOIRES OU L'INTÉGRATION PAR LA BOURGEOISIE DE ROBE. L E PARCOURS DE L'ENTENDEMENT
I. Le dépassement de la quotidienneté conformiste II. L'éviction de la noblesse de la praxis globale
404
404 405
A. La reconversion de la noblesse : de l'autonomie locale au service du roi, du suzerain au gouverneur
405
B. Le duel : passage du sérieux de l'honneur au conflit des préséances ; l'individualisme se fait en raison inverse de l'unité de classe
406
C. L'individualisation comme esthétisation : dans le micro-relationnel esthétisme de l'intrigue et dans le macro-relationnel le double jeu (la Fronde). L'individualisme est opportunisme : c'est l'utilisation de l'équilibre des forces et des praxis
407
Table des matières
D. La psychologisation
621
410
E. La dichotomie de la noblesse : esthétisme de l'intrigue et reconversion par l'alliance avec la bourgeoisie de robe
422
III. Les successives intégrations dans la bourgeoisie de robe définissent les modes, catégories, parcours de l'entendement. Le compromis savoir et organique
430
A. Les termes de la première intégration. Le double recrutement des fonctions et services nationaux : la double origine de la bourgeoisie de robe et la double réduction de la nature par la connaissance
430
B. Le langage et la nouvelle praxis. L'attitude reflexive formalise de deux manières la nouvelle organicité
441
C. Vers le rationalisme comme unité de classe. Deuxième et troisième intégrations
447
D. Le cartésianisme n'a atteint qu'un universel de classe. La double critique rationaliste faite au cartésianisme : vers l'éclatement de la bourgeoisie de robe. Cette dualité de la logique de l'esprit (jansénisme) et de l'empirisme de l'esprit scientifique (expérimental) réduit le sérieux de la culture de salon à la frivolité
479
E. Vers la conscience politique et révolutionnaire
497
C h a p i t r e I I I : L E S LIMITES DU POUVOIR D'INTÉGRATION : L'INTÉGRATION TROP EXTENSIVE ( L E LIBERTINAGE) E T L E ΝΟΝINTÉGRABLE. LA CONTRADICTION NE PEUT Ê T R E DÉPASS É E : LA SITUATION EST RÉVOLUTIONNAIRE (CONDITIONS SUBJECTIVES)
510
I. Le pourrissement de l'entendement ou les limites de l'extension superstructurale. La quatrième intégration
510
A. Si la culture de cabinet, réflexive, a pu élaborer le sérieux révolutionnaire, le mondain va corrompre cette conscience politique
510
B. Le libertinage (ou le progrès sans la révolution)
516
II. Le non-intégrable et le non-intégré. La psyché revendiquée contre le libertinage
531
A. La dernière figure de l'intégration de salon : le marivaudage. Son pourrissement comme fin du processus de reconnaissance
531
622
Table des matières
Β. La critique interne : la Vieille France contre l'Ancien Régime. Les foyers d'opposition au libertinage comme lieux et modes de la sentimentalité Chapitre IV :
537
D E L ' E X I S T E N T I E L AU POLITIQUE : D E LA CONTESTATION SENTIMENTALE A LA L U T T E DES CLASSES
I. La répétition du conflit infrastructure-superstructure et le dépassement de ce conflit : par son statut, la petite bourgeoisie (le petit clerc), peut critiquer toute l'antériorité (superstructurale et infrastructurale). Sa situation de classe dans le synchronique répété sa constitution par le diachronique II. Structure et idéalisme
561
561 566
A. La situation limite de la petite bourgeoisie ; le petit clerc déclassé : Rousseau (le citoyen de Genève) Sa situation existentielle répète (dans le paroxysme) la situation de classe ; le périple de la migration intérieure répète la constitution dans le diachronique. (La fixation dans l'espace des significations historiques.)
566
B. La logique de l'œuvre de Rousseau ordonne toute l'antériorité macro-sociale. Son champ de conscience est l'axiomatique et l'axiologie de tout le superstructural du champ de production précapitaliste
569
C. La situation post-révolutionnaire : de l'idéalisme objectif au kantisme. Le sujet transcendantal et la double hypostase morale et esthétique
574
D. L'illusion idéaliste de la culture bourgeoise. La logique de l'histoire, en son résultat, totalement dépolitisée, est l'idéalisme. La totale émancipation de la catégorie économique exclut radicalement, et le petit clerc, et l'entendement. Du kantisme à l'idéalisme subjectif. La double aliénation : moralisme et romantisme
577
E. Le dualisme moralisme et romantisme. (Son exaspération dans le conflit des générations.) Son dépassement par le nouveau système de promotion culturelle
580
F. Révolution et restauration : contradiction raison dialectique et mémoire affective (romantisme et prolétariat). La seule théorie révolutionnaire : liquidation du subjectivisme esthétisant, mo-
Table
des matières
623
déle de consommation de la production capitaliste, par la dictature du prolétariat
582
III. La dualité constitutive du sujet (conscience et subconcient) se politise définitivement en dualité de la raison dialectique et de l'esthétique-esthétisme (sensibilité bourgeoise). La problématique du sujet est alors accomplissement historique : la dualité des conduites subjectives est celle du passé et de l'avenir
584
CONCLUSION
589
I. La réduction de letre par le code se fait par la lutte des classes
589
II. Conclusions épistémologiques. Le procès de production est : — production et épistémologie — distribution de la relation dialectique être-code dans la systématique d'un champ de production. Le procès de production est le noumène ; l'être et le code sont la dualité du phénomène
593
BIBLIOGRAPHIE
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ACHEVE D IMPRIMER L'IMPRIMERIE AUBIN LE 1 5 MAI
SUR LES PRESSES DE 8 6 LIGUGÉ / VIENNE 1972
D . L . 2« trim. 1972. — Impr., 6545.
Imprimé en France